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Romain Foliard. 2008
Master II Etudes Stratgiques.
Universit Paris 13.
Renseignement et lutte contre le terrorisme:
De la fin de la Guerre Froide jusqu nos jours.
Sous la direction de :
Stphane Folcher (Universit Paris 13 / Ministre de lIntrieur)
Franois Gr (Prsident de lInstitut Franais dAnalyse Stratgique IFAS)
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Sommaire
Introduction Gnrale.
Chapitre 1 : Le renseignement lre post-bipolaire.
Chapitre 2 : Lvolution du renseignement lre post-11 septembre
2001.
Chapitre 3 : Bilan, et perspectives futures pour le renseignement.
Conclusion Gnrale.
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Introduction Gnrale
La fin de lantagonisme Est-Ouest accompagnant la chute du Mur de Berlin en 1989, puis les
attentats terroristes contre les Etats-Unis le 11 septembre 2001, on fait rentrer le monde dans
une nouvelle re.
Laffrontement des deux blocs o chacun des protagonistes connaissait son ennemi et savait
contre qui et quoi il se battait, a laiss la place une situation largement trouble par
lmergence de nouveaux dangers, en provenance dacteurs toujours plus nombreux et trs
difficilement prvisibles.
Les nouvelles formes de rivalits conomiques, les organisations criminelles transnationales,
les extrmistes violents, etc., sont apparus en mme temps que la mondialisation et
reprsentent aujourdhui des menaces majeures sur le plan international.
Mais depuis quelques annes, cest bien le terrorisme islamique qui est au cur des
proccupations. Il reprsente la menace avec le plus fort pouvoir de nuisance. Les 3000 morts
des attentats du 11 septembre 2001, ainsi que les centaines de victimes dplorer de par le
monde annuellement, font de ce terrorisme llment de dstabilisation potentiellement le plus
redoutable, le plus mdiatique aussi.
Cet adversaire diffus, aux contours mal dfinis et utilisant bon escient toutes les possibilits
offertes par la mondialisation au sens large (notamment celles issues de la rvolution des
technologies de linformation), volue dans un nouvel environnement, caractris non plus
par laffrontement idologique mais par limbrication des enjeux et la multiplication des
risques. La rupture avec la priode de la Guerre Froide est donc totale.
Aujourdhui, la menace premire est avant tout asymtrique et elle impose de reconsidrer
les moyens mis en uvre pour assurer la dfense et la scurit des Etats, de les adapter en
permanence galement.
Ainsi la chute du mur de Berlin, mais plus encore depuis les attentats New-York et
Washington en 2001, les Etats et organisations internationales concerns, ont entrepris de
faire voluer leurs appareils de lutte contre le terrorisme.
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La capacit dadaptation de ce terrorisme islamiste est trs rapide, elle constitue sa plus
grande force, et elle est un dfi perptuel pour ceux qui le combattent.
Lanticipation est primordiale et le renseignement indispensable pour prvenir les oprations
terroristes et les djouer. Il est quasiment le seul moyen efficace pour viter que ces acteurs ne
passent laction.
Les services de renseignements, chargs de collecter, danalyser, puis de transmettre les
informations utiles aux dcideurs politiques, ont donc pris une importance considrable.
Eux aussi, ont eu sadapter au sortir de ces dcennies de Guerre Froide qui les avaient vus
se dvelopper et se structurer conformment et autour de leur mission d'origine, savoir une
fonction de dfense, tourne sur l'extrieur et vise militaire.
Mais quelle place le renseignement occupe-t-il dans le cadre de la lutte anti-terroriste ? Quel
est son rle? Quels changements se sont produits depuis le 11 septembre 2001 et plus
globalement depuis la fin du monde bipolaire partir de 1989 ? Quelles sont les perspectives
souhaitables et envisageables pour le renseignement, dans le cadre de la lutte contre le
terrorisme transnational ?
Dans un premier temps, nous verrons dun point de vue gnral en quoi consiste le
renseignement, quels sont ses moyens, son organisation mais aussi ses spcificits dans la
lutte antiterroriste. Nous aborderons galement ce nouveau contexte, ce nouvel
environnement post Guerre Froide auquel le renseignement a d faire face. Nous tenterons de
dgager les principaux changements ayant influ sur la pratique du renseignement pendant
cette priode.
Puis, nous nous concentrerons sur la priode post-11 septembre 2001, qui marque une relle
acclration dans lvolution des services de renseignement, pour sadapter la menace du
terrorisme islamique.
Comprendre les mesures mises en place par les Etats (Etats-Unis, France et pays europens
principalement) et les organisations internationales (OTAN, ONU, Union Europenne) pour
faire voluer le cycle du renseignement, voir comment se sont ragences les cooprations
internationales, etc., seront quelques-uns de nos thmes de rflexion dans cette deuxime
tape.
Enfin dans une troisime et dernire partie nous tenterons de dresser un bilan et dinstaurer
des perspectives. Quelles solutions peuvent tre envisages pour continuer de faire progresser
la collecte, lanalyse puis la transmission du renseignement, dans le cadre de la lutte contre le
terrorisme? Nous voquerons enfin les problmes thiques que soulve le renseignement, son
contrle institutionnel mais aussi par sa privatisation grandissante, ou encore les voies
futures offertes par les sources ouvertes ou l Intelligence-Led Policing .
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Introduction Chapitre 1 :
Les annes 90 vont marquer la fin de laffrontement idologique bipolaire, larrive de la
mondialisation et de la rvolution des nouvelles technologies de linformation et des
tlcommunications, etc.
Ces changements soudains vont aller de pair avec lmergence de nouveaux acteurs qui non
seulement ne vont pas tre affilis aux Etats mais qui en plus, vont contester leur
souverainet.
La politique internationale dans son ensemble va en subir les consquences.
Le schma classique hrit de la Guerre Froide nest plus dactualit. Les menaces
deviennent de plus en plus connectes aux risques, elles sont diffuses, transnationales, les
adversaires sont multiples et imprvisibles. Le terrorisme islamiste apparat comme la menace
la plus dangereuse.
Les concepts de sanctuarisation du territoire national, de sparation entre scurit intrieure et
scurit extrieure ne sont plus valables. Assurer la scurit et la dfense dun territoire, dun
Etat, demande dsormais une approche et une connaissance globale des enjeux.
Ce contexte incertain fait de lanticipation llment cl, et le renseignement devient larme la
plus efficace pour combattre ces nouvelles menaces.
Dans ce chapitre, nous aborderons tout dabord le rle du renseignement. Il sagira de
rappeler des notions cls le concernant, puis d'envisager certaines spcificits dans le cadre
de la lutte anti-terroriste.
Nous dcrirons ensuite le nouveau contexte international qui s'est dvelopp aprs la Chute du
Mur et verrons quels changements il a induits dans les services de renseignement, depuis leur
rorientation, dans les annes 90 vers les moyens techniques de collecte, vise
conomique, jusqu' leur incapacit anticiper la menace et les attentats terroristes du 11
septembre 2001.
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Chapitre 1 : Le renseignement lre post-bipolaire.
I) Le renseignement : pilier de la lutte anti-terroriste.
1) Prsentation gnrale du renseignement.
a) Dfinition du Renseignement .
Avant dtudier dans notre deuxime partie lvolution du renseignement dans les annes 90,
il nous faut au pralable dfinir ce quil est, aborder son rle, prciser sa place et sa spcificit
au sein de la lutte anti-terroriste.
Comme toute notion, le renseignement est lobjet de diverses dfinitions.
Parmi les plus lmentaires, citons celle-ci : activits relevant du domaine secret 1.
Ou celle plus gnraliste de lamiral Lacoste : linformation utile [] utile lentreprise,
la tache assigne, lobjectif que lon veut atteindre 2.
Mais, notre travail privilgiant laspect scuritaire du renseignement, nous retiendrons en
priorit la dfinition donne par Jacques Baud : Ensemble des activits visant rechercher
et exploiter des informations au profit dun Etat et de ses forces armes. Il est excut aux
niveaux stratgique, opratif et tactique, dans les domaines les plus varis 3.
La recherche du renseignement nest pas nouvelle. Elle peut mme tre considre comme
lune des plus anciennes activits menes par lhomme, sachant quelle a pu prendre des
formes bien diffrentes au cours du temps. Elle consiste satisfaire un besoin de
connaissance, voire de curiosit sur une chose, un individu, un groupe, etc. Cependant le
renseignement se distingue de la simple information partir du moment o cette dernire
devient un enjeu de puissance, de pouvoir, et donne lieu la cration de mthodes, doutils et
de services particuliers pour sa collecte puis son exploitation.
Il est avant tout une aide la prise de dcision, dans des domaines divers et varis :
Economie, Industrie, Diplomatie, Scurit, Dfense, etc., tous sont susceptibles de faire appel
au renseignement dans le cadre de leurs activits. Il sagit de sinformer sur les intentions
1 Frdric Guelton, Pourquoi le renseignement ? De lespionnage linformation globale, Larousse, 2004, 152p.
2 Ibid.
3Jacques Baud, Encyclopdie du renseignement et des services secrets, Lavauzelle, 2002.
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d autrui , pour disposer de lautonomie et de la connaissance ncessaire la prise de
dcision et donc laction.
b) Le cycle du renseignement.
Il existe diffrents types dapproches, mais globalement le cycle du renseignement sorganise
autour de quatre grandes phases :
La dfinition de la recherche. Cest lexpression dun besoin qui dans le cas de la lutte
anti terroriste mane de lautorit politique. Le service de renseignement, et plus
particulirement lagent (ou les agents) sait donc ce quil doit chercher et dans quelle
direction.
Laction ou la collecte. Il sagit du moment de la recherche de linformation
proprement dite, et des moyens divers par lesquels elle s'effectue (activation de
sources, de recherche clandestine, etc.).
Lexploitation / analyse. Cest le travail des analystes qui doivent trier
linformation utile, pertinente et la dissocier du reste.
La diffusion. Cest la dernire phase du cycle, celle ou le renseignement recueilli est
transmis au(x) dcideur(s) politique(s) qui dcideront de lancer (ou non) une action.
Cest dans cette phase que le renseignement devient vritablement un outil daide pour
la dcision.
c) Les moyens du renseignement.
Le renseignement peut sobtenir partir dune multitude doutils, de mthodes, de capteurs
issus de deux grands types de sources : les sources dites ouvertes et les sources dites
fermes 4.
Les premires reprsentent lensemble des moyens dinformations accessibles tous,
gratuitement ou non. Aujourdhui on estime que prs de 80% de linformation utile aux
services de renseignement en matire de lutte anti-terroriste, provient de ces sources
ouvertes , en premier lieu dInternet.
Les sources dites fermes englobent tous les moyens clandestins de collecte de
linformation quils soient illgaux ou non. Lessence mme de ces sources fermes
4 Lieutenant-colonel Barmon, La fonction renseignement, Objectif Doctrine, Octobre 2000.
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repose sur le secret, sur la discrtion, limportant tant de ne pas se faire reprer par la cible.
Les moyens pour mener la recherche peuvent tre de deux types : techniques ou humains.
Renseignement technique :
Il relve essentiellement de deux domaines:
Le renseignement lectromagntique (SIGINT, Signal Intelligence) qui comprend
la fois le renseignement lectronique (ELINT, Electronic Intelligence) et le
renseignement sur les communications (COMINT, Communication Intelligence) ;
Le renseignement par imagerie (IMINT, Image Intelligence).
A lintrieur de chacun deux, il est possible dtablir des sous catgories selon les
moyens spcifiquement employs : renseignement laser, des signatures
lectromagntiques, optiques, acoustiques, photographiques, radars, etc.
Le renseignement technique utilise le plus couramment des aronefs, des systmes
satellitaires (satellites, drones), la cryptographie et des coutes COMINT
(Communication Intelligence).
La plupart des grandes nations du monde occidental disposent dun service spcifique de
renseignement technique, ou bien dun systme dinterception.
Il sagit par exemple du GCHQ (Government Communications HeadQuarters) en Grande
Bretagne, de la NSA aux Etats-Unis, de la FAPSI en Russie, et du systme nomm
Frenchelon en France.
Les avantages du renseignement technique sont multiples : il fournit une information
concrte, fiable, pratiquement en temps rel et de nimporte quel endroit de la plante en
saffranchissant des difficults inhrentes aux conditions politiques, gographiques ou
environnementales. Mais surtout la collecte de linformation peut seffectuer sans mettre
en danger des vies humaines, et sans se faire reprer par les adversaires.
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Renseignement dorigine humaine (ROHUM ou HUMINT en anglais).
Il est obtenu par le biais dagents de renseignement utilisant des mthodes de collecte
lgales ou illgales. Il englobe la fois le renseignement acquis par un mode
conversationnel pour lequel un capteur humain interroge une source, et le renseignement
acquis par lobservation sans contact avec ladversaire 5. Le renseignement humain
recouvre lappellation MICE : Money, Ideology, Contraint, Ego par rfrence aux
quatre mthodes principales de collecte utilises par lHUMINT :
Money dcrit lachat de renseignement par le versement dargent.
Ideology voque lobtention de renseignement par sympathie ou conviction
idologique. Un individu accepte de transmettre des informations l ennemi
parce quil rejette les valeurs de la socit, du gouvernement, de lentit, etc.
auquel il appartient.
Contraints , renvoie lusage des mthodes de chantage, dintimidation, voire
de torture (mais qui elle concerne des cas bien spcifiques), pour lobtention dune
information.
Ego signifie appter un individu en flattant son go, en entretenant sa
mgalomanie et/ou lui promettant une reconnaissance personnelle importante.
Ltude de la collecte du renseignement peut donc tre aborde partir de la mthode, en
diffrenciant moyens techniques et humains .
Mais elle peut l'tre galement selon la finalit , en envisageant par consquent le type de
production .
En effet, le renseignement obit des objectifs, des orientations plus ou moins strictes qui
vont influencer la recherche. Et lorsquil arrive au stade du produit fini , il est cens
rpondre la demande initiale. La recherche ne se fait pas au hasard .
Ainsi, on distingue plusieurs niveaux et catgories de renseignements en fonction de la nature
du travail de collecte et de celle du produit analytique. Les typologies varient dun spcialiste
lautre, cependant nous allons tenter de faire une synthse densemble :
5 Colonel Emmanuel Poucert, Le renseignement de source humaine, espoirs et problmes, Doctrines N09, Juin
2006.
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Au sommet de la hirarchie , on trouve le niveau du Renseignement politico-stratgique :
Il vise reconstituer l environnement gnral , de donner une image fidle et grande
chelle des questions stratgiques, par la comprhension globale dune situation, en associant
comme son nom lindique les lments politiques et stratgiques, mais aussi sociaux,
conomiques, militaires, etc. Il est le fruit de la mise en commun des renseignements de tous
les services, quils soient militaires, civils ou scuritaires. Dans la lutte anti-terroriste, il doit
permettre dapprhender correctement le phnomne en identifiant ses vulnrabilits et sa
stratgie gnrale. Ce niveau de renseignement est malheureusement trop souvent nglig par
les autorits politiques, car il se conoit sur le long terme, et surtout il ne dbouche pas sur des
rsultats susceptibles d'avoir un impact mdiatique. Pourtant il apparat tout fait
indispensable dans un domaine ou lanticipation tactique se rvle extrmement complique.
A lintrieur de ce renseignement politico-stratgique on peut dcliner deux sous catgories :
Le Renseignement de Dfense et de Scurit Intrieures : on le retrouve parfois
galement sous lappellation simple de Renseignement de Dfense Il recouvre des
situations trs larges, ses contours sont assez flous. Il est cens faire la synthse de
tous les types de renseignement relevant de la Dfense et de la Scurit Nationale
(renseignement politico-stratgique, militaire, conomique, de police, etc.), mais dans
la majorit des Etats, il nexiste pas dentit (ou alors elle ne dispose pas de la
lgitimit et des moyens ncessaires) capable dy parvenir. Dans le cadre spcifique de
la lutte contre le terrorisme, cette catgorie de renseignement opre au niveau tactique
pour arrter les membres des rseaux et les mener ensuite en justice pour
condamnation. Sa vocation est la fois ractive (runir les preuves aprs un attentat)
mais aussi prventive puisquil cherche dmasquer les terroristes potentiels,
dtecter des matriels pouvant servir une opration (armes, explosifs, etc.) et quil
sintresse galement la dtection et la surveillance des infrastructures pouvant servir
ces mmes actions.
Le Renseignement militaire : il concerne les renseignements relatifs aux activits
militaires et forces armes. Il prend ses directives du plus haut sommet de lEtat, sa
mission est de renseigner les autorits militaires (les Chefs dEtats-majors) toujours
dans une optique de planification des oprations. Ainsi le renseignement fonctionne
la fois en temps de paix et en temps dengagement :
o En temps de paix, il sert la collecte puis lanalyse des informations
concernant un adversaire, ou un adversaire potentiel. Concrtement, il permet
lvaluation de ses moyens, de ses infrastructures, de ses mthodes, etc. Il
sagit par exemple de connatre les effectifs des forces armes, leur niveau de
dveloppement, la localisation des bases militaires, de reprer dventuels
signes ou preuves dun programme nuclaire, etc. Mais son champ daction est
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bien plus large que la simple valuation des capacits militaires dun ennemi.
Depuis quelques annes, et surtout depuis la fin du monde bipolaire, le
renseignement militaire a considrablement tendu son champ danalyse. Ainsi
on parle davantage aujourdhui de renseignement dintrt militaire . De par
lvolution des menaces il est dsormais oblig de collecter des informations
plus gnrales (connaissances du milieu gographique, du contexte politique,
conomique, culturel, etc.). Cest pourquoi il se confond parfois, et de plus en
plus, avec le renseignement de Dfense.
o En temps dopration militaire, il peut concerner la fois les niveaux
stratgiques, oprationnels, et tactiques. Il apporte aux forces armes ainsi qu
leurs responsables des renseignements qui leur seront utiles pour la
planification et la conduite des oprations, des actions ou des engagements. On
peut alors distinguer le renseignement militaire de situation qui sintresse
la planification et le renseignement militaire de combat qui se passe
en temps rel et permet aux militaires sur le terrain de mener leurs actions.
Dans loptique de la lutte contre le terrorisme, le renseignement militaire peut
apparatre moins appropri par exemple que le renseignement de police, car par
essence, la force des groupes terroriste tient justement au fait quils nengagent pas
leurs actions contre les Etats sur un plan militaire, mais partir de mthodes
asymtriques, ne faisant pas appel aux forces armes conventionnelles. Cependant,
contre des adversaires qui utilisent les mthodes du terrorisme mais tout en
fonctionnant et agissant comme des groupes arms de gurilla, le renseignement
militaire est un moyen efficace pour collecter de prcieuses informations.
Dautres classifications existent : on pourra parler spcifiquement de renseignement
danticipation, dinvestigation, de documentation, de base, biographique, conomique, etc., en
fonction de la finalit recherche.
Mais comment sorganise dans la ralit, la collecte du renseignement ?
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d) Lorientation du renseignement.
Si le renseignement peut tre catgoris partir des sources ou capteurs par lesquels il est
collect, lorientation gographique quon lui donne est galement trs importante pour
comprendre les nuances de cette activit, la qualifier.
Il peut tre ainsi divis selon lespace ou le territoire vis. On distingue donc :
Le renseignement extrieur : politique, diplomatique, conomique, militaire, etc.,
lespionnage au sens classique du terme.
Le renseignement intrieur : principalement concentr sur la veille, linfiltration et la
surveillance.
Mais nous verrons par la suite, que la distinction entre le renseignement intrieur et le
renseignement extrieur nest plus adapte, spcialement dans le cadre du terrorisme
transnational et que dans de nombreux pays, elle est en train de seffacer.
Nanmoins, elle demeure plus ou moins encore visible et cest toujours l orientation
gographique du renseignement qui diffrencie les services uvrant dans ce domaine entre :
Les services de renseignement extrieur : En France il sagit de la DGSE, de la
DRM, de la DST et des RG (ces deux derniers forment la DCRI depuis 2008), de la
DPSD ainsi que la Gendarmerie, les Douanes et la Police judiciaire de manire
indirecte. On pourra citer galement la CIA aux Etats-Unis, le MI-6 au Royaume-Uni,
le BND (Bundesnachrichtendienst) en Allemagne.
Les services de renseignement intrieur : cest par exemple la nouvelle Direction
Centrale du Renseignement Intrieur (DCRI) en France, le FBI aux Etats-Unis, le
MI-5 au Royaume-Uni, le BFV (Bundesant fr verfassungsshutz) en Allemagne.
Les diffrentes organes de coordination : ctait le CIR en France avant la
publication du livre blanc en 2008 ; il sera remplac par le CNR (Conseil National du
Renseignement) trs bientt. Il sagit du NSC (National Security Council) aux Etats-
Unis, du DIS (Direction pour lInformation et la Scurit) en Italie, et du Joint
Intelligence Committee au Royaume-Uni.
Enfin, le renseignement peut tre apprhend par la nature de ses activits :
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e) Les activits du renseignement.
Le renseignement peut se diviser en diffrentes activits6, mais qui relvent de deux grandes
catgories :
Tout dabord lespionnage (toujours vocation offensive) et le contre espionnage qui
peut tre dfensif (protection des armes et du personnel) ou offensif (retournements
dagents, etc.).
Ces activits despionnage ou de contre espionnage sont le fait dindividus que lon
nomme :
o Agent infiltr ou Taupe pour l'espion au sens classique du terme.
L'agent est infiltr dans le milieu qu'il doit surveiller. Il peut tre soit actif ,
soit dormant , c'est--dire provisoirement et dlibrment inactif (ou mis en
sommeil) dans le but de renforcer sa couverture et/ou sa scurit et il sert
informer l'organisme ou l'entit de tutelle qui l'emploie sur les agissements du
milieu en question. Lobjectif est le recueil de linformation.
o Agent retourn ou Agent double dans le cas d'un agent au dpart infiltr
mais qui a t dcouvert et que, selon le contexte et la situation, plutt que de
le juger et le condamner, on prfre utiliser en le retournant contre
l'organisme ou l'Etat pour le compte duquel il oprait initialement. Il va alors
devoir non seulement informer son nouvel employeur sur ce dernier mais
aussi colporter auprs de lui et bien videmment son insu, de fausses
informations dans le but de le dstabiliser, de le leurrer. Le rle de ce type
d'agent (qui est le plus souvent actif ) est, on le comprend, trs important
et stratgique. Lobjectif est la dsinformation ou lintoxication.
o Agent provocateur pour dsigner un infiltr, implant au sein dun groupe,
rseau ou entit, etc., qui a pour mission de recruter, de compromettre des
sympathisants, de les engager dans une action de manire les faire tomber et
les liminer. Ainsi, pour prendre un exemple concret, pendant des annes, le
responsable du recrutement des activistes de lIRA tait un agent
provocateur du service britannique MI-5 dont la mission consistait
recruter les membres de cette organisation7. Lagent provocateur est
extrmement prcieux dans le cadre de la lutte contre le terrorisme puisqu'il
permet de surveiller les membres d'un groupe terroriste, de connatre leurs
projets mais aussi de reprer les personnes susceptibles de les rejoindre.
Cependant il faut qu'il soit absolument fiable et que les services de scurit
6 Ibid. Frdric Guelton Op.cit.p4
7 Bien quil ne les incitait pas directement perptrer leurs actions, le simple fait de les recruter reprsentait par
essence un encouragement indirect.
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soient en mesure dagir au moment opportun, savoir assez tard pour que les
terroristes puissent tre arrts et poursuivis en justice, mais suffisamment tt,
avant que laction ne soit mise excution. Lobjectif est lincitation ou la
provocation.
Les actions clandestines recouvrent lutilisation de moyens spciaux8 par les services
Action dorganismes tatiques spcialiss dans le renseignement (ex : service
action de la DGSE), ou par des groupuscules pro-gouvernementaux.
Mais quelles sont les spcificits du renseignement au regard du terrorisme ? Quel est son
apport au sein de la lutte anti-terroriste par rapport laction policire ou judiciaire
2) Spcificits du renseignement dans la lutte anti-terroriste.
a) Le pivot de la lutte anti-terroriste.
Le renseignement est le pivot de tout dispositif anti-terroriste, car il cherche supprimer
leffet de surprise sur lequel le terrorisme sappuie pour frapper et nuire.
Par dfinition, le terrorisme trouve son efficacit dans le caractre soudain et imprvisible
de ses actions, davantage que dans sa capacit de destruction. Lefficacit premire dun
attentat repose avant tout sur le choc instaur au sein dun groupe ou dune socit. Nous
irons mme plus loin en disant que les dommages directs engendrs par lacte terroriste
(victimes, destructions etc.) sont moins importants que limpact psychologique quil suscite.
Comme son nom lindique, le terrorisme entend terroriser , provoquer le doute et la peur
au sein dune population.
Il est l'une des menaces multiformes et diffuses que compte le monde post-bipolaire, sans
doute est il la plus emblmatique.
Mais alors quil sagissait pendant la Guerre Froide de collecter des informations sur un
ennemi connu et bien dtermin, aujourdhui le challenge principal pour les forces de scurit
et de dfense est dabord de trouver ladversaire, avant mme denvisager dobtenir des
informations plus prcises sur lui et en dernier lieu, de mener des actions pour le contrer.
De plus, la menace nest pas seulement imprvisible, elle est transnationale. A l'heure o le
terrorisme ne connat plus de frontire aussi bien concernant ses cibles que ses implantations,
la notion de sanctuarisation du territoire nest plus pertinente et la collecte du renseignement,
8 Assassinats cibls, oprations de destruction, de sabotage, de dstabilisation, etc.
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mais surtout la coopration entre les services concerns, que ce soit lintrieur de lEtat ou
entre les Etats eux-mmes, est devenue une absolue ncessit et priorit. Elle sest dailleurs
largement dveloppe depuis la fin de la guerre froide et davantage encore depuis le 11
septembre 2001.
Dans ce contexte le renseignement, la transmission de linformation est llment absolument
central.
Concernant la lutte contre le terrorisme, le renseignement vise mieux apprhender les
rseaux, afin de connatre leurs moyens, leurs motivations, les oprations en prparation, les
cibles potentielles, etc.
Il est le centre de toute action anti-terroriste (quelle soit arme ou non), et aucune opration
judiciaire ou de police ne peut tre lance sans lapport du renseignement, dont la mission
premire est de trouver cet adversaire invisible .
Il intervient en amont de laction terroriste, dans une logique de prvention, pour
permettre aux forces de police de dmanteler les oprations en prparation, de dsorganiser
les rseaux, etc.
Mais il est prsent aussi en aval soit pour appuyer laction arme contre les groupes (le
renseignement militaire joue alors un rle central), soit dans une posture plus classique ,
pour seconder les services de police dans les enqutes en vue de la condamnation des auteurs.
Quelles sont les forces du renseignement et linverse ses faiblesses dans la lutte anti-
terroriste, par rapport aux autres types dactions qui peuvent tre menes contre le terrorisme
(police, judiciaire, militaire) ?
b) Forces et faiblesses.
Renseignement technique :
Il permet de contourner limpossibilit quasi-totale dinfiltration des rseaux
terroristes qui, par dfinition, sont des structures extrmement hermtiques.
Mais il demande la mise en uvre de moyens technologiques souvent coteux et trs
pointus que peu dEtats dans le monde sont en mesure de financer. De plus, il dlivre une
information fige dans le temps partir de laquelle il est difficile d extrapoler et bien
videmment il ne peut pas atteindre le domaine souterrain au sein duquel de nombreux
terroristes trouvent refuge.
Mais l'inconvnient majeur provient de la quantit dinformation, qui est aujourdhui
largement suprieure aux capacits danalyse des services de renseignement, les
communications se comptant chaque jour par millions voire milliards.
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A titre dexemple, on estime que la NSA (National Security Agency) - la plus grande
agence de renseignement technique du monde - nest en mesure de traiter quentre 4 et
10% des informations collectes. Ainsi, par manque de temps, des renseignements qui
auraient pu se rvler dterminants pour anticiper et empcher les attentats du 11
septembre 2001, nont t analyss que le lendemain de lopration.
Renseignement humain :
Les moyens de collectes humains permettent danticiper les intentions et dexpliquer
les actions de ladversaire 9. Ils donnent accs une information concrte qui
contrairement celle obtenue techniquement, peut s'insrer dans un environnement global
et permettre alors une meilleure vision et une valuation des situations dans des crises ou
problmatiques dont la complexit et la dispersion sont devenues les traits dominants.
De plus, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme spcifiquement, le renseignement
humain se rvle pertinent par rapport au renseignement technique. En effet, beaucoup de
membres des rseaux sont revenus ces dernires annes lutilisation de modes de
communications basiques reposant sur la transmission orale ou par le biais de
technologies aujourdhui dpasses (talkie-walkie par exemple). Ils ont compris
quils bnficieraient ainsi dune discrtion leur permettant de protger leurs activits,
sans se faire reprer par les services de renseignement, qui eux ont eu largement tendance
privilgier les moyens techniques dinterceptions pendant la dernire dcennie.
Mais le renseignement humain comporte galement dimportantes faiblesses. Tout
dabord il fait intervenir des hommes et des femmes dans des conditions parfois trs
dangereuses. Mais surtout, le recueil dinformation par linfiltration des rseaux se rvle
quasiment impossible, spcialement pour les agents des services occidentaux.
En effet les rseaux terroristes et notamment islamistes fonctionnent de manire
extrmement resserre. Les membres se connaissent depuis des annes et souvent ils
viennent des mmes rgions voire des mmes villages, parlent le mme dialecte, etc.,
linfiltration est donc quasi impossible pour les agents de renseignement et surtout est
extrmement dangereuse.
Voici donc prsente de faon trs gnrale, larchitecture du renseignement dans le cadre de
la lutte anti terroriste. Il sagissait davoir en tte les lments cls avant de passer dsormais
une approche plus concrte.
Avant daborder toutes les volutions du renseignement aprs les attentats du 11 septembre,
intressons nous tout dabord aux changements amorcs ds la fin de la Guerre Froide,
partir du dbut des annes 90.
9 Jacques Baud, Encyclopdie du renseignement et des services secrets, Lavauzelle, 2002.
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II) Emergence dun nouveau contexte et rorientation des services
vers lintelligence conomique et le renseignement technique dans les
annes 90.
1) Emergence de nouvelles menaces et nouveaux acteurs
a) De nouvelles menaces
La chute de lURSS met fin laffrontement idologique qui perdurait depuis prs de 50 ans.
Mais la stabilisation attendue du monde na pas lieu, et au contraire, des crises et des
conflits se dveloppent. Lconomie simpose comme le domaine majeur de concurrence
entre les nations et de nouveaux acteurs non gouvernementaux mergent en marge des Etats,
et dans certains cas sopposent eux (il existe au contraire des acteurs non gouvernementaux
qui assistent lEtat, les ONG en premier lieu). Au cours de lhistoire lEtat-nation a
toujours t contest que se soit par des groupes religieux, des mouvements doppositions,
etc., mais jamais ces groupes navaient acquis la capacit de nuisance quon leur connat
aujourdhui.
Ces nouvelles menaces qui bouleversent en profondeur la politique internationale et donc la
pratique du renseignement ont trait:
Au terrorisme islamique , personnifi par Al-Qada, organisation terroriste dun
nouveau type qui nest soutenue par aucun Etat. Mais Al-Qada est avant tout une
centrale dassistance , au sein de laquelle il nexiste aucune hirarchie ni
vritablement de stratgie concerte, et qui ne manifeste aucune revendication
territoriale. Seules les cibles et linspiration du combat contre loccident sont
communes aux diffrentes cellules ou filiales se rclamant de lorganisation de par le
monde. Certains spcialistes avancent mme quelle ne remplit quun rle purement
symbolique pour les apprentis terroristes. Toujours est-il quAl-Qada (ou des
mouvements menant la lutte en son nom) est prsente dans plus de 60 pays, et que son
pouvoir de nuisance est indiscutable.
A la criminalit transnationale , lautre menace majeure. Comme le terrorisme
islamique, elle a su tirer parti de toutes les possibilits offertes par la mondialisation,
notamment celles venues de la rvolution des technologies de linformation et de la
dmocratisation des transports. En effet, grce aux circuits conomiques globaliss,
elle a pu dvelopper ses affaires qui concernent au niveau international, le trafic
darmes, de drogue, parfois mme humain et qui reprsentent prs de 6% de
lconomie mondiale. Ces organisations criminelles sont un facteur dinstabilit trs
fort surtout dans les rgions o lEtat sest construit sur des bases fragiles. En effet,
leur objectif premier ne rside pas dans la conqute du pouvoir des fins politiques.
Mais indirectement le contrle de territoires leur octroie la main mise sur les
-
18
institutions, ainsi que sur les entreprises. Affaiblir lEtat est donc pour elles un moyen
d'asseoir leur business et doptimiser les profits.
Aux technologies prolifrantes. Et au premier rang dentre elles, la prolifration
nuclaire, toujours prsente dans ce monde post-Guerre Froide bien quayant chang
de nature. En effet, elle reste lune des proccupations majeures de la communaut
internationale. Les dossiers Iraniens et Corens, autrefois Libyens ou Sud Africains
sont l pour en tmoigner. Mais aujourd'hui, le risque le plus redout n'est plus un
affrontement nuclaire de grande ampleur pouvant mettre en pril la survie dune
partie de lhumanit mais une action terroriste perptre par le biais dune arme
atomique. A la chute du Mur, du matriel et de la matire fissile ont disparu des
installations danciens pays sovitiques, et un certain nombre de savants ont mis leur
exprience au service dEtats prolifrants. Ces fuites et cette situation pourraient elles
tre utilises par un groupe terroriste ? Cest probable. Si actuellement la fabrication
dune arme atomique demeure au stade de la science fiction puisque le processus
demande des moyens et un savoir faire que seuls les Etats (et encore les plus riches)
sont en mesure de mobiliser, son vol constitue une hypothse et un danger trs
ralistes. Et un attentat perptr par le biais dune bombe sale contenant de la
matire fissile est galement de lordre du possible. Mais les autres types de
technologies prolifrantes telles que les armes biologiques, bactriologiques et
chimiques reprsentent tout autant (si ce nest davantage) des mthodes susceptibles
dtre employes lors dun attentat.
Aux nouvelles rivalits conomiques . La fin du monde bipolaire et larrive de la
mondialisation ont transfr la comptition entre les nations, du domaine militaire
au domaine conomique . De nos jours, plus que la puissance de son arme, cest le
rayonnement conomique dun pays qui dtermine sa place sur le plan international.
Pour intgrer ce profond changement, les services de renseignement occidentaux ont
d'ailleurs rorient leur activit compter de la dcennie 90, comme nous le
prciserons ultrieurement.
A la comptition pour laccs aux ressources et nergies stratgiques. Elle concerne
particulirement le ptrole (mais aussi le gaz) qui peut tre lorigine de tensions
voire dans certains cas de conflits ouverts entre Etats non seulement pour assurer son
exploitation mais aussi son transit. Ce le sera surement davantage encore dans le futur,
mesure que les ressources vont samoindrir et vont faire de cette matire premire un
produit encore plus convoit quil ne lest aujourdhui. De nombreux conflits
intertatiques dans le monde concernent ces questions. Il peut tre aussi un vecteur
indirect de la monte des tensions. La Chine a ainsi augment significativement son
budget militaire depuis quelques annes, afin dassurer la scurit de ses
approvisionnements nergtiques. Car globalement la concurrence entre les pays pour
accder ces matires premires implique de renforcer la scurit et donc de
dvelopper leur secteur militaire, ce qui a pour rsultat dinstaurer de la crainte entre
les Etats et dattiser des tensions.
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19
Au retour de la Russie au premier plan. Aprs une priode trs difficile au dbut des
annes 90, elle remonte la pente dans tous les domaines depuis quelques annes.
Cependant aprs une phase de normalisation, marque par une pacification politique
avec de nombreux pays, on assiste depuis peu au retour de tensions. Cest le cas par
exemple avec la Chine en raison de linfluence grandissante de cette dernire en
Sibrie. Cest le cas galement avec les amricains propos du projet de bouclier anti-
missile que ces derniers voudraient installer sur le sol danciennes rpubliques
sovitiques ou encore du dossier du nuclaire iranien, dans lequel le rle du Kremlin
est mal peru par les amricains et les europens.
A la monte en puissance de la Chine. Elle pourrait engendrer des tensions
importantes notamment avec les Etats-Unis qui tentent actuellement de simplanter
srieusement en Asie alors mme que la Chine entend sapproprier des espaces,
notamment maritimes, quelle considre lui appartenir. Tawan est toujours un sujet
dopposition majeur entre les deux pays, et Washington voit dun trs mauvais il le
rapprochement des chinois avec des pays ennemis tels que lIran, le Pakistan, la
Core du Nord ou la Birmanie.
A ce titre, et avec toutes les prcautions qui simposent, de plus en plus de spcialistes
des questions stratgiques mettent lhypothse que les amricains
instrumentaliseraient la lutte anti-terroriste pour faire voter des budgets de dfense et
de scurit toujours plus consquents, dans lhypothse dun conflit arm futur contre
la Chine.
En outre, les relations Chine/Russie aprs avoir connu une amlioration sensible la
fin des annes 90, sont de nouveau tendues, pour des causes tenant essentiellement aux
questions nergtiques et dmographiques.
Aux possibles dstabilisations lies aux lments environnementaux et climatiques.
Nous en sommes certains aujourdhui, le climat la surface du globe est en train de
changer, et il le fera davantage encore dans les annes venir. Les pisodes
climatiques violents dorigines naturelles mais aussi les catastrophes
environnementales engendres par lactivit devraient se multiplier. Nous en mesurons
dj les consquences : sols et cours deau pollus, asschement des ressources en eau,
dsertification, disparition despces animales et vgtales, etc.
Les populations seront alors contraintes daller chercher ailleurs ce quelles ne
trouveront plus sur leur propre territoire. Des migrations importantes, internes ou
externes aux Etats, devraient se produire et on peut craindre ainsi quelles soient une
source de dstabilisation importante et ce dautant plus que dans beaucoup de rgions
du monde, ces facteurs climatiques et environnementaux vont se connecter dautres
problmes tels que lexplosion dmographique.
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Enfin, nous ajouterons ce que lon pourrait nommer les nouveaux extrmistes violents 10.
uvrant le plus souvent dans les pays dvelopps, ils remettent en cause le fonctionnement
des socits capitalistes. Il sagit des antimondialisations, des antis-consommations, des
groupes de dfense de lenvironnement, de dfense des animaux qui parfois ont dbouch sur
la naissance de groupes aux mthodes radicales et ventuellement trs violents. Cest le cas
dALF (Animal Liberation Front) par exemple concernant la dfense des animaux, ou ELF
(Earth Liberation Front) au nom de la protection de la nature. Cependant, nous ne les
incorporons pas aux lments majeurs de dstabilisation prcdemment cits car leur
dangerosit est certes relle mais limite.
La priode post-Guerre Froide marque donc le dveloppement de nouvelles menaces mises en
uvre par de nouveaux acteurs. Le monde est caractris aujourdhui par lincertitude lie
ce nouveau contexte. Les crises peuvent surgir nimporte o, nimporte quand, et pour des
raisons trs diverses.
Mais concrtement, pourquoi ces nouveaux acteurs sont-ils ns et comment ont-ils acquis leur
pourvoir de nuisance ? Intressons nous rapidement aux principaux lments explicatifs :
b) dveloppes dans un contexte globalis .
La mondialisation (ou globalisation) existe en ralit depuis que lhomme a dcid de
dcouvrir dautres territoires, dlargir son horizon et lapparition de nouveaux moyens de
transports en a toujours t le moteur. Mais ce qui lui a confr son caractre exceptionnel la
fin du XXme sicle, cest la concordance de larrive de moyens de transports toujours plus
rapides et bon march (avion, train, voiture) avec la rvolution des nouvelles technologies de
linformation et des communications (tlphones portables, Internet, etc.). Ainsi au-del du
physique, il y a un horizon intellectuel (information, connaissance, comprhension) que la
communication a franchi la fin du XXme sicle pour tisser une toile travers le monde.
Aujourdhui chacun est conscient de ce qui se passe lautre bout de la plante, voire y
participe : le monde est un village, c'est--dire un espace de proximit o lon est plus
tranger mais proche, davantage concern 11.
Explosion des changes conomiques grce la rvolution des transports.
L'amlioration des systmes de communications a permis que les systmes dchanges
commerciaux puissent intgrer les endroits les plus reculs du globe mais pour autant,
elle n'a pas supprim les diffrences gographiques. Au contraire, les zones qui ne font
pas partie des rseaux d'changes se trouvent plus marginalises qu'avant. Le
processus nest en effet pas homogne et se concentre sur quelques ples , en
excluant des rgions entires. Ainsi Amrique du Nord, Europe et Asie principalement
10
Eric Denc, La rvolution du renseignement, Revue Stratgie Globale n 4 - Et 2008, 13p. 11
Revue : Scurit et Stratgie, N 93, Mai 2006.
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21
ralisent eux trois prs de 65% des flux du commerce mondial, mais l'Afrique
seulement 2.0 % et Amrique Latine 3.5%12.
Par ailleurs, la rvolution des transports qui sest opre partir du 19me sicle a
entran une augmentation des capacits de dplacements, mais aussi et surtout la
hausse de la vitesse et la baisse des cots. Dans le domaine du fret maritime, on est
pass dun cot de transport 95 dollars la tonne en 1920, 29 dollars en 199013.
Cette explosion de la mobilit a renforc linterdpendance des conomies et intensifi
la comptition entre les espaces . En effet, la concurrence conomique ne se situe
plus uniquement au niveau du bassin demplois, de la rgion ou mme du pays, mais
lchelle du monde entier pour bon nombre dactivits et de secteurs.
Ainsi, les appels doffres pour des entreprises telles que Boeing sadressent des
entreprises de toute la plante.
La encore, cette dmocratisation des transports qui peut tre envisage comme un
vritable progrs est cependant rpartie de faon trs ingale selon la catgorie sociale
des individus, selon les entreprises, selon les territoires, etc.
Explosion des tlcommunications.
Elles ont permis au XXme sicle de communiquer de faon quasi instantane sur la
quasi-totalit du globe, pour un cot de plus en plus drisoire . Si en 1950 le prix de
trois minutes de communication par tlphone slevait 53 dollars, il ntait plus que
de 3 dollars en 199014. En 2003, le volume total des communications sonores dans le
monde atteignait 180 milliards de minutes, soit plus de 340 annes de temps en un
an15
.
Internet lui seul a reprsent une vritable rvolution . Alors que lon comptait
dans le monde environ 2 ordinateurs pour 1000 habitants connects Internet en 1990,
on en compte 319 en 2005, et 478 lhorizon 2010. En seulement cinq annes (de
2000 2005) le nombre dinternautes dans le monde a enregistr une croissance de
plus de 180% et jusqu 480% dans certaines rgions (au Moyen Orient en
particulier)16.
Mais l encore, cette dmocratisation de laccs Internet sest ralise de faon
trs ingale. On peut citer 2 exemples :
12
Laurent Carrou, Gographie de la mondialisation (3me
dition), Armand Colin, 2007, 295p.
13 Ibid.
14 Ibid.
15 La lutte contre le terrorisme islamiste, Le Monde Dossier et Documents, juillet 2007.
16 Source : http://www.itrmanager.com/
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22
- Les pays du G8 qui regroupent 15 % de la population mondiale reprsentent 50 %
du nombre dinternautes alors que la cinquantaine de pays dAfrique a moins
dinternautes que la France.
- Il existe trente pays dans le Monde dont le taux de pntration d'accs Internet est
infrieur 1 %.
Aujourdhui, grce aux tlcommunications et Internet en particulier, il est possible et facile
d'accder tout type d'information, depuis n'importe quel ordinateur. Et si dans la majorit
des cas, il sagit dune avance formidable, Internet peut galement servir la transmission et
la diffusion dinformations dangereuses, de propagandes, dappels la violence, etc.
Plus encore, il octroie une nouvelle capacit de mdiatisation des causes dont on naurait
jamais entendu parler auparavant.
Pour les terroristes, la couverture et le retentissement mdiatiques sont dsormais plus
importants que l'action elle-mme. En effet, cest linformation vhicule et la peur ou
langoisse qu'elle instaure au sein dune population qui terrorise vritablement, un groupe,
une socit, etc.
Sans vecteur auprs de lopinion publique, le terrorisme naurait aucun impact et cesserait
dexister, car par essence cest la dimension psychologique qui alimente sa puissance et donc
son pouvoir de nuisance.
Dans un monde o linformation et la communication jouent un rle cl, le terrorisme a puis
une relle force et trouv de fidles relais.
De mme la dmocratisation du transport a renforc et souvent mme cr une
interconnexion entre les diffrentes rgions du monde. Les personnes circulent, voyagent
partout dans des dlais trs courts (quelques dizaines dheures tout au plus pour rallier
nimporte quel point du globe) et parmi elles, des candidats au Djihad. Eux aussi usent de
cette nouvelle mobilit pour partir combattre en Irak ou sentraner en Afghanistan sans les
difficults d'acheminement et les contraintes de temps qui par le pass auraient probablement
dissuad la plupart d'entre eux de rejoindre ces thtres d'oprations trs loignsun
phnomne qui n'est pas sans lien avec la rvolution des technologies de linformation
puisque nombre de ces individus ainsi embrigads l'ont t en frquentant des sites, Chat ou
autres forums Internet islamistes radicaux.
La mise en place de ce nouveau contexte marqu par leffacement des deux ennemis
historiques et lmergence dacteurs et de menaces dune nouvelle nature, va influer
considrablement sur le domaine du renseignement dans les annes 90.
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23
2) Rorientation des services vers lintelligence conomique et le
renseignement technique dans les annes 90.
Au lendemain de la chute du Mur, les Etats-Unis sortent vainqueur de la Guerre Froide,
mais se retrouvent dpourvus dennemi.
Pendant prs de 50 ans, les moyens du renseignement qui avaient t mis en uvre pour
contrer ladversaire sovitique deviennent inutiles . Mais avec lapparition de ce nouvel
environnement , les Etats-Unis (et plus globalement lensemble des pays occidentaux) vont
oprer des changements concernant le renseignement.
Dun point de vue gnral, ce dernier va connatre une double volution :
Une extension du spectre traditionnel de son activit. Avec limbrication croissante
des enjeux politiques, conomiques, militaires, etc., les services de renseignement vont
devoir tendre considrablement leur domaine de comptence.
Un bouleversement des mthodes de travail. La priode post bipolaire caractrise
par de nouvelles menaces venues d'acteurs non tatiques oblige reconsidrer le
mtier du renseignement. Et si les technologies de linformation et des
communications apportent des supports et ouvrent des perspectives, elles n'en posent
pas moins de nombreux problmes aux agences.
Concrtement les Etats-Unis vont se lancer dans une spcialisation vers le renseignement
technique, c'est--dire augmenter et ajuster les capacits dj exploites en la matire pendant
la Guerre Froide.
Mais surtout, la collecte autrefois centre sur des informations vise militaire et
stratgique va peu peu acqurir une finalit conomique ds lors qu'aprs la
disparition des blocs, l'conomie devient le champ majeur d'affrontement entre les nations.
Les services de renseignement occidentaux - et en premier lieu amricains - s'orientent ainsi
dans le renseignement conomique (intelligence conomique) collect laide de moyens
techniques. Les thmes du terrorisme, de mme que les problmatiques lies au Moyen-Orient
ne comptent pas encore parmi les proccupations prioritaires des autorits des Etats-Unis.
Pendant toute la Guerre Froide le monde Musulman ntait regard que par le prisme
dformant de le guerre froide et de la maitrise du ptrole 17 et les pays du monde occidental
nont pas russi anticiper la menace islamiste alors naissante.
17
Bruno Delamotte, Le renseignement face au terrorisme, Editions Michalon, 2004, 133p.
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24
Quoiquil en soit, lessentiel des moyens amricains de renseignement a donc t rorient
vers lconomie, dans le but de soutenir la croissance alors dclinante. Lintelligence
conomique nest pas apparue cette poque et ne reprsentait donc pas une activit indite
pour les services de renseignement amricains. En revanche, la vritable nouveaut, cest
quune grande partie des moyens du renseignement issus de la guerre froide (et donc bass sur
la collecte dinformations militaires principalement) fut roriente vers les activits
conomiques.
Cest ainsi par exemple, que le rseau dinterception: Echelon qui servait lcoute des
communications de lautre ct du Mur, fut utilis aprs la guerre pour lintelligence
conomique.
Cette rorientation sest faite notamment sous limpulsion notamment du directeur de la CIA
de lpoque : Robert Gates, qui note en 1992 limportance du renseignement de nature
conomique. James Woolsey son successeur se place dans la mme logique et prsente
lintelligence conomique comme le sujet le plus brlant de la politique du
renseignement . Mais cest surtout sous ladministration Clinton que lexcutif amricain
dcide vritablement de dvelopper la coopration et dentreprendre un rapprochement entre
le secteur public et les entreprises amricaines, dans le but de faire gagner ces dernires des
parts de march ltranger. A partir de 1993, plusieurs organes de coordination sont crs
pour orienter leffort des services de renseignement dans le sens de la collecte dinformations
de nature conomique.
Au dbut des annes 90, le renseignement lectronique est donc son apoge du ct
amricain. Lconomie dpasse toutes les autres considrations, notamment scuritaires.
Cest ainsi qu la fin de la dcennie on estime que 40% du budget total de la CIA tait
consacr lintelligence conomique.
Les moyens allous au renseignement dans le cadre de la lutte anti-terroriste taient donc trs
insuffisants. Les effectifs des agents spcialiss dans ce domaine avaient t diviss par 20 au
Etats-Unis dans les annes 90. Mais surtout la spcialisation dans un renseignement dorigine
technique (et plus particulirement lectronique) savre assez inefficace contre un terrorisme
qui est alors en pleine mutation ; qui commence sorganiser en rseau et devient
transnational.
Si le renseignement technique est trs performant lorsquil sagit de surveiller les
mouvements darmes adverses, dvaluer leur arsenal, etc., en revanche contre les terroristes,
son apport est beaucoup plus limit. Certes il est sr, discret, et fournit des preuves concrtes
et relativement fiables, mais il peut difficilement djouer la pratique terroriste notamment
depuis que cette dernire a chang de nature comme en tmoigne dune manire la fois
symbolique et tangible, Al-Qada18 :
18
Typologie inspir de : Reconstruire la scurit aprs le 11 septembre article intitul La communaut
espagnole du renseignement face au terrorisme islamiste de nouvelles menaces (par Javier Jordan), Les cahiers de la scurit intrieure, INHES, 2004, 303p.
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25
Le fonctionnement sopre via des rseaux quasi hermtiques qui ont trs peu de
relations avec lextrieur.
La multiplication des attentats suicides empche que lon puisse retrouver et interroger
leurs auteurs.
La dcentralisation du commandement fait quun coup port lune des cellules,
mme sil est trs important, nentrane pas leffondrement de lorganisation car les
informations rcoltes sont d'une porte trop restreinte pour mettre en pril le reste du
systme.
Larticulation en rseau favorise lvolution trs rapide de la structure. Les qualits
principales de ces groupes terroristes sont ladaptabilit, lagilit, la flexibilit.
Les communications en interne sont faibles et sont noyes dans le flot quasi infini des
communications mondiales. Mais de toute faon les terroristes reviennent de plus en
plus lutilisation de mthodes de communication simples tels que talkie-walkie,
et de plus en plus les moyens radiolectriques (comme les stations de type UHF :
Ultra High Frequency) dlaisss par les services de renseignement.
Au-del des volutions gnrales voques plus haut, le dveloppement du terrorisme
islamiste va mettre le renseignement devant un certain nombre de faits nouveaux19 :
La recherche de faits microscopiques. Pendant la guerre froide, les objectifs taient
de grande taille (information sur les armes, les armements, sur les infrastructures,
etc.) et relativement prvisibles. Mais avec le terrorisme islamiste, les services doivent
identifier des centres de dcisions multiples et extrmement nbuleux. La recherche de
linformation devient microscopique car on ne sait pas bien qui est ladversaire ni
quelles sont ses intentions.
Les limites de la collecte technique . Malgr la progression des moyens
dinterception (notamment les drones) identifier, intercepter, dchiffrer et traduire
rapidement les communications des terroristes est une entreprise extrmement
complexe de par le manque de capacits analytiques touchant la plupart des services
ou leur insuffisance face au volume des communications mondiales.
Les limites de la collecte humaine . Nous lavons dj mentionn, linfiltration de
ces rseaux terroristes est quasiment impossible parce que ces groupes fonctionnent de
manire excessivement resserre. Et mme lorsque linfiltration russit, il est trs
compliqu de maintenir le contact avec les agents. Mais de toute faon trs peu sont
prts prendre de tels risques. La collecte humaine ne reprsente donc pas un
19
Typologie inspire dEric Denc, La rvolution du renseignement, CF2R, 13p.
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26
moyen miracle par rapport aux moyens techniques comme on a eu tendance
le dire aprs le 11 septembre.
Interdpendance croissante entre les services. Le fonctionnement de ces groupes
terroristes en rseaux qui dpassent les frontires des Etats impose une coopration
transnationale des services de renseignement. En effet, la distinction entre la scurit
intrieure et extrieure nest plus dactualit. Les investigations contre les rseaux
terroristes sont forcment transfrontalires.
Mais comment le monde du renseignement (en particulier aux Etats-Unis) sest-il adapt ces
faits nouveaux ?
Nous venons de fournir une partie de la rponse en voyant que la tendance gnrale surtout
au Etats-Unis fut une spcialisation dans le renseignement technique, cible sur les
activits conomiques qui dlaissait la problmatique du terrorisme islamiste alors naissante,
et qui na pas permis de sadapter correctement la nouvelle donne stratgique post-guerre
froide.
La seconde partie de la rponse va tre apporte par les vnements du 11 septembre et les
leons tires de lchec prvoir et empcher lopration.
3) Lincapacit de la communaut mondiale du renseignement,
prvoir les attentats du 11 septembre 2001.
Le 11 septembre 2001, une opration terroriste s'emparait simultanment de quatre avions de
lignes amricaines dans le but de les projeter, tels des missiles, sur des cibles bien prcises,
New York et Washington. Nous connaissons tous la suite.
Le bilan tant humain que matriel (plus de 3000 morts, des centaines de blesss et plusieurs
milliards de dollars de dgts), le symbolisme des lieux ainsi que le mode opratoire, mais
surtout la couverture mdiatique jamais vue donnrent cette vnement un
retentissement, une ampleur, un caractre encore indits.
Mais surtout, il marqua la faillite des services de renseignements amricains en premier lieu,
mais au-del, celle de lensemble des services mondiaux.
Comment une attaque dune telle envergure a-t-elle pu se produire sur le sol de la premire
puissance mondiale ? Un certain nombre de dfaillances, dapproximations, derreurs ont t
commises en amont et sont rvlatrices des lacunes du renseignement cette priode :
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27
Concernant l avant opration, le parcours dun individu nomm Zacarias
Moussaoui est tout fait parlant. Jacques Baud analyse cet exemple :
Le 11 aot 2001, Moussaoui se prsente lcole de la Pan Am Eagon dans le
Minnesota, pour prendre des cours de pilotage sur simulateurs de Boeing 737. Ses
connaissances ne correspondant pas au profil habituel des lves, un employ contacte
le FBI qui ouvre une enqute. Dans le mme temps, les services franais de
renseignement informent ce dernier que Moussaoui est affili des mouvements
fondamentalistes. Il est plac en garde--vue au motif de lexpiration de son visa de
rsidence et trs rapidement suspect davoir lintention de commettre un acte
terroriste, ventuellement en prenant le contrle dun avion. Le Counter Terrorist
du FBI est alors alert. Le 4 septembre, la Radical Fondamentalist Unit (RFU)
diffuse un message lensemble de la communaut de renseignement contenant les
interrogatoires du suspect. Mais aucun lment analytique sur lobjet et la nature
mme des plans de Moussaoui et sur limportance de la menace quil reprsente nest
transmis. aucun moment, les informations sur Moussaoui ne sont recoupes avec les
indices par ailleurs collects par la NSA. De mme aucun rapprochement nest fait
avec une note dun agent du FBI concernant la formation au pilotage dextrmistes.
Au final, Zacarias Moussaoui ne prit donc pas part lopration, mais pour autant,
celle-ci eut lieu.
Une multitude dautres faits sont galement signaler20 :
- Ds le mois de Juin 98, les services de renseignement amricains ont connaissance
que Ben Laden projette de fomenter des attentats contre New York et Washington.
- Aot 98, les services de renseignement sont avertis quun groupe dArabes
sapprte percuter le WTC avec un avion charg dexplosifs venant dun pays
tranger. Le FBI et la FAA (Federal Aviation Administration) estiment et dclarent
que compte tenu du secteur aronautique du pays, cest trs peu probable, et que de
toute faon un avion venant de ltranger serait repr avant datteindre sa cible.
Le dossier est class, mais depuis, les liens entre ce groupe et Al-Qada ont t
clairement tablis.
- Septembre 98, les services amricains sont alerts que le prochain attentat de Ben
Laden pourrait consister faire atterrir un avion bourr dexplosifs sur un grand
aroport national.
- Fvrier 2001, Hani Hanjour (un des participants lopration) prend des cours de
pilotage en Floride. Son comportement suscite une enqute du FBI qui ne trouvera
cependant rien danormal.
20
Elments tirs de : Michel Nesterenko, Une guerre nouvelle a commenc. Internet : un nouveau champ de
bataille. Le terrorisme lpreuve de linformatique, 2002, 151p.
-
28
- Juin 2001, Ben Laden donne une interview une chaine de tl et annonce que les
Etats-Unis doivent sattendre une attaque dans les semaines venir.
- Le 2 juillet, le FBI prvient toutes les forces de police de se prparer une attaque
dAl-Qada, surtout ltranger.
- Vers le 5 juillet, Ben Brock ladjoint au directeur du centre de contre-terrorisme de
la CIA donne des preuves inquitantes de la probabilit dune attaque
spectaculaire. Toutefois la date exacte na pas t prcise.
- Le 10 juillet, un agent du FBI (Kenneth Williams) envoie un mmo (celui que
nous venons dvoquer propos du cas Moussaoui) au centre Washington et au
centre anti-terroriste de New-York, sur certains lves pilotes islamistes et
radicaux, et suggre quAl-Qada essaie dinfiltrer le transport arienmais
personne ne donne suite et ces lments ne parviendront jamais aux dcisionnaires.
- Vers la mi juillet, George Tenet le directeur de la CIA conduit un briefing pour
Condoleza Rice et ses collaborateurs. Il leur prdit une attaque de grande
envergure.
- Le 6 aout, George Tenet soumet une analyse approfondie au Prsident envisageant
le cas de piraterie arienne. Ce mme jour Mohamed Atta (lun des terroristes)
loue la premire de ses 3 voitures et fait prs de 5000 km dans le mois qui suit. Il
senregistre au club de plusieurs compagnies ariennes pour bnficier des
avantages rservs aux clients rguliers.
- Le 10 septembre, la NSA intercepte les conversations tlphoniques dindividus
sous surveillance. La NSA et le FBI prtendent que les conversations nont t
traduites que deux jours plus tard par manque de traducteurs comprenant larabe.
D'autres anomalies furent dmontres par les enqutes portant sur le droulement de
l'opration. Plusieurs terroristes russirent embarquer sans mme tre passs par les
portiques de scurit, suite la ngligence du personnel au sol et aucun dentre eux ne
fut dtect lors des contrles didentit. Pour revenir au cas Zacarias Moussaoui et
ses conclusions, nul doute que la transmission des informations faisant tat de
possibles dtournements davions, aurait mis les aroports en alerte.
Comment donc la lumire de ces lments, les services de renseignement amricains nont-
ils pu en prvoir avec plus de prcision les modalits ?
A l'vidence, leur multiplication, ainsi que l'absence de structure efficace de fusion y sont
pour beaucoup. Le 11 septembre a en fait rvl, hlas de faon trs tragique, toute la
-
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difficult des services de renseignement et de scurit amricains parvenir alors une image
commune de la menace, essentiellement par manque de coopration et de communication. Un
meilleur partage des donnes aurait sans doute (mais pas avec certitude) permis une hausse de
la vigilance, et donc une diminution du risque.
Selon Tom Ridge, premier directeur du Department of Homeland Security : Cest le manque
de communication entre les agences de renseignement amricaines avant le 11 septembre qui
explique en partie que la menace nait pas t perue sa juste valeur et que lopration na
pu tre contrecarre 21.
Cest galement significatif de la grande difficult dune grande bureaucratie de sadapter
une volution rapide de son environnement.
Les grands services de renseignement occidentaux ne se sont pas correctement adapts la
fois qualitativement et quantitativement au nouveau contexte stratgique mergeant partir
de la chute du Mur.
Avec le 11 septembre, est apparue la notion de Home Grown Terrorist , pour dsigner des
terroristes implants dans le pays quils prennent pour cible. En effet, la totalit des terroristes
ayant pris part aux attentats taient des citoyens intgrs, duqus (souvent riches) vivant dans
des pays occidentaux. De plus, certains dentre eux avaient mme sjourn aux Etats-Unis au
cours des semaines prcdentes. La menace peut donc dsormais venir de l intrieur .
Cette ralit que lon a dcouvert brutalement avec le 11 septembre, est particulirement
vocatrice du temps de retard des services de renseignement, par rapport lvolution du
terrorisme depuis les annes 90.
Face cette faillite, lexplication la plus frquemment avance fut celle dun dlaissement
amricain du renseignement humain au profit du renseignement technologique .
Mais cest plus vraisemblablement la trop forte prpondrance du renseignement tactique sur
le renseignement stratgique qui constitue le facteur dterminant.
Selon Jacques Baud : Aux Etats-Unis avant le 11 septembre, trop de services de
renseignement avaient une comptence tactique, trs spcialise. Il y avait trs peu
danalystes stratgiques qui eux ont une vue densemble du phnomne terroriste et qui
peuvent percevoir des choses que les analystes tactiques ne peuvent pas voir. Par exemple, au
FBI avant le 11 septembre, il y avait dix analystes tactiques pour un analyste stratgique. Et
ce dficit analytique a considrablement limit les capacits du monde politique
comprendre la nature et lintensit du problme et donc de prendre des dcisions () la leon
du 11 septembre cest que lanticipation de laction tactique est souvent impossible, ce qui
donne lanticipation stratgique un rle dterminant 22.
21
Propos tenus le 28/3/2007 lors dune confrence organise par le magazine Foreign Policy, lHtel Georges V, Paris. 22
Jacques Baud, Le renseignement et la lutte contre le terrorisme, Lavauzelle, 2005, 404p.
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Pour autant, les agences de renseignement amricaines sont-elles les seules concernes par ce
constat ?
Non, car le 11 septembre signe la faillite de tout un systme. En effet, mme si des services
europens (notamment franais) avaient averti leurs homologues amricains de la prsence
sur leur territoire dindividus potentiellement dangereux, les informations restaient trs
vasives et donc insuffisantes pour avoir une ide prcise et concrte du danger. De plus, une
grande partie de la prparation de lopration sest droule en Europe. Les services de
renseignement et de scurit des pays en question ont donc galement une grande part de
responsabilit.
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Conclusion Chapitre 1 :
Le renseignement, pilier de la lutte contre le terrorisme, a donc fait face des changements
majeurs ds la fin de la guerre froide, partir du dbut des annes 90.
Les services de renseignement mondiaux - notamment ceux issus de pays occidentaux -
organiss, structurs pour laffrontement bipolaire ont connu de nombreux bouleversements.
Le dveloppement des nouvelles menaces venues dacteurs non tatiques imprvisibles et
fonctionnant en rseau(x), a dbouch sur la mise en place trs rapide dun nouvel
environnement stratgique global dans lequel le terrorisme islamiste transnational sest
impos progressivement comme la menace majeure dans ce monde post-bipolaire.
Pourtant le 11 septembre 2001 - et plus globalement la multiplication des attentats dorigine
islamiste dans le monde - a mis en exergue linadaptation des services de renseignement
contre ce terrorisme dun nouveau genre. Les agences de renseignement, notamment aux
Etats-Unis nont pas russi clairement apprhender lopration en prparation, non pas
cause dun manque dinformation, mais dune mauvaise interprtation et surtout par un dfaut
de coordination entre elles.
Contrairement aux acteurs non tatiques qui se sont dvelopps grce aux possibilits offertes
par la mondialisation dans son acception la plus globale (dveloppement des transports, des
technologies de communication, dinformation, fonctionnement en rseau, etc.), les agences
de renseignement ont eu tendance demeurer dans le fonctionnement et une
approche bureaucratique et enclave issus de la Guerre Froide. De plus, si la rorientation
opre dans les annes 90 vers le renseignement technique vise conomique a permis aux
Etats-Unis de soutenir efficacement leur croissance pendant cette priode, le dlaissement du
terrorisme par les services de renseignement explique en partie leur inadaptation cette
menace.
Mais comment les services de renseignement ont-ils volu aprs le 11 septembre ?
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Introduction Chapitre 2 :
Ds le 13 septembre 2001, Ben Laden et Al-Qada sont dsigns comme les responsables de
lopration. Cette dernire est vcue par les Amricains, du simple citoyen au plus haut
reprsentant de l'tat, non pas comme une simple attaque mais comme un vritable acte
de guerre . En rplique cet vnement indit, ladministration Bush va introduire le concept
gopolitique de guerre contre le terrorisme ou guerre contre la terreur ( war on
terror ou global war on terror ) partir de lnonc suivant : si par lintermdiaire dAl-
Qada la menace terroriste est devenue globale, la lutte, la riposte doivent ltre galement.
La raction des Etats-Unis au 11 septembre va sorganiser tout dabord autour dune riposte
internationale avec les campagnes dAfghanistan et dIrak et plus gnralement avec
lensemble des oprations militaires visant traquer au plan international les organisations et
rseaux terroristes islamistes.
Mais dans le cadre de ce travail, nous nous intresserons aux volutions observes en matire
de renseignement. Les rformes des agences (FBI, NSA, CIA), ainsi que la mise en place de
lgislations la fois scuritaires mais uvrant pour et partir du renseignement (Homeland
Security, Patriot Act, etc.) font partie des thmes que nous tudierons dans cette seconde
partie.
Notre but sera ici de mesurer la teneur et lampleur de la refonte de la communaut
amricaine du renseignement aprs le 11 septembre 2001.
Puis nous nous placerons au niveau de lAlliance Atlantique, des Nations Unies et de lUnion
Europenne qui certes ne sont pas des organisations prioritairement tournes vers le
renseignement, mais qui sont (et seront) absolument incontournables dans la lutte
internationale mene contre le terrorisme, au mme titre que les Etats-Unis.
Enfin nous examinerons le cas du renseignement franais, qui avec son systme assez
spcifique et en pleine mutation, a valeur de rfrence.
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Chapitre 2 : Lvolution du renseignement lre post-11 septembre
2001.
I) Refonte de la communaut amricaine du renseignement.
Contrairement aux propos souvent avancs - et comme nous lavons vu prcdemment - les
services de renseignement des Etats-Unis nignoraient pas (et ncartaient pas) la possibilit
dune opration terroriste importante sur leur propre sol. Sans tre considr comme majeur
ou vital pour les intrts de la nation, le risque d'attentats tait donc connu et proccupait les
dirigeants amricains bien avant le 11 septembre 2001 et particulirement dans les mois
prcdents. Mais il na pas t clairement et pleinement valu par la communaut du
renseignement amricain et lattaque sest produite avec succs.
Quelles initiatives ont t engages dans le domaine du renseignement, pour empcher que
cela se reproduise ?
1) Initiatives scuritaires .
Elles concernent les dcisions prises pour rehausser le niveau de scurit aux Etats-Unis, en se
protgeant contre une nouvelle attaque de terroristes.
Il ne sagit donc pas dinitiatives centres spcifiquement sur le renseignement, cependant ce
dernier y prend souvent une place dterminante.
a) Cration du Department of Homeland Security .
Le Department of Homeland Security (DHS) est la cl de vote de la redfinition de la
politique amricaine de contre-terroriste et de protection du territoire national. Issu de deux
lois votes les 13 et 19 septembre 2002 son fonctionnement effectif date du 1er
janvier 2003.
Ce dpartement a pour mission essentielle didentifier les priorits et coordonner les efforts
de collecte et danalyse de linformation, touchant les menaces intrieures et extrieures 23.
Selon Tom Ridge, son premier directeur : Lobjectif numro 1 lors du lancement du
Department of Homeland Security tait de faire remonter linformation au sommet de la
hirarchie, de mettre en commun le renseignement des diffrentes agences amricaines. Car
23
Ibid. Jacques Baud Op.cit. p27.
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cest leur manque de communication avant le 11 septembre qui explique en partie que la
menace nait pas t perue sa juste valeur et que lopration na pu tre contrecarre 24.
Mais il ne sagit pas dune agence de renseignement proprement parler. Le DHS est une
entit de coordination dans le domaine de la scurit nationale au sens le plus global du
terme, mais en aucun cas il na vocation faire de la collecte de renseignement, il nexiste que
pour faciliter les relations entre les agences comptentes (quelles soient purement
scuritaires ou bien rellement des agences de renseignement). Officiellement cest un
service de scurit civile.
Il est compos de 22 agences, emploie prs de 180 000 collaborateurs et dispose dun budget
colossal.
La cration de cette nouvelle entit seulement quelques semaines aprs le 11 septembre
rpondait alors la priorit absolue pour les dirigeants politiques amricains dviter que de
tels actes puissent se reproduire. Fondes ou non, les nombreuses alertes et rumeurs faisant
tat de la probabilit leve dun autre attentat se multipliaient. Et dans un tel climat, il
devenait indispensable damliorer rapidement les capacits de dfense ou de protection de la
nation (ou au minimum den donner limpression).
Dans le mme temps les enqutes sur le droulement de lopration progressaient,
introduisant la notion de Home Grown Terrorist particulirement frappante et inquitante.
En outre, elles mirent rapidement en lumire de graves dysfonctionnements dans les services
de renseignement et de scurit avant lopration, qui allaient motiver puis servir de base la
cration du Department Of Homeland Security et justifier que lui soient allous quarante
milliards de dollars ds sa premire anne, en 2002.
Quatre axes sont jugs prioritaires :
o Prvention du bio terrorisme.
o Dveloppement des secours durgence.
o Accroissement de la scurit dans les aroports et contrles aux frontires.
o Amlioration des capacits de renseignement.
Ainsi le 11 septembre a donn naissance une Nouvelle approche de la scurit aux Etats-
Unis, qui remet profondment en cause le schma thorique et institutionnel hrit du
24
Ibid. Confrence du 28/3/2007 Op.cit.p28.
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National Security Act de 1947 25 qui, sil savrait adapt au contexte de la Guerre Froide,
semblait en revanche peu pertinent depuis la chute du monde bipolaire.
Il est important de reprciser que le DHS est une entit qui entend uvrer pour la
sanctuarisation du territoire amricain dans un aspect global , dpassant largement le cadre
spcifique du renseignement. Le budget allou au renseignement ntait dailleurs que de 474
millions de dollars en 2005, pour un budget total du DHS de 47 milliards, soit environ 1%26.
Mais dans les faits le Department of Homeland Security nest que la face la plus visible
de la refonte entreprise aux Etats-Unis, en raction immdiate au 11 septembre.
En effet, le 8 octobre 2001 nat l Office de Scurit Intrieure (Office of Homeland
Security) charg dlaborer et de coordonner une stratgie pour protger le pays des
menaces et des attaques terroristes.
Le Conseil de Scurit Intrieur (Homeland Security Council) joue, quant lui un rle
dinformation pour le prsident, sur toutes les questions lies la scurit du territoire en
dfinissant une Stratgie nationale pour la scurit intrieure (National Strategy for
Homeland Security) . Il assure la partie thorique de la mission. Ses prrogatives ont trait
lorganisation, il apporte des solutions pour mettre en place une communication troite et
efficace entre les secteurs publics, privs, civils, militaires jusqualors peu rompus travailler
en partenariat.
Cest lensemble de ce systme que lon nomme le Homeland Defense .
Le DHS constitue son axe oprationnel et veille lapplication sur le terrain, des plans
noncs par le Conseil de Scurit Intrieur.
Il est donc limit coordonner les diffrents acteurs. Mais sil ne possde pas en tant que
telle, une capacit physique dintervention, il va nanmoins grandement influer sur la
redfinition des politiques des agences de renseignement.
Financirement cest un poids lourd puisquil se place au deuxime rang national, derrire
le dpartement de la Dfense.
25
Sabine Lavorel, La politique de scurit nationale de lAdministration Bush Un facteur de
prsidentialisation du rgime politique amricain, Ars Vol XX N50, 2003, 17p.
26 Donnes : Intelligence On Line - dition franaise N 494 :
http://www.intelligenceonline.fr/detail/detail_articles/p_detail.asp?DOC_I_ID=14688682&Context=ARC&Cont
extInfos=LMR|494&CodeAffilie=A_INDIGO&service=GRA
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b) Le USA Patriot Act .
Le USA Patriot Act pour Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate
Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism Act (loi pour unir et renforcer lAmrique
en fournissant les outils appropris pour dceler et contrer le terrorisme) est vot par le
Congrs le 26 octobre 2001.
Cette loi dite dexception et prvue initialement pour une priode de quatre ans seulement,
fut reconduite par le Snat et la Chambre des Reprsentants en juillet 2005 : quatorze de ses
seize dispositions sont alors institues de manire permanente, les deux autres se voyant
prolonges pour dix ans.
Cest le second chantier de laprs 11 septembre sur le plan intrieur.
Il fournit au pouvoir excutif des prrogatives trs largement renforces pour lutter contre le
terrorisme : Ladministration dispose de nouveaux pouvoirs en matire de collecte du
renseignement, de surveillance des communications, de contrle de limmigration et de lutte
contre le blanchiment dargent 27.
Au mme titre que le DHS, le Patriot Act nest pas ddi uniquement au renseignement, il
concerne la scurit de faon globale.
Cependant il amplifie considrablement les attributions des services secrets, de
renseignement, de police et de scurit en leur donnant une libert daction accrue dans leurs
activits lies au terrorisme.
Larticle 213 autorise par exemple le FBI pntrer dans un domicile ou un bureau en
labsence de loccupant, prendre des photos, examiner les disques durs des ordinateurs et
y insrer un dispositif digital despionnage.
Larticle 214 lgalise laccs des donnes de connexions lectroniques entrantes et sortantes,
mais sans lobligation dobtenir un mandat judiciaire.
Les articles 209 et 218 permettent respectivement de saisir des messages vocaux et de mener
des recherches secrtes dans un domicile ou un bureau sur la base dune simple prsomption
raisonnable .
Dautres articles (215 et 206) facilitent lobtention de donnes bancaires, mdicales et mme
de celles relatives aux demprunts effectus auprs des bibliothques.
En vertu du statut de combattants ennemis ou illgaux cr par le Patriot Act, le
gouvernement peut dtenir sans limite de temps et sans inculpation, toute personne quelle
prsume terroriste.
27
Ibid. Sabine Lavorel Op.cit.p31.
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c) Les autres initiatives scuritaires .
Lune des tendances lourdes depuis les attentats du 11 septembre 2001, est lvolution vers un
renseignement d identification de masse qui consiste reprer et identifier des suspects
trs grande chelle.
Pour ce faire, il opre partir de moyens biomtriques qui permettent d extraire des
informations du corps et des traces laisses par les individus 28 ou de technologies
informatiques qui collectent des donnes pouvant tres filtres, traites, analyses et
redistribues ensuite aux services judiciaires et de polices comptents.
Ce type de renseignement est quelque peu diffrent de celui dit classique pratiqu par les
agences de renseignement.
Ce dernier peut certes utiliser les mmes mthodes dorigines techniques, mais pour se
concentrer vritablement sur des cibles plus ou moins prcises ( il y a tout de mme un
objectif cibl dans la majorit des cas).
Le renseignement didentification ou de reprage est lui davantage dans une logique
scuritaire , qui repose sur une surveillance large des individus.
Voyons comment il sest dvelopp et de quelles manires il sexerce :
La scurit dans les transports, notamment le transport arien, sest nettement
intensifie depuis 2001 avec la mise en place de la Transportation Security
Administration juste aprs les attentats. Dabord intgre au Ministre des transports,
elle est prsent rattache au Dpartement de la Scurit Intrieure, lui-mme cre en
2003.
Par son intermdiaire quelques 6000 cabines de pilotage davions commerciaux furent
renforces, des milliers dagents de scurit dploys sur des vols intrieurs et 50 000
con