MEMOIRE DE FIN D’ETUDES · H2 : CPFR - un avenir qui semble compromis en Europe. Etant donné que...
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La logistique collaborative entre industriels et
distributeurs, à l’image du CPFR (Collaborative
Planning Forecasting Replenishment)
CPFR : Le Supply Chain Management de
l’avenir ?
Superviseur : M. Jérôme Verny
Niels PAKULL Master II Sciences du Management, Spécialité Logistique
Paris I, Panthéon Sorbonne
Université Paris I, UFR 06 – Gestion Sorbonne – 17, rue de la Sorbonne – 75005 Paris, France – http://www.masterlogistique.com/
MEMOIRE DE FIN D’ETUDES
ANNEE ACADEMIQUE 2007/2008
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
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REMERCIEMENTS
Tout d’abord, je tiens à remercier mon superviseur M. Jérôme Verny, enseignant à
l’Ecole Supérieure de Commerce de Rouen, pour sa disponibilité, son écoute et ses
conseils avisés. Le sujet de mon mémoire a éveillé son intérêt et il s’est tout de suite
déclaré prêt à surveiller ce travail, en y consacrant du temps pour des échanges réguliers.
La confiance qu’il m’a témoignée a été précieuse pour réaliser ce mémoire de façon très
autonome.
Je souhaiterais également remercier M. Jean-Marc Lehu de m’avoir fait confiance en
m’acceptant au sein du Master II Sciences du Management, Spécialité Logistique, Paris I
Panthéon la Sorbonne et qui m’a permis de finir mes études avec succès et dans les
meilleures conditions.
J´exprime toute ma gratitude aux entreprises, qui dans le cadre de mon travail, ont su
m’écouter, être disponibles et me fournir de précieuses informations, à savoir :
- Mme Magdalena Saedek Acquaviva, EDI & ECR Manager chez Samsung
Electronics France
- Mme Katja Rausch, Directrice de la société Kara et enseignante en système
d’information, Paris I Panthéon la Sorbonne
- Mlle Jayoung Clavel, Opératrice CPFR au sein de la société Samsung Electronics
France
- M. Antoine Ménard, Repacking HPC Manager de la société Unilever
- M. Philippe Constant, Directeur de la société Piwan.
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Ces entretiens ont été très enrichissants, car ces professionnels m’ont à la fois fait
partager leur expérience et leur ressenti sur le sujet. Ceci m’a ainsi permis d’alimenter ma
réflexion par des informations très concrètes, voire parfois surprenantes.
Je remercie mon amie Anna Schmidt (étudiante en économie à l’Université de
Ratisbonne) pour son soutien et son aide dans la recherche de documentation.
Enfin, je remercie particulièrement ma mère Marie-Claude Pakull pour le temps
qu’elle a consacré à corriger mon travail et mon père Manfred Pakull pour ses précieux
conseils. Je leur suis très reconnaissant de m´avoir toujours soutenu, encouragé et
approuvé, tant dans mon cursus universitaire que dans mes choix personnels.
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RESUME GENERAL
Le Collaborative Planning Forecasting and Replenishement (CPFR) est « un
processus collaboratif de création de valeur dans la gestion globale de la supply chain
combinant les problématiques de l’offre et de la demande1 ».
Ce travail de mémoire a pour principal objectif la présentation et l’analyse de ce
phénomène. Même si de nombreuses raisons sont à l’origine de ce mouvement de
collaboration, il semble particulièrement intéressant de connaître les motivations réelles
des entreprises à adopter une telle stratégie consistant à échanger des informations plus ou
moins confidentielles avec leurs partenaires commerciaux. Nous nous sommes donc
interrogés non seulement sur les avantages et les risques, mais avant tout sur les conditions
de profitabilité de cette stratégie.
Nous terminerons cette étude par une réflexion approfondie sur l’avenir du CPFR.
Ceci nous amènera à formuler la question de recherche : « Le CPFR : le Supply Chain
Management de l’avenir? » que nous testons à l’aide de deux hypothèses :
H1 : CPFR - un modèle qui deviendra incontournable
H2 : CPFR - un avenir qui semble compromis en Europe.
Etant donné que cette problématique est encore peu analysée dans la littérature
scientifique, nous avons décidé de tester ces hypothèses en croisant la méthode de
recherche littéraire avec celle de l’investigation professionnelle, comme en témoignent les
cinq entretiens effectués au sein de différentes entreprises.
1 GRATACAP A, MEDAN P: « Management de la production », 2ème Edition, 2005, p320.
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D’après nos recherches et investigations, nous sommes amenés à penser que le
phénomène de CPFR devrait a priori perdurer, voire progresser dans les années à venir, en
particulier aux Etats-Unis. En effet, même si le contexte particulier de l’Europe ne favorise
pas son développement à l’heure actuelle, nous estimons qu’à terme les enjeux
économiques, tels que les réductions des coûts et le souhait d’avoir une supply chain plus
réactive, plus rapide et plus flexible devraient pousser les entreprises à opter pour une
logistique collaborative.
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TABLES DES MATIERES
REMERCIEMENTS .............................................................................................. 2
RESUME GENERAL ............................................................................................ 4
TABLES DES MATIERES ..................................................................................... 6
INTRODUCTION ................................................................................................ 9
PARTIE A : L’ORIGINE ET LES RAISONS DU DEVELOPPEMENT D’UNE LOGISTIQUE COLLABORATIVE ENTRE INDUSTRIELS ET DISTRIBUTEURS ....................................... 11
1. Le supply chain management ....................................................................... 11
1.1. Définition ......................................................................................... 11
1.2. Le Supply Chain Management : une approche multi-niveaux de la gestion des flux ....................................................................................................... 13
2. L’évolution de la supply chain ..................................................................... 14
2.1. La mondialisation ............................................................................... 14
2.2. Les systèmes d’information et de communication ...................................... 15
2.3. Des consommateurs finaux de plus en plus exigeants .................................. 16
2.4. Le passage d’un système de flux poussés à un système de flux tirés ............... 16
3. Facteurs de perturbation du Supply Chain Management ..................................... 18
3.1. Déstabilisation des flux par l’amont ........................................................ 18
3.1.1. Délocalisation des unités de production ................................................ 19
3.1.2. Spécialisation des unités de production ................................................ 20
3.2. Déstabilisation des flux par l’aval ........................................................... 21
3.2.1. Les conséquences des lois Raffarin et Galland en France .......................... 21
3.2.2. Modifications des canaux de distribution et impacts sur la supply chain ...... 22
3.2.3. Les conséquences de l’évolution du comportement du consommateur final sur la politique commerciale des distributeurs ................................................................ 23
3.2.4. Le consommateur final face à la rupture ............................................... 24
3.2.5. Prospective sur les nouvelles tendances déstabilisatrices par l’aval ............. 25
4. Les différentes formes de logistiques collaboratives .......................................... 27
4.1. Entreprise Ressources Planning (ERP) .................................................... 27
4.2. Advanced Planning and Scheduling (APS) ............................................... 28
4.3. La production Juste-à-temps (JAT) ......................................................... 28
4.4. Efficient Consumer Response (ECR) ...................................................... 29
4.5. Gestion partagée des approvisionnements (GPA) ....................................... 31
4.6. Gestion mutualisée des approvisionnements (GMA) ................................... 32
4.7. Collaborative Planning Forecasting and Replenishment (CPFR) ................... 32
PARTIE B : AVANTAGES ET RISQUES ENCOURUS PAR UNE STRATEGIE DE COLLABORATIVE PLANNING FORECASTING AND REPLENISHMENT (CPFR) .................. 35
1. L’origine du Collaborative Planning Forecasting and Replenishment (CPFR) ......... 36
1.1. La naissance du CPFR: Une collaboration entre Wal-Mart et Warner-Lambert . 36
1.2. Institutions et organismes pour le développement du CPFR ......................... 37
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2. Le modèle VICS ....................................................................................... 38
3. Les avantages liés au CPFR ......................................................................... 45
3.1. Avantages anticipés du CPFR selon les industriels ..................................... 45
3.2. Les avantages qualitatifs ...................................................................... 47
3.3. Les avantages quantitatifs ..................................................................... 48
3.4. Un cas de CPFR entre Henkel, Condis et Cartisa ....................................... 50
3.5. Comparaison entre des relations commerciales traditionnelles et collaboratives 51
4. Difficultés et inconvénients liés à une stratégie de CPFR ................................... 53
4.1. Les barrières à l’expansion du CPFR selon les industriels ............................ 53
4.2. Les inconvénients du CPFR .................................................................. 54
4.3. Le cas de Delhaize et Vandemoortele ...................................................... 55
5. Conclusion .............................................................................................. 56
PARTIE C : LES CONDITIONS DE REUSSITE D’UN PROJET DE COLLABORATIVE PLANNING FORECASTING AND REPLENISHMENT (CPFR) ............................................ 57
1. Les pièges à éviter ..................................................................................... 57
2. Les facteurs-clé de succès d’un projet de CPFR ............................................... 60
3. Une implication et un soutien total des dirigeants d’entreprise ............................. 61
4. L’importance du choix des partenaires commerciaux ........................................ 61
4.1. La segmentation des partenaires commerciaux .......................................... 62
4.2. L’analyse de compatibilité .................................................................... 63
4.3. L’analyse de complémentarité ............................................................... 64
5. L’importance de la confiance ....................................................................... 64
6. Le rôle des contrats .................................................................................... 65
7. L’importance des nouvelles technologies ........................................................ 66
7.1. Les différents modèles et scénarios ......................................................... 66
7.2. Les technologies ................................................................................. 67
7.3. L’interopérabilité entre les différents départements d’une entreprise en matière de CPFR ....................................................................................................... 68
8. Etude de cas : L’exemple Henkel-Eroski ........................................................ 70
9. Conclusion .............................................................................................. 79
PARTIE D : QUEL AVENIR POUR LE COLLABORATIVE PLANNING FORECASTING AND REPLENISHMENT (CPFR) ? ................................................................................ 81
1. Le CPFR : un modèle qui deviendra incontournable .......................................... 82
1.1. Le CPFR a su convaincre les entreprises .................................................. 82
1.2. Hausse confirmée des pratiques de CPFR ................................................. 84
1.3. Une disparition progressive des petits distributeurs pour une augmentation des hypermarchés ....................................................................................................... 85
1.4. L’Emergence du E-commerce ............................................................... 87
1.5. Le développement des places de marchés virtuelles (e-marketplaces) ............. 88
2. Le CPFR : un avenir qui semble compromis en Europe ..................................... 90
2.1. Les différences entre l’Europe et les Etats-Unis ......................................... 90
2.2. Une organisation logistique de distribution incompatible avec du CPFR ......... 92
2.3. Le problème des actions de promotions ................................................... 93
2.4. La prise de pouvoir sur la supply chain par les distributeurs ......................... 95
2.5. Des différences entre la théorie et la réalité ............................................... 96
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2.6. Industriels et distributeurs : des besoins différents en matière de prévisions de ventes et de collaboration ......................................................................................... 97
2.7. Des relations commerciales houleuses entre industriels et distributeurs ........... 98
3. L’émergence de nouveaux modèles de logistique collaborative : l’exemple du « Flowcasting » ......................................................................................................... 99
3.1. Présentation du concept du « Flowcasting» ..............................................100
3.2. Résultats escomptés avec le « Flowcasting » ............................................101
3.3. Différence entre le CPFR et le « Flowcasting » ........................................101
4. Conclusion .............................................................................................102
CONCLUSION FINALE, LIMITES ET ANALYSE CRITIQUE ....................................103
BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................106
ANNEXES .......................................................................................................109 1. Guide d’entretien .....................................................................................110
2. Rapports d’entretien ..................................................................................115
3. Modules d’une architecture CPFR ................................................................121
4. Evolution du e-commerce en France .............................................................122
5. Questionnaire de recherche de partenaire commercial pour du CPFR ...................122
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INTRODUCTION
De nos jours, l’économie est mondialisée et les entreprises développent des marchés
sur plusieurs continents. La qualité de la marchandise acheminée, les délais de livraisons,
le suivi de la marchandise et la qualité de service sont aujourd’hui des primordiaux que les
clients exigent sur des marchés de plus en plus concurrentiels.
Pour accompagner ces changements économiques où la réduction des coûts joue un
rôle essentiel et pour satisfaire des consommateurs finaux de plus en en plus exigeants en
terme de disponibilité des produits et de renouvellement des gammes, la fonction
logistique occupe une position prépondérante dans la stratégie des entreprises.
Dans ce nouveau contexte, on ne parle plus vraiment de logistique globale, mais de
« Supply Chain Management ». Il s’agit en effet de savoir maîtriser et gérer l’intégralité
des flux d’informations et de marchandises entre entreprises, c'est-à-dire du client au client
jusqu’au fournisseur du fournisseur.
La gestion des flux semble donc de plus en plus complexe, mais elle peut toutefois
s’appuyer de nos jours sur de nouvelles technologies et des systèmes d’information mieux
développés et plus performants.
Plusieurs possibilités s’offrent donc aux entreprises pour trouver des axes
d’amélioration, afin d’en tirer des avantages sur le long terme. Une de ces solutions est le
concept de CPFR – Collaborative Planning Forecasting and Replenishment, basé sur une
étroite collaboration entre tous les acteurs de la chaîne logistique. Ce modèle laisse en effet
supposer qu’un échange étroit, notamment entre le distributeur et son fournisseur en
matière de planification et de prévisions des ventes, permette d’anticiper d’éventuels écarts
ou évolutions de la demande.
L’objectif principal de ce travail portera donc non seulement sur la présentation, mais
avant tout sur l’analyse de cette stratégie.
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Nous constaterons notamment que la réduction des coûts reste le motif prédominant
pour expliquer le choix des entreprises de travailler de manière étroite avec leurs
partenaires commerciaux. Cependant, elle ne représente pas le seul critère. En outre, les
risques liés à une stratégie de CPFR sont bien réels et le succès n’est aucunement garanti.
Dans ce contexte, il nous semble donc particulièrement intéressant de se questionner sur
les conditions assurant la profitabilité des stratégies de CPFR. Comment choisir son ou ses
partenaires commerciaux ? Quel rôle joue la confiance mutuelle ? Dans quelle mesure les
nouvelles technologies impactent-elles sur le succès ou l’échec d’une organisation CPFR ?
Autant de questions auxquelles nous avons tenté de répondre lors de cette étude.
Ce travail sera finalement complété par une réflexion approfondie sur l’avenir des
pratiques de CPFR. S´imposera-t-il à terme comme un concept incontournable dans le
secteur de la grande distribution aux Etats-Unis et en Europe ou représente t-il au,
contraire, un phénomène de mode qui risquerait de s’estomper prochainement ?
Dans notre première partie, nous présenterons globalement les raisons du
développement d’une logistique collaborative entre industriels et distributeurs.
Dans la deuxième partie, nous verrons les avantages et les risques liés à une telle
stratégie.
Dans la troisième partie, nous analyserons les facteurs qui rendent une organisation
CPFR profitable.
Enfin, dans la dernière partie, nous nous intéresserons à son avenir ainsi qu’aux
nouvelles stratégies de logistique collaborative de demain.
.
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PARTIE A : L’ORIGINE ET LES RAISONS DU DEVELOPPEMENT
D’UNE LOGISTIQUE COLLABORATIVE ENTRE INDUSTRIELS
ET DISTRIBUTEURS
Avant de présenter et de développer notre sujet en profondeur, il nous semble dans
un premier temps essentiel de définir un certain nombre de termes et d’expliquer des
concepts, afin de mieux développer le sujet et la problématique traités lors de ce travail.
Cette première partie aura par conséquent pour objectif principal d’expliquer la nécessité et
le développement actuel d’une logistique collaborative entre industriels et distributeurs.
Pour cela, nous évoquerons dans un premier temps le concept de supply chain
management, ainsi que ses limites actuelles, avant de présenter dans un second temps les
différentes formes de logistiques collaboratives et notamment le CPFR (Collaborative
Planning Forecasting Replenishment) qui représente le sujet central de notre travail.
1. Le supply chain management
1.1. Définition
De manière générale, le Supply Chain Management peut être défini comme « la
gestion globale de la chaîne d’approvisionnement. Elle consiste à prendre en considération
l’ensemble des maillons de la chaîne et de leur spécificité, afin de mieux gérer l’allocation
et l’utilisation des ressources. En outre, elle a également un rôle très important de
coordination de l’ensemble et de la gestion de l’information entre les différents
participants »2.
Le concept de Supply Chain Management s’est répandu en France à partir de 1996.
Cette terminologie est d’ailleurs très liée à l’apparition des éditeurs de progiciels APS
2 LEHU J-M: « Encyclopédie du Marketing », Editions d’Organisation, 2004, p 721.
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(Advanced Planning & Scheduling System). En effet, pour promouvoir leurs outils de
gestion apportant des possibilités de gestion coordonnée de plusieurs acteurs d’un canal de
distribution, ils ont promu l’idée d’une logistique étendue, intégrée appelée supply chain.
Le développement du Supply Chain Management révèle deux phénomènes importants qui
permettent de différencier cette dernière de la logistique3 :
� Premièrement, la vision du logisticien est celle de l’entreprise à laquelle il
appartient. Dès lors, même s’il s’intéresse aux flux entre son entreprise et ses
fournisseurs, il ne va généralement pas au-delà. Le concept de Supply Chain
Management (SCM) va quant à lui plus loin. Il met en effet l’accent sur l’idée
qu’il faut s’intéresser à l’ensemble de la chaîne depuis le premier fournisseur
jusqu’au consommateur final, en vue d’accroître la performance logistique
globale. En d’autres termes, le SCM pousse à transcender l’approche
fragmentaire de la logistique, limitée à la synchronisation des flux au niveau
d’une entreprise donnée.
� Deuxièmement, le terme « supply » met le client et le consommateur final au
centre des débats. Ceci signifie que la gestion des flux devra être organisée de
telle manière qu’elle permettra d’ « approvisionner » au mieux le
consommateur final. Ainsi, le SCM, aidé par les nouvelles technologies
informatiques de type APS (Advanced Planning System) et ERP (Entreprise
Ressources Planning) que nous expliquerons par la suite, a pour conséquence
de tendre les flux de l’aval vers l’amont et non plus de les pousser de l’amont
vers l’aval4.
3 DORNIER P-P, FENDER M: « La logistique globale et le Supply Chain Management », Edition d’Organisation Eyrolles, 2007, p62. 4 ibid.
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1.2. Le Supply Chain Management : une approche multi-niveaux de la gestion
des flux
Comme évoqué précédemment, l’approche supply chain permet aujourd’hui de
dépasser les limites d’une seule entreprise pour appréhender l’ensemble des flux allant du
fournisseur au client du client. Il s’agit ici de l’une des caractéristiques essentielles qui
distingue le Supply Chain Management de la simple approche logistique.
Il est également important de savoir que la supply chain englobe trois natures de
flux :
• Les flux physiques de marchandises
• Les flux d’informations
• Les flux financiers
En outre, elle intervient et agit sur trois niveaux :
• L’exécution
• Le pilotage logique telle que la planification, la réaction
• La réorganisation permanente pour adapter les solutions aux variations des
contraintes qui les déterminent.
Le tableau 1 ci-dessous nous permet de mieux comprendre et schématise
parfaitement la différence entre le SCM et la logistique ainsi que leurs différents domaines
d’application.
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Figure 1 : Champs couverts par la logistique et le Supply Chain Management
Source : DORNIER P-P, FENDER M : « La logistique globale et le Supply Chain Management », Edition d’Organisation Eyrolles, p59
2. L’évolution de la supply chain
Si l’on analyse la situation économique et les activités des entreprises lors des
dernières années, on s’aperçoit qu’elles ont énormément évolué, influençant et modifiant
par conséquent directement la supply chain. Cette partie sera donc entièrement consacrée à
évoquer les principales mutations en matière de stratégies des entreprises.
2.1. La mondialisation
D’une manière générale, la situation économique a fortement évolué ces dernières
années. En effet, les marchés financiers ont connu et connaissent successivement des
explosions ainsi que des effondrements des cours des actions. De plus, la situation
financière des entreprises n’est pas stable. Il n’est pas rare de constater que des entreprises
enregistrant des bénéfices record doivent annoncer une liquidation judiciaire quelques mois
plus tard5. En outre, les activités des entreprises industrielles et de services ne se limitent
plus à un territoire national, grâce notamment à l’ouverture des frontières. Au contraire, les
5 KUHN A, HELLINGRATH B: „Supply Chain Management: Optimierte Zusammenarbeit in der Wertschöpfungskette“, Springer Verlag, Heidelberg 2002.
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entreprises agissent aujourd’hui globalement, avec des sites de fabrication se situant dans
des pays éloignés des lieux de consommation des produits, un siège social et des filiales
réparties au quatre coins du monde. Cette image est de plus en plus courante de nos jours.
Pour des raisons de coûts mais également une volonté de recentrage sur le cœur de métier,
les entreprises externalisent et délocalisent certaines activités vers des pays où le coût du
travail est moins élevé.
2.2. Les systèmes d’information et de communication
Le progrès dans les systèmes d’information et de communication a fortement
participé et aidé à cette évolution de stratégie d’entreprise. En effet, grâce à leur forte
croissance, cette technologie est devenue très rapidement accessible à tous les secteurs
économiques. Leur utilisation a notamment permis de fortement réduire les processus de
travail et de réaliser un net gain en productivité. Il est évident que leurs apparitions ont
également modifié la supply chain, puisqu´au travers de celle-ci s’effectue la gestion des
flux physiques, mais aussi d’information entre les différents maillons de la chaîne. De nos
jours, l’information est collectée et redistribuée grâce à des progiciels de gestion de type
ERP (Entreprise Ressource Planning). Ceux-ci présentent de nombreux intérêts pour les
entreprises qui souhaitent s’en équiper, permettant notamment une unicité de la base de
données de l’entreprise, la réduction des délais de mise sur le marché des produits, la
diminution des coûts.
L’évolution de l’informatique est un des facteurs essentiels pour plus d’informations,
plus de partage avec les différents départements au sein d’une même société, plus
d’intégration et plus de flexibilité, ce qui explique le succès grandissant des ERP auprès
des entreprises.
En outre, pour que l’information circule le plus rapidement possible lors des passages
de commandes, les entreprises communiquent via EDI (Echange de données
informatisées), ce qui permet par conséquent une dématérialisation des commandes et des
factures. A terme, l’EDI remplacera le passage de commandes via fax pour des raisons de
sécurité et de rapidité de l’échange d’informations.
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2.3. Des consommateurs finaux de plus en plus exigeants
Comme nous le verrons tout au long de cette première partie, les modes de
consommation ont énormément évolué au cours des dernières années. Les consommateurs
finaux souhaitent de nos jours trouver le produit souhaité le plus rapidement possible et au
meilleur prix. Si l’on ajoute à cela que ce dernier est devenu volatile et exigeant, nous
pouvons en déduire que les distributeurs ont de plus en plus de difficultés à fidéliser leur
clientèle. Malgré tout, le consommateur actuel prend son temps pour comparer la qualité et
le prix, ce qui nous laisse penser que les clients font désormais leurs achats dans différentes
enseignes en fonction des gammes de produits, de la variété, du prix et du service
proposés. En d’autres termes, alors que le consommateur final était il y a quelques années
encore très fidèle et attaché à la marque, il n’a aujourd’hui plus aucun remord à changer de
marques et de distributeur.
A ce titre, la logistique joue un rôle prépondérant. En effet, le client ne se voit
confronté à la logistique que lorsque qu’un problème apparaît (qualité ou rupture de stock
en linéaire). Lorsqu’un maillon de la chaîne logistique est défaillant, le consommateur est
très rapidement mécontent. La logistique est de plus un maillon indispensable pour tenter
de fidéliser le client et d’enrichir l’offre de produits par une gamme de services plus
sophistiqués : livraisons plus rapides, suivi informatique des flux, réduction des délais
commandes-livraisons, personnalisation des conditions d’emballage et de transport, service
après-vente…
2.4. Le passage d’un système de flux poussés à un système de flux tirés
Jusqu’à la fin du XXème siècle, les flux au sein de la supply chain était dominés par
un système de flux poussés (push system)6, vu qu´en période d’après-guerre, la demande
était nettement supérieure à l’offre. Le terme « poussé » signifie que les composants, les
produits intermédiaires et les produits finis sont poussés dans le stock, suite à un ordre de
fabrication, décidé sur la base de prévisions chiffrées et non pas en raison d´un besoin
6 SEIFERT D: “Collaborative Planning Forecasting, and Replenishment, How to create a supply chain advantage”, Amacom, 2003, p5.
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effectif et identifié.7 En d’autres termes, dans ce système, une entreprise décide de lancer la
production d’un produit sans faire d’étude de marché au préalable pour savoir si ce même
produit répond à un besoin du marché ou pas. Cette organisation présente notamment
l’avantage de créer des économies d’échelles et une possibilité de planifier les productions
à l’avance. Toutefois, son risque principal est que le client se détourne du bien et que le
producteur et le distributeur se retrouvent avec des stocks élevés pour cette référence,
s’expliquant par le fait qu’il n’existe aucune communication entre le service achat et
commercial pour connaître les besoins de consommateurs finaux.
Le problème s’aggrave si le producteur souhaite à tout prix augmenter les livraisons
de ses produits. Ces grandes quantités doivent alors être vendues à travers plusieurs canaux
de distribution. Cependant, en raison d’une limitation de la capacité de distribution et afin
d´écouler les stocks exorbitants du produit, les distributeurs devront baisser les prix dans le
cadre de promotions, entraînant par conséquent une augmentation de la demande. Ce
mode de fonctionnement aura pour conséquence une diminution constante des prix sous
forme de promotions et donc de marges pour le producteur et le distributeur. De plus, les
consommateurs seront alors de plus en plus tentés d’attendre les offres promotionnelles
pour acheter certains produits8.
De nos jours, la situation a quelque peu changé. Le client final est devenu volatile,
infidèle à la marque, connaisseur et possède par conséquent des attentes élevées en matière
de qualité et de disponibilité des produits en linéaires9. C’est donc aujourd’hui un système
de flux tirés (pull system) qui domine au sein de la supply chain. Dans ce type de stratégie,
c’est le client final, qui le premier, déclenche la production et le flux en exprimant une
commande ferme; c’est donc cette dernière qui tire le flux dans toute l’entreprise, de postes
aval en postes amont10. Dans ce cas de figure, les besoins et les comportements d’achats
des consommateurs finaux sont donc bel et bien au centre des considérations. La demande
est ici déterminée grâce à des études de marché précises. Ce principe est d’ailleurs au cœur
7 GRATACAP A, MEDAN P: « Management de la production », 2ème Edition Dunod 2005, p41. 8 SEIFERT D: “Collaborative Planning Forecasting, and Replenishment, How to create a supply chain advantage”, Amacom, 2003, p6. 9 Cours de Mme Van Heems, Maitre de conférences, Paris 1 Panthéon Sorbonne. 10 GRATACAP A, MEDAN P: « Management de la production », 2ème Edition Dunod 2005, p42.
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de la stratégie de logistique collaborative et de l’ECR (Efficient Consumer Response), qui
seront développées dans les parties suivantes.
La figure 2 ci-dessous schématise les deux différents types de flux et permet de
mieux comprendre les différences.
Figure 2 : Différences entre flux poussés et flux tirés
Source : SEIFERT D: “Collaborative Planning Forecasting, and Replenishment, How to create a supply chain advantage”, Amacom, 2003, p6
3. Facteurs de perturbation du Supply Chain Management
Après avoir expliqué de manière générale le Supply Chain Management, il semble à
présent particulièrement intéressant d’évoquer son évolution, ses contraintes actuelles mais
surtout les éléments qui perturbent et remettent en cause son fonctionnement. Les facteurs
que nous allons évoquer à présent livrent également des indications expliquant son
rapprochement vers la logistique collaborative.
3.1. Déstabilisation des flux par l’amont
Comme nous avons pu le voir dans la partie précédente, la mondialisation déclenche
des effets qui induisent un certain nombre d’impacts sur la supply chain. Ainsi,
l’émergence de certains pays a poussé les entreprises à multiplier les sites de production
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dans des pays étrangers. Logiquement, cette augmentation des unités de production
engendre mécaniquement des besoins de mondialisation également en matière de
distribution. Or comme nous allons le voir dans cette partie, si à cela s’ajoutent la
spécialisation et la délocalisation des usines, la logistique et le Supply Chain Management
se retrouvent alors déséquilibrés et il est par conséquent nécessaire de trouver aux flux un
cadre plus adapté à leur circulation efficiente11.
A ce sujet, trois stratégies industrielles majeures peuvent être identifiées quant à leur
impact sur la reconception d’un modèle logistique.
3.1.1. Délocalisation des unités de production
La délocalisation est un phénomène qui a touché de nombreux secteurs de l’industrie
et des services. A première vue, celle-ci semble essentiellement motivée par l’existence de
différentiels de coûts de main-d’œuvre entre certaines régions du monde qui disposent
pourtant de capacités et de compétences de production comparables. Néanmoins, le coût du
travail n’est pas la seule variable qui explique la délocalisation. En effet, le rapprochement
géographique d’une zone économique en pleine expansion en Asie peut justifier certaines
délocalisations dans les pays du Sud-Est asiatique12.
Toutefois, les zones géographiques de production ne coïncident pas toujours dans la
majorité des cas avec les zones de consommation, ce qui engendre des problèmes d’ordre
logistique puisque les produits fabriqués doivent être réexpédiés vers les pays où les
marchés existent. Or, comme ces coûts logistiques de rapatriement des produits sur les
marchés de consommation représentent en général un surcoût par rapport à une solution de
production nationale, ces derniers doivent par conséquent être déduits des sous-coûts de
main- d’œuvre générés par la délocalisation. Autrement dit, les immobilisations dues aux
en-cours de transport, acheminement par voie maritime et aérienne, frais de droits de
douane éventuels à l’entrée viennent s’imputer aux économies réalisées sur le coût du
travail13. Les logisticiens cherchent donc à minimiser ces coûts de repositionnement des
11 DORNIER P-P, FENDER M: « La logistique globale et le Supply Chain Management », Edition d’Organisation Eyrolles, 2007, p177. 12 ibid. p193. 13 ibid. p196.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
20
produits vers les marchés de consommation, puisqu´une stratégie de délocalisation reste
essentiellement intéressante si :
(Sous-coûts de main d’œuvre) > (surcoûts logistiques)
Par conséquent, l’évolution permanente des paramètres qui déterminent les
composantes de cette formule rend nécessaire la mobilité des unités industrielles pour
conserver les avantages initialement perçus. En outre, la délocalisation des productions a
rendu la circulation des flux plus complexe entre l’unité de production et le centre de
consommation, nécessitant un besoin supplémentaire de pilotage et de coordination.
3.1.2. Spécialisation des unités de production
La seconde stratégie industrielle qui a perturbé le supply chain management est la
concentration des productions, due notamment à une spécialisation des unités de
fabrication. En effet, depuis le début des années 80, le problème de réussir à concilier la
flexibilité et la productivité est bien réel. Face à des clients de plus en plus difficiles à
fidéliser, les usines sont sollicitées par un marketing très créatif qui conduit à une hyper-
segmentation des marchés et donc à des réponses de plus en plus personnalisées en matière
de produit. Celle-ci entraîne par conséquent une multiplication des références à produire et
une augmentation du changement des séries de fabrication14. La compatibilité avec un
maintien de la productivité indispensable à l’optimisation du coût de revient n’est alors pas
évidente. Pour y parvenir, certaines entreprises ont alors décidé la spécialisation de leurs
unités de production.
Cette spécialisation, y compris à l’échelle mondiale, possède certains avantages et est
susceptible d’apporter notamment les économies suivantes au producteur :
• Des économies d’échelle par concentration de la production sur quelques
sites spécialisés ;
• Des effets d’expérience sur les productions.
Selon le principe de spécialisation des unités de production, un bien n’a donc pour
vocation d’être fabriqué que dans un nombre limité d’usines (une ou deux au maximum).
14 ibid p181.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
21
Cette nouvelle stratégie engendre toutefois deux conséquences principales en matière de
logistique.
Premièrement, le fait que les produits commercialisés dans un pays ne peuvent plus
provenir des seules usines implantées dans ce même pays ainsi que le caractère non
polyvalent des usines de production implique un acheminement des produits nécessaires au
commerce local en provenance d’autres usines étrangères.
La seconde conséquence de la spécialisation des unités de production est la
conservation d’une aptitude des entreprises ayant globalisé leurs productions à continuer à
s’adapter aux particularités des marchés locaux. Pour y parvenir, les entreprises concernées
choisissent d’adapter localement leurs produits en aval des usines sur des sites logistiques
basés au sein des marchés locaux. On parlera dans ce cas de « post-manufacturing » ou de
« différenciation retardée »15.
3.2. Déstabilisation des flux par l’aval
Après avoir analysé les déstabilisations des flux de la supply chain par l’amont, nous
allons à présent nous consacrer à la déstabilisation par l’aval de la logistique des
producteurs et des distributeurs.
3.2.1. Les conséquences des lois Raffarin et Galland en France
La loi Raffarin de juillet 1996 vient compléter la loi Royer de 1973. La loi Royer
soumet à autorisation l’implantation d’un hypermarché supérieur à 1 000 m² afin de freiner
l’expansion de la grande distribution dans le but de protéger les petits commerces. La loi
Raffarin, quant à elle, abaisse ce seuil à 300 m2 pour les autorisations, afin de freiner
l’essor des hard discounts en zone urbaine. Ces différentes lois ont eu un fort impact sur la
grande distribution en France. En effet, celle-ci a dû chercher une expansion à l’étranger et
revoir l’utilisation de ses magasins. Les réserves, autrefois très importantes occupaient
jusqu’à la moitié du magasin, afin de pallier à tout risque de rupture en linéaire. Elles ont
15 DORNIER P-P, FENDER M: « La logistique globale et le Supply Chain Management », Edition
d’Organisation Eyrolles, 2007, p181.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
22
depuis été quasiment supprimées pour être transformée en surface de vente. Pour pallier à
ce manque d’espace, les distributeurs cherchent à construire des entrepôts non-éloignés du
lieu de vente. Le mode de réapprovisionnement des magasins a donc dû changer16.
La loi Galland en juillet 1996 interdit quant à elle la revente à perte parfois pratiquée
par la grande distribution. Face à cette contrainte, les distributeurs ont dû adopter des
nouvelles stratégies. Certes, dans certains cas, la grande distribution a souhaité augmenter
ses prix de ventes. Toutefois, ce type de stratégie étant difficilement acceptable par les
consommateurs finaux, les distributeurs ont été obligé de trouver un moyen pour diminuer
le coût de revient et d’agir ainsi au niveau des achats et de réduire les coûts logistiques.
C’est notamment pourquoi, nous avons pu constater d’une part l’émergence du sourcing,
c'est-à-dire la recherche de fournisseurs moins cher partout dans le monde, et d’autre part
une nouvelle stratégie logistique entre distributeurs et industriels sous forme de
collaborations étroites17.
3.2.2. Modifications des canaux de distribution et impacts sur la supply
chain
Les préoccupations d’un producteur ne se limitent pas à la simple fabrication des ses
produits ou la conception d’un service. En effet, la mise à disposition de ce produit ou
service au client final, c'est-à-dire la distribution, est un des éléments fondamentaux de la
stratégie des industriels. Or, les circuits ou canaux de distribution sont aujourd’hui de plus
en plus complexes et peuvent impliquer de nombreux intermédiaires. En effet, pour la
vente en magasin par un détaillant ou distributeur, plusieurs acteurs sont susceptibles
d’intervenir :
• Le fabricant lui-même ;
• Un ou plusieurs grossistes ;
• Le magasin, dernier maillon de la chaîne avant le consommateur.
Par conséquent, il est possible de distinguer plusieurs types de canaux :
16 Cours Master II Logistique de Mme Van Heems, Maitre de conférences, Paris 1 Panthéon Sorbonne. 17 ibid.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
23
• le canal direct : directement du producteur au consommateur ;
• le canal court : utilisation du détaillant comme intermédiaire entre le
producteur et le consommateur ;
• le canal long : utilisation d’un grossiste et d’un distributeur comme
intermédiaires entre le producteur et le consommateur.
Le transport étant une des opérations fondamentales effectuées sur un circuit de
distribution, il est évident que le choix du canal aura un impact direct sur les coûts
logistiques. En effet, plus le canal sera long, plus les opérations de manutention
(chargement et déchargement des camions) et de stockage nécessitées seront nombreuses.
C’est pourquoi les industriels cherchent aujourd’hui des moyens pour optimiser leurs coûts
de transport grâce notamment à des opérations de groupage, ce qui consiste à rassembler
dans un même véhicule plusieurs lots de produits finis de même destination, mais de nature
différente18.
3.2.3. Les conséquences de l’évolution du comportement du consommateur
final sur la politique commerciale des distributeurs
Comme nous l’avons souligné dans la partie 2.1 de ce chapitre, le comportement du
consommateur final a fortement évolué lors des dernières années. En effet, il est devenu
volatile, infidèle à la marque et mieux informé. En outre, il a aujourd’hui la volonté d’être
reconnu en tant qu’être unique dans une société où l’environnement concourt à
l’uniformisation19. Pour faire face à cette volonté de reconnaissance, les distributeurs
optent aujourd’hui pour une stratégie de différenciation et de fidélisation mais également
une stratégie beaucoup plus orientée client que produit, comme ce fut le cas dans le
passé20. Par conséquent les politiques commerciales des distributeurs ont été modifiées :
18 DORNIER P-P, FENDER M: « La logistique globale et le Supply Chain Management », Edition d’Organisation Eyrolles, 2007, p 237. 19 ibid. p 217. 20 Cours Master II Logistique de Mme Régine Van Heems, Maitre de conférences, Paris 1 Panthéon Sorbonne.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
24
� Réduction de la durée de vie des produits
Dans une volonté de différenciation, les distributeurs ont notamment choisi de
fortement réduire la durée de vie des produits et d’adopter ainsi le rythme de
renouvellement des technologies. Bien évidemment, cette stratégie a comme conséquence
de fortement réduire le « time to market » c'est-à-dire le délai nécessaire pour le
développement et la mise au point d’un projet jusqu’à ce qu´il puisse être lancé sur le
marché21. En outre, la réduction de la durée de vie des produits nécessite une adaptation
permanente de la supply chain à la phase de vie commerciale du produit.
� Politique d’assortiment
La grande distribution est confrontée à l’explosion du nombre de références poussées
par la concurrence que se livrent les industriels. Un distributeur tel que « Metro » doit
aujourd’hui faire face à plus de 100 nouveaux produits par jour. Ceci s’expliquant
notamment par l’apparition de nouvelles marques sur des produits déjà existants, par de
nouveaux types d’emballages ou de conditionnements et par des nouvelles variétés sur des
produits déjà existants… Ainsi donc la segmentation des marchés et le foisonnement des
références est une réponse apportée aux besoins de produits spécialisés des
consommateurs22.
En outre, l’émergence et le succès des marques de distributeurs (MDD) permettent
aux distributeurs de développer leur propre image et surtout de fidéliser les consommateurs
sur l’ensemble de l’assortiment si ces derniers apprécient le produit23.
3.2.4. Le consommateur final face à la rupture
Comme évoqué précédemment, le consommateur final est de mieux en mieux
informé sur la qualité et la nature des produits. Il n´est donc pas étonnant de constater une
21 www.emarketing.fr. 22 DORNIER P-P, FENDER M: « La logistique globale et le Supply Chain Management », Edition d’Organisation Eyrolles, 2007, p 218. 23 Cours Master II Logistique de Mme Van Heems, Maitre de conférences, Paris 1 Panthéon Sorbonne.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
25
diminution des achats d’impulsion24, qui par conséquent aura tendance à accroître la
sensibilité du consommateur face à la rupture de stock en linéaire.
Face à une rupture en linéaire, ce dernier aura alors plusieurs alternatives25 :
• réclamer l’assistance d’un vendeur ;
• changer de magasin : ceci est généralement le cas pour plus de 40% des
consommateurs. Bien évidemment, ce chiffre variera selon la nature de
l’objet et la motivation du client ;
• attendre un réapprovisionnement ;
• changer de marque ;
• changer de type de produit ;
• changer de conditionnement dans la même marque.
Le risque d’une rupture de stock en linéaire est élevé et courant dans le secteur de la
distribution, notamment le samedi après-midi où il peut atteindre près de 16%26 pour
certaines références. Comme nous le verrons dans la partie suivante, ce n’est que par une
coopération étroite entre les différents acteurs de la supply chain que le taux de ruptures
peut être fortement diminué.
3.2.5. Prospective sur les nouvelles tendances déstabilisatrices par l’aval
En raison notamment d’une augmentation de la concurrence, la grande distribution
devrait logiquement continuer à faire évoluer ses stratégies et donc les contraintes qu’elle
génère sur les logistiques situées à l’interface producteur/distributeur.
24 DORNIER P-P, FENDER M: « La logistique globale et le Supply Chain Management », Edition d’Organisation Eyrolles, 2007, p 220. 25 ibid.p 220. 26 ibid.p 220.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
26
Ainsi, selon les auteurs Dornier et Fender27 il est possible d’évoquer cinq grandes
tendances qui devraient amener les supply chains à encore évoluer dans l’avenir pour ce
type de produit.
La première évolution porterait selon eux sur la cadence de réapprovisionnement. En
effet, d’une commande journalière dans le meilleur des cas, la grande distribution devrait
s’acheminer vers des commandes pluri-quotidiennes. Des solutions logistiques du côté des
producteurs sont donc à imaginer pour offrir ce type de service, sachant que la limite du
délai nécessaire entre deux commandes représente aujourd’hui un grand problème.
La seconde tendance consisterait à transmettre en temps réel le niveau des ventes en
temps réel au producteur, en vue de mettre en place un réapprovisionnement automatique.
Troisièmement, le distributeur devrait s’acheminer vers la mise en place de
promotions virtuelles. A l’heure actuelle et afin de mettre en avant leurs produits, les
producteurs sont obligés d’en modifier l’apparence (sur-emballage, échantillon, quantités
additionnelles…). A terme, le distributeur devrait être capable de réaliser pour le compte
du producteur des promotions en magasin qui s’effectueraient alors automatiquement lors
du passage en caisse. Dans ce système, les opérations de post- manufacturing auxquelles
les producteurs doivent se livrer se verront fortement réduites.
La quatrième tendance devrait porter sur le merchandising. En effet, la mise en
linéaire doit s’adapter à la nature des ventes qui varie fortement selon les jours de la
semaine. Afin d’optimiser la rotation du linéaire et le chiffre d’affaire réalisé, il semble
indispensable d’adapter le « facing » du linéaire et donc des approvisionnements.
Enfin la cinquième évolution porteuse de conséquence dans les relations logistiques
entre le producteur et le distributeur, devrait porter sur le changement de la nature de leur
relation. En effet, le distributeur est susceptible de s’acheminer vers le paiement aux
fournisseurs des quantités vendues au consommateur final et non plus des quantités
achetées et approvisionnées.
27 DORNIER P-P, FENDER M: « La logistique globale et le Supply Chain Management », Edition d’Organisation Eyrolles, 2007, p262.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
27
Ainsi, nous avons pu voir que pour répondre aux exigences du marché et des
consommateurs, la création de nouveaux produits reste une obligation de l’industrie, tout
comme leur disponibilité en linéaire qui reste la première promesse à satisfaire. En effet, le
comportement des consommateurs de plus en plus volatiles, l’ouverture à l’international et
l’inflation de références ont fortement modifié la donne et influencé les chaînes
d’approvisionnement. Aujourd’hui, malgré les nombreux efforts engagés par les
distributeurs pour adapter leur supply chain, l’ennemi numéro un reste encore le taux de
rupture élevé en linéaires28 (10,3% en France en 200029), qui engendre logiquement une
perte de client et donc d’une diminution de chiffre d’affaires pour les enseignes. Ce chiffre
est d’autant plus étonnant que le taux de service en entrepôt de la part des industriels atteint
99% pour des produits alimentaires.
A partir de cette problématique, les distributeurs et les industriels ont été contraints
de changer leur manière de penser. L’idée d’une organisation entre les deux partenaires
basée sur une collaboration étroite a été évoquée. Vraisemblablement initiée par les géants
américains Wal-Mart et Procter & Gamble cette idée de collaboration a progressivement
généré un ensemble de concepts (ECR, GPA, CPFR) que nous expliquerons dans la partie
suivante.
4. Les différentes formes de logistiques collaboratives
Avant d’axer et d’approfondir notre travail sur le principe de CPFR (Collaborative
Planning Forecasting and Replenishment), il nous semble tout d’abord essentiel d’évoquer
et de présenter les autres modèles de logistiques collaborative.
4.1. Entreprise Ressources Planning (ERP)
Rapidement évoqué sous le point 2.2, le concept d’ERP a été développé dans les
années 90 et a mené à une réorganisation des grandes sociétés. Même si le ERP n’est pas
un modèle de collaboration entre différents partenaires en temps que tel, il nous a semblé
important de l’évoquer vu qu’il est à la base de toute coopération collaborative et se
concentre essentiellement sur les processus internes de l’entreprise. L’implantation de ce
28 Taux de rupture en linéaire: niveau de service au consommateur final (selon ECR France). 29 Etude ECR France, http://www.ecr-france.org.
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28
progiciel aura pour objectif d’optimiser le flux d’information par un échange
d’informations entre les différents départements d’une société. Grâce à l’ERP, la
communication interne est nettement améliorée, engendrant ainsi une réduction des coûts.
4.2. Advanced Planning and Scheduling (APS)
Contrairement à l’ERP qui agit uniquement sur l’optimisation de l’échange de
l’information et de la communication au sein d’une même société, l’APS intègre la
communication avec les partenaires externes à la société. Les outils APS se concentrent
également d’avantage sur la planification des composants, tels que les ressources
nécessaires pour satisfaire une commande30. En outre, l’APS comprend également le
« demand planning », c'est-à-dire l’étude et l’analyse de la demande, perspective
d’évolution et prévisions.
4.3. La production Juste-à-temps (JAT)
Parmi les différentes organisations collaboratives entre différents partenaires
commerciaux, il nous a également semblé important de parler de la production en Juste-à
temps (JAT) ou Just-in-Time (JIT).
Le JAT est à l’origine à un modèle japonais dont les premières origines remontent à
194531. L’objectif de cette organisation est de réduire au minimum le niveau de stock,
voire de le supprimer entièrement. Pour éviter les ruptures, les besoins sont parfaitement
anticipés, et les pièces doivent être livrées par le fournisseur au bon moment, dans la
quantité souhaitée. Sans entreposage, les pièces vont alors immédiatement dans la
production où elles sont manipulées. Cela justifie pourquoi on qualifie la JAT de gestion
en « flux tendus ». L’entreprise ne devant pas disposer des pièces trop tôt, puisqu´une
production trop anticipée ayant pour conséquence la constitution de stocks.
30 WHITE A: “The value equation : Value chain Management, Collaboration and the Internet”, Logility, 1999. 31 GRATACAP A, MEDAN P: “Management de la production”, 2ème Edition, Dunod, 2005, p 238.
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29
Selon les auteurs Gratacap et Médan32, dans le JAT, l’organisation de la production
se base sur un ordre de commande, sur une demande ferme et fonctionne ainsi en flux tirés.
Dans ce type d’organisation, une synchronisation et une parfaite coordination et
communication en matière de livraisons, d’approvisionnement et de production sont ainsi
indispensables. Il est donc également essentiel d’avoir des fournisseurs fiables, car en
retard de livraison, c’est toute la production qui doit être arrêtée, pouvant avoir des
répercussions catastrophiques sur l’ensemble de la supply chain33.
4.4. Efficient Consumer Response (ECR)
Le projet Efficient Consumer Response est né aux Etats-Unis en 1992 sous
l’impulsion du Food Marketing Institute et de plusieurs entreprises industrielles et
distributeurs.
Sa véritable signification apparaît à la décomposition de son nom. En effet,
« Consumer» pour une orientation précise aux besoins des consommateurs et « Efficient
Response » pour une optimisation des processus de la chaîne de valeurs34.
En 1996, on assiste au lancement de plusieurs initiatives nationales par quelques
membres de l’ECR. Pour la France, cette association regroupe en 1997 12 industriels
(Bongrain, Colgate Palmolive, Fromagerie Bel, Groupe Danone, Johnson&Johnson, Kraft
Jacobs, Suchard, l’OREAL, Nestlé, Paul Prédault, Procter&Gamble, Unilever) et 12
distributeurs (Auchan, Carrefour, Catteau, Casino, Comptoirs modernes, Cora, Galerie
Lafayette, Leclerc, Monoprix, Prisunic, Promodes, Systèmes U). Alors que cette
association regroupe aujourd’hui, l’ensemble des distributeurs et 80 entreprises
industrielles, elle poursuit l’objectif de repenser l’offre au consommateur, c'est-à-dire
rechercher les nouveaux facteurs-clé de succès (au-delà de la compétitivité prix) par le
niveau de service, la différenciation ou le niveau de qualité. Autrement dit, l’ECR est une
démarche de partenariat entre industrie et commerce visant par la connaissance en temps
32 GRATACAP A, MEDAN P: “Management de la production”, 2ème Edition, Dunod, 2005. 33 DAVENPORT T: “Just-in-time Delivery comes to knowledge management”, Harvard Business Review, 2002, p 107-111. 34 SEIFERT D: « Collaborative Planning Forecasting Replenishment: How to create a suuply chain advantage”, Amacom, 2003, p16.
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30
réel de ventes au point de consommation à gérer en commun les approvisionnements, les
promotions et nouveaux produits35.
Selon l’auteur Dirk Seifert36 (voir tableau 3), un échange d’information intense avec
le client permet de trouver le marketing mix optimal pour l’ensemble des partenaires
impliqués et permettrait ainsi une situation de type gagnant-gagnant. En effet, on y
constate que le consommateur final est plus satisfait grâce à notamment à des prix plus
stables ainsi qu’à une meilleure disponibilité de produits plus innovants ou plus frais. Le
distributeur et industriels quant à eux se satisferont de coûts plus faibles et d’une hausse du
chiffre d’affaires, grâce notamment à une réduction des stocks et d’une fidélité client pour
le distributeur, ou d’une planification de production plus optimisée pour le fournisseur.
Tableau 3: La création d’une situation de type gagnant-gagnant comme but de
l’ECR
Source: SEIFERT D: “Collaborative Planning Forecasting, and Replenishment, How to create a supply chain advantage”, Amacom, 2003, p5
35 SCHONBERGER R.J: “Building a chain of customers”, The free press, 1990. 36 SEIFERT D: « Collaborative Planning Forecasting Replenishment: How to create a supply chain advantage”, Amacom, 2003, p16.
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31
Ces affirmations sont d’ailleurs reprises par l’auteur Vandaele37, puisque selon lui,
les nouvelles relations de coopération ne se substituent pas aux négociations commerciales
et ne les réduisent pas à néant, elles leur donnent simplement un autre contenu. Les futures
négociations seront centrées sur la satisfaction des clients avant tout, puis sur la recherche
de l’intérêt commun des deux participants.
4.5. Gestion partagée des approvisionnements (GPA)
Le modèle logistique de la GPA, i.e. Vendor Managed Inventory (VMI) en anglais,
se caractérise par le fait que la gestion de l’entrepôt et des stocks du client est entièrement
prise en charge par le fournisseur. Cette méthode entre ainsi dans le cadre des techniques
de l’ECR. Ce dernier est responsable de la politique d’approvisionnement de l’entrepôt
et/ou des magasins et contrôle, ainsi que des stocks et des besoins de son client.
Par conséquent, cette stratégie est totalement différente des relations traditionnelles
entre client et fournisseur. Dans le modèle de la GPA, le distributeur ne passe ainsi plus
aucune commande à son fournisseur. Ce dernier doit en effet réapprovisionner son client
d’une manière totalement autonome grâce à des informations et des données qui lui sont
transmises38. Ainsi, à partir des informations concernant les stocks et/ou les ventes
transmises par le distributeur, l’industriel peut lui-même calculer ses prévisions des besoins
et adapter sa production et ses ressources logistiques.
Basé sur le partage de l’information et sur la coopération, la stratégie de la GPA a
pour objectif la diminution des stocks, la diminution des ruptures et par conséquent une
amélioration du taux de service dans l’optique d’une meilleure adaptation des moyens et
des ressources aux besoins des consommateurs39.
37 LEHU J-M: « L’encyclopédie du Marketing », Editions d’Organisation, 2004, p290. 38 REINDL M: « eLogistics: Logistiksysteme und –prozesse im Internetzeitalter», Edition Addisson-Wesley, p 195-197. 39 http://www.faq-logistique.com/GPA.htm.
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32
4.6. Gestion mutualisée des approvisionnements (GMA)
Nous avons pu voir qu’une stratégie collaborative logistique telle que la GPA
nécessitait un certain investissement dans des outils informatiques, afin de pouvoir
échanger certaines informations et données. Or, il est évident que plus petits fournisseurs
n’ont pas les ressources financières suffisantes pour mettre en place à un système de VMI.
Une des alternatives à la GPA est alors la GMA (Gestion mutualisée des
approvisionnements), qui consiste quant à elle à pré-organiser les enlèvements/livraisons
de plusieurs fournisseurs dans un même flux de transport, afin d’optimiser le taux de
remplissage des camions et de réduire par conséquent les coûts liés à ce genre
d’opérations. En outre, ceci permet de répondre aux nouvelles exigences des distributeurs,
celles de livrer plus souvent et en plus petite quantité40.
4.7. Collaborative Planning Forecasting and Replenishment (CPFR)
Evoquer et expliquer les concepts précédents tels que l’ECR, la GPA et le ERP fut
selon nous indispensables pour introduire le concept du CPFR et de logistique
collaborative entre distributeur et industriel. Venons-en donc à présent à l’explication du
thème principal de notre travail de mémoire.
Nous trouvons aujourd’hui différentes définitions du modèle du CPFR dans la
littérature. C’est pourquoi, nous nous appuierons sur différents auteurs pour tenter de
donner une définition complète de ce concept.
Nous pouvons par exemple citer les auteurs Dornier et Fender, qui dans leur ouvrage
« La logistique globale et le Supply Chain Management »41 définissent le CPFR comme
« un système de pilotage collaboratif qui permet d’élaborer les prévisions des ventes, les
plannings de production et de distribution pour assurer un recomplètement optimal
(moindre coût, meilleur taux de service) »42.
40http://www.physicalsupplychains.com/La-GMA-Gestion-Mutualisee-des-Approvisionnements-_a170.html. 41 DORNIER P-P, FENDER M: « La logistique globale et le Supply Chain Management », Edition d’Organisation Eyrolles, 2007. 42 ibid. p 488.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
33
D’une manière générale, le Collaborative Planning Forecasting and Replenishment
(CPFR), peut être caractérisé comme une évolution ou un développement dans la démarche
d’une logistique collaborative entre industriels et distributeurs. Il est notamment bâti sur le
concept de l’ERP, puisqu’il poursuit d’une part l’objectif d’une optimisation des flux
d’informations internes à l’entreprise en matière de coût et de rapidité et d’une
amélioration de la communication. D’autre part, le CPFR intègre également des éléments
du supply chain management. En effet, à travers le CPFR se crée notamment le
développement d’une interconnexion entre différentes entreprises aux relations directes ou
indirectes. Celles-ci travaillent ensemble avec l’objectif commun de prévoir plus
précisément les évolutions et les développements futurs, en vue de faire des projections et
de trouver des mesures adaptées43.
Par conséquent, dans ce type de stratégie, les frontières entre les partenaires
commerciaux sont plus ou moins remplacées par une synchronisation des processus de
production. Cette harmonisation des processus internes et externes chez les différents
partenaires ressemble d’ailleurs fortement à ce que nous pouvons trouver dans la
production Juste-à-temps.
Avoir accès à l’information du niveau de stock, de la production et de la
consommation de son partenaire commercial permet bien évidemment d’anticiper assez
rapidement la demande, ce qui en interne permettra d’adapter la production. Par
conséquent, la responsabilité de la gestion des stocks, de l’approvisionnement des matières
premières ou des biens peut donc entièrement être transférée au fournisseur. Ce type
d’organisation est d’ailleurs très ressemblant à ce que nous trouvons dans un modèle de
GPA.
Ainsi donc, nous pouvons constater que dans une organisation CPFR, la relation
Acheteur-Vendeur n’existe plus dans ce genre. Les commandes clients sont davantage
remplacées par des prévisions résultant d’un travail de collaboration entre les deux
partenaires commerciaux.
43 SEIFERT D: « ECR (SCM, CM und CPFR als neue Strategieansätze)“, 2ème Edition Rainer Hampp, 2001, p349.
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34
D´une part, cette première partie nous a permis d’expliquer un certain nombre de
concepts logistiques collaboratifs entre industriels et distributeurs et nous a surtout aidés à
mieux comprendre l’origine et les explications d’un rapprochement entre ses deux
partenaires commerciaux d´autre part. Enfin, elle nous a livré une rapide introduction au
thème principal de notre travail qui est le CPFR. Nous allons donc à présent dans une
deuxième grande partie nous consacrer entièrement à la stratégie de CPFR.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
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PARTIE B : AVANTAGES ET RISQUES ENCOURUS PAR UNE
STRATEGIE DE COLLABORATIVE PLANNING FORECASTING
AND REPLENISHMENT (CPFR)
Une concurrence accrue, des consommateurs finaux de plus en plus infidèles à la
marque et exigeants en matière de qualité constituent de nos jours l’essentiel de
l’environnement économique auquel sont confrontés les grands distributeurs partout dans
la monde.
En conséquence, ils sont de plus en plus nombreux à changer de stratégie
commerciale et tendent à privilégier une approche logistique collaborative avec leurs
fournisseurs. La première partie de ce travail nous a permis de présenter quelques concepts
de logistique collaborative entre ces deux partenaires à l’exemple d’une production Just in
Time, de la Gestion Partagée des Approvisionnements (GPA) et bien sûr du Collaborative
Planning Forecasting and Replenishement (CPFR). Face à des enjeux de réduction des
coûts logistiques, de minimisation des stocks, mais également d’une meilleure disponibilité
des produits en linéaires, le concept de CPFR, basé sur une coopération en matière de
prévisions des ventes, semble en théorie le mieux adapté et le plus approprié de toutes les
différentes formes de collaboration logistique, pour répondre à ces objectifs. Il semble
donc particulièrement intéressant d’axer notre travail sur le CPFR.
Ceci nous amène donc logiquement à nous poser des questions telles que : la
stratégie CPFR permet-elle réellement de mieux intégrer les besoins des consommateurs
finaux, de diminuer les taux de ruptures et est-elle réellement utile ?
Après avoir présenté d’une manière générale le supply chain management et les
différents types de logistiques collaboratives entre industriels et distributeurs d’une
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manière très générale, nous allons maintenant nous attarder sur les déterminants et autres
motivations qui poussent aujourd’hui de nombreuses entreprises à adopter une stratégie de
CPFR. Cette deuxième grande partie sera donc entièrement consacrée dans un premier
temps à présenter les origines du CPFR, avant de développer dans un second temps les
avantages liés à cette pratique, mais également aux limites et risques démontrant la
difficulté à mettre en place ce genre de partenariat entre distributeur et industriel. Pour cela
nous nous appuierons sur des exemples concrets à l’exemple du distributeur américain
Wal-Mart.
1. L’origine du Collaborative Planning Forecasting and Replenishment (CPFR)
1.1. La naissance du CPFR: Une collaboration entre Wal-Mart et Warner-
Lambert
Le premier projet CPFR datant de 1996, a été élaboré entre le distributeur Wal-Mart
et Warner-Lambert aux Etats-Unis avec l’aide des sociétés informatiques SAP,
Manugistics ainsi que le cabinet de conseil Benchmarking Partners. Au départ, le groupe
développa le concept Collaborative Forecasting and Replenishment (CFAR et ancêtre du
CPFR) pour les produits de rinçage de bouche « Listerine » et fabriqué par Warner-
Lambert. Il avait alors pour objectif la réduction de stocks tout au long de la supply chain.
En outre, le CFAR facilitait une comparaison des niveaux de ventes avec les prévisions de
commandes permettant ainsi aux partenaires d’adapter leur niveau de production en cas de
différences de prévisions. Cet échange des prévisions avait notamment le grand avantage
de lutter contre l’instabilité des commandes de la part de Wal-Mart qui, pour doper ses
ventes, organisait régulièrement des promotions sur de nombreux articles. Or, ces
promotions avaient dans le passé causé beaucoup de difficultés à Warner-Lambert qui,
pour honorer les commandes, se voyait dans l’obligation de travailler avec un niveau de
stocks élevé tout au long de l’année. Grâce au CFAR et notamment à un échange régulier
des deux partenaires sur les prévisions de ventes et de demandes, ce problème a
notamment été résolu.
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Le résultat observé fut que Wal-Mart vit le taux de service en entrepôt de la part du
fournisseur passer de 85% à 98%. En outre, son niveau de stock de Wal-Mart diminua
également de 25%44.
1.2. Institutions et organismes pour le développement du CPFR
Comme nous avons pu le voir dans l’exemple précédent, les origines du CPFR sont
américaines. Il est à noter que l’ensemble des implantations CPFR est supporté et supervisé
par plusieurs organisations et institutions, dont la plupart se situent également aux Etats-
Unis. Nous allons ici essentiellement présenter la plus importante : la Voluntary
Interindustry Commerce Standards45.
� Voluntary Interindustry Commerce Standards (VICS)
Comme évoqué ci-dessus, le concept de CPFR fut pour la première fois décrit,
standardisé et publié par le VICS en 1986. Cette organisation possède son propre comité,
composé d’industriels (Gilette, Kellog’s, Mars, Nestlé, Procter & Gamble, Sara Lee,
Unilever notamment) et de distributeurs (Kmart, Sears Roebuck, Walgreen, Wal-Mart,
etc…), de prestataires de services (Accenture, E3 Corporation, IBM, Syncra, Retek etc…)
ainsi que d’entreprises issus du e-commerce (Global-NetXchange, Transora, World Wide
Retail Exchange)46. Pour expliquer la mission et l’objectif de ce comité, nous avons décidé
de le citer directement. En effet selon le VICS, le but de cette organisation est aujourd’hui
encore « create collaborative relationships between buyers and sellers through co-
managed processes and shared information. By integrating demand and supply side
processes Collaborative Planning Forecasting and Replenishment will improve
efficiencies, increase sales, reduce fixed assets and working capital, and reduce inventory
for the entire supply chain while satisfying consumer needs” 47. En analysant cette citation,
44 SEIFERT D: “Collaborative Planning Forecasting, and Replenishment, How to create a supply chain advantage”, Amacom, 2003, p30-31. 45 ibid p31. 46 SEIFERT D: “ECR (SCM, CM und CPFR) als neue Strategieansätze“, 2ème Edition Rainer Hampp, 2001, p350. 47 http://www.vics.org/home.
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nous pouvons constater que la mission du CPFR correspond aux principes-mêmes de
l’ECR.
2. Le modèle VICS
En 1998, VICS développa un modèle type de mise en place de CPFR pour tenter de
standardiser ce dernier dans le but de faciliter et guider les entreprises lors de la mise en
place d’une stratégie de CPFR. Ce modèle est composé de neuf étapes que nous allons
tenter d’expliquer ci-dessous.
Sur la page suivante, la figure 4 représente le schéma d’un processus
d’implémentation d’une stratégie de CPFR, tel qu’il a été développé par le VICS.
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Figure 4: Modèle des processus CPFR
Source: Voluntary Interindustry Commerce Standards (VICS) Association
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Comme nous pouvons le voir ci-dessus, le modèle est divisé en trois phases. La
première phase (étape 1 et 2) correspond à la planification (Planning), tandis que la phase 2
(étape 3 à 8) correspond aux prévisions (Forecasting). Enfin, la troisième phase (étape 9)
engendre le recomplètement ou le ravitaillement (Replenishment).
Nous allons donc à présent tenter d’expliquer les différentes étapes tout au long de ce
processus élaboré par le Voluntary Interindustry Commerce Standards (VICS).
� Etape 1 : Etablir l’accord de coopération :
La première étape du modèle de CPFR a pour rôle de fixer un certain nombre de
règles et de conditions dans le cadre d’un travail collaboratif entre industriels et
distributeurs. Ces accords de coopération permettent non seulement de déterminer les
objectifs de chaque partenaire, mais comprennent également les ressources et l’activité
nécessaires qui contribueront à la réussite de la mise en place de CPFR. En outre,
l’élaboration commune de ce papier servira d´une part à identifier les différents rôles de
chaque partenaire sous forme d’un cahier des charges et d´autre part, à trouver des critères
de mesure de la performance de chacun. Au total, cette première étape est composée de dix
activités différentes48 :
1) CPFR-Mission Statement
La première étape comporte l’élaboration d’un Mission Statement, qui permet
d’avoir une base commune sur les points suivants : coopération, confiance, et mise à
disposition des ressources.
48 SEIFERT D: “ECR (SCM, CM und CPFR) als neue Strategieansätze“, 2ème Edition Rainer Hampp, 2001, p354.
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2) Les objectifs et responsabilités liés au CPFR
Au cours de cette activité, les deux partenaires définissent ensemble les objectifs du
CPFR, ainsi que les différentes tâches grâce à un cahier des charges. En outre, industriel et
distributeur s’accordent également sur des critères de mesure de la performance de chacun.
Enfin, ils définissent ensemble les processus et fixent des critères d’exception en matière
de prévisions de ventes et de commandes fixes.
3) Définition des compétences et des ressources
Les processus CPFR nécessitent de fixer et d’identifier au préalable de manière très
précise les compétences et les ressources de toutes les parties concernées. Quels
départements sont capables et prêt à s’investir durablement dans un processus de CPFR ?
Quelles compétences supplémentaires doivent être créées en plus en interne ou achetées
auprès d’un prestataire ?
4) Définition des points de coopération
Après identification des différents départements-clé dans l’étape précédente, il est
important de savoir lesquelles de ces fonctions devront accompagner le processus et agir
comme maillons collaboratifs et faire le lien entre les deux partenaires. Ces fonctions
seront par la suite les éléments et organes décisifs au sein du processus CPFR.
5) L’importance d’un échange d’informations et de données
Une application CPFR nécessite obligatoirement des informations sur l’industriel et
le distributeur. A ce niveau de l’étape 1, il est important que les deux partenaires
s’accordent sur le besoin réel d’informations et de données et surtout sur quelles
informations elles doivent être échangées (données sur l’identification de prévisions). En
outre, ces derniers s’accordent notamment sur la fréquence d’échange de données, la nature
de l’échange de données, le délai maximum autorisé pour répondre à une demande
d’informations et enfin sur la méthodologie de prévisions commune.
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6) L’obligation de confirmation de la commande et de la livraison
Cette activité règle et élabore l’obligation de confirmation de commande et de
livraison dans le cadre du processus de CPFR. Elle comprend notamment la phase par
laquelle une prévision élaborée en commun devient une commande fixe.
7) L’allocation des ressources
Durant cette activité, les deux partenaires CPFR décident des ressources qui seront
allouées. Par exemple, ils choisissent le nombre de personnes et la durée nécessaire pour
l´utilisation des processus CPFR. Ceci comprend l’allocation de ressources pour
l’élaboration des processus et de leur gestion d´une part et dans quelle mesure des
initiatives peuvent être intégrées dans l’amélioration des procédés d´autre part.
8) Régler d’éventuels conflits entre les partenaires dans le cadre du
CPFR
Cette activité a pour objectif de fixer des règles de conduite pour gérer d’éventuels
conflits futurs entre les deux partenaires dans le cadre du CPFR. Il est en effet plus facile
de gérer des conflits si des mesures pour résoudre ce genre de crises ont été prises et
acceptées par les deux partenaires au préalable.
9) Une évaluation régulière des accords CPFR
Il s’agit ici de fixer des évaluations régulières des accords entre les deux partenaires
quant à la stratégie CPFR. Ceci englobe notamment le choix d’indicateurs pertinents de
performance.
10) La prise de décision finale d’un accord de coopération
Pour conclure cette première étape, les deux partenaires utilisent cet accord de
coopération comme ligne directrice des processus CPFR. Cet accord peut bien évidemment
être modifié et adapté à de nouveaux besoins ou contraintes.
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� Etape 2 : Développer le plan commercial commun
Au cours de cette deuxième étape du modèle CPFR, les deux partenaires
commerciaux développent un business plan ou plan commercial commun, tout en
respectant leur propre stratégie d’entreprise. Celui-ci comprend notamment les cibles et les
stratégies propres à chaque catégorie de produits. On y fixe par exemple les quantités
minimales commandées, ou l’intervalle entre deux commandes. En effet, l’élaboration
d’une stratégie commerciale commune permet d’améliorer qualitativement les prévisions,
puisque les informations nécessaires seront transmises par les deux partenaires49.
� Etape 3 : Elaborer les prévisions des ventes
Les données et les informations transmises par le distributeur, telles que les sorties de
magasins et les actions de promotions futures, constituent la base essentielle pour
déterminer d’une manière précise les prévisions des ventes. Il sera ainsi plus facile
d’estimer le chiffre d’affaires futur, indicateur important dans l’élaboration d’un business
plan commun50.
� Etape 4 : Identifier les prévisions des ventes non valides
L’objectif de cette quatrième étape est d’identifier tous les produits qui constituent
une exception dans le processus de coopération mis en place par les deux partenaires
commerciaux. Il peut en effet s’agir de produits très saisonniers. Ces critères pour les
produits qui constituent une exception sont fixés au cours de la première étape51.
49 SEIFERT D: “ECR (SCM, CM und CPFR) als neue Strategieansätze“, 2ème Edition Rainer Hampp, 2001, p357. 50 ibid. p357. 51 ibid.
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� Etape 5: Résoudre les exceptions
Cette cinquième étape du processus CPFR comprend un traitement en commun des
produits qui constituent une exception dans leur gestion grâce à une « communication Real
Time » entre les partenaires. Chaque modification est ainsi immédiatement transmise pour
élaborer une nouvelle prévision des ventes. Ce fonctionnement accélère la communication
et la prise de décision entre l’industriel et le distributeur et améliore ainsi la fiabilité de la
commande par la suite52.
� Etape 6 : Générer les programmes d’approvisionnement
Au cours de cette étape, les données spécifiques aux ventes sont reliées aux stratégies
de stocks propres à chaque partenaire pour créer et simuler ainsi une prévision de
commande. Cette dernière permet non seulement de connaître les quantités optimales par
commande en tenant compte des objectifs de stockage, mais également la destination finale
correspondant à chaque produit. Elle représente par conséquent un élément indispensable
lors du passage d’une commande fixe53.
� Etape 7 : Identifier les ordres planifiés non valides
Comme son nom l’indique, l’objectif de cette septième étape est d’identifier et de
lister chaque produit qui représente une exception pour les processus collaboratifs mis en
place par les deux partenaires concernant les prévisions de commandes54.
� Etape 8 : Résoudre les exceptions
La huitième étape est comparable à la cinquième et comprend un traitement en
commun des articles listés lors de l’étape précédente, en vue de trouver la solution
52 ibid. 53 ibid. p358. 54 ibid.
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optimale. Ceci s’effectue notamment grâce à une « communication Real Time » entre les
partenaires55.
� Etape 9 : Créer les commandes
Au cours de cette dernière étape du processus CPFR, la prévision de commandes est
transformée en une commande fixe. Cette dernière peut être générée soit par l’industriel
soit par le distributeur. Cette décision doit être prise en fonction de l’expérience et de la
compétence de chacun en matière de gestion des procédés, de l’équipement en matière de
système d’information et de la disponibilité des ressources56.
3. Les avantages liés au CPFR
Après avoir évoqué les neuf étapes de mise en place du CPFR élaborées par le VICS,
intéressons-nous à présent aux avantages liés à ce type de stratégie.
3.1. Avantages anticipés du CPFR selon les industriels
Pour débuter cette section, abordons premièrement les principaux avantages du
CPFR du point de vue des industriels. Nous nous appuierons pour cela sur une étude
réalisée par le cabinet de conseil KJR Consulting en 2002 pour le compte de l’association
Grocery Manufacturers of America57. Cette dernière représente aujourd’hui plus de 200
industriels issus du secteur de l’agro-alimentaire aux Etats-Unis, qui pour le compte de
cette étude furent tous questionnés.
La figure 5 représente les principaux avantages d’une stratégie CPFR.
55 SEIFERT D: “ECR (SCM, CM und CPFR) als neue Strategieansätze“, 2ème Edition Rainer Hampp, 2001, p358. 56 ibid. 57 KJR Consulting for GMA: “CPFR Baseline Study, Manufacturer Profile”, 2002.
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Figure 5: Avantages anticipés du CPFR
Source: KJR Consulting for GMA: CPFR Baseline Study, Manufacturer Profile, 2002
Ainsi, en analysant le tableau 5, on constate que le souci majeur des dirigeants du
secteur agro-alimentaire interrogés, dont 84% d’entre eux ont mis en place une stratégie
de CPFR, reste l´amélioration de la précision et de la qualité des prévisions de ventes. Une
diminution des ruptures de stock en linéaire (79%), suivie d’une hausse des ventes et donc
du chiffre d’affaires (79%) en sont des avantages incontestés. En outre, les dirigeants
questionnés ont également cité une amélioration du taux de service (74%) et des relations
avec le partenaire commercial (70%), une diminution des stocks (65%) et une
communication en interne plus performante (58%). Enfin, 49% d’entre eux estiment que le
CPFR permet également un meilleur déploiement des ressources organisationnelles ainsi
qu’une meilleure utilisation des actifs.
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3.2. Les avantages qualitatifs
Intéressons-nous tout d’abord aux avantages qualitatifs. Nous nous appuierons pour
cela sur ceux avancés par l’auteur Seifert.
� Une meilleure capacité de réaction face à une évolution de la demande du
client
La réduction systématique des ruptures de stocks et des rotations de stocks
optimisées permettent une chaîne logistique dans son ensemble plus flexible et plus fiable,
ce qui entraîne un meilleur taux de service en linéaire et donc la satisfaction du
consommateur final58.
� Des prévisions de ventes plus précises
Comme évoqué précédemment, l’approche collaborative entre industriel et
distributeur permet au final de développer une prévision de ventes en commun et cette
dernière est par conséquent beaucoup plus fiable. Ceci s’explique notamment par le fait
que les différents partenaires commerciaux (fournisseur du fournisseur, fournisseur,
distributeur…) indépendamment de leurs positions au sein de la supply chain peuvent
transmettre leur savoir dans le calcul des prévisions de ventes, comme leurs points de vue
du marché, des informations sur les consommateurs, des connaissances provenant de
recherches…L’échange et la fusion de plusieurs connaissances constituent ainsi la base
pour une plus grande fiabilité des prévisions des ventes59.
� Des canaux de communication directe et durable
La mise en place d’une communication directe et durable entre les deux partenaires
commerciaux facilite et augmente l’échange d’informations tout au long de la chaîne de
valeur. En plus d’un échange continu de données, des éléments perturbateurs entraînant
58 SEIFERT D: “ECR (SCM, CM und CPFR) als neue Strategieansätze“, 2ème Edition Rainer Hampp, 2001, p359. 59 ibid.
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une influence sur le niveau de ventes (météo, actions des concurrents…) peuvent
rapidement être pris en compte60.
� Des actions de promotions mieux coordonnées
Selon M. Antoine Ménard, Repacking HPC Manager chez Unilever France, une
communication directe et durable permet également une meilleure coordination en matière
d’actions de promotions. En effet, ces dernières causent très souvent des ruptures de stocks
si elles ne résultent pas d’un échange avec le fournisseur. Au cas où l´un des deux
partenaires souhaiterait mettre en place une action de promotion sur des produits, le CPFR,
permet aux distributeurs et aux fournisseurs de s’informer mutuellement et de coordonner
l’ensemble du niveau de production.
3.3. Les avantages quantitatifs
� Augmentation du chiffre d’affaires
Une coopération en matière de planification, de prévisions et d’approvisionnement
de biens permet de diminuer radicalement les ruptures de stocks en entrepôt et en linéaires.
Logiquement, la mise en place du CPFR permet de récupérer le niveau du chiffre d’affaires
perdu auparavant. Par conséquent, l’ensemble des maillons de la supply chain bénéficie de
cette hausse du niveau des ventes61.
� Diminution des niveaux de stocks
Un des objectifs et les avantages principaux de toute formes de logistiques
collaboratives et du CPFR restent l’évitement et la lutte contre l’effet « Coup de Fouet ».
Afin de mieux comprendre l’importance du CPFR dans ce domaine, il semble
indispensable d’expliquer dans un premier temps l’effet « Coup de Fouet ».
60 SEIFERT D: “ECR (SCM, CM und CPFR) als neue Strategieansätze“, 2ème Edition Rainer Hampp, 2001, p359. 61 ibid. p360.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
49
L’effet « Coup de Fouet » ou « Bullwhip Effect » en anglais (voir Fig. 6) peut être
défini comme un phénomène typique des chaînes logistiques de commande. Il consiste en
une amplification extraordinaire des variations de la demande au fur et à mesure que l’on
s’éloigne du client final, le consommateur.
Cet effet est la résultante de plusieurs facteurs 62:
- Le degré d’imprécision de l’information échangée entre deux partenaires
commerciaux ;
- L’absence de transparence au sein de la chaîne logistique ;
- La déconnection prononcée entre la consommation (demande réelle du client) et la
production (activité effective de l’usine).
Figure 6: L’effet « Coup de Fouet » ou « Bullwhip Effect »
Source: REINDL M: „E-Logistics: Logistiksysteme und –prozesse im Internetzeitalter“,
Edition Addisson-Wesley, 2002, p186
62 BALIE C: « Comment traiter l’effet coup de fouet (Bullwhip Effect) dans une chaîne logistique ?, http://www.al-consulting.com/fr/LXP/lxp3/lxp3cb.htm.
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Comme nous pouvons le constater sur la figure 6 représentant le « Bullwhip
Effect », le degré d’imprécision de l’information échangée entre deux partenaires
commerciaux augmente au fur et à mesure que l’on s’éloigne du consommateur final. Ceci
entraîne logiquement des hausses de niveau de stock à chaque étape de la chaîne
logistique, sous forme de stocks de sécurité notamment, dans le but de faire face à des
hausses de variations de la demande. Ce constat est d’autant plus alarmant que le fait de
stocker des pièces coûte très cher à une entreprise.
Or selon l’auteur Wannenwetsch63, une communication plus étroite et des échanges
d’informations sur l’ensemble de la supply chain, permettrait de lutter contre cet effet
négatif. C’est pourquoi, au sein de stratégies de logistiques collaboratives, dont fait partie
le CPFR, les partenaires commerciaux accordent autant d’importance à planifier ensemble
les besoins et à synchroniser au maximum leurs processus de travail.
� Diminution des coûts
Un réajustement des plans de production des fournisseurs des fournisseurs et des
industriels selon des prévisions de ventes optimisées permet bien évidemment de faire des
économies de coûts. En effet, plus les plans de production peuvent être planifiés à
l’avance, moins l’entreprise aura besoin de faire appel à des intérimaires, à des heures
supplémentaires nécessaires pour faire face à une hausse de la demande soudaine et
imprévue. De surcroît, la diminution des stocks permet logiquement de réduire les coûts de
stockage (loyer de l’entrepôt, manutention, emballage, gestion assurance, risque
d’obsolescence…)64.
3.4. Un cas de CPFR entre Henkel, Condis et Cartisa
Depuis début 2001, l’industriel mondial Henkel, le distributeur espagnol Condis (330
supermarchés en Espagne du Nord) et le fournisseur d’emballages Cartisa (International
63 WANNENWETSCH H: „E-Supply-Chain-Management : Grundlagen-Strategien-Praxisanwendungen", Edition Gabler, 2002. 64 SEIFERT D: “ECR (SCM, CM und CPFR) als neue Strategieansätze“, 2ème Edition Rainer Hampp, 2001, p360.
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51
Paper) travaillent ensemble en CPFR. Ce cas est d’autant plus intéressant qu’il est atypique
par rapport aux autres coopérations CPFR.
En effet, contrairement aux cas généraux de CPFR où seuls les processus entre
l’industriel et le distributeur sont coordonnés, adaptés et optimisés, le CPFR mis en place
par Henkel, Condis et Cartisa, intègre également dans sa réflexion stratégique la chaîne de
valeur du fournisseur d’emballages Cartisa. En d’autres termes, nous y observons une
optimisation CPFR qui s’étend à toute la supply chain.
Selon les analyses de Henkel, les filiales du distributeur Condis connaissaient avant
la mise en place du CPFR des ruptures en linéaires situées entre 10 et 18%, alors que le
taux de service en entrepôt du distributeur se chiffrait entre 98,5 et 99,5%. Ces données
sous-entendaient logiquement une possibilité d’amélioration au niveau de la gestion des
stocks. Selon Henkel, le problème majeur se situait au niveau des actions de promotions.
Les résultats obtenus par la mise en place d’une stratégie CPFR n’ont pas tardé à se
faire sentir. En effet, cinq mois seulement après le lancement de l’opération, la précision
et la fiabilité des prévisions des ventes avaient augmenté de 15%, permettant ainsi aux
différents partenaires commerciaux d’améliorer la situation face au problème des ruptures
en linéaires65.
3.5. Comparaison entre des relations commerciales traditionnelles et
collaboratives
En conclusion et afin de revenir sur les avantages d’une stratégie de CPFR et les
différences entre des relations commerciales traditionnelles et des relations collaboratives
entre deux partenaires, nous avons souhaité reprendre les principaux éléments et les
représenter sous forme d’un graphique.
Les avantages du CPFR sont conséquents. Ainsi comme nous pouvons le constater
dans la figure 7, il existe tout d´abord une grande différence au niveau des
approvisionnements. En effet, dans les relations traditionnelles entre fournisseurs, la
65 ibid. p367.
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52
réflexion se faisait uniquement d’étape en étape. Le fournisseur recevait une commande,
veillait à livrer son client à temps et se voyait rémunérer pour cette tâche. Dans une
approche collaborative au contraire, la vision du fournisseur ne se limite plus à l’étape
supérieure de type n+1. Elle va en effet bien au-delà, puisque la communication entre les
différents partenaires s’étend à l’ensemble de la supply chain et de la chaîne de valeur. Les
fournisseurs et les fournisseurs des fournisseurs sont prévenus à temps des informations
essentielles concernant d’éventuelles hausses ou baisses de quantités à livrer dues à des
modifications de la demande66.
La figure 7 compare les relations commerciales traditionnelles avec les relations
commerciales collaboratives et permet ainsi de mieux comprendre les avantages d’une
collaboration de type CPFR.
Figure 7: Comparaison entre des relations commerciales traditionnelles et
collaboratives
Source: BAHNS O, BECK S, KÖHLER M: „E-Synchronisation in Wertschöpfungsketten der
Automobilindustrie“, Information Management & Consulting 16, 2001
66 BAHNS O, BECK S, KÖHLER M: „E-Synchronisation in Wertschöpfungsketten der Automobilindustrie“, Information Management & Consulting 16, 2001, p55.
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4. Difficultés et inconvénients liés à une stratégie de CPFR
Si le recours au CPFR est une composante de la stratégie des entreprises qui ouvre de
nouvelles opportunités, il est essentiel de savoir que cette pratique n’est pas évidente à
mettre en place et qu’elle engendre également de nombreuses problématiques. Cette partie
sera donc consacrée aux principaux freins et aux craintes d’une implémentation d’un projet
de CPFR.
4.1. Les barrières à l’expansion du CPFR selon les industriels
Pour débuter cette analyse, nous pouvons premièrement nous appuyer sur une étude
menée par le cabinet de conseil KJR Consulting en 2002, où de nombreux entrepreneurs
industriels furent interrogés sur les principaux freins à une expansion du CPFR, à l’image
de la figure 8.
Figure 8: Les plus grandes barrières au CPFR
Source: KJR Consulting for GMA: CPFR Baseline Study, Manufacturer Profile, 2002
Ainsi, en analysant la figure 8, nous pouvons constater que le coût d’une
implémentation CPFR est le frein le plus souvent cité par les industriels interrogés (93%).
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54
En outre, le manque de ressources humaines et le manque d’entraînement et d’expérience
semblent également être des barrières importantes à l’expansion du CPFR avec
respectivement 35% et 23% des résultats. Enfin le manque d’indicateurs pour mesurer
l’évolution d’un projet CPFR (20%) et la difficulté à trouver des partenaires commerciaux
intéressés par du CPFR (18%) figurent également parmi les principaux freins. Le manque
de confiance ne figure étonnamment pas parmi les principales barrières citées par les
industriels interrogés.
4.2. Les inconvénients du CPFR
Il est évident que le CPFR offre des possibilités pour améliorer une situation donnée.
Toutefois, il est difficile de concevoir qu’un distributeur décide du jour au lendemain de
modifier sa stratégie pour travailler main dans la main avec son fournisseur et ses autres
partenaires commerciaux pour bénéficier d´avantages offerts par le CPFR. En effet, le
CPFR est difficile à implémenter et il existe de grandes différences entre la théorie et la
pratique.
Beaucoup d’entreprises rencontrent les premières difficultés avant même le
lancement du projet67. Les dirigeants souhaitant implémenter le CPFR risquent de se
heurter dans un premier temps à une incompréhension, à un mécontentement, voire même
à un refus catégorique de la part des salariés, qui face à une politique de changement,
craignent une vague de licenciements. De surcroît, il est souvent difficile de motiver le
personnel à apprendre de nouvelles choses et à modifier la méthodologie de travail.
Un autre problème auquel une entreprise peut être confrontée est le coût résultant de
l’implémentation du CPFR, dont notamment la formation des employés, l’infrastructure
technique… Ce genre de coût sera toutefois rapidement compensé et rentabilisé par les
avantages qu’offre le CPFR.
Etant donné qu´en amont de la phase d´implémentation figure la recherche du
partenaire avec qui la phase de tests doit être effectuée, des problèmes externes entre
fournisseurs et partenaires sociaux peuvent apparaître.
67 STROMMEL H, ZADAK H: „Risikofaktor Mensch“, Technologie & Management, 2002, p18-22.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
55
Une des conséquences directes d’une implémentation de CPFR est que les
entreprises s’échangent des données et reçoivent ainsi des informations sur leurs
partenaires commerciaux. Ceci augmente donc l’importance de la sécurité et engendre un
rapprochement logique entre les partenaires. L’inconvénient est toutefois que l’entreprise
doit elle-même transmettre des informations à son partenaire et lui donner ainsi accès à des
données qui étaient jusqu’à présent considérées comme « confidentielles ». La relation
étroite avec le fournisseur diminue certes le risque de perte confidentialité, mais elle cause
surtout un manque de flexibilité et complique le changement de fournisseur.
Selon l’auteur Wannenwetsch68, le frein majeur à une expansion du CPFR reste
cependant son coût. En effet, pour coordonner et synchroniser son processus, les
partenaires commerciaux doivent investir dans des moyens techniques et technologiques, à
l’exemple de systèmes d’information performants. En outre, au départ le niveau
d’investissement et les résultats obtenus de chaque partenaire commercial impliqué dans
une collaboration de type CPFR sont différents. Ceci peut être source de jalousie et de
conflits et il convient de bien anticiper ce type de problème.
4.3. Le cas de Delhaize et Vandemoortele
Afin de mieux comprendre la difficulté d’une implémentation d’une stratégie de
CPFR et vu que son succès n’en est aucunement garanti, nous avons souhaité appuyer cette
affirmation par un exemple concret.
La société Delhaize, un distributeur international implanté en Europe, aux USA et en
Asie ainsi que le producteur de beurre belge ont lancé deux projets de CPFR en décembre
2000 et en janvier 2002.
Le nombre de références concernées par le CPFR n’a pas été communiqué mais il
semblerait que l´ont ait ciblé les promotions et les produits saisonniers. En ce qui concerne
les prévisions de ventes, celles-ci sont transmises dans les 3 jours. En outre, les neuf
étapes VICS d’implémentation du CPFR ont été parcourues.
68 WANNENWETSCH, H : „E-Supply-Chain-Management : Grundlagen-Strategien-Praxisanwendungen", Edition Gabler, 2002.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
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� Résultats obtenus :
Malgré une nette amélioration de la fiabilité des prévisions de ventes et une utilité
indéniable du CPFR en matière de gestion des produits ayant connus des actions de
« promotions », le projet n’apporta aucune plus-value pour les références dites
« régulières ». En outre, même si le taux de service en entrepôt resta maintenu à 99%, les
deux partenaires durent constatés que le taux de ruptures en linéaires n’avait pas baissé.
Parmi les principaux enseignements retirés figurait notamment que le CPFR doit aller au-
delà d’une simple collaboration en matière de prévisions de ventes et également être
intégré au niveau de la gestion des opérations et des planifications.
5. Conclusion
Cette deuxième partie avait pour objectif la présentation du concept de CPFR. Nous
y avons notamment expliqué le modèle développé par l’institution américaine VICS, dans
lequel on identifie neuf étapes pour réussir l’implémentation d’une stratégie de CPFR.
Dans ce type d’organisation, la communication entre les différents partenaires
commerciaux est essentielle et s’étend à l’ensemble de la supply chain et de la chaîne de
valeur. Le CPFR, basé sur une étroite collaboration entre un distributeur et son fournisseur
au niveau des prévisions des ventes, permettrait de répondre favorablement aux enjeux
économiques actuels tels qu’une réduction des coûts et d’une diminution des taux de
ruptures. En effet, nous avons pu constater que cette stratégie avait de nombreux
avantages, à l’image d’une amélioration de la fiabilité des prévisions des ventes, d’une
hausse du chiffre d’affaires ou d’une réduction des stocks… Toutefois, à l’image des
sociétés Delhaize et Vandemoortele, le succès de ce concept n’est aucunement garanti et il
existe de nombreux freins. Le coût d’implémentation, la difficulté à trouver des partenaires
commerciaux ou le manque de ressources humaines en interne figurent parmi les
principaux inconvénients du CPFR.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
57
PARTIE C : LES CONDITIONS DE REUSSITE D’UN PROJET DE
COLLABORATIVE PLANNING FORECASTING AND
REPLENISHMENT (CPFR)
Une opération de CPFR ne s’improvise pas : une fois la décision prise d’implémenter
le CPFR en vue d’objectifs précisément définis, il convient de passer par un certain
nombre d’étapes.
La partie précédente nous a permis de nous familiariser avec les avantages, mais
aussi les nombreux risques qui accompagnent un projet de CPFR. Ceci nous amène
toutefois à la question suivante : ces dangers abordés précédemment sont-ils évitables ? La
troisième partie de ce travail sera donc entièrement consacrée aux véritables conditions de
réussite d’un projet de CPFR et comportera des indications sur les pièges à éviter. Nous y
aborderons notamment l’importance de la confiance et le rôle des nouvelles technologies,
en nous appuyant sur une étude de cas. Pour compléter cette troisième partie, nous nous
sommes bien évidemment appuyés sur les entretiens que nous avons pu mener auprès de
différents responsables.
1. Les pièges à éviter
Le succès d’une implémentation d’une stratégie de CPFR repose avant tout sur une
bonne gestion de multiples risques et inconvénients de ce genre de pratique. En effet, il
existe certaines méthodes qui permettent de minimiser les dangers que nous avons évoqués
lors de la partie B, comme notamment le risque d’aliénation des salariés ou le manque de
volonté de coopérer.
A ce sujet, l’auteur Dirk Seifert dans son ouvrage « Collaborative Planning
Forecasting, and Replenishment, How to create a Supply Chain Advantage » aborde entre
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
58
autre les pièges à éviter mais également les préjugés que certaines entreprises possèdent
vis-à-vis d’une mise en place du CPFR au sein de l’industrie des biens de consommation.
� Piège 1 : Le CPFR est trop pénible à appliquer au jour le jour
Selon l’auteur Seifert, le premier piège dans lequel tombe de nombreux
entrepreneurs est qu’ils perçoivent l’implémentation du CPFR comme étant trop pénible.
En effet ces derniers considéreraient que les bénéfices escomptés de cette stratégie ne
compensent pas les efforts nécessaires pour parvenir à un résultat et seraient par
conséquent nombreux à ne pas tenter l’expérience. En réalité, la majorité des pratiques
CPFR sont mises en place avec des ressources à mi-temps, sans que les partenaires
commerciaux aient la même motivation pour travailler d’une manière collaborative au jour
le jour, ce qui logiquement empêche le bon déroulement et fausse les bénéfices escomptés
du CPFR. Ainsi donc, l’auteur Seifert encourage les entrepreneurs à ne pas se décourager à
la première difficulté, garantissant que l’ensemble des efforts nécessaires seront
récompensés69.
� Piège 2 : CPFR nécessite obligatoirement les 9 étapes du VICS
Pour réussir une implémentation de CPFR, nombreux sont les entrepreneurs qui
pensent qu´il faille obligatoirement passer par les neuf étapes du VICS. Selon l’auteur
Seifert, cette idée est erronée. Il est en effet très rare de voir une entreprise réussir à
implémenter l’ensemble des neuf étapes.
Pour rappel, les neuf étapes présentées par le VICS sont les suivantes (voir partie B):
Etape 1 : Etablir l’accord de coopération
Etape 2 : Développer le plan commercial commun
Etape 3 : Elaborer les prévisions des ventes
Etape 4 : Identifier les prévisions des ventes non valides
69 SEIFERT D: “ECR (SCM, CM und CPFR) als neue Strategieansätze“, 2ème Edition Rainer Hampp,
2001, p318.
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Etape 5 : Résoudre les exceptions
Etape 6 : Générer les programmes d’approvisionnement
Etape 7 : Identifier les ordres planifiés non valides
Etape 8 : Résoudre les exceptions
Etape 9 : Créer les commandes
Selon l’auteur, il est important que les étapes 1 et 2 soient respectées. Néanmoins,
dans la pratique, les étapes 3, 4, 5, 6, 7 et 8 sont rarement exécutées en commun. En ce qui
concerne l’étape 9, elle doit obligatoirement avoir lieu, sans quoi il n’existerait pas de
commerce.
Contrairement à ce que de nombreux entrepreneurs pensent, il n’est donc pas
nécessaire de réussir à implémenter les neuf étapes du VICS pour que le CPFR soit
concluant. Elles ne doivent pas être le but ultime de toute implémentation CPFR. Au
contraire, l’objectif final est de réussir à collaborer sur des thèmes importants entre
partenaires commerciaux et à échanger des données essentielles. Le modèle VICS peut en
effet servir de guide et de ligne directrice mais selon l’auteur il n´est pas nécessaire de
l’appliquer à la lettre70.
� Piège 3 : J’échange des données avec mon partenaire commercial, donc je
collabore
Même si l’échange de données est un pas important vers le CPFR il n’en demeure
pas moins qu’il est insuffisant pour être considéré comme une collaboration. Deux
partenaires commerciaux s’échangeant simplement des données n’est rien de plus qu’une
version un peu plus complexe de l’EDI (échange de données informatisées). Collaborer
permet comme nous l’avons souligné dans la partie B, notamment de réduire les niveaux
de stocks et d’agir d’une manière proactive ensemble en cas de problèmes et d’assurer des
meilleurs taux de services71. Bien que difficile à mettre en place, la collaboration entre
industriel et distributeur demeure indispensable en matière de CPFR.
70 ibid. p321. 71 ibid. p321.
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2. Les facteurs-clé de succès d’un projet de CPFR
Les parties suivantes vont avoir pour objectifs de présenter les véritables facteurs- clé
de succès d’un projet d’implémentation de CPFR. Pour les présenter d’une manière plutôt
générale, nous pouvons donc nous appuyer sur une étude effectuée par le cabinet de
conseil Accenture. Parmi les 38 entreprises interrogées figurent notamment des industriels,
des distributeurs et des cabinets de conseil72.
Figure 9: Les facteurs-clé de succès du CPFR
Source: Accenture for ECR: “A guide to CPFR Implementation”, April 2001
72 Accenture for ECR: “A guide to CPFR Implementation”, April 2001, p82.
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En analysant le graphique ci-dessus (figure 9), nous pouvons constater que la volonté
de collaborer de la part de l’ensemble des partenaires est conditio sine qua non pour réussir
une implémentation de CPFR, mais elle seule n’est cependant pas suffisante. En effet,
parmi les autres facteurs-clé de succès cités par les entrepreneurs interrogés figurent
également la constitution d’équipe opérationnelle multifonctionnelle, la fixation d’objectifs
communs, des indicateurs de performance mesurables, la communication et des systèmes
d’informations performants.
3. Une implication et un soutien total des dirigeants d’entreprise
Comme nous avons pu le constater dans la figure 9, le soutien des dirigeants
d’entreprise (Senior Management support) est un des principaux facteurs clés de succès de
toute stratégie CPFR. Ces derniers doivent en effet dans un premier temps faire connaître
le projet en interne mais surtout transmettre la volonté de collaborer avec le partenaire
commercial. Les dirigeants doivent de plus s’assurer que les ressources nécessaires soient
disponibles et que le projet soit traité avec sérieux et implication. La principale difficulté
repose bien évidemment dans le fait de réussir à faire évoluer les mentalités des salariés et
de les convaincre de l’importance de l’échange d’informations. Cette étape est toutefois
indispensable car comme nous l’a souligné Mme Rausch, enseignante en Systèmes
d’Information à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne, lors de notre entretien, des salariés
motivés et éclairés sont une des conditions de réussite du CPFR.
4. L’importance du choix des partenaires commerciaux
Ainsi, nous avons pu constater dans la partie précédente que la volonté de collaborer
était l’élément le plus important en matière de CPFR. Dans cette optique, la recherche et le
choix du bon partenaire commercial nous apparaissent comme étant essentiels et la réussite
ou la non-réussite d’un projet de CPFR en dépendrait directement.
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62
La décision de collaborer avec d’autres entreprises doit donc faire l’objet d’une
bonne réflexion. Une relation à long terme et un engagement de chaque partenaire à avoir
un comportement irréprochable en sont les garants.
4.1. La segmentation des partenaires commerciaux
Il existe bien évidemment plusieurs techniques pour rechercher le meilleur partenaire
commercial possible en vue d´une collaboration au sein d’une stratégie de CPFR. Parmi
celles-ci figure notamment la méthode de segmentation des partenaires commerciaux (voir
e.g Fig. 10). Comme nous pouvons le constater sur la figure 10, cette technique permet
d’évaluer les candidats éventuels selon deux perspectives :
- Les bénéfices potentiels escomptés par une collaboration
- La volonté et la capacité à collaborer.
Les détails et des exemples de questionnaires utiles à l’élaboration d’une
segmentation des partenaires commerciaux se situent en annexe de ce travail (Annexe 5).
Sur la page suivante, la figure 10 représente un exemple de segmentation de
partenaires commerciaux, dans l’optique de trouver l’entreprise idéale pour travailler en
mode CPFR.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
63
Figure 10: Segmentation des partenaires commerciaux
Source: Accenture for ECR: “A guide to CPFR Implementation”, April 2001
4.2. L’analyse de compatibilité
Comme évoquée précédemment, la recherche des partenaires commerciaux pour une
stratégie de CPFR est un travail particulièrement difficile et délicat. Il convient notamment
d’analyser si oui ou non il existe une compatibilité sur plusieurs sujets.
L’analyse de compatibilité repose sur les structures, les stratégies et les cultures des
éventuels partenaires commerciaux. En effet, la compatibilité entre les différentes
entreprises, indispensable pour la confiance entre les partenaires, est stimulée par des
stratégies et des objectifs communs et compatibles. Elle représente donc la base de toute
coopération et permettra de réduire les sources de conflits73.
Pour travailler d’une manière collaborative, il est également indispensable que les
objectifs soient compatibles et communs. Si ceci n’est pas le cas, une collaboration de type
73 SCHMICKLER M, RUDOLPH T: „Erfolgreiche ECR-Kooperationen: Vertikales Marketing zwischen
Industrie und Handel“, Edition Luchterhand, 2002, p116-117.
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CPFR est difficilement envisageable ou doit du moins faire l’objet d’un remaniement à ce
niveau.
4.3. L’analyse de complémentarité
L’analyse de complémentarité repose quant à elle sur l’analyse des forces et des
faiblesses de sa propre société. En effet, les domaines identifiés présentant des manques en
matière de ressources et de potentiels constituent en même temps la base pour la
coopération avec le partenaire commercial. Ces carences serviront ainsi de critères de
recherches pour trouver l’entreprise idéale. L’objectif en matière de CPFR étant de trouver
une entreprise B qui possède des qualités et du potentiel qui couvrent les manques de
l’entreprise A et vice versa. Ainsi, une entreprise souhaitant implémenter le CPFR, devra
veiller à ce que ses caractéristiques et ses visions soient complémentaires avec celles de
son partenaire commercial.
Les deux analyses que nous avons développées ci-dessus ont donc pour objectif de
faciliter la recherche du partenaire commercial idéal pour travailler d’une manière
collaborative du type CPFR. Elles sont censées permettre d’identifier et de traiter en amont
d’éventuelles sources de conflits74.
5. L’importance de la confiance
En comprenant l’importance et en choisissant de travailler d’une manière
collaborative avec des partenaires commerciaux, les entreprises montrent leur volonté de
privilégier des coopérations sur le long terme. Comme nous l’a signalé M. Constant,
directeur général de la société Piwan, lors de notre entretien, un travail collaboratif tel que
le CPFR permet de créer une situation de type gagnant-gagnant. On va en effet utiliser des
ressources communes, synchroniser et adapter les processus de production et de travail, ce
qui sera bénéfiques pour toutes les entreprises concernées par ce type de stratégie.
74 LINNE H: „Wahl geeigneter Kooperationspartner: ein Beitrag zur strategischen Planung von F&E Kooperation“, Edition Peter Lang GmbH, 1993, p185-192.
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Toutefois, il subsiste des risques et des dangers. Il n’est pas rare de constater que des
entreprises ne se trouvent pas dans une relation de confiance avec leurs fournisseurs ou
leurs clients, bien qu´elles soient depuis longtemps des partenaires commerciaux. Les
entreprises concernées agissent selon le mode : « Je gagne, tu perds »75. Dans ces cas il
n’existe aucune forme de coopération. Selon M. Constant, ce type de mentalité est très
courant en France dans le secteur de l’agro-alimentaire, où il n’existe aucune base
équitable entre distributeurs et industriels.
Les entreprises ayant toutefois conscience que ce type de mentalité n’est pas
forcément la meilleure solution pour atteindre ses objectifs et que seule une coopération
entre des entreprises apporte des gains à chaque partenaire commercial, sont prêtes et
suffisamment mûres pour un échange basé sur la confiance76.
Bien évidemment, il existe plusieurs moyens pour établir une relation de confiance
entre deux partenaires commerciaux, dans une optique de CPFR. Lors de notre entretien,
Mme Sadek Acquaviva évoqua qu’une relation de confiance entre un distributeur et son
fournisseur s’établissait très souvent sur du moyen, voire du long terme. Selon elle, il serait
par exemple fortement conseillé de passer par de l’EDI ou de la GPA avant d’opérer en
mode CPFR.
6. Le rôle des contrats
Face au risque en matière de recherche d’une entreprise adéquate, il serait logique de
s’imaginer que les contrats remplacent la confiance pour s’assurer de la bonne réalisation
des différentes fonctions et tâches du partenaire commercial.
En effet, dans le cadre d’un contrat, les différentes parties sont normalement tenues
de respecter leurs engagements. Néanmoins, nombreux sont ceux qui pensent que les
contrats sont un premier signe de méfiance. De surcroît, selon eux les contrats ne
garantissent aucunement la réussite d’un travail collaboratif. A ce titre, nous pouvons citer
75 KUHN A, HELLINGRATH B: „Supply Chain Management: Optimierte Zusammenarbeit in der Wertschöpfungskette“, Edition Springer, 2002, p25. 76 ibid. p22-27.
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l’entrepreneur américain Getty qui disait : « Si vous faites confiance à quelqu’un, vous
n’avez pas besoin de contrat. Si vous ne lui faites pas confiance, alors aucun contrat du
monde ne vous aidera »77.
Toutefois, la littérature est unanime pour souligner qu’il est fortement déconseillé de
renoncer à toute forme de contrats. Ainsi, à la place de contrats longs et
incompréhensibles, certains auteurs recommandent plutôt des déclarations d’intention qui
seraient rédigées et proposées par les entreprises souhaitant collaborer78.
7. L’importance des nouvelles technologies
Si l’on évoque les conditions de réussite d’un projet de CPFR, il est indispensable
d’évoquer également les systèmes d’information avec notamment les nouvelles
technologies de communication.
Comme nous allons le voir, les entreprises souhaitant implémenter le CPFR
disposent de plusieurs solutions en matière de systèmes d’information. Afin de bien
comprendre les spécificités de chacune, il nous semble avant tout important de présenter
ces différentes possibilités.
7.1. Les différents modèles et scénarios
Les différents scénarios CPFR en matière de systèmes d’information sont les
suivants79 :
� Extranet : Dans ce type d’organisation, une entreprise propose sa solution
CPFR à ses partenaires commerciaux. La communication s’y fait sous forme
d’extranet qui intègre un accès client pour les autres partenaires
commerciaux.
77 ibid. p25. 78 ibid. p25-27. 79 Accenture for ECR: “A guide to CPFR Implementation”, April 2001, p64.
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67
� Application Service Provider : Dans ce cas de figure, une entreprise va faire
appel à une partie tierce pour gérer sa solution CPFR, permettant toutefois un
accès aux partenaires commerciaux.
� eExchange : Il s’agit dans ce cas d’un marché électronique en ligne du type
extranet géant, donnant la possibilité à toutes les entreprises d’un même
secteur souhaitant entrer en contact les unes avec les autres, de façon simple
et peu coûteuse80. Selon Mme Rausch, l’eExchange serait «contrairement au
one-to-one des EDI, une architecture N-to-N qui permet des interactions
multiples, simultanées et en temps réel entre fabricants, fournisseurs,
producteurs, distributeurs et clients ».
Les quatre principales places de marchés de type eExchange pour la
distribution sont : GNX, WWRE, CPG Market et Transora.
� Company-to-Company : Il est également envisageable que chaque partenaire
utilise sa propre solution CPFR pour échanger des informations.
� Company-to-eExchange: Une entreprise peut également utiliser sa propre
solution CPFR en interne et échanger des informations avec une ou plusieurs
solutions eExchange.
� eExchange-to-eExchange: Dans ce type d’organisation, deux ou plusieurs
solutions eExchange s’échangent des données et informations.
7.2. Les technologies
Nous avons ainsi pu voir que les technologies utilisées en matière de CPFR peuvent
fortement varier.
Bien évidemment, une façon très simpliste sans outils sophistiqués permet de mener
également le CPFR. Les informations s’échangent sous forme de fichier Excel, via e-mail
ou par fax. Les entreprises privilégiant une approche CPFR plus intégrée opteront quant à
elles plutôt pour des outils de prévisions, des interfaces spécialisées en matière d’échange
d’informations et de données, afin que celles-ci soient également accessibles aux
80 GRATACAP A, MEDAN P: “Management de la production”, 2ème Edition Dunod, 2005, p350.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
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partenaires commerciaux. D’une manière générale, à partir d’un niveau et d´un montant de
ventes significatifs, il est fortement conseillé d’opter pour une solution CPFR plus
intégrée81.
Bien évidemment, le nombre de partenaires commerciaux aura également une
influence sur le choix de la solution CPFR. En effet, si une entreprise choisit
d’implémenter une stratégie CPFR avec seulement un ou deux fournisseurs, une interface
convertissant les différents codes sera suffisante. Par contre, si l’entreprise souhaite étendre
le CPFR à l’ensemble de ses fournisseurs, ceci engendrera obligatoirement un travail avec
des standards de communication tels que EANCOM ou XML (eXtensible Markup
Language), dont l’objectif est de faciliter l’échange automatisé de contenus entre systèmes
d’information hétérogène. La force de XML réside notamment dans sa capacité à pouvoir
décrire n’importe quel domaine de données grâce à son extensibilité. Ceci permettra de
structurer et de poser le vocabulaire ainsi que la syntaxe des données82.
Selon Mme Rausch, contrairement à la norme EAN qui opère dans un cadre plus
stricte et plus rigide, le XML a l’avantage d’offrir plus de fonctionnalités, plus de
possibilités de structuration d’être par conséquent plus global. De surcroît il permet une
visualisation plus générale de l’ensemble du processus.
7.3. L’interopérabilité entre les différents départements d’une entreprise en
matière de CPFR
Une des principales difficultés du CPFR réside dans le fait qu’il y aura un fort impact
sur plusieurs départements au sein d’une même entreprise. En effet, comme nous allons le
voir dans cette partie, le CPFR implique une modification des processus en place. Dans
cette optique et afin d’obtenir un bénéfice maximal d’une stratégie CPFR, une interaction
entre plusieurs services dans l’entreprise est indispensable. Par ailleurs, il est important
qu’au moins un des partenaires commerciaux ait l’ensemble des processus, systèmes et
modules suivants83 :
81 Accenture for ECR: “A guide to CPFR Implementation”, April 2001, p65. 82 ibid. p65. 83 L’explication de l’ensemble de ces modules figure en annexe de mémoire.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
69
� Promotion Planning (Module de planification des promotions)
� Forecasting (Module de prévisions)
- Sales (Demand Planning)
- Orders (Distribution Planning)
� Transportation Planning (Module de planification du transport)
� Production Planning (Module de planification de la production)
� Collaboration Processes (Processus de collaboration)
Pour mieux comprendre l’intégration et l’interaction entre les différents services non
seulement au sein d’une même entreprise mais également avec ceux du partenaire
commercial, nous pouvons nous appuyer sur le schéma ci-dessous (Fig. 11), représentant
l’architecture des processus au cœur même d’une stratégie CPFR.
Figure 11: Architecture des processus
Source: Accenture for ECR: “A guide to CPFR Implementation”, April 2001
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70
Comme nous l´avons déjà évoqué, la collaboration impacte donc fortement sur la
nécessité d’une réorganisation et redéfinition des processus.
Premièrement, au niveau du « Production Planning », le département de la
production va ainsi devoir travailler et collaborer très étroitement avec le département du
« Demand Planning » qui lui sera chargé de faire des prévisions des ventes par mois et par
client. Ceci devrait, en temps normal, permettre d’avoir un plan de production plus précis
et plus fiable.
Deuxièmement, les services en charge des approvisionnements et des achats
bénéficieront également de l’amélioration de la fiabilité des prévisions pour
s’approvisionner éventuellement à plus long terme ou d’une manière plus optimale (sans
tomber en rupture de stock ou en évitant le surstock).
Troisièmement, cette collaboration s’étend par la suite au service « Transportation
Planning » qui devra également travailler étroitement avec les services « Production
Planning » et « Demand Planning », afin d’organiser la livraison et d’informer le partenaire
commercial de l’expédition de la commande.
8. Etude de cas : L’exemple Henkel-Eroski84
En guise de conclusion de cette troisième partie, nous avons choisi d’étudier de très
près un exemple concret d’implémentation de CPFR, qui reprend parfaitement l’ensemble
des facteurs-clé de succès présentés tout au long de cette partie.
Introduction
L’étude de cas que nous allons à présent évoquer est l’une des premières
expériences-pilotes européennes menées de bout en bout du processus CPFR. L’action se
déroule en Espagne entre les entreprises Henkel et Eroski. Lancée en septembre 1999,
l’expérience offre suffisamment de recul et de résultats probants, 6 mois plus tard, pour
figurer au programme des conférences tenues les 22 et 23 mars 2000 à Turin lors de la
grand-messe du 5ème congrès ECR Europe. Le CPFR y est présenté comme une approche
84 http://www.eannet-france.org.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
71
essentielle de la stratégie ECR où il figure au rang des concepts d’intégration avec le
commerce électronique.
L’originalité du programme CPFR développé par Henkel et Eroski tient de la volonté
des deux entreprises d’harmoniser les procédures de coopération et d’améliorer les
prévisions de vente, afin de dépasser les limites actuelles de la gestion partagée des
approvisionnements (GPA).
Le groupe Henkel, dont le siège est en Allemagne à Düsseldorf, a été créé en 1876 et
compte aujourd’hui quelque 57 000 personnes dans le monde entier (présence
internationale avec plus de 340 filiales dans 70 pays). En croissance de 6 % l’an, le chiffre
d’affaires réalisé en 2007 s’est élevé à 13,7 milliards d’euros. Le catalogue de produits
comprend plus de 10 000 références articles entre les détergents (Persil, Lacroix, Somat,
Bref, etc.), les cosmétiques (Schwarzkopf, Brillance, Fa, Blendamet, etc.), les produits
d’hygiène, les produits chimiques, et les adhésifs (Pattex, Loctite, etc.).
Le groupe Eroski est leader de la grande distribution à prédominance alimentaire en
Espagne. L’enseigne a été inaugurée en 1969 et possède aujourd’hui un réseau intégré de
44 hypermarchés Eroski et Maxi, 800 supermarchés Consum, et 2023 supérettes Charter.
Fortement implanté au Pays Basque, Eroski est également présent en France avec 3
hypermarchés et 17 supermarchés. La logistique est organisée autour d’un entrepôt central
desservant 500 points de vente. Une grande partie des flux d’approvisionnement transite
également par des plates-formes régionales, tout en laissant une part non négligeable aux
livraisons directes depuis le fabricant pour les lieux de vente les plus éloignés ou certains
types de produits. Le groupe comprend à ce jour plus de 20 400 collaborateurs et réalise un
chiffre d’affaires de 4,4 milliards d’euros en croissance de 87% de 97 à 99 (17% en 1999).
Membre actif au sein d’ECR Espagne, dont la création remonte à 1995, Henkel a
d’abord procédé à l’alignement des données EDI avec ses clients avant de développer la
gestion partagée des approvisionnements avec 18 des principaux acteurs de la grande
distribution ibérique, dont Eroski. Bien qu’ayant atteint la masse critique avec 48 % des
approvisionnements de détergents gérés en GPA, l’expérience n’a pas offert les résultats
escomptés. Des relevés de rupture en linéaire, effectués dans les hypermarchés, ont montré
d’importants dysfonctionnements dus à l’absence fréquente en rayon de bon nombre de
références dont 90 % étaient d’origine promotionnelle. Le taux de service était également
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
72
insatisfaisant au niveau de l’entrepôt central d’Eroski, où, faute de visibilité suffisante, les
produits n’étaient pas toujours livrés à temps. Les deux entreprises ont alors décidé d’unir
leurs efforts dans l’amélioration des prévisions de vente reconnues comme déterminantes
dans le soutien des plannings commerciaux et opérationnels. L’acquisition du module
« Demand Planning » de Manugistics par Henkel en décembre 1998 et le changement des
processus de planification intégrée de la chaîne logistique ont été le premier acte de la mise
en oeuvre du CPFR entre Henkel et Eroski.
Processus mis en œuvre
L’ensemble des étapes du processus CPFR a été mis en œuvre selon le scénario D où
Henkel a la responsabilité de l’élaboration des prévisions de vente, du calcul des
programmes d’approvisionnement et de la création des commandes.
Objectifs du pilote
A travers l’harmonisation des procédures de coopération et l’amélioration
subséquente de la fiabilité des prévisions de vente, les deux partenaires commerciaux se
sont fixés les objectifs suivants :
� Améliorer le taux de service ;
� Réduire les ventes perdues ;
� Augmenter la rotation des stocks ;
� Améliorer la ponctualité des livraisons ;
� Réduire le temps de cycle de commande.
Périmètre de l’expérience
L’ensemble des produits de la catégorie des détergents référencés chez Eroski – au
total 98 références articles – a fait partie du champ de l’expérience qui s’est établie entre
l’entrepôt central de Henkel et celui de Eroski. Les données échangées ont été consolidées
au niveau national et ont compris :
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
73
� Les sorties entrepôt, échangées une fois par jour ;
� Les données de stock entrepôt, échangées une fois par jour ;
� Le calendrier d’événements partagés, réactualisé une fois par trimestre ;
� Les prévisions de vente, échangées une fois par quinzaine ;
� Les programmes d’approvisionnement, échangés une fois par semaine ;
� Les commandes, calculées une fois par jour.
Technologie utilisée
L’élaboration des prévisions de vente chez Henkel a utilisé le module « Demand
Planning » de Manugistics. Mais la pièce maîtresse de la relation partenariale a été le
module « NetWORKS Collaborate » du même éditeur pour le développement via Internet
des plans commerciaux et des programmes promotionnels communs, la comparaison des
prévisions de vente établies chez chacun des partenaires, la détection des exceptions, le
partage des prévisions de vente et des programmes d’approvisionnement, et l’obtention de
diverses informations à partir de workflows – requêtes destinées à renseigner
instantanément l’utilisateur sur les derniers changements intervenus dans le calendrier des
promotions, sur le résultat d’une opération commerciale passée ou en cours, sur les
disponibilités de produits comparativement aux besoins planifiés, etc.
Les échanges de données se sont appuyés sur les standards EANCOM pour les
messages INVRPT, ORDERS et INVOIC. En revanche, aucun standard n’a été utilisé pour
la transmission des prévisions de vente et des programmes d’approvisionnement.
Indicateurs de performance et résultats
Les principaux indicateurs de performance conjointement définis par Henkel et
Eroski prennent en compte :
� Le taux de service au niveau de la plate-forme ;
� Le nombre de ruptures ;
� Le nombre de promotions ;
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
74
� La rotation des stocks ;
� La fiabilité des prévisions de vente individuelles et communes ;
� Le taux de remplissage des camions ;
� Le taux de palettes complètes ;
� Le taux de commandes urgentes.
En termes de résultat, la figure 12 montre l’amélioration de la qualité des prévisions
de vente par semaine, sur une période de cinq mois depuis la fin octobre 1999 à début mars
2000. Les histogrammes représentent 100 % des articles (pondérés en fonction des ventes)
répartis en trois tranches d’erreur de prévision allant de plus de 50 % à moins de 20 %. Il
est frappant de noter que plus de la moitié des ventes prévisionnelles en moyenne était
fausse à plus de 50 % avant le démarrage du processus de collaboration fin décembre 1999,
et que la situation s’est depuis inversée au point d’avoir réduit l’erreur de prévision à
moins de 20 % pour les trois quarts de l’activité produite en semaine 9 de l’année 2000.
Figure 12 : Amélioration de la qualité des prévisions de vente
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
75
Ceci montre que la gestion conjointe des prévisions, enrichies de la connaissance
réciproque des deux partenaires, permet effectivement de réduire l’incertitude sur les
ventes et d’obtenir des bénéfices non négligeables à plusieurs niveaux comme le prouvent
les résultats suivants, relevés en semaine 9 de l’année 2000:
� Taux de service plate-forme : 98 % ;
� Couverture de stock plate-forme : 5 jours ;
� Ruptures de stock : 2 % ;
� Nombre de promotions : 15-20 références/mois ;
� Fiabilité des prévisions : > 85 % ;
� Taux de remplissage camion : 98 % ;
� Taux de palettes complètes : 99 % ;
� Taux de commandes urgentes : 4 %.
Ressources impliquées
Les équipes de projet pluridisciplinaires ont mobilisé peu de ressources avec
seulement cinq personnes chez Henkel :
� Un chef de projet ;
� Un responsable ECR ;
� Un responsable compte clé du service client, en charge d’Eroski ;
� Un expert du module Demand Planning de Manugistics ;
� Un consultant Manugistics ;
Quatre personnes chez Eroski, dont :
� Un chef de projet ;
� Un prévisionniste ;
� Un approvisionneur ;
� Un logisticien.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
76
… ainsi que l’intervention ponctuelle d’informaticiens internes et le soutien externe
d’Accenture, anciennement Andersen Consulting, pour la formalisation des processus en
vue de l’extension future du pilote.
Défis du projet
La mise en oeuvre du CPFR, à l’inverse de la GPA, a impliqué l’intervention du
service client chez l’industriel, malgré la faible propension culturelle des vendeurs pour le
partenariat industrie-commerce. Non familiarisé avec les techniques de prévision et de
planification commerciale, le service-clients s’est vu confier l’élaboration des prévisions
de vente en étroite collaboration avec le responsable prévisions chez Eroski. Ainsi, les
deux entreprises ont cherché à conjuguer et à partager leurs connaissances
complémentaires du marché. D´une part entre le distributeur connaissant parfaitement la
dynamique de ses points de vente, l’horizontalité des promotions dans la même semaine et
dans la même chaîne et l’industriel d´autre part, qui lui agit en qualité d’expert sur ses
produits et les promotions dont il connaît par expérience l’impact sur les ventes courantes.
La prise en charge de l’élaboration conjointe des prévisions de vente par le service-
clients chez Henkel a été justifiée par le fait que le responsable du compte-clé Eroski
détient la meilleure connaissance du premier jour d’introduction des promotions, des
magasins qui suivent les promotions, des pourcentages d’implantation selon les formats de
magasin, des produits de substitution en cas d’indisponibilité, etc.
Auparavant confiée au planificateur de la demande à un niveau moins détaillé, cette
activité est désormais menée par le service-clients qui introduit alors les promotions dans
la prévision de vente, en quantifie l’impact estimé, et la transmet ensuite à son partenaire
commercial pour l’ajout d’opérations locales menées au niveau des magasins. L’horizon de
planification s’étale sur 5 semaines pour l’instant et comporte une période ferme de 2
semaines pendant laquelle les promotions sont gelées. Le rôle du planificateur de la
demande n’a pas été réduit du fait du transfert des prévisions de vente au service-clients,
mais plutôt réorienté vers la synchronisation des plannings de la demande avec les
plannings de production. Doté d’une visibilité sur 5 semaines, Henkel entend aujourd’hui
optimiser l’utilisation de l’appareil industriel et réaliser des économies substantielles à
travers l’amélioration du pilotage des lignes de production, désormais connectées à la
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
77
demande du distributeur. Pour davantage de performance, le fabricant espère
prochainement étendre l’horizon de planification à 2 mois.
Méthodologie
La mise en oeuvre du CPFR entre Henkel et Eroski suit un plan de développement
évolutif. Ayant débuté en décembre 1998 par l’implémentation des modules de prévision
(Demand Planning) et de déploiement des stocks (DRP) de Manugistics, le projet est entré
dans la phase de partenariat CPFR en septembre 1999 où la collaboration a démarré au
niveau de l’entrepôt central d’Eroski. Au cours des neuf premiers mois, l’équipe de projet
s’est familiarisée avec le nouveau logiciel de prévision tout en continuant à approvisionner
la plate-forme d’Eroski selon le processus de GPA. Depuis septembre 99, l’ensemble des
références de la catégorie des détergents est géré selon la nouvelle approche.
L’établissement de l’accord de coopération a consisté à définir les attentes, les
indicateurs de performance et les règles de gestion du nouveau processus telle que la
procédure à suivre, par exemple, en cas d’écart de prévision supérieur à 20 %. Lors du
développement du plan commercial commun, les deux parties ont planifié les promotions
et autres opérations commerciales dans le prolongement des activités passées. Loin de
bloquer le processus, cette étape permet au contraire de formaliser et d’améliorer sans
surprise la planification des opérations reconduites d’une année à l’autre, la démarche
CPFR ne remettant pas en cause le volume d’affaires réalisé entre les deux partenaires
commerciaux. De l’avis d´Esteban Garriga, chef de projet chez Henkel, « Le partage
d’informations à ce stade du processus ne présente aucune difficulté car les entreprises se
connaissent bien, entretiennent de bonnes relations commerciales, planifient conjointement
leurs volumes de vente, et finalement projettent les ventes dans la continuité des opérations
passées ».
Bien que calculées hebdomadairement chez chacun des partenaires commerciaux, les
prévisions de vente sont échangées toutes les deux semaines, initialement sous forme de
fichiers Excel, puis à l’aide de NetWORKS Collaborate depuis septembre 99. Comme le
montre la figure 12, la qualité des prévisions a nettement progressé au cours des dix
premières semaines de test, d´où une forte diminution du nombre d’exceptions. Le système
est utile pour le signalement, par exemple, de dérives dues à l’optimisme soudain du
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
78
responsable prévisions, ou d’erreurs éventuelles de positionnement d’une promotion. La
prévision de vente, rappelons-le, conjointement établie au niveau de l’entrepôt central
d’Eroski pour chacune des 98 références de la catégorie testée, est également traduite en un
programme d’approvisionnement que le planificateur de la demande chez Henkel compare
aux contraintes de capacité usine. En cas d’infaisabilité, le système génère des messages
d’alerte qui vont amener les deux partenaires à coopérer sur la recherche de compromis
satisfaisants. Certains ordres planifiés peuvent être avancés ou reportés, de même que la
prévision de vente peut être révisée au niveau des opérations commerciales prévues. Les
modifications sont effectuées en dehors de la période ferme de deux semaines
conjointement définie dans l’accord commercial.
Le programme d’approvisionnement est recalculé hebdomadairement sur un horizon
de 15 jours, à nouveau confronté aux capacités de production, puis transmis à Eroski. A ce
stade, les ordres planifiés correspondent en fait à des commandes fermes que Henkel
honorera dans le respect du planning.
Il fut prévu de poursuivre l´expérience jusqu’à fin décembre 2000 afin d’améliorer le
processus de coopération, d’ajouter de nouvelles catégories de produits dans le champ
opératoire et de préparer les conditions organisationnelles et techniques d’interfaçage avec
les points de vente.
Efficacité prouvée
L’expérience pilote a révélé la pertinence du concept CPFR pour la coordination des
plannings commerciaux avec les plannings opérationnels. Auparavant non
systématiquement intégrées dans les plannings logistiques et industriels, les informations
de promotion, d’introduction de nouveaux produits et d’animation locale au niveau des
magasins sont désormais fondues dans la même prévision unique. Celle-ci est fiable et
permet de piloter la supply chain avec davantage de visibilité comparativement aux
processus traditionnels insuffisamment proactifs. Conjointement animé et contrôlé par les
deux partenaires commerciaux, le processus mis en place répond aux objectifs
d’amélioration de la fiabilité des prévisions de vente, d’augmentation du taux de service,
de réduction des niveaux de stocks, et de dynamisation des ventes.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
79
Bénéfices inattendus et enseignements-clé
Toute entreprise cherche à obtenir une prévision fiable de la demande par le biais à la
fois de l’amélioration des processus internes et de la connexion client. Le CPFR formalise
cette approche et montre combien la qualité des données introduites dans les systèmes est
cruciale. La collaboration interne de la force de vente fait partie des conditions de réussite
du projet. Quant à la collaboration inter-entreprise, elle permet d’augmenter davantage la
précision des plans effectués à travers le processus dynamique et finalement automatique
de gestion de l’offre et de la demande. Enfin, l’utilisation de standards de communication
s’avère être un pré-requis pour étendre l’expérience à d’autres partenaires, sans qu’il soit
nécessaire de développer des interfaces spécifiques et coûteuses à maintenir. Le projet
d’une plate-forme commune d’échange d’informations par plusieurs acteurs du marché fait
partie des axes d’amélioration de ce pilote. Non limitée aux flux d’approvisionnement, la
future market place pourrait également permettre l’échange des catalogues électroniques
entre partenaires.
9. Conclusion
Une collaboration logistique entre distributeurs et industriels de type CPFR est
difficile à mettre en place. L’intérêt de cette troisième partie fut de présenter les conditions
qui rendent ce concept profitable. En nous basant notamment sur les entretiens que nous
menés mais également sur une étude de cas détaillée des sociétés Henkel et Eroski, nous
constatons que le succès d’une stratégie CPFR dépend de plusieurs éléments. Une
implication totale et le soutien des dirigeants d’entreprises est dans un premier temps
indispensable pour expliquer auprès des salariés l’importance d’une collaboration étroite
avec le ou les partenaires commerciaux. En outre, la principale difficulté de ce type de
projet repose dans le choix du partenaire commercial idéal pour tenter « l’aventure »
CPFR, et il est par conséquent très important de mener des recherches approfondies sur ce
sujet. Enfin, la confiance mutuelle mais surtout les systèmes d’information et les nouvelles
technologies jouent un rôle prépondérant dans la réussite de cette stratégie d’entreprise.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
80
Ces dernières agiront en effet directement sur la rapidité et la sécurité des échanges
d’informations.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
81
PARTIE D : QUEL AVENIR POUR LE COLLABORATIVE
PLANNING FORECASTING AND REPLENISHMENT (CPFR) ?
Nous avons pu constater lors des parties précédentes que le cœur de métier de la
logistique avait fortement évolué lors des dernières années. Il semble aujourd’hui démontré
que les meilleurs résultats, notamment dans le secteur de la grande distribution,
s’obtiennent en considérant une transversalité et une intégration qui dépasse les frontières
de l’entreprise : pour réussir sa mission, l’entreprise doit accepter de communiquer et de
collaborer avec ses partenaires afin de transformer la supply chain traditionnelle en une
supply chain collaborative85. A ce sujet, nous avons ainsi pu voir que le CPFR représentait
une excellente opportunité pour optimiser les flux d’informations et de produits tout au
long de la supply chain.
Néanmoins, comment alors expliquer qu’un concept existant depuis sept ans et qui
semble offrir d’énormes avantages ne soit pas plus répandu au sein des sociétés ?
Comment se fait-il que ce concept fonctionne beaucoup mieux aux Etats-Unis qu’en
Europe ? Ces réflexions nous amènent donc directement à la question de l’avenir du
CPFR.
Après avoir analysé les facteurs qui rendent le recours à une stratégie de CPFR
profitable et avoir présenté ses avantages, tout comme ses limites d´ailleurs, nous allons à
présent nous questionner sur l’avenir de cette pratique. Le CPFR va-t-il à terme s’imposer
comme un concept incontournable dans le secteur de la grande distribution aux Etats-Unis
et en Europe, ou représente t-il au contraire un phénomène de mode qui risque de
s’estomper prochainement ?
Nous formulons pour cela deux hypothèses, qui seront vérifiées tout au long de cette
partie.
85 GRATACAP A, MEDAN P: “Management de la production”, 2ème Edition Dunod, 2005, p350.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
82
H1 : le CPFR : un modèle qui deviendra incontournable.
H2 : le CPFR : un avenir qui semble compromis en Europe.
1. Le CPFR : un modèle qui deviendra incontournable
Pour développer cette première hypothèse, nous nous sommes non seulement
appuyés sur des études réalisées par les cabinets de conseils Accenture et KJR Consulting,
mais également sur les enseignements obtenus grâce aux six entretiens que nous avons pu
effectuer dans le cadre de ce travail. Comme nous allons le voir, certains renseignements
plaident fortement en faveur d’un prolongement des stratégies de CPFR dans les années à
venir.
1.1. Le CPFR a su convaincre les entreprises
Parmi les éléments qui jouent en faveur d’une prolongation, voire même d’une
expansion future des stratégies de CPFR dans les années à venir, nous pouvons tout
d´abord prétendre que le CPFR a su de manière générale convaincre et satisfaire les
entreprises. Les avantages généralement associés au CPFR, tels qu’une réduction des
stocks, un meilleur taux de service, des niveaux de ventes plus élevées et des prévisions de
ventes plus fiables ont su convaincre les dirigeants d’entreprises industrielles interrogés
lors de l’étude menée par KJR Consulting86.
86 KJR Consulting for GMA: CPFR Baseline Study, Manufacturer Profile, 2002.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
83
Figure 13 : Niveau de satisfaction globale à l’égard du CPFR
Résultats obtenus par les entreprises pratiquant le CPFR
Sans opinion Pas d'évolution Amélioration
1% à
5% 6% à 10% Plus de 10%
Réduction des stocks 20% 20% 30% 20% 10%
Amélioration des taux
de services 20% 10% 20% 20% 10%
Augmentation des ventes 22% 33% 33% 0% 11%
Meilleure fiabilité des
prévisions de ventes 20% 20% 30% 40% 10%
Source: KJR Consulting for GMA: CPFR Baseline Study, Manufacturer Profile, 2002
Ainsi, en analysant la figure 13 qui nous livre des indications pertinentes sur le
niveau de satisfaction globale à l’égard du CPFR des dirigeants d’entreprises ayant
implémenté le CPFR par le passé, on s’aperçoit premièrement que 60% des entreprises
interrogées ont constaté une baisse entre 1 et 10 % de leur niveau de stock. Deuxièmement,
en matière de niveau de service, elles sont également 50% à avoir constaté une
amélioration, dont 10% d´entre elles ont même enregistré une hausse de 10%.
Troisièmement, nous pouvons constater un taux de satisfaction élevé en ce qui concerne le
niveau des ventes. En effet, ils sont 40% à avoir constaté une hausse des ventes suite à
l’implémentation du CPFR. Enfin quatrièmement, le CPFR semble nettement améliorer la
fiabilité des prévisions si l’on en croit les réponses des entrepreneurs interrogés. En effet,
ils sont 80% à avoir constaté une amélioration à ce niveau.
De manière générale, nous relevons un niveau de satisfaction élevé et d´après le
tableau, le pourcentage des entrepreneurs n’ayant pas constaté d’amélioration suite au
CPFR reste faible. Par conséquent, ces chiffres jouent obligatoirement en faveur d’une
continuation des pratiques de CPFR dans les années à venir. Des entreprises qui sont
satisfaites du résultat n’ont en effet aucune raison de changer leur stratégie.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
84
1.2. Hausse confirmée des pratiques de CPFR
Parmi les éléments qui jouent en faveur d’une prolongation, voire d’une expansion
des stratégies CPFR dans les années à venir, nous pouvons également évoquer une
apparente volonté de la part des industriels de continuer à implémenter des projets CPFR.
Figure 14: Etat du CPFR au sein de l’industrie
Source: KJR Consulting for GMA: CPFR Baseline Study, Manufacturer Profile, 2002
En effet, à la lecture de la figure 14, on peut s’apercevoir que 51% des industriels
interrogés lors de cette étude, souhaiteraient implémenter des projets CPFR. En effet, 49%
ont répondu avoir des projets pilotes en cours, alors que 12% des industriels questionnés
travaillaient déjà activement en mode CPFR avec leurs clients.
D´une part, toutes ces réponses nous confortent dans le sens que l’avenir du CPFR
est positif et si l’on considère d´autre part qu’au moment de l’étude les solutions
technologiques et informatiques n’étaient pas aussi développées qu’elles ne le sont
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
85
aujourd’hui87, nous pouvons donc logiquement supposer que les pratiques de CPFR
devraient encore augmenter dans les années à venir.
1.3. Une disparition progressive des petits distributeurs pour une
augmentation des hypermarchés
Pour appuyer notre première hypothèse selon laquelle le CPFR deviendra un modèle
incontournable dans les années à venir, nous pouvons également nous baser sur une étude
effectuée par le cabinet Accenture88.
La figure 15 représente l’évolution du nombre de petits distributeurs et commerçants
dans différents pays européens entre 1992 et 1997.
Figure 15 : Evolution du nombre de petits distributeurs et commerçants
Accenture for ECR: “A guide to CPFR Implementation”, April 2001
87 KJR Consulting for GMA: CPFR Baseline Study, Manufacturer Profile, 2002, p34. 88 Accenture for ECR: “A guide to CPFR Implementation”, April 2001, p28.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
86
La figure 15 représente l’évolution du nombre de grands distributeurs et
commerçants dans différents pays européens entre 1992 et 1997.
Figure 16 : Evolution du nombre de grands distributeurs
.Accenture for ECR: “A guide to CPFR Implementation”, April 2001
On y constate effectivement que d’une manière générale, le nombre des grands
distributeurs de type super et hypermarchés a fortement augmenté en Europe ces dernières
années, contrairement aux petits distributeurs qui ont tendance à diminuer (voir Figs. 15 et
16).
Cette hausse du nombre des grands distributeurs entraîne logiquement une
augmentation de la concurrence qui, à son tour impacte sur la politique des prix de ces
derniers. Pour pouvoir proposer des prix plus bas, industriels et distributeurs se voient en
effet dans l’obligation de réduire leurs coûts et notamment les coûts logistiques. La
question suivante se pose donc pour ces partenaires commerciaux : Comment gagner plus
tout en restant compétitifs en termes de prix 89?
Parmi les solutions préconisées figurent non seulement la diminution du prix de
revient, mais surtout l’augmentation du chiffre d’affaires.
89 MARCHAL A : « Logistique globale, Supply Chain Management », Edition Ellipses, 2006, p5.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
87
Or, nous avons pu voir dans la partie B de ce travail que la logistique collaborative et
plus précisément le CPFR avaient pour but de réduire les coûts, grâce notamment à une
meilleure fiabilité des prévisions et à une amélioration de la gestion des stocks permettant
ainsi un ajustement mieux adapté des plans de production (voir Partie B, 3.3). En outre,
comme nous le prouve la figure 13, 44% des industriels interrogés lors de l’étude
estimaient que le CPFR avait permis d’augmenter les ventes. En effet, la pratique d’une
logistique collaborative est avant tout la réduction du taux de ruptures en linéaire, ce qui en
d’autres termes signifie une augmentation des ventes.
1.4. L’Emergence du E-commerce
L´émergence et l´explosion du E-commerce reste pour l´avenir un argument majeur
en faveur du CPFR. Rappelons que celui-ci représente la vente en ligne via internet au
consommateur final ou entre entreprises.
Entre 2002 et 2005, l’E-commerce B to C (Business to Consumer) a en effet
augmenté en France de 218%, avec un volume d’affaires qui est passé de 2.2 à 7 milliards
d’euros90.
Bien évidemment, ce développement du E-commerce contribue aussi à doper
l’activité logistique. De plus en plus de ménages sont équipés d’Internet et l’achat virtuel
est en passe d’entrer dans les mœurs. Ce type d’achat entraîne dans 95% des cas une
livraison à domicile. Dans ce type de canal de distribution, la rapidité est un facteur
déterminant puisqu’elle est, avec le prix, la raison décisive d’achat sur le net. En terme
logistique, cette disponibilité du produit se traduit par des contraintes de stocks très
importantes et une gestion très serrée du pipeline logistique. Le E-commerce nécessite
donc des réseaux logistiques rapides, efficaces et flexibles pour pouvoir répondre à une
demande très individualisée (quasiment « On Demand ») et souvent sporadique. Ces
90 BENCHMARK GROUP: http://www.journaldunet.com, “France: Le marché de l’e-commerce », 14/01/2008.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
88
réseaux doivent également être très efficients dans la transmission d’information dans la
mesure où la plupart des échanges se font virtuellement et sans trace physique.
Ainsi, selon nous, une logistique collaborative avec les fournisseurs devient dans
cette optique très importante, voire même quasi indispensable pour répondre et faire face
aux attentes des consommateurs qui choisissent ce type de circuit de distribution91. On
pourrait en effet imaginer qu’une rupture de stock aurait un impact plus important sur
l’avis du consommateur si l’on tient compte que le délai de livraison est une des raisons
principales d’achat sur internet. Un échange collaboratif en interne mais également avec
les partenaires commerciaux du type CPFR en matière d’échange et de communication au
niveau des prévisions de ventes, apparaît donc comme très important pour assurer la
disponibilité des produits.
1.5. Le développement des places de marchés virtuelles (e-marketplaces)
Abordons à présent l’élément qui semble le plus plaider en faveur de notre première
hypothèse : l’actuel développement des places de marchés virtuelles.
Très liée à l’émergence du E-commerce, la demande pour des places de marchés
virtuelles est actuellement très élevée. Lors de notre partie C (6.1.) nous avions rapidement
expliqué cette technologie et présenté les principales plateformes et places de marchés
électroniques spécialisées en distribution (GNX, WWRE, CPG Market et Transora). En
outre, il est très important de souligner que ces dernières sont de plus en plus nombreuses à
proposer des solutions en matière de CPFR.
Cette information est d’autant plus importante qu’en 2002, l’inexistence de ce type
de place de marché électronique spécialisée en CPFR fut considérée par les industriels
comme une barrière à l’implémentation de CPFR92.
91 ATTARAN M, ATTARAN S: « Collaborative supply chain management”, the most promising practice for building efficient and substainable supply chains”, Business Process Management Journal, Vol 13, No. 3, 2007, p390-404. 92 KJR Consulting for GMA: CPFR Baseline Study, Manufacturer Profile, 2002, p18.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
89
Figure 17 : Rôle des places de marchés électroniques en matière de CPFR
Pour une implémentation d’un projet CPFR, le manque de place de marchés
électronique CPFR est une :
Source: KJR Consulting for GMA: CPFR Baseline Study, Manufacturer Profile, 2002
Ainsi en analysant la figure 17, nous pouvons notamment constater que 19% des
industriels pratiquant le CPFR estimaient à l’époque que l’inexistence de places de
marchés électroniques ou d’E-exchange représentait une très grande barrière à
l’implémentation du CPFR.
Ainsi donc, il semblerait que l’apparition et l’actuelle présence de marchés
électroniques soit une très grande opportunité pour le CPFR, créant par conséquent un
environnement très favorable à son expansion dans les années à venir93.
93 ATTARAN M, ATTARAN S : « Collaborative supply chain management”, the most promising practice for building efficient and sustainable supply chains”, Business Process Management Journal, Vol 13, No. 3, 2007, p390-404.
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90
Cette première partie nous a permis de constater que de nombreux éléments semblent
jouer en faveur d’une poursuite des stratégies CPFR. Cependant, comme nous allons le
voir dans la deuxième partie, certaines indications pourraient sous-entendre le contraire, en
particulier en Europe.
2. Le CPFR : un avenir qui semble compromis en Europe
Cette deuxième hypothèse qui peut paraître étonnante au premier abord, car quelque
peu contradictoire par rapport à la première, n’est en réalité pas tout à fait dénuée de tout
fondement. Comment expliquer sinon que le concept de CPFR soit jusqu’à ce jour si
faiblement implémenté en Europe, alors qu’il semble avoir prouvé toute son utilité aux
Etats-Unis94 ?
Cette partie sera donc entièrement consacrée à évoquer les différences existantes en
matière de supply chain entre l’Europe et les Etats-Unis. En effet, il semblerait que ces
différences notoires ont fortement compromis et compromettront encore les chances
d‘expansion du CPFR sur le vieux continent. C’est en tout cas ce que nous allons tenter de
prouver tout au long de cette deuxième partie en nous appuyant non seulement sur la
littérature, mais également sur les enseignements tirés de nos six entretiens.
2.1. Les différences entre l’Europe et les Etats-Unis
Afin de mieux comprendre les arguments que nous allons évoquer tout au long de
cette partie, il semble tout d’abord important de présenter les différences notoires en
matière de supply chain entre l’Europe et les Etats-Unis.
94 Accenture for ECR: “A guide to CPFR Implementation”, April 2001, p13.
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91
� Géographie
La première différence est d’ordre géographique. En effet, la surface géographique
européenne est plus petite que celle des Etats-Unis. En outre, la population européenne est
répartie équitablement sur le continent, contrairement aux Etats-Unis, où les
consommateurs se situent majoritairement dans les très grandes villes. En termes de
logistique, la géographie européenne permet en effet des distances de livraisons plus
courtes.
� Les marchés
Contrairement au marché américain qui est homogène, le marché européen est très
hétérogène de par les différences culturelles de chaque pays ainsi qu´aux types de
magasins. En effet, alors que les magasins américains sont tous assez similaires en termes
de format et de taille, il existe en Europe une grande variété de centres de distribution à
l’image des supérettes, des supermarchés ou des hypermarchés95.
� Les promotions
Une des principales différences impactant fortement les stratégies de CPFR se situe
au niveau des promotions. Alors que les Européens sont de grands amateurs d’actions de
promotions, les Américains privilégient des stratégies de « Every Day Low Price » (EDLP)
et ne recourent que rarement à des promotions96. Cet impact des promotions sur les
stratégies de CPFR sera évoqué plus en détail dans le point 2.3.
� Les technologies
Selon le cabinet de conseil Accenture, les supply chain européennes sont en retard en
matière de nouvelles technologies par rapport à leurs homologues américains. Ces derniers
utiliseraient en effet des technologies et des systèmes d’information plus sophistiqués.
95 Accenture for ECR: “A guide to CPFR Implementation”, April 2001, p29. 96 ibid. p29.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
92
A la vue de l’importance des nouvelles technologies en matière de CPFR, cette
différence nous apparaît comme une des explications plausibles du non-succès du CPFR en
Europe.
� La culture
Bien évidemment nous ne pouvons ignorer les différences culturelles. Selon
Accenture, les Européens auraient en effet une approche réservée en matière de
collaboration, alors que les Américains en auraient une plus modérée concernant la
collaboration97. Selon nous, ceci pourrait s’expliquer d’une part par le contexte historique
de l’Europe qui fut marquée par des guerres, mais également d’autre part par les
différences linguistiques qui ne facilite pas toujours la communication et l’échange entre
différents pays.
2.2. Une organisation logistique de distribution incompatible avec du
CPFR
Ainsi, nous avons pu constater qu’il existe réellement de grandes différences au
niveau supply chain entre l’Europe et les Etats-Unis. Il semblerait même que certaines
d’entres-elles soient une explication pour le faible niveau des pratiques CPFR en Europe.
Ceci est notamment le cas pour l’organisation supply chain des distributeurs
européens. En effet, comme nous l’évoquait Mme Sadek Acquaviva, EDI & ECR Manager
chez Samsung Electronics, en comparaison au marché américain très vaste et qui nécessite
par conséquent une organisation basée sur des entrepôts et du cross-docking, les
distributeurs européens privilégient majoritairement soit une organisation sous forme
d’approvisionnements et de livraisons directs de l’industriel jusqu’aux différents magasins,
soit la livraison par l’intermédiaire de centres de distributions qui en cross-docking
approvisionnent les différents magasins. A titre d’exemple, nous pouvons citer la société
Samsung Electronics France, qui pour des produits tels que les machines à laver et les
97 ibid. p29.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
93
frigos privilégiera, pour des raisons de coûts, des livraisons directes du port d’arrivée
jusqu’au client sans passer par l’entrepôt. Par conséquent, les différentes possibilités en
matière d’organisations logistiques en Europe rendent une implémentation CPFR plus
difficile, puisque plus compliquée à programmer en raison du plus grand nombre d’acteurs
impliqués.
En outre, dans la situation actuelle, l’absence d’entrepôts et de zones de stockage
propres aux distributeurs européens oblige les industriels à mettre en place des stocks de
sécurité, en vue d’éviter toutes ruptures de stock. Dans ce type d’organisation logistique,
une stratégie CPFR semble donc particulièrement difficile à mettre en place, car une
simple petite faille en matière d’échanges sur les prévisions de ventes causerait
immédiatement des ruptures de stocks en linéaires98.
2.3. Le problème des actions de promotions
Comme nous l’avons annoncé précédemment (Partie D, 2.1), une des principales
différences entre l’Europe et les Etats-Unis est le grand nombre d’actions de promotions.
Selon des études, le nombre d’actions de promotions annuelles en Europe varierait entre 25
et 150, ce qui oblige industriels et distributeurs à coordonner leurs activités commerciales.
Dans cette optique, le CPFR apparaît comme une bonne opportunité, même si la
planification des actions de promotions reste toutefois très difficile à coordonner. Lors de
notre entretien, M. Constant, PDG de la société Piwan, nous confia que les actions de
promotions représentaient un frein évident au développement des stratégies de CPFR.
Selon lui, les systèmes d’information actuels que l’on peut trouver sur le marché ne
seraient pas adaptés à la gestion d’actions de promotions.
98 Accenture for ECR: “A guide to CPFR Implementation”, April 2001, p30.
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94
Figure 18 : Impact des promotions sur la variation des volumes pour une SKU99
Source: Accenture, Trade Promotion Study, 2001
En effet, comme nous pouvons le constater sur la figure 18, les promotions créent
très souvent une volatilité de la demande impactant très fortement la supply chain et
peuvent mener à100 :
� un niveau de stock élevé ou excessif ;
� des perturbations de la production ;
� des ruptures en linéaires causant le mécontentement des consommateurs
finaux ;
� des destructions ou des pertes financières ;
� des coûts administratifs en hausse.
Quant aux sociétés américaines, elles ne recourent que rarement à des actions de
promotion et privilégient par contre une stratégie de Every Day Low Price (EDLP), qui est
une stratégie de réduction de prix pratiquée tous les jours de l’année par un distributeur ou
un producteur propriétaire d’une marque nationale, dans le but de maintenir sa part de
marché tout en cessant la course aux promotions. Cette stratégie initiée par Procter &
99 Stock-Keeping Unit. 100 SEIFERT D: « Collaborative Planning Forecasting Replenishment: How to create a supply chain advantage”, Amacom, 2003, p315.
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95
Gamble et son client Wal-Mart en 1991 permet en effet de stabiliser l’utilisation de
l’appareil de production101.
2.4. La prise de pouvoir sur la supply chain par les distributeurs
Parmi les éléments qui semblent compromettre l’avenir du CPFR en Europe, nous
pouvons également évoquer l’actuelle tendance d’une supply chain entièrement gérée par
les distributeurs. En effet, ceci va totalement à l’encontre d’une collaboration entre deux
partenaires commerciaux.
De nombreuses raisons expliquent que les distributeurs souhaitent actuellement
s’emparer de la logistique comme levier de développement de leurs stratégies achat et
commerciale102 :
� Premièrement, la compétition centrée sur les prix conduit de plus en plus à
des politiques de volume sur des produits à marge de plus en plus réduite. La
recherche de baisse des prix de vente pour les consommateurs entretenue par
les hard discounters est par conséquent devenue un objectif fondamental pour
les distributeurs. Pour y parvenir, ces derniers s’intéressent de près aux
conditions d’achat auprès des fournisseurs via des centrales d’achat et aux
coûts logistiques par la création d’entités logistiques en propre ou sous-
traitées (plateforme, entrepôts, flotte de camions…)103.
En outre, pour certains distributeurs, les achats spéculatifs, ont pu se
développer, stimulés par des politiques promotionnelles de certains
industriels. Dans ce type de fonctionnement, l’industriel planifie des lots de
production plus volumineux en taille, réduit ses temps de chargement et
baisse ses coûts de production. Le distributeur bénéficie alors de remises
logistiques de massification.
101 J-M LEHU : « L’encyclopédie du Marketing », Editions d’Organisation, 2004, p291. 102 DORNIER P-P, FENDER M : « La logistique globale et le Supply Chain Management », Edition d’Organisation Eyrolles, 2007, p227. 103 ibid.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
96
� Deuxièmement, de plus en plus de distributeurs proposent leurs services
logistiques aux petits producteurs régionaux qui n’ont pas le volume
nécessaire pour mettre en place une logistique performante. Intermarché, par
exemple, a pu développer une communication sur la dynamisation du tissu
économique local en offrant des débouchés commerciaux aux petits
commerciaux grâce à leur soutien logistique, en particulier dans le cadre du
développement des marques de distributeurs (MDD). Cette méthode permet
notamment au distributeur d’entretenir une compétition entre les producteurs
de marque nationale, de marque locale et les MDD104.
2.5. Des différences entre la théorie et la réalité
Lors de la partie B de ce travail, nous avons présenté les nombreux avantages des
stratégies de CPFR. Toutefois, il semblerait que dans la réalité les résultats obtenus soient
très éloignés des résultats escomptés. Pour soutenir cette affirmation, nous pouvons en
effet nous appuyer sur l’étude réalisée par le cabinet de conseil KJR Consulting auprès de
21 industriels (Fig. 19). Ce graphique compare en effet les avantages espérés avant mise en
place d’un projet CPFR avec les résultats effectivement obtenus après implémentation de
cette stratégie.
104 ibid.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
97
Figure 19 : Bénéfices envisagés vs. Bénéfices réalisés
Source: KJR Consulting for GMA: CPFR Baseline Study, Manufacturer Profile, 2002
Ainsi en analysant la figure 19, nous constatons que 43% seulement des résultats
escomptés n´ont été finalement réalisés qu´après l´implantation du CPFR Ainsi, selon
nous, ces résultats confortent fortement notre deuxième hypothèse, car ils pourraient en
effet décourager de nombreuses entreprises européennes à tenter l’aventure CPFR à
l’avenir.
2.6. Industriels et distributeurs : des besoins différents en matière de
prévisions de ventes et de collaboration
En théorie, l’objectif de toute forme de collaboration est d’être bénéfique à titre égal
à chacun des partenaires commerciaux impliqués. La pratique et les cas concrets que nous
avons présentés tout au long de ce travail, nous ont toutefois montré que ceci était rarement
le cas dans la pratique (exemple des sociétés Delhaize et Vandemoortele). Selon l’auteur
Johanna Smaros, les grands distributeurs européens, en raison de leur pouvoir sur le
marché, peuvent se permettre d’exiger des délais de livraisons courts de la part de leurs
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98
fournisseurs, tout en obtenant des bons taux de services. La collaboration ne serait donc
pas une obligation pour ces derniers, contrairement aux industriels pour lesquels le CPFR
représenterait une excellente opportunité d’accéder à des informations sur la demande
future, permettant de planifier les approvisionnements et la production d’une manière plus
fiable105.
Ainsi, les différents besoins de chaque partenaire commercial en matière de
collaboration peuvent également être considérés comme un autre frein au développement
du CPFR en Europe.
2.7. Des relations commerciales houleuses entre industriels et
distributeurs
Le dernier élément qui semble justifier notre deuxième hypothèse, selon laquelle
l’avenir du CPFR semble compromis en Europe, repose selon nous sur les actuelles
relations commerciales houleuses entre distributeurs et industriels européens. A ce sujet,
M. Antoine Ménard, Repacking HPC Manager chez Unilever, nous confia lors de notre
entretien, que ces tensions étaient particulièrement présentes sur le marché français avec
des distributeurs qui semblent profiter de leur puissance pour imposer des choix à leurs
différents fournisseurs, sous peine de déréférencer ces derniers. A ce titre, nous pouvons
ainsi citer les marges arrière, qui représentent des rémunérations ou remises différées
versées par le fournisseur au distributeur comme le financement des catalogues par
exemple.
Ainsi, selon M. Ménard, ces tensions commerciales sont un frein considérable à toute
forme de collaboration logistique. Contrairement à la Gestion Partagée des
approvisionnements, qui semble davantage bénéfique au distributeur, le CPFR fonctionne
selon un modèle gagnant-gagnant, basé sur la confiance et une volonté à échanger des
informations. A l’heure actuelle, il semblerait toutefois que le marché européen et plus
spécifiquement le marché français ne soient pas assez prêts à ce niveau de collaboration.
Cette affirmation a d’ailleurs été confirmée par Mlle Jayoung Clavel, opératrice CPFR au
sein de Samsung Electronics France, qui affirme que les distributeurs ne sont toujours pas
105 SMAROS J: ”Forecasting collaboration in the European grocery sector: Observations from a case study”, Journal of Operations Management, N°25, 2007, p702-716.
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99
prêts et peu enclins à échanger des informations, craignant par ce biais de perdre leur
position de force face aux industriels.
3. L’émergence de nouveaux modèles de logistique collaborative : l’exemple
du « Flowcasting »
Si la tendance générale au CPFR ne semble pas remise en cause aux Etats-Unis, il
semblerait toutefois qu’elle soit plus compromise en Europe, faute notamment à un marché
marqué par des tensions commerciales entre industriels et distributeurs. Ceci nous amène
donc logiquement à nous questionner sur les autres types de collaboration en matière de
logistique qui seraient propices à fonctionner non seulement aux Etats-Unis, mais
également en Europe dans les années à venir.
Nous avons en effet pu constater tout au long de ce travail que malgré de nombreux
concepts de logistique collaborative, tels que l’EDI, la GPA, le CPFR (…), industriels et
distributeurs continuent de se heurter au problème des ruptures en linéaires dans les
magasins qui s’élèvent aujourd’hui à environ 9% en Europe et à 8% aux Etats-Unis, ce qui
logiquement coûte très cher aux entreprises en matière de perte de chiffre d’affaires et de
fidélisation clients.
Parmi les organisations et stratégies logistiques qui prétendent pouvoir remédier à ce
type de problématique, nous pouvons notamment citer le concept de «Flowcasting »
développé par M. André Martin106, qui s’annonce en effet prometteur et par le biais duquel
nous avons choisi de conclure notre travail de mémoire.
106 André Martin est un spécialiste de l’intégration des chaînes de distribution et père concepteur
du DRP.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
100
3.1. Présentation du concept du « Flowcasting»
Contrairement à la Gestion Partagée des Approvisionnements (GPA) ou le CPFR, où
le calcul des prévisions se base sur les sorties en entrepôt du distributeur, le nouveau
paradigme dénommé « Flowcasting » repose sur une idée simple107:
� le seul endroit où il est juste et pertinent de faire de la prévision est sur le
Point de Vente (head of the Retail Supply Chain). Elle doit en outre être faite
entre tous les acteurs concernés par la connaissance des évènements du
magasin et repose donc sur une décision commune entre le distributeur et son
fournisseur ;
� cette prévision donne un ensemble unique de données, homogène et connu de
tous dans la chaîne logistique;
� à partir de cette prévision unique et partagée entre distributeur et industriel,
tout le reste doit être calculé (planification des stocks, approvisionnements,
niveau de ressources humaines, surface, équipements, etc…). Ceci représente
une grande différence par rapport aux organisations supply chain
traditionnelles, où chaque maillon de la chaîne logistique fait ses propres
prévisions.
En « Flowcasting », la planification des flux commence donc en point de vente, soit
au même endroit où se conclut l’exécution des flux. En effet, André Martin explique sa
démarche par le fait que dans la grande majorité des cas, les produits se retrouvant en
rupture en linéaires sont paradoxalement disponibles en entrepôts ou centres de distribution
des distributeurs. En d’autres termes, le taux de service au centre de distribution est bien
plus élevé que le taux de service en magasin.
107 MARTIN A : Conférence CNAM, 26/04/2007.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
101
3.2. Résultats escomptés avec le « Flowcasting »
Les premiers pilotes opérés sous la conduite de Monsieur MARTIN,
notamment au Mexique, ont donné des résultats spectaculaires108 :
� réduction du niveau des stocks de 50% en quelques semaines
� réduction des coûts de la supply chain de 1 à 6% du niveau des ventes
� retour des ruptures en linéaire à un niveau de 1 à 2% du nombre de
références.
3.3. Différence entre le CPFR et le « Flowcasting »
Il existe en effet beaucoup de similitudes entre le CPFR développé par le VICS et le
concept de « Flowcasting » de M. André Martin, à l’exemple d’un échange et d’une
décision commune entre distributeurs et industriels en matière de prévisions de ventes. Ce
dernier constate toutefois quelques différences très marquantes.
Selon lui, en organisation CPFR, les distributeurs partagent avec leurs fournisseurs
des informations sur les futurs niveaux de ventes. Cette information repose toutefois sur le
niveau des sorties des entrepôts ou centres de distribution des distributeurs qui livrent alors
les différents magasins. Dans ce type de fonctionnement, l’industriel a la responsabilité
d’approvisionner chaque centre de distribution selon les besoins de chacun, des quantités
sur lesquelles les deux partenaires s’étaient auparavant mis d’accord.
D’après André Martin, le CPFR est un excellent début, mais n´échanger que sur les
besoins des différents centres de distribution ne permettrait pas aux partenaires
commerciaux de se poser les questions essentielles : Que se passe-t-il au niveau des points
de ventes ? Quels sont les besoins de chaque magasin ?
108 MARTIN A: Conférence CNAM, 26/04/2007.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
102
Lors de notre entretien, M. Ménard évoqua ce manque de visibilité et nous confia
que le grand nombre d’enseignes de chaque distributeur empêchait une remontée
d’informations claires et menait à un manque de visibilité109.
Contrairement au CPFR, le « Flowcasting » est donc basé sur un échange
d’information et une collaboration en matière de prévisions de ventes en magasins et non
pas de besoins au niveau des centres de distribution. En ces termes, le « Flowcasting » va
plus loin en matière de collaboration que le CPFR.
4. Conclusion
En conclusion de cette quatrième partie, nous pouvons affirmer que la tendance
générale au CPFR n’est pas remise en cause. Au contraire, l’apparition de solutions
informatiques, telles que les places de marchés électroniques, facilite aujourd’hui
grandement des échanges sur des volumes et des prévisions de ventes et laisse supposer
que le CPFR deviendra une pratique incontournable dans les années à venir. Ce constat ne
semble toutefois pas aussi évident en Europe. Une organisation logistique de distribution
qui semble incompatible avec les processus CPFR, des actions de promotions beaucoup
plus nombreuses qu’aux Etats-Unis mais surtout des relations commerciales houleuses
entre distributeurs et industriels, sont autant d’éléments qui nous laissent supposer que
l’avenir du CPFR est plus compromis en Europe.
Malgré tout, nous restons persuadés qu’à terme, les relations commerciales entre
industriels et distributeurs ne pourront pas se passer de logistique collaborative. D’autres
concepts, à l’image du « Flowcasting » apparaissent et seront peut être plus adaptés aux
contraintes actuelles du marché européen.
109 KILCOURSE B: « A Retail Paradox: Cooperation vs Coercion », 15/01/2008, http://www.retailsystemsresearch.com/_document/summary/405.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
103
CONCLUSION FINALE, LIMITES ET ANALYSE CRITIQUE
Il y quelques années, le cœur de métier de la logistique consistait à acheminer une
commande d’un point A vers un point B. Aujourd’hui, comme nous l’avons expliqué tout
au long de ce travail, sa mission s’est élargie et enrichie puisque la chaîne logistique
couvre l’ensemble des actions qui conduisent à la livraison du bon produit, au bon
moment, au bon endroit dans les justes quantités et au moindre coût. Une concurrence
accrue sur les différents marchés poussant les entreprises à trouver des moyens pour
réduire les coûts, des consommateurs finaux de plus en exigeants en matière de qualité et
de disponibilité des produits dans les rayons et également plus volatiles et infidèles à la
marque, sont autant d’explications pour justifier l’importance croissante du Supply Chain
Management dans les stratégies d’entreprises.
Une approche transversale et intégrée, c'est-à-dire un échange d’informations étroit
entre différents départements d’une même entreprise permet de résoudre cette difficile
équation. Néanmoins, une transversalité essentiellement interne semble aujourd’hui
insuffisante. En effet, les meilleurs résultats s’obtiennent en considérant une transversalité
qui dépasse les frontières de l’entreprise110. Pour accomplir sa mission, l’entreprise doit
accepter de communiquer et de collaborer avec ses partenaires commerciaux, afin de
transformer la supply chain traditionnelle en une supply chain collaborative. Elle sera ainsi
en mesure de mieux répondre aux attentes des consommateurs finaux, objectif principal de
l’ECR. Dans cette optique, différentes formes de collaboration logistique entre industriels
et distributeurs, tels que l’EDI, la GPA et bien évidemment le CPFR, ont vu le jour.
Un des objectifs de notre travail était d´une part la présentation et l’analyse du
concept de CPFR. Nous avons ainsi pu constater que les avantages liés à une stratégie de
CPFR sont nombreux : réduction des coûts, meilleure gestion des stocks et amélioration
du taux de service, d´où une hausse des ventes et du chiffre d’affaires (…).
110 GRATACAP A, MEDAN P: « Management de la production », 2ème Edition, 2005, p349.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
104
Toutefois, le succès d’une stratégie CPFR n’est aucunement garanti et il existe de
nombreux freins à son expansion. En effet, il semblerait que le partage des informations
soit bridé par la crainte d’une perte de pouvoir et de divulguer des données sensibles111. En
outre, le coût d’implémentation d’une stratégie de CPFR, notamment en matière de
systèmes d’information et la difficulté à trouver le partenaire commercial idéal pour tenter
l’expérience, peuvent être cités parmi les inconvénients du CPFR.
A ce titre, une implication totale de la part des dirigeants d’entreprise pour soutenir et
expliquer l’intérêt de ce type de stratégie auprès des salariés est un élément-clé pour réussir
ce type de projet. En effet, le CPFR implique et exige un changement dans la mentalité des
salariés, basé sur une communication régulière et un échange d’informations avec le
partenaire commercial. Cette volonté de la part de la direction doit de plus être soutenue
par des systèmes d’information performants et une confiance mutuelle entre les partenaires
commerciaux pour assurer le bon déroulement d’une organisation en CPFR.
L´autre objectif était d´autre part de se questionner sur l’avenir du CPFR.
L’apparition de solutions informatiques, telles que les places de marchés électroniques,
facilite aujourd’hui grandement des échanges sur des volumes et des prévisions de ventes
et laisse supposer que le CPFR deviendra une pratique incontournable dans les années à
venir, notamment aux Etats-Unis. Les entretiens que nous avons effectués nous laissent
toutefois supposer que son avenir semblerait plus compromis en Europe, étant donné que
les relations commerciales entre industriels et distributeurs sont plus tendues et plus
houleuses. En France, par exemple, où les grands distributeurs sont clairement en position
de force par rapport à leurs fournisseurs, une collaboration logistique en matière de
prévisions des ventes est difficilement envisageable pour le moment. En outre, les
nombreuses actions de promotions impactant fortement sur le niveau des ventes sont plus
difficiles à gérer en matière de CPFR qu’une stratégie de Every Day Low Price, très
courante aux Etats-Unis.
Nous restons néanmoins persuadés qu´une logistique collaborative entre industriels et
distributeurs sera à l’avenir indispensable. A l’image du « Flowasting, d’autres modèles de
111 Logistiques Magazine: « Logistique collaborative : les blocages sautent lentement », supplément au N°223-224, 01/2008.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
105
coopération entre partenaires commerciaux apparaissent, offrant ainsi de nouveaux
avantages. En outre, les blocages psychologiques à ne pas échanger d´informations par
peur de perte de pouvoir devraient peu à peu disparaître et, grâce à une meilleure
collaboration, laisser place à l’enjeu des gains escomptés, comme la diminution des taux de
ruptures en linéaire par exemple. Pour conforter cette affirmation, nous pouvons nous
appuyer sur une déclaration de M. Bernard, PDG de Carrefour qui disait : « “... la
coopération entre industriels et distributeurs est énormément porteuse d'avenir, car ce ne
sont pas seulement les prix qu'il faut négocier (...), c'est l'ensemble des composants
stratégiques qu'il faut mettre en œuvre, c´est- à- dire bâtir ensemble des plans
promotionnels, réaménager la chaîne logistique, étudier l'assortiment utile (...). Je crois
beaucoup que dans des domaines aussi divers que les stratégies, les stratégies
internationales, l'innovation, le lancement rapide de produits, l'élaboration partagée des
plans promotionnels, l'approvisionnement partagé, le partage des données, les
assortiments optimisés, nous avons beaucoup à gagner avec nos fournisseurs..."112.
Nos recherches sur ce sujet nous ont permis d’acquérir de nouvelles connaissances et
de développer une réflexion plus scientifique, ce qui a éveillé en moi un enthousiasme
croissant à en comprendre la complexité des mécanismes.
Nous sommes cependant conscients que ce travail a ses limites. A mon avis, la
première réside dans le fait de ne pas avoir réussi à effectuer un entretien auprès d’un
grand distributeur tel que Carrefour ou Auchan par exemple, car il aurait été intéressant de
connaître leurs intérêts à travailler d’une manière collaborative avec leurs fournisseurs.
La deuxième concerne la partie consacrée à l’avenir du CPFR. Ce thème n’ayant pas
encore été réellement traité dans la littérature, je me suis uniquement basé sur mes
entretiens et les articles de presse.
112 LSA, n° 1786, 10/2008.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
106
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http://www.retailsystemsresearch.com/_document/summary/405
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
108
� Autres
� Cours de Mme Van Heems, Maitre de conférences, Paris 1 Panthéon Sorbonne
� Conférence CNAM : « Le pilotage en temps réel de la Supply Chain par la
demande clients », 26/04/2007
� Salon SITL Europe (Semaine Internationale de Transport et de Logistique), 11-
14/03/2008
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
109
ANNEXES
SOMMAIRE :
1. Guide d’entretien
2. Rapport d’entretien
3. Modules d’une architecture CPFR
4. Evolution du E-commerce en France
5. Questionnaire de recherche de partenaire commercial pour du CPFR
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
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1. Guide d’entretien
a) Guide d’entretien avec les industriels
Présentation de sa société :
Société:
Nom de la personne interviewée : Fonction :
Logistique collaborative :
� Quels sont selon vous les raisons qui poussent aujourd’hui les entreprises à se tourner vers de la logistique collaborative ?
� Quels sont selon les principaux avantages et les principaux inconvénients de la logistique collaborative entre industriels et distributeurs et plus précisément en matière de CPFR ?
Avantages : Freins :
� Quelle catégorie d’entreprise est plus concernée par le CPFR ? (Taille, activité)
� Quels sont les conditions de réussite du CPFR ?
� Pourquoi le CPFR ne fonctionne t-il pas aussi bien qu’aux USA ?
Dépendance
� La relation entre distributeur et industriel est-elle marquée par de la dépendance ?
� Quels sont les facteurs qui vont favoriser la dépendance au sein du CPFR ?
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
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� La dépendance est-elle équitablement répartie entre les deux partenaires ?
CPFR chez vous:
� Pourriez-vous décrire les processus CPFR chez vous?
� Avec quels clients travaillez-vous en CPFR ?
� Quels types et combien de produits sont concernés par le CPFR chez vous?
Avenir du CPFR :
� Comment voyez-vous l’avenir du CPFR ? - En Europe ? - Aux USA ?
� Quels éléments pourraient favoriser le développement du CPFR? - Le e-commerce ? - Les places de marchés électroniques?
b) Guide d’entretien avec la société PIWAN, cabinet de conseil
Présentation de sa société :
Société:
Nom de la personne interviewée : Fonction :
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
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Logistique collaborative :
� Quels sont selon vous les raisons qui poussent aujourd’hui les entreprises à se tourner vers de la logistique collaborative ?
� Quels sont selon les principaux avantages et les principaux inconvénients de la logistique collaborative entre industriels et distributeurs et plus précisément en matière de CPFR ?
Avantages : Freins :
� Quelle catégorie d’entreprise est plus concernée par le CPFR ? (Taille, activité)
� Quels sont les conditions de réussite du CPFR ?
� Pourquoi le CPFR ne fonctionne t-il pas aussi bien qu’aux USA ?
Dépendance
� La relation entre distributeur et industriel est-elle marquée par de la dépendance ?
� Quels sont les facteurs qui vont favoriser la dépendance au sein du CPFR ?
� La dépendance est-elle équitablement répartie entre les deux partenaires ?
Cabinet de conseils :
� Existe-il des cabinets de conseils spécialisés en matière de mise en place d’une logistique collaborative et CPFR ?
� Si oui, dans quels domaines interviennent-ils principalement ? (Systèmes d’information ?)
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
113
� Existe-il des systèmes d’information spécialisés en matière de logistique collaborative ?
Avenir du CPFR :
� Comment voyez-vous l’avenir du CPFR ? - En Europe ? - Aux USA ?
� Quels éléments pourraient favoriser le développement du CPFR? - Le e-commerce ? - Les places de marchés électroniques?
c) Guide d’entretien avec Mme Rausch, professeur en systèmes d’information
Présentation de la société :
Société: Nombre d‘employé :
Nom de la personne interviewé :
Fonction :
Logistique collaborative :
� Quels sont selon vous les raisons qui poussent aujourd’hui les entreprises à se tourner vers de la logistique collaborative ?
� Quels sont selon vous les principaux avantages et les principaux inconvénients de la logistique collaborative entre industriels et distributeurs et plus précisément en matière de CPFR ?
Avantages : Freins :
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
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� Quelle catégorie d’entreprise est plus concernée par le CPFR ? (Taille, activité)
� Quels sont les selon-vous les conditions de réussite du CPFR ?
� Pourquoi le CPFR ne fonctionne t-il pas en Europe, contrairement aux USA ?
Les systèmes d’information :
� Existe-il des systèmes d’information spécialisés en matière de logistique collaborative ?
� Comment définiriez-vous l’eExchange ?
� Pourriez-vous expliquer le rôle de l’eExchange au sein du CPFR ?
� Pourriez-vous expliquer l’importance des standards de communication tels que EANCOM et XML au sein d’une collaboration du type CPFR ?
Avenir du CPFR :
� Comment voyez-vous l’avenir du CPFR ? En Europe ? Aux USA ?
� Quels éléments pourraient selon-vous favoriser l’émergence du CPFR?
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
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2. Rapports d’entretien
Rapport de l’entretien téléphonique le 16/01/2008 avec M. Constant, Directeur de la
société Piwan, cabinet de conseil
Dans le cadre de mon mémoire, j’ai souhaité contacter M. Constant, Directeur du
cabinet de conseil Piwan. M. Constant était intervenu dans le cadre de mon Master
logistique à Paris I Panthéon Sorbonne pour notamment évoquer l’importance des
stratégies de collaboration entre différentes entreprises.
Cet entretien s’est déroulé le 16/01/2008 par téléphone.
Lors de cet entretien, M. Constant a notamment expliqué les raisons qui poussaient
les entreprises à se tourner de nos jours vers de la logistique collaborative. Selon, lui, il
existerait des parallèles avec le développement des nouvelles technologies qui
proposeraient des solutions adaptées à de la collaboration. Bien évidemment, M. Constant
a également répondu à la question des principaux avantages et risques des stratégies de
CPFR. Selon lui, le CPFR permet de réduire les coûts et d’instaurer une relation
commerciale de type gagnant-gagnant entre industriels et distributeurs. Toutefois, le
développement des collaborations logistiques serait de nos jours principalement freiné par
la volonté des acheteurs (distributeurs) à donner peu d’informations. De plus, il règne une
totale inégalité dans les négociations entre industriels et distributeurs.
A la question des conditions de réussite du CPFR, M. Constant à évoqué le rôle
indispensable des technologies
Lors de l’entretien nous avons également souhaité connaitre son avis pour expliquer
le non-succès du CPFR en Europe. Selon M. Constant, les nombreuses actions de
promotions rendent le CPFR difficile à implémenter en Europe. Il évoqua de plus, qu’il
sera difficile d’arriver à des stratégies de EDLP qui sont très courantes aux Etats-Unis. En
outre, le succès du CPFR aux USA s’explique selon M. Constant par le fait que le
distributeur Wal-Mart de part sa position dominante a quasi obligé ses fournisseurs à
adopter une stratégie de CPFR.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
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Lors de cet entretien, le rôle des cabinets de conseils en termes de logistique
collaborative a également été évoqué. Selon lui, il n’existe pas de cabinets de conseils
spécialisés dans ce type d’activité. Toutefois, certains travaillent essentiellement dans le
secteur de la grande distribution et livrent des conseils en matière d’optimisation des
processus et de mise en place de systèmes d’information.
A la question sur l’avenir du CPFR, M. Constant a répondu qu’il était difficilement
prévisible. Parmi les éléments qui pourraient cependant favoriser son développement en
Europe, M. Constant a expliqué qu’un recours à l’EDLP pourrait être un moyen.
Rapport de l’entretien téléphonique le 18/04/2008 avec M. Ménard, Repacking HPC
Manager, Unilever France
Dans le cadre de mon mémoire, j’ai souhaité contacter M. Antoine Menard,
Repacking HPC Manager chez Unilever France. M. Ménard est un ancien diplômé du
Master Logistique de Paris I Panthéon Sorbonne. Il a notamment participé à la mise en
place d’un projet CPFR entre Henkel et Carrefour.
Cet entretien s’est déroulé le 18/04/2008 par téléphone.
Selon M. Ménard, une meilleure gestion de l’obsolescence des produits notamment
dans le secteur de l’agroalimentaire mais également des meilleurs taux de services et une
réduction des ruptures en linéaires figurent parmi les principales raisons qui poussent les
entreprises à se tourner vers de la logistique collaborative. Bien évidemment, M. Ménard a
également répondu à la question des principaux avantages et risques des stratégies de
CPFR. Selon lui, le CPFR permettrait grâce à un travail en amont de mieux gérer et
coordonner les actions de promotions. En outre, en plus de réduire les coûts, le CPFR
permettrait d’obtenir des meilleurs taux de service ainsi qu’une meilleure gestion des
stocks. Parmi les inconvénients, M. Ménard a notamment cité le coût de mise en place des
systèmes d’information.
A la question quelle catégorie d’entreprise serait plus concernée par des pratiques de
CPFR, M. Ménard a répondu que cela dépendait des produits et de leur obsolescence. En
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
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ce qui concerne les conditions de réussite d’une implémentation de CPFR, M. Ménard
estime qu’il serait conseillé de commencer une collaboration sous forme d’EDI ou de GPA
avant de travailler en CPFR.
Lors de notre entretien nous avons également souhaité connaitre son avis pour
expliquer le non-succès du CPFR en Europe. Selon M. Ménard, le contexte économique
houleux et conflictuel entre industriels et distributeurs notamment en France ne facilite
aucunement une collaboration. A titre d’exemple, il nous cita notamment la pratique
courante des marges arrières, prouvant le pouvoir des distributeurs.
Parmi les thèmes évoqués lors de cet entretien figurait également la dépendance dans
le cadre du CPFR. Selon lui, dans une organisation CPFR, le distributeur est en position de
force, étant donné la faible part du fournisseur dans le chiffre d’affaires.
Enfin, nous avons tenu à connaitre l’avis de M. Ménard en ce qui concerne l’avenir
du CPFR. Il s’est notamment estimé peu confiant quant à l’avenir du CPFR en Europe,
comme en témoigne le faible nombre de projet CPFR à ce jour. Une augmentation des
pratiques CPFR ne pourrait selon lui que passer par le développement de nouvelles
technologies qui permettraient de mieux partager des informations et d’une manière plus
sûre.
Rapport de l’entretien le 15/04/2008 avec Mme Rausch, enseignante Paris I Panthéon
Sorbonne
Dans le cadre de mon mémoire, j’ai souhaité contacter Mme Katja Rausch,
enseignante en systèmes d’information à Paris I Panthéon Sorbonne. Selon nous, Mme
Rausch avait un avis très intéressant sur le rôle des nouvelles technologies dans le cadre
des stratégies de CPFR
Premièrement, Mme Rausch nous expliqua pourquoi les entreprises se tournaient de
jours de plus en plus vers de la logistique collaborative. Selon elle, la logistique
collaborative permet de répondre en amont et en aval aux impératifs de chaque business
compétitif. Dans cette optique, le CPFR opère sur un niveau stratégique, tactique et
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
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opérationnel. Il permet de garantir un mix performant de trois variables essentielles, le
temps, la relation et l’argent : 1) réactivité voire proactivité ultra-rapide – ECR et SCM 2)
satisfaction et fidélisation clients et fournisseurs – CRM et SRM et 3) réduction de coût
bilatéral – ROI.
Bien évidemment, nous avons également interrogé Mme Rausch sur les avantages et les
freins mais également les conditions de réussite de toute implémentation de CPFR. En ce
qui concerne les avantages, Mme Rausch évoqua que le CPFR permet une plus grande
réactivité et fluidité entrainant de surcroit une hausse du chiffre d’affaires. Le CPFR
permettrait en outre une meilleure précision dans les pronostiques d’approvisionnement et
de commandes. Selon Mme Rausch, le succès d’une stratégie de CPFR dépend des
éléments suivants :
1) Des objectifs stratégiques communs
2) Des employés éclairés et motivés
3) La maîtrise de la technologie
Le fait que le CPFR fonctionne beaucoup moins bien en Europe qu’aux USA a également
été confirmé par Mme Rausch. Ceci s’expliquant selon elle par le fait que le supply chain
management est une discipline, tout comme le marketing, qui a vu le jour aux USA et est
donc plus mature outre-atlantique. Ensuite, de par le fait que les USA ont une notion très
différente et beaucoup plus avancée du service client, du category management et du
marketing en général. Leur mise en application de l’ECR – élément indissociable du CPFR
- étant de plus agressive.
Notre entretien porta également sur des notions plus techniques en matière de systèmes
d’information. En effet, Mme Rausch nous expliqua notamment le terme et le rôle du e-
Exchange dans les stratégies de CPFR, mais également l’importance des standards de
communication tels que EANCOM et XML.
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
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Rapport de l’entretien le 15/04/2008 avec Mme Sadek Acquaviva, EDI & ECR Manager,
Samsung Electronics France
Dans le cadre de mon mémoire, j’ai souhaité effectuer un entretien avec Mme
Magadalena Sadek Acquaviva, EDI & ECR Manager chez Samsung Electronics France,
société dans laquelle j’effectue actuellement un stage de fin d’études. Selon nous, Mme
Sadek Acquaviva avait en tant qu’ECR Manager un avis très intéressant sur les différentes
logistiques collaboratives. Il est à noter que Samsung Electronics France opère
actuellement en mode CPFR avec les clients Boulanger, Fnac et Bouygues Telecom.
Dans un premier temps, Mme Sadek Acquaviva nous expliqua que la logistique
collaborative permettait principalement des économies de coûts en minimisant notamment
le niveau de stock. D’une manière plus précise, le CPFR quant à lui permettait une
globalisation des processus, permettant à chaque partenaire commercial de se sentir
impliqué. En outre, il permettrait d’établir une relation de confiance entre industriels et
distributeurs, ce qui engendrerait une hausse de productivité et de la fiabilité. Malgré son
attachement au CPFR, Mme Sadek Acquaviva n’oublia pas de nous citer les inconvénients
de cette pratique. Selon elle, un des principaux freins du CPFR serait la méfiance du
distributeur craignant que son fournisseur ne veuille que vendre un maximum de produits
dans l’optique de liquider son stock.
Un élément très intéressant que nous souligna Mme Sadek Acquaviva fut son avis
sur les conditions de réussite du CPFR. En effet, selon elle, il serait fortement conseillé de
passer par de l’EDI et éventuellement de la GPA avant de travailler en mode CPFR.
Parmi les thèmes évoqués lors de cet entretien figurait également la dépendance dans
le cadre du CPFR. Ce sujet a d’ailleurs largement été confirmé par Mme Sadek Acquaviva,
soulignant que les partenaires commerciaux se « mettaient à nus » dans le cadre de
transmission d’informations et étaient donc très dépendants l’un de l’autre. En d’autres
termes, l’envie de travailler ensemble est primordiale selon elle.
L’entretien s’est conclu sur une discussion sur l’avenir du CPFR. Contrairement aux
autres personnes interviewées dans le cadre de mon mémoire, Mme Sadek Acquaviva n’est
pas aussi négative sur l’avenir du CPFR. Selon elle, industriels et distributeurs devraient
Mémoire de fin d’études Master II Logistique Paris I Panthéon Sorbonne Année 2007/2008
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arriver un jour ou l’autre à collaborer, notamment en raison des enjeux économiques et la
pression sur les prix.
Rapport de l’entretien le 15/04/2008 avec Mme Jayoung Clavel, opératrice CPFR,
Samsung Electronics France
Dans le cadre de mon mémoire, j’ai souhaité effectuer un entretien avec Mme
Jayoung Clavel, opératrice CPFR chez Samsung Electronics France, société dans laquelle
j’effectue actuellement un stage de fin d’études. Il est à noter que Samsung Electronics
France opère actuellement en mode CPFR avec les clients Boulanger, Fnac et Bouygues
Telecom. Cet entretien fut très pertinent de par le fait que Mme Clavel m’expliqua et me
montra le principe de fonctionnement et les différents processus du CPFR entre Samsung
et ses clients.
Mme Clavel nous expliqua que tous les lundis matins Samsung reçoit les sorties en
entrepôt ainsi que les niveaux de stocks de chaque référence gérée en CPFR. Le lendemain,
le distributeur transmet via EDI ses prévisions de ventes à Samsung, qui s’en sert pour
transmettre des premières propositions de commandes. Le mercredi, l’industriel et le
distributeur organise une conférence téléphonique, avec l’objectif de se mettre d’accord sur
des quantités sur un horizon de 3 semaines. Suite à celle-ci Samsung envoie des nouvelles
propositions de commandes. Enfin, le vendredi, le distributeur passe ses commandes via
EDI, qui sont ensuite transmises aux usines de production de Samsung.
Bien évidemment, nous avons également souhaité connaitre l’avis de Mme Jayoung
Clavel sur l’avenir du CPFR. Elle nous expliqua que le principal frein à l’expansion du
CPFR en Europe reposait sur les relations commerciales houleuses entre industriels et
distributeurs. Selon elle, les distributeurs français n’avaient pas réellement envie de
partager des informations avec leurs fournisseurs par peur d’une perte de pouvoir.
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3. Modules d’une architecture CPFR
Source: Accenture for ECR: “A guide to CPFR Implementation”, April 2001
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4. Evolution du e-commerce en France
France : Evolution de l'e-commerce B to C
(Volumes d'affaires en milliards d'euros)
Année Volume d'affaires Progression
2005 7,0 + 44 %
2004 4,9 + 44 %
2003 3,4 + 54,5 %
2002 2,2 --
Source : Benchmark Group
France : Le e-commerce en BtoC par secteur d'activité en 2004
(Volumes d'affaires en milliards d'euros)
Sites spécialisés dans... 2004 Croissa
nce Poids
en 2004
Tourisme (voyage, transport, hôtellerie) 2.080 51 % 42 %
High-Tech (informatique, multimédia,
électronique grand public, électroménager)* 1.070 41 % 22 %
VPC généraliste** 625 49 % 13 %
Produits culturels (livres, disques, vidéos) 325 20 % 7 %
Cybermarchés (supermarchés en ligne) 154 11 % 3 %
Source : Benchmark Group
Source: http://www.journaldunet.com/cc/04_ecommerce/ecom_marche_fr.shtml
5. Questionnaire de recherche de partenaire commercial pour du CPFR
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