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Son Excellence Monsieur Philippe DOUSTE-BLAZY Ministre des Affaires étrangères Quai d'Orsay 37 F - 75007 – PARIS Commission Européenne/Europese Commissie, B-1049, Bruxelles – Belgique – Téléphone : + 32 2 299.11.11. COMMISSION EUROPÉENNE Bruxelles, le 21.XII.2005 C(2005)5412 final Objet : Aide d’Etat N 531/2005 – France Mesures liées à la création et au fonctionnement de la Banque Postale Monsieur le Ministre, 1. Procédure 1. Le 26 janvier 2005, les autorités françaises ont informé la Commission de leur décision de placer les activités bancaires et d’assurances de La Poste dans une filiale (ci-après la Banque Postale) détenue initialement à 100% par La Poste et créée sous la forme d'une Société Anonyme à directoire et conseil de surveillance ayant le statut d’établissement de crédit. Depuis lors, les autorités françaises ont tenu la Commission informée du processus législatif engagé. 2. Le 18 mai 2005, les autorités françaises ont remis à la Commission le projet de loi relatif à la régulation des activités postales. La loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, adoptée par l’Assemblée Nationale le 20 mai 2005, a été publiée au journal officiel le 21 mai 2005. Les autorités françaises ont également transmis un ensemble de documents concernant entre autres la comptabilité analytique de La Poste et les projets de contrats entre La Poste et sa filiale. 3. Des réunions techniques ont ensuite eu lieu les 24 mai 2005, 1er et 9 juin 2005 et 19 juillet 2005. 4. Le 21 juillet 2005, une plainte formelle concernant la création de la Banque Postale a été adressée à la Commission au titre de l’article 20 paragraphe 2 du règlement (CE) n°659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE 1 . Cette plainte formelle expose quatre griefs principaux à l’encontre de la création de la Banque Postale: 1 Journal officiel n° L 083 du 27/03/1999 p. 0001 - 0009

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Son Excellence Monsieur Philippe DOUSTE-BLAZY Ministre des Affaires étrangères Quai d'Orsay 37 F - 75007 – PARIS Commission Européenne/Europese Commissie, B-1049, Bruxelles – Belgique – Téléphone : + 32 2 299.11.11.

COMMISSION EUROPÉENNE

Bruxelles, le 21.XII.2005

C(2005)5412 final

Objet : Aide d’Etat N 531/2005 – France

Mesures liées à la création et au fonctionnement de la Banque Postale

Monsieur le Ministre,

1. Procédure

1. Le 26 janvier 2005, les autorités françaises ont informé la Commission de leur décision de placer les activités bancaires et d’assurances de La Poste dans une filiale (ci-après la Banque Postale) détenue initialement à 100% par La Poste et créée sous la forme d'une Société Anonyme à directoire et conseil de surveillance ayant le statut d’établissement de crédit. Depuis lors, les autorités françaises ont tenu la Commission informée du processus législatif engagé.

2. Le 18 mai 2005, les autorités françaises ont remis à la Commission le projet de loi

relatif à la régulation des activités postales. La loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, adoptée par l’Assemblée Nationale le 20 mai 2005, a été publiée au journal officiel le 21 mai 2005. Les autorités françaises ont également transmis un ensemble de documents concernant entre autres la comptabilité analytique de La Poste et les projets de contrats entre La Poste et sa filiale.

3. Des réunions techniques ont ensuite eu lieu les 24 mai 2005, 1er et 9 juin 2005 et

19 juillet 2005.

4. Le 21 juillet 2005, une plainte formelle concernant la création de la Banque Postale a été adressée à la Commission au titre de l’article 20 paragraphe 2 du règlement (CE) n°659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE1. Cette plainte formelle expose quatre griefs principaux à l’encontre de la création de la Banque Postale:

1 Journal officiel n° L 083 du 27/03/1999 p. 0001 - 0009

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- les insuffisances de la comptabilité analytique de La Poste; - le droit spécial de distribuer le livret A ; - les distorsions liées aux régimes sociaux résultant en particulier du

considérable passif social des retraites des fonctionnaires ; - les garanties d’Etat dont bénéficiera le nouvel établissement de crédit,

notamment la garantie d’Etat dont bénéficie La Poste et la garantie d’Etat sur les produits réglementés (hors livret A).

En marge de ces griefs qualifiés par le plaignant de « majeurs », la plainte mentionne :

- l’insuffisance des fonds propres de la Banque Postale; - l’exonération de La Poste à la taxe professionnelle qui bénéficierait

indirectement à la Banque Postale; - des avantages immatériels constituant des éléments du fonds de

commerce des services financiers de La Poste, qui bénéficieront à la Banque Postale et qui devraient lui être transférés.

5. Les autorités françaises ont transmis à la Commission un dossier d’information

complet sur la création de la Banque Postale le 24 octobre 2005. Le 26 octobre 2005, les autorités françaises ont invité la Commission à adopter une décision au titre de l’article 4 paragraphe 2 du règlement (CE) n°659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE. Les autorités françaises ont également indiqué qu’elles estiment que les mesures considérées ne constituent pas des aides d’Etat au sens de l’article 87 paragraphe 1 du traité CE.

6. Le 7 décembre 2005, la Commission a reçu une seconde plainte formelle

soulevant 6 griefs à l’encontre de la Banque Postale : - le droit spécial de distribuer le livret A ; - la mise à disposition du réseau de bureaux de poste ; - les personnels mis à disposition de la Banque Postale ; - les retraites (insuffisance de la soulte versée par la Banque Postale au

titre du financement des retraites des fonctionnaires et exonération des cotisations d’assurance-chômage) ;

- la garantie illimitée de l’Etat dont bénéficie La Poste ; - les avantages immatériels conférés à la Banque Postale.

7. Le 16 décembre 2005, dans le cadre de la plainte déposée le 7 décembre 2005, les

plaignants attirent l’attention de la Commission sur les points suivants :

- les aides d’Etat résultant du droit exclusif accordé à La Banque Postale de distribuer le livret A constituent des aides nouvelles ;

- les coûts relatifs à la création de la Banque Postale engagés avant le 1er janvier 2006 doivent être pris en charge par la Banque Postale ;

- les aides d’Etat accordées à La Banque Postale ont pour conséquence d’élever des barrières à l’entrée sur les marchés bancaires et financiers et de créer des distorsions de concurrence.

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8. La présente décision porte sur l’opération de filialisation des services financiers

de La Poste. Elle ne couvre pas les questions liées aux régimes sociaux des personnels de La Poste mis à disposition de la Banque Postale et le droit spécial de distribuer le livret A qui seront traités séparément par la Commission. La garantie illimitée de l’Etat à La Poste fera l’objet d’une procédure séparée. Toutefois, les effets de cette garantie sur la Banque Postale sont traités dans la présente décision.

2. Le cadre de référence national

9. Demandés par les maires ruraux sous le Second Empire, les premiers services financiers de La Poste prennent leur essor à la fin du 19ème siècle. L'Etat confie alors à La Poste des missions financières dans les zones les plus reculées du territoire, non desservies par les banques privées.

10. L’article 2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service

public de la poste et des télécommunications2 a confirmé les compétences de La Poste en matière de services financiers et les a élargies.

11. L’Etat français et La Poste ont récemment convenu de placer les activités

financières de La Poste dans un cadre de droit commun. Les modifications apportées au cadre réglementaire des activités financières de La Poste sont inclues dans la loi n° 2005-516 relative à la régulation des activités postales du 20 mai 2005 (ci-après la loi postale).

12. La réforme du cadre réglementaire de prestation des services financiers de La

Poste s’articule autour de trois axes:

a) Filialisation de l’ensemble de l’activité des services financiers

13. L’article 16 de la loi postale comprend les dispositions nécessaires à la création d’un établissement de crédit, la Banque Postale3, filiale à 100% de La Poste à partir du 1er janvier 2006. Le 30 novembre 2005, la Banque Postale a reçu l’agrément de son autorité de tutelle, le Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (CECEI).

14. Le 31 décembre 2005, La Poste transférera à sa filiale l’ensemble des biens, droits

et obligations de toute nature liés aux services financiers4, y compris les fonds

2 La loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 a créé deux personnes morales de droit public, La Poste et France Télécom,

placées sous la tutelle du ministre chargé des postes et télécommunications.

3 En tant que Société Anonyme de droit commun, la Banque Postale sera passible des dispositions de droit commun, en particulier la loi n°85-98 relative au règlement et à la liquidation judiciaire des entreprises. A ce titre, elle ne bénéficiera pas d’une garantie illimitée de l’Etat.

4 Article 5 du décret n°2005-1068 du 30 août 2005 pris pour l’application de l’article 16 de la loi relative à la régulation des activités postales

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propres nécessaires à la couverture des obligations prudentielles relatives aux encours transférés et dont le respect incombe entièrement à la seule Banque Postale à partir du 1er janvier 2006. En tant qu’établissement de crédit, la Banque Postale sera en effet soumise à l’ensemble de la réglementation prudentielle et aux contrôles prudentiels de droit commun exercés par la Commission Bancaire.

15. Seront ainsi transférés pour un montant de […]* les écarts d’acquisition

enregistrés au bilan de La Poste qui concernent les activités de services financiers. Ces écarts d’acquisition représentent les différences entre le prix payé par La Poste lors de rachats d’entreprises actives dans les services financiers et la somme de valeurs attribuées à chaque élément du bilan de celles-ci. Ces différences reflètent la valeur de facteurs non définis tels que la main d’œuvre qualifiée, la clientèle, la position de marché ou l’image de marque. La filialisation des activités financières de La Poste ne créera pas d’écart d’acquisition supplémentaire par rapport à la situation actuelle étant donné que, conformément au droit comptable, cet actif immobilisé ne peut être reconnu et capitalisé que lors d’une acquisition et non dans le cadre d’une filialisation à 100%.

16. Le plan d’affaires de la Banque Postale prévoit que cette dernière versera à La

Poste […] de son résultat social sous forme de dividendes.

b) Alignement des conditions de gestion des produits d’épargne réglementée sur le droit commun

17. Ainsi que le prévoit l’article 16 de la loi postale, les comptes courants postaux

(CCP) seront assujettis au droit commun des comptes de dépôts dès la création de la Banque Postale.

18. La Banque Postale assumera directement les activités actuellement mises en

œuvre par La Poste au titre de la CNE5, ce qui signifie qu’elle disposera, dans des conditions analogues à celles des autres établissements de la Place, de l’épargne collectée au titre des produits réglementés (à l’exception du livret A dont l’encours est centralisé à la Caisse des Dépôts et Consignation) et qu’il sera mis un terme à la garantie de l’Etat sur les dépôts d’épargne (voir paragraphe 3.1.2.).

19. La Banque Postale exercera dès sa création l’ensemble des activités exercées

actuellement par les services financiers de La Poste. Les compétences de la Banque Postale sont étendues aux crédits immobiliers sans épargne préalable.

* Information couverte par le secret professionnel.

5 La Caisse nationale d’épargne (CNE) est une caisse d’épargne publique, créée en 1881, non dotée de la personnalité morale. Elle a été créée pour recevoir des dépôts au titre d’un certain nombre de produits d’épargne réglementés (initialement les livrets de caisse d'épargne, dont les Livrets "A", puis, lors de leur création, les produits de l'Epargne–Logement, les Comptes pour le Développement Industriel, les livrets et plans d'épargne populaire). La CNE ne dispose d’aucun moyen propre (ni locaux, ni personnel) ni d’organes de direction spécifiques. Pour la distribution des produits dont elle reçoit les dépôts, la CNE a toujours dépendu intégralement des services postaux.

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c) Clarification des flux financiers entre la Banque Postale et La Poste

20. La loi postale autorise La Poste à « offrir, au nom et pour le compte de la Banque

Postale et dans le respect des règles de concurrence toute prestation concourant à la réalisation de son objet »6. Elle impose par ailleurs à La Poste et à l'établissement de crédit de conclure une ou plusieurs conventions (ci-après conventions de service) « en vue de déterminer les conditions dans lesquelles l’établissement de crédit recourt, pour la réalisation de son objet, aux moyens de La Poste, notamment à son personnel »7.

21. Les conventions de service, qui seront validées par le conseil d’administration de

La Poste et par son actionnaire, organisent dans un cadre contractuel de droit commun, les conditions, y compris financières, dans lesquelles la Banque Postale aura recours aux moyens de La Poste.

22. Les conventions de service ont été soumises à l’examen des autorités en charge de

l’agrément de la Banque Postale en tant qu’établissement de crédit. Ces autorités seront par ailleurs saisies de toute modification ultérieure éventuelle de ces conventions.

23. Afin de garantir la transparence de ces conventions, la loi postale prévoit que ces

relations seront contrôlées par la Cour des Comptes dans les deux ans qui suivront la création de la Banque Postale8. Le rapport de la Cour des Comptes sera transmis au Parlement.

3. Description des mesures notifiées

24. Les mesures notifiées susceptibles de constituer des aides d’Etat au titre de l’article 87 paragraphe 1 du Traité CE sont de deux types : les mesures liées à la création de la Banque Postale et les mesures liées au fonctionnement de celle-ci.

3.1. Les mesures liées à la création de la Banque Postale

25. Les mesures liées à la création de la Banque Postale sont l’apport en fonds propres de La Poste à la Banque Postale et la garantie d’Etat sur les produits d’épargne réglementée (hors livret A).

3.1.1. L’apport en fonds propres de La Poste à la Banque Postale

26. Conformément à l’article 16 de la loi postale et à l’article 5 du décret n°2005-1068 du 30 août 2005 pris pour l’application de la loi n°2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, La Poste créera un établissement de crédit, la Banque Postale, qui se verra transférer, le 31 décembre 2005, l’ensemble

6 Article 16 I 2 de la loi 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales

7 Article 16 III 1 de la loi 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales

8 Article 16 II 7 de la loi 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales

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des biens, droits et obligations liés aux services financiers, y compris les fonds propres nécessaires à la couverture des obligations prudentielles relatives aux encours transférés.

27. Les autorités françaises indiquent que les fonds propres transférés à la Banque

Postale sont les fonds propres actuellement attachés aux services financiers de La Poste. Ces fonds propres correspondent :

- aux fonds propres d’Efiposte, une filiale à 100% de La Poste créée en

2000, qui assure la gestion financière des CCP (EUR 300 millions) ;

- à la contrepartie comptable d’actifs identifiés transférés par La Poste à la Banque Postale (par exemple : SF2, holding créée en 2000, qui gère les filiales et participations du groupe La Poste dans les services financiers, hors Efiposte), soit de l’ordre de EUR 1,6 milliard ;

- et aux fonds propres liés aux activités de La Poste au titre de la CNE, soit

de l’ordre de EUR 1 milliard.

28. Le transfert des biens, droits et obligations liés aux services financiers de La Poste sera réalisé, conformément au droit commun, par voie d’apport de La Poste à la Banque Postale, portant sur un ensemble d’actifs et de passifs constituant une branche d’activités.

29. Les apports de La Poste à la Banque Postale seront réalisés à la valeur nette

comptable9. En effet, selon les normes comptables en vigueur, s’agissant d’opération de fusions et assimilées réalisées entre des entités sous contrôle commun (dans le cas d’espèce, La Poste contrôle et contrôlera la Banque Postale), les apports doivent être réalisés à la valeur comptable et être inscrits dans les comptes de la société bénéficiaire pour les valeurs figurant dans le traité d’apport.

30. Sur le plan fiscal, le transfert des biens, droits et obligations liés aux services

financiers de La Poste est éligible, dans les conditions de droit commun, au régime des fusions et apports partiels d’actifs10. Le régime fiscal de droit commun prévoit notamment que l’apporteur s’engage, dans le traité d’apport, à calculer les plus values de cession ultérieures de ses titres par rapport à la valeur fiscale que les bien apportés avaient dans ses propres écritures, dans la mesure où, s’agissant d’une restructuration interne, l’opération devra être réalisée en valeur nette comptable.

31. La mesure notifiée susceptible d’être qualifiée d’aide d’Etat au sens de l’article 87

paragraphe 1 est l’apport en fonds propres de La Poste à sa filiale.

9 Article 2 du décret n°2005-1068 du 30 août 2005 pris pour l’application de l’article 16 de la loi relative à la

régulation des activités postales, conformément au règlement du Comité de la régulation comptable n°2004-01 du 4 mai 2004 qui s’applique aux fusions et opérations assimilées réalisées à compter du 1er janvier 2005.

10 Conformément à la directive du 23 juillet 1990 (90/434/CEE) telle que transposée en droit français par les articles 210 0A et suivants du Code Général des Impôts.

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3.1.2. La garantie de l’Etat sur les produits d’épargne réglementée (hors livret A)

32. Dans le cadre actuel de gestion de l’épargne réglementée, les épargnants ouvrant

leur compte auprès de La Poste bénéficient de la garantie de l’Etat, La Poste n’adhérant pas au mécanisme de Place.

33. L’article 16 II 2. de la loi postale prévoit que : « Pendant une durée de deux ans à

compter de la publication de la présente loi, les fonds de comptes, livrets et contrats transférés en application de l’alinéa précédent bénéficient de la garantie prévue à l’article 518-26 du code monétaire et financier dans des conditions définies par une convention conclue entre l’Etat et l’établissement de crédit (…). »

34. Le décret n°2005-1068 du 30 août 2005 pris pour l’application de la loi n°2005-

516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales dispose que le transfert de ces comptes11 de La Poste à la Banque Postale aura lieu le 31 décembre 2005 (article 5) et que les fonds déposés sur ces comptes continueront à bénéficier de la garantie de l’Etat pendant une durée d’un an à compter de la date du transfert (article 8).

35. La garantie de l’Etat :

- ne couvrira que la fraction de dépôts supérieure au plafond de couverture du

fonds de droit commun (70 000 €) étant donné que la Banque Postale, en tant qu’établissement de crédit, adhérera dès sa création au fonds de garantie des dépôts12 conformément à l’article L312-4 du code monétaire et financier et s’acquittera de la cotisation prévue par la réglementation13;

- ne couvrira que les comptes et livrets transférés de La Poste à la Banque

Postale et non les comptes et livrets ouverts après le 31 décembre 2005 ; - et sera rémunérée sur base de conditions précisées dans une convention

conclue entre l’Etat et la Banque Postale (article 8 du décret précité).

36. La mesure notifiée susceptible d’être qualifiée d’aide d’Etat au sens de l’article 87 paragraphe 1 est la garantie de l’Etat dont bénéficieront les fonds visés par l’article 16 II 2. de la loi postale.

11 Les articles 2 et 4 du même décret précisent les comptes qui continueront à bénéficier de la garantie d’Etat

conformément à l’article 8 du même décret. Il s’agit des comptes « Epargne-logement de la CNE », « Plans d’épargne populaire de la CNE » et « CODEVI ».

12 Le fonds de garantie des dépôts, institué par la loi n°99-532 du 25 juin 1999, a pour objet d'indemniser les déposants en cas d'indisponibilité de leurs dépôts ou autres fonds remboursables.

13 La cotisation est fonction du montant des dépôts et du niveau de risque apprécié au regard de ses ratios prudentiels.

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3.2. Les mesures liées au fonctionnement de la Banque Postale

37. L’architecture de fonctionnement de la Banque Postale retenue par les autorités françaises prévoit que cette dernière aura recours aux moyens humains et physiques de La Poste pour la réalisation de son objet. Les conventions de service conclues en application de l’article L. 518-25 du Code monétaire et financier entre La Poste et sa filiale précisent les conditions dans lesquelles la Banque Postale recourra aux moyens de La Poste.

38. Un accord-cadre a été conclu entre La Poste et la Banque Postale aux fins de

déterminer les principes fondamentaux régissant l’ensemble des conventions conclues en application de l’article L. 518-25 précité.

39. Les conventions de service sont de deux types : les conventions de recours au

personnel et les conventions de prestation de services.

3.2.1. Les conventions de recours au personnel de La Poste 40. Etant donné que la Banque Postale supportera directement l’ensemble des coûts

liés à l’utilisation des actifs transférés par La Poste14, les coûts de personnel constituent les seuls éléments à charge de La Poste qui seront entièrement dédiés aux services financiers et qui seront refacturés à la Banque Postale.

41. Les conventions de recours au personnel, au nombre de trois, concernent les

activités de la Banque Postale pour lesquelles La Poste met en œuvre des moyens qui leur sont entièrement dédiés.

42. La mise à disposition exclusive des personnels de La Poste à la Banque Postale lui

sera facturée « à l’euro/l’euro » sur base du coût réel total15 des personnels dédiés dans le cadre d’un groupement de moyens fiscal au sens de l’article 261B du Code Général des Impôts.

43. Le groupement de moyens, constitué par La Poste, la Banque Postale et d’autres

filiales du groupe La Poste, non doté de la personnalité morale, gère l’ensemble des moyens humains et matériels correspondant aux prestations prévues par les conventions d’application. Ces conventions concernent la force commerciale des services financiers, les moyens de back office bancaire que constituent les Centres Régionaux des Services Financiers (CRSF) et les Directions Informatiques des Services Financiers (DISF). Dans le cadre des conventions d’application, le personnel de La Poste réalise des activités au nom et pour le compte de la Banque Postale selon les directives de cette dernière.

44. Les conditions de facturation à « l’euro/l’euro » des prestations du groupement de

moyens à la Banque Postale font l’objet d’une convention entre La Poste et la

14 Les charges de fonctionnement et d’amortissement des entités dédiées aux services financiers seront

supportées directement par la Banque Postale dès lors que les actifs correspondants lui sont transférés.

15 y compris les coûts d’encadrement, de support et d’immobilier.

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Banque Postale appelée « Convention de mise en œuvre du groupement de moyens ».

45. Cette convention prévoit une facturation mensuelle à la Banque Postale, qui

représente un acompte mensuel sur le remboursement des coûts de personnel et des autres frais du mois en cours, dont le montant est calculé sur la base du 1/12ème du total estimé des coûts annuels de personnel et des autres frais. La facturation mensuelle est envoyée à la Banque Postale au plus tard le premier jour ouvré suivant le 10 de chaque mois. Le paiement des factures adressées par La Poste à la Banque Postale est exigible au plus tard le 20 ou le dernier jour ouvré précédent le 20 du mois de leur réception par la Banque Postale. Aux clôtures comptables semestrielles (juin et décembre), La Poste effectue une régularisation des acomptes versés par la Banque Postale et la facturation des différences éventuelles.

46. La mesure notifiée susceptible d’inclure des éléments d’aide d’Etat au sens de

l’article 87 paragraphe 1 du traité CE est la convention de mise en œuvre du groupement de moyens qui définit les conditions financières du recours de la Banque Postale au personnel de La Poste.

3.2.2. Les conventions de prestation de services

47. Les conventions de prestation de services, au nombre de six, concernent les prestations de service fournies par La Poste à la Banque Postale avec des moyens non exclusivement dédiés. Il s’agit pour l’essentiel des prestations de front office réalisées au guichet.

48. Dans le cadre des conventions de prestation de services, La Poste agit comme

prestataire de services pour la Banque Postale. A chaque activité prestée correspond un tarif qui est fixé pour trois ans et qui couvre au minimum les coûts directs et indirects de La Poste attribuables aux activités financières.

49. Les différentes conventions de prestation de services prévoient une facturation

mensuelle à la Banque Postale, qui représente le prix du 12ème du volume annuel prévisionnel d’activités. La Poste effectue une régularisation des acomptes versés par la Banque Postale au fur et à mesure de la disponibilité des données et facturation des différences éventuelles. Le rythme de la facturation et les modalités de paiement dans le cadre des conventions de prestation de service sont identiques à ceux décrits au point 45.

50. Les mesures notifiées susceptibles d’inclure des éléments d’aide d’Etat au sens de

l’article 87 paragraphe 1 du Traité CE sont les conventions de prestation de service qui définissent les conditions financières du recours de la Banque Postale aux prestations de services de La Poste.

4. Evaluation de l’apport en fonds propres de La Poste à la Banque Postale

51. Selon les autorités françaises, les fonds propres transférés par La Poste à la Banque Postale ne comportent pas de capital frais. Ne sont en effet transférés à la Banque Postale que les fonds propres attachés actuellement aux activités des

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services financiers de La Poste. S’agissant en particulier des fonds propres relatifs à l’épargne collectée par La Poste, il s’agit exclusivement des fonds propres existants affectés aux biens, droits et obligations transférés.

52. Par ailleurs, la valorisation des fonds propres transférés à la Banque Postale sera

effectuée en vertu des règles comptables applicables en France à la ségrégation d’activités entre une maison mère et sa filiale.

53. Par conséquent, la Commission constate que les modalités de constitution des

fonds propres de la Banque Postale s’analysent comme le simple redéploiement et la réorganisation de la structure d’actionnariat de certaines activités économiques contrôlées par l’Etat, sans ajout de capital frais pour ces activités.

54. Conformément aux règles régissant les apports en capital réalisés par l’Etat16, la

Commission estime que, compte tenu de la situation au moment du transfert de l’activité des services financiers de La Poste vers la Banque Postale, la mesure en question, à savoir l’apport en fonds propres de La Poste à sa filiale sans ajout de capital frais, ne constitue pas une aide au sens de l’article 87 paragraphe 1 du traité CE. La vérification de l’adéquation du niveau des fonds propres de la Banque Postale au volume et à la nature de ses activités n’est pas du ressort de la Commission. Le CECEI, en charge de l’agrément, s’est chargé de cette vérification au regard des normes prudentielles en vigueur.

5. Evaluation de la garantie de l’Etat sur les produits réglementés (hors livret A)

55. La Commission estime qu’une garantie de l’Etat ne confère pas d’avantage économique, et donc ne constitue pas une aide au sens de l’article 87 paragraphe 1 du traité CE, si la garantie donne lieu au paiement d’une prime au prix du marché (qui est entre autres fonction du montant et de la durée de la garantie, de la sûreté donnée par l’emprunteur, de sa situation financière, du secteur d’activité et des perspectives, des taux de défaillance et d’autres conditions économiques)17.

56. Dans le cas d’espèce, les fonds, déposés sur les comptes et livrets18 transférés à la

Banque Postale bénéficieront de la garantie de l’Etat du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006. La Banque Postale rémunèrera l’Etat au travers d’une convention pour la fraction des dépôts supérieure à EUR 70 000 (soit le plafond de couverture du fonds de droit commun).

57. Les autorités françaises se sont engagées à ce que le calcul de la rémunération

payée par la Banque Postale à l’Etat au titre de la garantie s’inscrive dans l’esprit

16 Application des articles 92 et 93 du traité CE aux prises de participation publiques (BULL. CE 9-1984),

point 3.1.

17 Communication de la Commission sur l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d’Etat sous forme de garanties (2000/C 71/07)

18 visés par les articles 2 et 4 du décret n°2005-1068 du 30 août 2005 pris pour l’application de la loi n°2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales

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des accords de Bâle II19. L’approche retenue pour calculer la prime payée à l’Etat s’inspire donc des méthodes utilisées par les banques pour déterminer leurs besoins en fonds propres réglementaires nécessaires à la couverture du risque de crédit.

58. La tarification de la garantie de l’Etat reposera sur la probabilité de défaut de la

Banque Postale et le montant exposé au défaut. 59. La probabilité de défaut de la Banque Postale sera obtenue à partir des analyses

statistiques de défaut des grandes entreprises publiées par les agences de notation internationalement reconnues, établies par catégorie de notation externe. La notation de la Banque Postale utilisée pour le calcul de sa probabilité de défaut sera celle définie au point 94 de la présente décision.

60. Le montant exposé correspondra au montant des dépôts bénéficiant de la garantie,

c’est-à-dire la part supérieure à EUR 70 000 des fonds confiés à la Banque Postale par des déposants disposant d’un patrimoine supérieur à EUR 70 000. L’ « exposition au défaut » de la Banque Postale sera de l’ordre de […].

61. Sur base des données actuelles et de l’hypothèse que la Banque Postale a une

valeur intrinsèque équivalente à la notation externe la plus faible d’une banque française de dépôts de particuliers, soit A, la rémunération versée par la Banque Postale à l’Etat serait de […].

62. A la lumière des éléments ci-dessus vérifiés par la Commission, la Commission

considère que la garantie d’Etat sur les produits réglementés (hors livret A) du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006 portant sur la fraction des fonds, déposés sur les comptes et livrets transférés à la Banque Postale et visés par les articles 2 et 4 du décret susmentionné, supérieure au plafond de couverture du fonds de droit commun (70 000 €) sera rémunérée à des conditions de marché.

63. En conséquence, la Commission considère que la mesure ne confère pas

d’avantage économique à la Banque Postale et donc ne constitue pas une aide au sens de l’article 87 paragraphe 1 du traité CE.

6. Evaluation des mesures liées au fonctionnement de la Banque Postale : les conventions de service

64. L’article 87 paragraphe 1 du traité CE prévoit que, « sauf dérogations prévues par

ledit traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».

65. Dès lors, pour déterminer si les mesures en cause contiennent des éléments d’aide

d'Etat au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, il convient d'établir: 1) si 19 Voir par exemple « An explanatory note on the Basel II IRB Risk Weight Functions, Juillet 2005, Basel

Committee on Banking Supervision.

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la Banque Postale en retire un avantage économique, 2) si cet avantage a été financé au moyen de ressources d'État et 3) si cet avantage fausse ou menace de fausser la concurrence et, enfin, 4) si ces mesures affectent les échanges entre États membres.

66. L’analyse de l’avantage économique est commune aux deux mesures liées au

fonctionnement de la Banque Postale, à savoir la convention de mise en oeuvre du groupement de moyens et les conventions de prestation de service.

6.1. Cadre juridique de référence

67. L’analyse de la rémunération des prestations de service par La Poste à sa filiale a pour cadre référentiel l’arrêt Chronopost20 de la Cour du 3 juillet 2003, à la lumière des conclusions de l’Avocat Général TIZZANO dans la même affaire.

6.1.1. De l’absence de « conditions normales de marché »

68. L’arrêt Chronopost apprécie, à la lumière des règles en matière d’aides d’Etat, la rémunération des prestations de services d’un opérateur postal national, La Poste (France), à sa filiale, SFMI-Chronopost, société de droit privé, opérant sur le marché du courrier express.

69. Afin de vérifier si cette rémunération confère à la filiale un avantage économique

au sens de l’article 87 paragraphe 1 du traité CE, la Cour désigne comme premier temps de l’analyse le concept de « conditions normales de marché »21.

70. La Cour indique d’abord que La Poste est chargée d’une mission d’intérêt

économique général au sens de l’article 86 paragraphe 2 du traité CE, le service postal universel, qui « consiste, en substance, dans l'obligation d'assurer la collecte, le transport et la distribution du courrier, au profit de tous les usagers, sur l'ensemble du territoire de l'État membre concerné, à des tarifs uniformes et à des conditions de qualité similaires. » Afin d’assurer cette mission, « La Poste a dû se doter ou a été dotée d'infrastructures et de moyens importants22 (le «réseau postal») lui permettant de fournir le service postal de base à tous les usagers, y compris dans les zones à faible densité de population, dans lesquelles les tarifs ne couvraient pas les coûts générés par la fourniture du service en cause. »

20 CJCE, 3 juillet 2003, Affaires jointes C-83/01 P, C-93/01 P et C-94/01 P, Chronopost, Rec. I-6993

21 Comme l’indique le point 41 de l’arrêt Chronopost : « Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal a commis une erreur de droit en interprétant l'article 92, paragraphe 1, du traité en ce sens que la Commission ne pouvait pas apprécier l'existence d'une aide en faveur de la SFMI-Chronopost en se référant aux coûts supportés par La Poste, mais qu'elle aurait dû vérifier si la contrepartie reçue par La Poste était comparable à celle réclamée par une société financière privée ou un groupe privé d'entreprises, n'opérant pas dans un secteur réservé, poursuivant une politique structurelle, globale ou sectorielle et guidé par des perspectives à long terme».

22 Voir également les conclusions de l’Avocat Général TIZZANO dans la même affaire, point 38: « À cette fin, La Poste a dû se doter d'infrastructures et de moyens importants de toute nature (ledit réseau postal) lui permettant de fournir le service postal de base à tous les usagers. »

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71. « En raison des caractéristiques du service que le réseau de La Poste doit permettre d'assurer, la constitution et le maintien de ce réseau, [impliquant des coûts fixes très élevés]23, ne répondent pas à une logique purement commerciale »24. Par conséquent, le réseau de La Poste n’aurait jamais été créé par une entreprise privée ; il n’a donc pas d’équivalent sur le marché.

72. La Cour ajoute que la prestation de l’assistance logistique et commerciale de La

Poste à sa filiale ne peut être dissociée du réseau de La Poste « puisqu'elle consiste précisément dans la mise à disposition de ce réseau sans équivalent sur le marché. »25 En ce sens, la prestation de service ne peut faire l’objet d’une valorisation de marché séparée du réseau postal.

73. La Cour conclut que, pour ces raisons, la situation de l’opérateur postal national

n’est pas comparable à celle d’un groupe d’entreprises privées, n’opérant pas dans un secteur réservé, groupe qui n’aurait jamais développé un tel réseau.

74. «Dans des conditions normales de marché, une entreprise privée qui ne serait pas

tenue de maintenir un réseau postal public comparable à celui de La Poste pour garantir la fourniture du service postal universel (en recevant en échange une compensation adéquate de l'État notamment sous la forme d'un monopole légal) ne disposerait pas d'un tel réseau postal et ne pourrait dès lors fournir à l'une de ses filiales une assistance logistique du type de celle en examen. »26

6.1.2. De l’inapplicabilité du test de l’investisseur privé

75. En l’absence de « conditions normales de marché », l’Avocat Général TIZZANO explique que pratiquer le test de l’investisseur privé n’est pas à même d’exclure la présence d’un avantage économique dans le chef de la filiale. En effet, « une entreprise privée qui se trouverait dans la même situation que La Poste serait en effet amenée à fixer le montant de la contrepartie de manière à optimiser les profits du groupe dans son ensemble, en tenant naturellement compte également des bénéfices distribués par la filiale opérant dans le secteur du courrier express. Une telle entreprise pourrait ainsi se contenter d'une contrepartie réduite dans le cadre d'une stratégie globale destinée à renforcer la position concurrentielle de la filiale dans le marché du courrier express. Celle-ci pourrait ainsi placer à l'avantage exclusif de la filiale toutes les économies d'échelle résultant de l'utilisation d'un réseau postal déjà détenu pour la fourniture du service universel, aux fins d'augmenter les bénéfices générés par elle et, par là même, l'ensemble des profits du groupe. »27

23 Voir conclusions de l’Avocat Général TIZZANO dans la même affaire, point 39

24 CJCE, 3 juillet 2003, Affaires jointes C-83/01 P, C-93/01 P et C-94/01 P, Chronopost, Rec. I-6993, points 35 et 36

25 CJCE, 3 juillet 2003, Affaires jointes C-83/01 P, C-93/01 P et C-94/01 P, Chronopost, Rec. I-6993, point 37

26 Voir conclusions de l’Avocat Général TIZZANO pour la même affaire, point 47

27 Voir conclusions de l’Avocat Général TIZZANO pour la même affaire, point 52

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76. L’avantage économique résulterait « non des économies d'échelle réalisables

«dans des conditions normales de marché» à l'intérieur de quelque groupe privé que ce soit, mais du fait d'être contrôlée par une entreprise chargée de fournir le service postal universel, laquelle, à ce titre, détient un réseau postal public financé par l'État par la concession d'un monopole légal. »28

77. Pour pouvoir exclure de manière certaine l’absence d’avantage économique, « il y

aurait lieu de comparer le prix versé à La Poste avec celui que cette dernière aurait pu obtenir si elle avait offert sur le marché son assistance logistique et commerciale aux sociétés de courrier express intéressées. »29

78. La Cour conclut que, à défaut d’éléments de référence concrets et objectifs sur le

marché, les « conditions normales de marché », qui sont nécessairement hypothétiques, doivent s'apprécier par référence à des éléments objectifs et vérifiables qui sont disponibles. « En l'occurrence, les coûts supportés par La Poste pour la fourniture à sa filiale d'une assistance logistique et commerciale peuvent constituer de tels éléments objectifs et vérifiables »30.

6.1.3. De l’applicabilité de l’arrêt Chronopost au cas d’espèce

79. La Commission estime que le raisonnement développé par la Cour dans l’arrêt Chronopost est transposable au cas d’espèce étant entendu que :

- comme la maison mère est identique, son réseau n’a pas d’équivalent sur le marché;

- la prestation des services financiers par La Poste en faveur de la Banque Postale est indissociablement liée au réseau de La Poste.

80. Par conséquent, les «conditions normales de marché» dans le cas d’espèce

doivent s'apprécier par référence aux coûts supportés par La Poste pour la mise à disposition du réseau postal31 dans le cadre de la prestation des services financiers, c’est-à-dire pour l’utilisation par la Banque Postale de tous les éléments du patrimoine de La Poste. Par éléments du patrimoine, la Commission entend tout élément matériel ou immatériel faisant partie intégrante du réseau de La Poste dont la constitution et le maintien relèvent d’une mission d’intérêt économique général. Ainsi, les rémunérations payées par la Banque Postale à La Poste doivent être analysées sur la base des coûts réels de La Poste et non sur la base d’une valorisation hypothétique des éléments de son patrimoine.

28 Voir conclusions de l’Avocat Général TIZZANO pour la même affaire, point 53

29 Voir conclusions de l’Avocat Général TIZZANO pour la même affaire, point 54

30 JCE, 3 juillet 2003, Affaires jointes C-83/01 P, C-93/01 P et C-94/01 P, Chronopost, Rec. I-6993, point 38

31 L’Avocat Général TIZZANO, au point 53 de ses conclusions dans la même affaire, définit le réseau postal comme « les infrastructures et les moyens importants de toute nature ».

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6.1.4. Du test de substitution développé par la Cour

81. La Cour envisage un double test pour exclure la présence d’un avantage économique et donc l’existence d’éléments d’aide dans les prix de transfert entre une maison mère et sa filiale. « Sur cette base, l'existence d'une aide d'État en faveur de la SFMI-Chronopost peut être exclue si, d'une part, il est établi que la contrepartie exigée couvre dûment tous les coûts variables supplémentaires occasionnés par la fourniture de l'assistance logistique et commerciale, une contribution adéquate aux coûts fixes consécutifs à l'utilisation du réseau postal ainsi qu'une rémunération appropriée des capitaux propres dans la mesure où ils sont affectés à l'activité concurrentielle de la SFMI-Chronopost, et si, d'autre part, aucun indice ne donne à penser que ces éléments ont été sous-estimés ou fixés de manière arbitraire. »32

82. D’une part, il incombe à la Commission de vérifier :

- si l’assiette des coûts totaux de La Poste, engagés pour la fourniture

d’activités économiques, qui servira de base au calcul de la rémunération payée par la filiale à sa maison mère n’est pas sous-estimée et ;

- si le calcul des coûts attribuables aux services prestés par la maison mère à

sa filiale repose sur des principes de comptabilité analytique appliqués de manière cohérente et objectivement justifiables33.

83. D’autre part, la Commission doit pratiquer un test de correspondance entre la

rémunération payée par la filiale à sa maison mère et l’assiette des coûts supportés par La Poste pour la prestation de services à sa filiale.

84. La deuxième branche du test envisagé par l’arrêt Chronopost pose des principes

qui permettent d’encadrer l’assiette des coûts de La Poste à couvrir par la rémunération payée par sa filiale pour la prestation du service concurrentiel. Ces principes reposent sur les notions économiques de coûts variables et de coûts fixes.

85. Etant entendu qu’un coût fixe est soit directement, soit indirectement attribuable à

une activité34, la Commission estime que l’expression « coûts fixes consécutifs à l'utilisation du réseau postal » désigne nécessairement les coûts fixes qui sont attribuables directement ou indirectement à la prestation du service par la maison

32 Voir CJCE, 3 juillet 2003, Affaires jointes C-83/01 P, C-93/01 P et C-94/01 P, Chronopost, Rec. I-6993,

point 40

33 au sens de la Directive 80/723/CEE de la Commission du 25 juin 1980 relative à la transparence des relations financières entre les Etats membres et les entreprises publiques ainsi qu’à la transparence financière dans certaines entreprises, modifiée par les directives 85/413/CEE, 93/84/CEE, 2000/52/CE

34 La comptabilité analytique se base sur la comptabilité générale afin de présenter une image économique de l'activité de l'entreprise, à des fins de gestion. Elle classe les coûts sur base de l’attribution objective du coût à une activité. Elle distingue le coût direct du coût indirect. Un coût fixe peut être direct ou indirect selon qu’un lien de causalité direct peut être établi ou non entre ce coût fixe et l’activité.

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mère à la filiale. Les coûts fixes indirectement attribuables aux activités concurrentielles doivent couvrir une partie adéquate des coûts fixes résultant du maintien du réseau postal public (en ce compris les coûts fixes communs supportés tant pour la prestation des services concurrentiels à la filiale que pour la fourniture du service universel).

86. De la sorte, la Commission peut vérifier si « les économies d'échelle résultant de

l'utilisation du réseau postal public de La Poste ont été réalisées à l'avantage exclusif de SFMI-Chronopost et si cette dernière a ou non contribué proportionnellement à la couverture des coûts supportés par La Poste pour le maintien dudit réseau»35 .

87. Par conséquent, conformément à l’arrêt de la Cour, la Commission considère que

l’assiette des coûts de la maison mère à couvrir par la rémunération payée par sa filiale doit inclure tous les coûts attribuables à la prestation du service, c’est-à-dire tous les coûts variables supplémentaires occasionnés par la fourniture du service et une contribution adéquate aux coûts fixes directement et indirectement attribuables à la prestation dudit service (en ce compris lesdits coûts communs, supportés tant pour l'assistance en question que pour la fourniture du service universel) ainsi qu’une rémunération appropriée des capitaux propres dans la mesure où ils sont affectés à l'activité concurrentielle. Le caractère adéquat de la contribution aux coûts fixes doit s’estimer en fonction de l’utilisation relative du réseau postal par les activités concernées.

6.2. Le niveau de l’assiette des coûts totaux de La Poste 88. L’architecture de fonctionnement de la Banque Postale induit la perméabilité entre

La Poste et la Banque Postale. Cette perméabilité naît de l’effet combiné de deux éléments: l’utilisation par la Banque Postale des moyens humains et matériels de La Poste et la rémunération de la fourniture de ces services sur la base des coûts supportés par La Poste. Cette architecture implique que toute modification dans les coûts de production de La Poste utilisés par la Banque Postale est automatiquement transférée au travers des conventions de service à la Banque Postale. Ainsi, en cas d’avantage économique dans le chef de La Poste, les coûts générés par la prestation de service et attribués aux services financiers seraient réduits à due concurrence.

89. Sous réserve d’une analyse séparée des avantages économiques potentiels au

niveau de La Poste (notamment le régime des retraites dont la réforme en cours n’a pas encore été portée à la connaissance de la Commission), la Commission a vérifié que les éléments qui sont susceptibles de réduire l’assiette des coûts supportés par La Poste qui serviront de base au calcul de la rémunération payée par la Banque Postale à La Poste n’induisent pas un avantage économique dans le chef de la Banque Postale.

90. Ces éléments sont d’une part les conditions de financement de La Poste rendues

plus avantageuses grâce à la présence de la garantie illimitée de l’Etat et d’autre

35 Voir conclusions de l’Avocat Général TIZZANO pour la même affaire, point 58

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part le régime fiscal dérogatoire dont bénéficie La Poste dans le cadre de sa mission d’intérêt économique général d’aménagement du territoire.

91. Les autorités françaises ont pris des engagements qui mettent en place des

mécanismes efficaces dont l’objectif est de neutraliser au niveau de la Banque Postale les avantages éventuels présents au niveau de La Poste et d’empêcher ainsi que ceux-ci ne réduisent arbitrairement l’assiette des coûts supportés par La Poste.

6.2.1. Les conditions de financement de la Banque Postale

92. La Commission estime que les engagements pris par les autorités françaises sont suffisants pour assurer que le financement de la Banque Postale se réalisera à des conditions de marché. Autrement dit, la Banque Postale ne bénéficiera pas des conditions de financement éventuellement avantageuses de La Poste.

6.2.1.1. Les prêts intra-groupe

93. Si La Poste est amenée à accorder des prêts intra-groupe à la Banque Postale, les autorités françaises s’engagent à en informer préalablement et systématiquement la Commission Européenne et à ce que les conditions de ces prêts correspondent à celles que pourrait obtenir la Banque Postale en position autonome, c’est-à-dire à des conditions de marché.

94. Par conditions de marché, la Commission Européenne et les autorités françaises

entendent des conditions de taux d’intérêt observées sur les marchés, au moment de leur octroi, pour des financements : - ne bénéficiant d’aucune forme de garantie ; - comparables en termes de maturité, de séniorité et de montant compte tenu

de la situation globale d’endettement de la Banque Postale et de ses capacités de remboursement ;

- octroyés à des établissements financiers ayant la même notation externe que la notation de référence36 de la Banque Postale.

95. Ces conditions sont cumulatives.

6.2.1.2. Le financement sur les marchés

96. En ce qui concerne les conditions d’emprunts de la Banque Postale sur les marchés, les autorités françaises se sont engagées « lors de chaque opération, à mentionner par écrit dans le contrat de financement (pour tout instrument couvert par un contrat) que, conformément au droit français (notamment la nécessité d’une autorisation législative expresse pour chaque garantie), ladite opération de financement ne bénéficiera d’aucune garantie d’une quelconque nature que ce

36 […]

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soit, directe ou indirecte de la part de l’Etat. Le prospectus d’émission de chaque opération devra rendre public cette disposition contractuelle. »

97. En outre, les autorités françaises se sont engagées à ce que le Ministère de

l’Economie, des Finances et de l’Industrie informe préalablement la Commission de tout financement externe de la Banque Postale et fournisse à la Commission les documents nécessaires pour vérifier que la disposition susmentionnée est appliquée.

6.2.1.3. Le financement du besoin en fonds de roulement de La Poste

98. Les conditions de rémunération telles que prévues par les conventions de service assurent que la Banque Postale ne bénéficie pas d’un financement de la part de La Poste pour son besoin en fonds de roulement.

99. La Banque Postale paie en effet à La Poste l’ensemble des charges exposées le

jour même où La Poste verse les salaires à ses personnels. Etant donné que les charges de personnel ne représentent qu’un peu plus de […] des charges totales exposées par La Poste, la Banque Postale paie La Poste en avance pour environ […] de ses dépenses37.

6.2.2. Le régime fiscal dérogatoire de La Poste à la taxe professionnelle

100. La loi n°90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et des télécommunications a prévu que, à partir du 1er janvier 1994, La Poste s’acquitte de la taxe professionnelle dans le cadre d’un régime dérogatoire défini par ladite loi.

101. Le régime dérogatoire en place depuis le 1er janvier 1994 prévoit que:

o La base d’imposition à la taxe professionnelle fait l’objet d’un abattement de

85% en raison des contraintes de desserte de l’ensemble du territoire national et de participation à l’aménagement du territoire qui s’imposent à La Poste (article 21 I.4 de la loi n°90-568 du 2 juillet 1990).

o L’imposition est établie au lieu du principal établissement et, par conséquent, à

un taux unique. La cotisation est calculée en appliquant à la base imposable le taux moyen national pondéré constaté l’année précédente qui résulte des taux appliqués l'année précédente par l'ensemble des collectivités locales, des groupements et des établissements et organismes divers habilités à percevoir le produit des impositions directes locales et de leurs taxes additionnelles.

102. Les autorités françaises et La Poste ont mis en place un mécanisme destiné à

neutraliser l’effet de cet avantage potentiel au niveau de La Poste et à éviter que la Banque Postale n’en bénéficie indirectement.

37 La Poste s’acquitte de ses dépenses de manière décalée dans le temps (e.g. à 30 jours pour les fournisseurs).

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103. La Poste a en effet replacé ses domaines d’activité dans une situation de fiscalité locale relevant du droit commun. Ainsi, s’agissant des actifs qui ne lui sont pas transférés, la Banque Postale paiera à La Poste, conformément à la « Convention de mise en œuvre du groupement de moyens », une charge équivalente au montant de l’abattement fiscal au prorata de sa quote-part de dotations aux amortissements représentative de l’assiette de ces taxes.

104. La Commission estime que ce mécanisme de refacturation interne est suffisant

pour que la Banque Postale ne retire pas d’avantage économique du régime fiscal dérogatoire dont bénéficie la Poste dans le cadre de sa mission d’aménagement du territoire.

6.2.3. Conclusion

105. La Commission considère que les mécanismes, visant à neutraliser au niveau de la Banque Postale les avantages éventuels présents au niveau de La Poste, sont en place de manière à assurer une étanchéité satisfaisante entre La Poste et la Banque Postale.

106. Par conséquent, la Commission estime que l’assiette des coûts de La Poste, qui

servira de base au calcul des rémunérations payées par la Banque Postale à sa maison mère dans le cadre des conventions de recours au personnel et des conventions de prestations de services, n’est pas sous-estimée.

6.3. Analyse du système de comptabilité analytique de La Poste

107. La Commission a procédé à une analyse minutieuse du système de comptabilité analytique de La Poste.

6.3.1. Philosophie générale du système de comptabilité analytique de La Poste

108. La Poste, en tant qu’entreprise de réseau, assure la production de multiples

produits et services, multiplicité qui conditionne l’existence d’économies d’envergure. Dans cette configuration de production, aucune charge n’est exclusivement imputable à un seul et unique produit commercial. C’est le cas en bureau de poste par exemple où la mise à disposition à la clientèle de guichets polyvalents rend impossible une imputation directe des charges du guichet au produit.

109. L’ensemble des activités de La Poste est donc découpé en plusieurs niveaux de

centre d’activité. L’analyse des charges est réalisée sur plusieurs niveaux d’agrégation :

- les domaines de pilotage (courrier ; colis ; La Poste Grand Public (LPGP) 38 ;

services supports39; services financiers ; tête de groupe40);

38 Réseau des bureaux de poste.

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- les domaines d’activité (courrier ; colis ; La Poste Grand Public (LPGP) ;

services financiers ; tête de groupe) ;

- les métiers (courrier ; colis ; services financiers) ;

- les secteurs de la directive postale (secteur réservé, service universel concurrentiel, hors service universel et services financiers).

110. Une étude de variabilité des coûts, basée sur les principes de l’ « ABC costing »,

est menée à chaque niveau d’agrégation et pour chaque centre de coûts afin de déterminer la partie des coûts qui peut être attribuée à travers une relation de causalité directe ou indirecte. Cette étude consiste en la recherche d’inducteurs de coûts qui définissent les relations de causalité à moyen/long terme entre la variabilité des coûts et celle des volumes. Elle met également en évidence la part des coûts indépendante des variations de volumes d’activité et ceux éventuellement communs à plusieurs services.

6.3.2. Description du système de comptabilité analytique de La Poste41

111. Une saisie informatique unique des opérations de La Poste permet d'alimenter simultanément la comptabilité générale et la comptabilité analytique. A l’issue de cette saisie, les charges de La Poste sont attribuées aux différents domaines de pilotage de La Poste (étape 1 du graphique). A ce stade, il n’est pas encore question d’allocation des charges aux métiers de La Poste.

Graphique 1: Description du système de comptabilité analytique de La Poste

Source : La Poste Source : La Poste

6.3.2.1. Allocation des charges directement et indirectement attribuables aux métiers (hors charges du réseau « guichet »)

39 Services support : logistique, informatique, formation, comptabilité, maintenance, activités sociales et

syndicales.

40 Tête de groupe : organisation centrale, charges financières.

41 Les chiffres sont issus de la comptabilité analytique de 2004.

ETAPE 4Affectation des charges sur les secteurs de la directive

ETAPE 3Définition des processus liés aux métiers et Affectation des coûts du réseau aux métiers

ETAPE 2Attribution des coûts de supports communs aux domaines d’activité de La Poste

ETAPE 1Attribution directe descharges aux 6 domainesde pilotage de l’entreprise

Imputation comptable des

charges activités et

entités

[…] […][…][…][…]

ETAPE 4Affectation des charges sur les secteurs de la directive

ETAPE 3Définition des processus liés aux métiers et Affectation des coûts du réseau aux métiers

ETAPE 2Attribution des coûts de supports communs aux domaines d’activité de La Poste

ETAPE 1Attribution directe descharges aux 6 domainesde pilotage de l’entreprise

Imputation comptable des

charges activités et

entités

[…] […][…][…][…]

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21

112. Cette phase couvre l’allocation des coûts de La Poste correspondant aux coûts visés par l’article 14.3.a et 14.3.b i et ii de la directive postale42.

113. La Poste alloue dans un premier temps aux domaines d’activité tous leurs coûts

directs ainsi que leur consommation en services support (logistique, informatique, formation …). Ne leur sont pas encore alloués à ce stade les coûts du réseau La Poste Grand Public (LPGP – […]).

114. La Poste alloue par la suite aux métiers les coûts du réseau LPGP qui leur sont

directement attribuables. Ces charges s’élèvent à […] pour les services financiers et incluent par exemple les coûts des conseillers financiers présents dans le réseau de La Poste.

115. Le métier « services financiers » supporte à ce stade des charges pour un montant

de […] qui recouvre : - les charges qui lui sont directement attribuables ([…]) ; - sa consommation de supports communs qui lui est indirectement attribuables

([…]) ; - les charges du domaine d’activité LPGP qui lui sont directement attribuables

([…]).

6.3.2.2. Allocation des charges du réseau « guichet »

116. La Poste doit encore allouer aux métiers les coûts du réseau « guichet » ([…]). L’allocation de ces coûts est réalisée en plusieurs étapes.

6.3.2.2.1. Détermination du coût net des contraintes de présence territoriale

a) Définition du coût net des contraintes de présence territoriale

117. Etant donné que les coûts du réseau « guichet » sont influencés par les contraintes

de présence territoriale (ci-après CRAT – contribution à l’aménagement du territoire) qui font l’objet selon les autorités françaises de deux Services d’Intérêt Economique Général (ci-après SIEG)43, La Poste utilise la méthode du coût net

42 Voir note de bas de page 49.

43 L’Etat impose à La Poste deux missions de services d’intérêt économique général relatives à la densité des points de contact sur le territoire : la mission de service postal universel et la mission d’aménagement du territoire. La loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activité postales prévoit que le service postal universel, le premier SIEG, est garanti sur tout le territoire de manière permanente et en précise les modalités concrètes. Au-delà de ce premier SIEG, la même loi, dans l’esprit de la loi n°95-115 du 4 février 1995 relative à la participation d’entreprises et de services publics aux politiques d’aménagement du territoire, impose une mission d’aménagement du territoire qui requiert de La Poste de maintenir un réseau physique allant au-delà de ce qui serait strictement nécessaire au respect des obligations pesant sur elle au titre de la desserte aux fins de mise en œuvre du service postal universel. Le deuxième SIEG est par conséquent une mission complémentaire de l’offre de service postal universel qui porte également sur la densité des points de contact.

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évité (ou « Net Avoided Cost ») telle que définie initialement par l’économiste américain, John PANZAR44, pour quantifier le coût net de ces contraintes.

118. Selon cette méthode, le coût net des SIEG est défini comme l’écart entre le coût

net modélisé d’un réseau « guichet » de La Poste non contraint (en situation de maximisation de la marge globale) et le coût net du réseau « guichet » réel de La Poste.

119. Le coût net des SIEG ainsi défini est donc d’une part incrémental puisqu’il

mesure le coût que La Poste éviterait si l’Etat ne lui imposait pas de contraintes de présence territoriale et d’autre part résiduel puisqu’il découle d’une différence de coûts nets.

b) Modélisation du réseau « guichet » non contraint

120. La Poste a modélisé ce que serait le nombre de points de contact optimum ainsi que les moyens nécessaires pour traiter le volume d’activité sans contrainte de présence territoriale45. La modélisation du nombre de points de contact optimum repose sur le principe suivant : sans contrainte de densité de maillage, La Poste pourrait dimensionner son réseau (c’est-à-dire choisir son nombre de points) suivant une logique commerciale (maximisation de la contribution globale46, définie comme la différence entre le chiffre d’affaires et les coûts).

121. La modélisation du nombre de points de contact optimum a nécessité l’élaboration

de fonctions de demande et de coûts.

122. S’agissant des fonctions de demande, La Poste a conduit pour les quatre métiers pris séparément des régressions entre le chiffre d’affaires et […] indicateurs géomarketing a priori susceptibles d’être inducteurs de chiffre d’affaires. Ces régressions ont été menées sur des micro zones. Les inducteurs de chiffre d’affaires dégagés par ces régressions sont : […]. Ni la densité du maillage, ni la distance au bureau de poste n’apparaît comme inducteurs de chiffre d’affaires, ce qui constitue un indice de saturation du réseau.

123. Ce résultat permet de considérer que, pour une micro zone donnée et jusqu’à une

certaine limite, un maillage plus faible en bureaux de poste suffit pour capter le chiffre d’affaires constaté. Par conséquent, après regroupement des micro zones en segments homogènes en fonction des variables géomarketing, La Poste a défini pour chaque segment une limite de maillage (appelée réseau seuil) permettant de capter la totalité de la demande existante. En deçà du réseau seuil, une fonction de perte de la demande est modélisée. En ce qui concerne les services financiers, la

44 Voir par exemple « Funding universal service obligations : the costs of liberalizzation », J.Panzar, (2001)

dans Future Direction in Postal Reform sous la direction de Michael A. Crew and Paul R. Kleindorfer, Kluwer, 2001, p. 141-163

45 La méthodologie d’optimisation a été validée en 2001 par le cabinet Andersen Consulting, lequel a jugé le système de comptabilité analytique de La Poste pertinent et fiable.

46 C’est-à-dire tous métiers confondus.

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fonction de perte de demande est « dure » dans la mesure où elle envisage des pertes conséquentes (voire une annulation) de chiffre d’affaires en fonction des distances au bureau de poste le plus proche et de l’intensité de la concurrence.

124. La modélisation de la fonction de coûts du réseau « guichet » porte sur toutes les

charges du réseau réel (soit […]). Elle suppose à son tour la modélisation d’une fonction de coûts de personnel élaborée sur base de la Loi d’Erlang C. Selon la loi d’Erlang C, l'effectif souhaité au guichet doit être le fruit d'un compromis entre le niveau de service et le taux d'activité des agents dans le traitement des opérations. Dans le modèle économétrique de La Poste, la loi d’Erlang C est alimentée par une contrainte de qualité de services, les horaires d’ouverture des bureaux de poste et le temps moyen de service d’un client.

125. L’optimisation du nombre de points de contact se fait par suppression itérative des

bureaux à plus faible contribution, accompagnée d’un report partiel, sur d’autres bureaux, du chiffre d’affaires des bureaux supprimé par l’itération et des coûts rendus nécessaires par ce report de chiffre d’affaires.

126. Les reports successifs sur d’autres bureaux des chiffres d’affaires des bureaux

supprimés sont partiels car le modèle utilisé par La Poste tient compte du fait que la suppression des bureaux de poste engendre des pertes de chiffre d’affaires notamment à cause de facteurs de proximité et de concurrence.

127. L’écart entre le chiffre d’affaires réel du réseau de La Poste et la somme des

chiffres d’affaires reportés constitue par construction le supplément de chiffre d’affaires créé par les missions de présence territoriale. Ce supplément de chiffres d’affaires est reporté au niveau des métiers à contribution nulle à la fin du processus d’optimisation.

128. L’algorithme d’optimisation teste plusieurs configurations de réseau et retient

celle qui présente la contribution globale maximale. Sont ainsi définis le nombre de points de contact correspondant à une maximisation de la marge globale et les moyens pour traiter le volume d’activité. Le nombre de points de contact détermine l’étendue du réseau appelé « réseau commercial ».

129. Selon la méthode du coût net évité, le coût net des SIEG est défini comme un coût

net résiduel, représentant la différence entre le coût net d’un réseau « guichet » contraint et le coût net d’un réseau «guichet» non contraint. Le coût net des SIEG ne correspond donc pas au coût net d’un nombre de points de contact identifiables, ni le coût net d’un réseau réel. En 2004, le coût net des SIEG s’élevait à […].

c) Les principes sous-jacents au calcul des coûts du réseau « guichet » non contraint supportés par les métiers

130. La participation des métiers aux coûts du réseau « guichet » de La Poste repose

sur les principes suivants:

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- En dimensionnant par des études quantitatives les paramètres de la loi d’Erlang C, les coûts du guichet modélisés par La Poste comporte une grande part de temps d’inactivité au guichet, lié au choix de modélisation des flux de clients par la loi d’Erlang C. En effet, plus La Poste contraint la loi d’Erlang C47, plus les métiers prennent en charge des coûts importants, plus par construction le coût net des SIEG est faible. L’effet sur le coût net des SIEG des contraintes posées sur la loi d’Erlang C est estimé par les autorités françaises à […]. Ainsi, avec l’utilisation de la loi d’Erlang C, les métiers (courrier, services financiers et colis) supportent non seulement leur consommation effective (c’est-à-dire le temps d’activité seul) des coûts du guichet, mais encore une part importante de la consommation passive de ces coûts. Si La Poste n’avait tenu compte que de la consommation effective des coûts du guichet par les métiers, le coût net des SIEG aurait été supérieur de […] (à ajouter aux […] actuels).

- Par ailleurs, les métiers supportent également le coût de la présence

territoriale nécessaire au dimensionnement des agences postales du réseau commercial. Au-delà du coût associé au nombre de points optimal et du volume d’affaires, les métiers prennent en charge les coûts supplémentaires liés aux contraintes d’allocation des personnels entre les différents points48.

- Au-delà du réseau commercial, les métiers ne tirent aucun bénéfice

comptable de la présence du réseau de 17 000 points de La Poste puisqu’à l’issue du processus itératif de suppression des bureaux de poste, il y a report à marge nulle du supplément de chiffre d’affaires créé par les SIEG. Par conséquent, les bureaux de poste imposés par les SIEG ne créent aucun bénéfice aux métiers, les recettes des métiers étant neutralisées.

6.3.2.2.2. Allocation des coûts fixes communs du « guichet »

131. Après avoir isolé le coût net des contraintes de présence territoriale, La Poste a calculé les coûts fixes du « guichet » communs aux métiers de La Poste et aux SIEG ([…]) sur base de l’hypothèse que les services financiers et le courrier sont utilisateurs principaux du réseau (« co-prime users »). Etant donné les économies d’envergure du réseau, la somme des coûts de fourniture isolée des métiers est supérieure au coût de fourniture jointe du courrier et des services financiers. L’écart entre la somme des coûts de fourniture isolée des métiers et le coût de fourniture jointe du courrier et des services financiers constitue les coûts fixes communs du réseau « guichet » qui ne sont affectés qu’au courrier et aux services financiers au prorata de leur coût de fourniture isolée. Autrement dit, dans le système comptable de La Poste, la CRAT est considérée comme « last user » et ne supporte aucun coût fixe du « guichet » commun aux métiers. Son coût est donc un coût incrémental.

47 En imposant par exemple une qualité de service plus élevée ou des temps d’attente plus courts.

48 Autrement dit, La Poste arrondit à la hausse le dimensionnement en personnel des bureaux de poste si la modélisation aboutit à un nombre décimal de personnes.

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25

132. Les services financiers supportent un montant de […] de coûts fixes communs, soit […] du total de ces charges.

6.3.2.2.3. Allocation des charges de support et de structure du réseau

133. La dernière étape consiste à affecter les charges de support et de structure du réseau « guichet » ([…]) à la CRAT et aux métiers au prorata des charges du réseau « guichet » qui ont été attribuées directement et indirectement aux métiers.

134. A l’issue de cette étape, tous les coûts de La Poste attribuables aux métiers

correspondants aux coûts visés par l’article 14 paragraphe 3 de la directive postale sont affectés à chaque métier.

6.3.3. Evaluation du système de comptabilité analytique de La Poste

135. La vérification du système de comptabilité analytique de La Poste a été confiée à Arthur Andersen en 2000 à l’issue d’une procédure de mise en concurrence, lequel a conclu à sa conformité par rapport aux exigences de la directive postale49.

49 Le 15 décembre 1997, le Parlement européen et le Conseil ont adopté la directive 97/67/CE (la directive

postale) concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service, qui établit un cadre réglementaire complet pour les services postaux européens. La directive postale a été modifiée par la directive 2002/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002. La directive postale établit que les États membres veillent à ce que « les utilisateurs jouissent du droit à un service universel qui correspond à une offre de services postaux de qualité déterminée fournis de manière permanente en tout point du territoire à des prix abordables pour tous les utilisateurs. À cet effet, les États membres prennent des mesures pour que la densité des points de contact et d'accès tienne compte des besoins des utilisateurs. »

L'article 14 de la directive postale contient les règles précises que les prestataires du service universel doivent appliquer pour la mise en place d'un système de comptabilité séparée. Il énonce ceci:

1. "Les États membres prennent les mesures nécessaires pour garantir que, dans un délai de deux ans à compter

de la date d'entrée en vigueur de la présente directive, la comptabilité des prestataires du service universel réponde aux dispositions du présent article.

2. Les prestataires du service universel tiennent dans leur comptabilité interne des comptes séparés au moins

pour chacun des services compris dans le domaine réservé, d'une part, et pour les services non réservés, d'autre part. Les comptes relatifs aux services non réservés doivent établir une nette distinction entre les services qui font partie du service universel et ceux qui n'en font pas partie. Cette comptabilité interne se fonde sur l'application cohérente des principes de la comptabilité analytique, qui peuvent être objectivement justifiés.

3. Sans préjudice du paragraphe 4, la comptabilité visée au paragraphe 2 répartit les coûts entre tous les

services réservés et les services non réservés de la façon suivante: a) les coûts qui peuvent être directement affectés à un service particulier le sont; b) les coûts communs, c'est-à-dire ceux qui ne peuvent pas être directement affectés à un service

particulier, sont répartis comme suit: i. chaque fois que cela est possible, les coûts communs sont répartis sur la base d'une analyse directe

de l'origine des coûts eux-mêmes; ii. lorsqu'une analyse directe n'est pas possible, les catégories de coûts communs sont affectées sur la

base d'un rapport indirect à une autre catégorie de coûts ou à un autre groupe de catégories de coûts pour lesquels une affectation ou imputation directe est possible; le rapport indirect est fondé sur des structures de coût comparables;

iii.lorsqu'il n'y a pas moyen de procéder à une imputation directe ou indirecte, la catégorie de coûts est imputée sur la base d'un facteur de répartition général calculé en établissant le rapport entre,

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Cette certification a été validée le 25 novembre 2002 par les Ministres compétents50. Ce double niveau de contrôle est suffisant pour remplir les exigences de la directive postale, en particulier l’article 14 de ladite directive qui définit les règles d’allocation des coûts du prestataire du service postal universel. En outre, chaque année, les Commissaires au Compte de La Poste attestent de la conformité de la comptabilité analytique de La Poste aux principes approuvés par les Ministres compétents.

6.3.3.1. Allocation des coûts de La Poste (hors charges du réseau « guichet »)

136. Après avoir effectué une analyse approfondie de la comptabilité analytique de La

Poste, la Commission estime que l’allocation des coûts de La Poste correspondant aux coûts visés par l’article 14.3.a et 14.3.b i et ii est réalisée sur base de principes de comptabilité analytique appliqués de manière cohérente et objectivement justifiables. Autrement dit, un montant de […] de coûts fixes et variables sont alloués complètement aux métiers sur base de ces principes, soit […] des coûts totaux de La Poste.

137. S’agissant des actifs intangibles51 (en ce compris le fonds de commerce) figurant

au bilan de La Poste ([…] en 2004), la Commission a vérifié qu’en cas d’utilisation de ces actifs intangibles par les métiers, leur coût d’utilisation au travers des amortissements est répercuté aux métiers au prorata de leur utilisation, soit en attribution directe, soit en attribution indirecte via l’allocation des coûts du réseau « guichet ».

138. Pour ce qui concerne les actifs immobiliers, constitués grâce à la quasi-totalité des

capitaux propres de La Poste, les métiers prennent en charge leur financement et leur utilisation au prorata par l’intermédiaire de loyers de marché qui sont facturés

d'une part, toutes les dépenses directement ou indirectement affectées ou imputées à chacun des services réservés et, d'autre part, toutes les dépenses directement ou indirectement affectées ou imputées aux autres services.

4. D'autres systèmes de comptabilité analytique ne peuvent être appliqués que s'ils sont compatibles avec les

dispositions du paragraphe 2 et s'ils ont été approuvés par l'autorité réglementaire nationale. La Commission est informée avant l'application de ces autres systèmes.

5. Les autorités réglementaires nationales veillent à ce que la conformité avec l'un des systèmes de

comptabilité analytique décrits aux paragraphes 3 ou 4 soit vérifiée par un organe compétent indépendant du prestataire du service universel. Les États membres veillent à ce qu'une déclaration de conformité soit publiée périodiquement. ».

50 Il s’agit du Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, du Ministre délégué à l’Industrie et du

Ministre délégué au Budget et à la Réforme budgétaire.

51 Les actifs intangibles sont des ressources identifiables, non monétaires contrôlées par les entreprises, susceptibles de générer des bénéfices économiques futurs pour l’entreprise et dont le coût peut être mesuré de manière fiable (fonds de commerce, logiciels, frais de recherche et développement).

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27

à La Poste par la SCI Poste Immo (propriétaire des immeubles constituant le réseau)52.

6.3.3.2. Allocation des charges du réseau « guichet » de La Poste

139. S’agissant des coûts pour lesquels « il n'y a pas moyen de procéder à une imputation directe ou indirecte »53, c’est-à-dire les charges du réseau « guichet » (soit […]) communes aux métiers, La Poste quantifie le coût net des SIEG, le soustrait des charges du réseau « guichet » à allouer aux métiers et alloue complètement le solde des charges aux métiers.

a) De la nécessité de quantifier les coûts nets des missions d’intérêt économique général et de soustraire le coût net lié à la mission d’aménagement du territoire aux coûts totaux à allouer aux métiers

140. L’encadrement communautaire des aides d’Etat sous forme de compensation de

service public54requiert qu’un test de proportionnalité soit pratiqué entre les coûts nets des missions d’intérêt économique général (ci-après SIEG) et la compensation éventuelle de l’Etat.

141. Dans le cas d’espèce, La Poste a développé un modèle économétrique destiné à

quantifier les coûts nets des SIEG portant sur la présence territoriale liée à la prestation du service postal universel et à la mission d’aménagement du territoire.

142. S’agissant de l’absence d’affectation des coûts nets des SIEG aux activités

concurrentielles de La Poste, la Commission estime que :

- l’encadrement communautaire susmentionné autorise les Etats à prévoir un mécanisme de financement du coût net des SIEG ;

- le coût incrémental de la présence territoriale de La Poste induite par la

mission de service postal universel est quantifiée et allouée au service postal universel ;

52 Les […] immeubles patrimoniaux apportés aux filiales de Poste Immo (soit […]* de m2) ont fait l’objet

d’une valorisation de marché, à partir d’expertises réalisées par trois cabinets indépendants, laquelle a permis d’établir le prix du marché des loyers de ces immeubles. La valorisation de marché a suivi la logique suivante. Chaque immeuble a été typé en fonction du type de produit immobilier auquel il appartient, puis en sous-catégories. Chaque immeuble a été rattaché à l’une des 13 zones géographiques identifiées, afin de tenir compte des spécificités locales. Trois cabinets indépendants on ensuite expertisé 800 immeubles en juste valeur. Ces expertises ont fait l’objet d’une extrapolation aux immeubles non expertisés afin de déterminer la valeur globale du parc.

* et *: Informations couvertes par le secret professionnel.

53 Article 14, paragraphe 3 b iii de la directive postale

54 JO C297, 29.11.2005, pages 4-7

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- le coût incrémental de la présence territoriale de La Poste liée à la mission d’aménagement du territoire est quantifié, mais n’est pas alloué aux métiers de La Poste ;

- le calcul effectué par La Poste des coûts nets des SIEG est tel qu’il assure

que le supplément de chiffre d’affaires créé par les missions de présence territoriale ne génère pas de profit dans le chef des activités concurrentielles (voir point 130). En conséquence, dans le cas d’espèce, le coût net des SIEG représente un coût net de présence territoriale, généré uniquement par des contraintes imposées par l’Etat.

143. Par conséquent, la Commission considère que la non affectation du coût net de la

mission d’aménagement du territoire, tel que défini par La Poste, est compatible avec la philosophie de l’encadrement communautaire susmentionné.

b) De la méthodologie utilisée pour quantifier le coût net des SIEG

144. La méthodologie utilisée pour quantifier le coût net des contraintes territoriales est cohérente avec l’économie du réseau postal et avec l’approche utilisée dans d’autres secteurs. La démarche de La Poste est similaire à la démarche proposée dans la directive « service universel » dans le secteur des télécommunications55. En effet, la contrainte de présence territoriale est une des composantes du service postal universel dont La Poste en mesure le coût net par la méthode du coût net évité. La Poste, dans l’estimation du coût net de présence territoriale, tient compte de l’avantage indirect de disposer d’un réseau de guichets via la modélisation des coûts de « guichet » par la loi d’Erlang C et le report à marge nulle vers les métiers du supplément de chiffre d’affaires créé par les SIEG.

145. Par ailleurs, les principes et les hypothèses de ce modèle ont été validés par le

Cabinet Andersen en décembre 2001. Dans son rapport à l’autorité de tutelle de La Poste, le Cabinet Andersen atteste de la pertinence et de la fiabilité du système de La Poste.

c) Des principes d’allocation du solde des charges du réseau « guichet », y compris les coûts fixes du guichet communs aux métiers

55 La directive 2002/22/CE dite directive « service universel » a d’ailleurs reconnu les principes de la méthode

du coût net évité en autorisant les autorités réglementaires nationales à calculer le coût net de fourniture du service universel (article 12 § 1) de manière à en assurer son financement dans un contexte de marché des télécommunications complètement libéralisé.

L’annexe IV de ladite directive définit le coût net comme l’écart « entre le coût net supporté par une entreprise désignée lorsqu’elle fournit un service universel et lorsqu’elle n’en fournit pas. Cette règle s’applique, que le réseau soit complètement achevé dans un Etat membre ou qu’il soit en train de se développer et de s’étendre. Il convient de veiller à évaluer correctement les coûts que l’entreprise désignée aurait évités si elle avait eu le choix de ne pas remplir d’obligations de service universel. Le calcul du coût net doit évaluer les bénéfices, y compris les bénéfices immatériels, pour l’opérateur de service universel. (…) Le coût net global des obligations de service universel pour une entreprise correspond à la somme des coûts nets associés à chaque composante de ces obligations, compte tenu de tout bénéfice immatériel.

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146. S’agissant des coûts pris en considération pour le calcul du coût net des SIEG, le souci de l’encadrement communautaire56 en matière d’allocation des coûts est de s’assurer que seuls les coûts liés à la fourniture du SIEG sont imputés au seul SIEG sur base de principes comptables généralement acceptés. Entre autres, les coûts fixes communs au SIEG et à d’autres activités ne peuvent être alloués qu’au seul SIEG; les autres activités doivent également participer à leur couverture.

147. Dans le cas d’espèce, les coûts fixes du « guichet » communs aux missions de

présence territoriale et aux métiers de La Poste s’élèvent à […]. Comme expliqué précédemment, La Poste a choisi de n’allouer ces coûts communs qu’au courrier et aux services financiers (voir point 131).

148. Cette répartition des coûts fixes du « guichet » communs aux métiers « prime

users » du réseau, c’est-à-dire des risques liés à l’activité et des économies d’envergure, implique qu’il ne soit pas justifié de pratiquer un bénéfice au-delà des coûts complètement attribués.

149. Pour ce qui concerne les charges fixes de support et de structure du réseau

« guichet » (soit […] de […] = […] ), La Poste les alloue aux métiers et aux missions de présence territoriale au prorata des charges du réseau « guichet » qui ont été attribuées directement et indirectement aux métiers.

56 Le 15 juillet 2005, la Commission européenne a adopté un train de mesures garantissant une meilleure

sécurité juridique pour le financement des services d'intérêt économique général. Ces mesures figurent dans une décision de la Commission, un encadrement communautaire des aides d'État sous forme de compensation de service public et une modification de la directive sur la transparence des relations financières.

L'encadrement communautaire des aides d'État sous forme de compensation de service public précise les conditions dans lesquelles les compensations non couvertes par la décision qui constituent des aides d’Etat au titre de l’article 87(1) sont compatibles avec le marché commun, conformément à l’article 86, paragraphe 2 du Traité CE. Ces compensations restent soumises à l’obligation de notification préalable, en raison des risques plus élevés de distorsion de la concurrence qu'elles présentent.

En vertu de l’encadrement, les compensations qui excèdent les coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable, ne sont pas justifiées et sont incompatibles avec les règles sur les aides d'État du Traité CE. Les compensations doivent dès lors être comparées aux coûts nets (ou surcoûts) occasionnés par l’exécution des obligations de service public.

L’encadrement définit les paramètres à prendre en considération lors du contrôle de l’absence de surcompensation, notamment :

1. « Les coûts à prendre en considération comprennent tous les coûts liés au fonctionnement du SIEG. (…) Les coûts attribués au SIEG peuvent couvrir tous les coûts variables occasionnés par la fourniture du SIEG, une contribution adéquate aux coûts fixes communs au SIEG et à d’autres activités et une rémunération appropriée des capitaux propres affectés au SIEG.»

2. « Les recettes à prendre en considération doivent au moins inclure toutes les recettes tirées du SIEG. »

3. Le bénéficie raisonnable désigne un taux de rémunération du capital propre qui doit prendre en compte le risque, ou l’absence de risque, encouru par l’entreprise du fait de l’intervention de l’Etat. »

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150. Pour les raisons présentées ci-dessus, la Commission est d’avis que le calcul des

coûts de La Poste attribuables aux métiers repose sur des principes de comptabilité analytique appliqués de manière cohérente et objectivement justifiables.

151. En outre, la Commission estime que le système de facturation de l’utilisation et du

financement du patrimoine immobilier de La Poste assure que la rémunération des capitaux propres de La Poste, dans la mesure où ils sont affectés à la prestation des services financiers, est réalisée au travers de l’attribution des coûts totaux de La Poste aux métiers et est appropriée.

6.4. Le test de correspondance entre l’assiette des coûts à couvrir et la rémunération payée par la Banque Postale

152. Comme mentionné au point 86 et conformément à l’arrêt Chronopost57, la

Commission considère que l’assiette des coûts de la maison mère à couvrir par la rémunération payée par sa filiale doit inclure tous les coûts attribuables à la prestation du service, c’est-à-dire tous les coûts variables occasionnés par la fourniture du service et une contribution adéquate aux coûts fixes directement et indirectement attribuables à la prestation dudit service (en ce compris lesdits coûts communs, supportés tant pour l'assistance en question que pour la fourniture du service universel) et une rémunération appropriée des capitaux propres dans la mesure où ils sont affectés à l'activité concurrentielle.

153. Aux fins de vérifier si cette exigence est remplie dans le cas d’espèce, la

Commission a contrôlé que : - les coûts attribués aux services financiers sur base de la comptabilité

analytique de La Poste correspondaient aux coûts visés par l’arrêt Chronopost ;

- les rémunérations payées dans le cadre des conventions de services couvraient dûment l’assiette des coûts de La Poste attribués aux services financiers.

6.4.1. Les coûts attribués aux services financiers à l’issue du processus d’allocation des coûts de La Poste

154. A l’issue du processus d’allocation des coûts de La Poste, les services financiers,

qui représentent 25% du chiffre d’affaires de La Poste, supportent un montant global de […] de charges sur un total de […] (soit […] des coûts totaux de La Poste).

155. La Commission a vérifié que les services financiers de La Poste supportaient les

coûts de La Poste, variables et fixes, attribuables directement et indirectement à l’activité « services financiers »58. Ces coûts se décomposent comme suit :

57 Voir CJCE, 3 juillet 2003, Affaires jointes C-83/01 P, C-93/01 P et C-94/01 P, Chronopost, Rec. I-6993,

point 40

58 En sus des coûts attribués aux services financiers et conformément à la directive postale sont affectés aux services financiers leur quote-part de charges de structures indivises tête de groupe, d’impôt et de CRAT

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– les charges directement attribuables aux services financiers ([…]) ;

– la consommation des services financiers en supports communs - charges indirectement attribuables aux services financiers ([…]) ;

– les charges du domaine d’activité LPGP qui sont directement attribuables aux services financiers ([…])59 ;

– les charges du réseau « guichet » qui sont directement attribuables aux services financiers et qui sont calculées sur base de la méthode du coût incrémental ([…]);

– les charges fixes communes du réseau « guichet » qui sont indirectement attribuables aux services financiers, calculées au prorata du coût de fourniture isolée du courrier et des services financiers ([…]).

– Les charges de support et de structure du réseau « guichet » au prorata des charges du réseau « guichet » qui leur ont été directement et indirectement attribuées ([…]).

156. L’assiette des coûts supportés par les services financiers couvre donc tous les coûts variables occasionnés par la fourniture du service et une contribution adéquate aux coûts fixes directement et indirectement attribuables à la prestation dudit service et une rémunération appropriée des capitaux propres dans la mesure où ils sont affectés à l'activité concurrentielle.

6.4.2. La couverture de cette assiette par les rémunérations versées dans le cadre des conventions de service

157. Comme mentionné au point 22, la loi postale prévoit que les conventions de

service seront contrôlées par la Cour des Comptes dans les deux ans qui suivront la création de la Banque Postale60. Le rapport de la Cour des Comptes sera transmis au Parlement.

158. La Commission a vérifié que les rémunérations versées dans le cadre des

conventions de service couvriraient l’assiette des coûts de La Poste attribués aux services financiers.

6.4.2.1. La rémunération versée dans le cadre de la convention de mise en œuvre du groupement de moyens

résiduelle (non couverte par l’abattement de taxe professionnelle). En tenant compte de ces éléments, les services financiers supportent […] de charges sur un total de […] (soit […] des coûts totaux de La Poste).

59 Il s’agit par exemple du conseiller financier en agence.

60 Article 16 II 7 de la loi 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales

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159. S’agissant des prestations de La Poste entièrement dédiées aux services financiers,

la convention de mise en œuvre du groupement de moyens prévoit que la banque postale supporte l’intégralité des coûts des personnels de La Poste entièrement dédiés aux activités de la Banque Postale (en ce compris les charges des retraites actuellement supportées par La Poste).

160. La facture payée par la Banque Postale à La Poste dans le cadre du groupement de

moyens devrait avoisiner les […] en 2006.

6.4.2.2. La rémunération versée dans le cadre des conventions de prestation de service

161. Pour ce qui concerne les prestations de services fournis par La Poste à la Banque Postale avec des moyens non exclusivement dédiés61, les différentes conventions prévoient une tarification de chaque service presté qui est fixée pour trois ans et qui couvre au minimum les coûts directs et indirects de La Poste attribuables à ces activités.

162. La Commission considère par conséquent que les rémunérations versées par la

Banque Postale à La Poste dans le cadre des conventions de prestation de service couvrent les coûts visés par l’arrêt Chronopost.

163. La facture payée à la Banque Postale à La Poste dans le cadre du cadre des

conventions de prestation de service devrait s’élever à […] en 2006 (dont […] pour le guichet). A titre de comparaison, les coûts du réseau « guichet » de La Poste attribués en 2004 aux services financiers s’élevaient à […]. L’application des règles de facturation des conventions de services aurait généré une facture de […] en 2004.

6.5. Conclusion

164. A la lumière des éléments ci-dessus, la Commission considère que :

a) l’assiette des coûts totaux de La Poste qui servira de base au calcul de la rémunération payée par la Banque Postale à sa maison mère n’est pas sous-estimée. En effet, la Commission estime que les mécanismes, visant à neutraliser au niveau de la Banque Postale les avantages éventuels présents au niveau de La Poste, sont en place de manière à assurer une étanchéité satisfaisante entre La Poste et la Banque Postale ;

b) l’attribution des coûts totaux de La Poste aux métiers repose sur des principes

de comptabilité analytique appliqués de manière cohérente et objectivement justifiables au sens de la « directive de transparence »;

61 Il s’agit essentiellement des charges du réseau « guichet ».

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c) les coûts de La Poste attribués aux services financiers couvrent les coûts visés par l’arrêt Chronopost (en ce compris une contribution adéquate aux coûts fixes communs);

d) les rémunérations payées par la filiale dans le cadre des conventions de service

couvrent les coûts attribués aux services financiers, conformément à l’arrêt Chronopost ;

les mesures liées au fonctionnement de la Banque Postale ne lui confèrent pas d’avantage économique.

165. Pour tomber sous le coup de l’interdiction de principe de l’article 87 paragraphe 1

du Traité CE, les mesures doivent remplir certaines conditions telles que décrites au point 64. Les quatre conditions de l’article 87 paragraphe 1 du Traité CE sont cumulatives, de sorte qu’il suffit qu’une seule condition ne soit pas remplie pour que l’on puisse écarter l’application dudit article62.

166. Dans le cas d’espèce, la Commission a démontré que les mesures liées au

fonctionnement de la Banque Postale ne lui confèrent pas d’avantage économique. En conséquence, ces mesures ne constituent pas des aides d’Etat au sens de l’article 87 paragraphe 1 du Traité CE.

7. Décision A l’issue d’une analyse approfondie, la Commission a donc décidé que la filialisation des services financiers de La Poste, au travers des mesures dont la présente décision fait l’objet, ne confère pas d’avantage économique à la Banque Postale et, donc, que ces mesures, telles que prévues par la loi n°2005-516 relative à la régulation des activités postales et son décret d’application63, ne constituent pas des aides au sens de l’article 87 paragraphe 1 du traité CE. La Commission invite les autorités françaises à l’informer de toute modification de substance apportée à la comptabilité analytique de La Poste. La présente décision ne couvre pas les questions liées aux régimes sociaux des personnels de La Poste mis à disposition de la Banque Postale et le droit spécial de distribuer le livret A qui seront traités séparément par la Commission. La garantie illimitée de l’Etat à La Poste fera l’objet d’une procédure séparée. Dans le cas où cette lettre contiendrait des éléments confidentiels qui ne doivent pas être divulgués à des tiers, vous êtes invités à en informer la Commission, dans un délai de quinze jours ouvrables à compter de la date de réception de la présente. Si la Commission ne reçoit pas une demande motivée à cet effet dans le délai prescrit, elle considérera que vous êtes d’accord avec la communication à des tiers et avec la publication du texte intégral de la lettre, dans la langue faisant foi, sur le site Internet :

62 Voir par exemple CJCE, 9 décembre 1997, Affaire C-353/95 P , Tiercé Ladbroke / Commission, point 26

63 Décret n°2005-1068 du 30 août 2005 pris pour l’application de l’article 16 de la loi relative à la régulation des activités postales

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http://europa.eu.int/comm/secretariat_general/sgb/state_aids/. Cette demande devra être envoyée par lettre recommandée ou par télécopie à :

Commission européenne Direction générale de la Concurrence Greffe Aides d’Etat SPA 3 6 / 5 B-1049 Bruxelles Fax : +32 2 296.12.42

Veuillez croire, Monsieur le Ministre, à l’assurance de ma haute considération.

Par la Commission

Neelie KROES

Membre de la Commission