Marchetti Reseaux 2002

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Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RES&ID_NUMPUBLIE=RES_111&ID_ARTICLE=RES_111_0022 Les sous-champs spécialises du journalisme par Dominique MARCHETTI | Lavoisier | Réseaux 2002/1 - n°111 ISSN 0751-7971 | pages 22 à 55 Pour citer cet article : — Marchetti D., Les sous-champs spécialises du journalisme, Réseaux 2002/1, n°111, p. 22-55. Distribution électronique Cairn pour Lavoisier. © Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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    Les sous-champs spcialises du journalisme

    par Dominique MARCHETTI

    | Lavoisier | Rseaux2002/1 - n111ISSN 0751-7971 | pages 22 55

    Pour citer cet article : Marchetti D., Les sous-champs spcialises du journalisme, Rseaux 2002/1, n111, p. 22-55.

    Distribution lectronique Cairn pour Lavoisier. Lavoisier. Tous droits rservs pour tous pays.La reproduction ou reprsentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorise que dans les limites des conditions gnrales d'utilisation du site ou, le cas chant, des conditions gnrales de la licence souscrite par votre tablissement. Toute autre reproduction ou reprsentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manire que ce soit, est interdite sauf accord pralable et crit de l'diteur, en dehors des cas prvus par la lgislation en vigueur en France. Il est prcis que son stockage dans une base de donnes est galement interdit.

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  • Rseaux n 111 FT R&D / Herms Science Publications 2002

    LES SOUS-CHAMPS SPECIALISESDU JOURNALISME

    Dominique MARCHETTI

  • et article dresse un premier bilan denqutes menes depuis lapremire moiti des annes 1990 et des perspectives de recherchesvisant prciser une srie de transformations du champ

    journalistique franais. Si ce travail cumulatif est aujourdhui possible, cestparce que de nombreuses enqutes ont t menes sur des journalistesspcialiss en France1, terrain de recherche o la sociologie du journalisme aprobablement le plus progress dans lhexagone depuis les annes 1980. Destravaux anglo-saxons se sont galement dvelopps dans ce domaine, mmesils nont pas lampleur de ltude pionnire de Jeremy Tunstall publie en1971. Il ne sagit pas ici de prtendre en rendre compte, mais dessayer decumuler nos propres rsultats avec dautres et de donner des pistes pourtenter de comparer ces sous-espaces spcialiss du champ journalistique.

    La notion de champ permet de restituer la fois ce qui fait lunit de cetespace de production et sa diversit. Pour comprendre la position dun mdiaou dun journaliste, il faut en effet rendre compte de celle quil occupe dansle champ dans son ensemble, cest--dire aussi dans les sous-espaces de cetunivers qui sont en relation les uns avec les autres et fonctionnent dunecertaine manire comme des microcosmes. Les types de mdias (parexemple les chanes dinformation en continu ou les newsmagazines), lesrdactions et les spcialits journalistiques (au sens thmatique du terme2)

    1. Les journalistes spcialiss dans les questions ducatives, PADIOLEAU, 1976, ont faitlobjet de la premire tude prcise sur le sujet mais cest surtout le journalisme politique quia t trait par les chercheurs en sciences sociales : voir les travaux de Patrick Champagne,Eric Darras, Erik Neveu et Rmy Rieffel cits en bibliographie. On peut galement se reporter des travaux portant sur dautres spcialits, quil sagisse du journalisme conomique(DUVAL, 2000 ; LESELBAUM, 1980 et RIUTORT, 2000), sportif (DARGELOS etMARCHETTI, 2000 ; MARCHETTI, 1998), judiciaire (CHARON, 2000 ; CIVARD-RACINAIS, 2000 ; LENOIR, 1992, 1994 et 1997 ; MARCHETTI, 2000), social (LEVEQUE,2000) ou encore mdical et scientifique (CHAMPAGNE et MARCHETTI, 1994 ;MARCHETTI, 1997 ; TRISTANI-POTTEAUX, 1997).2. On voquera mais moins systmatiquement la spcialisation gographique, cest--dire lesdiffrents postes de journalistes chargs de couvrir une zone dtermine : localiers,correspondants ltranger par exemple.

    C

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    constituent autant de sous-champs relativement autonomes3, qui doiventleurs proprits la position quils occupent dans le champ journalistique,subissant les attractions et les rpulsions des univers sociaux quils couvrent.Cest uniquement sur les diffrents sous-univers spcialiss du journalismequon sest arrt pour tenter dtablir un premier travail de comparaison4.Celui-ci parat dautant plus important que le champ journalistique est deplus en plus htrogne, notamment du fait du dveloppement sansprcdent de linformation spcialise, et quil nentretient videmment pasles mmes relations avec les diffrents espaces sociaux dont il rapporte lesactivits. Cest pourquoi, lexpression mme de journaliste spcialis na pasgrand sens si elle est employe de manire trop gnrale.

    Avant dengager une comparaison, il faut tout dabord montrer comment lechamp journalistique se structure autour dune opposition entre un ple gnraliste et un ple spcialis , comment notamment le degr despcialisation varie selon les supports et les journalistes. A cet gard, lestransformations rcentes du recrutement et leurs effets sur les luttes dedfinition de lexcellence journalistique dmontrent le poids croissant duple spcialis. Ensuite, on a cherch comparer les proprits de plusieurssous-champs spcialiss partir de six grandes variables : la positionoccupe dans le champ journalistique, la structure des rapports de forcesinternes pour expliquer comment le poids des diffrents mdias dans laproduction de linformation spcialise varie dune spcialit lautre, ledegr et les formes de concurrence et de collaboration, la circulation desjournalistes spcialiss au sein du march du travail journalistique, lesproprits des journalistes et les mcanismes de socialisationprofessionnelle. Enfin, on a montr que la comparaison des journalismesspcialiss doit sappuyer non seulement sur les logiques internes au champjournalistique mais aussi sur ltat de ses relations avec les diffrents espaces

    3. Cette notion vise simplement montrer quil sagit de sous-espaces relationnels quifonctionnent comme des champs en miniature. Sils sont relativement autonomes, ce qui sypasse dpend cependant des logiques de fonctionnement du champ journalistique et desrelations avec les espaces mdiatiss.4. De nombreuses rubriques prsentes dans les quotidiens nationaux et rgionaux comme lesfaits divers, la chronique judiciaire et littraire, la politique ou les sports ont t mises enplace la fin du XIXe sicle et au dbut du XXe sicle. Mais une bonne partie dentre elles sesont constitues ou dveloppes entre la fin des annes 1940 et les annes 1970. Cest le caspar exemple de linformation agricole ou de linformation conomique puis, plus tard, delinformation portant sur la sant, les mdias et la communication ou encore lenvironnement.De mme, lhistoire des diffrentes presses spcialises varie fortement.

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    sociaux quil mdiatise. Ce travail comparatif entre les diffrents sous-univers spcialiss du journalisme et les espaces sociaux correspondantsrepose sur ltude de quatre grandes variables : le degr dinterrelation entreleurs conomies respectives, le degr de contrle politique des activits, ledegr auquel les uns ou les autres imposent leurs problmatiques et leursprincipes de hirarchisation ainsi que les proprits sociales des journalisteset de leurs interlocuteurs.

    DES GENERALISTES AUX SPECIALISTES :UN PRINCIPE DE STRUCTURATION DU CHAMP JOURNALISTIQUE

    Larticulation du champ journalistique autour de deux ples gnraliste/spcialiste renvoie, dune part, aux proprits des publics (etdonc aux fonctions trs diffrentes que les groupes sociaux confrent lalecture des journaux par exemple5) auxquels sadressent les mdias et lesjournalistes et, dautre part, celles des mdias et des journalistes eux-mmes. Si cest seulement le second aspect qui est ici privilgi, il est li aupremier, cest--dire aux transformations des publics et de leurs styles de vie.Pour mieux comprendre ces phnomnes6, il faudrait comme la fait PierreBourdieu rendre compte de lorchestration objective des logiques du champ de production mais aussi du champ de consommation , qui seravoqu trs secondairement7. Cette opposition spcialiste / gnraliste nest bien videmment quun des axes de lespace journalistique dans lamesure o on sait quhistoriquement il sarticule autour des ples intellectuel et commercial , comme le montre par exemplelopposition au sein de la presse gnraliste grand public entre le lectorat dela presse nationale et rgionale8.

    Cette articulation renvoie aux publics mais aussi aux caractristiques desproducteurs dinformation. En effet, leur degr de spcialisation variefortement au moins selon le type de support (gnraliste/spcialis,

    5. BOURDIEU, 1979, p. 515 et suivantes.6. Cette dimension est probablement la plus importante mais aussi la moins tudie. Lestudes sur le journalisme conomique ou mdical ont montr quel point des transformationsexternes lespace journalistique, comme par exemple la monte du niveau moyen dtudes,est essentielle pour comprendre lmergence de rubriques et de mdias thmatiques.7. BOURDIEU, 1979, p. 255.8. DUMARTIN et MAILLARD, 2000.

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    audiovisuel/presse crite, petites/grandes rdactions), les spcialits9 et laposition que celles-ci occupent dans les hirarchies internes aux rdactions.Cest ainsi que, pour ne prendre que lexemple des mdias dinformationgrand public, plus on va des rdactions nombreuses de la presse quotidiennenationale ou rgionale vers les mdias audiovisuels ou des mdiasgnralistes qui ont de petites structures, plus le nombre de services ou dejournalistes spcialiss tend se rarfier. On trouve trs souvent des profilsde journalistes devenus spcialistes au bout dun certain nombredannes aprs tre passs par des services gnralistes ( locales , informations gnrales , etc.) ou encore des spcialistes trs relatifspuisquils restent trs peu de temps dans la mme rubrique. Dans les mdiasspcialiss, plus on monte dans la hirarchie des postes plus on tend trouver des journalistes gnralistes . Pour apprhender encore plusprcisment le degr de spcialisation des supports et des journalistes, onpeut tudier la mobilit des professionnels lintrieur du champjournalistique. Alors que certains dentre eux ont une mobilit interne, ausens o ils restent soit dans un mme support soit dans des supports dunemme spcialit (sciences10, sport11, etc.), dautres circulent entre lesmarchs du travail passant dun mdia spcialis un mdia gnraliste (oulinverse).

    Le recrutement comme rvlateur de la structure

    Mais par del cette description de la structuration du champ journalistique, ilfaut dcrire ses volutions rcentes. Cest probablement les transformationsdu recrutement12 qui permettent le mieux den rendre compte. Larrive

    9. Par exemple, certains thmes sadressent des publics relativement spcialiss. Le cas delactualit europenne est de ceux-l comme le rsume Grard Lignac, patron des DerniresNouvelles dAlsace, propos du lancement de La Quinzaine europenne, un supplmentportant sur ces questions. Lide den faire un journal grand public tait parfaitementirraliste. LEurope est un sujet infiniment spcialis, mme si ce thme peut effectivementtoucher le plus grand nombre. Lide ntait pas idiote condition den faire une publicationspcialise. Les DNA lancent un supplment europen , Le Figaro Economie,25 octobre 2001.10. TRISTANI-POTTEAUX, 1997, p. 26.11. DARGELOS et MARCHETTI, 2000, p. 83-85.12. Les transformations morphologiques du groupe professionnel lors des deux derniresdcennies sont relativement bien tablies : croissance des effectifs (respectivement +60 % et+20 % dans les annes 1980 et 1990), monte du capital scolaire, fminisation,rajeunissement, prcarisation des statuts, DEVILLARD et al., 2001. Mais ces donnesgnrales de la Commission de la carte didentit des journalistes professionnelles restent

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    massive de jeunes journalistes dans les annes 1980 et 1990 est marque parun double mouvement qui correspond la restructuration du march desentreprises : dun ct, laugmentation du nombre de journalistes que lonpourrait qualifier de gnralistes polyvalents au sens o ils peuvent trecapables de travailler pour des mdias diffrents et/ou deffectuer des tchestrs diversifies ou encore de couvrir de multiples secteurs dactivit ; delautre, un phnomne plus important de monte des journalistes de plus enplus spcialiss et experts ayant suivi des cursus dtudes suprieuresparfois longs et trs spcialiss.

    On a pu dcrire ce mouvement de professionnalisation relative13 autravers des principales exigences affiches par des employeurs de mdiastrs diffrents14. Les mdias les plus gnralistes cherchent tout dabord desjournalistes immdiatement oprationnels , cest--dire forms uncertain nombre de pratiques et de techniques. Laugmentation de la part desdiplms des huit coles de journalisme agres au sein de rdactions desmdias gnralistes en est un bon indice. Sils ne reprsentent que 12 % delensemble des journalistes dtenteurs de la carte professionnelle en 1999,leur proportion est de plus en plus importante dans les effectifs desrdactions gnralistes, souvent les plus prestigieuses, comme les tlvisionsnationales et la presse quotidienne nationale, certaines dentre elles nerecrutant quasi exclusivement que des jeunes journalistes issus de cesformations15. La seconde comptence professionnelle mise en avant par de

    imparfaites sur de nombreux points parce quelles ne prennent pas en compte la variable delorigine sociale et celle de la spcialisation.13. Les guillemets visent montrer que ce mouvement, qui pourrait tre considr comme unaccroissement de lautonomie du champ journalistique, manifeste dans le mme temps uneintensification des dpendances conomiques.14. On sappuie principalement sur une enqute collective ralise en 1999 et 2000 etprincipalement sur notre contribution consacre aux conditions dentre sur les marchs dutravail journalistique. Une partie des entretiens utiliss tirs de cette enqute ont t ralisspar Valrie Devillard, Marie-Franoise Lafosse et par nos soins. Christine Leteinturier, RmyRieffel et Denis Ruellan ont galement particip cette srie dinterviews. Quils en soient iciremercis. Nous tenons galement remercier la Commission de la carte didentitprofessionnelle des journalistes pour sa collaboration, la Direction du dveloppement desmdias (DDM) pour son concours et lensemble des journalistes qui ont bien voulu rpondre nos questions. Pour des dveloppements plus prcis sur les paragraphes suivants, voirMARCHETTI et RUELLAN, 2001, partie 2.15. Les cinq premiers mdias employeurs des journalistes diplms des coles agres sontdans lordre la presse quotidienne rgionale (22,13 %), la tlvision rgionale (13,43 %), lapresse spcialise grand public (9,54 %), la presse quotidienne nationale (9,12 %) et les radios

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    nombreux employeurs est la capacit tre un journaliste polyvalent etgnraliste, cest--dire tre dot dune culture gnrale , dun esprit desynthse acquis au cours dtudes suprieures relativement leves(souvent bac plus trois ou quatre). Ainsi, le passage par un Institut dtudespolitiques (IEP) ou par des formations universitaires qui sont depuisplusieurs dcennies des filires traditionnelles de recrutement desjournalistes (lhistoire, le droit et les lettres) est a priori pour de nombreuxemployeurs un gage de comptence. Ces gnralistes aux niveauxdtudes suprieurs leurs prdcesseurs sont aussi recherchs par lesmdias spcialiss, tout particulirement ceux qui sadressent au grandpublic . Autrement dit, la connaissance du domaine couvrir est dans uncertain nombre de cas secondaire par rapport la capacit pouvoir traitertous les sujets.

    Mais cette volution ne doit pas en cacher une autre beaucoup plusimportante, savoir le renforcement du ple spcialis du champjournalistique comme le montre le poids sans cesse croissant de la pressepriodique spcialise (grand public, technique et professionnelle) quiemploie 32,7% des journalistes titulaires dune carte professionnelle. Cettetransformation vient rompre un peu plus encore avec lide de lunit dugroupe professionnel et les discours de journalistes ou de chercheurs, quiprsupposent que les journalistes sadressent un public au singulier. Troisindicateurs permettent de prciser cette monte du journalisme spcialis : ledveloppement de marchs de plus en plus spcialiss de la presse et pluslargement des mdias avec lapparition des mdias audiovisuels thmatiques,le recrutement croissant de professionnels spcialiss dans les rubriques desmdias gnralistes (social, conomie, sciences et mdecine, etc.) et leschangements ayant affect loffre de formation. Dune part, les formationsau journalisme, agres ou non, ont mis en place des filires ou des optionsthmatiques (science16, agriculture, sport, conomie, affaires europennesnotamment) et, dautre part, des formations universitaires au journalisme ouplus largement la communication ont vu le jour (DESS, DU, filiresspcifiques au sein dcoles de journalisme, dIUT ou dIUP par exemple)dans les mmes domaines. Ainsi, llvation gnrale du niveau dtudes est

    nationales (7,21 %). Il va de soi que les dbouchs varient fortement dune formation lautre(DEVILLARD et al., partie 2, chap. V).16. A la suite des expriences amricaines, plusieurs formations similaires se sontdveloppes dans plusieurs pays europens mais semblent rassembler des effectifs trslimits, LABASSE, 1999.

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    particulirement forte dans certains secteurs comme lconomie, la scienceou lagriculture. Dans la presse et les rubriques spcialises, il nest pas rarede retrouver des journalistes ayant entam ou termin un doctorat, desagrgs dans diffrentes disciplines ou bien encore des ingnieurs. Denombreux mdias spcialiss recourent des experts avant tout et non des journalistes gnralistes car ils sadressent des publicsprofessionnels et/ou spcialiss. Ce qui est recherch, cest donc nonseulement un capital de connaissances spcialises mais aussiventuellement une proximit avec le lectorat comme le prcise unrdacteur en chef dun magazine professionnel.

    Trois raisons au moins peuvent expliquer le recrutement de spcialistes . Lapremire renvoie au fait que les mdias couvrent de plus en plus dactivits dela vie sociale qui nexistaient pas sous cette forme auparavant ou toutsimplement qui ntaient pas ou peu couvertes. La seconde est que, commedans dautres activits sociales, la connaissance des dossiers fonde la crdibilit des journalistes. Lenqute de Jean-Gustave Padioleau sur lesjournalistes traitant les questions dducation dans les annes 197017 montreque ces journalistes experts peuvent contribuer garantir une relative crdibilit la fois auprs de publics spcifiques (les sources) et plusgnraux (les lecteurs). Cette dimension est probablement dautant plusimportante pour les rdactions en chef quand il sagit dexpliquer des sujetsperus comme sensibles et/ou qui deviennent des enjeux politiques majeursdemandant une matrise des dossiers : la sant par exemple. Cependant,cette spcialisation demeure trs relative dans la mesure o, par exemple dansle cas de la mdecine ou de lconomie, des tudes gnralistes dans ce typede filires ne signifient pas une expertise trs pousse tant ces espaces sonteux-mmes diviss en sous-spcialits. Ainsi, un journaliste conomique gnraliste ne peut avoir que des connaissances trs partielles delinformation financire ou trs abstraite de lconomie relle quil aura traiter. Dautres recherches ont mis en avant le fait que le recrutement despcialistes tait parfois, par exemple dans le cas de la mdecine, unecondition daccs plus aise pour pntrer certains univers sociaux. Latroisime raison de lampleur de ce mouvement de spcialisation tientprobablement aussi au dveloppement de linformation de service oulinformation pratique, qui a pris pour des raisons conomiques une placecroissante dans diffrents domaines : la sant, lconomie, lducation, etc.

    17. 1976, p. 267.

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    Des identits clives

    Ces transformations morphologiques ne vont pas sans exacerber des dbatsidentitaires rcurrents au sein du milieu sur les dfinitions de lexcellencejournalistique. Les journalistes spcialiss font souvent lobjet de critiquesinternes visant stigmatiser leur connivence ou leur proximit avec lessources , montrer quils ne seraient plus des journalistes mais des porte-parole de lespace social dont ils parlent : les journalistes politiques ou ceuxqui couvrent les questions sociales ou d immigration sont vus parfoiscomme des militants et les journalistes sportifs comme des supporters . Les spcialistes auraient donc une vision troite, partielle,partiale ou trop technique, cest--dire seraient davantage enclins soulignerla continuit plutt que les nouveauts spectaculaires.

    Autrement dit, lide dveloppe par les journalistes les plus gnralistes estque les journalistes nont pas besoin de connatre a priori la matire dont ilstraitent, et que les comptences primordiales sont les techniquesjournalistiques (disponibilit, dbrouillardise, rapidit, culot, capacit trele premier, indpendance lgard des sources, etc.). Elles sont pour euxdautant plus importantes quelles permettent dexpliquer clairement lessujets des publics qui ne connaissent pas ou peu les domaines traits. Cequi revient dire que chaque journaliste doit tre capable, notamment quandun vnement important surgit, de traiter nimporte quel sujet18. Cestpourquoi, les journalistes spcialiss, tout particulirement ceux exerantdans les mdias omnibus, sont donc partags entre lexpert et le gnraliste , une double position qui se retrouve la fois dans les discourset donc les publics auxquels ils sadressent. Ils ont besoin dacqurir unecrdibilit de spcialiste dun domaine auprs de leurs pairs, notamment desrdactions en chef des mdias dans lequel ils travaillent, mais aussi dedmontrer les qualits demands aux journalistes en gnral. Pour le direautrement, ils sont spcialistes mais veulent tre reconnus, comme desjournalistes comme les autres19 . De mme, ils cherchent parler ou crire pour un public large sans se discrditer auprs de publics spcialissplus restreints.

    18. TUCHMAN, 1978, p. 67. Les entretiens raliss lors de nos enqutes dans les annes1990 confirment les exemples donns par cet auteur.19. Parmi les journalistes traitant des questions sportives, certains tiennent, pour cette raison, se dfinir comme des journalistes de sport et non des journalistes sportifs ,DARGELOS et MARCHETTI, 2000.

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    LA COMPARAISON DES PROPRIETES DES SOUS-CHAMPSSPECIALISES DU JOURNALISME

    Ayant dgag ce principe de structuration gnrale de luniversjournalistique et ses volutions rcentes, on peut envisager un second niveaudanalyse plus fin, cest--dire ltude comparative des diffrents sous-espaces spcialiss. Ceux-ci disposent dune autonomie trs relative lgard du champ journalistique si on les compare par exemple leursquivalents dans le champ scientifique, les disciplines20. La spcialisationjournalistique nest bien videmment pas comparable ces spcialisationspour de multiples raisons, ne serait-ce que parce quil ny a pas de droitdentre formel telle que la possession dun diplme. Sil existe dans denombreux cas des associations, des filires de formation et des mdiasspcialiss, ces microcosmes sont trs ingalement structurs et leur poidsrelatif est galement trs variable. Jeremy Tunstall dans une contributionpionnire (par son objet et son ampleur) sur les journalistes spcialiss degrands mdias britanniques avait bien balis ce terrain la fin des annes1960, notamment en caractrisant un certain nombre de spcialits. Ainsi, ilmontrait comment les contraintes, les carrires et les expriences antrieures,les statuts accords une spcialit et la manire dont les journalistesconcevaient leur rle variaient fortement. De mme, il mettait en videnceles diffrents rles jous par ce type de journalistes : employs duneentreprise de presse, journalistes de terrain spcialiss, comptiteur-collgueavec les autres spcialistes nationaux qui couvrent le mme champdactivit. En allant plus loin dans une sociologie relationnelle, on a donccherch comparer diffrentes spcialits pour mieux saisir leurs logiquespropres et leurs proprits spcifiques. Pour ce faire, on a utilis six grandesvariables.

    La position de la spcialit dans les hirarchies professionnelles

    La premire proprit prendre en compte dans une logique comparative estla position de la spcialit considre dans le champ journalistique. On peutla mesurer travers deux sries dindicateurs, la liste indique ici ntant pasexhaustive. Une premire srie est lie aux lments biographiques desprofessionnels. Par exemple, une tude prcise des trajectoiresprofessionnelles des cadres dirigeants des rdactions des journaux

    20. BOURDIEU, 2001a, p. 123-140.

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    gnralistes de diffusion nationale pourrait montrer le primat de la rubriquepolitique, puisque la plupart dentre eux sont issus de cette rubrique. Demme, reconstituer la pyramide des ges des journalistes spcialiss sur unethmatique pour la comparer celle de lensemble des journalistes feraitprobablement apparatre la position domine par exemple de certainsspcialistes rattachs au service informations gnrales ou socit desmdias nationaux, gnralement plus jeunes que leurs collgues des servicesprestigieux de politique intrieure ou trangre.

    La seconde srie dindicateurs est la fois dordre conomique etprofessionnel. Lespace allou, quil sagisse du temps audiovisuel ou depages crites, la place dans la hirarchie de diffusion ou de publication dessujets (notamment la prsence la une ou dans les titres des journaux), lebudget allou, les salaires et les statuts (part des CDI, CDD, pigistes, etc.)des journalistes sont autant dlments permettant dapprhender la positiondune spcialit. Mais ce serait une erreur de considrer ces indicateurs sousun aspect exclusivement conomique. En effet, il faut combiner danslanalyse les hirarchies internes, qui renvoient au prestige professionnel, etexternes, qui sont lies des logiques sociales, conomiques, voirepolitiques21. Cest ainsi que certaines spcialits, relativement basses sous lerapport de la rputation professionnelle, comme le sport ou les faits diverspeuvent tre stratgiques parce quelles contribuent fortement aux recettes(diffusion, publicit, petites annonces) dun mdia considr (une radiopriphrique, un quotidien rgional, etc.), parce quelles visent un largepublic ou des publics jugs stratgiques (les individus fort pouvoir dachat,les jeunes , etc.). Ds lors, on comprend mieux par exemple limportancedu nombre de journalistes sportifs en France (environ 2 600 en 200122), quireprsentent plus de 8 % de la totalit des journalistes titulaires de la carte. Alinverse, la politique trangre et intrieure si elles tendent rapportermoins de publicit que certaines autres rubriques (lconomie desentreprises, le sport, etc.) occupent une position haute dans la production delinformation dominante des mdias gnralistes. Jeremy Tunstall a bien

    21. Sur la convergence un moment donn de certaines de ces logiques, on lira le travail deJUHEM, 1999, montrant comment lattention que la presse classe gauche accorde dans lesannes 1980 au mouvement SOS-Racisme doit beaucoup la fois aux proximitsidologiques entre les fondateurs et les dirigeants de certains titres (dans leur combat contre leFront national notamment), aux intrts conomiques (attirer les jeunes ) et professionnels( un produit militant qui permettra dallier information et divertissement ) de ces titres.22. Un nouveau prsident pour lAssociation des journalistes sportifs , Agence FrancePresse, 10 novembre 2001.

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    montr que les spcialits ne remplissaient pas les mmes objectifs endistinguant celles qui attiraient de laudience ( circulation goal ), de lapublicit ( advertising goal ) ou les deux en mme temps ( mixed goal ),ou encore celles qui rapportent davantage de prestige ( non-revenue ou prestige goal23 ).

    Limportance des hirarchies internes est particulirement visible dans lesgrands vnements suscitant par leur ampleur une concurrence entrerubriques et services. Dans un travail sur la mdiatisation de laffaire du sangcontamin24, on a ainsi montr comment plus lvnement prenait delimportance plus les rubricards mdicaux tendaient tre dpossds dutraitement au profit des gnralistes , des spcialistes judiciaires et surtoutdes journalistes et des ditorialistes politiques. Bien videmment, ceshirarchies ont des effets trs concrets sur la production de linformation.Ainsi, tout laisse penser que moins la rubrique est juge stratgique sous lerapport de la hirarchie interne plus elle est autonome par rapport lardaction en chef dans ces choix de sujets, ses hirarchies, ses angles ,voire ses modes dcriture. Il en va ainsi dans les rubriques sportives desquotidiens nationaux dinformation gnrale situs au ple intellectuel(Le Monde, Libration par exemple25). On peut aussi faire lhypothse queles formes dcriture sont probablement moins normes dans lesrubriques culturelles26 que dans les rubriques politiques ou judiciaires oelles sont parfois trs contrles. Les premires arrivent gnralement en finde journal crit ou audiovisuel. De mme, parce que les journalistesspcialiss ont des proprits et donc des catgories de perception diffrentesdun mme vnement, le traitement de linformation sera parfoissensiblement diffrent selon les spcialistes mobiliss27.

    23. Voir TUNSTALL, 1971. On trouvera dans un de ses ouvrages plus rcents, TUNSTALL,1996, p. 156-161, une actualisation de ces analyses, cest--dire des transformations au seinde diffrentes rubriques.24. MARCHETTI, 1997, 2e partie, chapitre 2.25. Voir aussi sur ce phnomne larticle dOlivier Baisne dans ce numro propos descorrespondants franais et britanniques couvrant lactualit des institutions europennes Bruxelles.26. Il faudrait pouvoir ici illustrer ces diffrences par exemple partir des portraits parus dansla presse. Si un journaliste culturel dun grand quotidien est autoris utiliser des adjectifshagiographiques pour dcrire un grand couturier ou un metteur en scne, son homologuejournaliste politique serait accus dtre un militant sil le faisait. Dailleurs, il ny penseraitmme pas.27. MARCHETTI, 1997, 2e partie, chapitre 2.

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    Mais la comparaison des deux sries dindicateurs visant prciser laposition dune spcialit dans les hirarchies professionnelles prsente unintrt limit si elle ne prend pas en compte les variations de cette positiondans le temps et selon les rdactions. En effet, celle-ci nest pas fige. Si,historiquement, certaines oppositions sous le rapport du prestige internerestent trs prgnantes entre des rubriques basses, comme les faits divers, ethautes, telles que lditorial et le journalisme politiques, il nen demeure pasmoins vrai que les hirarchies ont t bouleverses par la constitution et ledveloppement de nouvelles spcialits. Sandrine Lvque a montrcomment par exemple la rubrique Social stait transforme28 mais onpourrait galement analyser la manire dont elle sest progressivementrduite au profit de lconomie ou de la rubrique politique au grand dam decertains professionnels29. Rmi Lenoir30 a expliqu comment ledveloppement du journalisme dinvestigation partir des annes 1980avait contribu dvaloriser la chronique judiciaire, auparavant considrecomme une des rubriques les plus nobles du journalisme. Dautresspcialits comme la religion, traite de manire plus ponctuelle et moinssuivie, les critiques thtrale et littraire ou encore linformationinternationale occupent aujourdhui des positions plus basses que dans lechamp journalistique des annes 1950 1970 comme le montre la baisse delintrt port par les mdias gnralistes. A linverse, les rubriquesconomiques pour ne citer quelles ont conquis une position plus forte,prsentant lavantage dattirer diffrents types de publics et dannonceursstratgiques. Des constats aussi diffrents que les salaires levs desjournalistes conomiques, lexistence de filires spcialises dans cedomaine ou encore larrive de ce type de professionnels parmi les cadres-dirigeants sont autant de signes qui tendent accrditer la monte enpuissance de cette spcialit.

    Le deuxime lment dterminant de la comparaison est la variation de ceshirarchies selon les rdactions. En effet, chaque rdaction est la fois unchamp de forces et de luttes entre les rubriques et les rubricards, cest--direquune mme rubrique noccupe pas forcment la mme place dans lesdiffrents mdias. Dans une tude publie au dbut des annes 1970, AlainCarof avait montr par exemple limportance de la rubrique agricole

    28. LEVEQUE, 2000.29. On sappuie ici sur plusieurs tmoignages de journalistes : voir CNESSS, 1984, p. 15 ;BOUTROS et TINCQ, 1974, p. 77.30. LENOIR, 1992 et 1997.

  • Les sous-champs spcialiss du journalisme 35

    Ouest-France compte tenu de celle du lectorat paysan. Il apparat galementque le poids relatif de chaque rubrique (et des sous-spcialits) est lie auxtypes de publics du mdia considr. Cest ce qui permet de comprendre parexemple quune rubrique telle que le sport na pas le mme poids dans unquotidien rgional et/ou national dont le lectorat est populaire compar unquotidien national comme Le Monde.

    Le poids diffrentiel des mdias dans la production de linformationspcialise

    Outre la position des spcialits dans les hirarchies internes, la structurationdes sous espaces spcialiss constitue une deuxime variable indispensabledans un travail comparatif31. Ceux-ci sarticulent plus ou moins autour dedeux ples quon a dj voqus : intellectuel/commercial,gnraliste/spcialis. Dans le cas de la spcialisation mdias etcommunication , on voit bien comment sopposent les mdias les plusproches du ple intellectuel (Le Monde, Libration, Tlrama, etc.) et ceuxqui incarnent un ple plus commercial (Le Parisien-Aujourdhui, la pressequotidienne rgionale, Tl 7 jours, etc.). De la mme manire, le traitementde linformation diffre quand on va du ple des mdias gnralistes verscelui de la presse spcialise : alors que lactualit sportive32 des mdiasnationaux gnralistes tend se concentrer sur quelques grands sportsprofessionnels (football, formule 1, tennis, rugby et boxe), elle est plusdiversifie dans les chanes de tlvision ou de radios accordant beaucoup deplace au sport et bien videmment dans un quotidien sportif commeLEquipe. Ce sont aussi les rapports de forces entre les mdias proches desdiffrents ples qui varient selon les sous-univers spcialiss. Dans certainsdentre eux, tels que le sport spectacle ou lconomie, le poids relatif decertains quotidiens (LEquipe, La Tribune et Les Echos), hebdomadaires oumagazines spcialiss dans la production de linformation dominante tend tre gal ou suprieur celui des quotidiens gnralistes. A linverse, dans lecas du journalisme mdical, la presse spcialise grand public ouprofessionnelle occupe une position domine et suscite bien souvent lironie,voire le mpris des spcialistes des rubriques des grands mdias nationaux

    31. On trouvera un exemple particulirement abouti de ce type de construction dans lestravaux de DUVAL, 1998 et 2000.32. Les informations relatives au journalisme sportif figurant dans ce paragraphe sont tirsdun travail men sur le sujet : DARGELOS et MARCHETTI, 1999 ; MARCHETTI, 1998.

  • 36 Rseaux n 111

    dinformation gnrale et politique. Dans ce domaine comme dans dautres(politique, ducation par exemple), cest le quotidien Le Monde qui occupeune position dominante.

    Ce poids fonctionnel des diffrents mdias ou ce capital journalistique peutse mesurer par des indicateurs lis dabord la production de linformationelle-mme : nombre d exclusivits , taux de reprises par les confrres,taille des effectifs de journalistes spcialiss, espaces rdactionnels allouspour traiter de ces questions, mobilit professionnelle des journalistes, cest--dire le changement de support au sein de la spcialit, etc. Il se fondeensuite en partie sur la diffusion. Dune part, celle-ci renvoie parfois descritres daudience purement quantitatifs : le poids des chanes de tlvisiondans la production de linformation politique33 et sportive travers leursprogrammes (retransmissions, dbats, plateaux au cours de journauxtlviss) sexplique par le fait quelles touchent potentiellement des publicstrs larges. Dautre part, la diffusion renvoie aussi des critres plusqualitatifs, cest--dire que le poids dun mdia peut tre dominant car iltouche des publics jugs stratgiques dans le milieu considr. L encore,ces hirarchisations varient dans le temps entre les titres tablis et lesnouveaux entrants qui russissent en partie (Libration par exemple dans lejournalisme politique) ou non (lchec du quotidien Le Sport la fin desannes 1980) les transformer. Dans ces diffrents sous espaces, lAgenceFrance Presse occupe une position part dans la mesure o son public estrestreint des abonns : organismes tatiques et para-tatiques, certainessocits prives dont une grande part dentreprises de presse. Sa positiondominante dans la production de linformation omnibus tient en fait sadiffusion au sein du champ journalistique lui-mme et au srieux desinformations quelle diffuse.

    Le degr et les formes de concurrence ou de collaboration

    La comparaison des sous-espaces spcialiss peut sappuyer sur unetroisime variable renvoyant au degr et aux formes de concurrence (ou decollaboration) entre les journalistes : dans certains de ces microcosmes, laconcurrence pour la priorit par exemple, cest--dire pour sortir des informations exclusives , tend tre relativement faible comme dans la

    33. Sur ces transformations, on peut se reporter utilement louvrage de CHAMPAGNE,1991.

  • Les sous-champs spcialiss du journalisme 37

    rubrique social ou ducation34 ; dans dautres, elle peut tre trs forte,du fait de lintensification des contraintes professionnelle et conomique,notamment des attentes relles ou supposes du public. Dans le cadre duntravail sur le traitement daffaires judiciaires, on a essay de mettre envidence cette opposition travers une comparaison entre les chroniqueursjudiciaires et les journalistes dinvestigation35 . Si le traitement des procset de linformation judiciaire institutionnelle nest pas concurrentiel, cestlinverse pour le suivi des instructions judiciaires. Les chroniqueursjudiciaires ont gnralement accs aux mmes informations, et en mmetemps, lorsquils couvrent des procs, le scoop ntant alors pas un enjeu.Les seules informations exclusives dans ce domaine sont diffuses par lesagences de presse. La collaboration entre chroniqueurs (changes pourdiscuter des angles, des interprtations, etc.) est mme relativement forte,proche de celle qui est dcrite par Olivier Baisne pour les correspondants Bruxelles la fin des annes 199036. Comme lont montr Jean Padioleau37

    et Jeremy Tunstall38, cette grande confraternit peut prsenter des avantagesprofessionnels non ngligeables, notamment pour rpondre aux critiques desrdactions en chef sur dventuels ratages . A linverse, la concurrence,pour ne pas dire les conflits, caractrisent le sous-espace de linvestigation et le journalisme mdical. Bien videmment, elle nexclutpas des formes de collaborations entre groupes de journalistes,institutionnalise parfois sous la forme des pools . Si ces diffrencespeuvent souvent sexpliquer par les enjeux conomiques et professionnelsqui sont trs ingalement stratgiques dun sous-espace (et dun mdia) lautre, il peut aussi tenir en partie lhistoire des groupes de journalistesspcialiss et celle des relations avec la fraction de lespace socialcouverte39.

    Cest non seulement le degr mais aussi les formes de la concurrence quipeuvent varier dans les diffrents microcosmes spcialiss. Dans le sportspectacle ou la musique par exemple, celle-ci se rgle au moins dans le cas

    34. Pour tre plus prcis, il sagit simplement dune tendance gnrale mais les scoops ducation ou social existent bien videmment. On peut citer par exemple lesinterviews de personnalits, les rapports, chiffres officiels ou les livres dvoils enexclusivit.35. Pour des dveloppements plus prcis, voir MARCHETTI, 2000.36. Voir sa contribution dans ce numro.37. PADIOLEAU, 1976, p. 261-262.38. TUNSTALL, 1996, p. 158-159.39. Pour lexemple du journalisme mdical : voir CHAMPAGNE et MARCHETTI, 1994.

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    des chanes de tlvisions travers des transactions conomiques au sensstrict : les organisateurs de spectacles font systmatiquement payerlexclusivit des images des manifestations les plus importantes40. Lapassation de contrats, qui visent garantir la primaut dune interview (dephotos ou encore darticles) dun acteur de cinma, dun chanteur oumusicien connu, dun hros de lactualit, dun sportif de haut niveau, etc.tend tre moins exceptionnelle. Autrement dit, le capital conomique desmdias et des journalistes est dterminant dans les jeux de concurrences, cequi explique le poids des grands groupes dans la production de linformationdans certains secteurs. Dans dautres domaines stratgiques (les faits diverset les affaires par exemple) ou quand la concurrence concerne la pressecrite ou parle, elle ne fait pas ou peu lobjet de transactions conomiquesau sens strict, elle est plus symbolique. Autrement dit, cest surtout larputation professionnelle des mdias ou des journalistes et/ou leurs capitauxde relations dans les univers considrs qui vont leur permettre de bnficierdexclusivits.

    La circulation des journalistes au sein du march du travail

    On peut voquer une quatrime interrogation qui porte sur la circulation desjournalistes spcialiss au sein du march du travail. Alors que certainsprofessionnels ont une mobilit essentiellement interne, en ce sens quilsrestent dans des supports dune mme spcialit ou dans des rubriquessimilaires, dautres se dplacent sur le march du travail, passent dun mdiaspcialis un mdia gnraliste (ou linverse), ou changent mme despcialit. Ces mobilits fournissent un indicateur du degr de professionnalisation des sous-espaces considrs. Le taux de rotation deseffectifs journalistiques varie non seulement selon le type dentreprises et les politiques en la matire41 mais aussi trs probablement dune spcialit lautre. Les travaux sur le journalisme scientifique, mdical, conomique etsportif mettent en vidence la relative fermeture de ces marchs, lesjournalistes restant pour la plupart dans le mme domaine, alors que lesjournalistes spcialiss ( social , immigration , etc.) qui exercent dansdes services Informations gnrales ou Socit des mdiasgnralistes restent peu de temps dans une mme spcialit et se doivent

    40. On voque ici seulement lachat dimages de grandes retransmissions mais la concurrencene prend pas bien videmment pas systmatiquement cette forme conomique.41. MARCHETTI et RUELLAN, 2001, partie 2.

  • Les sous-champs spcialiss du journalisme 39

    dtre des spcialistes successifs selon le mot dun directeur de lardaction dun quotidien parisien42. La mobilit, parfois juge trop faible,fait lobjet de dbats rcurrents dans les rdactions, beaucoup soulignant lesrisques dune trop grande proximit avec les sources ou de la routine parexemple du fait de lanciennet certains postes43.

    Les proprits des journalistes

    Si le fonctionnement de ces sous-champs ne peut galement se comprendresans prendre en compte les proprits des producteurs dinformationspcialise, cette cinquime variable demeure malheureusement largementmconnue. Labsence de cette donne dans les chiffres de la Commission dela carte didentit des journalistes professionnels (CCIJP) et de lINSEE faitquon ne dispose pas de statistiques fiables sur le sujet pour les annes199044. Elles seraient pourtant trs utiles pour caractriser non seulement lesoppositions entre les spcialits mais aussi au sein mme de ces spcialitsentre les mdias45, les sous-spcialits (les diffrentes disciplines pour lejournalisme sportif par exemple) ou les genres journalistiques.

    Une des premires sries de proprits tudier serait les origines et lestrajectoires sociales des journalistes spcialiss. On trouverait probablementdes diffrences sous ce rapport : par exemple, plus on se dplacerait deschroniqueurs (ditorialistes, critiques de cinma, etc.) vers les behind thescene specialists46 ou des critiques-rflexion vers les journalistes depure information47, plus les origines sociales devraient tre leves. La

    42. Entretien, 2000.43. Pour lexemple des journalistes accrdits lhtel de ville de Paris, voir HAEGEL, 1994,p. 164.44. En effet, la CCIJP ne prend pas en compte dans ses catgories les diffrents types dejournalistes spcialiss. Quant lINSEE, non seulement la spcialisation nest pas prise encompte mais les journalistes sont disperss dans plusieurs catgories.45. On trouvera une analyse dtaille des effets de ces proprits dans le travail de GraudLafarge, 2001, p. 546-562, sur les journalistes chargs de traiter des questions dexclusion . Lauteur dcrit les diffrences entre les titres et au sein du mme titre travers les proprits et les dispositions en dtaillant les trajectoires sociales, professionnelles,politiques et scolaires.46. TUNSTALL, 1971, p. 74 et suivantes.47. Le travail de Sandrine Anglade, 1999 sur le thtre franais au dbut du XXe sicleoppose le journalisme de pure information, ce quelle appelle la critique dinformation,souvent menace par laspect mercantile du thtre et qui tend parfois devenir un agent depublicit , et la critique-rflexion, plus proche des crateurs .

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    connaissance de lorigine sociale nous dirait aussi dans quelle mesure lesproprits des journalistes des diffrentes spcialits sont homologues decelles des agents des champs couverts par ces journalistes. Plus largement,ce sont des donnes plus fines sur les trajectoires sociales des individus quiseraient comparer. On peut penser, par exemple, lengagement politiquequi, dans un autre tat du champ journalistique alors domin par la pressedopinion, pouvait constituer un des modes dentre dans le mtier. Pour unepartie des premires gnrations de journalistes dinvestigation desannes 1970 et 1980, le passage par le militantisme de gauche na pas tsans effet sur le traitement et lintrt accord aux affaires politico-financires . De mme, certaines trajectoires sociales (et gographiques)des parents peuvent permettre de comprendre loccupation de postes decorrespondant ltranger. Comparant les correspondants spcialiss dansdes aires gographiques et les journalistes gnralistes de grands mdiasamricains, Stephen Hess montre, par exemple, que la probabilit dtremari avec une personne issue de cette rgion, davoir entretenu par le passune relation avec cette rgion et de possder une comptence linguistiquespcifique est plus forte quand on va des premiers vers les seconds48.

    Une seconde srie de proprits biographiques considrer est le volume etla structure du capital culturel. Si lon dispose de donnes statistiques sur lamonte du niveau de diplme, quasiment le seul indicateur de capitalculturel, on ne peut le dcliner suivant les spcialits. Les trajectoiresdautodidactes tendent globalement tre de plus en plus rares, y comprisdans le journalisme sportif o elles taient particulirement frquentes. Eneffet, les volutions morphologiques du groupe des journalistes sportifstendent tre proches des professionnels travaillant dans dautres rubriques.Leur niveau dtude, notamment dans les mdias les plus prestigieux, est deplus en plus lev49. Comme on la vu dans des domaines demandant desconnaissances moins pratiques et plus scolaires comme la science etlconomie, les entrants ont suivi des tudes de plus en plus longues,suprieures la moyenne de la population densemble. Dans le cas de lamdecine, du sport mais aussi de la justice, qui ont t rcemment parmi lesprincipaux foyers daffaires judiciaires, larrive de nouvelles gnrations dejournalistes plus diplms a pu, au moins en partie, contribuer la montedun journalisme plus critique, saffichant en rupture avec celui desprdcesseurs. 48. HESS in TUNSTALL, 2001, p. 166-167.49. Pour une analyse plus dtaille, voir DARGELOS et MARCHETTI, 2000, p. 78-82.

  • Les sous-champs spcialiss du journalisme 41

    La variable ge ou plus largement lanciennet dans la spcialit est unetroisime proprit essentielle dans le travail de comparaison. Tous lestravaux sur les journalismes spcialiss ont montr comment larrivemassive de nouvelles gnrations de journalistes dans des spcialits enplein dveloppement a contribu les transformer. Quil sagisse desjournalistes sociaux, conomiques, mdicaux ou encore des correspondants Bruxelles par exemple, on a vu se dvelopper des stratgies de subversiondes nouveaux entrants affichant une volont dimposer des critres plus professionnels et moins militants par rapport aux gnrationsprcdentes. Dans certaines rubriques, comme le raconte Jeremy Tunstall50 propos du sport en Grande-Bretagne, on choisit certains journalistes trsjeunes en pensant quils seront plus en affinit avec leurs sources. Bienvidemment, dautres variables sont dterminantes et ont des effets sur laproduction de linformation : par exemple les statuts (stagiaires, pigistes,contrats dure dtermine, dure indtermine, contrats de qualification)ou le sexe.

    Pour ne prendre que ce dernier exemple, la fminisation croissante desjournalistes (24,5 % en 1981, 34 % en 1990 puis 39 % en 1999 contre 45 %dans la population active) renvoie des ralits trs diffrentes. On a toutdabord montr comment certaines rubriques en plein essor comme la santconstituaient un lieu d lection pour des nouvelles entrantes parce que lasant tend tre un sujet plus fminin que masculin , linverse de lascience, de la religion, du sport, de lconomie ou de la politique parexemple. La division sexuelle des spcialits renvoie donc en grande partie celle des consommateurs dinformation (les plus masculines tendent lesplus lues par les hommes et il en va de mme pour les plus fminines) ou desmilieux sociaux couverts. Lacclration du dveloppement depuis lesannes 1980 de la presse magazine spcialise, institutionnelle ou decertaines rubriques a donc particip la fminisation des journalistesfranais. Ensuite, la surreprsentation des femmes dans certaines spcialitsfonctionnelles (par exemple prs de 59 % des secrtaires de rdaction sontdes femmes) ou thmatiques est lie au fait quelles correspondent despositions basses dans la hirarchie sociale des spcialits journalistiques :elles sont souvent associes, comme la montr Erik Neveu51, lacouverture du social, au culturel, au pratique, au monde des soft news faites

    50. TUNSTALL, 2001, p. 15.51. NEVEU, 2001, p. 24. Pour une analyse plus dveloppe de la fminisation du journalismeet de ses effets sur la production de linformation, voir NEVEU, 2000.

  • 42 Rseaux n 111

    danalyse des tendances sociales et des comportements, de dossiers,dinformation utilitaire . Enfin, lanalyse de la variable sexe desproducteurs dinformation spcialise doit tre mise en relation avec dautrescomme par exemple le type de mdia. Cest ainsi que la fminisationmassive rcente des mdias audiovisuels, et notamment des prsentatrices dejournaux tl ou radio, sexplique aussi parce que les voix et/ou les critresesthtiques sont devenus dterminants dans le recrutement, mme si ce nestjamais dit trs explicitement.

    Les formes de socialisation au microcosme professionnel

    Lune des variables, sans doute la plus essentielle, mme si elle estprobablement la moins visible pour le sociologue, de la comparaison est leprocessus de socialisation au milieu professionnel des journalistes, et toutparticulirement ici la socialisation aux lois de fonctionnement dumicrocosme spcialis. Au-del des tendances gnrales sur la populationdes journalistes qui semblent montrer la fois une forte centralisation Parisdes lieux dexercice du mtier et un affaiblissement du compagnonnage lancienne avec la monte croissante des contraintes conomiques, on peutapprhender la socialisation des journalistes spcialiss au moins traversles diffrents lieux dexercice professionnels (secondairement les lieuxdhabitation) et les ventuelles organisations professionnelles existantes. Eneffet, le type de socialisation varie selon limportance diffrentielle des lieuxde travail, quil sagisse non seulement des bureaux (dans la rdaction ousitue dans une institution, voire domicile) mais aussi des lieux de rendez-vous rguliers (siges dassociations, institutions, cafs, restaurants, etc.),dans lactivit journalistique.

    Dans certains cas, ces lieux sont situs dans une aire gographique trsrestreinte et la proximit des lieux de travail (mais aussi dhabitation parfois)des journalistes et ceux de leurs interlocuteurs privilgis est trs grande.Cest ce que montrent Sandrine Anglade (1999) dans son tude du milieudes thtres et de ses critiques travaillant pour des journaux ou des revuesparisiennes au dbut du XXe sicle et Olivier Baisne quand il analyse lescorrespondants de presse Bruxelles dans les annes 199052. Autrement dit,lactivit de ces microcosmes est dans ces cas-l une donne au moins aussiimportante que celle des rdactions pour comprendre les modes de

    52. Voir art. cit.

  • Les sous-champs spcialiss du journalisme 43

    socialisation des journalistes spcialiss. Cette caractristique se retrouvesouvent chez les journalistes qui couvrent lactivit dinstitutions nationalesou internationales, leur principal lieu de travail tant non la rdaction mais lesige de linstitution dans lequel ils disposent parfois dun bureau dans leslocaux.

    On le voit bien par exemple dans le cas des chroniqueurs judiciaires quidisposent dune salle qui leur est alloue au sein du Palais de justice de Paris(essentiellement occupe par les agenciers qui ont des bureaux permanents).Ils fonctionnent comme une petite famille53 accrdite par linstitution,qui se retrouve trs souvent sur les mmes lieux, quil sagisse des couloirsou de la buvette du Palais, des salles daudience, et plus encore des htels etdes restaurants lorsquils couvrent des procs en dehors de la rgionparisienne. Dans ces configurations, la socialisation au milieu professionnelmais aussi aux principales sources dinformation, qui est au moins aussiimportante que la premire, sopre travers des rendez-vous rguliers(associations existantes, confrences de presse, etc.) et un parrainage des nouveaux par les anciens . Lentraide est permanente dans lesdiscussions, particulirement lors des procs o les reporters-chroniqueurscommuniquent leurs impressions, changent des sons et des images,rapportent des propos. Leur association spcialise, hritire de laprestigieuse Association de la presse judiciaire cre en 1885, qui grenotamment les accrditations lors des procs et les relations avec lesinstitutions judiciaires, joue aussi le rle dinstance de socialisation54. Cestdans ces lieux que se concentrent lessentiel du capital de relations desjournalistes.

    Dans bien dautres cas, la socialisation professionnelle est dun autre ordre,soit parce quelle sopre davantage dans les rdactions, car cest l quecertains journalistes spcialiss passent leur temps essentiellement, ou dansdautres lieux. Le second cas, probablement de plus en plus rare, renvoie des pratiques de travail relativement solitaires la manire des critiqueslittraires lancienne, qui passent peu de temps la rdaction et travaillentbeaucoup chez eux, ou des pigistes spcialiss. Les spcialistes de linvestigation ont aussi un travail relativement solitaire (mme si ce typedenqute nexclut pas un travail en tandem au sein dune mme rdaction)

    53. Entretien, 1998.54. LUnion syndicale des journalistes sportifs franais (USJSF), qui regroupe une grandepartie des professionnels de cette spcialit, semble jouer galement ce rle.

  • 44 Rseaux n 111

    par rapport leurs collgues-concurrents et nont pas dassociationreprsentative. Les journalistes free lance de plus en plus nombreux,notamment dans les agences de production audiovisuelles et dans la pressemagazine, travaillent galement relativement seuls, ne disposant pas, biensouvent, dun lieu de travail rgulier dans une rdaction. Dans le cas le plusfrquent, la socialisation lunivers spcialis se fait la fois dans lesrendez-vous institutionnels (runions dassociations professionnellesspcialises, confrences de presse, etc.), dans les manifestations o lesjournalistes se retrouvent mais aussi au sein mme de la rdaction avec lesautres spcialistes dans les confrences de rdaction ou les runions deservice. La prise en compte de ces modes de socialisation trs diffrents peutpermettre de dcrire plus finement les processus de production delinformation comme les conceptions concurrentes du mtier.

    LETUDE DES RELATIONS ENTRE LE CHAMP JOURNALISTIQUEET LES AUTRES ESPACES SOCIAUX

    Mais lanalyse comparative du fonctionnement des diffrents sous-champsspcialiss ne peut se limiter aux seules logiques internes lespacejournalistique. En effet, cette dernire vient rappeler, premirement, lesdangers du mdia-centrisme55, qui isole cet univers de production de biensculturels des espaces avec lesquels il est en relation. Parce que les pouvoirs des mdias sont perptuellement survalus par lesprotagonistes des vnements mdiatiques et que la spcialisation de larecherche en sciences sociales est croissante, le sociologue peut tre tent devoir la production de linformation comme le seul produit des logiquesspcifiques du champ journalistique. Comme lont encore montr lesdernires enqutes franaises rcentes sur le journalisme politique,conomique, judiciaire ou mdical, lespace mdiatique (ou tout du moinscertaines fractions) est stratgique au sens o il peut produire des effetsimportants sur le fonctionnement des champs couverts mais il demeurerelativement peu autonome.

    Deuximement, la mthode comparative donne voir la ncessit de rompreavec les expressions homognisantes envisageant les rapports entre lesjournalistes et leurs sources dinformation . Non seulement la notion de

    55. On trouvera un tat trs prcis de la littrature sur le sujet au moins dans deux travaux deSCHLESINGER, 1990 et 1995, chapitre 1.

  • Les sous-champs spcialiss du journalisme 45

    source nest souvent pas pense en termes relationnels, prsupposant quelinformation ne circule que dans un sens, de la source vers le journaliste,mais la relation entre les journalistes et leurs informateurs est aussi tropsouvent traite dans une logique trop troitement interactioniste. En effet,ces interactions sont souvent dcrites comme si on pouvait trouver, dans lesinteractions elles-mmes, le principe des actions ou des discours desindividus. Ignorant les structures (ou les relations objectives) et lesdispositions (le plus souvent corrles avec la position occupe dans cesstructures56) , ce type de mthode tend oublier que les interactions entreles journalistes et leurs interlocuteurs sont des rencontres entre des habitus etdes positions dans des champs. Pour ne prendre quun exemple schmatique,on voit bien toute la diffrence quil peut y avoir entre, dun ct, certainsjournalistes spcialiss, qui la manire des localiers ont des contactstrs frquents et rguliers avec les mmes interlocuteurs, et, de lautre, desenvoys spciaux ltranger ou des journalistes gnralistes qui ne traitentdu sujet que trs ponctuellement. Cest pourquoi la plupart des tudesfranaises sur des journalismes spcialiss invitent faire la genseconjointe du sous-espace journalistique, du champ dactivits considr maisaussi celle de leurs relations. Par exemple, Alain Carof57 montre bien dans lecas de linformation agricole traite par Ouest-France les tapes successivesde lhistoire conjointe du syndicalisme agricole et du journalisme agricole.

    La ncessit dune sociologie relationnelle

    On peut avancer cinq variables, dont la liste nest bien videmment pasexhaustive, pour analyser ces relations, et tout particulirement le degrdautonomie entre ces diffrents espaces. La premire, probablement la plusvidente et souvent la plus visible, est dordre conomique. Le degrdautonomie dun sous-champ spcialis peut se mesurer linterdpendance de son conomie avec celle de lespace dactivitconsidr. La part respective des aides de lEtat, des recettes des ventes, despublicits (qui peuvent tre trs fortes dans certains mdias et secteurs), ledegr de concentration dventuels annonceurs58 sont autant de variables prendre en compte pour voir dans quelle mesure lconomie dun secteurdactivit au sens strict participe de celle des mdias. Ces interrelations dans

    56. BOURDIEU, 2001, p. 46.57. CAROF, 1972, p. 90 et suivantes.58. BOURDIEU, 1997.

  • 46 Rseaux n 111

    les diffrents secteurs de lindustrie culturelle (ditions, musique, cinma,etc.) ou du sport spectacle sont trs fortes. Les mdias participent parfois demanire trs directe lconomie de ces champs de production parce quilscontribuent au dveloppement dun march pour ces produits, mais aussiparce que quelques grands groupes conomiques matrisent de plus en plusles diffrents maillons de la production et de la diffusion. Le cas du sport estparticulirement exemplaire sous ce rapport, puisque les chanes detlvision sont parfois investies dans lorganisation mme des vnementsou, plus souvent, parce quelles paient trs chers des droits de diffusion.Malgr la lgislation franaise du droit linformation , laccs linformation audiovisuelle tend tre, dans certains domaines, de plus enplus coteux.

    Le degr dautonomie du sous-champ spcialis se mesure galement laune dune seconde variable quon pourrait qualifier de politique au senslarge. Ainsi, les conditions daccs linformation ou de contrle relatifvarie fortement selon les univers sociaux59. Certains dentre eux, comme lechamp judiciaire, scientifique, mdical ou politique dans certaines de sesfractions (notamment dans le domaine militaire) exercent historiquement uncontrle relativement fort de plusieurs manires : laccessibilit aux lieux estinterdite ou subordonne des autorisations (prison, hpitaux, lieux deconflit en situation de guerre par exemple) ; la parole autorise des agents estsoumise diffrentes formes de restriction comme la dcrit par exempleRmi Lenoir (1994) dans le cas des magistrats. Si tous les univers sociauxcouverts par les journalistes spcialiss sont des champs de luttes, il resteque certaines institutions contrlent plus ou moins le processus demdiatisation. Les univers les plus autonomes comme les champs judiciaireet scientifique ont t amens prendre de plus en plus en compte la maniredont les mdias, et notamment les journalistes spcialiss, parlent de leursactivits dans la mesure o ceux-ci contribuent produire des imagespubliques, qui ont des effets rels et supposs sur les publics mais aussi surle fonctionnement de ces institutions. Plusieurs auteurs ont dcritprcisment la monte progressive des services de communication ou laprofessionnalisation des relations avec les mdias dans le domaine policier etjudiciaire60 ou politique par exemple61. Autrement dit, ltat des relations

    59. On trouvera des analyses sur le sujet dans ERICSON, BARANEK et CHAN, 1989.60. SCHLESINGER et TUMBER, 1995.61. Par exemple : CHAMPAGNE, 1991 ; LEGAVRE, 1992. Voir aussi le numro 98 (1999)de Rseaux consacrs aux Mdias, mouvements sociaux, espaces publics .

  • Les sous-champs spcialiss du journalisme 47

    entre des sous espaces spcialiss du journalisme et les secteurs sociauxcouverts sest considrablement transform sous ce rapport, y compris dansles univers les plus autonomes alors que, dans dautres (sport, politique,etc.), elles faisaient partie ds lorigine de leur fonctionnement mme.

    Le degr dautonomie dun sous-espace journalistique spcialis se mesureen troisime lieu au degr auquel il impose ou non ses logiques propres audtriment de celles de lunivers considr, cest--dire ses problmatiques,mais aussi ses principes internes de hirarchisation. Les travaux sappuyantsur les notions dagenda-setting ou de framing ont largement montrcomment les mdias participaient la hirarchisation et la dfinition des problmes publics . Au-del, les journalistes partagent bien souvent uncertain nombre de croyances communes avec leurs interlocuteurs etcontribuent la conscration de ces univers spcialiss, ou au moins decertaines de leurs fractions, en se consacrant du mme coup62. Par exemple,Julien Duval a montr combien la production de lespace du journalismeconomique doit des principes de perception lis au champconomique63 dautant plus que celui-ci est de plus en plus soumis deslogiques conomiques. La mdiatisation du scandale du sang contamin au dbut des annes 1990 a galement mis en vidence combien lesoppositions entre les journalistes mdicaux rfractaient largement en faitcelles des chercheurs spcialiss sur cette maladie64. Par ailleurs, lescatgories sociales de perception des journalistes peuvent tre parfois trsantagonistes entre les diffrents types de journalistes spcialiss qui traitentdun mme vnement. On la bien constat quand les journalistespolitiques, qui partagent largement avec les hommes politiques une visionrelativement stratgique, voire cynique du monde politique, utilisaient cesuniques lunettes pour comprendre les luttes entre intellectuels aumoment du mouvement social de dcembre 199565.

    Comme on vient de le voir, il parat plus juste de dire que le champjournalistique travers ses diffrents sous-espaces spcialiss tend moins imposer ses propres logiques que des logiques externes, surtout

    62. On le voit bien, notamment dans le cas des journalistes spcialiss qui ralisent des livres-interviews avec des hommes politiques, des chefs dentreprise, des chercheurs, des sportifs,etc.63. 2000, p. 428.64. CHAMPAGNE et MARCHETTI, 1994.65. DUVAL et al., 1998, p. 73-81.

  • 48 Rseaux n 111

    conomicopolitiques, aux champs sociaux dont ils parlent. Dans laffaire dusang contamin, il a contribu introduire une logique externe aufonctionnement ordinaire du champ judiciaire parce que les problmes nesont pas poss en termes juridiques mais en termes moraux ou dopinion. Ledveloppement dinstructions et de procs mdiatiques parallles aconstitu les mdias en tribunal de lopinion publique dont les verdictstaient valids par les questions et les commentaires des sondages. Demme, Pierre Bourdieu66 a montr travers une tude dun hit-parade desintellectuels propos par le magazine Lire en 1981 combien lespacejournalistique tentait dimposer un champ de production restreinte, lieu dela production pour producteurs, les normes de production et deconsommation des produits culturels contre lesquels il sest constitu. Cetransfert de la technique du hit parade , du palmars , du prix ou du best-seller , autrefois rserv la cuisine ou lautomobile, sopreaujourdhui dans de nombreux secteurs (la politique, lducation, la justice etla sant67 par exemple) et tend introduire, par ricochet, de nouvelles formesde conscration et de hirarchisation68. Il reste que ce pouvoir est trsingal et varie selon les univers sociaux et lintrieur mme de ces univers.Contrairement aux ides reues, de nombreuses tudes montrent que lesjournalistes tendent en grande partie consacrer les consacrs69, notammentdans le domaine politique o le poids des sources officielles estprdominant. A linverse dans les univers les plus htronomes, ilscontribuent imposer dautres formes de conscration.

    Les relations que les sous-univers spcialiss du journalisme entretiennentavec les diffrents espaces sociaux quils mdiatisent doivent enfin prendre

    66. BOURDIEU, 1984, annexe 3.67. Le travail de PIERRU, 2002, paratre, montre dans le cas de la sant la gense de ce typede palmars.68. Le champ journalistique produit galement des effets de temporalit sur les autres universsociaux. Le champ politique est lun des plus exposs cette contrainte dun cycle deproduction trs court. Cest pourquoi, les responsables politiques se plaignent parfois de nepas avoir suffisamment la matrise de lagenda et dagir sous la pression mdiatique oucelle de lopinion publique : rclamer des mesures, une intervention pour aider quelquun,etc. Mais on ne dispose pas de travaux jusque-l sur ces ventuels effets dans diffrentschamps sociaux.69. Par exemple, DARRAS, 1995, a mis en vidence limportance du capital politique pourexpliquer les logiques de recrutement des invits dmissions politiques de la tlvisionfranaise ( 7 sur 7 et Lheure de vrit ) a dmontr dans une tude plus ancienne la partimportante des sources officielles dans linformation diffuse par deux grands quotidiensamricains.

  • Les sous-champs spcialiss du journalisme 49

    en compte, cest une quatrime variable, les caractristiques sociales desagents sociaux. Dans un certain nombre despaces sociaux, il peut y avoirune forte proximit comme dans le cas par exemple des critiques de thtredu dbut du sicle aux annes 1930, qui taient la fois journalistes etauteurs dramatiques, qui avaient des activits lies ladministration desthtres70 ou, autre exemple, celui des journalistes politiques-hommespolitiques qui montre combien les frontires du champ journalistique sontfaibles en dpit de la lutte syndicale contre les journalistes amateurs .Aujourdhui, ce type de multipositionnalit est plus rare ou, en tout cas,moins visible. Il nen demeure pas moins que, dans certains univers, lepassage du journalisme spcialis vers un mtier du champ dactivitspcialis correspondant (ou linverse) est loin dtre exceptionnel. Au-deldes reconversions, dans le journalisme, danciens sportifs, danalystesfinanciers, denseignants, etc., les donnes recueillies sur les nouveauxtitulaires de la carte professionnelle des journalistes en 1990 et en 1998montrent que certaines fractions du champ journalistique entretiennent desrelations de proximit avec les espaces sociaux correspondants : parexemple, la communication, ldition, la publicit, la littrature ou laproduction audiovisuelle au sens large71. Parfois, les agents sociaux circulentdun espace lautre ou sont dans un entre-deux. Plus largement, lintrtserait de voir en quoi cette connaissance (ou mconnaissance) pratique decertaines activits a des effets sur les rapports entre les journalistes duncertain nombre de spcialits et celles de leurs interlocuteurs privilgis,cest--dire aussi sur le traitement de linformation.

    Autrement dit, ce sont non seulement les trajectoires professionnelles maisaussi les trajectoires scolaires et sociales quil faut saisir si lon veutcomparer en quoi les diffrences ou au contraire les similitudes desproprits permettent de comprendre les rapports entre ces univers et laproduction de linformation. Comme lexplique Tunstall72, le style de vie decertains journalistes qui frquentent des mondes sociaux auxquels ilsnappartiennent pas est souvent plus haut que ce que leur salaire leur permet.Ltude de ces ingalits des espces et du volume de capitaux conomiques,politiques ou culturels permettrait probablement de mieux comprendre parexemple les phnomnes de fascination-rpulsion de journalistes lgard

    70. ANGLADE, 1999.71. DEVILLARD et al., 2001, partie III.72. 1971, p. 73.

  • 50 Rseaux n 111

    dhommes politiques73 ou de grands chefs dentreprise ou encore de sportifsdont les revenus sont bien suprieurs aux leurs.

    Les effets des transformations externes

    Mais, plus largement, cest en analysant les transformations des champsconsidrs (et de lespace social) et leurs relations que lon peut comprendreplus compltement les productions journalistiques, notamment dans cesespaces les plus spcialiss. Par exemple, la monte de lconomie, de lasant ou des affaires politico-financires dans les mdias nationauxdinformation gnrale et politique est le produit de la rencontre entre destransformations internes mais aussi externes au champ journalistique commelont montr les travaux franais sur la question. Lespace journalistique nefait que les rfracter avec ses logiques propres. Au-del de cestransformations structurelles qui peuvent avoir des effets sur la cration et ledveloppement de spcialits, les positions de ces spcialits dans lespacejournalistique sont pour certaines trs sensibles aux proprits de laconjoncture. Parce que le journalisme comme dautres univers de production(la musique ou la mode par exemple) se situe dans le temps court des bienssymboliques prissables cest--dire joue systmatiquement desdiffrences temporelles, donc du changement74 , quelques vnements,politiques notamment, contribuent parfois transformer provisoirement oudurablement la position de certaines rubriques ou tout simplement leurcontenu. Cest ainsi que, comme la montr Philip Schlesinger75, la crationet/ou le dveloppement de nouvelles institutions, des changements delgislation peuvent expliquer la monte en puissance des legal affairscorrespondents dans les mdias britanniques. Un journaliste de lAFP76

    racontait aussi comment limmigration a merg essentiellement comme problme public par le biais des faits divers : Pendant des annes, nousavons tent de passer des papiers sur les immigrs. Ils ntaient pris nullepart et lon nous disait : cela vaut rien Vous voyez bien Je dois direque l, hlas, il y a un progrs : depuis le jour o des immigrs ont t brlsun bidonville, tout a chang, maintenant, les immigrs, cest bon . Unehistoire rcente des rubriques ducation ferait aussi probablement apparatre

    73. BOURDIEU, 2001b, p. 243.74. BOURDIEU et DELSAUT, 1975, p. 16.75. SCHLESINGER, 1995, p. 147-148.76. BOUTROS et TINCQ, 1974.

  • Les sous-champs spcialiss du journalisme 51

    comment un choix politique, la priorit gouvernementale donne ce thmesous les deux septennats de Franois Mitterrand, a pu contribuer renforcerles rubriques traitant de ces questions durant cette priode. La mesure decette sensibilit aux proprits de la conjoncture est particulirement visibledans la presse magazine spcialise, les crations et les disparitions de titrestant fortement lies ces proprits. Les services Socit ou Informations gnrales des journaux peuvent tre galement des lieux ose redfinissent frquemment les spcialits, certains thmes mergeant augr de lactualit77.

    Une analyse comparative des sous-espaces spcialiss composant le champjournalistique parat donc probablement dautant plus indispensableaujourdhui que ce qui est appel trop facilement journalisme , presse ou mdias renvoie des logiques de plus en plus diverses en termes deproduction et de consommation. Pour autant, ce serait une erreur deconstruire ltude des sous-champs spcialiss de production dinformationcomme autant dobjets autonomes et de reprendre, du mme coup, lestaxinomies des journalistes eux-mmes. Il faut donc croiser les logiquesspcifiques de ces sous-champs avec des logiques externes : les logiques desrdactions ou des types de mdias qui constituent, elles aussi, des espacesrelationnels, celles du champ journalistique dans son ensemble et enfin cellesdes espaces sociaux qui sont mdiatiss. Cela ne pouvait pas tre lobjet dece work in progress.

    77. Pour le cas de lexclusion au dbut des annes 1990, on trouvera dans le travail deGraud Lafarge, 2001, chapitre 12, une analyse de lmergence trs relative de journalistesspcialiss.

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