Master « Relations internationales et Actions à l’Etranger · Madame Cécile Hall, mon...
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Université Paris 1 Ecole nationale d’administration
Master « Relations internationales et Actions à l’Etranger »
Parcours « Administration publique et Affaires Internationales »
Les méthodes de travail et d’organisation de la coopération décentralisée : l’exemple des relations
entre la Région Île-de-France et la municipalité de Beijing
soutenu par
Xiaozhi CHAI
CIP Promotion Lucie Aubrac (2012-2013)
Sous la direction de Monsieur Richard BALME
Directeur du master International Public Management, École des Affaires Internationales, Sciences Po
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier du fond du cœur Monsieur Richard BALME, Directeur du master
International Public Management à l’École des Affaires Internationales de Sciences Po,
d’avoir accepté de diriger ce mémoire. Ses précieux conseils et ses orientations
méthodologiques judicieuses m’ont été d’une grande utilité pour la réalisation de ce travail.
Je souhaiterais remercier vivement Monsieur Jean-Noël BALÉO, Directeur général adjoint de
l’Unité Affaires internationales et européennes (UAIE) du Conseil régional d’Île-de-France, et
Monsieur Laurent PANDOLFI, Chargé de mission Asie et Océan indien de l’UAIE, pour me
faire partager généreusement leurs réflexions et expériences professionnelles.
Ma reconnaissance s’adresse aux Directions de l’ENA et de l’Université Paris 1, pour leur
partenariat sans lequel je n’aurais pas eu l’occasion de travailler ce mémoire, ainsi qu’à
Madame Cécile Hall, mon professeur en français langue étrangère, à l’ensemble du pôle
Masters et de l’équipe pédagogique de l’ENA, et à tous les intervenants qui ne ménagent
aucun effort pour la réussite de la formation du cycle international de perfectionnement.
Je voudrais remercier sincèrement Monsieur François Demay du temps qu’il a consacré pour
relire et corriger ce texte.
J’exprime aussi ma gratitude particulière aux membres du jury qui ont bien voulu accepter
d’apprécier ce travail et de l’enrichir par leurs savoir-faire respectifs.
Enfin, mes vifs remerciements vont à tous ceux, parents, amis et collègues de promotion du
CIP qui m’ont épaulée et aidée tout au long de cette étude.
LISTE DES ABRÉVIATIONS
ADF : Assemblée des départements de France
AIRPARIF : Association de surveillance de la qualité de l’air en Île-de-France
AMF : Association des maires de France
APCAE : Association du Peuple chinois pour l’amitié avec l’étranger
ARF : Association des Régions de France
CCRE : Conseil des Communes et Régions d’Europe
CGLU : Cités et Gouvernements Locaux Unis
CNCD : Commission nationale de la coopération décentralisée
CRT : Comité régional du tourisme
DAECL : Délégation pour l’action extérieure des collectivités locales
DAECT : Délégation pour l’action extérieure des collectivités territoriales
DGM : Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats
Errin : Réseau des régions européennes en matière de recherche et d’innovation
MAE : ministère des Affaires étrangères
MAEE : ministère des Affaires étrangères et européennes
OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques
ONG : organisations non gouvernementales
PIB : produit intérieur brut
Purple : Plate-forme européenne des régions périurbaines
UAIE : Unité Affaires internationales et européennes
UNESCO : Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture
1
SOMMAIRE
INTRODUCTION ..................................................................................................................... 2
PARTIE I : PANORAMA DE LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE EN FRANCE ET
EN CHINE ................................................................................................................................ 6
1.1 Définition de la coopération décentralisée ...................................................................... 6
1.1.1 Historique .................................................................................................................. 6
1.1.2 Définitions française et chinoise ................................................................................ 7
1.2 Outils juridiques et financiers de la coopération décentralisée ....................................... 8
1.2.1 Cadre juridique .......................................................................................................... 8
1.2.2 Financement des actions ............................................................................................ 9
1.3 Principaux acteurs de la coopération décentralisée ...................................................... 11
1.3.1 Organisations au niveau étatique ............................................................................ 11
1.3.2 Institutions dans les collectivités territoriales ......................................................... 13
PARTIE II : L’ÎLE-DE-FRANCE ET BEIJING : POUR UNE MEILLEURE
COOPÉRATION DECENTRALISÉE ................................................................................... 15
2.1 Statut capital similaire, coopération décentralisée différente ........................................ 15
2.1.1 L’Île-de-France : une expérience réussie ................................................................ 15
2.1.2 Beijing : une coopération décentralisée en développement .................................... 17
2.2 Un partenariat qui vaut la peine d’être établi et bien conduit ....................................... 19
2.2.1 Revue de la coopération décentralisée entre l’Île-de-France et Beijing ................. 19
2.2.2 Enjeux des échanges et coopération entre l’Île-de-France et Beijing ..................... 21
2.3 Un jumelage qui reste à améliorer ................................................................................. 23
2.3.1 Méthodes différentes : origines des relations peu concrétisées ............................... 23
2.3.2 Problèmes existants, limites et défis dans le système actuel de Beijing .................. 25
2.4 Pour une meilleure coopération décentralisée entre l’Île-de-France et Beijing ........... 26
2.4.1 Recommandations sur les méthodes de travail ........................................................ 26
2.4.2 Propositions sur les pistes de projets à envisager ................................................... 27
CONCLUSION ........................................................................................................................ 29
ANNEXES ............................................................................................................................... 31
ANNEXE I : Liste des collectivités partenaires de la Région Île-de-France ....................... 31
ANNEXE II : Liste des collectivités jumelées de la municipalité de Beijing ........................ 32
ANNEXE III : Accord de relations de jumelage-coopération entre la Région Île-de-France
de la République française et la municipalité de Beijing de la République populaire de Chine
(texte français) ...................................................................................................................... 34
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................. 35
2
INTRODUCTION
« S’il ne peut y avoir à l’évidence qu’une seule diplomatie française, il existe de nombreux
acteurs pour la mettre en valeur et en pratique. Cette diversité est une force, notamment la
richesse d’action des collectivités. C’est ce que j’ai appelé “la diplomatie démultipliée” »1.
La coopération décentralisée, avec ses formes d’intervention diversifiées et ses contenus
variés, constitue une opportunité réelle d’unir les énergies de différents acteurs (associations
nationales d’élus, collectivités territoriales et leurs groupements, expertises, etc.), en mettant
en œuvre des projets de territoire homogène et cohérent de la coopération à l’international.
La France est considérée comme pionnière dans l’action internationale des collectivités
territoriales. Les 26 Régions, plus des trois-quarts des départements, la quasi-totalité des
grandes villes et des communautés urbaines, de très nombreuses communes moyennes ou
petites et un nombre croissant de structures intercommunales sont actuellement impliquées
dans des projets de coopération à l’international. Aujourd’hui, vingt ans après l’adoption de la
loi organisant le cadre juridique de la coopération décentralisée et créant la Commission
nationale de la coopération décentralisée (CNCD), 4 808 collectivités territoriales françaises
(Régions, départements, communes et structures intercommunales) engagées à l’international
mènent 12 655 projets de coopération décentralisée avec leurs 10 248 collectivités locales
partenaires dans 147 pays2.
En Chine, il n’existe pas de terme équivalent à celui de « coopération décentralisée », ni de
loi confiant de manière directe une compétence diplomatique aux collectivités territoriales.
Les relations extérieures des collectivités territoriales chinoises prennent le plus souvent la
forme du jumelage ou du partenariat, reposant sur un accord d’amitié et de coopération ou sur
un mémorandum. Le jumelage conclu en 1973 entre la ville chinoise de Tianjin et la cité
japonaise de Kobe marque le début des actions dans ce domaine. Jusqu’ici, 30 provinces,
régions autonomes et municipalités relevant directement de l’autorité centrale (non compris
Taiwan et les Régions administratives spéciales de Hong Kong et de Macao), ainsi que 404
1 Extraits du discours de Laurent Fabius - Séance plénière de la CNCD (29 janvier 2013).
2 http://www.cncd.fr/frontoffice/bdd-monde.asp
3
villes chinoises ont établi 1 936 jumelages avec 438 départements et 1 336 communes dans
130 pays sur les cinq continents3.
En tant que Région-capitale respective de la France et de la Chine, l’Île-de-France et Beijing
revêtent certainement un caractère représentatif de la coopération décentralisée dans les deux
pays. De plus, il convient de souligner que ces deux collectivités ont noué en 1987 des
relations de jumelage entre elles. Basés sur un statut similaire et confrontés à des défis
communs tels que la protection environnementale, le transport et l’urbanisme, l’Île-de-France
et Beijing ont exprimé, depuis toujours, une volonté manifeste et une envie croissante
d’approfondir leurs échanges et leur coopération. D’une part, grâce aux efforts conjugués des
deux parties, une dynamique de développement a été maintenue dans leur partenariat, surtout
au sens « protocolaire », et quelques liens ont été également établis, dans le cadre de ce
jumelage, entre des circonscriptions administratives relevant des deux collectivités. D’autre
part, une définition des axes prioritaires de coopération débouchant sur des projets concrets
paraît vraiment nécessaire pour relancer et dynamiser des relations d’amitié établies de longue
date.
Intérêt du sujet
Par rapport aux pays développés comme la France, la Chine est en retard dans le domaine de
la coopération décentralisée, tant quantitativement que qualitativement. Ce sujet ne fait pas
l’objet en Chine de très nombreuses études mais son rôle ne devrait pas être sous-estimé.
Moyen principal de la diplomatie des villes chinoises, « véhicule » important de la diplomatie
publique et de la diplomatie non gouvernementale de ce pays, la coopération décentralisée
constitue une partie non négligeable de la diplomatie globale de la Chine et aussi une
plate-forme importante pour l’application de sa politique d’ouverture sur l’extérieur. Dans ce
contexte, l’étude de cas portant sur les relations entre la municipalité de Beijing, capitale et
centre des échanges internationaux de la Chine, et son partenaire francilien revêt une
signification particulière.
Sur le plan professionnel, ce mémoire a pour objectif de faire mieux comprendre les méthodes
3 http://www.cpaffc.org.cn/content/details25-23067.html
4
de travail et d’organisation de la coopération décentralisée en France et en Chine et surtout
leurs différences. Il vise également, avec une comparaison entre l’Île-de-France et Beijing, à
formuler des recommandations pour une amélioration de la partie pékinoise qui favorise un
meilleur partenariat entre les deux collectivités. Sur le plan personnel, cette étude permet de
lier les connaissances acquises dans le cadre du module d’enseignement « Institutions et
administration » de l’ENA, avec mon expérience professionnelle au Bureau des Affaires
extérieures de la municipalité de Beijing et mon stage effectué à l’Unité Affaires
internationales et européennes (UAIE) du Conseil régional d’Île-de-France. Cela m’invite à
réfléchir à la façon de collaborer avec mes homologues français pour mieux travailler
ensemble dans le futur.
Problématique
Par rapport aux relations d’amitié et de coopération entre l’Île-de-France et Beijing qui
remontent à 26 ans et à l’échange de visites assez fréquent ces dernières années, les
réalisations concrètes entre les deux collectivités se sont révélées moins fructueuses et laissent
plutôt à désirer. Pourquoi ce manque de pragmatisme a-t-il perduré si longtemps malgré les
intérêts et les souhaits communs ? Compte tenu des enjeux du partenariat entre les deux
parties, comment peut-on mieux développer les échanges et la coopération et quelles pistes
pourrait-on envisager pour des projets ? Voilà les questions que cette étude tentera de traiter.
Annonce du plan
La première partie du mémoire porte sur la situation générale de la coopération décentralisée
en France et en Chine. Suite à une brève présentation de l’historique et des définitions
française et chinoise de ce concept, sont abordées les thématiques correspondant aux
« méthodes de travail et d’organisation », à savoir le cadre juridique, le financement, et les
principaux acteurs aux niveaux national et local de la coopération décentralisée des deux pays,
ce qui permet d’avoir une vue d’ensemble de leurs différences dans ce domaine.
La deuxième partie se consacre à l’exemple des relations entre la Région Île-de-France et la
municipalité de Beijing. Elle commence par les aperçus respectifs de la coopération
décentralisée en Île-de-France et à Beijing, et passe ensuite en revue les échanges et la
5
coopération réalisés entre les deux collectivités sans oublier de souligner l’importance de leur
partenariat. Prenant en considération une absence de concrétisation dans ce jumelage, elle en
analyse les raisons qui résident plutôt dans les différences des méthodes de travail et
d’organisation, et examine dans ce sens les problèmes existants, les limites et les défis que
rencontre le système actuel de la municipalité de Beijing. Ce chapitre se termine par une
tentative d’avancer des propositions d’amélioration tant sur les méthodes de travail que sur les
axes prioritaires de coopération afin de contribuer à une meilleure coopération décentralisée
entre l’Île-de-France et Beijing, ce qui donne ainsi une réponse à la problématique que
voudrait traiter cette étude.
6
PARTIE I : PANORAMA DE LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE EN FRANCE
ET EN CHINE
1.1 Définition de la coopération décentralisée
1.1.1 Historique
En France, les origines des relations entre les collectivités locales et les collectivités
étrangères remontent aux jumelages mis en place après la Seconde Guerre mondiale. Ces
initiatives ont d’accord cherché à développer des liens d’amitié, de solidarité et culturels
visant à la réconciliation et à une meilleure compréhension entre les peuples.
Dès le début de la construction européenne, le Conseil de l’Europe et la Communauté
européenne encouragent les rapprochements de collectivités locales au sein du nouvel espace
européen. Des liens se nouent entre pays frontaliers pour des raisons de proximité
géographique, d’intérêts économiques, de ressemblances culturelles, de convergences de
problèmes, etc.
À partir des années 1960, avec l’accès à l’indépendance des pays africains et l’émergence du
tiers monde sur la scène internationale, on a vu se développer les « jumelages-coopération ».
Expression d’une solidarité Nord-Sud, ces « jumelages-coopération » unissent des
collectivités locales de pays « industrialisés » et de pays « en voie de développement », afin
d’établir une nouvelle forme de coopération, à laquelle s’ajoutera ensuite une dimension
d’appui au développement.
Aujourd’hui, la coopération décentralisée des collectivités territoriales françaises se fonde
encore sur ses trois origines historiques du jumelage, de la coopération transfrontalière et des
actions de développement, mais une tendance nette se dessine en faveur d’une véritable
stratégie internationale, s’appuyant sur un champ d’action géographique étendu et des accords
de coopération aux contenus diversifiés4.
4 Holman Claire, « La coopération décentralisée : Réflexion sur les enjeux, les limites et les perspectives d’avenir », mémoire
de DESS du Management du secteur public : Collectivités et partenaires, 2003.
7
En Chine, le jumelage est apparu en 1973 avec les relations établies entre la municipalité de
Tianjin et la ville japonaise de Kobe. Au cours de 40 ans, il a connu trois phases de
développement.
Entre 1973 et 1978 se place la phase de « démarrage », où les collectivités territoriales
chinoises n’ont été jumelées qu’avec six collectivités étrangères d’un seul pays, le Japon.
Pendant une deuxième phase allant de 1979 à 1991, 390 partenariats se sont noués avec
plusieurs pays5, couvrant divers domaines tels que l’économie, la culture, l’éducation et la
formation. L’action internationale de la Chine au niveau local est entrée alors dans une étape
de « développement approfondi ». Depuis 1992, les relations de jumelage ont remporté des
succès remarquables avec l’application de la politique de réforme et d’ouverture sur
l’extérieur et l’augmentation de la puissance économique des collectivités chinoises, ainsi
s’ouvrant une troisième phase caractérisée par des « échanges dynamiques ».
Malgré tous les progrès réalisés en peu de temps, la Chine a encore bien du chemin à faire en
matière de coopération décentralisée. Au sein du pays, le développement est déséquilibré
entre les régions, marqué par un essor tardif du Centre-Ouest. Sur le plan international, les
relations avancent à pas comptés avec l’Afrique, l’Amérique latine, l’Asie du Sud et aussi
l’Europe du Sud-Est.
1.1.2 Définitions française et chinoise
En France, la coopération décentralisée repose sur des conventions liant la collectivité à un
partenaire clairement identifié. Elle inclut l’ensemble des actions de coopération
internationale menées dans un intérêt commun entre une ou plusieurs collectivités territoriales
(Régions, départements, communes et leurs groupements) et une ou plusieurs autorités locales
étrangères. Instrument efficace et pertinent, la coopération décentralisée mobilise toutes les
compétences des collectivités territoriales, s’appliquant sous des formes diversifiées :
jumelages, jumelages-coopération, projets de développement, échanges techniques,
opérations de promotion économique, coopération transfrontalière.
5 http://www.cpaffc.org.cn/content/details25-23067.html
8
Il convient de noter que la définition française de la coopération décentralisée se différencie
de la conception européenne. Cette dernière couvre, à part la coopération réalisée par les
collectivités territoriales, toutes les actions mises en place par les associations, groupements et
organisations non gouvernementales (ONG)6.
En Chine, la coopération décentralisée, terme qui n’a pas d’équivalent dans le vocabulaire
chinois, s’inscrit dans un contexte pragmatique « lié au jeu de pouvoir entre le niveau
national et celui des gouvernements locaux »7. Cette coopération peut prendre la forme de
projets ponctuels et concrets ou de relations d’amitié et de coopération, avant d’être
« officialisée » et formalisée par un accord de jumelage signé par les autorités locales
chinoises et leurs partenaires étrangers. Ce type d’accord est ainsi la manifestation la plus
formelle et aussi la plus reconnue que prend la coopération décentralisée en Chine.
1.2 Outils juridiques et financiers de la coopération décentralisée
1.2.1 Cadre juridique
France
La loi de décentralisation de 1982, seule à faire mention de la coopération transfrontalière
dans son article 65, donne un début de légitimité en matière de coopération décentralisée des
collectivités territoriales françaises. La notion d’action extérieure est reconnue un an plus tard
par la circulaire du Premier ministre du 26 mai 1983 qui crée la Délégation pour l’action
extérieure des collectivités locales (DAECL), devenue en 2009 la Délégation pour l’action
extérieure des collectivités territoriales (DAECT)8.
6 Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), Direction générale de la coopération internationale et du
développement, le délégué pour l’action extérieure des collectivités locales, ministère des Affaires étrangères, Guide de la coopération décentralisée, échanges et partenariats internationaux des collectivités territoriales, Paris, 2
e édition, 2006, 178
p. 7
Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, Évaluation de la coopération décentralisée franco-chinoise, évolution et impact des actions, synthèse du rapport, Paris, ministère des Affaires étrangères et européennes, 2011, http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/les-ministres-et-le-ministere/publications/enjeux-planetaires-cooperation/evaluations/evaluations-2012/article/evaluation-de-la-cooperation 8 http://www.cncd.fr/frontoffice/article.asp?menuid=139&lv=2&aid=212
9
La loi d’orientation du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République
donne aux collectivités une véritable autonomie. Elle les autorise à mener des coopérations
dans la limite de leurs compétences et à signer des conventions avec des autorités locales
étrangères sous la réserve du respect des engagements internationaux de la France. Cette loi
crée également la CNCD.
La loi Thiollière de 2007, qui conforte et élargit la loi de 1992, permet aux collectivités
territoriales et à leurs groupements de mettre en œuvre ou de financer des actions à caractère
humanitaire dans les cas d’urgence, faisant de l’action internationale une compétence à part
entière des collectivités territoriales françaises.
Chine
S’il existe un cadre légal pour la coopération décentralisée en France, il n’y a pas de texte
formel définissant juridiquement les compétences des gouvernements locaux chinois dans le
domaine de la coopération décentralisée. Conformément à la Constitution de la République
populaire de Chine (article 107) et à la loi de la République populaire de Chine sur
l’organisation des assemblées populaires locales et des gouvernements populaires locaux aux
différents échelons (article 59), les gouvernements populaires locaux à l’échelon du district ou
à un échelon supérieur, dans les limites des pouvoirs qui leur sont conférés par la loi, dirigent
dans leur circonscription administrative les domaines d’activités suivants : l’économie,
l’éducation, les sciences, la culture, la santé publique, les sports, la construction urbaine et
rurale, les finances, les affaires civiles, la sécurité publique, les affaires ethniques,
l’administration judiciaire, l’inspection, la planification familiale, et les autres tâches
administratives.
Dans la pratique, les gouvernements locaux chinois décident de leurs stratégies et de leur plan
d’action à l’international et peuvent signer des conventions avec des collectivités territoriales
étrangères dans tous les domaines de leurs compétences.
1.2.2 Financement des actions
En France, les actions de coopération décentralisée sont financées d’abord par les
10
collectivités territoriales sur leurs ressources propres. Les collectivités doivent définir leur
participation financière à la coopération décentralisée dans le cadre du budget annuel, en lui
affectant une enveloppe budgétaire spécifique qui peut être répartie dans les différents
chapitres d’investissement, de fonctionnement ou de subvention sous la forme de frais
généraux, ou encore de subventions accordées à des associations9.
Les conseils régionaux, les conseils généraux et les municipalités peuvent solliciter le soutien
de l’État pour un cofinancement de leurs opérations de coopération décentralisée. Depuis
2007, le ministère des Affaires étrangères et européennes (MAEE), en collaboration avec les
préfectures de Région et les ambassades, conduit une politique de partenariat avec les
collectivités territoriales, fondée sur des appels à projets triennaux et annuels qui doivent
répondre à différentes exigences qualitatives et dont le montage institutionnel et financier est
soumis à des conditions précises. Ce cofinancement est attribué à des projets qui présentent
un intérêt particulier au regard des priorités de l’État, correspondant à la fois aux grandes
orientations de la politique de coopération du pays et aux domaines d’excellence des
collectivités territoriales. L’objectif reste en effet la mobilisation des collectivités territoriales,
d’abord sur leur savoir-faire en matière de développement de territoires et celle des acteurs
locaux, en leur proposant un partenariat qui puisse donner plus de cohérence et d’efficacité à
leurs actions. Les programmes de cofinancement sont élaborés et mis en place par la
DAECT10
.
En Chine, en général, le financement de la coopération décentralisée repose entièrement sur
le budget des collectivités territoriales chinoises et celui des collectivités locales partenaires. Il
n’existe pas de système de subvention géré par l’État comme c’est le cas en France. Ce
financement provient directement des taxes prélevées par les collectivités au niveau local et
non d’une redistribution par le gouvernement central. Ce système assure ainsi une certaine
9 Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), Direction générale de la coopération internationale et du
développement, le délégué pour l’action extérieure des collectivités locales, ministère des Affaires étrangères, Guide de la coopération décentralisée, échanges et partenariats internationaux des collectivités territoriales, Paris, 2
e édition, 2006, 178
p. 10
Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, Délégation pour l’action extérieure des collectivités territoriales, Coopération décentralisée et action extérieure des collectivités locales : état des lieux, Paris, ministère des Affaires étrangères et européennes, 2011, http://www.cncd.fr/frontoffice/article.asp?menuid=166&lv=2&aid=235
11
part d’autonomie aux collectivités dans leur choix et dans leur gestion de la coopération
décentralisée.
Toutefois, les régions les plus démunies ont la possibilité de bénéficier d’un appui financier de
la part de l’État central, ce qui arrive plutôt dans les cas où pourrait être appliquée une
politique privilégiée du gouvernement central, comme par exemple celle de la mise en valeur
des régions du Centre et de l’Ouest de la Chine.
1.3 Principaux acteurs de la coopération décentralisée
1.3.1 Organisations au niveau étatique
France
La définition française de la coopération décentralisée est une notion légale, ainsi l’État est-il
avant tout le garant de la légalité des actions menées par les collectivités territoriales en cette
matière. La loi lui confie en effet le soin de veiller au respect par les collectivités territoriales
des engagements internationaux de la France et fixe l’ordonnancement général des
compétences locales dans le cadre de la décentralisation. La CNCD, la DAECT et le réseau
diplomatique sont les principaux acteurs français au niveau national de la coopération
décentralisée.
Rattachée au Premier ministre et réunissant tous les acteurs de la coopération décentralisée, la
CNCD est l’instrument privilégié du dialogue entre l’État et les collectivités territoriales,
ayant pour objectif de formuler des propositions visant à améliorer les modalités d’exercice
de la coopération décentralisée. Le secrétariat de la Commission et la mise en œuvre de sa
politique sont assurés au sein du ministère des Affaires étrangères (MAE) par la DAECT, en
charge de la coordination interministérielle. La CNCD tient et met à jour un état de la
coopération décentralisé, l’Atlas français de la coopération décentralisée, disponible sur le site
du MAE11
.
11
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/action-exterieure-des/atlas-francais-de-la-cooperation/
12
Intégrée à la Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats
(DGM) du MAE, la DAECT est l’entrée unique pour l’appui à l’action internationale des
pouvoirs publics locaux. Elle définit et met en œuvre, en concertation avec les ambassades et
la CNCD, la stratégie de soutien et de développement de la coopération décentralisée. Elle
agit comme un centre de ressources et d’appui aux collectivités territoriales : soutien juridique,
services d’information, analyse et conseils auprès des collectivités. Elle met en place des
outils favorisant la mise en cohérence et la mutualisation (assises bilatérales, portail de la
coopération décentralisée, publications)12
.
À l’étranger, le rôle de l’État sur l’accompagnement des opérations de coopération
décentralisée est assuré par les ambassades et les consulats généraux, qui ont notamment pour
mission d’informer les collectivités territoriales sur le cadre général politique, économique,
social et culturel dans lequel elles agissent. Inversement, ils doivent recueillir et retransmettre
l’information que ces dernières sont susceptibles de leur fournir13
.
Chine
Côté étatique, les principaux acteurs de la coopération décentralisée sont le MAE chinois,
l’Association du Peuple chinois pour l’amitié avec l’étranger (APCAE) et d’autres ministères
selon les thématiques couvertes par les différentes coopérations.
Parmi les fonctions du MAE chinois, un certain nombre concernent les responsabilités vis à
vis des gouvernements locaux et de l’APCAE, à savoir : se charger de la protection et de
l’assistance consulaires, coordonner les actions menées par les départements concernés et les
gouvernements locaux et guider les missions diplomatiques et consulaires accréditées à
l’étranger dans leur travail de protection et d’assistance consulaires, publier les informations
d’alerte sur la protection et l’assistance consulaires (point 11) ; guider et coordonner le travail
sur les affaires extérieures entre les collectivités locales et les départements du Conseil des
Affaires d’État, vérifier les règlements importants sur les affaires extérieures concernant les
12
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/action-exterieure-des/presentation-et-activites-de-la/ 13
Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), Direction générale de la coopération internationale et du développement, le délégué pour l’action extérieure des collectivités locales, ministère des Affaires étrangères, Guide de la coopération décentralisée, échanges et partenariats internationaux des collectivités territoriale, Paris, 2
e édition, 2006, 178
p.
13
autorités locales et les différents services du Conseil des Affaires d’État ainsi que les
demandes d’instructions ayant trait aux affaires extérieures à présenter au Conseil des
Affaires d’État, étudier et formuler, conjointement avec les services compétents, des
propositions sur le traitement des cas de grave violation des règlements et disciplines
concernant les affaires extérieures (point 14) ; coordonner le travail de l’APCAE (point 18)14
.
Créée en 1954, l’APCAE est une association populaire nationale engagée dans la diplomatie
non gouvernementale de la Chine. Une de ses principales missions consiste à coordonner et à
gérer, sur mandat du gouvernement, l’établissement et le développement des jumelages entre
les collectivités territoriales chinoises et étrangères, afin de promouvoir leurs échanges et
coopération. En d’autres termes, elle est chargée de valider et d’enregistrer ces jumelages.
Membre de Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU)15
, l’APCAE participe à la
coopération internationale au nom des gouvernements locaux chinois16
.
1.3.2 Institutions dans les collectivités territoriales
France
Au niveau local, les collectivités territoriales françaises, avec leurs groupements, constituent
les acteurs essentiels de la coopération décentralisée. Sur le plan administratif, les collectivités
ont mis en place des modes d’organisation différentes en fonction des objectifs adaptés à la
politique de coopération décentralisée retenue comme à l’importance de la collectivité. Ces
institutions peuvent être les suivantes : service ou direction des relations internationales et de
la coopération décentralisée, mission internationale placée auprès du directeur ou du
secrétaire général, bureau des « relations internationales » (au sein de la direction des affaires
économiques), bureau des « jumelages », chargé de mission pour les relations internationales,
etc.17
.
De nombreuses organisations représentatives des collectivités territoriales s’investissent dans
14
http://www.fmprc.gov.cn/fra/wjb/zyf/ 15
http://www.uclg.org/ 16
http://en.cpaffc.org.cn/introduction/agrintr.html 17
Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), Direction générale de la coopération internationale et du développement, le délégué pour l’action extérieure des collectivités locales, ministère des Affaires étrangères, Guide de la coopération décentralisée, échanges et partenariats internationaux des collectivités territoriales, Paris, 2
e édition, 2006, 178
p.
14
la coopération décentralisée. Trois d’entre elles concernent les différents échelons
administratifs de la décentralisation : l’Association des Régions de France (ARF) pour les
conseils régionaux, l’Assemblée des départements de France (ADF) pour les départements,
l’Association des maires de France (AMF) pour les villes. Par ailleurs, Cités Unies France
(CUF) fédère des collectivités locales très impliquées dans la coopération internationale18
.
Chine
En Chine, comme en France, les gouvernements locaux sont certainement les principaux
acteurs de la coopération décentralisée. Le MAE chinois et l’APCAE sont respectivement
représentés, à l’échelon local, par le bureau des Affaires extérieures et celui de l’APCAE dans
chaque collectivité territoriale. Pourtant, il faut souligner que ces deux bureaux ne dépendent
pas directement de leurs « autorités supérieures » qui jouent plutôt un rôle de « guide ».
D’ailleurs, il convient de préciser que dans la plupart des cas, le bureau des Affaires
extérieures, organisme du gouvernement local, est le « véritable » service chargé de la
coopération décentralisée. Le bureau local de l’APCAE, en tant qu’association populaire
revêtant une nature d’établissement d’intérêt public, n’intervient que dans les relations
d’amitié non gouvernementales. Il peut également arriver, surtout dans de moyennes et petites
villes, qu’un seul bureau assume les deux missions.
18
Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, Évaluation de la coopération décentralisée franco-chinoise, évolution et impact des actions, Paris, ministère des Affaires étrangères et européennes, 2011, http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/les-ministres-et-le-ministere/publications/enjeux-planetaires-cooperation/evaluations/evaluations-2012/article/evaluation-de-la-cooperation
15
PARTIE II : L’ÎLE-DE-FRANCE ET BEIJING : POUR UNE MEILLEURE
COOPÉRATION DECENTRALISÉE
2.1 Statut capital similaire, coopération décentralisée différente
2.1.1 L’Île-de-France : une expérience réussie
L’Île-de-France, en tant que Région, a été créée en 1976. Dès 1983, elle signait son premier
accord de coopération avec la Communauté urbaine de Montréal et n’a, depuis, cessé d’agir
activement à l’international.
La Région développe une politique internationale et européenne ambitieuse et volontariste,
qui s’inscrit dans la durée au profit d’un développement commun. Autrement dit, c’est une
politique empreinte de respect mutuel, d’efficacité au service du développement durable des
régions partenaires et de solidarité envers les populations. « Région d’Europe et région du
monde », l’Île-de-France met en œuvre des partenariats stratégiques, soutient des initiatives
emblématiques au service des populations et du développement d’autres territoires, et
promeut les échanges et les partages d’expertise avec d’autres collectivités dans le monde19
.
Pour autant, cette politique de coopération décentralisée, originale dans sa forme et effective
dans sa mise en œuvre, est également un outil supplémentaire au service du développement
économique de la Région, de soutien à la francophonie, d’une plus grande ouverture sur le
monde pour les jeunes, de relais pour exprimer les savoir-faire et les acquis de l’Île-de-France,
et de soutien à sa société civile fortement engagée dans la solidarité internationale.
Hors d’Europe, la Région est présente dans treize zones géographiques (Annexe I). Ces
coopérations sont bâties autour d’une relation institutionnelle forte, unissant la Région à
chacune des collectivités partenaires. Elles reposent sur des accords de coopération et font
l’objet de programmations pluriannuelles définies par des comités mixtes de coopération
réunissant régulièrement les élus des deux parties qui assurent aussi un suivi et une évaluation
19
Unité Affaires internationales et européennes, L’Île-de-France, région-monde, Paris, Conseil régional d’Île-de-France, 2012, http://www.iledefrance.fr/missions-et-competences/europe-international/
16
des actions réalisées conjointement.
Naturellement, ces coopérations se distinguent l’une de l’autre selon qu’elles concernent des
partenaires de différents types. Le partenariat avec les collectivités africaines est avant tout
une coopération de solidarité qui intègre une composante importante de transfert de
savoir-faire administratif et technique. Elle vise prioritairement à asseoir la crédibilité des
institutions partenaires en participant à leur structuration et en facilitant la mise en œuvre de
politiques de développement local ou régional cohérentes et efficaces. Avec les partenaires
des pays émergents, la coopération porte sur des questions plus techniques du développement
urbain, induisant pour l’Île-de-France une dimension d’expertise plus importante qu’une
éventuelle aide financière20
.
En Europe, la Région Île-de-France étend son influence à Bruxelles avec la participation à des
programmes européens, surtout dans le domaine du développement durable. Elle est
également active au sein de plusieurs réseaux européens correspondant aux priorités
régionales, dont le Conseil des Communes et Régions d’Europe (CCRE), Plate-forme
européenne des régions périurbaines (Purple), le Réseau des régions européennes en matière
de recherche et d’innovation (Errin), etc. Quant aux partenariats européens, la Région est liée
par des accords de coopération à la ville de Budapest en Hongrie, la région de la Mazovie en
Pologne, la région de Bruxelles-Capitale en Belgique et le land de Brandebourg en
Allemagne.
Sur le plan institutionnel, l’Unité Affaires internationales et européennes (UAIE), une des
unités opérationnelles au sein du conseil régional, est le principal acteur exécutif de l’action
internationale de l’Île-de-France. Fort d’une trentaine d’agents et composé de deux directions
(Direction Affaires internationales et Direction Affaires européennes), ce service de taille
modeste assume en revanche des responsabilités importantes : la coordination des actions
européennes mises en place par la Région et le suivi des fonds structurels et des programmes
européens ; la coopération décentralisée dans treize zones prioritaires ; la promotion de la
20
Huchon Jean-Paul, « La coopération décentralisée de la région Île-de-France : une expérience réussie », Revue internationale et stratégique, n° 46, 2002, p. 81-86.
17
francophonie.
2.1.2 Beijing : une coopération décentralisée en développement
Dans un État unitaire comme la Chine, le niveau de la décentralisation n’est pas aussi élevé
qu’en France, et les affaires extérieures des collectivités territoriales constituent une partie
importante de la diplomatie globale du pays. En tant que capitale et en même temps centre
politique, culturel et des échanges internationaux de la Chine, la ville de Beijing joue un rôle
particulier à cet égard. De la fondation de la République populaire de Chine en 1949 à nos
jours, la coopération décentralisée de la municipalité de Beijing a connu quatre phases de
développement, dont chacune est marquée par un rapport différent avec la diplomatie
nationale.
Lors de la première période qui va de 1949 à 1978, la diplomatie du gouvernement central a
revêtu un caractère expérimental et la municipalité de Beijing a démarré ses premières
relations avec l’étranger. À cette époque, le pouvoir des gouvernements locaux s’est limité à
« l’édification économique, culturelle et des services publics »21
ainsi qu’à quelques d’autres
affaires territoriales. La municipalité de Beijing, sous la direction intégrale du gouvernement
central, n’avait guère de pouvoir de décision autonome dans ses actions internationales dont la
très grande majorité consistait à remplir les missions mandatées par l’État. Dans le contexte
où les relations diplomatiques ont été établies entre la Chine et des pays socialistes et d’autres
États amis au milieu des années 50, la municipalité de Beijing a commencé ses échanges
internationaux avec la capitale et des grandes villes de certains pays de l’Europe de l’Est, de
l’Asie du Sud et de pays limitrophes comme le Japon. Dans les années 60 et 70, elle a
renforcé les liens avec la capitale et certaines métropoles des pays asiatiques, africains et
latino-américains, dans le cadre de la coopération mise en œuvre entre la Chine et des pays du
tiers monde, du déblocage des relations sino-américaines et du rétablissement de la Chine
dans son siège légitime aux Nations unies. Par ailleurs, à la même époque, les échanges avec
les villes des pays de l’Europe occidentale ont également pris leur départ.
Depuis 1979, les gouvernements locaux ont disposé d’une plus grande autonomie financière
21
Article 58 de la Constitution de 1954 de la République populaire de Chine
18
et de certaines attributions de réglementation du commerce extérieur et des capitaux étrangers,
grâce à la mise en œuvre de la politique de réforme et d’ouverture. La municipalité de Beijing,
tout en respectant les « principes fondamentaux guidant la politique extérieure chinoise », fut
ainsi à même d’engager ses échanges internationaux visant à son développement économique
et urbain. En cette même année, elle a conclu son premier jumelage avec Tokyo, capitale du
Japon. Depuis lors et jusqu’en 1997, 23 accords ont été signés entre la municipalité et des
collectivités étrangères. Le jumelage est devenu un volet principal de sa coopération
décentralisée, mais celle-ci était toujours, en premier lieu, au service de la diplomatie globale
du pays.
De 1997 à 2004, le centre de gravité de la diplomatie chinoise est passé de « la réforme et
l’ouverture » au « grand État responsable », avec un renforcement considérable de sa
puissance globale et de sa compétitivité à l’échelle internationale. En même temps, le rôle de
plus en plus important de la municipalité de Beijing sur le plan économique a fait établir un
concept appelé « l’économie de la capitale ». La stratégie de développement fondée sur cette
notion a servi de moteur aux actions internationales de la municipalité dans les limites des
pouvoirs qui lui sont dévolus par l’État. Ses échanges avec l’étranger, complément à la
politique extérieure du gouvernement central, ont connu un développement rapide avec des
champs de coopération plus étendus et des activités internationales plus animées. C’est aussi
dans cette phase que des arrondissements relevant de la municipalité ont commencé à nouer
un partenariat avec des circonscriptions équivalentes étrangères.
À partir de 2005, la « construction d’un monde harmonieux » est devenue une priorité de la
diplomatie chinoise. Le gouvernement central a actuellement pour fonction de « dominer » les
relations extérieures au lieu de les « monopoliser ». La municipalité de Beijing, souhaitant
accroître davantage son influence internationale, se donne comme objectif de devenir une
« ville mondiale ». Elle déploie des efforts continus en faveur d’échanges internationaux, plus
développés, diversifiés, multiformes et pluridimensionnels, tout en coordonnant ses activités à
la politique extérieure nationale. Ainsi on voit apparaître un modèle « mutuellement
bénéfique » entre la diplomatie globale et la coopération décentralisée de la capitale, sous
l’orientation de la première. Aujourd’hui, la municipalité de Beijing a conclu un jumelage
19
avec 48 collectivités territoriales dans 43 pays sur les cinq continents22
(Annexe II), et
organise chaque année de nombreuses activités internationales.
En ce qui concerne le service fonctionnel, le Bureau des Affaires extérieures de la
municipalité de Beijing est celui qui se charge de la coopération décentralisée de la capitale
chinoise, ce qui le situe bien comme l’homologue de l’UAIE du Conseil régional
d’Île-de-France.
2.2 Un partenariat qui vaut la peine d’être établi et bien conduit
2.2.1 Revue de la coopération décentralisée entre l’Île-de-France et Beijing
L’Île-de-France et Beijing ont conclu leur accord de relations de jumelage-coopération le 2
juillet 1987 à Paris (Annexe III), suite à une volonté du MAE de la France et de Monsieur
Michel Giraud, alors président du Conseil régional d’Île-de-France, et signé ensuite par le
président du Conseil régional lui-même et le maire de la ville de Beijing. Selon cet accord un
peu vague et général dans son contenu mais bien intentionné dans sa signification, les deux
collectivités « procèderont amplement, sur la base des relations amicales existantes et en
conformité des principes de l’égalité et des avantages réciproques, à la coopération et aux
échanges sous diverses formes et dans les domaines suivants : économie et commerce, science
et technique, culture et éducation, santé, urbanisme, administration et gestion municipale,
transports, agriculture, tourisme, ainsi que dans tout autre secteur reconnu d’un intérêt
commun par les deux parties »23
.
Jetant un regard en arrière sur les 26 ans écoulés, on peut dire que les relations entre
l’Île-de-France et Beijing ont maintenu un bon rythme de développement, marqué par un
échange fréquent de visites surtout de haut niveau, et élargi par le partenariat noué entre la
ville d’Issy-les-Moulineaux (commune du département francilien des Hauts-de-Seine) et
l’arrondissement de Dongcheng (un des deux districts centraux de Beijing, résultant de la
fusion en 2010 de l’arrondissement de Chongwen avec son arrondissement voisin). Par contre,
22
http://www.bjfao.gov.cn/yhjw/city/sistercity/10230.htm 23
Accord de relations de jumelage-coopération entre la région Île-de-France de la République française et la municipalité de Beijing de la République populaire de Chine
20
une absence de pragmatisme s’est fait sentir dans ce jumelage, où la coopération dans la
protection environnementale a été l’une des rares réalisations concrètes bien réussies.
Une relation protocolaire continue
Depuis l’établissement du partenariat en 1987 entre l’Île-de-France et Beijing, les visites dans
les deux sens n’ont cessé de s’effectuer, sur une base quasi annuelle. Il convient de souligner
que ces délégations s’établissent souvent au niveau du vice-président du conseil régional ou à
un niveau supérieur pour l’Île-de-France et à l’échelon du maire adjoint ou à un échelon
supérieur pour Beijing. Les rencontres et les échanges réguliers entre les dirigeants traduisent
la grande importance accordée à leur jumelage par les deux parties, ainsi qu’un souhait ardent
de mener à bien ces relations. L’aspect protocolaire du partenariat pose des bases solides pour
la coopération décentralisée entre l’Île-de-France et Beijing.
Un « sous-jumelage » au sein d’un jumelage
Jumelé avec Issy-les-Moulineaux depuis 1997, l’arrondissement de Chongwen, devenu
Dongcheng en 2010, est l’un des centres éducatifs et de formation les plus actifs de la capitale
chinoise. Mettant pleinement en valeur cet avantage, le lycée Huiwen de Dongcheng a
commencé à développer depuis 2001 un échange scolaire biannuel avec le lycée Ionesco
d’Issy-les-Moulineaux. Un projet de coopération entre deux hôpitaux des deux parties a
également été mis en place à partir de 2006. Le partenariat entre les circonscriptions relevant
respectivement des deux collectivités joue un rôle de complément donnant ainsi une
impulsion aux relations entre l’Île-de-France et Beijing.
Un partenariat loin d’être concrétisé
Il est regrettable que, par manque de pragmatisme, peu de projets aient été réalisés pendant les
26 ans qu’a déjà duré ce jumelage. Toutefois une coopération sur l’amélioration de la qualité
de l’air constitue un vrai modèle pour ces relations.
La municipalité de Beijing œuvre pour la qualité de l’air depuis une vingtaine d’années. Dans
les années 90, ont été menés des échanges techniques sur l’environnement entre la
municipalité de Beijing et la France, suivis d’une formation à Nantes pour des ingénieurs
21
chinois de la municipalité de Beijing. Un achat d’une quinzaine de capteurs de la Société
Environnement S.A. a également été effectué, pour équiper la ville de Beijing qui est devenue
à l’époque la ville la mieux équipée en Asie, quant à la mesure de la qualité de l’air.
Parallèlement, grâce au jumelage entre Beijing et l’Île-de-France, le ministère français de
l’Éducation nationale a créé à Beijing une antenne du lycée Maximilien Perret d’Alfortville,
pour la formation aux métiers de l’énergie. Dans le cadre de la coopération décentralisée,
l’Île-de-France a soutenu par ailleurs, avec Environnement S.A. et AIRPARIF (Association de
surveillance de la qualité de l’air en Île-de-France), la formation continue à Paris et à Nantes
de plusieurs ingénieurs et cadres du Bureau de la protection de l’environnement de Beijing et
de son Centre de surveillance de l’environnement.
2.2.2 Enjeux des échanges et coopération entre l’Île-de-France et Beijing
Si le jumelage témoigne de l’importance particulière prise par les liens entre la Région
Île-de-France et la municipalité de Beijing, c’est que toutes les deux sont des régions-capitales
de leur pays, qui présentent des points communs tout en restant chacune dotée de sa propre
originalité.
Région la plus peuplée du pays, l’Île-de-France compte quelque 11,7 millions d’habitants, soit
18,5 % de la population française. Elle se compose de 1 281 communes et huit départements,
dont Paris, avec une superficie de 12 000 km². L’Île-de-France produit 28,7 % de la richesse
nationale. De nombreuses compétences lui permettent d’occuper une place de premier plan au
niveau national, européen et international : premier bassin d’emploi européen, premier bassin
technologique et scientifique européen, première destination touristique mondiale, première
destination mondiale pour les rencontres d’affaires et deuxième plate-forme aéroportuaire et
fluviale d’Europe. La Région possède également une riche diversité en termes d’histoire, de
territoire et de culture24
.
Quant à la municipalité de Beijing, elle est composée de 16 arrondissements, avec une
superficie de 16 410 km² et une population de plus de 20 millions d’habitants. Capitale et
24
Unité Affaires internationales et européennes, L’Île-de-France, région-monde, Paris, Conseil régional d’Île-de-France, 2012, http://www.iledefrance.fr/missions-et-competences/europe-international/
22
centre politique et culturel du plus grand pays en développement du monde qu’est aujourd’hui
devenue la Chine, elle est à la fois une ville vieille de plus de 3 000 ans et une métropole
internationale olympique. Ces dernières années, la municipalité a réalisé un développement
économique et social régulier et relativement rapide, avec un produit intérieur brut (PIB) local
de 1 780 milliards de yuans (RMB) en 2012 (soit une croissance de 7,7 % par rapport à 2011)
et un secteur tertiaire représentant 75,7 % de l’activité économique. Le PIB par habitant s’est
élevé à 13 800 US$, plaçant la municipalité au niveau d’un pays moyennement développé.
Capitale
Vu les caractéristiques mentionnées ci-dessus, il est bien clair que les deux régions-capitales
jouent un rôle de vitrine et de rayonnement dans le développement économique et social de
leur propre pays. Les relations de jumelage entre elles, dotées d’une valeur d’exemple pour la
coopération décentralisée franco-chinoise, répondent non seulement aux intérêts
fondamentaux des deux collectivités, mais aussi à ceux de la France et de la Chine. Il importe
ainsi de consolider et de renforcer des échanges et une coopération mutuellement avantageux.
Affinité
Aujourd’hui, concilier les rapports entre le développement et la démographie, d’une part, les
ressources et l’environnement de l’autre, constitue un défi inéluctable à relever pour toutes les
grandes métropoles, auxquelles l’Île-de-France et Beijing ne font pas exception. De multiples
enjeux de mobilité, de conditions de vie et d’environnement impliquent de nouvelles
pratiques de gestion urbaine, en particulier par l’innovation technologique au service d’un
développement urbain durable. En ce sens, comment la coopération peut-elle accompagner le
développement durable des deux collectivités ? Leur jumelage doit ainsi permettre de mieux
articuler les politiques d’échanges en développant des projets de service au profit des deux
territoires.
Complémentarité
Le concept de « ville mondiale à la chinoise », stratégie de développement de la municipalité
de Beijing, se définit par les caractéristiques suivantes : « métropole réunissant les activités
internationales, les sièges des entreprises transnationales haut de gamme et les ressources
23
humaines qualifiées ; capitale de la culture d’avant-garde socialiste à la chinoise ; ville
harmonieuse où il fait bon vivre ». Comme chacun sait, siège de nombreuses organisations
internationales telles que l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la
culture (UNESCO) et l’Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE), l’Île-de-France (avec Paris) accueille chaque année de nombreuses conférences
internationales. Il est nécessaire et utile pour la municipalité de Beijing de s’instruire de la
riche expérience acquise par son partenaire francilien dans ce domaine.
2.3 Un jumelage qui reste à améliorer
2.3.1 Méthodes différentes : origines des relations peu concrétisées
Ma propre expérience professionnelle au Bureau des Affaires extérieures de la municipalité de
Beijing ainsi que mon stage effectué à l’UAIE m’ont conduit à penser que, des différences
dans les méthodes de travail et d’organisation sont à l’origine du manque de pragmatisme
dans le partenariat entre l’Île-de-France et Beijing. Par ailleurs, les pratiques chez les
Franciliens sont souvent des points qu’il convient d’apprécier.
L’Île-de-France : région ouverte sur le monde avec une coopération décentralisée
équilibrée
En vue d’assurer une coopération décentralisée plus efficace et pérenne, l’activité de la
Région ne s’est pas dispersée mais s’est au contraire limitée à quelques partenaires ; c’est
ainsi que la Région n’a que 13 accords de coopération, avec la volonté de maintenir un
équilibre entre les différentes formes de coopération : Nord-Sud, Nord-pays émergents,
Nord-Nord. La coopération décentralisée de l’Île-de-France se caractérise par la place centrale
donnée au partenaire dans la mise en œuvre des programmes d’action. Elle permet également
le partage de l’expertise et la promotion des savoir-faire franciliens. En retour, l’Île-de-France
bénéficie des meilleures expériences de ses partenaires et s’ouvre aux réalités politiques,
sociales et économiques des pays concernés.
Quant à la municipalité de Beijing, parmi ses 48 partenaires dans 43 pays du monde entier,
plus de 90 % sont des capitales ou régions-capitales. On y trouve les grandes collectivités ou
24
villes de la planète dont Londres, Washington, Tokyo, etc., toutes très développées et animées.
Les caractéristiques plus ou moins similaires de ses partenaires limitent dans une certaine
mesure la diversité de l’action internationale de Beijing. D’ailleurs, l’accent mis sur la
quantité (nombre de partenaires) peut conduire à dégrader la qualité de la coopération qui
manque parfois de pragmatisme et de réalisation concrète.
Conseil régional : fonctionnement efficace avec les organismes associés
Dans de nombreux domaines, le Conseil régional d’Île-de-France bénéficie des compétences
spécifiques de presque 30 organismes et d’associations qui lui sont rattachés, lui permettant
de mettre en œuvre des projets proposés par l’administration régionale. Avec un rôle opérateur
et un statut indépendant, ces organismes fonctionnent de manière efficace et contribuent à une
réalisation satisfaisante des projets et à une neutralité dans le résultat du travail.
En Chine, il existe aussi des organismes ayant une fonction similaire que l’on appelle
« établissements d’intérêt public », mais qui dépendent normalement des services municipaux.
D’ailleurs, une très grande partie du travail exécutif se fait encore dans l’administration
elle-même. Une méthode de travail chinoise marquée par l’échange de dossiers formels
nécessite souvent une procédure plus longue et plus « lourde » dans la réalisation des projets.
UAIE : équipe de « petite taille » avec une compétence élargie
Tous les projets de coopération internationale en Île-de-France doivent être proposés par
l’UAIE puis votés par les élus du conseil régional. Fort seulement d’une trentaine d’agents y
compris les vacataires, stagiaires et apprentis, ce service se charge de tous les volets qui
concrétisent l’action internationale de la Région : coopération décentralisée, solidarité et
rayonnement internationaux, animation régionale, francophonie…
Deux fois plus grand que l’UAIE du point de vue du personnel, le Bureau des Affaires
extérieures de la municipalité de Beijing joue un rôle intermédiaire entre les partenaires
étrangers et les services concernés de la municipalité. Son travail consiste plutôt à aider ces
deux parties à établir et à renforcer leur liaison, facilitant les échanges et la coopération
directs entre elles. Mais des inconvénients peuvent aussi en résulter : il « perd » parfois la
25
suite des projets par manque d’un suivi constant des échanges et de la coopération.
2.3.2 Problèmes existants, limites et défis dans le système actuel de Beijing
À travers le chemin parcouru par la coopération décentralisée de la municipalité de Beijing et
aussi les comparaisons avec son partenaire francilien, on peut relever un certain nombre de
défauts dans le système de la capitale chinoise, du point de vue étatique mais aussi local.
Une autonomie incomplète
Comme précédemment mentionné, dans le système unique que pratique la Chine, la ligne
directrice en matière d’actions extérieures, comme dans tout autre domaine, est définie au
niveau national ; c’est elle qui guide et coordonne le travail sur les affaires extérieures des
collectivités territoriales. Malgré un niveau de décentralisation de plus en plus élevé et une
liberté laissée aux gouvernements locaux pour le contenu des relations, la marge de
manœuvre reste moins importante que celle des collectivités françaises, qui disposent, depuis
la loi d’orientation du 6 février 1992, d’une véritable autonomie en matière d’action
extérieure.
Cette question est plus patente quand il s’agit de Beijing, capitale et en même temps
municipalité relevant directement de l’autorité centrale. Prenant l’exemple d’une visite
officielle à l’étranger effectuée par un dirigeant de la municipalité de Beijing au niveau du
maire adjoint ou supérieur (c’est-à-dire à l’échelon du vice-ministre ou au-dessus), il faut une
approbation du gouvernement central, passant par une procédure intérieure assez longue avec
les instructions préalables échelon par échelon. Il en est de même pour l’accueil des
délégations venues de l’étranger. Ce type de règlement pourrait porter atteinte à la « fluidité »
des échanges internationaux, surtout en cas d’urgence.
Une coordination imparfaite
Au sein de la municipalité de Beijing, il existe divers services, dont le Bureau des Affaires
extérieures, chargés des différents domaines qui relèvent de la compétence de la municipalité.
Tous ces organismes administratifs ont le droit de contacter directement les institutions
équivalentes dans les collectivités locales étrangères et d’engager des échanges avec elles. Il
26
arrive parfois que ces services municipaux exécutent des projets de coopération selon les
propositions ou demandes de leur instance supérieure, celle-ci étant souvent un ministère
chargé des affaires du même ressort.
Jusqu’ici, le Bureau des Affaires extérieures, « intermédiaire » au lieu de « décideur » de ces
actions, n’arrive pas à trouver un moyen efficace et efficient de se mettre constamment au
courant de la situation d’ensemble de la coopération internationale, de la démarche de tous ces
projets et du résultat de chacun. Ce qui explique aussi le rôle insuffisant de la coopération
décentralisée dans la promotion du développement économique et social de la municipalité de
Beijing.
2.4 Pour une meilleure coopération décentralisée entre l’Île-de-France et Beijing
2.4.1 Recommandations sur les méthodes de travail
Si le volet national ne peut être changé à court terme, il importe d’améliorer les méthodes de
travail au niveau local. En effet, les trois « E » (équilibre, efficacité et élargissement) cités
plus haut et marquant la pratique de l’Île-de-France sont les qualités dont Beijing doit
vraiment s’inspirer dans son action.
Équilibre
Sur la « carte » de la coopération décentralisée de la municipalité de Beijing, l’Europe vient
en tête avec 21 des 48 collectivités jumelées, suivie par l’Asie avec 11. Certaines relations
donnent des fruits abondants, tandis que d’autres paraissent médiocres. D’un côté, il faut
désormais arrêter de privilégier la quantité aux dépens de la qualité ; et de l’autre, il est
nécessaire de renforcer les échanges existants et de trouver les champs de coopération
d’intérêt commun aboutissant à des projets concrets.
Efficacité
En ce qui concerne des jumelages assez performants, un comité mixte de coopération pourrait
être créé en tant que de besoin. Il serait chargé de l’élaboration d’un programme pluriannuel
et d’un programme annuel de travail, ainsi que du suivi, de l’exécution et de l’évaluation de la
27
coopération. Ce comité mixte servirait également de plate-forme pour les échanges entre les
deux parties des informations sur le développement économique et social.
Élargissement
En fait, la municipalité de Beijing dispose d’un Comité de coordination des jumelages établi
en 2007 et présidé par le maire adjoint chargé des affaires extérieures. Ce comité a pour
objectif d’optimiser les ressources, d’élargir les échanges, d’enrichir les contenus et de créer
de nouveaux modes de coopération avec les collectivités jumelées. Son secrétariat a été assuré
au sein du Bureau des Affaires extérieures, qui doit mettre pleinement en œuvre son
dynamisme et son initiative au lieu de se contenter de son rôle d’« intermédiaire ». À l’aide de
cet outil, on devrait pouvoir procéder à une planification d’ensemble des actions
internationales, intégrer les projets de tous les services municipaux dans le cadre des
partenariats concernés, en vue d’une coopération décentralisée plus unifiée et coordonnée.
2.4.2 Propositions sur les pistes de projets à envisager
Le volontarisme et les échanges existants permettent d’avancer quelques propositions sur les
axes prioritaires de coopération entre l’Île-de-France et Beijing.
La protection de l’environnement
Il convient de renforcer le partenariat déjà ancien entre le Centre de surveillance de
l’environnement dépendant du Bureau de la protection de l’environnement de Beijing et
l’organisme associé de la Région AIRPARIF par la mise en œuvre d’un programme
d’échanges scientifiques et techniques pour mieux mesurer et lutter contre la pollution
atmosphérique à Beijing et en Île-de-France. Ce partenariat pourrait également permettre,
comme c’était déjà le cas, de valoriser certains acteurs économiques franciliens (entreprises,
bureaux d’études d’ingénierie…) sur le marché de l’expertise et de l’équipement dans le
domaine de l’environnement.
La formation professionnelle et la mobilité
Le développement d’échanges de jeunes professionnels des deux territoires permettrait de
renforcer les liens de coopération par des retombées concrètes pour les populations. La
28
Région Île-de-France pourrait étendre à la municipalité de Beijing son programme de mobilité
des jeunes professionnels « Mobil’Asie » mis en place avec la municipalité d’Hanoi en 2002.
Ce programme consisterait à envoyer de jeunes professionnels franciliens en stage dans des
entreprises ou organismes publics pékinois afin d’acquérir une expérience professionnelle à
l’étranger pouvant faciliter leur parcours professionnel futur. L’accueil de jeunes Chinois en
Île-de-France pourrait aussi constituer un volet de cet axe de coopération.
Le développement économique
Compte tenu du souhait de l’Île-de-France de développer une offre de services aux entreprises
franciliennes, la mise en place d’un Volontaire International en Entreprise (VIE, jeune
professionnel français de haut niveau universitaire spécialisé dans les échanges commerciaux
internationaux) à Beijing au bénéfice d’entreprises franciliennes peut être envisagée. Ce VIE
bénéficiera de l’appui de la municipalité de Beijing pour faciliter les coopérations
économiques entre les deux territoires.
Le tourisme
Le nombre croissant de touristes chinois à Paris et en Île-de-France (300 000 séjours en 2012,
soit 40 % d’augmentation par rapport à 2010) et la forte fréquentation de Beijing par les
touristes français, justifient que ce secteur d’activité fasse l’objet d’actions de coopération. La
Région Île-de-France dispose d’un organisme dédié au tourisme, le Comité régional du
tourisme (CRT), qui pourrait apporter son expertise dans la définition de projets. Il importe de
le mettre en relation avec le Comité du développement touristique de Beijing, son homologue
chinois.
29
CONCLUSION
La coopération décentralisée, de l’initiative symbolique aux programmes de coopération
multiples et menée dans tous les secteurs, se justifie désormais à plus d’un titre. Elle
correspond essentiellement à un échange d’expériences et de savoir-faire, sur un monde de
réciprocité, qu’il s’agisse de coopération entre pays développés, de coopération entre pays
développés et pays en développement ou de coopération transfrontalière25
.
En France comme en Chine, la coopération décentralisée s’inscrit aujourd’hui dans un
contexte de stratégie territoriale dans lequel chaque collectivité cherche sa place en fonction
de ses compétences propres et de son degré de proximité avec les citoyens.
Si la coopération décentralisée en France arrive à sa maturité, celle de la Chine est
actuellement en plein développement. Le cadre juridique, le financement des actions et les
acteurs au niveau national et local constituent les principales différences méthodologiques
dans les deux systèmes.
Au-delà de toutes ces dissemblances, la bonne volonté permet de fournir une base commune à
l’établissement de partenariats entre les collectivités françaises et les gouvernements locaux
chinois, ce qui est bien le cas dans le jumelage entre la Région Île-de-France et la municipalité
de Beijing. De plus, les deux régions-capitales voient se renforcer continuellement leurs
relations d’amitié et de coopération, surtout du point de vue « protocolaire », grâce à une
convergence des intérêts, à la nécessité de faire face à des défis similaires, ainsi qu’à une
complémentarité dans leur développement.
Pourtant, l’aspiration commune et l’envie croissante, favorables au rapprochement des deux
parties, ne paraissent pas suffisantes pour nouer des relations enrichissantes et pragmatiques
entre l’Île-de-France et Beijing. En vue d’un partenariat plus concrétisé, l’enjeu réside
25
Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD), Direction générale de la coopération internationale et du développement, le délégué pour l’action extérieure des collectivités locales, ministère des Affaires étrangères, Guide de la coopération décentralisée, échanges et partenariats internationaux des collectivités territoriales, Paris, 2
e édition, 2006, 178
p.
30
toujours dans les différentes méthodes de travail et d’organisation. En effet, les pratiques
franciliennes comportent des aspects appréciables dont la municipalité de Beijing pourrait
avantageusement s’inspirer, à savoir une coopération décentralisée équilibrée, un mécanisme
fonctionnel efficace et un service exécutif de compétence élargie. En ce qui concerne les
pistes de projets à envisager, la protection de l’environnement, la formation professionnelle, le
développement économique et le tourisme constituent les quatre axes prioritaires de
coopération entre l’Île-de-France et Beijing, basés sur leurs besoins réels et les échanges déjà
existants. Ainsi peut-on répondre à la problématique de départ du présent mémoire.
L’échange d’informations et d’expériences entre les autorités locales est un facteur essentiel
dans un monde globalisé. Il est important pour une collectivité de connaître la façon dont les
autres villes et régions du monde régissent leur développement, de connaître les innovations
qu’elles mettent en œuvre, mais aussi de faire connaître ses propres avancées. La politique de
coopération décentralisée est porteuse de ses valeurs et de sa conception de l’intérêt général.
Elle est une vitrine du savoir-faire, qui sert d’un trait d’union entre la collectivité et le
monde26
. On est toujours invité à réfléchir à la façon de mieux collaborer, car « la seule voie
qui offre quelque espoir d’un avenir meilleur pour toute l’humanité est celle de la coopération
et du partenariat »27
.
26
Huchon Jean-Paul, « La coopération décentralisée de la région Île-de-France : une expérience réussie », Revue internationale et stratégique, n° 46, 2002, p. 81-86. 27
Extrait du discours de Kofi Annan - l’Assemblée générale de l’ONU (24 Septembre 2001).
31
ANNEXES
ANNEXE I : Liste des collectivités partenaires de la Région Île-de-France
Beijing (Chine)
Beyrouth (Liban)
Budapest (Hongrie)
Communauté urbaine de Nouakchott (Mauritanie),
Commune urbaine d’Antananarivo (Madagascar)
Erevan (Arménie)
Hanoi (Viet Nam)
Land de Brandebourg (Allemagne)
Montréal (Canada)
Province du Gauteng (Afrique du Sud)
Province du Québec (Canada)
Région de Bruxelles-Capitale (Belgique)
Région de Dakar (Sénégal)
Région de Kayes (Mali)
Région de la Mazovie (Pologne)
Région métropolitaine de Santiago du Chili (Chili)
Ville et État de São Paulo (Brésil)
32
ANNEXE II : Liste des collectivités jumelées de la municipalité de Beijing
Addis Abeba (Éthiopie)
Amsterdam (Pays-Bas)
Ankara (Turquie)
Astana (Kazakhstan)
Athènes (Grèce)
Bangkok (Thaïlande)
Belgrade (Serbie)
Berlin (Allemagne)
Bucarest (Roumanie)
Budapest (Hongrie)
Buenos Aires (Argentine)
Cologne (Allemagne)
Communauté de Madrid (Espagne)
Copenhague (Danemark)
Doha (Qatar)
Dublin (Irlande)
Gouvernorat du Caire (Égypte)
Hanoi (Viet Nam)
Helsinki (Finlande)
Île-de-France (France)
Islamabad (Pakistan)
Jakarta (Indonésie)
Kiev (Ukraine)
La Havane (Cuba)
Lima (Pérou)
Lisbonne (Portugal)
Londres (Royaume-Uni)
Madrid (Espagne)
Manille (Philippines)
33
Mexico (Mexique)
Moscou (Russie)
New York (États-Unis)
Nouvelle-Galles du Sud (Australie)
Ottawa (Canada)
Paris (France)
Province du Gauteng (Afrique du Sud)
Région de Bruxelles-Capitale (Belgique)
Région métropolitaine de Santiago (Chili)
Rio de Janeiro (Brésil)
Rome (Italie)
San José (Costa Rica)
Séoul (République de Corée)
Tel Aviv-Jaffa (Israël)
Territoire de la capitale australienne (Australie)
Tirana (Albanie)
Tokyo (Japon)
Washington, district de Columbia (États-Unis)
Wellington (Nouvelle-Zélande)
34
ANNEXE III : Accord de relations de jumelage-coopération entre la Région
Île-de-France de la République française et la municipalité de Beijing de la République
populaire de Chine (texte français)
35
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
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2012, 127 p.
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d’Administration de Chine, 2007, p. 100-103.
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http://www.cncd.fr/
http://www.cpaffc.org.cn/
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http://www.fmprc.gov.cn/
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http://www.uclg.org/