Retrouvez Onyx du point de vue de Daemon Black…

Du même auteur aux Éditions J’ai lu

À HUIS CLOS

JEU DE PATIENCE

JEU D’INNOCENCE

JEU D’INDULGENCE

JEU D’IMPRUDENCE

JEU D’ATTIRANCE

LUX

1 – Obsidienne2 – Onyx3 – Opale

4 – Origine5 – Opposition

(Numérique)0,5 – Ombres

OBSESSION

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Amélie Sarn

Titre original OBLIVION

A LUX NOVEL

Éditeur original Entangled Publishing, LLC.

© Jennifer L. Armentrout, 2015 T

EAN 9782290146873

ous droits réservés

Pour la traduction française © Éditions J’ai lu, 2017

Ce livre est dédié à tous les fans de Daemon Black qui voulaient le garder encore un peu.

Régalez-vous.

Remerciements

Quand on m’a demandé d’écrire Oubli, j’ai tout de suite pensé que c’était une merveilleuse occasion d’offrir aux fans de Lux un peu plus de Daemon. Je n’avais pas l’intention d’écrire Onyx et Opale par la suite, mais c’est pourtant ce qui s’est produit. À présent, vous avez plus qu’un avant-goût de ce qui se passe dans la tête de Daemon. Vous réfléchissez carrément avec lui.

Il faut vraiment beaucoup de gens pour publier un livre. Un énorme merci aux personnes suivantes pour avoir rendu cette aventure possible  : Kevan Lyon, Liz Pelletier, Meredith Johnson, Rebecca Mancini, Stacy Abrams et l’équipe d’Entangled Publishing. Merci à K.P. Simmon et à mon assistante/meilleure amie, Stacey Morgan. Un merci tout particulier à Vilma Gonzalez pour m’avoir aidée tout au long de mon travail sur Oubli.

Rien de tout cela n’aurait été possible sans vous, mes lecteurs. Ce livre existe grâce à vous. Je ne pourrai jamais assez vous remercier.

Chapitre premier

Kat faisait comme si je n’étais pas là.Je n’étais pas surpris. Elle avait fait ça toute la journée

au lycée. Comme si le bal n’avait jamais eu lieu. Comme si elle n’avait pas risqué sa vie pour sauver la mienne. Peut-être croyait-elle que, de cette façon, elle réussirait à effacer ces événements de sa vie.

À m’effacer, moi, de sa vie.Aucune chance. Et pas seulement parce qu’elle scintil-

lait comme un néon. J’en avais plus qu’assez de réprimer mon désir pour elle. Je n’en pouvais plus de refuser le fruit défendu. Il fallait que mon état d’esprit évolue et que j’arrête de bloquer : oui on était différents, mais non notre histoire n’était pas impossible pour autant. Je savais que ce ne serait pas facile. Rien dans la vie n’était facile, mais il y avait une chose que je ne pouvais pas changer.

J’avais envie d’être près d’elle.Et je savais que, malgré sa colère et sa frustration, Kat

aussi avait envie de moi. Il fallait seulement que je par-vienne à lui ouvrir les yeux. Je rêvais de la jeter sur mon épaule, de la ramener chez moi et de m’enfermer avec elle dans une chambre.

Elle gara sa voiture devant le bureau de poste. Je vins me placer face à elle et je baissai ma vitre :

— Qu’est-ce que tu n’as pas compris dans la phrase « rentre directement chez toi » ?

Elle pinça les lèvres.— J’attends des livres.— Et peut-être qu’un Arum t’attend toi pour te tuer !

ripostai-je.

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Mais Kat savait que j’avais parcouru l’État en long, en large et en travers sans trouver trace de nos ennemis.

— Tu es là, je ne risque rien, fit-elle.— Oui, mais mieux vaut prévenir que guérir.Lorsque j’ouvris sa portière, elle leva les yeux au ciel.— Tu es vraiment pénible, grinçai-je sans desserrer les

dents.Elle dressa le majeur et se gratta la joue. Je haussai les

sourcils.— Très élégant, Kitten.Elle m’adressa un sourire avant de tourner les talons.

Trop occupé à reluquer ses fesses moulées dans son jean délavé, je ne la vis pas sauter à pieds joints dans une flaque d’eau de la taille du lac Michigan, m’éclaboussant de boue au passage.

— Tu as quel âge ? grondai-je.Elle haussa les épaules sans se retourner, avant de monter

la volée de marches qui menaient à la poste. J’entrai à sa suite et l’attendis près de la porte.

— Yesss ! s’exclama-t-elle.Alors qu’elle ouvrait son casier de poste restante, son

visage s’illumina. Elle rattrapa la brassée de petits colis jaunes qui avaient manqué tomber et les serra tendrement contre elle.

Trop mignonne.Elle referma la boîte d’un coup d’épaule et réussit à la

verrouiller sans faire tomber ses précieux paquets. Nos regards se croisèrent quelques secondes. Ses joues prirent une charmante teinte rosée et elle baissa les paupières.

Quand elle sortit, je lui emboîtai le pas. Évidemment, elle m’éclaboussa une nouvelle fois. Je bondis sur le côté mais… trop tard. Cette fois, j’étais trempé.

— Bordel, Kitten !Elle me sourit et se dirigea vers sa voiture, dont elle ouvrit

la portière arrière pour déposer ses livres sur la banquette. En se redressant, elle me jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Son regard mi-innocent, mi-provocateur était tellement excitant.

De toute façon, presque tout ce qu’elle faisait m’excitait.

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J’émis un grognement sourd en la regardant retourner à ses paquets. Elle les installait comme s’il s’agissait d‘objets précieux qui lui venaient de ses ancêtres. Je fermai les yeux brièvement et me mordis la lèvre. J’imaginais Kat chez elle, allongée sur le canapé. J’étais sur elle. Elle portait son ridi-cule bas de pyjama, celui avec des lutins imprimés dessus. Rien d’autre. Mon ventre se contracta. J’avais faim. Faim de son corps.

— Il me faut des pancakes, annonçai-je en rouvrant les paupières.

Bien sûr, mes yeux se posèrent automatiquement sur une délicieuse partie de son anatomie.

— Tu ne serais pas en train de me reluquer les fesses ? s’exclama-t-elle.

Je souris tout en continuant de l’examiner des pieds à la tête, m’attardant un peu plus longtemps sur certaines zones. Elle rougissait de nouveau et le gris de ses yeux s’était intensifié.

Il était là. Je le voyais au fond de son iris. Son désir pour moi.

— Certainement pas. Pour qui tu me prends ?Elle leva les yeux au ciel.— Bien sûr.— Pancakes, répétai-je.— C’est quoi ton problème avec les pancakes ?— Est-ce que tu as de quoi en préparer chez toi ?Elle fronça les sourcils.— Oui, je pense, pourquoi ?— Parfait ! On va chez toi et tu me prépares des pan-

cakes.Elle me dévisagea, bouche bée.— Hors de question ! Tu n’as qu’à aller t’en acheter !Je fus près d’elle en un clin d’œil. Nos corps se touchaient

presque et ses pupilles se dilatèrent.— Je n’ai pas envie d’aller m’acheter de pancakes, Kitten.

Je veux que ce soit toi qui me les fasses.Je lui tapotai le bout du nez. Elle recula brusquement.— Jamais de la vie !— Oh que si.

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Je fis volte-face et retournai à ma voiture. Une fois au volant, je lui adressai un dernier sourire :

— J’ai hâte de goûter tes pancakes.

Assise face à moi, les lèvres pincées, Kat me regardait porter ma fourchette à ma bouche.

Je n’avais plus très envie de pancakes. Pas de ceux-là, en tout cas. Ils étaient bizarres. Déjà, ils étaient beaucoup trop gros, et puis, en plantant mon couteau dedans, je m’étais rendu compte qu’ils n’étaient pas assez cuits. J’en piquai un morceau au bout de ma fourchette et le portai à ma bouche. La substance était jaunâtre et farineuse.

Peut-être que je n’aurais pas dû exiger qu’elle se mette aux fourneaux.

Le plan de travail était immonde. La gazinière était constellée de pâte. Le sweat de Kat aussi d’ailleurs. Je sou-pirai. Si j’avais été humain, je ne me serais pas risqué à avaler ça.

J’enfournai une bouchée et manquai la recracher. Ma gorge se serra pendant que je me forçais à mâcher. Le sirop d’érable ne couvrait pas le goût de carton et de farine. J’avalai malgré tout. En souriant, en plus. Un moment s’écoula.

Soudain, elle éclata de rire.— Je n’arrive pas à croire que tu en aies mangé !J’avais la bouche pâteuse et l’impression que je ne me

débarrasserais jamais de cette horrible sensation d’étouffer.— Pourquoi ? demandai-je dignement.— Ils doivent être dégoûtants ! Ils ne ressemblent pas du

tout aux pancakes que fait ma mère.Ça, je n’en doutais pas une seconde.Rien qu’à voir leur couleur… Je bus une grande gorgée

de lait.Kat ne s’arrêtait plus de rire.— Bon, d’accord, ils sont dégueulasses, finis-je par

reconnaître. Comment est-ce que tu as fait pour rater des pancakes ?

Elle haussa les épaules.— J’en sais rien. C’est la première fois que j’en fais. J’ai

ajouté l’eau un peu au pif.

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Je secouai la tête, éberlué.— Ce n’était quand même pas si compliqué !Elle dressa le menton.— Je t’avais dit que tu ferais mieux d’aller t’en acheter.Je repoussai mon assiette.— Je te soupçonne de les avoir ratés exprès.— Pourquoi j’aurais fait ça ?— Parce que si tu n’es pas capable de faire des pancakes,

alors je ne suis pas sûr qu’on puisse devenir amis.— Oh ! Tu me brises le cœur ! s’écria-t-elle en posant

théâtralement la main sur sa poitrine.Kitten et moi n’étions pas partis du bon pied. On avait

passé tout l’été et tout ce début d’automne à se disputer. Je reconnaissais que c’était essentiellement ma faute et je le regrettais. En combattant Baruck, je n’avais pas seulement failli mourir, j’avais également été à deux doigts de perdre ma sœur… et Kat.

Mais je n’avais pas le pouvoir de remonter le temps. On était obligés d’avancer.

Il était temps de changer de sujet.— Est-ce que Dee ou Matthew t’ont fait une réflexion à

propos de la trace ?Je savais que de toute façon, hormis Adam, les Thompson

refusaient de lui adresser la parole.— Dee y a fait allusion, mais j’ai éludé. Tout le monde

sait que j’étais avec vous quand…Elle se passa la langue sur la lèvre supérieure avant de

continuer :— … quand tu as combattu Baruck. Du coup, ça ne leur

paraît pas bizarre.— Très bien, murmurai-je.Elle bâilla bruyamment et se leva pour débarrasser mon

assiette. Je jetai un coup d’œil à l’horloge. Il était à peine 18 heures.

— Ta mère travaille ce soir ? lui demandai-je.— Oui, soupira-t-elle en jetant les pancakes à la poubelle.

Comme tous les soirs, ou presque.Elle ouvrit le lave-vaisselle.

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— Elle n’a pas le choix, poursuivit-elle. Les factures ne se paient pas toutes seules.

— Je sais.Elle détourna les yeux et passa un coup d’éponge.— Tout le monde n’a pas la chance d’être un alien et

de recevoir une allocation du gouvernement, ne put-elle s’empêcher d’ajouter.

Je fronçai les sourcils. Elle se remit à bâiller.— Je me sens seule parfois, fit-elle.— Je te crois.Je n’aimais pas la savoir seule. Elle resta silencieuse un

long moment.— Je sais que tu te crois obligé de veiller sur moi, mais

je n’ai pas l’intention de sortir ce soir. Je dois réviser pour un contrôle de biologie. Tu n’es pas forcé de rester.

Je me levai et m’approchai d’elle.— Tu peux…Elle se tourna vers moi.— Bon sang, Daemon, tu ne peux pas arrêter de faire ça ?

Te déplacer comme un ninja. C’est flippant, je te l’ai déjà dit.— Je n’ai pas cherché à te surprendre.— Je suis sûre que si ! Tu as été aussi silencieux qu’un

foutu fantôme !Je ris.— Un foutu fantôme ! répétai-je.— Oui, murmura-t-elle, un foutu fantôme toujours dans

mes pattes. Tu envahis mon espace personnel.Elle fixa ma bouche un moment puis ses yeux descen-

dirent vers mon torse.Oui, j’envahissais son espace personnel. Il n’y avait pas

plus de deux ou trois millimètres entre nous. Je me forçai à respirer et sentis son odeur de pêche et de vanille.

— Désolé.— Je sais que tu n’es pas désolé.— C’est vrai.Je penchai la tête sur le côté et j’aperçus une minuscule

goutte de pâte à pancake près de son oreille. Comment était-elle arrivée là ? Je l’essuyai du bout du pouce. Sa poi-trine se souleva.

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— Tu avais de la pâte.Ses lèvres s’écartèrent. Nous nous regardions les yeux

dans les yeux. Je frôlai sa joue avec ma main. Nous étions si proches l’un de l’autre. Pour l’embrasser, je n’avais qu’à poser ma bouche sur la sienne.

Je mourais d’envie de goûter de nouveau à ses lèvres.Mais je risquais de me prendre un coup de poing dans le

nez. Ses cils étaient si épais. Elle se laisserait faire, j’en étais sûr, mais à peine reprendrions-nous notre souffle qu’elle se mettrait à m’insulter.

Kat me désirait, mais elle n’était pas prête à le recon-naître. Elle pensait que ce que j’éprouvais pour elle n’était pas aussi fort que ce que ses parents avaient ressenti l’un pour l’autre. Elle ne voulait pas s’engager et je ne pou-vais pas lui en vouloir. Je ne savais pas moi-même ce que j’éprouvais pour elle. Du désir sexuel ? Sans aucun doute. Je la voulais tout entière. Mais il y avait autre chose. De la tendresse. Du respect. Mon cœur ne se comportait pas de la même manière quand elle était dans les parages. Je tenais à elle.

Mais j’ignorais ce que tout ça signifiait.Je devais creuser la question et le découvrir. J’étais certain

d’une chose : ça n’avait rien à voir avec le fait que nos cœurs battaient à l’unisson depuis que je l’avais guérie.

— Kitten ?Je caressai son cou. Elle frissonna.— Ne m’appelle pas comme ça,Je baissai le menton. Nos nez se touchèrent. Elle ne recula

pas, ne me repoussa pas.— J’aime t’appeler comme ça.— Ça m’est égal.Je souris.— Kat ?— Quoi ?Il y avait tant de choses que j’avais envie de lui dire, mais

je savais que ça la ferait fuir. Ignorer mon besoin primaire de la serrer contre moi me demandait plus d’énergie que de combattre un Arum en colère. Je reculai juste assez pour voir son joli visage.

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— Je vais nettoyer.— Quoi ?— Je vais nettoyer la cuisine. Tu peux aller travailler.Un éclair de déception presque imperceptible traversa

son regard.— D’accord. Ça me va.Elle fila jusqu’à la porte.— Amuse-toi bien, me lança-t-elle.Je la regardai s’éloigner, avant de me retourner en sou-

pirant vers le chaos de la cuisine.Qu’est-ce qui m’avait pris de lui proposer de ranger ?J’étais tenté de mettre le feu à la pièce pour gagner du

temps mais, finalement, j’attrapai une éponge et le flacon de liquide vaisselle bleu et je m’attaquai à l’énorme bol, bien trop gros pour aller au lave-vaisselle. Pendant que je l’astiquais, mes pensées vagabondaient. Je m’arrêtai sur l’une d’entre elles. Nous devions débarrasser Kat de la trace. J’allais devoir la sortir de ses révisions pour une activité un peu plus physique.

J’avais quelques idées. Que je repoussai d’un revers de main.

Kat et moi n’avions pas reparlé de ce qui s’était passé au bal. Elle était forte, mais je m’inquiétais pour elle.

Et puis, il y avait ce qui s’était produit quand j’avais essayé de la soigner. Elle avait réussi à puiser dans la Source. Ce qui était normalement totalement impossible pour un humain.

Du moins, à ma connaissance.L’avais-je changée ? Je ne le savais pas encore. Tout ce

que j’espérais, c’était que, si c’était le cas, cette altération disparaîtrait en même temps que la trace.

Il ne me fallut pas plus d’un quart d’heure pour remettre la cuisine en état. Le bruit étouffé de la télé m’attira dans le salon. Kat allait me détester, mais j’allais devoir l’obliger à s’interrompre pour…

Je m’immobilisai.Elle était assise dans un coin du canapé, son livre de bio-

logie sur les genoux. Ses pieds étaient posés sur un coussin, laissant apparaître ses minuscules orteils ; son pendentif

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d’obsidienne s’était glissé hors de son pull et reposait sur son épaule.

Elle dormait.Je m’approchai et refermai son livre avant de le poser sur

la table basse. Puis je la recouvris d’un plaid.Sans vraiment réfléchir à ce que je faisais, je me penchai

vers elle et l’embrassai sur la joue. Et je m’éloignai.J’aurais pu rentrer chez moi.Mais je restai là à la regarder en pensant malgré moi à

tout ce que j’avais fait ces derniers mois.Je fermai les yeux.J’avais enfreint tant de règles.Je lui avais montré qui j’étais vraiment, je lui avais parlé

de mon peuple, je l’avais soignée à plusieurs reprises.Je faillis rire, mais il n’y avait rien de drôle. Je l’avais mise

en danger. À présent sa vie ne serait plus jamais tranquille.Et j’étais un sacré connard gonflé d’égoïsme, parce que

même en sachant ça… j’avais décidé de ne plus jamais m’éloigner d’elle.

Chapitre 2

J’attendis dix secondes avant de planter mon crayon dans le dos de Kat. Un soupir souleva ses épaules, mais elle se retourna quand même. Ses yeux gris plongèrent dans les miens.

— Bonjour, Kitten.Elle me lança un regard méfiant.— Bonjour, Daemon.Alors que j’inclinais la tête, une mèche de cheveux tomba

devant mes yeux. J’avais besoin d’aller chez le coiffeur.— J’espère que tu n’as pas oublié qu’on se voyait ce soir.— Non, je sais. J’ai hâte d’y être, répondit-elle sur un

ton glacial.Son enthousiasme était… renversant. Je me penchai en

avant, faisant basculer mon pupitre. Carissa et Lesa nous observaient. Je ne pus m’empêcher de sourire.

— Quoi ? lâcha Kat, manifestement agacée.— Il faut qu’on fasse disparaître ta trace, murmurai-je.Hier soir, je l’avais laissée dormir, mais on ne pouvait

pas attendre plus longtemps.— Je m’en doute, oui, soupira Kat.— Et j’ai une idée de la manière dont on pourrait s’y

prendre. Tu verras, on va bien s’amuser.J’adorais la mettre en colère, mais j’en fus pour mes frais,

car elle sourit.— Ça t’intéresse ?Je fixai ses lèvres pulpeuses.— Tu peux toujours courir, mon pote, riposta-t-elle.Je me retins d’éclater de rire.— Toute résistance est inutile, Kitten.

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— Ton entêtement aussi.— C’est ce qu’on verra.Elle leva les yeux au ciel et fit volte-face. Le prof venait

d’entrer. Il avait l’air encore plus vieux que d’habitude. Mais je n’en avais pas fini avec Kat. Je lui enfonçai une nouvelle fois mon stylo entre les omoplates.

Elle pivota vers moi, les yeux brillant de colère.— Quoi encore, Daemon ?À la vitesse de l’éclair, je frôlai son cou comme je l’avais

fait la veille pour enlever la goutte de pâte à pancake. Cette fois, j’ôtai une poussière de ses cheveux. Est-ce que je n’étais pas le type le plus serviable de la Terre ? Elle me dévisagea.

— Après l’école…, lui rappelai-je.Elle ne répondit pas, mais je savais qu’elle avait compris.

Elle me repoussait peut-être de toute son énergie, mais elle n’était pas stupide.

Pendant tout le cours, j’eus l’impression qu’elle allait s’assoupir. Elle n’arrêtait pas de bâiller, au point que je finis par m’inquiéter qu’elle ne se décroche la mâchoire. Ce n’était pas normal. D’autant qu’elle avait dormi longtemps et pro-fondément, la nuit précédente.

À la fin du cours, elle sortit en compagnie de Lesa et Carissa. Je les suivis un moment dans le couloir avant de rejoindre ma classe.

La matinée n’en finissait plus. Je décidai de sécher la dernière heure de cours pour trouver quelque chose à man-ger. Un truc plus appétissant que ce que la cantine aurait à proposer. Il y avait du pain de viande au menu et, pour l’avoir déjà goûté, j’étais sûr que c’était le genre de plat où il y avait de tout, sauf de la viande. Tandis que je m’achetais un sandwich, la liste des smoothies attira mon attention. Il me semblait que le parfum préféré de Kat était framboise. J’en commandai un avec des cookies.

Je retournai au lycée sans que personne me fasse la moindre réflexion. C’était comme ça. Il y avait des Luxens parmi le personnel et Matthew était prof ; la consigne était de nous laisser aller et venir comme bon nous semblait.

Alors que je traversais le hall en direction de la cantine, je sentis un picotement dans ma nuque. J’éprouvais cette

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sensation depuis que j’étais rentré avec le morceau d’obsi-dienne et je l’avais également ressentie en entrant en classe hier. Et à nouveau ce matin. Ça se produisait chaque fois que je m’approchais de Kat. Ce devait être une conséquence de ma dernière action de guérison sur elle. J’ignorais si ce serait permanent ou si ça disparaîtrait avec la trace.

Je poussai la porte à doubles battants qui s’ouvrit sur un brouhaha de conversations et l’odeur indéfinissable du fameux pain de viande. Je scrutai les tables. Les Thompson étaient assis à leur place habituelle dans le fond de la salle. Je croisai le regard d’Ash. Elle plissa les paupières. Je détour-nai aussitôt les yeux et découvris Kat un peu plus loin. Elle me tournait le dos mais la rigidité de ses épaules m’informa qu’elle savait que j’étais là. Ma sœur était assise en face, à deux places de Kat. Il n’y avait pas d’assiette devant Kat.

Je passai devant la file des élèves encore en train de se servir pour aller m’asseoir à côté de Kat. Je lui glissai le smoothie dans les mains, parfaitement conscient que toute la table me regardait avec des yeux ronds.

Kat eut l’air surpris mais elle ne refusa pas. Lorsqu’elle prit le gobelet, nos doigts se frôlèrent, produisant une décharge d’électricité statique. Elle but une gorgée.

— Merci, fit-elle en me regardant à travers l’épaisseur de ses cils.

Je lui souris.— Et nous, alors ? réclama Lesa en riant.— Je ne suis au service que d’une seule personne,

rétorquai-je, amusé.Kat écarta sa chaise.— Tu n’es pas à mon service !Je me rapprochai aussitôt d’elle.— Pas encore…Les yeux de Lesa pétillaient.— Oh pitié, Daemon ! se plaignit Dee. Je suis là, je te

signale ! Tu vas me couper l’appétit.— Comme si c’était possible, lança Lesa en roulant les

yeux.C’était une vérité absolue. Ma sœur mangeait toujours

comme quatre.

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Je posai mon sandwich sur la table, ainsi que le sac en papier contenant les cookies. Je sortis un biscuit et le tendis à ma sœur. Ses yeux s’éclairèrent comme si je lui offrais un diamant. On aurait dit Gollum avec l’anneau.

— On n’était pas censées organiser un truc ? intervint Carissa d’une voix douce.

— Si ! sourit Dee.Kat se passa la main sur le front.— De quoi est-ce que vous parlez ?— Tout à l’heure, en cours d’anglais, Dee et moi, on

a parlé de faire une soirée dans deux semaines, expliqua Carissa.

Je ne l’avais jamais entendue prononcer autant de mots à la suite.

— Quelque chose…, ajouta-t-elle.Mais elle n’eut pas le temps de finir sa phrase.— … d’énorme !— Non, de petit, la corrigea Carissa. On n’invitera pas

grand monde.Dee était surexcitée.— Nos parents ne sont pas là vendredi prochain. C’est

l’occasion rêvée.Kat me jeta un regard en coin et je lui adressai un clin

d’œil tout en me demandant quand cette fête aurait lieu exactement.

— C’est super que vos parents vous autorisent à organiser une fête chez vous, déclara Carissa. Il suffirait que je le suggère aux miens pour qu’ils fassent une attaque.

Dee haussa les épaules et évita mon regard.— Nos parents sont plutôt cools.C’est le moins qu’on puisse dire, vu qu’ils étaient morts

depuis très longtemps. Je continuai de manger mon sandwich, curieux de voir où Dee voulait mener cette conversation. La fête était censée se dérouler chez nous. Intéressant. Je dus me retenir de demander à Dee devant tout le monde en quoi elle trouvait que c’était une bonne idée.

Kat était silencieuse. À écouter les filles, j’avais de plus en plus de doute sur le fait que cette fête serait… petite.

— Et toi, tu es d’accord ? me chuchota Kat.

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Franchement ? Pas du tout. Mais bon… Je haussai les épaules.

— De toute façon, je ne pourrais pas l’en empêcher.Elle me dévisagea, incrédule, et je pouvais la comprendre.

Quelques mois plus tôt, j’aurais mis un terme à ce projet en une nanoseconde. Alors, pourquoi ce revirement ?

Peut-être parce que, d’ici là, nous aurions débarrassé Kat de la trace ; je n’aurais alors plus aucune raison de la coller comme si nous étions des siamois. En organisant une fête à la maison, je savais que Kat viendrait chez moi. Et cette idée me plaisait beaucoup. Je sortis un autre cookie du sac.

— Un biscuit ?Elle hésita, mais se lécha la lèvre supérieure du bout de

la langue, ce qui ne laissait aucun doute.— Avec plaisir.Juste pour l’énerver, je la fixai sans lâcher le biscuit.— Alors, viens le chercher.Je le plaçai entre mes lèvres et me penchai vers elle. Elle

commença par froncer les sourcils avant de rougir. Je lui lançai un regard défiant en retour.

— Je crois que je vais gerber, s’étrangla Dee.Kat ne bougea pas d’un pouce, mais elle ne me frappa pas

non plus. C’était presque une victoire. Je retirai le cookie de ma bouche.

— Le temps est écoulé, Kitten.Elle me dévisagea.Très content de moi, je brisai le biscuit en deux et lui

tendis la plus grosse moitié. Kat le saisit brutalement et l’enfourna. Ses yeux avaient la couleur d’un ciel d’orage. J’allais éclater de rire, mais un coup d’œil de ma sœur me fit ravaler mon hilarité. Je lui jetai un regard interrogatif, auquel elle répondit en écarquillant les yeux. Je me tournai vers Kat, qui tripotait machinalement le pendentif d’obsi-dienne que je lui avais offert. Je me rappelai brusquement que tant qu’elle porterait la trace, elle serait en danger.

Il fallait que je fasse quelque chose.Et vite.

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Après les cours, Kat était passée à la poste. Encore. J’aurais aimé la secouer comme un prunier quand elle arriva chez elle, mais elle aurait fait tomber ses livres et m’aurait probablement crié dessus pendant des heures.

Rapide comme l’éclair, je sortis de mon 4 × 4 et arrivai avant elle sous son porche. Elle me rejoignit à la vitesse d’une tortue à trois pattes.

— Tu n’es pas rentrée directement après l’école ? lui lançai-je.

Elle glissa la clé dans la serrure avec sa main libre.— Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, je suis allée

à la poste.Elle ouvrit la porte et déposa son chargement sur une

petite table dans l’entrée.— Ton courrier aurait pu attendre. Qu’est-ce que c’est ?

Juste des livres ?Je la suivis dans la cuisine. Elle sortit une bouteille de

jus d’orange du réfrigérateur.— Oui, c’est ça, juste des livres.Je haussai les épaules.— Je suis conscient qu’il n’y a probablement pas d’Arums

dans le coin en ce moment, mais on n’est jamais trop pru-dent. Je te rappelle que tu portes une trace qui pourrait les guider jusqu’à notre porte. C’est bien plus urgent que d’aller récupérer des bouquins.

Elle ne fit pas de commentaires, se contentant de poser la bouteille de jus d’orange sur le comptoir et de prendre un verre dans un placard.

— Tu veux boire ?— Pourquoi pas ? soupirai-je. Tu as du lait ?Elle me désigna le réfrigérateur.— Sers-toi.— C’est toi qui me l’as proposé et tu ne me sers même pas ?— Je t’ai proposé du jus d’orange, répliqua-t-elle. Tu as

choisi du lait. Et ne parle pas trop fort. Ma mère dort.Je secouai la tête et j’allai me servir avant de m’asseoir

à table, face à elle. Elle avait attaché ses cheveux après les cours et son visage ainsi dégagé ne cachait rien de la

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rougeur qui avait envahi ses joues. Je l’examinai. À quoi était-elle en train de penser ?

— Je peux te poser une question ? demanda-t-elle en faisant rouler son verre entre ses paumes.

— Ça dépend, répondis-je d’une voix douce.— Est-ce que tu ressens quoi que ce soit quand je suis

près de toi ?— Tu veux dire à part ce que j’ai ressenti ce matin en te

voyant avec ce jean qui te va à ravir ?— Daemon ? soupira-t-elle. Je suis sérieuse.— L’arrière de ma nuque chauffe et me chatouille. C’est

de ça que tu veux parler ?Je dessinai un cercle du bout du doigt sur la table. Elle

leva les yeux vers moi.— Exactement ! Alors, tu le sens aussi ?— Quand on est près l’un de l’autre, oui.— Ça ne te gêne pas ?— Ça te gêne ?C’était une vraie question. Elle resta silencieuse et je ne

parvins pas à déterminer si c’était une bonne chose ou non.— C’est sans doute… un effet secondaire de la guérison.Je m’interrompis. Elle n’avait pas l’air dans son assiette.— Tu vas bien ?— Pourquoi ?— Tu as une tête de déterrée.Ce n’était pas complètement vrai.— Je crois que je couve quelque chose.Je l’observai.— Qu’est-ce que tu as ?— Je ne sais pas. J’ai sûrement attrapé des poux extra-

terrestres.— J’en doute, ricanai-je. Mais tu ne peux pas te permettre

de tomber malade. On doit aller faire de l’exercice pour dissiper ta trace. Tant qu’elle sera là, tu seras…

— Si tu dis que je suis une faiblesse, je te frappe. (La colère perçait dans sa voix.) Je croyais pourtant t’avoir convaincu du contraire, continua-t-elle. Après tout, c’est moi qui ai éloigné Baruck de chez toi et qui l’ai tué. Ce n’est pas parce que je suis humaine que je suis faible.

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Je m’adossai à ma chaise.— J’allais dire que tu seras en danger, c’est tout.— Oh. (Elle esquissa un petit sourire gêné.) Ça ne change

rien au fait que je ne suis pas faible.Son énervement me plaisait. Je me levai à toute vitesse

pour venir m’agenouiller devant elle.— J’en suis parfaitement conscient. Tu as prouvé ta

valeur. Et ce que tu as fait ce week-end, lorsque tu t’es servie de nos pouvoirs ? Je n’ai toujours pas compris comment tu t’y étais prise, mais une chose est sûre : tu n’es pas faible. Tu ne l’as jamais été.

Le visage de Kat s’adoucit. Je ravalai un sourire et me levai.

— Alors viens me prouver que j’ai raison. Lève-toi. On va dégommer la trace.

— Daemon, je ne me sens vraiment pas bien, grogna-t-elle.

— Kat…— Je ne dis pas ça pour t’embêter. J’ai envie de vomir.Je croisai les bras sur ma poitrine. Son regard sur mes

épaules et mes pectoraux ne m’échappa pas.— Tu ne peux pas continuer de te balader dans la nature

comme ça. Tu es un véritable phare ambulant ! C’est trop dangereux. Tant que tu porteras cette trace, tu ne pourras rien faire. Ni aller nulle part.

Elle se leva.— Je vais me changer.— Tu cèdes déjà ? m’exclamai-je, surpris.— Céder ? ricana-t-elle. Je veux me débarrasser de toi,

c’est tout.— Si ça te rassure d’y croire, Kitten…, lâchai-je.— Si ça te rassure de te prendre pour un beau gosse,

repartit-elle.Je me déplaçai à toute allure et lui bloquai la porte. Elle

plissa les paupières et tressaillit alors que je me penchais vers elle. Elle recula d’un pas.

— Quoi ?Il n’y avait pas une once de peur dans ses yeux gris.

Je posai mes mains sur ses hanches. Au moment où je

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la touchais, son regard s’altéra. Je penchai la tête et mes lèvres effleurèrent son menton. Je la sentis frissonner entre mes bras.

Je la lâchai pour prendre un pas de distance.— C’est bien ce que je pensais : ce n’est pas moi qui me

fais des idées, Kitten. Va te changer.Elle leva le menton et quitta la cuisine en claquant les

talons. Je l’écoutai gravir les marches en riant dans ma barbe. Elle avait manifestement oublié que sa mère était en train de dormir.

Je lavai les deux verres, un peu inquiet malgré tout. Était-elle vraiment malade ? Ou jouait-elle seulement la comédie pour m’agacer ? Parce que, apparemment, cette fille était née pour ça. La notion de maladie m’était étran-gère. On n’avait jamais vu un Luxen attraper la grippe ou quoi que ce soit d’autre.

Cinq minutes plus tard, elle réapparut, vêtue d’un legging et d’une polaire imperméable. Elle était… adorable.

Elle se dirigea vers la porte d’entrée d’un air décidé.Je la rejoignis sous le porche.— Tu es sûre que ça va aller ?Elle se retourna vers moi.— Je n’ai pas eu l’impression que tu me laissais le choix,

de toute façon.Je me sentais un peu honteux à présent. Je me comportais

trop souvent comme un connard avec elle.— Écoute, Kat, si tu ne te sens vraiment pas bien, je ne

vais pas…— Ça va aller, marmonna-t-elle en descendant les

marches.Je jurai à voix basse et lui emboîtai le pas. On commença

par un jogging tranquille et, quand je fus certain qu’elle n’al-lait pas tomber dans les pommes, j’accélérai le mouvement.

Mais nous étions à peine arrivés à la route principale que Kat s’arrêta brusquement, à bout de souffle. Je ralentis et vins me planter face à elle.

— Eh…Elle secoua la tête et essaya de retrouver sa respiration.

Un moment passa.

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— Il faut… que je rentre chez moi, parvint-elle à articuler.Elle tourna les talons et repartit d’où nous venions. Je

la suivis.— Kat !— Je n’en peux plus, dit-elle en gravissant les marches

qui menaient au porche.J’étais réellement inquiet maintenant, mais elle se tourna

vers moi.— Ça va aller. J’ai juste besoin de rentrer chez moi.

Laisse-moi seule, s’il te plaît.Je m’immobilisai, la poitrine comme serrée entre les

mâchoires d’un étau. Laisse-moi seule, s’il te plaît. Elle m’avait presque supplié. Ses mots me firent l’effet d’un coup de poing dans l’estomac. Je ne la retins pas quand elle se rua dans la maison, claquant la porte derrière elle.

Chapitre 3

Chez moi, je croisai Adam qui sortait de la chambre de ma sœur, les cheveux ébouriffés. Je fronçai les sourcils.

Je ne voulais surtout pas savoir ce qu’ils avaient fait.— Salut, me lança-t-il en évitant mon regard.J’étais à la fois inquiet pour Kat et fâché en pensant à

ce qui venait de se passer dans cette chambre. Après tout, Dee était ma sœur, je n’étais pas censé approuver ce genre de chose.

— Tu rentres chez toi, Adam ? lui demandai-je un peu sèchement.

— Euh… oui, balbutia-t-il les yeux fixés sur mes chaus-sures, je crois qu’Andrew…

— Ça ne m’intéresse pas, l’interrompis-je. Qu’est-ce que tu fais avec ma sœur ?

— Qu’est-ce que je fais…Il se passa la main sur le torse.— On… on sort ensemble.Je sentis la Source crépiter sur ma peau et teinter mes

yeux de blanc.— Tu peux être plus précis ?Adam eut l’intelligence d’ignorer le ton sur lequel j’avais

prononcé cette phrase. Il baissa la voix.— Je tiens sincèrement à elle. Je n’ai aucune intention

de profiter d’elle. Je ne ferais jamais un truc pareil et ça n’a rien à voir avec le fait que tu me tuerais si c’était le cas.

— Ça, c’est sûr, opinai-je sombrement.Il secoua la tête.— Je ne lui ferais jamais de mal… Ce que je ressens

pour Dee est…

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Adam ne mentait pas. De toute façon, je savais qu’il n’était pas comme ça. Contrairement à Andrew. Ou à moi.

Précision  : dans mon cas, c’était du passé. Du passé révolu. Je hochai la tête et m’apprêtai à repartir vers ma chambre quand Adam me retint par le bras.

— Tu peux me faire confiance, Daemon.— Je sais.Il resta immobile un moment avant de me lâcher et de

descendre. J’allais entrer dans ma chambre quand la porte de Dee s’entrouvrit. Elle passa la tête dans l’entrebâillement et je soupirai, persuadé qu’elle allait me hurler dessus et me dire de me mêler de mes affaires.

— Eh !À ma grande surprise, elle souriait.Elle vint à ma rencontre, sa jupe virevoltant à ses genoux,

les mains dans le dos.— Tu m’aimes ?— Quoi ? Oui, bien sûr.Elle pencha la tête sur le côté.— Tu t’assurais qu’Adam tenait vraiment à moi, c’est ça ?Je haussai un sourcil sans répondre.— Tu es le meilleur frère du monde.— Oui… le meilleur grand frère du monde.Dee rit et se haussa sur la pointe des pieds pour m’em-

brasser sur la joue.— Merci.Je secouai lentement la tête avant d’entrer dans ma

chambre. Elle me suivit.— Tu sais pour quelle autre raison tu es un frère génial ?Je pris la serviette de toilette que j’avais laissée sur mon

lit ce matin-là et la jetai dans un coin de la pièce.— Parce que je suis génial en toutes circonstances.— Non.Elle s’était hissée sur mon bureau.— Parce que tu ne m’as pas disputée pour la fête…Assis sur mon lit, j’ôtai mes chaussures sans les délacer.— N’empêche que j’aurais apprécié qu’on en discute

avant.

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Il ne répondit pas. Je sentis un poids au creux de ma poitrine.

— On a des Lucky Charms, tes céréales préférées, continuai-je. Je t’attrape un bol.

Il tourna les talons et sortit de la cuisine sans un mot.— Ou pas, marmonnai-je.Je pris une profonde inspiration et le suivis de nouveau.

Il s’était arrêté devant la fenêtre. Dee était assise dans l’es-calier. La fatigue se lisait sur son visage. Il était presque 2 heures du matin. Elle me lança un regard interrogateur et je secouai la tête.

Sa question muette était  : « A-t-il parlé ? »Les épaules de Dawson se soulevèrent. La télé continuait

de babiller et nous étions là tous les trois à partager un silence lourd de tristesse. Puis, Dawson entreprit de monter au premier, sans un regard pour Dee. J’entendis la porte de sa chambre se fermer.

Peut-être allait-il enfin dormir ?Dee baissa la tête et se prit le visage dans les mains. Je

vins m’asseoir près d’elle.— Il progresse, lui soufflai-je. Au moins, il n’est pas sorti

de sa chambre juste pour aller marcher dans les bois.— Il faisait quoi ? soupira Dee.Sa voix était étouffée par ses mains. Je levai la tête vers

le plafond.— Je ne sais pas. Il est entré dans la cuisine comme s’il

voulait manger quelque chose et puis il est ressorti.Dee leva la tête et laissa retomber ses bras sur ses genoux.— Il a mangé de la dinde hier, dit-elle. Presque rien. Je

ne sais même pas comment il fait pour tenir debout en dormant aussi peu.

— Il est fort, affirmai-je. Il se remettra.Mais même à mes propres oreilles, ces mots sonnaient

creux. Dee leva ses yeux verts vers moi.— Je sais.J’esquissai un pauvre sourire.— Qu’est-ce qu’ils lui ont fait, là-bas ? chuchota ma sœur

après un moment.

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Je ne pouvais pas lui répondre sans lui faire encore plus mal. Même si elle savait tout à présent. Matthew lui avait raconté ce qui s’était passé avec Blake et aussi ce que j’avais fait et qui avait changé Kat. Moi, je lui avais appris le reste. Ce qui s’était passé pendant la nuit d’Halloween, ce que Will Michaels avait fait à Kat et ce qu’il avait exigé de moi.

Ça l’avait d’abord énervée mais, dans la joie de retrouver Dawson, cette colère s’était estompée.

Elle m’en avait voulu de l’avoir maintenue dans l’igno-rance et les mensonges de Kat l’avaient dévastée. Je savais qu’il lui faudrait du temps pour nous pardonner, mais… elle n’avait jamais eu une once de rancœur en elle et je savais qu’elle finirait par comprendre.

Assis sur une marche, on resta silencieux. Je pensais à Adam. Je n’avais toujours pas accepté sa mort. Puis, je songeai à Kat, à sa voix éraillée, aux marques autour de ses poignets et de ses chevilles qui n’avaient toujours pas complètement disparu.

Je n’avais pas passé beaucoup de temps avec elle, depuis le retour de Dawson. Je savais qu’elle ne m’en voulait pas, mais elle me manquait. À ses côtés, même au milieu de la plus terrible des tempêtes, je me sentais en paix.

Car la tempête faisait rage.Les agents de la Défense pouvaient nous tomber dessus

à tout moment.Dee remonta se coucher et je la suivis. Je m’endormis

vers 4 heures pour me réveiller moins de deux heures plus tard. Mon cœur battait la chamade.

Il me fallut quelques secondes pour émerger et comprendre.Kat.