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MUSIQUE PÉDAGOGIE & & La revue FAMEQ à la une volume 27 | numéro 1 | printemps-été 2013 ACTUALITÉS DE LA FAMEQ Nouvelle politique éditoriale de la revue Affiche et signets FAMEQ RÉFLEXIONS L’enseignement des arts dans les programmes d’études RÉCITS DE PRATIQUE Un beau cadeau de l’Orchestre Métropolitain pour l’école Joseph-Charbonneau NOUVELLES DE LA RECHERCHE Les stratégies d’apprentissage : au cœur de la réussite scolaire

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MUSIQUE PÉDAGOGIE

MUSIQUE PÉDAGOGIE

MUSIQUE PÉDAGOGIE&

MUSIQUE PÉDAGOGIE&

L a r e v u e f a m e q à l a u n e volume 27 | numéro 1 | printemps-été 2013

ACTUALITÉS DE LA FAMEQ Nouvelle politique éditoriale de la revue Affiche et signets FAMEQ

RÉFLEXIONS L’enseignement des arts dans les programmes d’études

RÉCITS DE PRATIQUE Un beau cadeau de l’Orchestre Métropolitain pour l’école Joseph-Charbonneau

NOUVELLES DE LA RECHERCHE Les stratégies d’apprentissage : au cœur de la réussite scolaire

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fameq.org | Volume 27 | numéro 1 1

MUSIQUE PÉDAGOGIE

MUSIQUE PÉDAGOGIE

MUSIQUE PÉDAGOGIE&

MUSIQUE PÉDAGOGIE&ÉditeurFédération des Associations de Musiciens Éducateurs du Québec

Éditeur déléguéVincent ValentineEnseignant de musique au primaire à la Commission scolaire de Saint-Hyacinthe.

Coéditrice déléguéeDaniela GiudiceProfesseure de piano et responsable de programme au Cégep St-Laurent.

Coordination, administration et abonnement institutionnelMaryse Forand [email protected]

Comité de lecture• Jean Delobel

Enseignant de musique au primaire à la Commission scolaire de Montréal.

• Marc-André Dubé Enseignant de musique au secondaire à la Commission scolaire Des Découvreurs.

• Johanne Pothier Directrice du Conservatoire de musique de Trois-Rivières.

PhotographesMagalie Dagenais, Zara Pierre-Vaillancourt

Conception, production graphiqueRouelibre communications [email protected]

Musique et pédagogie accepte la soumission de textes et de photos, selon les conditions énoncées sur le site fameq.org

L'éditeur ne peut être tenu responsable des documents perdus. L'éditeur se réserve le droit de refuser les textes soumis, de les corriger et abréger lorsque requis. Les textes publiés engagent leur(s) auteur(s) et ne sont pas nécessairement endossés par la FAMEQ.

Dépôt légal : ISSN 0841 9428

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En couverture : Chorales du primaire du Viens Jouer Avec Nous 2012 au Palais Montcalm pour le Grand Concert FAMEQ.

MOT DE LA PRÉSIDENTE

ACTUALITÉS DE LA FAMEQ

Dossiers en cours

Nouvelle politique éditoriale de la revue

Affiche et signets FAMEQ

Contribuer à la revue Musique et pédagogie

RÉFLEXIONS

L’enseignement des arts dans les programmes d’études

RÉCITS DE PRATIQUE

Donner au suivant ou l’impact imprévisible de l’éducation musicale

Musique et confiance : Une démarche de composition pour l’édition 2011 du concours de chanson de l’Association canadienne pour la santé mentale

Un beau cadeau de l’Orchestre Métropolitain pour l’école Joseph-Charbonneau

NOUVELLES DE LA RECHERCHE

Les stratégies d’apprentissage au cœur de la réussite scolaire

Une brève démystification de l’improvisation musicale

Le partenariat SQRM-FAMEQ pour le prix de vulgarisation scientifique 2013

sommaire

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Musique et pédagogie | fameq.org2 fameq.org | Volume 27 | numéro 1 3

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Projet : Revue FAMEQ, volume 27 numéro 1Format : 8,5 x 11 (fermé) 17 x 11 (ouvert)+ marges perdues : 17 ¼ x 11 ¼ (ouvert)Nombre de couleurs : 4 process

Client : FAMEQPersonne ressource : Maryse Forand, directrice généraleDesign graphique : rouelibre communications design

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B onjour à tous ! C’est avec un immense plaisir que je vous retrouve aujourd’hui dans ce premier numéro d’une nou-velle revue attendue depuis plus d’un an. La FAMEQ a re-

nouvelé son conseil d’administration et s’est dotée d’une structure organisationnelle qui rendra plus efficace la communication avec les membres. Dans cette perspective, nous prévoyons faire paraître la re-vue Musique et pédagogie selon une fréquence de trois fois par an.

Dans le contexte actuel de contraintes budgétaires importantes et de diminution, voire de coupure du financement public, la FAMEQ a décidé, à l’instar de nombreuses autres associations, de publier

la revue par voie électronique. Il a été aussi convenu de réserver la revue à nos membres exclusivement. À cet effet, on attribuera à chacun d’entre vous un code d’accès personnel.

À la suite de l’adoption des nouveaux Statuts et Règlements lors de l’assemblée générale 2012, la FAMEQ a aussi fait disparaître le comi-té exécutif. Maintenant, un conseil d’administration assure la gestion de l’organisme; il est composé de dix représentants des régions. De plus, une directrice générale a été embauchée.

Voici les membres du nouveau conseil d’administration :

mot de la présidenteJuin 2013PA R H É L è N E L A L I b E R t É , Présidente de la FAMEq

La FAMEQ fera des démarches pour intégrer l’ensemble du milieu de l’enseignement de la musique, soit les conservatoires, les profes-seurs en enseignement privé, les enseignants des niveaux collégial et universitaire, les étudiants en plus des enseignants spécialistes des écoles primaires et secondaires, publiques et privées. La promotion de la musique à l’école doit être partagée par tous.

La FAMEQ veut se professionnaliser davantage. Ainsi, nous avons entrepris des démarches pour assainir les finances, pour améliorer la communication avec les membres et les partenaires en renouvelant le site Web. Nous avons l’intention d’explorer plusieurs services à

Mot de laprésidente

anne-marie JettéAdministratrice

Déléguée de l’association Estrie

Enseignante de musique au primaire, commission scolaire des Hauts-Cantons

Johanne PothierAdministratrice

Déléguée de l’association Mauricie-Centre du Québec,

Directrice du Conservatoire de musique de trois-Rivières

Régis RousseauAdministrateur

Délégué de l’association Saguenay-Lac-St-Jean,

Directeur du Conservatoire de musique de Saguenay

maryse forandDirectrice générale

Hélène LalibertéPrésidente

Déléguée de l’association Montérégie

Enseignante de musique au primaire retraitée, commission scolaire Marie-Victorin

Gaétan St-LaurentVice-président

Délégué de l’association Est- du- Québec

Enseignant de musique au primaire, commission scolaire Des Phares

Daniela GiudiceTrésorière

Déléguée de l’association Montréal

Professeure de piano et responsable de programme du département de musique au CEGEP St-Laurent

marc-andré DubéSecrétaire

Délégué de l’association Québec-Chaudière-Appalaches,

Enseignant de musique au secondaire, commission scolaire Des Découvreurs

Dany GermainAdministrateur

Délégué de l’association Abitibi-témiscamingue

Conseiller pédagogique, Service régional du RÉCIt à la FGA, commission scolaire Harricana

PRINCIPALES ORIENTATIONS DE LA FAMEQLa FAMEQ se donne comme objectif de rassembler le plus grand nombre possible de personnes qui croient en l’éducation musicale et qui souhaitent la rendre accessible à tous. Nos énergies seront d’abord consacrées à établir un contact étroit avec toutes les régions du Québec pour bien connaître les besoins du milieu puisque notre force réside dans cette représentativité de l’ensemble du territoire québécois. La Fédération soutiendra chacune des régions dans sa démarche pour former une entité administrative active. Nous plani-fions des rencontres dans chaque région comme celle réalisée avec succès en Mauricie-Centre du Québec dernièrement.

offrir à nos membres à la suite de consultations pour bien connaître les besoins. Maryse Forand, musicienne de formation, coordonnera les différents dossiers : de la représentation ministérielle à l’organisa-tion du congrès. Elle facilitera les liens entre les partenaires actuels et en sollicitera d’autres dans l’avenir. Nous continuerons de piloter certains comités dont celui sur les programmes enrichis.

Nous reprenons en main la revue Musique et pédagogie qui n’a pas été publiée depuis un an. Plusieurs d’entre vous ont manifesté leur inquiétude à ce sujet; ce qui nous laisse croire en l’importance de cet outil de communication. Nous vous la présentons avec grand bon-

heur. Vincent Valentine, enseignant de musique à Saint-Hyacinthe, a accepté le défi de redonner vie à notre revue. Il a rédigé une politique éditoriale qui a été votée par le Conseil d’administration et mis sur pied un comité de lecture. Une collaboration avec la directrice géné-rale permet de recevoir un premier numéro dès aujourd’hui. J’en suis très fière.

Je vous souhaite une belle fin d’année scolaire et un été ensoleillé. bonne lecture !

Votre présidente, Hélène Laliberté

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dossiers en cours dossiers en coursailleurs, l’obligation de réussir les unités de 4e secondaire pour l’obtention du DES est maintenue malgré ces conditions d’une évidente incohérence.

2 L’inscription de l’enseignement des arts dans le temps non-ré-parti : au primaire, les programmes d’art ont été conçus pour être dispensés à raison d’un minimum de 60 minutes par se-maine. Or, le temps d’enseignement est donné à titre indicatif (non prescriptif) dans le régime pédagogique et est inscrit dans le temps non réparti. La décision relative au temps d’enseigne-ment de chaque discipline revient donc au Conseil d’établis-sement de chaque école. Malheureusement, plusieurs écoles choisissent de consacrer moins de 60 minutes par semaine à l’enseignement des arts sur 5 jours. Au secondaire, le cours obligatoire de 50 heures amène plusieurs écoles à délaisser le cours de 100 heures. Les 50 heures ainsi dégagées peuvent être réparties dans d’autres matières.

En novembre 2010, à la demande de la ministre Line beauchamp, les présidences des associations en enseignement des arts (AQEDÉ-danse, AQÉSAP-arts plastiques, AtEQ-théâtre et FAMEQ-musique) ont participé à une table de travail de trois jours menée par madame Catherine Dupont, directrice des programmes. Au cours de ces jour-nées, nous avons présenté la situation, apporté des témoignages et proposé des pistes de solution longuement discutées entre nous. Le compte-rendu de cette table de travail devait mener à la rédaction d’un rapport par madame Dupont, lequel rapport devait être validé par les présidences d’association puis remis à la ministre.

À la suite du changement de gouvernement, nous avons refait une demande de rencontre en janvier 2013 auprès de la nouvelle mi-nistre, Madame Marie Malavoy. Nous croyons que la conjoncture ac-tuelle est plus propice pour formuler nos demandes de modifications au régime pédagogique : 1 Au primaire, inscrire le temps d’enseignement de 2 disciplines

artistiques dans le temps réparti à raison d’au moins 60 minutes par semaine par discipline; assurer la continuité à partir du deu-xième cycle dans la deuxième discipline choisie.

2 Au secondaire, consacrer un temps d’enseignement de 100 heures par année au 2ième cycle et assurer la continuité tout au long du cycle.

Finalement, la rencontre avec madame Malavoy a eu lieu le 31 mai dernier. Les quatre présidences des associations en enseignement des arts (AQÉSAP, AQEDÉ, AtEQ et FAMEQ) y participaient. Nous avons d’abord expliqué clairement la situation de l’enseignement des arts dans nos écoles en regard de l’application du régime pédago-gique et de ses effets néfastes. Madame Malavoy a prêté une oreille attentive et s’est montrée sensible aux problématiques que nous avons présentées. Nous avons ensuite proposé les pistes de solution pour lesquelles nous avions préalablement établi un consensus. Fina-lement, madame Malavoy s’est engagée à donner un suivi à cette rencontre.

Ma ténacité pour maintenir les liens avec les autres associations est récompensée car nous nous retrouvons solidaires pour défendre ensemble le domaine des arts dans le système scolaire québécois. Je garde espoir de convaincre nos dirigeants de la pertinence de la musique à l’école et de les amener à réviser nos conditions d’ensei-gnement afin que nous puissions assurer la qualité de l’enseigne-ment dispensé.

PARTICIPATION AUX JOURNÉES D’ÉTUDES AVEC LES REPRÉSENTANTS DU DOMAINE DES ARTSL’équipe du domaine des arts au MELS accueille trois fois par année, durant 5 jours, les présidents des associations en arts pour les in-former des décisions prises par les fonctionnaires : par exemple, on nous présente les nouveautés en évaluation (tableau de progression, échelles d’évaluation, cadres d’évaluation), on nous présente chaque année un plan d’action relatif aux priorités ministérielles (lutte au décrochage, intimidation) et on nous présente les activités reliées au protocole d’entente entre le MELS et le ministère de la Culture (mois de la culture, prix essor, etc.).

Les échanges actuels portent sur :1 les sessions de formation VIA : ces sessions sont offertes aux

conseillers pédagogiques et aux porteurs de dossiers. Elles ont trait aux programmes réguliers, optionnels et aux projets particuliers en arts. Les contenus abordés durant ces sessions de formation proviennent de questions soulevées par nos membres.

REPRÉSENTATION AUPRèS DU MINISTèRE DE L’ÉDUCATION, DU LOISIR ET DU SPORTLes travaux entourant la réforme de l’éducation dans les années 1990, la refonte des programmes d’études au tournant des années 2000 et la modification du régime pédagogique en 2005 ont été imprégnés, pour ce qui est de l’enseignement des arts, de la volonté d’offrir à tous les élèves un accès aux différents modes d’expression artistiques. Ainsi, dans le Programme de formation de l’école québé-coise, chacune des disciplines artistiques est présentée sur un pied

d’égalité au sein du domaine des arts. Pour décloi-sonner les parcours scolaires, les notions d’in-

terdisciplinarité et de transversalité ont été amalgamées au discours sur l’enseigne-ment des arts. C’est également avec la réforme et dans cet esprit d’unification qu’a été imaginée la grande célébration bisannuelle des 4 Arts qu’on appelait au départ Congrès Art-Fusion.

Or si l’intention initiale d’accessibilité était louable, la manière retenue pour la concréti-

ser a engendré de nombreux effets pervers qui menacent aujourd’hui l’intégrité même de nos disci-

plines artistiques au sein du système éducatif.

Des mesures ont en effet été mises en place pour permettre à l’enfant d’explorer plusieurs disciplines artistiques tout au long de son cheminement scolaire. Or, cette exploration des arts se fait au détriment de la continuité de formation disciplinaire. L’enseignement des disciplines artistiques en discontinuité conduit inévitablement

à un appauvrissement de l’enseignement duquel aucune maîtrise artistique n’est envisageable. C’est la notion même d’art et de forma-tion artistique qui est ici corrompue. Ce que la FAMEQ craignait est maintenant une réalité observable, non seulement dans nos établis-sements primaires et secondaires, mais également au collégial. Dans quelques années, l’onde de choc dévastatrice de la réforme frappera les universités.

En encourageant l’élève à papillonner d’une discipline à l’autre, le MELS perpétue l’idée que les arts sont des passe-temps agréables et spontanément accessibles. La représentation symbolique de l’élève ici véhiculée est celle d’un dilettante repoussant toute perspective d’une formation disciplinaire rigoureuse. Les notions d’engagement et de persévérance, par ailleurs martelées à tout vent par le MELS depuis quelques années, sont curieusement absentes du discours sur l’enseignement artistique.

Après 3 ans d’échanges formels et informels avec les autres associa-tions artistiques, la FAMEQ est parvenue à rallier un consensus sur l’idée que l’idéologie de l’exploration nuit à la qualité de la formation artistique, toute discipline confondue. Nous avons identifié deux pro-blèmes majeurs reliés à l’application du Régime pédagogique : 1 La discontinuité de l’enseignement : au primaire, une discipline

sur deux doit être enseignée en continuité, le plus souvent l’art plastique, lequel est habituellement confié aux généralistes par les commissions scolaires. Pour ce qui est de la deuxième disci-pline, chaque école a le loisir de choisir parmi les trois autres arts – et ce pour chacun des trois cycles – celui qui sera enseigné. Au secondaire, les élèves se voient donner la possibilité de changer de discipline artistique à chaque niveau du deuxième cycle. Par

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PA R H É L è N E L A L I b E R t É , Présidente de la FAMEq

Comme vous le savez, et chaque journée de travail vous le rappelle sans doute, les conditions d’enseignement de la musique sont difficiles

dans les écoles du québec. Dans certains milieux, la situation est devenue carrément insoutenable et nombre d’enseignants n’arrivent

plus à assurer des conditions d’apprentissage minimalement acceptables. La situation n’est certes pas nouvelle, mais les échos qui nous

parviennent du milieu depuis quelque temps nous inquiètent (nous présenterons d’ailleurs un portrait de la situation dans le prochain

numéro de Musique et pédagogie). N’oublions pas que la FAMEq demeure encore aujourd’hui le seul organisme à faire entendre la

voix des enseignants de musique auprès des instances décisionnelles et auprès des média. Le Conseil d’administration de la FAMEq est

activement engagé à améliorer la situation de l’enseignement de la musique. Voici les dossiers sur lesquels nous travaillons actuellement :

A C t U A L I t É S D E L A FA M E QA C t U A L I t É S D E L A FA M E Q

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MISSION DE LA REVUE

L a revue Musique et pédagogie s’adresse d’abord aux membres de la Fédération des associations de musiciens éducateurs du Québec (FAMEQ), lesquels sont essentiellement des ensei-

gnants de musique oeuvrant dans les écoles primaires et secon-daires, publiques ou privées, du Québec. Adhèrent également à la FAMEQ des enseignants des conservatoires, des cégeps et des uni-versités, des étudiants en formation initiale à l’enseignement de la musique ainsi que des professeurs de musique privés.

La revue Musique et pédagogie a pour mission d’informer les ensei-gnants de musique, de valoriser leur profession en rendant compte de la richesse de ses multiples facettes et de stimuler les échanges entre les différents intervenants afin de contribuer à l’avancement de l’éducation musicale au Québec.

Puisqu’elle constitue le principal, voire l’unique, véhicule informa-tionnel des enseignants de musique québécois, la revue Musique et pédagogie reçoit le mandat de couvrir tous les aspects de l’éducation musicale scolaire ou extrascolaire :1 Elle sert d’interface entre la recherche et la pratique en propo-

sant des articles de vulgarisation scientifique susceptibles d’aider les enseignants à actualiser leur pratique;

2 Elle soutient la formation continue, en présentant des descrip-tions de stratégies efficaces ou des solutions à des problèmes vécus par les enseignants de musique : implantations de dis-

positifs pédagogiques, gestion de classe, élèves HDAA, déve-loppement des compétences musicales, évaluation, insertion professionnelle, formation continue, etc.;

3 Elle fournit un espace réflexif en offrant des analyses philo-sophiques, historiques ou descriptives ainsi que des récits de pratique relatifs à l’enseignement et à l’apprentissage de la musique.

Musique et pédagogie est préparée par une équipe de publication formée de représentants des différents ordres d’enseignement. Le mandat du comité de lecture est d’évaluer les manuscrits soumis pour publication au regard de la politique éditoriale de la revue.

CONTENULe contenu est organisé selon trois grandes catégories d’articles :1 Actualités du conseil d’administration et des régions;2 Articles de fonds et dossiers spéciaux;3 Comptes-rendus, hommages et chroniques.

PUBLICATIONLa revue Musique et pédagogie est publiée en ligne sous format électronique trois fois par année (automne, hiver, printemps-été). Il est possible d’en commander des exemplaires imprimés en commu-niquant avec la FAMEQ.

A C T U A L I T É S D E L A FA M E Q

Une nouvelle politique éditoriale pour la revue

musique et pédagogiePA R V I N C E N t V A L E N t I N E , Éditeur délégué, Enseignant de musique au primaire, Commission scolaire de Saint-Hyacinthe, [email protected]

Chers collègues, c’est avec plaisir que j’ai accepté de prendre en charge notre revue associative. Ce printemps, j’ai travaillé de concert

avec les administrateurs de la FAMEq à l’élaboration d’une nouvelle politique éditoriale pour Musique et pédagogie. Afin d’assurer la

pertinence au regard des préoccupations des enseignants, j’ai formé un comité de lecture composé de représentants des différents ordres

d’enseignement. J’ai également mis en place un rigoureux processus de révision des textes pour contrôler la qualité du contenu publié.

J’espère que vous apprécierez le nouveau format électronique et que vous serez nombreux à contribuer à notre revue. Nous attendons

vos commentaires et suggestions.

2 Les élèves EHDAA : l’identification des élèves, les plans d’in-tervention, le financement accessible aux spécialistes pour rece-voir du soutien en classe, l’évaluation des élèves;

3 L’évaluation : au 3ième cycle du primaire et en 4ième secondaire, présentation d’un prototype dans un contexte de non-continuité;

4 L’orientation des futurs travaux sur la santé et la sécurité au tra-vail;

5 Le protocole culture-éducation : le Prix Essor, le mois de la culture 2014, les échanges avec les comités culturels, la revue Art et Culture à l’école.

Ces journées constituent surtout un lieu d’information pour les asso-ciations plutôt qu’un rendez-vous de discussion. Nous avons reçu le mandat de préciser le plan d’action 2012-2013 entre le MELS et les associations en enseignement des arts et de le compléter.

RENFORCEMENT DES PARTENARIATS AVEC LES ORgANISMES MUSICAUXLa FAMEQ maintient sa collaboration avec le Centre de musique canadienne en participant au comité éducation de cet organisme : la commande d’une œuvre à Denis Gougeon pour le Grand concert et les travaux de composition d’étudiants des universités McGill, Laval et de Montréal sous la gouverne d’Ana Sokolovic font partie des moyens que nous mettons en œuvre pour mettre en valeur la musique d’ici. D’ailleurs, nous sommes à la recherche d’enseignants du secondaire intéressés à recevoir un étudiant en composition comme stagiaire à l’école : [email protected]

La FAMEQ participe également à la série Hommage de la SMCQ, laquelle fournit aux écoles inscrites des trousses pédagogiques per-mettant de découvrir l’œuvre d’un compositeur. En 2013-2014, le compositeur en vedette sera Denis Gougeon. Les participants au Grand Jeu / Grande écoute recevront gratuitement une bande des-sinée sur la vie du compositeur et un cahier pédagogique contenant des activités de création et d’appréciation reliées à l’œuvre de Denis Gougeon. L’hommage à l’Assemblée nationale se déroulera en pré-sence du compositeur, d’invités spéciaux et sera lu par le ministre de la Culture et de la Condition féminine. La présidente de la FAMEQ y prononcera une courte allocution pour témoigner de l’intérêt des

enseignants de musique à faire connaître nos créateurs aux élèves de tous les niveaux.

Le dernier congrès a fait connaître des organismes orientés vers la re-cherche. La Société québécoise de recherche en musique (SQRM), ayant mis sur pied un concours d’article de vulgarisation scientifique, a proposé à la FAMEQ de publier l’article gagnant dans notre revue Musique et pédagogie. Cette collaboration assurera une plus grande diffusion de la recherche en musique auprès de nos membres.

La FAMEQ a entrepris des démarches auprès d’autres organismes tels que l’Alliance des chorales du Québec et la FHOSQ. Nos intérêts communs inspirent des échanges bénéfiques pour défendre la place de la musique à l’école et pour contribuer à la formation continue des musiciens éducateurs. Ainsi, nous avons l’intention de profiter de ressources expérimentées pour offrir des ateliers de formation à notre congrès et pour participer à des événements régionaux.

LE CONgRèS FAMEQ 2013Nous avons mis sur pied l’an dernier un comité spécifique pour l’or-ganisation du congrès Ce comité a pour mandat de mettre en place une structure organisationnelle expérimentée afin d’assurer la planifi-cation et la préparation des congrès à long terme.

Nous souhaitons confier au comité la gestion du congrès, mais laisser à la région hôte l’organisation du Grand concert dans le but de mettre en valeur les réalisations du milieu. L’alternance Montréal-Québec pour la tenue des congrès fait l’objet d’une réflexion.

Le congrès 2013 nous mènera à Sherbrooke, du 28 au 30 novembre prochain. Le thème De la musique avant toute chose est tiré d’un poème de Verlaine. Nous souhaitons ainsi mettre un accent sur les correspondances entre la musique et la littérature : slam, comédie musicale, conte, chanson, etc. Le choix des ateliers se fera comme d’habitude avec le souci d’offrir une panoplie d’activités de formation, couvrant tant le jeu instrumental que vocal. Nous conservons la jour-née consacrée à l’enseignement privé pour répondre aux besoins du milieu. Nous faisons également appel aux chercheurs sans toutefois viser l’ampleur d’un colloque international comme en 2012.

dossiers en coursA C t U A L I t É S D E L A FA M E Q

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explication. Les six petits textes ont été écrits par Vincent Valentine et chacun correspond à une catégorie d’arguments qu’il est possible d’avancer pour justifier la musique dans l’éducation. Éventuellement, Monsieur Valentine produira des textes plus approfondis pour étayer les idées qui y sont énoncées.

MON ÉDUCATION ? Elle serait incomplète sans la musique !Mes cours de musique sont l’occasion d’acquérir des savoirs im-portants. Ces savoirs me sont indispensables pour comprendre et apprécier cette forme d’art universelle, pratiquée dans toutes les cultures depuis les débuts de l’humanité.

LA MUSIQUE ? Une dimension essentielle de ma formation !Pour me développer de manière harmonieuse, je dois considérer toutes les dimensions de ma personne : cognitive, morale, physique, sociale, etc. Ainsi, chaque matière étudiée à l’école apporte une contribution spécifique à ce développement global. La musique me permet d’explorer mes sentiments et ma subjectivité.

MA RÉUSSITE SCOLAIRE ? La musique y contribue tous les jours !En musique, je réinvestis et je consolide les apprentissages réalisés dans les autres matières. Plusieurs études scientifiques confirment d’ailleurs que l’apprentissage de la musique améliore la performance scolaire, notamment en lecture, en mathématiques et en sciences.

MON CERVEAU ? La musique le développe grandement !La musique est une activité qui mobilise simultanément mes capa-cités cognitives, affectives et physiques. Elle a des effets positifs et

E n 2010, l’association FAMEQ-Montérégie a réalisé cette belle affiche qui orne désormais plusieurs classes de musique de la province. À l’époque, nous en avions fait imprimer suffisam-

ment pour en distribuer dans tous les locaux de musique de notre région. D’autres associations avaient également acheté certaines de ces affiches pour les distribuer à leurs membres.

Les porteurs de ce projet ont été Marie-Claude Mathieu, ensei-gnante de musique au secondaire (Collège Saint-Maurice de Saint-Hyacinthe) et Vincent Valentine, enseignant de musique au primaire (Commission scolaire de Saint-Hyacinthe). La conception graphique est l’œuvre de Sébastien Fournier (Cirkus Animation).

Le slogan « La musique fait grandir » nous rappelle que la musique, comme discipline scolaire, concourt au développement global de l’enfant : aspects perceptuel, physique, affectif, cognitif, social, etc. Pour certains enfants, la musique deviendra une voie d’épanouisse-ment, une passion, un projet professionnel. Pour d’autres, elle sera moment de joie, enrichissement culturel, rassemblement social, source de persévérance scolaire.

Sur le plan visuel, le slogan est illustré par les plantes et l’enfant-arbre en croissance. La douce lumière de l’aurore symbolise l’enfance, pre-mière étape de la vie, à qui s’adresse l’éducation musicale scolaire. L’arabesque lumineuse qui parcourt la colline convie tous les jeunes à suivre le chemin de la musique alors que la diversité des instruments témoigne de la multiplicité des pratiques musicales et des manières d’être musicien.

Cette affiche interpelle également les enseignants. Malgré la valeur éducative de la musique, la situation de l’éducation musicale sco-laire reste précaire au Québec : budgets symboliques, réduction des minutes d’enseignement, disparition des programmes de musique.

Les enseignants de musique peuvent contribuer à renver-ser cette situation déplorable par leur professionnalisme et leur engagement à promouvoir leur discipline dans leurs milieux respectifs : auprès des élèves, auprès des collè-gues et des directions, auprès des parents.

La deuxième phase de ce projet a été réalisée à l’automne 2012. Nous avons produit une série de 6 signets à partir de l’affiche. Au verso de chacun des signets se trouve un slogan suivi d’une brève

significatifs sur le développement de mon cerveau, mon estime de soi, ma santé physique et psycho-logique, mes méthodes de travail, ma concentra-tion, ma discipline personnelle, ma mémoire, ma créativité, mes relations sociales.

L’ÉCOLE ? C’est mieux avec la musique !La musique rejoint mes intérêts et me pose des défis stimulants. Les périodes de musique agré-mentent mes journées : j’apprends tout autant que dans les autres matières, mais de manière différente. Les concerts me fournissent un ob-jectif et me permettent de partager le fruit de mes efforts avec les autres. Grâce à la musique, j’aime davantage l’école.

MES COMPÉTENCES MUSICALES ? L’industrie culturelle en a besoin !Mes compétences musicales sont utiles dans l’industrie culturelle (radio, télévision, cinéma, multi média, tourisme, loisir). Plusieurs métiers ou professions bien rémunérés y font appel : technicien de scène, bruiteur, ingénieur du son, luthier, commerçant, producteur de spectacles et d’événements, enseignant, concepteur multimédia, designer industriel.

Il nous reste quelques affiches que nous mettrons en vente lors du prochain congrès. Les associations qui souhaitent imprimer des affiches ou des signets peuvent communiquer avec FAMEQ-Montérégie pour établir une entente.

affiche et signets fameqM A R I E - C L A U D E M At H I E U , Secrétaire FAMEq-Montérégie, Enseignante de musique au Collège Saint-Maurice

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A C t U A L I t É S D E L A FA M E QA C t U A L I t É S D E L A FA M E Q

Pour certains enfants, la musique deviendra une voie d’épanouissement, une passion, un projet professionnel. Pour d’autres, elle sera moment de joie, enrichissement culturel, rassemblement social, source de persévérance scolaire.»

«

Contribuer à la revue musique et pédagogieLa revue Musique et pédagogie souhaite donner la parole aux enseignants. Les expé-riences que vous vivez dans vos milieux res-pectifs, qu’elles soient positives ou négatives, sont importantes pour la communauté; elles peuvent renseigner, inspirer, rassembler.

Nous sommes bien seuls dans nos écoles. Musique et pédagogie est l’un des moyens par lesquels les enseignants de musique peuvent briser cet isolement, susciter des échanges, créer des liens avec d’autres enseignants qui partagent les mêmes réalités. Nous attendons donc vos textes avec impatience.

Vous souhaitez soumettre un article ? Voici quelques exemples de thématique :• Un projet mené dans votre école, votre

commission scolaire ou votre région FAMEQ ;

• Une situation vécue dans votre école,votre commission scolaire ou votre région FAMEQ;

• Une enseignante ou un enseignant demusique à qui vous aimeriez rendre hommage ;

Un sujet que vous avez approfondi et dont vous aimeriez partager la synthèse.

• Vousaimerieztenirunechroniquesurunsujet qui vous passionne ?

• Vous aimeriez faire partie du comité delecture ?

• Vous avez des suggestions de contenu àtraiter ?

Écrivez-nous à : [email protected]

Pour connaître la politique éditoriale de la revue, les règles de soumission d’article, les dates de tombée ou le processus de révision des textes, veuillez consulter le site Internet de la FAMEQ sous l’onglet Revue.

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Musique et pédagogie | fameq.org10 fameq.org | Volume 27 | numéro 1 11

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Épreuve

3

Paul Inchauspé a fait sa carrière dans le secteur de l’éducation, comme professeur, comme chercheur, comme administrateur. Surnommé

le « père de la réforme », il fut au cœur des travaux entourant la réforme du curriculum dans les années 1990. En novembre 2011, il

ouvrait le congrès de la FAMEq par une brillante conférence où il présentait les repères fondamentaux pour comprendre le rôle des arts,

et plus particulièrement celui de la musique, dans le curriculum scolaire québécois. En voici la transcription.

L’enseignement des arts dans les programmes d’étudesConférence d’ouverture, congrès FAMEQ 2011, Montréal, le 18 novembre 2011PA R PA U L I N C H A U S P É – E x P E R t - C O N S E I L , Centre francophone d’informatisation des organisations, CEFRIO

F aire en sorte que l’enseignement des arts ait une place légi-time, parmi d’autres disciplines, dans les programmes d’études de l’école obligatoire ne va pas, hélas, de soi. Sur quelle base

faut-il s’appuyer pour qu’il en soit autrement ? Mais il ne suffit pas que les arts soient inscrits dans un curriculum d’études pour que cet enseigne ment se développe. La place prévue doit être occupée. Quelles sont quelques-unes des difficultés qu’il faut alors affronter ? Ce sont là les questions que j’ai l’intention de traiter devant vous. Non pas théoriquement, mais à partir de mon expérience et c’est pourquoi l’allure de mon propos tient plus de la causerie que de la conférence.

Il y a une quinzaine d’années, j’ai été mêlé aux opérations qui ont conduit au renouvellement du programme d’études. De plus, les deux cégeps où j’ai fait ma carrière, le cégep du Vieux-Montréal et le Col-lège Ahuntsic, ont hérité d’institutions consacrées à l’ensei gnement des arts, l’Institut des arts appliqués, successeur de l’École du meuble pour le premier, l’École des arts graphiques pour le deuxième. Ayant occupé des postes de responsabilité dans ces deux cégeps, j’ai été confronté aux problèmes de l’enseigne ment des arts dans un envi-ronnement scolaire1. C’est à partir de cette expérience et dans les réflexions qu’elle a suscitée en moi que je puiserai le contenu de ce que j’ai à vous dire pour répondre au sujet annoncé.

Mais étant donné la composition de cet auditoire, je précise que je traite ici de la place des arts dans l’enseignement obligataire, dans un curriculum d’études qui s’adresse à tous et non de l’enseigne ment

de type professionnel qui vise la formation aux « métiers » artistiques qu’on trouve surtout au collégial et à l’université.

Je traiterai ce sujet en cinq temps :• J’attireraid’abordvotreattentionsurcequ’estlecurricu-lum d’études de l’école obligatoire en montrant que c’est un « construit social »,

• puis,jemontreraiunedescaractéristiquesquimarquecheznousles rapports entre « culture » et « éducation » : par rapport à la culture, l’école est toujours un peu à la traîne,

• puis,jeraconteraicommentc’estuneréflexionsurl’école,commelieu de transmission culturelle qui a permis, lors du comité Corbo, d’accorder aux arts le statut de « grand champ d’apprentissage » dans le programme d’études,

• puis,jeraconteraicommentlorsdesÉtatsgénérauxsurl’éducationce sont les demandes du secteur des arts, et un retournement de ces demandes, qui sont à l’origine du choix de la perspective cultu-relle, comme orientation de chacune des matières du nouveau programme d’études de l’école obligatoire,

• enfin,jediraiqu’ilnesuffitpasquelesmatièresartistiquessoientincluses dans le programme d’études pour que soient réglés les problèmes particuliers que pose l’enseignement des arts et je par-lerai de deux de ces problèmes.

Pour traiter correctement un tel sujet, je ferai souvent appel à des événements historiques. Dans les changements qui affectent un système d’éducation, il n’y a jamais de « table rase ». Cette histoire s’écrit comme s’écrivaient des palimpsestes : on écrit du nouveau en grattant sur ce qui était écrit dans le manuscrit précédent. Parfois ce qu’on gratte disparaît mais le plus souvent il reste encore là caché mais encore actif. Dans un tel système, comme dans tous les sys-tèmes humains, les changements des institutions et des pratiques sont lents.

UN CURRICULUM D’ÉTUDES EST UN CONSTRUIT SOCIALUn curriculum d’études, ce qui s’apprend à l’école obliga toire, est un construit social. Et de temps à autre, les systèmes d’éducation changent les éléments de leur curriculum d’études parce que les attentes sociales par rapport à ce que l’école doit transmettre comme savoirs changent elles aussi. Un curriculum d’études, c’est ce que, à un moment donné, une génération pense qu’elle doit transmettre à ses enfants et ses petits-enfants pour qu’ils puissent mieux affronter les situations nouvelles telles qu’on les perçoit à ce moment-là. Et l’on peut se faire une idée de la repré sentation qu’a une époque des savoirs essentiels à transmettre en parcourant les différents pro-grammes d’études pratiqués dans le temps.

J’ai ici entre les mains le programme d’études des écoles élémen-taires pratiqué dans les écoles du Québec en 1959, il y a seulement 50 ans. Voici la liste des matières enseignées dans l’ordre présenté par ce document : religion (la moitié du document de 700 pages est consacrée à cette matière qu’on enseignait à raison de cinq heures par semaine), langue française (neuf heures par semaine sont consa-crées à cette matière), arithmétique, histoire du Canada, géographie, langue seconde, bienséances, hygiène, enseignement ménager

(pour les filles), travaux manuels (pour les garçons), initia tion à la musique, culture physique, calligraphie, dessin, agricul ture, connais-sances usuelles (les fleurs, les animaux, les oiseaux nos amis, les astres, les maisons d’autrefois et d’aujourd’hui, le cheval et l’auto, le papier, le caoutchouc...), renseignements sur les écoles et les pro-fessions. On ne trouve pas dans ce document une seule fois, le mot « sciences ».

Quand on regarde dans chaque matière le contenu de ce qui est en-seigné on y trouve des choses qui ne changent pas mais la réfé rence à la situation sociale de l’époque est, même dans ces cas, manifeste. Ainsi le programme d’initiation à la musique est dans ce programme d’études de 1959 centré sur le solfège et le chant. L’apprentissage du solfège avait comme intention de « rendre (les élèves) aptes à lire et à interpréter vocalement la musique d’une façon convenable », mais cet apprentissage porte sur le solfège moderne et aussi sur le solfège grégorien. De même le chant avait « pour premier but d’ap-prendre aux enfants à exécuter convena blement des chants adaptés à leur âge », mais ces chants sont des chants profanes mais aussi des chants religieux2. Et dans la liste des chants à étudier chaque année (une dizaine par année), on trouve des éléments du répertoire qui a constitué La bonne Chanson. Faut-il rappeler à des musiciens que c’est l’abbé Gadbois qui a fondé (en 1937 et en achetant des droits d’une centaine de chansons en France) La bonne Chanson dans le but de diffuser la chanson française et contrer l’invasion de la chan-son américaine ? Où l’on voit bien là qu’un curriculum d’études est un construit social. Si la musique est l’art le plus enseigné (le dessin lui occupe une position plus mineure) dans le programme d’études de ces années ce n’est pas d’abord pour des raisons intrinsèques liées à la discipline elle-même, mais à l’importance qu’on lui accorde comme vecteur de l’identité nationale.

Vous avez souri en entendant ces choses. Dites-vous que dans 50 ans, les générations futures souriront de même de certains conte-nus de nos nouveaux programmes d’études. Mais à partir de cet exemple, décalé dans le temps, vous comprenez que la présence ou l’introduction des arts dans le programme d’études de l’école obliga-toire dépend des consensus sociaux sur cette question. Cette ques-tion n’est pas seulement théorique, elle renvoie au rapport entretenu dans une société entre le monde des arts, ou plus généralement de la culture et celui de l’école ou plus généralement celui de l’éduca-tion. Or quel constat pouvait-on faire sur cette question, au début des années 1990, au moment du renouvellement du curriculum d’études ? Que l’école a toujours été chez nous un peu à la traîne par rapport à celui de la culture et que, indépendamment de la place de l’enseigne ment des arts dans le curriculum d’études de l’école obli-gatoire, il fau drait, pour qu’il en soit moins ainsi, établir un partenariat entre l’école et le monde de la culture.

R É F L E x I O N SR É F L E x I O N S

Quand on regarde dans chaque matière le contenu de ce qui est enseigné on y trouve des choses qui ne changent pas mais la référence à la situation sociale de l’époque est, même dans ces cas, manifeste. »

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L’ÉCOLE A TOUJOURS ÉTÉ CHEz NOUS UN PEU à LA TRAîNE PAR RAPPORT AU MONDE DES ARTS ET DE LA CULTUREC’est là au Québec une des caractéristiques des rapports ente le monde de la « culture » et celui de l’éducation. Je donnerai deux exemples qui permettront de comprendre cette affirmation.

Le rapport RiouxLe rôle joué par les artistes dans le bouillonnement de la Révolution tranquille a été déterminant, or dans son entreprise de modernisation de l’école, le rapport Parent n’a pas su, ou pas pu, en tenir compte Une des préoccupations de ses commissaires était la place que doit faire le système scolaire à la formation scientifique et technique que requiert une société qui s’industrialise. Cela les a conduits à remettre en cause, au nom d’un « nouvel humanisme », le socle de l’huma-nisme classique, fondement de la formation des élites du temps3 d’une société agricole. Dans cette logique, le rapport Parent privilégie la rationalité dans l’organisation et dans la formation. Les arts comme mode de connaissance spécifique ou comme orientation profession-nelle y sont peu valorisés. Dans la réorganisation du système sco-laire, les écoles des beaux-arts sont intégrées au ministère de l’Édu-cation, les conservatoires de musique et d’art dramatique, rattachés au ministère des Affaires culturelles, mais ces ajustements adminis-tratifs se font sans cohé rence, ni perspective de développement à long terme. Ces lacunes sont relevées par le monde des artistes et de la culture. Pour tenir compte de ces critiques, le Gouvernement crée une autre commis sion qui fera contrepoids au rapport Parent, la Commission royale d’enquête sur l’enseignement des arts dans la Province de Québec, dont le rapport est appelé « rapport Rioux », du nom de son prési dent.

Aucun des membres de cette commission n’est un professionnel de l’enseignement des arts. Sans doute pour cette raison, le rapport pro-duit traite de son objet avec une envergure qui dépasse la question des réorganisations administratives et il pose la question de la place de l’art parmi les activités productrices des hommes, ce que n’avait pas fait le rapport Parent. Il examine notamment les effets de l’indus-trialisation sur les arts, la culture et l’éducation. Les artistes sortent ainsi de la considération d’une pratique individuelle. Leur rôle est mis en relief parce que l’art a un rôle social, celui d’être « l’anticorps » de la société industrielle.

La culture industrielle, la rationalité technologique laissées à elles- mêmes rendront marginales, si l’on n’y prend garde, les pratiques artistiques et l’on y perdra collectivement son âme. Dans le monde de la culture industrielle, l’art n’est pas un simple ornement de l’es-prit, il a un rôle social, celui de maintenir et de sauver la vie de notre identité individuelle et collective. « L’art, par définition, est liberté [...]. L’œuvre d’art, dans son action profonde, traumatise la société et la défie, en l’obligeant à se remettre en question, ou à se remettre

en relation avec de nouvelles valeurs [ ...]. La société industrielle a en quelque sorte sécrété son propre anticorps. » (Rioux, p. 308). L’esprit du Refus global est présent dans ce rapport qui, en mettant l’accent sur la responsabilité sociale des créateurs, permet à chacun de trouver, ou de retrouver, un sens à sa présence dans la cité. Et vous comprendrez que c’est en écho à ce rapport que dans l’ensei-gnement des arts l’accent a été mis les trente années qui ont pré-cédé l’actuelle réforme du curriculum, sur le développement de la créativité chez l’enfant.

La politique culturelle du QuébecL’autre exemple dont je me servirai pour illustrer que le monde de l’éducation est toujours un peu en retard sur celui de la culture est l’avance qu’a eu ces dernières années l’action du ministère de la Culture sur celle du ministère de l’Éducation. C’est le monde de la culture et des arts, le monde des créateurs, et son ministère de réfé-rence, qui aiguillonne l’école et lui rappelle qu’elle est aussi du do-maine de la culture. Ainsi par sa politique culturelle (Québec, 1992), il a su favori ser la démocratisation de la culture. Alors que l’enseigne-ment culturel des sciences est inexistant à l’école, pour combler un retard dans la possibilité d’accéder à des connaissances scientifiques

et techniques, ce ministère met en place, en très peu de temps un réseau de musées scientifiques : Cité de l’énergie, Électrium, Cos-modôme, biodôme, Insectarium, Planétarium, Jardin bota nique, Musée ferroviaire, Musée d’archéologie de Pointe-à-Callière, Centre des sciences de Montréal. L’approche muséale est transfor mée. Les institutions culturelles tendent à devenir des écoles culturelles per-manentes : la programmation est renouvelée et le public est invité à apprendre, découvrir, réfléchir.

La politique de la lecture et du livre (Québec, 1998) du ministère de la Culture et des Communications inspire aussi à l’école la mise en place de programmes de développement du goût de la lecture. Des programmes, créés au début des années 1990, « Les artistes à l’école », « La tournée des écrivains », ouvrent la voie à une collabo-ration, devenue maintenant plus organique, entre les deux réseaux. Actuellement, plus de 1500 artistes, écrivains et orga nismes offrent des ateliers artistiques ou des sorties culturelles aux élèves du prés-colaire au secondaire. Incontestablement, les milieux de la culture ont été et sont encore au Québec le moteur de la place accordée aux arts à l’école.

Mais avant la réforme actuelle du curriculum d’études, ceux qui, dans les milieux scolaires, soutenaient que l’école est du monde de la culture étaient peu nombreux et ils avaient du mal à obte-nir que l’école en tienne compte. Dans ce contexte, la réforme du programme d’études devenait pour eux un enjeu important. Quelle

place y serait donnée aux arts ? Qu’est-ce qui pouvait légiti mement assurer aux arts une place ? Et laquelle ? Vous connaissez le résultat : les arts sont un des grands « champs d’apprentissage » du nouveau curriculum d’études, mais pourquoi et comment les choses se sont passées ?

POURQUOI LE DOMAINE DES ARTS A ÉTÉ INTRODUIT COMME UN DES gRANDS CHAMPS D’APPRENTISSAgE QUE DOIT ASSURER L’ÉCOLEPour prendre conscience de la difficulté qu’il y avait alors à attein dre cet objectif, il faut se rappeler la situation des débats sur la réforme des curriculums d’études des dernières années de la décennie 1980 et des premières de la décennie 1990. tous les pays occidentaux travaillaient alors à la réforme de leurs programmes et les idées venant des États-Unis étaient chez nous particulièrement écoutées. Les débats publics américains qui ont suivi la crise éco nomique et financière (la fin des trente Glorieuses) du début des années 90 ren-daient l’école responsable de cet état de chose et une vision d’utilité strictement économique de l’école était alors très souvent promue.

Dans ce contexte, l’air du temps disait partout que l’école a été enva-hie par des apprentissages de toute nature et qu’elle doit revenir à l’essentiel, qu’elle doit accorder une préséance irréducti ble à des apprentissages instrumentaux. La formation doit se concentrer, disait-on, sur des apprentissages de base restreints : calculer, lire, écrire avec une connaissance minimale de l’ortho graphe et de la syntaxe, laissant pour plus tard, pour ceux qui continueront des études, les matières et les perspectives qui n’ont pas de caractère instrumental.

C’est dans ce contexte quel le comité Corbo a reçu en 1994 le mandat de déterminer les « profils de sortie » de l’école des élèves au terme de leurs études primaires et secondaires La réforme du curriculum d’études était en discussion depuis plus de 10 ans. Les reproches s’accumulaient : empilage des matières, manque de co-hérence, présence de matières qu’on jugeait secondaires, empê-chant l’augmentation d’autres considérées comme plus importantes. Plusieurs comités avaient essayé de proposer des modifications; elles furent jugées, cosmétiques. Dans les débats publics, les lobbys disciplinaires étaient actifs, ils défendaient chacun leur territoire ou proposaient de l’augmenter. Dans ce contexte qui nous était propre, le mouvement américain d’un retour à un curriculum d’études réduit à quelques apprentissages de base (la lecture, l’écriture, le calcul), soutenu chez nous par le milieu des affaires, prenait d’autant plus d’importance.

Les débats furent au départ difficiles. Les premières rencontres furent frustrantes. L’expertise des membres sur ces questions était variable, nous étions tous influencés par la manière dont elles étaient posées dans les débats publics et chacun s’était construit ses réponses et tenait à les défendre. En continuant ainsi, nous ne nous en tirerions

pas. Il nous fallut donc trouver un point de vue, une perspective à partir de laquelle, nous pouvions ensemble indiquer des réponses possibles à faire valider. Cette perspective fut celle de la perspective culturelle d’un curriculum d’études. Elle rappelle le rôle de l’école qui introduit l’enfant dans le monde humain (car on ne naît pas humain, on le devient), un monde qui n’est plus naturel mais est transformé par les productions des générations antérieures. Nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants.

Voici comment nous l’exprimions : « Les savoirs que l’école doit faire acquérir ne sont pas le fruit d’une génération spontanée. Ce sont les productions accumulées par les générations précédentes dans les divers domaines du monde culturel : arts, lettres, sciences, techniques, modes de vie. Si l’école nourrit ainsi l’élève de culture, c’est pour lui permettre de s’adapter et de s’insérer plus rapide-ment dans ce monde, monde d’une extrême complexité où il lui faut vivre. Mais, c’est aussi pour qu’il assimile cette culture, pour qu’il construise par elle une identité intellectuelle et personnelle afin qu’à partir de cette base il soit à son tour innovateur et même créateur » (Corbo, 1994, p. 15).

À partir de là, la table était mise. tout s’éclaire. Pour déterminer ces profils de sortie, il nous fallait d’abord projeter notre percep-tion du monde qui vient pour lequel l’école devait préparer les enfants et les jeunes. Le rapport porte comme sous-titre, Préparer les jeunes au 21e siècle et le premier chapitre, Regard sur le monde du 21e siècle. Puis, il nous fallait indiquer les grands domaines du savoir dans les quels les apprentissages devaient être faits pour préparer les jeunes à ce monde. Nous avons alors vite compris que si nous examinions la question qui nous était posée sous l’angle du rôle de transmission culturelle de l’école nous ne pouvions nous contenter de proposer un curriculum aux perspectives réduites et qu’il nous fallait aller à contre-courant du mouvement qui préconisait une telle solution. Aussi les grands domaines d’apprentissage retenus pour le programme d’études furent la langue, les mathématiques, l’univers social, la science et la technologie, le domaine artistique4, l’éduca-tion physique.

La perspective proposée par le comité Corbo pour aborder la ques-tion du contenu du curriculum a suscité l’adhésion lors des États généraux sur l’éducation. Elle permettait, non seulement de sortir

R É F L E x I O N SR É F L E x I O N S

Actuellement, plus de 1500 artistes, écrivains et orga nismes offrent des ateliers artistiques ou des sorties culturelles aux élèves du préscolaire au secondaire. »

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cette question du terrain piégé des batailles et lobbys discipli naires, mais surtout, elle la replaçait sur son vrai terrain, celui des relations entre l’école, lieu de transmission culturelle et le monde, un monde culturel où il nous faut vivre, travailler, aimer. Et dans ce contexte l’enseignement des arts a sa place comme champ d’ap prentissage propre. Les arts ne sont certes pas les seules produc tions culturelles auxquelles l’école s’intéresse, mais les productions de ce type ont

un caractère unique qui les rend indispensable en éducation. L’art, à l’école, peut être abordé de trois façons : comme activité de création, comme étude du patrimoine des œuvres, comme objet esthétique qui nous émeut. Le nouveau programme d’études demande que l’enseignement des arts tienne compte de ces trois perspectives : créer et produire, connaître et analyser, fréquenter pour ressentir.

COMMENT LES DEMANDES DU MILIEU DES ARTS (ET LEUR RETOURNEMENT) SONT à L’ORIgINE D’UNE DES CARACTÉRISTIQUES DU NOUVEAU PROgRAMME D’ÉTUDES, CELLE DE L’ADOPTION D’UNE PERSPECTIVE CULTURELLE POUR TOUTES LES MATIèRES DU PROgRAMMEC’est le rôle de transmission culturelle de l’école qui légitime la pré-sence des arts dans le curriculum d’études, mais il en est de même pour toutes les autres matières. Mais ce qui nous paraît main tenant évident ne l’était pas à ce moment. Or, on aura beau dire que l’en-seignement des arts est légitime dans un programme d’études de l’école obligatoire, il apparaîtra toujours comme quelque chose de marginal tant que les autres matières du programme d’études ne sont pas considérées, elles aussi, comme des manifestations de la culture et enseignées, dans l’école obligatoire, d’abord dans cette perspective culturelle, et non comme des matières qu’on apprend pour elles-mêmes ou pour se préparer aux études supérieures. Faire bouger et changer les idées en cette matière fut une chose difficile. D’abord, il fallait faire prendre conscience que les sciences, la tech-nique, les mathématiques font elles aussi partie de la culture, que ce sont là des productions des hommes et que la culture, ce n’est pas seulement les arts ou les lettres. Il fallait donc faire réajuster les vues, mais aussi dire ce que serait un enseignement de ces matières selon la perspective culturelle.

Les choses ont avancé dans ce domaine dans le nouveau pro-gramme d’études, mais je voudrais vous raconter ici comment ce furent les demandes des milieux des arts qui par un retournement de leurs demandes permirent d’avancer sur ce terrain. J’ai raconté cela en détail dans mon livre (Inchauspé, p. 31-35). J’en dirai ici l’essentiel. Lors des États généraux, les artistes et les fonctionnaires du ministère de la Culture exerçaient des pressions pour que l’école soit un « bouillon de culture », qu’elle s’ouvre au monde des arts et de la culture. Mais concrètement, au fond ce qui les intéressait c’est d’augmenter la fréquentation des institutions culturelles et pour y parvenir ils dési raient que l’école soit « un bouillon de culture5 » en y augmentant le nombre d’heures en arts et ils ne proposaient rien de nouveau concernant l’enseignement de l’art lui-même.

Rencontrant à leur demande des fonctionnaires du ministère de la Culture (je remplaçais, au pied levé, Robert bisaillon, le président des États généraux sur l’éducation, qui avait été invité à cette rencon tre), voici la fin du discours que je leur ai tenu. Il résume, je pense bien la manière dont des questions se posaient alors. « Il est normal que

vous vous préoccupiez du renouvellement du public qui fréquente vos institutions culturelles. Comment le public jeune peut-il être intro-duit à ces manifestations de la culture et comment développer chez lui le besoin de continuer à les fréquenter ? C’est cela la vraie ques-tion. Or, je prétends que l’enseignement des arts, tel que pratiqué actuellement à l’école, ne développe pas nécessai rement ce goût, car cet enseignement est exclusivement centré sur l’expression de soi et la maîtrise de la technique qui permettront aux jeunes d’être des « producteurs » d’oeuvres. Cela est louable et doit être fait, mais la ma-jorité d’entre eux ne seront pas des « pro ducteurs » mais ils peuvent, ils devraient même être tous des « consommateurs » de productions culturelles : livres, danse, architecture, théâtre, musique, peinture... Or c’est par l’expérience du contact avec I’oeuvre esthétique forte que se développe à ces âges un goût qui s’avère souvent irréversible. L’expérience du contact avec l’œuvre esthétique forte, c’est le ravis-sement : on est alors comme arraché à ce monde et introduit dans un autre monde. Ce sont de telles expériences de contact avec des œuvres actuelles ou passées qui doivent être recherchées pour les jeunes. Vous avez là d’ailleurs un terrain extraordinaire de collabora-tion possible avec l’école. Et l’intérêt que l’on portera à la science, aux mathématiques, aux techniques, aux institutions sociales, aux modes de vie... comme productions humaines diffusera sur l’inté rêt porté aux productions artistiques. Mais pour que cela soit davantage possible, c’est l’ensemble des matières enseignées à l’école, et donc aussi les arts, qui doivent intégrer davantage une perspective cultu-relle » (Inchauspé, p. 34-35). Plus d’enseignement des arts peut-être, mais pour augmenter le « poids culturel » (expression du temps) du programme d’études, c’est à l’augmentation de la perspective cultu-relle des différentes matières du programme qu’il fallait s’attaquer.

Cela a été fait. Ainsi pour donner quelques exemples, le contenu du cours de géographie n’est plus organisé à partir des notions de la géographie physique mais de ceux de la géographie humaine et notamment à partir du concept de territoire, c’est-à-dire à partir des manières différentes dont les hommes ont aménagé ou exploité les ressources du territoire : territoire touristique, urbain, agricole, protégé, industriel etc. Le cours d’histoire ne traite plus seulement des événements qui « marquent » comme on dit l’his toire (guerres,

alliances, personnages politiques) mais aussi des réalités sociales, du cadre dans lequel vivent les gens dans une époque donnée (organisation matérielle, économie, mentalité). Quant au cours de sciences, la place et l’orientation du programme précédent était déterminée par la demande universitaire, relayée par le collégial, d’accroître le nombre d’ingénieurs et de scienti fiques. La forma-tion en sciences était considérée comme indispen sable pour ceux qui poursuivirent les études universitaires et non pas comme une formation culturelle nécessaire à tous qui devons vivre dans un monde façonné par les avancées scientifiques et technologiques. Ces choses ne sont pas encore gagnées sur le terrain, mais cette orientation nouvelle est là présente dans les différentes matières du programme d’études.

LE TRAVAIL N’EST PAS POUR AUTANT TERMINÉL’enseignement des arts est mieux inscrit et inséré dans le nou-veau curriculum d’études de l’école québécoise qu’il ne l’était dans l’ancien. C’est évident et je vous ai dit les dispositions qui ont été prises pour qu’il en soit ainsi. Mais cela ne veut pas dire que, concrè-tement, sur le terrain, l’enseignement des arts à la place qui doit être la sienne. Il y a une différence entre le curriculum théo rique, celui prévu dans le programme d’études et le curriculum réel, son application dans les classes.

Comme pour toutes les autres matières du programme d’études, l’enseignement des arts n’échappe pas à ce décalage. Il faut donc travailler à le réduire. Mais les objets du décalage sont variables selon les matières. Pour travailler à les résoudre, il faut donc les connaître pour les cibler. Je ne connais pas assez bien les particula-rités de l’enseignement de la musique et les problèmes spécifiques qu’il vous faut résoudre. Mais l’observation et l’expérience m’ont rendu sensible à ces questions concernant l’enseignement d’autres matières artistiques (arts visuels, danse). Je vais vous dire un mot de deux des difficultés que rencontre l’enseignement des arts, difficul-tés qui devront être résolues. La résolution de la première difficulté concerne les enseignants et une association comme la vôtre, celle de la deuxième les responsables de l’organisation dans les écoles. Musiciens, vous saurez faire, je n’en doute pas, la « transposition » de ce que vais dire à votre situation propre celle de l’enseignement de la musique.

Une chose à ne pas négliger : l’étude du patrimoineDans le contexte de la refonte du programme d’études, je vous ai dit que la perspective culturelle a été choisie comme une des orientations qui ont servi à déterminer les contenus des différentes matières du programme. Mais cela a des conséquences aussi sur l’enseignement des arts. Antérieurement, il visait uniquement le développement de la créativité chez l’élève. Cet objectif demeure, mais s’y ajoutent deux autres : étude de quelques œuvres du

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Musique et pédagogie | fameq.org16 fameq.org | Volume 27 | numéro 1 17

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Projet : Revue FAMEQ, volume 27 numéro 1Format : 8,5 x 11 (fermé) 17 x 11 (ouvert)+ marges perdues : 17 ¼ x 11 ¼ (ouvert)Nombre de couleurs : 4 process

Client : FAMEQPersonne ressource : Maryse Forand, directrice généraleDesign graphique : rouelibre communications design

Épreuve

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Un combat souvent à menerDans ma carrière, j’ai eu à affronter à trois occasions, les difficultés que pose l’organisation spécifique de l’enseignement d’une disci-pline artistique dans un système scolaire : l’enseignement des arts plastiques et le problème de la lumière, l’enseignement de la danse-ballet et la maîtrise du corps en mouvement, l’enseigne ment des métiers d’art et l’atelier de fabrication. J’étais au cégep et a priori dans une situation idéale pour obtenir des décideurs la mise en place des conditions spécifiques relatives à l’enseigne ment de ces disciplines, et pourtant... Les lenteurs, les difficultés rencontrées m’ont conduit à comprendre ce qui se passe. Ce sont trois savoirs d’expérience que je vais vous livrer, ici. Peut-être vous seront-elles utiles.

Puisque les arts font partie du programme d’étude, on pouvait croire que les conditions qui permettent de donner un enseigne ment conforme aux apprentissages recherchés dans ces matières sont nécessairement présentes. Sans doute, oui, quand il s’agit de forma-tion spécialisée en arts, mais non quand l’enseignement des arts est un élément de la formation générale. Il ne faut jamais oublier que l’école obligatoire pour tous a été créée d’abord pour apprendre à lire et à écrire. La matrice de base de l’organisation des espaces est la classe où on peut apprendre à lire et à écrire. tous les accommode-ments qui modifient cette matrice de base ont mis du temps à rentrer dans les normes : laboratoires de sciences, labora toires de langues, laboratoires informatiques. Plus les conditions de l’enseignement de la discipline artistique sont dans l’organisa tion des espaces proches de la matrice de base, plus, pour les res ponsables de l’organisation, l’insertion de cet enseignement est facile. Plus, l’organisation des espaces réclamée par l’enseignement de la discipline artistique est éloignée de la matrice de base, plus il faut se battre pour obtenir les aménagements requis. Organiser des espaces pour le travail intellec-tuel personnel de l’élève est facile, mais qu’en est-il d’espaces requis pour un travail personnel, tout aussi légitime, dans la pratique d’un instrument de musique ?

Quand on adresse des demandes spécifiques aux responsables de l’organisation, on pense trop souvent que leur lenteur à agir ou leur résistance vient de leur mauvaise volonté. Non, le plus souvent la cause est ailleurs, elle est dans la représentation mentale qu’ils se font de l’apprentissage de la discipline. Ils pensent que l’apprentis sage de cette discipline est comme celui des autres. très souvent, les deman-deurs d’accommodements, parce que pour eux les choses sont claires et qu’ils ne voient pas pourquoi l’autre ne com prend pas, se montrent incapables de déconstruire la représenta tion de leur interlocuteur en montrant la spécificité des apprentis sages de la discipline artistique.

Ainsi, pour faire comprendre et accepter des conditions particu lières de l’enseignement de danse-ballet, j’ai dû écrire un court mémoire sur la problématique de la formation en danse, en tenant compte à

la fois de ce que me disait Madame Chiriaeff et les traités en cette matière que j’avais consultés, mais en tenant compte de la repré-sentation implicite des apprentissages dans une école que se fai-sait le décideur au ministère. La ligne directrice du mémoire devient alors celle-ci. Dans un cégep, la très grande majorité, sinon la totalité des enseignements implique la maîtrise d’activités intellectuelles ou de dextérité manuelle, l’enseignement de la danse implique que le corps tout entier devienne un instrument souple pour l’expression. D’où la nature des règles d’apprentissage que suppose la maîtrise d’un tel instrument : les éléments corpo rels sur lesquels agissent les exercices (articulations, groupes musculaires, mouvement giratoire, tenue du corps), les règles des apprentissages corporels (répétition, maturation, gradation). Dire et décrire ces choses ne sont pas inutiles, c’est ainsi qu’on décons truit la représentation canonique que se fait le décideur de l’apprentissage scolaire. Cela l’amène ensuite à consi-dérer comme normale des conditions particulières requises pour cet enseigne ment artistique. Ainsi, puisque l’apprentissage corporel implique l’exercice continuel, l’interruption entre les apprentissages doit être le plus court possible, l’entraînement doit continuer durant l’été et l’enseignement doit donc être possible durant cette saison.

Pour que les accommodements requis s’installent dans la durée adressez-vous pour les convaincre aux décideurs qui ont une in-fluence sur les systèmes. Ainsi, si vous désirez que l’organisation des horaires de l’école tienne compte de la possibilité de constituer un ensemble musical composé d’élèves de niveaux scolaires différents, il ne sert à rien de s’adresser ni au ministère ni à la direc tion de la commission scolaire. Le directeur ou la directrice d’école sont alors déterminants surtout au secondaire où la fabrication de l’horaire

n’est pas une sinécure. Pour que votre demande soit consi dérée, elle doit être considérée comme une contrainte prioritaire et c’est plusieurs mois avant le début de l’année scolaire qu’elle doit être connue pour que les accommodements nécessaires pour réaliser votre projet soient trouvés. Si l’éducation musicale est considérée comme une des caractéristiques de l’école dans le projet éducatif et si la direction est convaincue de ce qu’un tel projet peut apporter au climat et au renom de l’école, vos demandes seront alors plus facilement considérées.

À ce propos, dîtes-vous que l’enseignement de la musique, (comme aussi celui du théâtre) bénéficie, par rapport à d’autres matières, d’un avantage stratégique qui lui permet d’assurer sa reconnaissance et son importance dans l’école. Une des caractéristiques de l’objet

R É F L E x I O N S

La vérité des œuvres d’art traverse les siècles mieux que celle des vérités scientifiques. Vous pouvez lire ou voir jouer Antigone de Sophocle, écouter la Chaconne en ré mineur de Bach ou la Fantaisie en la mineur de Schubert, regarder le Printemps de Botticelli, ces œuvres du passé sont « contempo raines », elles vous apprennent encore et toujours quelque chose. »

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patri moine, contact avec des œuvres esthétiques qui suscitent l’émo-tion esthétique. Or, je constate que la formulation des programmes en arts eux-mêmes et leur enseignement sur le terrain sont sur-tout centrés sur la créativité et qu’on est comme gêné d’évoquer le contact avec les œuvres et leur étude. Mais derrière cette gêne, il y a comme l’acceptation que les disciplines artistiques ont un sta-tut inférieur à celui des disciplines scientifiques dans lesquelles les élèves découvrent ce qui est vrai. Cela vaut la peine qu’on réflé chisse un peu sur cette question.

Dans les programmes d’études antérieurs au xIxe siècle, des matières comme les arts et les lettres étaient valorisées : elles permettaient

la formation du jugement et du goût. Elles ont com mencé à perdre leur lustre dans les programmes de formation quand se sont déve-loppées des disciplines qui pour atteindre la vérité pratiquent les mo-dèles caractéristiques des sciences dites positives. Ces modèles sont la déduction en mathématiques et en logique et dans les sciences expérimentales (physique, biologie), la pratique de I’objectivité, le contrôle méthodique, la mesure mathé matique, le maintien de la distance de l’observateur par rapport à son objet.

La pratique des arts et des lettres est évidemment opposée à ce modèle de production du savoir scientifique. Ce qu’un poème, une peinture ou un concerto permettent de communiquer n’est pas du domaine de ce qui peut être contrôlé méthodiquement. Leur do-maine est celui de l’affectivité, de la subjectivité, de l’imagination. On leur conteste donc la capacité de dire la vérité, l’apanage de la science. Et dans les faits, les promoteurs de l’enseignement artis-tique et les enseignants de ces disciplines semblent accepter un tel juge ment. Pour justifier la place des disciplines artistiques dans un curriculum d’études, on va se contenter de développer par eux, chez les élèves, la créativité et la maîtrise de procédés techniques. En agis-sant ainsi, en ne donnant pas de place dans son enseignement au contact direct des élèves avec des œuvres passées ou présentes, on accrédite soi-même I’idée que, par rapport à la science, ces matières vont rien de significatif à dire aux élèves.

Le nouveau curriculum d’études essaie de corriger cette lacune. Mais pour que des développements plus significatifs aient lieu, il faut que vous teniez un discours qui ne se laisse pas intimider par la fascina-tion de celui qui est tenu sur la science. L’art ne nous pré sente pas un

autre monde que celui de la vérité scientifique, mais une autre ma-nière de connaître et d’exprimer le monde. C’est le même monde, mais « connu » différemment. Aussi à côté des véri tés scientifiques, il en est d’autres qui sont aussi des vérités, ce sont des vérités de vie. L’expérience du contact avec une œuvre n’est pas l’expérience que l’on fait dans un laboratoire, une procédure que l’on contrôle pour atteindre la vérité. C’est une expérience dans laquelle quelque chose nous anime, quelque chose qui nous surprend, qui nous oblige à voir les choses autrement. C’est, elle aussi, une expérience de vérité.

Elle est variable selon les personnes, mais cette variation n’em pêche en rien sa réalité. Au contraire, c’est, là, la caractéristique même de

ce type de vérité : I’œuvre provoque une rencontre avec soi, elle interpelle chacun de façon unique. Dans cette expérience, ce n’est pas I’œuvre qui se modèle à ma perspective mais, au contraire, c’est ma perspective qui se transforme en présence de I’œuvre. Une vérité scien-tifique nous laisse froids, la vérité d’une œuvre d’art nous interpelle. Elle nous dit toujours : « tu dois changer ta vie ».

Elle nous dit parfois mieux que la science ce qui est toujours impor-tant pour nos vies. La vérité des œuvres d’art traverse les siècles mieux que celle des vérités scientifiques. Vous pouvez lire ou voir jouer Antigone de Sophocle, écouter la Chaconne en ré mineur de bach ou la Fantaisie en la mineur de Schubert, regarder le Prin-temps de botticelli, ces œuvres du passé sont « contempo raines », elles vous apprennent encore et toujours quelque chose. Mais qui, à moins qu’il ne soit historien, aurait l’idée, pour appren dre quelque chose qui lui soit utile, de lire un livre de physique ou de biologie écrit il y a 100 ans ?

Si en tant qu’enseignants de disciplines artistiques vous n’êtes pas persuadés de ces choses, qui le sera ? Si ces convictions ne se concrétisent pas dans le programme et dans la pratique ensei gnante dans la classe, l’enseignement des arts ne manquera-t-il pas quelque chose ? Si vous réfléchissez ainsi, inéluctablement se posera à vous la question de la constitution d’un répertoire. Or, trop souvent, les enseignants du domaine des arts font preuve de pusillanimité sur cette question. Il est difficile d’établir un réper toire qui fasse consen-sus et il faudra le changer avec le temps. Oui, tout ceci est vrai, mais ce sont souvent là des prétextes parce qu’on n’ose pas de peur d’être critiqué. Un répertoire est une signature par laquelle on se recon-naît entre soi. Le répertoire de chansons du programme de 1959 a renforcé entre eux, pour la génération ayant été à l’école avant la commission Parent, le lien social. Il a aussi animé leurs rencontres. En n’osant pas proposer à une génération d’élèves un certain nombre d’œuvres communes, ne manque-t-on pas une occasion de renfor-cer entre eux leur lien social ?

R É F L E x I O N S

Pour que les accommodements requis s’installent dans la durée adressez-vous pour les convaincre aux décideurs qui ont une influence sur les systèmes. »

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de cet enseignement, c’est la création qu’il suppose et le rassemble-ment qu’il permet. Même une exposition d’arts visuels n’atteindra jamais sur un groupe de personnes l’impact d’une pièce de théâtre, d’une comédie musicale, d’une chorale, d’un orchestre, car ce sont là des spectacles conçus pour être vus ou entendus lors d’un événe-ment qui rassemble specta teurs ou auditeurs. Le sentiment d’appar-tenance est alors très fort.

Il y a communion, communion dans la création, communion dans la présentation (l’œuvre créée ensemble est présentée ensemble), communion avec un auditoire silencieux, attentif, captivé. Il n’est pas anodin que les élèves vivent une telle expérience à l’école. Elle les marquera pour la vie.

Il n’est pas anodin que l’école puisse avoir par quelques-unes des matières qui y sont enseignées de telles occasions de rassemble ment de sa communauté. tout directeur ou directrice d’école n’est jamais insensible à une telle possibilité quand elle lui est présentée par des enseignants. Depuis plusieurs années, j’ai l’occasion de connaître les

CHANTS à ÉTUDIER (ENVIRON UNE DIzAINE PAR ANNÉE)

Annexe

1° Le programme comporte une dizaine de chants par année.

3° On a soin de graduer les difficultés de ce programme selon le degré de croissance et de développement physique et mental de l'enfant.

Programme d’études des écoles élémentaires

1959

Répertoire du programme de chant

2° Ce programme comprend du folklore, des rondes enfantines, des chants français et canadiens, des cantiques et, en 6e et 7e années, quelques pièces grégoriennes.

4° Le choix des morceaux à introduire au programme doit être d’un goût irréprochable, tant pour les cantiques que pour les chants profanes.

N.B. Dans les classes à divisions multiples, les élèves de chacun des deux groupes apprennent cinq chants qui varient d’année en année.

activités diverses qui se développent sous la forme entrepreneuriale dans le réseau des écoles entrepreneuriales du Québec. Les activités qui émergent de l’enseignement de la musique sont de ce point de vue exemplaires. J’en cite quelques unes : c’est la chorale de l’école centrale de La tuque, c’est l’harmonie de l’école du Parchemin d’East Angus, c’est la comédie musicale « La fête des contes », de l’école Le bois-Vivant de New Richmond, c’est la création de l’hymne Ni-katshishfukatamatsheutshuapinan (La maison où l’on m’en seigne) de l’école Amishk de Mashteuiatsh, à la pointe du Lac Saint-Jean... Dans ce dernier cas, cette création collective disant ce qu’est « leur » école pour eux et cet hymne qu’iIs chantent de temps en temps ensem ble leur permettent de surmonter l’image négative ou du moins ambiguë, qu’ils avaient de l’école.

Je conclus.À l’occasion de cette causerie, je ne vous ai dit qu’une chose : la pré-sence de l’enseignement des arts dans un curriculum d’études ne va jamais de soi et j’en ai indiqué les raisons. Alors vous savez ce qu’il reste à faire : faîtes en sorte qu’il en soit moins ainsi. Le travail que fait votre association pour assurer le développement de l’enseignement de la musique dans les écoles est légitime, mais aussi pour les raisons que j’ai dites, absolument nécessaire.

Cette initiation à la musique par le solfège et le chant n’est qu’un premier pas dans l’éducation musicale des enfants. L’audition, par le moyen du disque ou de la radio, de programmes bien choisis et adaptés au niveau de leur développement contribuerait à affiner leur goût pour la bonne musique et à la leur faire aimer davantage.

Il suffirait d’abord d’indiquer aux élèves les programmes radiopho-niques qu’ils peuvent écouter avec profit, qu’il s’agisse de musique vocale ou de musique instrumentale. Quant aux disques, en s’inspi-rant de listes prépa rées par des autorités compétentes, il serait facile de constituer une petite discothèque que l’on utiliserait à l’école, soit avant la leçon de chant, soit à d’autres moments.

Les enfants s’habitueraient ainsi graduellement à apprécier la bonne musique. Ils formeraient leur goût et, plus tard, sauraient faire un choix judicieux de la musique à entendre ou à exécuter.

R É F L E x I O N SR É F L E x I O N S

1 Le cégep du Vieux-Montréal à ses débuts a bénéficié de l’aura qu’avait l’Institut des arts appliqués autant pour l’enseignement des arts que dans la transformation sociale du Québec. borduas y fut pro fesseur. Jean-Marie Gauvreau son directeur était une personnalité marquante. Il avait fondé l’École du meuble, puis l’avait transformé en Institut des Arts appliqués, il fut aussi le président-fondateur du premier Salon de l’artisanat en 1955, salon qui est devenu le Salon des métiers d’art. À cause de cette situation les demandes particulières de développement dans l’enseignement des arts ont été adressées à ce cégep. C’est ainsi que j’ai été impliqué dans la création du programme Danse-ballet pour le collégial (1979) avec Ludmila Chiriaeff, alors directrice de l’École supérieure de danse du Québec et à tous les travaux qui ont conduit à la création (1984) de l’Institut des métiers d’art du Québec.

2 J’ai mis en annexe ce répertoire de chansons à apprendre du temps. Un tel retour

au passé est éclairant. Il n’y a pas de meilleure démonstration pour soutenir qu’un curriculum d’études est bien un « construit social ».

3 Dans une société agricole, ce sont les prêtes, les avocats, notaires et médecins qui constituent les « élites ».

4 Le recours au rapport Rioux fut alors décisif. Si l’école doit transmettre aux jeunes générations les productions culturelles qui transforment nos sociétés, l’art doit avoir sa place à côté de la science ou la technique ou les institutions sociales car l’art y est présenté non comme une ornement de l’esprit, mais comme une activité productrice ayant une rôle propre parmi les autres activités productrices des hommes.

5 C’était alors le titre d’une émission de Pivot, le dimanche soir, sur tV5.

première année

Jules appelle AlineLa locomotiveCoucouJe vais à l’écoleFrère JacquesAu clair de la lune

DevinetteAh! vous dirai-je, mamanCourons à l’étableLe cordonnierPartons pour l’écoleLe cheval de bois

Ma poupéeSavez-vous planter des choux ?La chant du coucouMonsieur Savon a glisséLes poussinsJ’ai un beau château

À la voletteVenez, Roi de mon âmeÇa bergersIl est né, le divin EnfantAve MariaSauvez l’enfance

DEUXIèME ANNÉE

Ô Canada, terre de nos aïeuxMariann’ s’en va-t-au MoulinGai lon la, gai le rosierD’où viens-tu, bergèreMa chère poupéeFais dodo, Colas mon p’tit frère

Malbrough s’en va-t-en guerretrois petits minousLes saisonsÀ la claire fontaineIl était un petit navireJ’ai trouvé le nique du lièvre

trois fois passeraC’était une bergèreLe temps des fraisesLe petit chat blancMaman semainePrière d’un petit écolier

Ah ! quel grand mystèreAllons, suivons les MagesChantons JosephÔ mon bon JésusÔ Jésus, doux et humble de cœur

TROISIèME ANNÉE

AlouetteC’est l’aviron qui nous mène en hautVive le CanadienC’est la belle FrançoiseCadet Rousselle

Michaud est tombéLa bonne aventure, ô gué !C’est notre grand père NoéAu fond des campagnesLes cloches du hameau Le petit mousse

Le corbeau et le renardLa cigale et la fourmibonhomme, bonhomme !Le petit GrégoireVenez, divin MessieLes anges dans nos campagnes

Dans cette étableSalut, brillante ÉtoileJe vous adore, ô Sainte Eucharistie

QUATRIèME ANNÉE

La prière en familleVive la CanadienneLes filles de La RochelleIsabeau s’y promèneSur la route de berthierVeillée rustique

J’ai tant danséJ’entends le moulinLa ronde du bonheurQuand j’étais chez mon pèreApprenti pastouriauMon beau sapin

C’était Anne de bretagne Petite Mère, c’est toi !Fringue, fringue sur la rivièreDors, mon gâs !René Goupil à sa mèreLégende canadienne

Vers toi, divin PèreRetentissezÔ Vierge très belleSalut ! Ô Reine de beautéJe vous adore, cœur de mon DieuÔ douce Reine

CINQUIèME ANNÉE

La feuille d’érableV’la l’bon ventSouvenirs d’un vieillardRêves canadiensMet Dieu dans ta vieEnvoyons d’l’avant, nos gens !

Le carillonberceuseMadeleine, MadelonPartons, la mer est belle!La vieille égliseLa Paimpolaise

Mon merle Entendez-vous la mer qui chante?Notre-Dame du CanadaYouppe ! Youppe ! Sur la rivièreSainte nuit

bel astre que j’adoreJésus, notre Maître, est ressuscitéGoûtez, âmes ferventesMon sauveur, je ne suis pas digneLève les yeux

SIXIèME ANNÉE

Ô Canada, mon pays, mes amoursQuand il neige sur mon paysNoël des trois enfantsLe vieux moulinJe le mène bien, mon dévidoirMon paysPrière du soirJ’ai cueilli la belle rose

RêvezLe credo du paysanLe vieux sapinLe sommeil de l’Enfant JésusDors ma colombeMarie Ma-de-lei-neAlouette, n’aie pas peur de moiIl faut croire au bonheurLes conseils du vieux moulin

Jésus sur cette terre Vierge douce et secourableVeux-tu le vrai bonheur ?Ô Cœur, Victime de l’amour

SupplémentSalut du Saint SacrementCor JesuO Salutaris

Salve Reginatantum ergoLaudateMesse des anges (De Angelis)KyrieGloriaCredo IIIAgnus DeiIte, Missa estbenedicamus Domino

SEPTIèME ANNÉE

Ô carillonGloire aux aieuxLa chère maisonL’Angelus de la merLe bruit des berceauxLe moulinÔ nuit !L’heure pieuseNoël

Un p’tit moulin sur la rivièreberceuseAu bois du rossignoletLa rose effeuilléeLa vierge au fuseauLe petit moulinHymne à Dollard

Je vous salue, MarieLouons le Dieu puissant Mon doux JésusLouez tous le SeigneurÔ Jésus Hostie

SupplémentSalut du Saint SacrementParce DomineAdoro teSalve Mater

tantum ergoLaudate

Vêpres du dimanchePsaume 109Psaume 110Psaume111Psaume 112Psaume 113Lucis Creator

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Donner au suivant oul’impact imprévisible de l’éducation musicaleF R É D É R I C D E M E R S – trompettiste et pédagogue, [email protected]

Dans ma vie, difficile de faire abstraction de ce que l’éducation musicale à l’école m’a apporté! Aujourd’hui soliste, chambriste et

pédagogue, je suis totalement le fruit du réseau musical québécois. Laissez-moi vous raconter ma petite histoire :

C’est à Sherbrooke, le 10 janvier 1976, que j’ai su quelle direction prendrait ma future vie professionnelle. J’avais alors sept ans et, en fouillant dans un placard chez mes

parents, je suis tombé sur un morceau de métal intriguant enroulé sur lui-même. Mon père m’a appris que ce drôle d’engin s’appelait une trompette. Lui-même amateur de trompette dans sa jeunesse, il me montra do-ré-mi-fa-sol et, en quelques minutes, mon destin était scellé : je voulais devenir le meilleur trompettiste au monde.

Comme je n’ai pas réussi le test d’admission de l’école primaire à vocation musicale Sacré-Cœur de Sherbrooke, mon père a conti-nué à m’enseigner la trompette jusqu’en 6e année. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à étudier avec mon premier «VRAI» professeur privé de trompette! Par la suite, je suis entré à l’école à concentration musicale Mitchell-Montcalm.

En secondaire 5, j’ai fait mon audition pour le Conservatoire de mu-sique de Montréal et j’ai été admis, ce qui m’obligea à déménager à Montréal l’année suivante, à 17 ans. J’ai suivi le cursus du Conserva-toire jusqu’au niveau Concours (maîtrise) pour ensuite aller à l’univer-sité McGill avec le Quintette de cuivres IMPACt (ensemble formé dès mon arrivée au Conservatoire) en vue d’obtenir un diplôme spécialisé en musique de chambre avec Alain Cazes. À la suite de ces deux années, j’ai pris la décision d’entreprendre un doctorat en interpré-tation du cornet à pistons à l’Université de Montréal que j’ai terminé en 2006.

Au lendemain de mon récital de doctorat, je devais me donner un nouveau défi. J’ai eu l’idée de bâtir un concert pour jeune public sur

le thème de la trompette, spectacle intitulé : La trompette sous toutes ses formes. C’était un concert multimédia éducatif ayant pour but de faire découvrir aux jeunes l’univers des cuivres par la magie de sept trompettes aux formes et aux timbres différents. En 2007, j’ai adapté ce concert pour les Jeunesses Musicales du Canada. Les 7

trompettes de Fred Piston a été présenté plus de 400 fois devant plus de 40 000 jeunes, de l’Ontario aux Îles-de-la-Madeleine.

En septembre 2009, j’ai enregistré un disque solo : Carnaval & Concertos (Fidelio, Facd024). Cet enregistrement m’a amené à jouer

plus d’une vingtaine de fois en tant que soliste invité, dans plusieurs écoles secondaires, avec des harmonies et différents orchestres du Québec.

Aujourd’hui, j’habite Montréal. Je suis professeur de trompette au Collège Regina Assumpta et professeur en cuivres (trompette, trom-bone et euphonium) au Conservatoire de musique de Val-d’Or, où je me rends en avion aux deux fins de semaines. Lorsque je regarde le chemin parcouru depuis 30 ans, je suis fier de mes réalisations et des efforts que j’ai déployés pour atteindre mes objectifs.

Mon histoire n’est pas unique. Plusieurs enfants ont vu leur vie transformée grâce à leur cours de musique à l’école. Je pense par exemple à celle de Maxime, un jeune de St-Hippolyte, ville située au nord de Montréal, qui s’est découvert une passion pour la trompette au moment où il devait reprendre sa troisième secondaire.

C’était une période très sombre de sa vie. Alors inscrit en option mu-sique il s’est réfugié dans la pratique de cet instrument dont il trouvait la sonorité merveilleuse. D’ailleurs, son professeur a noté dans son album de finissant que la musique lui avait sauvé la vie. À l’âge de 16 ans, Maxime rejoignait l’Harmonie Omnigamme de Ste-thérèse, groupe qui lui a permis d’éprouver un sentiment d’appartenance salutaire. C’est à ce moment que nos chemins se sont croisés.

À l’occasion d’une représentation du Carnaval de Venise à Montréal avec l’Harmonie Omnigamme, Maxime fut impressionné par une de mes prestations de soliste. Il me demanda alors de lui donner des cours privés de trompette, et j’acceptai. À sa première leçon, Maxime se présenta à mon studio avec une trompette dessoudée de partout, affligée de rubans adhésifs pour colmater les trous, pourvue d’une embouchure mal adaptée et équipée de pistons qui collaient. Malgré le piètre état de cet instrument, Maxime a su me convaincre qu’il possédait un riche potentiel musical. Je lui ai proposé de venir étudier avec moi au Conservatoire de musique de Val-d’Or et, à mon grand étonnement, il décida de quitter son petit village pour aller s’établir à Val-d’Or durant au moins deux ans, laissant derrière lui ses parents, sa petite sœur et ses amis. D’ailleurs ses parents, heureux de son initiative, l’encouragèrent sans la moindre hésitation.

La première année ne fut pas de tout repos pour Maxime : une nou-velle vie en appartement (tiens, ça me rappelle quelque chose ça!),

de nouveaux amis et un nouveau groupe d’appartenance à apprivoi-ser. Par ailleurs, il s’est rendu compte que la pratique de la trompette exigeait une discipline de tous les instants. C’était définitivement plus difficile qu’il ne l’avait imaginé au départ… À son examen de décembre 2011, Maxime a vécu un vrai moment de découragement car il ne voyait plus d’avenir pour lui en trompette. toutefois, il s’est vite repris en mains durant la période des fêtes et, après avoir trimé dur durant la session d’hiver, il a finalement réussi avec brio son exa-men de fin première année le 13 mai 2012.

Au moment où j’écris ces lignes, Maxime a cumulé une année d’études de plus et s’apprête à passer son examen de fin d’année en vue de l’obtention de son DEC en musique. Il a décidé de demeurer une année supplémentaire au Conservatoire de Val-d’Or pour entre-prendre sa première année au baccalauréat. Ensuite, il verra. Chose certaine, Maxime et sa trompette suivront ensemble le même chemin.

Ces deux récits de vie nous montrent que les cours de musique à l’école peuvent avoir un effet bénéfique direct dans la vie d’un individu. Cependant il est bien difficile de le quantifier et ce n’est qu’en bout de ligne et quelquefois même en bout de carrière que peut se mesurer cet apport. C’est la raison pour laquelle, souvent comme enseignant, nous traversons des moments de décourage-ments et nous nous demandons quel est le sens de notre travail. C’est dans ces moments de doute qu’il est bon de se rappeler de petites histoires comme celles-là. Elles peuvent aboutir, comme ici, à un parcours professionnel en musique. Mais, il y a également toutes ces passions que l’on peut éveiller chez nos élèves et qui conduisent au développement d’une pratique amateur ou à une forme plus ou moins soutenue de mélomanie. Parfois, ce sera simplement la dis-cipline développée en musique qui sera réinvestie dans un secteur professionnel complètement différent.

Au bout du compte, je crois qu’il ne faut pas sous-estimer l’influence que nous pouvons avoir sur nos élèves, même si celle-ci n’est pas évidente au quotidien. En faisant notre travail d’éducateur avec en-thousiasme et rigueur, nous contribuons de différentes manières au développement des jeunes qui nous sont confiés. C’est dans cette optique qu’il faut envisager notre tâche au quotidien.

Alors, vive la musique et vive les enseignants de musique qui gardent vivant cet art dans nos écoles !

Au bout du compte, je crois qu’il ne faut pas sous-estimer l’influence que nous pouvons avoir sur nos élèves, même si celle-ci n’est pas évidente au quotidien. »

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musique et confiance :une démarche de composition pour l’édition 2011 du concours de chanson de l’Association canadienne pour la santé mentaleM A R I E - J O S É E P E L L E t I E R , Enseignante de musique à l’Académie Saint-Louis à québec,

Chef du Chœur Gospel Célébration de québec, [email protected]

L’ histoire débute par un feuillet déposé dans mon casier par mon directeur d’école avec un « post-it » me deman-

dant : « Est-ce que ça nous intéresse ? ». J’en prends connaissance. Il s’agit d’un concours de composition de chanson organisé par l’Association canadienne pour la Santé Men-tale sur le thème de la confiance. Après une visite sur le site web de cette association, je me mets à la recherche du groupe (j’en ai 29…) à qui cet exercice pourrait faire le plus de bien, musicalement et humainement. J’enseigne à ce moment-là au Pavillon Saint-Louis-de-Gonzague de l’Académie Saint-Louis à Québec, une école primaire privée qui accueille 650 élèves, du préscolaire à la 6e année, dans des classes non-mixtes. Une classe de filles ? De garçons ? Des petits ? Des grands ?

Une rencontre avec l’éducatrice spécialisée de l’école me met sur la piste des difficul-tés qu’ont nos filles du 3e cycle à accorder confiance aux bonnes personnes et à créer de saines amitiés. Sachant que mes filles de 6e, celles de la classe de madame Sarah

Demers sont « orphelines » de projet et ont démontré des aptitudes et un intérêt marqué pour le chant lors de leur inter-prétation de l’Hymne National au Colisée Pepsi, il ne m’en faut pas plus pour aller de l’avant

avec ce projet. (Autre secret : je suis moi-même chanteuse et chef de chœur…)

Extrait des domaines généraux de formation, je choisis sans contredit « vivre ensemble et citoyenneté » et comme compétence trans-versale, « la coopération et l’actualisation de

son potentiel ». L’amorce du projet se fait en discussion de groupe au moyen des ques-tions suivantes : « Qu’est-ce qui fait que j’ai confiance ou non en moi ? En les autres ? Qu’est-ce que la confiance ? À qui puis-je la donner ? Que faire lorsque quelqu’un me donne sa confiance ? Perd ma confiance ? Quels sont les signes de confiance ? Les gestes qui brisent la confiance ? » Il n’y a pas trop d’une heure pour faire la lumière sur ce sujet et expliquer le projet aux filles.

Comme savoirs essentiels, je décide de mettre l’accent sur la structure de la chanson. Les jeunes ont leur lecteur mp3 bourré de ce genre musical, autant savoir de quoi il en retourne ! J’arrive donc au cours suivant avec le canevas suivant : couplet, refrain, couplet, pont, refrain. Nous faisons une « tempête d’idées » de 30 mots reliés à la confiance; nous les inscrivons au tableau. Les filles se placent deux par deux et écrivent leur pre-mière ébauche. Le but est de remplir les lignes, d’avoir des phrases avec sensible-ment le même nombre de syllabes et de faire le plus grand nombre de rimes possible. Je circule dans la classe pour les aider à trou-ver des synonymes, à compter les pieds, à formuler, etc. Après une heure, je recueille leur ébauche et c’est à mon tour de jouer ! À tête reposée, j’essaie de répertorier le meil-leur, d’amalgamer les différents textes, de trouver le thème de la chanson, de créer une forme d’unité bref, de rédiger une version préliminaire. Quels sont mes critères ? Ce sont mes valeurs. Ce qu’une femme dans la trentaine veut laisser comme message à des pré-adolescentes qui feront face à de nombreux défis dans leur féminité comme dans leur vie : respect et affirmation de soi,

mise à profit de ses talents, importance des relations saines. J’y arrive… presque…

J’avais une amorce que je pensais pouvoir compléter avec les filles par des suggestions puisées à même leurs idées. Cependant, je me rends vite compte que c’est trop abs-trait sans musique. Les filles, d’ordinaire si impliquées et attentives, décrochent. Vite, je passe à une petite activité « tampon » pour finir la période dans le but de ne pas faire baisser l’intérêt pour ce projet. Je me remets au travail dès qu’elles ont quitté la salle pour voir comment je pourrais mieux les embar-quer… Je pense alors à l’un de mes men-tors, madame Chantale Masson-bourque qui disait : « Il faut que cela se vive dans la musique ! »

C’est alors qu’une ritournelle vint me hanter. J’écris donc une pièce pour piano qui res-semble dangereusement à l’accompagne-ment d’une chanson. Au cours suivant, je la joue aux filles et je les mets au défi de faire entrer les phrases de mon amorce, ainsi que d’autres suggestions, sur cette musique. Une heure de travail et c’était fait ! De toute beau-té de les voir compter sur leurs doigts, regar-der vers le plafond les yeux vers la gauche, se donner mutuellement des idées, me dire « Rejouez, madame ! On essaie quelque chose ! », trouver de nouvelles phrases, cher-cher le fil conducteur, le « chemin », etc. J’ai écrit la partition l’après-midi même pour être certaine de ne rien oublier tellement on avait travaillé intensément ! J’ai réussi à faire travailler mes 22 élèves à peu près éga-lement, assises en cercle autour du piano. Elles étaient invitées à lever la main pour faire une suggestion. J’avais aussi ma liste de

classe à côté de moi et je tentais de faire une marque à côté du nom de chaque fille qui intervenait. J’essayais ensuite d’interpeler celles qui n’avaient pas parlé.

Finalement, j’ai fait apprendre aux filles leur version de la pièce. Cela m’a permis de retourner travailler la technique vocale : interprétation, articulation, souffle, projec-tion, appui, etc. Je voulais les enregistrer, mais j’ai manqué de temps. Nous devions aussi produire des dessins pour un éventuel vidéo-clip de la chanson gagnante produite par l’Association. C’est à ce moment que l’enseignante-titulaire a pris le relais. Il fallait illustrer le plus possible les mots choisis. Les filles ont presque travaillé sous pression pour qu’on puisse remettre à temps notre texte, nos dessins ainsi que ma partition. C’était lancé dans l’univers !

Alors que nous n’y pensions plus, arrive la nouvelle de la victoire ! Nous aurions gagné à la loterie que nous n’aurions pas été plus heureuses ! La direction de l’école aussi. Il devient important que les filles puissent par-tager leur fierté à tous les autres élèves de l’école. Il faut qu’elles leur présentent leur chanson. Le début de la Semaine de la santé mentale coïncide avec le Lundi en Musique. Quelle belle occasion ! toute l’école se réu-nissait pour chanter ! Nous avons donc fait s’exécuter nos grandes de 6e avant que tous entonnent la chanson officielle du Lundi en musique. Un beau moment !

De ce projet je retiens qu’il est important de se donner des prétextes pour créer AVEC nos jeunes. Il ne faut pas avoir peur d’intervenir soi-même artistiquement dans ce genre de

projet. C’est là que l’expression « musicien-éducateur » prend tout son sens. Si je n’avais pas mis à profit ma propre créativité et mes compétences musicales, nous n’aurions pas atteint un tel résultat. J’ai pu donner l’exemple en me commettant et la création a pris la forme d’une véritable synergie entre mon groupe et moi. Et c’est à travers ce que je sais et ce que je suis que j’ai pu, je l’es-père, les aider à prendre soin d’elles et à se faire confiance dans le futur.

Je conseille à tous mes collègues de tenter une telle expérience. On a parfois du mal à trouver des idées de situation d’apprentis-sage pour la compétence 1 et ce concours m’en a fourni une en or !

Merci à l’Association canadienne pour la santé mentale d’avoir mis sur pied un tel concours ! Ma seule déception fut de trouver le vidéo-clip final seulement en septembre. Les filles étant rendues au secondaire, nous n’avons pas pu boucler la boucle. Selon moi, le concours devrait se dérouler plus tôt dans l’année pour avoir le produit final lors de la première semaine de mai. C’est d’autant plus dommage que le résultat est excellent ! La façon dont la musicienne et animatrice Julie bélanger a arrangé et interprété la chan-son est très intéressante. Elle ne ressemble pas à notre version, mais elle communique la fraîcheur et la jeunesse de nos élèves ! Ces dernières auraient bien aimé la rencontrer, je crois. Vous trouverez le vidéo-clip, les paroles de la chanson, une version instrumentale et des activités pédagogiques sur le site Inter-net de l’ACSM : http://www.acsm.qc.ca/

Longue vie à ce concours !

Et c’est à travers ce que je sais et ce que je suis que j’ai pu, je l’espère, les éduquer à prendre soin d’elles et à se faire confiance dans le futur.»

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R É C I t S D E P R At I Q U E

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Épreuve

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Un beau cadeau de l’Orchestre Métropolitain pour l’école Joseph-CharbonneauL I N D A L A b b É , MTA, Musicothérapeute, École Joseph-Charbonneau, CSDM, [email protected]

D epuis plus de 30 ans, l’enseigne-ment de la musique et la musico-thérapie occupent une place impor-

tante dans cette école; ces deux programmes permettent d’intervenir simultanément sur les dimensions affective, cognitive et senso-rimotrice du développement des élèves. Le programme de musicothérapie fut implanté selon les exigences du ministère de l’Éduca-tion, du Loisir et du Sport. Une équipe multi-disciplinaire composée de professionnels de l’école a également modifié des instruments de musique afin que tous les élèves puis-sent avoir accès au jeu instrumental : timbale adaptée, courroie pour tenir une baguette, marimba adapté, etc. Malheureusement, nos élèves n’ont pas souvent la chance d’assis-ter à des concerts; les déplacements sont difficiles pour eux. La visite à notre école du quintette à vent de l’Orchestre Métropolitain représentait donc pour nos élèves une op-portunité extraordinaire de rencontre avec la musique.

C’est dans le cadre du Mois des arts de la Commission scolaire de Montréal que le quintette à vent s’est déplacé à l’école afin de produire 2 concerts de 30 minutes : un pour la forma-tion générale (secteur régulier)

et l’autre pour les élèves ayant une déficience intellectuelle moyenne à profonde (formation de base continue). Quelques semaines avant le concert, les élèves de la radio étudiante de l’école ont préparé des questions pour

les musiciens. Les élèves de la formation générale ont aussi eu l’opportunité de poser spontanément des questions aux musiciens tandis que ceux et celles de la formation de base continue ont écouté attentivement le concert. Dès les premières notes, les musi-ciens ont senti l’écoute, le calme et l’effet de leur musique sur les jeunes.

Le quintette à vent de l’OM est formé des musiciens et musiciennes suivants : Caroline Séguin flûtiste, Simon Aldrich clarinettiste, Pierre Savoie corniste, Michel bettez basso-niste et Mélanie Harel hautboïste. L’Orchestre Métropolitain s’est doté d’une mission édu-cative et a conclu une entente de partena-riat avec la CSDM pour mettre en œuvre des projets musicaux dans des écoles primaires et secondaires.

Je tiens à remercier Hélène Lévesque, con-seil lère pédagogique à la CSDM, et Jennifer bourdages, coordonatrice à l’Orchestre Mé-tropolitain qui ont mis en œuvre ce projet. Je remercie également les musiciens qui se sont montrés généreux et qui ont permis aux élèves de vivre une expérience musicale riche, agréable et significative.

L’élève xavier Daydé de la radio étudiante présente les musiciens du quintette à vent de l’OM.

La visite à notre école du quintette à vent de l’Orchestre Métropolitain représentait donc pour nos élèves une opportunité extraordinaire de rencontre avec la musique. »

«

L’école secondaire Joseph-Charbonneau est une école spécialisée de la Commission

scolaire de Montréal destinée à l’éducation et à la réadaptation de jeunes âgés de 12 à

21 ans présentant une atteinte motrice (ex. paralysie cérébrale). Certains élèves ont des

conditions particulières associées à leur atteinte motrice : une déficience sensorielle ou

intellectuelle, des troubles d’apprentissage, etc.

R É C I t S D E P R At I Q U E R É C I t S D E P R At I Q U E

Les stratégies d’apprentissage au cœur de la réussite scolaireV I N C E N t V A L E N t I N E , Enseignant de musique, Commission scolaire de Saint-Hyacinthe, [email protected]

L’enseignement de la musique dans les écoles du Québec, nous le sa-vons bien, s’effectue dans des condi-

tions difficiles. Les enseignants de musique doivent habituellement composer avec des horaires chargés et partagés entre plusieurs écoles, des groupes-classes fortement hété-rogènes, un temps d’enseignement réduit pour chacun des groupes-classes, ainsi que de maigres ressources matérielles et bud-gétaires. Néanmoins, les objectifs des pro-grammes d’études restent ambitieux quant au développement des compétences musi-cales et aux visées éducatives générales.

J’enseigne en Montérégie, dans une école primaire d’environ 450 élèves située en milieu très défavorisé. Le ministère de l’Édu-cation, du Loisir et du Sport lui attribue en effet un indice de défavorisation de 9 sur une échelle maximale de 10. Plusieurs des élèves qui fréquentent cette école présente des besoins particuliers associés aux troubles de l’apprentissage ou aux difficultés d’ordre social, émotif ou comportemental.

Dans ce contexte, je me suis demandé de quelle manière je pouvais optimiser mon temps d’enseignement pour permettre au plus grand nombre d’élèves possible de vivre une expérience de réussite scolaire en musique. Autrement dit, comment amener ces élèves à reproduire avec justesse des contours mélodiques, à exécuter avec pré-cision des combinaisons rythmiques, à inter-préter le caractère expressif des phrases mu-sicales ou à déchiffrer des textes musicaux ?

J’ai donc entrepris en septembre 2011 une démarche exploratoire de type recherche-action avec deux spécialistes de l’appren-tissage : Madame France Perron, docteure en didactique et Madame France Simard,

docteure en neurosciences appliquées à l’apprentissage.

La démarche est relativement simple en ce qu’elle consiste, pour ma part, à filmer des séances d’enseignement que je soumets ensuite à mes deux collaboratrices pour fin d’analyse. Madame Perron analyse les as-pects relatifs aux stratégies d’enseignement-apprentissage alors que Madame Simard se penche sur les fonctions cérébrales et physiologiques mises en oeuvre dans les tâches musicales. Madame Simard est éga-lement spécialiste des méthodes actives en musique (Kodaly, Orff, Martenot, Willems), ce qui lui permet d’ancrer notre démarche de recherche dans la tradition pédagogique propre à l’enseignement de la musique.

En séance de travail collaboratif, nous iden-tifions ensuite les éléments pertinents et susceptibles d’améliorer l’efficience de mon enseignement. Nous procédons ensuite à l’élaboration de nouvelles démarches d’enseignement-apprentissage que j’expéri-mente en contexte réel et qui, une fois fil-mées, sont soumises à un nouveau proces-sus de validation.

Il ressort de l’interaction de nos différents champs d’expertise une approche pédago-gique originale alliant les connaissances et savoir-faire de l’enseignement traditionnel de la musique à ceux des domaines de l’éducation et des neurosciences. Plus pré-cisément, nous ajoutons aux exercices éla-borés de manière empirique par les grands pédagogues de la musique de la première moitié du xxe siècle, une dimension cogni-tive et métacognitive qui amène l’élève à prendre conscience des opérations men-tales qu’il doit réaliser pour réussir une tâche musicale.

Après plus d’un an d’expérimentation auprès de mes élèves, les résultats sont tangibles et manifestes. J’ai constaté une nette améliora-tion de leurs habiletés musicales en ce qui a trait à l’exécution des rythmes, à la justesse et à la puissance de leur voix, à la lecture des partitions, à la posture et au maintien en classe. Je note également un plus grand engagement cognitif des élèves en classe et une plus grande assiduité dans la pour-suite des apprentissages après les heures de classe.

En focalisant mon enseignement sur les actions mentales que les élèves doivent réa-liser pour réussir une tâche musicale et en leur enseignant les critères de réussite, je les conduis vers l’autorégulation et l’autonomie d’apprentissage. Les activités d’apprentissage que je leur propose deviennent alors plus signifiantes, car les élèves sont davantage en mesure d’apprécier l’impact des stratégies et démarches d’apprentissage sur le dévelop-pement de leurs compétences musicales. Les élèves ayant plus de contrôle sur leur apprentissage, je peux alors rehausser les défis à relever, ce qui stimule leur motivation.

Nous communiquons les résultats de cette démarche de recherche aux enseignants de musique lors de colloques ou de journées de formation : Journée pédagogique mon-térégienne 2011, Congrès FAMEQ 2011, Congrès FAMEQ 2012, Colloque régional des écoles privées de la région de Québec 2013. Nos ateliers se divisent habituellement en deux parties. La première est consacrée à l’identification et à l’analyse de stratégies et de démarches d’apprentissage à partir de séquences vidéo. La seconde initie les participants, par des exercices pratiques, aux étapes d’élaboration de stratégies et de démarches d’apprentissage.

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Épreuve

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LES CARACTÉRISTIQUES FONDAMENTALES DE L’IMPROVISATION MUSICALEL’improvisation est présente dans pratique-ment toutes les traditions musicales non occidentales, elle est centrale à la musique jazz et, bien qu’elle soit actuellement une pratique moins courante dans les salles de concerts classiques, elle y a occupé une place de premier plan jusqu’au milieu du 19e siècle environ (Scott, 2007). Dans cha-cune de ses occurrences, l’improvisation musicale prend des formes fort variables, ce qui pourrait expliquer pourquoi il n’y a pas de consensus quant à sa définition dans la

littérature scientifique. Fort de ce constat, j’ai analysé la littérature disponible sur le sujet afin de formuler la définition suivante de l’improvisation musicale qui, à la fois, la distingue des autres pratiques musicales et peut s’ap-pliquer à toutes les musiques

improvisées : « l’improvisation musicale est une exécution instrumentale ou vocale lors de laquelle le musicien génère du matériau musical en temps réel, tout en étant capable d’anticiper la conséquence sonore de ses actions ». Je vais maintenant préciser chacun des éléments de ma définition :

Une exécution instrumentale ou vocale : im-proviser implique nécessairement l’action de jouer de la musique.

[…] lors de laquelle le musicien génère du matériau musical : bien que les musiciens improvisateurs utilisent souvent des idées musicales répétées à l’avance, de la nou-veauté doit être produite au cours de toute improvisation, sans quoi il s’agit plutôt d’une interprétation.

[…] en temps réel : lors de l’improvisation, la génération de nouveau matériel se déroule simultanément à l’exécution musicale.

[…] tout en étant capable d’anticiper la conséquence sonore de ses actions : le ré-sultat sonore n’est pas le fruit du hasard. Par exemple, une fausse note se produisant lors d’une interprétation ne peut pas être consi-dérée comme une « improvisation ».

COMMENT EST-IL POSSIBLE D’IMPROVISER ?Le musicien improvisateur doit générer, exécuter et évaluer des idées musicales en temps réel, tout en se situant dans la struc-ture de la pièce et en étant attentif à ce qu’il joue et à ce que jouent les autres musiciens, le cas échéant (Johnson-Laird, 2002). toutes

BibliographieJohnson-Laird, P. N. (2002). How Jazz Musicians Improvise. Music Perception, 19 (3), 415-442.Kenny, b. J. et Gellrich M. (2002). Improvisation. Dans R. Parncutt et G. McPherson (dir.) The Science & Psychology of Music Performance, (p. 117-134). New York : Oxford University Press.Scott, J. K. (2007). Me? teach Improvisation to Children?, General Music Today, 20 (2), 6-13.Sousa, D. A. (2002). Un cerveau pour apprendre. Montréal : Chenelière McGraw-Hill.thompson, S. et Lehmann, A.C. (2004). Strategies for sight-reading and improvising music. Dans A. Williamon (dir.), Musical Excellence: Strategies and Techniques to Enhance Performance (p. 143–59). Oxford : Oxford University Press.

Une brève démystification de l’improvisation musicaleJ E A N - P H I L I P P E D E S P R É S , Doctorant, faculté de musique, Université Laval, [email protected]

qu’ont en commun le musicien jazz faisant un solo, le musicien indien jouant un raga

et l’organiste qui invente une suite de danses instrumentales en concert ? Ils improvisent.

Cette pluralité de manifestations de l’improvisation musicale peut susciter de nombreuses

questions. D’abord, est-ce que toutes ces pratiques, effectuées dans des contextes si

variables et donnant lieu à des résultats sonores si différents, possèdent réellement un

dénominateur commun ? Ensuite, comment est-il possible d’improviser ? Et finalement,

quelle est la part de l’inné et de l’acquis dans l’habileté à improviser ? C’est à ces trois

questions que je vais ici tâcher de répondre, en me basant sur des recherches récentes

portant sur l’improvisation musicale.

…l’improvisation musicale est une exécution instrumentale ou vocale lors de laquelle le musicien génère du matériau musical en temps réel, tout en étant capable d’anticiper la conséquence sonore de ses actions ».

«

ces tâches, exécutées quasi simultanément, imposent une charge considérable à sa mémoire de travail, dont la capacité est limitée, à l’âge adulte, au traitement de 7 (+/- 2) éléments (Sousa, 2002). Comment le musicien peut-il effectuer une tâche si complexe ?

L’analogie entre la musique et le langage permet de démystifier partiellement ce phé-nomène. En effet, la musique et le langage sont tous deux des systèmes de sonorités organisées qui permettent une certaine forme de communication entre un émet-teur et un récepteur. Suivant cette analogie, l’improvisation serait à la musique ce que la conversation courante est au langage, tandis que la composition musicale serait analogue à l’écriture d’un texte et l’interprétation à la rhétorique ou au théâtre. Ainsi, de la même façon que tout interlocuteur peut « improvi-ser » une conversation en temps réel avec un certain entraînement, tout musicien pourra éventuellement improviser, s’il s’y exerce suf-fisamment (thompson et Lehmann, 2004).

D’autre part, l’habileté en improvisation peut être développée grâce à deux modes d’ap-prentissage complémentaires : (1) involon-taire, par l’exposition prolongée et (2) volon-taire, par l’entraînement délibéré. Autrement dit, l’apprentissage de l’improvisation se fait

par une combinaison d’écoute et de travail instrumental. Ces deux activités favorisent le développement de la base de connais-sances du musicien improvisateur.

L’IMPROVISATION MUSICALE, UNE HABILETÉ INNÉE OU ACQUISE ?Selon Kenny et Gellrich (2002), la base de connaissances est composée des savoirs et des savoir-faire que l’improvisateur a entreposés dans sa mémoire à long terme, soit : ses programmes moteurs, ses straté-gies cognitives ainsi que ses connaissances musicales et théoriques. Il semblerait que la base de connaissances soit l’élément qui influence le plus la qualité de l’improvisa-tion. En effet, comparativement à la base de connaissances des novices, celle des experts est (1) de plus grande taille et (2) plus effi-cace. C’est-à-dire que les experts possèdent un plus large éventail de savoirs et de savoir-faire et qu’ils sont à même d’appliquer leurs connaissances théoriques en temps réel lors de l’improvisation. Ainsi, les connaissances actuelles démontrent que l’improvisation musicale est une aptitude qui peut être dé-veloppée chez tout individu qui y consacre-rait le temps nécessaire (thompson et Leh-mann, 2004). Ce constat vient contredire la croyance populaire selon laquelle la capacité à improviser dépendrait d’un talent inné. Ce

dernier mythe a pour sombre conséquence de risquer de priver ceux qui y croient de s’adonner à cette activité créative qu’est l’im-provisation musicale.

CONCLUSIONL’improvisation musicale comporte cer-taines caractéristiques fondamentales : elle implique que le musicien puisse jouer de la musique et créer de la nouveauté en temps réel, tout en anticipant la conséquence sonore des gestes qu’il pose. Ces caracté-ristiques transcendent les différences cultu-relles et stylistiques des multiples genres où on peut retrouver de la musique improvisée. De plus, l’improvisation est une activité de la vie de tous les jours. En effet, la plupart de nos conversations sont improvisées, en ce sens qu’elles ne sont pas déterminées à l’avance. Par ailleurs, de nombreux travaux de recherche récents démontrent que des moyens adéquats permettent d’améliorer significativement la qualité de l’improvisation musicale; il s’agirait donc d’une habileté ap-prise plutôt qu’infuse. Conséquemment, ce qui rend les grands improvisateurs si excep-tionnels n’est pas tant leur bagage génétique que la grande dévotion avec laquelle ils s’in-vestissent à parfaire leur art.

N O U V E L L E S D E L A R E C H E R C H E N O U V E L L E S D E L A R E C H E R C H E

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N O U V E L L E S D E L A R E C H E R C H E

L a Société québécoise de recherche en musique (SQRM) est heureuse de s’as-socier à la FAMEQ pour son concours

d’articles de vulgarisation scientifique. Grâce à ce partenariat, le lauréat s’est vu remettre par la FAMEQ un prix de 300 $ et son article se trouve publié dans ce numéro de Musique et pédagogie.

Le concours de vulgarisation est l’occasion, pour les étudiants chercheurs en musique, de diffuser les résultats de leur recherche dans un contexte différent des événements scientifiques, et de les faire connaitre à un plus grand nombre de personnes. Les textes admis peuvent traiter de tout sujet relatif à la musique : acoustique, analyse, archivistique, composition, droit, esthétique, ethnomusi-cologie, facture d’instruments, interprétation, histoire, multimédia, musicologie, organo-logie, pédagogie musicale, perception, psy-choacoustique, sociologie, etc.

Les personnes qui désirent participer au concours doivent nécessairement être ins-crites à temps plein ou à temps partiel dans une université québécoise ou un conserva-toire (baccalauréat, maîtrise, doctorat) ou être

stagiaires postdoctoraux dans un domaine relié à la musique. L’article qu’ils soumettent doit être en lien avec leur domaine de recherche.

Cette année, le prix a été décer-né à Jean-Philippe Després pour son article intitulé : Une brève démystification de l’im-provisation musicale. Monsieur Després est doctorant à la Faculté de musique de l’Uni-versité Laval. Ses recherches portent sur les processus d’apprentissage et de création des

improvisateurs experts en musique classique. Félicitations à Monsieur Després !

Fondée en 1980, la Société québécoise de recherche en musique (SQRM) est un orga-nisme sans but lucratif qui a pour objectif de favoriser le développement, la promotion, le soutien, la diffusion et la conservation de la recherche en musique du Québec. La SQRM s’adresse à tout professionnel ou étu-diant en musique, peu importe la spécialité, de même qu’à tout individu ou organisme intéressé par la recherche en musique au Québec. Plusieurs activités et services per-mettent d’intégrer la SQRM au milieu musical professionnel et de diffuser la recherche, par exemple, grâce aux conférences Présence de la musique, à la publication des Cahiers de SqRM ainsi qu’à l’organisation de colloques et de concours.

La SQRM salue la contribution de la FAMEQ au dynamisme du milieu de l’enseignement musical et à l’émergence de nouveaux cher-cheurs en musique.

Le partenariat SQRM-FAMEQpour le prix de vulgarisation scientifique 2013I S A b E L L E H É R O U x , professeure au Département de musique de l’UqAM et vice-présidente de la SqRM, [email protected]

La SQRM s’adresse à tout professionnel ou étudiant en musique, peu importe la spécialité, de même qu’à tout individu ou organisme intéressé par la recherche en musique au Québec.»

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