Mémoire de fin d'études | Le recyclage urbain

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Mémoire de fin d’études Le recyclage urbain, une solution pour intensifier les villes.

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Ce mémoire à pour but d'introduire le recyclage urbain comme solution pour intensifier la ville. Dans la démarche du renouvellement urbain, il apporte des solutions en phase avec la mutation des villes pour la construction de la ville sur elle-même. Le recyclage urbain, un nouvel outil que le design à su révéler.

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Mémoire de fin d’études

Le recyclage urbain,une solution pour intensifier les villes.

Le recyclage urbain,une solution pour intensifier les villes

Abstract

This report aims at explaining and illustrating my first reflections of my final end of study project. Indeed, this last year of Master’s Degree makes the link between the skills which I acquired during these last six year and my first steps in the professional life.

Above all, I like demonstrating that Design is for all as I think that it is a reflection on the way of living in spaces and to create places. It allows creating sets and making things surrounding us more blending in well with their environment. Besides, this represents an added value which revitalizes the urban fabric, reveals an identity to create new services in an esthetic balance, thanks to creativity and ingenuity.

To put it in a nutshell, to me the designer is a storyteller by rethinking the life through mutations while taking into account the final user’s needs.

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Le recyclage urbain,une solution pour intensifier les villes

Nowadays, we are the witnesses of a new urban era. Cities have to face numerous obstacles. We can quote for example the urban sprawl with the artificialisation of the territory, the increase of gas emissions and the increase of the waste which threatens our environment. New tools are made and new forms of town planning are conceived to create a viable city. This initiative aims at the construction of an urban model matching the mutations of the cities.

The urban recycling is one of these tools. Considered today as a real opportunity of reconstruction of the city on itself we should see the recycling as a chance to revalue the heritage by investing unexploited spaces and creating new dynamics to intensify cities.

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Table des Matières

Introduction

1. Des espaces peu exploités

2. Les friches urbaines des espaces à investir

1.1 - Des images négatives La perception visuelle des espaces peu exploités entache leurs possibles requalifications.

1.2 - Des contraintes techniques et sociales Le diagnostic d’avant-projet a un coût très important qui fait obstacle à la reconversion.

1.3 - Des difficultés d’appropriation Moralement et physiquement délaissés, les espaces peu exploités sont difficilement réappropriables.

2.1 - L’étalement urbain L’étalement urbain fait obstacle au développement de la ville durable, il faut densifier les espaces déjà bâtis et les intensifier de manière raisonnée.

2.2 - L’identité d’un lieu L’identité d’une ville est un révélateur et un levier pour l’aménagement du territoire.

2.3 - Le prix du foncier Le foncier plombe la ville durable et l’augmentation des prix fait croître l’étalement urbain. Quels sont les espaces à investir ?

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Table des Matières

3. Le recyclage des friches urbaines outil du designer

Conclusion

Ressources

3.3 - Revaloriser un patrimoine Le patrimoine de nos villes est un héritage qu’il faut préserver et appréhender pour redynamiser le tissu urbain.

3.2 - Adoucir les mutations des villes Les mutations des villes ont bouleversés le quotidien de la population, il faut répondre aux nouveaux enjeux de manière à réconcilier les habitants avec leur ville.

3.3 - Redonner vie à un passé Le designer doit sublimer les édifices historiques de notre patrimoine en leur donnant une seconde vie.

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IntroductionA l’heure du renouvellement urbain, les villes font aujourd’hui face à de nombreux obstacles. Nous pouvons citer par exemple l’étalement urbain avec l’artificialisation du territoire, l’augmentation des émissions de gaz développant de nouvelles maladies respiratoires ou encore l’augmentation des déchets qui menace notre environnement. De nouveaux outils voient le jour et de nouvelles formes d’aménagement du territoire sont mises en place afin de concevoir la ville viable. Cette démarche vise la construction d’un modèle urbain en phase avec la mutation des villes.

Le développement des villes est de plus en plus important, aujourd’hui 75%1 de la population européenne vit en ville, et plus particulièrement 77% 2 des français sont urbains. De plus, l’étalement urbain continue sa progression si bien que d’après l’Institut français de l’environnement, ce sont en France 600 km2 qui sont artificialisés par an, soit l’équivalent d’un département tous les dix ans. Une des solutions pour lutter contre cet étalement urbain est de densifier la ville, elle doit donc se construire sur elle-même.

Par ailleurs, la croissance industrielle du XIXe siècle a impacté considérablement l’économie par l’ampleur de son développement qui vise à faire de notre société artisanale une société commerciale. Cette révolution tirée par le boom ferroviaire des années 1840 est une vitrine des avancées technologiques et de la modernisation du savoir-faire. Elle prône le rendement et la rigueur, la construction est faite de manière efficace pour la productivité. Depuis le mouvement du Bauhaus, il existe un art industriel basé sur l’architecture fonctionnaliste et axé sur les concepts de standardisation et de préfabrication. Singulière, cette architecture offre des formes inattendues directement liées à la fonction de l’édifice comme le témoigne l’Usine Fagus en Allemagne réalisée par Walter Gropius et Adolf Meyer entre 1911et 1913. Inscrite au Patrimoine mondial comme bien culturel en 2011 cette usine est le point de départ de ce mouvement. Comprenant en particulier l’usage novateur des murs verrières combiné à une structure porteuse épurée, on assiste à une rupture importante des valeurs architecturales et décoratives de l’époque.

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1-2 Antoine Charlot, Vers un nouveau modèle urbain, du quartier à la ville durable, Comité 21, 2012

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De grands espaces de travail, une esthétique fonctionnaliste sans fioriture, beaucoup de matériaux bruts comme l’acier et le verre, la conception architecturale se veut rationnelle. Elle est alors à l’image de son époque, un symbole de puissance. Puis la mondialisation provoque la délocalisation de l’activité industrielle et conduit au délaissement des bâtiments à vocation industrielle qui s’éteignent, et laissent place à des friches.

Suite à l’étalement urbain, des bâtiments industriels autrefois en marge des villes se retrouvent désormais en plein centre. Aujourd’hui, la France regroupe environ 200 000 à 300 000 sites de friches industrielles, avec une contamination des sols plus ou moins élevée3. Pour la plupart inexploitées, elles deviennent un véritable potentiel foncier. Le modèle urbain étant en passe d’être totalement bouleversé, on peut se demander quelles sont les démarches à suivre, quelles méthodes, quels outils devrons nous utiliser pour répondre à ces enjeux et intensifier la ville.

Le recyclage urbain est un de ces outils, et va au-delà du simple réemploi. L’art et la manière de « faire du neuf avec du vieux » est un procédé qui contribue à diminuer la quantité de produits obsolètes et de réintroduire ces « déchets » de la société dans le système. Il prend en compte les besoins émergents et créer des services y répondant, tout en respectant le patrimoine propre à chaque territoire. Considéré aujourd’hui comme une véritable opportunité de reconstruction de la ville sur elle-même, le recyclage urbain permet d’envisager une nouvelle stratégie dans la gestion et le développement des territoires. Le sol est une ressource non renouvelable, il convient de l’économiser et le recyclage est aujourd’hui fondamental et joue un grand rôle dans la sauvegarde de l’environnement.

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3 Chiffre de l’ADEME ;Agence De l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie

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IntroductionParallèlement, le design propose une réflexion sur la manière d’habiter l’espace et de s’approprier des lieux. Il permet de créer des ensembles, de rendre un commerce, un habitat ou même une ville uniforme. Cette réflexion s’accorde avec la densification de la ville et constitue un véritable levier de croissance. En analysant les mutations socio-économiques, le designer conçoit une harmonie dans l’espace et apporte une valeur ajoutée qui dynamise le tissu urbain.

Le designer est un conteur d’histoire, rien de plus logique alors d’utiliser l’Histoire pour inventer, fabriquer et créer. Le recyclage est pour lui, un outil créateur et ré-utilisateur de matières premières. Il permet de repenser la ville à travers ses mutations en prenant en compte son patrimoine. Il s’agit donc d’économiser les ressources et les espaces tout en en conservant la mémoire des lieux dans un équilibre esthétique, grâce la créativité et à l’ingéniosité. A partir de ces réflexions, n’apparait-il pas opportun de réinvestir les friches urbaines pour intensifier les villes ?

Nous nous intéresserons tout d’abord à la façon dont sont exploités les espaces dans le contexte urbain en tenant compte des différentes contraintes et des difficultés d’appropriation. Nous essayerons pour cela de comprendre en quoi la perception visuelle des espaces peut entacher leurs possibles requalifications. Nous tenterons ensuite de comprendre pourquoi les friches sont des espaces à investir, qui permettront une nouvelle urbanisation tout en respectant l’identité des lieux. Face à l’étalement urbain et à la croissance des prix du foncier, nous identifierons les avantages de ces investissements. Par la suite, nous verrons que le recyclage des friches urbaines permet de revaloriser le patrimoine en redonnant vie au passé tout en adoucissant les mutations des villes. Enfin, nous essayerons de comprendre en quoi le recyclage de ces friches est un outil pour le designer et un vecteur de développement pour les villes.

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1. Des espaces peu exploités1.1 - Des images négatives Le tissu urbain est une composition, un ensemble complexe de maisons, rues, places, jardins publics et autres éléments spatiaux tels des fils entremêlés qui forment un tout, et qui constituent la structure d’une ville.

Il existe deux grands types d’espaces : Les espaces privés, qui supposent une appropriation par la privatisation et les espaces publics. La notion de privé évoque la notion d’individu et implique les lois de respect et de protection. Il y a dans ce cas un propriétaire de l’espace, tout le monde ne peut pas en bénéficier. L’espace privé est approprié et engage un attachement sentimental du propriétaire, on parle alors de lieu. Par opposition, les espaces publics sont ouverts à tous et n’appartiennent à aucun particulier. Ce sont des espaces de rassemblement ou de passage commun, partagés et mutuels. Ces espaces laissent la liberté à chacun d’y circuler, d’y manifester et même de se les approprier pour en faire faire des lieux collectifs.

Parmi ces deux types d’espaces certains sont appréciés et d’autres au contraire complétement délaissés. Ce sont souvent des espaces inemployés, abandonnés et vides. Leur aspect esthétique souvent négligé, est le premier facteur de rejet. La perception d’espaces non entretenus et sans vie est signe pour n’importe quel riverain de problèmes économiques liés à l’absence de ressources ou encore de problèmes sociaux liés au désintérêt flagrant des propriétaires. De l’immeuble démoli et laissé en friche aux espaces squattés, la première envie est pour quiconque de fuir. Selon l’étude méthodologique La Perception de la Friche de Pascale Rouay-Hendrickx, la friche rend compte d’une perception subjectivement liée à l’interprétation du spectateur.

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C’est un fait, les friches véhiculent généralement une vision négative. Progressivement, depuis l’âge de bronze, l’homme veut contrôler son environnement, le dominer pour en faire son bien. La nature devient spectacle et côtoie l’homme dans son quotidien. Les zones de friches sont alors associées au malheur, lieu de l’épidémie, du sinistre, de la catastrophe et parfois même de la violence. Ces espaces incultes évoquent, le danger, un univers de ronces proliférantes caractérisées par la perte de repères dans lesquelles d’épouvantables animaux se terrent prêts à surgir. Mais, si aujourd’hui les friches se développent aussi pour d’autres raisons socio-économiques, cette image inconsciente de la friche persiste. Il est vrai que dans un lieu abandonné, l’ambiance peut être un peu mystérieuse et inhabituelle. Il existe donc deux types de réactions face aux friches. Premièrement une manifestation de rejet, avec comme qualificatif des espaces sauvages, marginaux, repoussants, fermés, désolants et même dangereux. Et, en opposition et beaucoup moins courant, un regard plus positif qui qualifie les friches comme des espaces de poésie et de liberté.

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1. Des espaces peu exploitésLa notion de squat peut alors être évoquée. Est-ce là une certaine liberté retrouvée pour les habitants vis-à-vis de la ville et de son quotidien oppressant ? Les endroits vides dans la ville attirent beaucoup d’artistes indépendants, de photographes, de sportifs et même d’associations. Ils envahissent et investissent l’espace, créant des fresques murales, des graffitis, ou même de simples tags. La friche devient un nouveau terrain de jeux, une toile aux dimensions extraordinaires. La Friche de la Belle de Mai à Marseille en est un très bon exemple, en effet affiliée à la fédération française de roller skating (FFRS), cette friche s’est vue envahir en 2008 par des skateurs de tous niveaux. Ce nouveau Streetpark est devenu un terrain de pratique, d’entrainement et d’enseignement où chacun peut profiter des circuits et se divertir à sa convenance. Ces friches urbaines prennent sens grâce aux usagers. Elles sont le support, voire l’inspiration de ces nouvelles activités.

Ce mouvement d’appropriation spontanée est apparu en Europe dans les années 70 et en France 10 ans plus tard. Il s’intéresse à des espaces oubliés, presque en dehors du temps et souvent loin des enjeux socio-économiques. A défaut de ne pas avoir d’usage premier, les friches sont donc disponibles, appropriables et c’est ce qui attire les associations, acteurs et spectateurs culturels passionnés, les artistes qui investissent et développent de nouvelles fonctions en squattant. Selon Marie Vanhamme dans Art en Friches, ce mouvement « s’est suffisamment développé ces dernières années pour que le ministère de la Culture décide de se pencher sur ces nouveaux «équipements culturels» atypiques qui commencent à mailler le territoire, tissant leur propre réseau de création, de production et de diffusion. Le rapport sur les «espaces et projets intermédiaires», commandé à Fabrice Lextrait, ancien administrateur de la Friche Belle de Mai, par Michel Duffour, secrétaire d’Etat au Patrimoine et à la Décentralisation culturelle a donné lieu à l’annonce de premières mesures d’accompagnement. » Aujourd’hui, ces anciens bâtiments, créés dans un but bien précis, sont détournés de leur usage premier par l’appropriation des usagers.

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Potographie P.Magnien

Potographie F. Blaise

Potographie S. Pineiro

Potographie J.Herdouin

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1. Des espaces peu exploitésCes divergences de regards, traduisent des perceptions individuelles, qui permettent de penser que ces espaces peuvent être gérés afin de plaire à tous, en mesurant les éléments du paysage, les préférences des individus et leurs besoins. Cependant, les activités artistiques ne sont pas souvent rentables pour la ville et ne permettent pas son développement économique. Les enjeux économiques, politiques, et environnementaux incitent les villes à s’attarder plus particulièrement sur le devenir de ces friches urbaines.

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Ces espaces non exploités ont pour dénominateur commun d’être des espaces en mutation liés au renouvellement urbain. La ville produit, consomme l’espace puis abandonne l’inutile, l’obsolète à l’image de la société. Ces espaces sont des restes et des souvenirs d’un autre temps et d’un autre usage qui par leur image négative parasitent la vision utopique de la ville parfaite et maîtrisée.

Ils sont inclus dans notre paysage quotidien et nous y portons attention parce qu’ils font partie de notre vision collective de la ville nous remarquons alors le vide, parfois la végétation désordonnée, la clôture protectrice ou l’absence d’occupation. Ces espaces autres ont une atmosphère pesante, humide, disgraciée et sont déconnectés de notre univers. Ce sont des espaces intermédiaires qui impliquent la notion d’entre deux et par la même occasion d’espace-temps.

Le temps marque les friches urbaines. L’analyse du niveau de dégradation peut déterminer la vitesse à laquelle sont affectées les friches. Le climat, facteur naturel, rentre également en compte : la pluie, le soleil, le vent abîment les édifices et accélèrent leur dégradation. Les espaces délaissés sont donc à la merci des éléments naturels, laissés pour compte (il y a ici une connotation presque affective qui humanise le lieu). La sensibilité d’un projet de réappropriation peut donc facilement toucher l’homme qui lui-même se sent touché. La solution est-elle alors de jouer la carte de la temporalité dans la réappropriation afin de ne jamais être dépassé par les évènements et d’être toujours en phase avec les hommes?

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Potographie S.Pelletier

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Attachée à son patrimoine et prête à tout pour le révéler, Londres a su tirer de l’abandon une friche et son quartier. . Imposante par sa taille, sombre et même lugubre de par son inactivité, une ancienne centrale électrique désaffectée, la “Bankside Power Station”, n’inspirait pourtant pas confiance. Abandonnée en 1981 à cause de la montée des prix du pétrole, elle est restée inoccupée jusqu’en 1994. Cet immense bâtiment de briques rouges de 11 150 mètres carrés intimidait, et sa réappropriation n’était pas évidente. Times are changing, encore et toujours, et la créative capitale britannique a reconverti en musée d’art contemporain la centrale. Symbole de reconquête de la rive sud de la Tamise, la Tate Modern est aujourd’hui, une des attractions touristiques phare de Londres.

Ouverte le 12 mai 2000, et avec plus de 45 millions de visiteurs à son compteur4, elle s’est imposée dans le paysage londonien comme dans celui, compétitif et parfois élitiste, de l’art contemporain international. Musée ouvert à tous, elle a été un levier pour Bankside qui n’était qu’un quartier déshérité de Londres. Herzog et Meuron les architectes et auteurs de cette réhabilitation ont su profiter et mettre en avant cette friche industrielle. Cette imposante usine est à l’origine l’œuvre de l’architecte Sir Gilbert Scott, à qui l’on doit également les fameuses cabines téléphoniques rouges devenues l’emblème de la capitale britannique. Cet édifice est situé à un emplacement idéal: il offre une vue imprenable sur la Tamise qui est à ses pieds. L’accès se fait par le réputé Millennium Bridge, sans compter qu’il fait face à la cathédrale Saint-Paul et est à deux pas du célèbres Globe Theatre, cher à Shakespeare. Lors de la réhabilitation le bâtiment a été conservé et préservé intelligemment. La gigantesque cheminée de 99 m de haut se dresse toujours dans le ciel telle une citadelle imprenable, le hall des anciennes turbines, les vastes salles, les passerelles et les poutrelles métalliques restées intactes permettent par ailleurs de conserver la mémoire du lieu. Enfin, la toiture vitrée qui a été ajoutée valorise autant l’endroit que les collections et la scénographie des expositions, qui sont en totale adéquation avec les particularités du bâtiment.

1. Des espaces peu exploités

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4 Succés Olympique pour la Tate Modern. Valérie Duponchelle. Le Figaro.fr

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Grâce à un système simple d’alternance, les œuvres exposées au musée perdurent dans le temps et les visiteurs sont toujours plus nombreux à venir les admirer. Le phénomène est tel que ces visiteurs, à leur manière, deviennent les rouages de cette nouvelle machinerie culturelle, faisant de la visite un mouvement collectif et participatif. Ainsi la Tate Modern est toujours dans la tendance du moment, elle suit les changements et les aspirations de la société comme avec son agrandissement pour les Jeux Olympiques de Londres en 2012.Il est donc nécessaire de faire abstraction des images négatives liées aux friches urbaines. Ce sont des trésors, des projets en attente qui n’aspirent qu’à être dévoilés. La question se pose alors, comment utiliser ces espaces afin qu’ils ne soient plus délaissés et au contraire reconsidérés comme un potentiel certain ?

Potographie S. Pelletier

Potographie P. Warlow

Potographie Wikipedia

Potographie Wikipedia

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1. Des espaces peu exploités1.2 - Des contraintes techniques et sociales

Nous avons constaté que les friches urbaines subissent les regards négatifs des riverains mais que placées entre de bonnes mains, des réappropriations surprenantes peuvent avoir lieu. Recycler une friche urbaine est un projet qui fait rêver, mais oser et passer à l’action demande une réflexion longue et un calcul précis. Quelles sont donc les contraintes d’une réhabilitation?

Les friches urbaines résultent des mutations et des restructurations de notre société, ce sont donc avant tout « des friches sociales ». Habiter, travailler dans sa ville, la force des lieux évoqués renvoie aussi au fait que ce sont des habitants, des citadins, qui conçoivent l’aménagement de l’espace. Les friches sont le résultat de phénomènes sociaux avant tout. Les changements de régime politique, la technologie ou encore l’aspiration au confort sont propices à ces restructurations voir destructions significatives. A forte charge symbolique ce sont des volontés d’effacements et de renouveau auxquels aspirent les habitants 5. Les grandes phases de démolition et de reconstruction suivent une logiques économique et s’inscrivent dans des cycles bien décrits par J.-P. Lévy (1987) « profonds remaniements de la ville médiévale aux XVIIe et XVIIIesiècles, avec l’essor du capitalisme concurrentiel, et au XIXe siècle, avec la Révolution industrielle (haussmannisation) ; recyclage d’espaces en déprise économique et sociale dans les péricentres et les banlieues des villes actuelles, dans un contexte d’affirmation d’une économie postindustrielle et d’un capitalisme financier mondialisés » .

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5 Le recyclage urbain, entre démolition et patrimonialisation : enjeux d’appropriation symbolique de l’espace Vincent Veschambre.

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Les transformations ne sont pas les mêmes selon le type de friches (industrielles, ferroviaires, portuaires, militaires, etc…). Une démolition et reconstruction apparaît bien souvent plus rentable qu’une restauration avec remise aux normes. C’est le cas de la caserne Desjardins à Angers, dont le principe de réutilisation, proposé par une étude, n’a pas été retenu par la mairie pour des raisons financières6. La redéfinition, la restauration, la requalification et encore la restructuration sont- elles alors des processus possibles et utiles ? Car très étroitement liées à la question de mémoire et d’identité collective, il est difficile d’estimer le coût d’un recyclage urbain avec précision. Car très étroitement liées à la question de mémoire et d’identité collective, il est difficile d’estimer le coût d’un recyclage urbain avec précision.

Pour lancer un projet de rénovation, il est primordial de bien déterminer le coût total en tenant compte du coût d’acquisition et du coût des travaux à entreprendre. Avoir un budget permet de ne faire trop de frais sachant qu’il y a toujours environ 30% de coût supplémentaire pour les aléas du chantier. Il faut rentabiliser le projet.

Les friches issues de l’activité industrielle ont laissé beaucoup de traces sur le territoire et ces anciens édifices industriels peuvent être des sites pollués. Il faut donc analyser les risques dus à cette pollution et faire un diagnostic avant toute intervention (physico-chimique, thermique ou biologique). L’usage futur d’un site ne peut être identifié qu’après ce diagnostic. Les polluants les plus fréquemment retrouvés sont des métaux lourds et métalloïdes (cuivre, zinc, plomb, cobalt, nickel, arsenic, cadmium), des radionucléides, des hydrocarbures légers (fuel, essence, gazole) et lourds (lubrifiants, huiles lourdes, pétrole brut), des solvants halogénés, et diverses molécules organiques (hydrocarbures aromatiques polycycliques).

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6 Bergel et Veschambre, 2003

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1. Des espaces peu exploités

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La dépollution et la viabilisation de ce type de terrain ont un coût très important et dans la plupart du temps les propriétaires ne veulent pas prendre ces coûts à leur charge. Le problème est que cela engendre une charge supplémentaire pour ceux qui veulent réhabiliter les friches. Ceci, remet en cause le principe du pollueur- payeur et les acquéreurs ont du mal à tout prendre en charge. Par exemple pour Le pompage et le traitement qui consiste à extraire les eaux souterraines polluées, à les traiter et à les éliminer en centres agréés, les coûts de traitement varient entre 4 à 60 €/m3 d’eaux pompées/traitées8. Dans le cas d’une acquisition du terrain par les collectivités locales, l’Europe leur fournit souvent des fonds pour aider à recycler. Le manque d’argent pour la réhabilitation pose donc problème pour la reconversion. Les coûts sont trop élevés et les propriétaires fonciers, préfèrent laisser le terrain à l’abandon, plutôt que d’y investir les sommes nécessaires à son nettoyage.

L’assainissement des sols est également un point important et nécessaire. Il existe différentes techniques de traitements des sols pollués (physique, chimique, biologique, thermique) qui peuvent être mise en œuvre en traitement hors site, sur situ, insitu ou par confinement7. Le plus souvent la technique utilisée pour assainir le site est la gestion sur site en excavant les terres ou les eaux polluées, et évacuation en décharge. La France n’a pas de réglementation spécifique concernant la dépollution des friches industrielles contrairement à la Belgique, l’Allemagne ou les Pays Bas qui ont mis en place un système intégré pour les sites pollués comprenant une législation globale, des sites de démonstration coordonnés, un programme de recherche unique, une diffusion des résultats aux opérateurs, avec des formations et l’organisation d’événements internationaux comme Consoil, organisé conjointement par TNO (Pays-Bas) et UFZ (Allemagne) pour diffuser les évolutions et innovations.

7 Tableau quelles techniques pour quels traitements- analyses- couts- bénéfices BRGM/RP Centre scientifique et technique Service Environnement et Procédés - 58609 - FR Juin 2010 (voir shémas de droite)

8 La gestion intégrée des sols, des eaux souterraines et des sédiments pollués. ADEME

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Cependant, certaines dispositions comme le droit de l’environnement sur les installations classées pour la Protection de l’Environnement, la législation sur les déchets, ou encore la loi sur l’eau permettent de gérer cette dépollution. La nouvelle stratégie nationale Site et sols pollués du 8 février 2007, relative aux installations classées et à la prévention des risques de la pollution des sols et la gestion des sols pollués faisant référence à leurs modalités de gestion et de réaménagement. Elle donne de nouvelles responsabilités et obligations aux collectivités locales, notamment si elles sont vendeur/acquéreur ou aménageur de terrains pollués. Et supprime L’ ESR (évaluation simplifié des risques), L’ VCI (les Valeurs de constat d’Impact) et l’VDSS (Valeurs de définition de source sol) en faveur d’une redistribution des diagnostics initiaux et approfondis (DI/DA)9. On développe de plus en plus de fonds. Il est impératif d’intégrer la dimension des sites et sols pollués dans toutes démarches d’urbanisme et d’aménagement, afin de s’assurer de la compatibilité des terrains avec les usages présents et à venir.

D’un point de vue technique, la performance énergétique est plus difficile à atteindre. Les contraintes de la rénovation font que l’isolation par l’extérieur de ces grands bâtiments est souvent impossible et l’étanchéité à l’air est difficile à améliorer. En soit, l’efficacité énergétique d’une construction ancienne est souvent moins bonne comparée à la performance d’une construction neuve.

Démolition et conservation constituent donc les deux faces d’un même processus de réinterprétation et de revalorisation permanente des héritages urbains. Le recyclage d’une friche peut être composé de ces deux interventions pour mettre en valeur la mémoire du site. Cela permet par exemple de combiner plusieurs méthodes de travail sur des friches qui ont pu avoir été occupées par plusieurs entreprises successives aux activités différentes et dont les usages nécessitent plusieurs interventions.

9 Note du 8 février 2007 - Sites et sols pollués - Modalités de gestion et de réaménagement des sites pollués Ministere de l’écologie, du developpement durable et de l’énergie

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De plus, le pouvoir s’incarne dans la pierre depuis les civilisations grecques et romaines, en une sorte de fétichisation monumentale, le monument correspondant étymologiquement à « ce qui fait se souvenir ». L’amour de l’ancien, des matériaux nobles tels que la pierre, le bois ou encore le verre sera toujours une valeur sûre pour beaucoup. Cependant, travailler en rénovation apporte la contrainte de respecter la logique constructive du bâtiment d’origine, sa morphologie et l’harmonie de ses proportions. Tous les espaces et volumes ne sont pas modifiables. Il faut également savoir accorder, dans un équilibre juste, les matériaux d’origine avec des matériaux innovants d’aujourd’hui pour mettre en avant le caractère de la friche. Le risque d’apporter trop de matières et de couleurs peut dénaturer le bâtiment d’origine. Les contraintes liées aux bâtiments sont donc nombreuses mais il en existe d’autres encore plus difficiles, celles liées au quartier.

Un projet utilisant comme outil le recyclage urbain est souvent de grande ampleur. Le projet doit alors prendre en compte la morphogénèse du quartier et ses usagers. Pour cela il convient de planifier au mieux les travaux pour permettre une réalisation qui ne perturbe pas trop la vie des habitants en prenant en compte leurs attentes et leurs besoins. La perception de la temporalité ne sera pas la même pour les responsables de la conduite du projet qui connaissent l’échéancier et ses contraintes, et les riverains qui subissent sous leurs fenêtres la vision dévalorisante d’un terrain en chantier, facteur de nuisances tels que le bruit et l’insécurité. De plus, un chantier peut s’éterniser et le provisoire peut durer à cause de procédures, de contentieux, de délais de relogement ou de commercialisation.

Ces deux difficultés, aspect délaissé et notion du temporaire, expriment finalement le décalage et les tensions qui peuvent s’immiscer entre les promoteurs du projet et les habitants.

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Aujourd’hui plus d’un million de friches industrielles sont présentes dans les villes du monde. Témoins d’une époque révolue, leur état de délabrement général empêche souvent le développement harmonieux des quartiers environnants. Par exemple, le centre-ville de Montréal abrite d’anciens incinérateurs, aujourd’hui obsolètes qui ne bonifient pas vraiment le paysage. C’est pourquoi, Nicolas Vezeaux et Jean-Baptiste Reulet fondateurs du projet Cathédrale verte ont entrepris de réhabiliter ces friches industrielles et de ne pas procéder à leur simple démolition, solution simpliste et peu efficiente. Les mots d’ordre du projet sont de conserver l’existant, dépolluer et implanter de nouvelles technologies. Après une analyse de la friche, le projet Cathédrale verte souhaite valoriser le bâtiment en gardant son enveloppe, et en habillant la bâtisse de verdure.

Ce parti pris est un moyen d’économiser les coûts de déconstruction, et de réduire les nuisances potentielles pour les riverains. Cathédrale verte permet de donner une deuxième vie aux anciens incinérateurs en implantant une nouvelle usine de valorisation énergétique des déchets liés à l’activité passée du site. Une fois encore, cette approche sensible par une mise en valeur de la mémoire de la friche connecte les citoyens à leur patrimoine. Convaincus que les enjeux du XXIème siècle nous obligent à opérer un virage dans nos manières de produire, les fondateurs du projet Cathédrale verte font entrer ici la ville de Montréal à l’ère zéro déchet en créant une signature forte pour le territoire, en promouvant le savoir-faire et en révélant l’histoire des lieux. Cette future référence du recyclage urbain ouvrira ses portes en 2017.

1. Des espaces peu exploités

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1. Des espaces peu exploitésAinsi, grâce à ces analyses et méthodes de travail basées sur les préceptes du développement durable, il est possible d’optimiser les aspects environnementaux, économiques et sociaux dans le recyclage des friches urbaines. La réappropriation des friches industrielles et la revalorisation peuvent contribuer à l’intensification du tissu urbain. Les contraintes techniques et sociales sont des obstacles certains dans la mise en pratique de ces projets, mais aujourd’hui de nouveaux outils existent et sont là pour relever le défi de la construction de la ville viable.

Pour répondre aux exigences de temps, de coûts, d’efficacité et d’espace, le traitement mis en œuvre est souvent une combinaison de différentes techniques de dépollution, de mesures constructives, et d’analyse d’usages. Ces différents exemples nous rappellent combien le processus de recyclage de l’espace urbain est fondamentalement lié à la désaffectation consécutive à des changements de mode de production et d’organisation sociale. Ceci suscite des intérêts contradictoires en matière de contrôle et d’appropriation des espaces ainsi rendus disponibles.

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24Potographie S. Pelletier

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1. Des espaces peu exploités1.3 - Des difficultés d’appropriation

Le temps passe et pousse la société à conserver, construire, détruire ou encore délaisser des espaces urbains. Des espaces référents, des symboles intouchables se développent alors dans les villes. Les friches urbaines font parties de ces symboles et peinent à sortir de leur rôle fonctionnel premier, pourtant révolu. Leur état de vacuité est relevé à travers des signes visuels (vitres brisées, façades noircies, végétation sauvage), auditifs avec le silence ou la présence de squatters mais parfois aussi olfactifs. Il est difficile alors de définir d’emblée les signes et la vocation propre de la réappropriation d’une friche.

De premier abord, les friches délaissées sont isolées ou délocalisées. L’espace passé dans lequel elles s’inscrivaient n’existe plus. Le peu qui demeure de leur histoire, ce qui subsiste de leur identité suffit à les exclure de l’état des lieux. Elles sont de trop dans l’actuelle répartition de l’espace, comme des intrus qui dénotent dans le paysage. Ce sont des images de jeunes ruines fraîches qui entachent l’utopie de la ville dynamique et vivante bien organisée. Ces espaces sont dans la ville, sans y être car ils appartiennent à un passé enclavé dans d’anciennes qualifications, sans avenir possible. Economiquement, les friches urbaines doivent donc être reconquises, moralement, il faut sortir ces espaces délaissés de leur situation d’abandon et, opérationnellement, il faut leur donner un avenir en créant des projets.

Le renouvellement urbain semble alors combler le déficit en matière d’appropriation de l’espace de la ville. De nouveaux outils voient le jour tel que le recyclage urbain qui va au-delà du simple réemploi des ressources bâties et foncières. Il prend en compte les besoins émergents et la création de services y répondant tout en respectant le patrimoine propre à chaque territoire.

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L’expression de « renouvellement urbain », traduite en langage courant par « reconstruire la ville sur la ville », est introduite par Pierre Bergel10 à la fin du 20e siècle, pour désigner les formes de recyclage des espaces urbains désaffectés ou jugés obsolètes, dans les villes des pays anciennement industrialisés.

Ce phénomène vient de la sensibilité occidentale à conserver les héritages architecturaux. Il a pour principal but de limiter l’étalement urbain et la périurbanisation en valorisant l’habitat dense concentré, notamment pour diminuer l’empreinte écologique des habitats. La ville peut donc être renouvelée sur des espaces vacants, inusités, des quartiers anciens mais aussi, sur des friches urbaines.

Certaines friches sont requalifiées dans une perspective de développement économique (démolition, dépollution, remise en état) voire réhabilitées dans une optique culturelle ou de loisirs. Chargées d’une valeur patrimoniale, des friches sont classées, certaines transformées en musées et d’autres deviennent même de nouveaux espaces publics.

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10 Maître de conférences habilité à diriger des recherches en géographie sociale et urbaine.

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1. Des espaces peu exploitésLa New York High Line est un très bon exemple de renouvellement urbain. En effet, la requalification de cette ancienne ligne de métro a été un enjeu majeur de transformation d’une image défavorable de la ville. Cette intervention a permis de redonner une nouvelle attractivité à ce site abandonné. Cette ancienne voie ferrée aérienne est construite en 1930 afin de remédier aux embouteillages permanents entre Meatpacking Distrit et le quartier des abattoirs de Manhattan. Puis le rail est délaissé au profit de la route dans les années 50/60. Désaffectée la ligne devient une friche industrielle urbaine envahie par les herbes folles. La destruction parait inévitable car aucune réaffectation n’est envisageable à partir de simples rails. Pourtant en 1979, l’architecte américain Steven Holl propose de réaménager les voies suspendues en jardins et les immeubles rattachés en lofts et logements sociaux. Personne ne croit à ce projet fou, et il faut attendre 1999 pour que Joshua David et Robert Hammond, deux riverains de la zone, fondent « les Amis de la High Line ». Cette association a pour but de sauver la structure de la démolition et manifeste pour sa réaffectation en un équipement public. La mobilisation des habitants est telle que l’association obtient gain de cause. La Ville finance le projet de jardins urbains en 2004. La High Line voit le jour grâce à l’agence d’architecture Diller Scofidio et Renfro en 2009. Malgré le délabrement de surface, les bases de la ligne sont saines et ils prennent le parti de conserver cette structure d’acier riveté. Réparée et repeinte,

Réparée et repeinte, les voies et l’ancienne chape de béton sont mises en valeur et révèlent le passé du site. L’espace devient ouvert au public, pour cela de nombreux escaliers, passerelles et ascenseurs sont aménagés et du mobilier urbain spécifique est créé (bancs, tables, terrasses…). Aujourd’hui ce jardin suspendu est le plus long toit vert du monde. En effet, en plus de son aspect récréatif qu’offrent ses ballades, il a un aspect écologique, en permettant de retenir jusqu’à 80 % des eaux de pluie, de fournir de l’ombre et de l’oxygène, ainsi qu’un lieu d’habitation pour les oiseaux et les insectes. La High Line est un lieu de régénérescence de la nature à New York.

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26http://www.thehighline.org/

http://www.thehighline.org/

http://www.thehighline.org/

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1. Des espaces peu exploitésLes friches urbaines sont difficilement appropriables de par leurs contraintes techniques mais aussi à cause de leur passé ancré dans les mémoires. Le recyclage d’une friche est un travail long et fastidieux, pour monter un projet il ne suffit pas de se référer au PLU (Plan Local d’Urbanisme) ou juste prendre en compte la Loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain), les réglementations sont nombreuses, mais les résultats escomptés sont vraiment satisfaisants.

Les friches urbaines sont des espaces du passé soit, mais encore plus d’avenir. La prise de conscience de leur potentiel de redéveloppement étant toute récente (elle date du début des années 1990), la plupart des pays en sont encore à l’étape de définir ce qu’ils entendent par l’expression « friche industrielle ». Dans le contexte actuel de la densification, ces espaces se situent majoritairement dans des zones urbaines de valeur, à proximité du centre et constituent un potentiel énorme. Mais leur réhabilitation dépend en grande partie de la volonté des populations locales et de leurs élus.

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28http://1942.memorialdelashoah.org/

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2.1 - L’étalement urbain

Dans un tel contexte de profondes transformations des modes de productions, le recyclage d’héritages architecturaux, revêt un enjeu identitaire et économique de plus en plus affirmé. Face à l’étalement urbain les friches urbaines sont des espaces à reconquérir car elles limitent l’éparpillement des villes.

L’évolution constante des villes témoigne de leur vitalité, mais elle n’en demande pas moins d’être anticipée et maîtrisée. Le contexte actuel tend à une artificialisation très rapide des sols. En France à ce rythme, l’hexagone sera entièrement artificialisé d’ici à la fin du siècle11. La ville est en perpétuelle mutation et doit se construire sur elle-même pour lutter contre l’étalement urbain. Une solution apparait en tête de liste : le renouvellement urbain. Cette stratégie d’aménagement s’inscrit dans une appréhension globale de la ville qui prend le pari d’intensifier la ville en la densifiant. Les deux objectifs majeurs sont de désenclaver les secteurs défavorisés de la ville et de répondre aux enjeux économiques, sociaux et urbains.

L’étalement urbain est selon la définition de l’Agence Européenne de « la forme physique d’une expansion en faible densité des grandes régions urbaines, sous l’effet de conditions de marché, et principalement au détriment des surfaces agricoles avoisinantes ». Aujourd’hui, le milieu urbain regroupe déjà plus de la moitié de la population mondiale, consomme environ 75 % des ressources énergétiques et génère près de 80 % des émissions de gaz à effet de serre 12. De plus, l’étalement urbain continu sa progression, au détriment des zones agricoles, et contribue à détériorer l’empreinte écologique des régions. La progression des surfaces artificialisées est 4 fois plus rapide que la croissance démographique, soit l’équivalent d’un département français tous les dix ans.

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11 Selon le Grenelle de l’environnement

12 Antoine Charlot, Vers un nouveau modèle urbain, du quartier à la ville durable, Comité 21, 2012

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Le renouvellement urbain en incitant à densifier et intensifier de manière raisonnée les espaces déjà bâtis est une alternative non négligeable à la périurbanisation. La densification des villes est donc une des meilleures solutions pour lutter contre l’étalement urbain, malgré l’image négative qu’elle reflète dans la conscience collective. Concentration, promiscuité, surpeuplement sont des qualificatifs qui occultent les nombreux services que la densification offre. Une acceptation sociale est donc nécessaire et pour cela il faut tout d’abord comprendre les dynamiques d’intégration ou de ségrégation socio-spatiale, les raisons des propagations, la façon dont la ville s’est étendue.

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Les villes s’étalent

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Le terme d’urbaphobie qui rejette et condamne la ville remonte au mythe de Babel dans la Bible13. Dans ce mythe les hommes érigent un temple en signe de révolte et de concurrence à Dieu pour lui prouver leur puissance. Dieu ne pouvant pas tolérer cet affront, il punit ces hommes irrespectueux en leur faisant parler des langues différentes. Ainsi, il y a trois mille ans, la ville est déjà condamnée par l’orgueil, l’artifice, le talent de l’homme constructeur, le péché, la débauche et le cosmopolitisme. Mais c’est surtout après 1760 qu’apparait véritablement l’urbaphobie moderne, provoquée par deux grands phénomènes liés : les révolutions et la naissance de l’individualisme. Révolutions politiques mais aussi révolutions industrielles, scientifiques, morales, philosophiques ou démographiques, chacune provoque des bouleversements au sein de la société. Les premiers économistes considèrent la population urbaine comme stérile, seule la terre produit de vraies richesses, croyance étonnement archaïque au moment où naissent le capitalisme, le machinisme et se développent les grandes villes. Aujourd’hui ce sentiment perdure.

La société en constante mutation voit son environnement évoluer avec elle. Les nouveaux usages nécessitent de nouveaux services et les rapports homme-ville changent de par ces nouvelles priorités. Déjà au XVIIIe siècle lorsque la densité est synonyme d’insalubrité, il est préconisé pour des raisons d’hygiène de faire circuler l’air et de vivre moins les uns sur les autres.

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13 Livre de la Genèse (chapitre 11, versets 1 à 9

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30Pieter Bruegel, the Elder, the tower of Babel

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L’étalement urbain qui nous préoccupe aujourd’hui apparait plus concrètement dans les années 1970. Le premier facteur déclencheur est la banalisation des transports en commun et de l’automobile qui a accru la mobilité de la population. Les déplacements se sont alors affranchis de la dépendance liée aux transports en commun et ont ainsi permis la multiplication de ces urbanisations de très faible densité, essentiellement desservies par le réseau routier. L’accroissement de l’étalement urbain est de ce fait chronologiquement lié à cette démocratisation de l’automobile et au développement des infrastructures routières. Par ailleurs à cette époque, le paysage industriel est déjà bien dessiné. A cause de certaines nuisances liées à leurs activités, mais surtout à cause du coût de de l’immobilier, les zones commerciales et industrielles qui nécessitent des surfaces importantes, sont obligatoirement positionnées en dehors des centres villes.

Le second facteur de l’étalement urbain, est donc économique. Il explique la motivation des personnes à changer de mode d’habitat et à vivre en périphérie en échappant au coût élevé, parfois prohibitif, du logement urbain. Les jeunes ménages avec enfants ont de plus, de nouvelles préoccupations. Le souci de la qualité de la vie et de la protection de l’environnement accélère leur décision de vivre en dehors de la ville. Ce cadre de vie plus agréable, car plus proche de la campagne, est plus calme, et permet d’échapper à l’entassement urbain, qui serait source de stress et d’agressivité. S’opère alors une véritable politique de dé-densification des centres villes, mais aussi une prolifération des maisons individuelles en périphérie. L’étalement urbain devient le résultat de la sortie massive des classes moyenne.

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Des questions de posent alors sur le phénomène de ségrégation de ce mode de développement et sur la potentielle absence de mixité sociale. Les lotissements pavillonnaires sont en effet construits très rapidement et peuplés par des foyers types comme des jeunes couples avec enfants en bas âge ou projetant d’en avoir et les personnes âgés. Ces lotissements sont peu convoités par les célibataires et les couples sans enfant qui ont des priorités différentes. L’éloignement du lieu de travail en est le principal inconvénient. L’augmentation des distances et des déplacements des habitants provoque effectivement des migrations pendulaires et des embouteillages, sans compter l’impact écologique d’un tel développement. La faible densité de ces zones d’habitats rend la création d’un réseau de transports en commun plus difficile à rentabiliser. Les déplacements se font donc majoritairement en voiture particulière qui est le mode de transport le plus énergivore et le plus émetteur de gaz à effet de serre. Selon Enquête nationale transports et déplacements14, 51% des ménages périurbains ont deux voitures ou plus contre 20% des ménages de centre-ville. Ainsi, le bénéfice induit par le coût plus faible du logement est réduit par les coûts entrainés par l’éloignement, car un ménage habitant en milieu périurbain parcourt en voiture deux fois plus de kilomètres qu’un ménage résidant dans le pôle urbain.

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14 ENTD

+ De consommation d’énergie

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L’étalement urbain engendre beaucoup de problèmes et fait obstacle au développement de la ville durable. Sous l’ère de l’optimisation dans laquelle, le moindre mètre carré est utilisé, l’homme aspire malgré tout, au bien-être, au confort et exige d’avoir de l’intimité dans l’espace. Ces préoccupations paraissent aller dans le sens opposé du phénomène de densification et la ville peut être perçue comme un cadre de frustrations dans laquelle l’homme a le sentiment d’être oppressé et d’étouffer. A titre individuel, l’homme veut bénéficier des services de la ville sans en supporter les contraintes. Etre proche de son travail et endurer le stress perpétuel de la ville ou s’offrir un espace de calme et de verdure chez soi et multiplier les trajets en voiture ? A titre collectif, l’attraction des métropoles offre un bouquet de services comme les commerces, les transports en commun et les lieux de rencontres qui facilitent la vie au quotidien. L’accroissement massif de la population permet de maintenir les écoles et les services de base comme les garderies, ce qui est plus difficile dans les zones de faible densité.

La densification favorise le contact et permet en outre d’accéder à une vie urbaine plus tranquille avec les déplacements plus faciles. Ce modèle urbain communautaire, est respectueux de l’environnement car il simplifie la lutte contre la pollution. C’est aussi un milieu plus convivial favorable aux technologies modernes. Enfin la densité peut également éviter la formation de ghettos et encourager la mixité sociale. Ce contexte complexe fait émerger beaucoup de questions et la première semble être : Quels espaces pouvons-nous densifier dans la ville afin de répondre à tous ces enjeux ?

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L’étalement urbain a créé de nouveaux espaces exploitables. Autrefois en marge des villes, des zones délaissées et des quartiers défavorisés se retrouvent intégrés à la ville. De même, certaines friches urbaines font aujourd’hui parties de nos paysages quotidiens. Ne serait-ce pas là des espaces à investir dans la lutte contre l’étalement urbain? Cette valorisation des espaces en friches permettrait de lutter contre l’étalement urbain mais aussi de réduire la surconsommation de nouveaux espaces d’aménagement et d’infrastructures de transports associées. Cela permettrait de diminuer la consommation d’énergie notamment liée aux transports des biens et des personnes sur de plus grandes distances, et de préserver les autres ressources foncières (zones agricoles, forestières et naturelles).

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2.2 - L’identité d’un lieu

L’identité d’une ville est primordiale pour ses habitants, elle est son reflet et définit son caractère social. Les villes ont souvent des surnoms qui les qualifient et les étiquettent. Par exemple, Big Apple est le surnom par lequel est mondialement connue la ville de New York aux Etats-Unis, ce qui renvoie à une image de puissance. En France le constat est le même, Paris est nommée la Ville Lumière car la capitale a été la première ville à utiliser les lampadaires dans les rues pour lutter contre le crime. Paris a ainsi été dotée d’une identité révolutionnaire.

L’identité d’une ville se forge donc par la nature des activités qui la composent. La perception de l’homme est une fois de plus l’élément à la base de tout. Pour l’homme, la différence entre un espace et un lieu est de caractère sensible. En s’appropriant un espace, en le nommant, il se l’approprie et en fait un lieu. Donner un surnom à une ville permet de l’humaniser, de la rendre plus accessible et plus proche de nous. Les qualités et défauts de l’homme deviennent ceux de la ville et la caractérisent. Alors, si la ville peut être caractérisée par des signes distinctifs propres à l’homme, elle devient comparable, critiquable et même détestable. Aussi superficielles que les inscriptions apposées par les administrations sur les cartes d’identité des individus, les marques identitaires expriment et justifient aussi, la somme d’expériences et de souvenirs du vécu de la ville.

Attachée à son peuple mais aussi à sa construction et à son architecture, la ville peut changer d’identité dans le temps. L’ère de l’industrialisation a beaucoup influencé la modernisation des villes et par la même occasion leur identité. Des bâtiments de grandes tailles, construits de manière efficace suivant le processus de l’OST15, avec des matériaux adaptés à leur future activité prolifèrent sur le territoire.

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15Organisation Scientifique du Travail

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Photographie H. Stas Boleldieu

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Ils doivent répondre à un besoin d’efficacité dans la mise en œuvre du travail interne, de productivité et permettre un rendement hors du commun. L’industrie construit désormais pour l’industrie et les villes au cœur de la révolution industrielle ne peuvent s’en défaire. L’industrie aime manifester sa puissance et construit des bâtiments de vingt à cinquante mètres de haut afin d’être visible de loin et même du ciel. Les Grands Moulins de Pantin créés en 1884 reflètent parfaitement cette idée. Ces grandes infrastructures étaient une minoterie industrielle destinée à alimenter la capitale en farine. Arborant une structure de béton dans laquelle s’intègre un remplissage en briques, le plus haut moulin de ces bâtiments était composé de huit étages et dominait le canal de l’Ourcq. Au plus fort de leur activité, 190 000 tonnes de farine sortaient chaque année des Grands Moulins. Très endommagés par les bombardements de la seconde guerre mondiale, les bâtiments sont partiellement reconstruits puis rachetés par Meunier Immobilier, filiale du groupe BNP Paribas qui décide sa transformation en bureaux. Les architectes Reichen et Robert réalisent une réhabilitation ambitieuse qui allie histoire et modernité. Cette esthétique industrielle qui prône la domination, accentue l’effet de masse, de répartition, et de ce fait construit une sorte d’urbanisme au sein de la ville. La reconversion des Grands Moulins de Pantin en pôle tertiaire, s’accompagne ici de l’aménagement des berges du canal de l’Ourcq et du passage du tramway des maréchaux mis en service en 2012.

Cette question de dimension urbaine est capitale dans la réhabilitation. Car à l’époque, mis à part les cathédrales et édifices religieux, il n’y a que ce genre de constructions industrielles qui atteignent de telles hauteurs et rien autour n’est en harmonie avec ses dimensions. L’industrie est toute puissante et devient une marque identitaire de réussite. Selon les régions, les matériaux utilisés ne sont pas les mêmes «il faut s’accommoder selon ce que construit la nature aux lieux où nous édifierons, car on ne bâtit pas partout comme en Babylon des murailles de briques…»16. Le paysage industriel s’intègre donc à la région d’implantation du site et présente différents styles régionaux.

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16 Vitruve, architecte romaine Ier siècle avt JC

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http://www.paris-en-photos.fr/

http://www.pss-archi.eu/

Photographie Collection Bergus

Photographie Collection Bergus

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Avec l’étalement urbain, les grands bâtiments industriels, autrefois en marge, se retrouvent aujourd’hui intégrés aux villes. Face oubliée de la désindustrialisation, ils avaient un grand rôle social grâce aux emplois et aux richesses qu’ils généraient. Ces bâtiments à l’image de l’industrie et pour l’industrie, deviennent alors inadaptés, et leur réutilisation compromise ; des friches naissent. Une identité négative voit parallèlement le jour. Les friches sont majoritairement vues comme une dépréciation du paysage, une perte sur les plans esthétiques, économiques et écologiques « Elles laissent des vides et même de larges cicatrices dans le tissu urbain »17. Alors comment supprimer cette image négative de la friche et mettre en valeur l’identité passée des bâtiments industriels ?

Nantes, surnommée pendant longtemps La belle Endormie, a su profiter de ses friches industrielles pour créer des espaces culturels inédits et attirer sur son territoire nombre de curieux. Marquée par l’histoire de ses anciens chantiers navals, la ville a beaucoup souffert de son ancienne image de premier port négrier français au XVIIIe. Armateurs, banquiers, industriels, commerçants, constructeurs navals, marins, tous à l’époque, à des degrés divers, tirent profit de ce commerce. Après la première guerre mondiale, Nantes devient un des principaux ports français pour l’importation des produits provenant des colonies et le commerce de la banane connaît un essor fulgurant. En 1929-1930, un hangar spécialement destiné au stockage de bananes est édifié : le Hangar Maurice Bertin plus connu sous le nom de Hangar 21. Reconstruit en 1949, suite aux destructions causées par les bombardements alliés du 23 septembre 1943, ce hangar, long de plus de 150 m, large de 50 m et haut de 6,5 m totalise une surface d’environ 8 000 m2 d’entrepôts. Il sert de zone de stockage pour faire mûrir les bananes importées par voie fluviomaritime de Guadeloupe, de Guinée ou encore de Côte d’Ivoire.

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17Sénécal et Saint-Laurent, Les espaces dégradés. Contraintes et conquêtes, Presses de l´Université du Québec, 2000

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La première à arrêter les relations économiques avec la France a été la Guinée en 1948, année de son indépendance et c’est avec la Guadeloupe que s’achèveront définitivement les échanges en 1970. Petit à petit les activités du port autonome sont délocalisées vers les terminaux de Montoir-de-Bretagne et Saint-Nazaire. Le hangar se désaffecte peu à peu, le dernier chantier naval ferme ses portes en 1987 et n’abrite plus que quelques bureaux jusqu’au milieu des années 2000.

Le hangar à bananes est désormais connu pour d’autres raisons. La Ville de Nantes dans le cadre du réaménagement de l’île de Nantes a donné une seconde vie à ce hangar. Des travaux de réhabilitation sont entrepris en 2006 dans le but de redynamiser ces espaces fantômes et intensifier les quartiers des anciens chantiers navals. Inauguré en 2007, le hangar à bananes se transforme en un lieu dynamique et réputé offrant de multiples services tels que des bars, restaurants, salle d’exposition et même une des plus grosses discothèques de la région. Magnifié par les Anneaux de Buren, le hangar devient un symbole identitaire de la ville où les Nantais viennent s’amuser et se relaxer. Les 18 cercles formés par les anneaux de Buren font référence aux anneaux qui enserraient les poignets et chevilles des esclaves de la traite négrière. L’artiste a même pensé à leur position. Installés le long du quai des Antilles, sur d’anciennes bites d’amarrage de bateaux, ils donnent une vision spectaculaire sur la ville de Nantes et invitent le visiteur à admirer tout le paysage environnant. En fonction de la position des spectateurs, l’encadrement des anneaux guident même leur regard en pointant des bâtiments de la ville comme sur Notre-Dame de Bon Port, inscrite au titre des monuments historiques depuis 1975. La nuit, la vision est tout autre, les anneaux s’illuminent, alternant des éclairages bleus, verts et rouges enchanteurs qui s’entremêlent selon les points de vue. La réhabilitation de l’île de Nantes met aujourd’hui cette identité industrielle en avant, le patrimoine de la ville autrefois peu élogieux est revisité, ce qui permet de faire renaître des espaces. L’identité d’une ville est donc une carte qui faut savoir bien jouer. Bonne ou mauvaise, le tout est de savoir quoi en faire pour en tirer des avantages et gagner.

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Potographie S. Pelletier

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Dans la démarche écologique visant à concevoir la ville durable, la morphologie de la ville et l’organisation des réseaux qui la composent sont des témoins de l’identité urbaine de celle-ci. Il faut donc appréhender tous ces critères afin de comprendre ces caractères identitaires et indispensables. Les collectivités publiques tendent de plus en plus à prendre en compte l’avis des usagers afin de mieux répondre à leurs attentes. De plus, les citoyens veulent participer et donner leur point de vue sur les conditions de vie au sein de la ville. Les politiques locales réduisent ainsi les inégalités sociales et les écarts de développement entre les territoires pour favoriser la cohésion sociale. Les friches sont des mines d’or, stratégiquement parlant, car elles offrent des espaces identitaires à l’intérieur de la ville emplie d’histoires qui ne demandent qu’à être révélées.

La modernisation de l’habitat et du savoir-faire nous à détourner de « l’ancien » et de ce fait nous à conditionner à toujours plus de « neuf ». Mais comme l’affirment Carballo et Emelianoff : « C’est la conscience de la disparition qui éveille l’intérêt patrimonial »18. C’est pourquoi, la patrimonialisation des friches apparait de plus en plus légitime si nous voulons conserver notre héritage historique tout en optimisant l’utilisation de l’espace. Cette intensification peut répondre à l’accélération des évolutions technologiques, économiques et culturelles tout en s’inscrivant dans les changements des modes de productions. Le recyclage urbain en plus de stopper la dégradation progressive d’un bâtiment laisser à l’abandon, améliore le cadre de vie des usagers environnants.

Bien que les travaux est des contraintes sociales comme le fait de rendre l’accessibilité des zones en chantier limitée aux services et équipements (transports en commun, services publics, commerces) et voir même d’enclavé ces zones il faut dépasser ces gènes à courts termes car les projets de recyclage ont des intérêts indéniables. Souvent localisé sur des terrains stratégiques du point de vue justement de l’accessibilité aux transports et services, ils offrent des lieux de vie plus adaptés et de nouveaux services à forte valeur ajoutée.

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18 La liquidation du patrimoine, ou la rentabilité du temps qui passe, de Cristina Carballo, maître de conférences à l’université nationale de Lujan en Argentine. et Cyria Emelianoff, maître de conférence à l’université du Maine et chercheur au groupe de recherche en géographie sociale, se consacr

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2.3 - Le prix du foncier

Le prix du foncier plombe la course vers la ville durable et son augmentation fait croître l’étalement urbain. Le facteur démographique est le premier de cette expansion. Avec une croissance de la population et une augmentation de la taille des ménages, selon l’INSEE19, la population urbaine de la France métropolitaine compte désormais 44,2 millions de personnes, soit une augmentation de 2,3 millions de personnes par rapport à 1990. D’après la Fédération nationale des SAFER20 la hausse globale du prix du terrain à bâtir est estimée à 40 % entre 1999 et 2004, avec une accélération récente, puisqu’elle est de 22,4 % en 2004. Les terrains à bâtir se négocient, en moyenne, à 76 000 euros l’hectare, soit 17 fois plus cher que les terres et prés.

En 2000, la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) a délégitimé la production de l’aménagement en périphérie des villes. Instantanément, l’effet d’une chute libre des opérations d’aménagement est ressenti. L’urbanisme opérationnel est comme saboté par l’urbanisme organisationnel. Après cette loi SRU, des interdictions de constructions sont données en grand nombre, beaucoup de propriétaires de terrains ne vendent pas et espèrent que ces derniers seront à nouveaux constructibles un jour. Ce phénomène de rétention foncière, liée notamment à des comportements spéculatifs participe à cette raréfaction du foncier. En attendant rien ne se passe, les zones d’indétermination se multiplient et le patrimoine de certains propriétaires augmente. Le marché des périphéries immédiates est vide, ce qui pousse les acheteurs à aller chercher encore plus loin. Sur les principes de développement durable, de ses objectifs et de ses contraintes, les villes sont appelées à modifier leur façon de faire car les rapports sociaux sont réduits à des rapports spatiaux. Le jeu concurrentiel de l’offre et de la demande rythme

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19 Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques

20 Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural

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l’aménagement des quartiers et assujettit ses habitants mais aussi provoque une compétition permanente entre groupes sociaux, pour l’accès aux espaces les plus valorisés. Dans un second temps, les facteurs micro-économiques, comme l’augmentation du niveau de vie et l’évolution des marchés immobilier et foncier influencent les ménages dans leur choix résidentiel. La forte demande pour les quartiers centraux fait grimper les prix du foncier et seules les personnes les plus aisées peuvent y avoir accès. Choisir les zones périurbaines permet souvent, pour le prix d’un appartement en ville, l’achat d’une plus grande maison avec jardin. Cette hausse des valeurs dans le centre fait alors à son tour, croître la demande vers l’extérieur et augmente les financements publics (route, transports en commun, services…). Il semble en effet plus intéressant pour un ménage de vivre à l’extérieur de la ville dans une banlieue pavillonnaire proposant plus d’espace par personne pour un prix inférieur à celui d’un logement en centre-ville. L’augmentation du prix du foncier est donc un accélérateur du mouvement urbain.

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Le foncier est rare en centre ville

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2. Les friches urbaines des espaces à investir

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Par rapport à d’autres pays européens, la France dispose d’importantes réserves foncières mais la difficulté repose plus sur l’utilisation et la gestion qui est faite de cet espace. Chaque année sont consommés 60 000 hectares pour la construction de zones pavillonnaires qui sont extrêmement coûteuses en terme d’espace mobilisé21. Par ailleurs, il n’est pas évident dans la culture française de comprendre que les espaces urbains et périurbains sont des ressources à économiser.

Aujourd’hui, certains Etats se gardent la propriété du foncier, ainsi que le droit d’octroi de construction à leurs habitants et maîtrisent ainsi l’étalement urbain. La France est quasiment le seul pays en Europe où la totalité de cette plus plus-value de 40% est reçue par le propriétaire. Au Pays-Bas par exemple, lorsqu’un terrain est rendu constructible, la commune l’achète à prix fixé à deux ou trois fois le prix agricole22. En Allemagne, après la décision de classement du terrain, le propriétaire doit céder un tiers à la commune.

Les analyses sociologies urbaines françaises, dénoncent la prolifération de maisons individuelles au détriment de la production immobilière collective. Les autorisations nécessaire pour produire des habitats denses comme des immeubles à habitations collectives, a été bloquée pendant de nombreuses années et a poussé les constructions individuelles au-delà des périphéries immédiates des villes, accentuant encore l’étalement urbain.

La ville se doit pour être durable d’être compacte et dense. Il faut une réponse évolutive car la société change en permanence, et ne sera pas la même dans 50 ans. La question se pose alors. Quels sont les espaces à investir ? Dans la réflexion du nouveau modèle urbain, il faut intensifier de manière raisonnée les espaces déjà bâtis. L’étalement urbain et l’extension des villes ont enserré les friches urbaines qui se retrouvent immergées dans des quartiers d’activité, sans en faire partie intégrante.

21 Antoine de Boismenu, directeur général de la Fédération Nationale des Sociétés d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural (FNSAFER), La gazette, mars 2000.

22 www.amf.asso.fr

Le recyclage urbain,une solution pour intensifier les villes

42http://histoiresansparole.free.fr/

Le recyclage urbain,une solution pour intensifier les villes

2. Les friches urbaines des espaces à investir

Ces espaces en friche dans la ville représentent des emplacements stratégiques au niveau du développement des territoires. Avec un stock regroupant environ 200 000 à 300 000 sites de friches industrielles23 pour la plupart inexploitées, ces espaces deviennent un véritable potentiel foncier au sein des villes. De plus, cette situation est dommageable en terme de lutte contre l’étalement urbain. La non-utilisation de ces terrains pousse la population à bâtir en zone extra-urbaine. Cette situation, porte également préjudice à l’économie régionale en tant que manque à gagner, ainsi qu’à la qualité de vie locale. Ces friches représentent donc un fort potentiel car elles ont un rôle stratégique à jouer à ces trois niveaux. Cependant, leur réutilisation est complexe et se heurte à de nombreux obstacles.

Le marché favorise la concentration de la valeur foncière, distinguant artificiellement les lieux où l’espace est rare et cher, de ceux qui ne le sont pas. Des espaces isolés du monde commun comme les friches se retrouvent ainsi mis à l’écart, avec les hommes qui y vivent. La lutte contre l’étalement urbain est le marronnier de l’urbanisme et ces espaces isolés ne doivent plus avoir lieu d’être. Il faut les valoriser, les densifier afin de les optimiser. Dans un contexte actuel qui exclut et limite l’appropriation de terrain dans les centres villes, les friches urbaines sont des espaces d’avenir. Symboles du passé, leurs fortes identités sont un levier qui offre de multiples possibilités pour les quartiers environnants. La nécessité est maintenant de savoir comment, par qui et avec qui recycler ces friches. Les projets doivent être construits dans une perspective d’avenir en tenant compte des différentes cultures et usages des acteurs concernés. L’objectif de ces projets de recyclage urbain est d’anticiper la demande des usagers en investissant ces espaces qui se trouvent être les fondations du renouvellement urbain.

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23 Chiffres de l’ADEME

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Avec l’étalement urbain, Les friches integrent les villes

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3.1 - Revaloriser un patrimoine

Si l’appartenance au territoire relève de l’identité culturelle, l’intérêt se porte également sur le rôle joué par le patrimoine dans la construction territoriale. A l’heure où l’aménagement impose aux hommes les contraintes de construction durable, les normes techniques, de sécurité, d’hygiène et les exigences de la morale publique se révèlent nombreuses. Ce nouveau modèle urbain souligne l’erreur de la construction passée et dénonce l’aspect non durable de certains bâtiments anciens. Malgré tout, ces espaces bâtis qu’ils soient publics ou privés, font partie de notre héritage. Ancrés dans notre paysage et dans ses solides fondations, ils sont devenus des repères majeurs de la société. La mise en valeur de ce patrimoine répond à de multiples enjeux d’ordre culturel, pédagogique, économique, touristique et même social. La question alors, repose sur la façon de le mettre en valeur ? Comment faire de ce patrimoine, un levier pour l’aménagement du territoire ?

Cette prise de conscience qui incite à conserver ce qui a été créé dans le passé, doit donc être partagée. Si l’homme se soucie de son patrimoine, la transmission aux générations futures est tout aussi importante. Le développement de classes patrimoine ou séjours découvertes répond à ce souci pédagogique. Grâce à la découverte de leur patrimoine local, les jeunes sont sensibilisés et apprennent l’histoire de leur quartier voire de leur ville. Cette formation des jeunes est un premier pas vers l’éducation historique de notre territoire. Aussi, pour faire connaître le patrimoine, de multiples outils et canaux de diffusion sont exploitables. En 1991, le Conseil de l’Europe, avec le soutien de l’Union européenne, a inauguré les premières Journées européennes du patrimoine. Ces manifestations annuelles, basées sur le modèle des « Journées Portes ouvertes des monuments historiques » créées en 1984 par le Ministère de la culture française, sont l’occasion d’entrevoir la diversité de notre patrimoine culturel commun.

3. Le recyclage des friches urbaines outil du designer

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Le recyclage urbain,une solution pour intensifier les villes

Organisées aujourd’hui dans plus d’une cinquantaine de pays et régions d’Europe, elles permettent au grand public l’accès gratuit à de nombreux édifices de la ville, musées et autres lieux souvent privatisés. Le patrimoine devient l’espace de quelque temps, accessible à tous et répond à l’intérêt du public.

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Le recyclage urbain,une solution pour intensifier les villes

3. Le recyclage des friches urbaines outil du designer

Aujourd’hui le patrimoine est aussi un vecteur du tourisme et donc de travail. Il contribue environ à hauteur de 10 % au chiffre d’affaires de l’industrie du tourisme, soit une valeur estimée de 5 milliards d’euros24. La société change, le goût des traditions et du savoir-faire de l’homme intrigue de plus en plus et le patrimoine totalement inexploité dans le domaine touristique il y a quelques années devient attrayant et rentable.

Ce nouvel intérêt est-il lié à un bouleversement plus grand ? Est-il dû à de nouvelles manières de penser le rapport de l’homme à son environnement ? On constate que les hommes sont de plus en plus intéressés par les traditions et l’artisanat, est-ce alors une sorte de mouvement passéiste, une nostalgie qui vient contrebalancer notre époque où les technologies de pointe semblent prendre toute la place ? Ce besoin de découvrir son histoire, de retrouver ses origines est un besoin identitaire qui est peut-être lié à la mondialisation. Connaitre son patrimoine permet de le conserver et de le perdurer en évitant sa délocalisation.

Progressivement désaffectés depuis les années 1970, de nombreux édifices aujourd’hui offrent de nouveaux usages non-industriels. Architectes, urbanistes, historiens, aménageurs, professionnels du patrimoine et designers sont là pour participer à ce recyclage du patrimoine. Dans cette véritable course au recyclage le designer n’est pas en reste.

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24 Rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de Loi de finances pour 2014 (n° 1395), Christian Eckert, Rapporteur Général Député

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Le patrimoine est un héritage qui rassemble le savoir-faire, la culture, l’histoire, les langages, les œuvres artistiques et aussi, les bâtiments architecturaux et, de quelque nature qu’il soit, il doit être mis en valeur. Les anciennes usines délaissées deviennent très rapidement des terrains à l’abandon car, témoins d’histoires révolues, ce patrimoine est difficile à réaffecter. Certaines constructions sont ainsi gardées pendant des années et deviennent des symboles identitaires de la ville, mais dépourvues de vie. L’attachement de la population à ces lieux publics en fait des références presque intouchables, mais l’exemple de la réhabilitation de la piscine de Roubaix prouve le contraire. Cette piscine a été un lieu de vie important à Roubaix offrant de multiples services (piscine, baignoires, bains de vapeur, coiffeur, jardin …), et faisant figure de lieu de rencontre et de mixité sociale très apprécié. Pourtant, les exigences en matière de normes de sécurité trop lourdes, ont contraint la ville à fermer la piscine en 1985. La beauté du complexe interdisant sa démolition, la municipalité a cherché à recycler le bâtiment. La meilleure reconversion retenue a été la création d’un musée d’art.

Un concours international est alors lancé, et c’est le projet de l’architecte Jean-Paul Philippon qui est retenu pour sa fidélité à « l’âme du site » dans la présentation des collections d’art et d’histoire. En 2001, le nouveau musée d’art et d’industrie de Roubaix ouvre ses portes et devient un chef d’œuvre inscrit au patrimoine du XX siècle. Les spectateurs peuvent admirer des œuvres de Bugatti, Claudel, Weertz qui se trouvent être la mémoire du passé industriel de l’ex-capitale de la filature qu’est Roubaix25.

25 http://www.roubaix-lapiscine.com

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47Potographie Peter Warlow www.nordmag.com

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Les ensembles bâtis qui se retrouvent aujourd’hui en plein cœur de ville, donnent naissance à des programmes de reconversion diversifiés depuis 30 ans. Les questions de la conservation du patrimoine architectural, de l’ouverture des bâtiments sur le quartier, de la transmission des patrimoines techniques et mémoriels sont au cœur des débats sur les reconversions des lieux industriels. Peut-on dans ce cas parler de bonnes ou de mauvaises pratiques de reconversion ?

Pour reconvertir, le designer ne fait pas que recycler de la matière, il recycle une identité, le patrimoine d’un lieu. Il repense la ville à travers ses mutations en prenant en compte son histoire. Recycler est une façon de repenser l’espace. Le patrimoine ne s’entend pas uniquement de l’enveloppe d’un bâtiment, mais prend également en considération sa fonction. Pour exemple, les anciennes mines ouvrières autrefois remplies de travailleurs et aujourd’hui vides ont toujours une histoire à raconter26. Classé au patrimoine culturel évolutif de l’humanité par l’UNESCO, le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais a su tirer profit de ses Terrils et de ses anciens bâtiments miniers. Impossible de manquer ces collines artificielles de déchets miniers qui dans la région culminent jusqu’à 186 mètres de haut. Ces butes noires sont en effet devenues des symboles emblématiques du territoire régional.

Repensé et réinvesti en « terril-loisir » et « terril-mémoire » cet héritage participe à la revalorisation du patrimoine minier. Ce milieu particulier est devenu aujourd’hui un lieu de promenade et de sorties pédagogiques. Désormais perçu comme naturel, à l’instar d’une chaîne de montagnes, on y vient étudier l’écosystème, et même faire du sport de montagne. Le stade de glisse de Nœux-les-Mines, qui permet toute l’année la pratique du ski et du snowboard est devenu un levier en terme d’attractivité pour le domaine. Quant aux bâtiments, afin d’éviter leur destruction ils ont été réhabilité en lotissements modernes ou en propriétés privées.

3. Le recyclage des friches urbaines outil du designer

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26 http://www.geographie.ens.fr

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Photographie C. Dityvon

http://commons.wikimedia.org/

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3. Le recyclage des friches urbaines outil du designer

Ces sites en friches, au patrimoine équivoque, ont vu plusieurs générations passer et évoluer. Le designer est là pour valoriser ces sites en proposant des réhabilitations en accord avec ces lieux de vie. Avant de donner des solutions de réhabilitation, son travail est de les étudier.

Cette veille permet de mieux comprendre les origines, les choix techniques présents et les matériaux qui constituent ces sites en friche. Grâce à cela le designer peut identifier ce qui a de la valeur et ce qui au contraire n’en a pas. Car réhabiliter ne signifie pas juste réaffecter. La démolition fait partie de ce recyclage.

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3. Le recyclage des friches urbaines outil du designer

3.2 - Adoucir les mutations des villes

La ville est un espace en constante mutation. L’analyse de l’aspect social, de la morphologie urbaine et de la sociologie ne peuvent à elles seules, définir si nos modes de vie sont bien en phase avec la construction urbaine. Cependant, les mutations sont engendrées par les modifications des conditions de vie, de l’environnement, des conséquences de l’étalement urbain, de la pollution et de la croissance démographique. Dès lors, les inégalités en tout genre se développent et engendrent un impact sur les habitants, bouleversant leur vie quotidienne et leur bien-être. À chaque époque, la société de plus en plus urbaine, renouvelle son rapport à la nature et agit sur les paysages. Elle continue à fabriquer des espaces vides qu’elle abandonne parfois longtemps, mais qu’elle ferme et clôture dans un souci de protection et d’isolement dont beaucoup d’habitants ne perçoivent pas le sens. Ces espaces vides, inemployés, délaissés et parfois pollués, ces friches, ces zones indéfinies entre ville et campagne, nous interpellent sur notre perception de la ville faite d’urbanisation intense.

Le verbe muter signifie par définition « changer d’affectation ». Aussi, lorsque la ville mute, cela signifie qu’elle se transforme dans sa stratégie urbaine globale. Chaque élément du tissu urbain doit être revu. La perception urbaine a singulièrement évolué depuis cinquante ans. Les éléments bâtis hier est considérés sans intérêts sont aujourd’hui admirés et témoignent de la force d’un changement de mentalité. En architecture, en urbanisme et en design on évoque une crise des modèles (moderne, post moderne, néo moderne…). Idéologiquement, la course incessante à la modernisation pendant les Trente Glorieuses a muté en une course à la globalisation. Alors qu’il fallait organiser, métrer, épurer il faut désormais révéler, réparer et recycler. La mutation des villes est donc une mutation des référentiels d’actions. La prolifération d’espaces flous, de friches dont la plupart ont incarné certains mythes, n’est aujourd’hui qu’une des traces des crises de la société.

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Le recyclage urbain,une solution pour intensifier les villes

Ces crises ont donc essoufflé les habitants des villes. Les changements incessants ont bouleversé les habitudes et les références de la population. Chaque mutation est un nouveau pas vers l’inconnu et n’est pas toujours bien vue. Le principe de la table rase préside souvent lors des opérations de mutation du territoire. Ces dernières années, les acteurs de ces opérations urbaines ont conçu majoritairement des produits standards. Ce faisant, ces constructions standardisées n’ont révélé aucune trace de réelle interaction avec leur support. Pourtant, le support d’une construction est une plus-value voire un moteur d’urbanisation. Afin de ne plus amputer ses références architecturales à la ville et de les remplacer par de nouvelles constructions rasant l’ancien bâti. Le recyclage des friches urbaines est une bonne alternative qui permet de conserver le patrimoine qui se voit attribuer de nouvelles fonctions, concordant avec la mutabilité de la ville.

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Valoriser l’ identité en gardant des traces du passé

Révéler un patrimoine grâçe à de nouveaux services

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Economiser de la matière avec le réemploi

Adoucir les mutations des villes avec la reconversion

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3. Le recyclage des friches urbaines outil du designer

L’exemple de la ville de Saint-Nazaire reflète parfaitement ce concept. La Seconde Guerre mondiale a laissé des traces indélébiles dans le paysage nazairien. Les bases sous-marines allemandes construites le long des côtes de l’Atlantique restent un témoin marquant de la guerre maritime menée par Hitler. Cette base était constituée d’un ensemble de bunkers de stockage, d’ateliers de réparation, d’entrepôts de munitions, et accueillait les submersibles. Abandonnée après la guerre, elle a été longtemps perçue comme une friche néfaste pour la reconstruction de la ville. Cette base restée intacte a posé de nombreux problèmes et sa mise en valeur a été un point important des politiques urbaines. Dans les années 1994, le projet Ville- Port est lancé par la municipalité de Saint-Nazaire27. Destiné à réhabiliter la zone de la base qui n’est alors qu’une vaste friche industrielle, le projet a pour objectif d’ouvrir la ville sur la mer. Cette reconnexion du centre à son port est en effet le moyen de réconcilier les habitants à leur ville. La communauté veut montrer que la mutation peut s’appuyer sur le passé et simplement le recycler pour répondre aux enjeux modernes.

En 1997, quatre alvéoles voient leurs murs percés afin d’ouvrir le nouveau quartier sur le port. Puis en 1999, une longue passerelle est construite et permet de relier le toit au nouveau quartier. Entre 2002 et 2005, la transformation des alvéoles continue et des travaux destinés à accueillir des espaces de concerts, d’expositions et de spectacles sont achevés en 2007. Ainsi, le Life (Lieu international des formes émergentes) et le Vip (scène musicale) sont créés et invitent aujourd’hui les Nazairiens à découvrir leur base sous-marine sous un tout autre angle. Ce projet a su adoucir la transformation de Saint-Nazaire en offrant de nouveaux services à ses habitants tout en conservant son patrimoine identitaire. Un nouveau souffle pour une ville longtemps enfermée dans les stéréotypes de ville d’après-guerre, austère et reconstruite dans la précipitation. Le recyclage urbain a permis d’intensifier la ville de manière douce, sans bouleversement et surtout en comprenant et répondant aux attentes des habitants.

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27 http://www.agglo-carene.fr

Le recyclage urbain,une solution pour intensifier les villesLe recyclage urbain,une solution pour intensifier les villes

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http://python.espe-bretagne.fr/

Potographie Wikipedia Potographie France Culture

http://club.doctissimo.fr/

Le recyclage urbain,une solution pour intensifier les villes

Adoucir les mutations est une des capacités du designer. En effet le métier de designer ne consiste pas seulement à faire du beau, du cool ou comme certains le pensent « du stylé ». Le design est un métier fait de contraintes dans lequel la prise en compte des problèmes et l’analyse de ces derniers prend plus de temps que la production elle-même. Pour qui est le projet ? Pourquoi est-il nécessaire ? Pour quand doit-il être fait ? Quels sont les enjeux ? C’est au croisement des contraintes que le design se réalise. Le designer a cette qualité d’écoute qui permet de comprendre et d’appréhender les besoins des usagers. Faire preuve d’empathie améliore et facilite la mise en place d’un projet et permet d’être au plus près de ces usagers. Le designer est un facilitateur de vie, il rend plus lisible les usages en visualisant les mutations de la société. Le design n’est pas seulement un processus de conception c’est un processus d’innovation au service des individus qui peut faire évoluer la façon dont on interagit avec le monde. Tout ce qui nous entoure a été imaginé et dessiné un jour dans le but de composer de nouvelles façons de vivre et c’est cela que le designer essaye de créer.

Il touche à tout, objet, espace, service, tout est interrogé. Cette sensibilité de l’analyse du détail est un de ses atouts clef. L’esthétisme apparait alors, et rend l’utile et le fonctionnel, visuellement agréable. Dans les projets de recyclage urbain, le designer peint une nouvelle toile urbaine. Son challenge est de retisser une unité entre passé, présent et avenir. Cette nouvelle composition est un jeu équilibre pour répondre aux aspirations et anticiper les mutations de la société.

3. Le recyclage des friches urbaines outil du designer

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Veille du designer

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3. Le recyclage des friches urbaines outil du designer

3.3 - Redonner vie à un passé

Appréhender les ressources qu’offrent les friches urbaines pour redynamiser des espaces qui respectent l’héritage du patrimoine et permettent des constructions neuves, est un défi que relève le design. Il est bon de rappeler que le but ultime du designer n’est pas seulement l’esthétisme. Le designer met ses compétences pour créer d’abord de l’utile et de l’efficace. Harmonie et logique de l’espace, répartition raisonnée, maîtrise des ressources, le designer d’espace est un chef d’orchestre qui équilibre et gère un projet. Il utilise le recyclage comme un outil créateur et ré-utilisateur de matières premières. Cet outil doit être utilisé de manière à rendre tout projet flexible et durable, répondant aux attentes des usagers. Réaliser un projet innovant susceptible d’impulser une nouvelle dynamique dans un quartier est un enjeu actuel très important dans la construction de la ville durable.

Le designer partage avec l’architecte et l’urbaniste, cette vision de la ville dans son ensemble. Pour intensifier la ville, il faut donc créer des projets à effet de levier pour assurer une certaine pérennité de la construction dans son environnement. Les friches urbaines sont des produits customisables pour le designer. Cela lui permet de proposer plusieurs combinaisons et ajustements possibles pour intensifier la ville.

La ville de Nantes l’a bien compris avec la réhabilitation des bâtiments de l’ancienne biscuiterie Lu. Située en bordure du canal Saint-Félix, à proximité de la gare de Nantes et du centre-ville, l’annexe Ferdinand-Favre demeure l’une des dernières empreintes architecturales de l’empire industriel érigé en 1886 par une dynastie de pâtissiers : les Lefèvre-Utile. Le bâtiment a été voué tout au long du XXe siècle à la fabrication du célèbre Petit-Beurre LU et de la Paille d’Or. En 1986 l’usine déménage à La Haye-Fouassière et il faut attendre 1996 pour que les propriétaires décident de transformer cet édifice vacant, en un équipement culturel.

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Le recyclage urbain,une solution pour intensifier les villes

L’architecte Patrick Bouchain est retenu pour le projet. Restaurée à l’identique en 1998, la Tour LU est la première étape de la réhabilitation du site, déclarée patrimoine industriel.Patrick Bouchain prend appui sur le passé du lieu et sur son contexte urbain, social et symbolique, tout en se souciant d’intégrer les besoins exprimés par les futurs occupants du bâtiment. L’architecte conserve en l’état la structure du bâtiment, laissant apparaître les matériaux de construction. Ainsi, les traces du passé industriel côtoient la modernité qui s’impose à des installations ouvertes au public. Depuis le 1er janvier 2000, l’ancienne biscuiterie vit au rythme d’un centre d’art atypique, le Lieu Unique. Cette appellation a été volontairement choisie pour rappeler les initiales LU. Ce lieu est aujourd’hui un centre culturel disposant de salles d’expositions et de spectacles, on y trouve également un café, un restaurant, une crèche, une librairie, une boutique et un hammam.

Ce lieu culturel, empreint de convivialité est aujourd’hui un symbole identitaire de la ville de Nantes où cohabitent l’art contemporain dans toutes ses états et des activités quotidiennes. Grâce à cette réhabilitation, la biscuiterie pendant des années délaissée a eu une seconde vie. Cet espace est mutable et évolue en fonction des besoins de ses usagers. Conférences, salles d’expositions et lieux de manifestations, le Lieu Unique est comme son nom l’indique un lieu atypique et exemplaire de recyclage urbain. Dans une démarche d’intensification de la ville, il faut considérer que les constructions d’hier sont les témoins d’une époque qui peuvent se révéler être les fondations de constructions nouvelles. L’identité territoriale repose peut-être aujourd’hui sur ces édifices historiques et l’avenir pourrait avoir comme enjeu de les sublimer.

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Potographie O. Lanrivain

Potographie O. Lanrivain

Potographie O. Lanrivain

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56Potographie S. Pelletier

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3. Le recyclage des friches urbaines outil du designer

Nombreuses sont les réalisations de recyclage urbain qui voient le jour. Elles sont en grandes parties réalisées par des architectes, mais les designers ne sont pas en marge de ses projets. À la différence des architectes ils sont reconnus pour leur savoir-faire et leurs maîtrises des scénarios d’usages. Quand un designer est fasciné par les matériaux et leurs méthodes de transformation, un autre s’attache à raconter “un épisode littéraire“. C’est dans cette sensibilité propre à chacun que le design est efficace et voit plus loin que les enveloppes architecturales. En perpétuelle recherche d’équilibre entre une approche sensible et industrielle les designers prennent leurs sources d’inspiration dans les éléments composant le paysage urbain. Textures, ombres, courbes, ambiances, tout est bons à analyser.

Les frères Campana, designers de renommé internationale, croient “en l’incorporation de l’artisanat dans la production de masse“, ils parlent de « Design de liaison ». Créateurs de l’année en 2012 à Maison & Objet, ils sont notamment connus pour la conception du restaurant du célèbre Musée d’Orsay28. Ce musée était autrefois une gare. Inaugurée pour l’exposition Universelle du 14 juillet 1900 elle était à la pointe des nouvelles technologies. Arborant une structure métallique, une façade en pierre et un intérieur moderne pourvu des derniers équipements de services (monte-charge pour bagages, ascenseur pour les voyageurs, service d’accueil, etc.) ce bâtiment était une vitrine de l’innovation. Puis en 1939, la gare commença à être délaissée. Ses quais devenus trop courts à cause de l’électrification progressive des lignes de chemin de fer et de l’allongement des trains ne la laissaient plus que desservir la banlieue.

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28 http://www.musee-orsay.fr

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Potographie Peter Warlow

Le recyclage urbain,une solution pour intensifier les villes

Il faut attendre 1973, pour que la Direction des musées de France envisage l’implantation dans la gare d’Orsay d’un musée où tous les arts de la seconde moitié du 19éme siècle seraient représentés et c’est en 1979, que les architectes du groupe ACT-Architecture, MM. Bardon, Colboc et Philippon la transformaient. Fernando et Humberto Campana, sont des designers qui travaillent en liaison avec leur aire géographique. Cela joue un rôle clé dans leur création et le restaurant du Musée d’Orsay le démontre.

Situé au dernier étage de ce haut lieu culturel parisien, le restaurant appelé le café de l’Horloge transporte les visiteurs dans un environnement aquatique merveilleux. Lieux de rêverie, il propose un décor du style Art nouveau, composé de mobilier raffiné (cloches dorées pour les lampes, chaise en polyuréthane) et donne une vue imprenable sur la Seine. Pas de grande cuisine ici, mais une restauration de brasserie, un service rapidet dans un espace accueillant 180 couverts pour un ticket d’entrée au musée. Quel rapport avec l’art du 19éme siècle ?29 La réponse est à chercher du côté de Guy Cogeval, le directeur du Musée, qui souhaitait la présence du design contemporain à Orsay. Selon lui, « les créateurs d’objets d’aujourd’hui sont les héritiers directs de ceux de la fin du XIXème siècle, dont les œuvres sont présentées sur trois niveaux du Pavillon Amont ».De ce point de vue le design s’impose comme un outil pour envoyer des messages, pour poser des questions, pour proposer une nouvelle façon de vivre, pour changer la vie des gens. Ici le visiteur s’échappe du quotidien stressant parisien et assistent au développement de l’art et du design. Le recyclage urbain est un outil pour le designer, et peut être une solution pour répondre aux besoins actuels.

3. Le recyclage des friches urbaines outil du designer

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29 http://www.maison-deco.com

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58Potographie S. Boegly

Le recyclage urbain,une solution pour intensifier les villes

A travers ces réflexions nous avons cherché à démontrer que réinvestir les friches industrielles de la ville constitue une opportunité. Nous pouvons considérer que le recyclage urbain est une activité à part entière avec des bénéfices économiques et environnementaux considérables. Il permet de protéger notre patrimoine, de réduire les déchets urbains, de créer des emplois, de protéger la nature mais aussi, d’économiser les matières premières. Les images négatives liées aux friches urbaines sont donc accessoires face aux richesses qu’apporte leur réhabilitation.

Le renouvellement urbain est non seulement l’occasion d’une redistribution des cartes du point de vue juridique et économique, mais il peut également être utilisé sur le plan de la réappropriation de l’espace. Aux vues des exemples de recyclages urbains analysés, nous avons démontré que réinvestir les friches permet d’intensifier la ville par la réappropriation, et de participer à la conception de la ville durable. Au-delà de la simple expression de la réappropriation, c’est la visibilité et la mise en place de la ville viable qui transparait par ces nouvelles réalisations durables. Dans cette démarche écologique en phase avec la mutation des villes, la reconstruction de la ville sur elle-même développe de nouvelles stratégies dans la gestion des territoires et répond aux enjeux majeurs de la société. Les contraintes budgétaires, sociales et encore techniques sont toujours des obstacles dans la mise en pratique de ces projets car les réglementations sont nombreuses, mais les résultats escomptés en valent vraiment la peine. Aujourd’hui, le recyclage urbain améliore la gestion des espaces et optimise les aspects environnementaux, économiques et sociaux. Les friches urbaines « espaces du passé » deviennent des espaces d’avenir.

Autrefois en marge des villes, maintenant au centre des préoccupations, les friches urbaines font partie de notre quotidien et sont sans conteste un potentiel à investir. Il est de notre devoir de les appréhender et de les comprendre pour en faire des leviers économiques. En effet, porteuses d’une véritable identité et riches d’un patrimoine à conserver, les friches ne demandent qu’à être révélées.

Conclusion

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Le recyclage urbain,une solution pour intensifier les villes

Le recyclage, outil créateur et ré-utilisateur de matières premières permet au designer de donner aux friches un rôle de levier. En travaillant à partir des usages, il repense la ville à travers ses mutations et prend en compte le patrimoine des friches autant que les besoins des futurs usagers. Il faut considérer que les constructions d’hier sont les témoins d’une époque qui peuvent se révéler être les fondations de constructions nouvelles, et c’est dans cet esprit de revitalisation que le designer a toute sa place et offre un nouveau départ aux friches urbaines. Identité, ingéniosité et créativité sont les mots d’ordre pour intensifier la ville et faire des projets de recyclage urbain des projets indispensables pour le futur.

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Le design pour recycler :

Le recyclage urbain,une solution pour intensifier les villes

Nombreux sont les projets de reconversion qui ont permis aux villes de se renouveler. Par la culture, les loisirs, ou encore l’histoire, la réhabilitation apporte un sens unique et fort à ses projets. Mais ce ne sont pas les seules formes d’exploitations possibles pour intensifier la ville.

Le recyclage comme outil novateur arbore de plus en plus de domaines et commence à investir la ville dans sa globalité. En effet, l’art de la recupération est de plus en plus tendance : que ce soit par la prolifération des friperies avec le retour du vintage, ou encore l’engouement du « Do It Yourself », le recyclage s’applique dorénavant à tout et n’importe quoi. Souvent entrepris à des fins économiques le recyclage permet également de ne pas laisser tomber en désuétude certains produits qui ont marqué notre quotidien. A l’instar de nombreux objets urbains, comme les cabines téléphoniques aujourd’hui mises de côté par la révolution du téléphone portable. A l’instar des espaces urbains délaissés et réinvestis, ces mobiliers urbains peuvent prétendre à une seconde vie.

Comme nous pouvons le constater dans l’article « Cabine fever » écrit par Pop-Up urbain, il n’est pas question de remplacer ces objets par du mobilier jugé plus utile. Symboles emblématiques de notre passé pré-connecté, les cabines téléphoniques se sont vues relookées. En corrélation avec les nouveaux usages de nouvelles fonctions leur ont été administrées comme en témoigne le recyclage express des cabines New-yorkaises en Hot spot Wi-Fi, ou encore comme propose le collectif Fabrique Hacktion en dynamo open sources pour recharger les Smartphones, ou plus simplement comme librairie urbaine. Le recyclage urbain permet de réconcilier deux générations autour d’un concept simple : se greffer à l’existant pour lui donner une nouvelle vie.

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Sur les bords de la Loire, des territoires plein de promesses et riches d’histoires sont en friche. Situés dans l’agglomération de Nantes, les anciens chantiers Dubigeon peuvent devenir un véritable levier économique par le recyclage. Traces du passé industriel naval, ces bâtiments de plus 7000 mètres carrés sont un véritable potentiel foncier. Localisé stratégiquement à 200m de la gare de Chantenay, distribué facilement par les services publics de la ville et surplombant la Loire côté Sud, le terrain est un mine d’or pour le quartier.

Ces bâtiments abritent des ateliers de fortunes occupés par les artisans réparant des bateaux, et ne pouvant travailler ailleurs que sur ce terrain doté d’une cale encore fonctionnelle. Par quels moyens alors techniques et sociales le recyclage urbain, peut –il révéler le patrimoine de la friche pour intensifier le quartier ? Et si l’idée était alors de faciliter ces usages artisanaux tout en mettant en avant le patrimoine naval industriel de la friche. Le designer aura pour rôle de rendre le projet attractif en créant de nouveaux services additionnels et faisant rayonner le projet le plus loin possible. Le juste équilibre entre créativité, ingéniosité et mutabilité.

Gérant fonctionnalité, esthétique et contraintes techniques le designer devient ainsi un chef d’orchestre et compositeur du recyclage urbain.

Conclusion

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Quartier CHANTENAY!

Potographie S. Pelletier

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Bibliographie

Antoine Charlot, Vers un nouveau modèle urbain, du quartier à la ville durable, Comité 21,2012

Arnaud Aubérot et Florence Bourillon, Urbaphobie La détestation de la ville aux XIXe et XXe siècles, Éditions Bière, 2009

Conseil d’architecture d’urbanisme et de l’environnement du Morbihan. Comment protéger et valoriser le paysage et le patrimoine

Editions Beaux-Arts, Qu’est-ce que l’architecture aujourd’hui ? , 2013

Emmanuelle Bonerandi, Le recours au patrimoine, modèle culturel pour le territoire ?, le diagnostic des territoires, 2005

France Dumesnil et Claudie Ouellet, La réhabilitation des friches indus-trielles: un pas vers la ville viable?, 2002

Gaston Bachelard, La poétique de l’espace, 1957.

Ghyslaine Thorion, Espaces en friche, des lieux dédiés à l’expérimentation et à la création culturelle, Communication et organisation, 26, p114-126, 2005

Gilles Clément, Manifeste du tiers paysage, 2003.

Luigia Parlati, La ville face aux défis de ses mutations, Urbanisation, peuple-ment et santé, 19 juillet 2013

Marie Vanhamme et Patrice Loubon, Arts en Friches. Usines désaffectées, fabriques d’imaginaires, Les Editions Alternatives, 2001

Ressources

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Monique Renault, Consommation ou consomption de la culture, La Tate Modern de Londres, Recherches en communication, n° 18, 2002

Pascale Rouay-Hendrickx, La Perception de la Friche, 1991

Robert Laugier, L’étalement urbain en France, synthèse documentaire, Février 2012

Revue 303 arts recherches créations, Architecture et mutations, 1982-2012, 2013

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Webographie

Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie. www.ademe.fr

Association d’urbaniste, fondateur Pierre Courtois. www.robinsdesvilles.org

Et si on recyclait la ville ? Demainlaville.com

Histoire de la reconversion de l’île de Nantes. http://www.aucame.fr/web/publications/etudes/fichiers/Fiche_Nantes.pdf

La Belle de Mai, friche réhabilitée en quartiers d’artistes à Marseille. http://www.lafriche.org

Les délaissés temporaires. http://www.villesaucarre.org/upload/131/piecejointeOS6vQi.pdf

Les friches, des espaces à valoriser. http://www.montpellier.fr/3452-les-friches-des-espaces-nature-en-ville-a-valoriser.htm

Mouvement utilisant le jardinage comme moyen d’action. http://www.guerrillagardening.org/

Projet Cathédrale verte, la future réhabilitation d’anciens incinérateurs à Montréal.http://cathedraleverte.com/

Projet ville-port de saint-nazaire http://www.agglo-carene.fr/

Ressources

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Recycler les infrastructures et les friches industrielles de la ville Demainlaville.com

Site de l’INSEE. www.insee.fr

Site officiel de la piscine de Roubaix http://www.roubaix-lapiscine.com/

Ville et mutations.http://caue75.archi.fr/sensibilisation/formation-citoyenne/petites-lecons-de-ville/ville-mutation-la-friche.html

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Toutes les illustrations ont été réalisées par S. Pelletier.

Sandra PelletierDesign d’espace / Mutations du cadre bâti

L’Ecole de Design Nantes AtlantiquePromotion Niemeyer 2014