MUSEES - Le Devoir

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RÉGINALD HARVEY D élimitons d’abord sur un plan géo- graphique les frontières actuelles de l’arrondissement du Plateau- Mont-Royal: sa superficie re- monte à 2002, au moment des fu- sions municipales. De façon globale, en for- ment les contours, au sud, la rue Sher- brooke, au nord, la voie ferrée aux environs du boulevard Rosemont, à l’est, celle à proxi- mité de la rue d’Iberville, et, à l’ouest, l’ave- nue du Parc près des limites d’Outremont : « C’est maintenant un grand plateau qui in- clut d’autres réalités. » Nous y sommes et le temps est venu de voir de quelle façon ces lieux prennent forme et de- viennent habités. Remontons le cours du temps jusqu’avant le milieu du XIX e siècle : «À ce mo- ment-là, nous sommes dans une zone rurale d’agriculture et d’élevage qui n’est pas urbanisée, alors que la ville s’arrête quasiment à la rue Onta- rio et que la dénivellation plutôt abrupte entre celle-ci et la rue Sherbrooke représente un frein au développement. » Certains facteurs se présentent qui aplaniront cette difficulté et feront en sorte que le mouvement d’urbanisation s’étendra vers le nord : « Il faudra presque attendre l’arrivée du tramway hippomobile, vers 1864, pour qu’il y ait un transport collectif qui amène à la rue Saint- Laurent les gens du bas de la ville vers le nord. » Vers l’urbanisation… Il n’en demeure pas moins que, déjà sur ces terres, les habitants se livrent à des activités artisa- nales au sein de la tannerie des Bélair, à l’angle ac- tuel de Mont-Royal et Henri-Julien ; ils font de même dans un chapelet de carrières dont les sols regorgent, plus au nord, des fameuses pierres grises de Montréal ; elles serviront à la construc- tion de plusieurs bâtiments institutionnels ou rési- dentiels de prestige, dont l’église Notre-Dame: «Il se trouve alors des axes très importants qui vont structurer le reste du développement. Il y a celui de la rue Saint-Laurent, qui monte de la vieille ville vers le nord pour atteindre le village du même nom; il y a aussi une petite voie, Mont-Royal de nos jours, qui relie la rue Saint-Laurent à la tannerie située au centre du Plateau actuel. On retrouve également le sinueux chemin des Carrières qui traverse les terres vers le nord. De son côté, l’axe Papineau, situé dans l’est, conduit au chemin des Carrières.» Bernard Vallée fait le point sur cette période : « Peu à peu, à partir du milieu du XIX e siècle, on commence à faire du lotissement en vue d’une ur- banisation. La population provient alors de l’exode rural et, dans certains cas, de la vieille ville et de ses faubourgs limitrophes à partir du fleuve. » Il explique en long et en large comment le territoire se partage entre diverses entités municipales ou des villages et de quelle ma- nière les entrepreneurs vont procéder au lotisse- ment des terres dès les années 1840 : « Ces spé- culateurs ne faisaient pas d’urbanisme et ils valo- risaient leurs lots en donnant un terrain pour la construction d’une église. » À la fin du XIX e siècle se produit un regroupement, de telle sorte que, autour de 1910, la situation se présente comme suit : « Tous les villages en présence, qui sont deve- nus peu à peu des villes d’ouvriers, d’employés, de petites gens et de bourgeois, vont s’annexer les uns après les autres à Montréal, y compris celui de Côte-Saint-Louis, qui formait le pôle central de toutes ces entités municipales. » Le point culminant de l’essor urbain Et survient l’âge d’or du développement, en- tre la fin du XIX e siècle et la Première Guerre mondiale. Les villes s’annexent et la construc- tion domiciliaire connaît un rythme de crois- sance effréné, dans le contexte duquel apparais- sent les triplex qui deviendront omniprésents : « C’est un certain nombre de réglementations qui, à partir des années 1880, va conduire les entre- preneurs à adopter cette forme particulière de bâ- timent utilisant pleinement les lots qui sont étroits (25 pieds, ou 8 mètres, sur rue) et pro- fonds ; ces constructions se rendent à l’arrière jusqu’aux ruelles, dont la présence est pratique- ment obligatoire. » À cette époque, le territoire se bâtit presque complètement pendant la pé- riode faste de la construction, qui s’achève dans les années 1930 : « Il ne se construit pratiquement plus rien à partir de là, jusqu’aux années 1950. » De grands parcs sont aussi aménagés dans le même temps, dont celui du Mont-Royal, qui se pointe maintenant en quelque sorte en annexe du Plateau et de son parc Jeanne-Mance, qui, lui, verra le jour plus tard, au début du XX e siè- cle ; et, au cœur même du quartier, le parc La- fontaine prend forme, pendant que des lieux d’amusement et des champs de course, au- jourd’hui disparus, distraient les foules. Et, jusqu’au déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale, Bernard Vallée signale encore l’importance des mutations dans le peuplement, à mesure que se produit notamment l’implanta- tion d’usines manufacturières de fabrication de vêtements dans la rue Saint-Laurent (devenue boulevard en 1905) : « Il y a un exode rural venant de régions de plus en plus éloignées du Québec et un exode en provenance de l’étranger, qui est formé en particulier de la population juive, parce qu’elle était dominante, mais aussi de ressortissants ve- nant de l’Europe centrale. » La partie ouest du Pla- teau s’en trouve colorée. La relocalisation de l’Université de Montréal, du Plateau vers la mon- tagne, entraînera à son tour une migration de la classe bourgeoise vers d’autres lieux plus cossus, ce qui aura une influence sur le tissu urbain. Le choc de l’après-guerre À la suite de la Seconde Guerre mondiale et en pénétrant plus avant dans le XX e siècle, le Pla- teau, qui avait vraiment pris forme tel qu’il existe, subit une mutation : « Il commence à se déformer parce que, comme dans les autres quartiers de Montréal, il souffre d’une délocalisation indus- trielle massive. Jusque dans les années 1960 et au début de 1970, l’industrialisation déménage ; elle quitte les édifices du boulevard Saint-Laurent au sud et va se concentrer dans d’immenses bâtiments à proximité de ce dernier et de la voie ferrée, dans le secteur aujourd’hui appelé Saint-Viateur.» Plusieurs autres entreprises, la majorité en fait, sont quant à elles montées plus au nord rue Saint- Laurent, dans le coin de Chabanel, ce qui signifie de nombreuses pertes d’emploi pour le Plateau. Abattoir géant rue Mont-Royal, usines d’alimenta- tion et de chaussures et d’autres encore ferment tour à tour leurs portes dans le quartier. En raison des changements qui s’opèrent sur plusieurs plans à la fois, les mouvements sociaux prendront naissance et exerceront par la suite une influence sur les décisions politiques affec- tant les milieux de vie : « Il y a une spéculation as- sez effrénée qui se produit et qui dénature le quar- tier. Ces mouvements seront alimentés par tout cela et, par suite d’un certain nombre de luttes et aussi en vertu d’une éducation populaire, ils vont com- mencer à changer les points de vue dans la popula- tion et chez les décideurs. Le Plateau commence à devenir un lieu d’intérêt. » Et une exposition à Pointe-à-Callière raconte au- jourd’hui, images et documents à l’appui, la belle histoire d’un quartier montréalais devenu célèbre. Collaborateur Le Devoir Francine Lelièvre accueille le Plateau à Pointe-à- Callière Page 3 MUSEES VIES DE PLATEAU La scène québécoise vit dans le Plateau Page 4 L’escalier extérieur s’impose au pays du triplex Page 5 CAHIER THÉMATIQUE H › L E D E VO I R , L E S SA M E D I 2 6 E T D I M A N C H E 2 7 O C T O B R E 2 01 3 Nous sommes l’épicerie du Plateau ! 1293 Laurier Est, 514 524 8788 L’histoire du Plateau-Mont-Royal s’échelonne sur plus d’un siècle. À partir du milieu du XIX e siècle, une transformation majeure s’opère peu à peu : avant de devenir un milieu urbain, les terres qui l’abritent étaient consacrées au vécu rural et artisanal, mais la ville finira par re- monter du sud vers le nord la pente abrupte qui la sépare de la rue Sherbrooke, pour gagner ces lieux plutôt plats et y prendre racine. Bernard Vallée, animateur et spécialiste du patri- moine, sert de guide et entre dans les moindres détails pour débusquer le parcours historique de cette concentration urbaine à forte densité de population. Peu à peu, la ville grimpa vers le nord pour s’installer dans le Plateau… «Tous les villages en présence sont devenus peu à peu des villes d’ouvriers, d’employés, de petites gens et de bourgeois» ARCHIVES VILLE DE MONTRÉAL Vue de la caserne de pompiers n o 30, anciennement l’hôtel de ville de Saint-Louis, à l’angle de Laurier et Saint-Laurent GILLES MARSOLAIS Le Théâtre des Variétés, rue Papineau POINTE-À-CALLIÈRE Moule du buste de Nelligan exposé au square Saint-Louis

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Page 1: MUSEES - Le Devoir

R É G I N A L D H A R V E Y

D élimitons d’abord sur un plan géo-graphique les frontières actuellesde l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal : sa super ficie re-monte à 2002, au moment des fu-

sions municipales. De façon globale, en for-ment les contours, au sud, la r ue Sher-brooke, au nord, la voie ferrée aux environsdu boulevard Rosemont, à l’est, celle à proxi-mité de la rue d’Iberville, et, à l’ouest, l’ave-nue du Parc près des limites d’Outremont :« C’est maintenant un grand plateau qui in-clut d’autres réalités. »

Nous y sommes et le temps est venu de voirde quelle façon ces lieux prennent forme et de-viennent habités. Remontons le cours du tempsjusqu’avant le milieu du XIXe siècle : «À ce mo-ment-là, nous sommes dans une zone ruraled’agriculture et d’élevage qui n’est pas urbanisée,alors que la ville s’arrête quasiment à la rue Onta-rio et que la dénivellation plutôt abrupte entrecelle-ci et la rue Sherbrooke représente un frein audéveloppement.» Certains facteurs se présententqui aplaniront cette difficulté et feront en sorteque le mouvement d’urbanisation s’étendra versle nord : «Il faudra presque attendre l’arrivée dutramway hippomobile, vers 1864, pour qu’il y aitun transport collectif qui amène à la rue Saint-Laurent les gens du bas de la ville vers le nord.»

Vers l’urbanisation…Il n’en demeure pas moins que, déjà sur ces

terres, les habitants se livrent à des activités artisa-nales au sein de la tannerie des Bélair, à l’angle ac-tuel de Mont-Royal et Henri-Julien ; ils font demême dans un chapelet de carrières dont les solsregorgent, plus au nord, des fameuses pierresgrises de Montréal; elles serviront à la construc-

tion de plusieurs bâtiments institutionnels ou rési-dentiels de prestige, dont l’église Notre-Dame: «Ilse trouve alors des axes très importants qui vontstructurer le reste du développement. Il y a celui dela rue Saint-Laurent, qui monte de la vieille villevers le nord pour atteindre le village du même nom;il y a aussi une petite voie, Mont-Royal de nos jours,qui relie la rue Saint-Laurent à la tannerie situéeau centre du Plateau actuel. On retrouve égalementle sinueux chemin des Carrières qui traverse lesterres vers le nord. De son côté, l’axe Papineau, situédans l’est, conduit au chemin des Carrières.»

Bernard Vallée fait le point sur cette période :«Peu à peu, à partir du milieu du XIXe siècle, oncommence à faire du lotissement en vue d’une ur-banisation. La population provient alors del’exode rural et, dans certains cas, de la vieilleville et de ses faubourgs limitrophes à partir dufleuve.» Il explique en long et en large commentle territoire se partage entre diverses entitésmunicipales ou des villages et de quelle ma-nière les entrepreneurs vont procéder au lotisse-ment des terres dès les années 1840 : «Ces spé-culateurs ne faisaient pas d’urbanisme et ils valo-risaient leurs lots en donnant un terrain pour laconstruction d’une église.» À la fin du XIXe sièclese produit un regroupement, de telle sorte que,autour de 1910, la situation se présente commesuit : «Tous les villages en présence, qui sont deve-nus peu à peu des villes d’ouvriers, d’employés, depetites gens et de bourgeois, vont s’annexer les unsaprès les autres à Montréal, y compris celui deCôte-Saint-Louis, qui formait le pôle central detoutes ces entités municipales.»

Le point culminant de l’essor urbainEt survient l’âge d’or du développement, en-

tre la fin du XIXe siècle et la Première Guerremondiale. Les villes s’annexent et la construc-tion domiciliaire connaît un rythme de crois-

sance effréné, dans le contexte duquel apparais-sent les triplex qui deviendront omniprésents :«C’est un certain nombre de réglementations qui,à partir des années 1880, va conduire les entre-preneurs à adopter cette forme particulière de bâ-timent utilisant pleinement les lots qui sontétroits (25 pieds, ou 8 mètres, sur rue) et pro-fonds ; ces constructions se rendent à l’arrièrejusqu’aux ruelles, dont la présence est pratique-ment obligatoire. » À cette époque, le territoirese bâtit presque complètement pendant la pé-riode faste de la construction, qui s’achève dansles années 1930 : «Il ne se construit pratiquementplus rien à partir de là, jusqu’aux années 1950.»

De grands parcs sont aussi aménagés dans lemême temps, dont celui du Mont-Royal, qui sepointe maintenant en quelque sorte en annexedu Plateau et de son parc Jeanne-Mance, qui,lui, verra le jour plus tard, au début du XXe siè-cle ; et, au cœur même du quartier, le parc La-fontaine prend forme, pendant que des lieuxd’amusement et des champs de course, au-jourd’hui disparus, distraient les foules.

Et, jusqu’au déclenchement de la DeuxièmeGuerre mondiale, Bernard Vallée signale encorel’importance des mutations dans le peuplement,à mesure que se produit notamment l’implanta-tion d’usines manufacturières de fabrication devêtements dans la rue Saint-Laurent (devenue

boulevard en 1905): «Il y a un exode rural venantde régions de plus en plus éloignées du Québec etun exode en provenance de l’étranger, qui est forméen particulier de la population juive, parce qu’elleétait dominante, mais aussi de ressortissants ve-nant de l’Europe centrale.» La partie ouest du Pla-teau s’en trouve colorée. La relocalisation del’Université de Montréal, du Plateau vers la mon-tagne, entraînera à son tour une migration de laclasse bourgeoise vers d’autres lieux plus cossus,ce qui aura une influence sur le tissu urbain.

Le choc de l’après-guerreÀ la suite de la Seconde Guerre mondiale et en

pénétrant plus avant dans le XXe siècle, le Pla-teau, qui avait vraiment pris forme tel qu’il existe,subit une mutation: «Il commence à se déformerparce que, comme dans les autres quartiers deMontréal, il souf fre d’une délocalisation indus-trielle massive. Jusque dans les années 1960 et audébut de 1970, l’industrialisation déménage; ellequitte les édifices du boulevard Saint-Laurent ausud et va se concentrer dans d’immenses bâtimentsà proximité de ce dernier et de la voie ferrée, dansle secteur aujourd’hui appelé Saint-Viateur.»

Plusieurs autres entreprises, la majorité en fait,sont quant à elles montées plus au nord rue Saint-Laurent, dans le coin de Chabanel, ce qui signifiede nombreuses pertes d’emploi pour le Plateau.Abattoir géant rue Mont-Royal, usines d’alimenta-tion et de chaussures et d’autres encore fermenttour à tour leurs portes dans le quartier.

En raison des changements qui s’opèrent surplusieurs plans à la fois, les mouvements sociauxprendront naissance et exerceront par la suiteune influence sur les décisions politiques affec-tant les milieux de vie: «Il y a une spéculation as-sez effrénée qui se produit et qui dénature le quar-tier. Ces mouvements seront alimentés par tout celaet, par suite d’un certain nombre de luttes et aussien vertu d’une éducation populaire, ils vont com-mencer à changer les points de vue dans la popula-tion et chez les décideurs. Le Plateau commence àdevenir un lieu d’intérêt.»

Et une exposition à Pointe-à-Callière raconte au-jourd’hui, images et documents à l’appui, la bellehistoire d’un quartier montréalais devenu célèbre.

CollaborateurLe Devoir

Francine Lelièvreaccueille lePlateau à Pointe-à-Callière Page 3

MUSEESVIES DE PLATEAU

La scènequébécoise vitdans le PlateauPage 4

L’escalierextérieur s’imposeau pays du triplexPage 5

C A H I E R T H É M A T I Q U E H › L E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 6 E T D I M A N C H E 2 7 O C T O B R E 2 0 1 3

Nous sommes l’épicerie du Plateau !1293 Laurier Est, 514 524 8788

L’histoire du Plateau-Mont-Royal s’échelonne sur plus d’un siècle. À partir du milieu duXIXe siècle, une transformation majeure s’opère peu à peu : avant de devenir un milieu urbain,les terres qui l’abritent étaient consacrées au vécu rural et artisanal, mais la ville finira par re-monter du sud vers le nord la pente abrupte qui la sépare de la rue Sherbrooke, pour gagnerces lieux plutôt plats et y prendre racine. Bernard Vallée, animateur et spécialiste du patri-moine, sert de guide et entre dans les moindres détails pour débusquer le parcours historiquede cette concentration urbaine à forte densité de population.

Peu à peu, la ville grimpa vers le nord pour s’installer dans le Plateau…«Tous les villages en présence sont devenus peu à peu des villes d’ouvriers, d’employés, de petites gens et de bourgeois»

ARCHIVES VILLE DE MONTRÉAL

Vue de la caserne de pompiers no 30, anciennement l’hôtel de ville de Saint-Louis, à l’angle de Laurier et Saint-Laurent

GILLES MARSOLAIS

Le Théâtre des Variétés, rue Papineau

POINTE-À-CALLIÈRE

Moule du buste de Nelligan exposé au squareSaint-Louis

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P L A T E A U - M O N T - R O Y A LL E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 6 E T D I M A N C H E 2 7 O C T O B R E 2 0 1 3H 2

ART ET CULTURE

Le Palais des nains, vous en souvenez-vous?« La mixité du tissu social a créé et crée toujours un quartier très vivant et ouvert »

P I E R R E V A L L É E

«A ujourd’hui, le Plateauest le quartier où l’on dé-

nombre la plus grande concen-tration d’artistes au Canada »,souligne Élisabeth MonastMoreau, responsable de l’ex-position Vies de Plateau auMusée Pointe-à-Callière. Etcela ne date pas d’hier, selonGabriel Deschambault, mem-bre du conseil d’administra-tion de la Société d’histoire etde généalogie du Plateau-Mont-Royal.

«À titre d’exemple, c’est dans lePlateau que des artistes commeRiopelle, Barbeau et Borduas ontétabli leurs ateliers de peintredans les années 1940, poursuit-il.Refus global est né dans le Pla-teau.» Mais qu’est-ce qui a bienpu amener ces jeunes artistes,qui voulaient casser le moule, às’établir dans le Plateau ?«D’abord, certains d’entre eux,comme Riopelle et Barbeau, sontdes natifs du Plateau, précise Ga-

briel Deschambault. Mais il y aaussi le caractère un peu horsnormes du quartier qui joue. LePlateau-Mont-Royal de cetteépoque, grâce à la présence de lacommunauté juive, était au fondmulticulturel avant le temps. Lamixité du tissu social a créé etcrée toujours un quartier très vi-vant et ouvert, susceptible d’atti-rer les artistes.»

Personnalités marquantes Ce ne sont pas les personna-

lités ar tistiques marquantesqui manquent dans l’histoireet l’actualité du Plateau. Il y aévidemment les incontourna-bles que sont Michel Trem-blay, Jean-Claude Germain etGaston Miron. À ces derniers,il faut aussi rajouter, du côtéanglophone, Mordecaï Richleret Leonard Cohen. « Peu degens savent que deux de nosplus grandes figures de la chan-son québécoise, soit Jean-PierreFerland et Ginette Reno, sontnées dans le Plateau, respective-

ment rue Chambord et rueMarquette», précise-t-il.

Plusieurs événements artis-tiques d’envergure qui ontmarqué le Québec tout entieront vu le jour dans le Plateau,dont évidemment Refus Global.« Mais il faut aussi se rappelerque la pièce Les Belles-Sœurs,de Michel Tremblay, a été crééeau Théâtre du Rideau-Vert, quifut aussi la première troupe dethéâtre professionnelle franco-phone au Canada. L’Osstidchoa eu lieu au Théâtre deQuat’Sous, alors sous la direc-tion de Paul Buissonneau.»

Lieux de diffusionLe Plateau-Mont-Royal a tou-

jours été bien pourvu en lieuxde diffusion. Certains existentencore, tels le Rideau-Vert etle Quat’Sous, d’autres, commeles cinémas, ont changé de vo-cation, des nouveaux se sontajoutés, comme l’Espace Go etLa Licorne.

L’auditorium Le Plateau, sisdans l’école du même nom si-tuée dans le parc Lafontaine, aété, à partir de 1935, la maisonde la Société des concerts sym-phoniques de Montréal, deve-nue en 1953 l’Orchestre sym-

phonique de Montréal. Legrand Wilfrid Pelletier y a dirigéde nombreux concerts jusqu’en1963, au moment où l’OSM em-ménage à la Place des Arts.

Culture populaire etreligion

Il ne faudrait pas, selon Ga-briel Deschambault, négligerpour autant la culture popu-laire ni l’importance de la reli-gion sur le plan culturel. « LePalais des nains, construit dansla rue Rachel au milieu des an-nées 20, a été pendant de nom-breuses années une des attrac-tions touristiques les plus pri-sées du Plateau.» Il y a aussi leThéâtre des variétés, situé ruePapineau, qui, sous la houlettede Gilles Latulippe et de satroupe, a déridé le public pen-dant plus de 30 ans.

La procession de la Fête-Dieu dans les rues du Plateau,bien qu’elle ne fût pas un évé-nement ar tistique, peut êtrequalifiée de manifestation cul-turelle, tant l’engouement et lafierté qu’elle suscitait chez lesrésidants étaient grands.« L’importance de la Fête-Dieuest due à la présence des pèresdu Très-Saint-Sacrement, qui

se sont installés dans le Plateauen 1890. Cette congrégation, laseule en Amérique du Nord àoffrir à cette époque l’adorationperpétuelle, avait le don d’orga-niser des célébrations fastes quiattiraient les paroissiens. C’estcette congrégation qui a mousséla Fête-Dieu dans le Plateau.»

CréativitéL’exposition Vies de Plateau

au Musée Pointe-à-Callière faitévidemment place à l’art et àla culture du Plateau. «Une sec-tion de l’exposition y est dédiée,où on évoque les grands nomset les grands événements, sou-ligne Élisabeth Monast Mo-reau. Mais l’exposition a choisiaussi de se décliner en attirantl’attention sur les nombreusesformes de créativité qu’ontrouve aujourd’hui et hier dansle Plateau-Mont-Royal, que cesdernières soient architecturales,urbanistiques, économiques oumême politiques. Cette créati-vité est donc soulignée danstous les aspects de l’exposition.Par exemple, c’est dans le Pla-teau que sont nées les premièresruelles ver tes. Dans notre esprit, cela dénote la créativitép r o p r e a u P l a t e a u - M o n t -

Royal. »Ainsi, l’exposition Vies de

Plateau a cru bon d’expliquerl’origine des escaliers exté-rieurs qu’on trouve dans le Pla-teau, une idée originale certes,mais peu pratique en hiver. «Ily a deux raisons pour lesquelleson retrouve ce type d’escalierdans le Plateau. La première estd’ordre hygiénique, lorsque ladécision fut prise d’élargir lesrues afin de faciliter leur entre-tien et de maintenir leur salu-brité. Mais cela réduisait d’au-tant la surface des lots sur les-quels on pouvait construire, etles promoteurs, qui devaient lo-ger des familles nombreuses, nevoulaient pas perdre d’espace in-térieur. Ils ont donc eu l’idée demettre les escaliers à l’extérieur.Une idée qui a plu aux i n s -t a n c e s r e l i g i e u s e s d el’époque, qui l’ont encouragée,car elles considéraient les cagesd’escalier comme autant d’al-côves permettant à leurs parois-siens de folâtrer. » Et c’est ainsi qu’a vu le jour un trait ar-chitectural caractéristique du Plateau-Mont-Royal.

CollaborateurLe Devoir

Le Plateau-Mont-Royal est reconnu pour être un quartier àforte connotation culturelle. C’est le cas aujourd’hui, mais cel’était aussi par le passé. Bref survol du caractère culturel duPlateau-Mont-Royal, d’hier à aujourd’hui.

RUES COMMERÇANTES

Ces rues où les résidences et les commerces cohabitent

MAURICE PERRON FONDS MAURICE PERRON MUSÉE NATIONAL DES BEAUX-ARTS DU QUÉBEC

À la seconde exposition des automatistes se sont retrouvés Marcel Barbeau, Pierre Gauvreau, Madeleine Arbour, Paul-Émile Borduas et Claude Gauvreau, des artistes qui avaient établi leur atelier dans le Plateau.

P I E R R E V A L L É E

«L e boulevard Saint-Lau-rent fut la première rue

pavée à l’extérieur des murs del’ancienne ville de Montréal etpossède donc une riche his-toire », souligne Glenn Castan-heira, directeur général de la

Société de développementcommercial (SDC) du boule-vard Saint-Laurent.

En effet, la Main, comme onl’appelle familièrement, a étél’hôtesse de plusieurs vaguesd’immigration, d’abord juive,puis portugaise et grecque, cequi lui donne encore aujourd’hui

son caractère multiethnique.«Les premiers commerces ont étéouverts par la communauté juive,ce qui fait que la Main est depuislongtemps une rue commer-çante. Aujourd’hui, on y trouve àla fois des activités diurnes,comme les épiceries et les bou-tiques, mais aussi des activitésnocturnes, comme les restaurantset les bars.»

Si les travaux publics des der-nières années ont fait grimperle taux d’inoccupation commer-ciale, celui-ci est aujourd’hui àla baisse. Il faut dire que la SDCa mis beaucoup d’efforts dans

des activités de promotion,dont ces deux foires commer-ciales. «L’objectif des foires com-merciales n’est pas uniquementd’écouler la marchandise, maisaussi de créer un événement etune ambiance qui créeront dessouvenirs chez les visiteurs. C’estce souvenir qui les fera revenirau boulevard Saint-Laurent.»

Quant aux mesures d’atté-nuation de la circulation misesen place par l’administrationFerrandez, elles n’ont pas eud’impacts majeurs. À ce sujet,Glenn Castanheira y va d’unesuggestion : « Il faudrait appli-

quer ici la solution des stationne-ments étagés où les gens peuventgarer leur voiture et poursuivreleurs activités à pied. Rien n’em-pêche que ces stationnementssoient parfaitement intégrés à latrame architecturale.»

Rue Saint-DenisImportant axe nord-sud, la

rue Saint-Denis fut avant toutune r ue résidentielle. « Lescommerces se sont installés aurez-de-chaussée des immeublesau début des années 1980, ex-plique Joël Pourbaix, directeurgénéral de la SDC de la rueSaint-Denis. Par la suite, descommerces se sont installés aux

d e u x i è m e s e t t r o i s i è m e sétages. Et, comme les immeu-bles sont en retrait, c’est rueSaint-Denis que se sont dévelop-pées les premières vraies ter-rasses à Montréal. »

La rue Saint-Denis offre unebelle mixité de commerces :boutiques de mode, restaurantset cafés, entreprises de serviceset boutiques spécialisées. «Il nefaut pas oublier le caractère cul-turel de la rue, puisqu’on ytrouve deux théâtres, des librai-ries et des galeries d’art.»

Le taux d’inoccupation de-

meure relativement stable et nesemble pas avoir été affecté parles mesures d’atténuation de lacirculation. Par contre, l’acha-landage a diminué, ce qui est at-tribuable, selon Joël Pourbaix,« à la multiplication des pôlescommerciaux en banlieue».

Pour contrer ce phénomène,la SDC a consacré beaucoupd’ef forts dernièrement à desactivités promotionnelles. Et,comme il est interdit de fermerla rue Saint-Denis à la circula-tion, la SDC a dû faire preuved’imagination. « Nous devonstravailler le long de la rue etc’est là pourquoi nos événe-ments, comme nos sculptures de

glace à la fin de février,épousent le concept duparcours.»

Présentement, laSDC est en train demettre en place unenouvelle valorisationde la marque qui faitsienne cette idée de

parcours. « Ce nouveau bran-ding veut faire de la rue Saint-Denis une destination touris-tique et une solution de re-change aux centres commer-ciaux. On veut mettre l’accentsur l’authenticité montréalaisede la rue et inviter nos visiteursà y déambuler à leur rythme.»

Avenue du Mont-RoyalAxe est-ouest, l’avenue du

Mont-Royal était au départ unchemin qu’empruntaient les

Le Plateau-Mont-Royal est un quartier résidentiel possédanttrois grandes rues commerçantes qui of frent à la fois des com-merces de proximité et des commerces de destination. Brefportrait de ces axes que sont le boulevard Saint-Laurent, larue Saint-Denis et l’avenue du Mont-Royal.

Les courtiers de Via Capitale du Mont-Royal*

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VOIR PAGE H 3 : COMMERCES

Quant aux mesures d’atténuationde la circulation mises en place parl’administration Ferrandez, ellesn’ont pas eu d’impacts majeurs

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P L A T E A U - M O N T - R O Y A LL E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 6 E T D I M A N C H E 2 7 O C T O B R E 2 0 1 3 H 3

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5 t h é â t r e s s u r u n p l a t e a u !

POINTE-À-CALLIÈRE

Vies de Plateau décrit l’effervescence d’un quartier« On essaie de glisser quelques racines dans la perception que les gens ont des événements actuels »

ouvriers pour se rendre auxtanneries et aux car rières,avant de devenir une rue rési-dentielle. Ce n’est qu’au débutdu XXe siècle que les activitéscommerciales sont apparues.

« Aujourd’hui, l’avenue duMont-Royal of fre une belle di-versité de commerces, expliqueBertrand Hubert, porte-parolede la SDC de l’avenue duMont-Royal. On y trouve descommerces de proximité commedes commerces discrétionnaires.C’est tout un écosystème com-mercial qui of fre aux visiteursune atmosphère bon enfant.»

Atmosphère et écosystèmeaujourd’hui en péril, selon Ber-trand Hubert : «Ce qui fait malà nos commerçants, ce sont lesmesures d’atténuation de la cir-culation mises en place par l’ad-ministration Ferrandez. Lechangement de direction desrues a fait en sorte qu’il devientde plus en plus dif ficile de serendre à l’avenue du Mont-Royal. Et, une fois rendu, le coûtélevé des parcomètres fait ensorte que plus personne ne veutflâner dans la rue. Nos com-

merces de proximité sont moinstouchés par ces mesures, maisnos commerces de destination ygoûtent. Le taux d’inoccupationmonte, les commerces ferment etl’achalandage baisse. On diraitqu’il y a quelque chose de cassédans l’avenue du Mont-Royal.»

La SDC de l’avenue du Mont-Royal est l’une des plus vieillessociétés de cette nature àMontréal et, par conséquent,est bien rompue aux activitéspromotionnelles, dont plu-sieurs ont lieu chaque année.Est-ce suffisant pour renverserla vapeur? «Non, il faut d’abordrevoir les mesures d’atténuation,en particulier le changement dedirection de la rue Christophe-Colomb, que plusieurs emprun-taient justement pour se rendreà l’avenue du Mont-Royal. Ilfaut aussi repenser le coût dustationnement. Par exemple, onpourrait le moduler selon le tauxd’occupation. Ce sont des me-sures semblables qui vont per-mettre de revitaliser la rue. Lecommerce dans l’avenue duMont-Royal ne peut pas fleuriruniquement avec les clients rive-rains. Il faut attirer des clientsqui ne sont pas du quartier.»

CollaborateurLe Devoir

J É R Ô M E D E L G A D O

F rancine Lelièvre est direc-trice depuis toujours de

Pointe-à-Callière. Et si son mu-sée peut nous emmener enChine ou chez les Mayas, il estun lieu où, en plus d’être unsite archéologique, sont propo-sées ces expositions qui nousfont vivre, en la racontant, l’his-toire de Montréal. Aujourd’hui,le Plateau-Mont-Royal est misen cimaises.

Pourquoi le Plateau-Mont-Royal,maintenant?

Nos expositions perma-nentes livrent une vision géné-rale de l’histoire de Montréal.Ça n’exclut pas que, dans lese x p o s t e m p o r a i r e s , a ucontraire, on puisse jeter un re-gard plus pointu sur des lieuxemblématiques de la ville.Pourquoi le Plateau, mainte-nant ? Il n’y avait rien de parti-culier, mais c’est un quartierfort, qu’on l’aime ou qu’on lecritique, qui méritait qu’on leregarde et qu’on fasse un peude recherche. Dans le dévelop-pement de Montréal, le pre-mier quartier, une fois qu’ondépasse le centre-ville, c’est lePlateau. Aujourd’hui, il est enef fer vescence, on en parlebeaucoup. On essaie de donner

des clés pour [comprendre]pourquoi il est devenu ce quar-tier au rayonnement national etmême international. On s’estdit : «Soyons de notre temps».

Quelles sont les intentions quivous guident dans cette suited’expos?

Une partie importante de no-tre mission consiste à voir com-ment évolue la ville. On ne sedonne pas l’obligation de fairetous les quartiers. On penseque, tous les trois ou cinq ans,on peut jeter un regard. L’idéeest de donner une paire de lu-nettes. Les gens ont besoin de présentisme, mais noussommes un musée d’histoire.On essaie de glisser quelquesracines dans la perception queles gens ont des événementsactuels, du brouhaha de l’infor-mation. L’histoire, ce ne sontpas que des dates. Le passénous sert à comprendre le pré-sent, à avoir une capacité dediscerner ce qui se passeradans l’avenir. Pour moi, l’his-toire, c’est quand vous lisez vo-tre journal le matin et que vousarrivez à saisir les enjeux d’uneguerre quelque part.

Doit-on comprendre qu’il s’agitdès lors de mieux connaître notre ville?

Je crois qu’on a tous intérêtà apprendre de notre histoire,qu’elle soit de notre ville, denotre pays. Mais ce n’est passeulement la connaissancepour la connaissance. C’estl’appréciation, la perceptionqu’on a lors de nos prome-nades urbaines, qui nous enri-chissent. De savoir que, dans

l’immeuble d’Ubisoft [boule-vard Saint-Laurent, angleSaint-Viateur], auparavant, onfaisait dans la guenille. Seule-ment ça, ça nous sensibilise,nous enrichit. On n’est pas làpour donner une leçon d’his-toire, mais c’est bon qu’on rap-pelle que le Plateau, sa créati-vité, ce n’est pas spontané.

C’est un lieu où les artistes sesont installés depuis un siècle.Si on est arrivé là aujourd’hui,ça s’est fait par strates.

L’expo Vies de Plateau reposesur l’identité culturelle du quar-tier. Ne fait-on pas dans lesidées reçues?

L’expo reste un survol, il nefaut pas se donner d’autresprétentions. Mais on pose desquestions. Est-ce que ce quar-tier est véritablement créatif ?L’a-t-il été à travers le temps ouest-ce plutôt relié aux généra-tions actuelles ? Notre rôle estde chercher les racines. Onpart de ce thème, mais on élar-git comme un entonnoir à l’en-vers. On par t du connu versl’inconnu. On a pris le parti defaire une sorte de promenade,comme si on visitait cinq rueset une r uelle. Chacune desrues est un condensé. La pre-mière, c’est la naissance. Ondémarre avec la campagne. Ladeuxième, c’est l’industrialisa-tion, l’aménagement du terri-toire, l’architecture. Ce sontles fameux escaliers exté-rieurs. Dans la troisième, onrencontre les gens, notam-ment les personnages célè-bres. Le quar tier a quelquechose de distinctif, pas unique,mais distinctif. Les gens quiont vécu dans ce quartier onteu des influences qui ont dé-passé le quartier, de Mgr Bour-get à Camillien Houde, maisaussi des leaders du mouve-ment syndical. Après, on ar-rive dans la rue propre à cetteef fer vescence de créativité.On retrouve les artistes, Bor-

duas, Riopelle, Michel Trem-blay. On poursuit ensuite avecles quatre grands parcs du Pla-teau et on termine avec lesruelles. Les ruelles ont unebelle histoire et on pourraitfaire une expo uniquement surelles. J’aimerais ça et j’y pensesérieusement.

Y avez-vous, vous, découvertquelque chose?

J’ai appris beaucoup, absolu-ment. Les escaliers extérieurs,par exemple. J’ai compris le détail de la réglementation qui[est à leur origine]. On ne pou-vait pas construire à ras de rue,il fallait laisser un espace. Cet es-pace a permis aux architectesde travailler autrement. Lacontrainte est devenue un atout.

Il n’y a pas vraiment de publica-tion qui existe sur le Plateau.Pour tant , l ’expos i t ion ne sera pas accompagnée d’un catalogue. Pourquoi?

Pour un ensemble de facteurs.Au sujet du Plateau, on peut gla-ner des choses un peu partout.On s’est dit qu’on n’apporteraitpas suffisamment de nouveau-tés pour faire une briquecomme celle sur la rue Sainte-Catherine, d’une part. D’autrepart, il y avait le côté finance-ment. Puis, l’exposition est uneouverture vers l’actuel et versl’avenir. Le Plateau se prêtaitmoins à être enfermé dans unepublication. Il y a tellement d’ef-fervescence que dès le lende-main elle serait dépassée.

CollaborateurLe Devoir

Depuis l’exposition Saint-Laurent, la Main de Montréal (2002),Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’architecture, a souvent scruté la ville à travers un secteur précis. Après Rêveset réalités au canal de Lachine (2004), Lumières sur le Vieux-Montréal (2005) et La rue Sainte-Catherine fait la une !(2011), voici Vies de Plateau, inaugurée cette semaine.

MICHEL JULIEN

La directrice de Pointe-à-Callière a elle-même appris beaucoup dechoses grâce à la nouvelle exposition.

SUITE DE LA PAGE H 2

COMMERCES

ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR

L’avenue du Mont-Royal regroupe des commerces de proximité et discrétionnaires, formant un écosystème commercial convivial.

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Si le Quartier des spectacles concentre au-jourd’hui une grande partie de la vie cultu-relle montréalaise, le Plateau-Mont-Royaln’est cependant pas en reste. Selon Jean-De-nis Leduc, directeur et fondateur de La Li-corne, c’est même ici qu’on peut prendre lepouls de la création théâtrale.

H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

«L e Plateau est le cœur même du théâtrecontemporain montréalais, estime celui

qui décida d’y implanter son théâtre. Il y a tou-jours une effervescence ici, et la présence de qua-tre grandes salles sur le territoire le prouve. Cesont véritablement quatre lieux majeurs à Mont-réal. Des lieux vivants, qui ont une véritable cou-leur, une véritable personnalité chacun dans songenre et avec une approche assez dif férente, cequi fait aussi la variété de l’offre. Il en sort beau-coup de créations, il s’y organise beaucoup d’évé-nements culturels. On peut aller y voir ce quis’écrit aujourd’hui au Québec, les nouvelles œu-vres québécoises, mais aussi, selon les théâtres,des orientations artistiques ou des choix de pro-grammation ayant beaucoup de caractère. »

Quatre salles, qui sont donc l’Espace Go, leQuat’Sous, le Théâtre d’Aujourd’hui et, biensûr, La Licorne.

« À La Licorne, par exemple, nous avons lapréoccupation de partir de l’intime pour aller ausocial. C’est notre couleur, affirme-t-il. On passepar l’humain, par ce que nous sommes, pour ex-pliquer des comportements sociaux. Ça nous per-met de nous adresser directement aux gens, aupublic, de leur parler de problèmes qui les concer-nent, qui les bousculent, qui leur posent des ques-tions et dont ils vont continuer à débattre à lasortie du théâtre. On aime proposer des piècesqui poussent à réfléchir et qui amènent la conver-sation entre les spectateurs. »

Une effervescence théâtrale rehaussée par laprésence sur le territoire, et ce, depuis bientôt

20 ans, de l’École nationale de théâtre du Ca-nada, rue Saint-Denis, à deux pas du métroLaurier. « L’ef fervescence, la vitalité dont jeparle, je la date à peu près de cette période, ra-conte le fondateur de La Licorne. Du milieu desannées 90. Ce n’est pas d’hier, mais je pense quel’activité est devenue beaucoup plus présentedans les dernières années. »

Artistes présentsLa présence de nombreux artistes sur le ter-

ritoire attise également la vie culturelle. Du faitde l’existence de l’École nationale, du fait égale-ment que les différents théâtres accueillent dejeunes troupes en résidence, des troupes quin’ont pas les reins assez solides pour avoir leurpropre lieu de création.

«Beaucoup d’artistes vivent également dans lePlateau, souligne M. Leduc. Même si les loyerssont devenus plus chers et que c’est en train dechanger. Quoi qu’il en soit, les gens qui vivent icisont généralement ouverts, curieux. Même si lePlateau populaire de Michel Tremblay existe en-core, s’y est ajoutée une population composée debeaucoup d’étudiants et de jeunes professionnels,qui sont très en demande de culture et intéressés àvenir voir ce qu’on fait. En ce sens, je ne crois pasque nous souf frions de la présence du Quartierdes spectacles. Nous ne proposons pas les mêmespièces et nous ne touchons pas le même public.»

Un «nouveau» quartierVirginie Dubois est chargée de projet en re-

cherche et création pour la Coop vidéo de Mont-réal, un centre de production regroupant scéna-ristes, réalisateurs, producteurs et artisans, ins-tallé en plein cœur du Plateau dans la rue Marie-Anne Est. Elle avait quitté le Plateau depuis plu-sieurs années et le redécouvre aujourd’hui.

« Le quartier s’est fameusement embourgeoiséet commercialisé, et il semble malheureusementque la franche nouvelle culture du Plateau soitcelle du magasinage et du lèche-vitrine, commepartout en Amérique du Nord, regrette-t-elle.Cela dit, je recommence à goûter à la vie cultu-

relle du Plateau, que je qualifierais plutôt d’évé-nementielle. Oui, il y a une programmationthéâtrale toujours singulière, notamment à LaLicorne. Le Patro Vys, où ça bouge pratiquementtous les soirs et où on peut voir de petits showsde musique émergente. La Maison de la culture,qui présente souvent des expositions très intéres-santes. Mais il me semble que la marque cultu-relle forte du Plateau, c’est le happening. »

Parmi eux, l’expérience Piano des villes,piano des champs, qui consiste à disséminer

des pianos en quelques points névralgiques duPlateau. Cet été, cinq instruments ont ainsi étélaissés à la libre inspiration des musiciens enherbe du quartier.

Mais Virginie Dubois insiste également surla Nuit blanche, événement éphémère durantlequel Montréal s’habille de lumière et em-brasse tous les arts, dans une frénésie de cul-ture tout particulièrement insolite dans le Pla-teau. Ou encore, la Nuit blanche sur tableaunoir, qui chaque année invite les artistes à réali-ser une grande fresque à même le bitume del’avenue du Mont-Royal.

«Ce qui est intéressant, c’est que ces événementsamènent la population à sortir de chez elle pourconsommer de la culture, explique Mme Dubois.Alors même que, à l’époque du cinéma maison etde la culture de la gastronomie et de la rénova-tion, les citoyens sont devenus très sédentaires. Jecrois que c’est l’un des grands enjeux pour les pro-chaines années : parvenir à faire sortir les gens dechez eux. Et amener la culture dans la rue, lafaire sortir hors les murs des organismes culturelsest à mon avis une très bonne solution.»

Une identité à établirUn autre enjeu, selon Jean-Denis Leduc, est de

parvenir à donner une identité culturelle au quar-tier, donc se mettre autour d’une table et la définir.

« Si je ne pense pas que nous souf frons duQuartier des spectacles, je crois en revanche quenous avons à apprendre de lui en matière decommunication, estime-t-il. Il faut qu’on arrive àmettre dans la tête des Montréalais que le Pla-teau est une solution de rechange en matière deculture. Et, pour cela, ils doivent être conscientsdu type de spectacle, du type d’événement quenous proposons. Nous devons également être ca-pables d’attirer les touristes dans nos salles. Ilfaut qu’ils sachent que, s’ils veulent voir ce qui sefait de contemporain sur la scène québécoise,c’est dans le Plateau que ça se passe ! »

CollaboratriceLe Devoir

VIE CULTURELLE

La scène québécoise, c’est dans le Plateau qu’elle vit !Le Plateau dispose de quatre salles de théâtre, véritables vitrines de la création québécoise contemporaine

Ce n’est pas d’hier que ça bouge dans le Plateau-Mont-Royal. Deux jésuites ne sont pas étran-gers à ce dynamisme dans un quartier qui s’est radicalement transformé depuis la fondationd’un centre longtemps connu sous le nom d’Immaculée-Conception et rebaptisé Père-Sablon,en hommage à son premier directeur.

CENTRE PÈRE-SABLON

Depuis des décennies, ça bouge dans le Plateau

G E O R G E SL A O U NO P T I C I E N

D’Alexandrie en Egypteau

Plateau Mont-Royal.30 ans

de serviceà la communautée

et aux artistesmontréalais.

FRANÇOIS PESANT LE DEVOIR

L’été, quelques points du quartier deviennent deslieux de création spontanée avec l’expérience Pianodes villes, piano des champs. En juin dernier,l’artiste Socalled s’est mis à l’œuvre sur un pianoplacé près de la bibliothèque du Mile-End.

ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR

Marie Desroches, directrice générale des Œuvres du Père-Sablon, a à cœur d’aider les jeunes à seréaliser par le biais du sport et de trouver des mécènes pour que cette ambition devienne réalité.

A N D R É L A V O I E

A u lendemain de la Deuxième Guerre mon-diale, le père Wilfrid Gariépy constate le

désœuvrement de ses jeunes paroissiens etcherche à canaliser leur énergie. Il imaginealors un centre pour accueillir les enfants pen-dant toute l’année, situé dans la rue Papineau, àdeux pas du parc Lafontaine. Dès son ouver-ture, en 1951, la direction est confiée à l’aumô-nier des terrains de jeux du parc, Marcel de laSablonnière, un passionné de spor ts quiconstate lui aussi que les enfants ont besoin de s ’accomplir autrement qu’en pratiquant avec fer veur la petite délinquance.

Non seulement celui qu’on sur-nomme le père Sablon est convaincudes bienfaits de l’activité physique,mais il rallie les gens d’af faires à sacause, question de soutenir ses pro-grammes sportifs et de loisirs destinésaux familles pauvres de ce quartier po-pulaire, ou encore sa base de plein airdans les Laurentides, Le P’tit Bonheur,inaugurée en 1962. Il peut compteralors sur un voisin fortuné, Pierre Pé-ladeau, fondateur du groupe Québe-cor, lui qui n’hésitait jamais à donnerun coup de main financier pour lesœuvres du père Sablon.

Aider les jeunesAu fil des décennies, deux choses

n’ont jamais changé au sein de cetétablissement : aider les jeunes à seréaliser par le biais du sport et trou-ver des mécènes pour que cette am-bition devienne réalité. Marie Des-roches, directrice générale des Œu-vres du Père-Sablon, se veut la gar-dienne de cette double mission, admirative dela fougue de son célèbre prédécesseur, auxcommandes jusqu’en 1992 et décédé le 20 no-vembre 1999. « On a créé la Fondation aprèsson décès , souligne la directrice, questiond’établir une structure plus formelle. Le pèreSablon, il savait s’entourer ! Au sein de sonconseil d’administration, il y avait des repré-sentants des banques et, dès qu’il préparait unnouveau projet, il faisait ses appels et allaitchercher de l’argent. »

Par contre, ce qui s’est transformé autour del’établissement de la rue Papineau, c’est lequartier ! Le Plateau-Mont-Royal des années1950 ressemble bien peu à celui d’aujourd’hui.Marie Desroches tient toutefois à apporter desnuances devant le phénomène de gentrificationqui donne au Plateau ce nouveau visage. « Lamoyenne des revenus des habitants n’est pas siélevée par rapport aux autres quartiers de Mont-réal. Il y a beaucoup de gens riches, mais unnombre encore important de gens pauvres ; les

deux extrêmes se côtoient, ce qui fait que lamoyenne n’est pas si élevée. »

MixitéCertains de ces gens dits « riches » fréquen-

tent assidûment le Centre Père-Sablon. «Notresalle d’entraînement et nos cours attirent uneclientèle assez favorisée, même si nos tarifs sontbas. D’ailleurs, les soirs et les week-ends, nousfonctionnons à pleine capacité. Mais cette clien-tèle-là nous aide aussi à financer notre mission,car tous les membres permettent aux jeunes detous les milieux de se réaliser. Le mot d’ordre,

c’est : “ Tu t’entraînes ici, tu aides une œuvre ! ” »

Ce n’est pas le seul credo de MarieDesroches, soucieuse de « mixité »aussi bien au Centre et au P’tit Bon-heur que dans tous les autres pro-grammes, dont celui du Petit Cirquepour les jeunes du quartier Hoche-laga-Maisonneuve. « La majorité del’argent qu’on reçoit, c’est pour del’aide financière aux enfants et aux fa-milles défavorisées, qui peuvent ainsiparticiper comme les autres à nos acti-vités ou fréquenter la base de plein air.Au P’tit Bonheur, les moniteurs sontsouvent incapables de nous dire qui,parmi les jeunes, vient ou non d’un mi-lieu défavorisé. Même chose au Cen-tre : dans la piscine ou sur un terrainde soccer, tous sont égaux. » La direc-trice multiplie d’ailleurs les pontsavec d’autres organismes pour queles familles à faible revenu connais-sent les ser vices des Œuvres duPère-Sablon, car il est terminé letemps où les nécessiteux du Plateaufrappaient nombreux à leur porte ; lapauvreté est mieux dissimulée, mais

pas moins présente.Par contre, dans ce quartier ou ailleurs, un

phénomène commence à se moquer des bar-rières sociales : l’obésité chez les enfants et lesadolescents. « Ils font moins de sports qu’aupa-ravant, constate à regret Marie Desroches.Autrefois, ils venaient ici jouer au baseball et, lereste de la soirée, ils couraient dans les ruelles.De nos jours, s’il n’y a pas de sport organisé, ilsn’en font pas, préférant rester collés à leur ordi-nateur. » La directrice continue pourtant demarteler le même message, auprès des jeunescomme des gens d’affaires, soucieuse d’assu-rer l’épanouissement de sa première clientèle.Depuis 1951, plus d’un million de personnesont partagé le rêve de dépassement du pèreSablon, longtemps engagé dans le mouvementolympique canadien et international. Pour lui,l’important, c’était vraiment de participer.

CollaborateurLe Devoir

Il est terminéle temps où lesnécessiteuxdu Plateaufrappaientnombreux à leur porte ;la pauvreté est mieuxdissimulée,mais pasmoinsprésente

Page 5: MUSEES - Le Devoir

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ARCHITECTURE

Et l’escalier extérieur s’imposa au pays du triplex« Chaque constructeur voulait se démarquer des autres et ça finit par constituer une infinie variété »

ARCHIVES VILLE DE MONTRÉAL

À la base, c’est pour des raisons de sécurité et de salubrité qu’on a sorti les escaliers.

ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR

Il existe une version bourgeois de la maison en rangée qui comporte des ornements plus détaillés.

ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR

Aujourd’hui, sur le Plateau, une architecture plus moderne côtoie l’ancienne.

M A R I E - H É L È N E A L A R I E

A vant 1850, ne seront tracésque les grands axes entou-

rant ce qui ne s’appelle pas en-core le Plateau-Mont-Royal : àl’est, il y a le chemin Papineau,à l’ouest, le chemin Saint-Lau-rent, borné au sud par la rueSherbrooke et au nord par lescarrières des Bellaire. À l’inté-rieur de ce quadrilatère, onvoit apparaître quelques rues,dont Coloniale, de Bullion etHôtel-de-ville. À l’époque, leparc Lafontaine est un champde manœuvres militaires.

En 1860, Montréal inaugureson tramway hippomobile, uneinnovation qui donnera sonélan au développement du Pla-teau-Mont-Royal, qui était au-paravant trop difficile d’accèsà pied par la côte Sherbrooke.À l’angle Saint-Laurent et Rachel, c’est le marché publicqui cimente le nouveau village.Puis, lentement les villages de-viennent des quartiers, et c’esten 1900 que se dessinent les li-mites du Plateau-Mont-Royald’aujourd’hui. Déjà à l’époque,un impor tant boom deconstruction en fait le quartierde Montréal ayant la plus fortedensité de population.

Duplex et triplexapparaissent

Cette densité résulte d’unlong historique qui date de bienavant 1900: «Au départ, c’est unmilieu rural où on retrouve desmaisons et de petits bâtiments,qui seront ensuite remplacés parde petites maisons ouvrièresdans lesquelles se retrouve beau-coup de monde. Aujourd’hui,dans les quartiers centraux, lesgens occupent presque 500 piedscarrés par personne; à l’époque,le même espace pouvait logerjusqu’à neuf personnes », nousdit Luc Noppen, professeur, his-torien d’architecture et titulaire

de la Chaire de recherche duCanada en patrimoine urbainde l’UQAM. Quartier ouvrierpar excellence, donc, le terri-toire est alors couvert de mai-sons à deux étages et donc àdeux logements, qu’on appelle« maisons à logements multi-ples». Les résidants ont pour laplupart été chassés des quar-tiers plus anciens, comme lefaubourg Saint-Laurent, incen-dié en 1852.

Une réglementation impor-tante voit le jour à Montréal en1880 : l’approbation du plan delotissement est maintenant obli-gatoire et la Ville impose l’ali-gnement des constructions surune marge de recul d’une di-zaine de pieds de la bordure dela rue. Ainsi, le cadastre se stan-dardise et on obtient des lots de25 pieds de largeur qui s’éten-dent jusqu’à la ruelle, sur uneprofondeur de 70 à 120 pieds.C’est la naissance des maisonsen rangée. «Les terrains des du-plex et des triplex ne sont pas trèsdifférents, mais, quand apparaîtune pression pour la densifica-tion, apparaît aussi la figure dutriplex vers 1890, et ça devient lamaison typique du promoteur»,explique M. Noppen.

Jusque-là, les maisons ou-vrières avaient été construitesune à une ou en petites séries,et, ce qu’on voit à par tir de1890, ce sont des constr uc-teurs qui peuvent érigerjusqu’à 25 maisons dans unemême série. Le duplex ou letriplex : «C’est la maison qui seréduit à sa figure essentielle :c’est une boîte de bois habilléede briques sur lesquelles il n’y apresque pas d’ornements. C’estpour des raisons de sécurité etde salubrité qu’on a sorti les es-caliers », continue Luc Noppen.Nous sommes à une époqueoù la spéculation immobilièrese fait galopante et c’est ellequi fait naître le triplex : «La fa-

çon la plus rentable de dévelop-per un terrain qui commence àcoûter cher, c’est d’avoir le plusde façade sur rue et ça com-mande aussi la constructionsur l’ensemble de la parcellevers l’arrière. On a un bâti-ment qui devient alors trèslong. » Luc Noppen va mêmejusqu’à dire que le triplex,«avant même d’être une habita-tion, est un système de produc-tion architecturale».

Logements multiplesÉvidemment, le triplex ré-

pond à des impératifs en ma-tière de logement. L’appella-tion « plex » est assez récente,elle apparaît dans les années1970. « On les a longtemps ap-pelés “ maisons à logementsmultiples ”, mais tout d’abord,dans le langage populaire, onles a appelés des “flats” », ra-conte M. Noppen. Ce sont lesspécialistes qui se mettent àobserver les conditions du lo-gement à Montréal qui, eux,vont utiliser le terme de « mai-son type » : celle qui est trèslongue et très étroite, qui pos-sède deux ou trois étages…Ce terme apparaît dans les an-nées 1920, alors que le triplexest au sommet de sa gloire.

On encense aujourd’hui leslogements des triplex du Pla-teau, mais, à l’époque de leurconstruction, il en allait toutautrement : « On parle du cer-cueil du pauvre. Le défaut deces logements, ce sont les piècestrès étroites en enfilade, donttrès peu sont éclairées. Il nefaut pas oublier que ce qu’onconsidère aujourd’hui commeun beau “ salon double ” servaità l’époque, la nuit venue, à cou-cher plusieurs personnes. »

S i t o u s l e s t r i p l e x s econstruisent sur les mêmesplans et se ressemblent gran-dement, on ne peut pas direqu’ils ont été érigés à uneépoque où on appréciait lemouvement moderne qui ac-cepte l’uniformité. Il y avaitune obligation de se distin-guer avec de subtiles dif fé-rences : « Ça peut être le lin-teau avec un castor ou unefleur de lys ou un travail plusou moins ouvragé sur les bal-

cons ou sur l’amortissement dela corniche. Chaque construc-teur voulait se démarquer desautres et ça finit par constituerune infinie variété. »

Maisons bourgeoisesIl existe une version bour-

geoise de la maison en rangée,qui est la maison contiguë.Celle-ci est construite indivi-duellement et non pas en série.« C’est le même type architectu-ral, on peut aller de la simpleboîte de bois à la maison beau-coup plus articulée avec de lapierre de taille en façade etavec des ornements plus détail-lés », nous raconte Luc Noppenen songeant aux maisons desrues De Lorimier et Saint-Hu-ber t. Mais, encore une fois,des considérations écono-miques dictent les règles :«Quand le constructeur paie un

lot plus cher parce qu’il est situédans une avenue plus large etbordée d’arbres, le prix justifiela construction d’une maisonplus chère. Quand les gens veu-lent une maison plus individua-lisée, on peut embaucher un ar-chitecte ou un dessinateur.Comme on peut dif ficilementmodifier les plans intérieurs, onse concentre sur les détails inté-rieurs et extérieurs, qui, eux,sont infinis. »

Dif ficile de parler du Pla-teau et de ses triplex sans par-ler de ces fameux escaliers encolimaçon, en S, en T, en L. Ilsapparaissent dès la naissancedes escaliers extérieurs, pourdes questions de sécurité, et,comme un escalier droit oc-cupe beaucoup d’espace, trèsvite on a cherché des moyenspour faire en sor te qu’ilprenne moins de place, d’où sa

forme qui souvent se tortille.Si le triplex montréalais n’est

pas unique dans l’histoire del’architecture nord-américaine,c’est ici qu’il est le mieuxconservé : «À Baltimore, on entrouvait beaucoup, dans cer-tains quartiers de New York etde Boston aussi. Mais, à Mont-réal, contrairement à Balti-more, on a conservé les triplex !En raison de l’étalement urbain,on n’a pas eu à démolir le Pla-teau pour faire place à de nou-velles constructions, on est alléles bâtir ailleurs. C’est ainsi quele triplex est devenu un mythe to-tal et de culture profonde ; en-core aujourd’hui, dans certainsquartiers, on construit presquede la même manière, c’est unarchétype très fort. »

CollaboratriceLe Devoir

Si le Plateau compte de magnifiques exemples d’architecturepublique et institutionnelle, commerciale et industrielle, cesont les constructions résidentielles qui retiennent aujourd’hui notre attention. Celles qu’on appellera longtemps,et non par hasard, les maisons types : le fameux triplex, em-blème du Plateau.

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VIE DE QUARTIER

Une Petite-France à MontréalIls sont 20 000 Français sur ces 100 400 individus qui habitent le Plateau

É M I L I E C O R R I V E A U

D éployé au pied du montRoyal et s’étendant sur

8,1 km 2, l ’ar rondissement du Plateau-Mont-Royal sur-plombe le centre-ville. Ses mul-tiples rues étroites sont bor-dées d’arbres et avoisinent degrandes artères grouillantesde monde. Sa riche histoire,ses escaliers colorés, ses bars,ses restos et ses petites bou-tiques lui confèrent un charmesingulier, différent de celui quicaractérise les autres quar-tiers de la ville.

Avec une population de100 400 individus, dont 20 000Français, il est l’arrondisse-ment montréalais affichant laplus for te densité. Quelque28% de ses habitants étant âgésde 25 à 34 ans, il est égalementle plus jeune de la ville. Aussi, ilest celui dont la population uti-lise le moins la voiture.

D’après M. Br uno Clerc,consul général de la France à

Montréal, tout cela expliqueen bonne partie l’engouementdes Français pour le Plateau-Mont-Royal. «C’est la faute descafés et des restaurants !, s’ex-clame-t-il spontanément. Mont-réal est une ville facile à vivre,agréable, dans laquelle il y atrès peu de délinquance. C’estune ville qui compte beaucoupd’espaces verts et, chez les Fran-çais, cette quête de verdure etde grands espaces, c’est quelquechose de très présent. Quant auPlateau en soi, il a un petit côtéfrançais par son mode de vie. Ila un petit côté village aussi,parce qu’on y trouve tout àproximité. Beaucoup de Fran-çais aiment ce côté convivial. »

Espaces verts et vie de quartier

Maureen Mondin, coordon-natrice au contenu des galaschez Juste pour rire, abondedans le sens de M. Clerc. Ex-banlieusarde parisienne, lajeune femme, qui habite le Pla-

teau depuis maintenant sixans, est arrivée à Montréal en2007, après avoir obtenu unpermis vacances-travail (PVT).Pour elle, c’est le parc Lafon-taine qui a été le plus détermi-nant dans son choix.

« Au départ, pour choisir oùj’allais habiter, j’ai pris unecarte de la ville et j’ai cherchédes appartements qui se trou-vaient au centre, près des trans-por ts, indique Mme Mondin.Comme je n’avais pas encore deboulot, je ne cherchais pas àêtre proche de quelque chosed’autre que le métro ou l’auto-bus. J’ai trouvé un appartementen colocation près du parc La-fontaine et j’ai adoré vivre là.Au fil des années et des déména-gements, je me suis aperçu quece que je préférais du Plateaujustement, c’était le parc. J’ysuis tout le temps, été comme hi-ver. J’y marche, j’y cours, j’y pa-tine ou j’y bouquine. Mainte-nant, j’habite au nord du parcet j’adore cela. »

L’histoire de Nils Chartier,originaire de Paris, ressemble àcelle de Mme Mondin. Ayant ter-miné ses études et désirantvoyager, muni d’un PVT, lejeune homme a atterri à Mont-réal en 2006 en ne connaissantque très peu la ville. Ayanttrouvé son appartement par lebiais d’Internet alors qu’il étaittoujours à Paris, M. Chartier

est débarqué rue Beaubiensans même savoir dans quelquartier elle se trouvait. Si, audépart, le jeune homme ne s’estpas installé dans le Plateau, dèsqu’il en a eu l’occasion, il a emménagé rue Laurier.

« J’aime la rue Laurier. Il y ale parc juste à côté ; j’ai tous lescommerces de proximité en basde chez moi. L’ambiance y estbonne, il y a toujours des trucsà faire. Même si c’est dif férentde tout ce que j’ai vécu, çame rappelle un peu la vie dequartier en France. »

Vivement l’Amérique!Comme M m e Mondin e t

M. Char tier, de nombreuxFrançais âgés de 18 à 35 ansdécouvrent Montréal chaqueannée grâce au PVT. Alorsqu’en 2006 il avait fallu prèsd’un trimestre pour ques’écoulent les 6750 permis misà la disposition des Français,en 2012, ils se sont envolés enmoins de 48 heures.

D’après Nelson Teixeira, unjeune Parisien atterri à Mont-réal en juillet 2009 après avoirtrouvé l’amour auprès d’uneQuébécoise, si les PVT pour leCanada s’écoulent aussi rapi-dement et que Montréal attiret a n t l e s F r a n ç a i s d e p u i squelques années, c’est d’abordparce que, aux yeux de plu-sieurs, la vie y est moins mo-

rose qu’en Europe. Affichantun taux de chômage avoisi-nant les 10 % en métropole, laFrance désole de plus en plusde jeunes.

Chasseur de tê tes chez R o b e r t H a l f d e p u i s o c t o -bre 2009, M. Teixeira fait partiedes chanceux n’ayant pas eu dedif ficulté à se trouver un bonemploi à Montréal. «Le Québecet Montréal, pour beaucoup deFrançais, c’est l’Amérique avecun grand A. Moi, je n’ai jamaiseu de difficulté à me trouver dutravail en France, mais plu-sieurs de mes connaissances,oui. Pour ces gens-là, Montréalapparaît comme un endroit oùil fait bon vivre, où il y a degrands espaces verts. C’est tout àl’opposé de Paris, quoi ! Et cesont exactement ces espaces etcette qualité de vie qu’on re-trouve dans le Plateau.»

S’il n’avait pas d’image pré-cise de Montréal avant d’y met-tre les pieds, comme bien desFrançais, Nils Chartier concèdeavoir cultivé une vision américa-nisée de l’endroit : «Moi, ce quim’intéressait, c’était l’Amériquedu Nord. J’étais allé à New Yorket je voulais apprendre à parlerl’anglais. Montréal n’est peut-êtrepas New York, mais c’est une trèsbelle porte pour les francophonessur l’Amérique du Nord.»

Si Montréal n’est pas NewYork, il n’est pas non plus leKlondike. Le taux de chômagechez les immigrants y est d’en-viron 14 % et les loyers, mêmes’ils ne sont pas aussi élevésqu’en France, sont beaucoupmoins abordables qu’ils nel’étaient il y a une dizaine d’années, et ce, par ticulière-ment dans le Plateau.

« En France, on s’imaginequ’à Montréal on peut facile-ment trouver un travail, in-

dique le consul. On perçoitMontréal comme une ville trèsouverte sur le monde, une villecosmopolite et accueillante.C’est ce qu’elle est effectivement,mais ce n’est pas un eldoradonon plus. Disons que cette vi-sion idéalisée de Montréalconduit parfois certains compa-triotes mal informés à commet-tre des faux pas. »

Ce n’est qu’un débutSi certains Français se trou-

vent un peu décontenancéslorsqu’ils découvrent le vrai vi-sage de Montréal, bon nombred’entre eux ne peuvent tout demême s’empêcher de tombersous son charme, comme celaa été le cas de Mme Mondin,M. Char tier et M. Teixeira.Vantant ses mérites à la familleet aux amis restés en Europe,ils contribuent à faire de la mé-tropole une destination de plusen plus prisée des Français.

Heureusement pour ces der-niers, à la suite d’un accord si-gné le 13 mars dernier par lepremier ministre canadien, Ste-phen Harper, et son homo-logue français, Jean-Marc Ay-rault, dès 2015, les jeunes Fran-çais pourront voyager et tra-vailler au Canada durant unepériode pouvant atteindre 24mois, plutôt que 12. Ils serontégalement plus nombreux à pouvoir obtenir un PVTchaque année. « Il faut doncs’attendre à ce que plus de Fran-çais s’installent à Montréalbientôt», indique M. Clerc.

« Mais ne vous inquiétez pas,ajoute-t-il à la blague, nous es-saierons de les diriger vers d’au-tres quartiers pour épargner lePlateau !»

CollaboratriceLe Devoir

Depuis une dizaine d’années, la communauté françaiseconnaît un fort taux d’accroissement au Québec. À Montréalseulement, on estime qu’elle compte près de 100000 indivi-dus, alors qu’en 2001 elle n’en comptait que 23 800. Particulièrement populaire auprès de cette population, le Plateau-Mont-Royal, qui regroupe aujourd’hui près de 20 %des immigrants français vivant dans l’agglomération, est enquelque sorte devenu le quartier Petite-France de la ville.

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Pour beaucoup de Français, ce qui les a attirés au Plateau, ce sont les espaces verts et la vie de quartier. Ci-dessus, le parc Sir-Wilfrid-Laurier.

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P L A T E A U M O N T - R O Y A LL E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 6 E T D I M A N C H E 2 7 O C T O B R E 2 0 1 3 H 7

ARRONDISSEMENT DU PLATEAU-MONT-ROYAL

Oui et non à un futur centre culturelLe dernier profil des ménages indiquait que 37 % des ménages du Plateau-Mont-Royal vivaient sous le seuil de faible revenu

SOURCE ARRONDISSEMENT DU PLATEAU-MONT-ROYAL

Le projet de centre culturel Plateau-Mont-Royal consiste en la construction, sur l’actuel stationnement du Centre communautaire du monastère du Très-Saint-Sacrement donnant sur la rue Berri, d’unédifice qui réunirait sous un même toit la bibliothèque et la maison de la culture, avec deux salles de dif férentes grandeurs.

É T I E N N E P L A M O N D O N É M O N D

À quelques jours des élec-tions municipales, l’orga-

nisme à but non lucratif Pla-teau ar ts et culture a décidéd’appuyer la candidature deDanièle Lorain au poste demaire d’arrondissement, enlien direct avec la réalisationdu projet de centre culturel.La candidate de l’équipe Mar-cel Côté, qui fait de la cultureson cheval de bataille, est cellequi s’est le plus prononcée enfaveur du projet, après unpoint de presse sur le sujet, or-ganisé le 1er octobre dernierpar un groupe de travail forméde résidants et d’organismesdu quartier.

«Danièle Lorain approuve, en-courage et s’engage à réaliser leprojet. Vous comprendrez qu’onne peut pas être malheureuxd’une déclaration comme celle-là,explique le président de Plateauarts et culture, Christian Dupuy.C’est un engagement qu’on ac-cueille favorablement.»

Face à la station de métroLe projet de centre culturel

Plateau-Mont-Royal consisteen la construction, sur l’actuelstationnement du Centre com-munautaire du monastère duTrès-Saint-Sacrement donnantsur la rue Berri, d’un édificequi réunirait sous un mêmetoit la bibliothèque et la mai-son de la culture, avec deuxsalles de dif férentes gran-deurs. De plus, une maison dela poésie y serait aménagée,avec son petit espace pour desprésentations et son centred’archives et de documenta-tion. «On pense que, s’il y a unespace à Montréal qui doit en-fin rendre hommage aux poètes,c’est bien sûr au Plateau-Mont-Royal qu’ i l doit ê tre » , d i tM. Dupuy. D’ailleurs, selon unbulletin publié en 2011 par laSociété d’histoire et de généa-logie du Plateau-Mont-Royal,Émile Nelligan avait récité despoèmes, le 15 avril 1896, pourune soirée-bénéfice dédiée à laconstruction du monastère, àl’angle des rues Berri et Mont-Royal. De plus, le Festival dela poésie de Montréal est déjàorganisé, chaque année, sousun chapiteau à la sor tie du

métro Mont-Royal.Le projet prévoit aussi un

stationnement souterrain d’unétage, qui serait aménagé avecune entrée donnant sur la rueBerri et une sor tie donnantsur la rue Saint-Hubert, afinde réduire la circulation auto-mobile dans la rue Berri.

Un projet reportéÉvalué à 30 millions de dol-

lars, ce projet avait eu le feuvert de l’arrondissement en fé-vrier 2009, alors qu’Helen Fo-topulos était mairesse de l’ar-rondissement du Plateau-Mont-Royal. Après l’électiondu maire d’arrondissementLuc Ferrandez, cette ambitiona été remise aux calendesgrecques. Jugeant certains as-pects de ce projet pertinents,M. Ferrandez, de Projet Mont-réal, a une fois de plus souli-gné publiquement, durant lacampagne électorale, que lamaison de la culture n’étaitpas, selon lui, une priorité etque la bar rière du finance-ment l’empêchait d’aller del’avant. M. Ferrandez s’est plu-tôt engagé à mettre en placeune vaste consultation sur leréaménagement de la placeGérald-Godin, afin d’en faireun endroit où se dérouleraientdes événements publics.Néanmoins, sous la bannièrede Projet Montréal, LouiseMainville brigue le posteconseillère municipale dans ledistrict De Lorimier. Au mo -m e n t d ’ é c r i r e c e s lignes,le nom de cette ancienneconseillère scolaire se retrou-vait toujours sur la pétition enligne en appui au projet decentre culturel.

Dès 1994Le projet proposé s’arrime

aujourd’hui aux projections deréfection de l’édicule de la sta-tion de métro Mont-Royal envi-sagées par la Société de trans-port de Montréal (STM) et an-noncées au printemps dernier.Mais l’idée d’un centre cultu-rel demeure dans les cartonsdepuis longtemps.

Christina Dupuy remontejusqu’en 1994, avant les fu-sions et défusions, pour en re-tracer l’origine. Une mobilisa-tion citoyenne avait alors em-pêché un projet d’immobilisa-

tion sur l’actuelle place Gérald-Godin. En 2003, un comité re-groupant des citoyens et desorganismes du secteur a émisdes recommandations, dontcelles d’utiliser le terrain destationnement pour une biblio-thèque, d’agrandir le monas-tère pour des équipements cul-turels et de réaménager laplace Gérald-Godin. Ces préoc-cupations ont ensuite été inté-grées au Plan d’urbanisme dela Ville de Montréal en 2005.

L’administration Fotopulos aensuite commandé une étudede faisabilité en 2006. SelonM. Dupuy, « l’équipe Fotopuloss’est traîné les pieds jusqu’en fé-vrier 2009 », à quelques moisdes élections. Elle a alorsadopté un règlement d’em-prunt de 2,5 millions lié à ceprojet. « Mme Fotopulos est en-trée dans la démarche parcequ’elle y a été tirée et obligéepar les groupes de citoyens. Ellea fait ça à rebrousse-poil » , assure M. Dupuy.

FaisabilitéLe projet, en 2013, reste sen-

siblement le même. « On partdu principe que tout projet peutêtre amélioré, enrichi et nuancé.Mais on ne veut pas recommen-

cer à zéro. Il y a déjà une étudede faisabilité qui a été réalisée.On ne réinvente pas la rouechaque fois. On part de cette hy-pothèse-là et on verra s’il y alieu d’aménager les choses au-trement. » L’étude de faisabilitéa estimé le coût total du projetà 30 millions. Mais le manqueà gagner pour l’ar rondisse-ment serait considérablementmoindre. M. Dupuy suggèred’aller chercher des subven-tions via le Programme de ré-novation, d’agrandissement etde constr uction de biblio-thèques de la Ville de Mont-réal (Programme RAC), aveclequel la Ville de Montréal et leministère de la Culture finan-cent ce type de projet à hau-teur de 80 %, ainsi que d’allerchercher des sous auprès duForum permanent des équipe-ments culturels, pour réaliserle nouveau site de la maison dela culture et de la maison de lapoésie.

À l’argument voulant que lePlateau-Mont-Royal soit déjàdesservi par l’une des of fresculturelles les plus bouillon-nantes au Canada, M. Dupuyrétorque que le projet de cen-tre culturel vise à proposer unmeilleur accès économique à

la culture. L’arrondissement,indique-t-il, n’est pas seule-ment le lieu de résidence de« riches, de parvenus et de bobos », contrairement à lacroyance populaire. Le dernierprofil des ménages et des loge-ments dans l’arrondissementdu Plateau-Mont-Royal, dontles chif fres remontent toute-fois à 2005, indiquait que 37 %des ménages du Plateau-Mont-Royal vivaient sous le seuil defaible revenu.

« Le projet se situe au cœurgéographique [du Plateau],parce qu’on ne veut pas que ce

soit un projet considéré commetrop en faveur des francophonesqui habitent dans l’est ou desanglophones qui habitent dansl’ouest. Ce cœur géographique aaussi cette dimension de neutra-lité politique, qui envoie le sym-bole que c’est un équipementculturel qui appartient à l’en-semble des citoyens du Pla-teau. » De plus, argue-t-il, il se-rait accessible à tous les Mont-réalais, à quelques pas de lastation de métro Mont-Royal.

CollaborateurLe Devoir

Remis à l’ordre du jour durant la campagne électorale, le pro-jet de centre culturel Mont-Royal, autrefois nommé «pôle cul-turel », a été un enjeu dans la chaude lutte en cours dans l’ar-rondissement du Plateau-Mont-Royal. Retour sur une idée quidort depuis longtemps dans les cartons.

LES BONNES

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Carte postale : Square Saint-Louis, Montréal, Québec, vers 1910. Collection : Bernard Vallée / Photo : Caroline Bergeron / Design graphique : Dominique Boudrias

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Une incursion au cœur du quartier emblématique de Montréal