Michael Cordey (2016) PENSER L'ETHIQUE EN ANTHROPOLOGIE

download Michael Cordey (2016) PENSER L'ETHIQUE EN ANTHROPOLOGIE

of 5

Transcript of Michael Cordey (2016) PENSER L'ETHIQUE EN ANTHROPOLOGIE

  • 8/19/2019 Michael Cordey (2016) PENSER L'ETHIQUE EN ANTHROPOLOGIE

    1/9

    Michael Cordey | Demande de bourse Doc.Mobility (FNS)  Plan de recherche

    PENSER L'ETHIQUE EN ANTHROPOLOGIEA PARTIR DES ACTIVITES CLINIQUES QUOTIDIENNES 

    DE PRISE EN CHARGE DES PATIENTS EN EVEIL PROLONGE DE COMA 

     Projet de mobilité Doc.Mobility

     DOCUMENT DE TRAVAIL : version du 22.02.2016

    Requérant : Michael Cordey (THEMA – ISS – SSP – UNIL)[email protected]

    Durée : 18 moisPériode : Février 2017 – Août 2018Lieu : Université de Montréal (UdeM - Canada)

    Institut/Unité : Institut de recherche clinique de Montréal (IRCM)Unité de recherche en neuroéthique

    Responsables : Pr. Eric RacineFonction : Directeur, unité de recherche en neuroéthique

    TABLE DES MATIERES 

    Table des matières ........................................................................................................................................... 1 

    Plan de recherche ............................................................................................................................................ 2 

     Description du projet ............................................................................................................................... 2 

     État actuel de la recherche et problématiques ........................................................................................ 3 

    La littérature concernant la prise en charge des patients victimes d’états apparentés au coma .................................. ........... 3 

    Problématiques soulevées à partir de la littérature produite par les professionnels de la santé .................................. ........... 4 

    L’anthropologie médicale et de la santé : enjeux éthiques, incertitude et prises de décision ................................................ 5 

    Conclusion : penser les enjeux éthiques en anthropologie .................................................................................................... 8 

    Objectifs ................................................................................................................................................... 9 

    Questions de recherche ............................................................................................................................ 9 

     Méthodes .................................................................................................................................................. 9 

     État d’avancement de mes travaux de recherche .................................................................................... 9 

     Importance du projet ............................................................................................................................... 9 

    Calendrier du projet ......................................................................................................................................... 9 

    Importance du lieu de travail ........................................................................................................................... 9 

    Importance pour la formation personnelle ...................................................................................................... 9 

    Intentions de publications ................................................................................................................................ 9 

    Bibliographie ................................................................................................................................................... 9 

  • 8/19/2019 Michael Cordey (2016) PENSER L'ETHIQUE EN ANTHROPOLOGIE

    2/9

    Michael Cordey | Demande de bourse Doc.Mobility (FNS)  Plan de recherche

    PLAN DE RECHERCHE

     Description du projet

    Dans le cadre de la réalisation d’une thèse de doctorat en sciences sociales effectuée sous la direction d’IlarioRossi, je mène une recherche sur les enjeux éthiques liés aux évolutions récentes de la prise en charge des patients

    victimes d’états apparentés au coma. Les développements scientifiques, technologiques et médicaux dans des

    domaines tels que l’imagerie médicale, la neurochirurgie ou la médecine intensive permettent de sauver la vie d’un

    nombre grandissant de patients atteints de lésions cérébrales. Parmi ces patients rescapés des soins intensifs, un

    nombre important sont victimes de troubles de la conscience et d’état apparenté au coma. Une fois leur état

    stabilisé, ces patients sont susceptibles d’engorger les soins intensifs en occupant des lits pendant plusieurs jours

    voire plusieurs semaines dans l’attente d’une évolution ou d’une décision. Parallèlement à cette problématique, on

    assiste depuis une vingtaine d’années à des changements terminologiques propres à la façon de nommer et

    d’évoquer les états dans lesquels se trouvent ces patients. Les notions de coma, d'état végétatif ou d'état pauci-

    relationnel se voient en effet peu à peu substitués par les notions d'état minimal de conscience, d'éveil non-

    répondant ou d'éveil prolongé de coma. À grands coups d'imagerie médicale, de dispositifs expérimentaux et de

     protocoles de recherche innovants, des neurologues ont montré qu’un certain nombre de patients jusqu’ici jugés

    en état végétatifs – et donc incapable de communiquer – répondent à des stimuli. Leurs travaux ont ainsi participé

    à nourrir les débats scientifiques quant à la façon de définir l’éveil de coma et la conscience, contribuant ainsi à

    donner naissance à des dispositifs de prise en charge clinique spécialisés. Si d’un point de vue épidémiologique,

    scientifique, médical et médiatique, on assiste à un regain d’intérêt pour la thématique, force est de constater que

    très peu d’études en sciences sociales se sont focalisées sur l’évolution des dispositifs cliniques, politiques,

    économiques ou juridiques en la matière ou sur les enjeux éthiques que soulève la prise en charge des patients

    victimes d’états apparentés au coma.

    Malgré les avancées diagnostiques, le recours systématique à l’imagerie médicale et les moyens tant personnels

    que technologiques engagés, les cliniciens ne sont pas en mesure de lever l'incertitude sur le potentiel d'éveil ou

    de récupération des patients atteints de troubles de la conscience. Si le recours à l'imagerie permet bien de localiser

    les lésions et d'en apprécier l'étendue, elle ne permet ni de prédire l'importance des troubles neurologiques, ni le

     potentiel de récupération, ni l'évolution de l’état de santé. Dans ce contexte, j’effectue l’ethnographie d’une unité

    interdisciplinaire pilote de neuroréhabilitation précoce mise sur pied en 2011. À l’interface entre les soins intensifs,les centres de réhabilitation et les soins palliatifs, la mission de l’unité est d’organiser une filière spécialisée

     permettant d’établir des critères de sélection des patients, de délivrer des traitements visant à favoriser l’éveil et

    d’établir un plan d’orientation. Dans ce cadre, je m'intéresse plus précisément à la façon dont les activités

    quotidiennes des professionnels – menées en interaction avec des humains comme des non-humains – façonnent

    les évènements et rythment les prises de décision. Favorisant une approche pragmatique et phénoménologique, je

    m'attache à décrire la façon dont le travail clinique constitue la base tangible à partir de laquelle les acteurs

    accordent leur posture tout au long de la phase aigüe d’hospitalisation. Par la description des activités et

    interactions quotidiennes, mon objectif consiste à explorer les conditions de l'éthique en train de se faire. En ce

    sens, je cherche moins à questionner l'espace clinique en tant qu'il constitue un lieu ou se jouent des rapports de

  • 8/19/2019 Michael Cordey (2016) PENSER L'ETHIQUE EN ANTHROPOLOGIE

    3/9

    Michael Cordey | Demande de bourse Doc.Mobility (FNS)  Plan de recherche

     pouvoir, de domination ou d'autorité, qu'en tant qu'il constitue un dispositif plastique – fait d’objets techniques,

    d’objets familiers, de protocoles, de savoirs scientifiques, de diagnostic, de pronostic, de lois, de principes, de

    discussions ordinaires, de perception, d’émotions, de jugement, d’évaluation et d’épreuve de tangibilité – à partir

    duquel les acteurs donnent prise au langage, s’emparent de responsabilités, se déprennent d’engagements – bref,

    se saisissent quotidiennement de la question éthique et s’accordent au fil des activités quotidiennes.

     État actuel de la recherche et problématiques

     La littérature concernant la prise en charge des patients victimes d’états apparentés au coma

    Parmi le foisonnement d’études et de littérature à disposition en sciences sociales sur les enjeux éthiques de la

     pratique clinique, à ma connaissance, aucune d’entre elles ou presque ne s’est spécifiquement focalisée sur les

    dispositifs de prise en charge des patients victimes d’état apparenté au coma. Une grande majorité de la littérature

    sur le sujet provient en effet des cliniciens eux-mêmes et plus particulièrement de neurologues, médecins-

    réanimateurs, psychiatres, psychologues, mais aussi des sciences infirmières et des neuroéthiciens. Parmi les

    thématiques traitées, on trouve notamment des questionnements sur les enjeux éthiques liés aux mauvais

    diagnostics (Schnakers et al. 2009; Schnakers et Laureys 2011), aux questions juridiques, de représentation légale,

    de directive anticipée ou de volonté présumée (Bernat 2008; Schnakers et Laureys 2011; Wijdicks 2014), à la

    façon dont les nouvelles catégories diagnostiques modifient les représentations sociales et les attitudes des

     professionnels ou des proches (Eric Racine et Bell 2008; E Racine et al. 2008; Jox et al. 2012), aux enjeux de

    l’interdisciplinarité, à l’organisation des soins ou à la mise sur pied de filières spécialisées (Berney et al. 2011;

    Tasseau 2015), sur les besoins d’information et de soutien des familles et des proches tout au long de la phase

    aigüe d’hospitalisation (Baret et al. 2012; De Goumoëns 2014; Didier 2014), sur la difficulté des soins et les défis

    que doivent relever les soignants en matière d’éveil de coma (Balat 1998; Balat 2001; Baret et al. 2012; Minjard

    2014b; Puggina et al. 2012), sur le rôle que les familles peuvent jouer en la matière (Minjard, Talpin, et Ferrant

    2013), sur le rôle et la place que peuvent occuper les psychologues dans les unités de soins intensifs et d’éveil de

    coma (Mimouni et Scelles 2013; Minjard 2015), sur l’enjeu éthique de la reconnaissance et la gestion de la douleur

     par les soignants (Schnakers et Laureys 2011; Arbour 2013), sur le vécu de l’éveil de coma et l’identité des patients

    (Grosclaude 2009; Potter 2009), sur la controverse concernant la définition de l’alimentation artificielle et de

    l’hydratation comme traitement ou comme soins (Aubry 2008; Bernat 2008), sur la définition de la conscience

    (Bontridder et Bosman 2006; Schnakers et Laureys 2011), du soi (Minjard 2014a), du statut du patient en état

    minimal de conscience (Jox et al. 2012), de la personne (Demaison 2004; Defanti 2011) et de la définition de lavie et de la mort (Laureys 2005; Schumacher 2014).

    Parmi cette vaste littérature produite par les professionnels de la santé, une partie importante concerne les enjeux

    éthiques relatifs à la décision d’arrêter ou non les traitements en contexte d’incertitude. Cette littérature relève de

    nombreux facteurs susceptibles d’influencer le processus de prise de décision tels que les croyances, la culture, les

     projections, l’espoir, le diagnostic, le pronostic, leur interprétation, la situation familiale ou les rôles adoptés par

    les membres de la famille ou les proches (Eric Racine et al. 2009; Braun et al. 2009; Crozier 2010; Rodrigue et al.

    2011; Zier et al. 2012). Pour répondre aux enjeux éthiques liés à l’incertitude qui règne autour de l’évolution des

     patients en éveil de coma, certains auteurs mettent principalement l’accent sur les impératifs de communication

  • 8/19/2019 Michael Cordey (2016) PENSER L'ETHIQUE EN ANTHROPOLOGIE

    4/9

  • 8/19/2019 Michael Cordey (2016) PENSER L'ETHIQUE EN ANTHROPOLOGIE

    5/9

    Michael Cordey | Demande de bourse Doc.Mobility (FNS)  Plan de recherche

    Troisièmement, cette littérature a tendance à se focaliser sur les moments décisifs et les choix critiques, laissant

    de côté les activités ordinaires et les choix quotidiens qui marquent la trajectoire hospitalière et mènent aux

    situations d’urgence.

     L’anthropologie médicale et de la santé : enjeux éthiques, incertitude et prises de décision

    Si ces trois critiques – dispositif, épistémologie, focale – valent pour la littérature produite par les professionnels

    de la santé, elles valent aussi, en partie au moins, pour la littérature en sciences sociales. Comme dit précédemment,

    à ma connaissance, aucune recherche en sciences sociales ne s’est intéressée aux dispositifs de prise en charge des

     patients en éveil de coma et aux processus de décision en la matière. Du point de vue historique, en effet, ce sont

     principalement des neurologues (Sacks 1987), des neurochirurgiens (Cohadon 2000; Pheline 2001; Cohadon 2008;

    Bousigue 2015), des journalistes (Dellus 1999) ou des patients (Bauby 1997; Lieby et Chalendar 2013; Blanchin

    2015) qui offrent des témoignages, esquissant en creux, l’histoire des enjeux éthiques et des dispositifs cliniques

    de prise en charge.

    En revanche, les sciences sociales se sont depuis longtemps intéressées à la question du « faire vivre et du laisser

    mourir », pour paraphraser Michel Foucault (1975), et à la façon dont les sociétés gouvernent les questions de vie

    et de mort dans nos sociétés médicalisées. Depuis les années 50, de nombreuses études se sont attachées à couvrir

     – explicitement ou non – les enjeux éthiques des pratiques cliniques et hospitalières. Des études ont relevés des

    enjeux liés aux changements économiques, juridiques, épidémiologiques, technologiques et sociaux. D’autres se

    sont attachées à montrer le rôle des représentations sociales ou des cultures professionnelles. Certaines ont relevé

    les enjeux liés au changement de la figure du patient et de son statut. D’autres encore ont montré le poids de

    l’organisation sur le travail clinique mais aussi la marge que les acteurs – prestataires comme bénéficiaires – ontsur la négociation des traitements médicaux, des prises de décision et du partage des responsabilités. En forçant le

    trait, on parvient à dégager trois façons d’aborder les questions éthiques en matière de prise en charge de la maladie

    et du mourir et de processus de décision en contexte d’incertitudes. La première est constructiviste, social-

    historique et relève à la socio-anthropologie de la santé. La deuxième, relative aux ethnographies hospitalières, est

    clinique et organisationnelle. La troisième, cognitivo-interprétative, est relative à la sociologie et à l’anthropologie

    médicale. Elle s’intéresse plus particulièrement à l’étude du langage et aux enjeux de l’information et de la

    communication dans les relations médecins-patients. À chacune de ses perspectives correspond des façons bien

     particulières de conceptualiser et de problématiser les enjeux éthiques relatifs à la prise en charge et aux processus

    de décision médical que je discuterai brièvement ci-dessous

    1- La socio-anthropologie de la santé, telle que proposée par Raymond Massé (2007), Didier Fassin (2000; 2001),

    João Biehl (2013) ou encore Paul Farmer (2004), est soucieuse de dresser une critique des grands mouvements

    épidémiologiques, historiques et sociaux. Dans ce cadre, les évolutions dans nos façons de définir et de parler de

    la maladie et de la santé – que ce soit au niveau des acteurs politiques ou de la société civile – y sont pensées

    comme les révélateurs des changements culturels, normatifs et moraux d’une société. Cette approche, fondée sur

    une analyse historique des discours, se donne ainsi comme perspective critique d’identifier et d’articuler les grands

     principes selon lesquels les acteurs justifient leurs actes ou demandent aux autres de les justifier. En ce qui

    concerne la question vie/mort et les prises de décision médicales, cette posture est relativement proche des travaux

  • 8/19/2019 Michael Cordey (2016) PENSER L'ETHIQUE EN ANTHROPOLOGIE

    6/9

    Michael Cordey | Demande de bourse Doc.Mobility (FNS)  Plan de recherche

    de Catherine Rémy (2010) ou de Florence Burgat (Burgat 2006) qui étudient les frontières d’humanité et les statuts

    attribués aux êtres dans le contexte médical des xénogreffes. Elles montrent notamment comment les discours, les

     principes et les jugements moraux - permettant de distinguer l’homme et l’animal sur le plan biologique - ont

    évolué historiquement, allant aujourd’hui jusqu’à brouiller cette distinction et, parfois, la possibilité même de

    sacrifier la vie de l’un pour la vie de l’autre. Dans cette même perspective, les nombreux travaux concernant lessoins palliatifs et la gestion de la fin de vie, tels que ceux de Michel Castra par exemple (2010), identifient dans

    les modèles médicaux et les discours des acteurs, des principes normatifs et des valeurs morales. Plus

    généralement, cette approche renvoie aux nombreux travaux critiques adressés à l’avènement de la démocratie

    sanitaire dans nos sociétés occidentales contemporaines (Bureau et Hermann-Mesfen 2014; Ménoret 2015) et aux

    nombreux principes qui la compose tels que l’autonomie, l’information, la communication, le soutien,

    l’accompagnement, le consentement éclairé, la volonté présumée ou le consensus. Or, si certaines études menées

    en sciences sociales sur ces questions s’attachent à décrire les effets, contradictions, tensions et ambiguïtés de ces

     principes à partir de leur mise en œuvre par les acteurs qui y sont confrontés - et c’est notamment le cas des travaux

    de Sylvie Fainzang (2010) sur l’automédication ou de Philippe Bataille (2012) et de Yannis Papadaniel (2013) sur

    les soins palliatifs - une grande partie laissent de côté la façon dont les principes et les valeurs s’ancrent et

    s’articulent concrètement dans le travail clinique quotidien.

    2- Concernant les ethnographies hospitalières, un grand nombre d’entre elles se sont focalisées sur le poids que

    revêtent les institutions, l’organisation, la division du travail et les technologies dans les rapports sociaux, les

    modalités de prise en charge ou les prises de décision (Glaser et Strauss 1965; Sudnow 1967; Glaser et Strauss

    1968; Strauss 1992; Zussman 1992; Vassy 2004; Vassy et Couilliot 2011). Une partie importante de cette

    littérature met l’accent sur les rapports de classe et de pouvoir intrinsèques à la hiérarchisation hospitalière et aux

     professions (Peneff 1992; Olivier de Sardan et Jaffré 2003; van der Geest et Finkler 2004; Pouchelle 2008). En ce

    qui concerne les prises de décision d’arrêt de traitement ou de réorientation du plan médical, c’est principalement

    du côté des études menées dans des unités de soins intensifs qu’il faut se tourner pour trouver ce type de

    questionnement. Sur ce point, certains auteurs relèvent notamment le manque de cadre légal et de protocole ainsi

    que la zone grise dans lesquelles s’opèrent les décisions d’arrêt de traitement (Cassell 2005; Kentish-Barnes 2007).

    Dans ce contexte, Nancy Kentish-Barnes (2012) met l’accent sur les cultures institutionnelles des différents

    hôpitaux dans lesquels elle a mené des ethnographies. De son côté, désireuse d’enrichir les réflexions en matière

    de prise de décision, qu’elle juge parfois réduites aux contraintes institutionnelles et matérielles, Joan Cassel

    (2005), tout comme Anne Paillet (2007), s’attache à décrire les débats, les principes moraux invoqués et les pointsde vue des différents professionnels engagés dans des situations concrètes. Pour ces auteurs, il s’agit de

    cartographier l’espace des points de vue puis de les synthétiser sous forme de cultures professionnelles afin de

    rendre compte des raisons et des principes au nom desquels on décide. Les observations participantes sont ici

    mises à profit de la description d’une économie morale (Cassell 2005) ou d’une éthique « en acte » (Paillet 2007)

    dans lesquelles les actes de langage constituent des révélateurs culturels. Qu’ils soient de langage ou non, les actes

    sont ici considérés comme des révélateurs et non de l’activité qu’il s’agit de décrire et de questionner à partir de

    leur effet, de leur efficacité ou de leur performativité. Pour paraphraser Sjaak van der Geest et Kaja Finkler (2004),

    ces approches ethnographiques de l’hôpital envisagent la maladie, la médecine et la santé comme le reflet des

  • 8/19/2019 Michael Cordey (2016) PENSER L'ETHIQUE EN ANTHROPOLOGIE

    7/9

    Michael Cordey | Demande de bourse Doc.Mobility (FNS)  Plan de recherche

    normes et des valeurs morales d’une société et accordent peu de place à l’études des activités et des vies qui se

     jouent dans l’espace clinique.

    Dans une certaine mesure, cette critique peut être adressée aux travaux fondateurs de Barney Glaser et d’Anselm

    Strauss (1963) en matière d’ethnographie hospitalière, travaux qui ont notamment inspiré le travail d’IsabelleBaszanger (1986) autour du concept d’ordre négocié. Ces travaux, issus de l’École de Chicago, ont notamment

     participé à promouvoir l’idée selon laquelle l’ordre social est le résultat du travail des acteurs. Dans cette

     perspective, des négociations et des adaptations sont continuellement effectuées par ceux-ci en vue de maintenir

    l’équilibre et le fonctionnement des institutions sociales. Ces approches, empruntes de structuro-fonctionnalisme,

    mettent ainsi l’accent sur le fonctionnement organisationnel de l’hôpital. Bien que thématisant la question de

    l’incertitude, et notamment dans le contexte du mourir à l’hôpital (Glaser et Strauss 1965; Glaser et Strauss 1968),

    ces auteurs ne l’interrogent qu’en tant qu’elle constitue une menace pour l’ordre social et le bon fonctionnement

    de l’institution. Pour ceux-ci, l’adaptation des conduites et la production de l’ordre, constitue la réponse pratique

    à donner à l’incertitude. La critique principale qui peut être adressée à cette approche réside dans le manque

    d’attention porté aux processus et aux activités par lesquels les acteurs accordent leurs conduites dans l’incertain.

    Si l’on accepte d’opérer ce changement de perspective, alors il ne s’agit plus de décrire le travail des acteurs en

    tant qu’il produit de l’ordre et de la certitude ou qu’il leur permet de savoir comment se conduire dans telle ou

    telle circonstance. Il s’agit, en revanche, de décrire et d’interroger les activités à partir desquelles ils parviennent

    ou non à s’accorder et à conjurer ainsi l’incertain. C’est là tout l’enjeu éthique pointé par le travail d’Annemarie

    Mol (2009) d’Anne Lovell, de Stefania Pandolfo et de Veena Das (2013), mais aussi par les travaux philosophiques

    de Sandra Laugier (2013) ou de Cora Diamond (2011) autour de l’éthique du care.

    3- De la même façon, ces critiques peuvent s’appliquer, en partie au moins, à la sociologie et à l’anthropologie

    médicale. Dans ce domaine, on ne compte plus, les études sur les relations médecins-patient et le rôle que

    l’information et la communication jouent sur les décisions en situation de risque ou d’incertitude. De nombreux

    recherche portent ainsi sur les enjeux en matière d’alliance thérapeutique, d’observance au traitement, d’itinéraire

    thérapeutique ou de transformations identitaires. L’anthropologie médicale s’est notamment beaucoup intéressée

    à la question de l’annonce de la maladie et du diagnostic en tant qu’événement susceptible d’affecter et de

    désorganiser la vie d’un individu dans son ensemble (Augé 1984; Baszanger 1986) et à la façon dont cet événement

    donne lieu à une quête de sens (Good 1998) et à des reconfigurations biographiques et identitaires (Herzlich et

    Pierret 1984; Rossi 2007). Souvent basées sur des entretiens compréhensifs, ce type d’étude a principalement pourobjectif de faire entendre le point de vue des patients dans le champ médical en restituant la façon dont ceux-ci

    donnent sens au vécu de la maladie. En articulant les récits de l’expérience de la maladie aux logiques d’actions

    décrites par les acteurs, cette approche a notamment permis de montrer que les comportements de santé ne sont

     pas réductibles à une pure logique biomédicale (Baszanger 1986; Fainzang 1997; Mino 2010). Partant du décalage

    entre le sens que les professionnels et les patients donnent à la maladie – et notamment du décalage entre

    diagnostic, pronostic, étiologie, traitement (Laplantine 1993) – certains auteurs se sont intéressés aux enjeux

    éthiques de la circulation de l’information et de la communication médecin-patient. Ils ont notamment montré que

    celle-ci dépend de la culture des professionnels (Zolesio 2012) et de l’appartenance sociale des patients (Fainzang

    2006). Hormis ces constats sociologiques, certains auteurs se sont plus précisément intéressés aux enjeux éthiques

  • 8/19/2019 Michael Cordey (2016) PENSER L'ETHIQUE EN ANTHROPOLOGIE

    8/9

    Michael Cordey | Demande de bourse Doc.Mobility (FNS)  Plan de recherche

    du mensonge, de la rétention d’information, du secret et des non-dits (Saillant 2006; Fainzang 2006; Mino 2010).

    En étudiant les pratiques des professionnels et les principes selon lesquels ils décident de dire ou de ne pas dire,

    Sylvie Fainzang (2006) et Jean-Christophe Mino (2010) ont décidé de mettre l’accent sur les rapports de pouvoir.

    Pour ces auteurs, le mensonge ou la rétention d’information a ainsi tendance à se réduire à un moyen visant une

    fin : influencer le patients en vue de son adhésion à l’étiologie et au traitement proposé par le médecin. Or, ceglissement de l’analyse des pratiques discursives vers une analyse des logiques argumentatives a tendance à mettre

    de côté la question éthqiue de l’engagement des médecins vis-à-vis de leurs patients, question qui pourtant

    transparaît tout au long de leur écrit respectif. Le point aveugle de ces approches réside dans le fait de réduire la

    question éthique de l’information à la question du choix. Bien informer, c’est garantir le libre arbitre et le choix

    des patients. En outre, à l’exemple du travail d’Aaron Cicourel (2002), l’analyse de la question de l’information

    et de la communication se focalise, ici encore, sur le moment précis du face à face entre le médecin et le patient,

    laissant de côté tout ce qui amène un médecin ou un patient à parler de telle ou telle manière dans telle ou telle

    situation. Sur cette question, le travail d’Annemarie Mol (2003) est une fois encore exemplaire, dans la mesure où

    elle nous invite à envisager les enjeux éthiques du partage de l’information et de la communication comme un

     processus incertain, sans cesse travailler par les acteurs, qu’il convient de décrire et de mettre en perspective à

     partir de ce qu’ils essaient de dire et de faire plutôt qu’à partir de notre volonté de diagnostiquer ce qu’ils disent et

    ce qu’ils font.

    À propos d’incertitude, la sociologie médicale a passablement travailler la problématique ouvrant à un

    questionnement sur sa transmission et son partage entre les professionnels de la santé, les patients, les familles ou

    les proches (Ptacek et Eberhardt 1996; Ménoret 2007). Le travail pionnier de Renée Claire Fox (1959), élève de

    Talcott Parons, a décrit plusieurs types d’incertitude et mis l’accent sur son caractère irréductible dans l’exercice

    de la pratique médicale. De son côté, Fred Davis (1960; 1963) à montré comment l’incertitude constituait une

    ressource avec laquelle jouent les acteurs afin de contrôler la situation. Plus récemment, Nicholas Christakis

    (1999), élève de Fred Davis, a axé son travail sur la dimension prophétique du pronostic médical. Pour résumer,

    l’ensemble de ces travaux se focalise soit sur des typologies et des essais de définition de l’incertitude, soit sur

    l’incertitude en tant qu’une ressource permettant aux acteurs de gérer la situation. Si une partie de ces travaux a

     permis de montrer que les acteurs peuvent jouer avec l’incertain, aucun de ces travaux ne s’est intéressé à la façon

    dont certitude et incertitude se font et se défont collectivement, au fil des activités cliniques et des interactions. Ce

    n’est que très récemment, par le développement d’une sociologie du diagnostic, portée notamment par Sarah

     Nettleton (2011; 2014), John Gardnet (2011) mais aussi par le travail d’Annemarie Mol (2003), que les chercheursen sciences sociales s’intéressent – de façon rarement explicite – aux enjeux éthiques du travail clinique, du

    diagnostic, du pronostic et de l’incertain des façon processuel, autrement dit, en tant que fruit du travail et des

    activités collectives. À ce propos, Simone Bateman (2010) fait le constat d’un manque crucial d’études en la

    matière tandis que Julian Reynier (2007) rappelle qu’il serait intéressant de s’intéresser à tout le travail nécessaire

    en amont avant de délivrer une information – tel un diagnostic ou un pronostic – ainsi que tout le travail que cela

     produit en amont.

    Conclusion : penser les enjeux éthiques en anthropologie

    Tournant éthique : éthique située et multi-située, éthique en acte, éthique ordinaire

  • 8/19/2019 Michael Cordey (2016) PENSER L'ETHIQUE EN ANTHROPOLOGIE

    9/9

    Michael Cordey | Demande de bourse Doc.Mobility (FNS)  Plan de recherche

    Objectifs

    Questions de recherche

     Méthodes

     État d’avancement de mes travaux de recherche

     Importance du projet

    CALENDRIER DU PROJET 

    IMPORTANCE DU LIEU DE TRAVAIL 

    IMPORTANCE POUR LA FORMATION PERSONNELLE 

    INTENTIONS DE PUBLICATIONS 

    BIBLIOGRAPHIE