Moirat. Notion Augustinienne de l'hermenéneutique. 1906.

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    NOTION AUGUSTIiMENNEDE L'HERMNEUTIQUE

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    -. >-'^f.-f.'x^NOTION

    AUGUSTINIENNEDE L'HERMNEUTIQUE

    THSE POUR LE DOCTORATPRSENTE .A LA FACULT DE THOLOGIE DE PARIS

    PAHL'Aiiiii; E. MOIRAT

    Missicnnaire diocsain- de Clermont- Ferrand

    CLERMONT-FERRANDIMPIIIMKRIE MODERNE, A. DUMONT, DIRECT^15, rue (lu Port, 15

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    1 3 1956dS89VU ET PERMIS D'IMPRIMERLe Recteur de Vlnstitut Catholique

    de Paris,P.-L. PCHENARD,

    A^ic. Gn.

    10 avril 1906.

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    M". '

    INTRODUCTION

    Dans un temps oit les esprits reviennent avec ardeuraux tudes bibliques, il nous a sembl utile et intres-sant de mettre en lumire la notion augustinienne derhermneutique sacre.

    Saint Augustin a formul des rgles d'imiterprtalionqui, jusqu'au xvi^ sicle, n*ont subi aucune 7nodificationnotable. Il les a rassembles dans im livre dont il a voulufaire le guide de tous ceux qui abordent Vtude descrits inspirs. De fait, le trait de la Doctrine chr-tienne a t, pendant longtemps , la source peu prsunicjue oit les commentateurs sont venus puiser leursprincipes. De nos jours encore on peut y trouver unefoule de rgles trs sages qiti n'ont pas vieilli.j\ous avons 2^c'i^s, cependant, que pour nous faire une

    ide exacte et complte de Vheynnneutique augusti-nienne, nous devions contrler les enseignements dulivre de la Doctrine chrtienne par ce que Von peutrecueillir sur le sujet dans Vensemble de Vuvre dugrand docteur.

    L'idal que nous voudrions atteindre, ce serait derendre aussi fidlement que possible la pense de notreauteur, en titant avec soin de lui prter les opinions oitles doctrines d'un attire ge. Nous estimons que cettemthode strictement objective nous dispensera de prendre

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    VIII INTRODUCTION

    parti dans les controverses qui s'lvent de nos jours,sur une foule depoints auxquels nous toucherons nces-sairement. Pendant tout le cours de cette tude, nousserons constamment occup exposer et non juger, faire parler saint Augustin et non l'apprcier.

    *--

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    BIBLIOGRAPHIE

    LISTE DES PRINCIPAUX OUVHAGKS COXSl'LTESAlzog. Pa/rolof/i'e, trad. Bolet, 1 v. in-8'\ Paris, (laiiinr, 1877.Baixvel. Les mnt/'cscns bibliques des prdicateurs, 1 v. in-12,Paris, Letliiolloux.IVvHDEXiiEWEH. Lcs Pres de l'Eglise, leurs vies, leurs uvres,

    traduction de Godet et Verschaftel, t. II, p. 895-453. 3 vol.in-8% Pans, Bloud, 1898.Beelex. Disseriatio theolorjica qua sententiam vulgo reeeptara

    esse Sacrrr Srri/)lurfr multiplieein sensuin in/erdum litte-ralem nullo fundamento satis frmo niti demonstrare eona-tur, in-8'', Louvain. 1845.

    Bixdelboll. AuQustinus et Hieronijmus de Scripturd Sacra exhebro interpretanda disputantes, in-8", Copenhague, 1825.Boxfrre, Prloquia in Scripturd Sacra, Migne C. C. t. I.Bossl'et. Dfense de la Tradition et des Pres contre RichardSimon. Ouivres compltes, Paris 1868, 12 in-4'', t. V.Cellier (dom Uemy). Histoire gnrale des auteurs sacrs et

    ecclsiastiques, t. IX. Saint-Augustin, Paris, Vives, 1861.CiiAUVix. L'inspiration des divines Ecritures, Paris, Lethielleux,

    1 vol. 1896.Clausex h. X. Aurelius Augustinus Hipponensis Saer Scrip-tur interpres. Hauni Janus Hostrup Schultz, 1827,1 vol, in-8".CoRXELY. Ilistnrica et critica Introduetio, surtout t. I. Disser-

    tt, de Intcrpretatione. Paris, Lethielleux, 2" dit. 1894.DicTioxxAiRE DE TiiKOLOGiE Catiiolique, Vacaut et Mangenot.

    Art. Augustin {saint) de M. Portali, fasc. VIII et IX,col. 2268 2472.

    Art. Allgories bibliques de M. Mangenot, fasc. III,col. 8;]3836.

    Art. " Canon des livres saints y) de M. Mangenot, t'asc. XIV,col. 1550 1605.

    DiCTIOXXAIRE DE LA l^IRLE, VigOUrOUX.Art. (( Augustin (saint) , C. Douais, fasc. V, col. 1240-124 1.Art. Ilerrnneutif/ue, Mangenot, fasc. XVIII, col. 612-613.

    BQ

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    X BIBLIOGRAPHIEEncyclique. Providentissimus , 1893.Franzelin. Traetatus de divina traditione et scriptur, p. 11,

    sect. I, c. 2. 3" dit. Rome 1882.Harnack. Prcis de l'histoire des dogmes, traduct. Choisy,Paris 1893.Hoffmann Em. Sancti Aurelii Augustini ep. de Civitate Dei,Prague, Tempsky, 1898.660 pages dans le Corpus seriptorum eeelesiastieorumlatinorum vol. XXX, p. 1, sect. V.Hugues de Saint-Victor. De scriptoribus et scripturis sacrisprnotatiuneula , M. t. 176, col. 13 sq.Lagrange. L'interprtation de la Sainte Ecriture par l'Eglise.Revue bibl. anne 1900, t. IX, p. 135.La Mthode historique, Paris, Lecoffre, in-12, 1903.LoiSY. Etudes bibliques, Paris, Picard, in-8", 1901.Autour d'un Petit Livre, Paris, Picard, in-12, 1903.Lenfant. Biblia Augustiniana, sive collectio et explicatio om-nium locorum S. S. qu sparsim reperiuntur, in omnibus

    sancti Augustini operibus, ordine biblico, 2 in-folio. Paris1661. Bibl. nat. C. 971.MoTAis. L'Ecole clectique, sur Vllexameron mosaque, Saint-iVugustin.Annales de philosophie chrt., 1885, t. XH, pages 174

    191, 286 301, 375 390; t. XHI, pages 65 k 78, 159 172.

    Monceaux (Paul). LIistoire littraire de l'Afrique chrtiennedepuis les origines jusqu' l'invasion arabe, t. I (chapitresur les versions de la bible en usage dans l'Afrique). Paris,1901.

    Patrizi. Institutio de interpretatione Bibliorum, Rome, 1876.PoujouLAT. LIistoire de saint Augustin, 2 vol. in-8, Paris, 1852.Rgnier. Principes suivis par les Pres de l'Eglise dans l'inter-prtation allgorique de l'A. T., in-8" Paris, 1856.Richard Simon. Histoire critique du V. T., in-4, page 397.Histoire critique des commentateurs du Nouveau Testament,

    p. 246-300. Rotterdam, 1685.Rottmanner. Saint Augustin sur l'auteur de l'ptre aux Hbreux.Revue bndictine de Maredsous, 1901.Salmeron. Comment, in Evang hist., M. Curs Com})., t. I.Schmid. De inspirationis bibliorum vi etratione, 1 in-8^, Brixen,

    1885.

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    BIBLIOGRAPHIE XI

    TiLLEMOXT. Mmoires pour servir l'histoire ecclsiastique dessirf premiers sicles, Paris, 1693-1712, spcialcmont t. XIII.

    Thomas (saint). Sunt Th., I q I a 10.Quodiih. (| G art. 14.De potentia, ([ 1 art. 1.

    Trionfo et Barthlmy Simonis de Carusis. Commentaria famin Veteri quam in JVovo Testamento ex omnibus Aurjustinilucuhrationibus. Ouvrage reproduit dans un esprit protes-tant par Gastius Brisacensis, 2 in-folio, Blc, 1542, bibl.nat. C. 1740.

    Trociion. Introduction gnrale, Paris, 1886, t. I.ViGOUROUx. - Manuel biblique, t. I, Paris, 7** dition, 1890.

    Voir une bibliographie plus complte dans le Dictionnaire deThologie catholique, art. Augustin (saint), fascicule VIII, col. 2284,fascicule IX, col. 2457 et dans le Dictionnaire de la Bible, art.Hernineuti({ue, fascicule XVIII, col. 628 633.

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    CHAPITRE PREMIERSaint Augustin et la Bible. Prjuji-s Mani^-hens. Influence desaint Ambi'oise. L'Inspiration, la vracit, l'obscurit des Saintes

    Ecritures. Ncessit d'une mthode d'interprtation. Augustintente de la formuler. Tichonius. Dificults et objections. Augustin compte sur la grce de Dieu pour dterminer les rglesde l'hermneutique

    Il fut un temps o le plus grand des Pres derglise d'Occident n'eut que du mpris pour lescrits inspirs. Celui qui, au tmoignage des savantsles plus comptents, devait, par son exemple, sesthories, son intluence, placer l'criture au premierplan dans la vie de l'glise ^, fut longtemps connatre le vrai caractre des Livres Saints.

    Il les avait lus cependant avec l'ardent dsir d'ytrouver la vrit qu'il cherchait avec passion-;mais s'il avait la volont de comprendre l'criture,il n'avait pas les humbles dispositions requises pourpntrer dans ce temple l'entre basse, aux votesimmenses partout voiles de mystres; aussi lesLivres Saints lui parurent indignes d'tre mis enparallle avec la majest cicronienne '^.

    C'est cette poque qu'il se laissa entraner dansl'erreur Manichenne ^K Passionn pour la vrit,s'excitant l'aimer, la poursuivre, l'atteindre ^,il rencontra des hommes au superbe dlire, charnelset beaux parleurs, qui avaient sans cesse le mot deVrit sur les lvres, et se laissa prendre la glu

    (1) Cf. Harnack. Prcis de riiistoire des dogmes, trad. Choisy, p. 151-152.(2) Confes., I. III, c. \, P. L., t. 32, col. 686.(3) Itaque institui aiiimuin intendcre in Scripturas Sarictas, ut viderem(fuales essent. Et ecce video rem non compertam superbis, iicque iiudatainpueris, sed iiicessu humilem, successu excelsam et velatam mytei-iis ; et noneram ego talis ut intraro in eam possein, aut inclinare cervicem ad ejusgressus : sed visa est mihi indigna quam Tulliana; dignitati comparem. C'.onf.. 1. III. c. 5. P. L., t. '.M, col. 68().(4) Cf. Conf., 1. 111, c. C), P. L., t. 3-2, col. 686.(5) Cf. Conf.. I. m, c. 4, P. L., t. Wl., col. 686.

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    2 PRJUGS MANICHENS

    de leurs paroles ^. A une telle cole, Augustin devaitvoir la Sainte Ecriture, sous un jour bien dfavorable.11 nous raconte lui-mme comment les Manichensdnaturaient et torturaient les livres inspirs. S'arr-tant la lettre qui tue, ils abusaient des difficultscontenues dans les rcits sacrs et s^appliquaient surtout mettre en valeur les passages de nature blesserles esprits peu attentifs ~.

    Ils accusaient les crivains de l'Ancien Testament,tantt d'tre des faussaires et des menteurs, d'avoirsouill la mmoire des patriarches en les chargeantde crimes^ ; tantt d'avoir forg d'impudentes fictionssur Dieu, dont ils faisaient un tre ignorant, born,jaloux, cruel et avide de sang ^. Aussi ils ne recon-naissaient aucune autorit l'Ancien Testament '\Pour eux la Loi aurait t dicte Mose, non par levrai Dieu, mais par le principe des tnbres ^\ Ilsrejetaient comme interpols et apocryphes les pas-sages de l'Ancien Testament rapports dans les critsde TAptre saint Paul ^. Non contents de dirigerleurs attaques contre l'Ancien Testament, ils faisaientun choix mme dans les crits du Nouveau^ . Le livre

    ^1) Cf. Gonf., ]. III, c. 4, P. L., t. 32., col. 686.(2) Nam bene iiosti quod reprehendentes Manichi catholicam fidem, etmaxime vtus Testamentum discerpentes et dilaniantes, cummovent imperitos. De util. Gred. 1. I, c. 2. P. L., t. 42, col 67, sq.(3) Oportet enim aut hos (patriarchas) fuisse malos, aut illos (prophetas)

    mendaces et l'alsos. Gont. Faust., 1. XXII, c. 1, P. L., t. 42, col. 401.Gf. ibid. c. 3 et 5, ibid. col. 402-408.(4) Gont. Faust, ibid., c. 4, ibid. col. 402.(5) Retract., 1. I.. c. 9, P. L., t. 32, col. 598.If. De Gnes. Gont. Manich., 1. I., c. 2, P. L.. t. 34, col. 173.Ibid. 1. L, c. 22. ibid. col. 18^.Ibid. 1. II, c. 25, ibid. col. 216.(6) Epist. 236, N 2, P. L., t. 33, col. 103:^.Gontra duas epist. Pelag, 1. I., c. 24, P. L., t. 44, col. 570.Ibid. 1. III, c. 9, ibid. col. 607.Ibid. 1. IV, c. 3, ibid. col. 611.Serm. 160, c. 2, P. L., t. 38, col. 927.Serm. 27, c. 9, ibid. col. 175.Retract., 1. II, c. 58, P. L., t. ; 2, col. 654.(7) De divers, qust., LXXXIII, c. 67, P. L., t. 36, col. 70.(8) a Quod et Manichi non accipiunt qui non solum omnes Veteris Instru-menti Scripturas in uila auctoritate non habent, verum etiam eas quse adNovum pertinent Testamentum quod volunt sumant, quod noiunt rejiciant. De dono Persev., c. 11, n. 26. P. L., t. 4, col. 1008.

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    PREJUGES MANICHEENS

    des Actes leur tait suspect parce qu'il ne permettaitpas de placer Mans au rang des Aptres ^. Ce qui,dans le Nouveau Testament, supposait l'existence dupch originel n'tait point l'uvre des Aptres, maisbien d'audacieux corrupteurs -. Faustus revendiquaithautement le droit, non pas tant de corriger saintPaul, que de proclamer que tel passage qui lui taitattribu n'tait pas de lui 'K Aussi, presss par lestextes les plus clairs, les Manichens chappaienttoujours leurs adversaires, en affirmant que lespassages qui les condamnaient taient des interpo-lations VAvec une interprtation aussi fantaisiste, sombretoute l'autorit des Saintes Ecritures. C'est la constata-tion que fait saint Augustin, en rpondant Faustus : Videtis ergo^ id vos agere ni omnis de medio Scripturarumauferatur auctoritas^ et sims cuiqiie anithits auctor sit,quid in quaque Scriptura probet, quid improbet ; id estut non aitctoritati Scripturarum subjiciatiir ad fidem, sedsibi Scripticras ipse subjiciat : non ut ideo itli placeataliquid^ quia hoc insublimi auctoritate scriptum legitur ;sed ideo recte scriptum videatur^ quia hoc illi iplacuit'^ .Sans doute, Augustin n'approuvait pas tous lesprocds employs par les Manichens, mme lorsqu'ilfaisait partie de leur secte. Cette mthode d'interpr-tation, qui consiste se dbarrasser d'un texte gnant,

    (1) De util Gred c. 3, n. 7, P. L., t. 42, col. 09.(2) Qu8R disputatio contra Manichos habenda est qui non accipiuntScripturas Sanctas Veteriy Instrumenti, in quibuspeccatuni originale narratur;

    et (|uid(juid ind in litteris apostolicis legitur, detestabili impudentia inimis-sum fuisse contendunt a corruptoribus tanquam non luerit ab apostolisdictum. )>De donc, pers., c. 11, n. 27, P. L., t. 45. col. 1009.(3) Verumtamen si ejus est et prior illa sententia nunc emendata est; sinfas non est Paulurn emencntum dixisse aliquid unquam, ipsius non est. Gont. Faust., 1. II, c. 1, P. L., t. 4i, col. 245.(4) Hoc est quod paulo ante dixi, quia ubi sic manifesta veritate, istipruifocantur, ut obsessi dilucidis verbis Sanctarum Scripturarum, exitum ineis fallaciaj sua reperire non possunt, id testimonium quod prolatum est.falsum esse respondent. Gont. Faust., 1. II, c. 2, P. ].., t. 42, col. 245.Gf. De util. Gred., c. III, n. 7, P. L., t. 42, col. ()9.(5) Gont. Faust., I. XII, c. 19, t. 42, col. ,508.Gf. Gont. Secund., c. 21, ihid. col.-r397.Gont. adv., leg. et prop., 1. I, c. 3, P. L., t. 42, col. OOJ.

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    INFLUENCE DE SAINT AMBROISE

    en le supposant interpol, lui avait toujours rpugne .Cependant, plus il persistait dans son erreur, plus ilvoyait s'amonceler les difficults qui lui fermaientl'entre de l'criture. Entendant formuler sans cessede nouvelles objections contre des textes qu'uneinterprtation trop troite s'obstinait prendre la lettre, il n'avait aucun principe de solution, etmalgr ses rpugnances instinctives pour la mthodedes Maniciens, il tait oblig d'accepter leursattaques; quand Dieu plaa sur son chemin ^, saintAmbroise.D'abord, attir par la rputation de l'Evque deMilan -^ puis subjugu par son loquence '^ il devintun de ses auditeurs assidus '\ Et si d'abord il ne futattentif qu' l'art du discours, peu peu les parolesqu'il aimait mirent son esprit en contact avec lesvrits dont il tait insouciant ... veniehant in animummeum simul cum verbis qu cUligebam, res etiam quasnegligebam. Neque enim ea dirimere poteram. Et diimcor aperirem. ad excipiendum quant diserte dlceret^ pariterintrabat etquam vere diceret^ gradatim quidem ^. SaintAmbroise, s'inspirant volontiers d'Origne et mmede Philon ^, se complaisait dans les interprtationsallgoriques et morales. Cette exg"se, nouvelle pourAugustin, lui fut comme une sorte de rvlation ^, etlui donna la clef d'une foule de difficults.

    Elle lui montra que Ton pouvait rpondre auxennemis et aux contempteurs de la loi et des prophtes ^,

    (1) Diulla soleaiit dicere immissa esse scripturis divinisa nescioquibus corruptoribus veritatis : Qu vox mihi semper quidem, etiam cumeos audirem, invalidissima visa est. De util, cred., 1. I, c. 3 n. 7, P. L., t. 42, col. 69.(2) Gonfes., 1. V, c. 13, P. L., t. 32, col. 717.(3) Ihid.(4) Ihld.(5) IbicL(6) Gonfes. 1, V., c. 4, P. L., t. 32, col 718.(7) Cf. Dict. de Thol. Gath. de Vacant. Art . St-Ambroise, col. 943.(8) spe in popularibus sermonibus suis dicentem Ambrosium ltusaudiebam : Littera occidit ; spiritus autem vivificat. (11, (^or. III, (S).Gonf. 1. VT, c. 4, M. P. L., t. 32. col. 7:^2.(9) Gonf. 1. V, c 14, M. P. L., t. 32, col. 718.

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    INSPIRATION ET VERACITK O

    que la foi catholique rsistait victorieusement auxattaques des Manichens ^ que le rcit des originesd'aprs la Bihle tait susceptible d'une interprtationspirituelle -, qu'une foule de passages dont l'inter-prtation littrale lui donnait la mort avaient un senstigur trs acceptable ^.Sans doute Augustin ne comprend pas tous les pas-sages de l'Ecriture, mais les explications de saintAmbroise lui paraissent vraisemblables ^. Il ne selaisse plus rebuter par les difficults, et rapporterinconnu des Livres Saints, la profondeur des mys-tres qu'ils expriment^. Ses prjugs contre l'Ecri-ture disparaissent^', et une seule chose lui manquepour en avoir toute la connaissance qu'il est possibled'en acqurir : la foi. El sanari credendo poteram, ittpurgatior actes mentis nie dirigeretur aliquo modo invevitatem tiiam semper manentem et ex nullo defi-cientem ''. Peu peu, les dispositions de son curs'purent, son esprit s'claire, et il en vient dvoreravec avidit ces vnrables dictes de l'Esprit Saint ^.< Et apparuit mihl iina facis eloquiorum castorinn etexsultare cum treinore didici ^. A partir de ce moment, Augustin place la Bible audessus de tous les livres humains^^; il trouve injurieuxde lui comparer les crits des philosophes^^ La Biblelui tient lieu de tout autre livre^^. C'est le livre qu'iltudie, le livre qu'il commente dans ses ouvrages, qu'ilexplique dansses sermons. Grce cette hauteide qu'il

    (1) Gonfes. 1. V, c. 14. P. L., t. 32, col. 718.(2) Cf. De Paradiso. P. L., t. li, col. 275-314.(3) Gonfes. 1. VI. c. 14, P. L., t. 32 ,col. 718.(4) Gonfes. 1. VI. c. 4, P. L., t. 32, col. 722.(5^ ihid. c. 5, n. G.(6) Gf. ibid.(7) Ihid.(8) Ibid.(9) Gonf. 1. VU, c. 21, P. L., t. 32, col. 747.(10) Gf. ibid.(11) Ep. 1.37, c. f;, P. L., t. 33, col. 524.(12) De doct. Ghrist. 1. II, c. 42, n. (jj, P. L., t. 34, cjl. Gi.

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    6 INSPIRATION ET VRACIT

    se fait des Livres Saints^ il prcise la doctrine de l'inspiration dans le sens du biblicisme strict '^ . Pour luil'origine divine des Saintes Ecritures ne saurait fairede doute, et elle entrane avec elle la vracit absoluede la Bible. Il ne cesse de rpter que les Saintes Ecri-tures sont l'uvre de Dieu '^^^ son langage '^ son ma-nuscrit ''s les lettres qu'il a envoyes de la cit c-leste ^. C'est l'esprit de Dieu qui parle par la bouchedes prophtes et conduit la plume des aptres ^, et onpeut mme dire que les livres des aptres sont lescrits de Jsus ^.Toute affirmation absolue de l'Ecriture est doncgarantie par l'autorit divine. Aussi une erreur dans

    la Bible est-elle impossible ^. Tout le De ConsensuEvangelistarum, et la controverse avec saint Jrmesur l'Epitre ttux Galates (II. 14 sq) ont pour but d'ex-clure de la Bible non seulement la dissimulation volon-taire, mais aussi l'erreurnconsciente.

    Il remarque cependant que le verbe de Dieucontenu dans l'Ecriture, est exprim dans le temps 9,

    (1) Harnack. Prcis de Thisl:. des dog., page 151.(2) Hic (Deus) prius per prophetas, deinde per se ipsum, postea perApostolos quantum satis esse judicavit, locutus, eliam Scripturam condiditqute canonica nominatur. . . De Givit. Dei, 1. VI, c. 3, P. L. t. 41 col. 318.(3) Quod Scriptura dicit Ego (Deus) dico. Gonfes. 1. XIII. c. 29, P. L. t. 32, col. 864.Cf. Gont. adv. Leg. etproph. 1. II, c. 4, P. L., t. 42, col. 646.(4) Scriptura Dei manere debuit et quoddam chirographum Dei. Enar, in ps. 144, n. 17, P. L., t. 37, col 1880.(5) Et de illa civitate unde peregrinamur, litter nobis venerunt, ipsaesunt Scriptura? Enar. in ps. 90, P. L., t. 37, col. 1159.(6) De doct. Ghrist. 1. II, c. 6, P. L., t. 34, col. 38.

    1. III, c. 27, P. L., t. 34, col 80.(7) De Consens. Evang. 1. I, c. 35, P. L., t. 34, col. 1070.(8) Ep. 82, c. 1, n. 3, P. L., t. 33, col. 277.Ihid. n. 24 col. 286.(9) homo, nempe quod Scriptura mea dicit, ego dico. Et tamen illatemporaliter dicit. Verbo autem meo tempus non accidit, quia sequali mecum

    constitit. Sic ea qu vos per Spiritum meum videtis, ego video, sicut ea quvos per Spiritum meum dicitis, ego dico. Atque ita cum vos temporaliter eadicatis, non ego temporaliter dico. Gonfes. 1. XIII, c. 29, P. L., 32, col. 864.

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    INSPIRATION ET VRACIT 7

    par le moyen d'hommes qui sont les instriiinents deDieu ^ mais qui conservent leur personnalit '.Les livres inspirs, tout en tant des livres divinsjouissant d'une autorit souveraine incompatible avecTerreur, seront donc revtus de tous les caractres deslivres humains '\ Ils exprimeront des vrits divinesen un langage humain, en s'adressant des hommesqui auront de la peine s'lever ces concepts mys-trieux cachs sous les signes ordinaires du langage.De l l'obscurit des Saintes Ecritures. Augustinconfesse que souvent son intelligence est arrte parle mystre et il avoue humblement que souvent, dansla Bible, il ignore plus qu'il ne sait ^.Les pages inspires par l'Esprit Saint lui apparaissentcomme des forts sacres qui ont leurs cerfs, qui seretirent, s'abritent, courent, se reposent, paissent etruminent sous leur ombre ^. Mais, s'il est tonndevant cette profondeur des Saintes Ecritures, dont lasurface semble lui sourire comme un petit enfant,s'il s'arrte devant cet abme dont son regard ne peutsonder les secrets^ s'il se sent pris de vertige et d'ef-froi, c'est un effroi respectueux, c'est un tremblementd'amour, qui excite sa fureur contre les dtracteursdes Livres Saints ^. Il ne doute pas que ces obscurits

    (1) Dei spiritiis qui per eum (auctorem) hc verba operatus est. De doct. Chr., 1. III, c. '27, P. L., t. M, col. 80.Cf. De Giv. Dei, 1. XVIIJ, c. 43, P. L., t. 41, col. 004.(2) Itaque avidissime arripui venerabilem slilum Spiritustui, e pr Ccieterisaposlolum Pauluni.Confes. I. VII, c. 21, P. L., t. 32, col. 747.(3) Neque enim aliquo gnre loquuntur Scriptur quod in consuetudinehuman non invenialur; quia utique hominibus loquuntur. De Trinitate 1. I., c. 12, n. 23, P. L., t. 42, col. 837.(4) Tantuui enim absum ab eo quod putasti, nihil me latere, ut nihil inepistolA tristius,quia et apertissime falsum est ; et miror quia hoc te latet,quod non solum in aliis innumerabilibus rbus, multa me latent, sed etiam inipsis Sanctis Scripturis multo nesciam quam sciam. Ad Jan. ep. 55, c. 31, P. L., t. 33, col. 222.(5) Neque enim frustra scribi voluisti, tt paginarum opaca scrta; autnon habent ilhe silve cervos suos recipientes se in eas, et resumentes, ambu-lantes et pascentes, recubentes et ruminantes. Gonfes., 1. XI, c. 2, P. L., t. 32,col. 810.(0) Mira profundilas elo({uioi-uni tuorum, quorum ecce ante nos super-

    ficies blandiens parvulis : sed mira ])rofunditas, Deus meus, mira protunditas !Horror est intendere in eam ; horror honoris, et tremor amoris. Odi hostes

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    OBSCURITE DES SAINTES ECRITURES

    aient leur raison crtre. La sagesse divine a voulu, parcette disposition particulire^ dompter l'orgueil del'homme par le travail et prmunir contre le dgotson esprit qui, souvent, mprise ce qu'il dcouvretrop facilement i. Aussi il admire ces mystrieusesprofondeurs. C'est une raison de plus pour lui d'hono-rer l'Ecriture, d'honorer le verbe de Dieu, mme lors-qu'il ne comprend pas 2. Que dis-je! il Thonore d'autantplus que ses oracles sont plus voils ^. Il ne se laisseni repousser, ni dcourager par ces obscurits. 11s'acharne la solution de ces difficults ^ Loin de luila pense de nier ce qu'il ne conoit pas, de rejeter cequi le dpasse; il frappe au contraire avec persvrance ces portes closes^ pour qu'elles lui soient ouvertes ^\confiant dans la parole du matre : Demandez et vousrecevrez ^.

    ejiis vehementer. si occidas eos de gladio bis acuto, et non sinthostes ejus !Sic enim amo eos occidi sibi ut vivant tibi. Gonf., Lib. XII, cl. P. L., t. 32, col. 832.Ibid. Lib. XI, c. 2 P. L., t. 32, col. 810.Ibid. Lib. VI, c. 5. P. L., t. 32. col. 723.(1) Quod totum provisum divinitusesse non dubito, ad edomandam laboresuperbiam, et intellectum a fastidio revocandum, cui facile investigataplei'umque vilescunt. De doct. Chr., Lib. Il, c. 6, P. L., t. 34, col. 38.(2) Honora scripturam Dei, honora verbum Dei etiam non apertum ;

    diflfer pietale intelligentiam . Enar. inpsal. GXLVL, 12 . P. L.,t. 37, col. 1907.cf. Enar in psal. GXVIIL, 5, P. L., t. 37, col. 1592.(3) Hc est utilitas secreti. Honora quod in eo nondum intelligis; ettanto magis honora, quanto plura vla cernis. Quanto enim quisque hono-ratior est, tanto plura vla pendent in domo ejus. Vla faciunt honorem

    sereti: sed honorantibus levantur vla. Serm. LI, c. 5. P. L., t. 37, col. 336.cf. Serm. XLVI., c. 15, P. L., t. 38, col. 290.(4) Alia secretius in Sci'ipturis absconduntur, ut quserentes exerceant. St;rm. XXXII., c. 1, P. L., t. 38, col. 196.(5~; Ad hoc enim clauduntur qusedam sacramenta Scripturarum, non utdenegentur, sed ut pulsantibus aperiantur. Enar. in ps. XGIII, 1, P. L., t. 37, col. 1189.Gf. ibid. GXLVI, 12, P. L., t. 37, col. 1907.

    (6) Qui nostis recolite ; qui ignorabatis accipite. . .Non enim quod in Scripturis Sanctis tegitur, ideo clausum est ut negetur,et nonpolius utpulsanti apeciatur dicente ipso Domino : Petite et accipietis. (Math. VII. 7)Serm. GGLXX., 2, P. L., t. 3^ col. '237.Gf. De diversjs quaistionibus LXXXIII., P. L., t. 40, col. 36.Gont. mendacium. Lib. I, c. l4, P. L., t. 40, col. 539.

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    NCESSIT d'une MTHODE d'iNTERPRTATION 9Si Ton veut dcouvrir les cerfs qui se cachent dans

    les fourrs, il ne faut pas se contenter de faire le tourde leur retraite, il faut pntrer dans ces pais taillis,il faut courir la bte, se donner parfois beaucoup depeine pour avoir la satisfaction de l'abattre -. De mme,si l'on veut jouir ds ici-bas des douceurs que Tonprouve entendre les doux accents de la parole deDieu, si Ton veut dcouvrir le sens de son verbe, ilfaut faire d'opinitres recherches, qui vous procurentdes satisfactions uniques -. 11 ne faut pas se contenterde considrer supcrllciellement les Livres Saints, il fautles scruter avec soin, les mditer, s'en pntrer 3.Mais, si l'on veut russir dans cette recherche dusens de l'Ecriture, il faut procder avec mthode,observer les lois qui prsident une saine inter-prtation.Saint Augustin, se rappelant de quelle utilit furentpour lui les leons de saint Ambroise ^^, entreprit defaire profiter de son exprience ceux qui ont la facultet le dsir de comprendre l'Ecriture. Le premier parmiles Itres de l'Eglise, il formula mthodiquement leslois d'interprtation. C'est lui que revient l'honneurd'avoir compos le plus ancien trait d'hermneutique.Sans doute, d'autres avant lui, et notammentOrigne '\ saint Basile ^\ saint Chrysostme ^, saintJrme ^, en avaient appel des principes d'inter-

    (D Cf. coufes., lib. XI, c. '2, P. L., t. 32, col. 810.(2) Et ha;c (gauclia) unde erunt adhuc ambularitibus super terram, riisi exdivinis eloquiis, ex \erbo Dei, ex parabola aliqua Scripturariim scrutata, et

    investigat-a, ex dulcedine inventionis, quum prcessit labor inquisitionis?Sunt qudam delicia! sanct et bona3 in libris. Enar in ps. XXXVIII., 2 P. L., t. 36, col. 413.(o) Sed quoniam Scriptural scrutand sunt, nec earum superficie debemusesse contenti, qua* ad excrcitationem nostram, ita modificat.p sunt ut altius sepenetrari velint, diligenter sunt inspicienda sequentia. Epist. CXCIX, c. i!, P. L., t. 33, col. 920.(4) Confes., 1. VI, c. 5, P. L., t. 32, col. 723.(5) De Princip., P. G., t. 8, col. 87.((i) In Ilexaem hom., 2 n. 9, P. G., t. 17, col. CIB, sq.Ibid. h , 9 n. 1, ibid. col. Gii5.(7) llom in Joan, l, P. G., t. -2, col. 97, sq.(8) Epist. 101, ad. Pam., P. L., t. 22, col. 568.

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    10 TJCHONIUS

    prtation, mais plutt pour justifier leurs commen-taires, pour rfuter des opinions contraires, que pourformuler avec prcision une mthode d'interprtation.Pour avoir un essai de synthse des rgles suivreen vue de rsoudre les difficults de l'Ecriture, il fautremonter au donatiste T^chonius i. Saint Augustinvante l'intelligence et l'loquence de cet hrtique - ;il est plein d'estime pour le Liber de septem regulis,affirme que les principes de Tt-chonius sont commeautant de clefs qui nous aident puissamment forcerla porte des mystrieux secrets des crits divins '^ ; ilrforme, d'aprs ces rgles, une interprtation qu'ilavait faite d'abord suivant saint Cyprien^, et enfin ildonne dans son trait de la Doctrine chrtienne ^ unfidle rsum du livre de Tc/chonius.Tout en proclamant que le Livre des sept rgles peuttre d'une grande utilit pour clairer certains passa-ges obscurs de la Sainte Ecriture, Augustin constateque ces principes d'interprtation sont incomplets,qu'ils sont loin de donner la solution de toutes lesdifficults. La meilleure preuve que notre saint docteurpuisse en apporter, c'est que, de fait, Tc-chonius lui-mme s'carte souvent des rgles qu'il a formules ^.Aussi l'auteur du de Doctrin Christian donne-t-il son uvre une tout autre ampleur que l'auteur duLiber de septem regulis. Saint Augustin voudrait rendrel'Ecriture accessible tous, il voudrait donner auxprtres une mthode siire, non seulement pour com-prendre la Bible, mais encore pour l'expliquer auxfidles confis leurs soins.

    Il n'ignore pas les difficults d'une telle entreprise,

    (1) Liber de septem regulis, P. L., t. 18, col. 15 66.(2) Hominem fuisse et acri ingenio prditiis et uberi eloqiiio, sed lamen

    Donatistam. Gontr. Epist. Parmen, 1. 1, c. I, P. L., t. 43, col. o3.(3) .... Quasi clavibus divinarum Scripturarum aperirentur occulta. ..Quae quidem consideratse, sicut ab illo aperiuntur, non parum adjuvant adpenetranda quse tecta sunt divinorum eloquiorum. . . De doct. Christ., 1. III,

    c. 30, P. L., t. 3'i, col. 81.(4) Retract., 1. II, c. 18, P. L., t. 32, col. 638.(5) De doct. Christ., 1. III, c. 30, sq., P. L., t. 34, col. 81 90.(6) De doct. Christ., 1. III, c. 30, P. L., t. 34, col. 81-82.

    MP'-9 ?*"

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    DIFFICULTS ET OBJECTIONS 11

    il connat les objections que soulvera son uvre et ily rpond d'avance ^A quoi bon, diront les uns, des rgles si compliquesqu'on a de la peine les comprendre, et qu'il sera entous cas impossible de mettre en i)ratique? Pourquoi,ajouteront les autres, ne pas s'en rapporter l'inspi-ration de l'Esprit Saint? Dieu qui nous a donn l'Ecri-ture peut-il nous refuser son assistance, quand ils'agit de comprendre ce qu'il a voulu nous dire ~?Saint Augustin rpond un peu vivement ceux quitrouveraient sa mthode bien complique pour tenterde la comprendre : Illis qui hc qit scribimusnon intelligunt, hoc dico : me ita non esse reprehenden-dum quia hc non intelligitnt ; tafiquam si lunam vete-reni vel nocam, sidnsve aliquod minime clarimi vellentvidere, qnod ego iniento digito demonstrarem ; illisauteni nec ad ipsurn digitum meitm videndwn sufficiensesset acies oculorum, non propterea niihi succenseredeherent '^ Quant ceux qui se flicitent d'avoir reu les donsdu Ciel, qui se glorifient de comprendre et d'exposerles Saints Livres sans le secours des prceptes del'hermneutique, ils n'ont pas nanmoins le droit denier les avantages d'une mthode d'interprtation ''^

    Qu'ils aient t particulirement favoriss de Dieu;qu' l'exemple d'Antoine, ce saint et parfait solitaired'Egypte, il leur suffise d'entendre lii'e l'Ecriture pourla retenir de mmoire, et de la mditer pour en avoirl'intelligence ; que par leurs seules prires, ils obtien-nent la pleine connaissance de la Bible, c'est unmiracle possible la toute puissance de Dieu, unmiracle qu'Augustin ne contestera pas, s'il est constat,mais dont il refuse de faire la rgle gnrale =^Dans Tordre tabli, l'homme est un tre enseign;

    (1) De doct. Ch., prol., P. L., t. 34 col. If), sq.(2) De doct. Christ. Prologus. n" 2, P. L., t. S^i, col. 15.(3) Jhid. ihid. n 3, ihid. col. K).(4) Ihid. ihid. n" 4, col. 17.(')) Ihid. ihid. w" 4, col. 17.

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    12 DIFFICULTS ET OBJECTIONS

    quand nous voulons apprendre une langue quelconque,nous avons besoin de l'entendre parler, ou de suivre lesleons d'un matre K De mme quand il s'agit du lan-gage de nos Saints Livres, Dieu n'a pas voulu nousinstruire directement; et Jsus nous a fait prcher sadoctrine par ses aptres. Nous trouvons dans l'Ecriturede nombreux exemples qui montrent que l'actiondivine', mme lorsqu'elle parat s'exercer d'unemanire plus directe, ne supprime pas l'intermdiairehumain. Saint Paul ravi au troisime ciel, terrasssur le chemin de Damas, est envoy Ananie;Corneille est adress Pierre; Philippe explique l'eunuque les prophties d'Isae, etc ^.

    11 est donc dans l'ordre qu'Augustin formule desrgles, pour conduire l'intelligence des Ecritures; ilremplira ainsi la fonction du matre qui enseigne leslettres et apprend lire ses lves : Ut quomo-do ille qui lgre novit, alio lectore non indiget, cumcodicem invenerity a qno audiat qiiid ibi scriptum sit ; siciste qui prcepta quce conamur tradere acceperit^ cum,in libris aliquid ohscuritatis invenerity quasdam rgulasveluti litteras tenens intellectorem alium non requirat,per quem sibi quod opertum estretegatur ; sed quibusdamvestigis indagatis ad occultum sensimt si7ie ulio erroreipse perveniaty aut certe in absurditatemprav sententi01on incidat ^. Ce n'esl pas dire que saint Augustin s'en rapporte sa seule intelligence pour formuler les rgles d'in-terprtation, et mme pour comprendre la SainteEcriture. Ds les premires lignes du trait de laDoctrine chrtienne, il compte sur les lumires que Dieului envoie ordinairement, quand il mdite les livresinspirs^; car, pour lui, la grce joue un rle pr-

    (1) Dedoct. Gh. Prologus n. 5. P. L., t. 34, col. 17.(2) Ihid. n. G.(8) Ibicl. n. 9. col. 19 et 20(4) Hsec tradere institui, volenlibus et valentibusdiscere, si Deus ac Do-minus rioster ea quse de hac re cogitanti solet suggrera, etiam sciibenti miliinon deneget. Dedoct. Christ, prol. n. 1, P. L.. col. 15.

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    DIFFICULTS ET OBJECTIONS 13

    pondrant, remplit une fonction ncessaire, quand ils'agit de pntrer le secret des mystres rvls. Ellene doit pas suppler l'tude, mais bien fconder lesefforts de l'interprte, et assurer le fruit de ses recher-ches. Saint Augustin explique ce rle de la grcedans un passage que nous tenons citer ici : Difl-cidtas non est in ohscuris sensibits, quanclo adjiwat ^pt-ritus. Adjuvet ergo nos orantibus vohis : quia ipsitm desi-derium qitod vultis intelligere, oratio est ad Dewn. Abipso ergo oportet ut exspectetis aitxilium. Nos cnirn quo-modo rusfici in agro forinseciis operamitr. Si aute?n nul-lus esset qui intriiisecus operaretur^ nec semen terrfige-retw\ nec in agro caciimen exsiirgeret^ nec roborareturvirga et i^erveniret ad trabeni : nec rarni nec fructus^ necfolia nascerentnr . . Si Deiis intrinsecus incrementum nondet, inanis est iste sonus ad aures vestras. Siauteni det^valet aliqiiid quod plantamus et rigamiis, et non estinanis labor noster \ Comme on le voit, la grce a dans l'interprtationde l'Ecriture un rle trs bien dfini par notre auteur,et il ne cesse de proclamer que ce n'est point avec lesyeux de la chair que l'on peut s'lever dans les rgionsdivines -, que ni le gnie, ni la science ne sont unsecours suffisant pour l'interprte ^^ 11 proclamemme que le meilleur moyen d'arriver l'intelligencede la Sainte Ecriture, c'est la prire ^; car, si Dieu avoulu se servir de Thomme pour nous communiquerses oracles, il s'est rserv de nous en faire com-prendre le sens et la porte '\ Pour lui, entreprendrel'tude de l'Ecriture sans compter sur les lumires

    (1) Serm. 15-2, n. 1, P. L. , t. 38, col. 820.(2) In Joan. Evang. Tr. I, c. 1 P. L., t. 35, col. 1382.(3) De doct. Christ. 1. III, c. 37, P. L., t. 34, col. 8'(4) Verum etiam quod est prsecipuum et maxime necessarium, orent etintelligent. ibid.(b) Oculos nostros cum levamus ad Scripturas, quia per homines minis-trala" sunt Scripturu-, levamus oculo.s noslros ad montes unde auxilium vcnietnobis : sed tamen ({uia ipsi homines erant qui scripserunt Scripturas, non dese lucehant ; sed ille erat lumen verum, qui illuminai omnem horainem venien-tem in hune mundum. In Joan. Ev., T. I, c. 1, P. L., t. 35, col. 1382.

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    14 INTERVENTION DE LA GRACE

    divines, c'est faire fausse route ^, aussi, il place aupremier rang des qualits de l'interprte, la pit et lacrainte de Dieu '^.Pour comprendre la Sainte Ecriture, le secours dela grce est ncessaire et une tude mthodique esttrs utile. Saint Augustin, en crivant le livre de laDoctrine chrtienne, se propose de formuler les rglesd'interprtation '^. Ce qu'il veut, nous dit-il lui-mme,c'est donner la manire de dcouvrir ce qu'on doitcomprendre et la manire d'exposer ce qu'on acompris dans la Sainte Ecriture : Modus inveniendiqit intell igenda sunt, et modus yroferen di qn intellectasiint^ . Cette dfinition embrasse la fois l'hermneu-tique proprement dite, et l'homiltique. Modus inve-niendi qii intelligenda sunt ^ voici l'hermneutiqueou l'ensemble des rgles suivre pour arriver auvritable sens de l'Ecriture. Modus proferendi quintellecta sunt , voil l'homiltique, ou l'ensembledes rgles suivre pour exposer aux fidles les ensei-gnements divins.Quand on connat la haute ide que saint Augustinse fait de la Sainte Ecriture, on ne doit pas s'tonnerqu'en formulant les rgles d'interprtation, il ait faitune si large place la rhtorique sacre. Pour notreauteur, la Bible est le livre des sources de la doctrinechrtienne, le livre o Dieu a consign les enseigne-ments destins nourrir notre foi, soutenir notreesprance, enflammer notre charit. Mais, pourconduire les mes ces sources salutaires, il faut quel'interprte se pntre du sens de l'Ecriture, et aussiqu'il le communique aux chrtiens qui doivent en vivre.

    (1) Loquor vobis aliquando decejDtus, cum primo puer ad divinas Scripturasante vellem afferre acumen discutiendi, quam pietatem quserendi.Serm. 51, c. 5, P. L., t. 38, col. 336.

    {2} De doct. Christ., 1. II, c. 7, P. L., t. 34, col. 39.(3) Sunt pr&cepta quaedam tractandarum Scripturarum, qu studioisearum video non incommode posse tradi. ... Hsec tradere institui volenlibus

    et valentibus discere. De doct. Christ, prol. 1, P. L., t. 3'/, col. 15.(4) De doct. Ch., 1. I, c. 1, P. L., t. 34, col. 19.

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    HERMNEUTIQUE ET HOMILTIQUE lo

    Dans Tesprit de saint Augustin, l'interprte ne sespare pas de TAptre.Comme Tindique le titre de ce travail, nous nousoccuperons seulement ici de riiermneutiquo de

    saint Au,a"iistin, nous reservant d'tudier ailleurs sarhtorique sicre.

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    CHAPITRE DEUXIEMELe sens des Livres Saim s d'aprs saint Augustin. Les choses conte-nues dans la Sainte Ecriture. Comment les dterminer? Les

    signes, leur nature, leurs divisions.Les diffrents sens de l'Ecriture. Sens littoral et sens spirituel.

    Sens historique, analogique, tiologique, allgorique.

    TJn crit quelconque est destin traduire et fixerau moyen de signes conventionnels et sensibles lesconcepts immatriels de l'auteur qui Ta compos. 11se prsente donc avec deux lments distincts : leschoses et les signes, les ides et le canal qui leur per-met d'arriver jusqu' l'intelligence du lecteur. On aurale sens d'un livre quand derrire l'enveloppe, derrirela lettre^ derrire le signe on sera arriv jusqu'l'ide, jusqu'au concept, jusqu' la chose i.

    Saint Augustin s'occupe d'abord des choses'^ conte-nues dans la Sainte Ecriture ; il parlera ensuitedes signes qui servent les exprimer ^.Partant de ce principe rationnel que l'homme, s'il aVusage^ de la crature, ne peut jouir que de Dieu, ildemande la foi de le renseigner sur ce Dieu en quinous pouvons nous complaire, qui est notre souverainbien, notre fin dernire. Et la foi lui rpond qu'en Dieuil y a trois personnes unies dans une mme substance,,le Pre, le Fils et le Saint-Esprit, qui sont tous troisun dans le Pre, tous trois gaux dans le Fils, toustrois unis dans le Saint-Esprit ^. Elle lui rprsente

    (1) Omnis doctrina vel rerum est vel signorum, sed res per signa dis-cuntur. De doct. Gh., 1. I, c. 2, V. L., t. 34, col. U. Nec ulia causa est nobis significandi, id est signi dandi, ni.

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    LE SENS DES LIVRES SAINTS 17

    ce Dieu ineffable^ au-dessus de tout tre, comme lasagesse immuable - ; elle lui enseigne que ce Dieu parun acte d'amour infini, est venu nous, revotant notrenature pour gurir Tliomme pcheur et le dlivrer deses faiblesses et de son a^'euglement ^, qu'il vit main-tenant dans son Eglise, laquelle il a donn le pouvoirde remettre et de retenir les pchs ^*, et que quicon-que ne meurt point ce sicle, et ne se conformepointa la vrit, n'arrive pas la cleste batitude,mais est condamn, corps et me, aux supplices ter-nels ^.Aprs un merveilleux rsum des vrits fonda-mentales de notre foi, dont nous ne donnons ici qu'unebien pale iHe '% saint Augustin n'a pas de peine conclure que Dieu nous ayant rvl ses mysti^es, adu nous enseigner le moyen d'arriver Lui qui seul est

    l'objet de notre jouissance; Il a du nous dire l'usageque nous devions faire des cratures. Tordre que nous(levions leur assigner dans notre apprciation et dansnotre amour ^. L'Ecriture n'a pas d'autre but que denous enseigner l'amour que nous devons avoir pourl'unique objet dont nous devons jouir, et pour lacrature qui doit en jouir avec nous ^. C'est tel pointque vainement on se flatterait de comprendre les LivresSaints, si la connaissance qu'on en a ne sert point tablir le double amour de Dieu et du prochain,tandis que celui qui exprimerait un sens propre

    (I) De doct. Chr., 1. I, c. 0, P. L., t. 3/i, col. 22.{2) Ibid. c. 8, ibid.(3) Ihid. c. 14, ibid. col. 24.(4) Ibid. c. 16, 1 , 18, P. L., t. 3'., col. 25.(5) Ibid. c. 15, 19, 20, 21, P. L., t. 3i, col. 24, 25, 20.(0) In his igitur omnibus rbus, illse tantum sunt quibus fruendum est,Suas ternas afque incommutabiles commemoravimus ; cteris autem uten-um est, ut ad illarum porfructionem pervenire possiinus. De doct. Chr.,Lib. I., c. 22, P. L., t. 34, col. 26.(7) De doct. Chr., Lib. I, c. 23, 24, 25, 20, 27, 28, 29, 30.(8) Omnium igitur qua; dicta sunt. ex quo de rbus tractamus, ha'Csumina est, ut intelligatur Legis et omnium divinarum Scripturarum pleniludoet finis esse dilectio rei qua fruendum est, et rei quii3 nobiscum ea rei IVuipotest De doct. Chr., Lib. 1. c. 35, n. 39, P. L., t. 34, col. 34.

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    18 l'objet de l'criture

    difier cette mme charit ne commettrait point uneerreur dangereuse, alors mme qu'il ne i*endrait pointla pense de l'crivain sacr KAussi bien, Augustin a-t-il pu emprunter la SainteEcriture elle-mme le magnifique rsum de tout cequ'elle contient : Totam magnitudinem et latitudi-nem divinorum loquiorum secvra possidet caritas^ quBeiim "proximumque diligimus. Docet enim nos clestisunus Magister et dicit : Diliges Dominum Deum tuumex toto corde tuo et ex tota anima tua, et ex tota mentetua ; et diliges proxtmum tuum sicut te ipsum. In hisduobus prceptis universa Lex pendet et prophet. Math. XXII 37-40. Si autem non vacat omnes paginassanctas perscrutari, omnia involucra sermonum evolvere,omnia Scripturarum scrta penetrare^ tene ca^ itatem,ubi pendent omnia : ita tenehis quod ibi didicisti; tenebisetiam quod nondum didicisti. Si enim nosti caritatem,aliquid nosti unde et illud pendet quod forte non nosti ;et in eo quod in Scripturis intelligis, caritas palet; in eoquod non intelligis caritas latet. Ille itaque ten*:t et quodpatet et quod latet in divinis sermonibus, qui caritatemtenet in moribus ^

    C'est ainsi qu'appuy sur quelques vrits fondamen-tales, sur les dogmes essentiels, saint Augustin dter-mine l'objet de la Sainte Ecriture; objet sublime quin'est autre que l'objet mme de la foi et de la moralechrtiennes, qui nous fait connatre Dieu qui estcharit, et nous conduit, nous attire, nous unit Luipar la charit. L'interprte sait maintenant le thmegnral des Livres Saints, il lui sera dsormais plusfacile de dchiffrer et de comprendre les multiplesvariations destines faire ressortir et orner cemotif unique.

    (1) Quisquis igitur, Scripturaa divinas vel quam libet earum partemintellexisse sibi viietur, ita ut eo intellectu non sedificet istam geminam cari-tatem Dei et proximi, nondum intellexit. Quisquis vero talem inde senten-tiam duxerit, ut huic aedificandae caritati sit utilis, nec tamen hoc dixeritquod ille quem legit eo loco sensisse probabitur, non perniciose fallitur, necomnino mentitur. De doct. Chr., Lib. I, cap. 36, n. 40, P. L., t. 34, col. 34.(2) Serm. GGQL, 2, P. L., t. 39, col. 1534.

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    LES SIGNES 19

    Aprs s'tre occup des choses contenues dans laSainte Ecriture, saint Augustin passe Ttude dessignes qui servent les exprimer. Sijnum est- enimres, nous dit-il, prter speciem quant ingerit sensibits,aliud aliquid ex se faciens in cogittionem venire . Ildistingue des signes naturels comme la fume qui in-dique naturellement la prsence du feu -, et des signesartiticielsquiserventriiommemanifester ses penseset ses sentiments ^. Le plus souple, le plus vari dessignes conventionnels, c'est la parole ^^. Elle peutsuivre jusque dans leurs nuances les plus dlicates, lespenses et les sentiments qui s'agitent dans notre me,elle donne un corps aux concepts les plus cachs, etles rend perceptibles. Et cependant quelque parfait quesoit le langage parl, il a le grave inconvnient des'envoler avec les ondes de l'air qu'il a frapp, de dis-paratre avec le son qu'il a produit, il traduit fidle-ment la pense mais ne la conserve point. C'est pour-quoi les hommes ont imagin le langage crit quisubsiste aussi longtemps que la pierre, le parcheminou le papier qui le porte. L'criture est donc le moyenle plus parfait de communiquer et de fixer la pense \Aussi bien est-ce le moyen que Dieu a choisi pournous rvler ses mystres. A vrai dire, nulle bornen'tant donne sa Toute Puissance, il aurait pu agirde tout autre faon, user de tout autre signe, sup-primer mme tout intermdiaire, nous communiquerses enseignements par simple intuition; car ce qui estncessaire l'homme est le choix d'une libre lectionde Dieu. Il ne l'a point voulu, et a prfr user dessignes ordinaires, parler. notre langue, fixer ses rv-lations dans des crits qui nous permettent de lesmditer loisir.

    (1) De doct. Ch., I. II, c. I, P. L., t. 34, col. 35.(2) Ibid. col. oG.(3) Ibid. c. -j, col. 37.>h' Jfnd. c. 3. col. 37.Cf. De Magislro, P.L., t. 34, col 1193, sq.(5) De doct. Chr., 1. II, c. 3, ii. 4, P. L., t. 34, col. 37 et 38.

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    20 LES SIGNES

    Le Verbe de Dieu s'est exprim dans le temps, em-ployant dans les Livres Saints les mmes signes quel'on retrouve dans les livres profanes ^. Mais par lefait que ces signes conventionnels sont humains ilssont incapables de traduire d'une manire adquate lesconcepts divins^ mme lorsqu'ils sont crits pai' deshommes inspirs de Dieu ^. Ce que ces signes expri-meront sera vrai, puisque leur vracit est garantiepar l'inspiration, qu'ils constituent le manuscrit f^eDieii'^^ le style de Dteu^; mais ce ne sera pas toutela vrit, ce sera la vrit accommode la faiblessede notre intelligence '^^ la vrit partielle qui peuttre exprime par nos manires de parler, la vritproportionne bien plus la capacit humaine qu' lasublimit et aux profondeurs divines ^.Dans la Sainte Ecriture nous trouvons donc un cthumain dans les signes employs par l'auteui* inspir.Dieu ayant voulu se servir d'un langage humain pourinitier nos esprits dbiles des vrits d'un ordresuprieur, nous devons lire ces signes^ les tudier,comme nous lisons et tudions les signes ordinairesdu langage.Or les signes du langage humain se divisent en deuxcatgories trs distinctes ^ : les uns, nous dit saint

    (1) Quod scriptura mea dicit, ego dico. Et tamen illa temporaliter dicit. Gonfes. 1. XIII, c. 29, P. L., t. 32, col. 864.(2) Sancta enim Scriptura verbis nostris loquens, etiam per hc verbademonstrat, nihil digne de Deo posse dici. Gont. Adim., 1. I,c. 7, P. L., t. 42, col, 138, sq.(3) Enar in ps. 144, n. 17, P. L., t. 37, col. 1880.(4) Gonfes., 1. VII, c. 2', P. L., t. 32, col. 747.Gf. ch. 1, page 6 et 7.(5) Omnia enim ista posita sunt in Scripturis ut nobis lactentibuscommendaretur Deus. Enar. in ps. 130, P. L., t. 37, col. 1715.(6) Gum vero verba omnia quibus colloquia conseruntur, illius sempi-terna virtus et divinitas mirabiliter atquo incunctanter excdt.... etiam illaqu congruenter in Scripturis sanctis de Deo dicta existimat, humanse capaci-

    lati aptiora esse quam divin sublimitati. De divinis Qust. ad Simp., 1. II, q. 2, -M. P. L., t. 40, col. 138.(7) Sunt autem signa vel propria, vel translata. Dedoct. Ghrist.. 1. II, c. 10, M. P. L. t. 34, col. 42.

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    LES SIGNES 21

    Augustin, dsignent directement les objets pour les-quels ils ont t institus, ce sont les signes propres ^;les autres dsignent directement des choses quiservent elles-mmes exprimer quelqu'objet dif-frent -, des choses qui sont signes d'autres choses -KAinsi le mot buf* est le signe propre l'usage detous ceux qui parlent hx mme langue, pour indiquerle mme quadrupde. Mais on peut exprimer une pen-se, non plus directement avec le signe bu/] mais aumoyen de cet animal que nous connaissons bien, etdont la vue ou le souvenir peuvent rveiller uneIbule dides : Tide de force, l'ide de tnacit, etc.Au tmoignage de Taptre saint Paul, l'auteur duDeutronome ', en parlant du buf qui travaille fouler la moisson, a voulu dsigner le prdicateur quitriture la parole sainte pour en nourrir les mes ^\

    C'est dans cette division des signes du langage quenous allons trouver la distinction des diffrents sensde la Sainte Ecriture.Le sens d'un livre tant l'ide, la chose que l'auteura voulu exprimer par le moyen des signes ^, le sensde la Sainte Ecriture sera l'ide, la chose que Dieuaura voulu suggrer en se servant des signes ordi-naires du lanofao'e humain. Si l'ide est directementexprime par les mots invents pour cet usage, si, end'autres termes, le signe est propre, le sens sera un

    (1) Propria dicuntur, cuQi his rbus significandis adhibentur, propterquas sunt instituta. Ibid.(2) Translata sunt (signa) cum et ipsse resquas propriis verbis significamusad aliud aliqiiid signiticandum usurpantur. Ibld.(3) Hai nanique ita res sunt, ut aliarum etiam signa sint rerum. De doct. Christ., 1. I, c. '.^P. L., t. 34, col. 20.(4) Sicut dicimus bovcm, cum intelligimus pecus quod omnes nobiscumlatinai lingua; homines, hoc nomine vocant. Ibid., 1. II, c. 10.(5) Deutronome, XXV, 4.(6) ... Sicut dicimus bov^sm, et per has duas syllabas intelligimus pecusquod isto nomine appellari solet ; sed rursus per illud pecus intelligimusevangelistam quem signilicavit Scriptura interprtante Apostolo dicens : bovemtriturantem non infrenabis. De doct. Chr., 1. II, c. 10, P. L., t. 34, col. 42.(7) Cf. De doct. Christ., 1. I, c. 2, P. L., t. 34, col. 19.

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    LES DIFFERENTS SENS DE L ECRITURE

    sens propre, si au contraire le signe est figur, le sensparticipera lui-mme ce caractre et sera dit sensfigur.

    Telle est la distinction fondamentale que saintAugustin met la base de sa thorie de l'interprta-tion, recommandant avant tout de ne pas faire confu-sion sur ce point, de ne point prendre la lettreune expression figure^, distinction, fonde sur lanature mme du signe, et dont il faut ncessairementtenir compte si l'on veut avoir le sens d'un crit quel-conque.Signalons toutefois ici un point de vue diffrent au-quel se place saint Augustin dans le De lUilitate cre-dendi '^ pour expliquer certaines difficults de l'AncienTestament. Il nous sera d'ailleurs facile de montrerque cette seconde classification rentre dans lapremire.Pour quiconque veut connatre tout l'Ancien Testa-ment, nous dit-il,ily a quatre manires de l'envisager :au point de vue de Vhistoire, de Vtiologie, de Yanalo-gie et de Vallgorie ^ . Et aprs s'tre excus d'employercette terminologie grecque, dfaut de mots latinsquivalents, il explique ainsi ces expressions : Secun-dum historiam ergo tTadilw\ cum docetur quid scriptitm^aut quid gestum sit; quid non gestum, sed tantummodoscriptiim quasi gestum sit. Secundum tiologiam, cumostenditur quid, qua de causa vel factum vel dictum sit.Secunditm analogiam, cum demonstratur non sibi adver-sari duo Testamenta : Vtus etNovum. Secundum alle-goriam, cum docetur non ad Utteram esse accipiendaqucedam qu scripta sunt, sed figurate intellige7ida ^Et pour bien faire comprendre toute sa pense, saintAugustin donne des exemples tirs de la Sainte Ecri-

    il) Nam in principio cavendum est ne figuratam locutionem ad litteramaccipias. De doct. Christ., 1. III, c. 5, P. L., t. 34, col. 69.(2) De util. Gred., 1. I, c. 3, P. L., t. 42, col. 68, sq.Cf. De Genesi al Lit. imp. liber., c. 2, P. L., t. 34, col. 222.

    (3) Omnis igitur scriptura quse Testamentum Vtus vocatur, diligenteream nosse cupientibus quadrifaria traditur; secundum historiam, secundumtiologiam, secundum analogiam, secundum allegoriam. De ut. Gred,, c. 3,n" 5, P. L., t. 42, col. 68.(4) De ut. Gred., c. 3, n 5, P. L., t. 42, col. 68 et 69.

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    LES DIFFRENTS SENS DE l'CHITURE 23

    ture. Il faut entendre dans le sens historique, nous dit-il, la rponse du Christ aux pharisiens scandaliss devoir les disciples, cueillir des pis, et en manger legrain un jour de sabbat : Non legistis, qitodfecit David,curn esarirct, et qui citin eo erant ; quomodo intravit indomum Dei, et panes propositionis manducavit^ qiios nonlicebat ei manducare ^ neque eis qui cum eo erant, nisisolis sacerdotibus^. C'est un fait qui par lui-mmejustifie la conduite des disciples et qu'il suffit au Sei-gneur de citer tel qu'il s'est pass. Il est doncvident qu'il faut prendre ce texte dans le sensstrictement historique.L'Ecriture donne-t-elle la raison, la cause d'unenseignement, d'un prcepte, saint Augustin y voit unsens tiologique . Ainsi le Christ ayant dfendu qu'onrpudit son pouse si ce n'est pour cause de forni-cation, ses interlocuteurs rpliquent : Mose a bienperuiis qu'on la renvoie, en lui donnant un crit desparation. Sans doute, reprend le Sauveur, Mose aagi de la ^ovie^^caitse de la duret de votre cur ^.Comme dans le cas prcdent, la rponse du Sauveurdoit tre prise la lettre, mais de plus, elle montreque Mose fit bien en son temps d'accorder cette per-mission^ tandis qu'au moment o parle le Christ lesconditions doivent tre changes.

    Saint Augustin attache une grande importance rinterprtation par Vanalogie. 11 avait en efi*et com-battre les Manichens qui rejetaient des passages tropgnants, des livres entiers de la Sainte Ecriture, sousprtexte qu'ils taient interpols '^ . Il s'agissait de leurmontrer par l'a/zaYo^/i^ que les passages rejets, taientcontenus dans les passages qu'ils acceptaient "^ . Aussisaint Augustin fait-il de Vanalogie une des rglesprincipales de son interprtation, et s'applique-t-il

    (1) Malh. XII. 3 et sq. P. L., n" 6, col. 69.(2) Moyses fecitpropter duritiaui cordis vestri. Math. XIX, 8.(3) Cf. ch. 1, page 2.(4) Cf. St Th., Sura. Th., 1 q. 1 10 ad secundum.

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    24 LES DIFFRENTS SENS DE l'CRITURE

    constamment montrer le parfait accord qui existeentre les diverses parties de la Sainte Ecriture, entreles deux Testaments qui se compltent l'un l'autre ^;et mme il consacre un grand trait mettre en reliefl'harmonie qui existe entre les Evanglistes '^Enfin quand saint Augustin en vient expliquer ce

    qu'il entend par interprtation allgorique^ il semblebien l'identifier avec la recherche du sens figur : Secundum allegoriam^ cum docetur non ad litteramesse accipienda qudam qu scripta sunt^ sed figurateintelligenda '^ .Cette opposition entre le sens figur et le sens lit-tral nous ramne la division entre le sens propre etle sens figur, car pour saint Augustin, nous le ver-rons bientt^, le sens propre et le sens littral nefont qu'un. De mme par les exemples qu'il donne icipour expliquer ce qu'il entend par interprtation all-gorique, il montre que le mot Allegoria est pourlui, un terme gnrique qui convient aux difrentesformes du sens spirituel de la Sainte Ecriture.A l'appui de cette dfinition, notre auteur rappelleces paroles de Notre Seigneur : Generatio hc signum,qurit; et non dahitur ei nisi signum Jon prophet.Sicut enim Jonas in ventre ceti tribus diebus et tribus

    (1) Cf. De Mor. Ecc. cath., 1. 1, c. 28, P. L., t. 32, col. 1334.Epist. 55, c. 16, n. 29, P. L., t. 33, col. 218.De vera religione, c. 17, n. 33, P. L., t. 34, col. 136.Qusest. inHept.,1. II, q. 74, P. L., col. 623.Qust. in Hept., 1. II, q. 103, P. L., col. 633.Enar in ps. 72, n. 1, inps. 73, n. 2, in ps, 74, n. 11.P. L., t. 36, col. 914, 931, 954.Serm. 160, n 6, P. L., t. 38, col. 876.Serm. 300, n. 1, P. L., t. 38, col. 1377.De catechiz. rudib., c. 4, n. 8, P L., t. 40, col. 315.De civit. Dei, 1. IV, c. 33 et 34, P. L., t. 40, col. 139-140.De civit. Dei, 1. XVII, c. 26, n. 2, P. L.. t. 40, col 505.Cont. advers. leg. etprop., 1. 1, c. 17, n. 34, P, L., t. 42, col. 622-623.Cont.advers. leg. etprop., 1. II,c.l0, n.35, P. L., t. 42, col. 660-661, sq.DepeccatorumMerit. et remis., 1. I, c. 11, n. 13, P. L.,t. 44, col. 116^(2) De Gonsensu Evangelistaruna libri quatuor.P. L., t. M, col. 1041 2130.(3) De util, cred., c. 3, n" 5, P. L., t. 42, col. 69-70.(4) Cf., c. 3, p. 27, sq.

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    noctibus fuit, sic et Films hominis, tribus diebus et tri-bus noctitjiis erit in corde terr ^ . Ainsi rinterprtation authentique de Jsus-Christliii-mnie nous reprsente au sens fleur, Jonas,comme le ti/pc du Fils de Thomme, et le sjour qu'ilfit dans le ventre de la baleine, comme une prophtiedu sjour de Jsus au tombeau. Dans ce seul exemplenous avons un double aspect du sens allgorique.Puis saint Augustin rappelle le passage de lapremire ptre aux Corinthiens o l'Aptre nousmontre TExode du peuple de Dieu, comme tant uneallgorie de la future Eglise du Christ. De plusl'aptre tire des divers vnements qu'il rapporte, etnotamment des chtiments infligs aux Isralites infi-dles, une srie de leons morales pour les chrtiens.Il exhorte ces derniers ne pas s'abandonner auxmauvais dsirs, Tidolatrie, la fornication, commece peuple choisi pour tre la figure de l'Eglise chr-tienne -.

    C'est un exemple de ce qu'on a appel le senstropologique qui renferme une leon pour les murs.Enfin la troisime citation de saint Augustin estencore un texte de saint Paul. Dans l'ptre auxGalates -^ l'Aptre enseigne que les deux femmesd'Abraham sont la figure des deux alliances. L'es-clave reprsente l'Ancien Testament, la Jrusalem quiest dans la servitude avec ses enfants ; tandis que lafemme libre est la figure de la Jrusalem d'en haut,notre mre nous, chrtiens, de cette Eglise quitouche encore la terre, mais qui aboutit au ciel oles bienheureux jouissent de la batitude anglique ^^.

    (1) La vulgate porte: Generatio mala et adultra signum qurit etcMath. XI I, 39, sq.(2) I. Corinth. X, 1-1 1.(3) Gai. IV, 22-2(J.(4) Saint Augustin fait lui-mme le commentaire suivant de ce passagede l'aptre a . . . . Sion vera et Jrusalem vera alterna est in clis, qua)est mater nostra. Ipsa nos genuit, ipsa est ecclesia sanctorum, ipsa nosnutri-yit ; ex parte peregrina, ex magna parte immanens in clo. Ex parte quaimmanet in cuilo. Ix-atitudo angelorum est: ex parte qua peregrinatur in hocsa-culo, spes est justorum. Enar in psal. GXLIX,5, P. L., t. 37, col. 1052.

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    C'est un exemple de ce que Ton est convenu d'ap-peler le sens anagogique qui donne une ide de laflicit ternelle ^Ainsi quand saint Augustin parle du sens all-gorique, il applique indiffremment cette dnomi-nation au sens typique^ au ^en^ prophtique et au sensanagogique. On peut en conclure qu'il n'a pas distingumthodiquement ces diverses formes du sens figur,comme on devait le faire plus tard la suite de saintGrgoire pape ^.

    Ces quelques explications fournies par notre auteurnous montrent que l'interprtation historique, l'inter-prtation tioloqique, et l'interprtation par Vanalogie,ne sont que trois points de vue diffrents auxquels ilest utile de se placer pour arriver au sens littral ;tandis que l'interprtation allgorique embrassetoutes les formes du sens figur.

    Cette seconde classification Augustinienne des sensde la Sainte Ecriture se ramne donc, en ralit, ladistinction fonde sur la nature des signes du lan-gage, entre le sens littral et le sens figur.

    (1) Vigoureux, Manuel biblique, t. I, n. 165, page 255. {7" dition.) t(2) Cf. Schmid: De insp. bibliorum, 1. IV, n. 179.

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    CHAPITRE TROISIEMELK SENS LITTRAL DE LA SAINTK CRITURE

    Notion du sens littral. - Le sens littral d'aprs saint Augustin.Le sens littral d'aprs l'Ecole. Sens littral et gens propre.

    p]xistence du sens littral. Saint Augustin reoonnat-il quetous les passage.>< de l'Kcriture ont un sens littral?

    Pluralit de.s sens littraux de la Sainte Ecriture. Quelle a tsur ce point la pense de saint Augustin ?

    Saint Augustin nous a dit qu'il y a dans l'crituredes signes qu'il faut prendre au sens propre, d'autresau sens figur^. Voyons maintenant d'une manireplus prcise et plus complte, ce qu'est, pour notreauteur, le sens propre, nous rservant d'tudier, auchapitre suivant, le sens figur.Un signe est employ au sens propre, quand il d-signe directement la chose pour la signification de

    laquelle il a t institu. Les mots : boeuf, chemin,pine, expriment immdiatement des objets parfaite-ment dtermins. Chacun d'eux veille la mme idedans l'esprit de tous ceux qui ont l'intelligence de lalangue dans laquelle ces mots sont prononcs oucrits -. Le sens propre de ces expressions, c'est l'idequ'elles traduisent directement '^.Faut-il confondre cette notion du sens propre,telle que nous la donne saint Augustin, avec la notiondu sens littral, telle qu'on l'entend trs gnralementaujourd'liui ? Nous ne le croyons pas.

    ^1; De doct. Christ., 1. II, c. 10, P. L., t. 3s col. /i-2.(2) Propria dicuntar cum liis rbus significandis adhibentur propterquassunt iristituta ; sicut dicimus bovem cum intelligimus pecus, quod omnesnobiscum latina liiigua; homines, hoc iiomine vocant. De doct. Gh., 1. II,

    c. 10, P. L., t. :M, col. 42. In rbus visibilibus via via est, saxosa loca, loca saxosa sunt, spinosaloca, loca spinosa sunt; quod sunt, hoc sunt; quia proprie nominanliir. Serm. LXXIII, c. 2, P. L., t. 38, coi. /i70-471.(3) Cf. Retract., 1. I, c. XVIII, P. L. t. 32, col. 013.Ibid. 1. II, c. XXIV, P. L., t. 32, col, 640.

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    28 NOTION AUGUSTINIENNE DU SENS LITTRAL

    Le sens littral a pris dans l'cole une extensionplus grande que celle du sens propre.Saint Thomas, tout en dfinissant le sens littral peu prs dans les mmes termes qu'avait employsAugustin pour donner la notion du sens propre',admet cependant qu'au sens littral, une ide peut

    tre exprime, ou bien par le mot propre, ou bien parune figure. Ainsi, quand on dit : un homme rit, lesens littral se confond avec le sens propre ; maisquand on dit : la prairie est riante, le sens propre decette phrase serait que la prairie s'anime pouraccomplir cet acte particulier l'homme, et qu'onappelle le rire. Ces mots ainsi compris exprimeraientune absurdit, une chose impossible que l'on ne sepropose point de traduire en les prononant, ou en lescrivant. Ce qu'on veut dire, c'est que la prairie, avecses fleurs aux couleurs varies maillant un fond d'unbeau vei% offre nos regards quelque chose d'agra-ble comme le visage d'un homme qui sourit aimablr-ment. Voil le sens littral que l'on se propose direc-tement de communiquer, en employant cette gracieusemtaphore*^.

    Cette manire de parler est trs commune parmi leshommes. Elle devait donc tre employe par l'auteurdes Livres Saints, qui a voulu se sei'vir des formesordinaires du langage. Et de fait, remarque saintThomas, quand nous lisons que Jsus est mont auxcieux, nous prenons ces mots la rigueur de la lettre ;

    (1) Illa prima signiftcatio qua voces significaiit res est sensus his-toriens vel litteralis St Th. Sum. Th. I, q. I, a. 10.Auctor rerum non solum potest verba accommodare ad aliquid significan-dum, sed efiam res potest disponere in figuram alterius, et secundum hoc inSacra Scriptura manifestatur veritas dupliciter; uno modo secundum quod ressignificantur per verba, et in hoc consislit sensus IWeralis St Th.Quodlibeta., VIII q, 6, a. 16.Gf De doct. Christ. L. I, c. 2, P. L., t. 34, col. 19 et 20.Ihid. L. II, c. 1, 3, 10.

    (2) Per litteralem sensum potest aliquid significari dupliciter, scilicetsecundum proprietatem locutionis sicut quum dico : homo ridet ; vel secun-dum similitudinem quum dico : pratum ridet. Utroque modo utimur inScriptura, sicut quum dicimus, quantum ad primum, quod Jsus ascendit. etquum dicimus quod sedet a dextris Dei quantum ai secundum. St. Th. InGai. 4, lect. VII.

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    NOTION AUGUSTINIENNI^: DU SENS LITTRAL 29mais quand rEcritiire ajoute, qu'il est assis la droitede Dieu, nous comprenons trs bien qu'il ne s'agitpoint d'un trne matriel, qu'en Dieu il n'y a ni ctdroit ni ct gauche, que l'Ecriture a voulu nous en-seigner par cette figure, les honneurs que Dieu lePre rendait son Fils bien-aim. De mme quandles livres inspirs nous parlent du bras de Dieu, lesens littral n'est point qu'en Dieu il y a des bras dechair, mais bien une puissance oprative qui nousest exprime dans la mesure du possible par cettemtaphore ^

    11 laut donc entendre le sens littral, de la vritque l'crivain a d'abord conue dans son esprit, qu'ila l'intention d'exprimer directement et immdiatementdans son langage -.Que celui qui parle, ou qui crit, emploie pourtraduire ainsi sa pense, des termes propres ou desfigures de rhtorique, peu importe. Lorsqu'il use demtaphore^ ce n'est point l'image laquelle il arecours qu'il se propose de faire comprendre au lec-teur, mais bien l'ide ainsi pare, et rendue plus sai-sissante. C'est si vrai, qu'il pourrait, avec moins d'l-gance, mais tout aussi exactement, traduire sa penseen termes propres. Ainsi, quand l'Ecriture nous dit :Juda est un petit lion, elle aurait exprim la mmepense par ces mots : Juda a la force du lionceau,mots qui donnent le sens littral..Ce que nous disons de la mtaphore, nous pouvonsl'appliquer tous les genres de figures, toutes lesmanires de parler, aux paraboles, aux fables, auxsimilitudes, etc. Le sens littral est toujours l'ide quel'auteur a voulu directement exprimer, tandis que lese72S propre est l'ide que le mot exprime immdiate-ment.Comme on le voit, le sens littral ainsi compris,tend ses limites bien au-del du sens propre. Or il

    (1) (^iim Scriplura nominat Dei brachium, litteralis sensus, non est quodin Deo sit incmbrum hiijnsmodi corporale, sed id quod pcr hoc membriimsignilicatur, scilicet : virtus operativa. Surn Th. I, q. I, n" 10, ad. 3.

    (1) Cf. Schmid, O. C, lib. V, c. 1, n" 220.

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    30 NOTION AUGUSTINIENNE DU SENS LITTRALnous semble que saint Augustin n'a pas eu la notionde ce sens littral, il nous semble que toutes les foisqu'il parle d'interprtation littrale^ il la confond avecl'interprtation au sens propre.Prendre une expression la lettre a pour lui lamme signification que prendre une expression ausens propre ^ 11 oppose indiffremment le sens figurau sens littral et au sens propre ^. Quand il parle dela lettre qui tue, c'est bien le sens propre qu'il a envue ^. L'esclave de la lettre se reconnat ce caractrequ'il prend au sens propre des expressions figures ^.Interprter la lettre ou au sens propre, consiste^pour notre auteur, rechercher le sens immdiatementexprim par les mots.

    C'est la dfinition classique du sens littral, telleque les rhteurs l'ont formule. Cicron ^ ou Quin-tilien ^ n'en parlaient pas autrement, et il ne fautpas s'tonner de voir saint Augustin appliquer laSainte Ecriture une distinction des sens qu'il avaitenseigne dans ses cours de rhtorique.

    D'ailleurs, cette notion du sens littral lui estcommune avec d'autres Pres, notamment avec saintJrme ^, saint Ambroise ^, saint Grgoire pape ^.(1) Nam in principio cavendum est ne figuratam locutionem ad litteramaccipias. De doct. Gh., 1. III, c. 5, n 9, P. L., t. 34, col. 69. Gum enim figurate dictum sic accipitur, tanquam proprie dictum sit,carnaliter sapitur. De doct. Gh., 1. III, c. 5, n 9, P. L., t. 34, col. 69.(2) De doct. Gh., L III, c. 5, i" 9, P. L., t. 34, col. 69.(3) Neque ulla mors anime congruentius appellatur, quam cum id etiamquod in ea bestiis antecellit, hoc est intelligentia, carni subjicitur sequendolitteram. De doct. Gh., 1. III, c. 5, n 9, P. L., t. 34, col. 69.(4) Qui enim sequitur litteram. translata verba sicut propria tenet De doct. Gh., 1. III, c. 5, n" 9, P. L., t. 34, col. 69.Gf. De Givit Dei, 1. XX, c. 21, n 2, P. L., t. 40, col. 691.Operis imperf. Gont. Julianum, 1. I, c. 94, P. L., t. 45, col. 1111.(0) i.icer. j orator passim.(6) Quint., cf., 1. IX, c. 1.(7) Aprs avoir accus les hrtiques de faire appel au tmoignage del'Ecriture sans la comprendre, saint .Jrme ajoute: Alioquin si litteramsequimur, possumus et nos quoque novum nobis dogma componere ut asse-ramus in ecclesiam non recipiendos qui calceati sunt, et duastunicas habeant. Dialog. cont. Luciferianos 28, P. L., t, 23, col. 182.(8) St Ambr. Expos, evang. secundum Lucam, V, 93, P. L., t, 15, col. 1661.(9; St Greg. p. Mor. IV, 1. 2, P. L.,t. 75, col. 633-634,

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    NOTION AUGUSTINIENNE DU SENS LITTRAL 31Il fallait le travail de l'Ecole pour prciser ces

    notions, pour tablir la distinction ncessaii*e entre lesens propre et le sens littral. Il est possible en effetque ces deux sens se confondent, et de fait cela arrivetoutes les fois que l'auteur exprime directement sapense au moyen des termes invents pour cet usage,mais il peut se faire aussi qu'ils soient compltementdistincts. Que Tauteur ait recours quelque parabole, quelque allgorie, ou mme quelque manire deparler, quelque figure de rtliorique, et l'ide n'estplus directement exprime par le mot, mais bien parl'image qui vient l'embellir et l'orner. Pour avoir lesens littral d'un livre, il ne suffit donc pas de chercherla signilication des mots d'aprs les rgles de Ttymo-logie ou de la grammaire, il faut voir ce que l'auteurqui les a employs a voulu leur faire dire.Ce sont l des distinctions et des prcisions impor-tantes, surtout lorsqu'il s'agit des livres qui ont Dieupour auteur principal. Le Saint Esprit qui les a ins-pirs a pu voir bien au-del des limites bornes derintellii^ence humaine. Il a voulu se servir de lamanire de parler des hommes, employer les figuresen usage parmi eux pour exprimer ses enseignements;mais rien ne pouvait l'empcher de donner aux faitshistoriques, ou aux vrits qu'il rvlait, un sens mys-trieux et cach que la grammaire ou la rhtoriqueseraient incapables de dcouvrir, s'il ne nous taitpoint rvl par l'Esprit Saint ou enseign par lemagistre infaillible de l'Eglise.Aussi il a t convenu de donner le nom de sensliltral ces faits, ces vrits, ces prceptes queDieu a voulu directement nous communiquer dans laSainte Ecriture, et de rserver le nom de sens figur,ou mieux de sens spirituel, ces enseignements queDieu nous a communiqus indirectement, par le moyendes choses exprimes au sens littral.Ces notions nous seront maintenant d'un prcieuxsecoui's pour rsoudre les deux questions suivantes,qui ont souvent t agites dans la suite des ges :

    1 Saint Augustin a-t-il reconnu que certains i)as-sages de l'Ecriture n'avaient pas de sens littral ?

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    32 EXISTENCE DU SENS LITTRAL2o Saint Augustin a-t-il prtendu que certains pas-sages de l'Ecriture avaient plusieurs sens littraux?

    D'une part les interprtations allgoriques de saintAmbroise, avaient produit une impression profondesur le gnie d'Augustin ^; d'autre pai% la ncessitde ragir contre l'exgse servilement littrale desManichens '^ , devait pousser notre auteur rsoudrepar remploi du sens figur, les difficults sans cesseprsentes son esprit.Cependant, si pratiquement, l'vque d'Hipponeabusa parfois de l'allgorie, il comprit toujours lesdangers d'un flgurisme outrance. 11 s'effora detenir un juste milieu, de se garantir contre les cartsde l'imagination, et d'appuyer ses interprtationsallgoriques sur le sens littral^ quand ce sens pro-pre n'tait pas oppos la foi et la rgle des murs.Son incertitude et ses hsitations sur ce point nesont nulle part plus apparentes que dans les diversesinterprtations qu'il nous a laisses du rcit de la

    cration. Il avait toujours cherch avec une grandeanxit une explication scientifique du problme denos origines. Dans l'espoir de satisfaire son esprittroubl, il s'taitjet dans l'erreur Manichenne ^ ; puis,dsenchant de cette doctrine qui avait failli a toutesses promesses ^^, il revint la Bible. Encore sous l'in-flnence de saint Ambroise, plein d'ardeur pour la foiqu'il venait d'embrasser (387), il composa son premiercommentaire sur la Gense (388-390) pour rfuter lesobjections que soulevaient les Manichens contre lercit de la cration ^\ Il y repousse pas pas les atta-ques de ses adversaires, et oppose le plus souvent

    (1) V. plus haut, page 4.(2) V. plus haut, page 2.(3) Gonfes., 1. I, c. 6, P. L., t. 32, col. 102.

    Cf. De ut. Gred., P. L., t. 42, col, 46.(4) Gonfes. 1. V, c, 3 6, P.L., t. 32, col. 707-710.(5) De Genesi contra Manichos, P. L., t, 34, coL 173-220.

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    EXISTENCE DU SENS LITTRAL 33leurs interprtations servilement littrales, des inter-prtations fgui*es. Il reprsentela lumirequi jaillitausein du chaos comme Timage de la lumire qui brilledans les curs purs et claire tout homme venant en cemonde ^. Il voit dans la domination de l'homme surles animaux, l'image de cette matrise que nous devonsavoir de nos passions - . Quand les Manichenstournent en drision ce passage de l'Ecriture o il estdit que Dieu se reposa le septime jour -^ saintAugustin rpond que c'est la figure du repos que nousprendrons nous-mmes en Dieu si nos uvres ont tbonnes ^*. Poui* lui, les sept jours de la cration repi*-sentent les sept ges du monde ^'% ou encore les di-verses phases de la vie chrtienne ^\Quelques annes plus tard (393-394), il essaya d'inter-prter la lettre le premier chapitre de la Gense ^mais, nous dit-il lui-mme, son inexprience suc-comba sous un si lourd fardeau, et il renona sondessein ^. L'ouvrage est rest inachev.Vers l'an 400, il revint l'interprtation allgorique.Nous trouvons en effet dans les Confessions'^ ^ unenouvelle tentative faite par le saint docteur pourdonner un sens figur aux diverses circonstances rap-portes par le rcit des origines.Enfin de 401 a 415 il compose un grand ouvrage endouze livres, o il se propose de dterminer le senslittral de ce passage de l'Ecriture qui lui tient tant cur ^0. C'est un effort suprme tent pour concilier le

    (1) De Genesi conlra Manichos, L I, c. 3, P. L., t. 34, coL '?().(2) De Gen. cont. Man., L I, c. 20, P. L., t. ;;4, coL 187.(3) Gense. II, v. 2 et 3.(4) De Gen. cont. Man., 1. I, c. 22, P. L., t. 34, coL 189.(5) De Gen. cont. Man., 1. I, c. 23, P. L., t. 34, col. 190.(6) De Gen. cont. Man., 1. I, c. 25, P.L., t. 34, oL 193-194.(7) De genesi ad litterara liber imperfectus. P. L., 34, col. 219-346.(8) Volui experiri in hoc quoque ncgotiosissimo ac difficillimo oprequid valereni ; sed in Scripturis exponendis, tirocinium meum sub tanta sar-cina' mole succubuit.vKetract, 1. I, c. 18, P. L., l. 32, col. 613.(9) Gonfes., 1. XI XIll, P. L., t. 32, col.8i0-868.(10) De Genesi ad litteram, P. L., t. 34, col. :.Vi5-486.

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    rcit de la Bible avec la science du temps. SaintAugustin y consacre tout son gnie et ne mnage nison temps ni sa peine. JVlais il se heurte une foule dedifficults.

    Il en surmonte quelques-unes; pour d'autres, ildonne diverses solutions sur lesquelles il ne se pro-nonce pas, laissant au lecteur le soin de choisir entreles diverses opinions conformes la foi catholique ^.Il avoue qu'il pose plus de questions qu'il n'en rsout ^et se dfend de donner des rponses certaines et dfi-nitives ^. Il lui arrive mme, dans cet ouvrage, oil se proposait de s'en tenir l'interprtation littrale,d'adopter exclusivement des sens figurs ^.

    L'idal que saint Augustin parat avoir vouluatteind]*e dans l'interprtation de l'Ecriture, c'est depouvoir faire du sens littral la base du sens figur.De l ses efforts pour tablir le sens littral, de l leslouanges adresses ceux qui recherchent le senspropre ^.Pour notre auteur, il y a deux voies qui conduisentl'interprte l'abme. On suit la premire quand ons'obstine prendre l'Ecriture la rigueur de la, lettreet on s'engage dans la seconde quand on ne voit dansnos Saints Livres qu'une suite d'allgories^. Il veutqu'on se tienne gale distance de ces deux excs,qu'on adopte toujours le sens littral quand on le peut

    (1 De Gen. ad lit., L I, c. 10 21, P. L., t. 34, col. 253-^62.(2) In quo opre plura qusesita quam inventa sunt ; et eorum quinventa sunt, pauciora firmata, ctera vero ita posita, velut adhuc requirendaRetracl., 1. II, c. 24, P. L., t. 32,001. 640.(3; Ibid.(4) De Gen. ad lit., 1. IV, c. 8, sq., P. L., t. 34, col. 301, sq.(5) Admonemus et quantum possumus praicipimus, ut quando auditisexprimi sacramentum Scripturse narrantis quse gesta sunt, priud illud factumesse credatis sic gestum quomodo lectum est, ne substracto fundamento reigest quasi in are quseratis dificare. Serm. Il, n. 7, P. L., t. 38, col. 30.(6) Non tamen quisquam putare dbet, aut frustra hsec esse conscripta,aut tantummodo rerum gestarum veritatem sine uUis allegoriis signilicatio-nibus hic esse quierendam : aut e contrario hsec omnino gesta non esse, sedsolas esse verborum figuras. De civil. Dei, 1. XV. c. 27, P.L., t. 41, col, 473.

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    EXISTENCE DU SENS LITTRAI, 35

    sans blesser la foi : Sane quisquis voliterit omniaqudicta sitnt, secundum Utteram acciperey id est non aliterintelligere quam littera sonat, et poiuerit evitare hlasphe-mias, et omnia congruentiafidei cathoUc prdicare ^ nonsolum ci non est invide7idum, sed prcipicus, multii7nquelaudabilis intellector liabendits est ^. Mais il y a des caso la dignit des Ecritures, la pit et le respect quel'on doit avoir pour ce livre sacr, ne permettent pasd'adopter le sens littral, il faut alors s'en tenir au sensfigur en suivant scrupuleusement les rgles de l'in-terprtation mystique. Si autem nullus exitus datw%lit pie et digne qu scripta sunt intelligantur ni figurateatqiie in nigniatibus jjroposita, ista credamus ; habentesauctoritatem apostolicam, a quibiis tara multa de librisVeteris Testamenti solmtntitr nigniata^ moduni quemintendimiis , teneamus, advertente illo qui nos petere^qiirere et])ulsaTe adhortatar (Math. Vil, 7); ut omnesistas figuras rerum, secundum catJiolicam fidem^ sivequ ad historiam, sive qu ad prophetiam pertinent^explicemiis ^.

    Ainsi, tout en admettant qu'il y a une sorte de pr-somption en faveur du sens littral '^, saint Augustinreconnat et professe que dans certains cas il est im-possible de l'adopter. Toutes les fois que l'interprta-tion littrale est contraire la dignit et au respectdus la parole sainte, il faut avoir i^ecours au sensfigur. Une affirmation en opposition avec les vritsde foi, serait certainement contraire la pit dont laBible doit tre environne. Une erreur historique ouscientifique, une allgation injurieuse au bon sens,seraient sans aucun doute inconciliables avec la di-gnit des Livres saints. Une interprtation littrale,qui aboutit de telles consquences, doit tre impi-toyablement rejete, et on a le devoir de rechercher

    (1) De Gen. cont. Mani., 1. II, c. 2, P. L., t. 3/i, col. 197.(2) IbLd.(3) Prius illud factuui esse credatis sic gestum (luomraodo lectuni est. );Serm. II, n 7, P. L., t. 38, col. 30.

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    36 PLURALIT DES SENS

    le vrai sens qui se cache sous Tcorce des allgoriesou de symboles ^.

    Une autre question constamment agite depuis saintAugustin, est celle de la pluralit des sens littrauxde la Sainte Ecriture. Pour viter toute confusion dansles mots, voici comment nous poserons la question :saint Augustin a-t-il pens que dans certains passagesobscurs des livres inspirs. Dieu a' voulu exprimerdirectement el simultanment plusieurs ides, plu-sieui^s vrits que les interprtes y dcouvrent ?Le plus grand nombre des auteurs ont pens quetelle tait bien l'opinion de saint Augustin ^ ; ils se sontensuite partags, les uns soutenant cette doctrine, lesautres la combattant. Quelques-uns ont dclar que lesentiment du saint docteur tait douteux, et n'ont pas

    (1) Si autern in verbis Dei, vel cujusquam personne in officium prophe-ticum assumpt, dicitur aliquid quod ad litteram, nisi absurde non possitintelligi, procul dubio, figurate dictum ob aliquain significationem accipidbet. De Gen. ad lit., L XI, c. 1, P. L., t. J!4, col. 430.

    (2) Principaux partisans de la multiplicit des sens littraux :Gh. Bonfrre. Prloquia in S. S., c. X, sect. 5, M. G. S. S. t. I,col. 211-214, qui appuie son sentiment sur l'autorit de saint Thomas, invoqugalement par les adversaires de cette opinion. I p., q. 1, a. 10, et De potent,a. I et II.De Melchior Ganus, L 2, de locis., c. II, in-7.De Gatharinus, 1. de Glavibus, S. S.De Bellarmin, t. I, Gont. I. 1. III, c. 3, de Salmeron, etc.Parmi les modernes on peut citer :Menochius, Prolegomena, in, S. S.Schmid qui parait favorable cette opinion. De insp. bibl., 1. V.

    Gertains auteurs admettent un double sens littral pour les prophties double objet. Janssens, Herm. sacra, n lilS.LeHir,, Etudes bibliques. Les prophtes d'Isral, t. I, p, 83-84, 81-82, 72-74.Rault, cours d'Ecriture sainte, t. I, 1871, p. 94.Principaux adversaires de la thorie de la multiplicit des sens littraux :J. Gh. Beelen : Dissertatio theologica, qu sententiam, vulgo receptam esseSacrse Scripturse multiplicem interdum litteralem sensum nullo fundamento

    satis firmo niti demonstrare conatur, ln-8, Louvain, 1840.Patrizi, De interp., 1. III, c. 3, q. 2, t. I, p. h, sq.Ubaldi, Introd., in S. S., i. III, 88. p. 1351.Glaire, Int., t. I, introd. gen., c. VI, d. 1839, p. 342.Gilly, Prcis d'introd., 2* partie, n" 4-ti, t. II, p. 48, sq.Lamv, Introduct. in S. S. c. VII, s. 1 art. 1, n" 12, t. I, p. 216-219.

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    PLURALIT DES SENS 37

    eu ainsi le combattre directement i. De cette contro-verse vient tout Tintrt qu'il y a pour nous dter-miner d'une manire aussi exacte que possible, qu'ellea t sur ce point la pense de notre auteur.Nous trouvons d'abord, au chapitre 27 du livre IIIde la Doctrine Chrtienne, un passage important, d'au-tant plus, qu'il nous parat donner l'opinion dfinitivede saint Augustin. Nous savons en effet par lesRTRACTATIONS quo lo Uvro de la Doctrine Chrtienneavait t interrompu au chapitre 25 du livre III. Cen'est qu'au moment de la revision de ses uvres quel'auteur complte son trait, en composant la fin dulivre III et le livre IV tout entier '^.Voici ce texte que nous tenons citer en entier :

    Quando auteni ex eisdeni Scriptur verbis, nonunnm aliquid^ sed duo vel plura sentiuntur^ etiamsilatet quid senserit ille qui scripsit, nihil periculi est, siquodlibet eorum congruere verttati ex atiis locis Soncta-rum Scripturarum doceri potest ; id tamen eo conante quidivina scrutatur etoquia, nt ad voluntatern perveniaturonictoris, per quem Scripturar/i iila?7i Sanctus ojjeratusest Spiritus ; sive hoc assequatur, sive aliam sententiamde mis verbis qu fidei rect non refragatur, exsculpat,testimoniuni habens a qiiocumque alto loco divinoru?neloquiorum. Ille quippe auctor in eisdein verbis quintelligere volumus, et ipsam sententiam forsitan vidit ;et certe Dei Sp>ritus, qui per eum operatus est^ etiamipsa^n occursura7n lectori vel auditori^ sine dubitationeprmdit ; imo ut occureret, quia et ipsa est veritate sub-nixa, providit. Nam quid in divinis eloquiis, largius etuherius potuit divinitus provideri, quam lit eadem verbapluribus intell igantur modis, quos alia non minus divinacontestantia faciant approbari ^ ?

    (1) Parmi ceux qui dclarent l'opinion de saint Augustin douteuse, on peutiter : Franzelin, De Deo Uno, Th. 52, p. 507, nota 2.Ilofman, herm. bibl., 7.De nos jours les auteurs sont en trs grande majorit hostiles la thoriede la pluralit des sens littraux.

    (2) Retr., 1. II, c. 4, P. L., t. 32, col. 631.(3) De doct. Chr. 1. III, c. 27, P. L., 34, col. 80.

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    PLURALITl-: DES SENS 39c'est un homme, crature borne, un homme queTEspril Saint a prserv de Terreur par l'inspiration,mais qui peut bien ne pas comprendre toute l'tenduedes paroles qu'il crit. Au moins saint Augustin lecroit ainsi. Et c'est pourquoi, il nous a parl jusqu'icidu sens de l'crivain sacr, c'est pourquoi il a supposque ce sens tait unique. A peine s'il lve un doute ce sujet. Peut-tre, dit-il, l'crivain a-t-il entrevu ledouble sens de son texte. D'aprs lui c'est possible,ce serait une grce prcieuse que Dieu lui auraitdonne, mais qui ne suit pas ncessairement sa qua-lit d'crivain sacr.Quant l'auteur principal, l'auteur vi'itable, il n'apoint pai-tag l'ignorance de l'homme dont il s'est

    servi, il a certainement prvu tous les sens des parolesqu'il insp