Une vision commune pour une alimentation et une agriculture durables
Mémoire du CRE Montérégie : commentaires et ... · de joindre et mobiliser les décideurs et...
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Consultation publique sur les enjeux
énergétiques du Québec
Mémoire du CRE Montérégie : commentaires
et recommandations pour l’avenir énergétique
du Québec
Septembre 2013
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 2
Rédaction
Fanny Déléris, chargée de projets environnement et développement durable, CRE
Montérégie
Bruno Gadrat, administrateur, CRE Montérégie
Vincent Moreau, directeur général, CRE Montérégie
Benoît Péran, chargé de projets Urbanisme, environnement et développement durable,
CRE Montérégie
Comité consultatif
Table régionale Par notre propre énergie - Montérégie
CONSEIL RÉGIONAL DE L'ENVIRONNEMENT DE LA MONTÉRÉGIE
1150 rue Saint-Laurent Ouest, Longueuil, J4K 1E3
Téléphone : 450 651 2662
Courriel : [email protected]
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 3
Table des matières
Introduction ..................................................................................................................................... 5
1 Présentation et implication du CRE Montérégie ..................................................................... 6
1.1 Présentation du CRE Montérégie .................................................................................... 6
1.2 Présentation de la plateforme énergie du RNCREQ ........................................................ 6
1.3 Retour sur les Rendez-vous de l’énergie et sur la démarche Par notre PROPRE énergie
en Montérégie ............................................................................................................................. 7
1.3.1 Les faits saillants du portrait énergétique de la Montérégie .................................. 7
1.3.2 Orienter l’action vers la réduction de notre dépendance au pétrole en
Montérégie .............................................................................................................................. 8
2 Pour une vision énergétique à long terme du Québec ......................................................... 10
2.1 Le temps de l’énergie est un temps long ...................................................................... 10
2.2 L’intérêt de la prospective énergétique: la nécessité de se projeter à long terme ...... 10
2.2.1 Éléments de définition .......................................................................................... 10
2.2.2 Intérêt de l’analyse prospective dans le cadre d’une politique énergétique ........ 11
3 Gouvernance et financement ................................................................................................ 13
3.1 Spécifier les mécanismes de gouvernance pour la mise en œuvre de la politique
énergétique ............................................................................................................................... 13
3.2 Le territoire : pierre angulaire d’une politique énergétique ......................................... 14
4 Les grands principes d’une politique énergétique ................................................................ 16
4.1 La sobriété énergétique ................................................................................................ 16
4.2 L’efficacité énergétique ................................................................................................. 17
4.3 Substitution des énergies fossiles ................................................................................. 19
4.4 Des gains environnementaux, sociaux et économiques ............................................... 20
5 Les grands domaines d’action concernés par une politique énergétique ............................ 22
5.1 Aménager autrement le territoire ................................................................................. 22
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5.2 Une nécessaire refonte de la fiscalité municipale ......................................................... 23
5.3 Réviser les règles de financement des réseaux de transport ........................................ 24
5.4 Travailler ensemble pour une agriculture durable ........................................................ 26
5.4.1 Consommation énergétique du secteur agricole ................................................. 26
5.4.2 Impact de la production agricole sur le réchauffement climatique ...................... 26
5.4.3 Envisager le milieu agricole comme un producteur d’énergie .............................. 27
6 Susciter l’adhésion et amorcer le changement ..................................................................... 28
6.1 Informer et sensibiliser sur les questions énergétiques ............................................... 28
6.2 Les instruments économiques : mettre en place des dispositifs incitatifs .................... 30
6.2.1 Quelques dispositifs incitatifs à mobiliser dans le cadre d’une politique
énergétique ........................................................................................................................... 30
6.2.2 Analyser les atouts et les inconvénients de chaque instrument incitatif ............. 31
6.2.3 Se nourrir des expériences étrangères .................................................................. 31
6.2.4 Vers une fiscalité énergétique cohérente ............................................................. 32
6.3 Les instruments normatifs : encadrer les comportements par les normes et la
règlementation .......................................................................................................................... 33
6.4 Les « nudges verts » : de nouvelles incitations pour des comportements écologiques ?
33
7 Conclusion ............................................................................................................................. 36
8 Principales recommandations du RNCREQ ........................................................................... 39
Annexe 1 : quelques exemples d’exercices de prospective énergétique ..................................... 41
Annexe 2 : simulation de la réduction de consommation par types d’énergie et par secteurs,
Montérégie, 2013 .......................................................................................................................... 42
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Introduction
Le CRE Montérégie souhaite témoigner son enthousiasme envers la démarche de consultation
amorcée par le gouvernement du Québec en vue d’élaborer une stratégie énergétique.
L’énergie est un des fondements du progrès développé par notre société et constitue un des
enjeux majeurs du siècle à venir. Engager un processus de consultation à l’échelle du Québec est
donc une initiative bienvenue que nous souhaitons applaudir. Acteur de la transition
énergétique à l’échelle régionale, le CRE Montérégie souhaite contribuer à cette consultation
aux côtés des autres CRE du Québec et de leur réseau, le RNCREQ.
À travers ce mémoire, nous souhaitons développer les éléments saillants d’une politique
énergétique, en rappelant notamment les grands principes indispensables à la gestion de ce
secteur ainsi que les grands domaines d’action concernés par une telle politique. Trop souvent
traités dans l’urgence ou dans une perspective de court terme, les enjeux relatifs au secteur de
l’énergie doivent faire l’objet d’une planification d’ensemble afin de répondre aux besoins de
nos concitoyens.
Au-delà de cette consultation ponctuelle, le CRE Montérégie encourage donc le gouvernement
du Québec à engager une démarche partenariale et collaborative avec l’ensemble des acteurs
provinciaux et locaux, pour amorcer la construction collective de l’avenir énergétique du
Québec. L’approche démocratique du développement durable en général, et de la question
énergétique en particulier, constitue la principale garantie d’une mise en mouvement vers un
avenir plus viable. Ni la coercition, ni les progrès techniques et technologiques pourtant
significatifs ne permettront d’instaurer une dynamique de développement durable, créative et
innovante. Seule une dynamique collective partagée en faveur de nouvelles pratiques
quotidiennes pourra contribuer à une évolution des pratiques des individus et des acteurs socio-
économiques, essentiellement par effet d’entraînement, au sein de leur milieu, de leur quartier,
de leur domaine d’intervention. Aussi ambitieuse que soit la stratégie énergétique adoptée, le
CRE Montérégie est persuadé que la réussite de sa mise en œuvre reste entre les mains de
chaque citoyen et de chaque institution ou entreprise de notre province. La question
énergétique est, plus que toute autre, un terrain d’expérimentation pour la créativité
économique, sociale et communautaire.
Enjeu transversal et systémique par essence, la question énergétique est un enjeu commun à
tous les ministères et à tous les pans de notre société. L’énergie, et la façon dont on la maîtrise,
est au fondement de nos modes de vie et de l’organisation de nos sociétés. Espérons que la
consultation lancée par le gouvernement contribuera à dessiner un avenir plus viable pour le
Québec de demain.
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1 Présentation et implication du CRE Montérégie
1.1 Présentation du CRE Montérégie
Le Conseil régional de l’environnement de la Montérégie (CRE Montérégie) est un organisme à
but non lucratif né de l’initiative du milieu, en 1989. La mission du CRE Montérégie est de
soutenir et d’implanter, par la voix de la concertation régionale, le développement durable et de
favoriser la protection de l’environnement en Montérégie.
1.2 Présentation de la plateforme énergie du RNCREQ
La plateforme énergie du Réseau national des conseils régionaux de l’environnement du Québec
(RNCREQ), constituée d’administrateurs et de salariés des différents CRE, a émis un certain
nombre de recommandations en mars 20131.
En matière d’énergie, le RNCREQ cherche à questionner tant le profil de production que de
consommation de l’énergie. C’est en traitant ces aspects de manière intégrée qu’il sera possible
d’envisager un développement énergétique du Québec qui soit socialement acceptable, bon
pour l’environnement et économiquement viable. À cet égard, le RNCREQ estime que le Québec
doit privilégier l’efficacité énergétique (notamment par un aménagement du territoire
favorisant la réduction des besoins d’énergie, en particulier ceux du transport) et le
développement des sources d’énergie propres et renouvelables.
Le RNCREQ souscrit à une vision à long terme du développement de l’énergie qui contribue à la
vitalité économique du territoire tout en assurant le respect de l’environnement et l’équité
entre les peuples et les générations. Pour défendre ce point de vue, un mémoire2 sera déposé
par le RNCREQ rappelant l’ensemble des principes nécessaires à l’élaboration d’une politique
énergétique.
Le CRE Montérégie adhère totalement à la vision défendue par le RNCREQ et soutient le
mémoire du RNCREQ. En complément, nous développons dans cette note quelques éléments
clefs portés par le CRE Montérégie, afin de contribuer, à notre échelle, à la définition d’une
politique énergétique ambitieuse et efficace pour le Québec.
1 Le document est consultable à l’adresse suivante :
www.rncreq.org/images/UserFiles/files/Plateforme_energie_RNCREQ_2013_finale.pdf 2 Insérer lien vers le mémoire RNCREQ
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1.3 Retour sur les Rendez-vous de l’énergie et sur la démarche
Par notre PROPRE énergie en Montérégie
L’ensemble des CRE du Québec est maintenant engagé depuis de nombreuses années dans la
réflexion sur l’avenir énergétique du Québec et de ses régions. Dès 2010, la démarche des
Rendez-vous de l’énergie a contribué à éveiller la conscience des Québécois et des Québécoises
à l’égard de notre dépendance au pétrole. Un impressionnant collectif de partenaires s’est
mobilisé autour de cette initiative et a permis aux seize conseils régionaux de l’environnement
de joindre et mobiliser les décideurs et acteurs socio-économiques de leur région par une foule
d’activités.
Une déclaration d’engagement, signée par plus de 150 organisations, a par ailleurs démontré
l’importance de l’enjeu aux yeux des représentants présents. Avec les CRE, ils s’engagent à
contribuer à réduire la dépendance au pétrole, dont les bénéfices environnementaux, sociaux
et économiques sont majeurs et faciles à concevoir.
Depuis 2012, c’est à travers la démarche Par notre PROPRE énergie3 que le travail s’est
poursuivi. Concrètement, cette nouvelle démarche a permis la mise en place de Tables
régionales sur la réduction de la dépendance au pétrole. En prenant appui sur un portrait
énergétique propre à chaque région (démographie, transports, aménagement du territoire,
consommation et production d’énergie, efficacité énergétique, etc.), les membres de ces Tables
ont identifié les actions les plus appropriées à promouvoir et à mettre en œuvre pour engager
chaque région dans une stratégie globale et intégrée de réduction de la consommation de
pétrole.
1.3.1 Les faits saillants du portrait énergétique de la Montérégie
Quelques faits saillants ont été présentés dans le Portrait énergétique de la Montérégie rédigé
dans le cadre du projet Par notre PROPRE énergie. Ce portrait avait pour ambition de proposer
une description des enjeux environnementaux, sociaux et économiques régionaux liés à la
dépendance au pétrole. Nous présentons ici à nouveau ces quelques faits saillants afin de cibler
les enjeux majeurs pour la Montérégie dans une perspective de réduction de sa dépendance au
pétrole.
Une démographie dynamique
La Montérégie connaît une croissance démographique importante depuis ces 50 dernières
années. La tendance devrait perdurer puisque l’ISQ estime que, de 2011 à 2016, la population
de la Montérégie devrait encore croître de 4,6 %. Les familles avec jeunes enfants sont
particulièrement attirées par la région. Cette augmentation à venir de la population
s’accompagnera fort vraisemblablement d’une hausse de la demande et des besoins
3 Pour de plus amples informations, consulter : www.rncreq.org/par-notre-propre-energie-p26.html
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 8
énergétiques, mais également d’une urbanisation croissante et une pression grandissante sur
le territoire régional.
Un carrefour économique important
La Montérégie joue un rôle particulièrement important dans l’économie nationale. En termes
d’emploi, le poids de la Montérégie est prépondérant dans les différents secteurs d’activités. Les
exportations ont également une part importante dans l’économie régionale et génèrent
beaucoup de transport. Véritable plateforme d’échanges entre les États-Unis, Montréal, l’est et
l’ouest de la province, la région observe de manière constante une croissance des échanges
économiques et du transport de marchandises.
Une agriculture fortement dépendante du pétrole
La Montérégie est la première région génératrice d’emploi dans le domaine agricole, regroupant
plus de 20% des emplois du domaine primaire du Québec. La région regroupe en effet les terres
agricoles les plus riches du Québec et constitue à bien des égards le grenier québécois.
Néanmoins, la nature des exploitations agricoles, fortement centrées sur la culture de céréales,
et les exigences en termes de rendement rendent l’agriculture locale extrêmement
dépendante des produits pétroliers (carburants, engrais, etc.).
Un étalement urbain croissant et fragilisant
Les conséquences de l’étalement urbain, en termes d’émissions de GES, de fragilisation des
territoires face aux impacts des changements climatiques ou de ségrégation sociale, ne sont pas
soutenables. Un des enjeux centraux dans les prochaines années sera donc de lutter contre
l’étalement urbain qui occasionne d’importants coûts pour la population et les collectivités. Le
développement périurbain sous sa forme actuelle induit en effet une faible densité
démographique dont les corollaires principaux sont une forte consommation d’espaces
naturels ou agricoles, la multiplication des déplacements pendulaires et de lourdes
infrastructures de transports.
1.3.2 Orienter l’action vers la réduction de notre dépendance au
pétrole en Montérégie
Face à ces différents constats, le CRE Montérégie a élaboré quelques recommandations dans le
cadre du projet Par notre PROPRE énergie, en conclusion du Portrait énergétique de la
Montérégie. Ces pistes de solutions sont présentées ci-dessous afin de réduire la dépendance de
la Montérégie au pétrole.
S’orienter vers une plus grande maîtrise de notre consommation énergétique
Une politique énergétique cohérente et de long terme exige de penser en premier lieu les
besoins en énergie de sa population, et de ne pas raisonner uniquement en termes de
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production. Il est en effet essentiel de conduire une réflexion d’abord centrée sur nos besoins
énergétiques, et donc notre consommation, avant d’entamer une discussion sur les moyens
dont nous disposons pour y faire face. Une meilleure compréhension et maîtrise de notre
consommation énergétique est donc un préalable indispensable à la réduction de notre
dépendance au pétrole. Des économies d’énergie significatives peuvent en effet être obtenues
via des comportements de sobriété énergétique, mais également grâce à l'amélioration de notre
efficacité énergétique.
Assurer la cohérence entre aménagement territorial et politique énergétique
Une planification rigoureuse de l’aménagement du territoire permettra de contribuer à une
réorganisation du tissu urbain et rural optimisant le transport collectif et l’accès aux services.
Une révision de l’aménagement du territoire dans une perspective de développement durable
sera indispensable pour réduire la dépendance de notre région au pétrole.
Développer l’indéniable potentiel régional en énergies alternatives
Au-delà du potentiel de réduction de notre consommation en énergie et de l’optimisation de
son utilisation, réduire la dépendance au pétrole nécessite que l’on favorise la substitution des
énergies fossiles par des énergies renouvelables, locales et non polluantes. La principale
richesse des énergies renouvelables consiste en leur diversité et leur complémentarité. Un
recours aussi judicieux que possible aux différentes ressources disponibles permet de mieux
maîtriser les conditions de développement et les impacts spécifiques à chacune d’elles. En
tenant compte des usages et de l’intensité énergétique de chaque source, on peut choisir
l’énergie la plus appropriée pour chaque besoin, selon le principe de la bonne énergie à la
bonne place.
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2 Pour une vision énergétique à long terme du Québec
Le premier travail pour penser l’avenir énergétique du Québec est sans doute de se défaire de la
vision dite « à court terme » des enjeux relatifs au secteur de l’énergie, appréhendés dans une
logique d’urgence et presque exclusivement sous l’angle de la production. L’élaboration d’une
politique énergétique nécessite de se projeter à un horizon de long terme afin d’anticiper les
évolutions en termes de production et de consommation d’énergie notamment. Cela suppose
un important travail de connaissances et de prospective basé sur des données régulièrement
actualisées.
2.1 Le temps de l’énergie est un temps long
Le domaine de l’énergie est particulier dans la mesure où il nécessite des investissements
majeurs, qui détermineront pour plusieurs décennies le profil énergétique québécois. La
pertinence d’un raisonnement à long terme et de la prospective dans le domaine énergétique
s’explique en partie par l’inertie très importante du secteur. Les investissements réalisés dans ce
domaine définissent et bornent pour plusieurs décennies les moyens de production énergétique
d’une collectivité. Il est donc fondamental d’anticiper au maximum les besoins énergétiques à
venir et les capacités de production disponibles.
L’inertie s’observe du côté de la production, mais aussi du côté de la consommation, car les
comportements énergétiques sont compliqués à faire évoluer.
Pour le CRE Montérégie, la consultation engagée par le gouvernement constitue donc une
opportunité majeure pour réfléchir et dessiner l’avenir énergétique du Québec. Les
orientations prises au sein de la future stratégie énergétique seront déterminantes pour
plusieurs décennies. Elle permettra de s’inscrire dans un contexte international, en veillant à la
cohérence de long terme de la stratégie énergétique choisie dans un contexte global.
2.2 L’intérêt de la prospective énergétique: la nécessité de se
projeter à long terme
2.2.1 Éléments de définition
Il est extrêmement complexe de vouloir regarder le long terme avec les yeux du court terme,
voire impossible tant les incertitudes sur l’avenir sont importantes. À partir de ce constat, la
prospective n’entend pas proposer des prévisions, mais plutôt encourager à une exploration des
futurs possibles. L'objectif de la prospective est d'éclairer l'avenir et de permettre l'élaboration
d'un cadre de décision stratégique visant à transformer le futur. Il s'agit d'un exercice qualitatif,
global et transverse, et rationnel, même s’il n'est pas prédictif. La prospective se situe dans le
long terme, à des horizons de type 2040 ou 2050.
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 11
Concrètement, une prospective énergétique explore différentes représentations possibles du
devenir du système énergétique, c’est-à-dire différents scénarios énergétiques, en identifiant,
entre autres :
nos choix énergétiques en tant que société,
les tendances lourdes (ex. : évolution des modes de vie),
le rythme et l’importance des changements sociétaux, technologiques, économiques,…
(ex. : progrès technologiques),
les ruptures et les tendances émergentes.
Il ne s’agit en aucun cas d’un exercice de prévision ou de prédiction, mais d’un outil
d’exploration et d’analyse des futurs possibles.
Les différents scénarios énergétiques élaborés sont, bien entendu, incertains et sous
contraintes :
- les incertitudes sont d’ordre technique, économique, industriel, sociétal, mais aussi
géopolitique. Quelle sera l’évolution des coûts pour les différentes sources d’énergie par
exemple? Ces incertitudes peuvent dépasser le cadre national et concerner les prix
mondiaux des ressources, la santé. De l’économie mondiale, etc.
- les contraintes sont d’ordre physique, économique, technique et environnemental. C’est
l’exemple de la raréfaction des matières premières ou les limites imposées par la
nécessaire réduction des émissions de GES.
La prospective pose ainsi l’avenir comme territoire à explorer afin d’aider à la décision et à la
conception des politiques publiques. Elle concourt à identifier les inerties et à anticiper les
changements.
2.2.2 Intérêt de l’analyse prospective dans le cadre d’une politique
énergétique
Présentant l’avenir comme un territoire à construire, la prospective énergétique contribue à la
définition de différents scénarios de l’avenir énergétique d’un pays ou d’une région, en
proposant une exploration des futurs possibles et souhaitables. Une prospective énergétique
peut ainsi permettre de mettre à jour les enjeux, les risques, les opportunités en termes de
développement des filières industrielles et technologiques, mais aussi de souligner les
potentiels de ressources et les acteurs à mobiliser pour atteindre les objectifs de la politique
énergétique.
S’intéressant à la trajectoire d’évolution, une prospective énergétique oblige à déterminer les
points de passage (2020, 2030, 2050) avec des objectifs définis et un échéancier clair : par
exemple la demande énergétique en Mtep, la production en énergies renouvelables en valeur
absolue, relative…
La prospective constitue surtout et avant tout une source d’interrogation et peut favoriser
l’appropriation des questions abordées par le grand public et ainsi contribuer à la
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 12
démocratisation des débats sur l’énergie. Elle permet de construire collectivement une vision
partagée du futur, et de se donner les moyens de l’atteindre (via la mise en place de politiques
climatiques, de mesures d’efficacité énergétique…). La mobilisation effective des Québécois et
Québécoises dans le cadre de cette consultation est indispensable, non seulement pour
enrichir la réflexion de leurs recommandations, mais aussi parce qu’une telle consultation est
une occasion unique d’augmenter le niveau de compréhension des Québécois face à ces
enjeux4.
Les exercices prospectifs réalisés dans le domaine de l’énergie sont très nombreux, réalisés
autant par des entreprises, que des pouvoirs publics ou des acteurs de la société civile. Une liste
indicative de quelques-uns de ces travaux est donnée en annexe 1.
Recommandation #1 :
Le CRE Montérégie encourage le gouvernement du Québec à réaliser un travail de prospective
énergétique à long terme en amont de la définition de sa politique et de sa stratégie. Nous
recommandons que ce travail, mené par des experts de la question, aboutisse à différents
scénarios contrastés de l’avenir énergétique du Québec. Ces scénarios pourraient ensuite être
partagés et discutés en concertation avec le grand public et les différents acteurs socio-
économiques de la province.
4 Le RNCREQ a déjà souligné ce point dans la lettre envoyée aux Coprésidents de la Commission sur les
enjeux énergétiques du Québec, envoyée le 25 juillet 2013.
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3 Gouvernance et financement
La nouvelle politique énergétique du Québec devra clarifier le rôle de tous les échelons de
gouvernance et spécifier les ressources disponibles pour sa mise en œuvre. Le document de
consultation n’aborde pas directement la question du rôle des territoires (Municipalités,
Municipalités régionales de Comté, et régions) pourtant fondamentale dans la définition d’une
telle politique.
3.1 Spécifier les mécanismes de gouvernance pour la mise en
œuvre de la politique énergétique
Les mécanismes de gouvernance mis en place pour mettre en œuvre la stratégie énergétique
adoptée seront tout aussi déterminants que ses objectifs.
Nous émettons un point de vigilance particulier sur la cohérence dans les choix de
développement du gouvernement et des différents ministères. Une politique énergétique
menée sans concertation et collaboration entre les différents ministères contribuerait à réduire
les émissions de GES d’un côté pour les augmenter de l’autre. Tous les ministères doivent être
mis à contribution et souscrire unanimement aux principes qui seront élaborés au sein de la
stratégie énergétique du Québec.
La cohérence avec les développements prévus dans le Plan Nord, ou encore avec la volonté
d’exploiter le pétrole québécois sans pour autant augmenter significativement les émissions de
GES, attire tout particulièrement notre vigilance.
Nous nous référons ici aux propositions émises par le mémoire du RNCREQ :
Veiller à ce que les orientations et les décisions prises par l’ensemble des institutions
concernées (ministères, municipalités et MRC, Régie de l’énergie, Hydro-Québec, CPTAQ,
SAAQ, etc.) aillent dans le bon sens;
Les rôles, responsabilités et pouvoir de ces institutions devront être clarifiés pour
s’assurer qu’elles agissent de manière cohérente et sans créer d’interférence et
d’obstacles inutiles;
Examiner les lois, règlements, codes et normes qui encadrent les devoirs et obligations
dans le domaine de la production, du transport et de la consommation d’énergie (Loi sur
l’aménagement du territoire et l’urbanisme, code du bâtiment, Loi sur la qualité de
l’environnement, etc.), ainsi que pour les diverses mesures fiscales dans le domaine
(programme d’aide, subventions, taxes et autres incitatifs).
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3.2 Le territoire : pierre angulaire d’une politique énergétique
Une politique énergétique, au-delà de ses objectifs globaux et de ses priorités d’action,
nécessite une clarification des rôles des différents niveaux de gouvernance, du gouvernement à
la Municipalité. Une politique énergétique, par les sujets qu’elle traite et les leviers d’action,
interpelle en premier lieu l’échelle territoriale, dans sa capacité productive et dans son
organisation propre. Les pouvoirs locaux, Municipalités et MRC, sont l’échelon pertinent pour
beaucoup de domaines d’action liés à l’énergie : l’aménagement du territoire, les transports,
l’agriculture… Or, à l’heure actuelle, de nombreuses Municipalités, notamment les petites
Municipalités rurales, expriment leur désarroi face à l’ampleur du virage à opérer pour aller vers
une réduction de notre dépendance au pétrole. Des ressources humaines adaptées et des
moyens financiers manquent pour agir dans ces domaines. En outre, la rédaction du Portrait
énergétique de la région Montérégie en mars 2013 nous a permis de constater un manque
flagrant de données à l’échelle régionale dans le domaine de l’énergie.
À l’échelle locale, les Municipalités devront organiser l’efficience énergétique collective, grâce
au transport en commun, à l’économie circulaire et à la rénovation des bâtiments. Elles peuvent
également favoriser l’émergence dans le tissu industriel des services nécessaires aux pratiques
d’amélioration de l’efficacité énergétique. Proches des citoyens et des acteurs économiques,
elles disposent d’un levier majeur en faisant œuvre de pédagogie, d’innovation sociale et
organisationnelle.
Un mécanisme innovant : financer les rénovations énergétiques du secteur résidentiel
par l’impôt foncier
Un mécanisme innovant de financement des rénovations énergétiques résidentielles a
été expérimenté par plusieurs municipalités au Canada et aux États-Unis5.
Contrairement aux crédits d’impôt classiques ou aux aides financières directes
traditionnelles, l’idée est de lier les travaux engagés à la propriété. Si un propriétaire
vend sa maison avant que le prêt soit remboursé, le prêt peut être remboursé au
moment de la vente ou être transféré à la propriété pour devenir la responsabilité du
nouveau propriétaire. Ce mécanisme doit faciliter la rénovation éconergétique
résidentielle en offrant un financement transférable à long terme, garanti par la
municipalité et payable sur le compte de taxes. Pour les propriétaires, ce mode de
financement permet un accès accru à l’efficacité énergétique, grâce au principe de
transférabilité du prêt lors de la revente avec des modalités de financement
5 Au Canada : Vancouver (2012); Halifax Solar City (2013); Ontario (Toronto, Ottawa à venir 2013) et aux É-
U : Efficiency Maine PACE (2011); Efficiency Vermont (2013); Californie : 6 programmes régionaux (2009-13).
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 15
avantageuses. Les économies d’énergie peuvent être rapidement perceptibles (de 20 à
40 %) et accroître la valeur de la revente (3%-5%).
Pour les Municipalités, les bénéfices concernent d’abord les possibilités d’une assiette
fiscale accrue. La rénovation du bâti résidentiel est également source d’emplois locaux
tout en améliorant la qualité de vie des résidants.
C’est en suivant cette philosophie que Dunsky expertise en énergie et l’AQME travaillent
conjointement au projet FIME : « Financement innovateur pour des municipalités
efficaces6 ».
L’avenir énergétique du Québec passe également par la mise en œuvre d’un mix énergétique,
permettant une adaptation et une flexibilité face aux situations particulières et incertaines dans
un contexte global. Dans une logique de développement local, il faut donc favoriser la
substitution des énergies fossiles et polluantes par les sources d’énergie locales, propres et
renouvelables. L'avenir énergétique passe donc par la déconcentration de la production et du
stockage de l'énergie pour la rééquilibrer au niveau territorial et au niveau des personnes.
Recommandation #2 :
Les Municipalités devraient jouer un rôle primordial dans la mise en œuvre de la stratégie
énergétique.
Le CRE Montérégie soutient qu’il est indispensable, à l’échelle régionale, de :
- créer des instruments d’observation et de suivi des besoins et des consommations en
énergie à l’échelle régionale. La connaissance fine de la consommation énergétique est un
préalable à toute volonté de maîtrise de l’énergie. On ne maîtrise pas ce que l’on ne connaît
pas;
- élaborer un schéma régional cohérent avec la stratégie énergétique globale, en concertation
avec l'État, les collectivités et les acteurs locaux;
- associer les citoyens et les collectivités territoriales aux principaux choix du domaine
énergétique;
- valoriser et utiliser les ressources locales, dans des conditions favorables à l’environnement.
6 www.dunsky.ca/fr/talking-about-innovative-financing
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4 Les grands principes d’une politique énergétique
Une perspective de réduction des émissions de GES, et donc de la dépendance au pétrole, exige
de questionner les différents potentiels de réduction de la consommation d’énergie d’une part,
ainsi que les possibilités de substituer le pétrole par d’autres sources d’énergie, et notamment
les renouvelables. Ces différents aspects sont indissociables pour penser et imaginer une
politique énergétique de long terme, qui ambitionne une réelle réduction de notre empreinte
écologique.
La question de la réduction de la consommation d’énergie doit être appréhendée à deux
niveaux : la sobriété et l’efficacité, qui constituent deux voies fondamentales de toute politique
énergétique de long terme. Le schéma réalisé par l’association Négawatt (Négawatt, 2011)
traduit les éléments clefs d’une transition énergétique.
Figure 1 : Synthèse de la démarche négawatt pour une transition énergétique
Source : Négawatt, 2011
4.1 La sobriété énergétique
La croissance de la consommation en énergies fossiles n’est pas soutenable. En effet, elle
augmente les émissions mondiales de gaz à effet de serre d’une part, et accélère l’épuisement
de réserves finies d’autre part. Réduire notre dépendance au pétrole, c’est donc avant tout
réduire notre consommation en énergie. La sobriété énergétique repose sur un changement de
nos comportements individuels et collectifs, par le refus du gaspillage de l’énergie, par la
dissuasion de ses utilisations les plus inconsidérées, par de nouveaux modes d’organisation et
par d’autres représentations sociales. Selon l’association Négawatt, la sobriété « consiste à
interroger nos besoins puis agir à travers les comportements individuels et l’organisation
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collective sur nos différents usages de l’énergie, pour privilégier les plus utiles, restreindre les
plus extravagants et supprimer les plus nuisibles » (Ibid.). L’énergie la plus propre et la moins
chère est avant tout celle que l’on ne consomme pas.
L’association Négawatt aborde la notion de sobriété sous trois angles différents :
La « sobriété dimensionnelle » qui consiste à ajuster la taille de nos biens (appareils
électroménagers, habitat, véhicule, etc.) au besoin réel. Il s’agit simplement d’aller vers
un juste dimensionnement de nos biens de consommation.
La « sobriété d’usage » qui renvoie à la durée d’utilisation ou d’exploitation d’un
appareil.
La « sobriété conviviale » qui fait référence à l’organisation collective du territoire et de
l'urbanisme, notamment grâce à la mutualisation des équipements (de transports,
d’électroménagers, etc.).
Recommandation #3 :
Le CRE Montérégie soutient la mise en place de mesures concourant à la sobriété du Québec,
aujourd’hui parmi les plus gros consommateurs d’énergie au monde. Ces mesures devraient
aborder l’organisation collective (les quartiers piétonniers, les ramassages scolaires, les
commerces de proximité, etc.), ainsi que les choix d’infrastructures lourdes (routes, transports
en commun). Leur impact est fondamental sur les comportements à la fois individuels et
collectifs en termes de consommation énergétique.
Nous reconnaissons néanmoins que le terme « sobriété » peut être démobilisateur, dans la
mesure où il n’envoie pas un message positif pour beaucoup de citoyens. Ils peuvent y déceler
une restriction, voire un contrôle d’un tiers sur leurs activités. Une approche de
responsabilisation positive sera à développer de manière à faire ressortir les gains et les
avantages de la sobriété énergétique (cf. partie 6).
4.2 L’efficacité énergétique
L’efficacité énergétique consiste, quant à elle, à réduire les consommations d’énergie à service
rendu égal. Elle entraîne la diminution des coûts environnementaux, économiques et sociaux
liés à la production et à la consommation d’énergie tout en permettant d’augmenter la qualité
de vie de la population. Dans un sens plus général, l’efficacité énergétique caractérise la
manière dont les sociétés tirent parti de l’énergie dont elles disposent ; elle regroupe ce qu’on
appelle les «économies d’énergie» et la «maîtrise de l’énergie».
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 18
En s’appuyant sur les travaux de Négawatt7, nous pouvons en distinguer quatre champs
particuliers, selon son niveau d’application et le type d’énergie considérée.
Tableau 1 : Les quatre champs de l’efficacité énergétique
Champ Énergie concernée Applications
Efficacité éco-
constructive
Énergie grise Optimisation énergétique en amont et en
aval de l'utilisation.
Efficacité bio-adaptative Énergie utile Isolation, apports passifs, échanges avec
l'environnement.
Efficacité d'appareillage Énergie finale Rendement des appareillages et des
équipements, limitation des fuites et des
pertes.
Efficacité du système
productif
Énergie primaire Conversion d'énergie, récupération
d'énergie.
Source : Négawatt, 2006
On voit bien que plusieurs niveaux d’action se dessinent : l’amélioration des process de
production, l’optimisation des réseaux de distribution, l’éco-conception des biens et produits,
etc.
La technologie au service de l’efficacité énergétique : l’exemple des réseaux
intelligents
Le terme « Smart Grids » (ou réseau intelligent) est utilisé pour décrire un réseau
électrique nouvelle génération, à la fois intelligent et communicant, alliant distribution
électrique et infrastructure informatique communicante. Ils permettent un pilotage
précis du réseau en temps réel pour équilibrer la demande et l’offre d’énergie
électrique. La vocation des Smart Grids est à la fois d’anticiper et maîtriser la demande
énergétique, tout en évitant de concentrer les pics de consommation sur des périodes
de pointe, et d’accroître la production. Avec l’implication des utilisateurs, les Smart
Grids faciliteront l’exploitation des bâtiments tertiaires et la maîtrise des
consommations des bâtiments résidentiels.
Par ailleurs, l’efficacité énergétique est moins coûteuse que le développement de nouvelles
sources énergétiques, et elle est génératrice d’emplois et de développement économique.
7 www.rac-f.org/IMG/pdf/3-100910ConfAssNat-YM-Scenario-nW-fin.pdf
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 19
Recommandation #4 :
Le CRE Montérégie recommande la mise en place d’objectifs précis en termes d’efficacité
énergétique, pour chaque secteur. Plus précisément, la feuille de route pour l’efficacité
énergétique devra comprendre : (1) des cibles obligatoires, accompagnées (2) de mécanismes
de reddition de compte et (3) des conséquences liées à la performance réelle.
Conséquemment, cela exige de développer les filières industrielles et activités relatives à
l’efficacité énergétique : isolation, mobilité, réseaux intelligents, etc. Il faudra soutenir
l’innovation technologique au service de la transition énergétique, afin que celle-ci constitue
une source de retombées positives pour les régions et le Québec.
Attention à l’EFFET REBOND !
L’effet rebond désigne l’annulation des gains de performance énergétique par un report
de la consommation énergétique vers d’autres usages. À ce jour, l’effet rebond a été mis
en évidence dans de nombreux travaux de recherche. On distingue l’effet rebond direct,
sur un même poste énergétique (un équipement plus performant est davantage utilisé)
et l’effet rebond indirect (les gains financiers réalisés sur un poste de consommation
sont utilisés pour accroître la consommation dans d’autres postes du budget du
ménage). Les ressorts du phénomène sont autant techniques (structure des bâtiments,
amélioration de la performance des appareillages, etc.) que sociologiques (pratiques de
consommation, évolution des normes de confort, etc.).
Cependant, les observations n’ont jusqu’ici pas permis de déterminer avec précision
l’ampleur de l’effet rebond dans l’évolution de l’efficacité énergétique du domicile par
exemple. Une étude britannique, menée par le UK Energy Research8, a analysé en 2007
quelques données disponibles : dans le cas de l’amélioration de l’efficacité d’un système
de chauffage, on enregistre un décalage moyen d’environ 30 % entre les économies
prévues et celles qui sont effectivement réalisées (les estimations relevées se situant
entre 10 % et 50 %).
4.3 Substitution des énergies fossiles
La substitution consiste à remplacer le pétrole par une autre source d’énergie. Bien conscient
que cette mutation majeure ne se fera du jour au lendemain, le CRE Montérégie encourage à
prioriser la substitution aux énergies fossiles dans le domaine des transports.
8 UK Energy Research Centre (2007), The Rebound Effect: An Assessment of the Evidence for Economy-Wide Energy
Savings from Improved Energy Efficiency, téléchargeable à l’adresse suivante : www.ukerc.ac.uk/support/ReboundEffect
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 20
Deux possibilités sont offertes :
soit le pétrole est remplacé par une autre énergie (électricité, énergie renouvelable
ou gaz naturel), ce qui induit une augmentation de la consommation de l’énergie de
remplacement ;
soit le pétrole est remplacé par de l’énergie « libérée » grâce aux mesures
d’efficacité énergétique.
Les économies d’électricité et, dans une moindre mesure, de gaz naturel permettent de
« libérer » de l’énergie pouvant remplacer le pétrole. Ainsi, on peut réduire, d’une autre
manière, la consommation de pétrole sans pour autant augmenter la consommation
d’électricité ou de gaz naturel.
La plateforme énergie du RNCREQ a largement abordé ce sujet-là dans la note diffusée en mars
20139. Nous vous référons aux recommandations du RNCREQ présentées dans la partie 8.
Zoom sur la Montérégie : ses atouts énergétiques
La région de la Montérégie dispose d’un potentiel important de substitution des
énergies fossiles par un mix d'énergies renouvelables. Le développement de ces
énergies locales permettrait de réduire les pertes d’énergie liées au transport et à
l’habitat, tout en dynamisant l’économie locale. De plus, un système de production
énergétique territorialisé favorise le développement des communautés et leur
responsabilisation face aux enjeux énergétiques, tout en renforçant leur autonomie et
leur sécurité énergétique.
4.4 Des gains environnementaux, sociaux et économiques
Réduire les pertes c'est important, faire des gains c'est essentiel. La nouvelle politique
énergétique du Québec devra conduire à faire des gains environnementaux, sociaux et
économiques.
Pour y arriver, elle devra :
1. s'appuyer sur l'application de la loi sur le développement durable pour éviter les pertes
environnementales et sociales qui se produisent actuellement. Notons que tous les
principes de la loi actuelle sur le développement durable s'appliquent pour orienter et
encadrer la nouvelle politique énergétique. Citons notamment le respect de la capacité
de support des écosystèmes, la production et la consommation responsable, la
9 Téléchargeable au lien suivant :
www.rncreq.org/images/UserFiles/files/Plateforme_energie_RNCREQ_2013_finale.pdf
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 21
responsabilisation par le concept pollueur-payeur et finalement, l’internalisation des
coûts.
2. affirmer une orientation essentielle: prendre l'énergie où il y est en excédent pour la
rediriger où il y a une possibilité de substitution des énergies fossiles. Il faut cependant
s’assurer que cela s’effectue dans un objectif de gains environnementaux, sociaux et
économiques et non seulement dans une optique de réductions de pertes (voir figure 2).
3. entraîner un mouvement à tous les niveaux, de l'individu aux collectivités en passant par
les entreprises pour assurer une sécurisation des approvisionnements par et pour tous;
4. faciliter la comptabilisation des gains pour les individus, les entreprises et les
collectivités pour prévoir les gains et des pertes environnementales, sociales et
économiques dès le début des projets en liaison avec l'énergie et les suivre dans leur
réalisation;
5. diffuser les meilleurs résultats pour favoriser l'amélioration des performances et rendre
compte de l'efficacité de la politique et des programmes qui en découleront.
Figure 2 : Les gains environnementaux, sociaux et économiques
Source : adapté de Négawatt, 2011
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 22
5 Les grands domaines d’action concernés par une politique
énergétique
L’aménagement de nos territoires devra veiller au respect des principes de l’efficacité
énergétique et contribuer à la sobriété des comportements en termes de transport et d’habitat.
Le transport étant l’un des secteurs les plus émetteurs de GES, la nouvelle politique énergétique
du Québec devra inévitablement aborder la nécessité d’aménager autrement notre territoire.
5.1 Aménager autrement le territoire
Entre ville et campagne, le modèle de la maison individuelle a connu un développement
exceptionnel ces trois dernières décennies. Il permettait en effet de concilier de nombreuses
attentes et aspirations sociales contemporaines telles que l’accès à la propriété, l’intimité, la
proximité aux services comme à la nature, l’espace vital et la mobilité. Cependant, cet
étalement urbain participe au développement de nombreuses externalités négatives :
croissance de la mobilité automobile, phénomène de l’auto solo, monofonctionnalité des
espaces, empiètement des terres agricoles, etc. La ségrégation du territoire en zones
monofonctionnelles d’habitations, de commerces ou d’industries, a aussi entraîné une
spécialisation des usages du territoire nécessitant l’utilisation de la voiture pour la plupart des
déplacements.
La faible densité des zones urbanisées en Montérégie, l’étalement urbain, l’aménagement
orienté vers l’usage de l’automobile, etc. ne sont pas synonymes de consommation optimale de
pétrole, bien au contraire. L’étalement urbain s’accompagne logiquement d’une augmentation
du nombre de voitures (1,5 véhicule par foyer en 2011), de kilomètres parcourus et de routes
imperméabilisées en Montérégie au cours des 20 dernières années. Entre 2006 et 2011, le
nombre de véhicules de promenade immatriculés en Montérégie a augmenté de 11,6% alors
que, durant la même période, la population n'a augmenté que de 5,3%. Pour les ménages, cela
constitue une augmentation continue du poids des dépenses énergétiques dans leur budget
global, et une forte dépendance au pétrole pour leur mobilité.
Les enjeux d’aménagement du territoire sont donc particulièrement importants en termes de
réduction de notre dépendance au pétrole, de nos émissions de GES, de notre consommation de
territoire, etc. La Montérégie devra s’atteler à développer son territoire selon les principes
d’un aménagement durable en privilégiant des formes urbaines moins consommatrices
d’espace et d’énergie, en favorisant la mixité urbaine (tant en termes de population qu’en
termes de fonction des espaces) et en développant des réseaux et des équipements de
transport performants et structurants.
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 23
Recommandation #5 :
Le CRE Montérégie recommande de diffuser largement les principes relevant d’un
aménagement durable. Les éléments fondamentaux d’une action municipale devront être
d’encourager la mobilité active et collective (grâce au développement des transports en
commun et de l’intermodalité, ainsi que des modes alternatifs à la route), de lutter contre
l’étalement urbain et les îlots de chaleur. Dans le domaine de la construction, il sera essentiel
de revoir les codes et normes du secteur, ainsi que de former ses acteurs aux travaux de
rénovation énergétique et aux bâtiments durables.
5.2 Une nécessaire refonte de la fiscalité municipale
La question de la fiscalité municipale n’apparaît pas directement en lien avec la politique
énergétique du Québec. Cependant, comme nous l’avons démontré précédemment, les
Municipalités seront amenées à jouer un rôle crucial dans l’atteinte des objectifs de cette
stratégie.
Or, le modèle de fiscalité municipale en vigueur au Québec atteint ses limites et ne répond plus
aux besoins des Municipalités. Il devient un frein, voire un point de blocage, pour le
développement soutenable de notre territoire.
Une assiette fiscale peu diversifiée
La faiblesse du régime fiscal municipal réside en partie dans la faiblesse des sources de
financement local. L’impôt foncier représente plus de 75% de tous les revenus municipaux
autonomes. Cette faible diversification des revenus prive nos Municipalités de ressources
supplémentaires, tout en contribuant à choix de développement et d’aménagement peu
respectueux de l’environnement. De plus, depuis un certain nombre d’années, les Municipalités
assument de plus en plus de services à la personne dont les bénéfices ne sont ni liés à la
propriété foncière, ni proportionnels à la valeur de cette dernière.
Une fiscalité qui favorise l’étalement urbain
Le modèle actuel de fiscalité municipale se base très largement sur un impôt foncier
proportionnel à la valeur des propriétés sans faire de lien direct, pour chaque unité, entre la
valeur des services rendus par la Municipalité et le montant des taxes. Elle ne tient aucunement
compte de la localisation de la propriété. Le taux de taxation est le même quel que soit le
nombre d’unités résidentielles qui se partagent les services, l’éloignement et ses conséquences
sur la longueur des infrastructures à supporter. En d’autres termes, cela signifie que les
propriétaires d’une maison (d’une valeur donnée et fixe) paieront le même montant d’impôt
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 24
foncier si leur maison est située dans un secteur très peu dense ou dans un secteur dense. Alors
que les dépenses pour la Municipalité seront supérieures dans le secteur très peu dense.
Un décrochage entre le foncier et la croissance économique locale
Enfin, la tertiarisation de l’économie engendre une modification de l’importance des capitaux
immobilier, humain et technologique. Alors que les secteurs manufacturier et commercial
nécessitent d’importantes surfaces de plancher et représentent d’importants revenus fonciers
pour les Municipalités, l’économie du savoir et des services s’appuie davantage sur les capitaux
humains et technologiques. L’impôt foncier devient alors de moins en moins efficace et
pertinent pour capter les effets de la croissance de l’économie locale.
Dans le même temps, les municipalités jouent un rôle croissant dans la compétitivité du
territoire, dans l’attraction de la main-d’œuvre et le développement de l’économie du savoir.
Elles continuent de fournir les services et investissent de plus en plus afin de soutenir la
croissance de l’activité économique locale, mais ne bénéficient pas des retombées financières.
Recommandation #6 :
Le CRE Montérégie considère qu’une réforme de la fiscalité municipale sera indispensable
pour mettre en œuvre la stratégie énergétique du Québec. Le nouveau pacte sur le
financement des Municipalités devrait permettre une diversification des sources de revenus
et être davantage en adéquation avec leurs nouvelles responsabilités. Il devra devenir un outil
efficace pour encourager et soutenir les initiatives municipales en faveur du développement
durable de leurs territoires. Il devra être un élément fort de la lutte contre l’étalement urbain
et un soutien de l’aménagement durable de nos territoires. Ce nouveau pacte fiscal doit
inciter les Municipalités à développer des collectivités viables, c’est-à-dire :
- des territoires où l’étalement urbain n’est plus un mode de développement;
- des territoires où les ressources sont préservées et mises en valeur;
- des territoires où les transports actifs et collectifs sont favorisés;
- des milieux de vie complets;
- un aménagement du territoire efficace qui rentabilise le coût des infrastructures.
5.3 Réviser les règles de financement des réseaux de transport10
Dans les années 90, le Gouvernement du Québec a entrepris des réformes structurelles visant à
transférer certains de ses pouvoirs et de ses responsabilités aux Municipalités. Ce processus a
affecté plusieurs sphères de compétences, dont la voirie et le transport en commun. Partant de
l’idée que le réseau supérieur accueille le transit interurbain et que le réseau local a une
10
http://vivreenville.org/media/32400/vivre_en_ville_2poids2mesures_072013.pdf
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 25
fonction de desserte locale, le Gouvernement a estimé qu’il était de la responsabilité des
Municipalités d’assumer les dépenses liées aux déplacements locaux tandis que l’État serait
responsable du transit interurbain. Le nouveau partage des ressources et des charges liées au
transport prévoyait :
- la prise en charge intégrale (immobilisation et exploitation) du réseau routier
supérieur par l’État québécois
- le transfert complet (immobilisation et exploitation) de la voirie locale aux
Municipalités
- la fin des subventions à l’exploitation dédiées au transport en commun. Les
immobilisations sont dorénavant partagées entre le Gouvernement et les
Municipalités alors que les frais d’exploitation sont entièrement à la charge des
Municipalités (et des usagers, le cas échant).
Bien que soucieuse d’une répartition plus équitable et rationnelle des responsabilités en termes
de transport, les fondements de la réforme étaient basés sur une erreur de constat : le fait que
le réseau routier supérieur joue, dans bien des cas, beaucoup plus un rôle de desserte locale
qu’un rôle de transit.
Ces nouvelles règles de financement ont des impacts majeurs sur le mode de développement
urbain des municipalités. Ces dernières ont le choix entre : une urbanisation orientée autour du
réseau routier supérieur financé entièrement par l’État québécois, soit une urbanisation
articulée autour d’un réseau de transport en commun dont elles doivent assumer l’essentiel des
dépenses. Ce financement à 2 vitesses des réseaux de transport incite les Municipalités à tirer
parti du réseau routier supérieur, payé par le gouvernement, pour poursuivre leur
développement résidentiel et commercial. Ces règles de financement encouragent l’étalement
urbain, consommateur d’espace et d’énergie, et génèrent d’importantes émissions de GES.
De plus, le souhait initial d’une meilleure réparation des responsabilités est quelque peu remis
en cause par ce que l’on qualifie parfois de « resquillage du réseau routier supérieur ». Le
principe de l’utilisateur-payeur n’est pas toujours respecté. Certains acteurs bénéficient de ce
réseau routier sans en assumer les coûts de construction et d’entretien :
- les Municipalités peuvent élargir leur assiette foncière sans contribution directe;
- les spéculateurs et les promoteurs bénéficient de dessertes pour de nouveaux
terrains urbanisables sans contribution directe;
- les commerces bénéficient aussi de dessertes et de la visibilité sans contribution
directe;
- les navetteurs ont accès à des propriétés moins chères et réduisent leurs temps de
transport, mais ne contribuent que partiellement et indirectement au financement
de ces infrastructures.
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 26
Recommandation #7 :
Il est primordial de revoir le financement des réseaux de transport au profit des transports
collectifs et actifs. Si l’on veut affronter le défi des transports, il sera indispensable de stopper
le développement de nouvelles infrastructures routières dans les grands centres urbains du
Québec, au profit de la réfection des infrastructures routières existantes et de la consolidation
et du développement des réseaux de transport collectif.
5.4 Travailler ensemble pour une agriculture durable
5.4.1 Consommation énergétique du secteur agricole
Considérée comme le « Jardin du Québec », la Montérégie profite d’une situation géographique
et d’une topographie qui lui permettent d’exploiter des terres agricoles à haut rendement. Or,
deux types de consommation d’énergie existent pour le secteur agricole : la consommation
directe (carburants) et la consommation indirecte (intrants agricoles). Dans les bilans de
consommation énergétique du secteur agricole au Québec ne sont aujourd’hui pris en compte
que les consommations directes en carburants (électricité, essence, diesel). Il est indispensable
que les deux types de consommation soient chiffrés à l’échelle provinciale et régionale pour
réellement prendre en compte le coût énergétique de la production agricole sur l’ensemble de
la filière.
5.4.2 Impact de la production agricole sur le réchauffement
climatique
Le secteur agricole représente 7,9% des émissions de gaz à effet de serre (GES) au Québec en
2010. Sachant que près de 30% de la production des grandes cultures du Québec proviennent
de Montérégie, l’enjeu est important pour la région. Or l’agriculture est une des seules activités
capables d’atténuer les changements climatiques en stockant du carbone dans les sols. Toute
conversion d'un terrain en surface arable a pour effet de dégager des gaz à effet de serre, car
exception faite des déserts et milieux semi-désertiques, ainsi que des surfaces bâties, c'est ce
type de sol qui, en moyenne, retient le moins de carbone.
Les leviers qui permettraient de réduire les émissions de l’élevage sont les suivants : réduire la
fertilisation azotée, développer les pâturages, limiter les émissions de méthane liées à la
décomposition à l’air libre du fumier et du compost ; au niveau du consommateur, réduire la
consommation de viande… surtout de viande rouge.
L'agriculture est en mesure de contribuer de multiples manières à émettre moins de gaz à
effet de serre qu'actuellement, en veillant à conserver les stocks de carbone encore présents
dans les sols, mais aussi à les accroître, par une action ciblée pour favoriser la constitution
d'humus.
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 27
Pour ce faire, on peut également renoncer à transformer les espaces boisés, tourbières, zones
humides et autres pâtures en labours et réduire ses émissions de protoxyde d'azote et de
méthane en recourant à des méthodes culturales qui préservent les sols, en assurant autant que
possible leur couverture permanente, par des cultures intercalaires, en y effectuant des
assolements à plusieurs composantes, par exemple pour limiter les problèmes de parasites, en
leur appliquant une fumure appropriée, etc.
5.4.3 Envisager le milieu agricole comme un producteur d’énergie
Outre la recherche de l’amélioration de l’efficacité énergétique du milieu agricole, il sera
également important de ne pas considérer ce dernier uniquement comme un consommateur
d’énergie, mais aussi comme un producteur d’énergies renouvelables. De nombreuses voies
peuvent être étudiées en fonction du contexte local.
Les retombées pour les communautés locales sont, selon de nombreuses études, importantes
tant sur le point économique que social et environnemental. L’idée n’est pas d’entrer en
concurrence avec les grands projets de productions d’énergie, mais de venir en complément de
ces derniers et en soutien des communautés locales. Le MAMROT a d’ailleurs déjà créé un
groupe de travail sur le milieu rural comme producteur d’énergie dont le rapport a été déposé
en 201111.
Parmi les pistes envisageables, on retrouve la production de biomasse à des fins énergétiques.
On pense ici à différentes filières telles que la production de bioéthanol ou la valorisation
énergétique de la biomasse forestière. Ces filières doivent néanmoins faire l’objet d’une
attention particulière, car leur surexploitation a des effets négatifs sur l’environnement et entre
en compétition avec d’autres secteurs économiques. Une exploitation selon des méthodes
compatibles avec la nature et les ressources peut être associée à d’autres formes d’exploitation.
Par exemple, la valorisation de la biomasse forestière est complémentaire à la production de
bois d’œuvre, mais il sera important de ne pas surexploiter ces résidus pour ne pas menacer la
productivité future du milieu.
Recommandation #8 :
La nouvelle politique énergétique du Québec devra aborder la question de la consommation
énergétique du secteur agricole, très vulnérable face aux fluctuations des prix de l’énergie.
Des actions devront porter sur l’amélioration de l’efficacité énergétique des exploitations
agricoles, du point de vue du chauffage des installations et des pratiques agricoles.
L'agriculture peut contribuer dans une mesure appréciable à préserver le climat ainsi qu'à la
production d’énergies locales et propres.
11
www.mamrot.gouv.qc.ca/pub/developpement_regional/ruralite/groupes_travail/rapport_groupe_prod_energie.pdf
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 28
6 Susciter l’adhésion et amorcer le changement
Réduire la consommation énergétique tout en garantissant un confort et une qualité de vie
acceptables nécessite une modification en profondeur de certaines habitudes de vie et une
participation active de tous aux économies d’énergie. On distingue classiquement trois types
d’outils incitatifs pour susciter des modifications de comportement : les campagnes
d’information et de sensibilisation, les dispositifs fiscaux incitatifs et autres programmes d’aide
financière, et enfin les réglementations et lois.
6.1 Informer et sensibiliser sur les questions énergétiques
D’une grande complexité, les questions énergétiques nécessitent de réels efforts de la part du
Gouvernement pour informer et sensibiliser les citoyens. Produire plus vert ne représente que la
moitié du chemin, et il est désormais établi que le progrès technique doit aller de pair avec des
changements de comportement aussi bien individuels que collectifs.
Quelques orientations principales peuvent être évoquées pour faciliter l’appropriation de la
question énergétique par les citoyens :
Pédagogie : intégrer les enjeux énergétiques et les changements climatiques dans les
programmes scolaires d’éducation;
Communication : assurer une veille et une communication régulière sur les enjeux
énergétiques locaux et globaux;
Participation : expliciter les termes du débat énergétique et associer les citoyens à la
prise de décision ;
Créativité : stimuler l’innovation sociale et organisationnelle, encourager
l’expérimentation;
Recherche-développement : soutenir activement la recherche dans le domaine de
l’énergie et de l’éducation à l’environnement et au développement durable.
Deux types de campagnes peuvent être mises en place pour faire le lien entre les grands enjeux
énergétiques et les actions à entreprendre : les campagnes généralistes et les campagnes
sectorielles ou thématiques, souvent plus efficaces en termes d’impact. Le ciblage des objectifs
visés et des publics de la campagne est un enjeu clef. L’utilisation de techniques marketing
inspirées des théories comportementales peut également être intéressante pour mettre les
citoyens dans des situations d’action. Enfin, le discours doit être clair, fiable et réaliste pour ne
pas induire de déception vis-à-vis des progrès promis, mais aussi engageant sans être autoritaire
ni culpabilisant. En particulier, le gouvernement doit veiller à communiquer autour des résultats
obtenus grâce aux citoyens et à ne surtout pas s’attribuer le bénéfice de ces progrès réalisés.
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 29
Au-delà de la forme du discours, il est également primordial que les messages transmis soient
positifs et réalistes, en s’appuyant sur des arguments séduisants et non moralisateurs ou
contrôlant. Il est absolument nécessaire de déconstruire l’image du comportement éco-citoyen
perçu comme un retour à un mode de vie d’il y a 50-60 ans et comme anti-progrès.
L’OPEN DATA contributif : transparence des pouvoirs publics et capacitation des
citoyens au service de l’énergie?
Open Data signifie "données ouvertes". Le principe est simple : donner un accès aux
données publiques d'un pays, d'une région ou d'une municipalité grâce à une
plateforme sur internet. L'Open Data désigne le mouvement visant à rendre accessible à
tous, via le web, les données publiques non nominatives ne relevant ni de la vie privée
et ni la sécurité collectées par les organismes publics.
L'Open Data présente de nombreux atouts : en apportant davantage de transparence,
elle améliore la démocratie et restaure la confiance entre les citoyens et ses
représentants. La diffusion large d’informations peut contribuer à une meilleure
compréhension et à une augmentation de la participation citoyenne. Certains évoquent
également le fait que l’Open data puisse stimuler l’innovation : les données publiques
permettent à des professionnels ou des bénévoles de s'en emparer pour créer de
nouvelles informations, de nouvelles connaissances et de nouveaux usages.
Plusieurs exemples12 d'utilisation de données publiques au service de
l’innovation existent. En ouvrant leurs données sur les informations locales, les
collectivités peuvent par exemple profiter d'applications informatives en temps réel
pour les citoyens, développées gratuitement par la communauté. Des retours
d'expérience de projets Open Data démontrent des retours sur investissement et gains
importants : 62 millions d'euros pour le projet Open Data danois, 2,6 millions d’euros
pour la communauté basque ou 2 millions de dollars pour Washington.
À quand l’Open Data sur l’énergie au Québec ?
Le mouvement est lancé au Québec et au Canada13, continuons dans ce sens!
12
Voici quelques exemples de plateformes Open Data opérationnelles : - Initiatives gouvernementales : USA (http://www.data.gov/), Angleterre (http://data.gov.uk/) ou Australie
(http://data.gov.au/) - Initiatives régionales : Pays basque (http://opendata.euskadi.net/) ou l'état du Michigan
(http://www.michigan.gov/som/0,1607,7-192-29938_54272---,00.html) - Initiatives locales : Londres (http://data.london.gov.uk/), Paris
(http://opendata.paris.fr/opendata/jsp/site/Portal.jsp) ou Rennes (http://www.data.rennes-metropole.fr/) - Initiatives citoyennes : Montréal (http://montrealouvert.net/ et http://quebecouvert.org/)
13 Pour un état des lieux de ce qui se fait au Canada, consultez le site :
http://montrealouvert.net/2010/12/09/montrealouvert-au-salon-des-logiciels-libres-du-quebec/
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 30
6.2 Les instruments économiques : mettre en place des
dispositifs incitatifs
Si les campagnes de communication et de sensibilisation sont indispensables à la
conscientisation progressive des citoyens, il n’est pas évident qu’elles engendrent de réelles
modifications de comportement. Les postures écologiques ne se traduisent pas
systématiquement en comportements responsables et éco-citoyens. L’écart entre intention et
pratique est fréquent et s’explique par plusieurs facteurs : des questions budgétaires, une offre
durable peu accessible, un sentiment d’impuissance ou encore l’inertie comportementale. Bien
souvent, il est également complexe de voir le retour sur investissement dans la mesure où la
contribution à la préservation de l’environnement n’est pas toujours perceptible à court terme.
6.2.1 Quelques dispositifs incitatifs à mobiliser dans le cadre d’une
politique énergétique
La fiscalité, par l'impôt et par les taxes. L'impôt permet de répartir sur l'ensemble des
contribuables les dépenses encourues pour assurer l'approvisionnement pour tous ou
compenser les déficits environnementaux et sociaux engendrés par une utilisation du droit
de chacun à l'énergie. L’instauration de taxes permet d’envoyer un signal prix au
consommateur pour les usages non essentiels de l'énergie. Ces mesures fiscales ou
financières permettent que le prix témoigne non seulement du coût d’achat et d’usage,
mais aussi du coût global, celui des externalités causées par le produit ou le service sur
l’environnement. Le prix fixé doit être suffisamment élevé pour décourager les
comportements non vertueux.
Les marchés de permis ou quotas consistent à fixer, a priori, les quantités cibles d’émission
de produits polluants. Par le jeu du marché, un prix d’équilibre s’établit et les permis sont
répartis entre les différents émetteurs de pollution. Cette modalité permet de créer un
marché pour un produit qui n'a pas de valeur intrinsèque.
Les programmes d’aide financière soutiennent financièrement des travaux ou des
aménagements écologiques. Par exemple, la Ville de Victoriaville a mis en place le
programme Habitation durable14, programme de subventions et d’attestations visant à
rendre accessible la construction ou des rénovations plus écologiques et écoénergétiques.
Les dispositifs de type bonus-malus : c’est le désormais bien connu exemple français du
bonus-malus écologique, qui vise à récompenser, via un bonus, les acquéreurs de voitures
neuves émettant le moins de CO2, et à pénaliser, via un malus, ceux qui optent pour les
modèles les plus polluants.
Un système de tarification progressive des prix de l’électricité : actuellement deux tarifs sont
proposés par Hydro-Québec aux particuliers. Les 30 premiers kilowattheures (kWh) par jour
14
www.habitationdurable.com
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 31
coûtent 5,41 ¢/kWh. Passé ce seuil, le reste de l'énergie consommée coûte 7,78 ¢/kWh.
Cette grille tarifaire pourrait encore davantage être développée, voir modulée, pour réaliser
la chasse au gaspillage.
D'autres dispositifs encore sous forme expérimentale devront être testés et mis en place
pour prendre en compte les biens et services environnementaux et pour intégrer la
comptabilité de développement durable.
6.2.2 Analyser les atouts et les inconvénients de chaque instrument
incitatif
Chacun de ces dispositifs a des avantages et des inconvénients. La taxe est par exemple très
facile à mettre en œuvre une fois décidée, mais elle peut engendrer un effet rebond, que le
système des quotas évite. Par contre, bien qu’ils soient un instrument de marché, les marchés
de permis coûtent très cher, en coûts administratifs et de gestion, si on souhaite en contrôler
l’efficacité. Le prix d'équilibre fixé globalement peut aussi être insuffisant pour une
compensation locale.
Pour les instruments fiscaux, le frein majeur observé est, traditionnellement, son acceptation
sociale limitée. Son efficacité tient à la difficulté de fixer, ex ante, sans trop se tromper, le prix
d’équilibre, c’est-à-dire le prix qui aura les effets souhaités en matière de réduction des
émissions polluantes sans rater sa cible (taxe trop faible) ou écraser complètement le
consommateur (taxe trop forte).
6.2.3 Se nourrir des expériences étrangères
De nombreux dispositifs variés ont déjà été testés dans de nombreux pays, en Europe et en
Amérique du Nord. Bien que les contextes nationaux soient toujours différents et que les
pratiques culturelles varient d’un pays à l’autre, de nombreux enseignements peuvent être tirés
selon nous des expériences étrangères.
Par exemple, l’expérience française du bonus-malus écologique nous prévient du risque en
termes de coûts financiers pour le Gouvernement : dépassé par le succès du dispositif, l’État
français a dû assumer une bonne partie des coûts engendrés par la distribution des bonus. Les
modalités d'application du principe de répartition devraient mentionner que le montant doit
être révisé périodiquement en fonction du nombre de bonus et de malus distribués.
On pourrait également observer de plus près l’ensemble du bouquet fiscal écologique du
Danemark, qui représente à l’heure actuelle 6 % de son PIB.
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 32
L’expérience d’autres pays peut donc être fort intéressante, afin d’anticiper les écueils et les
difficultés et de mettre en place les dispositifs québécois dans les meilleures conditions qui
soient.
6.2.4 Vers une fiscalité énergétique cohérente
Au-delà de la fiscalité énergétique, le CRE Montérégie souhaite que la question de la fiscalité
écologique soit abordée dans sa globalité, afin de garantir une cohérence dans l’ensemble des
dispositifs fiscaux.
La feuille de route à suivre pourrait être la suivante :
1. Éliminer les distorsions nuisibles à l’environnement, toutes les subventions et
allègement d’impôts dommageables à l’environnement ;
2. Réorganiser les taxes existantes dans un sens favorable à l’environnement, afin
d’appliquer à son maximum le principe du pollueur-payeur ;
3. Réduire la taxation des produits ou des prestations favorables à la protection de
l’environnement.
4. Rester pragmatique sur les niveaux de taxation pour obtenir le meilleur rendement
global en évitant qu'un petit gain sur un item entraîne une perte importante sur un
autre.
Néanmoins, pour concourir à l’efficacité de cette fiscalité, le Gouvernement du Québec devra à
notre avis veiller à la neutralité fiscale d’ensemble, afin que la création ou l’augmentation d’un
impôt s’accompagne de la réduction ou de la suppression d’un autre impôt. Par ailleurs, la taxe
s’appliquant à tous, il est indispensable de penser un accompagnement social à la taxe : les
effets négatifs, sur le plan social, d’une fiscalité écologique additionnelle, doivent être traités
par des mesures adaptées et distinctes.
L’impopularité de la taxe implique également de communiquer largement et clairement sur
l’objectif de la fiscalité mise en place. Néanmoins, la mise en œuvre d’une politique de fiscalité
écologique doit relever du plus grand pragmatisme : la fiscalité, aussi puissante soit-elle comme
instrument, ne peut, à elle seule, suffire à réduire les émissions polluantes ou les impacts
négatifs sur l’environnement.
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 33
6.3 Les instruments normatifs : encadrer les comportements par
les normes et la règlementation
Enfin, il existe le levier des instruments normatifs, tels que normes, règlements, interdiction,
fixation de seuils, pour limiter certains comportements. Cependant, il est peut-être plus difficile
de la mettre en place en destination du consommateur directement. Les réglementations
s’appliquent en général davantage aux producteurs et aux distributeurs. On peut citer l’exemple
de plusieurs villes en Californie qui ont interdit l’utilisation de sacs plastiques dans les magasins.
Si cette décision touche directement le consommateur, la règlementation en question
s’applique en premier lieu aux distributeurs.
Pour l'énergie, ces réglementations s'appliquent principalement aux rejets de polluants. Elles
prendront de l'importance avec le droit pour chacun de produire sa propre énergie.
6.4 Les « nudges verts15 » : de nouvelles incitations pour des
comportements écologiques ?
Issue des sciences comportementales, la méthode du nudge, pour « coup de pouce », a pour
objectif d’inciter à un comportement ou un choix sans passer par la contrainte. Appliqués au
domaine de l’écologie, les coups de pouce verts ont pour but de conduire les citoyens à adopter
des modes de vie plus respectueux de l’environnement, sans être contraignant ou moralisateur.
Ils correspondent à une politique qui vise à guider les choix des individus vers des décisions
favorables à la collectivité, sans pour autant les contraindre ou les imposer.
De nombreuses expérimentations ont été menées, notamment en Californie, et démontrent le
caractère à la fois opérationnel, efficace, ajustable et peu contraignant des coups de pouce
verts. Deux leviers ont particulièrement été exploités : le respect de l’environnement comme
option par défaut (1) et la promotion de bonnes pratiques écologiques comme norme sociale (2).
C’est dans le même esprit qu’Hydro-Québec a lancé l’initiative « comparez-vous »16 pour
impulser un comportement écoénergétique de ses clients. Le service en ligne propose de
comparer sa consommation d'électricité à celle de ménages semblables.
La force de la stratégie (2) est de fournir un retour d’informations sur le comportement du
voisinage, donc sur la norme sociale en vigueur dans le quartier. Le postulat reste néanmoins
qu’il y est réellement adhésion spontanée à la norme sociale.
15
Richard Thaler et Cass Sunstein (2010) La méthode douce pour inspirer la bonne décision 16
http://www.hydroquebec.com/residentiel/gerer-votre-compte/comparez-vous/?gclid=CP-GpJ_x7awCFchM4AodcUIRdA
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 34
Les initiatives relevant de la stratégie (1) permettent d’alléger la contrainte que représente
l'adoption d'un nouveau comportement écoresponsable et contribuent ainsi à combattre
l’association courante entre « action environnementale » et « effort ».
Cependant, les coups de pouce ne sont pas des solutions miracles et présentent certaines
limites. Des effets pervers sont par exemple identifiés : prendre conscience que l’on a de
meilleures pratiques que son voisin en matière d’écologie peut engendrer un relâchement. Le
mimétisme comportemental n’est pas évident non plus, sans doute fortement lié à la culture du
pays. La difficulté de transposer ces expériences réalisées sur de petits groupes à une échelle
plus importante est également très forte. Une règle de la psychologie sociale veut que les
normes sociales soient d’autant plus contraignantes et efficaces qu’elles concernent des
personnes du même entourage. Les nouvelles technologies offrent néanmoins un large champ
d’applications possibles et ciblées. La réflexion poursuit son chemin… La Revue de l’Institut de
recherche en politiques publiques de Montréal y consacrait d’ailleurs un dossier dans son
numéro de juin 201317.
Les nudges au Royaume-Uni : la « Nudge Unit »18
Le Royaume-Uni s’est engagé dans une politique environnementale ambitieuse avec la
récente adoption du « Green Deal », programme visant à engendrer des économies
d’énergie. Les particuliers sont invités à recevoir chez eux des professionnels qui
établissent un bilan énergétique de leur habitat et leur proposent une série de
dispositifs et de travaux de rénovation pour en améliorer l’efficacité. Ce programme est
innovant à double titre : d’une part, par son mode de financement, puisque les
Britanniques paieront ces travaux progressivement, à hauteur des économies réalisées
au fur et à mesure sur leurs factures énergétiques et, d’autre part, par la mise en
pratique des analyses des sciences comportementales afin de développer de nouveaux
types d’incitations. Le cabinet du Premier ministre britannique comprend ainsi une
unité, nommée Behavioural Insights Team ou « Nudge Unit », en charge du pilotage de
diverses expérimentations, notamment de systèmes de compteurs électriques
intelligents affichant la consommation en temps réel, de factures comparant les
consommations de foyers de profils identiques ou encore d’interrupteurs qui éteignent
automatiquement la lumière lorsque l’on sort d’une pièce.
Élément non négligeable en termes de gouvernance et d’efficacité, le rattachement
direct de cette structure au Premier ministre lui permet de lancer rapidement des
expérimentations (en propre ou en partenariat avec des institutions publiques et
privées) et de les évaluer. Si elles se révèlent concluantes, elles sont alors proposées aux
autorités chargées du domaine d’action pour une application à plus grande échelle.
17
http://www.irpp.org/fr/options-politiques/nudge-experiments-in-human-nature-fr-ca/ 18
https://www.gov.uk/government/organisations/behavioural-insights-team
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 35
Recommandation #9 :
Afin d’être véritablement efficace et de ne pas rester anecdotique, l’utilisation des coups de
pouce verts, tout comme des autres instruments présentés, doit s’intégrer dans une politique
environnementale cohérente. Ces instruments ne doivent pas être imaginés en substitution,
mais en complément des autres : la complexité des individus en matière de comportements
environnementaux invite à utiliser une grande diversité d’instruments. Informé au mieux des
enjeux et du caractère « gagnant-gagnant » des politiques environnementales, le citoyen
s’avère plus réceptif aux incitations mises en place.
Enfin, le CRE Montérégie juge fondamental de poursuivre les efforts engagés dans l’éducation
à ces pratiques dès le plus jeune âge, afin de favoriser l’adoption de comportements vertueux
par les jeunes générations. Il faudra sans doute trouver un ensemble de politiques entre
sensibiliser/inciter/contraindre, combinant campagnes de sensibilisation, innovations
technologiques et instruments économiques et normatifs. Il conviendra donc d’utiliser chacun
des instruments de politiques publiques disponibles là où chacun d’entre eux est le plus
efficace et de combiner, de façon astucieuse, les effets possibles de ces instruments.
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 36
7 Conclusion
Les principales recommandations du CRE Montérégie sont les suivantes :
Recommandation #1 :
Le CRE Montérégie encourage le gouvernement du Québec à réaliser un travail de prospective
énergétique à long terme en amont de la définition de sa politique et de sa stratégie. Nous
recommandons que ce travail, mené par des experts de la question, aboutisse à différents
scénarios contrastés de l’avenir énergétique du Québec. Ces scénarios pourraient ensuite être
partagés et discutés en concertation avec le grand public et les différents acteurs socio-
économiques de la province.
Recommandation #2 :
Les Municipalités devraient jouer un rôle primordial dans la mise en œuvre de la stratégie
énergétique.
Le CRE Montérégie soutient qu’il est indispensable, à l’échelle régionale, de :
- créer des instruments d’observation et de suivi des besoins et des consommations en énergie
à l’échelle régionale. La connaissance fine de la consommation énergétique est un préalable à
toute volonté de maîtrise de l’énergie. On ne maîtrise pas ce que l’on ne connaît pas;
- élaborer un schéma régional cohérent avec la stratégie énergétique globale, en concertation
avec l'État, les collectivités et les acteurs locaux;
- associer les citoyens et les collectivités territoriales aux principaux choix du domaine
énergétique;
- valoriser et utiliser les ressources locales, dans des conditions favorables à l’environnement.
Recommandation #3 :
Le CRE Montérégie soutient la mise en place de mesures concourant à la sobriété du Québec,
aujourd’hui parmi les plus gros consommateurs d’énergie au monde. Ces mesures devraient
aborder l’organisation collective (les quartiers piétonniers, les ramassages scolaires, les
commerces de proximité, etc.), ainsi que les choix d’infrastructures lourdes (routes, transports
en commun). Leur impact est fondamental sur les comportements à la fois individuels et
collectifs en termes de consommation énergétique.
Nous reconnaissons néanmoins que le terme « sobriété » peut être démobilisateur, dans la
mesure où il n’envoie pas un message positif pour beaucoup de citoyens. Ils peuvent y déceler
une restriction, voire un contrôle d’un tiers sur leurs activités. Une approche de
responsabilisation positive sera à développer de manière à faire ressortir les gains et les
avantages de la sobriété énergétique.
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 37
Recommandation #4 :
Le CRE Montérégie recommande la mise en place d’objectifs précis en termes d’efficacité
énergétique, pour chaque secteur. Plus précisément, la feuille de route pour l’efficacité
énergétique devra comprendre : (1) des cibles obligatoires, accompagnées (2) de mécanismes
de reddition de compte et (3) des conséquences liées à la performance réelle.
Conséquemment, cela exige de développer les filières industrielles et activités relatives à
l’efficacité énergétique : isolation, mobilité, réseaux intelligents, etc. Il faudra soutenir
l’innovation technologique au service de la transition énergétique, afin que celle-ci constitue
une source de retombées positives pour les régions et le Québec.
Recommandation #5 :
Le CRE Montérégie recommande de diffuser largement les principes relevant d’un
aménagement durable. Les éléments fondamentaux d’une action municipale devront être
d’encourager la mobilité active et collective (grâce au développement des transports en
commun et de l’intermodalité, ainsi que des modes alternatifs à la route), de lutter contre
l’étalement urbain et les îlots de chaleur. Dans le domaine de la construction, il sera essentiel
de revoir les codes et normes du secteur, ainsi que de former ses acteurs aux travaux de
rénovation énergétique et aux bâtiments durables.
Recommandation #6 :
Le CRE Montérégie considère qu’une réforme de la fiscalité municipale sera indispensable
pour mettre en œuvre la stratégie énergétique du Québec. Le nouveau pacte sur le
financement des Municipalités devrait permettre une diversification des sources de revenus
et être davantage en adéquation avec leurs nouvelles responsabilités. Il devra devenir un outil
efficace pour encourager et soutenir les initiatives municipales en faveur du développement
durable de leurs territoires. Il devra être un élément fort de la lutte contre l’étalement urbain
et un soutien de l’aménagement durable de nos territoires. Ce nouveau pacte fiscal doit
inciter les Municipalités à développer des collectivités viables, c’est-à-dire :
- des territoires où l’étalement urbain n’est plus un mode de développement;
- des territoires où les ressources sont préservées et mises en valeur;
- des territoires où les transports actifs et collectifs sont favorisés;
- des milieux de vie complets;
- un aménagement du territoire efficace qui rentabilise le coût des infrastructures.
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 38
Recommandation #7 :
Il est primordial de revoir le financement des réseaux de transport au profit des transports
collectifs et actifs. Si l’on veut affronter le défi des transports, il sera indispensable de stopper
le développement de nouvelles infrastructures routières dans les grands centres urbains du
Québec, au profit de la réfection des infrastructures routières existantes et de la consolidation
et du développement des réseaux de transport collectif.
Recommandation #8 :
La nouvelle politique énergétique du Québec devra aborder la question de la consommation
énergétique du secteur agricole, très vulnérable face aux fluctuations des prix de l’énergie.
Des actions devront porter sur l’amélioration de l’efficacité énergétique des exploitations
agricoles, du point de vue du chauffage des installations et des pratiques agricoles.
L'agriculture peut contribuer dans une mesure appréciable à préserver le climat ainsi qu'à la
production d’énergies locales et propres.
Recommandation #9 :
Afin d’être véritablement efficace et de ne pas rester anecdotique, l’utilisation des coups de
pouce verts, tout comme des autres instruments présentés, doit s’intégrer dans une politique
environnementale cohérente. Ces instruments ne doivent pas être imaginés en substitution,
mais en complément des autres : la complexité des individus en matière de comportements
environnementaux invite à utiliser une grande diversité d’instruments. Informé au mieux des
enjeux et du caractère « gagnant-gagnant » des politiques environnementales, le citoyen
s’avère plus réceptif aux incitations mises en place.
Enfin, le CRE Montérégie juge fondamental de poursuivre les efforts engagés dans l’éducation
à ces pratiques dès le plus jeune âge, afin de favoriser l’adoption de comportements vertueux
par les jeunes générations. Il faudra sans doute trouver un ensemble de politiques entre
sensibiliser/inciter/contraindre, combinant campagnes de sensibilisation, innovations
technologiques et instruments économiques et normatifs. Il conviendra donc d’utiliser chacun
des instruments de politiques publiques disponibles là où chacun d’entre eux est le plus
efficace et de combiner, de façon astucieuse, les effets possibles de ces instruments.
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 39
8 Principales recommandations du RNCREQ
1. La future politique doit énoncer des cibles précises en matière de réduction de la
consommation d’énergie, assorties d’échéanciers. Le RNCREQ propose que le
Québec vise un niveau de consommation de 3,75 tep/personne en 2020
(réduction de 25%). Cela placera le Québec à peu près au même niveau que la
Norvège.
2. Pour maximiser les gains environnementaux, sociaux et économiques, les
réductions de consommation doivent viser en priorité le pétrole.
3. La politique doit s’appuyer sur la nécessité de mettre à profit la capacité des
régions à se prendre en main et à prioriser les interventions en fonction de leurs
réalités.
4. Investir massivement dans le développement des alternatives dans le secteur du
transport des personnes, en particulier en faveur du transport actif et collectif,
et ce, autant dans les grands centres que dans les régions. Les sommes investies
seront d’une part récupérées de la réduction des investissements dans l’offre
routière, et d’autre part prélevées auprès des utilisateurs des infrastructures
routières existantes (taxes sur le carbone, taxe sur le stationnement, péages,
taxes sur l’immatriculation, etc.). De manière générale, les personnes qui ont un
comportement que l’on cherche à corriger, par exemple les utilisateurs du
modèle de l’auto-solo, doivent financer les moyens de rendre accessible et
efficace les comportements que l’on souhaite encourager.
5. La façon dont on occupe le territoire à des impacts considérables sur les besoins
en énergie. Et les forces actuellement à l’œuvre dans ce domaine tendent à
favoriser la croissance de la consommation. Ainsi, pour obtenir des gains
structurant et durable en matière de réduction de la consommation d’énergie, il
faudra rapidement inverser cette tendance en mettant en place un important
chantier de réforme dans le domaine de l’aménagement du territoire.
6. Réduire significativement la consommation d’énergie dans le secteur du
transport des marchandises en favorisant une meilleure gestion des
déplacements, l’intermodalité, et le développement du transport maritime et
ferroviaire. Comme pour le transport des personnes, le financement des mesures
doit provenir d’instruments économiques qui permettent, en même temps, de
décourager les modes de déplacement moins efficaces.
7. Malgré ses multiples avantages, l’électrification des transports ne doit pas être
perçue comme une solution unique et miracle. Le RNCREQ recommande de
prioriser en parallèle les mesures à faibles coûts qui permettront de réduire
significativement la consommation, la taille, le nombre et la distance parcourue
par les véhicules.
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 40
8. Le développement des énergies renouvelables doit se faire en priorité dans les
secteurs où les gains environnementaux, sociaux et économiques seront les plus
importants :
- pour remplacement les énergies fossiles par des énergies renouvelables et locales dans
les réseaux autonomes et les résidences isolées,
- pour combler les besoins de puissance (effacement de la pointe)
- pour favoriser le développement des régions par une meilleure autonomie (cycle
court)
- pour soutenir le tissu industriel et le développement
- pour assurer l’autonomie énergétique et la diversification des revenus des particuliers
et des agriculteurs (auto-production)
9. Il faut créer un marché pour écouler les surplus d’énergie électrique en
priorisant :
- la substitution des énergies fossiles
- l’adoption d’une politique industrielle qui encouragera le recours à l’électricité par la
mise en valeur de la faible empreinte en carbone des produits fabriqués au Québec, en
attirant au Québec des entreprises qui pourront mettre en valeur les attributs
environnementaux de l’électricité, et en stimulant par les tarifs des secteurs
prometteurs et durables de l’économie
- des ententes fermes d’exportation
10. Avec les importants projets de transport d’hydrocarbures actuellement proposé
sur son territoire, les Québécois ont des décisions importantes à prendre à
l’égard de leurs approvisionnements futurs en pétrole et en gaz. Le RNCREQ
recommande au gouvernement du Québec de procéder à une analyse
comparative des différentes options, en tenant compte des coûts et bénéfices
environnementaux, sociaux et économiques sur l’ensemble du cycle de vie
(extraction, transport, transformation, consommation, gestion des résidus), et
notamment de l’impact de ses choix sur ses objectifs de lutte contre les
changements climatiques et de réduction de la consommation de pétrole.
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 41
Annexe 1 : quelques exemples d’exercices de prospective
énergétique
Agence internationale de l’Énergie : les World Energy Outlook19 et les Energy Technology
Perspectives.
British Petroleum : The Energy Outlook 203020 : C. Rühl, P. Appleby, J. Fennema, A.
Naumov, M. Schaffer (2012) Economic development and the demand for energy: A
historical perspective on the next 20 years, Energy Policy, Volume 50, Pages 109-116,
ISSN 0301-4215.
Étude australienne sur la dématérialisation de l’économie de la Commonwealth
Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO)21 : G. Turner et H. Schandl (2008)
The dematerialization potential of the australian economy, CSIRO working paper series.
T. Jackson (2010) Prospérité sans croissance : la transition vers une économie durable,
De Boeck-Etopia, 247 pages22.
L’initiative « Great Transition » : the Global Scenario Group (Tellus Institute & Stockholm
Environment Institute)23 : Richard A. Rosen, Christi Electris, Paul D. Raskin (2010) Global
Scenarios for the Century Ahead: Searching for Sustainability, Tellus Institute.
T. Wangand, J. Watson (2009) China's Energy Transition - Pathways to Low Carbon
Development, the Tyndall Centre for Climate Change Research; Sussex Energy Group,
the University of Sussex24.
J. Kuisma (2000) Backcasting for Sustainable Strategies in the Energy Sector,
International Institute for Industrial Environmental Economics, Sweden.
Scénarios énergétiques Shell à l’horizon 2050 (2008), Shell International BV25.
19
http://www.worldenergyoutlook.org/ 20
http://www.bp.com/en/global/corporate/about-bp/statistical-review-of-world-energy-2013/energy-outlook-2030.html 21
http://www.csiro.au/en/Outcomes/Environment/Population-Sustainability/SEEDPaper23.aspx 22
http://www.sd-commission.org.uk/publications.php?id=914 23
http://gtinitiative.org/ 24
http://www.sussex.ac.uk/sussexenergygroup/research/projectarchive/projarch2 25
http://s05.static-shell.com/content/dam/shell/static/future-energy/downloads/shell-scenarios/shell-energy-scenarios2050french.pdf
Mémoire CEEQ du CRE Montérégie Page 42
Annexe 2 : simulation de la réduction de consommation par
types d’énergie et par secteurs, Montérégie, 2013
Simulation de la réduction de la consommation d’électricité, par secteurs
Source : Portrait énergétique de la Montérégie, CRE Montérégie, 2013
Simulation de la réduction de la consommation de mazout, par secteurs
Source : Portrait énergétique de la Montérégie, CRE Montérégie, 2013
Simulation de la réduction de la consommation de gaz, par secteurs
Source : Portrait énergétique de la Montérégie, CRE Montérégie, 2013
Consommation
d'électricité en
2011 (GWh)
GWh GJ GWh GJ GWh GJ GWh GJ
Résidentiel 11882 2376 8555040 3565 12832560 4753 17110080 5941 21387600
Commercial 3925 785 2826000 1178 4239000 1570 5652000 1963 7065000
Institutionnel 1079 216 776880 324 1165320 432 1553760 540 1942200
Total 16886 3377 12157920 5066 18236880 6754 24315840 8443 30394800
Baisse de 20% Baisse de 30% Baisse de 40% Baisse de 50%
Réduction de la consommation d'électricité
Consommation
de mazout en
2010 (millions
de litres)
Millions de
litresGJ
Millions de
litresGJ
Millions de
litresGJ
Millions de
litresGJ
Résidentiel 87,5 18 673925 26 1010888 35 1347850 44 1684813
Commercial 331,7 66 2554753 100 3832130 133 5109507 166 6386884
Institutionnel 205 41 1578910 62 2368365 82 3157820 103 3947275
Total 624,2 125 4807588 187 7211383 250 9615177 312 12018971
Baisse de 20% Baisse de 30% Baisse de 40% Baisse de 50%
Réduction de la consommation de mazout
Consommation
de gaz en 2011
(millions de m3)
Millions de
m3 GJMillions de
m3 GJMillions de
m3 GJMillions de
m3 GJ
Résidentiel 57 11 410300 17 634100 23 857900 29 1081700
Réduction de la consommation de gaz
Baisse de 20% Baisse de 30% Baisse de 40% Baisse de 50%