Master 1 - Droit des politiques internes et externes de l'Union européenne
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PARTIE I : LE DROIT DES POLITIQUES INTERNES
CHAPITRE I :
PROPOSITIONS POUR UNE THEORIE GENERALE DES POLITIQ UES
COMMUNAUTAIRES ET DE L’UNION
Dès 1957 l’article 2 du traité de Rome faisait du rapprochement progressif des
politiques des Etats membres le deuxième grand instrument, après l’établissement d’un
marché commun, de promotion du développement économique harmonieux des Etats
membres. La révision de l’article 2 opérée par le Traité de Maastricht est plus explicite encore
qui fait référence à la mise en œuvre des politiques ou actions communes1 en vue de réaliser
les objectifs spécifiquement énumérés2 qui sont ceux assignés à une Communauté
économique toujours plus étroite. L’élaboration et la mise en œuvre d’actions ou de politiques
communes traduisent la volonté de la Communauté et de ses Etats membres d’engager une
politique déterminée servie par une vision globalisée d’un secteur d’activité économique
donné impliquant de la part des Etats membres un certain transfert de compétences à la
Communauté. Cependant toute action n’est pas forcément une politique car la notion de
politique renvoie à cette « vision globale » impliquant un champ de compétence et de moyens
d’actions suffisamment larges, des acteurs spécifiques, des instruments particuliers selon des
procédures qui leur sont propres. Elle doit ainsi être distinguée de simples mesures
conjoncturelles et à la dimension réduite. Enfin il n’échappera pas à l’observateur averti que
l’énumération des actions, des mesures, et politiques communautaires que propose l’article 3
du traité de Rome (qui a été considérablement enrichi au fur et à mesure des révisions initiées
par les rendez vous de Maastricht, Amsterdam, Nice ou Lisbonne) fait tantôt référence à des
politiques (politique sociale, de l’environnement, de la coopération au développement) et
tantôt à des politiques communes (agriculture et pêche, transports, politique commerciale)
Au même titre que le marché intérieur et ses principes de libre circulation et libre concurrence
les politiques procèdent de cette dynamique de l’intégration économique et juridique qui
caractérise la construction communautaire. Cette dernière ne saurait se contenter pour la
réalisation de ses objectifs économiques d’interdictions de faire mises à la charge des Etats
1 L’application de la méthode de l’effet utile en matière d’interprétation des traités nous invite ainsi à comprendre que toute action commune n’est pas forcément une politique commune 2 Ces objectifs se sont enrichis considérablement depuis la version initiale du traité de Rome et forment le socle structurant des compétences de la Communauté
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membres au nom de la libre circulation et de la libre concurrence. Elle doit également dans
une approche plus volontariste développer des grandes politiques publiques mises au service
des citoyens communautaires.
Par ailleurs l’Union politique réalisée dans le cadre du Traité de Maastricht contribuera à
enrichir également un concept toujours plus difficile à cerner en proposant la création de
nouvelles politiques qualifiées de politiques de l’ Union pour mieux les distinguer des
politiques communautaires . Le régime juridique de ces politiques, dites du 2ième pilier
(politique étrangère et de sécurité commune ou PESC) ou du 3ième pilier (Justice et affaires
intérieures ou JAI) se veut résolument étranger à la méthode communautaire. Il doit être
recherché, du moins jusqu’à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne3, dans le traité de
Maastricht sur l’Union
La notion de politique communautaire et de l’Union apparait très difficile à cerner au regard
de sa dimension polymorphe et fondamentalement dynamique, ce qui ne saurait pour autant
conduire à renoncer à toute tentative de théorisation. Cette ébauche de théorisation sera
appréhendée pour l’essentiel dans le cadre des compétences internes même si des références
seront faites aux compétences externes notamment du deuxième pilier de la PESC pour
couvrir l’ensemble du prisme de la réflexion théorique (I)4. Par ailleurs elle s’est
considérablement enrichie du fait de la mise en œuvre des techniques de différenciation
auxquelles la construction communautaire a du recourir pour ne pas se voir réduite à une
élaboration « a minima » de ses grandes politiques publiques(II)5
SECTION I – UNE NOTION DE POLITIQUE COMMUNAUTAIRE ET DE L’UNION
AMBIVALENTE ET COMPLEXE
Cerner au plus près la réalité du concept de politique n’est pas une chose aisée. Ainsi n’existe-
t-il pas assurément un critère unique susceptible d’expliquer une telle notion. Tout au plus
peut –on tenter d’en démontrer la richesse par différentes approches, historique (§1), formelle
(§2) ou matérielle (§3) 3 Le traité de Lisbonne renonce au traité unique proposé par le traité établissant la constitution et propose deux traités : le traité sur l’Union (TUE) et le traité sur le fonctionnement de l’Union (TFUE) ; ce dernier rassemble toutes les politiques à l’exception de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) qui figure dans le TUE 4 L’esquisse de réflexion théorique sur les compétences externes de l’Union fera l’objet d’un autre chapitre introductif à la deuxième partie du cours consacré aux politiques extérieures de l’ UE 5 La différenciation consiste à admettre que toute politique ne se traduira pas nécessairement par une identité de droits et d’obligations pour tous les Etats membres.
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§1 une approche de la notion de politique d’un point de vue historique
Le développement progressif des grandes politiques à partir de la signature du traité de Rome
permet de mettre en lumière un certain nombre de grandes étapes qui jalonnent leur histoire :
-une première grande étape est constituée par les 12 ans de la période transitoire (1er
janvier 195861er Janvier 1970) que les Etats membres s’étaient donné pour mettre en place le
marché commun et les politiques inscrites (en petit nombre) au traité. C’est la mise en place
des politiques originelles et plus particulièrement de la PAC. C’est aussi sans doute « l’âge
d’or » de la méthode communautaire qui voit les Etats membres établir un lien très étroit entre
les progrès de l’intégration économique et juridique et la mise en place de politiques conçues
d’abord comme des politiques communes. Qu’il s’agisse en effet de la mise en place de
l’Union douanière ou encore de la PAC, il s’agit d’actions où le transfert de compétences des
Etats membres à la Communauté est important : ainsi les Etats renoncent-ils à leur
souveraineté douanière par la mise ne œuvre d’un tarif extérieur commun décidé à Bruxelles
ou encore posent les premiers jalons d’une politique commune des marchés et des prix
agricoles. Sans doute ces succès de la méthode supranationale-qui n’excluent pas parfois
certaines crises-6 sont-ils dus au petit nombre des Etats membres et à la relative homogénéité
de leur niveau économique
-Une deuxième grande étape dans l’histoire du développement des politiques
concerne la période 1970-1978, date à laquelle est instauré le Système monétaire européen
(SME) qui marque l’entrée du système communautaire et de ses politiques dans l’ère de la
différenciation (cf. infra 3ième étape). Pendant cette période la notion d’action ou de politique
se charge de nouvelles ambitions en termes de champs d’action mais s’ « affadit » du point de
vue de la méthode communautaire. Suite à l’invitation en ce sens du Conseil européen, le
Conseil, sur la base de l’article 235 TCE (article 308) qui l’autorise à prendre les dispositions
appropriées si une action de la Communauté que le traité n’a pas expressément prévu apparait
nécessaire, créera de nouvelles politiques. C’est ainsi que naissent, la politique de
l’environnement (1972), la politique de la recherche et du développement technologique
(1974), la politique régionale (1975) ; On cherche néanmoins en vain dans ces nouvelles
politiques une quelconque trace de la méthode communautaire et de ses transferts de
6 On rappellera pour mémoire l’épisode de la « crise de la chaise vide » de l’automne 1965 qui doit beaucoup aux réticences du gouvernement français face à des propositions de la Commission notamment sur la PAC et sa mise en perspective avec le système des ressources propres et corrélativement le statut budgétaires des institutions. Cette « fusée à trois étages ».jugée trop audacieuse par le Gouvernement français a été directement à l’origine de la crise. Cf. P. GERBET, la construction de l’Europe, éditions de l’imprimerie nationale, Paris, 1999, p.269-284
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compétences. En effet les compétences communautaires sont déterminées « à minima »,
l’intervention de la Communauté se réduisant à encourager, soutenir, coordonner l’action des
Etats membres, ou encore apporter un soutien financier à leurs politiques nationales Toutes
les politiques de cette période paraissent très éloignées du modèle précédent et ne sauraient
impliquer dans l’exercice des compétences une « quelconque substitution » de la
Communauté aux Etats membres.
- une troisième grande étape est celle qui démarre avec la création du SME dont le
principe a été arrêté lors du Conseil européen de Brême de Juillet 1978. C’est à ce dernier
que l’on doit en effet l’ébauche d’une première « Europe différenciée » qui se caractérisera
par l’irruption dans la mise en œuvre des politiques d’une nouvelle idée à savoir l’application
différenciée des politiques aux Etats membres afin notamment de ne pas retarder ou empêcher
leur mise en œuvre. Le système monétaire européen (SME) est particulièrement
emblématique à cet égard qui voit un Etat (la Grande Bretagne) refuser d’y participer et un
autre Etat (l’Italie) accepter d’y participer à condition que lui soit consenti un régime
dérogatoire (une fourchette de fluctuation de sa monnaie plus souple)7
-L’acte unique de 1986 est également une date importante dans l’histoire des
politiques communautaires car il est le premier grand traité qui inaugure l’introduction de
nouvelles politiques et modifie en conséquence de manière non négligeable le traité de Rome.
Ce dernier s’élargit en effet à des « politiques non originelles » En réalité les politiques
introduites (politiques régionale, recherche et développement, environnement8) ne sont pas
véritablement nouvelles car elles ont déjà été mises en œuvre sur la base du droit dérivé (cf.
supra). Il apparait néanmoins important que des politiques ne puissent être ramenées ou
réduites au rang de simple droit dérivé. En figurant dans le traité elles acquièrent une toute
autre dimension « quasi constitutionnelle » et rappellent le lien étroit qu’il convient d’établir
entre les grandes politiques publiques et les objectifs assignés à l’intégration économique
- Le traité de Maastricht est doublement important dans l’histoire des politiques.
En premier lieu il cristallise ce qui deviendra la dynamique des politiques communautaires,
confirmée par les traités d’Amsterdam et de Nice. Chaque nouveau traité sera en effet
l’occasion de créer des nouvelles politiques ou bien de réviser en profondeur celles qui
7 Selon le SME, l’Ecu (unité de compte européenne) sert de référence pour arrêter les parités entre les monnaies des Etats européens qui y participent. Chaque monnaie bénéficie d’un taux pivot rattaché à l’Ecu et de grilles de taux de change bilatéraux dont les fluctuations ne peuvent pas dépasser une fourchette commune fixée à + ou – à 2,5 % 8 Politique régionale (articles 158 à 162 TCE –ex art. 130 A à 130 E), politique recherche et développement (articles 163 à 173 TCE –ex art. 130 F à 130 P), politique de l’environnement (articles174 à 173 TCE ex art. 130 R à 130 T)
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existent déjà. C’est ainsi au traité de Maastricht que l’on doit l’introduction dans le traité de
Rome de nouvelles politiques dont l’éventail est particulièrement riche qui va de véritables
politiques communes à des politiques de simple coordination. Ainsi la politique économique
et monétaire commune (articles 98 à 124 TCE-ex art.102 à109 M9) implique-t-elle le
transfert de la souveraineté monétaire des Etats membres à la Communauté. D’autres
politiques qui font leur première apparition dans le traité de Rome n’obéissent guère au
modèle de la politique commune dans leur volonté de limiter l’intervention de la
Communauté à des actions d’encouragement à la coopération des Etats membres. Tel est le
cas de la politique de l’éducation de la formation professionnelle et de la jeunesse (articles
149 à 150 TCE –ex art. 126 et 127), de la politique de la culture (article 151 TCE-ex art. 128),
de la politique de la santé publique (article 152 TCE -ex art.129), de la politique de l’industrie
(article157 TCE-ex art. 130) de la politique de la coopération au développement (article177 à
181 TCE ex art.130 U à 130Y). D’autres actions sont intégrées sans être pour autant érigées
en politiques comme la protection des consommateurs (article 153-ex art. 129 A) ou encore
les réseaux transeuropéens (article 154 à 156 –ex art. 129B à 129D)
En second lieu le traité de Maastricht est à l’origine de ces politiques de l’Union qu’il faut
apprendre à distinguer des politiques communautaires dans la mesure où elles s’inscrivent
dans un contexte de récusation de la méthode communautaire au profit de la méthode
intergouvernementale excluant le transfert de compétence des Etats à l’Union. A cette
philosophie singulière correspondent des régimes juridiques et des modes de fonctionnement
très différents. Ainsi les modalités de l’attribution des compétences, la nature particulière de
ces dernières comme l’exercice par l’Union des compétences qui sont les siennes procèdent –
elles de règles sensiblement différentes de celles qui régissent les politiques communautaires.
Il existe donc bien une césure entre les politiques de l’Union et celles de la Communauté que
l’on doit au traité de Maastricht. Cependant cette césure n’est pas définitivement figée. Il reste
en effet possible de décider une « communautarisation » d’une politique de l’Union.
L’exemple le plus pertinent nous est fourni par le traité d’Amsterdam qui réalise un
« basculement » d’une partie du 3ième pilier de la JAI à travers la création dans le traité de
Rome d’un nouveau titre IV intitulé « visas, asile, immigration et autres politiques liées à la
libre circulation des personnes ». Depuis cette reconfiguration, le 3ième pilier de l’Union n’est
plus constitué que de la coopération policière et judiciaire en matière pénale.
9 Il est nécessaire de conserver à l’esprit que l’actuelle numérotation des articles du TCE que l’on doit au traité d’Amsterdam est différente de celle pratiquée antérieurement et qualifié le plus souvent « ex article… » Il est tout aussi important, pour une analyse approfondie du droit des politiques, de suivre l’évolution des articles du traité qui témoigne de l’évolution concommitante du régime juridique de la politique concernée
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En initiant et renforçant la dynamique des politiques le traité de Maastricht un signe fort qui
irriguera tous les grands traités qui le suivront et qui doivent ainsi être systématiquement
analysés sous l’angle de l’apparition de nouvelles politiques10 ou encore celui de la révision
des politiques déjà existantes. Ainsi chaque nouveau Traité apporte –t-il nécessairement
sa contribution à « l’histoire des politiques communautaires et de l’Union » Le dernier
traité signé à Lisbonne n’échappe pas à la règle, avec cependant deux innovations sensibles.
La première est liée à l’absorption de la Communauté par l’Union qui accède enfin à la
personnalité juridique : une des conséquences est bien évidemment la nécessaire disparition
dans la terminologie officielle de la notion de « politique communautaire » : désormais toutes
les politiques devront être qualifiées de politiques de l’Union. Par ailleurs le traité de
Lisbonne en maintenant la dualité entre deux traités : le premier sur l’ UE (TUE) le second sur
le fonctionnement de l’ UE (TFUE) introduit-il une nouvelle distinction formelle : si en effet
toutes les politiques de l’ Union dont régies par le traité sur le fonctionnement de l’ UE, la
PESC et la PESD sont quant à elles inscrites dans le traité sur l’ Union ( TUE) et sont donc les
premières concernées par une forme de déconstitutionnalisation, propre au traité de Lisbonne
et soulignée par une certaine doctrine11.
Au-delà de cette première approche très historique de la notion de politique il apparait
également utile de tenter de qualifier les politiques à partir de plusieurs critères formels et
matériels qui permettront d’appréhender au plus près la réalité de chacune des politiques et ce
dans un paysage général des politiques communautaires et de l’ Union particulièrement riche
et diversifié
§2 une approche de la notion de politique d’un point de vue formel
Proposer une analyse des politiques communautaires d’un point de vue formel revient à partir
du traité de Rome et plus particulièrement de sa version initiale de 1957 qui est déjà riche
d’enseignements s’agissant du concept de politique et de son ambivalence. Cette version
1957 du traité doit être en effet considérée comme le référent à partir duquel peut être mieux
comprise cette dynamique des politiques déjà évoquée. On constate ainsi que peuvent être
10 Au titre des « créations » peut –on souligner celle de la politique de l’emploi (traité d’Amsterdam), de l’action de coopération économique, financière et technique avec les pays tiers ( traité de Nice), des politiques de l’énergie, du tourisme et de la protection civile (traité de Lisbonne sur le fonctionnement de l’UE). 11Cf. BROSSET (E), CHEVALLIER GOVERS (C), EDJAHARIAN (V), SCHNEIDER (C), le traité de Lisbonne, déconstitutionnalisation ou reconfiguration de l’UE, Bruylant, Bruxelles 2009, et plus particulièrement SCHNEIDER (C), Propos iconoclastes sur la déconstitutionnalisation de la PESC et de la PESD
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distinguées des politiques explicites, des politiques suggérées et des politiques totalement
absentes. Cependant dans tous les cas la prudence est de rigueur tant les situations à l’intérieur
de chacune de ces catégories apparaissent diversifiées et méritent une réflexion plus
approfondie
A/ Les politiques explicitement prévues en 1957 dans le traité de Rome sont peu
nombreuses. Elles sont parfois qualifiées de politiques originelles. Tel est le cas de la
politique agricole, de la politique commerciale, de la politique des transports et des règles
communes en matière de libre concurrence. Enfin le traité consacre même dans son titre III de
la IIIème partie une « politique sociale ». Cette énumération des politiques originelles permet
de mettre en lumière des situations très diversifiées. Ainsi certaines de ces politiques sont
construites sur le modèle de la coopération intégrée et impliquent des transferts importants de
compétences (qui seront assez rapidement mis en œuvre).Elles méritent à ce titre le
qualificatif de politiques communes (PAC, politique commerciale, politique de la
concurrence). En revanche la politique des transports qualifiée dès l’origine de politique
commune (cf. article 70 TCE –ex art.74) prendra un retard tel dans sa mise en œuvre que le
Parlement introduira en 1983 un recours en carence contre le Conseil, carence constatée de
manière contrastée par la Cour12. Cet épisode particulier montre bien qu’une politique
constitue une simple habilitation à agir qui peut être diversement mise en œuvre par la
Communauté au regard des pouvoirs qui sont les siens, discrétionnaire ou au contraire
relevant d’une compétence liée, et qui en tout état de cause sont contraints par la volonté des
Etats13. Enfin l’introduction dans le traité d’un titre consacrée à la politique sociale ne saurait
laisser croire à l’existence d’une véritable politique, significative d’une volonté effective des
Etats de développer un rapprochement effectif de leurs systèmes sociaux. Tout au plus
conviennent-ils de la nécessité de promouvoir l’amélioration des conditions de vie et de
travail de la main d’œuvre (ex article117.1 TCE) et estiment-ils qu’une telle évolution
résultera du fonctionnement du marché commun dont ils attendent qu’il favorisera
l’harmonisation des systèmes sociaux. Ainsi la Commission est –elle invitée à promouvoir les
collaborations entre Etats membres, formule qui à l’évidence exclut le transfert de
12 Cf. CJCE Parlement c/ Conseil, 22 Mai 1985 : dans cette affaire la Cour jugera que c’est seulement sur le point précis de l’article 75.1.b. (à savoir l’admission des transporteurs non résidents aux transports nationaux dans un Etat membre) que peut être reproché au Conseil une carence. Pour tous les autres points de la politique des transports, jugeant que le Conseil dispose d’un pouvoir discrétionnaire, la Cour considèrera qu’ une carence ne peut lui être reprochée 13 L’essentiel du retard pris pour la mise en œuvre de cette politique trouve son origine dans le souhait des Etats membres de soustraire la politique des transports aux règles de la libre concurrence
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compétence et le pouvoir normatif qui l’accompagne. En réalité il faudra attendre l’Acte
unique pour que modestement soit comblé le manque d’ambition en matière de politique
sociale. Ce traité autorisera enfin la Communauté à légiférer dans ce domaine pour
l’amélioration des conditions de travail. Mais c’est aussi le traité de Maastricht qui constituera
un développement important quoique contrasté de la politique sociale avec l’adoption entre 11
Etats membres (à l’exception du Royaume Uni) d’un protocole social que le traité
d’Amsterdam intégrera en définitive au traité après la renonciation par le Royaume Uni de sa
clause d’ « opting out. »
B/ les « politiques suggérées » découlent de ce que le traité de Rome en 1957
prévoyait parfois de manière atomisée, nécessitant une lecture combinée, des dispositions
suggérant que la Communauté pourra développer une action. Cette dernière est trop isolée
pour mériter le qualificatif de politique, tout au plus témoigne –t-elle d’une « sensibilité » de
la Communauté à certaines problématiques qui réclament de sa part une attention
particulière. Un premier exemple de ce type de situation est donné par la « sensibilité
régionaliste » du traité de Rome alors même que celui-ci ne propose pas en 1957 de politique
régionale. Ainsi l’article 39.2.a (aujourd’hui art. 33.2.a) invitait-il la Communauté à tenir
compte dans l’élaboration de la politique agricole commune « des disparités structurelles et
naturelles entre les diverses régions agricoles ». De même l’article 92.3.a (aujourd’hui
87.3.a) posait le principe de la possible compatibilité avec le marché commun et ses
exigences du respect de la libre concurrence des aides publiques « des aides destinées à
favoriser le développement économique des régions dans lesquelles le niveau de vie est
anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous emploi ». Enfin on trouve la même
sensibilité régionaliste dans la politique des transports qui interdit aux Etats d’appliquer aux
transports effectués à l’intérieur de la Communauté des prix ou des éléments de soutien dans
l’intérêt d’une ou plusieurs entreprises à moins que ces prix ou éléments de soutien ne soient
justifiés par une politique régionale appropriée , ou encore les besoins des régions sous
développées. Un deuxième exemple peut être trouvé dans l’absence de politique énergétique
9
(dont on sait qu’elle n’est introduite dans les traités qu’avec le traité de Lisbonne14) qui ne
signifie pas pour autant que les communautés ne se saisissent pas de certaines problématiques
énergétiques : il existe ainsi grâce au traité CECA un marché commun du charbon et grâce au
traité EURATOM une communauté de l’énergie atomique ; enfin certaines sources d’énergie
comme le pétrole ou le gaz naturel émargent au tarif extérieur commun de l’ union douanière
mise en place par le traité de Rome instituant la Communauté économique. Il est vrai que le
traitement partiel de quelques uns des problèmes posés ne saurait être confondu avec
l’approche globale ambitieuse affichée à partir de 2006
C/ Les politiques totalement absentes du traité de Rome version 1957 sont
nombreuses. Elles témoignent du fait que les Etats membres ne sont pas prêts pour développer
une action commune ponctuelle ou une vision plus globalisée, même réduite à l’expression
minimaliste d’une action de coordination et de simple appui de la Communauté. Echappent
ainsi à la Compétence communautaire sous l’angle vertical d’une politique définie de manière
sectorielle des champs importants, comme l’économie et la monnaie, l’éducation et le
formation, l’environnement, la santé, la justice, la culture etc…. La Communauté comme
n’importe quelle organisation internationale reste soumise au principe de spécialité. Elle n’a
pas la compétence de sa compétence. Elle reste dépendante de l’attribution des compétences
que veulent bien lui consentir les Etats membres et qui conditionne la création de nouvelles
politiques ou la réforme de celles déjà existantes. Néanmoins on ne saurait oublier que
parallèlement à l’attribution des compétences définie de manière verticale par la
création des grandes politiques communautaires, il existe les compétences que la
Communauté peut exercer au titre du marché intérieur.
14 On remarquera néanmoins que les grandes lignes d’une véritable politique commune de l’énergie englobant toutes les problématiques qui lui sont inhérentes (achèvement du marché intérieur, sécurité de l’approvisionnement, diversification des sources d’énergie notamment au profit des énergies renouvelables, relations extérieures) ont été dressées dès 2006 par la Commission dan son livre vert (COM/2006/105) en date du8 mars 2006
10
Plusieurs exemples témoignent de la dimension « attrape tout » du marché intérieur et de
ses principes de libre circulation et de libre concurrence qui permet à la Communauté de se
saisir de questions relevant d’un « champ d’activité sectoriel » qui lui est « apparemment
interdit » si l’on se place sous l’angle vertical des politiques. Ainsi l’absence de politique de la
santé avant le traité de Maastricht n’a pas empêché la Communauté de se saisir de la libre
circulation des médicaments, de la surveillance des grandes firmes pharmaceutiques au regard
des règles de la libre concurrence, de l’harmonisation des diplômes des professions médicales
et paramédicales dans le cadre de la liberté d’établissement. De même l’absence de politique
de l’éducation et de la formation n’a pas non plus empêché la Communauté de contrôler, sous
l’angle de l’interdiction des discriminations à l’encontre les travailleurs et de leurs familles,
des réglementations nationales susceptibles de limiter l’accès des enfants non nationaux à
l’’école15. Enfin l’absence de politique commune de la défense n’a pas empêché la Cour de
Luxembourg de juger qu’une réglementation nationale autorisant la prise en compte du
service national dans l’ancienneté de l’entreprise ne saurait être limitée au service national
effectué au profit du seul Etat membre (donc des ressortissants de l’Etat) dans le cadre duquel
a été établi la dite réglementation. Une telle limitation des bénéficiaires de ce dispositif
constituerait une violation de la libre circulation des travailleurs16
§3 La notion de politique définie d’un point de vue matériel
En réalité l’extraordinaire diversité des politiques interdit toute définition à partir d’un critère
unique. Il convient alors de se fonder sur la technique du faisceau d’indices en recourant pour
une même politique à plusieurs critères fondés sur le contenu même de la politique. Seule en
effet la combinaison de plusieurs critères matériels permet alors d’approcher au plus près la
15 Ainsi lorsque la législation nationale prévoit l’octroi de bourses ou d’allocations, les enfants du travailleur migrant y ont droit au même titre que les enfants des travailleurs nationaux : cf. CJCE 3 juillet 1974, 9/74, Casagrande, Rec. P. 773 16 Cf. CJCE 15 octobre 1969, ,15/69, Ugliola, où la RFA a en vain soulevé l’incompétence de la Communauté et de la Cour à l’encontre d’une disposition nationale relevant de sa défense nationale
11
réalité de la politique analysée. La technique du faisceau d’indices permet alors d’appréhender
toute nouvelle politique que l’on découvre pour la première fois, ce qui est fort utile au regard
d’un champ disciplinaire, le droit matériel des politiques, touché de plein fouet par la
dynamique communautaire et la fièvre révisionniste qui le caractérise. Ce phénomène rend
particulièrement difficile une étude exhaustive de ces politiques et conduit nécessairement à
faire des choix (cf. choix opérés dans les parties I et II et limitant l’étude à certaines
politiques les plus emblématiques) Doivent ainsi systématiquement analysés, la dimension
marché intérieur de la politique (A), son système distributif de compétences (y compris la
nature des compétences conférés à la Communauté) (B), la place qu’elle accorde aux
fonctions de contrôles (C), son processus décisionnel (D) et enfin sa dimension financière (E)
A/ le critère de la dimension marché intérieur de la politique permet d’appréhender la
contribution de la politique à la création du grand espace économique unifié, c'est-à-dire
libéré de tout obstacle aux échanges intracommunautaires mais aussi protégé et dynamisé,
lorsque les règles du commerce international l’autorisent par des protections vis-à-vis du
marché mondial. Par ailleurs une autre très importante contribution à la réalisation du grand
marché unique passe par le pouvoir, reconnu ou non selon les cas, à la Communauté de
recourir à l’harmonisation des législations dans le cadre de la politique étudiée. Ainsi la PAC
possède t-elle une importante dimension marché intérieur : les produits agricoles
bénéficient d’une libre circulation des marchandises entendue au sens large17 ; les
prélèvements aux importations ont joué un rôle important dans la mise en œuvre de la
« préférence communautaire » ; les restitutions aux exportations ont permis de restaurer la
17 La jurisprudence de la CJCE a permis d’écarter la thèse défendue par certains Etats de limiter le bénéfice la libre circulation aux seuls produits relevant d’une organisation commune de marché (OCM). Ainsi la Cour a-t-elle confirmé l’application de la libre circulation à l’organisation britannique du marché de la pomme de terre (29 mars 1979,231/78, Commission c/ Royaume Uni, Rec. p. 1447) ou encore à l’organisation française de la viande de mouton avant qu’une organisation commune n’ait été instituée au niveau communautaire en 1980 (25 septembre 1979, Commission c/ France, Rec. P. 2729)
12
compétitivité des produits agricoles communautaires sur le marché mondial malgré des
niveaux de prisx supérieurs à ceux du marché mondial. La politique des transports
comporte également une importante dimension marché intérieur dans la mesure où elle est
considérée comme le support nécessaire de la mobilité des biens et des personnes : elle
implique la suppression progressive des discriminations constituées par des prix et des
conditions de transports (de marchandises et de trafic similaires) différents en raison du pays
d’origine ou de destination. Elle contrôle la compatibilité des aides publiques, qui sont
fréquentes dans ce secteur, avec les règles de la libre concurrence. Elle s’intéresse à la libre
circulation des travailleurs comme à la liberté d’établissement ou encore des services. La
Politique de l’environnement, dont on avait du mal à imaginer qu’elle puisse avoir un
impact réel sur la création de l’espace économique unifié libéré de toute entrave aux
échanges, possède également aujourd’hui une dimension marché intérieur : ainsi a-t-il
rapidement été perçu qu’une politique nationale fixant des normes élevées et plus sévères
pouvait être une manière très hypocrite de contourner la libre circulation des marchandises et
de reconstruire une forme de protectionnisme : ainsi les réglementations nationales des Etats
sont elles souvent évaluées à l’aune de la mesure d’effet équivalent interdite par les articles 28
à 30 du traité de Rome. De la même manière la gestion des déchets, dont il a été confirmé
par la jurisprudence qu’ils constituaient bien des marchandises au sens su traité de Rome
possède t-elle une dimension marché intérieur. D’autres politiques comme par exemple la
politique régionale restent au contraire assez éloignées de la logique du marché intérieur
dans la mesure où l’on n’y retrouvera pas de dispositif libre circulation et où la dimension
libre concurrence des aides publiques en faveur des régions est traitée en dehors de la
politique mais bien plutôt dans la politique de la concurrence
13
B/ le critère de la contribution de la politique au système distributif de compétences.
Toute politique implique une définition particulière des compétences et pouvoirs d’action qui
sont ceux de la Communauté pour réaliser les objectifs qui lui sont assignés au titre de la dite
politique. Il est donc particulièrement important d’évaluer la politique en fonction de la
délimitation de la compétence (qui pourra évoluer au fur et à mesure des révisions du traité
communautaire, mais aussi de sa nature, exclusive, partagée ou simplement d’appui (elle-
même évolutive). Rares sont les politiques qui impliquent des compétences exclusives (PAC,
politique de la pêche, politique commerciale, politique monétaire). Encore faut-il aussi bien
comprendre que toutes les compétences dans une politique ne sont pas forcément de même
nature : ainsi dans la politique de la pêche seule la gestion des ressources halieutiques et par
voie de conséquence la définition des taux autorisés de capture (TAC) relève-t-elle de la
compétence exclusive. Bien évidemment la nature des compétences reconnues constitue un
signe non négligeable du type de politique, « particulièrement intégrée » ou au contraire
significative d’un affadissement de la logique supranationale (cf. supra p.3). De même la
réflexion sur la portée de la compétence et plus particulièrement la question de savoir si la
politique implique ou non une forte dimension normative doivent faire l’objet d’un examen
approfondie. Certaines politiques appellent l’exercice de la part de la Communauté de
simples fonctions d’incitation, d’encouragement, de coordination de l’action des Etats
membres et restent assez largement étrangères à la création de normes contraignantes. Dans
ces hypothèse l’action de la Communauté empruntera des voies différentes, information,
concertation, ou encore soutiens financiers aux politiques nationales
C/ Le critère des fonctions de contrôles. Toutes les politiques ne mobilisent avec la
même densité ces fonctions qui peuvent s’exercer selon des modalités très différentes. Il
existe ainsi des pouvoirs de contrôle à priori reposant sur des mécanismes de notification à
14
la Communauté et ou d’autorisation préalables de la part de cette dernière. Les exemples les
plus significatifs de ce type de contrôle sont proposés par la politique de la concurrence. On
citera en premier lieu le mécanisme de contrôle des ententes dérogatoires à l’interdiction
des ententes susceptibles d’affecter la concurrence. Ainsi certaines ententes peuvent elles
être autorisées sur la base de l’article 81.3 (ex art. 85.3) et la Commission disposait du
pouvoir exclusif (jusqu’en 2003) d’autoriser ces accords restrictifs de la concurrence
considérés conformes aux dérogations introduites par l’article 81.318. La Commission a été,
grâce à ce système d’autorisation centralisé impliquant de très nombreuses décisions
individuelles d’exemption, directement à l’origine d’une véritable culture de la concurrence
qui a considérablement servi à l’harmonisation du marché. Les contrôles à priori, sur la base
de la notification ou encore l’autorisation préalable, constituent également l’essence même de
la surveillance communautaire de la compatibilité des aides publiques 19 et des
concentrations20 avec la libre concurrence En outre la fonction de contrôle peut s’exercer à
postériori et aller jusqu’à la compétence non négligeable de recourir à des sanctions qu’il
s’agisse d’amendes assorties d’astreintes ou de possibilités de recours devant la Cour de
justice selon des modalités parfois simplifiées21. Ainsi les fonctions de contrôle touchant à
l’interdiction des ententes illicites sont elles, à l’exception du mécanisme d’exemption de
l’article 83.1 déjà évoqué, pour l’essentiel de nature répressive.
Si la Commission est le plus souvent l’instance incontournable de l’exercice de ces fonctions
de contrôle, il existe naturellement des modalités d’organisation décentralisée des contrôles et
18 Cf. règlements 17/62 du 21. 02. 1962, 1216/1999 du 15. 06. 1999 19 L’article 88.3 –ex art. 93.3 met à la charge de l’Etat souhaitant modifier une aide ou créer une nouvelle aide une obligation de notification préalable très sévèrement sanctionnée : en effet toute aide non notifiée est automatiquement illégale 20 Le contrôle des concentrations non expressément prévu dans le traité de Rome a été introduit en 1989 par le règlement communautaire 4064/1989. Il vise à vérifier que la concentration ne créera pas ou ne renforcera pas une position dominante : il repose sur une obligation de notification préalable et met à la charge de la Commission une obligation de statuer dans des délais courts 21 Mérite d’être cité à ce titre la procédure de constatation du manquement ouvert à la Commission et à tout Etat intéressé par l’article 88.3 –ex 93.3 en cas de non-conformité d’une aide publique. Il s’agit d’une procédure dérogatoire au droit commun du recours en manquement, la Commission étant dispensée d’émettre un avis motivé avant de saisir la Cour du manquement de l’Etat membre
15
autres surveillances : ces dernières peuvent être en premier lieu confiées à des agences comme
c’est le cas pour la politique de l’environnement qui a été dotée d’une Agence européenne
pour l’environnement. Cette dernière est chargée, sinon de fonctions de contrôles, de missions
d’information et d’assistance de la Commission et des autorités nationales pour l’élaboration
et la mise en œuvre de leurs actions relatives à la protection de l’environnement. Quant aux
Etats membres ils sont parfois, sinon souvent, associés aux contrôles y compris par la
constitution de réseaux de surveillance. Ainsi la politique de la concurrence a-t-elle renoncé
à son système centralisé de surveillance en remplaçant en 200322 la compétence exclusive de
la Commission par un réseau d’autorités nationales. Le réseau européen de la Concurrence
(REC) formé par la Commission et les autorités nationales applique les règles
communautaires de la concurrence en attribuant les affaires sur la base de l’autorité la mieux
placée
Les modalités du contrôle impliquent parfois les acteurs économiques eux même : on peut à
cet égard citer le contrôle du respect des taux autorisés de capture dans la politique de la
pêche grâce notamment au livre de bord communautaire tenu par les capitaines des navires de
pêche. Ainsi ces derniers ont-ils l’obligation, dans ce livre de bord communautaire de faire
figurer leurs prises sur la base de critères précis (quantité, zone de pêche, modalités et
techniques de pêche, etc.). Naturellement l’importance quantitative et la densité qualitatives
des fonctions de contrôles développées dans le cadre de chacune des politiques sont-elles de
nature à permettre une évaluation plus précise de la réalité de ces politiques
D/ le critère des processus décisionnels applicables dans le champ d’une politique est
également important pour en comprendre sa substance. Ce critère ne saurait être abusivement
réduit à une opposition entre majorité et unanimité ou encore à la constatation de l’application
22 Cf. règlement 1/2003 du 04.01.2003
16
ou de la non application de la procédure de codécision. L’analyse fouillée d’un processus
décisionnel s’avère beaucoup plus subtile au regard de la complexité des procédures de
décision (dont les spécialistes soulignent souvent qu’elles sont au nombre d’environ 400). Il
est en effet nécessaire de prendre en compte bien d’autres éléments du processus décisionnel :
le pouvoir d’initiative qui peut être partagé ou non ou encore l’association éventuelle, selon
des modalités très diversifiées, de certaines instances, comme par exemple le Comité
économique et social, le Comité des régions, ou la BCE. S’agissant des modalités de
l’association du Parlement aux décisions prises dans le cadre d ‘une politique, elles obéissent
à de multiples gradations : information, consultation simple, consultation avec avis conforme,
approbation, procédure de coopération , de codécision. L’ensemble des éléments du processus
décisionnel mérite à n’en point douter un examen minutieux. Il témoigne de la contribution
particulière de la politique visée à la séparation verticale des pouvoirs et à l’équilibre
institutionnel entre le triangle Conseil/ Commission/ Parlement. De la même manière le
couple majorité/unanimité applicable au fonctionnement du Conseil ne saurait être simplifié
de manière caricaturale. Au-delà de ces principes généraux, force est de constater qu’il en
existe de multiples déclinaisons23. Deux remarques s’imposent dans l’invitation a faire du
critère du processus décisionnel un élément fondamental de l’évaluation des politiques. La
première a trait à la prudence qu’il convient d’adopter dans sa mise en œuvre dans la mesure
où une politique ne saurait jamais être réduite à un seul processus décisionnel : ce dernier peut
en effet être différent selon le type d’action autorisé dans le cadre de la dite politique. Par
ailleurs le processus décisionnel est un des éléments les plus susceptibles d’être modifié à
l’occasion de la révision des traités. Ainsi n’est-il pas rare d’évaluer l’impact d’un traité de
révision sur les politiques par le nombre de basculements de l’unanimité à la majorité ou
encore à l’aune de la progression de la codécision. En tout état de cause une étude sérieuse du
23 A titre d’illustration unique de ces multiples déclinaisons, on soulignera l’abstention constructive développée par le traité d’Amsterdam au profit de la PESC et visant à ne pas assimiler l’abstention à un vote négatif dans une politique régie par le principe général de l’unanimité
17
droit matériel des politiques implique nécessairement une bonne maitrise de ces grandes
problématiques du droit institutionnel.
E/ le critère de la dimension financière de la politique et de sa prise en compte par le
Budget communautaire ne doit pas être négligé. Ainsi deux politiques, la PAC et la politique
de cohésion économique et sociale (nouvelle appellation depuis Maastricht de la politique
régionale) représentent à elles seules aujourd’hui environ 78% du budget communautaire. La
PAC à certaines époques a représenté quelques 7O% du budget communautaire, ce qui a
entretenu nombre de contestations puisqu’elle ne « profitait » qu’à environ 10% de la
population active. Depuis le « paquet Delors I »24 la dépense agricole est strictement
encadrée25, ce qui à permis de la ramener à quelques 42% contre 36% environ au profit de la
cohésion économique et sociale, qui apparait comme la grande gagnante du rééquilibrage
entre les dépenses opéré à partir de la mise en œuvre de la programmation pluriannuelle
qualifiée de perspectives financières26. Il n’en reste pas moins vrai que toutes les autres
politiques internes représentent seulement environ 8% des dépenses communautaires. Quant
aux politiques extérieures elles ne représentent qu’environ 4,5% du Budget communautaire.27
La plupart des politiques interne qui ont une forte dimension opérationnelle impliquant de la
part de la communauté des interventions financières sont ainsi dotés de fonds d’intervention
auxquels sont confiés la gestion de ces interventions financière : Fonds européen d’orientation
et de garantie agricole (FEOGA), Fonds européen de développement régional (FEDER),
24 Il s’agit de la première mise en œuvre, pour la période 1988-1992 du système d’encadrement et de programmation disciplinée des dépenses communautaire, fondé sur l’accord interinstitutionnel du 29 Juin 1988. De nouveaux accords interinstitutionnels (29 octobre 1993, 6 mai 1999) jalonnent désormais cet exercice dit des « perspectives financières » 25 Cf. infra chapitre consacrée à la PAC 26 Cf. perspectives financières dites « Paquet Delors I » (1988-1992), « Paquet Delors II » (1993-1999), « Agenda 2000 » (2000-2006), perspectives financières (2007-2013) 27 Ce chiffre très modeste doit cependant être nuancé à un double point de vue : le fonds européen de développement (FED) qui finance l’action de la Communauté au profit des pays en voie de développement est un fonds débudgétisé qui n’apparait donc pas dans le budget ; quant aux dépenses de la PESD, elles sont pour l’essentiel assumées par les Budgets nationaux des Etats membres
18
Fonds de cohésion, Instrument financier d’orientation de la pêche (IFOP), Fonds social
européen (FSE). Une analyse sérieuse des politiques communautaires implique de suivre
l’adoption et la mise en œuvre des perspectives financières qui sont l’occasion de débats très
intenses entre les Etats dans la mesure où elles impliquent les priorités politiques majeures
qu’ils entendent donner aux différentes politiques. Ces perspectives financières ne doivent pas
être confondues avec un exercice de programmation financière indicative : les plafonds de
dépenses sont en effet contraignants. Il n’en reste pas moins vrai que cet exercice doit
également être distingué d’un budget pluriannuel : en effet la procédure budgétaire
communautaire relève toujours du principe d’annualité, l’adoption annuelle du budget reste
toujours incontournable pour arrêter le niveau effectif des dépenses pour chaque politique
dans le respect des plafonnements fixés par les perspectives financières
La mise en œuvre de ces différents critères, tout en permettant d’évaluer au plus près la réalité
de chacune des politiques, autorise en outre leur qualification à partir de typologies dégagées
par la doctrine spécialisée
§ 4 les différentes typologies
Aucune politique ne relèvera d’une seule typologie : néanmoins les qualifications, même
multiples, applicables à chacune des politiques, apparait très utile pour les situer et faciliter la
compréhension immédiate de leur réalité
A/ la distinction entre une action et une politique revient à signaler que toutes les
actions communautaires ne sont pas pour autant assimilables à une politique. Outre le critère
formel (mais pas toujours fiable comme nous l’avons signalé à propos de la politique sociale)
de l’introduction dans le traité de Rome comme politique28, la qualification matérielle de
28 Il est fondamental à cet égard de se reporter systématiquement au sommaire du traité de Rome dont la troisième partie, qualifiée les politiques de la Communauté, propose une liste des dites politiques. Après l’entrée
19
politique nous conduit à souligner la volonté des Etats membres de développer une vision
globale d’un secteur donné. Cette approche globale se traduit par une vision élargie des
objectifs, par un ensemble de pouvoirs d’action normatifs et ou opérationnels, par la mise en
place d’instances ad hoc chargées d’assister les institutions dans l’élaboration et la mise en
œuvre de la politique, et enfin par des procédures spécifiques s’agissant de l’adoption des
décisions. En définitive le concept de politique communautaire n’apparait pas trop différent
de celui dit des grandes politiques publiques qui existent au niveau et des Etats et qui reposent
sur des acteurs, des instruments, des procédures, et des financements ad hoc
B/ Politique originelle et politique non originelle. Il s’agit de souligner que toutes les
politiques ne figuraient pas dans la version 1957 du traité de Rome (cf. supra) et que celles
qui y figuraient sont significatives d’une conception particulière des enjeux, à cette même
date, de l’Union économique toujours plus étroite entre les Etats (nécessité de ne pas laisser
l’Agriculture en dehors au regard de l’importance de ce secteur économique pour nombre
d’Etats fondateurs). Quant aux politiques non originelles qui surgissent au fur et à mesure de
l’approfondissement de l’union économique, il est important de savoir « les contextualiser »
tant par la date de leur création que par le contexte qui y a présidé (création de la politique
régionale comme contrepartie accordée au Royaume Uni, création de l’Union économique et
monétaire dans le contexte de la réunification allemande etc..)
C/ Politique communautaire et Politique de l’Union. On rappellera pour mémoire que
le régime juridique de chacune de ces catégories trouve sa source dans deux traités différents :
le traité de Rome sur la Communauté économique européenne et le traité de Maastricht sur
l’Union. La logique dominante de chacun de ces traités et des politiques qu’ils régissent n’est
en vigueur du traité de Lisbonne, c’est au sommaire du traité sur le fonctionnement de l’ UE (TFUE), qu’il conviendra de se reporter
20
pas la même, méthode communautaire pour le premier, méthode intergouvernementale pour le
second traité et ses deux piliers PESC et JAI.
D/ Politiques communes et politiques « simplement communautaires ». Il est
important ici de signaler que le traité de Rome ne recourt pas dans tous les cas à la
qualification de « politique commune » plutôt réservée aux politiques (agriculture, transports,
commerce, pêche, politique monétaire depuis Maastricht, etc..) impliquant d’importants
transferts de compétences, souvent (mais pas toujours) exclusives au profit de la Communauté
dont l’action se révèlera très normative. D’autres politiques « simplement communautaires »
(régionale, culture, formation, industrie, recherche et développement, environnement)
témoignent d’une volonté de ne pas laisser se développer une action de la Communauté
« substitutive » à celle des Etats membres mais bien plutôt complémentaire, de coordination et
d’appui.. On appellera néanmoins à la prudence dans le maniement de cette typologie et ce
pour plusieurs raisons. La première tient à l’absence parfois de rigueur du système
communautaire lui même dans l’utilisation de cette typologie : en effet la Politique étrangère
et de sécurité commune, fondamentalement intergouvernementale, ne saurait relever de la
catégorie susvisée. Enfin il convient de comprendre qu’une politique conçue au départ
comme simplement communautaire peut être transformée en politique véritablement
commune (cf. politique de l’énergie). Telle est la loi de la dynamique des politiques
communautaires
II UNE NOTION DE POLITIQUE COMMUNAUTAIRE ET DE L’ UNION ENRICHIE
PAR LA DIFFERENCIATION
21
Le principe de différenciation implique que toutes les actions et politiques ne sont plus
forcément constitutives de mêmes droits et de mêmes obligations pour tous les Etats. Cette
idée visant à abandonner le traitement uniforme de tous les Etats membres pour lui substituer
des traitements différenciés n’était pas totalement étrangère aux premières années de la mise
en œuvre du traité de Rome. En effet ce dernier proposait déjà dans sa version 1957 la prise
en compte de certaines spécificités des Etats membres. On peut citer à titre d’exemple l’article
227 (aujourd’hui 299) qui régit le statut, notamment vis-à-vis du marché commun, des
territoires non métropolitains des Etats membres ou encore l’article 233 (aujourd’hui 306) qui
détermine les principes de la compatibilité des unions régionales du BENELUX avec le
marché commun. Cependant, avec l’avènement des crises économiques de la décennie de
1970 et surtout l’élargissement à de nouveaux Etats dont le niveau de vie était inférieur à la
moyenne communautaire, le problème de la volonté mais aussi de la capacité de tous les Etats
à assumer les obligations inhérentes au politique va se poser avec une acuité nouvelle .La
multiplications des débats et controverses sur la méthode de la différenciation sera à l’origine
des premières constructions doctrinales (§1) Au-delà de ce débat doctrinal, il convient de
retenir que le principe de différenciation peut être décliné selon des techniques juridiques très
diversifiées parmi lesquelles la « coopération renforcée » constitue l’exemple le plus souvent
cité quoique non exclusif (§2)
§1 Enjeux juridico-politiques et premières tentatives de théorisation doctrinale de la
différenciation
A/ les enjeux de la mise en œuvre de la différenciation sont nombreux qui ont été mis
en lumière par la doctrine du droit communautaire
22
- la différenciation simple modalité de résolution de problèmes conjoncturels ou
mode d’organisation permanent et authentique du système communautaire et de
l’union ? L’une des modalités possibles de la différenciation et qui a souvent été utilisée est
celle des périodes transitoires qui sont consenties ou imposées aux nouveaux adhérents pour
leur permettre une « entrée en douceur dans le système » et atténuer le choc que constituerait
l’application immédiate de l’ensemble des obligations communautaires. Si les 6 Etats
fondateurs s’étaient donnés 12 ans pour la mise en œuvre de la libre circulation des
marchandises impliquant la suppression de leurs droits de douanes et de leurs restrictions
quantitatives, on comprend mieux qu’ils aient, en s’élargissant à de nouveaux Etats, accepté
de donner à ces derniers certains délais pour se conformer à de telles obligations. Dans
d’autres hypothèses ce sont les Etas membres qui sont eux même « demandeurs »de tels
régimes dérogatoires appliqués à titre provisoire au nouvel entrant29. Ainsi chaque traité
d’adhésion doit –il être systématiquement analysé à l’aune des régimes de différenciation
qu’il met en place dans le cadre de périodes transitoires. Cette différenciation ne saurait être
confondue avec d’autres qui ne sont pas limités dans le temps et qui présentent un caractère
permanent (mais qui reste néanmoins réversible en laissant ouverte la possibilité de l’Etat en
situation de dérogation de rejoindre un jour le régime de droit commun). De telles situations
sont autrement plus riches de conséquences. Elles se traduisent en effet par des effets d’ordre
institutionnel diversifiés dont la plus courante est la non participation de l’Etat en situation
dérogatoire au pouvoir de décision du Conseil, chaque fois que ce dernier traite des questions
relevant de la politique concernée par le régime de différenciation. Il existe de très nombreux
exemples : non participation du Royaume uni et du Danemark qui ont obtenu lors du traité de
Maastricht un régime dérogatoire pour l’Union économique et monétaire à nombre de
29 Un des exemples les plus pertinent de cette « différenciation imposée » peut être trouvé dans l’adhésion de l’ Espagne dont la flotte de pêche particulièrement importante présentait le risque de déstabiliser la toute nouvelle politique commune de la pêche. Il était ainsi prévu dans le traité d’adhésion que l’ Espagne n’émargerait comme « membre plein » de l’Europe bleue qu’à partir de 2003
23
décisions prises dans le cadre de l’UEM, non participation du Danemark aux décisions de la
PESC ayant des implications militaires suite au régime dérogatoire qui lui a été accordé par
le Conseil européen d’ Edimbourg après l’échec du référendum de ratification du traité de
Maastricht, non participation aux décisions (alors qu’ils participent aux délibérations) des
Etats non membres d’une coopération renforcée, mécanisme introduit par le traité
d’Amsterdam (cf infra). On constate ainsi que les conséquences structurelles de chaque
différenciation sur le fonctionnement des institutions ne sont pas anodines et alimentent
souvent l’opposition à ce type de mécanisme que d’aucuns voudraient limiter à des
aménagements purement conjoncturels. Les conséquences durables d’ordre structurel font en
effet surgir nombre de questions : comment conjuguer ces différences avec les principes
d’égalité entre les Etats, d’unité et de solidarité qui constituent le socle de la construction
communautaire. Les Etats des « groupes pionniers » ne seraient-ils pas fondés à revendiquer
un statut privilégié au regard des obligations plus lourdes qu’ils assument30. L’unité dans la
diversité qui préside au fonctionnement du système conservera- t-elle longtemps sa crédibilité
si le système d’action global communautaire inhérent aux grandes politiques communautaires
venait à éclater en autant de réseaux multilatéraux qu’il ya d’Etats et de politiques. C’est le
thème souvent évoqué de la différenciation « déstructurante »31
La différenciation réponse au « syndrome de Schengen » ? A l’évidence la
flexibilité offerte par les différentes techniques juridiques constituent un élément de réponse à
ce qu’il est courant de qualifier de syndrome de Schengen à savoir la tentation des Etats
soucieux d’avancer plus vite dans l’intégration de réaliser leur projet spécifique (en
l’occurrence pour le système Schengen une suppression totale des contrôles aux frontières et
30 A quand par exemple l’émergence d’un « Conseil de sécurité » version communautaire au profit des 4 Etats qui assument à eux seuls 80% des moyens militaires mis à la disposition de la PESD 31 Cf. la contribution du professeur Burgorgue Larsen à l’académie d’été 2001 du centre d’excellence J Monnet de Grenoble : http://cejm.upmf-grenoble.fr
24
une première ébauche de coopération entre les police pour les cinq Etats concernés32 ) en
dehors du système communautaire. De telles initiatives font à l’évidence peser un risque de
dilution de l’acquis communautaire, le système communautaire se trouvant « court-circuité »
pour l’élaboration et la mise en œuvre d’une coopération majeure. On comprend alors le
phénomène de fascination/ répulsion qualifié de « syndrome Schengen » : le système
communautaire parce qu’il est préoccupé d’empêcher que ne se développent en dehors de lui
des coopérations particulières tente de les récupérer à son profit : cependant il est
parallèlement soucieux, dans sa crainte de voir ces coopérations particulière remettre en
question les acquis communautaires, de multiplier les précautions (cf. la coopération
renforcée infra §2) afin d’ en réduire la portée.
B/ première ébauches de théorisation de la différenciation par la doctrine spécialisée
La doctrine s’est passionnée pour l’analyse du phénomène auquel elle réserve une
terminologie particulièrement diversifiée (flexibilité, différenciation, noyau dur, groupe
pionnier), dont certaines sont officialisés par les traités eux-mêmes au regard de mécanismes
juridiques bien précis ( les coopérations renforcées des articles 27 A à 27 D, 40 et 43 à 45 du
TUE et 11 du TCE ; les coopérations plus étroites de la PESC de l’article 17.4, et bientôt les
coopérations structurées permanentes de l’article 46 TUE après l’entrée en vigueur du traité
de Lisbonne) Peuvent ainsi être dégagées des typologies utiles pour une meilleure
compréhension du phénomène de la différenciation sans qu’aucune d’entre elles ne puisse
pour autant résumer à elle seule une situation donnée
- Différenciation interne au système communautaire et externe au système
communautaire. Il s’agit ici de mettre en exergue que la constitution des groupes pionniers
au profit d’une coopération qui leur est propre peut être réalisée sur la base d’accords de droit
32 C’est par des accords de droit international classique signés en 1985 et 1990 et entrés en vigueur en 1995 que l’Allemagne, la France et les trois Etats du Benelux ont développé cette coopération particulière qui sera absorbée par le système communautaire à l’occasion du Traité d’ Amsterdam
25
international qui ne doivent rien au système communautaire (les accords de Schengen), même
si celui-ci en mentionne parfois l’existence ou encore la possibilité d’y recourir (l’article 17. 4
du TUE)33
- Différenciation et géométrie variable renvoient à l’idée que la différenciation porte
sur les objectifs qui ne sont pas unanimement partagés par tous les Etats dont certains se
mettent à part en ne participant pas à la politique et aux actions qu’elle envisage. Cette mise à
part peut-être, soit subie lorsque la non participation découle d’une incapacité à assumer les
obligations inhérentes à la politique envisagée, soit l’expression d’une volonté politique
affirmée de ne pas se lier. Dans ce dernier cas on utilisera également le terme d’Europe à la
carte pour mettre en exergue ce phénomène selon lequel l’Etat dispose à sa guise les
politiques auxquelles il veut bien participer. Relèvent à l’évidence de cette situation, la non
participation du Royaume uni à l‘EURO, à la politique sociale entre le traité de Maastricht et
celui d’Amsterdam, à l’espace Schengen. Techniquement parlant les situations particulières
sont mises en œuvre par des clauses ou mécanismes dits « d’opting out » qui comme leur nom
l’indiquent permettent d’exclure l’application d’un dispositif à tel ou tel Etat membre. Le
dernier en date qui a fait l’objet de multiples commentaires est celui que le traité de Lisbonne
accorde au Royaume Uni et à la Pologne relativement à la charte des droits fondamentaux34.
En revanche tout dispositif autorisant expressément la constitution de groupes pionniers ou de
coopérations particulières sera qualifié « d’opting in » Enfin il n’est pas rare de voir
introduites dans l’analyse de la géométrie variable différentes distinctions pour mieux affiner
la présentation du phénomène. On pourra parler de « géométrie variable réglementée » et
dans d’autres cas de « géométrie variable ouverte ». Il s’agit dans le premier cas de signaler
33 Cet article qui intéresse la PESD renvoie à l’existence d’accords bilatéraux ou multilatéraux dans le cadre de l’UEO ou de l’Alliance Atlantique. C’est sur la base de ce type d’accord qu’ont été créées certaines forces multilatérales comme, l’EUROFOR, l’EUROMARFOR ou encore la gendarmerie européenne 34 Cf. Protocole sur l’application de la Charte des droits fondamentaux dont l’article1.2 précisant que la charte ne crée pas de droits justiciables sauf dans la mesure ou la Pologne et le Royaume Uni a prévu de tels droits dans leur législation nationale
26
que le traité en organisant et encadrant de manière très stricte la différenciation des
politiques réduit d’autant la marge de manœuvre des Etats dans une situation très
« vérouillée » par le système communautaire (l’exemple type étant la coopération renforcée).
Dans le second cas le traité, en se limitant à offrir de simples opportunités que les Etats sont
libres ou non de mobiliser, leur laisse une beaucoup plus grande marge de manœuvre
(l’exemple type étant les coopérations plus étroites de la PESC).
-Différenciation et Europe à plusieurs vitesses. Dans cette hypothèse l’accent est
mis sur la dimension temporelle de la différenciation qui en revanche ne porte pas les
objectifs de la politique. Ces derniers sont en effet partagés par tous les Etats. Simplement
tous ne sont pas en mesure d’assumer selon le même rythme la réalisation des obligations
inhérentes à l’action ou à la politique. Les régimes transitoires concédés ou imposés à certains
Etats notamment à l’occasion de l’adhésion sont l’exemple le plus significatif de ce type de
différenciation auquel est conférée une mission propédeutique et d’initiation : à savoir
permettre à un Etat d’assumer progressivement le choc de la reprise de l’acquis
communautaire
- Différenciation offensive et différenciation défensive est une typologie fondée sur
les finalités associées à la différenciation. Cette dernière sera qualifiée d’offensive lorsqu’elle
poursuit un objectif d’intégration renforcée en permettant aux Etats désireux mais aussi
capables de développer de nouvelles actions ou politiques de le faire (thème récurrent « des
locomotives », de « l’avant-garde » , « des pionniers »). On retrouve ici la préoccupation de
garantir que, grâce à la différenciation, la construction communautaire ne soit pas « tirée par
le bas » au rythme et à la mesure des Etats les moins désireux ou les moins capables
d’avancer ou de progresser. On parlera de différenciation défensive pour qualifier l’ensemble
des mécanismes qui cherchent à se protéger d’avancées qu’ils ne partagent pas
-Différenciation structurante et différenciation déstructurante est une distinction
27
qui est assez proche de la précédente et qui s’appuie sur un jugement de valeurs face à
l’objectif général qui est celui de l’approfondissement de l’intégration. Sera qualifié de
structurant tout mécanisme de différenciation conçu pour favoriser la dynamique de
l’intégration en permettant aux Etats qui souhaitent aller plus vite et plus loin de le faire. En
revanche tout mécanisme permettant aux Etats de se démarquer, de refuser de s’associer aux
nouvelles politiques sera qualifié de différenciation déstructurante.
§2 une illustration particulière (mais non exclusive) des techniques juridiques de la
différenciation : les coopérations renforcées
La coopération renforcée est un mécanisme juridique, parmi de nombreux autres mettant en
œuvre le principe de différenciation, introduit par la traité d’Amsterdam (A). Si l’on en parle
autant (parfois de manière exagérée35), c’est que ce mécanisme intéresse pour la première
fois, à quelques exceptions près, l’ensemble des politiques communautaire et de l’Union. A
ce titre la coopération renforcée revêt une tout autre ampleur que les autres mécanismes de
différenciation, réduits à telle ou telle action ou politique bien précise. Depuis son
introduction dans le droit primaire par le Traité d’ Amsterdam la coopération renforcée a
connu de nombreuses modifications de son régime juridique, par le traité de Nice (B), mais
aussi par le traité établissant la Constitution et le Traité de Lisbonne (C)
A/ La coopération renforcée introduite dans le traité d’Amsterdam est une
invitation faite aux Etats de réintroduire leurs coopérations particulière au sein du système
communautaire. Elle peut être analysée comme une réaction de la Communauté vis-à-vis des
pratiques Schengen qui avaient vu les Etats réaliser ces dites coopérations en dehors. Il s’agit
de mobiliser les institutions au service des progrès de l’intégration souhaités par les groupes
35 On doit en effet souligner que, si la cadre juridique très précis introduit dans les traités existe bien, il n’a à ce jour jamais été utilisé sans doute au regard de l’extrême complexité des mécanismes au demeurant très significative du syndrome « attraction / répulsion » développé par le système communautaire (cf.supra)
28
pionniers. Le traité d’Amsterdam n’entend pas pour autant interdire aux Etats des pratiques
Schengen ou géométries variables externes. L’article 43 TUE précisent en effet que les Etats
peuvent recourir aux institutions procédures et mécanismes instituées pour l’instauration de
leur coopération plus étroite. Ces derniers peuvent à l’évidence le faire dans l’hypothèse où la
coopération plus étroite est étrangère au champ des compétences communautaires. En
revanche s’agissant d’une coopération renforcée établie dans ce champ, les Etats ne peuvent
pas recourir à des « pratiques Schengen » sans remettre en cause le système distributif de
compétence et les compétences qu’ils ont attribuées à la Communauté. Un examen plus
approfondi du dispositif de la coopération renforcée établie par le traité d’Amsterdam
montre qu’il convient de distinguer entre d’une part l’établissement de principes généraux
applicables à l’ensemble des coopérations renforcées (1°/) et d’autre part des règles
particulières propres soit aux coopérations renforcée de l’Union, soit aux coopérations
renforcées de la Communauté (2°/). Les premières sont à rechercher dans le traité sur l’Union
les secondes dans le traité de Rome relatif à la Communauté
1°/Le traité sur l’Union (TUE) pose, par ses articles 43 à 45, les principes
généraux applicables à n’importe quelle coopération renforcée. Ils se traduisent pour
l’essentiel par les conditions (cf. article 43 TUE) (a) qui sont exigées pour leur mise en
œuvre et par les conséquences institutionnelles de cette dernière (articles 44 et 45 TUE).
a) -Les conditions exigées pour la mise en œuvre d’une coopération
renforcée concernent aussi bien les Etats membres que certaines exigences de fond. Ainsi
l’article 43.1.d précise t-il qu’une coopération renforcée doit concerner une majorité d’Etats
membres (soit au moment du traité D’Amsterdam 8 Etats sur les 15 que compte l’Union. Il
s’agit d’interdire toute initiative bilatérale (couple franco-allemand ?), trilatérale ou de ce que
l’on pourrait craindre comme un « directoire » inférieur à la majorité des Etats membres. Il
est bien précisé (article 43.2)que les Etats concernés appliquent les actes et décisions pris
29
pour la mise en œuvre de la coopération renforcée à laquelle ils participent. Ces actes
obéissent à la même typologie que celle des actes (de l’Union ou de la Communauté) pris
dans le même champ et se voient appliquer le même contrôle juridictionnel36 .
b) Les conditions de fond énumérées dans l’article 43 témoignent du
souci de protéger la construction communautaire qui repose à la fois sur la méthode intégrée
et sur la coopération.
-l’article 43.1.a implique une « utilisation positive » de la coopération
renforcée. Les Etats ne sauraient l’employer à l’encontre des finalités de l’Union et de ses
intérêts. Il s’agit ici de rappeler fermement que la coopération renforcée n’est pas destinée à
« démanteler » l’ unité et la solidarité de l’ Union par une multiplication d’accords partiels
- l’article 43.1.b, en exigeant que la coopération renforcée respecte le cadre
institutionnel unique, interdit la régression que constituerait le recours à des formules comme
celle qui a présidé à la création en 1970 de la coopération politique européenne ( CPE). Ceete
dernière en effet s’est construite en dehors du système communautaire (logique dite de « la
filière spécialisée » impliquant, structures, instruments et mécanismes ad hoc)37
- l’article 43.1.c pose la condition dite « clause du dernier ressort » à
laquelle les travaux ultérieurs de révision porteront une attention tout à fait particulière au
regard des difficultés inhérentes à sa mise en œuvre. Il s’agit de l’idée selon laquelle la
coopération renforcée doit demeurer une l’exception et l’action commune à tous les Etats
membres la règle.. En exigeant que la coopération renforcée « ne soit utilisée qu’en dernier
ressort, lorsque les objectifs des dits traités ne pourront pas être atteint en appliquant les
procédures pertinentes qui y sont prévues », Le traité d’Amsterdam implique qu’il faut
d’abord épuiser toutes les voies de l’action ou politique commune à tous les Etats avant
36 Ainsi le juge communautaire n’est –il pas « hors champ » de la coopération renforcée et pourra être saisie soit de la légalité du déclenchement d’une coopération renforcée soit de la légalité d’un acte dérivé pris dans son cadre 37 Cf. infra, partie II, chapitre introductif sur les politiques extérieures
30
d’envisager le recours au groupe pionnier auquel il reviendra d’apporter la preuve que
l’action commune est bien définitivement bloquée.
- l’article 43.1 e rappelle que la coopération renforcée ne doit pas affecter ni
l’acquis communautaire, ni les mesures prises au titre des dispositions prises au titre des dits
traités. Cela implique dans ce cas l’acquis des piliers intergouvernementaux si une
coopération renforcé venait à se développer dans leur cadre38. Nombre de commentaires ont
accompagné cette condition, les uns pour faire valoir les difficultés de sa mise en œuvre eu
égard au flou juridique qui pèse sur le concept d’acquis communautaire, les autres pour faire
valoir qu’une coopération renforcée remettant en cause l’acquis communautaire constituerait
une simple hypothèse d’école. Il faudrait en effet que 8 Etats membres puissent s’assurer de
« la complicité de la Commission »39 pour remettre en cause un acquis communautaire via
une coopération renforcée
-b) les conséquences institutionnelles de l’instauration d’une
coopération renforcée sont rappelées à l’article 44 TUE qui précisent deux éléments
importants : les actes et décisions de mise en œuvre d’une telle coopération relèvent du
pouvoir de décision du Conseil : si tous les Etats membres participent aux délibérations, seuls
ceux d’entre eux qui participent à la coopération prennent par à l’adoption des décisions, la
majorité qualifiée étant redéfinie en fonction des dits Etats participant ; par ailleurs le traité
précise le régime des dépenses ( à la charge des Etats participants) et pose le principe de
l’information régulière du Parlement sur l’évolution de la coopération renforcée. Ce processus
décisionnel applicable au droit dérivé relatif à la mise en œuvre d’une coopération renforcée
déjà créée doit absolument être distingué de celui applicable à la création de la coopération
38 Il est important ici de rappeler que le Traité d’ Amsterdam n’autorise pas le recours à la coopération renforcée pour la PESC, situation qui sera modifiée par le traité de Nice. 39 Cf, infra le « garde fou procédural » que constitue la nécessité d’obtenir de la Commission non seulement son ralliement au projet mais aussi une proposition qu’elle a seule vocation à transmettre au Conseil, conformement aux reègles du traité de Rome
31
renforcé. Cette hypothèse est en effet régie par les articles 40.2. § 2 (pour les coopérations
renforcées de la JAI) et 11.2 § 2 (pour les coopérations renforcées communautaires)40
2°/ les traités de Rome (TCE) et de Maastricht (TUE) établissent des règles
particulières propres aux coopérations renforcées de la Communauté (a) et de l’Union (b) qui
viennent se surajouter aux principes généraux à caractère général
a) l’article 11 (nouveau avec la révision de’ Amsterdam) du TCE
énonce des conditions de fond et de procédure qui sont propres aux coopérations renforcées
établies dans le champ communautaire
-Les conditions de fond opposables aux coopérations renforcées
développées dans le champ communautaire sont au nombre de cinq et cumulatives. Elles
viennent se surajouter aux conditions de fond à caractère général et opposables à l’ensemble
des coopérations renforcées, communautaires et de l’Union précisées par l’article 43 TUE (cf.
supra p. 28). Sans pouvoir en faire une présentation exhaustive, il convient néanmoins de
retenir les conditions les plus importantes. En premier lieu il est interdit de développer une
coopération renforcée dans un champ communautaire où la nature de la compétence exercée
par la Communauté est exclusive (art. 11.1.a TCE). En second lieu les coopérations
renforcées ne peuvent pas avoir trait à la citoyenneté de l’Union et ne peuvent pas faire de
discrimination entre les citoyens de l’Union (art. 11. 1. c). Au-delà du rappel que le principe
de non discrimination constitue la pierre angulaire du marché commun et de la libre
circulation, cette disposition spécifique a pour première conséquence d’entrainer que toute
modification des traités relative à la citoyenneté et à la non discrimination ne peut être le fait
que d’une action commune engageant tous les Etats membres. Enfin l’article 11.1.d précise
40 Cf. infra page 31 et note 41 pour une analyse détaillée de ce processus décisionnel, qui à une toute petite exception près, est le même : en effet la seule véritable différence porte sur « l’instance d’appel » en cas d’invocation par un Etat membre de la défense d’un intérêt national majeur, le Conseil européen pour la JAI, le Conseil réuni au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement pour la CE
32
que la coopération renforcée reste dans les limites des compétences conférées à la
Communauté. Dit autrement il est interdit par une coopération renforcée de modifier le
système distributif des compétences posé par le traité de Rome. Si certains Etats jugent
insuffisantes les dispositions du traité touchant aux compétences communautaires ils n’ont pas
d’autres voies que la révision des traités qui nécessite l’unanimité des Etats membres. La
flexibilité autorisée par la coopération renforcée trouve une limite dans la rigidité de la
« Constitution communautaire » dont le système distributif des compétences fait
naturellement partie.
- les conditions de procédure pour la mise en œuvre d’une coopération
renforcée dans le champ communautaire se déduisent pour l’essentiel du mode de
fonctionnement général applicable à la Communauté, distinct de celui applicable à l’Union
(cf. infra.b). Ainsi la création d’une coopération renforcée implique –t-elle une proposition de
la Commission qui ne saurait être dessaisie du monopole de l’initiative que lui confère la
traité de Rome. Ainsi les Etats du groupe pionnier doivent –ils saisir la Commission de leur
projet, seule cette dernière étant compétente41 pour proposer une coopération renforcée Le
Parlement est consulté sur le projet de coopération renforcée42. Le Conseil a le pouvoir de
décision qui seul peut autoriser la création de la coopération renforcée. Dans cette hypothèse
est appliquée la majorité qualifiée (art.11.2 TCE) avec cependant un dispositif qui a été très
contesté par la doctrine qui y a vu à juste titre une sorte de constitutionnalisation des
dispositifs des compromis de Luxembourg et de Ioannina43
41 La Commission dispose en la matière du pouvoir discrétionnaire de donner suite ou non à l’initiative des Etats du groupe pionnier et selon les modalités qu’elle fera figurer dans sa proposition. L’article 11.2 § 3 est très explicite sur ce point : la Commission peut soumettre une proposition en ce sens au Conseil. Si elle ne soumet pas de proposition elle en communique les raisons aux Etats membres concernés. 42 Il s’agit d’une bien consultation et non pas d’une simple information comme dans le champ de la coopération renforcée propre à l’Union (JAI). Cette consultation simple sera ultérieurement renforcée par les Traités suivants de Nice et de Lisbonne 43 Cf. plus particulièrement l’article 11.2 §2. Si en effet un Etat membre invoque des raisons de politique nationale importante pour s’opposer à l’adoption de la décision de créer une coopération renforcée, il n’est pas procédé au vote. Le conseil à la Majorité qualifiée saisit le Conseil réuni au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement en vue d’une décision qui sera prise à l’unanimité
33
b) le Traité de Maastricht pose le régime juridique propre aux
coopérations renforcée établies dans le champ des compétences de l’Union. Il exclut
l’application de la coopération renforcée dans le domaine de la PESC qui se voit proposer
un autre régime juridique, l’abstention constructive souvent présentée comme le « substitut
PESC » à la coopération renforcée. Ainsi cette dernière est elle autorisée seulement dans le
domaine du troisième pilier (JAI) et son régime juridique, précisé à l’article 40 TUE
contient-il des procédures spécifiques qui s’expliquent par le mode de fonctionnement de
l’UE très différent de celui de la Communauté. La demande d’autorisation est présentée par
les Etats et non pas par la Commission qui est saisie seulement pour avis. Quant au Parlement
il n’est pas n’est pas stricto sensu consulté et se voit simplement transmettre pour
information la demande d’autorisation de coopération renforcée.
B/ Les apports du traité de Nice à la coopération renforcée s’inscrivent dans
une philosophie générale qui est celle de l’assouplissement des conditions posées à la
coopération renforcée pour tenir compte de deux sortes de critiques généralement opposées au
dispositif mis en place par le traité d’Amsterdam. Les premières ont trait aux conséquences
inhérentes aux conditions de fond : beaucoup trop sévères, elles ont empêché tout recours à la
coopération renforcée puisqu’aucune d’entre elles n’a pu être mise en œuvre44. Les secondes
concernent le quasi droit de veto conféré à n’importe quel Etat du fait de la
constitutionnalisation des compromis de Luxembourg et de Ioannina déjà évoquée. Le traité
de Nice, en révisant le traité sur l’Union comme le traité de Rome propose des innovations
touchant aux dispositions communes (1°/), aux coopérations renforcées de l’Union (2/°) mais
aussi communautaires (3/°). Enfin il revient sur le processus décisionnel applicable à la
création des coopérations renforcées (4/°)
44 Ce qui est toujours le cas à l’heure actuelle
34
1°/ Dans un souci d’assouplir le recours aux coopérations renforcées et ce
quelque soit le champ de leur mise en œuvre, le traité sur l’Union remplace l’exigence d’une
« majorité d’Etats membre » (figurant à l’article 43.d TUE version Amsterdam) par celle de
Huit Etats membres (cf. art. 43.g TUE version Nice). Point n’est besoin ici de souligner que le
chiffre qui est en définitive le même (la majorité des Etats au moment du traité d’Amsterdam
étant de huit Etats sur 15) est beaucoup plus ouvert dans une Union à aujourd’hui 27 Etats
membres où il suffit de trouver un tiers d’ Etats intéressés pour déclencher une coopération
renforcée
2°/ Le traité de Nice revient sur « l’exception PESC » en autorisant
désormais le recours aux coopérations renforcées dans le second pilier. Il est impossible de
donner une analyse exhaustive de son régime juridique45 et on en limitera la réflexion sur
l’impact de ce régime à trois remarques. En premier lieu la coopération renforcée dans le
domaine de la PESC est, rationae materiae, limitée : elle reste en effet interdite pour
questions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense, c'est-à-dire à
la Politique européenne de défense et de sécurité (PESD) qui constitue une composante de la
PESC (cf. article 27 B). En second lieu la coopération renforcée ne peut porter que sur la
mise en œuvre d’une action commune, ce qui parait interdire son utilisation pour l’adoption
d’une action commune. On retrouve ici une distinction, qui n’est hélas pas explicitée dans le
traité, entre « l’action commune cadre » et l’action commune de mise en œuvre d’une action
cadre. Enfin l’adoption d’une coopération structurée dans le champ de la PESC obéit à
un processus décisionnel qui lui est propre et qui s’inscrit dans la continuité de celui
applicable généralement à la PESC. Ainsi, et contrairement à ce qui a été parfois écrit, le
Conseil se prononce à la majorité qualifiée 46 et ce pour la bonne raison que le traité n’autorise
45 Cf. les articles 27.A à 27.E TUE 46 L’article 27C TUE opère un renvoi explicite à l’article 23.2 TUE § 2 et 3, lesquels concernent dans le domaine de la PESC l’application exceptionnelle de la majorité qualifiée et sa contrepartie à savoir la possibilité offerte à
35
le recours à la coopération renforcée que pour une « action commune d’exécution », elle-
même régie par la majorité qualifiée. Quant à la compétence d’avis de la Commission elle est
plus précise que celle prévue dans le cadre des coopérations renforcées du 3ième pilier. Il est
ainsi expressément prévu que l’avis doit porter notamment sur la cohérence de la coopération
renforcée envisagée avec les politiques de l’UE. Ce dispositif particulier est justifié par la
compétence particulière qui est celle de la Commission, au titre de l’article 3 TUE, de veiller
à la cohérence de l’ensemble de l’action extérieure de l’Union.
3°/Le traité de Nice introduit une innovation pour les coopérations renforcées
de la Communauté régies par le traité de Rome et qui touche pour l’essentiel à l’association
du Parlement aux procédures. Si la coopération renforcée concerne en effet un domaine régi
par la codécision, le Parlement est alors consulté sur la base de l’avis conforme et non pas de
l’avis simple. Ce dernier détient ainsi un verrou susceptible de bloquer l’autorisation d’une
coopération renforcée (cf.art.11.2 TCE révisé).
4°/ le Traité de Nice propose enfin une modification du processus
décisionnel applicable à la coopération renforcée et qui concerne cette fameuse
« constitutionnalisation » des compromis de Luxembourg et de Ioannina tant décriés par la
doctrine. Désormais il ne sera plus possible pour un Etat de bénéficier d’une sorte de droit de
veto sur le déclenchement d’une coopération renforcée. En effet dans l’hypothèse où l’un
d’entre eux viendrait à invoquer devant le Conseil un intérêt national, le Conseil européen qui
devrait être saisi de cette invocation pourra statuer à la majorité et non plus à l’unanimité.
C/ les apports du traité de Lisbonne à la coopération renforcée ne sont pas
non plus négligeables. Elles intéressent en premier lieu une légère modification du nombre
exigé d’Etats participants pour l’adoption d’une coopération renforcée, et qui est porté, par
un Etat minoritaire de bloquer l’application de la majorité qualifiée pour des raisons de politique nationale importantes
36
l’article 20 TUE47 de 8 à 9. Sans prétendre à une analyse exhaustive du nouveau dispositif, on
peut résumer l’essentiel des apports nouveaux, aux modifications du processus décisionnel du
Conseil (1°/) à un renforcement des pouvoirs du Parlement (2°/), aux innovations relatives à
la PESC (3°/) et à la coopération judiciaire dans le domaine pénal (4°/)
1°/ Le traité de Lisbonne entérine, dans le régime général de la coopération
renforcée, la disparition de la « clause d’évocation au Conseil européen ». On sait que cette
dernière permettait à un Etat minoritaire d’empêcher l’adoption de la décision de créer une
coopération renforcée, régie pourtant par le principe de la majorité qualifiée. A cet
empêchement crée par le traité de Lisbonne, le traité de Nice avait substitué un simple
« mécanisme de suspension » (Le Conseil européen saisi pouvant trancher à la majorité
qualifiée). C’est ce dispositif qui disparait purement et simplement , ce qui ne signifie pas
pour autant une application générale de la majorité du fait du « retour à l’unanimité » posé
dans le domaine de la PESC (cf. infra 3°/)
2°/ on sait que l’avis conforme du Parlement n’est requis dans le droit positif
actuel que dans l’hypothèse bien particulière ou la coopération envisagée s’inscrit dans un
domaine régi par la codécision. Avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, l’avis
conforme du Parlement sera exigée48 quel que soit le domaine dans lequel est envisagée la
coopération renforcée. Si le nouveau dispositif séduit par sa volonté de renforcer le rôle du
Parlement, on peut se demander s’il ne rendra pas plus difficile le recours à la coopération
renforcée. Le Parlement pourra être tenté, du fait de son impossibilité à modifier le contenu de
la coopération49, à se résoudre à empêcher sa création
47 On rappellera pour mémoire que par le traité de Lisbonne les Etats ont renoncé au texte unique du traité établissant la Constitution pour lui substituer deux traités : le traite sur l’Union (ou TUE) , texte court de 55 articles reprenant l’essentiel du « cadrage matériellement constitutionnel de l’ Union » et le traité sur le fonctionnement de l’ Union (ou TFUE), texte beaucoup plus dense et précis de 358 articles, « construit » à partir d’importantes modifications de l’ancien traité de Rome sur la Communauté (TCE), dont il faut rappeler qu’elle disparait du fait de son absorption par l’ Union 48 Cf. article 329. 1 TFUE 49 Seule en effet la codécision confère le pouvoir d’amendement au Parlement alors que l’avis conforme ne le permet pas, le Parlement étant dans cette hypothèse réduit au seul choix, autoriser ou interdire
37
3°/ les coopérations renforcées connaissent dans le domaine de la PESC des
innovations non négligeables. Elles concernent en premier lieu le processus décisionnel qui
lui est applicable et en second lieu l’irruption de coopérations renforcées particulières propres
à la PESC
- s’agissant du processus décisionnel applicable aux coopérations
renforcées dans le domaine de la PESC le retour à l’unanimité posé par l’article 329.2 TFUE
constitue une certaine contrepartie de l’extension des coopérations renforcées qui ne sont plus
limitées aux seules actions communes d’exécution (cf. supra p. 33). Le retour à l’unanimité
parait ainsi assez logique dans une politique dont c’est le mode de fonctionnement de droit
commun. On soulignera cependant que cette exigence de l’unanimité peut être tempérée par
la clause passerelle de l’article 333.1 TFUE. Cette dernière prévoit que par une décision prise
à l’unanimité le Conseil peut adopter une décision prévoyant qu’il statuera à la majorité
qualifiée (dispositif dont sont exclues les décisions ayant des implications militaires)
-outre les coopérations renforcées de droit commun, la PESC bénéficie
de mécanismes particuliers pour la constitution de groupes pionniers. La coopération
structurée permanente prévue par l’article 42.6 TUE intéressera exclusivement la
composante de la PESC que constitue la PESD.. Elle concerne les Etats qui remplissent des
critères plus élevés de capacités, civiles et militaires et qui peuvent en bénéficiant de
conditions de fonds beaucoup plus souples (pas de seuil de participants requis) mobiliser les
institutions de l’ Union au profit des activités de leur groupe pionnier (ce qui distingue
fondamentalement ce mécanisme des coopérations plus étroites de l’actuel article 17.4 TUE
qui voit des Etats membres développer des coopérations particulières bilatérales ou
multilatérales dans le cadre de l’ OTAN ou de l’UEO, et qui comme telles restent totalement
38
étrangères au système de l’ Union)50. Enfin ce mécanisme de la coopération structurée
permanente doit être distingué d’un autre mécanisme de « coopérations structurées ad hoc »
prévu à l’article 44 TUE selon lequel des Etats peuvent se voir déléguer par le Conseil une
mission PESD et dont ils conviennent entre eux de la gestion (en association avec le Haut
Représentant)
4°/ les innovations de la coopération renforcée dans le domaine de la
coopération judiciaire en matière pénale proposées par le traité de Lisbonne obéissent à un
mécanisme totalement nouveau et qui est prévu aux articles 82 et 83 du TFUE51. Ce
mécanisme est qualifié parfois de « clause d’accélérateur ». En effet il suffit qu’un projet de
directive, bloqué par un Etat membre ayant demandé le bénéfice de la « clause d’appel ou
d’invocation » au Conseil européen52, recueille le soutien de 9 Etats membres pour que la
coopération renforcée soit réputée accordée sans décision expresse adoptée en ce sens par le
Conseil.53
50 Ce sont ces coopérations particulières hors Union (sortes de Schengen de la défense ) qui sont à l’origine de la constitution de forces multilatérales dites européennes (parce qu’elles réunissent des Etats européens) comme Eurocorps, Eurofor, Euromarfor ou la gendarmerie européenne 51 L’article 82 vise la compétence de l’ Union pour établir par voie de directive des règles minimales pour favoriser la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et la coopération policière et judiciaire dans les matières pénales ayant une dimension transfrontière. L’article 83 vise la compétence de l’ Union pour fixer par voie de directive des règles minimales relatives à la définition des infractions et des sanctions dans des domaines de criminalité particulièrement graves et ayant une dimension transfrontière (terrorisme, traite des êtres humains, exploitation sexuelles des femmes et des enfants, trafics illicites de drogues, d’armes, , blanchiment d’argent, corruption, contrefaçons des moyens de paiement, criminalité informatique et criminalité organisée) 52 Cette clause d’appel, propre au champ de la coopération judiciaire et policière en matière pénale (elle a en effet disparu dans le régime général des coopérations renforcées), figure expressément à l’alinéa 3 des articles 82 et 83 : elle a pour conséquence de suspendre la procédure d’adoption de la directive 53 Pour une analyse plus approfondie de la différenciation introduite par le traité de Lisbonne dans l’espace de liberté de sécurité et de justice, cf. BROSSET (E), CHEVALLIER GOVERS (C), EDJAHARIAN (V), SCHNEIDER (C), le traité de Lisbonne, déconstitutionnalisation ou reconfiguration de l’UE, Bruylant, Bruxelles 2009, et plus particulièrement CHEVALLIER GOVERS (C), le traité de Lisbonne et la différenciation dans l’espace de liberté de sécurité et de justice
39
PARTIE I : LE DROIT DES POLITIQUES INTERNES
CHAPITRE 2 : LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE
INTRODUCTION Première politique en termes budgétaire, la politique agricole commune (PAC) est
étroitement liée à la construction communautaire, qu’il s’agisse des célèbres annuels
marathons agricoles et plus encore de la fameuse crise de la chaise vide de l’automne 1965.
Instituée par l’article 38 CEE dans le contexte particulier d’une Europe à 6, déficitaire pour
la plupart de ses productions agricoles à l’exception des produits laitiers, la PAC s’est
construite sur un modèle fortement marqué du sceau de la coopération intégrée.
Sa création qui a fait l’objet de débats vigoureux dans le cadre de la négociation du
traité de Rome s’est nourrie pour l’essentiel de plusieurs interrogations. Dans une Europe
marquée à la fois par un fort exode rural et un poids politique du monde rural encore très
présent, la plupart des Etats européens avaient déjà développé des politiques nationales très
interventionnistes afin de protéger leur marché national et de soutenir massivement les
revenus agricoles. La question était ainsi naturellement posée de savoir si l’agriculture
devait être intégrée dans le marché commun et si tel était le cas, démanteler les politiques
nationales en les remplaçant par une politique commune, ou au contraire abandonner
l’agriculture aux seules lois du marché, tout en prévoyant peut être des mécanismes d’aide
aux agriculteurs sur le modèle américain. En définitive les auteurs du traité ont fait le double
choix de l’inclusion de l’agriculture dans le marché commun (ex article 38.1 TCE) et de la
création d’une politique véritablement commune (ex article 38.4)54 prenant d’une certaine
manière le relai de ce qui avait commence à être mis en place au niveau national.
Certains Etats, avec au premier rang la France, ont beaucoup poussé à ce choix en
faisant valoir que l’espace économique unifié ne devait pas seulement profiter aux Etats
fortement industrialisés et que le développement économique et la multiplication des
échanges attendus par la création du marché commun devaient également profiter aux Etats
membres pouvant se prévaloir d’une agriculture forte .
54 Voir aujourd’hui les articles 32.1 et 32.4 TCE ou encore 38 TFUE (Lisbonne)
40
La PAC s’est donc mis en place dans un secteur économique, celui de
l’agriculture dont l’importance en 1957 pour l’économie européenne doit être comprise
et qui peut être résumé à travers un certain nombre de chiffres. Il n’en reste pas moins vrai
que la situation de l’agriculture européenne est parmi l’ensemble des secteurs économiques
celui qui a le plus évolué surtout si l’on tient compte des différents élargissements
Situation de l’agriculture dans l’ Europe des Six (1957) : fourchettes indicatives (du
plus fort au moins fort°
- Population active dans l’agriculture :17, 5 millions de personnes employées dans le
secteur agricole, soit 33% de la population active en Italie, 25% pour la France, 10% pour la
Belgique
- Part de l’agriculture dans la production globale des biens : 36% pour l’Italie, 30%
pour la France, 15% pour la RFA
- Contribution de l’agriculture au PNB : 23% en Italie, 8% pour la Belgique
- surface moyenne des exploitations agricoles : Un peu moins de 12 hectares
Un secteur économique particulièrement mouvant
-UE sans les PECOS
- Population active dans l’agriculture : 5,2 millions de personnes employées dans le
secteur agricole en 1985 puis 10 millions de personnes (après l’élargissement à l’ Espagne et
au Portugal) dont 30% de la population active de la Grèce et moins de 5% de la population
active pour la RFA, le RU, les Pays Bas et la Belgique
- surface moyenne des exploitations agricoles : passée de Plus de 20 hectares en 1985,
retombe à moins de 9 hectares en 1986 (dont moins de 5 hectares en Grèce et au Portugal)
-L’agriculture dans les PECOS en 1994
- Population active dans l’agriculture : moyenne de 26,7% de personnes employées
dans le secteur agricole (dont 5,6% en république tchèque, 22,4% en Lituanie, 25,6% en
Pologne et 35,2% en Roumanie) contre moyenne de 5,7% dans l’ UE à 15.
- Contribution de l’agriculture au PNB : moyenne de 7,8% (3,3% pour la république
tchèque, 11% pour la Lituanie et 20,2% pour la Roumanie) contre moyenne de 2,5% dans
l’UE à 15.
41
Les objectifs qui assignés à la PAC figurent à l’article 33 (ex art. 39) et n’ont
pas été modifiés depuis leur origine en 1957. À la fois économiques, sociaux et politiques,
ces objectifs sont centrés à la fois sur les intérêts des producteurs et des consommateurs. .
Ainsi la PAC doit elle :
-accroitre la productivité agricole notamment par le développement du progrès
technique et d’une production rationnalisée
-stabiliser les marchés en mettant les productions agricoles à l’abri des perturbations
brutales de l’offre et de la demande
- assurer un niveau de vie équitable aux producteurs agricoles notamment par le
relèvement de leur revenu individuel
-assurer des prix raisonnables (ce qui ne signifie pas la même chose que les prix les
plus bas) aux consommateurs
- garantir la sécurité des approvisionnements
La doctrine spécialisée n’avait pas manqué de souligner, dès l’origine, que ces objectifs
étaient susceptibles de se contredire55, ce qui les a conduit à poser la question de savoir si tous
les objectifs sa valaient ou s’il fallait concevoir une hiérarchisation entre eux. La
jurisprudence de la Cour de Luxembourg a permis de clarifier ces interrogations en précisant
que les institutions disposaient bien d’une marge d’appréciation dans la mise en œuvre mais
aussi dans la conciliation des objectifs de la PAC. Néanmoins dans la conciliation de ces
objectifs, les institutions ne sauraient pour autant, en privilégiant tel objectif rendre
impossible d’autres buts de la PAC56
De la même manière la Cour a été amenée, dans le cadre d’une interprétation téléologique des
objectifs de la PAC à récuser leur lecture uniquement productiviste, par exemple en
admettant la compatibilité de la réduction des productions excédentaires de la PAC avec les
objectifs de cette dernière57. De même a-t-elle aussi affirmé que la poursuite des objectifs de
55 Cf. en ce sens J. LOYAT et Y. PETIT, la politique agricole commune, la documentation française, coll. Réflexe Europe, Paris 1999 pp. 41-43 56 Cf. CJCE, 6 décembre 1984, Biovilac c/ CEE, aff. 59/84 57 Cf. CJCE, 13 novembre 1990, Fedesa E. A. c/ Commission, aff. C-33/88
42
la PAC ne saurait s’exonérer de certaines exigences d’intérêt général comme la protection de
la santé ou de la vie des personnes ou des animaux58
Ces objectifs généraux de la PAC seront approfondis grâce à des objectifs spécifiques et
particuliers développés à l’occasion de certaines réformes ; Il est cependant fondamental de
distinguer entre les objectifs de la Politique, et qui selon le système distributif de compétence
conditionne les compétences de l’Union, et les objectifs d’une réforme qui traduisent la
définition d’une stratégie pour réformer la politique (cf. Infra)
La politique agricole recouvre deux volets que sont la politique des marchés et des
prix d’une part et la politique des structures d’autre part. Ces deux volets témoignent de la
double influence subie par cette politique qui se réclame autant du libéralisme (politique des
marchés) que de l’interventionnisme (politique des structures). Ils seront mis
progressivement en place avec, dans les premières années de la PAC, une forte priorité
conférée à la politique des marchés et des prix dont les principes fondateurs seront arrêtés des
décembre 1960. Cette politique qui concerne les produits agricoles consiste à placer un
produit ou un groupe de produits sous un régime uniforme et ce dans tous les Etats membres,
régime arrêté par les institutions de la Communauté. La politique des structures agricoles
est une politique qui s’attache non aux produits mais comme son nom l’indique aux
structures agricoles en agissant sur les éléments durables que sont les exploitations, les
facteurs de productions et leur combinaison, mais aussi le milieu agricole. . Initiée de 1962 à
1970 sous la simple forme de coordination et de soutien financier par la Communauté aux
mesures nationales, la politique des structures acquerra une tout autre dimension constitutive
d’une véritable politique commune des structures qui verra les Etats décider ensemble au
niveau communautaire de mesures structurelles . Les premières directives socio structurelles
d’Avril 1972 trouvent leur origine dans une décision du conseil de 1970 arrêté suite à un
mémorandum de décembre « agriculture 1980 » du Vice Président de la Commission chargé
de l’agriculture Sicco MANSHOLT. Ce mémorandum, connu sous le terme de plan
MANSHOLT, mettait en avant que le problème de l’agriculture européenne était avant tout
d’ordre structurel et que la PAC ne pouvait se limiter à son seul volet de politique des
marchés et des prix
58 Cf. CJCE, 23 février 1988, RU c/ Conseil, aff. 68/86 (hormones) ; 23 févier 1988, RU c/ Conseil, aff. 131/86 (poules pondeuses)
43
Comprendre la PAC, ses enjeux et son évolution tant institutionnelle que fonctionnelle
nécessite plusieurs niveaux de réflexion. Le premier vise à mettre en exergue le fait que cette
politique originelle est dès sa création fortement marqué du sceau de l’intégration (section 1).
Le deuxième concerne les profondes mutations qu’a pu connaitre cette grande politique
commune et qui trouvent leur origine dans les différentes crises qu’elle a du traverser tout au
long de son histoire (section 2). Enfin on ne saurait oublier que cette politique connait
désormais un important « volet externe » comme en témoignent les différentes péripéties
qu’elle a traversées depuis l’intégration des produits agricoles dans les négociations du GATT
OMC (section 3)
SECTION 1 – UNE POLITIQUE ORIGINELLE MARQUEE DU SCEAU DE
L’INTEGRATION
L’omni présence de la logique de coopération intégrée est perceptible tant au plan des
principes fondateurs de la politique et du système de répartition des compétences qu’elle
développe (§1) que dans son mode d’organisation et de fonctionnement (§2) construit sur la
base de la distinction de deux grands volets que sont la politique des marchés et la politique
des structures. Enfin on ne saurait oublier dans cette évocation de la prégnance de la logique
intégrée la mise en œuvre du principe de solidarité financière véritable clé de voute de cette
politique particulièrement « budgétivore » (§3)
§1 les principes fondateurs de « l’intégration agricole » propre à la PAC et système distributif
de compétence
La PAC doit respecter 3 principes fondamentaux, qui ont été définis dès 1962 mais
dont la signification et la portée ont connu des évolutions tout au long de la construction
communautaire (A). Elle obéit à un régime de droit institutionnel qui lui est propre et qui, du
point de vue du système distributif de compétence obéit à des règles complexes, qu’il
s’agisse de la répartition des compétences entre l’organisation et les Etats ou encore de la
« séparation horizontale des pouvoirs » au sein de l’organisation entre ses principales
institutions (B
A/ Les principes fondateurs de l’intégration agricole
Il s’agit de l’unicité du marché, de la préférence communautaire et de la solidarité financière
dont les Etats invoquent souvent la violation devant la juridiction communautaire qui a, à ce
titre contribué beaucoup à leur définition comme à leur portée
44
1°/ le principe d’unicité du marché trouve son fondement dans l’article
32 §159. Il constitue en premier lieu la dimension marché intérieur de la PAC qui implique
notamment que la liberté de circulation des marchandises s’applique aux produits agricoles.
Sont, par voie de conséquence, interdits tant les taxes d’effet équivalents que les mesures
d’effet équivalent, comme en témoignent de nombreuses affaires portées devant la juridiction
communautaire et qui concernent des produits connus, foies gras français60, vin espagnol de
Rioja,61 ou encore feta grecque62 . Bien évidemment l’unicité du marché dans sa
dimension marché intérieur implique également l’application du principe de libre concurrence
qui connait dans la PAC un régime spécifique .Ainsi l’article 36 TCE aménage –t-il le cadre
juridique de ce dispositif spécifique fondé sur la primauté de la PAC sur les objectifs du
traité dans le secteur de la concurrence63 Il n’en reste pas moins vrai que la libre concurrence
dans le cadre de la PAC interdit les subventions qui viendrait la fausser, alors même que le
régime spécifique des aides publiques propres à la PAC porte encore une fois la marque d’un
régime propre et précisé à l’article 36 et selon lequel le Conseil peut autoriser « l’octroi d’
aides pour la protection des exploitations défavorisées par des conditions structurelles ou
naturelles » (36. a) ou « dans le cadre de programmes de développement économique » (36.b)
.
Mais surtout le principe d’unicité du marché recouvre une deuxième signification qui a trait à
la fixation par les institutions communautaires de prix communs pour certains produits
agricoles valables sur tous les marchés de la Communauté. Tel est donc l’objet de la politique
des prix qui implique, pour la conversion des prix communs en monnaie nationale, des
paritaires monétaires stables. Or les fluctuations monétaires des années 70 ont obligé la PAC
à recourir à certains aménagements comme les montants compensatoires monétaires (MCM)
(Cf. infra)
2°/ le principe de la préférence communautaire résulte de la priorité accordée à
l’écoulement intracommunautaire de la production agricole. Dans la mesure où les prix
agricoles communautaires sont largement supérieurs aux prix mondiaux, la PAC met en ouvre
des mécanismes propres aux importations et aux exportations qui ont pour objectif soit de
59 « le marché commun s’étend à l’agriculture et au commerce des produits agricoles » 60 CJCE 22 octobre 1998, commission contre France, aff. C-184/ 96 61 CJCE 9 juin 1992, Delhaize Frères, aff. C- 47/90 ; CJCE, 16 mai 2000, Belgique c/Espagne, aff. C-388/95 62 CJCE 25 octobre 2005, Allemagne et Danemark contre Commission, aff. Jointes C-465/O2 et C-466/02 63 Cf. Règlement du Conseil n° 1184/2006 qui pose trois dérogations au régime des ententes.
45
dissuader les opérateurs communautaires de recourir aux importations en provenance de
pays tiers (prélèvements à l’exportation) soit de les encourager à exporter leurs productions
communautaires sur le marché mondial (restitutions à l’exportation). Ce sont ces mécanismes
très spécifiques de la PAC qui vont faire l’objet d’une contestation dans le cadre de l’OMC
(cf. infra section 3) et qui aboutiront à la suppression des prélèvements et par leur
remplacement par des droit de douanes
Ces mécanismes n’étaient pas applicables à toutes les productions agricoles
communautaires mais seulement dans le cadre des organisations communes de marché
(OCM) les plus protectrices (cf. infra) Par ailleurs le principe de la préférence
communautaire a connu nombre d’ « affadissements » liés à la politique de relations
extérieures de la Communauté. De nombreux accords commerciaux conclus par la
Communauté prévoient en effet l’octroi de facilités d’entrée sur le marché communautaire
au profit de productions agricoles du partenaire.. Tel est le cas notamment du partenariat entre
la communauté et les Etats ACP qui bénéficient d’avantages non négligeables dans les
domaines du sucre, de la viande bovine et des bananes. On sait ainsi que le régime
préférentiel de la banane au profit des ACP a vu la Communauté condamné par l’Organe de
règlement des différends (ORD) de l’OMC
Selon la jurisprudence de la Cour le principe de préférence communautaire n’est pas
un principe juridique mais seulement politique. Cela a pour conséquence que le principe de
préférence communautaire ne peut être considéré comme une exigence légale dont le non
respect peut entrainer l’annulation d’un acte communautaire. Il n’en reste pas moins vrai que
« pierre angulaire » de la PAC, le principe de préférence communautaire trouve de
nombreuses traductions dans le tarif extérieur commun et le régime que celui-ci réserve aux
produits agricoles dont les droits de douane s’élèvent en moyenne à 10% et vont jusqu’à
100% pour certains produits comme la viande bovine ou les produits laitiers
3°/ le principe de solidarité financière implique que tous les Etats membres
assument solidairement les coûts liés à la PAC : cela se traduit surtout par le fait que les
dépenses agricoles sont financés par le budget communautaire indépendamment des
bénéfices que les Etats peuvent tirer de cette politique ; On se doit néanmoins de souligner
que ce principe de la solidarité financière a connu une première atténuation du fait de
l’attitude britannique et de son raisonnement sur la base du principe de juste retour.
L’invocation de ce principe consiste pour un Etat à mettre en balance le niveau de sa
46
contribution au budget communautaire et les avantages financiers qu’il retire des
interventions de ce budget au titre des politiques. Ainsi un contributeur net (qui donnerait
plus qu’il ne reçoit) serait-il fondé à revendiquer un « retour à l’équilibre ». En juin 84 lors
du Conseil européen de Fontainebleau, le Royaume Uni a obtenu de ses partenaires un
correctif budgétaire visant à prendre en compte le fait que la PAC, de par ses différents
mécanisme, lui « coûte cher » ou en tout cas beaucoup plus qu’elle ne lui rapporte. Cette
« compensation britannique », bien qu’accordée au départ de manière provisoire, n’a, à ce
jour, jamais pu être supprimée lors de l’adoption des fameuses »perspectives financières »
qui depuis l’accord interinstitutionnel du 29 juin 1988 constituent un système
d’encadrement des dépenses communautaires. Les perspectives financières permettent en
effet de définir le niveau maximal et la répartition générale des dépenses selon les grandes
priorités retenue pour une période donnée, d’abord de 4 ans puis de 6 ans.64 .
B/ La PAC « politique de particularisme » du point de vue institutionnel
Le caractère très spécifique de cette politique s’explique en premier lieu par une forte
prégnance de la compétence exclusive communautaire (1°).) Mais la PAC aura été longtemps
marquée par une prédominance du Conseil, ce qui lui aura valu le qualificatif de « véritable
pré carré du Conseil » (2°)
1°) les particularismes de la répartition des compétences dans le cadre de la PAC
Fortement marquée du sceau de l’intégration, la PAC constitue, avec la politique commerciale
l’un des champs privilégiée de la compétence exclusive de la Communauté, même si tous ce
qui se fait dans le cadre de la PAC ne relève pas de la dite compétence. En réalité c’est plus
particulièrement la politique des marchés et des prix et notamment l’organisation commune
des marchés agricoles qui implique une compétence exclusive de l’organisation comme l’a
rappelé la Cour de Justice65. L’existence d’une compétence exclusive communautaire interdit
par voie de conséquence la mise en œuvre du principe de subsidiarité. Néanmoins l’existence
d’une Politique agricole commune, organisée conformément au traite de Rome laisse aussi
subsister non seulement des hypothèses de compétences partagées comme le démontre
justement l’application du principe de subsidiarité66 mais aussi des cas de compétences
64 Cf. perspectives financières dites Paquet Delors I (1988-1992), Paquet Delors II (1993-1999), Agenda 2000 (2000-2006) ou encore Paquet Santer, perspectives financières 2007-2013. La Commission travaille à l’heure actuelle sur ses propositions pour les perspectives financières 2014-2020. 65 Cf. CJCE 14 juillet 1994, Rustica semences, Aff. C- 438/92. 66 C’est plus particulièrement vrai pour la dimension politique structurelle et développement rural de la PAC
47
réservés des Etats membres67 . Il est donc important de ne comprendre que tout n’est pas
compétence exclusive dans la PAC
Enfin et surtout, au-delà de l’existence de cas de compétences exclusives de l’organisation, il
convient de ne pas perdre de vue que la PAC ne saurait exister sans l’action des Etats
membres pour l’exécution de ses décisions, notamment celles impliquées par l’organisation
commune des marchés. Ainsi c’est aux Etats membres qu’il revient, dans le cadre d’une
administration indirecte de la PAC, de gérer toutes les mesures relatives à l’intervention
(prélèvements à l’importation, restitutions à l’exportation) et ce en mobilisant ses propres
instances nationales (par exemple en France les établissements publics industriels et
commerciaux rattachés au ministère de l’ agriculture68) mais aussi ses services déconcentrés
comme les directions départementales de l’agriculture et de la forêts69 . Cette implication des
autorités nationales dans le respect du principe de coopération loyale de l’article 10 TCE est
indispensable pour comprendre le débat qui a vu jour ces dernières années sur la nécessaire
renationalisation de la Politique agricole et qui pose en réalité la question d’un meilleur
équilibre entre les deux niveaux d’administration de cette politique, communautaire et
national
2°) les particularismes de la séparation horizontale des pouvoirs dans le cadre de la
PAC
L’article 37.2 TCE est très explicite sur le « statut à minima » du Parlement européen qui est
seulement consulté par le Conseil pour l’adoption des règlements directives et décisions
relatives à la PAC. Jusqu’au traité de Lisbonne le Parlement européen n’a jamais été entendu
dans ses revendications pour faire évoluer le processus décisionnel applicable à cette
politique, par exemple vers la procédure de coopération qui aurait constitué une étape
intermédiaire et à fortiori vers la procédure de codécision constituant pour lui le statut
maximal. Il est donc très important ici de souligner ce qui est à la fois la curiosité et le
paradoxe de la PAC. Politique fortement intégrée en ce sens qu’elle réalise d’importants
transferts de compétence des Etats membres à l’organisation tout en mobilisant à certaines
67 On peut citer à titre d’exemples de questions qui relèvent des compétences réservées des Etats membres, les questions relatives à la fiscalité directe de l’agriculture, celles du régime social des exploitants et travailleurs agricoles 68 Cf. à titre d’exemples l’office international des grandes cultures, l’office international de l’élevage et de ses productions qui vont dans leur secteur pour la régulation du marché et mettre en œuvre les décisions de la PAC 69 Les directions départementales interviennent plus particulièrement pour l’instruction des dossiers individuels et des agriculteurs et depuis la réforme de 2003 pour contrôler l’application de la conditionnalité
48
époques jusqu’à 70 % de son budget, elle a « échappé » doublement au Parlement à la fois
sur le plan « législatif » mais aussi sur le plan budgétaire.
Sur le plan législatif, la consultation simple, prévue à l’article 37.2 empêchait le
Parlement d’influer véritablement sur la législation agricole sauf à batailler pour contester le
choix de cette base légale pour l’adoption d’un acte poursuivant des objectifs mixtes. Ainsi le
PE a-t-il à plusieurs reprises tenté devant le Cour, parfois avec succès, de faire prévaloir une
autre base légale pour l’adoption d’un texte et notamment celle des articles 94 et 95 pour
l’harmonisation des législations. De même lors de la crise de la vache folle a –t-il contesté la
base légale de l’article 37 pour une question relative à la santé animale et la sécurité des
aliments ; Cette contestation du PE n’a pas été sans effet puisque le Traité d’Amsterdam a
modifié l’article 129 (devenu 152 TCE) de la politique de la santé publique, afin d’autoriser
par dérogation à l’article 37, l’adoption de mesures vétérinaires et phytosanitaires ayant
directement pour objectif la protection de la santé publique. Or il n’échappera pas à
l’observateur averti que la procédure prévue à l’article 152.4 TCE est celle de la codécision.
Sur le plan budgétaire la qualification des dépenses agricoles relatives aux mesures de
marché et aux aides directes en dépenses obligatoires (DO) enfermait le PE dans le statut le
plus défavorable qu’il soit. Conformément en effet à l’article 292 le Conseil a le dernier mot
sur ces dépenses en acceptant ou non les propositions d’amendement du PE qui en est
simplement informé
§2 Une Politique agricole construite sur la base de la distinction entre politique des
marchés et des prix et politique des structures agricoles
La politique des marchés et des prix impliquant une gestion uniforme des marchés et des prix
et des règles communes aux frontières extérieures (A) a été arrêtée dès décembre 1960, soit
près de deux ans avant les premières mesures structurelles qui seront de simples mesures de
coordination des mesures nationales de soutien financier avant que ne soient adoptées les
premières directives socio culturelles marquant le passage à une véritable politique commune
des structures agricoles (B)
A / La politique commune des marchés et des prix agricoles, premier pilier de la PAC
Les organisations communes de marché (OCM) constituent la pierre angulaire du premier
pilier de la PAC et leur régime a subi de profondes modifications depuis leur création en
1962 (1°). Elles s’analysent en un ensemble de règles où celles qui concernent le soutien aux
49
prix agricoles occupent une place cardinale (B) au moins par la médiatisation qui leur a
souvent été réservée
1°) les OCM
Définie à l’actuel article 34 du TCE Une organisation commune de marché se présente
comme un ensemble de règles qui vont régir telle ou telle production agricole, ou encore
« une forme d’organisation du marché qui tient à la fois du libéralisme…. et de
l’interventionnisme puisque sont mis en place un certain nombre d’instruments juridiques et
financiers destinés à permettre la réalisation des objectifs de la PAC »70 . Elle comporte ainsi
« notamment des réglementations des prix, des subventions tant à la production qu’à la
commercialisation des différents produits, des systèmes de stockage et de report, des
mécanismes communs de stabilisation à l’importation ou à l’exportation » (article 34 TCE).
L’OCM est ainsi au cœur de la compétence exclusive détenue par l’organisation au titre de la
PAC dont la jurisprudence a eu l’occasion de préciser le contenu et la portée ; Ainsi les Etats,
qui ne peuvent ajouter ou retrancher des mesures complémentaires71 conservent –ils
néanmoins la compétence de combler certaines lacunes de l’OCM72 ou encore de légiférer
en dehors du champ d’application de l’OCM
Eu égard à l’extrême diversité des conditions de production et de marché, la Politique
agricole n’a jamais comporté un modèle uniforme d’OCM pour tous les produits de même
qu’elle n’a pas crée d’OCM pour tous les produits (b). Il convient également de se souvenir
que tout a été mis en place de manière progressive (a) dans le cadre d’abord de la période
transitoire et que la décision de créer une nouvelle OCM résulte de la volonté politique de
protéger organiser et dynamiser un produit qui jusque là n’avait pas encore profité d’une
politique volontariste à son profit
a) l’histoire des OCM
Les premières OCM ont été mises en place en 1962 dans le cadre d’un premier « paquet de
mesures agricoles ». Ont ainsi été créées en 1962 les six premières OCM relatives aux
céréales, au porc, aux œufs aux volailles aux fruits et légumes et au vin et qui à l’issue de la
période transitoire, le premier juillet 1967, ont permis la création d’un marché commun pour
les produits agricoles concernés. En 1968, grâce à la création de nouvelles OCM portant sur
le lait, la viande bovine et les produits transformés à base de fruits et de légumes, le marché
70 Cf. DUBOUIS (L), BLUMANN (C) droit matériel de l’UE, Montchrestien , Paris 2009 p. 378 71 Cf. CJCE, 23 janvier 1975 Galli, aff. 31/74 72 Cf. TPI, 28 janvier 2004, OPTUC, aff. T- 142/01
50
commun agricole a connu un nouvel essor. Aujourd’hui comme le rappelle le règlement
1234/2007 du 22 octobre 2007, il existe 21 produits qui bénéficient du mécanisme de l’OCM.
Ce règlement dit « OCM unique » n’a pas eu pour objet comme son titre pourrait le laisser
croire de mettre en place un modèle unique d’OCM mais bien plutôt de procéder à la
rationalisation de la législation touchant aux OCM en en proposant une certaine codification.
En effet il a permis de substituer à quelques cinquante actes différents comportant au total
quelques 650 articles un seul et unique règlement ramené à environ 200 articles et qui ne
concerne que les règles applicables au marché intérieur conformément au modèle initial
construit pour la politique des marchés et des prix. Ce dernier impliquait en effet que les
règles touchant aux échanges avec les pays tiers étaient régies par des règles transversales à
l’ensemble des productions alors que seules celles relatives au marché interne relevaient du
dispositif propre à chaque OCM Il demeure donc nécessaire, au-delà de la codification
simplification de 2007 de recourir à une sorte de typologie des OCM pour comprendre leur
très grande diversité qui est liée à la fois aux spécificités des productions couvertes, à leur
importance pour l’agriculture européenne et à la volonté politique de l’ Union de les soutenir
b) la typologie des OCM
Au-delà du fait que de nombreux produits agricoles bénéficient d’une OCM, force est de
constater qu’il est possible de regrouper les OCM en quatre grandes catégories
1. les OCM impliquant une intervention sur le marché intérieur et des
protections extérieures
Elles concernent donc les produits qui sont le plus protégés notamment parce qu’ils
composent environ 70% de la production agricole communautaire à savoir les céréales, le lait,
le beurre, le sucre et les viandes notamment bovine et porcine.
Les mécanismes d’intervention sur le marché intérieur consistent pour l’essentiel
en des mécanismes de stockage. Les uns sont qualifiés de privé car ils sont assurés par les
producteurs eux-mêmes qui bénéficieront pour ce faire d’une aide de la PAC pour retirer du
marché une partie de leur production alors que d’autres dit publics impliquent une
intervention d’organismes ad hoc ; Dans cette dernière hypothèse les organismes
d’intervention, selon les cas procèderont à des achats facultatifs ou obligatoires impliquant
notamment pour les produits les plus stratégiques une garantie quasi illimitée aux producteurs
qui auront ainsi l’assurance d’un achat systématique à des prix relativement élevés et souvent
supérieur à celui du marché mondial. Dans un premier temps les organismes d’intervention
paieront un prix fixe arrêté annuellement par le Conseil mais par la suite sera mis en place un
nouveau système qui verra les organismes d’intervention lancer des appels d’offre dans le
51
cadre desquels le prix d’achat sera fixé en fonction de la situation du marché. L’OCM du
sucre a dès sa création en 1967 bénéficié d’un régime d’intervention très spécifique fondé sur
trois catégories ou quotas de production et où seul le premier quota destiné pour l’essentiel
à la consommation intérieure bénéficiait d’un prix d’intervention très élevé. Cette
différenciation sur la base de trois catégories ou quotas différents n’a pas empêché la
condamnation en 2005 de la Communauté dans le cadre l’organe de règlement des
différends (ORD) de l’OMC suite à une plainte du brésil de l’Australie et de la Thaïlande. La
nouvelle OMC du sucre résultant du règlement 318/2006 du 2à février 2006 impliquant des
mesures d’intervention sur le marché et de retrait en cas d’excédent mais sous forme
atténuée. Il s’agit là d’un des épisodes de la confrontation des règles de la PAC avec celles de
l’OMC
Les protections extérieures résident dans le recours à un certain nombre de
mécanismes qui visent à protéger l’agriculture communautaire de la concurrence des
agricultures des pays tiers. Elles ont pris la forme, outre le recours aux documents
administratifs (certificats d’importation et d’exportation) pour l’essentiel de trois types de
mécanismes qui obéissent tous au même objectif général : il s’agit d’éviter que la chute des
prix des productions agricoles communautaires puissent affecter gravement le revenu des
agriculteurs européens
- Les prélèvements agricoles aux importations ont longtemps permis de
hisser au niveau des prix européens les produits agricoles des pays tiers mis sur le marché à
des prix largement inférieurs à ceux de la PAC . Expression privilégiée de la préférence
communautaire (cf. supra ) ils ont fini par être supprimés par les accords de Marrakech sous
la pression de l’OMC pour être remplacés par des droits de douane (cf. section 3 §3)
- Les restitutions à l’exportation (cf. supra) permettent d’encourager les
exportations des productions agricoles communautaires en accordant à l »exportateur la
différence entre le prix européen et le prix du produit sur le marché mondial
- les clauses de sauvegarde contenues dans nombre de règlements d’OCM
autorisent deux types de mesures, prises selon les cas soit par la Commission soit par le
conseil dans l’hypothèse d’importations mais aussi d’exportations susceptibles d’entrainer
des perturbations graves du marché agricole communautaire.
2. Les OCM recourant exclusivement aux protections extérieures
Elles concernent pour l’essentiel des productions qui ne sont pas des produits alimentaires de
base (vin de qualité, fleurs coupées) ou qui sont plus ou moins indépendantes du sol (volailles,
52
œufs). Il n’est donc pas nécessaire de procéder à des interventions particulières de soutien et
d’intervention sur le marché intérieur communautaire. Selon les produits visés, et qui
représentent environ 25% de la production agricole européenne, les protections extérieures
ont consisté soit en des prélèvements aux importations (avant qu’ils ne soient supprimés du
fait de l’OMC) soit en droits de douanes calculés selon des modalités particulières mais aussi
parfois par une combinaison des deux
3. les OCM impliquant des aides complémentaires aux prix
Pour de nombreux produits la Communauté économique européenne s’était engagée vis-à-vis
du GATT (aujourd’hui perdure le même type de contexte et par voie de conséquence des
engagements similaires dans les rapports entre l’UE et l’OMC) à maintenir constants ses
droits de douanes à l’importation. Ainsi la PAC se voit –elle interdire de recourir aux
protections extérieures pour certaines productions concernées (par exemple le colza ou le
tournesol) par ces interdictions d’aggraver les droits de douanes. Pour défendre les
productions européennes et assurer aux producteurs européens des débouchés en dépit de la
concurrence des importations à bon marché , l’Union peut, dans le cadre de sa PAC,
développer des aides aux industries de transformation de ces productions chaque fois qu’elles
utilisent des productions communautaires pour leurs activités de transformation. L’aide ainsi
consentie, dans le cadre de la PAC, vise à compenser l’écart entre le prix communautaire et le
prix inférieur pratiqué sur le marché mondial
4. les OCM impliquant une aide forfaitaire à la production
Il s’agit d’OCM pour des productions qui concernent un très faible pourcentage de la
production agricole communautaire comme par exemple le lin, le chanvre, le houblon ou
encore le ver à soie. Il s’agit d’OCM où l’intervention de la PAC réside dans des aides
accordées aux producteurs à l’ hectare ou encore selon leur niveau de production. Dans
certains cas ces aides à la production peuvent être combinées avec d’autres instruments
d’organisation du marché
2° / la politique des prix agricoles
Le système de soutien des prix agricoles, qualifiée parfois de politique des prix,
constitue la réponse apportée par la PAC pour soutenir l’Agriculture européenne. En cela la
PAC s’est largement, lors de sa création, démarquée de l’autre système existant dans le
monde, notamment anglo-saxon (Cf. Etats-Unis, Canada et royaume uni avant son adhésion à
la CEE) pour le soutien au secteur agricole : il s’agit de celui du soutien direct au revenu
53
des agriculteurs (système de deficiency payements). En réalité le choix de la PAC originelle
en faveur d’un système de soutien aux prix trouve son explication dans le fait qu’il s’agit du
système sans doute le plus adapté aux agricultures qui présente la double caractéristique
d’avoir de très nombreux agriculteurs et de ne pas être auto suffisante (ce qui était bien le cas
de l’agriculture des 6 Etats membres en 1957). En effet appliquer à ce type de situation les
règles de l’ aide directe aux agriculteurs, laissant notamment toute liberté pour des achats
massifs sur le marché mondial avec des cours plus bas, présente deux types de risque : le
premier est provoquer l’arrêt par les agriculteurs locaux de leur production du fait de leur
non compétitivité ; le second est d’entrainer des augmentations de prix très importantes en
cas de déséquilibre entre l’offre et la demande et par voie de conséquence des difficultés
d’approvisionnement73. Le choix de la PAC en faveur du système de soutien aux prix plutôt
que de celui de l’aide directe aux revenus perdura en tant que tel jusqu’à la première réforme
de 1992 qui inaugure l’entrée de la PAC dans un système mixte qui mêlera peu à peu les
deux systèmes de soutien aux prix et de l’aide directe aux revenus de l’agriculteur (cf. infra
section 2)
La Politique de soutien aux prix agricoles pratiquée par la PAC repose sur
l’instauration d’un régime uniformisé des prix (a) impliquant le recours à une monnaie verte
(b) mais qui obligera la PAC, confrontée aux fluctuations monétaires à recourir à des
correctifs, les fameux montants compensatoires monétaires ou MCM (c)
a) le régime uniforme des prix
Il ne doit pas être confondu avec un système de prix unique. Le prix réel reste en effet
déterminé par la loi du marché. . Il s’agit bien plutôt d’un système imaginé par la PAC pour
encadrer, surveiller et maitriser les prix réels intérieurs des productions agricoles
européennes. Ces prix sont plus élevés que ceux du marché mondial et sont « compensés par
les prélèvements aux importations et les restitutions aux exportations qui permettent de
garantir la préférence communautaire. En étant élevés ces prix stimulent la production et la
productivité de l’agriculture européenne et par voie de conséquence garantissent également le
revenu des agriculteurs ; Ce régime uniformisé des prix agricoles européens repose en réalité
sur trois grands types de prix
73 Cf. MOUSSIS (N), Guide des politiques de l’UE, European Study service, Bruxelles 2007pp. 388-390
54
- le prix souhaité (qui dans la terminologie officielle variable des différentes
OCM sera qualifié, selon les produits agricoles concernés, tantôt de prix indicatif, tantôt de
prix d’orientation, tantôt de prix d’objectif) est déterminé dans le cadre de la PAC, à partir de
la zone la plus déficitaire de la Communauté pour le dit produit.
- le prix d’intervention, naturellement inférieur au prix souhaité (d’environ
5%), est le prix au niveau duquel les organismes d’intervention auront l’obligation, selon des
modalités qui ont évolué dans l’histoire de la PAC (cf. supra p. ) d’acheter le produit qui leur
est proposé en garantissant ainsi à l’agriculteur la possibilité de trouver un acheteur et par
voie de conséquence et de manière indirecte son revenu
- le prix de seuil ou d’écluse est le prix appliqué aux produits importés et
correspond au prix souhaité, majoré des frais de transports
b) le recours à la « monnaie verte »
Déterminer des prix communs alors même qu’il n’existe pas une monnaie commune mais des
monnaies européennes à nécessité de recourir à un artifice, à savoir arrêter les prix dans une
« unité communautaire », avant de convertir les prix ainsi arrêtés dans les différentes
monnaies nationales. Jusqu’en 1979 la monnaie verte à été l’UCA (unité de compte agricole )
avant de devenir, avec l’introduction du serpent monétaire européen (SME) l’ ECU (unité de
compte européenne. Naturellement pour pouvoir fonctionner correctement et sans à coup le
système supposait des parités stables entre les monnaies européennes, situation qui a
effectivement existé jusqu’en 1969 avant que la PAC ne soit obligée de recourir à des
« correcteurs », les fameux MCM
c) le recours aux MCM (1969-1979)
C’est en 1969 qu’apparaissent les premières pertubations monétaires avec d’abord une
modification des parités entre le franc (dévalué de 11,1% en aout) et le mark (révalué en
octobre de 9, 25%) puis entre toutes les monnaies européennes concernées .L’ instauration du
système des montants compensatoires monétaires permettait de garantir l’uniformité des prix
dans les échanges entre les pays. Il s’est ainsi traduit par l’instauration de taxes sur les
exportations et des subventions à l’importation, qualifiés de MCM négatifs, pour les pays à
monnaie faible (France et Italie). Quant aux MCM dits positifs se traduisant par des
subventions aux exportations et des taxes aux importations, ils ont concerné les pays à
monnaie forte (Allemagne et Pays bas). Les MCM, perçus ou payés par le FEOGA et sa
section garantie ont permis de sauvegarder l’unicité du marché en dépit de la disparité des
55
prix entre les monnaies nationales. Néanmoins ont été constatés assez rapidement certains de
ses effets pervers ; Ainsi le système s’est-il avéré extrêmement couteux les années de « grands
écarts monétaires (12% des dépenses de la PAC en 1977). De la même manière il a contribué
à fausser la concurrence entre les agriculteurs européens en « dopant » artificiellement le
dynamisme de certaines agricultures comme celle de l’Allemagne (particulièrement marqué
en 1973). La décision a donc été prise en Mars 1979 de démanteler les MCM en commençant
par celui, en plusieurs étapes des MCM positifs (1984-1988) puis des MCM négatifs (1988-
1992). C’est le nouveau mécanisme dit du « Switch over », qui « a permis de maintenir en
monnaie nationale les prix et les aides communautaires dans les pays qui réévaluaient leur
monnaie et a eu pour effet de les augmenter dans les pays à monnaie faible74. La création de
la monnaie unique en 1999 a sonné le glas de ces systèmes, rendus nécessaires par
l’existences de monnaies nationales différentes et dont les fluctuations pouvaient altérer
l’équilibre, et qui ont marqué l’histoire de la politique des prix agricoles
B/ la politique commune des structures agricoles
A l’origine la PAC reposait sur une distinction relativement claire entre la Politique des
marchés et des prix et la politique des structures. Cette distinction reposait à la fois sur un
critère financier et sur un critère normatif. Sur le plan financier le FEOGA section garantie
finançait la politique des marchés et des prix de même que le FEOGA section orientation
finançait une « politique des structures » correspondant à l’action de la Communauté à plus
long terme et dont l’objet était d’accompagner la réforme de l’agriculture européenne
conformément à l’article 33.2 TCE. Il s’agit du dispositif qui prévoit que dans l’élaboration
de la PAC il sera tenu compte du caractère particulier de l activité agricole, découlant de la
structure sociale de l’agriculture et des disparités structurelles et naturelles entre les régions.
L’organisation du FEOGA entre deux sections qui a pris fin par la réforme intervenue en
2007, s’est longtemps traduite par un très fort déséquilibre entre les deux sections, puisque le
FEOGA orientation ne représentait qu’environ 5% des dépenses du FEOGA Sur le plan
normatif l’action de la PAC sur les structures a longtemps pris la forme de directives alors
que la politique des marchés et des prix s’inscrivait dans le cadre de règlements. . Depuis ce
schéma original (1°) l’action sur les structures a connu des développements substantiels qui
relèvent désormais de ce qu’il est devenu commun de qualifier de véritable deuxième pilier
74 LOYAT (J), PETIT (Y), la Politique agricole commune (PAC), une politique en mutation, la documentation française, collection réflexe Europe, Paris 2008, p. 14
56
de la PAC dont la montée en puissance ne cesse d’être soulignée par la doctrine spécialisée75
(2°)
1°/ de l’action sur les structures à une véritable politique commune des structures
De 1962 à 1972, date à laquelle ont été adoptées les premières directives socio-
structurelles (b) l’action de la PAC au profit des structures agricoles se définit par une action
à minima de simple appui aux politiques nationales (a)
a) une action structurelle « à minima » jusqu’en 1972
Jusqu’en 1972 il est difficile de parler de véritable politique commune des structures puisque
l’action de la Communauté se limitera à la seule coordination des politiques nationales de
soutien à leurs structures agricoles afin de les harmoniser avec la politique des marchés
agricoles. Ainsi l’action de la Communauté prendra-telle la forme de soutiens financiers à des
projets individuels présentés par les Etats membres. Rapidement sera mis en exergue le même
constat qui sera fait ultérieurement s’agissant de la politique régionale. Ce type d’intervention
à l’appui de projets individuels n’échappe pas à la critique de l’atomisation , du saupoudrage
et de l’impact très limité au regard de la dispersion des moyens financiers dans une
multitudes de mesures individuelles . En outre la Communauté sera-t-elle bien obligée de
constater les limites de la politique des marchés et des prix sur les revenus des agriculteurs.
Malgré en effet l’accroissement indiscutable de la production et de la productivité de
l’agriculture européenne, la rémunération de l’activité agricole, comparée à celle des autres
secteurs économiques ne cesse de connaitre des retards et de se creuser
b) la date césure de 1972
Elle est importante qui traduit la mise en place d’une véritable embryon de politique
commune structurelle fondée d’une part sur l’adoption des premières directives socio
culturelles elles mêmes complétées par les premiers programmes régionaux mis en place à
partir de 1978.
1. les premières directives socio structurelles ou horizontales de 1972, qui sont au
nombre de trois trouvent leur origine dans un certain nombre de constats des insuffisances de
l’agriculture européenne. Sont ainsi dénoncés, le trop grand nombre d’exploitations en
dessous du seuil de rentabilité, la superficie insuffisante des exploitations, le niveau
défectueux de l’investissement pour la modernisation ou encore le manque de formation de
la profession agricole ; Ce manque de formation de la population active agricole est
75 Cf. DUBOUIS (L) et BLUMANN (C), op. cit. pp. 390-395
57
préoccupant car il rend plus difficile la réalisation de certains objectifs comme la prise en
charge de la modernisation de l’agriculture ou encore son adaptation par le recours à la
mobilité professionnelle. Face à ce diagnostic, les 3 directives socio structurelles s’analysent
comme un ensemble de mesures coordonnées visant à apporter des réponses à ces
insuffisances structurelles de l’agriculture européenne.
- une première série de mesures résident dans des aides à la modernisation
accordées aux agriculteurs ; pour pouvoir en bénéficier ces derniers devront présenter un plan
de développement de leur exploitation qui puisse apporter la preuve que les investissements
entrepris permettront de faire progresser exploitation jusqu’à un niveau moyen des
exploitations agricoles de la région
- une deuxième série de mesures consistent en des aides à la formation
spécialisée pour la diffusion des progrès techniques et économiques
- une troisième série de mesures visent à instaurer un système de préretraite à
des agriculteurs âgés de plus de 55 ans. En bénéficieront les agriculteurs qui cèderont leurs
terres à des agriculteurs qui souhaitent les acquérir et qui sont justement titulaires d’un plan
de développement arrêté conformément au dispositif des directives
- une quatrième série de mesures concernent des aides au recyclage de jeunes
agriculteurs afin de favoriser la mobilité professionnelle de la population agricole
2. des programmes régionaux complémentaires seront mis en place notamment à
partir de 1975 et de 1978. Ils reposent beaucoup sur le constat que nombre d’agriculteurs et
de régions agricoles, parce que non éligibles aux directives de 1972, ont besoin de soutiens
spécifiques
-seront ainsi mis en place à partir de 1975 des aides aux régions défavorisées, parmi
lesquelles figureront les régions de montagne qui pourront dans certaines conditions
bénéficier de deux modalités d’aide : les premières prendront la forme d’indemnités
compensatoires, sorte d’aide directe au revenu pour dédommager les agriculteurs de leurs
conditions notoirement plus difficile de production. Les secondes consisteront en des aides à
l’investissement par des conditions préférentielles et dérogatoires aux aides type 1972
- peuvent également être citées des mesures spéciales en faveur des régions les moins
développées76 par l’octroi d’aides régionales complémentaires, soit pour l’amélioration des
76 L’action de la Communauté au titre de sa politique régionale et d’intervention (cf. chapitre sur la politique de cohésion économique et sociale distinguera très rapidement la catégorie des « régions les moins avancées ou en retard de développement » (dont le niveau de vie est inférieure à la moyenne communautaire) des régions
58
infrastructures agricoles (par exemple des systèmes d’irrigation), soit pour l’amélioration des
débouchés et des possibilités de commercialisation des productions agricoles
-enfin les programmes intégrés méditerranéens (PIM) développés dans le cadre de la
Politique régionale suite à l’élargissement de la Communauté à l’Espagne et au Portugal
traduiront une approche globale d’assistance à des régions méditerranéennes pour les aider à
acquérir des revenus complémentaires à leurs revenus agricoles (développement du
tourisme, de l’artisanat et du soutien aux petites et moyennes entreprises) et ce en plus des
mesures spécifiquement agricoles qui resteront une priorité des PIM (aides aux secteurs des
fruits et des légumes, de la viticulture, notamment pour l’amélioration de la qualité et de
l’écoulement de leurs produits)
2°/ la naissance d’un véritable deuxième pilier de la PAC, de la réforme structurelle et
du développement rural
A l’origine la PAC maintenait une nette distinction entre son « premier pilier » relatif à la
politique des marchés et des prix et son action structurelle. Cette distinction était attestée par
de nombreux signes. Ainsi les instruments juridiques étaient-ils différents (règlement pour
la politique des marchés et des prix et directives pour l’action structurelle) mais surtout
l’investissement financier était-il particulièrement déséquilibré au profit de la section
FEOGA garantie consacrée à la politique des marchés et des prix. Cette dernière mobilisait
en effet l’essentiel du budget de la PAC et ce au détriment de la section orientation de
FEOGA consacrée au financement de l’action structurelle. Ces différences vont
progressivement s’atténuer à partir de la réforme des fonds structurels en 1986 et l’adoption
de la réforme de la PAC de 1992 (réforme Mac Sharry) à l’occasion de laquelle seront
adoptés en Juin 1992 une série de règlements qui reprennent assez largement les directives
socio structurelles de 1972 . Mais c’est surtout l’agenda 2000 qui constituera en quelque le
détonateur du renforcement de l’action en faveur des structures agricoles (a), largement
consolidée par la réforme à mi parcours de 2003 (b) et enfin par les perspectives financières
2007-2013 (c)
a) l’agenda 2000 et l’adoption du règlement du 17 mai 1999 relatif au soutien au
développement rural
Ce règlement est souvent présenté comme un instrument de codification de l’action
structurelle de la PAC puisqu’il vient se substituer à une dizaine de règlements préexistants et
défavorisées ,qui ne correspondent pas à la première catégorie, mais qui subissent néanmoins des handicaps particuliers
59
pose un certain nombre de grands principes directeurs dont ceux de la flexibilité (ouvrant aux
Etats un certain nombre de choix dans les actions offertes) et de décentralisation (pouvoirs
des Etats accrus dans la gestion des actions structurelles). Les principales mesures prévues
rappellent celles de l’action structurelle déjà existante (action en faveur de la modernisation
avec un soutien à l’investissement dans les exploitations, action en faveur de la
commercialisation des produits au titre du soutien à l’agro industrie, régimes de préretraite et
de soutien à l’installation des jeunes agriculteurs etc..) la seule véritable nouveauté de l’action
structurelle réside dans la création d’un nouveau régime dit « d’encouragement à
l’adaptation et au développement des zones rurales »
b) la réforme à mi parcours de 2003 apportera une nouvelle contribution au
renforcement du développement rural, l’Une de ses principales innovation résulte de
l’introduction du mécanisme dit de « modulation » introduit par le règlement 1783/2003. Il
consiste en un prélèvement sur les sommes affectées aux paiements directs en faveurs des
grosses exploitations, et ce au profit du développement rural. Les sommes ainsi prélevées
(évaluées par la Commission à environ 1,2 milliard d’euros) seront attribuées aux Etats afin
de leur permettre de financer de nouvelles actions en faveur du développement rural et ce
principalement dans les domaines, de l’amélioration de la qualité des produits alimentaires
(qui ne bénéficiait jusque là d’aucun régime spécifique), la prise en compte du bien être des
animaux (ce dernier initié par le protocole n°10 du traité d’ Amsterdam, apparaissant
comme un souci prioritaire de la PAC réformée), et du soutien aux régions soumises à des
contraintes environnementales.
c) la réforme du développement rural dans le cadre des perspectives financières
2007-2013 et des règlements 1698/2005 du 20 septembre 2005 et 1290/2005 du 21 Juin 2005
Ces nouveaux règlements adoptés de manière anticipée fixe le nouveau régime juridique du
2ième pilier de la PAC pour la période couverte par les perspectives financières 2007-2013. Le
règlement du 20 septembre abroge à compter du 1er Janvier 2007 le règlement de 1999 et fixe
les nouveaux axes prioritaires de la politique du développement rural. Quant au règlement du
21 juin il a surtout pour conséquence de rénover en profondeur le FEOGA en créant le
FEAGA et le FEADER. Le premier succède au FEOGA garantie tandis que le fonds
européen agricole pour le développement rural ou FEADER remplace l’ancien FEOGA
orientation. Enfin devra-t-on mettre au crédit de ces réformes de 2005 la rationalisation de
l’application du principe de subsidiarité à la politique du développement rural. On signalera
que la politique du développement rural bénéficiera d’une nouvelle relance à l’occasion de la
réforme de 2008 dite bilan de santé de la PAC. C’est ainsi qu’à l’occasion de l’adoption de ce
60
bilan de santé (cf. infra Section II, §2 B/ 4°) sera adoptée le 19 janvier 2009 une nouvelle
décision du Conseil relative aux orientations stratégiques de la Communauté relative aux
orientations stratégiques de la Communauté pour le développement rural (comportant
modification de la décision 2006/1/44)
1. Les axes prioritaires du règlement du 20 septembre 2005
Ils résident en premier lieu dans l’amélioration de la compétitivité des secteurs agricoles et
forestiers grâce à l’amélioration du potentiel humain, ( par ex la formation professionnelle,
les régimes de préretraite ou le soutien aux jeunes agriculteurs), à la restructuration du
potentiel de production, (par ex. modernisation des exploitations et amélioration des
infrastructures) ou encore à l’amélioration de la qualité des productions.
En deuxième lieu sont visées les actions en faveur de l’environnement et de l’espace rural
(bien être des animaux, agriculture biologique, préservation des paysages et des forêts)
En troisième lieu sont concernées les actions en faveur de l’amélioration de la qualité de
la vie en zone rurale, grâce notamment à des actions en faveur de la diversification des
activités (tourisme rural), ou encore au travail des femmes
En dernier lieu est affirmé la continuation du programme LEADER initié par la
Commission dans le cadre de la politique de cohésion économique et social et qui voit cette
dernière soutenir des actions au profit des régions rurales en difficulté constitue le dernier
point fort des objectifs prioritaires dégagés dans le cadre du réaménagement de la nouvelle
politique du développement rural
2. l’instauration du FEADER au lieu et place de l’ancien FEOGA orientation
permettra désormais à la fois une simplification du financement des actions structurelles en
faveur de la PAC (qui seront désormais totalement assumées par le FEADER mais aussi
bénéficieront de taux de cofinancement préétablis et différents selon les axes prioritaires
(cf.supra 1.)77 mais aussi une meilleure synergie avec la politique de cohésion économique et
sociale. Le FEADER se voit attribuer dans les perspectives financières 2007-2013 un volume
annuel d’environ 13,7 milliards € /an et voit ses dépenses exonérées du principe de discipline
budgétaire applicable au budget de la PAC
3. Le principe de subsidiarité applicable à la politique du développement rural
commande que la mise ne œuvre de ses actions relèvent d’abord de la compétence des Etats
membres auxquels il revient à cet effet, et chacun pour leur propre compte, d’élaborer des
77 A titre d’exemple cofinancement allant de 50 à 75 % pour les axes prioritaires 1 et 3 et de 55 0 80ù pour les axes prioritaires 2 et 4
61
programmes de développement rural78 (PDR) à caractère pluriannuel (portant sur la période
2007-2011). On retrouve à cet égard la méthodologie utilisée dans le cadre de la politique de
cohésion économique et sociale. Il appartient ainsi aux Etat,s s’ils veulent bénéficier d’un
soutien financier du deuxième pilier de la PAC, de mettre en synergie leur propre stratégie
nationale avec celle définie par l’Union, à travers ses axes prioritaires.
§3 le principe de solidarité financière véritable clé de voute d’une politique intégrée
particulièrement « budgétivore »
Le principe de solidarité financière trouve son origine dans l’article 34.4 TCE (repris à
l’article 40 TFUE) (A) Cela implique la prise en charge des couts de la politique agricole par
le budget de la Communauté et donc par l’ensemble des Etats membres quelles que soient les
bénéfices qu’ils tirent de cette politique (B). L’évolution des dépenses agricoles ayant connu
une grimpée hallucinante, les réformes de la PAC ont conduit à l’adoption d’une discipline
budgétaire renforcée (C)
A/ l’origine du principe de solidarité financière
Il implique que suite aux transferts de compétences opérés par les Etats à l’organisation, cette
dernière assume les couts de ces transferts de compétences qu’il s’agisse de la politique des
marchés et des prix ou de la politique structurelle. Ainsi l’article 34.4 rappelle-t-il
l’habilitation donnée à la communauté de créer un ou plusieurs fonds d’orientation et de
garantie agricole dont la première conséquence sera la création par le règlement du 4 avril
1962, d’un fond unique, le FEOGA et de ses deux sections. La section garantie est celle qui
financera la politique des marchés et des prix et la section orientation celle de l’action
structurelle. Or ces deux sections bénéficieront de crédits très inégalement répartis :la section
Orientation ne bénéficiant que de 4% (1987) à 9% des crédits alloués la PAC Cette
organisation du FEOGA perdurera jusqu’ à la création en 2007 (cf. supra) du FEAGA et du
FEADER, réforme qui se traduira par une augmentation significative du budget alloué au
développement rural En 2010, le budget du développement rural devrait constituer environ
25% du budget de la PAC.
. Au-delà ce « budget de la PAC » dont il ne faut pas oublier qu’il comporte aussi des
ressources que cette politique est amenée à générer (les fameux « droits agricoles »
78 L’Etat membre peut recourir soit à un programme national unique soit à plusieurs programmes régionaux
62
constituant l’une des quatre ressources propres de l’Union avec les droits de douanes, la
ressource TVA et la ressource complémentaire fondée sur le PNB79) est surtout intégré au
budget général de L’Union. Il se voit donc appliquer les règles propres à l’adoption de ce
budget et notamment la distinction entre dépenses obligatoires (DO) et non obligatoires
(DNO). Les dépenses de la PAC relèveront, jusqu’à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne
de la catégorie des DO, catégorisation qui implique un pouvoir amoindri du Parlement et
contribuera largement à la qualification d’une « PAC, chasse gardée du Conseil »
B/ Un principe de solidarité partiellement remis en cause et controverses récurrentes
sur le financement de la PAC
Le principe de solidarité implique que tous les Etats membres par l’intermédiaire du
budgétisation de la PAC participent au financement et ce quels que soient les bénéfices qu’ils
retirent de la Politique. (1°). L’existence de grosses disparités entre tous les Etats membres
qui ne bénéficient pas tous de la même manière entretient des controverses récurrentes (2°)
1°) les disparités entre tous les Etats membres
On ne saurait contester qu’il existe de grosses disparités entre les Etats membres qui sont,
du fait du jeu de la solidarité financière, loin de bénéficier sur un pied d’égalité des
subventions de la PAC. La France a toujours été de loin de loin la plus grosse bénéficiaire
(24, 4% en 1996), après l’Allemagne (15,5%) et l’Italie (10,8%) de la PAC. En 2004 ses
bénéfices nets (rapport entre les dépenses et les recettes étaient encore de 21% ( pour la
section garantie) et 13% (pour le développement rural) et lui permettaient de devancer
largement l’Espagne (14,1%) et l’Allemagne (13,5%) . Sur la période couverte par les
perspectives financières 2007-2013, la France, malgré une baisse de ses taux explicable à la
fois par le plafonnement décidé en 2002 et l’élargissement, restait largement en tête des
bénéficiaires (19,4% et 7,2%).
2°) les controverses récurrentes quant au financement de la PAC : exception
britannique et tentatives de renationalisation de la PAC
La question du financement de la PAC, lié au principe de solidarité est donc une question
récurrente et source de controverses entre tous les Etats membres. Ces controverses ont
connu plusieurs épisodes. L’un des plus connu est celui de l’exception budgétaire arrachée
par madame Thatcher à ses partenaires lors du Conseil européen de Fontainebleau des 24 et
79 Les ressources agricoles issues, pour l’essentiel des prélèvements à l’importation transformés en droit fixes à l’importation suite à l’ URUGUAY round,, prélèvements supplémentaires des primes et autres montants compensatoires et de la cotisation sucre prévue dans l’OCM, représentent environ 2% de l’ensemble des ressources propres
63
25 juin 1984 et qui continue de perdurer (il n’a pas été remis en cause lors de l’adoption des
perspectives financières 2007-2013) alors même qu’il avait été crée à titre provisoire. On se
rappelle encore la formule choc de la « dame de fer » « y want my monay », celle-ci
s’appuyant sur un calcul, qui jusque là n’avait jamais été lis en œuvre dit du « juste retour ». Il
s’agissait de souligner que la Grande Bretagne était l’un des plus gros « contributeur net » du
budget communautaire à savoir qu’elle donnait plus qu’elle ne recevait. L’un des sources de
ce décalage était bien dans la PAC qui mobilisait à l’époque encore plus de 50% du budget
global communautaire et dont la Grande Bretagne ne recevait que très peu
La PAC dispose d'un budget garanti jusqu'en 2013. Cependant elle est déjà au cœur des
discussions qui ont d’ores et déjà commencées s’agissant de l’adoption (qui devront
intervenir en 2012) des futures perspectives financières (2014-2020). De nombreuses voix
parmi les Etats membres se font entendre, pour demander, au-delà d’une diminution
significative du budget de la PAC, une renonciation au principe de solidarité et par voie de
conséquence une « renationalisation de la PAC » (déjà quelque peu entamée avec le mode de
financement de la politique du développement rural reposant sur le cofinancement des Etats
membres. On ne doit pas oublier que cette nouvelle réforme de la PAC et surtout de son
financement s’inscrit dans un contexte de droit institutionnel renouvelé par le traité de
Lisbonne, au premier rang desquels figurent, la disparition de la distinction DO et DNO dans
les finances publiques de l’ UE, l’application de la procédure de codécision à la PAC. Les
futures orientations de la PAC devront tenir compte des positions du Parlement européen
jusque là tenu à l’écart de la PAC
C/ Les problèmes budgétaires de la PAC et la mise en place par le paquet Delors I
d’une discipline budgétaire
C’est au Conseil européen de février 1988 que l’on doit l’accord intervenu entre les Etats
membres sur le paquet Delors I80 au sein duquel seront adoptés les principes généraux de
80 Les Paquets Delors 1 (1988-1992) et Delors II (1993-1999) résultent d’une nouvelle méthodologie proposée par la Commission pour les finances publiques de l’union ; Elle consiste en une programmation pluriannuelle des dépenses et des ressources, négociée entre les Etats membres au sein du Conseil, la Commission et le Parlement. En fixant des objectifs précis de dépenses en fonction d’un niveau de ressources arrêté d’un commun accord, cette méthode permet de définir les grandes priorités entre toutes les politiques de l’Union, de donner une lisibilité renforcée au Budget de l’Union et contribue ainsi à la lutte contre le déficit démocratique. Les paquets Delors I et II sont les « ancêtres » des Perspectives pluriannuelles financières (PPF) « constitutionnalisées » par le traité de Lisbonne (articles 17 TUE et 312 TFUE)
64
l’encadrement budgétaire de la dépense agricole. Ces principes81 reprennent assez largement
ceux de l’accord de Fontainebleau de juin 1984 considéré généralement comme la
préfiguration de la discipline budgétaire mise en place par le Paquet Delors I en 1988. Ils ont
été confirmés mais aussi renforcés par le Conseil européen d’Edimbourg de décembre 1992.
La discipline budgétaire ainsi mise en place a pour objectif d’assurer un meilleur équilibre
entre les différentes catégories de dépenses et une croissance contrôlée de ces dépenses.
L’origine des problèmes budgétaires de la PAC est directement liée aux différentes crises
traversées par la PAC (cf. Infra section II) et qui résultent des choix initiaux de cette
dernière. . Sur le plan budgétaire le coût croissant des exportations, lié notamment aux
excédents et le poids grandissant des importations notamment des produits de substitution
libres de droits du fait du GATT (ce qui a entrainé parallèlement une diminution sensible des
recettes à l’exportation) ont entrainé une instabilité budgétaire congénitale de la PAC. Le
Paquet Delors I de février 1988 tente de réagir à cette situation à travers deux catégories
d’instrument, la ligne directrice agricole (1°) et l’instauration des stabilisateurs budgétaires
(2°)
1°) la ligne directrice agricole et l’instauration d’un plafond
Le paquet Delors I instaure une limitation du rythme annuel de progression des dépenses du
FEOGA garantie. Le rythme annuel ne doit pas dépasser le plafond de 74% du taux de
croissance annuel du PNB communautaire ; Le montant de dépenses pour 1988 a été retenu
comme base de référence pour la ligne directrice agricole. Le principal but assigné à la ligne
directrice agricole est de rééquilibrer la dépense agricole au profit des autres catégories de
dépenses et plus particulièrement celles de la politique de cohésion économique et sociale (cf.
Infra politique de cohésion économique et sociale). Cet objectif de redistribution entre les
catégories de dépenses sera correctement réalisé puisque les dépenses de la PAC qui
représentaient en 1988 65,6% des dépenses, ne représenteront plus en 1993 que 50,9 % ce
qui aura permis de porter le niveau de dépenses des actions structurelles de 17,5% à 30, 8 %.
Mais la discipline budgétaire fait aussi l’objet d’un « contrôle » sur l’évolution des dépenses
du FEOGA garantie, grâce au système d’alerte (early warning system) selon lequel al
Commission est tenue de présenter chaque mois un rapport sur l’évolution des dépenses
81 Le premier de ces principes est celui selon lequel les dépenses découlant de la politique des marchés agricoles doivent progresser moins vite que le taux d’accroissement de la base des ressources propres
65
effectives et de prendre, en cas de dépassement et conformément à ses pouvoirs de gestion,
les mesures adéquates ou de saisir le Conseil en cas d’insuffisance de ces mesures
La ligne directrice agricole a fait l’objet d’un renforcement dans le cadre de la réforme de
1992 et du Conseil européen d’Edimbourg. Il a constitué pour l’essentiel à intégrer des
dépenses de la politique des marchés dans la ligne directrice agricole alors que ces dépenses
ne l’étaient pas encore (dépenses de retrait des terres ; dépenses des mesures
d’accompagnement (relatives aux préretraites, à l’environnement et au boisement). En outre
d’autres dépenses du FEOGA comme celles du fonds de garantie pour la pêche ont même
été intégrées dans la ligne directrice agricole. On rappellera pour conclure que la philosophie
générale de l’encadrement budgétaire lié à la ligne directrice agricole reste encore en 1992
d’exclure de cette ligne directrice les dépenses du FEOGA orientation et notamment celles
relevant de l’objectif 5a de la réforme des fonds structurels (cf Infra politique de cohésion et
réforme des fonds structurels)
On peut véritablement parler de renforcement de la ligne directrice agricole, quand on
constate que toutes les mesures initiées par la grande réforme Mac Sharry de 1992 sont
incluses dans la discipline budgétaire sans que la ligne directrice ait été pour autant relevée82
(et ce alors même que la Commission l’avait proposé, ce qui lui a été refusé par le Conseil
pour des raisons d’économie). En outre le plafonnement de la progression de la dépense
agricole a été maintenu à 74% du PNB alors que la ligne directrice a connu un champ
d’application notoirement élargi
2° / La mise en œuvre des stabilisateurs budgétaires
Il s’agit d’un mécanisme qui rend le niveau de prix garanti dépendant de la production. Ainsi
lorsqu’une production dépasse un certain seuil prédéfini, le mécanisme dit du stabilisateur
implique une diminution automatique des prix garantis de sorte que le revenu supplémentaire
que l’agriculteur tirerait de l’augmentation de sa production soit ou bien diminué (ex : les
céréales) ou bien supprimé (ex : oléagineux, coton). Mécanisme certes séduisant, fondé sur
des prélèvements de coresponsabilité mis à la charge des producteurs, le mécanisme du
stabilisateur budgétaire favorise une stabilisation de la production sans pour autant garantir
mécaniquement un contrôle de la dépense sur les productions agricoles concernées. En effet
82 La Commission avait en effet proposée un relèvement de 1,5 milliards d’ECUS pour tenir compte de la réforme ainsi que de l’unification allemande
66
de nombreux paramètres externes, comme par exemple la fluctuation des prix mondiaux ou
encore la variation du dollar peuvent contribuer à accroitre la dépense sur tel ou tel produit et
ce même à production stable. Ces paramètres externes peuvent ainsi faire peser sur le
FEOGA garantie de lourdes pressions financières et démontrent que, si la stabilisation de la
production constitue bien une condition nécessaire pour le contrôle des dépenses agricoles du
FEOGA garantie, elle n’est pas pour autant une condition suffisante
En conclusion on constatera que la ligne directrice agricole a été bien respectée et a permis à
la PAC de réaliser des économies substantielles. Ainsi au cours des 3 premières années de
son application la dépense agricole est restée en deçà de la ligne directrice et a permis à la
PAC d’économiser 10, 9 milliards d’écus Cependant malgré cette discipline budgétaire la
dépense agricole a continué d’augmenter, phénomène auquel la première grande réforme
d’envergure de la PAC, la réforme Mac Sharry de 1992 tentera d apporter de nouveaux
remèdes. La dépense agricole constitue une question récurrente de toutes les réformes
entreprises à la suite des crises traversées par la PAC
SECTION 2 – CRISES ET REFORMES DE LA PAC
Dans ses premières années la PAC a été considérée comme un remarquable succès.
L’organisation d’un marché commun des produits agricoles, fortement protégé à favorisé un
développement exceptionnel de l’agriculture européenne (plus de 29% en volume entre 1973
et 1981). La sécurité des approvisionnements à des prix raisonnables pour les consommateurs
s’est révélée comme une réalité indiscutable puisque l’Europe communautaire est passée très
rapidement après la mise en place de la PAC d’une situation d’importateur net à celle
d’exportateur net pour la plupart de ses productions traditionnelles. Gravement déficitaire en
1962 pour ses principales productions la Communauté était seulement 10 ans plus tard déjà
excédentaire. Néanmoins dès la décennie 1970 apparaissent les premiers essoufflements de la
PAC et de ses instruments initiaux et le mot de crise fait son entrée dans le vocabulaire de la
PAC. La crise se manifestera de plusieurs façons (§1) et trouve l’une des ses explications
majeures dans la philosophie initiale de la PAC (§2) Elle sera à l’origine des plusieurs
réformes (§3) qui ont en commun de trouver une ou des réponses adéquates aux problèmes
rencontrés
67
§1 les principales manifestations de la crise traversée par la PAC
Elles sont bien connues des spécialistes qu’il s’agisse de la saturation des marchés (A), du
maintien discutable de l’automaticité de l’aide proportionnelle au volume de production (B),
des atteintes répétées à la préférence communautaire (C), de la baisse des revenus agricoles
(D) et bien évidement de l’accroissement des dépenses (E)
A/ la saturation des marchés
Alors que l’amélioration de la productivité constituait l’un des objectifs majeurs assigné à la
PAC, la hausse considérable de la productivité a entrainé l’apparition d’excédents qui ont
fortement inspiré l’utilisation à propos de la PAC de différentes sortes de métaphores comme
les montagnes de beurre ou les océans de lait. Ces excédents s’expliquent partiellement par
le fait que la hausse de la productivité est supérieure à l’augmentation de la consommation
intérieure. Or la gestion des excédents côute très cher à la PAC et contribuera largement à ses
difficultés financières. La maitrise de la production deviendra ainsi un leit motiv des
différentes réformes de la PAC et empruntera plusieurs voies qu’il s’agisse de l’action sur
les prix (baisse des prix garantis) de l’action sur les quantités produites (quotas). On sait que
c’est pour le lait que sera introduit pour la première fois le système des quotas (Cf. Infra §2)
B/ le maintien discutable de l’automaticité de l’aide au volume de production
L’attribution de l’aide en fonction du volume produit à perduré trop longtemps après
l’accession de la Communauté à l’auto suffisance. Elle a eu pour première conséquence de
créer une inégalité entre les grandes exploitations et les autres au regard des bénéfices
qu’elles pouvaient retirer de la PAC. Ainsi les grandes exploitations spécialisées dans les
productions agricoles les plus soutenues par la PAC (céréales et produits laitiers 83 ont-elles
été plus particulièrement à l’origine du développement artificiel de productions
excédentaires et ont entretenu doublement l’augmentation de la dépense agricole. Par
ailleurs l’automaticité de l’aide en fonction du niveau de production a-elle aussi contribué à
creuser les inégalités entre les différentes régions agricoles en fonction de leur spécialisation
de production dans la mesure où toutes les productions n’étaient pas soutenues de la même
manière par la PAC.
C/ les atteintes à la préférence communautaire
83 Les céréales représentaient 16,4% des dépenses du FEOGA garantie en 1988 et 19,2% en 1999 ; les produits laitiers représentaient 22% de ces mêmes dépenses en 1988 contre 15, 1% en 1999.
68
Au départ la préférence communautaire s’est révélée comme un indiscutable succès grâce
notamment aux prélèvements à l’importation qui non seulement constituaient une dissuasion
efficace contre les importations en provenance des pays tiers mais alimentaient aussi les
ressources du budget communautaire. On considère ainsi généralement que la part du marché
intracommunautaire est passée de 14% à la fin des années 50 à plus de 50% à partir de 1970.
Néanmoins ce principe de la préférence communautaire a connu progressivement de
nombreuses atteintes qui trouvent leur origine dans le contexte international. La
Communauté a ainsi du consentir dans le cadre des négociations du GATT à des ouvertures
du marché communautaire et plus particulièrement aux produits de substitutions des céréales
qui a été favorisé par la séparation du marché des céréales de celui des aliments de bétail. Au-
delà de ces atteintes à la préférence communautaire consenties dans le cadre des négociations
multilatérales du GATT, la Communauté a-telle pu contribuer plus directement encore à
l’affaiblissement de la préférence communautaire par le biais des dérogations qu’elle a pu
accorder à certains de ses partenaires commerciaux traditionnels dans le cadre des accords
conclus par exemple avec l’ Australie et la Nouvelle Zélande (pour la viande ovine) ou encore
le groupe des Etats de l’Afrique des Caraïbes et du Pacifique (groupe ACP et accords de
Lomé) Ces atteintes systématique à la préférence communautaire se sont révélées lourdes de
conséquences multiples. Elles ont couté cher au budget de la PAC qui a du recourir aux
soutiens comme les aides à la production ou encore à la transformation. Ainsi en 1986 les
soutiens représentaient-ils déjà 36% du budget du FEOGA Garantie. L’affadissement de la
préférence communautaire a été aussi à l’origine d’ « aberrations » maintes fois soulignées
par la doctrine : pendant que les éleveurs européens nourrissaient leur bétail avec les produits
de substitution importés grâce la libéralisation mise en place dans le cadre du GATT ( se
traduisant également par une diminution significatives de ressources tirées des prélèvements)
le FEOGA garantie devait massivement intervenir (et par voie de conséquence augmentait
ses dépenses) au profit du soutien aux exportations des céréales communautaires sur le
marché mondial.
D/ la baisse des revenus agricoles
La PAC devait obéir au-delà des ses objectifs économiques a des objectifs sociaux au premier
rang desquels figure celui d’assurer un niveau de vie équitable aux agriculteurs. On sait que
la voie choisie a été, dans le cadre de la politique des marchés et des prix celle des soutiens
aux prix dont on pensait qu’ils garantiraient de manière mécanique le revenu des
agriculteurs. Ces derniers se voyaient en effet protégés à la fois par les prix communautaires
69
plus élevés que ceux du marché mondial et par la garantie automatique qui leur était offerte
de pouvoir écouler leurs productions aux prix d’intervention. C’est ce schéma initial du
couplage soutien des prix / garantie des revenus des agriculteurs qui sera progressivement
remis en cause par les premières réformes de la PAC (et notamment celle de 1992) devant le
constat d’échec que constitue la baisse des revenus agricoles à partir de 1973. Si en effet dans
les premières années de la PAC les revenus agricoles ont bien progressé (cependant moins
rapidement que les autre revenus) d’environ 5% par an, la tendance s’est inversée par la suite
(baisse d’environ 1,8% par an jusqu’à atteindre presque 20% sur douze années (1975-1987).
C’est ce constat qui conduira la PAC à introduire, dans le cadre des premières directives socio
de 1972 et 1975 structurelles les premières aides aux revenus agricoles, pour ensuite
généraliser les aides directes avec la réforme Mac Sharry de 1992 (cf. infra section II § 2). La
baisse de revenus des agriculteurs s’explique également par le fait que les dépenses de
soutien ne profitent qu’indirectement aux agriculteurs (y compris la gestion des excédents
par l’achat des quantités ne trouvant pas preneur et le stockage) et bénéficient surtout aux
intermédiaires prenant en charge la transformation (industrie agro alimentaire) ou la
commercialisation. Naitra ainsi une forme d’incompréhension, toujours perceptible entre la
PAC et les agriculteurs quant à la distribution et la répartition des dépenses de soutien dont
l’éfficacité s’agissant de la garantie du revenu des agriculteurs peut à l’évidence être
contestée
E/ l’accroissement des dépenses
Le budget de la PAC se caractérise par une montée quasi hallucinante de ses dépenses au titre
du FEOGA garantie et qui est attestée par certains chiffres. Les dépenses agricoles sont en
effet passées de 4, 5 milliards d’Ecus en 1975 à 11, 5 en 1980 pour atteindre 34, 5 en 1999. La
maitrise de la dépense agricole est ainsi devenue un sujet récurrent des réflexions portant sur
le financement de la PAC (cf. supra) et ses réformes qui est venu se surajouter aux
controverses portant sur la part trop importante que prend la PAC dans le Budget de l’Union.
Au-delà en effet des distorsions entre les Etats qui sont loin de tirer tous les mêmes bénéfices
de la PAC, il apparait aux yeux des politiques de moins en moins légitime que près de la
moitié du budget soit consacré à seulement 8% de la population active en Europe
§2 La réponse de la Communauté européenne aux crises : les réformes de la PAC
Dès les années 1970 se sont fait sentir les nécessités d’améliorer la PAC au regard des
circonstances nouvelles dans lesquelles elle s’inscrivait qu’il s’agisse de la survenance des
70
premiers excédents liés également aux progrès de la capacité productive qui n’avaient pas
été suffisamment pris en compte84, ou encore de l’ interdépendance de plus en plus forte de
l’agriculture européenne avec celle du reste du monde. Néanmoins dans ces premières
années de difficultés la PAC préfèrera recourir à des réaménagements partiels (A) avant que
de se résoudre à des réformes beaucoup plus radicales et dont la réforme Mac Sharry de 1992
constituera la première illustration (B)
A / les réformes sectorielles précédant la grande reforme de 1992
Plutôt en effet que de procéder à une révision globale de l’ensemble du système de la PAC
(rendue d’ailleurs très difficile par l’exigence de l’unanimité qui ne sera réduite qu’avec le
traité d’Amsterdam), la Communauté européenne adoptera plusieurs mesures sectorielles qui
peuvent être brièvement rappelées
1°/ le recours aux quotas pour la lutte contre les excédents et la création en 1984 des
quotas laitiers
Les quotas sont de mesures de maitrise de l’offre de production applicable à un produit qui
reste éligible à un soutien au prix mais seulement dans les limites d’un contingentement
prédéterminé. Dès la décennie 60 un tel régime, conjugué à d’autres mesures (taxes de
coresponsabilité) avait été appliqué au sucre et avait permis de contenir les dépenses
relatives à ce secteur de production. L’Année 1984 vit ce système des quotas introduit pour le
lait dont on avait constaté, qu’il connaissait de très importants excédents et qu’il absorbait à
lui seul environ 42% des dépenses du FEOGA garantie. Chaque Etat membre s’est ainsi vu
attribué un quota de production au-delà duquel est procédé, en cas de dépassement du quota,
à des prélèvements dissuasifs par exemple une diminution des prix garantis. Les quotas
laitiers ont été prolongés dans le cadre de la réforme de la PAC de 2003 jusqu’en 2015
2°/ l’adoption en 1985 du livre vert sur les perspectives de la PAC préfigure les
mesures ponctuelles des années suivantes
Ce livre vert sera l’occasion pour la Commission de proposer les principales pistes dont on
retrouvera trace dans les aménagements ultérieurs et qui intéressent tant la politique des
marchés et des prix que celle des structures. Sont ainsi évoqués la réduction souhaitable du »
84 LEYGUES (J.Ch.), les politiques internes de l’ UE, LGDJ, Paris 1994, p.27 « Les fondateurs de la PAC n’ont évidemment pas pu prendre la mesure du développement de la capacité productive rendue possible désormais par les progrès de la génétique animale et végétale, de la médecine vétérinaire, des possibilités et des exigences phytosanitaires, des techniques nouvelle de nutrition des animaux ni de la fertilisation et du travail des sols »
71
protectionnisme de la PAC », la nécessité de disposer de prix plus proches de ceux du marché
mondiaux, l’exigence de mieux contenir la dépense agricole
3°/ les principaux aménagements de la politique des marchées et des prix
- la baisse des prix garantis devient une constante des campagnes de prix.
Ainsi assiste-t-on entre 1986 et 1989 à une réduction d’environ 10% des prix garantis
- la création des stabilisateurs agricoles qui intervient en Mars 1988 repose sur
le système des quantités maximales garanties (QMG) 85 dont on rappellera le principe.. En
cas de dépassement d’un plafond de production préalablement défini au plan européen pour
un produit donné, les prix baissent automatiquement pour l’ensemble de la production et ce
proportionnellement au dépassement. D’abord appliqués au Colza et au tournesol en 1987 les
QMG furent étendus aux céréales en 1988. Les QMC participent des techniques de
responsabilisation des producteurs à la gestion des excédents, technique qui peut aussi
emprunter d’autres voies comme celles des taxes de coresponsabilité déjà expérimentées par
la PAC dans les secteurs du sucre (1960) du lait (1977) et des céréales (1986)
4°/ les réformes sectorielles propres à la politique des structures
Elles ont été introduites notamment par deux règlements en date d’avril 1988 et de janvier
1989. Le premier met en place des mesures d’incitation au gel de terres qui préfigurent
celles beaucoup plus contraignantes qui seront introduites par la réforme Mac Sharry de
199286 . Il s’agit d’un système incitatif d’encouragement au retrait de terres arables
moyennant une aide visant à compenser la perte de revenu. Ces mécanismes incitatifs qui
s’inscrivent dans le cadre de la lutte contre les excédents poursuivent l’objectif d’encourager
à une reconversion des productions. Ainsi tout agriculteur qui s’engage à renoncer
pendant 5 ans à retirer 20% de ses surfaces arables consacrées à une production excédentaire
bénéficie-il en contrepartie d’une aide compensatoire.
Le deuxième règlement en date de janvier 1989 est un règlement qui concerne spécifiquement
l’action structurelle. Il comporte pour l’essentiel deux apports : le premier réside dans
l’instauration d’une aide directe au revenu des agriculteurs dont la perte de revenu est
directement liée aux réformes de la PAC ; le second intéresse l’établissement d’aides à la
retraite des agriculteurs âgés
85 Cf. supra Section I § 3 C/ 86 I lest important ici de signaler que la réforme de 1992 introduira un taux de mise en jachère obligatoire fixé à 10% que les agriculteurs doivent respecter pour être admis au bénéfice des paiements directs
72
B/ le changement de cap substantiel des réformes en profondeur de la PAC
Ces réformes substantielles s’enracinent dans la double contrainte de l’insuffisance constatée
dès les années 1990, des aménagements conjoncturels réalisés dans la décennie 80 mais aussi
du renouvellement du contexte international et plus particulièrement le développement des
négociations du GATT (Cf. infra. Section 3 le volet externe de la PAC. Les aménagements de
la décennie 1980 n’ont pas résolu de manière satisfaisante la question des excédents et celle
de la maitrise des couts de la PAC. De même a-t-il été souvent souligné que la première
réforme d’envergure, la réforme Mac Sharry de 1992 avait été rendu inéluctable
pour parvenir à un accord au GATT dans le cadre de l’Uruguay - round (1986-1993). Si les
premiers changements profonds de la PAC ont été réalisés dans le cadre de cette première
grande réforme de 1992 (1°) portée par le Commissaire à l’agriculture de l’ époque , cette
dernière n’a pas suffit . En 1999 dans le cadre de l’agenda 2000 a été réalisée une nouvelle
réforme d’envergure (2°) bientôt suivie d’une réforme encore plus substantielle en 2003 (3°)
cette dernière prévoyant un RV obligé à mi parcours dit bilan de santé établi cette fois ci en
2008 (4°)
1°/La réforme MAC SHARRY de 1992
Cette réforme porte le nom de celui qui en prit l’initiative dans le cadre de ses responsabilités
de Commissaire à l’Agriculture Ray Mac Sharry. Si la réforme s’inscrit dans certains
objectifs qu’elle souligne, comme la maitrise quantitative de la production et la lutte contre
les excédents, le nécessaire endiguement des dépenses agricoles, l’amélioration des revenus
agricoles ou encore la lutte contre les dommages causés à l’environnement par l’agriculture
intensive, elle trouve également son origine dans les dysfonctionnements majeurs du
secteur des céréales. Or cette production particulière est un pivot essentiel de la PAC dont
sont largement dépendants les autres secteurs de production dont celui de la viande. On a
déjà évoqué le paradoxe d’un secteur qui n’a pas pu profiter de l’accroissement de la
demande d’aliment du bétail du fait de prix communautaires trop élevés et de l’introduction
massive en Europe des produits de substitutions, et ce dans le cadre des libéralisations
offertes soit dans le cadre du GATT ,soit dans le cadre des accords économiques et
commerciaux conclus par la Communauté.
73
Il n’est donc pas rare de lire que la réforme de 1992 « fut d’abord une réforme pour les
céréales »87 (a) et ce dans la mesure où elle n’a pas de prime abord concerné d’autres secteurs
de productions qui en ont été largement exclus (vin sucre, fruits et légumes) du moins dans un
premier temps. En réalité la réforme sera mise en œuvre dans le cadre de 3 grandes
campagnes (1993/1994, 1994/1995, 1995/1997) qui toucheront progressivement les
principales OCM à partir de deux voies différentes, l’une pour les grandes cultures (céréales,
oléagineux) et l’autre pour les viandes Ainsi la réforme de 1992 s’est-elle aussi traduite par
toute une série d’autres mesures en faveur de la maitrise de la production (b) , d’aides
directes aux agriculteurs (c) ou autre mesures qui témoignent de l’irruption dans la PAC d’
une nouvelle « sensibilité environnementaliste » (d).
a) dans le secteur des céréales, le décrochage des prix de marché des prix garantis
qualifié souvent de baisse des prix a constitué un élément clé de la réforme. S’il a été parfois
prétendu que la réforme « abaissait fortement les prix ou ne les garantissait qu’à un niveau
fortement diminué, la doctrine spécialisée n’a pas manqué de nuancer le propos ; En effet seul
le prix de marché a été réduit progressivement sur 3 ans et ce afin de rendre leur
compétitivité aux productions communautaires sur le marché mondial mais aussi d’alléger la
charge des restitutions aux exportations. Le prix garanti quant à lui reste le même mais alors
qu’il était dans l’ancien système assuré par le prix du marché et par les restitutions il est dans
le nouveau système assuré par le prix du marché fortement réduit, lui-même complété par
une aide directe compensatoire déconnectée88 des volumes produits.. Les avantages attendus
sont de rendre leur compétitivité aux céréales communautaires pour leur permettre notamment
de mieux résister à la concurrence des produits de substitutions pour l’élevage.89 Ce
nouveau régime a été également étendu avec quelques aménagements aux oléagineux et aux
protéagineux
b) les autres mesures en faveur de la maitrise des productions
- Certaines ont concerné encore le secteur des céréales. Il s’agit du gel des terres
rendu cette fois ci obligatoire pour tout producteur souhaitant bénéficier de l’aide directe
compensatoire. Le taux de jachère obligatoire impliqué par le gel de terre ou encore retrait de
terres a été fixé par la réforme de 1992 et ce, dans un souci de simplification, à un taux 87 Cf. LOYAT (J), PETIT (Y),La PAC une politique en mutation, la documentation française, coll. Reflexe Europe, Paris 2008, p. 18 88 La technique du découplage de décline en deux techniques différentes : partielle lorsque est préservé un lien entre l’aide perçue et l’acte de production, totale lorsque l’aide est rendus totalement autonome de l’acte de production. La réforme Mac Sharry a laissé subsister un lien avec les niveaux antérieurs de production 89 De même les céréales devraient retrouver de nouvelles perspectives que celles de l’élevage avec les débouchés comme matières premières industrielles et énergétiques où elles sont concurrencées par d’autres produits de synthèse
74
annuel de 10%90.Souvent commenté à tort le gel des terres n’a pas touché toutes les
productions mais seulement le secteur des céréales : bien plus dans un souci de mieux répartir
les efforts demandés en matière de maitrise de la production céréalière en ont été exemptés les
petits producteurs91 . Ainsi en France sur 900 000 agriculteurs seuls 200 000 se sont vu
appliquer le système de gel obligatoire
- dans les autres secteurs agricoles (productions animales volailles œufs et produits
laitiers) qui obéissent aussi à des mécanismes de régulations différents notamment sous
forme de quotas (productions animales et lait) les ajustements apportés résultent en définitive
des effets mécaniques induits sur ces productions du fait de la réforme du soutien aux
céréales. Ainsi la baisse des prix d’intervention appliqués au bétail fut elle d’abord une
conséquence naturelle de celle appliquée aux céréales
c) le recours aux aides directes aux agriculteurs
Il s’agit là d’un virage très important de la nouvelle PAC que de déconnecter désormais
l’intervention de l’UE des volumes produits, virage introduit dans le secteur des céréales et
des oléoprotagineux et qui ne fera que se confirmer ultérieurement. Cet élément de la réforme
ne sera pas psychologiquement bien accepté par les agriculteurs qui manifesteront leur
opposition an nouveau système au nom de la juste rémunération de leur travail et en
dénonçant l’image « d’assistés » que l’aide directe compensatoire parait leur conférer. Il n’en
reste pas moins vrai que ce système de l’aide directe permet également de répondre aux
contraintes externes de plus en plus pesantes pour la PAC qui sont celles du GATT (cf. infra
section III)
d) l’irruption de la donne environnementaliste dans la PAC
Au delà des principales mesures déjà évoquées (cf.supra), la réforme Mac Sharry comportera
un train de mesures dites d’accompagnement et plus particulièrement celles qui ont pour objet
d’articuler la PAC avec les exigences environnementalistes. Il s’agit de répondre au constat
selon laquelle la PAC productiviste a entrainé les effets pervers liées à l’agriculture dite
intensive. Ainsi la réforme Mac Sharry surbordennera-t-elle l’octroi de certaines primes à
l’emploi de méthodes agricoles extensives . Par Ailleurs mérite d’être signalées certains
programmes d’encouragement au boisement de terres agricoles ou d’autres de protection des
paysages, de la faune et de la flore
90 En 2007 et pour tenir compte de la conjoncture mondiale, le taux de gel des terres a été fixé à Zéro 91 Les producteurs exemptés de la jachère obligatoire sont ceux qui soient réalisent moins de 920 quintaux /an soit ne consacrent que moins de 20 hectares à la production céréalière
75
Pour conclure peut-on souligner que la réforme Mac Sharry, tout en s’inscrivant dans la
continuité des principes de bases de la PAC, témoigne d’un virement de cap important
s’agissant des modalités du soutien propres à la PAC. Ainsi le soutien assuré à l’agriculture
européenne n’est plus assuré à travers le vecteur quasi exclusif du soutien aux prix. Sa
conversion pour partie à l’approche américaine des aides directes va permettre à la PAC de
s’insérer mieux dans le courant de la libéralisation des échanges agricoles initiés par le
GATT puis l’OMC
2°/ La PAC dans l’Agenda 2000
L’Agenda 200092 est une communication de la Commission de juillet 1997 qui voit cette
dernière présenter une réflexion sur l’avenir de l’Union dans le contexte renouvelé de son
élargissement massif à venir. Ce document, qui par ailleurs traite de la stratégie à développer
pour accueillir les nouveaux adhérents mais aussi des perspectives financières 2000-2006,
s’attache à dresser dans sa 3ième partie les principales pistes de la réforme nécessaire des
politiques, agricole et de la cohésion économique et sociale. L’Agenda 2000, adopté après de
difficiles négociations, par le Conseil européen extraordinaire de Berlin des 24 et 25 mars
1999, est donc à l’origine d’une nouvelle réforme substantielle de la PAC qui répond à trois
objectifs particuliers qui lui sont propres et qui appellent de nouvelles mesures plus en
adéquation avec ces objectifs. Le premier objectif est celui du nécessaire renforcement des
mesures agroenvironnementales (b). Le second concerne les exigences du développement
rural (c). Le troisième est la préparation de l’élargissement sur le plan agricole (d) Ces
mesures viennent s’ajouter aux mesures traditionnelles relatives à la politique des marchés
et des prix et à leurs instruments que sont les OCM (a)
a) les mesures classiques d’adaptation des marchés et des prix
- La baisse des prix de certaines productions emblématiques de la PAC sont
confirmées : les prix d’intervention des céréales connaissent une diminution de 15% sur 2ans
(alors que la Commission avait proposé 20%) et ceux de la viande bovine de 20% (contre
30% proposé par la Commission) ou encore du beurre (-15%)
- Les baisses des prix d’intervention sont compensées par des aides directes
selon un régime unifié pour toutes les cultures et par des primes pour le secteur de la viande
(et qui connaissent un accroissement sensible) ou encore pour le lait
92 Cf. regards sur l’actualité - n° 239 - Pour que l’Europe s’élargisse à l’Est : l’agenda 2000
76
- Le gel des terres et son taux de jachère obligatoire de 10% pour les céréales
est prorogé et témoigne de la consolidation du système de la jachère comme un instrument de
contrôle l’offre pour lutter contre les excédents
- le régime des quotas laitiers est prorogé jusqu’en 2006
b) le renforcement des mesures agroenvironnementales
En effet la prise de conscience initiée par la réforme de 1992 des dommages à
l’environnement causés par l’agriculture intensive n’a pas pour autant été suivie de mesures
suffisamment efficaces. Les pratiques agricoles intensives ont des graves répercussions sur
l’environnement (pollution des nappes phréatiques par les nitrates des engrais) comme sur la
santé animale (cf. la vache folle). C’est ce qui conduira la Commission à proposer
d’introduire une éco-conditionnalité pour le versement des aides directes mais dont les
modalités dans le cadre de la réforme de 1’agenda 2000 resteront en deçà de ses propositions.
Néanmoins elles annoncent la refonte plus radicale de l’éco-conditionnalité réalisée par la
réforme de 2003
c) l’irruption de la logique du développement rural
On a déjà souligné l’importance dans l’histoire de la PAC du règlement du 17 mai 1999
relatif au soutien au développement rural (cf. supra) et qui s’enracine dans une prise de
conscience du caractère très inégalitaire des bénéfices retirées par les subventions agricoles.
Ces dernières ont en effet profité pour l’essentiel aux régions agricoles riches et au détriment
de producteurs défavorisés. Ce règlement trouve son fondement dans une nouvelle approche
de la PAC fondée sur une agriculture multifonctionnelle équitablement répartie sur
l’ensemble du territoire de la Communauté et qui sur le plan des techniques juridiques
s’appuient sur la modulation des aides . C’est surtout la réforme de 2003 qui mettra en œuvre
le principe de modulation en introduisant une modulation obligatoire complété par une
modulation facultative
d) la préparation de l’élargissement et la création du SAPARD
Le SAPARD ou « programme spécial d’adhésion pour l’agriculture et le développement
rural » est un instrument financier stratégique conçu par la Communauté pour préparer les
candidats à la PAC et réussir l’élargissement sur le plan agricole. L’Agriculture représente
en effet un secteur clé de l’économie de nombre de pays candidats. Tant la part de
l’agriculture dans le PIB de ces Etats que l’importance de leur population active dans
l’agriculture s’avèrent supérieurs à la moyenne communautaire (Cf. Supra introduction)
77
Le SAPARD doté à sa création de 520 millions € par an pour la période 2000-2006 accorde
aux Etats candidats des soutiens financiers sur la base d’un programme national de
développement rural présenté par chaque Etat candidat en fonction des actions éligibles93. Ces
soutiens sont gérés selon les principes applicables au FEOGA garantie et permettent aux
Etats de se construire une expérience pour la reprise des acquis communautaires de la PAC et
la gestion des soutiens quelle accorde
Le soutien du SHAPARD qui est conditionné à la qualité de candidat (l’Etat cessant d’être
éligible dès qu’il devient membre) doit être distingué des autres « préparations » offertes aux
candidats par exemple par les accords européens qui pouvaient dans leur volet commercial
inclure des facilités d’accès au marché communautaires. Surtout les négociations pour la
conclusion du traité d’adhésion ont aménagé des périodes transitoires pour l’intégration
pleine et entière des nouveaux membres qui trouvent leur justification dans les différences de
prix de couts et de revenus de leur agriculture nationale
3°/ la réforme de la PAC de 2003
Qualifiée souvent de révision à mi parcours au regard de l’invitation lancée à la Commission
par le Conseil européen de Berlin de 1999, elle résulte de l’accord intervenu lors du Conseil
agriculture de Luxembourg de juin 2003 à partir des propositions sensiblement modifiées
de la dite Commission. Ces dernières étaient en effet d’inspiration plus libérale94
Les innovations de la réforme de 2003 intéressent le découplage des aides et l’introduction du
paiement unique par exploitation (a) le renforcement de l’éco-conditionnalité (b), et la
modulation (c)
a) le découplage des aides dont on rappellera qu’il consiste à déconnecter les aides
perçues de l’acte de production a été présenté comme l’élément clé de la réforme. On sait
qu’il peut être partiel, lorsqu’est maintenu un lien avec l’acte de production afin de conserver
un instrument de régulation des marchés ou total. La réforme prévoit d’instaurer le
découplage total comme règle de droit commun en 2005 tout en conservant la possibilité de
recourir au découplage partiel dans certains secteurs (grandes culture et viandes). La plupart
des aides directes perçues au titre du découplage par les agriculteurs sont remplacées par un
93 Les types d’action éligibles aux soutiens du SHAPARD concernent 15 domaines différents dont notamment, les investissements dans les exploitations, l’amélioration de la transformation et de la commercialisation des produits, la création de groupements de producteurs, les contrôles vétérinaires et phytosanitaires, le respect de l’environnement, etc 94 Cf. sur ce point, (J) LOYAT et (Y) PETIT, op. cit. p.32
78
paiement unique par exploitation calculé sur une base historique (c'est-à-dire qui tient compte
des aides perçues dans le passé)
b) le renforcement de l’éco-conditionnalité résulte en premier de ce qu’elle devient
désormais obligatoire, ce que n’avait pas réussi à faire accepter la Commission en 200095.
Ainsi le versement de l’intégralité du paiement unique par exploitation est-il subordonné au
respect par l’exploitant d’une liste prioritaire de 18 normes européennes dans les domaines
de l’environnement et de la sécurité alimentaire, de la santé des animaux et de leur bien être..
Ce renforcement résulte également de l’introduction d’un sytème de sanction permettant de
réduire partiellement voire totalement l’aide.
c) la modulation obligatoire de l’aide
On rappellera qu’elle consiste à réduire d’un certain pourcentage les paiements directs dus à
une exploitation et à reverser les fonds ainsi libérés à chaque Etat membre afin de lui
permettre de financer les mesures du développement rural Dans la réforme de 2000 la
Commission avait proposé un plafonnement obligatoire des aides directes et ce afin de
garantir efficacement le rééquilibrage du bénéfice des interventions de la PAC au profit du
développement rural. Devant le recul opéré sur le caractère obligatoire de la modulation, les
Etats s’étaient vu reconnaitre le droit de moduler les aides entre leurs exploitations sur la
base de certains critères (richesse de l’exploitation, main d’œuvre employé, montant total des
paiements). On soulignera cependant que seuls certains Etas membres (France et Royaume
Uni) avaient recouru à cette modulation facultative
Avec la réforme de 2003 la modulation devient obligatoire et est réalisée de manière
progressive (3% en 2005, 4% en 2006 et 5% à partir de 2006 et ce pour la période 2006-
2013). Cette modulation obligatoire sera complétée par une modulation cette fois ci
facultative applicable à la période 2007-201396 autorisant les Etats à transférer au profit de
leur programme de développement rural jusqu’à 20% des aides dont ils sont les
bénéficiaires au titre de la PAC
4°/ Le bilan de santé à mi parcours (2008) de la PAC
Il s’agit de la dernière réforme de la PAC initiée conformément à l’invitation en ce sens du
Conseil européen de décembre 2005 et ce sur la base de la communication de la Commission
du 20 novembre 2007 intitulée préparer le bilan de santé de la PAC réformée. . Cette
95 Dans la réforme de 2000 la conditionnalité a été en définitive laissée à l’appréciation des Etats 96 Cette modulation complémentaire de la modulation obligatoire a été instaurée pour pallier la diminution des crédits affectés au développement rural réalisée dans le cadre des perspectives financières 2007-2013
79
communication de la Commission inaugurera une consultation de quelques 6 mois qui
aboutira à la présentation par la Commission en Mai 2008 du bilan de santé de la PAC à
partir d’ une série de propositions qui constitueront le point de départ d’une négociation très
vigoureuse clôturée par un compromis arraché par la Présidence française en novembre de la
même année . C’est ainsi sur la base de ce compromis que seront adoptés en Janvier 2009 une
série de règlements qui constituent aujourd’hui la nouvelle base juridique de la PAC
reformée97 Les objectifs particuliers du bilan de santé sont assez faciles à identifier qui
concernent la poursuite de la modernisation et de la rationalisation de la PAC en
approfondissant les lignes directrices antérieures : méritent plus particulièrement d’être cités,
les mesures relatives à la maitrise de la production (a) l’approfondissement du découplage des
aides (b) visant à déconnecter toujours plus le soutien aux revenus des agriculteurs du niveau
de la production, le renforcement des efforts financiers au profit du développement rural et
de la protection de l’environnement (c)
a) les mesures relatives à la maitrise des productions concernent les quotas laitiers et
le gel des terres.
-S’agissant des quotas laitiers ils sont progressivement supprimés avant leur
disparition définitive au 1er avril 2015. Le compromis n’a pas été facile à trouver entre ceux
qui voulaient supprimer les quotas, ceux qui voulaient les conserver et ceux qui voulaient
les augmenter progressivement »Les discussions ont aussi porté sur les aides accompagnant
la disparition progressive des quotas laitiers, notamment sur la mobilisation possible de
l'article 68 (ex-69): utilisation des plafonds budgétaires nationaux jusqu'à 10% pour des
soutiens spécifiques. Un « atterrissage en douceur » de la suppression a été organisé grâce à
une augmentation annuelle de 1% des quotas (une augmentation de 5% ayant été accordé à l’
Italie) ; De même a été mise en place pour les campagnes 2009/2010 et 2010/2011 un
prélèvement supplémentaire à la pénalité normale pour les agriculteurs dépassant leurs quotas
-la suppression des jachères obligatoires imposée depuis 2003 aux exploitants (et
selon laquelle ils avaient l’obligation de maintenir 10 % de leurs terres en jachère) proposée
par la Commission a été retenue avec pour objectif de permettre aux agriculteurs concernés
de maximaliser leur potentiel de production.
b) la réforme du découplage des aides introduite par la réforme de 2003 et selon
laquelle les paiements directs seraient déconnectes de la production a consisté à s’attaquer à
97 Cf. Règlements n° 72/2008 du19 janvier 2009 en vue d’adapter la PAC, règlement n°73/2008 du 19 janvier 2009 pour les régimes de soutien directs et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, règlement n° 74/2008 du 19 janvier 2009concernant le soutien au développement rural par le FEADER
80
la suppression de certains « paiements couplés » qui avaient vu les Etats maintenir un certain
lien entre l’aide directe et la production. Les Etats ont ainsi tenté de résister aux propositions
de la Commission en plaidant en faveur de périodes de transition pour la suppression
progressive des paiements couplés et ce pour de très nombreuses productions98. La décision
adoptée en définitive a été celle la suppression de ces paiements couplés et leur intégration
dans le régime du paiement unique par exploitation, à l’exception de certaines productions
(vache allaitante, viande ovine et caprine) qui se sont vues autorisés à bénéficier de paiements
couplés à condition que ceux-ci soient maintenus à leur niveau d’avant la réforme.
c) la réforme de la modulation et des transferts de fonds entre le budget des aides
directes et celui du développement rural. On rappellera que depuis les réformes antérieures,
les agriculteurs qui percevaient des aides directes d'un montant supérieur à 5 000 € voyaient
ces paiements réduits de 5 %, et les fonds correspondants étaient transférés au budget
« deuxième pilier de la PAC du développement rural «. L’un des apports du bilan de santé
sera de porter ce taux porté à 10 % d'ici à 201299. Il prévoit également une réduction
supplémentaire de 4 % pour les paiements supérieurs à 300 000 € par an. Les fonds
provenant de l'application de ce mécanisme pourront être utilisés par les États membres pour
renforcer les programmes concernant le changement climatique, les énergies renouvelables, la
gestion de l'eau, la biodiversité et l'innovation liée aux quatre thèmes précédents, ainsi que
pour des mesures d'accompagnement dans le secteur laitier.
SECTION 3 – LE VOLET EXTERNE DE LA PAC
Longtemps l’agriculture a –t-elle pu échapper aux contraintes particulières du GATT
et aux objectifs qui étaient les siens à savoir une libéralisation des échanges reposant sur les
trois grands principes de la clause de la nation la plus favorisée, du traitement national et de
la transparence des politiques nationales. En réalité l’agriculture n’a pas été totalement
exclue des négociations du GATT et de ses différents cycles ou rounds100 , mais elle a
simplement bénéficié d’un régime particulier (§1) dont les européens n’ont pas été
98 Les principales productions pour les quelles ont été plaidé des périodes de transition plus longue (souvent jusqu’en 2013) sont notamment les fruits secs (Espagne), les protéagineux (Allemagne) la fécule de pomme de terre (Allemagne, Autriche, Pologne, Pays Bas, Finlande), le tabac Pologne, Grèce, Espagne), la viande bovine (Finlande, Roumanie, Slovénie. 99 La proposition de la Commission était plus ambitieuse puisqu’elle visait à porter le taux de modulation à 13 % 100 Cf. pour les négociations du GATT, le Dillon Round (1960-1961), le Kennedy round (1964-1967), le Tokyo Round (1973-1979), l’Uruguay round ( 1986-1994)
81
forcement les initiateurs. C’est dans le cadre de l’Uruguay round que la PAC a été mise en
accusation (§2) à l’occasion d’affrontements commerciaux majeurs entre l’Europe et les
Etats-Unis. Les accords de Marrakech ont sonné le glas à la fois de l’exception agricole dans
le champ de la libéralisation du commerce mais aussi de certains mécanismes fondateurs de
la PAC obligeant cette dernière à se refonder (§3)
§1 « L’exception agricole » fait consensus au sein du GATT
On sait que les Etats-Unis eux même ont été à l’origine dans les années 5O d’une dérogation
temporaire accordée à la plupart des produits agricoles. Mais il est vrai aussi que la
Communauté économique européenne a dans le cadre du GATT réussi à protéger sa PAC et
ses mécanismes fondateurs par des concessions mineures (par exemple une baisse de son tarif
extérieur commun pour certaines productions dont les fruits et les légumes) ou encore les
facilités particulières (déjà évoquées) accordées aux produits de substitution des céréales lors
du Kennedy Round en 1967.Il existait donc bien une exception agricole au sein du GATT
selon laquelle l’agriculture n’était pas incluse dans le régime de droit commun du GATT.
Cette exception historique qui a favorisé le maintien des mécanismes fondateurs du
protectionnisme propre à la PAC (prélèvements et restitutions) y compris lorsque les Etats-
Unis ont commencé à œuvrer pour leur démantèlement sans l’obtenir , par exemple lors du
Tokyo round (1971-1979).
§2 la PAC contestée dans le cadre de l’Uruguay Round
En réalité c’est l’ Uruguay Round (1986-1994) qui viendra cristalliser l’affrontement
américano européen qui trouve naturellement sa première origine dans le fait que dès la
décennie 1970 les Etats-Unis et la Communauté représentent à eux seuls 26% des
exportations agricoles mondiales (respectivement 14% et 12%) et 34% des importations
(respectivement (11% et 23%). Au-delà les succès de l’agriculture européenne et de sa
politique commune ont eu pour conséquence que l Europe est passée d’une situation
d’’importateur net (à l’exception du lait) à celle d’exportateur net sur des productions sur
lesquelles elle est entrée directement en concurrence avec les Etats-Unis (les céréales et la
viande). On comprend mieux pourquoi les Etats-Unis confrontés à une diminution sensible de
leur part de marché se sont focalisés sur la mise en accusation des mécanismes de la PAC et
une dénonciation du protectionnisme de cette dernière. Cette diminution des parts de marché
est encore plus grave quand on sait que la part que représentent les exportations agricoles
dans son commerce extérieur est notoirement plus importante que la moyenne mondiale.
82
L’Uruguay round ouvert en 1986 tranche donc bien avec ses prédécesseurs puisqu’il inscrit
dans le champ de la négociation la libéralisation des échanges de produits agricoles et que les
Etats-Unis prendront l’initiative d’une négociation avec l’objectif de dénoncer les
prélèvements et les restitutions de la PAC. Par ailleurs le secteur particulier des protéagineux
devait constituer une autre source d’affrontement entre les deux géants agricoles. Ce différend
particulier trouve sa source dans le constat opéré par la PAC en 1973 de sa trop grande
dépendance dans ce secteur de production (fondamental pour l’alimentation animale) et qui
l’avait conduit à développer un plan de développement de ce secteur dont les modalités
étaient jugées par les Etats-Unis incompatibles avec les engagements antérieurs pris dans le
cadre du GATT (concession d’un droit nul pour les graines oléagineuses)
La conclusion de la négociation de l’Uruguay round longtemps mise en danger par le blocage
de l’affrontement agricole entre les Etats-Unis et les européens a été dénouée grâce à l’accord
de Blair House lui-même facilité par la réforme Mac Sharry de la PAC101. Les accords de
Blair House sont en réalité un accord bilatéral entre les deux parties conclu en novembre
1992 à Washington. L’Accord de Blair House, en permettant au groupe de négociations sur
l’agriculture de sortir de son blocage, a eu pour conséquence d’inclure dans l’acte final
reprenant les résultats des négociations de l’Uruguay round conclu en 1994 à Marrakech, un
accord sur l’agriculture comportant de véritables engagements de libéralisation102 du
commerce agricole ". L’agriculture était désormais soumise aux disciplines du GATT devenu
OMC
§3 La contribution des accords de Marrakech à la libéralisation du commerce agricole et à
l’insertion de l’agriculture dans le cadre unique de l’OMC
Les accords de Marrakech consacrent en effet la réintégration du commerce agricole dans le
cadre institutionnel unique de l’OMC. Au-delà de l’accord sur l’agriculture il convient
101 C’est le remplacement pour partie des mesures de soutien au prix par des aides compensatrices directes aux producteurs organisé par la réforme qui a favorisé la mise en compatibilité des interventions de la PAC avec la libéralisation des produits agricoles 102 Les engagements souscrits peuvent être résumées de la manière suivante : - réduction à 21 % (contre 24 % initialement proposé) du volume des exportations subventionnées. . - exemption des engagements de réduction en matière de soutien interne (clause de paix) des aides directes et des programmes de limitation de la production, techniques utilisées par la PAC dans le cadre de la réforme Mac Sharry , ou encore par les Etats-Unis ( politique de primes de complément et de mise hors production des terres) -remplacement des engagements de réduction du soutien interne par produits par un engagement de réduction du soutien global au secteur agricole.
83
également de ne pas oublier l’accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (accord
SPS) et l’accord sur les obstacles techniques au commerce (accord OTC) qui ont
nécessairement un fort impact sur la libéralisation de l’agriculture. En effet L’ouverture
ultérieure en 2001 du cycle de DOHA démontrera bien que deux visions différentes du
commerce agricole se mettent progressivement en place et sont susceptible de s’affronter.103
La libéralisation orchestrée par l’accord de Marrakech s’est organisée autour de 3 voies que
sont la diminution des soutiens internes (A) la réduction des soutiens à l’exportation (B) et
l’introduction de la tarification impliquant pour la PAC la suppression des prélèvements à
l’Importation (C)
A/ la diminution des soutiens internes
Les soutiens internes à l’agriculture sont calculés sous la forme de mesures globales de
soutien ou MGS104. Lors des accords de Marrakech il a été convenu de procéder à une
réduction des subventions de 20% pendant la période d’application. Les engagements de
réduction reposent sur une classification des aides à partir du système dit des ‘boîtes’ et dont
découle la mise ne œuvre des engagements de réduction. En effet chaque boîte doit faire
l’objet de mesures particulières de réduction. La boîte jaune contient les aides réputées agir
sur le niveau de la production et des échanges correspondant aux anciennes aides de la PAC
(les mécanismes d’intervention sur les prix). Ces subventions doivent disparaître. La boîte
verte correspond à des soutiens réputés n’avoir aucun effet sur les volumes produits et
échangés subventions à caractère social, pour le développement rural ou la protection de
l’environnement comme dans la réforme de la PAC. Elles sont exclues des engagements de
réduction . La boîte bleue contient les aides qui touchent à la diminution de la production :
elles peuvent être maintenues sous certaines conditions
B/ la réduction des subventions à l’exportation
Il est prévu qu’elles soient réduites de 21% en volume et de 36% en valeur et ce sur une
période étalée sur 6 ans qui va de 1995 à 2000 et qui distingue selon 20 catégories différentes
produits agricoles. Classiquement on fait remarquer que la réduction en valeur est la plus
contraignante pour la PAC
103 Cf. sur ces points les conférences de BLUMAN (Cl) et GADBIN (D) aux académies d’été 2005 et 2006 du Centre d’excellence J Monnet de Grenoble. http://cejm.upmf-grenoble.fr/index.php?dossier_nav=675 104 Cf. LOYAT (J), PETIT (Y), op cit ; pp.23 « la MGS représentent un indicateur synthétique de la protection. Elle es tégale à la différence entre le prix intérieur et le prix mondial multiplié par le volume de production
84
. C/ l’introduction de la tarification principe de base du GATT, la suppression des
prélèvements à l’importation et les ouvertures subséquentes du marché communautaire
Ce principe implique que toutes les mesures de protection variables aux frontières dont
faisaient parties les prélèvements à l’importation soient converties en droits en droits de
douanes fixes qualifiés d’équivalents tarifaires (ET). Il s’agit de la disposition qui aura le
plus d’impact sur le fonctionnement traditionnel de la PAC. En effet mêmes la réforme de
1992 n’avait pas remis en cause les principes fondamentaux de la préférence communautaire
déclinées à partir notamment du prélèvement à l’importation qui ne saurait être assimilé à un
droit de douane. L’accord sur l’agriculture de Marrakech implique que les droits de douanes
fixes soient diminués de 36% pendant la période d’application. La Communauté a néanmoins
obtenu le bénéfice de mesures de sauvegarde : ainsi des droits additionnels peuvent-ils être
mis en œuvre lorsqu’un prix agricole diminue de plus de 10% sur le marché mondial ou si le
volume d’importation sur le marché européen augmente de manière excessive.
Parallèlement, une clause d’accès minimum a été adoptée. La Communauté s’est engagée à
laisser entrer librement sur son marché un certain volume de produits (3% jusqu’en 2000,
puis 5%) pour les pays tiers. Cette mesure parait très pénalisante pour la Communauté dans
la mesure où elle est très souvent excédentaire. Néanmoins, la Communauté européenne a
négocié et obtenu des avancées non négligeables pour la défense de ses intérêts et ce grâce à
la « clause de globalisation ». Ainsi selon cette clause, peut être pris-en en compte l’ensemble
d’une catégorie de produits agricoles (par exemple toutes les céréales), et non plus un seul
produit par exemple telle ou telle céréale comme le blé, l’orge. Il est donc possible grâce à
cette clause de globalisation de reporter le volume d’accès minimum d’une production
excédentaire sur une production déficitaire.
.
85
PARTIE I : LE DROIT DES POLITIQUES INTERNES
CHAPITRE 3 : LA POLITIQUE REGIONALE ET DE COHESION ECONOMIQUE ET SOCIALE 105
INTRODUCTION La politique régionale, reconfigurée par l’acte unique de 1986 en politique de cohésion
économique et sociale, ne constitue pas une politique originelle comme en témoigne
parfaitement l’absence de dispositif express en la matière dans la version de 1957 du traité de
Rome. Une telle absence peut surprendre quand on sait, à l’étude des travaux préparatoires,
que certaine Etats fondateurs auraient souhaité l’introduction d’une politique régionale dans
la Communauté économique européenne (1) Certes l’absence de politique régionale
n’exclut pas pour autant l’existence dans la version originelle de la Communauté économique
européenne d’une « sensibilité régionaliste » qui se traduira par des références atomisées
dans l’ensemble du traité, notamment à la nécessité de tenir compte dans la mise en œuvre
des actions et politiques de la CEE des inégalités de développement des régions (2). La
politique régionale en tant que telle fera « son entrée par la petite porte » sur la base du droit
dérivé en 1975 avant que d’être intégrée en tant que véritable politique dans le traité de
Rome par l’Acte unique de 1986 (3)
1. la disparition au cours de négociations du traité de Rome d’une véritable politique
régionale conçue sur le modèle initial des politiques originelles et donc fortement marquées
par la logique de l’intégration trouve sans doute son origine dans deux facteurs. Le premier
qui peut être qualifié de « psycho-politique » résulte d’une sorte d’affrontement entre les
deux logiques, jacobine et girondine susceptibles d’être transposées à la mise en place, dans le
cadre du projet européen, du dialogue entre les différents niveaux de la « gouvernance
européenne », européen, national et infra étatique. On voit donc naitre puis se développer tout
au long de la négociation du traité de Rome le triomphe d’une logique jacobine, au détriment
des visions girondines plus décentralisées, selon laquelle l’action en faveur des régions à
problèmes relève avant tout des Etats et non pas d’un éventuel dialogue plus direct entre la
Communauté et les collectivités infra étatiques directement concernées. Ainsi certains Etats
105 (Articles 130 A - 130 E CEE.) (Articles 158 - 162 TCE) (Articles 3 TUE et 174-178 TFUE)
86
vont-ils manifester la crainte évidente qu’une coopération directe entre la Communauté et
leurs régions ne les affaiblisse et diminue la maitrise qu’ils entendaient conserver dans la mise
en œuvre du projet d’union économique
Un deuxième facteur d’ordre juridico économique résulte sans doute des différentes
interprétations possibles de la libre concurrence dont on sait bien qu’elle constitue une pierre
angulaire de La CEE. Si la libre concurrence trouve bien son origine dans le libéralisme
économique, on connait bien les différentes lectures possibles du libéralisme et notamment
celle « la plus intégriste », dont les défenseurs sont farouchement opposées à toute
interventionnisme étatique. Or à l’évidence toute politique régionale ou encore
d’aménagement du territoire repose justement sur une intervention des pouvoirs publics au
profit des régions les moins prospères et relève d’une logique de transfert des ressources
fondée elle-même sur un principe de solidarité. De tels objectifs s’éloignent à l’évidence de
la doctrine irrédentiste du libéralisme économique et de la vision de la libre concurrence
qu’elle est susceptible de véhiculer. Ce type de débat, bien connu au plan national, sur les
tensions potentielles entre libre concurrence et aménagement/ rééquilibrage du territoire,
s’est retrouvé transposé au plan européen. Il a favorisé l’émergence d’un nouveau groupe
d’opposants, enraciné dans d’autres raisons que celle relative à la vision centralisatrice de la
répartition des pouvoirs entre les différents niveaux de gouvernance, à l’introduction d’une
politique régionale dans le traité de Rome.
2. l’existence de références aux inégalités régionales éparpillées dans le traité CEE
Même si le traité de Rome, dans sa version originelle ne propose aucune politique volontariste
globalisée en faveur des régions « à problèmes », on ne peut pas pour autant prétendre que la
dimension régionaliste est totalement absente de cette première version du traité.
- Mérite en premier lieu d’être soulignée la référence expresse que le
préambule du traité fait, dans son considérant 5, au souci des Etats signataires de renforcer
l’unité de leurs économies et d’en assurer le développement économique harmonieux en
réduisant l’écart entre les différentes régions et le retard des moins développées106. Il
n’échappera pas à l’interprète averti que si l’article 2 du TCEE revient sur la référence au
Quant à l’article 3 TCEE, il ne fait figurer au titre des objectifs de la Communauté économique, ni le développement économique harmonieux, ni la réduction des écarts de développement entre les régions. Il faudra attendre le Traité de Maastricht pour voir figurer au titre des objectifs de l’ Union le renforcement de la cohésion économique et sociale.
87
développement économique harmonieux, il le fait en revanche en dehors de tout renvoi à la
réduction des écarts ou encore retards de développement des régions.
- L’article 39.2.a TCEE107 relatif à la PAC précise que « dans l’élaboration de
la PAC et des méthodes spéciales qu’elle peut impliquer, il sera tenu compte…. des disparités
structurelles et naturelles entre les régions agricoles »
- De même l’article 80 TCEE108 relatif à la politique des transports propose-t-il
dans le même esprit un dispositif à peu près comparable en mettant à charge de la
Commission un certain nombre d’exigences, dans sa mission de contrôle des soutiens et des
protections accordées par les Etats membres à ses entreprises ou industries. Il est ainsi
demandé à la Commission « de tenir compte des exigences d’une politique régionale
appropriée, des besoins des régions sous développées ainsi que des problèmes des régions
gravement affectées par des problèmes politiques »
- On ne saurait oublier dans ce recensement des dispositions « régionalistes
« du TCEE le dispositif prévu à l’article 92.3.a et 92.3.c 109 relatif aux aides publiques et à
leur compatibilité avec la libre concurrence. Ainsi les aides destinées à faciliter le
développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, notamment celles
en retard de développement (Cf. Art.92.3.a) peuvent être considérées, sous certaines
conditions vérifiées par la Commission, comme compatibles avec le marché commun. Ainsi
ce dispositif ménage –t-il le droit des Etats de développer des aides publiques à leurs
régions en difficulté à condition, s’agissant notamment des régions qui ne sont pas en retard
de développement, que ces aides « n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure
contraire à l’intérêt commun » (article 92.3 TCEE)
- Enfin l’article 130.a TCEE110 relatif à la Banque européenne
d’investissement (BEI) précise-t-il expressément qu’au titre de ses missions elle facilitera
107 Cf. article 33.2 TCE et article 39.2 TFUE. La lecture attentive de l’ensemble du dispositif qui distingue les régions en retard de développement 108 Cf. article 76.2 TCE et article 96.2 TFUE 109 Cf. article 87.2.a et c. TCE et article 107.3.a TFUE. Une lecture attentive du dispositif de l’article 87.2 montre bien la distinction établie entre les régions en retard de développement (art.87.2.a) et les autres (article 87.2.c) Le traité de Lisbonne, quant à lui, rajoute à l’article 107.3.a une mention explicite aux régions ultra périphériques de l’article 349 TFUE. Au regard en effet de l’effet statistique de l’élargissement sur le critère de la région en retard de développement à savoir le seuil du niveau de vie inférieur de 75% de la moyenne communautaire, qui présentait le risque évident de « sortir » les régions ultrapériphériques des anciens Etats membres du régime d’aide plus favorable (cofinancement de le l’Union plus élevé), cette référence expresse autorise le rattachement des aides consenties aux régions ultra périphériques au bénéfice du régime d’aide le plus avantageux alors même qu’elles ne répondraient pas au critère général d’un niveau de vie inférieur au seuil de 75% de la moyenne communautaire 110 Cf. article 267 TCE et article 309TFUE
88
par l’octroi de ses prêts, le financement de projets envisageant la mise en valeur des régions
les moins développées.
C’est donc de « manière horizontale » et particulièrement atomisée par la
multiplication de références éparses dans le traité que se manifeste « la sensibilité
régionaliste » du traite de Rome, version 1957 qui ne saurait être assimilée à une véritable
politique régionale. Il n’existe donc pas d’approche globalisée, définie de manière verticale,
traduisant un consensus des Etats pour reconnaitre à la Communauté économique européenne
une compétence pour développer une véritable politique sectorielle, au même titre que
l’agriculture ou les transports, et ce au profit des régions en difficulté afin de les aider à
résoudre leurs problèmes. L’action de l’organisation est conçue de manière secondaire
comme composante de certaine autres « politiques nobles », agriculture, transports
concurrence, auxquelles il demandé de tenir compte des régions spécifiques (PAC) ou encore
en difficultés. Les communautés pouvaient –elles se contenter de cette approche
minimaliste ? La dynamique inhérente aux politiques comme des facteurs plus exogènes
vont contribuer à l’émergence progressive d’une véritable politique régionale
3. L’émergence progressive d’une véritable politique régionale à partir de la décennie
1970
Deux grandes étapes jalonnent cette émergence progressive. La politique régionale
apparaitra d’abord sous la forme du droit dérivé (3.a) pour être ensuite « constitutionnalisée »
par l’Acte unique de 1986 (3.b)
a) Le principe même de la création d’une politique régionale a été arrêté lors du
sommet européen qui s’est tenu à Paris en octobre 1972 et qu’il convient de replacer dans son
contexte à savoir la réalisation du premier élargissement des Communautés qui interviendra le
1er Janvier 1973. L’adhésion du Royaume Uni a en effet joué un grand rôle dans la création de
la politique régionale qui a été en quelque sorte utilisée comme « monnaie d’échange » dans
la négociation avec le gouvernement de Londres. Peu favorable à la PAC, pour des raisons à
la fois idéologiques (la réputation de joyau de la méthode de l’intégration de la dite politique)
et pragmatiques (coût élevé pour la Grande Bretagne dont le commerce extérieur agricole
était bien plus tourné vers le Commonwealth que vers l’Europe), la Grande Bretagne a été
dissuadée de remettre en cause les acquis de la PAC par l’engagement des Six Etats
fondateurs de créer la politique régionale. Les objectifs spécifiques assignés à l’origine à
cette politique, notamment le soutien aux régions industrielles en déclin, laissaient espérer
89
au Royaume Uni d’alléchantes perspectives en tant que bénéficiaire potentiel de cette
nouvelle politique. La suite confirmera ses espérances puisqu’il sera dans les premières
années de la politique régionale un des principaux bénéficiaires de cette dernière
Les « actes fondateurs » de la politique régionale, actes de droit dérivé, sont une
décision du Conseil et un règlement n° 724/75 en date du 18 mars 1975. Ces deux textes ont
jeté les premiers fondements institutionnels et fonctionnels de la nouvelle politique au
premier rang desquels figurent le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le
comité de politique régionale qu’il ne faut pas confondre avec le Comité des Régions qui
verra le jour ultérieurement d’abord en aout 1988 sous la forme expérimentale d’un
Conseil consultatif des autorités régionales et locales grâce à l’Acte unique puis surtout
grâce au traité de Maastricht. Le Comité de politique régionale n’est pas une instance de
représentation politique des collectivités infra étatiques comme l’est le Comité des régions111
mais relève au contraire des techniques dites de la comitologie. Il s’agit d’une instance
composée de représentants des Etats, experts nationaux des problématiques régionales et de
la Commission. Organe d’études et de conseil, le Comité de politique régionale, qui sera une
première fois réformé en 1979, a surtout vocation à assister le Conseil et la Commission dans
l’exercice des missions qui sont les leurs au titre de la politique régionale et plus
particulièrement la coordinations des politiques nationales des Etats. Il analyse les politiques
régionales des Etats membres à travers leurs objectifs leurs méthodes et leurs moyens y
compris ceux des aides publiques régionales. Dans ce cadre il peut être amené à effectuer des
visites d’information dans les Etats membres Il suit l’évolution économique et sociale des
régions. Il examine les programmes de développement régional des Etats, instruments
incontournables d’une demande de concours financier auprès de la Communauté (cf. Infra).
Il établit des rapports touchant à ses différentes activités et est associé par la Commission au
rapport que cette dernière doit établir tous les 3 ans sur la situation et l’évolution économique
des régions et les progrès accomplis dans la réalisation de la cohésion économique et
sociale.112
Le FEDER doit quant à lui sa création au règlement n° 724/75 qui sera par la
suite maintes fois réformé et ce dès 1979 (cf. infra). Dernier né en 1975 des fonds structurels
111 Cf. BOURRINET (J) (édit.), le Comité des Régions, Economica, Paris 1997 112 Prévu dès l’origine de la politique régionale le rapport de la Commission a conquis ses lettres de noblesses et une valeur de droit primaire par son insertion dans le traité de Rome. Cf. article 159 §2 TCE et article 175 TFUE
90
après le fonds social européen (FSE) et le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole
(FEOGA) créés conformément au traité de Rome. Le FEDER, instrument privilégié de la
nouvelle politique régionale, a vocation à financer d’une part les politiques nationales des
Etats en faveur de leur région mais aussi à financer les actions propres de la Communauté en
faveur du développement régional (cf. infra). En 1975, date de sa création sa première
dotation représentera 4,8% du budget général des Communautés.
b) un saut qualitatif important résulte de la constitutionnalisation de la politique
régionale reconfigurée en politique de cohésion économique et sociale par l’Acte Unique. Un
élément important de ce nouveau contexte doit être également recherché dans les derniers
élargissements des Communautés au profit de la Grèce en 1981 et de l’Espagne et du
Portugal en 1986. L’acte Unique s’est donné comme objectif prioritaire la transmutation de
l’espace économique unifié par le passage du concept de marché commun à celui de marché
unique ou encore grand marché intérieur impliquant l’adoption de très nombreuse mesures
visant à supprimer les obstacles encore existants. Très rapidement la Commission par la voix
de son président Jacques Delors manifestera sa préoccupation d’empêcher les dérives ultra
libérales du marché intérieur. Ont été ainsi clairement identifiées les tendances du grand
marché à conforter les pôles d’attraction économiques déjà existants au détriment des régions
les plus faibles. Une réponse adéquate doit être alors recherchée dans les « politiques
d’accompagnement du marché intérieur » au premier rang desquelles figurera la politique de
cohésion économique et sociale dont les ambitions dépassent celles d’une politique
régionale. Cette dernière ne constitue désormais plus qu’une simple composante de la
cohésion économique et sociale, certes encore largement prioritaire. Si la politique régionale
s’attache en effet essentiellement à l’action en faveurs des seuls déséquilibres régionaux, la
cohésion économique et sociale est plus large dans ses objectifs et témoigne de la volonté de
l’Union de réserver une approche plus transversale de la cohésion comme en témoignera
plus particulièrement la réforme des fonds structurels (cf. infra) reposant sur une recherche de
la mise en synergie de l’ensemble des interventions financières de l’UE. Enfin le traité de
Maastricht couronnera la montée en puissance de cette nouvelle dynamique en introduisant
de manière explicite la cohésion économique et sociale dans les missions de la Communauté
(article 2TCE) et son renforcement dans ses actions (article 3 TCE).
Les nouveaux élargissements des Communautés à la Grèce, à l’Espagne et au Portugal
intervenus dans la décennie 80 ont pour caractéristique de s’être fait en direction des Etats
91
européens du sud dont le niveau de vie est largement inférieur à la moyenne des autres Etats.
Par cet élargissement l’Europe communautaire a pris plusieurs risques. Outre la
déstabilisation que ce nouvel élargissement occasionnera pour le développement économique
des régions méditerranéennes des anciens Etats membres (cf. infra et création des
programmes intégrés méditerranéens ou PIM) il aura pour effet d’accroitre la césure entre
une Europe du Nord plus industrielle et très développée sur le plan économique et une
Europe du sud plus rurale et d’une certaine manière sous développée par rapport à sa voisine.
Ces élargissements ont contribué à créer un déséquilibre au sein de l’espace global européen
entre un centre de gravité industriel et urbain localisé dans l’Europe du nord et des « régions
périphériques » faiblement structurées et en retard sur le plan économique Toutes proportions
gardées et précautions sémantiques prises , on peut considérer que l’ Europe communautaire
s’est « tiers-mondisée » ce qui la place en situation de devoir affronter certaines formes de
revendications inspirées du « dialogue nord sud » dont le refus d’une Europe « à deux
vitesses » et la revendication incessante d’une solidarité accrue des riches vers les pauvres113.
Se constituera ainsi progressivement au sein des Etats membres d’un groupe de pression
rassemblant les Etats les moins développées dans le cadre duquel l’Espagne jouera un rôle
non négligeable de leadership comme en témoignent très bien par exemple les négociations du
traité de Maastricht. Ce groupe de pression exigera en effet des gages particuliers s’agissant
du renforcement de la cohésion économique et sociale, ce qui aboutira notamment à la
création du nouveau « fonds de cohésion ». Ce dernier introduit par l’article 130 D (articles
161 TCE et 177 TFUE) et le protocole n° 15 annexé au traité de Maastricht sur la cohésion
économique et sociale, pourra attribuer, sous conditions114, des soutiens financiers aux Etats
dont le PNB par habitant est inférieur à 90% de la moyenne communautaire115 pour des
projets entrant dans deux champs spécifiques, la protection de l’environnement et les
infrastructures de transports des réseaux transeuropéens.116
113 La déclaration de Galway du 16 octobre 1975 avait déjà tracé la voie pour la dénonciation de la césure Nord Sud au sein de l’Europe et le refus des Etats périphériques de se voir enfermer dans le statut de « provinces lointaines aux finistères de l’Europe » 114 Les Etats bénéficiaires doivent en effet s’engager à suivre un programme de convergence établi dans le cadre de l’UEM et peuvent se voir suspendu de toute contribution financière communautaire en cas déficit public excessif (3% du PIB national). Cf. règlement CE n°1164/94 et protocole n° 15 115 Les Etats bénéficiaires du fonds de cohésion lors de sa création seront l’Espagne, la Grèce, l’Irlande et le Portugal) 116 L’action de la Communauté en faveur des réseaux transeuropéens a été introduite dans le traité de Rome (articles 129B à 129 C) par le traité de Maastricht. Cf. articles 154à 156 TCE et articles 170 à 172 TFUE
92
Au-delà de ces remarques introductives, une analyse approfondie de la Politique
régionale et de cohésion et sociale permet de mettre en exergue une césure dans l’histoire de
sa mise en œuvre et les développements de son régime juridique. En effet une première
période doit être distinguée (I) qui courre de sa création en 1975 à la profonde réforme qui
sera initiée à l’invitation de l’Acte unique. La réforme des fonds structurels mise en œuvre en
1988 est tout à fait fondamentale, qui traduit la concrétisation du saut qualitatif précité que
réalise le passage d’une politique régionale à une politique de cohésion économique et sociale
(II). Quant aux réformes ultérieures réalisées en 2000 puis en 2006, si elles s’inscrivent
toujours dans cette approche à la fois globale et transversale propre à la cohésion économique
et sociale, elles obéissent néanmoins à certaines réorientations assez sensibles des priorités qui
lui sont assignées (III)
SECTION I – LA VERSION ORIGINELLE (1975-1986) D’UNE POLITIQUE
REGIONALE AXEE SUR LA LUTTE CONTRE LES DESEQUILIBRES REGIONAUX
Toute action relative à la lutte contre les déséquilibres affectant l’idéal que constitue
le développement harmonieux d’un même espace territorial implique nécessairement une
réflexion certaine sur l’espace sur lequel on se propose d’agir ainsi que sur la nature exacte
des difficultés rencontrées. S’agissant de l’ « espace européen » constitué par les territoires
des Etats membres, il est en définitive assez rapidement apparu qu’il revenait aux
Communautés de faire face en réalités à deux types assez différents de déséquilibres
régionaux. Les premiers sont ceux hérités de Etats membres eux-mêmes (§1), qui tous à des
degrés différents, parfois de manière très sensible s’agissant par exemple de l’Italie, sont
confrontés à des inégalités de développement entre leurs régions ou encore à des difficultés
soit conjoncturelles soit structurelles de ces dernières. Par ailleurs comme l’avait déjà
pressenti le traité de Rome (cf. supra articles TCEE relatifs à la PAC ou à la politique des
transports), la construction communautaire elle-même peut s’avérer créatrice de nouveaux
déséquilibres, générés soit par l’impact territorial des grandes politiques sectorielles, soit par
la politique d’élargissement (§2) Cette distinction entre les différentes sources de
déséquilibres est importante pour comprendre l’éventail des réponses apportées par la
politique régionale et qui seront différentes selon les problèmes traités
93
§1 Les réponses de la Politique régionale aux déséquilibres régionaux hérités des Etats
membres ou la volonté de la Communauté de ne pas se substituer aux Etats membres
Le bref rappel de la difficile émergence d’une politique régionale dans l’histoire de la
construction communautaire est important pour comprendre que les Etats membres fondateurs
étaient, pour des raisons différentes, hostiles à toute politique impliquant de véritables
transferts de compétences de leur part à l’organisation. Ainsi la politique régionale s’inscrira-
t-elle, dès sa création, dans cette dynamique particulière que nous avons évoquée et selon
laquelle, l’émergence de nouvelles politiques s’accompagne de l’affadissement du modèle
originel de « politique commune » utilisé pour la PAC ou encore pour la politique
commerciale. Aussi la politique régionale de la Communauté n’a –telle pu voir le jour que
sur la base d’un certain compromis, à savoir que l’action de l’organisation n’avait pas
vocation à se substituer à celle des Etats membres. Les termes mêmes de l’article 130 B sont
sur ce point particulièrement explicites qui r appellent que « les Etats membres conduisent leur
politique économique et la coordonnent en vue d’atteindre les objectifs » de la cohésion
économique et sociale et que … « Communauté soutient la réalisation » de ces objectifs .
Par voie de conséquence la politique régionale se réduira-t-elle à coordonner les politiques
nationales des Etats en matière de lutte contre les déséquilibres régionaux (A) voire à les
compléter notamment par des soutiens financiers (B)
A/ La contribution des Communautés à la coordination des politiques régionales des
Etats membres
Elle sera le fait des institutions communautaires, Conseil et Commission117, assistés dans leurs
taches par les instances ad hoc de la politique régionale, le Comité de politique régionale et le
Comité du FEDER. La coordination des politiques nationales au plan communautaire
empruntera essentiellement trois voies : l’élaboration tous les 3 ans du rapport périodique
mis à la charge de la Commission (1°), l’examen des Plans de développement régional
(PRD) des Etats (2°)et la surveillance des aides publiques régionales (3°)
117 Le rôle du Parlement est en 1986 réduit : il est consulté pour l’adoption des mesures de mise en œuvre de la réforme des fonds structurels (article 130D) et est associé sur la base de la procédure de coopération aux décisions d’application relatives au FEDER (article 130 E). Le traité de Maastricht introduira l’avis conforme pour l’organisation des fonds structurels de l’article 130B
94
1°/ le rapport périodique sur l’évolution des régions118 élaboré tous les 3 ans par la
Commission constituera un instrument d’analyse et d’information très précieux, d’ordre
général pour suivre au plus près l’évolution du développement économique des régions des
Etats membres mais aussi d’ordre plus conjoncturel pour traiter d’une problématique
spécifique . Etablissant un diagnostique complet de la situation, le rapport périodique est
aussi essentiel pour dresser les lignes directrices des priorités d’action à venir. Ainsi le 3ième
rapport sorti en 1987 sur les régions de l’Europe élargie contient-il une analyse très fouillée
de l’interface politique régionale /élargissement et s’attache à mettre en évidence l’influence
de l’élargissement sur la politique régionale et le développement des régions. Il propose par
ailleurs une analyse très complète des régions des trois derniers entrants et des causes de
leur retard de développement parmi lesquelles sont pointées du doigt le fort déficit en
infrastructures de communication. Le 4ième rapport rendu en 1991, après avoir défendu le
principe de l’évaluation systématique des incidences régionales de la construction
communautaire et de ses politiques sectorielles contient par ailleurs d’importants
développements sur la situation économique et sociale des régions des pays de l’est engagés
dans la décommunisation.
2°/les programmes de développement régional (PDR)
Les Etats membres désireux de solliciter une aide du FEDER pour une région donnée doivent
établir un plan de développement visant notamment à identifier son potentiel de
développement. Les PDR obéissent à un même canevas général : organisés autour de 5
grands chapitres119, ils vont jouer un rôle très important dans la coordination des politiques
nationales et vont conditionner le soutien financier du FEDER (même si l’absence de règles
véritablement précises et harmonisées relatives à leur présentation rendra la coordination
plus malaisée). A ce titre peut-on considérer que les PDR auront été plus des instruments de
politique régionale (octroi des aides aux régions en difficultés) que d’aménagement du
territoire (évaluation des effets spatiaux des activités économiques). S’agissant plus
particulièrement de la Commission le PDR est un instrument exécutif dans la mesure où toute
demande de soutien financier est examinée à l’aune des priorités arrêtées par les Etats
118 Avec l’entrée en vigueur du traité de Maastricht le rapport périodique sur l’évolution des régions sera remplacé par le rapport sur la cohésion relatif aux progrès réalisés dans la réalisation de la cohésion économique et sociale et dont le premier sera établi en 1996 119 Les 5 chapitres concernent l’analyse économique et sociale des différentes problèmes rencontrés par la région concernée et leurs causes, les objectifs de développement, les activités et mesures à mettre en œuvre, les ressources financières nécessaires et enfin la mise en œuvre administrative et financière des activités précisant notamment les autorités responsables de ces taches
95
membres dans leurs PDR et fait l’objet d’un suivi afin de vérifier la conformité et la
pertinence des actions entreprises avec les priorités stratégiques approuvées dans le PDR
La relative efficacité des PDR s’exprimera a à plusieurs niveaux : en premier lieu ils
favoriseront l’analyse comparée des stratégies nationales de développement régional et leur
coordination plus particulièrement à l’occasion de la demande de soutien financier auprès
des Communautés. Ils permettront un meilleur ajustement des politiques nationales avec
l’action autonome de la Communauté (cf. infra §2) c'est-à-dire les initiatives prises par la
politique régionale fondées sur des objectifs spécifiquement communautaires. Ces dernières
ne constituent pas seulement le relai des politiques nationales et tentent de répondre à
d’autres types de déséquilibres qui seront évoqués ultérieurement : la mise en synergie de ces
deux niveaux d’action de la politique régionale est importante et sera favorisée par les PDR.
Enfin les PDR joueront également leur rôle dans la mission impartie à la Commission par
les articles 92 et 93. TCEE du traité de Rome (articles 87 et 88 TCE et articles 107 et 108
TFUE) quant aux contrôles des aides publiques régionales.
3°/ le contrôle des aides publiques à finalité régionale
Si les contrôles peuvent obéir à des régimes différents selon que l’aide régionale soit nouvelle
ou déjà existante120, ils confèrent à la Commission une marge d’appréciation importante que
cette dernière mettra en œuvre sur la base d’orientation générales et de lignes directrices121
visant à faire connaitre aux Etats parties sa doctrine en matière d’évaluation de la
compatibilité des aides et impliquant une forme de pouvoir « quasi normatif ». Les premiers
principes généraux mis en œuvre pour la coordination en matière d’aide régionales ont été
ceux de leur plafonnement et de leur transparence 120 L’article 93.3.a implique l’obligation des Etats de notifier à la Commission tout projet de nouvelle aide régionale ou de modification d’une aide déjà existante et repose donc sur un régime d’autorisation préalable En effet, l’Etat ne peut mettre en œuvre son projet avant l’adoption de la décision finale de la Commission Le second a pour fondement l’article 93.2TCEE et relève du pouvoir attribué à la Commission « d’examen permanent » des aides publiques des Etats c'est-à-dire des aides déjà existantes. On relèvera cependant l’évolution dans la pratique de la Commission vers une approche « uniformisée » de ses contrôles, au-delà de la distinction entre les deux » catégories d’aides régionales » visées par l’article 92 121 On doit ici rappeler la curiosité résultant du recours massif de la Commission, en matière de contrôles des aides publiques, à des « orientations » contenues dans des actes hors nomenclature. Elles trouvent leur origine première dans l’absence d’utilisation par le Conseil du pouvoir que lui conférait l’article 94 TCEE pour l’adoption des règlements d’application des articles 92 et 93. La question du « pouvoir normatif de substitution » de la Commission pour pallier les vides provoqués par le non exercice de son pouvoir normatif par le Conseil et de la portée juridique exacte de ces orientations a été examinée par la Cour. Cette dernière a notamment reconnu le pouvoir de la Commission de proposer, en matière d’aides publiques des mesures utiles exigées par le développement progressif et le fonctionnement du marché commun : CJCE, 29 juin 1995,Espagne contre Commission, aff.-135/93
96
- Ainsi le plafonnement des aides est-il établi en fonction de la gravité des problèmes
rencontrés par les différentes régions avec l’objectif de faire en sorte que les aides aillent
dans les régions où elles sont le plus nécessaires et contribuent de la manière la plus efficace
possibles aux rééquilibrages de l’espace économique communautaire.Les plafonds arrêtés par
la commission varieront en conséquence selon les régions concernées et ce sur le fondement
d’une distinction entre les régions qualifiées de « périphériques » et les autres122. Les
premières bénéficieront, selon les cas, de plafonds allant de 25% (régions danoises) à 75%
(Mezzogiorno italien) de l’investissement global en passant par 30% (régions française et du
Royaume uni). Les régions non périphériques se verront appliquer un plafonnement de 20 %
de l’investissement global
- Le principe de transparence, fondamental pour l’évaluation de la conformité des
aides, n’est pas facile à mettre en œuvre quand on connait l’extraordinaire diversité des
modalités de l’aide publique (subventions, exemption de charges, mesures fiscales, mesures
sociales etc…) Néanmoins la transparence peut être améliorée par un certain nombre de
règles dont par exemple celle de l’interdiction des cumuls entre les aides sectorielles et les
aides régionales. Par ailleurs la transparence peut être améliorée par d’autres exigences
comme celle du calcul de l’aide avec pour assiette l’investissement. Cette règle permet
d’établir un rapport entre l’investissement et le montant total des aides dont celui-ci
bénéficiera.
Par la suite, et à partir de la nouvelle ère inaugurée par la réforme des fonds structurels123, la
Commission perfectionnera toujours plus ses lignes directrices en matière d’évaluation de la
compatibilité des aides publiques régionales avec la libre concurrence, notamment par
l’établissement de véritables cartes régionales des aides communautaires. En 1998124, elle
adoptera pour la période 2000-2006 correspondant à l’Agenda 2000, de nouvelles lignes
directrices en matière d’aides régionales fondées sur 4 grands principes : la concentration des
aides sur les régions les plus pauvres et l’amélioration de leur efficacité, la réduction du
volume global des aides régionales pour un meilleur équilibre entre les 4 pays les plus
pauvres et relevant du fonds cohésion et les régions plus prospères du reste de l’ Europe, la
prise en compte de la capacité de l’investissement soutenu à générer des emplois, la cohérence
122 Cf. Communication du 23 juin 1971, JOCE C 111, 4 novembre 1971 123 Dans la mesure où ne nous reviendrons pas dans la suite du cours sur cette donnée particulière du contrôles des aides publiques à finalité régionale, nous nous autorisons un « débordement » de la période concernée par la section I qui s’attache normal normalement à la présentation de la politique régionale jusqu’en 1986 124 Cf. lignes directrices du 10 mars 1998. JOCE C 74
97
entre les cartes d’aides régionales établies et validées par la Commission et les dotations des
fonds structurels. Enfin de nouvelles lignes directrices adoptées en Mars 2002 proposent un
nouvel encadrement multisectoriel des aides à finalité régionale tout en supprimant
l’obligation de la notification préalable pour toute une catégorie d’aides sectorielles.
Globalement l’évolution générale du régime juridique de contrôle par la Commission des
aides régionales des Etats membres s’inscrit-elle dans une forme de durcissement après les
premières années de plus grande tolérance. Ce phénomène s’explique sans doute par les
développements mêmes de la politique de cohésion économique et sociale et son
renforcement à la fois quantitatif et qualitatif. L’idée générale qui fait progressivement son
chemin est que le soutien que les Etats accordent à leurs régions doit s’inscrire toujours plus
dans les priorités que l’Union s’est elle même fixées dans le cadre de sa politique de
cohésion économique et sociale. Sans doute assiste-t-on, en matière de contrôle des aides
publiques à finalité régionale, et de manière insidieuse quoique réelle à une inversion de
l’approche originelle. Désormais en effet les aides à finalité régionale développées par les
Etats poursuivent des objectifs plus communautaires (priorités de la politique de cohésion
économique et sociale) que nationaux
B/ Le soutien financier des Communautés aux politiques régionales des Etats
membres
Il s’agit bien là d’un pas supplémentaire, pour la Communauté qui, au delà de la coordination
des politiques régionales des Etats membres, met en place, dans le cadre de sa politique
régionale des soutiens financiers dont l’objectif est d’appuyer et de compléter l’action des
Etats membres en faveur de leurs régions en difficultés. Telle est la mission principale du
FEDER (1°), qui par ailleurs développera, à titre subsidiaire, d’autres interventions
financières (cf. infra §2). Assez rapidement cependant commencera à émerger, au niveau
communautaire, l’idée que le soutien financier apporté par l’organisation aux régions des
Etats membres pourra emprunter d’autres voies que celle de l’action du FEDER proprement
dite. Ainsi les opérations intégrées de développement (OID) peuvent elle apparaitre comme
l’expérimentation d’une nouvelle approche du soutien aux régions et qui préfigure sans doute
la future réforme des fonds structurels (2)°
1°/ les soutiens financiers du FEDER
Institué par le règlement n°724/75 du 18 mars 1975, le FEDER a pour mission de contribuer à
la correction des déséquilibres régionaux de la Communauté. Rapidement modifié dès 1979,
98
le régime juridique de ses interventions reposera jusqu’en 1984, date d’une nouvelle révision
sur un certain nombre de principes fondateurs
a) le fonctionnement du FEDER jusqu’en 1984
Il repose d’abord sur la distinction entre deux types d’intervention : les interventions sous
quota qui représentent 95% de sa masse d’intervention financière et les interventions hors
quota (cf. infra § 2). La section sous quota a vocation à accorder des soutiens financiers à
deux catégories de régions : les régions en retard de développement et les régions industrielles
en déclin : s’agissant de ces dernières le FEDER intervient à l’appui des aides nationales à
l’industrie compatibles avec les règles communautaires de la libre concurrence. Ainsi le
FEDER accordera-t-il à deux catégories de régions des subventions pour des projets
individuels présentés par les Etats membres et qui sont destinés à faciliter les investissements
industriels, artisanaux et de service. Par ailleurs le FEDER contribue aux dépenses qu’ils
engagent pour la création d’infrastructures dans les régions concernées. Ce sont en effet
bien les Etats membres et non les investisseurs qui présentent les demandes de concours
financiers qui doivent obligatoirement s’inscrire dans le cadre de leurs programmes de
développement régional (PDR). Les aides du FEDER sont réservées aux régions qui
bénéficient dans les Etats membres d’aides publiques à finalité régionale. En outre la priorité
du financement est réservée aux zones que les Etats membres ont déclarées prioritaires au
plan national. La masse globale des interventions financières est répartie entre les Etats
membres sur la base de quotas nationaux (d’où l’appellation section sous quotas ) en fonction
de la gravité des disparités régionales auxquelles ils sont confrontés dans le cadre des deux
grandes priorités arrêtées, les régions en retard de développement (dont le niveau de vie est
inférieur à un seuil prédéfini de la moyenne du niveau de vie communautaire) et les régions
industrielles en déclin (critères d’éligibilité distincts de ceux du retard en développement).
Les quotas attribués aux Etats pendant cette première période de fonctionnement du FEDER
permettent de mettre en exergue les principaux bénéficiaires de la politique régionale : en
premier lieu l’Italie (avec un quota d’environ 35%) suivie du Royaume uni (avec un quota
d’environ 23%) et de la France et de la Grèce (quota d’environ 13% chacun )
b) La réforme du FEDER intervenue en 1984
Elle introduit des innovations non négligeables dans les modalités des soutiens accordés par la
Communauté aux Etats sur la base des initiatives qu’ils développent dans le cadre de leur
politique nationale. Certaines de ces innovations de la section sous quota préfigurent sans
doute la réforme des fonds structurels mise en place en 1988 : les principales innovations du
99
nouveau régime intéressent la réforme du système des quotas, l’introduction des soutiens
financiers par programmes et enfin de nouvelles réflexions sur la mise en synergie des
interventions du FEDER avec d’autres modalités de financement communautaire
- le remplacement des quotas nationaux par le système dit des fourchettes.
Selon ce nouveau mode de fonctionnement de la section sous quotas, les montants financiers
sont répartis pour 3ans entre les Etats membres sur la base de fourchettes impliquant une
limite inférieure (le minimum des ressources garanties à l’ Etat) et une limite supérieure
(intégrant la mise en œuvre des priorités arrêtées pour la politique régionale
communautaire.) Ce système est plus souple dans la mesure où il laisse aux autorités
communautaires , en l’occurrence la Commission, une plus grande latitude pour la sélection
des projets nationaux en fonction de « leur intérêt pour la politique régionale ». Le système
des fourchettes vise ainsi à accroitre la cohérence entre les politiques nationales développées
par les Etats membres en faveur de leurs régions et la réalisation des objectifs plus
spécifiquement communautaires assignés par l’organisation à sa politique régionale
- l’introduction, à côté des soutiens accordés aux projets individuels
d’investissement et d’infrastructures des Etats membres, de participations financières sur
des programmes. Le financement des projets individuels, prévu aux articles 17 à 23 du
règlement révisé du FEDER, constitue un concours directement accordé à des opérations
spécifiques (investissement dans des activités industrielles et commerciales, artisanales et de
service ou encore investissements en infrastructures) qui ont été inscrits dans les PRD ce qui
conditionne leur éligibilité à un soutien du FEDER. L’innovation introduite en 1984 consiste
en de nouveaux soutiens financiers que le FEDER accorde à des programmes pluriannuels
présentés par les Etats membres à la Commission. Il ne s’agit non plus d’opérations
spécifiques comme les projets individuels mais d’un ensemble d’actions. Ces dernières, tout
en s’inscrivant dans les objectifs nationaux des politiques régionales des Etats membres,
contribuent à la réalisation des objectifs assignées à la politique régionale de la Communauté.
Le programme national d’intérêt communautaire (PNIC) devient ainsi l’instrument privilégié
du rapprochement des objectifs, nationaux et communautaire. L’introduction par le règlement
révisé de 1984 des PNIC obéit à l’idée d’une forme de « communautarisation » des
politiques régionales des Etats membres qui devront s’inscrire toujours plus dans les objectifs
que poursuit la politique régionale communautaire. Le PNIC, défini au niveau national, peut
être regardé comme le versant opérationnel des PDR. Il se présente concrètement comme un
ensemble d’actions conformes aux objectifs nationaux et qui contribue aux objectifs de la
politique régionale de la Communauté. Il indique les zones concernées, les objectifs et les
100
résultats escomptés, la nature des actions projetées, le plan de financement prévisionnel et les
autorités d’exécution.125. Les zones d’intervention du FEDER pour les PNIC sont limitées aux
zones d’aides régionales établies par les Etats membres en application du régime des aides à
finalités régionale (cf. supra). La Communauté par l’intermédiaire de la Commission évalue
les PNIC sur la base de leur cohérence avec les PDR et de leur contribution aux objectifs de
sa politique régionale. Elle tiendra compte de l’intensité des déséquilibres économiques, de
l’incidence du programme sur l’emploi de la contribution du PNIC au développement des
zones concernées. Par ailleurs est également évaluée l’utilisation d’autres sources de
financement communautaire, dans le cas de cette « approche intégrée » (cf. infra) qu’elle
commence à mettre en place.
- la nécessaire coordination des interventions du FEDER avec celle des autres
instruments d’intervention financière de la Communauté transparait comme une idée force de
la réforme de 1984. A certains égard elle préfigure la grande réforme ultérieure dite des
« réforme des fonds structurels » introduite dans le traité de Rome par l’Acte Unique et qui
sera mise en œuvre en 1988.
Pendant la période (1975-1986) qui caractérise l’émergence de la politique régionale, le
FEDER, par ses interventions financières au profit des régions des Etats membres à l’appui et
en complément de leur propre politique régionale, développera une action structurelle qui ne
cessera de « monter en puissance ». Entre 1975 et 1986, il accordera 17,5 milliards d’écus
d’aides aux Etats pour l’encouragement des activités économiques et l’amélioration des
infrastructures de leurs régions défavorisées ou en difficulté. Pendant cette même période le
FEDER a vu ses ressources multipliées par 12. Son budget qui représentait 4,8% du budget
de la Communauté en 1975 représentait en 1987 9% de ce même budget Pendant cette
première période de l’histoire de la politique régionale, le FEDER constitue bien sur le
contributeur financier principal de l’action en faveur des régions des Etats traversant des
difficultés. Cependant seront expérimentées, toujours pendant cette même période, de
nouvelles approches d’assistance aux régions et qui reposent cette fois ci sur la conjugaison
de plusieurs instruments financiers et pas seulement du FEDER
2°/ les Opérations intégrées de développement (OID)
125 Doivent également être prévues les dispositions en matière de diffusion des opportunités offertes par le FEDER afin de sensibiliser les bénéficiaires potentiels
101
Une OID est une action d’initiative nationale, voire infra étatique, comportant un ensemble
cohérent d’actions et d’investissements publics et privés et qui portent sur une zone
géographique limitée affectée par des problèmes graves. Ces problèmes peuvent être soit un
retard de développement soit un déclin industriel et ou urbain. Les autorités locales et
nationales avec le soutien financier des différents fonds structurels (et donc pas exclusivement
du FEDER) vont contribuer à la mise en œuvre des OID. Définis pour la première fois en
1979, les OID vont être définitivement consacrés par le nouveau règlement du FEDER de
1984. Ces opérations obéissent à un double objectif. Le premier est de permettre une
véritable participation des collectivités infra étatiques aux objectifs de la politique régionale et
de faire de ces dernières non pas seulement des objets mais aussi des acteurs de cette même
politique. D’une certaine manière les OID ont traduit l’entrée fonctionnelle des Collectivités
infra étatiques dans le dialogue impliqué la construction communautaire. On sait que leur
entrée organique dans ce dialogue devra attendre encore quelques années, d’abord en 1988
avec la création du comité consultatif des collectivités locales, puis avec la création du Comité
des régions par le Traité de Maastricht. .
Les OID auront constitué une modalité expérimentale d’intervention financière des
Communautés au profit de régions en difficulté dont le bilan est contrasté.
- Sur le plan des concepts elles apparaissent en concurrence avec d’autres modalités
qui s’inscrivent dans une forme de priorité donnée aux objectifs plus spécifiquement
communautaires et notamment les PIM ou programmes intégrés méditerranéens (cf. infra).
Ces derniers auront en commun avec les OID « l’approche intégrée » visant à la coordination
pour la meilleure mise en synergie possible de l’ensemble des fonds communautaires
(FEDER, FSE et FEOGA orientation). Mais alors que les PIM s’inscrivent sans doute plutôt
dans une logique de grand marché ou encore d’espace économique à dimension
véritablement européenne, les OID sont plus conformes à une logique de développement local
au sein même des Etats membres.
- Sur le plan de leur mise en œuvre les OID témoigneront d’un certain nombre de
faiblesses imputables tant au niveau européen que national. Ainsi le renforcement de la
coordination entre les 3 fonds communautaires concernés et l’idée de proposer aux
bénéficiaires des OID la substitution d’un « guichet unique » aux trois guichets des fonds
concernés souffriront-ils de certaines limites. . Au plan national l’effectivité de l’entrée
fonctionnelle des collectivités infra étatiques buttera selon les cas soit devant la mauvaise
volonté des gouvernements et de leurs administrations centrales pour mettre en œuvre ce
102
nouveau partenariat126, soit devant l’incapacité des collectivités infra étatiques à assumer les
responsabilités que la nouvelle approche de l’OID impliquait.
Pour conclure sur cette première dimension de la politique régionale communautaire qui
caractérise le déroulement de cette politique de sa création à la réforme des fonds structurels,
il a souvent été écrit que l’action de la Communauté se caractérisait par une certaine passivité
ou du moins par son effacement relatif devant les politiques nationales du développement
régional. Les Etats, s’ils restent en effet les véritables maitres de leur politique propre (ce
qui ne saurait surprendre au regard d’une politique régionale européenne exclue du modèle
de la politique commune), continuent par ailleurs d’être la première force d’impulsion d’une
politique régionale qui est d’abord mise au service de leurs objectifs nationaux. Les autorités
communautaires consacrent donc l’essentiel de leur force et de leurs moyens à la
coordination, à la rationalisation et au soutien financier des efforts des Etats membres au
profit de leurs régions en difficulté. Ainsi le FEDER a-t-il vu son rôle effectif qualifié de
beaucoup trop modeste. Réduit à un simple rôle de caisse de redistribution, le FEDER s’est vu
reprocher de procéder à de simples remboursements partiels des aides nationales à finalité
régionale. Le plus souvent les Etats ont-ils cherché à récupérer le montant de leurs quotas en
faisant en sorte que la Communauté ne puisse pas contrôler de trop près les crédits alloués.
Cette régression du FEDER à un rôle de simple caisse de redistribution es t préoccupante car
elle remet en cause le principe d’additionnalité selon lequel ses concours financiers ont
vocation à compléter les efforts des Etats membres et en aucun cas à les remplacer. Quand on
sait par ailleurs que certains Etats ne se sont pas privées de « fondre » ces concours du
FEDER dans leur propre effort national, en les privant de toute lisibilité, on peut
valablement s’interroger sur l’éthique de leur gouvernement, qui pour des raisons
électoralistes évidentes, se sont attribués, au détriment des Communautés, tous les mérites des
investissements réalisés dans leurs régions en difficulté. Est-ce à dire pour autant que la
politique régionale communautaire développée pendant cette période qui a précédé la réforme
des fonds structurels a été réduite à se fondre toute entière dans les politiques nationales ?
Une nuance peut être introduite lorsqu’on constate que la politique régionale a néanmoins
pu, et de manière marginale, intégrer des objectifs qui lui ont été propres et qui ne doivent
rien à ceux de l’action des Etats au profit de leurs régions.
126 Par exemple il a souvent été dit à propos des OID développées par la France qu’il s’agissait de « faire du développement local sans les autorités locales concernées »
103
§2 Les réponses de la Politique régionale aux déséquilibres régionaux que la construction
communautaire a contribuer à créer ou l’émergence d’une politique plus spécifiquement
communautaire
L’idée selon laquelle l’action de la Communauté peut elle-même générer de nouveaux
déséquilibres n’est pas totalement absente des Traités. On a vu par exemple le traité de Rome
y faire lui-même référence lorsqu’il prévoit que certaine politiques sectorielles comme la
PAC (article39.2 TCEE) ou encore la politique des transports (article 80 TCEE) devront
dans leur mise en œuvre tenir compte des différences entre les régions127. Dit autrement
l’absence d’une telle prise en compte présente à l’évidence le risque d’aggraver les inégalités
entre régions ou d’en créer de nouvelles. Quand on sait par exmple que la PAC soutiendra
massivement certaines productions (céréales et produits laitiers), point n’est besoin d’être
bon clerc pour comprendre que les régions agricoles qui ne sont pas spécialisées dans ces
productions risquent d’être désavantagées. Les effets ou impacts régionaux des politiques
sectorielles appellent une coordination renforcée entre ces politiques et la politique régionale.
Elle impliquera notamment des articulations spécifiques entre les différents instruments
financiers mis au service de ces politiques (FEOGA orientation notamment) et le FEDER
dont certaines comme les OID ont déjà été évoquées Par ailleurs et de manière différente la
politique d’élargissement menée par les Communautés et plus particulièrement son extension
vers le sud engendrera-elle de nouveaux déséquilibres qu’elle s’attachera à compenser par de
nouvelles actions. Toutes ces actions relèvent d’objectifs qui sont spécifiquement
communautaires dans le sens ou ils ne doivent rien aux priorités retenues par les Etats pour
leur propre territoire. Les réponses de la Communauté à ce type d’enjeux emprunteront deux
voies. La première est celle de l’action spécifique du seul FEDER avec sa « section hors
quota » (A). La seconde est plus globale qui voit la Communauté mobiliser ensemble
plusieurs fonds structurels sur de mêmes projets, les programmes intégrés méditerranéens
(PIM) au service d’un objectif commun à savoir le traitement de déséquilibres qu’elle a
contribué à créer par sa politique d’élargissement (B)
A/ l’action spécifique du seul FEDER avec sa « section hors quota »
Grâce à la section hors quota, apparue plus précisément lors de la réforme du FEDER de
1979, la Communauté et la Commission vont pouvoir désormais apporter un soutien
127 L’acte unique introduira un dispositif assez comparable dans la politique de l’environnement à l’article 130 R. 3. TCEE : « dans l’élaboration de son action en matière d’environnement, la Communauté tiendra compte…- des conditions de l’environnement dans les diverses régions de la Communauté …. – du développement économique et social de la Communauté dans son ensemble et du développement équilibré de ses régions
104
financier à des actions de développement régional « spécifiquement communautaires ». Ces
actions trouveront leur origine dans les conséquences régionales des politiques
communautaires. Constituant la partie la plus communautaire de la politique régionale, elles
resteront néanmoins très limitées sur le plan quantitatif puisqu’elles représenteront à peine 5%
da la masse globale des soutiens financiers du FEDER (1°) Sur cette base particulière la
Communauté développera avant même l’adoption de la mise en œuvre de la réforme des
fonds structurels des actions particulières qualifiées d’initiatives communautaire (2°) .
1°) les principales caractéristiques de la section hors quota
Outre le fait qu’elles ne représenteront qu’une part très réduite de la capacité d’intervention
du fonds, les actions « hors quota » obéiront à un régime juridique fort différent dont les
différences par rapport aux « actions sous quota » peuvent être simplifiées de la manière
suivante :
- une première différence tient naturellement aux territoires ou espaces sur
lesquels elles ont vocation à se déployer. Ainsi la section hors quota permettra-elle aux
autorités communautaires d’intervenir en dehors des zones d’aides, désignées par les Etats
membres eux-mêmes et éligibles à la section sous quota. Ainsi à côté du premier « espace
traditionnel » de la politique régionale, zone d’aide désignée par l’Etat lui-même en fonction
de ses propres priorités nationales, surgit, grâce à la politique régionale communautaire un
« deuxième espace » régional, à dimension véritablement européenne mais aussi
fonctionnelle. Surgissent ainsi de nouveaux espaces qui correspondent à des priorités définies
au niveau européen, notamment comme des réponses spécifiques aux impacts régionaux de
politiques de l’organisation.
- une deuxième différence intéresse le recours systématique de la section hors
quota, dès sa création, à la programmation alors que la section sous quota, fonctionnait à
l’origine sur la base de projets individuels, soutenus au coup par coup. La section sous quota
a en effet tardé à introduire la programmation pluri annuelle avant de la généraliser par la
suite à l’occasion de la réforme des fonds structurels.
- une dernière différence concerne la nature des investissements susceptibles de
bénéficier d’un soutien financier du FEDER. Contrairement à la section sous quota qui ne
pouvait soutenir que des investissements matériels, la section hors quota pouvait quant à elle
soutenir des investissements immatériels, notamment à destination des PME
2°) les premières actions hors quota ou les « initiatives communautaires » de la
politique régionale
105
Les actions hors quota rapidement baptisées « initiatives communautaires » auront été mises
en œuvre avant même l’entrée en vigueur de l’acte unique et de sa réforme des fonds
structurels. Cette dernière contribuera à renforcer surtout qualitativement ce mouvement
d’européanisation véritable de la politique régionale fondé sur la mise en exergue d’objectifs
spécifiquement communautaires. Sans prétendre à un recensement exhaustif des initiatives
communautaires, on peut brièvement rappeler celles qui ont joué un rôle important dans
l’histoire de ce volet particulier de la politique régionale
- le programme STAR (1987-1991), qui s’inscrit dans le cadre du rapport
périodique sur la situation des régions et plus particulièrement des derniers entrants comme
l’Espagne et le Portugal visera à améliorer accès des régions en retard de développement aux
services modernes de télécommunications Il bénéficiera d’un budget de 780 millions d’écus.
- le programme VALOREN (1987-1991) qui aura pour objet de contribuer au
développement régional par de meilleurs usages du potentiel énergétique endogène
bénéficiera d’un budget de 400 millions d’écus.
- le programme RENAVAL (1988-1992) qui aura pour mission de contribuer
à la reconversion des régions affectées par la restructuration des chantiers navals se verra
affecter un budget de 200 millions d’Ecus.
De nouveaux programmes seront arrêtés, après la réforme des fonds structurels, dans le cadre
du paquet DELORS 1 qui fixe les perspectives financières jusqu’ en 1993. Ils se
développeront jusqu’à l’adoption de la programmation pluriannuelle suivante due au Paquet
Delors II (1994-1999). On peut brièvement rappeler quelques unes de ces nouvelles initiatives
communautaires.
- le programme INTERREG aura pour mission de promouvoir la coopération
entre les régions frontalières des Etats membres afin de favoriser l’intégration de leurs
économies respectives. Mais le programme INTERREG correspond aussi à des priorités
plus « conjoncturelles » à savoir la création « d’emplois alternatifs » dans les zones
frontalières affectées par des pertes sévères d’emploi. Ces dernières trouvent principalement
leurs origines dans la « suppression des frontières » organisée par l’Acte unique et le passage
au grand marché intérieur. INTERREG est certainement un exemple emblématique du
phénomène déjà évoqué et selon lequel la construction communautaire est susceptible par elle
même de créer de nouveaux déséquilibres régionaux auxquels la Communauté doit apporter
des réponses appropriées par sa politique régionale. Le programme INTEREG a aussi la
caractéristique d’être l’un des programmes les plus pérenne de la politique régionale puisqu’il
106
donnera lieu à des programmes INTERREG II et III dont les objectifs spécifiques
comporteront des adaptations sensibles.128 . INTERREG I bénéficiera d’un budget de 800
millions d’écus
- le programme RECHAR aura pour objectif d’accélérer l’adaptation
économique des régions charbonnières les plus touchées par des pertes d’emploi. Il peut à
certains égards être regardé comme le complément d’une initiative antérieure, développée
entre 1988 et 1992, l’initiative RESIDER, aura consacré 300 millions d’écus à l’aide à la
reconversion des régions affectées par la restructuration de la sidérurgie. RECHAR
bénéficiera d’un budget équivalent à savoir 300 millions d’écus
- le programme EUROFORM NOW HORIZON, doté d’un budget de 600
millions d’écus, accordera des soutiens financiers à la formation professionnelle
- le programme ENVIREG permettra le financement d’actions visant à
remédier aux problèmes environnementaux du bassin méditerranéen et d’autres régions
(régions en retard de développement de l’objectif 1). Grâce à ce programme seront entreprises
des actions visant à l’amélioration des systèmes d’eaux usées des zones côtières ainsi que des
actions de lutte contre les pollutions occasionnées par les dégazages et vidanges des soutes
des navires en pleine mer. ENVIREG se verra affecter 500 millions d’écus
- le programme REGIS impliquera une assistance aux régions ultra
périphériques des Communautés (Territoires d’outre mer de la France, es Canaries, Madère et
les Açores) afin de les aider à diversifier leur économique régionale, à promouvoir leur
coopération avec les Etats tiers limitrophes, et à atténuer leur dépendance économique vis-à-
vis de leur métropole) Il bénéficiera d’un budget de 200 millions d’écus
- le programme LEADER fait partie, comme INTERREG des initiatives
communautaires qui seront renouvelées plusieurs fois. Il s’agit d’un programme qui intéresse
les zones rurales, plus particulièrement les régions, qui dans le cadre de la réforme des fonds
structurels seront aux éligibles aux objectifs 1 (régions en retard de développement) et 5 b
(développement des zones rurales défavorisées). LEADER permettra l’attribution d’aides
visant à la diversification des économies rurales .
B/ la coordination des politiques communautaires et de leurs instruments financiers
128 Au titre de ses adaptations doit on par exemple signaler que conçu à l’origine pour les régions frontalières et les coopérations du même nom, le programme a été élargi à toutes les coopérations interrégionales et pas seulement à celles des régions frontalières.
107
La plupart des mesures prises par la Communauté qu’il s’agisse de l’agriculture, de
l’industrie et des transports dans le cadre de ses politiques internes ou encore de son
commerce extérieur ou de son élargissement dans les cadre des ses relations extérieurs
entrainent certaines répercussions sur le plan régional. Et c’est encore plus vrai lorsque l’on
examine les soutiens financiers développés dans le cadre des politiques communautaires
notamment internes. Ainsi la coordination des différents instruments financiers structurels de
la Communauté est-elle assez rapidement apparue comme une nécessité, afin notamment
d’éviter certains effets pervers, comme les « doublons » ou encore les « saupoudrages » sur
une multitude d’opérations sans impact réel.(1°). Avant que ne soir mis en œuvre la réforme
des fonds structurels (Cf. infra section II), la CEE expérimentera des opérations coordonnées :
aux OID déjà évoquées seront rajoutés les programmes intégrés méditerranéens (PIM) (2°)
1°) la nécessaire coordination des instruments financiers de la CEE
Outre le FEDER la CEE dispose de plusieurs instruments financiers susceptibles d’intervenir
soit sous forme de subventions soit sous forme de prêts. Le FEOGA et sa section orientation
ainsi que le Fonds social européen (FSE), comptent parmi les principales sources de
subventions. Le fonds CECA institué sur la base de l’article 54 du traité CECA, La BEI ainsi
que le Nouvel instrument communautaire (NIC)129 sont les principaux pourvoyeurs
d’emprunts accordés aux Etats membres pour financer leurs projets.
Il a été par exemple calculé que le FEOGA orientation relatif à l’action structurelle de la
PAC,, consacrait 46% de ma capacité d’intervention à des actions régionales visant à
maintenir l’équilibre économique des régions défavorisées (régions de montagne ou encore
régions méditerranéennes) afin notamment d’éviter leur désertification. De même 70 % des
prêts accordés par la BEI concernent des régions défavorisés (Mezzogiorno italien, Irlande,
Pays de Galles, Ecosse, Grèce). Outre cette priorité accordé au développement économique
des régions les plus défavorisées, la BEI contribue largement au financement de « projets
d’intérêt commun » concernant plusieurs Etats membres ; De nombreuses infrastructures à
dimension européenne ont ainsi bénéficié de son soutien financier ((les autoroutes Metz
Saarbrücken, Paris Bruxelles, le tunnel sous le Mont Blanc, la liaison navigable Rhin Main
129 Le NIC, souvent appelé facilité PISANI, du nom du Commissaire européen, porteur de ce projet a été crée par les décisions 78/870/CEE du 16 octobre 1978 et 79/486/CEE du 14 mai 1979. Instrument de prêts Il a reçu pour mission de contribuer au financement de projets d’investissements répondant aux objectifs prioritaires de la CEE dans les secteurs de l’énergie, de l’industrie et d’infrastructures non éligibles aux prêts BEI
108
Danube) Par ailleurs le Fond social européen (FSE)130 et les évolutions qu’il a connues,
notamment à l’occasion de sa réforme de la décennie 70, tendent à démontrer la vocation qui
est devenue la sienne à lutter contre les déséquilibres régionaux . Peuvent à ce égard être
soulignés le taux d’intervention renforcé de 55% (par rapport au « taux commun » de 50%)
pour toutes les opérations réalisées dans une région défavorisée ou encore l’obligation mise à
sa charge d’affecter un minimum de 50% de ses crédits aux opérations réalisées dans des
régions en retard de développement
On pourrait à l’infini multiplier les exemples de « croisements » d’intervention financière. Ils
témoignent d’une part de l’interdépendance entre la politique régionale stricto sensu et une
action plus large, définie sur la base de la recherche de la cohésion économique et sociale. A
cette première source de complexité doit en être rajoutée une seconde qui est celle de
l’identification exacte de l’espace ou des espaces sur lesquels l’organisation souhaite faire
porter ses priorités. Elle doit, on l’a vu répondre aux attentes exprimées par les Etats relatives
aux disparités existantes sur leur territoire national, mais elle doit aussi se révéler capable de
dépasser l’exigüité territoriale des Etats membres pour se mette au service de la promotion et
du développement économique et social d’un autre espace beaucoup plus large, transnational
et à dimension véritablement européenne.
2°) les PIM, premières tentatives expérimentales de coordination des fonds au service
d’objectifs spécifiquement communautaires
Les programmes intégrés méditerranéens peuvent être définis comme des programmes
intégrés de développement régional qui visent à mettre toutes les sources de financement
disponibles au servie d’un ensemble cohérent de mesures. Ces sources de financement sont à
la fois locales, nationales et communautaires. Se pose alors la question de savoir pourquoi ne
pas replacer les PIM dans les actions de soutien de la communauté aux initiatives nationales.
La raison en est qu’ils ont été pour l’essentiel conçus comme une réponse aux effets pervers
de la politique d’élargissement de l’Union en direction des Etats du Sud, plus particulièrement
de l’Espagne et du Portugal. Elle va en effet accroitre les difficultés rencontrées par les
régions méditerranéennes des autres Etats (France, Italie Grèce). Sans doute quelques unes de
ces difficultés peuvent-elles par ailleurs être attribuées aux impacts régionaux de la PAC.
Cette dernière n’a pas effet apporté d’aides significatives aux productions agricoles
130 Le FSE a été crée sur la base de l’article 123 TCEE (146TCE) (162TFUE)
109
méditerranéennes qui ont été notoirement moins soutenues que d’autres productions comme le
lait et ses produits dérivés (40% du budget de la section garantie) ou encore les céréales. En
fin la PAC n’a consacré que 6% de son budget à ses zones défavorisées. L’ensemble des
raisons évoquées à l’origine de la création des PIM montre bien que l’on est en présence d’un
intérêt commun de la politique régionale qui transcende les intérêts ou objectifs particuliers
des Etats. Cependant il convient de nuancer ce propos en soulignant que le développement
proposé par les PIM n’est pas imposé par des acteurs étrangers aux régions concernées. Les
PIM constitueront, comme les OID des instruments d’une politique régionale communautaire
plus « déconcentrée » reposant sur une importante mobilisation des autorités locales, ce qui à
certains égards contribuera aussi à leur limites. Si les autorités infra étatiques pourront
décider elles mêmes des priorités qu’elles entendent choisir pour leur développement local,
les PIM aura à souffrir de l’insuffisance de la capacité effective de ces dernières à assumer
leurs responsabilités. Cela se révèlera plus particulièrement vrai en Grèce, qui dans son
l’organisation de son administration infra étatique ne dispose pas d’un niveau
d’administration régionale décentralisé
Parmi les éléments innovateurs des PIM figure le recours à la programmation pluriannuelle
qui, pendant cette période de la politique régionale, ne constitue pas encore son mode de
fonctionnement de droit commun. Initiés selon les cas pour 5 ou 7 ans les PIM prendront fin
en 1992. Suite en effet à la réforme des fonds structurels de 1988, l’aide aux régions
concernées sera attribuée en fonction des cinq objectifs (cf. infra section II) qui présideront
désormais au fonctionnement conjugué de l’ensemble des fonds. Les régions bénéficiaires
d’un PIM feront l’objet d’une réévaluation en fonction des nouveaux critères définis par les 5
objectifs et leurs critères d’éligibilité. Un autre élément d’innovation sera constitué par la
participation des collectivités locales concernées qui seront souvent présentées comme des
coréalisateurs des PIM
Le champ d’application des PIM s’articulera autour deux axes, le premier est rural et le
second concerne les industries et les services. Les buts assignés aux PIM sont, dans les
régions concernées, outre l’amélioration du niveau de l’emploi, l’augmentation des revenus
par l’aménagement des structures et l’accroissement de la productivité dans les secteurs
d’activité concernés, mais aussi la diversification des activités131.
131 Les programmes des PIM favoriseront les progrès du tourisme, le développement des réseaux de télécommunication et des transports
110
Le montant total du soutien financier sur 7 ans représentera 6,6 milliards d’écus, dont 2,5
milliards seront constitués par des prêts contractées par les régions auprès de la BEI et du
NIC. Les 3 fonds structurels contribueront pour 2,5 milliards et le reste du financement sera
assuré par une contribution supplémentaire de la Commission, ce qui représentera un niveau
global de subvention de 4,1 milliard. En application des critères d’attribution mis en œuvre,
la répartition des subventions entre les 3 Etats concernés se révèlera assez équitable : 2
milliards d’écus pour la Grèce, l’Italie et la France se partageant les 2,1 milliards récents132.
Les zones concernées seront l’ensemble du territoire grec, le Mezzogiorno italien133 et les
régions françaises Languedoc-Roussillon, Aquitaine et Midi Pyrénées Provence, Alpes Côte
d’Azur134 et la Corse. Les deux départements de l’Ardèche et de la Drôme seront également
concernés.
Ce rappel de l’histoire de la politique régionale et de son développement, avant l’apparition
de la politique de cohésion économique et sociale dont elle ne constituera plus qu’une
composante à partir de l’ Acte unique, témoigne s’il en était besoin de la nécessité de mettre
en œuvre et de généraliser de nouvelles approches plus transversales. Tel sera l’objectif
politique essentiel assigné à la réforme des fonds structurels.
SECTION 2 – LA VERSION, REVISITEE PAR LA REFORME DES FONDS
STRUCTURELS, D’UNE POLITIQUE REGIONALE RECONFIGUREE EN POLITIQUE
DE COHESION ECONOMIQUE ET SOCIALE
La réforme des fonds structurels, initiée par l’article 130D TCEE de l’Acte Unique et mise
en œuvre en 1988, aura pour objectifs de rationaliser leurs missions, renforcer leur efficacité
et coordonner leurs interventions entre elles ainsi qu’avec celle des autres instruments
financiers, notamment la BEI. La réforme des fonds structurels s’inscrit dans le contexte
particulier de l’adoption de l’acte unique mais aussi des perspectives financières du Paquet
Delors I. Elle obéit à des impératifs qu’il convient de préciser
- s’agissant du contexte, la réforme des fonds structurels appartient avec d’autres au
Paquet Delors présenté par la Commission le 15 février 2007 et intitulé Réussir l’Acte unique.
132 S’agissant des prêts BEI et NIC, c’est l’ Italie qui en obtiendra la majorité 133 A l’exception des grandes villes, Rome, Florence, Naples et Palerme 134 A l’exception des grandes villes, Bordeaux Marseille et Toulouse
111
La réforme des fonds structurels complète ainsi une importante réforme budgétaire visant à
garantir à la Communauté et ce jusqu’en 1992 les ressources nécessaires à la réalisation de
ses objectifs. Elle accompagne par ailleurs un ensemble de séries de mesures visant à réformer
la PAC (cf. Chapitre 2) et plus spécialement à freiner les productions agricoles ne trouvant
pas d’acquéreurs. Réussir l’acte unique pour la politique régionale devenue de cohésion
économique et sociale, c’est d’abord renforcer une cohésion mise à mal par le dernier
élargissement à l’Espagne et au Portugal qui a conduit au doublement des populations visant
dans une région défavorisée. Par ailleurs la réforme des fonds structurels doit s’inscrire dans
la continuité des efforts entrepris par la Communauté pour rendre son action structurelle plus
efficace, et ce dans un contexte budgétaire toujours plus serré. Il s’agit pour la Communauté
de mieux gérer une masse d’intervention financière dont le montant global atteindra en 1989
21 milliards d’écus dont 7,7 milliards de subventions mis à la charge du Budget
communautaire (le reste étant représenté par les prêts). Ces chiffres doivent être rapprochés
des 45 milliards d’écus que représente l’exercice 1988 du Budget et des 27 milliards
consacrés par ce même budget aux soutiens des marchés agricoles. On a déjà évoqué (cf.
supra) les premiers efforts entrepris par la Communauté dans le cadre de sa politique
régionale. Dans sa réflexion entreprise pour réduire les doublons et les saupoudrages et
concentrer les aides dans les régions et les secteurs économiques les plus en difficulté, elle a
tenté de développer à titre expérimental une approche intégrée (OID et PIM) visant à faire
converger dans les zones désignées l’ensemble de ses capacités financières d’intervention.
Néanmoins l’efficacité de l’action Communauté reste encore entravée par le caractère
disparate des mécanismes d’intervention de ses fonds, générateur d’une lourdeur de plus en
plus dénoncée par leurs bénéficiaires potentiels
-les impératifs auxquels tentera de répondre la réforme des fonds structurels sont à la
fois d’ordre politique, économique et juridique. Sur le plan politique il convient de rappeler
que l’Acte unique s’efforce d’approfondir le principe de solidarité, jusque là seulement
implicite, entre tous les Etats membres. La cohésion économique et sociale, présentée comme
le corollaire indispensable de l’achèvement du marché intérieur, s’intègre dans une démarche
globale renforcée du développement économique harmonieux de l’ensemble communautaire.
La cohésion signifie non seulement une convergence croissante des politiques économiques
des Etats membres mais aussi une réduction toujours plus efficace des disparités régionales.
La réforme des fonds structurels devient ainsi un instrument privilégié du renforcement de la
cohésion. Sur le plan économique, la réforme obéit également à d’autres impératifs. Ainsi la
112
réduction des disparités régionales n’est pas seulement nécessaire pour les régions à la traine,
elle est tout aussi importante pour le développement des régions plus prospères qui pourront y
trouver des perspectives de croissance économique supplémentaires. Sur un plan plus
strictement budgétaire, la réforme s’inscrit dans une meilleure gestion des deniers publics
communautaires qui constituent « un prélèvement de fait » sur les citoyens européens. Sur un
plan plus strictement juridique, la réforme des fonds s’inscrit dans la
« constitutionnalisation » de la politique régionale opérée par le nouveau titre V du traité
CEE135. Erigée en politique inscrite désormais dans le traité de Rome, l’ancienne politique
régionale reconfigurée possède des bases juridiques expresses (articles 130 A à 130 D TCEE)
pour l’action de la Communauté en faveur de la cohésion. L’article 130 A en définit les
objectifs (renforcement de la cohésion, réduction des écarts entre les régions, soutien aux
régions défavorisées). L’article 130 B énonce les moyens d’y parvenir (prise en compte de ces
objectifs par les politiques sectorielles et par le marché intérieur, action des fonds structurels
et des instruments financiers). L’article 130 C « constitutionnalise » le FEDER et l’article
130 E précise le processus décisionnel qui est applicable à l’adoption des mesures le régissant
(majorité qualifiée et procédure de coopération)136. L’article 130 D annonce la réforme des
fonds structurels puisqu’il habilite le Conseil à apporter à la structure et au fonctionnement
des fonds les modifications nécessaires pour réaliser les objectifs de la politique de cohésion.
La réforme qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1989 concerne essentiellement les 3 fonds
structurels, FEDER, FEOGA orientation dont les modalités de fonctionnement sont
modifiées. Au-delà elle constitue aussi une réforme de l’action structurelle au sens large,
c'est-à-dire impliquant toutes les modalités de soutien financier de l’organisation y compris
les instruments de prêt comme la BEI ou encore le NIC. La CEE adoptera donc en ce sens
toute une série de règlements pour la mise en œuvre de la réforme. Le premier, sorte de
règlement cadre, et qui a été adopté le 24 juin 1988 porte sur les missions des 3 fonds
structurels et la coordination de leurs interventions avec la BEI et le NIC. Il sera complété par
un règlement d’application en date du 19 décembre de la même année, lui-même accompagné
de 3 règlements qui portent successivement sur la réforme du FEDER, du FEOGA et du FSE.
La compréhension des enjeux et des modalités de la réforme introduite à cette date est
fondamentale, puisqu’elle va constituer le référent à partir desquels se positionneront les
135 Cf après le traité d’Amsterdam les articles 158 à 162 TCE et après le traité de Lisbonne les articles 174 à 178 TFUE. 136 Le traité d’Amsterdam introduira la codécision à l article 130 E devenu 162 TCE
113
développements ultérieurs des réformes de 2000 et 2006 (cf. section III) Pour résumer à
grands traits l’esprit et les caractéristiques de cette grande réforme, qualifiée de réforme des
fonds structurels, et qui désormais préside au saut qualitatif de simple politique régionale à
véritable politique de cohésion économique et sociale, on peut retenir que cette dernière obéit
à deux idées force. La première intéresse le renforcement du poids des actions structurelles (§
1) la seconde concerne le réaménagement de leurs modalités (§2)
§1 le renforcement du poids des interventions structurelles de la Communauté au
profit de la nouvelle approche de cohésion économique et sociale
Ce renforcement apparait tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif. L’organisation ne se
contente pas d’augmenter de manière significative la dotation financière des fonds (A). Elle
recherche également une plus grande concentration de leurs interventions dans les régions qui
en ont le plus besoin (B)
A/ l’augmentation significative de la dotation des fonds structurels
L’augmentation est importante puisque le règlement cadre du 24 juin 1988 prévoit jusqu’en
1993 le doublement des crédits en termes réels par rapport à l’exercice budgétaire de 1987.
L’objectif que s’assigne ainsi la Communauté est de passer de 7,2 milliards d’écus,
correspondant à 1987, à 12, 9 milliards d’écus pour l’exercice 1992 et 14,5 milliards d’écus
pour 1993 pour concrétiser ce doublement. Les dépenses des fonds structurels devront donc
représenter, à cette même échéance, le quart du budget communautaire contre 8,2% en 1976
et 17% à partir de 1982. Certains n’ont pas manqué d’ironiser sur l’insuffisance des crédits
prévus qui en effet ne représentent au total que o,3% du PNB communautaire de l’ensemble
des Etats membres (ce qui ne constitue toutes proportions gardées qu’une conséquence
naturelle du caractère très réduit du budget communautaire global par rapport à ce PNB).
Néanmoins l’impact économique des fonds structurels n’est sans doute pas aussi négligeable
que le suggèrent les apparences. Il suffit pour cela de comparer ce que représentent les crédits
des fonds structurels par rapport au PIB des Etats membres les plus concernés. Ainsi pour le
Portugal, la Grèce ou l’Irlande les interventions des fonds structurels représenteront en 1992
selon les cas de 2,5 à 3,5% de leur PIB. A cette aide propre aux fonds structurels convient-il
en outre de rajouter les interventions sous forme de prêts de la BEI ou du NIC Or certaines
évaluations faites sur la réalité de l’impact macro économique de la réforme se sont
attachées à développer certaines comparaisons intéressantes notamment avec l’aide Marshall
114
offerte par les Etats-Unis aux Etats européens ruinés par la deuxième guerre mondiale . Pour
des Etats comme la France, le Royaume uni, l’Allemagne ou encore l’Italie, l’aide Marshall
a représenté, de 1,5% à 2,9% de leur PIB.
B/ la concentration des actions structurelles sur des objectifs jugés prioritaires
Le principe de concentration résulte des règlements fondateurs de la réforme. Cette
concentration est à la fois géographique et fonctionnelle. Elle est géographique lorsqu’elle
correspond à la définition de zones particulières (les régions en retard de développement, en
déclin industriel, ou rurales). Elle est fonctionnelle lorsqu’elle obéit à des priorités
thématiques comme la lutte contre le chômage de longue durée ou encore l’insertion
professionnelles des jeunes. La réforme dégage ainsi 5 objectifs prioritaires sur lesquels les
fonds seront mobilisés, parfois ensemble, parfois seuls mais de manière coordonnée. Ils
concernent le développement des régions en retard (1°), la reconversion des régions
industrielles en déclin (2°), le combat contre le chômage de longue durée (3°), l’insertion
professionnelle des jeunes (4°) et l’action en faveur des structures agricoles et des zones
rurales (5°)
1°/ l’objectif 1 : l’action en faveurs des régions en retard de développement
Il s’agit d’un objectif important qui s’inscrit dans la logique de l’acte unique entré en vigueur
le 1er juillet 1987 et de son article 130 A qui renvoie au renforcement de la cohésion et plus
particulièrement la réduction des écarts de développement entre les régions et le retard de
celles qui sont le moins favorisées. Certaines analyses économiques avaient développées des
estimations selon lesquelles ces régions ne recevaient que 55% de la masse globale et
seulement et seulement 25% des crédits du FEOGA. . Un effort tout particulier est donc
demandé en faveur de ces régions (dites d’objectif 1) qui se voient réserver 60% de
l’ensemble de la masse d’intervention 137des trois des fonds structurels, le FEDER ayant quant
à lui l’obligation de leur réserver 80% de ces crédits. Il est important ici de souligner que ces
régions seront éligibles aux soutiens financiers du FEDER, mais aussi du FEOGA et du FSE.
La définition juridique de la région d’objectif 1 et qui commande son éligibilité à ces
soutiens est une région NUTS II138, dont le PIB par habitant est, sur la base des 3 dernières
137 Lors de la préparation de la réforme certaines voix s’étaient élevées pour que les régions de l’Objectif 1 se voient réserver 80% de la masse d’intervention globale, mais ce projet a été écarté au regard des besoins du FSE pour son action en faveur de la lutte contre le chômage 138 Le NUTS ou niveau d’unités territoriales statistiques consiste à distinguer entre 3 niveaux d’unités territoriales : le niveau I qui comprend au total 64 régions correspond par exemple aux Lander allemands, aux 3régions belges ou pour la France aux 8 zones économiques d’aménagement du territoire (ZEAT) ; le Niveau II qui comprend au total 166 régions correspond par exemple aux 9 provinces belges, aux 22 régions françaises et
115
années, inférieur à 75% de la moyenne de la Communauté. La liste des régions d’objectifs 1,
arrêtée pour 5 ans (1989-1992) à la date de l’entrée en vigueur du règlement cadre, est fixée
par le Conseil lui-même, et ce à l’unanimité139. Les principaux bénéficiaires de l’objectif 1
pendant cette période seront dans l’ordre l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Grèce
2°/ L’objectif 2 concerne les régions industrielles en déclin
Si le Conseil a accepté que la Commission détermine elle-même la liste des régions
concernées, il n’en a pas moins dans le règlement cadre arrêté les critères de ce type de
région. Les zones d’objectif 2 sont des Zones NUTS III qui correspondent aux critères
suivants : elles doivent avoir un taux de chômage supérieur, dans les 3 dernières années, à la
moyenne communautaire ; elles doivent comprendre un pourcentage d’emplois industriels par
rapport à l’emploi total supérieur à la moyenne communautaire : enfin le déclin de l’emploi
industriel doit être prouvé en fonction d’une année prédéterminée de référence. Ce sont le
FSE et le FEDER qui soutiennent ces régions de l’objectif 2 et les principaux bénéficiaires de
cet objectif seront par ordre décroissant, le Royaume Uni, l’Espagne, la France et l’Allemagne
3°/ l’objectif 3 et la lutte contre le chômage de longue durée. Il s’agit d’un objectif
qui ne concernera que le seul FSE. Ce dernier qui ne se verra appliquer la réforme qu’au 1er
Janvier 1990 doit faire face à la situation particulière que traversent les Etats membres qui
comptent 16 millions de chômeurs (11,2%) dont 6 millions qui le sont depuis plus d’un an.
Le FSE soutiendra à ce titre des programmes spéciaux de formation professionnelle et
d’octroi de primes à l’emploi afin de permettre à ces chômeurs de retrouver un travail. Les
principaux bénéficiaires de l’objectif 3 comme de l’objectif 4 seront le Royaume Uni, la
France et l’Italie.
4°/ L’objectif 4 et l’action en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes trouve
son origine dans le phénomène du chômage des jeunes de moins de 25 ans : 5millions d’entre
eux sont en effet sans emploi et l’objectif prioritaire ainsi dégagé vise à faire soutenir par le
FSE des actions de formation , de base mais aussi de formation professionnelle
5°/ l’objectif 5 concerne les actions de soutien structurel au monde agricole. Il a été
subdivisé en deux objectifs.
-Le premier l’objectif 5.a vise à l’accélération des structures agricoles. La
PAC a en effet procédé à d’importantes réformes (cf. partie I chapitre 2) dont l’introduction
au 17 communautés autonomes d’Espagne : le niveau III qui comprend au total à 822 composantes correspond aux arrondissements belges et aux départements français 139 Le Conseil s’est cependant réservé le droit de déterminer à l’avenir cette liste à la majorité qualifiée
116
des quotas de production, la limitation des interventions garanties, l’abolition progressive des
montants compensatoires monétaires (MCM), ou encore les stabilisateurs et la ligne
directrice agricoles. Comme nombre de ces réformes appellent une adaptation des structures
agricoles, l’objectif 5.a vise à les accompagner et à les soutenir financièrement.. Les mesures
qui sont ainsi éligibles concernent en premier lieu des revenus d’accompagnement pour la
réorientation et la reconversion des productions, l’amélioration de la commercialisation des
produits. Par ailleurs sont également visées des mesures d’aides au revenu pour compenser
les handicaps naturels permanents, ou encore cells concernant les forêts et la protection de
l’environnement. Enfin un dernier type de mesures intéresse l’encouragement à l’installation
de jeunes agriculteurs
- l’objectif 5.b intéresse le développement des zones rurales. Les critères
permettant l’identification des zones éligibles et qui figurent dans le règlement d’application
de la réforme ont été parfois critiqués. On a pu ainsi reprocher au Conseil de ne pas avoir
facilité la tâche de la Commission chargée d’établir la liste des zones éligibles et surtout
d’avoir contribué à faire des zones de l’objectif 5.b un territoire trop étendu (17,3% du
territoire communautaire) alors même que l’objectif ne disposait que de ressources réduites .
Globalement, et en l’absence de seuils précis, ces zones devaient être identifiées par le taux
élevé de la part de l’emploi agricole par rapport à l’emploi total, par le niveau bas du revenu
agricole et le niveau bas de développement socio économique défini à partir du PIB par
habitant. En outre les Etats membres pouvaient demander le rattachement à l’objectif 5.b de
zones rurales sur la base d’autres critères, notamment une faible densité de population et /ou
une tendance au dépeuplement, la sensibilité de la Zone à la réforme de la PAC, le caractère
insulaire ou périphérique des zones la situation de la zone à l’intérieur des zones de
montagnes ou défavorisées.
§2 le réaménagement des modalités de fonctionnement des fonds
Si la réforme des fonds structurels s’inscrit bien dans le respect des acquis communautaires
de la politique régionale (A), elle obéit surtout à une réflexion approfondie sur le
renouvellement et le renforcement des grands principes commandant le fonctionnement des
fonds
A/ le respect des acquis de la politique régionale
Il s’analyse autour des grands principes qui sont ceux de la subsidiarité (1°) et de
l’additionnalité (2°).
117
1°/ le principe de subsidiarité a souvent été évoqué à propos de la politique régionale
mais sans doute dans une acception encore primaire par rapport à son introduction dans le
traité de Rome qui sera le fait du traité de Maastricht et de son article 3.b TCE140. Il n’en
reste pas moins vrai que toute la logique de la politique régionale originelle a bien été de
reconnaitre la légitimité première des Etats par rapport à celle de l’organisation quant aux
réponses à apporter aux régions en difficultés (ne serait-ce que pour la simple raison que les
dites régions étaient bien les leurs et non pas celles de la Communauté)
2°/ le principe d’additionnalité ou encore de complémentarité est un principe originel
de la mise en œuvre du soutien financier accordé par la Communauté aux Etats dans le cadre
de la politique régionale. Il signifie que la Communauté n’intervient qu’en complément des
programmes nationaux et régionaux. Ainsi la contribution financière de la Communauté et de
ses fonds est toujours évaluée en proportion des dépenses publiques consenties par l’Etat
membre (y compris ses collectivités infra étatiques).Ainsi les fonds sont-ils autorisés selon le
droit qui les régit à recourir à des taux de participation très variables et qui leur sont propres.
La réforme, à travers le règlement cadre s’est donné pour objectif de remettre de l’ordre dans
cette extraordinaire disparité des taux d’intervention : ainsi les régions de l’objectif 1 peuvent
–elles bénéficier d’un taux d’intervention variant selon les cas de 50 à 75% des dépenses
publiques. Quant aux régions des autres objectifs elles se voient appliquer un taux de
participation qui va de 25 à 50%.. Ce principe selon lequel l’intervention de la Communauté
n’intervient qu’en complément des financements étatiques fait l’objet d’une étroite
surveillance de la part de la Commission. Cette dernière est ainsi la garante de ce que les
interventions structurelles de l’organisation, ne favorisent pas un désengagement des Etats et
ne se transforment « en tonneau des danaïdes » sans impact réel sur le développement des
régions. Nombre d’Etats membres, notamment les plus « gros contributeurs » du Budget sont
également particulièrement attentifs au respect de ce principe de base de la mise en œuvre de
l’action structurelle. Quant aux Etats membres qui se lanceraient dans des politiques de
réduction de leurs interventions publiques, nul doute qu’ils peuvent être mis en difficulté par
ce principe d’additionnalité.
140 On sait que le principe de subsidiarité tel qu’il est défini par l’article 3.b TCE n’est pas applicable aux situations dans lesquelles la Communauté détient une compétence exclusive. S’il est d’application certaine dans les hypothèses de compétence partagée, on peut s’interroger quant à son utilité pour les situations de simple compétence d’appui ce qu’était probablement le cas de la politique régionale originelle. Le traité de Lisbonne quant à lui range explicitement la cohésion économique sociale et territoriale dans les domaines de compétence partagée (article 4.c TFUE)
118
B/ le renouvellement et le renforcement des grands principes commandant le
fonctionnement des fonds
L’amélioration de la coordination des fonds et des autres instruments financiers de la
Communauté et plus particulièrement de la BEI empruntera en premier lieu la voie de la
généralisation de la programmation pluriannuelle (1°). Le principe du partenariat est
également fondamental pour un fonctionnement toujours plus efficace des fonds sturcturels
1°/la généralisation de la programmation résulte de ce que la programmation
pluriannuelle devient la règle de droit commun à l’inverse des modalités antérieures de
fonctionnement des fonds qui accordaient leur concours sur la base de projets ponctuels. On
sait que la programmation pluriannuelle avait fait l’objet de quelques expérimentations
comme par exemple pour les OID, les PIM, les PNIC ou encore les initiatives
communautaires, mais elle ne constituait pas pour autant la règle de fonctionnement de droit
commun. Ainsi les 3 fonds structurels devaient-ils traiter annuellement environ 14 000
projets et les demandes de concours financier qui les accompagnaient Grâce à la mise en
œuvre du principe de programmation ce ne sont plus que quelques centaines de programmes
pluriannuels qu’ils auront à traiter, ce qui devrait contribuer à améliorer de manière sensible
l’efficacité de leur gestion. Désormais seuls les projets opérationnels pluriannuels
s’inscrivant dans les objectifs prioritaires seront éligibles à un soutien financier de la
Communauté et des ses fonds structurels
La programmation se déroule en trois phases que sont les plans, les cadres communautaires
d’appui (CCA) et les programmes opérationnels. Les plans pour les pays et leurs régions sont
élaborés par les Etats membres et leurs collectivités infra étatiques et couvrent selon les
objectifs une période de 3 à 5ans. Ces plans déterminent les objectifs et les actions à
entreprendre (développement, reconversion etc..) ainsi que les concours financiers propres à
chaque fonds structurel. La Commission établit les cadres communautaires d’appui (CCA)
dans les 6 mois qui suivent la réception des plans. Dans les CCA figurent les axes
prioritaires retenus pour une action conjointe de l’Etat et de la Communauté, un aperçu des
formes d’intervention y compris des programmes opérationnels et un plan de financement
indicatif. Ce dernier précise le montant global des interventions financières et les enveloppes
propres à chaque fond ainsi qu’à la BEI. Le CCA doit être approuvé par la Commission après
consultation des comités consultatifs concernés. On doit à cet égard souligner une évolution
importante de la Comitologie due à la réforme des fonds structurels. Avant l’acte unique
européen, les fonds structurels étaient certes gérés par la Commission mais sous un régime
119
particulier de la comitologie qui était celui des Comités de gestion141.. L’une des
conséquences de l’acte unique et de la mise en œuvre de la réforme des fonds structurels sera
de libérer la Commission de cette procédure très astreignante du comité de gestion. Ainsi la
réforme des fonds structurels, si elle prévoit toujours la consultation des différents comités
consultatifs concernés, n’autorise plus désormais qu’une consultation simple et écarte donc
le système des comités de gestion pour l’exécution des décisions relatives au fonctionnement
des fonds structurels. Ainsi la Commission dispose-t-elle d’un pouvoir plein et entier
d’exécution pour la gestion des fonds structurels sans immixtion des Etats membres.
L’adoption par la Commission du CCA conditionne le droit des Etats membres d’introduire
leur demande de concours financiers
2°/ le principe de partenariat implique la concertation systématique de tous les
niveaux d’administration concernés par la mise ne œuvre des actions visées. On a vu
comment il avait été expérimenté dans certains programmes comme les OID ou encore les
PIM qui avaient en leur temps témoigné de la volonté d’associer véritablement les acteurs
locaux et régionaux aux actions de la politique régionale communautaire. Les OID comme
les PIM avaient souvent été présentés comme l’entrée fonctionnelle des collectivités infra
étatiques dans cette politique et la préfiguration des développements ultérieurs comme leur
représentation organique au niveau communautaire142. Ainsi s’il est entendu que la politique
structurelle reste pour l’essentiel une affaire entre l’organisation et ses Etats membres se
développe de plus en plus l’idée selon laquelle les collectivités infra étatiques doivent être
pleinement associées et ce à toutes les étapes de la procédure et de l’exécution des actions :
c’est vrai pour la préparation des plans, pour l’adoption par la Commission des CCA, pour la
répartition des financements qui mobilisent à la fois ceux de l’organisation, ceux de l’ Etat
membre mais aussi ceux des collectivités infra-étatiques et bien évidemment pour la gestion
des programmes opérationnels . Si ce principe du partenariat qui est jusque là réservé aux
seules collectivités infra étatiques143 parait très séduisant sur le papier on ne saurait ignorer
que toutes les collectivités des Etats membres ne sont pas armées de la même manière pour
assumer les nouvelles responsabilités inhérentes à sa mise en œuvre. Ainsi les Etats qui ne
141 Ce régime de comitologie propre au comité de gestion permet au dit Comité de gestion de bloquer à la majorité qualifiée la proposition de la Commission et organise une sorte de procédure d’appel devant le Conseil 142 Cf. la création du Conseil consultatif des collectivités régionales par la décision de la Commission du 24 juin 1988 et la création du Comité des régions par le traité de Maastricht et son article 198 TCE 143 La réforme de l’agenda 2000 étendra le bénéfice du partenariat aux acteurs économiques et sociaux
120
connaissent pas de niveau d’administration régionale fort ou décentralisé (Grèce, Irlande
Portugal) auront-ils du mal a donner sa pleine dimension au principe
SECTION 3 – LES REFORMES ULTERIEURES DE LA POLITIQUE DE COHESION,
DU TRAITE DE MAASTRICHT A NOS JOURS
Le traité de Maastricht autorisera quelques innovations qui seront mises en œuvre à
l’occasion de l’adoption des perspectives financières dite paquet Delors II et qui ne remettent
pas en cause fondamentalement l’approche inaugurée par la réforme des fonds structurels
(§1). Sans doute l’agenda 2000 (§2) et plus encore la réforme de la politique de cohésion en
date de 2006 (§3) témoignent –elles de remise en cause plus substantielles non pas sur la
méthode mais plutôt sur le fond
§1 les apports à la réforme des fonds structurels du paquet Delors II
Tant le réaménagement des modalités de fonctionnement des fonds structurels, reposant
désormais sur la programmation pluriannuelle, que l’introduction des perspectives financières
pour la programmation sur plusieurs années des prévisions budgétaires pour les finances
communautaires conduiront la Commission à procéder à un nouvel examen du dispositif
réglementaire propre aux fonds structurels . Cette dernière proposera ainsi au Conseil
européen d’Edimbourg non seulement le « paquet Delors II » comportant les engagements
financiers de la Communauté pour la période 1993-1999 mais un dispositif renouvelé de
l’action structurelle, qui tout en visant certaines améliorations, ne remet fondamentalement
pas en cause les approches initiées par la réforme de 1988.. L’essentiel des améliorations
figure dans les règlements modifiés en date du 31 juillet 1993.. Le quasi doublement des
crédits alloués à l’action structurelle est maintenu. La politique de cohésion économique et
sociale se voit garantir par le paquet Delors II un montant cumulé de 176 milliards d’écus
pour la période 1993-1999 soit un tiers des dépenses communautaires. Un sixième objectif
prioritaire vient enrichir la concentration thématique. Il s’agit de l’action visant à
promouvoir le développement et l’ajustement structurel des régions à très faible densité de
population du grand Nord. Ainsi l’objectif 6.a est-il directement lié à au futur élargissement
de l’Union qui interviendra en 1995 et qui concerne notamment la Finlande et la Suède. Par
ailleurs est créé en 1994 le fonds de cohésion, qui doit beaucoup à l’âpre négociation du
Traité de Maastricht qui a vu se constituer « un front des Etats les plus pauvres » à la tête
121
desquels l’Espagne a joué un rôle significatif de leadership pour demander et obtenir un
renforcement significatif de la politique de cohésion économique et sociale144. Le principe de
la création du fonds figure à l’article 130 D révisé et sera mis en œuvre par le règlement en
date du 16 mai 1994. Ce nouveau fonds est distinct des fonds structurels traditionnels comme
en témoigne sa dotation spécifique et surtout son mode de fonctionnement. Les soutiens
accordés ne visent pas des régions ou des zones mais bien plutôt des Etats membres. Sont
ainsi concernés ceux d’entre eux dont le PNB par habitant est inférieur à 90% de la moyenne
communautaire. Par ailleurs seuls sont éligibles les projets relatifs à l’environnement ou
encore aux réseaux transeuropéens. Enfin l’octroi des soutiens financiers est subordonné à la
mise en place par les Etats bénéficiaires d’un programme visant à satisfaire aux critères de
convergence économique fixés à l’article 104 C TCEE (lutte contre les déficits publics
excessifs). Quatre Etats membres bénéficieront des soutiens financiers du fonds de cohésion :
l’Espagne, la Grèce, l’Irlande et le Portugal
§2 la réforme de la cohésion économique et sociale et de ses fonds structurels initiée dans le
cadre de l’agenda 2000
La réforme de l’agenda 2000 résulte de deux rapports présentés par la Commission et qui sont
à l’origine de la révision du droit dérivé régissant le fonctionnement des fonds, révision qui
sera entérinée par les règlements révisés du 21 juin 1999 (portant dispositions générales sur le
fonctionnement des fonds et 13 aout 1999. Le premier rapport sur la cohésion économique et
sociale en date du 8 avril 1997 fournit les premières pistes de réflexion. Le deuxième rapport
est le plus important : il a été adopté le 15 juillet 1997 et a pour titre : Agenda 2000 : pour une
Union plus forte et plus large. Ce document décrit dans un cadre unique les grandes
perspectives de développement de l’UE et de ses politiques clés145, les problèmes liés à
l’élargissement et le futur cadre financier qui devra s’appliquer pour la période 2000-2006.
Pour ce qui est de la cohésion économique et sociale, la Commission dégage trois grandes
priorités : la réduction des disparités régionales, le soutien aux régions en mutation
économique et le développement des ressources humaines dans l’ensemble du territoire de
l’Union. Si l’on veut résumer à grands traits l’apport de l’agenda 2000 à la réforme de la
cohésion économique et sociale, on doit souligner qu’il obéira à trois idées force : le
renforcement de la concentration (A), la création de nouveaux instruments (B) et la mise en
place de nouveaux dispositifs de contrôle (C)
144 Cf ; notamment le protocole n°15 annexé au traité de Maastricht sur la cohésion économique et sociale 145 Cf. par exemple la contribution de l’ agenda 2000 à la réforme de la PAC, supra chapitre 2
122
A/ le renforcement de la concentration des interventions structurelles
Il est à la fois thématique (1°), géographique (2°) et financière (3°)
1°/ la concentration thématique résulte à la fois de la diminution sensible du
nombre d’objectifs prioritaires mais aussi des initiatives communautaires
a) la diminution du nombre des objectifs prioritaires ramenés à 3
Les réformes antérieures avaient abouti à l’identification de 7 objectifs prioritaires (cf. le
dédoublement de l’objectif 5 et l’apparition de l’objectif 6 précitée au profit des régions du
grand nord). Le règlement 1260/99 du 29 juin 1999 ramène le nombre des objectifs
prioritaires à seulement 3 :
-l’objectif 1 reste inchangé dans la mesure où il vise toujours les régions en
retard de développement. Simplement les régions éligibles à cet objectif sont élargies : sont en
effet intégrées dans ce objectif les régions ultrapériphériques ainsi que les anciennes régions
de l’objectif 6. C’est à la Commission qu’il revient d’arrêter la liste des régions éligibles par
application du critère qui reste inchangé à savoir un niveau de vie inférieur à 75% de la
moyenne communautaire. Cette nouvelle procédure permet désormais une pleine adéquation
avec celle relative aux aides régionales de l’article 92§3 en faveur des régions en retard de
développement et participe de la mise en cohérence entre la politique de cohésion et celle de
la concurrence. L’objectif 1 qui concerne 20% de la population de l’UE se voit affecter les 2/3
de la masse globale d’intervention Le règlement modifié prévoit également une procédure
particulière et à caractère transitoire au profit des régions d’objectif 1 du régime antérieur
et qui ne figurent plus dans cette nouvelle liste arrêté pour la période 2000-2006. Ces
dernières pourront ainsi bénéficier d’un soutien dégressif jusqu’au 31 décembre 2005. Les
principaux bénéficiaires de l’objectif 1 pendant la période concernée seront l’ Espagne,
l’Italie, la Grèce, l’Allemagne et le Portugal
-le nouvel objectif 2 concerne la reconversion des zones ou régions
connaissant des difficultés structurelles. Il peut s’agir de zones industrielles en déclin de
zones urbaines en difficulté de zones dépendantes de la pêche en difficulté, de zones
industrielles en mutation économique. Le nouvel objectif 2 réalise en quelque sorte une
synthèse entre les anciens objectifs 2 et 5b et mobilise le FEDER, le FSE le FEOGA pour les
zones rurales ainsi que l’IFOP (cf. infra). Il concerne environ 18% de la Population de l’UE.
Comme pour le 1er objectif un régime transitoire est mis en place mais jusqu’au 31 décembre
2003 au profit des régions éligibles aux anciens objectifs 2 et 5.b et qui ne satisfont plus aux
123
critères du nouvel objectif 2146 Les principaux bénéficiaires de l’objectif 2 pendant la période
concernée seront la France, le Royaume Uni, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie.
- le nouvel objectif 3 vise au soutien en faveur de l’adaptation et à la
modernisation des politiques et systèmes d’éducation, de formation et d’emploi. Il tient
compte du nouveau titre VIII sur l’emploi introduit par le traité d’Amsterdam dans le traité
sur la Communauté européenne (article 125à 130 TCE) et de la stratégie cordonnée mise en
œuvre par la Communauté et les Etats membres sur la base de cette nouvelle compétence
d’appui que reconnait désormais le traité à l’organisation . Ce nouvel objectif 3, qui reprend
les anciens objectifs 3 et 4 de la période de programmation précédente a vocation à couvrir
des interventions ciblées dans des zones qui ne sont pas éligibles aux objectifs 1 et 2 Les
principaux bénéficiaires de l’objectif 3 pendant la période concernée seront l’ Allemagne, le
Royaume Uni, la France, l’Italie, l’Espagne et les Pays Bas
b) la concentration thématique résultant de la réduction des initiatives communautaires
La réforme de l’agenda 2000 ramène à seulement 4 le nombre des initiatives
communautaires, chacune d’entre elles étant financé par un seul fond structurel. On rappellera
que les initiatives communautaires correspondent à des projets d’intérêt commun ou plutôt
spécifiquement communautaire. La Communauté avait déjà eu l’occasion d’en développer 13
et plus particulièrement 7 dans la période 1993-1999
- INTERREG 3 financé par le FEDER pour 4, 9 milliards € concerne la
coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale visant à stimuler le
développement harmonieux, équilibré et durable de l’ensemble de l’espace communautaire
- URBAN financé par le FEDER à raison de 700 millions € est destiné à
revitaliser économiquement et socialement des villes et des banlieues en crise . Il areç pour
objectif de promouvoir le développement urbain durable
- LEADER + vise au développement rural et est financé par le FOGA
orientation à raison de 2 milliards €
- EQUAL alimenté par le FSE s’occupe de la coopération transnationale pour
la promotion de pratiques nouvelles de lutte contre les discriminations et inégalités de toutes
natures en relation avec le marché du travail . Le montant financier qui lui est réservé est de
2,8 milliards €
2°/ la concentration géographique
146 Les aides transitoires dégressives, prévues pour les anciennes régions des objectifs 1 et 2 ont pour but d'éviter un arrêt trop brutal du soutien financier des Fonds structurels. Elles visent en outre à consolider les acquis obtenus grâce aux interventions structurelles de la période de programmation précédente. En France relèveront de ces régimes dégressifs transitoires la Corse, et les arrodissements de Douai, Valenciennes et Avesnes
124
Elle résulte de ce que la Commission s’est donné pour objectif de ramener le chiffre (qui était
celui de la période 1993-1999) de la population éligible aux objectifs 1 et 2 de 51% de la
population globale des 15 Etats membres à seulement 35 à 40 % pour la nouvelle période
2000-2006. Le principe est celui de faire porter les interventions structurelles sur les
populations qui en ont le plus besoin afin de leur donner toujours plus d’impact.
3°/ la concentration financière
L’enveloppe globale affectée aux fonds structurels pour la période 2000-2006 s’élèvera à 195
milliards €, hors enveloppe du fonds de cohésion économique et sociale. Les différentes
interventions structurelles correspondant aux objectifs prioritaires ne bénéficient pas du
même niveau de ressources et la priorité est donnée aux régions en retard de développement
éligibles à l’objectif 1 qui bénéficieront de 69,7% de la dotation globale (soit 135,9 milliards
€), contre 11,5% pour les régions de l’objectif 2 (soit 22,5 milliards €) et 12,3% pour
l’objectif 3 (soit 24,05 milliards €) . Les 3 initiatives communautaires ne reçoivent plus que
5,35% de la dotation globale (soit 10,43 milliard €) contre 11% lors de la période de
programmation précédente, ce qui peut être interprété de manière contrastée comme par
exemple une « relative renationalisation » de la Cohésion économique et sociale. Enfin 0,5%
de la dotation globale des fonds intéresse les interventions de l’IFOP en dehors des zones de
l’objectif 1 et 0,65% de cette même dotation globale est réservé à des actions innovatrices du
FEDER, en faveur de l’économie régionale fondée sur la connaissance et l’innovation
technologique, la société de l’information au service du développement régional ou encore
l’identité régionale et le développement rural
Une des innovations de la réforme de l’agenda 2000 a été la réserve de performance selon
laquelle 4% des crédits alloués à chaque État membre sont mis en réserve jusqu'en 2003 afin
d'être redistribués à mi parcours aux programmes les plus performants au plus tard le 31 mars
2004.
B/ la création d’un nouvel instrument de l’action structurelle l’IFOP
Le fonds d’orientation de la pêche (IFOP) a vocation à financer l’action structurelle au profit
des Etats membres en faveur de l’aquaculture, de la transformation et de la commercialisation
de ses produits. Il s’agit donc bien d’un véritable instrument de l’action structurelle, c'est-à-
dire celle qui s’adresse aux Etats membres. La création de l’IFOP doit ainsi être distinguée
125
d’autres instruments générés à partir de la réflexion de l’agenda 2000 et qui concernent la
préparation à l’élargissement dont notamment l’Instrument de préadhésion ou ISPA147
La création de l’IFOP148 par un règlement en date du 21 juin 1999 a parfois été présentée
comme un élargissement des objectifs de l’objectif 5.a relatif à l’accélération de l’adaptation
des structures agricoles, conformément au rattachement de la Politique de la pêche à la PAC
opéré par l’article 38 TCEE englobant les produits de la pêcherie dans les produits agricoles.
Mais les objectifs assignés à l’ IFOP sont de manière plus générale de contribuer à la
revitalisation des régions dépendantes de l’activité de pêche et d’aquaculture et à ce titre ce
nouveau fonds structurel a vocation à soutenir financièrement dans des programmes
pluriannuels de nombreuses mesures autres que celles de la transformation et de la
commercialisation des produits ( notamment renouvellement de la flotte et modernisation des
navires, équipement des ports , actions mises en œuvre par les professionnels etc..). Les
actions structurelles financées par l'IFOP s'inscrivent dans des programmes pluriannuels
différents selon le contexte régional où elles s'appliquent: Ainsi lorsqu’elles s’inscrivent dans
des régions de l’objectif 1 les mesures font partie de la programmation de cet objectif. En
revanche lorsqu’elles se développent dans des régions qui ne sont pas éligibles à cet objectif,
elles font l’objet d’un document unique de programmation propre à chaque Etats membre. Les
principaux bénéficiaires de l’IFOP hors objectif 1 pendant la période concernée seront la
France, l’Espagne, le Danemark, le Royaume Uni et l’Allemagne.
C/ la mise en place de nouveaux dispositifs de mise en œuvre et de contrôle
147 Pour aider les pays d'Europe centrale et orientale (candidats à l'adhésion à se préparer et à améliorer leurs infrastructures en matière d'environnement et de transport, Créé par l'Union européenne en 1999, l’objectif assigné à l'instrument structurel de préadhésion (ISPA) est d’aider les PECOS candidats à améliorer leurs infrastructures en matière d’’environnement et de transports. Il obéit ainsi à des objectifs très comparables à ceux du fonds de cohésion Entre 2000 et 2006, l'ISPA financera des projets dans dix pays candidats, représentant au total 7,280 milliards d'euros. La contribution d el’ UE peut atteindre 75% des coûts des projets. Les candidats à l’adhésion bénéficieront ainsi d’un instrument particulier qui leur permettra, tout en se préparant à satisfaire aux normes communautaires notamment environnementales, de se familiariser avec les procédures propres à la politique de cohésion
148 A l’occasion de la réforme des fonds intervenue en 2006 et régissant le fonctionnement des fonds structurels pour la période 2007-2013, l’IFOP sera remplacé par le fonds européen pour la pêche (FEP) et ne fera plus partie, de même que le FEADER des fonds strucurels de la politique de cohésion même s'il interviendra encore dans certaines régions défavorisées. Le FEP est régi par deux règlements en date du 27 juillet 2006 et du 26 mars 2007.
126
La réforme de l’Agenda 2000 se caractérise également par une réflexion particulière sur
l’amélioration de la mise en œuvre des fonds structurels dont les maitres mots seront la
déconcentration de la programmation (1°), et l’amélioration de l’efficacité des fonds
structurels(2°)
1°/ déconcentration de la programmation
Les nouveaux règlements cherchent à mettre en œuvre une répartition plus claire des
responsabilités entre la Commission d’une part et les Etats membres d’autre part quant à la
mise en œuvre de l’assistance financière développée dans le cadre de la politique de
cohésion. Si la Commission est en charge des aspects stratégiques de cette assistance, il
revient aux Etats membres une marge de manœuvre désormais plus grande dans la gestion de
leurs programmes On assiste donc à une forme de déconcentration dans cette gestion dont la
contrepartie est l’approfondissement du partenariat de l’ Etat avec les collectivités infra
étatiques mais aussi l’ouverture peine et entière aux partenaires économiques sociaux . Si la
programmation est toujours la règle, elle est affinée en fonction des différents objectifs
prioritaires : ainsi les documents de programmation approuvés par la Commission seront-ils
soit des cadres communautaires d’appui (CCA) (pour l’objectif 1 (en raison de de
l’importance des crédits en cause et du caractère multirégional des programmes) soit des
documents unique de programmation (DOCUP) intégrant tous les fonds concernés ( pour les
objectifs 1 et 2), soit des programmes opérationnels (PO) . Chaque PO ou DOCUP sera
désormais doté d’une autorité de gestion unique, chargée de contrôler le respect des
conventions régissant les différentes participations financières mais pour lesquelles elle
dispose d’une large autonomie pour établir des systèmes de gestion et de suivi (y compris
avec un comité du suivi) et garantir ainsi les résultats et l’efficacité des programmes
2°/ l’amélioration de l’efficacité des fonds structurels
Des efforts particuliers sont entrepris, à la demande des opérateurs nationaux pour une
meilleure définition de l’éligibilité des dépenses propres à chaque fonds respectif, dans la
continuité de ce qui avait été entrepris dès 1997 a travers la réalisation de fiches d’éligibilité.
Par ailleurs si les taux généraux de participation de chaque fonds (50, 75, 80, 85%) restent
inchangés, les règlements modifiés ont recours à des modulations de ces taux en introduisant
soit des minorations soit au contraire des majorations dans certaines hypothèses comme les
investissements en infrastructures générateurs de recettes. Surtout progresse plus encore dans
la réforme l’idée selon laquelle les participations financières de la Communauté devraient
plus encore mobiliser toutes les ressources financières ( aides remboursables, bonifications
d’intérêt, primes garanties ou prises de participation)) et ne pas se limiter aux seules
127
subventions.. Est ainsi affirmé le credo de la nécessité de développer, comme aux Etats-Unis
ou au Japon, l’ingénierie financière c'est-à-dire la capacité de combiner, autant que possible,
non seulement toutes les sources publiques de financement, mais aussi ces sources avec
celles du financement privé. Bien évidemment la création de la réserve nationale de
performance, permettant à la Commission de réserver 10% de l’allocation pour l’attribuer à
mi parcours (au plus tard le 31 mars 2004) aux PO et DOCUP jugés les plus performants,
s’inscrit-elle dans cette recherche de l’efficacité
§3 la réforme de la politique de cohésion de 2006
Initiée dans le cadre de l’adoption des perspectives financières 2007-2013, elle s’inscrit dans
le cadre du Règlement n° 1083/2006 révisé du Conseil en date du 11 juillet 2006. Au-delà
de cette révision du règlement général qui définit les principes et règles communs au FEDER,
au FSE et au Fonds de cohésion, les règlements propres à chaque fond concerné sont
naturellement révisés. L’une des innovations sensibles de la réforme de 2006 est de ne plus
compter que trois fonds dans les fonds structurels stricto sensu, à savoir le FEDER, le FSE et
le fonds de cohésion. Ainsi le FEADER, ex FEOGA orientation et l’IFOP transformé en FEP
sont-ils rattachés à la politique agricole et à la politique de la pêche et ne comptent plus dans
l’architecture rénovée des instruments de la politique de cohésion économique et sociale
avec laquelle cependant ils se coordonnent. En effet les fonds structurels développent une
action complémentaire de celle du FEADER et du FEP au profit des régions rurales ou
dépendantes de la pêche.
En revanche l’intégration cette fois ci du Fonds de cohésion dans les instruments structurels
de la politique de cohésion devrait favoriser la cohérence de l’action en faveur de la cohésion
économique et sociale S’agissant en outre de son fonctionnement, il est modifié de manière
substantielle. En effet désormais il contribuera avec le FEDER à des programmes
d’investissement pluriannuels au lieu et place de projets individuels qui caractérisaient jusque
là son fonctionnement.
Une dernière innovation règlementaire importante est constituée par l’adoption d’un nouveau
règlement n° 1082/2006 en date du 5 juillet 2006 et qui est relatif à la création d’un nouvel
instrument juridique, visant à faciliter la coopération transfrontalière et interrégionale. Il s’agit
du groupement européen de coopération territoriale (GECT). Doté de la personnalité
128
juridique ce groupement pourra recevoir pour mission de mettre en œuvre des programmes de
coopération territoriale cofinancés par les fonds structurels et fondés sur une convention
conclue entre collectivités infra-étatiques et autres services publics y participant et
appartenant à plusieurs Etats membres. Il s’agit d’une nouvelle modalité de gestion,
« européanisée » et non plus nationale des programmes soutenus par la politique de cohésion
de l’UE
La dotation globale réservée à la cohésion économique et sociale est de 308 milliards €, soit
environ un tiers du budget communautaire. Elle met en place une complète reconfiguration du
principe de concentration qui s’appuie sur de nouveaux objectifs prioritaires (A) assignés à
la politique de cohésion économique et sociale et qui s’enracine dans les objectifs des
stratégies de Lisbonne149 (croissance, compétitivité, emploi) et de Göteborg150
(environnement). En outre la réforme de 2006 intègre de nouvelles réflexions quant à
l’amélioration de la dimension stratégique et opérationnelle du fonctionnement coordonné
des fonds (B)
A/ une complète reconfiguration de la concentration et des ses priorités avec trois
nouveaux objectifs
Trois nouveaux objectifs « Convergence », « Compétitivité régionale et emploi » et «
Coopération territoriale » remplacent les anciens objectifs 1, 2 et 3 de la période de
programmation 2000-2006.
1°/ L'objectif 1 « Convergence », proche de l'ancien objectif 1, vise à accélérer la
convergence des États membres et des régions les moins développés par l'amélioration des
conditions de croissance et d'emploi. Il concerne les États membres et les régions les moins
développés. Il sera financé par le FEDER, le FSE et le Fonds de cohésion. Les ressources
totales allouées à cet objectif s'élèvent à 251,163 milliards €, soit 81,54% du total des
interventions financières qui se répartissent entre 189,6 milliards pour les régions relevant de
149 La stratégie de Lisbonne adoptée à l’occasion du sommet européen de mars 2000 s’est donné pour objectif de faire de l’économie de l’UE l’économie la plus compétitive du monde d’ici 2010 en fixant certains objectifs quantitatif (un taux d’emploi de 70%, des investissements dans le domaine de la recherche et du développement représentant 3% du PIB communautaire, un réduction des émissions de gaz de 8% comparé à ceux de 1990. Révisée en 2005 la stratégie le Lisbonne se concentre sur 3 objectifs : plus de croissance, plus d’emplois et de meilleure qualité, une meilleure gouvernance économique. Sont ainsi élaborées des lignes directrices intégrées afin que l’ UE décline la stratégie de Lisbonne dans l’ensemble de son action , dont les orientations stratégiques pour la politique de cohésion et les orientations pour le développement rural.. D’un point de vue financier cela va se traduire pour la politique de cohésion par un engagement de consacrer 75% de sa masse d’intervention financière à des dépenses qui s’inscrivent dans la stratégie de Lisbonne (« Earmarking ») 150 Adoptée en 2001 la stratégie de Göteborg dont l’objectif est d’améliorer de façon durable le bien être et les conditions de vie des générations présentes et à venir veut concilier autour de ces objectifs l’ensemble des politiques ayant un objet de développement durable
129
l’objectif , 12,5 milliards pour les régions en soutien transitoire dégressif et 61, 6 milliards
pour le fond de cohésion et les 15 Etats membres qui y sont désormais éligibles151
Sont éligibles aux soutiens financiers du FEDER et du FSE les régions dont le PIB par
habitant est inférieur à 75% de la moyenne communautaire. 70,51% du total des fonds de cet
objectif leur revient. Certaines régions qui dépassent ce seuil de 75% du PIB par habitant pour
notamment des raisons mécaniques et statistiques liés à l’élargissement bénéficieront d'un
financement transitoire, spécifique et dégressif. Ces régions recevront 4,99% du montant total
Toujours dans le cadre de l’objectif convergence pourront bénéficier du soutien financier du
fonds de cohésion, conformément à ses critères d’éligibilité qui restent inchangés certains
Etats membres. Ce sont ceux dont le Revenu National Brut (RNB) par habitant est inférieur à
90% de la moyenne communautaire et qui respectent des programmes de convergence
économique. Ils recevront 23,22% des ressources allouées à cet objectif. Est également prévu
un régime provisoire au profit des régions qui dépasseront 90% du RNB par habitant pour
raisons mécaniques et statistiques , conséquentes à l'élargissement). Elles bénéficieront d'un
financement transitoire, spécifique et dégressif. Ces régions reçoivent 1,29% du montant total
Toujours au titre de l’objectif convergence pourront bénéficier d’ un financement spécifique
du FEDER, les régions ultrapériphériques. Le but est de faciliter leur intégration dans le
marché intérieur et de prendre en compte leurs contraintes spécifiques (compensation des
surcoûts dus notamment à l'éloignement).
Les plafonds applicables ou taux de cofinancement applicable à l’objectif 1 convergence
sont variables en fonction des situations suivantes : il est de 75% pour les dépenses publiques
cofinancées par le FEDER ou le FSE. Ce plafond peut atteindre 80% lorsque les régions
éligibles sont localisées dans un Etat membre couvert par le Fonds de cohésion. Il est enfin
porté à 85% si sont en cause des régions ultrapériphériques. Quant au taux de cofinancement
du fonds de cohésion il est de 85% des dépenses publiques. Enfin s’agissant du financement
spécifique du FEDER en vue de compenser les surcouts des régions ultrapériphériques il est
de 50% des dépenses publiques
151 L’Irlande n’est plus éligible au fonds de cohésion dont les principaux bénéficiaires pour la période visée sont la Pologne, la République tchèque, la Hongrie, la Roumanie, la Slovaquie, la Grèce l’Espagne et la Lituanie
130
Dans l’Union européenne à 27 membres, cet objectif concerne 84 régions situées dans 17
Etats membres. Les principaux bénéficiaires de l’objectif 1 convergence hors fonds de
cohésion sont pour la période de programmation financière, la Pologne, l’ Italie, l’Espagne, le
Portugal, la République Tchèque , la Hongrie, la Roumanie et l’Allemagne
2°/ l’objectif 2 Compétitivité régionale et emploi :
L'objectif « Compétitivité régionale et emploi » a pour but de renforcer la compétitivité,
l'emploi et l'attractivité des régions, en dehors de celles qui sont les moins favorisées. Il doit
permettre d'anticiper les changements économiques et sociaux, promouvoir l'innovation,
l'esprit d'entreprise, la protection de l'environnement, l'accessibilité, l'adaptabilité et le
développement de marchés du travail inclusifs. Financé par le FEDER et le FSE., ce nouvel
objectif 2 intéresse deux catégories deux régions qui lui sont éligibles. Les premières sont
celles qui durant la période 2000-2006 ont relevé de l’objectif 1 mais qui ne correspondent
plus aux critères d’éligibilité du nouvel objectif convergence et qui vont bénéficier, à partir
de leur inscription dans une liste établie par la Commission d’un soutien provisoire. Les
secondes sont toutes les régions de la Communauté non couvertes par l’objectif 1
convergence
Pour ce qui est des programmes financés par le FSE, la Commission a proposé quatre
priorités en application de la stratégie européenne pour l'emploi (SEE) : améliorer
l'adaptabilité des salariés et des entreprises, améliorer l'accès au travail, renforcer l'inclusion
sociale et engager des réformes dans le domaine de l'emploi et de l'inclusion.
Les ressources destinées à l’objectif 2 compétitivité régionale et emploi s'élèvent à 49,13
milliards €, soit 15,95% du total, également répartis entre le FEDER et le FSE. Dans le cadre
de cet objectif, les actions peuvent être cofinancées jusqu'à 50% des dépenses publiques. Le
plafond de cofinancement est porté à 85% pour les régions ultrapériphériques.
Dans une Union à 27 Etats membres ce sont 168 régions appartenant à 19 Etats membres qui
sont éligibles au nouvel objectif 2. Les principaux bénéficiaires de cet objectif seront la
France, l’Allemagne, le Royaume Uni, l’Italie, l’Espagne, les Pays Bas et la Suède
3°/ L'objectif « Coopération territoriale européenne » vise, par des initiatives locales
et régionale conjointes, à renforcer la coopération aux niveaux transfrontalier, transnational et
131
interrégional, en se fondant notamment sur l’expérience de l'ancienne initiative
communautaire INTERREG . Il vise à encourager et soutenir des coopérations de trois
types : la coopération transfrontalière (objet d’INTERREG I) concerne des régions ou zones
limitrophes relevant de la souveraineté d’Etats différents. ; la coopération transnationale est
celle qui est développée entre des entités ne relevant pas de la même souveraineté nationale,
la coopération interrégionale est celle qui se développe entre des collectivités infra étatiques
appartenant à des Etats différents. L’objectif coopération territoriale européenne, financé par
le FEDER vise à promouvoir des solutions communes pour des autorités voisines dans les
domaines du développement urbain, rural et côtier, le développement des relations
économiques et la mise en réseau des petites et moyennes entreprises (PME).
Sont éligibles les régions situées le long des frontières terrestres internes, certaines frontières
externes ainsi que certaines régions le long des frontières maritimes séparées par un maximum
de 150 kilomètres. C’est à la Commission qu’il revient d’adopter la liste des régions éligibles.
Le plafond de cofinancement est limité à 75% des dépenses publiques.
Les ressources destinées à cet objectif s'élèvent pour la période 2007-2013 à 7,75 milliards
d'euros, soit 2,52% du total) et sont complètement financées par le FEDER. Ce financement
est réparti entre les différentes composantes : 73,86% au profit de la coopération
transfrontalière ; 20,95% pour la coopération transnationale et 5,19 % la coopération
interrégionale.. Les principaux bénéficiaires de ce nouvel objectif 3 sont la France,
l’Allemagne, l’Italie, la Pologne, le Royaume Uni, l’Espagne, la république Tchèque, la
Hongrie et la Roumanie
B/ une réflexion approfondie sur l’amélioration des coordinations au profit de la
cohésion et une meilleure efficacité de la gestion administrative et financière des
interventions structurelles
Si les modalités traditionnelles ancrées dans les grands principes déjà évoqués de la
complémentarité et du principe d’additionnalité restent inchangées, la réforme de 2006
s’inscrit dans le cadre d’une nouvelle réflexion pour l’amélioration des coordinations et une
mise en synergie véritable avec la stratégie de Lisbonne grâce à une nouvelle approche dite
stratégique (1°) et par de nouvelles modalités de coopération entre la Commission et les
Etats membres pour une gestion plus partagée des interventions financières des fonds
132
structurels, afin de responsabiliser toujours plus les Etats dans l’exécution de ces
interventions (2°)
1°/ le renforcement de la cohérence des interventions des fonds avec les
priorités de l’Union : dimensions stratégique et opérationnelle
Sur le plan stratégique Le nouveau règlement de 2006 prévoit l’adoption d’un
document stratégique global pour la politique régionale, après avis du Parlement. Il s’agit
d’identifier les priorités communautaires de la politique de cohésion en étroite relation avec
la Stratégie de Lisbonne révisée de 2005 pour la croissance et pour l’emploi afin de favoriser
la mise en œuvre de cette dernière. La Commission et les États membres vont veiller à ce que
60 % des dépenses pour l'objectif « Convergence » et 75 % des dépenses pour l'objectif «
Compétitivité régionale et emploi » de tous les États membres de l'UE soient réservés aux
priorités de la stratégie de Lisbonne en matière de : promotion de la compétitivité et création
d'emplois et réalisation des objectifs des lignes directrices intégrées pour la croissance et
l'emploi 2005-2008.
Cette nouvelle approche stratégique, fondée sur les orientations stratégiques pour la cohésion,
aura aussi pour conséquence d’entrainer un nouveau processus de programmation qui
s’appuie sur les orientations stratégiques et met en œuvre un suivi. Comparée à la période de
2000 à 2006, la programmation peut être considérée comme simplifiée : chaque État membre
prépare en effet un document basé sur les orientations stratégiques de la Communauté et qui
serviront de cadre pour la préparation des programmes.
.
Ainsi chaque Etat membre doit-il présenter un cadre de référence stratégique national,
couvrant la période 2007-2013 qui servira de base pour préparer la programmation des fonds.
Ce cadre de référence précise par ailleurs le lien entre les priorités de l’UE en matière de
cohésion et les programmes nationaux de réforme, afin notamment de mesurer les progrès
accomplis dans la réalisation des priorités de l’UE en matière de compétitivité et de création
d’emplois. Ainsi chaque Etat membre devra-t-il à partir de 2007 préciser dans un rapport
annuel de mise en œuvre de son programme national de réforme des développements
consacrés à la contribution des programmes opérationnels cofinancés par les fonds structurels
à la mise en œuvre de son programme de réforme national. Quant à La Commission elle
devra intégrer dans son rapport annuel présenté au Conseil une partie résumant ces rapports
nationaux
133
-Au niveau opérationnel, la Commission approuve des programmes opérationnels
présentés par les Etat membres qu’ils auront préparés sur la base du cadre de référence
stratégique national. Ces programmes couvrent une période comprise entre le 1er Janvier 2007
et le 31 décembre 2013. Un programme opérationnel doit s’inscrire dans un seul des 3
objectifs prioritaires et ne bénéficie que du soutien que d’un seul fonds, FEDER FSE ou
fonds de cohésion. Ce soutien de la Communauté est accordé sur la base de sa pertinence avec
le cadre de référence stratégique nationale et avec les orientations stratégiques de la
Communauté pour sa politique de cohésion. Les soutiens accordés sont modulés en fonction
de plusieurs critères (gravité des problèmes etc..) et ne seront jamais inférieurs à 20% des
dépenses publiques
2°/ le renforcement du rôle des Etats pour une gestion plus décentralisée des
programmes opérationnels
C’est aux Etats membres qu’il revient d’assumer la responsabilité de la gestion et du contrôle
de leurs programmes opérationnels conformément aux dispositions du règlement de 2006 qui
pose les principes fondamentaux de gestion et de contrôle. Ainsi les Etats doivent-ils
identifier, pour chaque programme opérationnel, les organismes concernés par sa gestion et
son contrôle et veiller au respect du principe de séparation de ces deux fonctions. Ainsi pour
chaque programme opérationnel, l’Etat membre devra-t-il préciser une autorité de gestion
(une autorité publique ou un organisme public ou privé national, régional ou local qui gère le
programme opérationnel) , une autorité de certification (une autorité ou un organisme public
national, régioregionale et emploi nal ou local qui certifie les états des dépenses et les
demandes de paiement avant leur envoi à la Commission) et enfin une autorité d’audit (une
autorité ou un organisme public national, régional ou local désigné pour chaque programme
opérationnel et chargé de la vérification du fonctionnement efficace du système de gestion et
de contrôle).
Quant à la Commission elle veille à ce que les Etats aient bien mis en place leur système de
gestion et de contrôle et elle évalue leur efficacité pour la réalisation des programmes
opérationnels. Elle dispose pour cela de deux leviers que sont la réserve nationale de
performance et la réserve nationale pour imprévu. La première qui avait fait son apparition
lors de la précédente programmation de l’agenda 2000 (cf. supra) concerne exclusivement les
deux objectifs, convergence et compétitivité régionale et emploi. Elle représente 3% de leurs
ressources. La réserve nationale pour imprévu constituée de 1% des crédits de l’objectif 1 et
134
de 3% de ceux de l’objectif 2 permet de faire face à des crises sectorielles ou locales
imprévues qui surviennent à la suite de restructurations économiques et sociales
135
PARTIE II : LE DROIT DES POLITIQUES EXTERNES CHAPITRE 4 :
PROPOSITIONS POUR UNE THEORIE GENERALE DES POLITIQ UES EXTERIEURES DE L’UNION EUROPEENNE
Vouloir analyser les politiques extérieures de l’Union n’est pas une chose aisée au regard de
l’éclatement de ces politiques qui ont fait parfois qualifier de schizophrénique le système
d’action extérieure de l’Union. En effet ce dernier recouvre plusieurs politiques extérieures :
la première, d’ordre économique et commercial est régie selon la méthode communautaire par
le traité de Rome. La seconde, relative à la politique étrangère et aux questions de sécurité, est
régie selon la méthode intergouvernementale par le traité de Maastricht sur l’Union.
Vouloir analyser les politiques extérieures de l’Union ne revient pas à exclure de cette
analyse les juristes et la démarche qui leur est propre. C’est une vision contestable en effet
que celle qui tend à vouloir réserver, par une assimilation abusive avec la politique étrangère
des Etats, cette analyse aux politistes, et ce, pour au moins trois raisons : la première tient à
ce que de nombreux problèmes de droit , notamment relatifs à la distribution des compétences
entre l’ Union , la Communauté et les Etats, jalonnent l’histoire de l’action extérieure
économique communautaire et sont à l’origine d’une jurisprudence subtile qu’il faut
connaitre ; la deuxième raison, au premier abord moins évidente, résulte de ce que, même
dans le cadre de l’action extérieure de type politique et qui a trait à la coordination des
politiques étrangères des Etats, le droit est également omni présent. La troisième raison est
que, toutes politiques extérieures confondues, économique avec le traité de Rome, politique
avec l’Acte unique de 1986 et surtout le traité de Maastricht, l’Union européenne postule à
devenir un véritable acteur global sur la scène internationale. Ainsi l’Union relève- t-elle bien
aujourd’hui de l’analyse de la puissance internationale, analyse à laquelle le droit apporte sa
propre contribution. Certes le droit ne saurait à lui seul résumer l’Europe puissance, mais il la
commande en la conditionnant, selon une démarche progressive de juridicisation Il existe
donc bien à l’évidence des contraintes particulières que font peser le droit sur l’action
extérieure de cet objet politique non identifié qu’est l’UE. Développer une analyse de cette
action extérieure qui n’intègrerait pas cette dimension juridique reviendrait à en proposer une
approche tout à fait réductrice.
136
L’objet de ce chapitre introductif est de proposer une grille de lecture juridique,
institutionnelle et matérielle, de l’action extérieure de l’Union afin de permettre au lecteur
les analyses ultérieures qu’il pourra être amené à développer pour l’évaluation de telle ou
telle coopération de l’Union avec un ou plusieurs Etats tiers. Cette acquisition de la méthode
d’évaluation du système d’action extérieure passe en premier lieu par la compréhension du
cadre conceptuel et de la dynamique des politiques extérieures (I). En second lieu elle
nécessite une bonne maitrise des principales problématiques juridiques tant de l’action
extérieure économique et commerciale (II) que de l’action extérieure de type politique.
S’agissant de la lecture juridique de cette dernière qui recouvre aujourd’hui la PESC et la
PESD on n’en proposera qu’une approche très simplifiée (cf. supra Section I §2 B) à travers
son évolution historique et les apports des différents traités à son développement. Une étude
approfondie de cette dernière relève en effet de cours très spécialisés152
SECTION I CADRAGE GENERAL CONCEPTUEL ET HISTORIQUE DES POLITIQUES
EXTERIEURES DE L’UNION EUROPEENNE
Il s’agit ici de rappeler que l’ambigüité qui pèse sur l’action extérieure153 de l’Union,
difficile à définir au regard de sa spécificité par rapport à celle des Etats ou encore des autres
organisations internationales (§1) mais encore de sa dynamique liée aux profondes évolutions
qui sont les siennes depuis les débuts de la construction communautaire (§2)
§1 Le cadrage conceptuel et contextuel propre à l’action extérieure de l’UE
Il existe bien une spécificité de l’action extérieure de l’UE qui peut être appréhendée à partir
de sa dualité particulière et des conséquences qu’elle engendre (A). Si l’analogie avec la
politique extérieure des Etats peut s’avérer parfois commode elle rencontre vite des limites
liées à la prévalence des éléments de l’organisation internationale que reste
fondamentalement l’UE (B) 152 Cf. pour une approche simplifiée les guides PESC et PESD proposés par la Représentation permanente française auprès de l’UE sur son site internet. Pour une approche scientifique et juridique se reporter à FENET (A), (dir.) le droit des relations extérieures de l’UE, LexisNexis, Litec, Paris 2006, pp. 255-306 :contribution de LAMBLIN-GOURDIN (A-S) ; LOUIS (J-V) DONY (M) Commentaire J. MEGRET, volume 12, relations extérieures, pp. 439-588 :contribution DEHOUSSE (F) 153 Par ce terme générique d’action extérieure on entend désigner toutes ses dimensions, qu’il s’agisse de l’action extérieure de type économique (et de l’ensemble de ses politiques : cf. infra) ou encore de l’action extérieure de type politique du deuxième plier de l’Union (PESC et PESD)
137
A/ Une action extérieure schizophrénique et « tricotée à l’envers »
La dimension schizophrénique de l’action extérieure de l’UE tient à son écartèlement entre
une action extérieure économique régie par le traité de Rome (et son ambiance dominante de
coopération intégrée) et une action extérieure de type politique régie par le traité de l’Union
et la logique intergouvernementale. L’écartèlement résulte de ce que les deux types d’action
extérieure connaissent un régime juridique très différend, inspirée de la méthode
communautaire pour ce qui est de l’action extérieure économique, et résolument
intergouvernemental pour ce qui est de l’action extérieure de type politique. Bien évidemment
cet écartèlement pose de manière aigue la question de la cohérence de l’action extérieure. Si
la nécessité de la cohérence est bien proclamée à l’article 3.2 du TUE, son effectivité reste à
bien des égards problématique. Enfin cette dimension schizophrénique n’améliore guère la
visibilité de l’action extérieure de l’Union ni celle des européens puisqu’à l’action spécifique
de l’Union il faut rajouter celle, qui bien évidemment subsiste, des Etats membres. Rares sont
en effet les hypothèses où l’action extérieure de l’UE relève de la compétence exclusive154.
L’absence de visibilité de l’Union et de son action internationale est souvent rappelée à
travers le mot du Secrétaire d’Etat H Kissinger : « L’Europe ? Je ne connais pas… pouvez
vous me donner un n° de téléphone ? »
- « le tricotage à l’envers » de l’action extérieure de l’Union vient de ce que
celle-ci, contrairement aux Etats et à l’histoire de leur action diplomatique155, a commencé par
développer une action extérieure de type économique dans le cadre de sa politique
commerciale. Elle l’a fait dans le cadre du traité de Rome avant que d’envisager la mise en
œuvre d’une action extérieure de type politique aujourd’hui codifiée dans le cadre du traité de
Maastricht. Ce « tricotage à l’envers » n’est pas sans incidence sur une sorte de culture de
l’action extérieure de l’UE qui pense peut-être d’abord en termes d’action économique avant
que de penser en termes politiques comme en en témoigne assez bien la toute dernière
« politique de voisinage »156
154 On soulignera néanmoins l’exemple de la politique commerciale, politique reine de l’action extérieure économique et qui fait une large place à l’attribution de compétences exclusives au profit de la Communauté 155 Les spécialistes de l’histoire des relations internationales font en effet remarquer que les Etats ont commencé à nouer des relations politiques (alliances militaires offensives et défensives) avant que d’imaginer pouvoir développer parallèlement à leurs relations amicales des coopérations économiques à partir de la deuxième moitié du 19ième siècle 156 Il s’agit de la politique de coopération privilégiée mise en place par l’UE avec les Etats tiers situées dans son voisinage proche (Europe centrale et orientale, Méditerranée et Moyen orient), coopération qui vise à synthétiser dans un exercice commun, l’économique et le politique. Un examen attentif de chacun des plans d’action (propre à chaque Etat concerné) mis en place dans le cadre de cette politique de voisinage démontre amplement que la dimension économique de la coopération l’emporte sur la dimension politique
138
B/Une action extérieure qui ne doit pas être confondue avec celle d’un Etat
L’Union parce qu’elle est une organisation internationale reste régie fondamentalement par le
principe de spécialité. Elle n’a donc pas contrairement à un Etat « la compétence de sa
compétence ». Ce principe, mainte fois rappelé dans l’analyse de l’Union et de son
fonctionnement pour la conduite de ses politiques dite internes, est également omniprésent
dans le cadre de son action extérieure. Cela ne saurait surprendre dans le domaine,
d’essence régalienne, des relations extérieures où l’idée même d’un transfert de compétence
ne saurait être admise sans contreparties. Cette spécificité par rapport à celle d’un Etat, de
l’action extérieure de l’Union ne saurait être ignorée. Sans doute son insuffisante prise en
compte joue-t-elle un rôle non négligeable dans les dénonciations, souvent exagérées, de
l’impuissance de l’Union. Ces dénonciations sont en effet exagérées lorsqu’elles portent sur
des inactions qui s’enracinent en réalité dans l’absence de compétence de l’Union.
C/ Une action extérieure propre à une organisation nourrie du modèle de l’intégration.
Si l’action extérieure de l’Union reste bien celle d’une organisation internationale, elle ne
saurait cependant être assimilée à celle de n’importe laquelle de ces organisations.
L’adhésion au modèle de la coopération intégrée et ses implications sur la répartition des
compétences conditionne largement cette action extérieure. Ainsi la question de l’existence ou
de l’absence d’une compétence de l’Union, ou encore de sa nature est par voie de
conséquence omniprésente. Elle nourrit une jurisprudence abondante et subtile du droit
communautaire propre au pilier communautaire. C’est par exemple au droit des relations
extérieures communautaires que l’on doit le développement de la théorie des compétences
implicites157 ainsi que l’analyse la plus détaillée de la compétence exclusive et des
conséquences qui l’accompagnent.
Certes le droit de l’action extérieure du deuxième pilier résiste –il aux grilles de lecture
inventées pour la méthode communautaire. Il reste encore pour l’essentiel imperméable à
l’idée du transfert de compétences propre à la méthode communautaire. Ainsi, n’est –il guère
surprenant que le traité établissant la constitution ait pris le soin de ménager la spécificité de
157 Cf. infra section II
139
la nature de la compétence de l’Union propre à la PESC et à la PESD158. Enfin l’ambiance
très intergouvernementale de la PESC et de la PESD n’excluent pas pour autant l’introduction
à dose homéopathique des recettes habituelles de la coopération intégrée159. Ainsi est –il
devenu classique dans l’analyse juridique de la PESC de souligner les éléments de sa
« communautarisation » certes particulièrement prudente et mesurée
Atomisée, car éclatée entre les deux traités de la Communauté et de l’Union, l’action
extérieure de la Communauté n’est pas pour autant figée. Elle a connu en effet de nombreuses
évolutions comme en témoigne une analyse des différents traités qui ont jalonné l’histoire de
la construction communautaire
§2 Le cadrage juridico historique de l’action extérieure à partir de l’évolution des traités
Cette dynamique de l’action extérieure est perceptible aussi bien pour l’action extérieure
économique du premier pilier (A) que pour l’action extérieure de type politique régie
aujourd’hui par le traité sur l’Union (B). Il est donc particulièrement important de connaitre
les grandes étapes historiques de chacune de ces évolutions qui témoignent des progrès
réalisés pour une action extérieure conçue de plus en plus comme globalisée.
A/ La dynamique de l’action extérieure de type économique
Elle doit être nécessairement appréhendée à travers l’histoire des révisions du traité de Rome
et de la Communauté économique. En 1957, l’attribution à la Communauté de la personnalité
juridique s’accompagne d’attributions expresses de compétences pour la conduite de relations
internationales au demeurant assez rares. Ces compétences se retrouvent en premier lieu aux
articles160 111 à 113 relatifs à la politique commerciale161 ainsi qu’aux articles 229, 230 et
231162. Ces derniers attribuent en effet une compétence expresse à la Communauté pour
coopérer avec certaines organisations internationales, à savoir successivement l’ONU, Le
Conseil de l’Europe et l’OECE. Par ailleurs le traité de Rome a-t-il dès l’origine voulu régir la
158 Ni compétence exclusive, ni compétence partagée, ni compétence d’appui, la PESC et la PESD génèrent une compétence de l’ Union sui generis que le traité établissant la constitution se garde bien de préciser en se contentant de dire ce qu’elle n’est pas 159 On peut ainsi à titre d’exemple souligner l’introduction très progressive et prudente de cas où des décisions de la PESC pourront être prises à la majorité qualifiée : adoption des décisions de mise en œuvre d’une action commune ou depuis le traite de Nice la nomination des représentants spéciaux 160 On utilisera ici la numérotation des articles de la version 1957 des traités 161 Aujourd’hui l’article 113 est devenu l’article 133 162 Aujourd’hui les articles 302 à 304
140
procédure de conclusion des accords que la Communauté avait vocation à conclure par son
article 228163. Enfin l’article 238164 faisait –il une mention expresse de certains accords ayant
pour objet de créer une association et appelant des procédures de conclusion particulières
Une analyse approfondie du traité de Rome, mais aussi de sa tentative de remise en ordre,
opérée par le traité établissant la constitution ainsi que par le traité de Lisbonne, permet de
mettre en exergue une distinction fondamentale pour la compréhension du système d’action
extérieure propre à la Communauté. Cette distinction recouvre d’une part les relations
extérieures stricto sensu (1°) et d’autre part le volet externe de certaines politiques
sectorielles (2°). Ce sont naturellement les premières qui ont connu de très notables
évolutions et qui sont habituellement mises en exergue pour l’évaluation du système d’action
extérieure économique
1°/ les relations extérieures communautaires « stricto sensu » sont celles qui relèvent
du domaine d’action du Conseil des ministres réuni dans sa composition particulière de
« Conseil affaires Générales et Relations Extérieures » (CAGRE) où siègent les ministres des
affaires étrangères des Etats membres165 . Elles recouvrent aujourd’hui la politique
commerciale (a), la coopération au développement (b), l’assistance technique et financière (c)
et l’aide humanitaire (d)
a) la politique commerciale est l’une des politiques originelles du traité de
Rome qui, dès 1957, établit un lien direct entre l’Union douanière et cette politique qui
implique la compétence de la Communauté pour conclure des accords afin de contribuer au
développement harmonieux du commerce mondial. Ainsi l’article 110 (131) mentionne t-t-il
explicitement le recours à la suppression progressive des restrictions aux échanges
commerciaux et la réduction des barrières douanières pour la réalisation de cet objectif.
Politique originelle, la politique commerciale est aussi l’une des politiques réservant à la
Communauté une compétence exclusive. Très rapidement se posera la question de la
délimitation exacte de la politique commerciale, notamment celle de savoir si la libéralisation
des échanges couvre également le commerce des services et celui de la propriété
intellectuelle166. Sous la pression de débats juridiques et politiques entretenus par une
163 Aujourd’hui article 300 164 Aujourd’hui article 310 165 Cette composition particulière du Conseil officialisée par le Conseil européen de Séville traite également des questions relevant de la PESC et de la PESD. La création du CAGRE constitue l’une des réponses apportées par l’Union pour améliorer la cohérence de son action extérieure conformément à l’article 3.2 du TUE 166 Cf. infra section II
141
jurisprudence nourrie et subtile, la politique commerciale connaitra d’importantes révisions
opérées successivement par les traités d’Amsterdam et de Nice :
- le traité d’Amsterdam ajoutera un nouveau §5 à l’article 133. Grâce à ce
dispositif nouveau la Communauté est reconnu expressément compétente pour étendre la
négociation et la conclusion d’accords commerciaux à la libéralisation des services et à la
propriété intellectuelle dans la mesure où les accords commerciaux ne pourraient pas être
considérés comme relevant du champ de la politique commerciale. En réalité il s’agit d’un
dispositif mobilisable au cas par cas qui appelle un processus décisionnel du Conseil
dérogatoire au processus de droit commun applicable dans le cadre de l’article 133. Alors en
effet que ce dernier implique une décision à la majorité qualifiée du Conseil sans qu’une
consultation du Parlement soit explicitement visée, tout accord commercial concerné par une
telle extension au commerce des services et à la propriété intellectuelle nécessitera une
décision du Conseil prise à l’unanimité après avis du Parlement européen.
- le traité de Nice modifie l’alinéa 5 introduit par le traité d’Amsterdam et
introduit un nouvel alinéa 6. Ce nouveau dispositif a pour première conséquence (cf révision
de l’alinéa 5) de mettre fin au régime au cas par cas propre aux accords touchant à la
libéralisation des services et à la propriété intellectuelle167. Désormais ces accords relèvent
bien du régime général imaginé pour les accords commerciaux en 1957. Cependant comme
souvent cette extension de la compétence communautaire s’accompagne de contreparties et
garanties concédées aux Etats membres. Ainsi l’alinéa 5 maintient-il l’exigence de
l’unanimité pour les accords commerciaux comprenant des dispositions pour lesquelles
l’unanimité est requise pour l’adoption des règles internes ou encore lorsque l’accord porte
sur un domaine dans lequel la Communauté n’a pas encore exercé les compétences internes
qui sont les siennes168. Enfin le nouvel alinéa 6 exclut la compétence communautaire pour
conclure un accord qui comprendrait des dispositions qui excéderaient les compétences
internes de la Communauté. Il vise également à ménager le caractère d’accords mixtes169 des
accords conclus dans le domaine des services culturels et audiovisuels, des services
d’éducation, des services sociaux et de santé humaine. Ces accords sont ainsi négociés et
167 S’agissant de ces derniers seuls sont concernés les accords portant sur les aspects commerciaux de la propriété intellectuelle 168 Il s’agit d’un dispositif visant expressément à interdire toute extension de compétence construite sur la base du raisonnement emprunté aux jurisprudences AETR et Kramer : cf. infra section II. 169 Un accord mixte est un accord qui relève à la fois de la compétence communautaire et de celle des Etats membres et dont la conclusion nécessite l’accord non seulement de la Communauté mais aussi de chacun des Etats membres (en plus de celle du « cocontractant », Etat tiers ou organisation). Ces accords dont la procédure de conclusion est particulièrement lourde sont à l’origine de l’apparition de techniques d’entrée en vigueur provisoire de l’accord limitée à sa dimension exclusivement communautaire (cf. article 300.2)
142
conclus conjointement par la Communauté et par les Etats membres dont la compétence est
expressément protégée pour empêcher toute interprétation extensive de la compétence
communautaire.
b) la politique de coopération au développement, introduite aux articles 177 à
181 traité de Rome par le traité de Maastricht constitue le premier exemple de l’extension des
compétences extérieures communautaires par une nouvelle politique qui s’adresse
explicitement aux pays en voie de développement. Cette habilitation expresse au profit de la
Communauté ne fait en réalité qu’entériner des pratiques antérieures car l’action de la
Communauté en faveur des PVD n’a pas attendu cette autorisation explicite d’agir. Il n’en
reste pas moins vrai que cette autorisation d’agir explicite la nécessaire autonomisation de
l’action qui en 1957 avait été prévue en faveur des pays et territoires associés des Etats
membres. L’accession à l’indépendance de nombre d’anciennes colonies a rendu nécessaire
que l’on distingue bien entre l’aide que la Communauté continue de développer au profit des
Pays et territoires d’outre mer restant sous la souveraineté des Etats membres et bénéficiant
du statut de territoires associés, et l’aide aux pays souverains et en voie de développement
dans le cadre du dialogue Nord Sud. Il est donc particulièrement important de distinguer la
première qui ne fait pas partie des relations extérieures communautaires170, de la seconde qui
au contraire en fait intégralement partie.
Lors de la négociation du traité de Maastricht a été beaucoup discutée la question de savoir
si l’action de l’Union en faveur des PVD devait être rattachée au pilier communautaire ou au
contraire au deuxième pilier de la PESC. Le choix en faveur de la Communauté est très
important. Il s’explique sans doute par la volonté de ne pas « décommunautariser » l’action
déjà existante et le rôle moteur assumé en la matière par la Commission. Les objectifs
assignés à la coopération au développement sont également assez significatifs de sa « mixité »
économique et politique. Cette politique repose en effet sur trois objectifs économiques et un
objectif politique. Parmi les premiers figurent la promotion du développement économique et
social durable des PVD et plus particulièrement les plus pauvres d’entre eux, la lutte contre la
pauvreté et enfin l’objectif de favoriser l’intégration harmonieuse et progressive des PVD
dans le commerce mondial. Quant à l’objectif politique il concerne la contribution de la
coopération avec les PVD au développement et à la consolidation de la démocratie, de l’état
de droit et du respect des droits de l’homme. Ainsi doit-on au traité de Maastricht
l’articulation entre l’action extérieure de la Communauté au profit des PVD avec ses valeurs
170 Le régime juridique spécifique de l’aide de la communauté aux territoires associés de ses Etats membres est régi par l’article 131 TCE
143
qu’elle entend promouvoir sur la scène internationale et l’émergence de ce que l’on prendra
l’habitude de qualifier de « politique des droits de l’homme de la Communauté »171. On sait
aussi que les progrès de la prise en compte du tryptique des valeurs dans les relations internes
du système se feront encore attendre et entretiendront le reproche souvent opposé au système
Communautaire d’aller rechercher la paille dans l’œil de ses partenaires les plus faibles tout
en ignorant la poutre qui subsiste au plan de son fonctionnement interne172
La politique de coopération au développement est une politique où la Communauté dispose
d’une compétence partagée avec les Etats membres. Elle a été très rapidement qualifiée par la
jurisprudence et ce avant même sa qualification explicite dans le traité à l’article 177 de
compétence complémentaire de celle des Etats membres. Cette nature particulière est
rappelée à plusieurs reprises dans le traité de Rome. Ainsi l’article 180 TCE mentionne t-il
expressément que la Communauté et les Etats membres coordonnent leurs politiques. De
même l’ ‘article 181.2, conformément à une technique juridique qui s’est beaucoup
développée réserve –t-il la compétence des Etats membres pour empêcher la « dérive »
empruntée à la jurisprudence AETR et interdire que l’ exercice par la Communauté de sa
propre compétence puisse entrainer à son profit la naissance d’une compétence exclusive.
Ainsi la différence de nature entre la compétence exclusive détenue par la Communauté au
titre de la compétence commerciale et sa compétence simplement partagée au titre de la
coopération au développement sera-t-elle amenée à jouer un rôle significatif dans l’hypothèse
d’un traité contenant à la fois des dispositions commerciales et des dispositions de
coopération au développement173. On signalera enfin que les actes unilatéraux pris dans le
cadre de la coopération au développement relèvent de la procédure de codécision visée à
l’article 251 TCE qui est la procédure la plus favorable au Parlement. Quant aux accords
internationaux conclus dans ce domaine ils relèvent de la procédure de droit commun prévue
à l’article 300TCE
c) l’assistance technique et financière a été introduite par le Traité de Nice dans
le traité de Rome à l’article 181 A. Cette assistance technique ne doit pas être confondue ni
171 Cette politique prendra notamment la forme de la conditionnalité politique subordonnant l’établissement ou la continuation de relations de coopération économique et commerciale au respect de conditions politiques comme le respect de la démocratie, de l’état de droit et des droits de l’homme 172 Il faudra en effet attendre le traité d’Amsterdam pour que la conditionnalité de l’adhésion fondée sur le respect de la démocratie de l’état de droit et des droits de l’homme soit introduite dans les traités de même que les procédures visant à sanctionner l’Etat membre auteur d’une violation de ces principes 173 Cf. infra section II et plus particulièrement l’avis relatif à l’accord sur le caoutchouc naturel
144
avec la coopération au développement174, ni avec l’aide à la balance des paiements, c'est-à-
dire l’assistance macro financière sous forme de prêts accordées par la Commission.
L’introduction en 2000 de l’assistance technique et financière ne signifie pas qu’il n’y a pas
eu antérieurement d’action communautaire en ce sens : simplement elle a permis la
systématisation et la codification d’une pratique antérieure qui était à la fois foisonnante et
peu claire. En effet pendant très longtemps ce sont les PVD qui ont bénéficié de cette
assistance technique et financière dans le cadre de la coopération au développement. Mais
avec notamment la chute du communisme la Communauté a beaucoup développé ses actions
de coopération économique technique et financière au profit d’Etats qui ne relèvent pas de la
catégorie des PVD. Ainsi en a-t-il été de la coopération technique et financière avec des pays
en transition, coopération dont l’objet était sensiblement différent de l’assistance aux PVD,
par exemple l’assistance en matière industrielle, de recherche et de développement, pour la
promotion de l’investissement ou encore pour le développement des services bancaires ou la
lutte contre le blanchiment d’argent. On soulignera néanmoins qu’au-delà des différences
évidentes voulues avec la coopération au développement, l’assistance technique et financière
prévue à l’article 181A se voit également assigner pour objectif la promotion et la défense de
la démocratie de l’état de droit et des droits de l’homme. Enfin il n’est pas inutile de souligner
que l’autonomisation et la clarification opérées par le traité de Nice ont pour conséquence
l’application d’un processus décisionnel distinct de celui de la coopération au développement
et qui démontre clairement la volonté des Etats membres de conserver la maitrise et le
contrôle de ce type de coopération. Ainsi les actes unilatéraux sont-ils adoptés par le Conseil à
la majorité qualifiée après consultation simple du Parlement175. Quant à la conclusion des
accords internationaux dans ce champ elle connait un régime juridique double. Il existe ainsi
un premier régime de droit commun conforme à l’article 300 TCE. Cependant les accords
d’association ainsi que ceux conclus avec des candidats à l’adhésion se voient –ils appliquer
un régime distinct176.
d) l’aide humanitaire n’a pas contrairement aux trois autres politiques
extérieures un régime spécifique du fait de sa dimension doublement transversale : l’aide
174 Il est ainsi particulièrement important de distinguer les aides publiques communautaires au développement accordées aux PVD sur la base de la politique de coopération au développement et les aides publiques aux Etats tiers qui relèvent de l’assistance technique et financière 175 On rappellera pour mémoire que ce type de processus décisionnel, contrairement aux procédures de codécision et de coopération interdit tout pouvoir d’amendement au Parlement. 176 Conformément à l’article 310, ils nécessitent une décision à l’unanimité du Conseil ainsi que l’avis conforme du Parlement
145
humanitaire concerne en effet aussi bien les Etats membres177 que les Etats tiers ; enfin elle
intéresse aussi bien l’action extérieure de type économique (coopération au développement et
coopérations avec des tiers non PVD) que de type politique (gestion des crises et des conflits).
Dans le cadre de son action extérieure, la Communauté a développé l’aide alimentaire conçue
comme une composante de sa politique d’aide au développement178 et de sa dimension
structurelle, cette dernière pouvant être complétée par l’aide alimentaire d’urgence.
Aujourd’hui la délimitation du champ179 et le régime juridique applicables à l’aide
humanitaire sont contenus dans le règlement modifié n° 1257/96 du Conseil en date du 20
juin 1996. Ce règlement fondateur correspond à une remise en ordre de l’aide humanitaire
développée jusque là par la Communauté et qui attribue la responsabilité de sa mise en œuvre
à la Commission. Cette dernière est assistée dans sa tache par l’office ECHO, crée dès 1992
et qui bénéficie notamment d’une délégation de la part de la Commission pour les décisions
de première urgence180
2°/ le volet externe des politiques sectorielles n’entre pas normalement dans le champ
dit des relations extérieures de la Communauté ni par voie de conséquence dans celui des
compétences du CAGRE.
Il s’agit ici de souligner un phénomène assez bien connu de la politique extérieures des Etats,
ou la présence d’un Ministère spécialisé dit de la politique étrangère n’exclut pas pour autant
le développement de services de relations internationales et d’activités de coopérations dans
certains ministères sectoriels, éducation, environnement, etc.. La construction communautaire
connait ainsi le même phénomène de politiques sectorielles qui sont explicitement dotées
d’ «un volet externe » autorisant les coopérations internationales avec soit des Etats tiers soit
avec des organisations internationales. Tel est le cas par exemple de l’Union économique et
monétaire (article 111 TCE), de la politique de la recherche et du développement (article 170
177 La communauté s’est en effet d’abord intéressée à l’aide humanitaire à apporter aux Etats membres lors de la survenance de catastrophes naturelles ou humaines 178 La Communauté a pu également développer ce type d’action au profit d’Etats, qui sans être des PVD, ont pu traverser certaines difficultés, l’exemple le plus probant étant l’aide alimentaire apportée à la Pologne communiste 179 Ce dernier couvre bien d’autres actions que l’aide alimentaire, comme par exemple des actions de prévention de catastrophe et des actions de reconstruction après des conflits 180 Il s’agit en l’occurrence de la première procédure existante et qui concerne des actions d’une durée maximale de 3 mois et dont le budget n’excédera pas 3 millions d’Euros et dont la décision peut être prise par le directeur d’ECHO. Cette première procédure est complétée par deux autres : la procédure d’habilitation selon laquelle cette fois ci , le Commissaire en charge de l’action humanitaire, peut décider pour des actions d’urgence ne dépassant pas 6 mois ainsi qu’un budget de 30 millions d’Euros ainsi que des actions non urgentes n’excédant pas 10 millions d’Euros : la procédure dite écrite pour toutes les décisions ne relevant pas des deux premières procédures. Naturellement ces procédures de décision s’accompagnent-t-elles d’une comitologie adaptée.
146
TCE) de la politique de l’environnement (article 174.4 TCE) de la politique des réseaux
transeuropéens (article 155.3), de la politique de la santé publique (article 152.3), de la
politique de la culture (article 151.3 TCE) de la politique de l’éducation de la formation et de
la jeunesse (149.3). Il n’échappera cependant pas au juriste averti les différences notables
pouvant exister dans la définition de ces volets externes des politiques internes proposée par
le Traité de Rome. Dans certains cas la reconnaissance de la compétence externe de la
Communauté se limite à l’affirmation qu’elle favorisera la coopération181 avec les Etats tiers
et les organisations internationales compétentes dont certaines sont parfois expressément
visées.182. Dans d’autres hypothèses elle va beaucoup plus loin et implique l’attribution d’une
compétence expresse de conclure des accords internationaux183 avec des Etats tiers ou des
organisations internationales. La conclusion de ces accords relève tantôt du régime de droit
commun de l’article 300 TCE tantôt d’un régime dérogatoire comme c’est le cas pour l’UEM.
B/ la dynamique de l’action extérieure de type politique : de la CPE à la PESC
Elle peut être saisie à partir de la distinction qu’il convient de faire entre « l’avant » et
« l’après Maastricht ». En effet il a existé entre les Etats membres, et malgré les difficultés de
sa mise en œuvre, une coopération dans le domaine de la politique étrangère dès 1970. La
Coopération politique européenne (CPE) constitue en quelque sorte, mais avec des différences
notoires (1°), « l’ancêtre » de l’actuelle PESC établie par le Traité de Maastricht (2°)
1°) La coopération politique européenne (CPE) trouve son origine dans le
rapport DAVIGNON rendu en 1970 à l’invitation des chefs d’Etat et de gouvernement réunis
lors du sommet de la Haye en 1969. La CPE traduit la volonté des Etats de jeter les premières
bases d’une Union politique qui viendrait compléter l’Union économique mise en place grâce
au Traité de Rome et à la Communauté économique européenne. Les difficultés qui ont été,
depuis les débuts de la construction communautaire, celles des Etats pour s’entendre sur les
modalités de l’Union politique sont bien connues. Elles sont à l’origine d’échecs retentissants
comme ceux de la Communauté européenne de défense (CED) ou encore des deux plans
Fouchet de 1960 et 1961. Ce premier résultat concret en matière d’union politique que
représente la CPE obéit néanmoins à certaines caractéristiques, qu’il s’agisse de son
caractère informel (a), de sa volonté de récuser la méthode communautaire (b) et de son
181 Tel est le cas pour les politiques de l’éducation de la formation professionnelle et de la jeunesse, de la culture, et de la santé publique. 182 Cf. le Conseil de l’Europe pour la coopération internationale dans le domaine des politiques de l’éducation de la formation professionnelle et de la jeunesse, et de la culture. 183 Tel est le cas des réseaux transeuropéens, des politiques la RED, de l’environnement, et de l’UEM
147
autonomie par rapport à l’Union économique représentée par la Communauté du même nom
(c)
a) La CPE, créée à la suite du rapport DAVIGNON ne connaitra pas de
codification formelle avant l’Acte unique de 1986. Ses instances comme ses instruments ou
encore ses modalités de fonctionnement évolueront au gré de décisions arrêtées par les chefs
d’Etat et de gouvernement, suite le plus souvent à des rapports présentés par des groupes
d’experts. Certaines de ses évolutions sont plus connues que d’autres, comme par exemple la
décision d’élargir le champ de la coopération d’abord limité à la politique étrangère aux
affaires relevant de la justice et des affaires intérieures184, ou encore la création d’une
procédure d’urgence en cas de circonstances exceptionnelles et qui jettera les premières bases
de la gestion des crises internationales. L’acte unique de 1986 mettra fin à cette approche
informelle reposant sur une succession de « gentlemen’s agreement ». Son titre III formé
d’ailleurs d’un seul article (l’article 30, il est vrai décliné en de nombreux développements
particuliers,) donnera sa première existence formelle à cette coopération dans les domaines
politiques
b) la récusation de la méthode communautaire et de la coopération intégrée
pour la coopération politique est affirmée dès le rapport DAVIGNON. C’est donc bien dans
une ambiance classique de coopération intergouvernementale que se développera cette
coopération. Les Etats ne sont en effet pas prêts à concéder dans le domaine régalien de la
politique étrangère des transferts de compétence. La Compétence de l’Union, en laissant
intégralement subsister celle des Etats membres, doit être considérée comme une compétence
parallèle de ces derniers et dont les termes, singulièrement limités à la coordination de leurs
politiques nationales, excluent toute obligation contraignante à leur encontre.
c) l’autonomie complète de la CPE par rapport à la CEE est garantie par
l’existence de structures ad hoc, extérieures au système institutionnel des Communautés. Ces
structures ad hoc ont été conçues dès le rapport DAVIGNON, qu’il s’agisse du Comité
politique ou CoPo185, du groupe des correspondants européens186, ou encore des groupes de
travail187. Ces structures ad hoc assistent le Conseil dans le cadre des fonctions qui sont les
184 Cette extension de la CPE est due au rapport de Copenhague de juillet 1973 185 Composé des directeurs politiques des ministères des affaires étrangères des Etats membres, il a vocation à préparer les réunions CPE du Conseil, et a garantir la continuité des travaux de la CPE. Son rythme de réunion a été porté de 4 à 12 par an grace au rapport de Copenhague précité 186 Composé de diplomates travaillant sous l’autorité des directeurs des affaires politiques, ils sont les interlocuteurs pré désignés pour toute question concernant la CPE et relevant de l’obligation d’information mutuelle et de concertation constituant la base même du fonctionnement de la CPE 187 Composés au gré des grands dossiers thématiques ou géographique de la CPE, ils réunissent les diplomates qui chacun dans leur propre ministère des affaires étrangères, sont en charge du suivi de ces dossiers
148
siennes pour la mise en œuvre de la CPE, Le Conseil étant mobilisé non pas en tant
qu’institution communautaire mais en temps qu’institution de la CPE188, c'est-à-dire avec un
rythme de réunion mais surtout des compétences et un mode de fonctionnement distincts.
L’autonomie institutionnelle de la CPE apparait également dans le fait que si les Institutions
existantes (Conseil, Commission, Parlement) sont en effet mobilisées pour la CPE c’est avec
un statut et des pouvoirs qui ne sont en rien comparables avec les leurs dans le cadre de la
CEE. L’exemple sans doute le plus significatif étant celui de la Commission qui dans le cadre
de la CPE n’est ni instance d’initiative ni instance d’exécution et qui est simplement associée
(selon des modalités qui évolueront dans le temps) aux travaux de la CPE .Enfin l’autonomie
de la CPE est aussi fonctionnelle quant on constate que ses instruments sont notoirement
différents de ceux de la CEE. Ils ne sauraient être normatifs et se limitent aux instruments de
la diplomatie traditionnelle, information mutuelle, consultation et concertation. Il n’existe
donc aucune place ni pour des règlements ni pour des directives dans une telle coopération
2°) La création de la PESC par le traité de Maastricht marque un saut qualitatif
important par rapport à l’ancienne CPE.
L’objectif affiché est en effet de mettre en place une véritable politique étrangère européenne
permettant à l’Union de devenir un acteur majeur de la scène internationale en ne se limitant
pas seulement à la coordination des politiques nationales des Etats membres. L’Union
politique traduit ainsi le passage de l’Europe espace (traduisez l’Europe espace économique) à
l’Europe puissance. Il n’en reste pas moins vrai que la récusation de la méthode
communautaire subsiste et que les moyens mis en œuvre au service des objectifs affichés par
le traite de Maastricht (a) ont été l’objet de commentaires contrastés. On ne saurait cependant
ignorer le phénomène de la dynamique qui a vu la PESC se modifier de manière conséquente
au gré des différents traités d’Amsterdam (b) de Nice (c) et enfin de Lisbonne (d)
a) le Traité de Maastricht met fin à l’autonomie institutionnelle de la CPE (1.),
ce qui n’implique pas pour autant l’abandon de la méthode intergouvernementale qui apparait
tant au niveau du statue spécifique des grandes institutions que du processus décisionnel (2.).
Il n’en resta pas moins vrai que le traité de Maastricht a pour premier apport de faire accéder
188 Ainsi est-il arrivé en 1973 que, alors même que se rejoignaient les agendas du Conseil, Institution communautaire, et du Conseil Institution de la CPE, les réunions aient été formellement distinguées, celle de la Communauté à Bruxelles, et celle de la CPE dans la capitale de l’Etat assurant la Présidence conformément aux règles de fonctionnement de la CPE
149
la PESC à la normativité (3.) tout en proposant également des recettes de mise cohérence avec
le pilier communautaire et son action extérieure spécifique (4.)
1. le Traite de Maastricht en proclamant comme principe fondateur
celui de l’unité institutionnelle de l’Union met fin au statut d’extériorité qu’avait connu la
CPE. Ainsi les instances ad hoc de l’ex CPE, qui naturellement subsistent au regard de leur
contribution incontournable à la mise en œuvre de la coopération dans le champ de la
politique étrangère sont –elles ramenés « dans le giron « de l’Union désormais unifiée. Le
Copo, ramené à un statut de simple comitologie se voit rappeler l’exclusivité du COREPER
pour la préparation des travaux du Conseil, ce dernier se réorganisant en profondeur pour
assumer la prise en charge de la préparation des travaux PESC du Conseil.
2. le maintien de la logique intergouvernementale pour la coopération
dans le domaine qualifié désormais de PESC est indiscutable. Il a pour conséquence de laisser
subsister un statut différent de celui du pilier communautaire pour chaque grande institution.
Le Conseil et la Présidence restent les instances qui assument le rôle moteur de la PESC, la
Commission est seulement associée et le Parlement simplement informé de l’évolution de la
PESC sans même détenir un quelconque pouvoir de consultation sauf du fait de la présidence
pour les choix fondamentaux de la PESC . Le processus décisionnel de droit commun du
Conseil est l’unanimité, cette dernière connaissant des déclinaisons, mais aussi des
dérogations qui vont évoluer au gré des traités ultérieurs, et notamment celui d’Amsterdam
3. L’accession de la PESC à la normativité constitue sans doute l’un
des apports majeurs du Traité de Maastricht. Si les instruments de la diplomatie traditionnelle
sont maintenus (article 16 TUE) surgissent désormais les actes juridique de la PESC,
positions communes (article 15 TUE) ou actions communes (article 14 TUE) qui engagent
les Etats membres dans leur politique nationale. Il existe donc désormais un corpus juridique
de la PESC qui est créatrice d’actes juridiques appartenant à une typologie des actes qui lui
est propre.
4. Au-delà de l’affirmation du principe de cohérence de son action
extérieure figurant désormais à l’article 3.2 du TUE, le traité de Maastricht organise
explicitement deus types de passerelles qui concernent les deux systèmes d’action extérieure
économique et politique. La première passerelle figure à l’article 11 du TUE et concerne le
Budget de la PESC. Politique intergouvernementale il est logique que les dépenses
occasionnées soient mises à la charge des Etats membres et ne relèvent pas du budget
communautaire. Cependant le TUE prévoit explicitement que si le Conseil en décide à
l’unanimité des dépenses occasionnées par la PESC pourront être assumées par le Budget
150
communautaire. La seconde passerelle intéresse les sanctions économiques : l’article 301 du
TCE prévoit que le recours aux sanctions décidées dans le cadre d’une action ou position
commune de la PESC appelle une mesure du Conseil sur proposition de la commission sur la
base du traité de Rome. Une sanction économique fait ainsi l’objet d’une double décision, de
la PESC en premier lieu et de la Communauté en second lieu.
b) le traité d’Amsterdam présenté à juste titre comme un échec du point de vue
de la réforme des institutions est en revanche un traité très riche s’agissant de la PESC dont il
a modifié l’architecture institutionnelle (1.), la typologie des actes (2.), les instruments (3.) et
le processus décisionnel (4.)
1. C’est au traité d’Amsterdam que l’on doit des innovations sensibles
du point de vue des institutions particulièrement marquantes dans l’histoire de la PESC :
- la création du Haut représentant pour la PESC constitue une innovation fondamentale
qui a permis de donner un visage à la PESC ou pour reprendre la formule de H Kissinger un
n° de téléphone. En réalité cette création est plus celle d’une fonction que d’une institution
nouvelle proprement dite. En effet le choix qui a présidé à cette création (après nombres de
discussions au sein de la Conférence intergouvernementale chargée de la révision des traités,
de l’Union et de la Communauté) a été celui de confier cette fonction particulière au
Secrétaire Général du Conseil. Il a été en effet jugé peu opportun de créer encore une nouvelle
instance à propos de laquelle il aurait fallu régler l’épineuse question de son insertion dans
l’architecture institutionnelle déjà existante et plus particulièrement de son articulation avec
les autres institutions et organes préexistants. Il n’en reste pas moins vrai que le choix
d’utiliser une instance du Conseil plutôt que de la Commission est révélatrice de la volonté
des Etats de ne pas laisser la méthode communautaire envahir cette nouvelle instance.
- la création de l’UPAR, unité de planification et d’alerte rapide, dont on attend le
développement d’une capacité d’analyse commune des grands dossiers de politique
étrangère et de sécurité, est également due au traité d’Amsterdam
2. du point de vue des actes c’est à ce même traité d’Amsterdam que
l’on doit l’enrichissement de la typologie établie par le traité de Maastricht et reposant sur la
distinction des positions communes et des actions communes. La création d’une nouvelle
catégorie d’acte, celle des « stratégies communes » n’est pas sans conséquences notamment
celle du « déverrouillage » du processus décisionnel de l’unanimité applicable à la PESC. En
151
effet toute position ou action commune prise sur la base d’une stratégie commune pourra être
adoptée à la majorité qualifiée
3. Par ailleurs la politique de sécurité s’est enrichie de l’instrument des
« missions de Petersberg » que l’UE est désormais habilitée à développer comme contribution
particulière à la sécurité internationale189 et à la gestion des crises. Aujourd’hui la mission de
Petersberg, opérations internationale de paix constitue l’instrument roi de la PESD. Au regard
d’une pratique qui n’est pas négligeable et qui a commencé avec la première mission dite
ARTEMIS qui s'est déroulée du 12 juin au 1er septembre 2003 en RDC, il est désormais
devenu classique de distinguer au sein des missions de Petersberg, les opérations civiles
mobilisant des personnels non militaires (magistrats policiers, administrateurs et personnels
de protection civile) des opérations militaires qui font appel aux capacités militaires mises à la
disposition de l’ UE par les Etat membres. S’agissant de ces opérations militaires il est
également important de distinguer entre celles qui ont été réalisées en faisant appel aux
moyens de l’ OTAN190 et celles qui ont été réalisées de manière totalement autonome par l’
UE et ses Etats membres
4. Du point de vue des procédures, le mécanisme de l’abstention
constructive a été introduit à l’article 23 du TUE. En permettant l’adoption d’une décision de
la PESC alors même qu’elle n’a pas recueilli un vote positif de l’ensemble des Etats membres,
ce mécanisme constitue un assouplissement de l’unanimité qui reste bien évidement le
processus décisionnel applicable à la PESC. Point n’est besoin ici de souligner outre mesure
qu’il n’existe pas une seule modalité possible de l’unanimité mais bien plusieurs et qui
peuvent être déclinées de manière plus ou moins souple comme en témoigne parfaitement
l’article 23 qui n’assimile pas l’abstention d’un Etat à un vote négatif.
c) le traité de Nice est également important pour l’histoire du développement de la
PESC. C’est en effet à lui que l’on doit l’apparition dans le TUE des instances ad hoc de la
PESC et plus particulièrement de la PESD nécessaires à la gestion notamment militaire des
189 Il est ici important de souligner la dimension rationae loci de la mission de Petersberg qui n’a pas vocation à se développer sur le territoire d’un Etat membre mais bien sur le territoire d’un Etat tiers. Naturellement une telle mission ne peut se développer que dans le strict respect du droit international, à savoir avec le consentement de l’ Etat concerné ou encore sur mandat de l’ ONU 190 Elles sont alors qualifiées de « missions Berlin plus » par référence aux accords du même nom conclu en mars 2003 entre l’ OTAN et l’ UE et selon lequel l’ UE bénéficie d’un accès garanti aux moyens et capacités de l’ OTAN
152
crises internationales (1.). Par ailleurs le Traité de Nice franchit le pas que n’avait pas voulu
franchir le traité d’Amsterdam en autorisant les coopérations renforcées dans le domaine de la
PESC (2.).Enfin il contribue à clarifier certaines interrogations qui s’étaient développées sur
la capacité reconnue à l’Union par le traité d’Amsterdam de conclure des accords
internationaux dans le cadre de la PESC (3.)
1. la création des organes de gestion des crises résulte des décisions
prises à l’occasion des conseils européens d’Helsinki de décembre 1999 et de Nice de
décembre 2000191. Une place particulière doit être faite à l’un d’entre eux, le COPS qui
bénéficie d’une forme de « constitutionnalisation » liée à la modification, par le traité de Nice,
de l’article 25 du traité sur l’Union. Ce dernier transforme l’ancien comité politique (CoPo)
hérité de la CPE en Comité politique et de sécurité (ou COPS) dont le statut, les missions et
les compétences sont singulièrement accrus. Ce dernier devient en effet une instance
permanente de représentation des Etats qui se voit charger, sous la responsabilité du Conseil,
du contrôle politique et de la direction stratégique de gestion des crises. Le nouvel alinéa 3 de
l’article 25 organise même un mécanisme de délégation de compétence du Conseil au COPS,
que le Conseil devra préciser cas par cas, pour prendre les décisions appropriées relatives au
contrôle politique et à la direction stratégique d’une opération.
Instance politique composée des diplomates représentant leur Etat membre, le COPS peut
s’appuyer sur des instances militaires telles que le Comité militaire et l’Etat major de
l’Union européenne qui doivent également leur création aux conseils européen d’Helsinki et
de Nice192.
- Le premier, composé des chefs d’état major des armées de chaque Etat membre ou
de leurs délégués, est présidé pour 3 ans par l’un d’entre eux nommé par le Conseil sur
recommandation du Comité lui-même.
- Le second n’est pas un organe intergouvernemental mais bien plutôt de nature
intégrée193 et de composition multinationale ayant vocation à développer sous l’autorité du
Comité militaire, les tâches liées au commandement des opérations militaires ; En effet 191 On soulignera que les Conseils européens ont, conformément au statut particulier du Conseil européen impulsé l’idée, et que la création effective de ces instances résulte de décisions du Conseil intervenues ultérieurement pour d’abord installer des instances intérimaires puis définitives dans le courant de l’année 2001 192 Selon le processus évoqué supra note 40 193 Il s’agit bien ici d’intégration militaire qui n’a rien à voir avec l’intégration politique et qui est liée à la mise en place de structures militaires multinationales, tant du point de vue des capacités (bataillon, brigade division) que des structures de planification militaires et des chaines de commandement (Etats majors stratégique, d’opération ou de terrain)
153
composés de militaires détachées de leurs forces armées nationales, ils assument de manière
multilatérale ces tâches spécifiquement militaires. Ces deux instances militaires, Comité
militaire ou Etat major sont directement inspirées de modèles préexistant bien connus comme
celui de l’OTAN. Ils constituent l’architecture institutionnelle incontournable pour toute
organisation interétatique développant des missions de gestion militaire de crise. Leur
création en 2001 a considérablement modifié le paysage de la PESC194 et constitue la date de
naissance officielle de la PESD, composante sécurité défense du deuxième pilier de l’UE.
2. l’autorisation des coopérations renforcées dans le domaine de la PESC
constitue une avancée importante dans la mesure où les Etats l’avaient écarté lors de
l’adoption du traité d’Amsterdam. Il n’en reste pas moins vrai que son régime juridique fixé
aux articles27.A à 27.E est très particulier195 puisqu’il exclut notamment la coopération
renforcée pur les questions ayant des implications militaires. Dit autrement la coopération
renforcée est possible dans le cadre de la PESC mais interdite dans le cadre de la PESD
3. Le traité de Nice est également venu préciser la nature et la procédure de
conclusion des accords conclus par l’Union dans le domaine de la PESC sur la base de
l’article 24 TUE. Il a ainsi permis de mettre fin à la controverse doctrinale196 relative à la
nature exacte, accord de l’Union ou accord des Etats membres, des traités conclus dans ce
domaine et dont la spécificité de la procédure de conclusion par rapport à celle applicable aux
accords de la Communauté est rappelée197 aux alinéas 2 à 4 de l’article 24 TUE
d) le traité de Lisbonne reprend l’essentiel des révisions proposées pour la
PESC et la PESD Par le traité établissant la Constitution.198 Certaines ne sont pas spécifiques
194 Il est par exemple traditionnel de souligner que la CPE d’abord et puis la PESC dans ses premières années, avaient été, jusque là, des coopérations exclusivement diplomatiques prises en charge par des agents, diplomates de carrière relevant de leurs ministères des affaires étrangères. Le Comité militaire comme l’Etat major ont ainsi massivement introduit les personnels spécifiques de la défense dans la PESC dont certains n’ont pas hésité à dire qu’elle était désormais envahie par les uniformes 195 Cf. chapitre introductif sur la théorie générale des politiques communes page 8 196 Le traité d’Amsterdam avait admis que puissent être conclus des accords dans le domaine de la PESC alors même que l’Union ne disposait pas de la personnalité juridique internationale ce qui avait laissé penser qu’ils ne s’agissaient pas d’accord de l’Union elle-même mais des Etats membres.. Le nouvel § 6 de l’article 24 précise désormais que « les accords conclus selon les conditions fixées par le présent article lient les institutions de l’Union » 197 Ainsi pour ce type d’accord c’est la Présidence qui négocie et non pas la Commission, et c’est le Conseil qui conclut soit à l’unanimité soit dans certains cas à la majorité qualifiée. Le Parlement sera quant à lui, ni consulté ni même simplement informé. 198 On rappellera néanmoins sur le plan formel le choix de renoncer au texte unique. Avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne subsistera le système de deux traités : le premier dit traité de l’Union (TUE) reprend pour
154
à la PESC et à la PESD car elles touchent à l’ensemble du système d’action extérieure,
économique et politique, de l’Union (1). D’autres innovations touchent au contraire
directement à la PESC et à la PESD (2)
1. les innovations touchant à l’ensemble du système d’action extérieure.
Elles témoignent de la volonté d’adapter les institutions de l’Union afin de lui donner les
moyens d’un véritable acteur global sur la scène international. Ainsi en est-il par exemple du
Président élu du Conseil européen qui aura, à son niveau des chefs d’Etat et de gouvernement,
à représenter l’Union auprès des Etats tiers et des organisations internationales mais précise
le traité à son niveau (chefs d’Etat et de gouvernement) et sans préjudice des responsabilités
de représentation du haut représentant .
De même le phénomène de double casquette du Haut représentant pour la PESC qui sera
également Vice Président de la Commission devra –t-il affecter sensiblement le
fonctionnement de l’ensemble du système d’action extérieure mais aussi de la PESC et de la
PESD en particulier. On constate aussi que le statut du Haut représentant est
considérablement renforcé et que ce renforcement va au delà de la dualité nouvelle de ses
responsabilités dans la conduite des relations extérieures de l’Union. Ainsi dans le champ
proprement dit de ses fonctions PESC et PESD acquiert-il de nouvelles compétences comme
le droit d’initiative, la conduite des dialogues politiques avec les partenaires, la possibilité
d’intervenir au nom de l’Union devant le Conseil de sécurité de l’ONU, ou encore des
compétences renforcées pour la gestion des crises et les opérations extérieures de type
Petersberg et enfin la direction du Service européen d’action extérieure ( SEAE) crée par
l’article 27 TUE du Traité de Lisbonne.
Les modalités de la création du SEAE sont précisées à l’alinéa 3, de cet article, ce dernier
conférant au Haut représentant l’initiative et au Conseil la décision après avis simple du
Parlement. La décision du Conseil est intervenue le 26 juillet 2010 avec un infléchissement
assez important du projet initial du Haut représentant et ce sous la pression du Parlement. Ce
dernier, s’est ainsi félicité d’avoir fait reculer la vision peu ambitieuse, trop
intergouvernementale et insuffisamment démocratique de la Baronne Ashton. Il n’a pas
l’essentiel l’ancienne première partie du traité établissant la Constitution : le second, dit traité sur le fonctionnement de l’ Union (TFUE), reprend pour l’essentiel, l’ancienne troisième partie du traité constitutionnel.. On soulignera néanmoins que la PESC et la PESD sont les seules politiques de l’Union introduites dans le TUE, toutes les autres figurant dans le TFUE.
155
hésité à affirmer avoir transformé la procédure d’avis en véritable codécision.199 Si le PE a pu
faire entendre certaines de ses vues c’est grâce à l’utilisation de deux leviers à savoir
l’adoption de deux règlements indispensables à la mise en place effective du SEAE et pour
lesquels il était cette fois ci en situation de codécision. Le premier règlement n° 1080/2010 en
date du 26 11 2010, dit « règlement personnels » vient préciser le statut des personnels du
SEAE composé pour 60% de personnels issus du Conseil et de la Commission (et d’autres
organes de l’Union dont le PE à partir de 2013) et pour 30% de personnels issus des corps
diplomatiques nationaux. S’agissant de ces derniers ils bénéficieront pendant leur mandat de 4
ans renouvelable une fois du statut d’agent de l’Union afin de garantir leur indépendance
vis-à-vis des Etats dont ils seront issus. Le deuxième règlement n° 1081/2010 dit « règlement
financier vient préciser le statut budgétaire du SEAE et fait de ce dernier une « institution »
au sens de l’article1 du règlement relatif au budget de l’Union ce qui lui confère l’autonomie
budgétaire pour ses dépenses administratives
2. les innovations propres à la PESC et à la PESD
Parmi les innovations les plus souvent citées du traité de Lisbonne figurent la coopération
structurée permanente et les clauses de défense mutuelle et de solidarité. De la même manière
les missions de Petersberg connaissent une définition élargie
- les coopérations structurées permanentes (42.6 et 46 TUE version Lisbonne)
résident dans la possibilité offerte à certains Etats dont la participation est conditionnée par
des critères apparemment objectifs (remplir des critères plus élevés de capacité militaire,
souscrire à des objectifs d’engagement capacitaires plus contraignants en vue des missions les
plus exigeantes) de nouer des coopérations particulières permanentes. Elles constituent une
autre modalité de différenciation que la coopération renforcée et se caractérisent par un
régime juridique très différent200
-les clauses de défense mutuelle et de solidarité sont respectivement prévues aux
articles 42 § 7 TUE et 222 TFUE. C’est bien évidemment la clause de défense mutuelle qui
a été salué à juste titre comme l’une des innovations les plus marquantes du Traité et de la
PSDC. Elle s’inspire tout en s’en éloignant quelque peu des dispositifs dit de défense
collective tels qu’ils figurent dans l’Alliance atlantique ou dans le cadre de l’UEO. La clause
de défense mutuelle prévoit qu’au cas où un Etat membre serait l’objet d’une agression armée
199 Cf ;Europe diplomatie n° 330 du 26 juin 2010 200 Ainsi, à titre de rappel d’éléments déjà évoqués dans le chapitre consacré à la théorie générale des politiques n’existent-il aucun seul minimum d’Etats participant ni aucune « clause de dernier ressort » (cf. régime juridique de la coopération renforcée in chapitre consacré à la théorie générale des politiques pp 26-38
156
sur son territoire, les autres Etats membres lui doivent assistance par tous les moyens. Elle
n’implique donc pas une assistance militaire automatique, les Etats mebres restant libre de
choisir les modalités de leur assistance, militaire, politique ou économique
-La clause de solidarité ne figure pas dans le TUE mais seulement dans le TFUE à
l’article 222. Ce dernier prévoit en effet dans son alinéa 2 que « si un Etat membre est
l’objet d’une attaque terroriste ou la victime d’une catastrophe naturelle ou d’origine
humaine, les autres Etats membres lui portent assistance à la demande de ses autorités
publiques » et se coordonnent au sein du Conseil. La clause de solidarité ne saurait être
assimilée à la clause d’assistance mutuelle et ce pour de nombreuses raisons parmi lesquelles
il convient de retenir plus particulièrement l’origine de la difficulté rencontrée par l’Etat qui
sollicite l’assistance201 , le type d’assistance apportée par ses partenaires202 et l’existence ou
non d’une compétence de l’Union203
-Enfin les missions de Petersberg sont par ailleurs élargies204. Elles pourront
désormais par exemple concerner des activités de désarmement ou encore de conseil et
d’assistance pour la réforme des secteurs de sécurité (militaire ou non) de l’Etat tiers.
SECTION II PRINCIPALES PROBLEMATIQUES JURIDIQUES DE L’ACTION
EXTERIEURE ECONOMIQUE ET COMMERCIALE
Nombre de ces problématiques concernent l’étendue des compétences
communautaires au regard de la politique commerciale et ramènent à l’obsession, mainte fois
soulignée, de la répartition des compétences qui caractérisent le système communautaire (§1).
Au-delà le foisonnement du recours par la Communauté aux conventions conclues avec les
pays tiers, nécessite une réflexion, sur le processus de conclusion de ces accords qui fait
201 Outre le fait que la clause de solidarité vise la survenance d’une catastrophe naturelle (par exemple tremblement de terre ou inondations) ou d’origine humaine ( par exemple explosion d’une usine chimique), les éventuelles attaques subies par l’Etat ne sauraient être confondues. La clause de défense mutuelle vise la sécurité extérieure et l’hypothèse d’une attaque d’un Etat tiers. La clause de solidarité concerne quant à elle la sécurité intérieure et l’hypothèse d’une attaque terroriste qui par définition est menée par un groupe terroriste et ne concerne donc pas le champ des relations interétatiques 202 Ainsi dans le cadre de la clause de solidarité seront concernés plus particulièrement l’assistance apportée par les moyens de la protection civile, les moyens militaires ne représentant que l’exception particulière de la nécessité de compléter les moyens de la protection civile jugés insuffisants. 203 Le mécanisme de la clause de défense mutuelle ne confère aucune compétence à l’Union, alors que celui de la clause de solidarité attribue une véritable compétence à l’Union qu’elle peut développer parallèlement à celle des Etats membres. 204 Cf. article 43 TUE version Lisbonne
157
resurgir selon d’autres modalités l’obsession de la répartition des compétences (§ 2) Enfin la
pratique conventionnelle de la CE en matière économique et commerciale nécessite à
l’évidence une réflexion sur la typologie des accords que la Communauté peut être amenée à
conclure (§3)
§1 Les interrogations sur l’étendue des compétences communautaires au regard de la
politique commerciale
Ces interrogations s’enracinent dans la définition relativement floue proposée par le traité de
Rome de la politique commerciale mais surtout d’une certaine obsolescence de cette
définition originelle 205qui en tout état de cause apparait réductrice par sa vision incomplète
des relations économiques extérieures de la Communautés (A). Ces interrogations ont
favorisé un développement jurisprudentiel qui voit le juge trancher souvent de manière
extensive les conflits de compétences ou de bases juridiques liés à l’imprécision initiale des
définitions proposées de la politique commerciale par le traité de Rome (B)
A/l’origine des difficultés : l’imprécision de l’article 133 (ancien article 113)
Cet article dont on a pu dire à juste titre qu’il constituait plus une norme de compétence que
de fond, ne permet pas vraiment de déterminer avec précision l’’étendue et la nature des
compétences conférées à la Communauté au titre de la politique commerciale. Conçu, dans le
contexte particulier de l’Union douanière et comme un complément essentiel du marché
commun, à une époque où les échanges internationaux concernaient pour l’essentiel les
échanges de marchandises régulés par le jeu d’instruments aussi traditionnels que les tarifs
douaniers ou encore les restrictions quantitatives, la politique commerciale originelle ignore
par exemple les services, tout simplement parce que leur commerce et leur libéralisation
n’avait pas encore en 1957 acquis l’importance majeure qui est la leur aujourd’hui. Se
poseront ainsi rapidement nombre de questions, sur l’intégration ou non dans le champ de la
politique commerciale d’autres instruments étrangers aux échanges de marchandises ou non
expressément visés par l’article 133. Ce dernier renvoie en effet à une liste non exhaustive de
principes uniformes touchant notamment les modifications tarifaires, la conclusion d’accords
205 Cette version originelle de l’article 113 a fait l’objet de nombreuses révisions (Cf. supra) qui n’ont pas pour autant permis de trancher toutes les questions relatives à la portée exacte de cet article, ce qui explique le développement d’une jurisprudence nourrie dont il convient de connaitre les grandes décisions
158
tarifaires et commerciaux, les mesures de libéralisation, la politique d’exportation, les
mesures de défense commerciale en cas de dumping ou de subventions.
De la même manière se posera également une autre question qui est celle du rattachement ou
non à la politique commerciale d’accords dont les finalités ne sont pas exclusivement
commerciales, ce qui donnera naissance aux théories de l’objet prépondérant ou accessoire de
l’accord envisagé. Cette théorie est devenue incontournable au regard de la dynamique
organisée par le traité de Rome des « nouvelles compétences externes » relatives à d’autres
politiques sectorielles (coopération au développement, environnement, recherche, etc…). Elle
permettra en effet de trancher la délicate question du conflit de bases juridiques entre la
politique commerciale et ces autres compétences externes communautaires
L’imprécision de l’article 133 a sans doute constitué une faiblesse en même temps qu’une
force. Au regard en effet des enjeux considérables qui se sont démultipliés avec le
développement du multilatéralisme notamment au sein de l’OMC, elle a contribué à entretenir
les controverses très vives sur la répartition des compétences entre la Communauté et les Etats
et au sein même de la Communauté entre les Institutions (cf. infra §3). Mais la relative
imprécision de l’article 133 a laissé le champ libre à une interprétation jurisprudentielle
dynamique et ouverte aux développements modernes du commerce international et à une
conception souvent extensive de la compétence communautaire
B/ Quelques illustrations jurisprudentielles de conceptions extensives de la
politique commerciale mais également de leurs limites
Une analyse approfondie de la jurisprudence permet de mettre en exergue les différentes
voies explorées par le juge pour réaliser une extension de la politique commerciale (1°) ; On
ne saurait cependant ignorer les limites opposées à cette extension des compétences
communautaires en matière de politique commerciale (2°)
1°) les voies explorées
S’il est bien entendu que le juge développe dans chaque cas d’espèce une analyse globale de
la politique commerciale, il n’en reste pas moins vrai que certains critères sont
systématiquement examinés et font l’objet d’un raisonnement approfondi. On constate ainsi
que le raisonnement développé pour trancher en faveur ou non de la compétence
communautaire au titre de la politique commerciale porte à la fois sur le champ matériel de
159
cette dernière, que sur la nature des instruments ou des mesures qui y sont développés ou
encore sur la finalité de l’accord envisagé.
a) la voie du champ d’application de la politique commerciale
Si la politique commerciale a sans doute été conçue à l’origine pour le commerce des
marchandises, l’évolution et les mutations des échanges internationaux a conduit à
s’interroger sur la question de savoir si d’autres flux commerciaux relatifs aux échanges de
services ou encore aux investissements devaient ou non relever de l’article 113 (133) TCE.
S’il est vrai que la non applicabilité à certains échanges de l’article 113 ne saurait forcément
être assimilé à l’absence de compétence de la Communauté, dans la mesure où celle-ci peut
être fondée sur une autre base juridique du traité de Rome, il convient de ne pas perdre de vue
l’enjeu majeur du rattachement de la compétence communautaire à la politique commerciale
qui est celui de la reconnaissance d’une compétence exclusive à la Communauté
Ainsi même les échanges de marchandises ont –ils pu déjà soulever certaines questions qui
ont du être tranchées par le juge : Parmi elles méritent plus particulièrement d’être citées la
celle relative aux produits relevant du traité CECA206 , celle concernant les produites de la
PAC207 ou encore celle des biens à usages spécifiquement militaire208
206 Le traité CECA dans son article 71 en disposant que « la compétence des Etats membres en matière de politique commerciale, n’est pas affectée par l’application du présent traité, sauf dispositions contraires de celui-ci, réserve la compétence étatique. . Les dispositions du traité CECA devaient-elles l »emporter sur celles du traité CEE et exclure du champ de la politique commerciale du traité de ROME les échanges de produits CECA.. Dans l’avis 1/94 relatif aux accords de Marrakech, la Cour a considéré que seuls les accords portant exclusivement sur des produits CECA relevaient de la réserve de compétence nationale des Etats posée à l’article 71 CECA. En revanche les accords commerciaux portant sur l’ensemble des échanges de marchandises relevaient bien de l’article 113 TCE et de la politique commerciale et impliquaient en tant que tels une compétence exclusive de la Communauté alors même que ces accords généraux englobaient des produits CECA 207 Dans le cadre de la politique agricole, le commerce des produits agricoles est, selon l’article 32 TCE soumis aux règles du marché commun et par voie de conséquence à la politique commerciale, corollaire de l’Union douanière. Néanmoins l’application de ces règles aux produits agricoles est subordonnée à l’absence de dispositions contraires prévues aux articles 33 et 37 TCE. Ainsi al Cour a-t-elle du trancher à plusieurs reprises entre le choix de la base légale propre à la PAC et celle de la politique commerciale. Ainsi l’article 37 doit-il s’appliquer si la mesure communautaire a pour objet la réglementation uniforme des conditions de commercialisation de produits agricoles entre Etats membres ou touchant à des échanges avec les Etats tiers (cf. CJCE, Commission c. Conseil 16 novembre 1989, aff. 131/87). En revanche si la mesure communautaire poursuit un objectif essentiellement commercial, et alors mêmes qu’elle pourrait concerner des produits agricoles et intéresser le régime interne des marchés agricoles, elle doit être considérée comme relevant de la politique commerciale et de l’article 113 (cf. avis 1/94 relatif aux accords de Marrakech 208 L’article 223 (296) TCE introduit une « réserve de compétence nationale » des Etats, fondée sur la protection des intérêts essentiels de sa sécurité, et qui introduit une exception aux règles du marché commun pour la production et le commerce des armes, des munitions et des matériels de guerre. La doctrine est cependant unanime à souligner la diminution du portée de ce régime dérogatoire, du fait de l’adoption de la réglementation communautaire des biens à double usage limitant le bénéfice du régime dérogatoire aux produits affectés à un
160
Le traité de Rome dans sa version originelle ne fournissait aucune indication sur
l’intégration des services dans le champ de la politique commerciale de l’article 113. Il a
fallu attendre en effet les révisions opérées par les traités d’Amsterdam et de Nice pour que
ces derniers soient selon des modalités très commentées par la doctrine introduits au nouvel
Alinéa 5 de l’article 133. L’absence de disposition expresse n’a pas pour autant empêché le
juge d’apporter sa contribution au débat, contribution qui a d’ailleurs joué un rôle non
négligeable dans les révisions précitées du traité de Rome. Ainsi l’avis 1/ 75 du 11 Novembre
1975 qui a vu la Cour mettre en exergue la nécessité pour la politique commerciale d’évoluer
afin de permettre une gestion complète du commerce international a-t-il parfois été interprété
comme l’acceptation par cette dernière de faire entrer les services dans le champ de la
politique commerciale. Cependant c’est bien dans son avis 1/1994 que la Cour s’est
explicitement prononcée sur l’extension de la politique commerciale aux services par une
sorte de jugement de Salomon. Elle a en effet considéré que pour les services fournis sans
déplacement de personnes, assimilables en quelque sorte à des marchandises, aucune raison
particulière ne s’opposait à ce qu’une telle prestation entre dans la notion de politique
commerciale commune. En revanche les services impliquant un déplacement de personnes
devaient être exclus par la Cour du champ d’application de l’article 113 (133)
S’agissant des mouvements internationaux de capitaux, il convient de signaler que certains
sont susceptibles de relever de la politique commerciale. Tel est le cas par exemple de ceux
relatifs aux investissements liés au commerce ou encore des paiements constituant la
contrepartie des échanges de produits209. S’agissant des investissements liés au commerce et
de leur rattachement à la politique commerciale, on soulignera que la question a été débattue
par la doctrine210 ce qui a conduit certains à souhaiter que la question soit tranchée à
l’occasion des révisions du traité de Rome. Cette question fut purement ignorée lors de la CIG
relative à l’élaboration du traité de Maastricht, évoquée pour être en définitive écartée lors de
usage spécifiquement militaire mais aussi des développements de la jurisprudence. Ainsi la Cour a-t-elle jugé qu’une mesure ayant pour objet de l’exportation de certains produits, ne saurait être soustraite du domaine de la politique commerciale au motif qu’elle vise à atteindre des buts de politique étrangère et de sécurité » (CJCE, Werner, aff. C670/94) 209 On signalera ainsi que nombre d’accords conclus sur la base de l’article 113 (133) contiennent des clauses relatives aux paiements 210 Parmi les arguments développés en faveur du rattachement des investissements directs à l’exclusion des investissements purement financiers ont été avancés plus particulièrement, le fait que la politique commerciale des Etats comprenait de plus en plus la protection et la promotion des investissements dans les pays partenaires , ou encore la conclusion de l’accord sur les aspects des mesures d’investissement qui touchent au commerce international, annexé à l’accord sur l’ OMC
161
la CIG qui a présidé à l’adoption du traité de Nice. En définitive seul le traité de Lisbonne
aura tranché explicitement la question : en effet les articles 206 et 207 TFUE mentionnent-ils
expressément que les investissements directs étrangers relèvent désormais de la politique
commerciale commune
b) la voie de la nature des instruments
Délimiter la politique commerciale ne saurait se résumer à la réflexion sur son champ matériel
d’application. L’interrogation peut également porter sur le type d’instruments auquel la
Communauté peut recourir dans le cadre de l’article 113(133). Certes cet article dans son
alinéa 1 énumère t--il différentes mesures de politique commerciale que la Communauté peut
adopter211. Mais cette énumération proposée, dont on perçoit bien qu’elle couvre à la fois des
mesures de nature conventionnelle (les accords tarifaires et commerciaux) et des mesures
unilatérales ou encore autonomes, n’est pas exhaustive comme le laisse supposer l’utilisation
du terme notamment. En conséquence on ne s’étonnera pas que des controverses aient pu se
développer entre la Communauté et les Etats membres à partir de la nature des instruments
susceptibles d’être adoptés et que les Etats présentaient comme relevant de leur compétences
au motif que, s’ils entraient bien dans le champ de la politique commerciale , ils ne
constituaient pas pour autant des instruments du commerce international. Saisie de ce type de
différends la Cour a souvent tranché en faveur de la compétence communautaire. Elle a ainsi
refusé de se laisser enfermer dans une vision réductrice de la compétence communautaire
fondée sur la distinction entre les instruments traditionnels ou classiques du commerce
international et les autres. Selon en effet la thèse défendue par certains Etats seuls les premiers
relevaient de la politique commerciale et par voie de conséquence de la compétence exclusive
communautaire. Ces derniers entendaient se réserver les seconds, thèse qui a été explicitement
écartée par la Cour à plusieurs reprises, par exemple dans son avis 1/78.212 On voit ainsi la
Cour défendre l’idée que non seulement la liste des instruments énumérés à l’article 113
(133), comportant les plus courants (ou traditionnels), ne saurait être considérée comme
limitative mais aussi que la Communauté est libre d’adopter toutes les mesures appropriées
pour régler de manière cohérente les échanges externes
211 L’énumération proposée par le § 1 vise les modifications tarifaires, la conclusion d’accords tarifaires et commerciaux, l’uniformisation des mesures de libéralisation , la politique d’exportation , les mesures de défense commerciale, dont celles à prendre en cas de dumping et de subventions 212 Dans cette affaire était posée la question de savoir si un régime de financements d’aides locales à l’exportation relevait bien de la politique d’exportation visée dans l’article 113 (133) comme relevant de la politique commerciale : la politique d’exportation englobe bien les régimes d’aide à l’exportation
162
c) l’argument fondé sur les finalités de la politique commerciale et l’adaptation de la
politique commerciale aux évolutions du commerce international
Les problèmes ici rencontrés concernent souvent des mesures traditionnelles du commerce
extérieur comme des restrictions quantitatives ou des interdictions à l’importation à
l’exportation dont on sait qu’elles peuvent être utilisées à des fins qui ne sont pas
exclusivement commerciales : peut-on ainsi intégrer dans la politique commerciale des
mesures qui ne poursuivent pas exclusivement des buts commerciaux. Deux approches
peuvent être développées face à ce type de problème. La première, dite instrumentale,
consiste à soutenir qu’une mesure doit être considérée comme relevant de la politique
commerciale dès lors qu’elle constitue bien un instrument spécifique du commerce
international. Traduisant une conception extensive de la politique commerciale, elle est
généralement défendue par la Commission. La seconde, dite finaliste, vise à ne faire entrer
dans la politique commerciale que les mesures dont la finalité est bien d’agir sur le volume
et le courant des échanges internationaux. Défendue en général par les Etats membres ou
encore le Conseil, elle a pour conséquence d’exclure de la politique commerciale les mesures,
qui ont certes pour conséquence de restreindre les échanges, mais qui poursuivent d’autres
buts comme la protection de l’environnement, la protection de la santé publique, l’aide au
développement ou encore le respect des droits de l’homme.
La jurisprudence de la Cour résulte cependant d’une combinaison fréquente des deux critères
qui l’a cependant conduite souvent à retenir la base légale de l’article 113 (133) et par voie de
conséquence une acception extensive de la politique commerciale. Ainsi dans son avis 1/78
relatif à l’accord sur le caoutchouc naturel, la Cour après avoir constaté d’une part que le dit
accord, au regard de son mécanisme de stock régulateur de ce produit de base est bien
susceptible de relever du domaine de la politique commerciale et d’autre part que l’accord
poursuit à l’évidence des finalités de coopération au développement, tranche en définitive en
faveur du rattachement de l’accord à la politique commerciale. Au-delà de l’affirmation que
les finalités existantes de coopération au développement ne sauraient exclure pour autant
l’accord du champ de la politique commerciale, la Cour recourt de nouveau à l’argument
selon lequel la politique commerciale ne saurait se limiter aux seuls accords mettant en œuvre
les instruments traditionnels des échanges commerciaux tels que les droits de douanes et les
restrictions quantitatives. Les instruments nouveaux du commerce international que
constituent les accords visant à une réglementation du marché mondial et pas seulement à une
libéralisation des échanges doivent pouvoir faire partie de la politique commerciale. On
163
retrouve ainsi son argumentation fondée sur la nécessité d’adapter la politique commerciale
aux évolutions du commerce international
2°) les limites assignées par le juge aux conceptions extensives de la politique
commerciale
On peut considérer que ces limites résultent à la fois de l’existence d’autres champs de
compétences communautaires expresses qui se sont multipliés au fur et à mesure de la
construction communautaire, tant dans le champ des relations extérieures stricto sensu qu’ à
travers le développement des volets externes des politiques internes (cf. supra section 1 § 2),
que de la jurisprudence et de ses développements relatifs aux conflits de compétences ou
encore de choix de bases légales. La cour a ainsi eu à trancher la question de la portée de
l’intégration des services dans le champ de la politique commerciale (a) ou encore des
rapports entre la politique commerciale avec d’autres politiques comme celle des transports
ou de l’environnement (b)
a) l’expansion enrayée par le juge de la politique commerciale
Elle résulte notamment de l’avis 1/ 94 relatif aux accords de Marrakech qui voit la Cour se
prononcer sur l’accord du GATS213 à propos desquels elle récuse le choix de la base légale de
l’article 113 (133) et de la politique commerciale pour la conclusion de cet accord. Elle ne
retient donc pas la thèse progressiste défendue par la Commission selon laquelle il y avait lieu
d’englober l’ensemble des services visés par le GATS dans le champ de l’article 113 (133) au
motif de l’imbrication des services et des marchandises , ce qui par voie de conséquence
devait exclure que l’on distinguât entre les différentes modalités de fourniture des services. La
Cour va s’appuyer sur la distinction entre les services qui sont fournis sans déplacement de
personnes et ceux dont la fourniture exige au contraire un tel déplacement
Pour les premiers qui impliquent qu’il n’y ait aucun déplacement ni des fournisseurs ni des
bénéficiaires, la Cour considère, qu’assimilables à un échange de marchandises, aucune raison
213 L’accord GATS s’attache à la réglementation des échanges internationaux de service inspirée de celle du GATT pour celle des marchandises.. Il distingue 4 formes de services , la fourniture transfrontalière de services, la consommation à l’étranger à savoir la fourniture du service sur le territoire d’un membre à destination d’un consommateur d’un autre Etat membre, la présence commerciale par la fourniture d’un service grâce à la présence commerciale sur le territoire d’un Eta membre, et enfin le mouvement de personnes ou la présence physique c'est-à-dire la fourniture de service grâce à la présence physique sur le territoire d’un Etat membre de personnes d’un autre Etat membre
164
a priori n’empêche qu’ils puissent relever de la politique commerciale et de son article 113
(133)
Pour les seconds, l’existence de bases juridiques spéciales214, relatives à la libre circulation
des personnes et habilitant notamment la Communauté à développer une action externe
spéciale et distincte de celle de la politique commerciale, interdit d’écarter ces bases
juridiques particulières au profit de la politique commerciale. Le régime juridique très
différent, notamment du point de vue des équilibres institutionnels, applicable à chacune de
ces compétences externes n’a sans doute pas été totalement étranger à la décision de la Cour.
On rappellera en effet pour mémoire que l’extension non négligeable, depuis l’Acte unique,
des compétences communautaires en matière de libre circulation des personnes, s’est
parallèlement accompagnée d’une volonté affichée de démocratisation du système
communautaire. Comment accepter alors qu’une partie importante de la libre circulation des
personnes, parce que liée aux échanges de services puisse échapper à la compétence du
Parlement dont il convient de rappeler qu’il est complètement exclu de la politique
commerciale
Cette dissociation selon les types de services entrainant le fait que tous les échanges de
services ne relèvent pas dans leur ensemble de la politique commerciale a été l’objet de vives
critiques de la part d’une certaine doctrine regrettant qu’ « au moment où le système
commercial ait accompli sa plus grande avancée depuis 1947 en fondant dans un ensemble de
règles cohérent les règles relatives aux services et aux marchandises , démontrant l’étroitesse
du lien qui existe entre ces deux domaines ….. la Cour ait fait accomplir à la Communauté le
pas exactement inverse »215
b) l’expansion enrayée de la politique commerciale au regard d’autres titres de
compétences externes spéciales
La reconnaissance à la Communauté d’autres compétences externes spéciales à un champ
particulier a souvent conduit le juge à s’appuyer sur l’existence de ces compétences, implicite
(transports) ou expresse (environnement) pour écarter la base légale de l’article 113 (133).
214 L’article 3 TCE distingue en effet bien la politique commerciale (b) des mesures relatives à l’entrée et à la libre circulation des personnes conformément au titre IV TCE 215 Citation G. FRIDEN par C SCHMITTER et C SMITS in Commentaire J MEGRET, vol 12, les relations extérieures, éditions de l’ULB, Bruxelles, 2005 p. 238
165
On sait que c’est à la jurisprudence AETR de 1971, concernant le domaine des transports,
que l’on doit la théorie des compétences explicites selon laquelle « la compétence de la
Communauté pour conclure des traités internationaux résulte non seulement d’une attribution
explicite des traités…. mais peut découler également d’autres dispositions du traité et d’actes
pris , dans le cadre de ces dispositions par les institutions de la Communauté ». Il n’en reste
pas moins vrai que selon une jurisprudence constante216 rappelée encore une fois dans l’avis
1/ 94, les transports ne sauraient relever des services qui pourraient être inclus dans la
politique commerciale. La raison avancée par le juge est que la reconnaissance d’une
compétence implicite pour conclure des accords internationaux en matière de transports, ainsi
que l’existence d’un titre spécifique au profit des transports, devaient exclure que ces derniers
puissent relever de l’article 133. On constate ainsi que le conflit de bases légales a été tranché
au détriment de celle de la politique commerciale. Le traité de Nice est venu confirmer cette
approche qui, dans le §6 de l’article 133 révisé, prévoit explicitement que la négociation et la
conclusion d’accords internationaux dans le domaine des transports restent soumises aux
dispositions du titre V du Traité CE (politique des transports). Cette exception au profit des
services de transports a été maintenue par le Traité de Lisbonne (article 207.5 TFUE)
Dans son avis 1/ 2000 relatif au protocole de Carthagène sur la prévention des risques
biotechnologiques217, La Cour a tranché le conflit de base légale au profit de la politique de
l’environnement et au détriment de la politique commerciale. Après avoir reconnu que de
nombreuses dispositions portent sur le contrôle et le mouvement des OVM et comme telles
sont susceptibles d’affecter les échanges, elle constate néanmoins que cet objet, de type
commercial, est seulement accessoire au regard de la finalité principale de l’accord qui est
d’abord environnementale : ce dernier vise en effet pour l’essentiel la protection de la
diversité biologique. On ne saurait pour autant conclure trop vite sur une éventuelle
préférence systématique donnée par la Cour à la compétence externe expresse
environnementale au détriment de la politique commerciale. En effet dans une affaire dite
216 Cf. avis 2/92 relatif à la participation de la Communauté à la 3ième décision révisée de l’OCDE touchant « au traitement national » par laquelle les Etats partie entendaient accorder le bénéfice du traitement national aux entreprises établies sur leur territoire et appartenant ou étant contrôlées par des ressortissants d’autres pays membres. Déposée avant la demande d’avis relative aux accords de Marrakech , la Cour n’y a répondu que plus d’un an après l’avis 1/94 217 Adopté le 29 Janvier à Montréal dans le cadre d e la convention sur le diversité biologique, elle-même adoptée dans le cadre de la conférence de RIO de L’ ONU, le protocole de Carthagène prévoit des mesures de restriction aux mouvements transfrontières des organismes vivants modifiés (OVM) qui pourraient présenter un risque pour la santé humaine ou des effets défavorables sur la conservation de la diversité biologique.
166
« Energy Star »218, la Cour est arrivée à la conclusion inverse en retenant le choix de la base
légale de la politique commerciale. C’est donc bien sur la base d’une analyse approfondie de
l’objet et des finalités de l’accord que la Cour dégage entre les objectifs multiples de l’accord
sa finalité principale dont elle déduira le choix de la base légale appropriée
§2 Les problématiques relatives à la conclusion des accords communautaires
Cette problématique doit être distinguée de celle de la conclusion des accords de l’Union
notamment dans le cadre de la PESC et de la PESD, qui est régie par le traité de Maastricht et
non pas par le Traité de Rome, et qui obéit à un régime juridique spécifique.
Le dispositif originel (version 1957) relatif à la conclusion des accords, qualifié souvent
d’ »exercice du treaty making power » apparait très lacunaire. L’article 228 TCE (aujourd’hui
300 TCE) se contente d’une très vague répartition des pouvoirs entre les institutions
communautaires. Celle-ci peut être résumée à grands traits de la manière suivante : la
Commission négocie les accords, le Conseil décide et le parlement peut-être éventuellement
consulté mais seulement dans les hypothèses expressément prévues par le Traité. Ainsi le
Parlement était il associé de manière fort différente à la conclusion des accords
communautaires, et ce en fonction des catégories de traités. Or les deux seules qui étaient les
explicitement prévues en 1957, étaient les accords relevant de la politique commerciale et les
accords d’association219.. Pour les premiers il n’était prévu aucune consultation du Parlement
et pour les seconds, si le Parlement était bien consulté, encore s’agissait-il d’une consultation
simple, n’engageant aucunement le Conseil.. Point n’est besoin ici de souligner le statut très
minoré du Parlement dans l’exercice d’un treaty making power fondamentalement
déséquilibré et peu démocratique
Il faudra attendre le traité de Maastricht 220 pour voir apparaitre les progrès les plus
significatifs qui résultent de la tentative de proposer une norme procédurale de droit commun,
218 Cf. affaire Commission contre Conseil, 12 décembre 2002, aff. C281/01, relative à l’accord Energy Star conclu entre la Communauté et les Etats Unis 219 Ces accords, distincts de ceux de la politique commerciale, sont visés à l’article 238 et font l’objet d’une définition minimaliste comme « accords créant une association caractérisée par des droits et des obligations réciproques, des actions en commun et des procédures particulières » 220 Il convient ce pendant de souligner le premier progrès réalisé par l’Acte unique qui introduit l’exigence de l’avis conforme du Parlement pour la conclusion des accords d’association
167
et comme telle applicable à tous les accords de la Communauté, mais qui laisse néanmoins
subsister des différences selon les bases juridiques de l’accord communautaire. On a pu écrire
à jute titre que le traité de Maastricht avait en quelque sorte consacré une inversion/ avant lui
il n’existait aucune norme générale pour l’exercice du traty making power communautaire :
après lui il existera désormais une norme générale mais qui peut être écartée dans des cas
particuliers explicitement visés par le traité. La compréhension de ces règles peut être facilitée
par la définition du rôle et des pouvoirs exacts de chacune des grandes institutions du triangle
décisionnel communautaire, Conseil, Commission, Parlement
A/ Le Conseil et l’exercice du Treaty making power
C’est bien celui-ci qui détient le pouvoir de décision en matière de conclusion d’accords. La
forme revêtue par son pouvoir réside en une décision ou plutôt en plusieurs décisions. La
première concerne l’ouverture de la négociation qui certes sera menée par la Commission
mais qui nécessite de la part du Conseil un acte formel dont l’objet est d’autoriser l’ouverture
de la dite négociation. C’est également par une décision que le Conseil autorise la signature
et la conclusion de l’accord par la Communauté après avoir pris acte de la clôture de la
négociation. Cette dernière décision peut faire l’objet d’un recours en annulation et il est bien
évident à cet égard que l’on doit distinguer l’annulation de cet acte de droit communautaire
du Conseil de l’annulation de l’accord : une telle annulation ne saurait en effet s’exonérer des
règles traditionnelles du droit des traités. Il en est de même pour la décision que viendrait à
prendre le Conseil relative à la suspension de l’application d’un accord221.. Reconnaitre au
Conseil le droit de prendre à la majorité qualifiée une telle décision ne revient pas à exonérer
la Communauté des règles du droit international des traités et de l’obligation « pacta sunt
servanda », subordonnant l’exception d’inexécution des obligations conventionnelles à des
conditions particulièrement drastiques222.
Le Conseil se prononce normalement, tant pour l’ouverture des négociations que pour la
conclusion de l’accord, à la majorité qualifiée conformément à l’article 228 (300) alinéa 1. Il
existe cependant trois cas particulier où sera requise l’unanimité de Conseil. Il s’agit en
premier lieu des accords d’association prévus à l’article 238 ( 310) TCE. Il s’agit en deuxième
lieu des accords portant sur un domaine où l’unanimité est requise pour l’adoption des règles
221 Cette possibilité de suspension a été explicitement introduite par le Traité d’ Amsterdam 222 Cf. affaire Racke, 16 juin 1998, C-162/93 et l’application à la Communauté des conditions particulièrement strictes du principe « rebus sic stantibus », c'est-à-dire du changement de circonstance comme fondement de l’inexécution des obligations conventionnelles
168
internes régissant les rapports entre les Etats membres. Il s’agit en troisième lieu des accords
nécessitant le recours à l’article 235 (308) TCE parce que dépassant le champ des
compétences existantes de la Communauté223.
B/ La Commission et l’exercice du Treaty making power
Elle est l’instance qui propose au Conseil l’ouverture de négociations, conformément à la
place importante qui est la sienne dans le système communautaire en matière d’initiative.
C’est ainsi à la Commission qu’il revient d’apprécier l’opportunité pour la Communauté de
nouer des relations conventionnelles mais qui reste naturellement subordonnée à l’autorisation
donnée par le Conseil d’ouvrir effectivement les négociations et qui, depuis le Traité de
Maastricht, concerne tous les accords224.
C’est également la Commission qui négocie, pour le compte de la Communauté, les accords.
Son pouvoir de négociation a connu également des évolutions notables depuis le traité de
Maastricht. Avant ce dernier il existait des différences sensibles entre les accords de la
politique commerciale et les autres accords. Pour les accords relevant de l’article 113 il était
prévu un encadrement de la Commission par des directives de négociations données par le
Conseil et surtout par l’existence d’un Comité de surveillance composé d’experts nationaux.
Désormais le Conseil adopte des directives de négociation quel que soit le type d’accord
C / le Parlement et l’exercice du treaty making power
Ses pouvoirs étaient à l’origine très modestes. Ils se limitaient à l’existence d’une
consultation simple prévue uniquement pour les accords d’association. Ainsi le Parlement
était-il totalement écarté de la conclusion des accords de la politique commerciale, pour
lesquels n’était même pas prévue une consultation simple
La première évolution de son statut résulte de l’Acte unique qui introduit l’exigence d’un avis
conforme pour les accords d’association
223 L’article 235 (308) TCE autorise le Conseil statuant à l’unanimité à prendre les dispositions appropriées si une action de la Communauté apparait nécessaire pour réaliser l’un des objets de la Communauté sans que la traité ait pour autant prévu les les pouvoirs requis à cet effet. La base légale de l’article 235 (308) a été mainte fois utilisée pour la conclusion d’accords internationaux. 224 Avant le traité de Maastricht, l’autorisation du Conseil n’était prévue que pour les accords de la politique commerciale.
169
C’est en définitive au traité d’Amsterdam que l’on doit les avancées les plus significatives, ce
dernier réalisant une extension non négligeable de l’avis conforme du Parlement pour la
conclusion des accords internationaux. Les hypothèses visées figurent au § 3 de l’article 300
(ex 228). Elles concernent les accords créant un cadre institutionnel spécifique, les accords
ayant des implications budgétaires et enfin les accords impliquant la modification d’un acte
interne adopté en codécision. S’agissant de cette dernière hypothèse il convient de garder à
l’esprit qu’elle ne saurait être assimilée à celle d’un accord intervenant dans le domaine régi
par la codécision. C’est seulement en effet si l’accord international venait à modifier un acte
adopté selon cette procédure que l’avis conforme su Parlement est requis pour la conclusion
de l’accord
En revanche le parlement n’est pas sollicité pour avis, et ce malgré les revendications qu’il
exprime à chaque révision du traité de Rome, en cas de suspension de l’exécution d’un
accord. Il est simplement « immédiatement et pleinement informé » conformément à l’article
300.7 alinéa 2. On peut estimer, avec une certaine doctrine, qu’il conviendrait d’associer
mieux encore le Parlement à une telle décision, par exemple par une procédure d’avis,
notamment s’agissant de la suspension d’accords adoptés avec son avis conforme.
Pour conclure sur l’indiscutable montée en puissance du Parlement dans le domaine de la
conclusion des accords de la Communauté on soulignera que le traité de Nice a modifié à son
profit la procédure de l’article 300.6 relative à la saisine pour avis consultatif de la Cour sur
la compatibilité d’un accord envisagé avec le traité de Rome. Jusqu’au traité de Nice seuls le
Conseil, la Commission ou un Etat membre pouvaient saisir la Cour d’un tel avis à
l’exclusion du Parlement225
§3 Une ébauche de typologie des accords pour mieux comprendre l’action extérieure
économique et commerciale de la Communauté
L’action souvent empirique de la Communauté dans le domaine de ses relations extérieures
économiques fait que l’on se trouve aujourd’hui devant une gamme d’accords singulièrement
diversifiée. On peut ainsi souligner que le modèle initial (le traité de Rome version 1957) de
225 On remarquera néanmoins que cette incompétence du Parlement avait été quelque peu « tempérée » par la possibilité qui lui avait été reconnue à partir de l’avis 1/92 sur l’ EEE de présenter des observations dans le cadre de cette procédure d’avis consultatif
170
type binaire fondée sur la seule distinction entre les accords de la politique commerciale de
l’article 113 et les accords d’association de l’article 238 est largement dépassé et ce pour au
moins trois raisons. La première a trait à l’extraordinaire diversité, en fonction de leur contenu
matériel, des deux modèles initiaux des accords type 113 et 238. La deuxième est relative au
développement non négligeable des accords fondés sur les nouveaux domaines de
compétences externes expresses évoqués plus haut. La troisième raison enfin concerne les
accords que la Communauté a pu développer à partir de la théorie des compétences implicites
depuis la jurisprudence AETR. Face à ce foisonnement de la pratique conventionnelle
communautaire, il est néanmoins possible d’esquisser plusieurs classifications226 qui, au-delà
de la traditionnelle distinction entre les accords bilatéraux et les accords multilatéraux,
peuvent se fonder sur des éclairages particuliers, comme la répartition des compétences entre
la Communauté et les Etats membres (A), les zones géographiques auxquelles appartiennent
les partenaires de la Communauté (B) ou encore le contenu de la coopération économique et
commerciale impliquée par l’accord (C)
A/ les accords mixtes
On dit d’un accord de la Communauté qu’il est mixte lorsque notamment au regard de son
contenu il ne saurait être regardé comme relevant d’une compétence exclusive de la
Communauté mais relève au contraire des compétences partagées entre la Communauté et les
Etats membres Il s’agit d’une catégorie d’accord qu’il convient de distinguer d’autres types
d’accord qu’une certaine doctrine a hélas pris l’habitude de qualifier également de mixte . Il
s’agit cette fois ci des accords qui relèvent pour partie de la Communauté et pour partie de
l’un des deux piliers intergouvernementaux de l’Union, qu’il s’agisse de la PESC ou de
l’espace de liberté de sécurité et de justice. En tout état de cause la compétence de l’Union
pour conclure des accords dans ces champs particuliers n’est jamais exclusive mais au
contraire toujours partagée avec les Etats membres. Les accords mixtes sont de plus en plus
fréquents (1°) même s’ils ne vont pas sans poser nombre de problèmes juridiques particuliers
(2°) dont certains ont pu être surmontées grâce à des techniques juridiques particulières (3°)
1°) la banalisation227 des accords mixtes
226 Il est conseillé de se servir de la banque de données relative à l’ensemble des traités communautaires à savoir http://ec.europa.eu/world/agreements/default.home.do 227 Cf. FENET (A), AKANDJI KOMBE (J-F.), LAMBLIN GOURDIN (A-S), MONDIELLI (E), PROUTIERE-MAULION (G), droit des relations extérieures de l’Union européenne, Litec, Paris, 2006 p.66
171
Elle est aisément compréhensible et résulte à la fois de l’extension des compétences
communautaires liée aux progrès de la construction communautaire et de l’enchevêtrement
des compétences entre la Communauté et des Etats membres qui accompagnent souvent la
reconnaissance d’une nouvelle compétence à la Communauté d’une restriction quant à sa
nature, de compétence simplement partagée et non point exclusive. Enfin la densité d’un
accord économique et commercial portant sur de nombreux champs de coopération définis en
fonction des atouts et des intérêts des partenaires, fait qu’il est de moins en moins possible
qu’un accord conclu avec un Etat tiers ou encore une organisation internationale ne relève que
de la compétence exclusive de la Communauté. La tentation de la Commission d’adopter une
approche dite globalisante de l’action extérieure économique trouve ainsi ses limites dans le
souci des Etats membres de conserver leur statut propre et leur pouvoir d’influence sur la
scène internationale.
2°) les problèmes juridiques particuliers soulevés par les accords mixtes
Les principaux de ces problèmes228 touchent à la fois au régime juridique de leur conclusion
mais aussi à celui des voies de recours offerts au tiers en cas de différend survenant à
l’occasion de la mise en œuvre de l’accord
a) la conclusion d’un accord mixte relève d’une procédure particulièrement longue. En
effet l’accord nécessite non seulement la signature et la ratification de la Communauté mais
aussi de l’ensemble des Etats membres à l’exception bien sur des accords mixtes qui ne sont
conclus que par certains Etats membres, dans l’hypothèse très particulière où tous les Etats
membres ne sont pas intéressés par la coopération mise en place229. Néanmoins la situation la
plus fréquente est bien celle de la participation de l’ensemble des Etats membres à l’accord.
L’entrée en vigueur du dit accord est alors subordonnée non seulement à l‘achèvement de
toutes les procédures de conclusion, de l’Etat tiers, de la Communauté mais aussi de chaque
Etat membre. On ne saura donc pas surpris de constater, dans bien des cas, l’écoulement de
plusieurs années, entre la signature de l’accord mixte et son entrée en vigueur230. Des délais
228 La question particulière de savoir si la compétence de la Cour, pour interpréter les accords mixtes et plus particulièrement une disposition de l’accord contenant un engagement que seuls les Etats membres ont pu assumer dans leur sphère propre, pouvait être retenue, a été tranchée par elle de manière positive dans l’arrêt Demirel de 1987 229 On peut citer à titre d’exemple la convention de Barcelone de 1976 relative à la lutte contre la pollution en méditerranée que seuls la France et l’Italie ont signée 230 Cf. pour exemple l’accord de coopération et d’union douanière, conclu entre la Communauté et la république de Saint marin en décembre 1991, et entré en vigueur seulement en Avril 2002
172
aussi longs peuvent dans certains cas poser problème ce qui a naturellement conduit la
Communauté à rechercher des solutions (cf. supra 3°)
b) les problèmes liés à l’engagement de la responsabilité internationale
en cas de différend surgissant dans la mise en œuvre de l’accord susceptible d’engager la
responsabilité pour inexécution des obligations conventionnelles impliquées par l’accord,
l’Etat tiers co contractant peut légitimement s’interroger sur le destinataire de la
réclamation qu’il entend déposer. L’ imbrication des compétences de la Communauté et des
Etats membres qui caractérise l’accord mixte fait qu’il est rare que le cocontractant puisse
distinguer entre les responsables de l’inexécution et par voie de conséquence entre les
destinataires de sa réclamation, Communauté ou Etats membres. On ne s’étonnera donc pas
que pour résoudre ce type de difficulté particulière liée à l’engagement de la responsabilité
pour inexécution des obligations conventionnelles d’un accord mixte, les Etats aient
recherché dans la pratique du droit des traités des solutions pour se prévenir de telles
incertitudes
c) les solutions mises en œuvre pour pallier ces difficultés
la Communauté a d’abord développé les accords intérimaires pour pallier la lourdeur des
procédures de conclusion des accords mixtes. Elle a également été amenée à accepter le
développement de clauses particulières afin de rassurer ses co-contractants quant aux
incertitudes pouvant affecter la mise en ouvre de la responsabilité en cas d’inexécution :
les accords intérimaires sont les accords conclus entre la Communauté et l’ Etat tiers et
dont l’objet est de permettre l’entrée en vigueur plus rapide de certaines dispositions d’un
accord mixte : naturellement ces dernières ne peuvent relever que de la compétence exclusive
de la Communauté : ainsi ces accords ne portent-ils que sur le volet commercial de l’accord
mixte, et plus particulièrement le commerce des marchandises : en effet la politique
commerciale relative aux services ne saurait être regardée comme une compétence exclusive
de la Communauté (cf. supra). Les accords intérimaires sont monnaie fréquente dans la
pratique conventionnelle de la Communauté231 qui y a souvent recouru y compris dans
certaines de ces coopérations les plus connues comme celle avec les Etats d’Afrique des
231 Cf. pour exemple les accords intérimaires de la Communauté avec le Liban (2002), la Croatie(2001) et l’ Egypte (2003)
173
Caraïbes et du Pacifique (ACP)232. Le traité d’Amsterdam a modifié l’article 300 TCE (ex
228) pour y introduire à l’alinéa 2 une mention expresse de la compétence du Conseil pour
accompagner la signature d’un accord d’une décision d’application provisoire avant l’entrée
en vigueur d’un accord ; Néanmoins dans la pratique la Communauté continue de préférer la
solution de l’accord intérimaire plutôt que le recours à la décision d’application provisoire.
Confrontés à la question de l’engagement de la responsabilité de la Commission et ou
de ses Etats membres dans l’hypothèse d’un manquement aux obligations conventionnelles
contenues dans un accord mixte, des solutions ont pu être dégagées pour pallier la difficulté
de déterminer la compétence communautaire ou nationale en fonction de leurs compétences
respectives s’agissant de la dite obligation particulière. Ainsi la Convention de Montego Bay
de 1982 relative au droit de la mer prévoit –elle la possibilité pour un Etat partie de
demander, à l’occasion d’une demande en responsabilité, aux organisations qui en sont partie
de préciser leur compétence ainsi que la possibilité de tenir pour conjointement responsable
l’organisation et ses Etats membres233
B/ La classification fondée sur le « Zonage géographique »
Elle permet non seulement de dégager les lignes forces de la politique de coopération
conventionnelle de la Communauté, entre régionalisme et mondialisme mais aussi d’en suivre
les évolutions. Les principales zones concernées sont ainsi l’Europe, la Zone ACP formée des
Etas d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique qui ont rejoint un partenariat initialement conçu
pour « relayer le passé colonial » de certains Etats impliquant avec leurs anciennes colonies
des coopérations privilégiées, l’espace méditerranéen , l’Amérique latine et enfin l’ Asie.234
En principe la déclinaison géographique de la coopération ne se traduisait par aucun modèle
prédéterminé de coopération consacré par le droit primaire jusqu’à l’apparition de « la
politique de voisinage » Ainsi le traité établissant la Constitution235 puis le Traité de
232 Cf. pour exemple l’accord de Cotonou ou Lomé IV signé le 23 juin 2000 et entré en vigueur le 1er avril 2003 qui a fait l’objet d’une décision du Conseil des ministres ACP-UE relative aux mesures transitoires applicable à partir d’août 2000 233 Cf. Convention de Montego Bay, annexe 9, article 6.2 « tout Etat peut demander à une organisation ou à ses Etats membres Parties à la convention d’indiquer à qui incombe la responsabilité dans un cas particulier ; L’organisation et les Etats membres concernés doivent communiquer ce renseignement. S’ils ne le font pas dans un délai raisonnable où s’ils communiquent des renseignements contradictoires, ils sont tenus pour conjointement et solidairement responsables 234 Pour une analyse plus détaillée de la « déclinaison géographique » des accords de la Communauté, cf. FENET (A) (dir.), op. cit. Note 75 et plus particulièrement pp. 224-231 235 Cf. article I- 57
174
Lisbonne236 ont-ils introduit cette définition géographique de la coopération fondée sur la
proximité géographique entendue au sens large237 et qui ne se limite pas comme le fait le droit
international classique à l’existence d’une frontière commune entre l’ UE et son
cocontractant.
C/ la classification fondée sur le contenu de la coopération économique et financière
Au-delà du champ de compétences expresses prévues par le traité de Rome et qui sont
étrangers à la politique commerciale, la pratique conventionnelle de la Communauté
notamment initiale, a essentiellement mobilisé les deux bases légales originelles que sont les
articles 133 (ex 113) et 310 (ex 238) ou dit autrement les accords de la politique commerciale
et les accords d’association. En réalité ces deux seules bases légales sont à l’origine d’accords
extrêmement diversifiées et dont il faut apprendre à maitriser le caractère labyrinthique afin
de ne pas confondre des coopérations économiques et commerciales en réalité très différentes.
Ainsi peut être esquissée de manière très (trop simplifiée) une ébauche de typologie fondée
sur la distinction entre les accords sectoriels (1)°, les accords préférentiels (2°) et les accords
non préférentiels (3°)
1°) les accords sectoriels
Par accord sectoriel on entend un accord qui se limite à un domaine unique. Cette catégorie
d’accord s’est longtemps limitée à une sorte d’accord à savoir les accords par produit pris
dans le cadre de la politique commerciale. Aujourd’hui il est relativement classique d’intégrer
les accords par activité qui peuvent, quant à eux, être étrangers ou non à la politique
commerciale.
Dans le cadre de la politique commerciale, les accords par produit portent sur un
produit particulier dont les conditions d’échanges varient selon les partenaires en fonction de
236Cf. article 8 TUE de Lisbonne « 1. L’Union développe avec les pays de son voisinage des relations privilégiées, en vue d’établir un espace de prospérité et de bon voisinage, fondé sur les valeurs de l’Union et caractérisé par des relations étroites et pacifiques reposant sur la coopération. 2. Aux fins du paragraphe 1, l’Union peut conclure des accords spécifiques avec les pays concernés. Ces accords peuvent comporter des droits et obligations réciproques ainsi que la possibilité de conduire des actions en commun. Leur mise en œuvre fait l’objet d’une concertation périodique ». 237 Cf. BERRAMDANE (A), la politique de voisinage de l’UE, cycle des conférences publique du Centre d’excellence Jean Monnet de Grenoble, 2009 « Voilà toute l’ambiguïté de la notion de politique de voisinage, notion avant tout politique muée en principe juridique structurant les relations extérieures de l’Union. C’est une notion d’une grande plasticité autour d’un noyau central -qui constitue au demeurant sa plus-value par rapport à l’existant : la création d’un espace de stabilité et de prospérité aux alentours proches et lointains de l’Union ».
175
l’intérêt des échanges du produits pour les partenaires . On peut citer à titre d’exemple les
accords de la Communauté avec l’ Inde et le Pakistan sur le jute. Souvent ces accords ont été
signés avec des pays en voie de développement dont les recettes d’exportation sont
étroitement dépendantes du dit produit. L’existence de tels accords par produit ne dépend
aucunement de la conclusion préalable avec le partenaire d’un accord commercial à caractère
général c'est-à-dire visant un ensemble beaucoup plus important de produits. Ainsi l’ Inde fut-
elle liée à la CEE par des accords sectoriels bien avant la conclusion d’accords plus généraux
touchant à l’ensemble de la coopération commerciale
Une autre catégorie d’accords pouvant être rattachés aux accords sectoriels sont
les accords par activité et dont l’objet est de réglementer tel ou tel secteur précis d’activité
entre la CE et son partenaire. Ils sont intéressants pour les partenaires dans la mesure où ils
peuvent permettre aux intéressés de développer une coopération sur des points précis Soit
dans le cadre commercial ou para commercial, soit dans d’autres cadres. Ainsi un accord sur
le transit, activité para commerciale pourra-t-il reposer sur l’article 133. . D’autres acteurs
sectoriels par activité resteront pour l’essentiel238 étrangers à tout objectif d’échanges
commerciaux, accords de pêche239, accords de lutte contre la pollution, accords touchant aux
transports, lutte contre la désertification, coopération en matière de recherche etc...
On soulignera pour conclure sur les acteurs sectoriels que les accords sectoriels souffrent
aujourd’hui et plus particulièrement depuis la décennie 1990, d’une tendance générale de la
Communauté à privilégier une approche beaucoup plus globale de ses coopérations et à
l’accroissement considérable des accords d’association type 310 (ex 238) dont l’objectif est
bien de mettre en place une coopération privilégiée reposant sur un champ très élargie
(échanges commerciaux, libre circulation et protection sociale des personnes, libre
concurrence , transports, recherche scientifique, coopération universitaire etc.. Pour autant les
accords sectoriels n’ont pas disparu et même l’Union dans le cadre de ses piliers
intergouvernementaux peut y recourir240
238 Cf. supra et les développements relatifs au choix de la base légale de l’accord dans l’hypothèse d’objectifs pluriels et nécessitant la réflexion sur l’objectif principal pour « départager » la politique commerciale, d’autres politiques 239 Les accords de pêche, sont très significatifs de « certaines formes de mixité » liées au champ variable de la coopération : reconnaissance de droits de pêche, accès au marché des produits de la pêche, coopération pour des joint venture en vue de création d’industries de la pêche… Un accord de pêche peut soit se limiter à une seule forme de coopération, soit en englober plusieurs 240 En matière de PESD notamment l’UE est amené à conclure des accords avec des Etats tiers intéressés par la participation à une mission de Petersberg
176
2°) les accords non préférentiels
Ce sont les accords conformes aux règles du GATT, reprises et approfondies dans le cadre de
l’OMC et qui portent sur les principes de non discrimination tarifaire et de libéralisation du
trafic physique. Le premier a pour corolaire le mécanisme de la « clause de la nation la plus
favorisée » selon lequel « tous avantages, faveurs privilèges, ou immunités accordées par une
partie contractante à un produit originaire ou à destination d’un autre pays seront
immédiatement et sans condition, étendus à tous produits similaires originaire ou à destination
du territoire de toutes les parties cocontractantes »241. Ainsi dans le cadre d’un accord non
préférentiel, tous les avantages accordés, portant sur les droits de douanes et les taxes d’effet
équivalent, sont immédiatement généralisés à l’ensemble des Etats membres de l’ OMC.
Ainsi tout partenaire doit-il nécessairement se monter prudent dans les concessions tarifaires
qu’il est amené à consentir et la Communauté ne saurait échapper à cette donne propre aux
accords non préférentiels. Beaucoup de ces accords ont été conclus sur la base de l’article
133 (ex 113) qui dans son alinéa 1er prévoit explicitement les accords tarifaires et
commerciaux. Néanmoins une assimilation totale entre la catégorie des accords non
préférentiels et les accords de l’article 133 serait erronée. En effet l’article 113 peut aussi
servir de base à un accord préférentiel. En réalité c’est bien en fonction du contenu matériel
exact de l’accord non préférentiel qu’il est possible de distinguer entre plusieurs types
d’accords de cette nature
a) les accords tarifaires ont pour objet l’octroi entre les partenaires d’avantages
exclusivement tarifaires, et ce sur certains produits limitativement énumérés , en général en
petit nombre, et que les partenaires ont coutume d’échanger. Il s’agit bien évidemment de
faciliter l’accès au marché des dits produits du partenaire. En réalité jamais dans la pratique
aucun accord de ce type n’a été conclu par la CEE avec un Etat tiers. En effet les concessions
tarifaires reconnues par la Communauté à son partenaire ont en général été accompagnées
d’autres mesures de libération du trafic physique. Ainsi l’ajout d’autres facilités touchant
aux restrictions quantitatives ont transformé ces accords en accords commerciaux
b) les accords commerciaux ont pour caractéristiques d’agir à la fois sur les droits de
douanes et sur les restrictions quantitatives. Ils sont à ce titre plus complets que les accords
tarifaires. La CEE y a eu très largement recours notamment pendant la période de transition
241 Cf. article 1 de l’accord général du GATT
177
(1958-1970). Mais assez rapidement l’intérêt en faveur de cet accord commercial, dit de
type classique, s’est estompé. L’explication doit être recherchée dans le fait que la plupart des
abaissements de droits de douane a été réalisé dans le cadre multilatéral du GATT, à
l’occasion des grandes négociations comme par exemple celle du Kennedy round auquel on
doit une réduction moyenne d’environ 50% des droits de douane. On peut faire le même type
de remarques s’agissant des restrictions quantitatives qui n’ont cessé de diminuer. Ainsi
confrontés à de nouveaux obstacles au commerce propres aux évolutions du commerce
international, était il nécessaire pour la Communauté et ses partenaires d’explorer d’autres
voies pour le développement de leurs échanges commerciaux. Tel a été le cas par exemple des
actions relatives à la promotion et à la commercialisation des produits, ou encore celles
relatives à la diversification des échanges qui par leur nature échappent à l’emprise de la
clause de la nation la plus favorisée et permettent à la CE de s’autonomiser par rapport aux
contraintes des règles du GATT. Naturellement une telle autonomisation peut-elle etre en
mesure de favoriser le développement d’un réseau specifique de relations économiques et
commerciales
c) les accords de coopération commerciale
Ils se distinguent des précédents dans la mesure où la coopération commerciale n’est plus un
complément des facilités tarifaires ou de libération contingentaire comme dans les accords
commerciaux mais bien l’objet essentiel voire dans certains cas exclusif de l’accord242. Ainsi
ce type d’accord ne s’intéresse-t-il que de manière très accessoire aux concessions tarifaires
ou aux restrictions quantitatives. On trouve fréquemment ce type d’accord dans les relations
economiques « inégalitaires » que la Communauté entretient dans le cadre du dialogue Nord
Sud avec des Etats moins développés243
d) les accords cadre de coopération économique et commerciale
Ces accords se distinguent très nettement des précédents en ce sens que la coopération
envisagée s’adresse à des Etats économiquement développés et qu’elle n’est pas circonscrite
au seul domaine des échanges. On y trouvera ainsi des mesures très diversifiées comme celles
relatives à la coopération entre les entreprises, à la coopération dans le domaine de la
recherche et du développement (RED), de la production comme de la commercialisation. Le
terme de coopération trouve ici sa plénitude avec un contenu qui va bien au-delà de la
242 Tel a été par exemple le cas de l’accord CE-Mexique 243 Cf. accords avec le Sri Lanka, le Bengladesh, le Pakistan, le Mexique
178
coopération commerciale. C’est aussi une raison qui fait qu’un tel accord ne saurait avoir pour
seule base légale l’article 133 et nécessite le renfort d’autres bases légales expresses ou celle
de l’article 308 (ex 235) ; Un des exemples les plus significatif de ce type d’accords est celui
du 6 juillet 1976 qui lie la Communauté au Canada.
3°) les accords préférentiels
Il s’agit d’accords qui ont pour objet d’accorder des préférences et qui comme tels dérogent
en définitive au principe de non discrimination tarifaire. Ils doivent être distingués d’un autre
instrument de « différenciation commerciale » qui est celui du Système de préférences
généralisées (SPG)244 constitué d’avantages commerciaux accordés de manière unilatérale
par la Communauté aux pays en voie de développement en application des invitations en ce
sens développées par la CNUCED. L’objet d’un tel instrument, comme un SPG est en effet de
mettre en place dans le cadre du dialogue Nord Sud une inégalité compensatrice au profit des
PVD pour tenir compte de leur retard économique par rapport aux pays industrialisés. La
Communauté a été la première puissance commerciale, avant les Etats-Unis et le Japon, à
mettre en place dès 1971 son premier SPG245 et ce malgré les incertitudes pesant sur
l’opérabilité de l’article 113 en la matière246.
Dans le cadre communautaire les accords préférentiels, contrairement aux accords non
préférentiels, portent sur une grande partie des échanges entre les partenaires. Ils accordent
des avantages spécifiques au partenaire et dérogent aux principes fondateurs du GATT et de
l’OMC, lequel reconnait ce dérogations tout en les encadrant très strictement, notamment
dans l’article XXIV qui subordonne la régularité des zones de libre échange et d’union
douanière à certaines conditions : La première condition, dite de neutralité implique que les
droits appliqués aux produits originaires des Etats tiers, ne soit pas plus élevés qu’avant
l’établissement de la zone ou de l’ union ; la seconde condition intéresse l’obligation de
prévoir un délai raisonnable pour la réalisation de l’objectif de l’accord , zone franche ou
244. Pour une étude plus approfondie se reporter à FENET (A) (dir) op. cit. p. 168 et suiv ; BLUMAN (C), DUBOUIS (L), Droit matériel de l’Union européenne, Montchrestien, Paris, 2009, p. 709 et suiv. 245 Le premier SPG, conclu pour une période de 10 ans reposait sur le règlement du Conseil du 1er juillet 1971 ; le second SPG trouve sa source dans le règlement du Conseil du 16 décembre 198 ; le troisième SPG a été adopté par le Conseil le 10 décembre 2001 pour une période couvrant les années 2002 à 2005. Le régime actuel du SPG relève du règlement du 27 juin 2005 246 Dans l’affaire Commission contre Conseil du 26 mars 1987, la CJCE a admis la base légale de l’article 113. Le règlement relatif au troisième SPG a été adopté sur la même base légale alors que l’article 179 TCE, est présenté par une certaine doctrine comme plus appropriée et ce d’autant qu’elle implique le recours à la procédure de codécision depuis le traité d’Amsterdam
179
union douanière. De manière générale on se doit de souligner que le SPG247 comme les
accords préférentiels248 de la Communauté nourrissent de manière générale le contentieux
devant l’organe de règlement de l’ OMC (ORD) et que le développement de ce dernier est
directement à l’origine de l’évolution du dispositif préférentiel de la Communauté pour le
rendre compatible avec les règles de l’OMC ces dernières pesant de plus en plus sur les
relations économiques et commerciales de la Communauté. Cela a conduit notamment la
Communauté à mobiliser les différentes dérogations prévues à l’article XXV §5 de l’accord
OMC selon lequel les parties sont autorisées à maintenir pendant une période déterminée leur
dispositif pendant une période déterminée avant de les adapter pour les rendre conformes
Les accords préférentiels ont été et continuent d’être conclus sur les deux bases juridiques
possibles que sont la politique commerciale ou les accords d’association. On constate ainsi
que le seul critère formel de leur base juridique ne suffit pas à résumer l’extraordinaire
diversité de cette catégorie, d’où la nécessité de recourir à d’autres critères et plus
particulièrement le contenu matériel et la portée des avantages consentis, ce qui nous conduit
à distinguer nombre de sous catégories mises en évidence par la doctrine spécialisée249
a) les accords non qualifiés ou accords commerciaux fort sont une catégorie d’accords
très importants tant sur la plan qualitatif que quantitatif et sont le plus souvent identifiables
par la terminologie retenue à leur égard. En effet ils sont identifiables au premier abord par le
fait que plutôt que d’être qualifiés « accord commercial, ils sont simplement qualifiés
« accord ». Les premiers accords de ce type ont été les accords conclus en 1970 avec l’
Espagne et le Portugal. Il s’agit en réalité d’accords commerciaux mais dont le contenu
matériel est particulièrement étoffé. Ils prtent en effet non seulement sur la suppression ou la
diminution des droits de douanes et des obstacles non tarifaires (restrictions quantitatives et
mesures de libération du trafic physique) mais aussi sur des obstacles aux échanges « plus
actuels » comme les primes, les subventions, les pratiques discriminatoires d’ordre fiscal ou
découlant des législations douanières. Ainsi le volet commercial et de libéralisation des
247 Cf. pour exemple plainte de l’Inde relative aux conditions d’octroi du SPG communautaire et rapport de l’organe d’appel de l’ORD du 7avril 2004 248 Cf. pour exemple la plainte des USA relatives aux accords avec le Maroc et la Tunisie et rapport du groupe spécial du 7 février 1985 et bien évidemment la très fameuse affaire de la banane qui a vu les USA contester le système préférentiel établi par la Communauté notamment au profit des Etats ACP 249 Cf. sur cette question particulière FLAESCH MOUGIN (C) Les accords extérieurs de la C.E.E. - Éd. de l’Université de Bruxelles - 1978.
180
échanges est -il est-il plus développé que pour les accords commerciaux tant en ce qui
concerne ce type de mesures qu’en ce qui concerne les produits qu’ils visent. Et qui souvent
portent sur la plupart des produits industriels à l’exception de certains « produits sensibles » et
qui varieront d’un accord à l’autre. S’agissant enfin des produits agricoles , ils sont visés
dans ce type d’accord même si on conserve à l’esprit que la politique de la Communauté en
matière de libéralisation des échanges agricoles est, pour les raisons que l’on sait, toujours
très prudente
Ces accords peuvent parfaitement avoir, dans la pratique conventionnelle de la
Communauté, pour base légale l’article 113 (133). Ils auront souvent été qualifiés d’ »accord
commercial préférentiel » comme si pour la Communauté, il était inhabituel, dans sa pratique
conventionnelle, de voir des accords type 113 déroger aux principes généraux du GATT et,
par voie de conséquence, de réserver cette situation dérogatoire aux accords d’association
type 238
Comme n’a pas manqué de le souligner une certaine doctrine250, les accords
commerciaux forts ont traduit dans la pratique communautaire un relatif bouleversement de
l’optique d’origine poursuivi par les rédacteurs du traité qui pensaient réserver ces liens très
étroits aux accords d’association
b) les accords d’association de coopération économique dits « association mineure »
Ces accords ont été ainsi qualifiés d’association mineure dans la mesure où la pratique
conventionnelle les a limités au domaine des échanges commerciaux, voire à un domaine
commercial limité. En effet n’y figuraient par exemple aucun dispositif concernant les
subventions ou le dumping. Sont ainsi seulement intégrés dans ces accords (comme
d’ailleurs dans les accords non qualifiés de l’article 113 visés supra (a)), des dispositions sur
les droits de douanes, sur les restrictions quantitatives y compris sur les mesures d’effet
équivalent, sur les mesures discriminatoires, sur les paiements…
c) les accords ayant pour objet la mise en place d’une zone de libre échange
250 Cf. FLAESCH MOUGIN (C), op.cit.
181
En réalité derrière cette catégorie se dissimulent deux sortes d’accords , qui bien que tout
deux de nature préférentielle, doivent être distingués selon leur contenu et leur portée , l’un et
l’autre étant attestés par des bases légales différentes :
-les accords de libre échange conclus sur la base de l’article 113 se
rapprochent beaucoup de la catégorie des accords commerciaux forts tout en s’en distinguant.
En effet loin de se limiter à des réductions de droits douanes même substantiels, ils ont cette
fois ci pour objectif leur suppression pure et simple. C’est à ce titre qu’ils se réclament de la
création d’une Zone de libre échange qui se caractérise justement par la suppression des droits
de douane entre les partenaires. Ils instituent ainsi un calendrier de désarmement tarifaire
portant en général sur une période de 5ans. Ce type d’accord contient aussi nécessairement
des éléments de politique commerciale, plus nombreux et plus spécifiques. Par voie de
conséquence leur contenu commercial élargi et plus dense permet normalement de les
distinguer des accords commerciaux forts
Les accords d’association prévoyant la création d’une zone de libre
échange
Ils sont fondés sur l’article 238 (aujourd’hui 310) ce qui entraine la conséquence qu’ils
peuvent sortir du seul domaine de la politique commerciale. Le libre échange ainsi mis en
place ne porte pas seulement sur les biens et les marchandises. Il peut englober la
libéralisation des services des capitaux mais aussi la libre circulation des personnes. Ainsi ce
type d’accord peut-il souvent inclure, au bénéfice des entreprises ou des ressortissants du
partenaire de l’association, l’octroi de régimes préférentiels et discriminatoires. Enfin ces
mesures d’accompagnement prévoient souvent un volet d’aide financière, de coopération et
d’assistance technique, surtout lorsque le partenaire est un pays moins développé.
d) les accords de coopération.
Il s’agit d’un qualificatif qui est resté longtemps sui generis c'est-à-dire réservé à la
qualification des accords conclus par la Communauté dans le cadre de son partenariat avec les
ACP. Mais il a aussi été utilisé pour certains accords conclus avec des pays méditerrannéens
- Les accords CE ACP se caractérisent par l’ampleur rationae materiae des
champs concernés, volet commercial préférentiel, un système de garantie des exportation
fondés sur les systèmes STABEX et SYMIN, un protocole sucre, et enfin un volet de
coopération portant sur des secteurs très variés et impliquant de la part de la communauté une
assistance financière importante. S’agissant du volet commercial, il se caratérisait par par
182
l’absence de réciprocité des avantages commerciaux qui ne jouent qu’au bénéfice des Etats
ACP alors que la réciprocité des avantages commerciaux constituait à l’origine une des
caractéristiques des accords d’association.251 Cependant les Etats ACP ont voulu récuser le
terme d’accord d’association alors même que le fondement légal retenu est bien celui de
l’article 238 (310), car ils y voyaient un « relent colonialiste ». La qualification officielle
d’accord de coopération a été néanmoins abandonnée au profit de celle « d’accord de
partenariat » à l’occasion de la signature le 23 juin 2000 des accords de Cotonou
-les accords de coopération CE avec le Maghreb et le Machrek
Il s’agit des accords conclus par la communauté dans le cadre de sa politique
méditerranéenne dans le cadre de son approche globale méditerranéenne arrêtée en 1972 et
qui s’est traduite par une première vague d’accords bilatéraux conclus avec l’Algérie, la
Tunisie et le Maroc en 1976 et la Syrie, la Jordanie, l’ Egypte et le Liban en 1997. Bien que
conclus sur la base de l’article 238, ils ne se sont pas vu qualifier d’accords d’association.
Confrontés à de nombreuses limites liées à plusieurs facteurs, érosion des préférences
commerciales, élargissement de l’Union vers le Sud limitant l’intérêt des importations de
pays méditerranéens, ces accords ont été régulièrement renouvelés mais cette fois ci dans des
cadres modifiés appelant des changements d’appellation. Sont ainsi nés de nouveaux accords
d’association qualifiés cette fois ci « d’accords euro-méditerranéens » conclus avec l’ Algérie
(22 04 2002), le Maroc (26 02 1996), la Tunisie (17 05 1995), l’Egypte (25 06 2001), la
Jordanie ( 31 05 2005) et le Liban ( 17 06 2002). Aujourd’hui la question peut être posée de la
conclusion éventuelle dans un proche avenir de nouveaux accords conclus avec certains de
ces partenaires (Maroc et Tunisie) cette fois ci dans le nouveau cadre de la politique de
voisinage (cf. supra).
e) l’accord d’association impliquant une union douanière
Naturellement il s’agit de l’association la plus étroite s’agissant du volet commercial
puisqu’elle implique une adaptation de chacun de ses partenaires à la politique commerciale
voire à la politique économique de l’autre. Ainsi la Communauté doit-elle nécessairement
adopter son tarif douanier extérieur commun afin que vis-à-vis des pays tiers les droits de
251 Le volet commercial de l’accord de Cotonou implique l’abandon de cette philosophie des avantages asymétriques et la conclusion à venir « d’accords de partenariat économique » visant à la libéralisation progressive des échanges commerciaux et l’établissement à terme de véritables de zones de libre échange. Cependant les négociations sur ce point , commencées en 2002, sont gelées et posent à terme de manière aigue le devenir du partenariat UE ACP notamment au regard de sa compatibilité avec les règles de l’ OMC
183
douane soient les mêmes. Par ailleurs l’effet d’entrainement de l’Union douanière oblige peu
à peu « les associés » à rapprocher leur politique commerciale respective.. En effet à coté des
droits de douane il ya bien d’autres domaines à harmoniser. En définitive du fait des liens
toujours plus étroits appelés à se développer dans le cadre de cette association très étroite on
peut considérer qu’il est difficile de ne pas aboutir à l’absorption du partenaire par la
Communauté. Néanmoins ce type d’accord d’association peut se présenter sous deux formes
différentes, l’une prévoyant explicitement l’adhésion du partenaire, l’autre présentant
l’association comme une simple étape parmi d’autres à venir et notamment la mise en œuvre
effective de l’Union douanière. Dans la pratique la Communauté n’a recouru qu’à trois
reprises à des accords d’association impliquant création d’une union douanière avec la Grèce
et Chypre. Enfin le dernier accord conclu entre la CE et la Turquie en 1996