Marseille et la Méditerranée...et de ferveur pour les processions religieuses, les grandes parades...

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SEPTEMBRE 2013 : 11 Marseille et la Méditerranée TERRITOIRES La faiblesse des relations entre les ports du Nord et du Sud de la Médi- terranée (7 % de la totalité des trafics de marchandises) témoigne que l’extraordinaire potentiel de développement de cette région n’en est en- core qu’à ses balbutiements. De nombreuses démarches, de nombreuses initiatives individuelles ou collectives, économiques, culturelles ou diplo- matiques ont souligné à la fois ses atouts et les difficultés, de toute nature, à faire évoluer les choses. Or, une partie de l’avenir de Marseille va s’écrire dans ce dialogue euro-mé- diterranéen. Les difficultés rencontrées ne doivent ni faire oublier les suc- cès des relations économiques et culturelles dans de nombreux domaines ni se détourner de l’objectif principal : faire jouer à Marseille un rôle de premier plan. Méditerranée intégrée, Méditerranée des projets (avec l’es- poir que la crise ne vienne les compromettre), Méditerranée de la réussite (ou des échecs), le sort de l’Europe du Sud est en partie conditionné par les développements de toute nature que pourra connaître la rive Sud. Dans cette publication consacrée aux liens de Marseille et de la Médi- terranée, l’Agam a fait le choix de centrer son propos sur la question de l’identité méditerranéenne de Marseille, sur le rôle qu'elle occupe dans cet espace euroméditerranéen continuellement émergent, sur la nécessité de travailler sur les deux rives sur la question du développement durable, de l'économie, et des spécificités de l’urbanisme méditerranéen. ÉDITO Le "focus Méditerranée" apporté notamment par les manifestations culturelles organisées en 2013 à Marseille confirme en quoi le passé, le présent et les projets pour Marseille et son espace métropolitain sont intimement liés à son accroche méditerranéenne. Si la culture est ainsi un mode de rapprochement essentiel entre les deux rives, de nombreux autres modes de relations se développent dans le domaine scientifique et médical notamment. Chacun sait, que dans le domaine économique, elles pour- raient être plus importantes, mais qu’un certain nombre de considérations géostratégiques entravent leur dynamique, au bénéfice d’autres partenaires lointains de la rive Sud comme les Etats-Unis ou la Chine, tandis que la Turquie renforce son influence, dans la partie orientale. Mais depuis quelques années émerge un nouveau centre d’intérêt lié aux questions urbaines qui prennent une tour- nure particulière tant la pression sur le littoral est impor- tante, au Nord comme au Sud de la Méditerranée. L’Agam s’y implique et se tient prête à renforcer son partena- riat et partager son savoir-faire avec ses voisins du Sud.

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  • s e p t e m b r e 2 0 1 3 : N ° 1 1

    Marseille et la Méditerranée

    t e r r i t o i r e s

    portrait

    portrait

    La faiblesse des relations entre les ports du Nord et du sud de la médi-

    terranée (7 % de la totalité des trafics de marchandises) témoigne que

    l’extraordinaire potentiel de développement de cette région n’en est en-

    core qu’à ses balbutiements. De nombreuses démarches, de nombreuses

    initiatives individuelles ou collectives, économiques, culturelles ou diplo-

    matiques ont souligné à la fois ses atouts et les difficultés, de toute nature,

    à faire évoluer les choses.

    Or, une partie de l’avenir de marseille va s’écrire dans ce dialogue euro-mé-

    diterranéen. Les difficultés rencontrées ne doivent ni faire oublier les suc-

    cès des relations économiques et culturelles dans de nombreux domaines

    ni se détourner de l’objectif principal : faire jouer à marseille un rôle de

    premier plan. méditerranée intégrée, méditerranée des projets (avec l’es-

    poir que la crise ne vienne les compromettre), méditerranée de la réussite

    (ou des échecs), le sort de l’europe du sud est en partie conditionné par les

    développements de toute nature que pourra connaître la rive sud.

    Dans cette publication consacrée aux liens de marseille et de la médi-

    terranée, l’Agam a fait le choix de centrer son propos sur la question de

    l’identité méditerranéenne de marseille, sur le rôle qu'elle occupe dans cet

    espace euroméditerranéen continuellement émergent, sur la nécessité de

    travailler sur les deux rives sur la question du développement durable, de

    l'économie, et des spécificités de l’urbanisme méditerranéen.

    ÉditoLe "focus Méditerranée" apporté notamment par les

    manifestations culturelles organisées en 2013 à Marseille

    confirme en quoi le passé, le présent et les projets pour

    Marseille et son espace métropolitain sont intimement liés

    à son accroche méditerranéenne.

    Si la culture est ainsi un mode de rapprochement

    essentiel entre les deux rives, de nombreux autres modes de

    relations se développent dans le domaine scientifique

    et médical notamment.

    Chacun sait, que dans le domaine économique, elles pour-

    raient être plus importantes, mais qu’un certain nombre de

    considérations géostratégiques entravent leur dynamique,

    au bénéfice d’autres partenaires lointains de la rive Sud

    comme les Etats-Unis ou la Chine, tandis que la Turquie

    renforce son influence, dans la partie orientale.

    Mais depuis quelques années émerge un nouveau centre

    d’intérêt lié aux questions urbaines qui prennent une tour-

    nure particulière tant la pression sur le littoral est impor-

    tante, au Nord comme au Sud de la Méditerranée.

    L’Agam s’y implique et se tient prête à renforcer son partena-

    riat et partager son savoir-faire avec ses voisins du Sud.

  • t e r r i t o i r e s

    2 Marseille et la Méditerranée

    Marseille, une identité méditerranéenne originale

    Que n’a-t-on dit sur l’identité méditerranéenne de

    marseille ! L’exercice reste pourtant difficile. Non seu-

    lement l’identité de marseille est difficile à définir, mais

    il en est plus encore de l’identité méditerranéenne !

    bien que célébrée aujourd’hui, celle-ci relève, pour

    partie sans doute, de "représentations" qu’une analyse

    scientifique s’emploierait à déconstruire, voire d’un

    "construit identitaire". Néanmoins, selon l’enquête

    menée par le Laboratoire méditerranéen d’études de

    sociologie à propos de l’image de marseille vue par les

    marseillais, le plus grand nombre d’entre eux la définit

    comme une "ville méditerranéenne", plutôt qu’euro-

    péenne ou que capitale régionale.

    Qu’est-ce qui en fait une ville méditerranéenne ? Qu’en-

    tend-on par "ville méditerranéenne" ? et que signifie

    identité méditerranéenne ?

    L’histoire de marseille, d’abord, est pleinement méditer-

    ranéenne dès l’origine. Le récit de sa fondation il y a 2 600

    ans, qui voit le mariage de Gyptis et protis, célèbre l’alliance

    de l’étranger, le marin grec, et de la native, la paysanne

    ligure. L’union de la mer et du terroir. Au 13e siècle, c’est

    une ville quasi indépendante, à l’instar des cités-états

    méditerranéennes, italiennes en particulier. marseille

    est évidemment méditerranéenne, aussi, par sa géogra-

    phie. La mer, le soleil, une végétation méditerranéenne,

    le climat, la lumière. et un site exceptionnel – une

    cuvette entourée de massifs, avec des affleurements

    rocheux jusqu’en cœur de ville. Cet enclavement, qui

    caractérise de nombreuses villes maritimes méditerra-

    néennes, s’est sans doute conjugué avec une dimension

    portuaire pour marquer une identité urbaine affirmée.

    Car marseille est d’abord une ville portuaire de commer-

    çants et de dockers, qui tire son revenu de la mer, du né-

    goce, de l’étranger. D’un cosmopolitisme qui constitue

    une autre caractéristique majeure des villes portuaires

    méditerranéennes. Il s’agit d’une réalité ancienne dans

    une ville qui comptait déjà 10 % d’étrangers en 1851 et

    199 000 sur 803 000 habitants en 1931, sans parler des

    immigrés arrivés précédemment et naturalisés.

    successivement, Italiens, espagnols Arméniens, Corses,

    Algériens, pieds-noirs et plus récemment Africains,

    s'établissent dans la ville. Ces vagues migratoires suc-

    cessives font partie de l'identité d’une ville "fière de son

    identité multiculturelle fédératrice, qui est louée dans le

    discours médiatique".

    La cuisine est soulignée souvent comme l’un des creu-

    sets méditerranéens. Les plats peuvent être différents

    mais les ingrédients sont les mêmes : huile d’olive, ail,

    poissons et crustacés, fruits et légumes frais, fromages

    de chèvre et de brebis, graines, céréales. marseille ne

    fait pas exception…

    Mémoire, cosmopolitisme et manière d’être

    Ajoutons un zeste de religiosité à ce "cocktail" – les

    ex-voto à la bonne mère rappellent ainsi le culte de

    la vierge marie à séville ou celui des saints à Naples –

    et de ferveur pour les processions religieuses, les

    grandes parades officielles, les fêtes populaires, les cor-

    tèges protestataires… existe-t-il, d'ailleurs un "esprit"

    “ Marseille est définie par les Marseillais comme une "ville méditerranéenne", plutôt qu'européenne ou que capitale régionale. ”

    © A

    gam

    N vue sur les collines du 7e arrondisseMent

  • 3Marseille et la Méditerranée

    t e r r i t o i r e s

    du lieu relevant d’éléments matériels (habitat, architec-

    ture, urbanisme) ou immatériels qui caractériseraient

    une "ville méditerranéenne" ?

    Force est de constater que les premiers, un urbanisme

    singulier, d’anciens villages progressivement intégrés

    à la ville, la division sociologique entre quartiers sud

    résidentiels et quartiers Nord plus populaires, l'hétéro-

    généité de habitat ne sont pas significatifs pour com-

    parer marseille et ses consœurs méditerranéennes.

    A priori, rien ne semble la rapprocher d’elles. seules

    l'ambiance de certains quartiers collinaires situés

    en fond d’anse ou de vallon et donnant sur la mer

    (endoume, malmousque, Vauban, Vallon-des-Auffes),

    en rappelle d’autres, comme elle évoque aussi certaines

    médinas des villes maritimes du sud – tanger, rabat ou

    Alger par exemple.

    malgré sa longue histoire, marseille possède peu de

    monuments patrimoniaux. elle n’est certes pas sans mo-

    numents ni points de repères mais elle n'apparaît pas

    "gorgée d’histoire" comme d’autres grandes cités médi-

    terranéennes. L’immeuble à trois fenêtres qui constitue,

    ici, l’architecture extérieure traditionnelle reste assez

    sobre comparativement aux traditions architecturales

    des autres grandes villes méditerranéennes.

    Celles-ci dessinent un paysage caractérisé par des

    dômes et des clochers, etc. Les couleurs et la déco-

    ration y traduisent des origines méditerranéennes et

    donnent à l’espace architectural et au sky-line un esprit

    particulier, facile à reconnaître. A cet égard, l’ambiance,

    les sons, les odeurs, la lumière de certains quartiers

    typiques et la mixité de la population du centre de mar-

    seille incarnent la méditerranée.

    Ainsi, cette identité méditerranéenne de marseille re-

    pose plus sur une culture et une histoire, sur le port et

    le cosmopolitisme, sur une manière d’être et de vivre

    ensemble, sur une certaine théâtralité et un brassage

    des populations, sur un savoir-vivre et un accueil, que

    sur son urbanisme et son habitat.

    la culture, facteur de paix et de dialogue ? La Méditerranée représente une unité culturelle à condition de ne pas envisager une culture commune mais la mise en commun de ce qui a constitué une marque distinctive. Le "continent méditerranéen" est une unité culturelle non par nature mais par vocation.

    Le destin de ce territoire marin est de conjuguer des courants culturels, des vagues de pensée ou des vents philosophiques et religieux qui ont fini par lui donner, après plus de deux millénaires, une position unique dans l’histoire. Il ne s’agit d’abord pas tant d’inventer une culture médi-terranéenne que de reconnaître la culture de l’autre, les cultures médi-terranéennes. à commencer par la culture arabe, qui fut l’un des principaux passeurs du legs antique à l’Occident...

    Mais il s’agit aussi de com-prendre que la culture de l‘autre n’est pas figée et que différentes cultures s‘inter-pénètrent au Sud comme au Nord. D’où la notion d’inter-culturalité, caractéristique d’une culture méditerra-néenne en devenir.

    La culture constitue ainsi en Méditerranée, un facteur puissant de rapprochement des peuples dans une région unie par la mer mais éternel-lement conflictuelle aussi, sans compter les écarts de développement entre les deux rives. Mar-seille est, de ce point de vue en mesure de jouer un rôle éminent, grâce à son rôle de capitale européenne de la culture en 2013, qui aura mis la Méditerranée à l’honneur, ainsi que le brassage culturel qui la caractérise. Et surtout grâce à deux prestigieux équipements culturels : le Mucem et la Villa Méditerranée.

    Plus qu’un musée national, le Mucem est une véritable cité culturelle qui s’appuie sur les sciences humaines et en mobilisant les expressions artistiques des deux rives de la Méditerranée. Plus encore, il est une manière nouvelle de considérer la Méditerranée comme espace d’ou-verture et de partage, d’envisager une histoire commune, de percevoir le dialogue des civilisations, d’en expliquer les enjeux, de donner leur profondeur de champ aux phénomènes contemporain, et de façonner un nouvel espace public.

    La Villa Méditerranée complète cette offre muséale par un lieu à l’architecture audacieuse. C’est un lieu d’échanges ouvert à tous les réseaux travaillant sur la coopération internationale en Méditerranée qui doit contribuer par le dialogue, à bâtir la Méditerranée de demain.

    Crédits photo : Love the difference - Mar Mediterraneo, Michelangelo Pistoletto, 2003-2007, miroir, bois, métal,

    osier, cuir et laine, "FNAC 07-472" Centre national des arts plastiques © Michelangelo Pistoletto/CNAP/photo :

    GalerieofMarseille, Marseille © Michelangelo Pistoletto/CNAP/photo : Galerie of Marseille, Marseille

    N table MÉditerranÉe - MuceM

    T MarchÉ de noailles

    © A

    gam

  • 4 Marseille et la Méditerranée

    t e r r i t o i r e s

    Marseille au cœur d’un espace euro-méditerranéen émergent

    Depuis le milieu des années 90, la méditerranée est

    de plus en plus identifiée comme un espace écono-

    mique et politique à part entière. Des politiques glo-

    bales et des institutions tendent même à émerger à

    l’échelle régionale, même si se suivent des périodes

    d’accélération et des périodes de ralentissement.

    si le "rêve méditerranéen" de l’europe est ancien

    depuis la mare Nostrum romaine, les relations de

    l’Union européenne avec les pays du sud et de l’est

    de la méditerranée ont connu plusieurs phases et des

    tentatives de structuration qui n’ont pas pleinement

    abouti à un cadre permanent de coopération régionale.

    La première phase est marquée par des relations ex-

    clusivement bilatérales entre l’europe et ces pays.

    Des tentatives de dialogue multilatéral naissent dans

    les années 70. en décembre 1973, d’abord, avec le

    lancement d’un « dialogue euro-arabe » qui fait suite

    à la crise pétrolière. A travers la mise en œuvre, en

    1975 ensuite du "plan d’action pour la méditerranée"

    (le futur plan bleu) sous l’égide des Nations unies, des-

    tiné à protéger la mer contre la pollution marine. La

    "politique méditerranéenne rénovée" qui s’engage

    après la guerre du Golfe des années 90-91, constitue

    la première tentative d’action cohérente et globale de

    l’europe à l’égard de son sud. Des programmes de coo-

    pération méditerranéenne sont ainsi lancés tels que

    "med Urbs", "med Invest" ou "med media".

    en novembre 1995, la conférence de barcelone marque

    une nouvelle étape avec la création d’un "partena-

    riat euro-méditerranéen". Objectif : faire de la "région

    euro-méditerranéenne" une "zone de prospérité par-

    tagée". Il s’appuie sur un volet "politique et sécurité",

    un volet "économique et financier" qui institue une zone

    “ Objectif : faire de la "région euro-méditerranéenne" une "zone de prospérité partagée" ”

    N les organisMes internationaux sont regroupÉs principaleMent à la villa valMer

    le "bruxelles de la Méditerranée" Bien que concurrencée par d’autres métropoles riveraines, Barce-lone notamment, Marseille a revendiqué dès les années 90 un rôle dans la construction de l’espace méditerranéen. A travers l’opé-ration Euroméditerranée, par exemple, ou l’accueil de nombreux organismes internationaux en lien avec la Méditerranée – Banque mondiale, Plan Bleu, Forum euroméditerranéen des instituts de sciences économiques (FEMISE), Centre de Marseille pour l'intégra-tion en Méditerranée (CMI), Institut de recherche pour le dévelop-pement (IRD), Office de coopération économique pour la Méditerra-née et l'Orient (OCEMO), Agence des villes et territoires méditerra-néens durables (AVITEM), Institut de la Méditerranée, etc.

    Ce positionnement s’appuie d’abord sur un rayonnement né d’un large faisceau d’atouts : premier port de Méditerranée jusqu’en 2011, deuxième ville diplomatique française après Paris avec plus de 60 consulats, positionnement géostratégique au cœur des arcs méditerranéen et latin et de la Méditerranée occidentale, dyna-mique métropolitaine, expérience ancienne de la relation avec le Sud. Elle dispose, en outre, d’un tissu diversifié d’organismes internationaux et d’associations engagées dans des coopérations méditerranéennes.

    Marseille bénéficie ainsi d’un pool de compétences reconnues pour appuyer techniquement des institutions telles que l’Union pour la Méditerranée. Et accueille régulièrement de nombreux événe-ments euro-méditerranéens – sommets, réunions ministérielles ou parlementaires, conférences, colloques. Capitale européenne de la culture en 2013, elle devient aussi, grâce à des équipements culturels prestigieux comme le Mucem ou la Villa Méditerranée, l’un des principaux lieux d’élaboration des politiques culturelles euroméditerranéennes. Autant d’atouts qui pourraient contribuer à faire d’elle, demain, le "Bruxelles de la Méditerranée".

  • 5Marseille et la Méditerranée

    t e r r i t o i r e s

    de libre échange en 2010, et un volet consacré au rappro-

    chement des sociétés civiles.

    Doté d’un programme financier (meda), ce dernier n’a pas

    réellement abouti, hormis les accords de libre-échange

    signés avec la tunisie, le maroc et la Jordanie. Outre les

    blocages résultant du conflit israélo-palestinien, cette poli-

    tique a été progressivement englobée dans la "politique

    européenne de voisinage".

    Union pour la Méditerranée

    en 2007 enfin, l’Union pour la méditerranée, lancée par

    Nicolas sarkozy marque une nouvelle étape. Initialement

    destinée à ne regrouper que les pays riverains, elle s’est

    finalement étendue à l’ensemble de l’europe et a pris le

    nom de "processus de barcelone-Union pour la méditerra-

    née", dont le premier sommet s’est réuni en juillet 2008. six

    axes stratégiques y seront proposés : la protection civile,

    les autoroutes maritimes et terrestres, la dépollution de

    la méditerranée, le plan solaire méditerranéen, l’initiative

    pour l’expansion des affaires en méditerranée et l’univer-

    sité euro-méditerranéenne.

    Comme le processus de barcelone, l’Union pour la médi-

    terranée s’est heurtée à de nombreux obstacles – et no-

    tamment à la persistance du conflit israélo-palestinien,

    avec la guerre de Gaza en 2009. elle a fait l’objet d’une

    relance récente à travers la première réunion des prési-

    dents des parlements des pays riverains, les 6 et 7 avril 2013

    à marseille. La période actuelle est à la redéfinition de ces

    politiques dans un contexte marqué, notamment, par les

    conséquences des printemps arabes.

    paradoxalement, une organisation intergouvernementale

    comme les "5 + 5" centrée sur la méditerranée occidentale,

    et dégagée du conflit israélo-palestinien, semble connaître

    plus de résultats.

    T colloque - union pour la MÉditerranÉe

    N projet taparura - sFax

    des métropoles en quête d’attractivité

    Barcelone et Alger sont les métropoles émergentes en Méditer-ranée occidentale – la partie orientale étant dominée par Is-tanbul. Si Le Caire est la plus grande ville de Méditerranée, elle pâtit de son éloignement du littoral. De leur côté, Casablanca, Tunis et Beyrouth sont en forte croissance et vont chercher à se positionner parmi les principales agglomérations euro-mé-diterranéennes. Quant à Athènes, Alexandrie, Rome, Marseille et Tripoli, elles connaissent un développement plus progressif.

    Cette croissance des métropoles présente des opportunités intéressantes pour les investisseurs internationaux. Le Bas-sin méditerranéen constitue, en effet, la troisième région à l’échelle mondiale en termes de produit intérieur brut et de flux d’investissements étrangers, après l’Amérique du Nord et l’Union européenne. Une dynamique qui s’incarne principale-ment dans les villes du littoral, points d’entrée privilégiés de la mondialisation.

    Les grandes métropoles méditerranéennes se lancent ainsi, au Nord comme au Sud, dans des politiques qui visent à dévelop-per leur attractivité à travers l’implantation d’équipements de congrès ou d’espaces technopolitains, l’organisation de grands événements semblables à Istanbul 2010 ou Marseille Provence, capitales européennes de la culture, et la mise en valeur de leurs façades littorales et du patrimoine bâti de leurs centres historiques. Cette compétition s’exerce également au travers de "méga-projets", qu’ils soient urbains (Euroméditerranée à Marseille, Taparura à Sfax, etc.) ou économiques comme le com-plexe portuaire de Tanger Med...

    Cette dynamique d’attractivité concerne, d’ailleurs, de plus en plus de villes de moindre dimension comme Tanger, Oran ou Sfax. Ce qui tend à uniformiser les modèles urbains. Le risque de fracture s’accroît ainsi entre des zones urbaines entièrement insérées dans la mondialisation et des villes déconnectées de ce mouvement d’internationalisation.

    © A

    mer

    Gro

    up

  • En quoi Marseille est-elle mieux qualifiée que les autres grandes villes du sud de l’Europe pour jouer un rôle en Méditerranée ?

    “ Marseille n’est que la préfiguration de ce que seront les villes européennes demain, compte tenu de la structure de sa population. Elle est parfois appelée la "10e wilaya" en Algérie. Marseille est par essence la ville multiculturelle méditerra-néenne, ce qui n’est pas le cas de Barcelone ou Milan. Les solutions qui seront expérimentées ici sont valables partout, au Nord comme au Sud. Marseille est un laboratoire et pour-quoi pas le laboratoire de la Méditerranée ? ”Comment s’est construit le positionnement euro-médi-terranéen de Marseille ?

    “ Marseille est la ville européenne qui a le mieux assumé ses responsabilités de ville cosmopolite sur la Méditerranée. Au début des années 90, la question posée était : est-ce qu’on assume notre qualité méditerranéenne, ou est-ce qu’on joue, au contraire, notre intégration dans le Nord ? On a choisi la première direction. Cette orientation nette a été suivie par tous les groupes politiques sans exception. Toutes les autorités ont joué ce jeu-là. Marseille a opéré une très nette orientation en faveur de la Méditerranée. ”Comment cela s’est-il traduit ?

    “ Marseille a pris une place exceptionnelle dans la coo-pération méditerranéenne. L’Institut de la Méditerranée, issu du partenariat de Barcelone, avec un certain nombre d’autres organismes ont été crées dans les années 94-95 : FEMISE (Forum Euroméditerranéen des Instituts de Sciences Économiques), réseau Euromesco, fondation Anna Lindh, Anima. Tout s’est mis en place en même temps : Euromé-diterranée, l’école de commerce est devenue Euromed ma-nagement dont les noms ne sont pas anodins ! On a attiré à la Villa Valmer l'Agence française de développement et l'Institut de recherche pour le développement. On a créé l'Office de coopération économique pour la Méditerranée et l'Orient, ainsi que le Centre de Marseille pour l'Intégration en Méditerranée. On a une force de frappe que personne n’a ! Mais, on n’a pas vu arriver de grandes institutions. Le siège de l’Union pour la Méditerranée (UPM) est à Barcelone. ”Quels sont les résultats de cet engagement euro-médi-térranéen ?

    “ Beaucoup d’actions positives. L’orientation de Marseille est reconnue et affiche ses résultats. L’exemple de l’École de la

    deuxième chance est marquant. Ce dispositif pour aider à l’inté-gration professionnelle des jeunes sortis du système éducatif a fait "école" en France avec 70 structures créées. Aujourd’hui, avec le réseau Ocemo, les écoles s’étendent aux pays du Sud. Après est venu le projet de candidature de Marseille à la capi-tale européenne de la culture. Le projet s’est logiquement tourné vers la Méditerranée. On aurait pu faire un autre choix. C’est encore ce choix qui a prévalu. Notre vraie moder-nité à Marseille, c’est cela aujourd’hui. ”Que peut faire Marseille dans le contexte actuel ?

    “ Le contexte actuel est difficile. Après les printemps arabes, tout est devenu politique en Méditerranée, et les médias ne s’intéressent qu’aux enjeux politiques (chiites-sunnites, etc.) et à ce qui est immédiat. En outre, les politiques euro-méditerranéennes sont actuellement éclatées. Mais la Méditerranée est en train de prendre beaucoup de retard sur le plan économique par rap-port à l’Asie. Il est nécessaire d’avoir un pilotage écono-mique raisonnable. Il faut positionner Marseille dans cette logique là : innovation, culture, environnement, etc. ” Que préconisez-vous comme actions ?

    “ Développer la coopération décentralisée, valoriser nos expériences pour en faire profiter les autres, cela concerne notamment l’Agam. Il faut mettre en place de vrais méca-nismes de transfert de technologie. Il faut également dé-velopper la coopération entre les labos de recherche et le développement des bourses de recherches post-doc. Ce se-rait beaucoup plus utile que les programmes Erasmus, trop lourds. Nos meilleurs étudiants aujourd’hui sont d’origine marocaine. ”Comment voyez-vous les pays du Sud de la Méditerra-née ?

    “ L’enjeu est de reconstruire le contrat social. Il faut en-courager la jeunesse, la liberté, la créativité. Il faut que ces pays rentrent dans une phase de créativité, d’innovation. On a besoin aujourd’hui, au Nord comme au Sud, de chefs d’entreprise plus innovants et plus créatifs. La jeunesse a toutes les armes intellectuelles. Au lieu de rester repliée sur elle même. Le devoir de l’Europe, c’est de les aider à se mettre dans le processus de liberté et de créativité. ”

    eNtretieN JEan-LouiS REiffERS

    Doyen honoraire de la faculté de sciences économiques d’Aix-Marseille Université, Président des Comités scientifiques de l’Institut de la Méditerranée (Marseille),

    et du FEMISE, vice-Président de l’OCEMO.

    6

    t e r r i t o i r e

  • 7

    Des enjeux communs de développement durable

    L’espace méditerranéen constitue (jusqu’à la limite des

    oliviers ?) une unité géographique certaine. D’abord

    parce que les pays riverains ont en commun une mer

    qu’il faut protéger. Parce qu’ils partagent ensuite un

    climat, un ensoleillement, une végétation – bref, un

    écosystème commun mais fragile. Avec les 12 000 es-

    pèces maritimes qu’elle abrite (soit 7 à 8 % des espèces

    connues) pour 0,8 % de la surface et 0,3 % du volume

    des eaux océaniques, la Méditerranée constitue l’un des

    points forts de la biodiversité planétaire. Les facteurs

    de pollution y sont très nombreux et proviennent ma-

    joritairement des terres. Elle fonctionne comme une

    gigantesque machine à évaporation – 3 130 km3 par an

    comblés par les apports hydrologiques de la mer Noire

    et de l’océan Atlantique. Si bien qu’il faut un siècle pour

    que ses eaux se renouvellent.

    La littoralisation de l’urbanisme (et l’anthropisation du

    littoral) constitue également l’une des caractéristiques

    communes de l’espace méditerranéen. Les causes en

    sont nombreuses et varient du Nord au Sud : déve-

    loppement du tourisme, polarisation de la croissance

    urbaine sur le littoral, macrocéphalie au sud, etc.

    De 1970 à 2000, la population des pays riverains est

    ainsi passée de 285 à 427 millions d’habitants – soit 50 %

    d’augmentation. Elle devrait tendre vers 523,7 millions

    pour 2025 ! Les flux touristiques génèrent également

    une forte pression sur l’environnement. Le Bassin mé-

    diterranéen concentre 31 % du tourisme mondial (275

    millions de visiteurs) pour 5,7 % des terres émergées.

    D’où l’urbanisme démesuré du littoral au regard des

    besoins des populations résidentes et les tensions qui

    pèsent toujours plus lourdement sur une utilisation de

    l’eau résultant d’habitudes de consommation très spéci-

    fiques – golf, piscines, etc.

    Risques écologiques

    L’espace méditerranéen est particulièrement soumis, en

    outre, aux risques liés au réchauffement climatique, à

    la rareté de l’eau et aux risques naturels et technolo-

    giques. L’élévation inéluctable du niveau de la mer et

    le réchauffement de l’atmosphère ont déjà conduit à

    une augmentation de la température et de la salinité de

    la mer jusqu’à 2 000 mètres de profondeur. A terre, les

    conséquences s’annoncent également nombreuses sur

    le cycle de l’eau, la désertification, la biodiversité ter-

    restre et marine, la forêt et les risque d’incendie, l’agri-

    culture et la pêche, l’attractivité touristique…

    D’ici à 2025, l’accroissement de la population au Sud

    devrait entraîner une augmentation de 25 % de la de-

    mande en eau, alors que 60 % de la population mon-

    diale des pays pauvres en eau s’y regroupent déjà. Dans

    certains pays (Egypte, Israël, Libye notamment), elle

    dépasse déjà les ressources mobilisables. Mais plus de

    la moitié des pays méditerranéens devraient connaître,

    eux aussi, des situations de pénurie structurelles.

    Depuis quelques années, on assiste, dans l'espace médi-

    terrannéen, à une forte croissance des sinistres liés à

    des risques naturels : tremblements de terre, inonda-

    tions, sécheresses, feux de forêts. Autant d’enjeux qui

    impliquent la mise en œuvre de politiques d’adapta-

    tion-prévention à l’échelle méditerranéenne. Or si cette

    prise de conscience est ancienne, la gouvernance et les

    moyens restent encore peu efficaces.

    N la desertiFication une des consÉquences du rechauFFeMent cliMatique

    “ Les pays riverains partagent un écosystème commun mais fragile ”

    Marseille et la Méditerranée

  • 8 Marseille et la Méditerranée

    t e r r i t o i r e s

    :::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::

    Les défis de l'urbanisation

    Les villes du Nord et du sud de la méditerranée ne

    présentent ni les mêmes caractéristiques ni les mêmes

    étapes de développement. mais des préoccupations

    communes émergent. D’après les études prospectives

    du plan bleu, le taux d’urbanisation des pays riverains

    atteindra 75 % en 2030, avec 470 millions d’urbains at-

    tendus à l’horizon 2050. Quant à la périurbanisation, elle

    s’est intensifiée sur tout le pourtour du bassin méditer-

    ranéen où le processus de littoralisation s’est généralisé.

    sur la rive septentrionale, les croissances urbaines se

    stabilisent mais l’étalement se poursuit malgré la mise

    en œuvre de politiques de densification et de renouvel-

    lement urbain. sur les rives méridionale et orientale, cet

    étalement des agglomérations se manifeste aussi dans

    un contexte de croissance démographique élevée et

    alimentée par l’exode rural. Il est renforcé, au sud, par

    l’ampleur d’une construction illégale non réglementée,

    Le pourtour méditerranéen compte une trentaine

    d’aires urbaines de plus d’un million d’habitants – et

    pour la moitié d’entre elles, plus de deux millions. Villes

    portuaires ou offrant un débouché portuaire, les trois

    quarts d’entre elles s’y répartissent de manière homo-

    gène, de Casablanca à Istanbul et de barcelone au Caire,

    dans le cadre d’une littoralisation forte. Une homogé-

    néité qui résulte d’un rattrapage net des rives sud et

    est de la méditerranée et qui reflète d’autant mieux la

    poursuite d’un exode rural que la croissance naturelle y

    a fortement reculé au cours des dernières années.

    Un double phénomène se manifeste ainsi entre les dif-

    férentes rives de la méditerranée, marqué à la fois par un

    contraste Nord-sud et par une forte urbanisation autour

    de métropoles majeures à l’échelle régionale.

    Les grandes villes méditerranéennes mettent toutes en

    œuvre des politiques de planification urbaine que cer-

    taines engagent même à l’échelle de l’aire métropoli-

    taine – les schémas directeurs d'aménagement des aires

    métropolitaines, en Algérie, par exemple.

    Quelques-unes d’entre elles ont pris quelques lon-

    gueurs d’avance, soit parce qu’elles sont déjà orga-

    nisées comme les grandes villes turques, regroupées

    depuis 2012 en 29 municipalités métropolitaines, soit

    parce qu’elles ont adopté des plans stratégiques comme

    Alger, Istanbul ou barcelone.

    Développement urbain durable

    partout, en tous cas, on se préoccupe toujours plus d’un

    développement urbain durable. La première confé-

    rence ministérielle de l’Union pour la méditerranée sur

    ce thème, en novembre 2011, a ainsi appelé à "l’élabo-

    ration d’une stratégie urbaine durable euro-méditerra-

    néenne". et une agence des villes et des territoires médi-

    terranéens durables a été créée, à marseille, à l’initiative

    de la Datar et de l’lnstitut de la méditerranée.

    Les impacts négatifs des phénomènes d’étalement ur-

    bain littoral non maîtrisés sont désormais pointés dans

    tous les documents de planification. et des programmes

    de gestion côtière durable sont mis en œuvre, même

    s’ils demeurent peu efficaces pour l’instant.

    L’organisation de la mobilité devient une préoccupa-

    tion au Nord comme au sud, où se sont récemment

    multipliés les projets de transports en commun de type

    métro ou tramway. Alger, Casablanca ou Oran rejoignent

    ainsi d’autres métropoles bien équipées comme tunis,

    Istanbul ou Le Caire. et partout s’impose la conviction

    que ce n’est plus l’automobile qui structure la ville, mais

    les transports publics et les continuités naturelles.

    plusieurs projets affichés comme "éco-quartiers" ou

    "quartiers durables" ont vu le jour au cours des cinq der-

    nières années dans les pays de la rive sud – et notam-

    ment dans le monde arabe. C’est le cas à Anfa, Zenata

    ou bouregreg, au maroc, et au parc el Aznar, en egypte.

    Apparu en 2006 à Abu Dabi, masdar représente le pre-

    mier signal de ce nouveau type de développement du-

    rable. Celui d’une ville "zéro carbone" correspondant à

    l’importation des nouveaux standards de l’urbanisme

    international, empreints de préoccupations environne-

    mentales nouvelles.

    enfin, des pratiques innovantes émergentes se déve-

    loppent en faveur d’une préservation et d’une meilleure

    “ Le pourtour méditerranéen compte une trentaine d’aires urbaines de plus d’un million d’habitants ”

    “ On se préoccupe toujours plus d’un développement urbain durable ”

  • projet "cat-Med" : préparer ensemble la ville durable de demainOnze villes méditerranéennes ont décidé de mutualiser leurs ré-flexions et leurs efforts pour promouvoir un modèle urbain à la fois durable, compact et multifonctionnel. Le projet "Cat Med" – "Change Mediterranean Metropolises Around Time" –, lancé à Malaga en 2009, propose ainsi d’identifier des solutions opération-nelles permettant de modifier les modèles actuels pour réduire l’impact de l’urbanisation sur l’environnement et lutter contre le risque climatique.

    Chacune d’entre elles a retenu, dans ce cadre, un territoire d’expé-rimentation – l’opération Euroméditerranée, pour Marseille. Des groupes de travail transnationaux ont établi aussi vingt indicateurs communs afin de qualifier un développement durable à la fois urbain et méditerranéen. Une démarche nourrie par chacun des partenaires malgré les difficultés propres à cette réflexion – terri-toires variables, données disponibles hétérogènes, etc.

    Un groupe de réflexion marseillais a ainsi été déployé dans la phase locale du projet "Cat-Med". Espace de concertation, il a réuni une quarantaine d’acteurs clés du développement urbain afin d’y

    décliner cette "grille de lecture" commune. Les espaces publics ont constitué le thème central de leur réflexion autour d’"espaces de respiration" destinés à contreba-lancer une ville compacte et struc-turée sur la proximité, d’espaces confrontés aux impératifs des normes et de la réglementation, et d’espaces adaptés aux usages. Des échanges où s’inscrivent constamment, en filigrane, la lutte contre le changement cli-matique et l’adaptation du ter-ritoire à ses effets.

    Véritable engagement poli-tique transnational, le projet "Cat-Med" s’est concrétisé par la signature de la Charte de Malaga, en février 2011. Preuve de sa vocation à se perpétuer dans la durée, certains partenaires ont déjà amorcé l’actualisation des indicateurs.

    9

    t e r r i t o i r e s

    Marseille et la Méditerranée

    gestion de la ressource en eau dans les villes médi-

    terranéennes. La réutilisation des eaux usées, l’emploi

    de techniques alternatives d'assainissement pluvial par

    infiltration locale plutôt que par évacuation hors de la

    ville ou d'assainissement décentralisé, dans les zones à

    faible densité de population par exemple.

    Une gestion de la "demande en eau urbaine" a été enga-

    gée dans certaines villes comme tel Aviv ou tunis, à

    travers une réduction de l’utilisation par habitant. elle

    contribue à limiter les tensions sur l’eau ou à accroître le

    nombre d’usagers desservis sans redimensionnement

    des réseaux.

    Ainsi, les questionnements se font désormais communs

    et appellent des réponses communes, à l’échelle médi-

    terranéenne, en faveur d’un nouvel urbanisme médi-

    terranéen. Comment organiser, densifier et intensifier

    les villes ? Comment concilier attractivité et développe-

    ment local pour les populations résidentes ? Comment

    promouvoir des modèles urbains durables ?

    N traMway - oran

  • 10

    t e r r i t o i r e s

    :::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::

    Marseille et la Méditerranée

    Économie : inégalités et complémentarités

    La méditerranée reste marquée par de fortes inégalités

    de développement et par des liens de dépendance entre

    le Nord et le sud. Depuis quelques années, émerge tou-

    tefois l’idée de complémentarités économiques dans

    la compétition mondiale avec les autres blocs (Chine,

    États-Unis, etc.) du fait d’une proximité géographique,

    culturelle ou linguistique entre les deux rives. elles sont

    manifestes notamment dans des secteurs économiques

    tels que l’automobile, le textile, l’électronique ou l’aéro-

    nautique.

    Les niveaux de développement restent très inégaux

    entre les deux rives de la méditerranée. Le niveau de vie

    varie de un à huit entre leurs différents pays. Les perfor-

    mances de croissance sont toutefois encourageantes

    malgré une productivité encore faible et un environne-

    ment institutionnel peu favorable.

    Des freins persistent néanmoins au sud en matière

    d’éducation et de développement de l’économie de la

    connaissance. Quant aux indices synthétiques des ins-

    titutions internationales, ils démontrent que les écono-

    mies sont inégalement compétitives autour du bassin

    méditerranéen…

    Les relations économiques, ici, ont longtemps été carac-

    térisées par des liens de dépendance. Le Nord importait

    des matières premières (hydrocarbures et phosphates),

    le sud des produits manufacturés ainsi que des pro-

    duits agricoles. mais depuis une quinzaine d’années, cet

    état de fait change. La majeure partie des importations

    européennes (en valeur) en provenance de tunisie et

    du maroc sont aujourd’hui des produits manufacturés

    composés principalement de textile et cuir, mais aussi

    des produits électroniques, électriques et mécaniques.

    Le bassin méditerranéen constitue la troisième région

    mondiale en termes de produit intérieur brut et de flux

    d’investissements étrangers après l’Amérique du Nord

    et l’Union européenne. son espace économique pré-

    sente des complémentarités évidentes entre régions du

    Nord et territoires du sud qu’il est important de valoriser.

    Les premières sont riches de ressources humaines très

    qualifiées. elles sont au cœur d’un réseau de communi-

    cations reliant l’Afrique du Nord à l’europe et disposent

    d’un tissu industriel et scientifique dense, hautement

    performant. Les seconds offrent une main d’oeuvre bon

    marché, un ensemble d’entreprises ayant vocation à la

    sous-traitance, des zones franches industrielles et des

    “points francs”, des échanges commerciaux intenses

    avec l’europe.

    Demain, la coopération

    Cette complémentarité est renforcée encore par une

    proximité géographique qui réduit les coûts de trans-

    port, culturelle ou linguistique – quatre des pays de

    la rive sud sont majoritairement francophones. elle

    est manifeste, en tous cas, dans certains secteurs

    économiques. renault possède ainsi des usines de

    fabrication à tanger med où elle produit la Logan,

    à brousse, en turquie, et à Oran depuis 2013. Quant à

    Airbus, il possède des unités de fabrication (joint-ven-

    tures) ou des filiales à tanger, à tunis et à Naples.

    Fondée sur les avantages de localisation offerts par cha-

    cune des deux rives, cette complémentarité constitue

    un facteur supplémentaire d’attractivité de l’espace mé-

    diterranéen pour les investissements directs étrangers,

    susceptibles de bénéficier tant au Nord qu’au sud du

    bassin. elle se conjugue à un faisceau d’atouts communs

    pour tracer les grandes lignes d’une politique de co-

    localisation intelligente entre les deux rives de la médi-

    terranée, voire même d’une coopération pour aller à la

    conquête des marchés africains.

    “ Le Bassin méditerranéen constitue la troisième région mondiale en termes de produit intérieur brut et de flux d’investissements étrangers après l’Amérique du Nord et l’Union européenne ”

    T radès

  • un atlas des villes portuaires du sud et de l’est de la Méditerranée Des ports qui souffrent de sous-investissement et d’enclavement urbain, des hubs de transbordement qui émergent, des échanges avec l’Union européenne (hors hydrocarbures) qui restent faibles : les enseignements de l’étude sur les ports du Sud et de l’Est de la Méditerranée sont nombreux. Outre la constitution d’une base de données sur les trafics, ils permettent de comparer les stratégies de développement portuaire, d’interface ville-port, de localisation dans les aires métropolitaines et de positionnement méditerra-néen.

    Les rapports entre ports et territoires se révèlent ainsi en pleine évolution. Ils se traduisent par une volonté de réconcilier la ville avec la mer et des velléités de transférer les ports de commerce ou les trafics hors des villes-centres. Pourtant, des contradictions subsistent entre l’appropriation du littoral par les habitants et l’émergence de grands programmes immobiliers de prestige – avec la "couture" avec les quartiers d'arrière port qu'ils recèlent.

    De même, des questions subsistent autour des stratégies d’attrac-tivité métropolitaine fondées, notamment, sur de grands projets urbains, touristiques et balnéaires de front de mer. Et sur leur compatibilité avec l’indispensable développement des ports du Sud et de l’Est de la Méditerranée, quelle que soit leur localisation – portes d’entrée vitales et outils majeurs de développement global.

    Mieux comprendre les relations entre villes, ports et territoires dans l’espace méditerranéen : telle est ainsi l’ambition de l’Atlas des villes portuaires du Sud et de l’Est de la Méditerranée comman-dité par la Ville de Marseille, le Grand port maritime de Marseille, le Centre de Marseille pour l’intégration méditerranéenne et l’Asso-ciation internationale des villes ports. Il s’agit en effet de valoriser les bonnes pratiques entre villes portuaires du Nord et du Sud et d’échanger sur les complémentarités à promouvoir.

    Réalisé par l’Agam en 2012 et 2013, ce document concerne le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, l’Égypte, le Liban et la Turquie. Des pays où l’agence a conduit une série de missions afin d’établir son diagnos-tic. Ses spécialistes y ont ainsi rencontré ceux qui mettent en œuvre le développement portuaire et urbain, et visité les ports choisis pour chaque pays : Tunis et Sfax, Casablanca et Tanger, Istanbul, Oran et Alger.

    T les ports à conteneurs en MÉditerranÉe en 2010

    *EVP : équvalent vingt pieds

    *

    11Marseille et la Méditerranée

    t e r r i t o i r e s

    :::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::

    T radès

  • Bibliographie Les viLLes MÉditerranÉennes

    •  Atlas des villes portuaires de l’Est et du Sud de la Méditerranée, Agam, Ville de Marseille, CMI, GPMM, AIVP, octobre 2013

    •  Marseille, ville méditerranéenne ? Claire Bulle, Rives méditerranéennes n°42, juillet 2012

    •  Histoire des migrations à Marseille, Emile Témime, éditions Edisud, 1990

    •  Revue géographique des pays méditerranéens : http://mediterranee.revues.org/

    dÉveLoppeMent duraBLe

    •  La pollution de la Méditerranée, état et perspectives à l’horizon 2030, rapport parlementaire au Sénat

    de M. Roland Courteau, juin 2011

    •  Changement climatique et littoral méditerranéen : comprendre les impacts, construire l’adaptation, programme de recherche

    Circle Med 2008-2011

    •  Problèmes de l’eau en Méditerranée, Institut méditerranéen de l’Eau, Mohammed Benblidia, Jean Margat, octobre 2008

    • Le projet CAT-MED à l'échelle du territoire marseillais, Agam, CAT-MED, février 2012

    ÉConoMiE  

     •  Europe-Méditerranée : l’avenir est au sud, La Tribune, juillet-août 2013

     •  Quand les métropoles méditerranéennes s’éveilleront, econostrum.info, 10 avril 2013

     •  La Méditerranée à l’aube d’une métamorphose, IAU-IDF, note rapide économie N° 594, juin 2012

    portrait

    portrait

    en savoir plus

    m une semaine consacrée aux enjeux économiques autour de la Méditerranée

    La 7e édition de la Semaine économique de la Méditerranée

    se tiendra à Marseille à la Villa Méditerranée du 6 au 9

    novembre prochain. Des personnalités référentes de toute

    la région y seront accueillies autour d'un thème central :

    "La culture comme facteur de développement économique

    en Méditerranée". Entrepreneurs, chercheurs, élus, écono-

    mistes, étudiants, experts venus de 30 pays prendront ainsi

    part aux rencontres, rendez-vous, ateliers et conférences.

    L’Agam sera au rendez-vous avec la présentation de l’Atlas

    sur les villes portuaires du Sud et de l’Est de la Méditer-

    ranée aura lieu le 7 novembre à partir de 8h30, dans le

    cadre du Forum des professionnels portuaires européens

    et méditerranéens organisé par l’Union Maritime pour la

    Méditerranée.

    m Les deux rives de la Méditerranée vues par une artiste Du 21 novembre 2013 au 14 janvier 2014, l’artiste al-

    gérienne Amina Ménia présentera le travail issu de sa

    résidence de trois mois à l’Agam, au sein de la galerie

    "Art-Cade", co-partenaire du projet. Dans le cadre des

    Ateliers de l’Euroméditerranée mis en place par Mar-

    seille Provence 2013, cette Algéroise est venue s’impré-

    gner des activités de l’agence d’urbanisme pour enrichir

    le regard qu'elle porte sur les deux rives de la Méditer-

    ranée. L'exposition s'intitule "Un écorché". L’artiste tente

    de reconstituer et de réconcilier notre époque avec un

    passé, en revisitant l’histoire du bâti et de ses bâtisseurs.

    Elle pose le constat d’une histoire commune entre Mar-

    seille et Alger, et nous invite à une réflexion collective. Art-cade Galerie des Grands Bains Douches de la Plaine - 35 rue de la Bibliothèque 13001 Marseille

    12

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    Marseille et la Méditerranée

    t e r r i t o i r e s

    portrait

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    Toutes nos ressources @ portée de clic sur www.agam.orgPour recevoir nos publications dès leur sortie, inscrivez-vous à notre newsletter

    Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaiseLouvre & Paix – La Canebière – CS 41858 13221 Marseille cedex 01Tél : 04 88 91 92 31 - e-mail : [email protected]

    Directeur de la publication : Christian BrunnerRédaction : Xavier MoirouxConception / réalisation : Pôle graphique AgamMarseille - septembre 2013Numéro ISSN : 2266-6257