L'Ordre Monastique des origines au XIIIe siècle
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^m.APOSTOLAT MONASTIQUE:
Jl
vrent sur diffrents points Werden, en territoire franc, mais la frontire saxonne, devint un centreactif
de vie religieuse,
comme
plus tard Corbie en
plein pays saxon, Visbeck,tuln,
Herford, et les IX sicle. L'acte d'immunit accord par Louis le Pieux Visbeck dclare formellement que les moines ont la mission de prcher l'vangile d'ail;
Meppen, Hameln, Notfondations se multiplirent au
leurs
premiers vques des siges saxons indique assez nettement la part que les fils du clotre prenaient alors Tvanglisation desle
choix
des
paens.
IVLes Slaves, partir de la fin du VI" sicle, sortant des pays danubiens, avaient pntr jusqu'au Brenner, occupaient la Carinthie, la Camiole, une partie de la Styrie et du Tyrol et se trouvaient mme en^^. Leur vanglisation fut entreprise de plusieurs cts la fois ; les vchs limitrophes de
Thuringe
Salzbourg, de Passau, de Ratisbonne et de
Wurz;
bourg eurent leur rayon d'action parmi les Slaves les abbayes de Niederaltaich, de Fulda, de St-Emmeram, qui ont des possessions dans ce pays, y envoient des moines les monastres d'Innichen, de Schledorf sont fonds en vue de l'vanglisation des Slaves et sont aids par ceux de Schamitz, de Kremsmiinster et de Mondsee. Les Avares, qui ds la fin du VIII sicle, se sont rapprochs des Francs, occupent la Dacie, la Pannonie et la Dalmatie. Ils sont entrepris de quatre cts de Ratisbonne, de Passau, de Salzbourg et;:
72
L ORDRE MONASTIQUE
d'Aquile, dont les vques organisent l'uvre des missions avec l'aide de diverses abbayes bavaroises,tandis qu'en Pannonie mridionale, oia les Bulgares se sont fixs en 818, ce sont les prtres romains,
envoys par Nicolas I, qui devancent les missionnaires venus de Passau la demande de Louis le
Germanique
^^.
\
et la Moravie sont vanglises par des missionnaires allemands, surtout par ceux de Ratisbonne, et, aux yeux des vques allemands, ces pays sont considrs comme faisant partie de
La Bohme
l'Empire.
La Bohme nela et
qu'effleure
SS. Cyrille
par Mthode. C'tait une pense politique
fut pas touche ou ne fut mission des aptres slaves
qui inspirait cette nouvelle tentative d'vanglisation,
par laquelle le duc de Moravie, Rastislav, ennemi de l'Empire, voulait arrter la marche progressive du rite latin, et conjurer ainsi le danger d'une incorporation l'Empire. L'vanglisation slave choua en Moravie. Et cependant S. Cyrille tait la hauteur de sa mission:
c'tait
un grand
caractre,
un
hommescienceS.
de science, un
saint, ayant pleinement con-
du but
atteindre. Il disparut trop tt.
titre
Mthode, qui lui survcut, reut de Rome le d'archevque de Moravie et de Pannonie, mais il travailla isolment. Si le duc de Moravie avait le geste de Rome, il aurait pu crer un compris grand tat slave, qui et t le couronnement de
l'vanglisation,
comme
l'Empire
le
fut
pour l'uvre
de S. Boniface. Mais
de ce dernier, les slaves n'avaient ni rserves de forces, ni aptres les monastres leur manqurent ^*. points d'appui Slaves du Nord, tablis sur les bords de la Lesla diffrence;
l'apostolat monastique
73
Baltique, les Wendes ne furent gagns la foi chrtienne qu'assez tard. Au milieu du VIII sicle,
vque rgionnaire, avant d'occuper reu la mission de travailler leur conversion. Au IX sicle, le mouvement est dirig par l'archevque de Hambourg et par l'empereur. Le moiti Boson de St-Emmeram de Ratisbonne y travaille, la demande de l'empereur Otton, qui fonde Magdebourg l'abbaye de StMaurice, colonie de St-Maximin de Trves, dansS.
Willibald,
le sige d'Eichstaett, avait
l'intention d'affermir l'uvre d'vanglisation, tandis
'moine Adalbert, de St-Maximin, notaire imprial, reoit de ce prince la mission d'aller prcher la foi aux Russes. Devenu archevque de Magde-
que
le
bourg, alors que Boson sera ftomm vque de Mersebourg, Adalbert organisera la hirarchie ecclsiastique, moyen assur de rattacher les populations l'glise et l'Empire ^^. La politique impriale a trouv dans l'apostolat
un moyen puissant d'tendre sa sphreOttonI,
d'action.
malgr
la rserve
dont
il
use vis--vis des
vchs du Jutland dans la crainte de froisser les Danois, multiplie les vchs aux frontires de l'Empire depuis le Jutland jusqu' l'Erzgebirge
huus, Ripen bourg chez les
et
Schleswig chez
AarOldenDanois, Abodrites, Havelberg et Branden:
les
bourg en plein pays Wende, Mersebourg, Zeitz et Missen chez les Sorbes. La cration de l'archevch de Magdebourg tout contre la frontire slave couronne l'uvre de l'organisation ecclsiastique dupays despaennes
Wendes^^.
et constitue,
chs, les points d'appui
avec les autres vde l'vanglisation des tribus
74
L ORDRE MONASTIQUE
Les Slaves de Pologne et les Hongrois fixs en Pannonie entreront dans la grande famille catholique la fin du X sicle et dans le cours du XI^ la christianisation y avance d'une faon systmatique;
sous la direction de leurs princes. Les premiers
moines et clercs sculiers, de France, de Belmalheureusement les gique, de Slavonie, d'Italie origines de ces glises sont entoures de mystre, etvquesfurentet missionnaires,
appels
d'Allemagne,;
l'rudition
moderneleurs
recouvre
origines.
n'a pas encore lev le voile qui la diffrence d'autres
A
pays vangliss en partie par des missionnaires allemands, la Hongrie garda jalousement son autonomie, et s'effora de conjurer le pril qui la menasi elle avait t englobe ait du ct de l'Empire dans la hirarchie de l'glise d'Allemagne, elle courait le risque d'tre absorbe par l'Empire ^''. L'glise naissante de Pologne subit pendant un temps l'influence de la hirarchie d'Allemagne et de l'Empire ^^. Il semble bien que des relations assez;
suivies durent exister entre ce pays,
la
Silsie et
l'ancien diocse de Lige, qui fournit ds le milieu du XII sicle des colonies wallonnes ^, et peut-treles
premiersl'tat
habitants
du monastre de Lubin^.d'un organisateur, assez nergique pour
L'glise
prince pousser ses conqutes jusqu' la mer, et barrer ainsi la marche l'Empire, qui ne devait pas tarder con-
comme
polonaise d'un
manqua
qurir tout le littoral et utiliser les forces de l'ordre teutonique au profit de a race germanique contreles Slaves.
Dansla
la
phalange des missionnaires qui sillonnentfin
Pologne, la Bohme, la Plongrie, vers la
du
L APOSTOLAT MONASTIQUE
75
XI^
une grande figure merge, celle de S. Adalbert, vque de Prague, moine romain, fondateur du monastre de Brevnow aux portes de Prague, me ardente, prise tour de rle de l'idal de la solitude, puis de celui de l'apostolat, surtout en vue de conqurir la palme du martyre. Adalbertsicle,
la cueillit
effectivement chez les Prussiens le 23 avril
997"'.tait une des personnalits les plus en du monde des rformateurs italiens, dont le vue
Adalbert
monastre des SS. Bonifacetait le centre, et
et
Alexis sur l'Aventin
un grand admiradans l'empereur Otton III. La nouvelle du marteur tyre de l'ancien vque de Prague vint agiter profondment les ermitages italiens c'tait comme une voix d'outre-tombe qui lanait un appel pressant voler la conqute des mes et au martyre. La voix d' Adalbert trouva un cho dans le cercle de ses anciens amis et admirateurs, et l'on vit bientt unqui avait trouv;
disciple de S. Romuald, Brun de Querfurt, partir pour la Russie, Gaudence et Anastase et d'autres moines romains aller annoncer la foi aux Slaves et aux Magyars, puis Jean et Benot, deux disciples de
Romuald, se diriger vers la Pologne, enfin Romuald lui-mme, avec vingt-quatre compagnons, partir pourla
Hongrie*^.
Les travauxcit
d' Adalbert n'avaient
pas eu d'efficaplan d'en-
durable;
;
il
travaillait isolment sanstait
frappe l'avance de strilit. Elle fut reprise dans le cours des XIP et XIII^ sicles, mais ce fut la suite de la germanisation
semble
son uvre
que
le
pays des Wendes,*^,
lala
Prusse, la Livonie, l'Esthonie
Pomranie, la Courlande ac-
y6
l'ordre monastique:
les vchs qui y ceptrent la religion chrtienne furent crs, les abbayes de cisterciens et de pr-
montrs qui s'y tablirent, achevrent une uvre de conqute o le glaive avait parfois remplac la croix. lya Scandinavie paenne tait, comme jadis la Saxe pour la chrtient franque, une menace perp-
pour les jeunes glises frisonne et saxonne. Ludger avait reconnu ce danger et sollicit de Charlemagne l'autorisation d'organiser une mission chez les Hommes du Nord. Dans la crainte de compromettre son uvre en Saxe, le prince refusa et setuelle
S.
tint d'ailleurs
sur la dfensive vis--vis des Danois.
Une
malheureuse dans une querelle de la part de son successeur, excita plus dynastique que jamais la dfiance des Danois, conscients de la faiblesse de l'Empire, depuis le jour o Louis le Pieux avait hsit agir nergiquement en faveur de son protg Harald. Sans doute une mission en Scandinavie avait chance de succs, si elle taitintervention
mene avecsuite.
avec nergie, avec esprit de de Brme et de Verden taient siges comme les boulevards de l'Empire Hambourg tait un poste avanc qui pouvait servir de point d'appui. Mais il semble que place sous la tutelle de l'Empire, habitue recevoir son impulsion de ses princes,intelligence,
Les
;
l'gHse franque avait perdu de bonne heure sa forced'expansion. La mission organise officiellement en 822 sous la direction de l'archevque Ebbon de Reims, agre
par
le pape, appuye sur les fondations monastiques de Welanao (Miinsterdorf) devait chouer raison de l'intervention de l'Empereur en faveur d'Harald que son pays avait rejet. Louis le Pieux fit appel
l'apostolat monastique
yj
lui
au dvouement d'Anschaire, moine de Corbie, en demandant d'accompagner Harald. Anschaire
pour entreprendre;
cur d'un aptre et l'endurance ncessaire une uvre aussi difficile que du Nord, Hambourg fut son point l'vanglisation des moines de Corbie y commencrent une d'appui fondation le petit moutier de Thourout en Flandreavait le;
devait assurer les revenus ncessaires l'uvre et
de sminaire pour la mission. Pratiquement, Anschaire tait rduit au rle de il put se fixer Hambourg, y chapelain d'Harald moines de Corbie, ouvrir une cole appeler quelques pour enfants mais, au del de la frontire impriale, le pays des Danois lui tait en quelque sorte ferm. Le pillage de Hambourg par les Normands en 845 n'branla pas son courage abandonn des siens, de son moutier de Thourout, il tint bon. Nompriv m au sige de Brme uni celui de Hambourg, il reprend son uvre de mission, pousse une seconde pointe en Sude. A sa mort, deux glises en Sleswig, un poste en Sude, tel tait le bilan de son oeuvre. Anschaire fut un vritable aptre, mais il arrivaitservir; ;:
trop tard**.
Quand
les
missionnaires abordaient en Germanie
pour y porter la foi chrtienne, il y avait dans le monachisme anglo-saxon un puissant courant d'apostolat, il y avait de l'enthousiasme, et les phalanges d'aptres avaient leur tte un organisateur de premier ordre, S. Boni face. Quand Anschaire s'apprtait conqurir les pays du Nord, ces contres taient troubles par les dvastations et les pirateries
des
Wikings
;
l'Empire
tait
trop faible pour
le
soutenir, l'glise franque dj trop intimement
lie
ySet
l'ordre monastiqueasservie
l'tat
subissait l'influence
par l'interventionlation
le monachisme germanique du monachisme franais affaibli continuelle de l'tat dans la col;
des
bnfices
abbatiaux, dsagrg par les
suites dsastreuses des appropriations,
menac dans
sa propre existence par les incursions normandes qui allaient paralyser sa vie normale pendant plus d'undemi-sicle. Illes
manquait unet
lien
de solidarit entre
monastres
dj leur activit se dployait sur
un autre
terrain.
ly'uvre d'Anschaire fut continue, sans plus de elle succs, par son disciple et successeur Rimbert;
laissa
peu de traces dans
l'histoire.
Quand
celle-ci
enregistrera les conqutes du catholicisme dans le Nord, il se sera coul dj bien des annes depuis
que
les
travaillaient
moines, venus d'Allemagne et d'Angleterre, y dvelopper la civilisation chr-
tienne.
VTandis quel'ordrela
Rgle bndictine,le
transporte
d'Ecosse en Angleterre par
de
S. Grgoire, faisait
moine Augustin, sur surgir du sol une mul-
titude de monastres,circulait
qu'une sve jeune et riche dans ses clotres et ses cathdrales, une lgion d'aptres en sortirent qui allrent porter sur le continent la foi du Christ et les bienfaits de lacivilisation,
veilleuse force d'expansion
quandment.
elle
montrer au monde chrtien la merde la rgle des moines, trouve un sol propice son dveloppeet
I^'Italie n'avait
point connu avant le VIII sicle
l'apostolat monastique
79
des tablissements monastiques comparables ceux des Gaules et de la Germanie. Ce n'est pas que les fondations bndictines ne s'y soient multiplies aucours des
VIP
et
VIII^
sicles
:
le
nom
de Benot,
aurol du prestige de la saintet, fit la conqute de la pninsule ; sa rgle clipsa bientt celle du
grand
celte
Colomban,
et,
alors qu'elle
ne possde
ni
unit nationale, ni unit juridique et ecclsiastique, la pninsule apprend connatre l'unification monastique. Petits, plutt
pauvres de ressources
et
sonnel, de
nombreux monastres, dontle
l'histoire
de pera
peine gard
la rgle bndictine.
souvenir, s'lvent de toutes parts sous Quels en sont les propagateurs ?si,
On
ne
sait,
mais,
au cours du VIIIfigures
sicle,
on
voit apparatre
grandes abbs francs ou lombards, qui vont illustrer les nouveaux et puissants monastres qui vont s'appeler
les
des premiers
Vultume, Farfa, Nonantule, Leno ; on voit un courant incessant de moniales f ranques et lombardes venir inaugurer la vie bndictine Milan, dans la Sabine, Riti, Bnvent, on ne peut manquer de reconnatre la largeur de vues desSt-Vincent ausi
souverains lombards, alors en guerre avec Ppin et Charlemagne, qui savent mettre de ct leurs rivalits politiques
pour reconnatre la supriorit du monachisme franc. C'est que sur la terre des Gaules, dans les territoires soumis aux Francs, la rgle bndictine a dj fait ses preuves, et on peut y appeler
des traditions respectables et des expriences concluantes. Le Mont-Cassin, qui s'en est inspir, va devenir le centre reconnu de la renaissance bndictine en Italie
aussi bien
Ptronax de Brescia ira s'inspirer au Vulturne qu' l'cole de l'anglo-saxon:
8oWillibald
l'ordre monastique
; les fondateurs de Vulturne seront en rapport avec le restaurateur de Farfa, comme le fondateur du Palatolium en Toscane ira s'inspirer au Vul-
turne, alors que L,eno et leur observance de celle
Nonantule feront driver du Cassin. Et l'on peut constater que sous Ambroise Autpert, le monastre du Vulturne est en relation avec l'abbaye de Bene-
dictbeuern en Bavire, du Mont-Cassin,L/C
comme
celle-ci
avec l'abbaye
courant de sympathie se retrouve dans Quand il a fond Fulda, c'est vers les monastres du L,atium et de la Toscane qu'il envoieS. Boniface.
mme
son disciple Sturmi, pour y tudier l'observance bndictine. C'est vers le Mont-Cassin que se diri-
Carloman, Adlard de Corbie, plus tard de Gorze, Grard de Sauve Majeure, comme Jean au berceau de la Rgle monastique. Et si un jour Cluny doit se rattacher par St-Savin S. Benot d'Aniane, celui-ci lui aura transmis une observance qui se rattache l' abbaye-mre. Certes, il ne faut pas s'attendre trouver dans les monastres italiens une action conomique et artisgeronttique comparable celle des grands centrestiques de Franceet
monasVul-
d'Allemagne
;
part quelques
exceptions remarquables,
comme
le Cassin, le
turne, Farfa, Riti et quelques autres, les monastres, situs souvent dans des villes piscopales, sontclipss par l'vch quiles
prime
tout.
Nombreux
sont
monastres bndictins Rome, o, au X sicle, on ne compta pas moins de soixante maisons de moines et de moniales. Leur rle est avant tout liturgique. Si parfois elles s'occupent de l'ducation d'orphelins, du soin des malades, leur rle principal.
l'apostolat monastiquec'est
8i
de desservir les basiliques et d'y clbrer les de nuit et de jour. Mais elles taient clipses par le clerg sculier des basiliques, forcment paralyses dans leur dveloppement et dans leur activit. Rien d'tonnant qu' un moment donnofficeselles
aient t absorbes par ce clerg et sculari^^.
ses
grand niouvement de rforme monastique de Charlemagne et de I^ouis le Pieux (813 et 817), devait dans l'esprit de S. Benot d'Aniane aboutir une codification des observances claustrales et une sorte de centralisation administrative dont le pouvoirL,e
imprial
Farfa,
du Vulturne furent convoqus aux grandes assises d'Aix-la-Chapelle, mais on ne voit pas que l'Italie ait subi cette action immdiate de Benot d'Aniane, dont les effets d'ailleurs ne furent ni gnraux ni durables. Les monastres impriauxprinces,et
dirigerait St- Vincent
l'organisme.
I^e
Mont-Cassin,
royaux
comme,
jouirent de la protection des d'autres moments, ils furent les
victimes de leur ingrence dans les affaires claustrales et de leurs caprices dans le choix des digni-
Les incursions sarrasines renversrent plus d'un antique monastre, et les ruines matrielles qui s'amoncelaient de toutes parts taient comme le symtaires.
bole des ruines morales, que les sicles de fer avaient accumules auprs des anciens sanctuaires. Il faudra
attendre la venueassister
d'Odon de Cluny Rome, pourla vie bndictine.
un renouveau de
L'histoire
monastique
d'Espagne
avant
le
XIpour
sicle
est
encore trop enveloppe de mystre
qu'il nous soit possible d'esquisser la marche progressive de la Rgle bndictine dans les diffOrdre monastique.6
82
l'ordre monastique
rentes parties de la pninsule. I^e monachisme y tait florissant au VU sicle, et avait trouv des lgisla-
teurs dans les grands vques Isidore et I^andre de
musulmane balaya nombre de fondations monastiques, et les moines fugitifs allrent chercher un abri dans les Asturies. La CataSville. L'invasion
logne, l'ancienne Marche hispanique, devint une terre bndictine par excellence. Ds le VIII sicle on
tis,
noms de monastres Gerri, Labaix, SenSanta Grata, St-Genis de la Bellera, St-Andreu de Trespons. Ripoll brille d'un clat tout particulier partir du IX sicle, et, en ce sicle, comme aurelve les:
lit
suivant, de nombreuses fondations attestent la vitade l'Ordre. Les conqutes chrtiennes en Castille:
furent marques par l'tablissement de monastres Silos est un centre de discipline illustr par son
Dominique, alors que San Millan oti N. D. de Valvanera, St-Pierre de Cardera, St-Sauveur d'Oia, St-Pierre d'Arlanza et d'autres se distinguent par leur importance, en attendant que les usages de Cluny pntrent dans le pays et mettent le monachisme espagnol en rapport intime avec les grandes abbayes franaises *^.
grand abb,il
S.
a pris
l'habit,
NOTES.1.
P.
H. Dudden, Gregory the Great. Londres,t.
1905,
p.
161-162,2.
Ih.,
167-169. II. p. 172-173.
Benot et son uvre ont t tudis spcialement par Mabillon D. Tosti, Dlia vita di S. Benedetto. Mont-Cassin, 1892; trad. franaise, Lille, Descle, 1898 ; par Griitzmacher, IDie Bedeutung Benedickts von Nursia und seiner Regel in der Geschichte des Mnchtums. Berlin, 1892 par D. Alb. L'HuilIier, Le patriarche S. Benot, 2" d. Paris, 1923 D. Bern. Marchaux, S. Benot, sa vie, sa rgle, sa docS.; ;
;
l'apostolat monastique;
83
trine spirituelle. Paris, 191 1 D. Fr. Aidan Gasquet, Saggio storico dlia Costituzione monasHca. Rome, 1912 ; D. Ildeph.S. B., Der hl. Benedikt. Ein Charakterbild. Dsseldorf, 1917; 2^ d., 1919 ; D. Bruno Albers, O. S. B., Der Geist des hl. Benediktus. Fribourg en Br., 1917; D. C. Studies in Bndictine life Butler, Bndictine monachisni and rule. Londres, 1919 ; H. Schroers, Dos Charakterbild des hl. Benedikt von Nursia und seine Quellen (Zeitschrift f. kath. Theol, XI.V, 1921, p. 199-207) contre l'ouvrage de D. Herwegen ; le caractre hypercritique de cette tude a t relev par D. G. Morin (Bull, d'anc. litt. chrt. latine,
Herwegen, O.
n 69), et par moi dans le Bull, d'hist. bndictine, 19131922, n 2941 ; M. Lecler, S. Benot, sa me, sa rgle, et influence de cette Rgle sur les institutions monastiques enI,
Occident (Collationes Namurcenses, XVII, 1922-23, p. 303D. Hbrard, .9. Benoit. Essai psychologique d'aprs 314) la Rgle bndictine et les Dialogues de S. Grgoire. Paris,;
gence
1922 (peut-tre trop subjectif et lgendaire). Pour l'intellilittrale de la Rgle, voir Benno Linderbauer, S. Benedicti Rgula Monachorum... philologisch erklrt. Abbaye de A'Ietten, 1922. Je n'ai pas parl de fondations en Sicile et en France par les disciples de S. Benot, Placide et Maur, considrant la premire comme une lgende et l'autre commeplus que problmatique (Berlire, Le culte de S. Placide dans Revue bnd., XXXIII, 1921, p. 19-45). 3. Dudden, t. II, p. 173-200. Sur Cassiodore, voir D. Denis de Ste-Marthe, La vie de Cassiodore. Paris, 1694;
W. Wattenbach, Deutschlands;
Geschichtsquellen, 7 d;, t. I, U. Balzani, Le croniche italiane nel Medio 1904, pp. 73-80 Evo, 3^ d. Milan, 1909, p. 4-19 ; S. Colombo, Un maestro di critica biblica nel VL secolo (Riv. storico-crit. dlie scienze teolog., VI, 1910, p. 436-445) ; D. H. Leclercq,
Cassiodore (Dict. d'archol. chrt., et de liturgie, t. II, 1911, col. 2357-2365) ; P. Lehmann, Cassiodorstudien (Philologus,4.
LXXI-LXXIII).
plus ancienne vie de S. Grgoire le Grand, crite par un moine de Whitby, a t publie, d'aprs le ms. de St-Gall 567, par D. Gasquet {A Life of Pope St Gregory Ihe Great written by a Monk of the Monastery of Whitby. Westminster, 1904) ; une autre, galement antrieure Jean Diacre, attribue Paul Diacre, a t dite par leP.p.
La
{Zeitschrift f. kathol. Thologie, t. XI, 1887, ces deux vies sont indpendantes l'une de ; l'autre (H. Moretus, Les deux anciennes vies de S. Gr-
Grisar
162-173)
84goirep.le
L*ORDRE MONASTIQUEGrand dans Analecta Bollandiana,voir,t.
XXVI,
1907,
66-72).
Sur St Grgoire
en dehors des travaux de Lau
(Leipzig, 1845), Montalembert {Moines d'Occident, t. II), de Pingaud (Paris, 1872), de W. Wisbaum (Bonn, 1884), Ed. Clausier, S. Grgoire le Grand. Paris, 1887 ; Bruges, D. Clestin Wolfsgruber, Die vorppstliche Lehens1891 periode Gregors des Gr. nach seinen Briefen dargestellt.;
Vienne, 1886 et Gregor der Grosse. Saulgau, 1890 H. Grisar, Storia di Roma e dei papi nel mdia evo. Vol. I. Part. III. Rome, 1899, republi sous le titre San Gregorio magno. Rome, 1904 F. A. Gasquet, St Gregory the Great and England (Dublin Reviezv, 1904, p. 225-250) ; YL Blasel, Die kirchlichen Zustnde Italiens sur Zeit Gregors des Gr. P. Doiz, Le (Archiv. f. kath. K. R., 1904, t. I, p. 83-93) rle politique de S. Grgoire pendant les guerres LomM. Vaes, La bardes (tudes, 1904, 20 avril, p. 182-209) Papaut et l'glise franque l'poque de Grgoire le Grand (Revue d'hist. eccl, t. VI, 1905, p. 537r556, 755-784); ; ; ; ;
Great, His place in V. Castaido, history and thought. Londres, 1905, 2 vol. L'asione civile e politica di S. Gregorio il Grande (Rivista di sciense e lettere, t. VIII, 1907, p. 403-416, 461-474 nov., t. IX, p. 199-209) ; L. Clotet, La Papaut depuis l'avneP.the; ;
Holmes Dudden, Gregory
le Grand jusqu'en l'an 800 (Revue de catholique de Paris, t. XIII, 1908, p. 22-59) l T. Tarducci, Storia di S. Gregorio magno e del suo tempo. Rome, 1909 ; D. L. Lvque, 5". Grgoire le Grand et l'Or-
ment de Grgoirel'Institut
dre bndictin. Paris, 1910 auxquels on peut ajouter The Centenary of St Gregory the Great at Downside with the three sermons preached on the occasion. Downside, 1890 ; H. H. Howorth, Saint Gregory the Great. Londres, 1912 P. Beda Danzer, O. S. B., Der hl. Gregor der Grosse in der Missionsbewegung seiner Zeit (Stud. und Mitt. sur W. Gesch. des Bened. Ordens, XXXIII, 1912, p. 205-219) Stuhlfath, Gregor I der Gr. Sein Leben bis zu seiner Wahl zum Papst. Heidelberg, 1913 W. H. Hutton, Gregory the; ; ; ;
history, t. II, 1913, 236-262, 733-746) ; P. Matt. Rothenhusler, Gregor I und die Stabilitt des Manches (Zeitschrift der ScevignyStiftung f. Rechtsgesch., t. III, 1914, p. 141-159). 5. Mgr Hedley, The centenary of St Gregory at Downp.
Great (The
Cambridge Mdival
side, p. 2g, 39-40.6. L'histoire de la conversion de l'Angleterre a t raconte par Bde dans son Histoire ecclsiastique d'Angle-
l'apostolat monastiqueterre et dans ses Vies des saints abbs de
85
Wearmouth.;
A
Bassenge, Die Sendung Augustins zur BeEd. L. Cutts, kehrung der Angelsachsen. Leipzig, 1890 G. F. Browne, Augustine of Canterbury, Londres, 1895 Augustine and his Companions. Londres, 1895, et The Conversion of the Heptarchy. Londres, 1896 W. E. CoUins, The Beginnings of Engish Christianity zvith spcial rF. frence to the coming of St Augustine. Londres, 1897 A. Gasquet, The mission of St Augustine. Londres, 1897 W. Bright, Chapters of early Church History, 3* d., E. L. Taunton, The engish Black Monks Oxford, 1897 A. J. Mason, The of St Benedict. Londres, 1897, 2 vol. mission of St Augustine to England. Cambridge, 1897 Bellesheim, Landung des hl. Augustin in England {Der Katholik, 1898, t. I, p. 58-80) Brou, S. J., 5". Augustin de Cantorbry et ses compagnons, 4 d., Paris, 1900 H. H. Howorth, The birth of the Engish Church. St Augustine of Canterbury. Londres, 1913. L'histoire du premier sicle de l'Ordre bndictin en Angleterre a t crite par Montai embert (Moines d'Occident, t. III-V) voir D. Cabrol, L'Angleterre chrtienne. Paris,consulter: ; ;
;
;
;
;
;
;
;
;
1908.7. Sur les lgendes anglo-saxonnes, voir Grisar, San Gregorio Magno. Rome, 1904, p. 15, 263-264. 8. Bossuet, Discours sur l'hist. universelle {uvres. Paris, Vives, t. XXIV, p. 352).
9.
Epist.,
XI,
36.
10.
Moral,
lib.
XXVII,
c.
11.
11.
Epist, XI, 39.
travaux de Dom L. Gougaud. Bright, Chapters of early engish church history, H. H. Howorth, T/zg golden days of the early 3* d., 1897 engish church from the arrivai of Thodore to the death of Bede. Londres, 1917. 15. Aldhelmi opra, d. R. Ehwald (MGH. Auct. antiW. B. Widmann, Life of quissimi XV, Berlin, 1912-1919) S. Ealdhelm, first bishop of Sherborne. Londres, 1905 R. Ehwald, Aldhelm von Malmesbury {Jahrb. der Akad. der Wiss. zu Erfurt, 1907, n 33) D. Mazzoni, Aldhelmiana, studio critico letterario su S. Aldelmo di Sherborne
XI, 56a. l'glise celtique voir Alf. Lelivre, L'glise celtique indpendante de Rome. Cahors, 1899, et plus spciale13.
12. Epist.,
Sur
ment14.
les
W.
;
;
;
;
{Riv. stor. bene'd.,16.
X, 1915, p. 93-114, 245-250, 402-447). Werner, Beda der ehrwiirdige und seine Zeit. Vienne,
86
l'ordre monastique
1881 ; Godet, dans Dict. de thol. cathoL, t. II, col. 523-527; G. F. Browne, The ven. Bede, his life and writings. Londres,17.
1919.;
Werner, Alcuin imd sein Jahrh. Paderborn, 1876 Vernet dans Dict. de thol., t. I, col. 687-692 Browne, Alcuin of York. Londres, 1908 Wattenbach, 7 d., t. I,; ;
p.
186-190.18.
Ch. de Montalembert, Les Moitis d'Occident, t. V, K. Zell, Lioba und die frommen Angelsch332-364 sischen Frauen. Fribourg en Br., 1860. O. 19. C. Daux, Le denier de S. Pierre. Paris, 1907 Jensen, The denarius Sancti Ptri in England (Transactions of the Royal histor. Soc. N. S. XV, p. 171-260 XIX, Der englische Peterspfennig und die Lehensp. 209-277) steuer aus England und Irland an den Papststhul iin M. A. Heidelberg, 1903 ; Berlire, Invent, analyt. des libri oblig. et solut. des Archives Vaticanes. Bruges, 1904, p. IV, noteP; ;;
;
4
;
F. Cabrol dans Dict. d'archol. chrt.,
t.
IV,
col.
585-
587.20. G.21.
Kurth, S. Boniface. Paris, 1902,
p. 1-2.
Voir les travaux de D. L. Gougaud, L'uvre des Scotti dans l'Europe Occidentale (Revue d'histoire ecclLes Chrtients celtiques siastique, t. IX, p. 21-37, 255-277) et les Gaelic Pioneers, mentionns plus haut. L'uvre de S. Colomban a t expose par D. Plac. Lugano, San Columbano, monaco e scrittore 542-615 (Riv.;
.
science ecclsiastique qui est en jeu, celle que les Irlandais ont cultive, sans que jamais le contact
avec
les
productionsla
deet
simplicit ly'influence d'Alcuin fut considrable, qu'on l'envi-
amoindri
l'antiquit la ferveur
paenne
aitfoi.
de leur
il
sage comme crivain et surtout comme pdagogue voulut former des chrtiens instruits, des hommes:
de caractre autant que de savoir^". Dans l'intention de Charlemagne, l'cole du palaisdevait tre le centre
du mouvementle
littraire
;
c'est
par
pntrer bien que le monde ecclsiastique et monastique. Il entendait en faire le foyer de toute la culture dansl'Empire, et de ce foyer intense les rayons devaient se rpandre jusqu'aux extrmits du royaume. Lors-
elle qu'il voulait
monde
laque aussi
que L,ouis le Pieux abandonna la voie trace par son pre, il compromit l'unit nationale, en laissant chacune des deux grandes parties de son royaume l'occasion de dvelopper son particularisme national. L'cole du palais devait, par la force des choses, tre l'cole normale des matres qui prendraient la direction des tudes dans d'autres milieux. Tours,Seligenstadt reurent d'elle forte impulsion ; comme Tours, de son ct, une exera une action directe sur Ferrires, sur Fulda,Saint-Gall,. Reichenau,
sur Novalseplus
;
comme
Fulda, son tour, deviendra
tard
un autre centre puissant de rayonne-
ment.
Charlemagne, de trs bonne heure, dans les capitulaires de 787 et de 789, demande l'rection d'coles dans les glises cathdrales et dans les monastres. On s'est plu parfois noter que Charlemagne ne semble pas avoir eu grand souci du ct asctique
l'cuvre civilisatricedela vie
127
monastique, et qu'il n'a envisag que le profit qu'il pouvait en retirer. Il est vrai, Charlemagne, en vertu du droit coutumier, forcment accept par l'glise, disposa son gr des monastres royaux, et ne se gna pas pour confrer un certain
nombre des abbayes;
les plus
importantes des v-
que de son temps plus d'un monastre ques tait aux mains des laques, et que des suprieurs indignes laissaient tomber la discipline ^^. Cependant, si l'on examine de prs les capitulaires, on est frapp de l'insistance que le grand roi met rclamer l'exacte observation de la rgle. Il semble bien qu'lev dans un pays o l'gli-se s'tait organise en dehors du monachisme, il n'a pas sur le rle des monastresil
est vrai
l'ide plus large
des Anglo-Saxons et des Germains,furent cres par des missionnairesa parfaitement conscience de l'im-
dont
les glisesil
moines. Mais
portance des monastres et de leur rle religieux, en raison du bon exemple qu'ils doivent donner dans
aux moines l'administration dans la tradition gauloise et franque mais il rclame la culture intellectuelle et la cration d'coles. C'est en conformit avec la volont du grand empereur que le concile de Mayence de 813 ordonna aux parents d'envoyer leurs enfants l'cole du prtre paroissial ou dans les monastresl'glise^^.
S'il interditil
des paroisses,;
est
pour y recevoir l'instruction religieuse ^^. On ne peut le nier, avec Benot d'Aniane, c'est un nouvel esprit qui essaie de pntrer dans le monachisme franc et germanique le conseiller de iyouis le Pieux prend la Rgle bndictine la lettre. Pour lui le bndictin est le moine qui vit dans une:
sparation complte d'avec le monde, uniquement
128
l'ordre monastique
consacr la prire et au travail. Certes, on reconnat la ncessit de l'cole intrieure pour les obats
ou pour
externes
recrues des monastres, mais l'cole des semble prohibe**. Ce serait se tromper trangement que de v^oir dans le statut d'Aix-laChapelle de 817 la condamnation de l'enseignement donn aux sculiers dans les monastres, ou bien ce statut n'a pas eu force de loi, ou bien il n'y est question que de l'cole claustrale des oblats. La vie de S. Benot d'Aniane lui-mme proteste contre une interprtation trop troite de ce texte, puisqu'il y est dit expressment qu'il acceptait dans son monastre, pour les lever, des clercs et des moines venus de divers cts et qu'il leur donnait un matre pour les former aux sciences sacres ^^. Cette ducation des clercs dans les abbayes, surtout enles
vue de l'administration des paroisses cres par les monastres ou dpendant d'eux, prit dans le haut moyen-ge une extension laquelle on n'a pas- toujours prt une attention suffisante^''. La lecture tait en honneur, mais le travail intellectuel n'tait pas un but direct. D'un autre ct, commedes champs n'tait plus gure possible en raison des agglomrations formes autour des mole travail
nastres, surtout dans les villes
;
comme
il
ne con-
venait plus aux moines, revtus du sacerdoce ou levs aux divers degrs de la clricature, d'puisertoute leur activit dans l'exercice des mtiers, et
commetravail,
il
fallait
comment
allait-on
au
travail par la
cependant remplir le prcepte du employer le temps rserv Rgle ? Le travail manuel l'int-
rieur n'est pas suffisant pour occuper le temps libre, et les mtiers sont exercs par les familiers et les
L'UVRE CIVILISATRICEprbendiers ; C'est ce qu'onil
I29l'office divin.
faut
donc allonger
fit, et, partir de S. Benot d'Aniane, pourtant partisan du travail manuel, il se cra une tradition que l'office tait, non plus, comme le veut
S. Benot, la
chose
la plus
importante dans
le
cadre
la vie monastique, mais presque l'unique occupation des moines, devant laquelle le travail des mains pouvait disparatre. C'tait rompre l'quilibre si bien tabli par le saint Ivgislateur. Cette conception pr-
de
valut Cluny et dans un grand tres ; elle conduisit l'Ordre
nombre de monasune catastrophe^^.
Des
la multiplication
plaintes s'levrent plusieurs reprises contre des offices ; on abrgea ceux-ci,
mais on ne put renouer le fil de la tradition, et pendant tout un long temps l'tude se ralentit et l'enseignement chappa graduellement l'ordre bndictin.
L,e
mouvement provoqu parLouisle
il put ramener un nombre de monastres une certaine uniformit d'observances,
grce l'appui de rsultats durables ;il
S. Benot d'Aniane, Pieux, n'eut pas de
ne modifia point les conceptions des grands centres de l'Empire. Peut-tre dans les plaintes de lyoup de Ferrires contre l'abandon des tudes conreligieuxsidres comme des superstitiosa otia , faut-il voir la condamnation d'un mouvement rigoriste ^^.et
IX^ sicle, on accepta franchement l'volution, des coles s'ouvrirent partout la littrature ecclsiastique connut de beaux moments sous Charle;
Au
magne. L,e mouvement ne s'arrta pas sous ses successeurs, bien qu'il se soit ralenti ; l'cole du palais cessa d'tre le centre du mouvement. Les grandescoles s'appellent alors Corbie, Saint-Riquier, Metz,
130
L ORDRE MONASTIQUE
Fulda, Saint-Gall, Reichenau, Prum, Stayelot, Corbie de Saxe. Que de pages intressantes il y aurait
crire surles
les coles de Saint-Gall, o se succdent Notker et les Ekkehard, et de Reichenau illustr Mais, au IX^ sicle, c'est par Walafrid Strabon Fulda qui attire surtout les regards, Fulda qui prend la place de l'cole de Tours l, comme dans les prvts dpendantes du grand monastre, le!
;
nombre des
rencontre sur les
coliers est considrable. C'est l qu'on mmes bancs Einhard et Eigil,
Servais lyoup de Ferrires, Otfrid de Wissenbourg ^^.
Haymon
d'Halberstadt,
est bien le fondateur des tudes en Allemagne ^. Certes, chez lui, le tliologiques travail personnel de l'exgte se rduit au rle de compilateur, il introduit un certain mcanisme dans l'exgse mdivale ^^. Mais Raban est avant tout ^^ ce qui lui importe, c'est de transpdagogue sur le sol de la Germanie l'amour des lettres planter qu'il a hrit d'Alcuin. Il est en relation avec les personnages les plus influents de son temps, il groupe autour de sa chaire de nombreux lves et il s'efforce de lies pntrer de ses ides pdagogiques ^^.;
Raban Maur
coles monastiques n'tait pas mthodes d'enseignement ne firent pas de rapides progrs. Sur qui en faut-il rejeter la faute ? Sur l'glise ? Ce serait une injusticelye
programme des;
trs vaste
les
criante.
Le
progi's fut d'autant plus lent, qu'il ales
fallu plus
de temps pour poser
fondements,
et
une culture disparue et qu'on ne pouvait propager qu'avec des moyens restreints et imparPorte-t-on un jugement aussi rigoureux, faits. quand il s'agit d'expliquer le recul de la culturereconstituer
l'c^uvre civilisatricelittraire
131
ou
mme
aprs la rvolte religieuse du aprs la rvolution franaise
XVI?
sicle
^*
lya raret et l'imprcision des textes
du moyen-
ge ne nous permettent pas toujours de conclure rigoureusement l'existence d'coles extrieures dans un grand nombre de monastres. Il n'y a pas
nonsi
plus corrlation ncessaire entre l'existence d'une cole et la prsence d'un crivain. Cependantl'on tient
compte de
la similitude
des milieux et
des ncessits, des temps et des lieux, on pourra souvent gnraliser les conclusions ; c'est surtout lecas pour les coles des oblats, antrieurement au XIII sicle, vu l'usage presque universel d'accepter
un ge trs tendre. On congrandes abbayes, obliges de pourvoir au recrutement des prtres^^. attachs aux paroisses dont elles avaient le patronat, furent pourles
recrues du clotre
state aussi
que
les
comme un sminaire tout indiqu ^^. Il ne manque pas non plus de textes du haut moyenge qui nous permettent de constater l'usage de confier des enfants isolment un monastre ou dans des prieurs, pour leur faire donner par unleurs clercs
moine les premiers lments des lettres ^^. Il en est plus d'un, parmi ces clercs tudiantsqu'on trouve l'cole des abbayes, qui reviendront un jour, parfois aprs avoir promen travers le
monde
leur "soif de savoir, frapper la porte du monastre et y chercher la paix, tel ce Froumond de T^emsee, un des t3^es les plus curieux de lettr
nomade dans le haut moyen-ge, qu'on peut rapprocher d'Otloh de Saint-Emmeram, tous deux du XP sicle ^'^ ; tels encore S. Wolfgang de Ratisbonneet
Bothon de Priifening ^^.
132
L ORDRE MONASTIQUEprosprit conomique et le dveloppement in-
La
marchent de pair avec le bon tat de la discipline. La fin du IX^ sicle marque une baisse dans l'tat moral des monastres la production littraire se ralentit. La restauration de la vie monastique, qui s'opre dans la seconde moiti du X^ sicle et dans la premire moiti du XI, ont pour consquence immdiate une renaissance des tudes. C'esttellectuel;
ainsi
qu'en Belgique les rformes opres par Grard de B rogne, le B. Richard de Verdun, S. Poppon de Stavelot provoquent un mouvement littraire et artistique remarquable. Pour ne parler que du pays de Lige, o dominent les hautes perS.
sonnalits
vques Notger et Wazon, le a vu les travaux d'Hriger Gembloux, qui a t tmoin de Lobbes, de Sigebert l'panouissement des coles claustrales de Lobbes, de Gembloux, de Saint-Hubert, de Stavelot, de
des
XI
sicle est celui qui
Saint-Trond,
de
Waulsort
et
de
la
merveilleuse
efflorescence de l'art mosan.
Le mme phnomne
se reproduisit en Bavire,il
quand, aprs l'invasion des Hongrois, ver la vie monastique et intellectuelle.la
fallut rele-
L'homme de
Providence fut S. Wolfgang, moine d'Einsiedeln,
missionnaire en Hongrie, puis vque de Ratisbonne.
Sous son impulsion, l'abbaye de Saint-Emmeram dans sa ville piscopale redevient un foyer de vie religieuse, dont l'action bienfaisante s'tend Tegemsee, Niederaltaich, Salzbourg, Seeon, Feuchtwangen, et, par S. Godehard, le futur vque d'Hildesheim form Niederaltaich, Hersfeld, Kremsmiinster, et, par les disciples de Godehard, dans le Nord de l'Allemagne, en Bohme et en Mo-
l'cuvre civilisatriceravie.
133
restauration des monastres ne pouvait sans l'rection d'coles claustrales, et nous s'oprer savons quelle importance prirent alors celles des
La
abbayes bavaroises
^^.
Montrer
la part active
que
les
monastres du hautlittraire,
moyen-ge ont prise auserait crire
mouvement
ce
un rsum de
toute l'histoire littraire
de cette poque. Qu'il s'agisse de thologie, d'exgse, d'histoire, de posie, de mathmatiques, de langue nationale, la plupart des crivains du VIII^ au XII sicle sont des moines. L'histoire est un domaine qu'ils se sont presque rserv il suffit de;
jeter
un coup
d'il sur les travaux
modernes
relatifs:
aux sources historiques pour s'en convaincre Wattenbach pour l'Allemagne, Gross pour l'Angleterre, Molinier pour la France, Balau pour la Belgique, Balzani pour l'Italie. Il est des monastres ol'historiographie se perptue pendant des sicles. S'ilfallait
parler des productions de la
muse
latine, je
serais oblig d'exposer ici/ l'origine et le dvelop-
pement des squences, dans la composition desquelles on rivalisait Saint-Gall, Reichenau ^, Saint-Martial de Limoges, des drames liturgiques, et des comdies de Hroswitha de Gandersheim, descompositions musicales de sainte Hildegarde ^^. Je ne m'arrterai pas parler de la musique dans les monastres. Par leur principale obligation, celle de l'office liturgique, les moines taient amens cultiver le chant sacr. On sait trop bien que les monastres donnrent dans tous les pays naissance une foule de compositions potiques et mlodiques, queles traits
thoriques sont dus la plume de moines,
que Saint-Gall, Saint-Maur-des-Fosss,
comme
jadis
134
L ORDRE MONASTIQUEet
Aniane, comme Lobbes, SaintTrond, I,ige marquent dans l'histoire de l'art musicaP^. Il reste d'ailleurs encore beaucoup faire avant de pouvoir crire une histoire complte de laSaint-Wandrille
musique dans les monastres occidentaux. Toute la littrature du haut moyen-ge est latine de l'antiquit classique on a adopt la langue, hrit des ides, sauv une quantit de faits la culture est avant tout relle on cherche un profit plutt qu'on ne vise la beaut de la forme, que l'on confond souvent avec l'habilet de la technique.:
;
:
Cependant
la
langue nationale n'est pas nglige,:
surtout en Angleterre et en Allemagne
Aelfric,
moine de Winchester, puis abb d'Eynsham, est connu comme traducteur ^^. A Saint-Gall, Notker crit un commentaire des psaumes qui se rajeunit d'ge en ge, et un autre moine, Kron peut-tre, traduit la Rgle de S. Benot et laisse une sorte de lexique ^^. A Fulda, dans la premire moiti du IX sicle, on traduit en allemand l'Harmonie des Wissembourg, tfrid vangiles de Tatien^"^ ^ Herscompose son pome de la Vie du Christ; ;
feld peut-tre, Haimon, le futur- vque d'Halberstadt, aurait compos l'Heliand ^''.
On
discute parfois sur les sources d'inspiration
de ces vieux potes, et l'on oublie souvent, mme quand on essaie de les replacer dans leur cadre historique, de tenir compte de leur vie religieuse.
Pouril
interprter lessufFit
uvres de ces
sicles
de
foi,
pas d'une connaissance approfondie de l'histoire littraire et d'une psychologie pntrante ;
ne
il
faut encore comprendre le milieu
oii
ont vcu les
crivains, revivre leur vie, saisir quelles sources
l'cuvre civilisatriceils
135
de
la
ont pu alimenter leur inspiration. L'intelligence Rgle bndictine, avec son ascse thologique-
notion
ment chafaude malgr sa simplicit apparente, la claire du cycle liturgique avec son sjrm-
bolisme, la beaut esthtique des crmonies, la vaet la multiplicit des lectures rit des mlodiesbite
voil autant de moyens dont le cnomdival pouvait tirer profit pour dvelopper son sens d'observation et largir son horizon intelclaustrales,
lectuel.
Certes il ne faut pas s'attendre trouver cette poque un enseignement mthodique, rationnel de la on n'y arriva que par des efforts succesthologie sifs et progressifs. L'enseignement est avant tout positif, mais graduellement l'lment philosophique;
et rationnel s'y introduit.
L'cole d'Alcuin nous" en:
offre
quelques reprsentants
Frdgise,
Candide
Wizo, Ermenric d'Ellwangen. Ce mouvement provoque des contradicteurs aux XI^ et XII^ sicles, Grard de Czanad, Otloh de St-Emmeram. Lanfranc, S. Anselme, Ablard sont des prcurseurs d'un grand mouvement, et il y aurait injustice mconnatre l'importance de l'abbaye du Bec, comme centre intellectuel dans la seconde moiti du XP sicle. Si ce n'est pas de S. Anselme que la scolastique reut sa forme caractristique et dfinion ne peut lui refuser le mrite d'tre en tive, quelque sorte le Pre de l'cole et d'ouvrir dignement la belle thorie des grands docteurs du
moyen-ge rter
^^.
Je m'en voudrais de ne pas ar-
un
instant l'attention sur
une personnalit qui
semble bien rsumer toute
de cette poque, Gerbert, d'abord simple moine Aurillac, puis cola culture
136ltre
l'ordre monastique
Reims, abb de Bobbio, qui occupa le sige de saint Pierre sous le nom de Silvestre II. Sa science fit l'tonnement de son sicle il a encore de nos jours de fervents admirateurs ^. Si, au tmoignage des plus anciennes rgles monastiques occidentales, les moines devaient possder une certaine instruction^^", si la lecture tait une occupation rgulire qui gagna en importance ;
mesure quelatine,il
se propagea dans l'glise de toute ncessit crer, au sein des monastres, des bibliothques importantes, en proportion avec le nombre des habitants du clotre, l'extension de l'ofice divin et la culture des lettres.le
monachisme
fallut
L/'amour des livres, voil une des grandes caractristiques des vrais moines. lyes livres sont leurs
Les livres, au prix de quels labeurs, de quelle patience, de quelle tnacit, de Le moine anglo-saxon a hrit du quelle passion zle du moine celtique pour enrichir la bibliothque de son clotre. S. Columba n'avait-il pas dchan une guerre pour sauver un manuscrit copi par lui en cachette sur un texte qu'on ne voulait pas lui permettre de reproduire? Aldhelm de Malmesbury s'est rendu Cantorbry pour son sacre il apprend que des navires venant du pays des Morins ont appareill Douvres. Dans l'espoir de trouver parmi les marguides, leurs matres, leurs consolateurs.ils
les
ont sauvs, multiplis,
et,
!
;
chandises tales sur le rivage des livres et des objets utiles, il y court. Effectivement, il y a l des livres ;
un volume
surtout le tente, mais les marchands, qui ddaignent un client pauvrement vtu, refusent de le lui vendre. Peu aprs la tempte menace le navire
l'ancre
;
Aldhelm
sait
braver
la
tempte
et
il
sauve
l'c^uvre civilisatricele
137
en rcompense il reoit le volume conune Bible complte, et il rentre triomphant voit, Malmesbury. Benot Biscop fait six fois le voyage de Rome pour en rapporter des livres Colf rid cre une riche bibliothque Wearmouth. S. Boni facenavire; ;
la
rclamait aussi des livres, et l'abbesse Eadburge et moniale Bugga rpondaient ses dsirs les livres:
taient la consolation
de
l'exil
germanique
^^^.
Sainte Gertrude de Nivelles nuscrits de Rome ^^^.
faisait venir des
ma-
Avecraire
la renaissance carolingienne, le trsor litt-
de la Gaule et de la Germanie s'enrichit d'anne en anne on fait venir des livres d'Angleterre, on continue d'aller en chercher Rome. Charlemagne organise la bibliothque du palais. Saint-Wandrille, Saint-Germer de Fly, Saint-Riquier, Saint-Amand, Corbie, Charroux, Aniane possdent de belles collections. Salzbourg s'enrichit des dons d'Arnon:
;
Saint-Gall est
renomm pour
ses trsors
;
Reiche-
nau, en 822, n'a pas moins de quatre cent cinquante manuscrits. Fulda, Seligenstadt, Lorsch sont aussi clbres. On sollicite l'envoi de volumes pour "^ les transcrire ou on les textes fautifscorriger;
propose l'envoi d'un copiste muni de parchemin pour venir prendre copie d'un manuscrit convoit"*, et on se pass de clotre en clotre les brves oucatalogues de manuscrits de prts Wissenbourg ^^^.;
il
existe
mme un
service
A
Benediktbeuem, l'abb
Waldram
entretient cinq chapelains pour la copie de volumes. L'Angleterre, avec ses grandes abbayes, reste un dpt envi York, Hexhara, o il y a, dit Bde, une trs vaste et trs noble bibliothque agrandie par l'vque Acca, son ami ^^^.:
138
l'ordre monastique
Il y aurait citer plus d'un bibliophile distingu dans ce haut moyen-ge, dont l'rudition moderne recherche si avidement les trsors littraires. L'abb Loup de Ferrires en est un type bien curieux. Form l'cole des disciples d'Alcuin Ferrires,
Raban Maur Fulda, il a gagn de bonne heure l'amiti d'Einhard. Fulda possde une bibliothque considrable, Einhard n'est pas moins riche Loup profite de son sjour Fulda et du voisinage de Seligenstadt pour se faire une provision de copies. Rentr en France, il gardera ses relations avec Fulda, et, par l'intermdiaire de ses amis de l'abbaye de Priim, il continuera rclamer des copies. Il a vu les bibliothques de Tours et de Rome, il y enverra des quteurs pour emprunter les volumes. Il crira puis de;
YorkIl
et intressera l'abb Altsig ses pieux dsirs. a organis deux ateliers de copistes, l'un Ferrires, l'autre Saint- Josse-sur-Mer. De son ctfait
il
part de ses trouvailles, mais bon escient.;
il est un Ses copies, il les veut belles et correctes humaniste avant la lettre"'^. C'est le mme amour
des livres qui anime l'bb Guillaume de SaintBnigne de Dijon, qui a son service des scribeset deset le
enlumineurs, et son successeur Halinard",
moine Rahing de F'iavigny"^. Qui pourrait estimer la part qui revient dans la conservation des uvres de l'antiquit classique et dans les reproductions de ces uvres aux modestes copistes du moyen-ge ? Les guerres, les incendies,majeure partie de leurs transcriptions. L'rudition moderne s'intresse plus que jamais la reconstitution des bibliothques mle
temps ont emport
la
divales.
Le
recueil des catalogues jadis dress
par
l'ceuvre civilisatrice
139
Bekker et Gottlieb doit tre complt. ly'cole fonde Munich par L. Traube procde avec une lenteur mthodique, mais avec une tonnante sret d'information et une connaissance merveilleuse del'histoire littraire,
la reconstitution des anciens elle arrive parfois crire fonds de manuscrits l'histoire d'un seul codex, et cette histoire, c'est;
celle du progrs scientifique au sein de la socit. Et chaque page des recherches d'un Lehmann, pour ne citer qu'un des brillants lves de Traube,
reparaissent les noms glorieux des vieilles abbayes dj tant de fois cites au cours de ces pages.
L'rudition moderne
aux
copistes et
siques.
commence rendre justice aux commentateurs des vieux clasN'est-ce pas M. Lw qui, en prparant une
thse sur le Mont-Cassin
comme
centre pour la
transmission des classiques latins , a t amen rechercher les productions de l'cole calligraphique
de Bnvent dans laquelledictine"?
il
a vu une criture bnn'a au-
Jamais, dit
M. Maurice Wilmotte, on
tant lu, traduit, expliqu,
comment, imit Virgile, Ovide, Horace et Juvnal que du IX* au XV* sicle "^. Rappelant les remarques faites par M. L,egendre au sujet d'une glose de Virgile dcouverte dans un manuscrit de Chartres du IX* sicle, il se plat louer le mme souci de clart et d'exactitude qu'on trouve dans nos ditions savantes modernes. doit
peut admettre, ajoute-t-il, que, si l'on copistes du moyen-ge d'avoir sauv la des chefs-d'uvre de l'antiquit, il y a toute plupart vraisemblance que la connaissance familire de ces
On
aux
ouvrages
dont
tmoignent
toutes
les
poques de
I40notre pass
L ORDRE MONASTIQUErepose sur de fortes tudes, et l'enseignement philologique n'a jamaislittraire,Il
donc
que
dgnr ^^^. tinuit, encore
aime encore relever la jronmal connue, de cette pntration
pdagogique qui, d'Irlande, de certains clotres allemands, o les Carolingiens l'institurent ou l'entretinrent, d'Italie surtout, et mme d'Orient ne cessa de venir alimenter la vie intellectuelle dans lescoles monastiques. La liste des auteurs anciens, qui furent lus et comments dans ces coles, la liste plus loquente des traductions et imitations qui en furentfaites, les attestations
sans nombre d'un got passionn pour cette matire vivante alors, morte au-
jourd'hui, qui tait la seule distraction intellectuelle d'une socit trop mconnue, les allusions et les emprunts aux textes latins (et mme aux textes
grecs) qui fourmillent dans les crits de toute nature,
ne peuvent se justifier que par une familiarit de tous les jours ^^^. Vraiment on assiste la rhabilitation de tous ces crivains, admirateurspassionns du vrai et du beau, copistes fervents et commentateurs diligents, qui furent autant de cha-
nons qui noussique.
relient
aux
sicles
de
l'antiquit clas-
III
La
science est la recherche de la vrit
;
l'art est
l'effort tent
par l'homme pour exprimer
la beaut.
Science
et art
sont des parties constituantes de toute;
vraie civilisationscurit,
on ne
bien-tre et
furent appels la
l o il y a Les peuples barbares c'est civilisation par l'glise
les
trouve que
idal.
;
l'cuvre civilisatrice
141
elle,
tact
avec
surtout par les monastres, qui les mit en conla science et avec Tart. I^'art qui s'est la-
bor depuis la chute de TEmpire romain, surtout partir de Charlemagne, jusqu' la fin du XI sicle,l'art
roman, a parfois t appel l'art monastique. On peut discuter sur la justesse de cette appellation. Si l'on veut dire par l que les moines ont t les uniques ouvriers de ces nombreuses et belles glises qui s'levaient sur tous les points de la chrtient,monastique par l que ce fut sous l'action et l'inspiration des grands ordres religieux que furent " construites et dcores les grandes glises des XI et XII sicles ^^*, l'art roman est bien l'art des moines. Si l'on veut encore dire que ce sont des moines artistes qui ont dress les plans de nombreuses glises, dirig leurs constructions ^^^, dcor;
non
l'art
roman
n'est pas exclusivement
si
l'on entend
leurs parois,les
sculpt leurs
chapiteaux, qu'ils sont
miniaturistes, les orfvres, les vitriers les plus renomms de cette poque, l'art roman est bondroit l'art monastique. Et c'est vrai de l'Angleterre, de l'Allemagne et de la France. crivain franais
Un
a dcrit rcemment avec tant de finesse
le
caractre
monastique de l'art roman, que je ne puis mieux faire que de lui emprunter la page o il a condensses impressions.
M. H. Hourticq,bien faitecelle des;
L'activit raffine d'oii naissent les arts, dit n'est possible que dans une. socitla meilleure socit tait,
au XI
sicle,
moines. Jusqu' la formation des populeuses communes du nord de la France, la civilisation s'tait rfugie dans les grands monastres. Lescits
mridionales qui avaient conserv ou dve-
142
L ORDRE MONASTIQUE
lopp dans leurs murs quelques-unes des dlicatesses du monde antique, n'en laissrent de traces que dansleurs posies courtoisesla fin;
les arts plastiques,
depuis
du paganisme,
n'existaient
que pour
la religion
nouvelle.
C'est -dans les limites troites de monastresactivit
surpeupls et bien clos que s'est concentre cette manuelle et intellectuelle ncessaire l'exisl'art.
tence de
L'architecture, la sculpture, la minia-
ture, les vitraux, l'poque romane, sont autant de fleurs monastiques. Le clotre conserve des germes
de
la culture antique
;
il
recueille et entretient quel-
ques tincelles venues du foyer byzantin ; partout ailleurs, elles s'teignent dans la tourmente d'un monde anarchique. Le monastre rappelle la villa sa cour pqrtique est l'antique prid'autrefois style agrandi ; la robe du moine, sa face glabre et ses cheveux courts conservent, parmi les modes bar;
bares,
les habitudes gallo-romaines. Aujourd'hui encore, ces vieux monastres de Moissac, de Toulouse, d'Arles rappellent combien ils furent des lieux
de fhcit tranquille, des oasis de douceur
et
de
paix dans la vie rude du sicle. Ceux qui circulrent sous ces johes arcades, autour de ces petites cours de verdures, taient i-etenus l par toutes les aspirails oubliaient le tions un peu hautes de leur me;
monde,
ses tumultes et ses aventures, etqu'ils
parmi
les
aimrent de chanter la gloire de Dieu, il faut compter celle des enlumineurs, qui recopiaient soigneusement les miniatures byzantines
manires
;
celle des sculpteurs et des verriers, qui,
patiemment,
transposaient ces petites scnes sur la pierre des chapiteaux et les fentres des glises. Le monastre
l'ceuvre civilisatrice
143
industrie.rie,
forme une cit qui a ses moyens d'existence et son Des industries difficiles, comme l'orfvreontl leurs ateliers...
I^es moines furent aussi architectes et surent, les premiers, difier des sanctuaires vastes, lgantset solidesles
les plus importantes des glises romanes, richement ornes ont t les abbatiales. Parplus;
courir la France pour voir les plus beaux monuments de l'architecture ou de la dcoration romane, c'estfaire le plerinage des plus illustres abbayes bndictines,
de Saint-Germain de Paris Saint-tienne de Caen, de Saint-Bnigne de Dijon la Madeleine de Vzelay, de Saint-Trophime d'Arles SaintGilles, de Saint-Semin de Toulouse Sainte-Croix de Bordeaux, Saint-Martial de Limoges, Souillac, Beaulieu, Issoire, Saint-Savin de Poitiers. La plus puissante de ces abbayes a disparu, celle de Cluny, qui, au XI sicle, commandait la Chrtient, et au XII sicle, celle de Cteaux. Dansl'anarchie gnrale, elles iormrent des organisations et les moines noirs de Cluny, puis les puissantes;
moines blancs de Cteaux, envoys travers la Gaule et au del mme de ses frontires, rpandaient leur savante architecture et propageaient les motifs del'iconographie. C'est la suite des
dispers surtion tait
le sol
moines que l'art roman s'est de l'ancienne Gaule. La civilisa-
moins brillante, sans doute, qu'au III sicle de notre re, mais elle n'tait plus tout entire enferme dans les villes les moines s'taient carts des grandes voies pour s'enfoncer dans les terres;
des pagani, y dfricher le sol et semer le Christianisme. Ils dcorent les dserts de leurs saintes
144
l'ordre monastique
perfections, crit Hugues de Saint-Victor ; ils ornent les solitudes de leur justice, de leurs pieux entretiens,
de leurs bons exemples. Ils ont aussi apport dans ces dserts l'art de btir, de sculpter et
de peindre.
La communautque
relative
aussi dispers
celui
du XI^
de style dans un art et du XII sicles
on ne rappelait que les monuments principaux marquaient les tapes d'une socit toujours en mouvement. L'art roman tout entier est n du culte des reliques. Pour les vnrer, tout instant, il fallait prendre le bton du plerin. Les rites importants de son existence ramenaient l'homme devant des tombeaux et des chsses. Leur contact donne la force au serment, gurit les malaserait inexplicable, si
dies
;
le
graves
et
plerinage long et difficile efface les fautes rassrne les consciences troubles. Lesles
renomms attirrent nombre qu'on dut, pour les grandsanctuairesles nefs,
fidles
en
si
crer les dambulatoires
;
recevoir, agrandir les difices s'lar-
girent pour recevoir l'afluence de ceux qui venaient s'craser dans les glises trop troites du romanprimitif.
Les grandioses architectures de Vzelay ou d'Autun, de Saint-Gilles ou d'Arles, dpassentles
infiniment
besoinsbien
d'une
abbatiale ordinaire
;
au del des limites de la elles s'adressaient ces populations cheminantes qui venaient paroisse, prier la Madeleine, Lazare, saint Gilles ou saintTrophime. Les offrandes enrichissent le sanctuaire les gurisons et les miracles ont pay les coteuses;
sculptures, leurs orfvreries, leurs ^^^ ^". ivoires et leurs tissus prcieux glises,
leurs
L'architecture du haut moyen-ge s'inspire des
l'csuvre civilisatrice
145
monuments romains. Tandis queoccidentauxcelui
les
monastres
reproduisent
de
la
l'atrium, qui
maison va se transformer ense
partout le mme type, romaine, dont le centre estclotre, et
autour'^^^,
duquell'glise
vont
dployerla
les
salles
communes
offrira
forme des basiliques romaines.et
S.
Wilfrid York dansle
Colfrid
Wearmouth
b-
Nul doute que les premiers missionnaires de Germanie ne se soienttissent
style romain.
inspirs des traditions de leur pays d'origine, et n'aient profit des expriences faites et des progrs
tant
au cours d'un sicle qui avait dj vu natre de monastres ^^''. Charlemagne reprend les mmes traditions, niais l'inspiration de ses architectes et de ses artistes, ce n'est plus la Rome clasraliss
sique qui la fournit directement, c'est la Rome place sous l'influence de Byzance, c'est Ravenne, capitale des provinces occidentales de l'Empire.
d'Orientl'art
^^*.
I^'art carolingien est
une imitation de
byzantin, mais d'autres influences vont bientt le modifier sous la pression des vnements et des transformations opres au sein de la socit. Aprs la chute de l'Empire d'Occident, ce qui restait de l'art classique a t pour ainsi dire ananti en mme dans la plus complte des dcadences l'tat social avait chang du tout au tout. temps;
Aussi,
lorsqu'aprs
la
renaissance
carolingienne,
dont
les invasions
normandes ont encore compromis
les rsultats,
architectes resaisissent leur art,tiques sont trs altres.
la suite de longs ttonnements, les les traditions an-
En mme
temps des con-
ditions matrielles toutes nouvelles exigent une modification radicale de la manire de btir : l'abolitionOrdre monastique.10
146
l'ordre monastique
de l'esclavage rend la main-d'uvre plus chre et le mauvais tat des chemins et l'imperplus rare fection de l'outillage rendent plus difficiles la mise en uvre et le transport des matriaux l'ducation classique fortement modifie ne se donne plus que dans quelques grandes abbayes o les arts plastiques; ;
sont reprsents par la calligraphie, la miniature, la peinture sur verre et l'orfvrerie. L'ornemaniste, qui aura intervenir dans la dcoration des nouvelles
comme le sculpteur tour tour des formes et de la technique de la miniature, de tout ce que les objets de bois, de mtal, d'ivoire, lesglises, s'inspirera
tissus prcieux importslui
en grand nombre pourront;
fournir de modles
affranchi
des traditions
classiques, il saura merveilleusement choisir, adapter et harmoniser ces lments et y apporterle
mme
fantaisie personnelle ; architectes et ornemanistes ont par-dessus tout beaucoup de dis-
charme de saet
cernement
de bon sens
^^^.
L'art roman, qui se constitue vers la fin ducle,
X
si-
semancipe de plus en plus de la copie traditionnelle. Il se dpouille graduellement de sa simplicit et de sa rudesse, et s'panouit au XII dans une srie de crations d'une fracheur et d'une vigueur remarquables, jusqu'au moment o les diverses coles romanes iront se fondre dans l'art ogival.
Le rveil de l'architecture concide avec le grand mouvement de rforme monastique parti de Cluny etl'Italie, de l'Espagne en passant par l'Allemagne. On l'a fait Pologne remarquer juste titre, l'influence des divers ordres
qui s'tend de la Bourgogne la
religieux
difices des rgions
imprime un cachet bien reconnaissable aux o ils dominent ^^.
l' COUVRE
CIVILISATRICE
147
L'cole lombarde d'architecture exera son influence sur la Bourgogne et sur la Normandie, parl'intermdiaire de Guillaume de Dijon et de JL^anf ranc au Bec ^^^. I^'ordre de Cluny, grce sa centralisation,
dut subir l'influence de
l'art
bourguignon,
qui franchit rapidement les limites de la France ^^^. Il est superflu de relever ici l'influence des monastres
sur le;
dveloppement de l'architecture
en
France
divers travaux rcents ont constat l'action
exerce par Saint-Martin de Tours ^^^, l'abbaye de Tiron dans les diocses de Sens, de Paris et de Chartres ^^*, celles de Boscherville et de Jumigesles abbayes normandes en gnral, vques et abbs sortis des rangs de l'ordre bndictin, sur l'architecture anglo-normande ^^^. C'est par Hirsau surtout que la rforme cluni-
en Normandie ^^^,les
par
sienne se propage en Allemagne. Dj Saint-Vanne de Verdun, sous l'abbatiat du B. Richard, puis Stavelot sous S. Poppon (f 1048) s'taient affirms comme deux centres actifs de renaissance artistique.
vque
Annon
I/'vqu Meinwerk Paderborn, l'archeII Cologne la favorisrent de tout
leur pouvoir. Or, en tudiant les monuments levs durant cette priode de renaissance monastique, qui
embrasse la fin du X^, le XI^ et le commencement du XII^ sicle, en Souabe, Suisse, Alsace, Palatinat, Bavire, Franconie et dans les parties limitrophes de l'Autriche, puis en Hesse, Saxe et Thuringe et dans le Nord de l'Allemagne, partout on dcouvre une influence plus ou moins sensible de l'architecture clunisienne et surtout de celle d'Hirsau ; il y a l une ressemblance de procds qui force reconnatre une cole bien caractrise d'architecture et
148
l'ordre monastique
qu'on a t amen appeler l'cole d'Hirsau.- Celleci admet les grands principes poss par Cluny, mais elle ne s'enlise pas dans la copie elle dveloppe les thmes fournis par l'abbaye bourguignonne elle s'inspire aussi des leons reues St-Emmeram de; ;
de de
Ratisbonne, les adapte aux circonstances et exerce la sorte une action heureuse sur le dveloppementl'art national ^^^. Entre Cluny et Cteaux, qui nat aux derniers jours du XI sicle, il y a un antago-
nisme de principes.
I^'architecture, sous l'influence
des ides rformatrices de Cteaux, subira des transformations importantes, mais le type cistercien aura, son tour, une influence norme sur l'volution de l'art. J'y reviendrai plus tard.
Rien de plus intressant pour l'histoire de l'architecture que de suivre les transformations des grandes abbayes ; des tudes, telles que celles de M. Effmann pour Werden et St-Riquier, de R. Martin du Gard pour Jumiges, de Got pour le Mont-St-Michel, de Schwaebl pour St-Emmeram de Ratisbonne permettent de poser et de rsoudre une foule de problmes que les sources crites parfois ne laissaientpasetil
mmeest
souponner
^^^.
Mais nous ne pouvons nous attarder sur ce
sujet,
temps de dire un mot des arts plastiques. Pendant tout le haut moyen-ge, c'est dans les monastres
presque
seuls
qu'onculte:
les cultive
;
l'glise
rclamait des objets
du
calices, chsses, reli-
quaires, livres liturgiques. Jusqu' la fin du sicle tout l'art continental semble soumis
XI aux
mmes formules
on reproduit sans cesse, on imite on cre peu. Il semble que la tradition beaucoup,;
monastique consacre des types qui deviennent en
l'ceuvre civilisatrice
.
149
quelque sorte hiratiques, et que l'invention personnelle n'ait pas la libert de se produire. I^a technique
de
la
miniature influence celle de la peinture, etsujets et des
l'orfvrerie et la sculpture
ment des
ne se dgagent que lenteornements -conventionnels et
traditionnels.
L,a culture importe d'Irlande
en Gaule
et
en
Italie,
l'introduction
sur
le
en Angleterre, puis eut pour rsultat immdiat continent de l'omementique
irlandaise, qu'on retrouve dans de nombreux livres liturgiques. Il y aura des nuances dans l'application
de cette ornementation,
et l'on
peut distinguer
les
diffrents groupes franc, lombard, wisigothique, mridional, mais aucun d'eux n'atteint la puret et la finesse des uvres anglo-saxonnes. La renaissance carolingienne fut un panouissement brillant mais phmre de l'art, patronn par un homme de haute puissance intellectuelle, qui avait su grouper
autour detion
lui l'lite intellectuelle
de son temps. L'ac-
du
palais royal fut puissante sur les grands
.
monastres de l'Empire, et Saint-Martin de Tours, Saint-Riquier, Saint-Wandrille, Corbie sont devenus, leur tour, des foyers artistiques dont l'influences'exerce sur d'autres maisons. L'art irlandais con-
serve toujours son empire, mais les influences byzantine, orientale et arabe ne laissent pas que d'agir
sur les artistes carolingiens. C'est letout, partoutles
mme
art par-
mmes
procds, mais on distingue^^. S'il
des nuances dans les applicationsfoisdifficile
tait autre-
de se prononcer en connaissance de cause sur les diffrentes coles de calligraphie et de miniature, il n'en est plus de mme aujourd'hui. Onsait
que
les objets d'art
voyageaient beaucoup,
et
150
L ORDRE MONASTIQUE
qu'une uvre d'art gare au fond d'un pays loign, grce aux reproductions phototypiques, peut tre maintenant tudie dans ses moindres dtails, rap-
proche d'uvres similairesd'origine. C'est ainsi
et restitue la
son lieu
que pour priode carolinon a pu distinguer une cole du palais, dont gienne l'influence se fit sentir Paris et Soissons, une cole de la Loire avec Tours et Fleury pour centres, une cole Metz, une autre Reims, une autre Corbie, une cole Cologne, une autre St-Gall, tributaire en partie des ateliers de Reims, de Tours et de Metz, mais centre trs actif de copie et dedcoration ayant sa physionomie propre et son originalit marque^*", tandis qu' certains signes reconnat l'cole franco-saxonne dans le Nord
onde
l'Allemagneentre
^^^j
comme en
Italie
on distinguera
calligraphique lombardo-cassinienne, qu'on voit fleurir dans le Sud depuis la fin du VIII sicle ^*2^ et l'cole de Farfa^^^
l'cole
Tandis qu' partir du milieu du X sicle la France est en recul pour l'art de la miniature, l'Allemagne progresse, grce la restauration de l'Empire par Otton. Il surgit alors toute une srie d'ateliers dont la production dpasse de loin les besoins locaux, et multiplie les copies de sacramentaires etde lectionnaires. C'est Fulda, dont l'importance est plus justement apprcie depuis qu'on a pu rpertrsors aujourd'hui disperss Reichenau, qui, scus Grgoire V, fournit des;
torier
ses
^'^^;
c'est
manus^^^ crits liturgiques Rome c'est Saint-Maximin de Trves ^^^ c'est Echternach, qui, au XI sicle,;
dpasse Reichenau et le remplace dans l'excution ^^'^ des manuscrits de luxe destins aux empereurs ;
l'cuvre civilisatricec'est
151qui,
Saint-Emmeram de Ratisbonne,dela
ses d-
buts, subit l'influence
Corbie de France, puis se transforme sous celle de Byzance et exerce son action sur Salzburg, sur Tegemsee^*^ et jusqu'en
Bohme ^^^donne unetiques;
;
c'est
Hildesheim
o
S.
Bernward
vive impulsion tous les arts plasc'est Helmarshausen, oi le miniaturistesi
Hermann
rvle une technique dpendante de celle de son confrre, le clbre orfvre Roger ^^ ; ce sont les monastres lotharingiens, rpandus sur tout le territoire de la Belgique actuelle, o l'on constate des affinits avec l'cole rhnane et avec l'cole anglo-saxonne, ce qui ne doit pas surprendre, tant donnes les relations suivies qu'eut le rformateur S. Poppon de Stavelot avec les monastres rhnans et celles de l'abbaye de Waulsort et de son prieur
d'Hastire avec les moines irlandais
^^^;
c'est l'cole
anglo-saxonne, plus neuve et plus originale que les prcdentes, cole vraiment monastique dont onpourrait peut-tre rechercher les relations avec le mouvement de rforme bndictine du X sicle,
auquel S. Dunstan prit une part si vive, aprs qu'il eut t en contact avec Fleury et la Lorraine par le canal de l'abbaye de Saint-Pierre de Gand^^^.Hritire des traditions de l'ancien art chrtien
par le contact avec Rome et avec l'Afrique du Nord, s'inspirant de modles espagnols remontant au VII^ sicle, particulirement des illustrations qu'ont reues les commentaires de Beatuset
byzantin
sur rApocal3rpse, l'cole catalane offre dans
l'atelier
de RipoU, peut-tre aussi dans celui de Rodas, dans la premire moiti du XI^ sicle, une richesse de productions, dont l'influence sur la peinture murale
152
l'ordre monastique
aussi bien que sur la sculpture franaise est ind-
niable
^^^.
La
fication
peinture n'est que le dveloppement et l'amplide la miniature applique la dcoration
murale. Ds le IX^ sicle on parle en France des peintures excutes l'abbaye de Saint-Wandrille un moine de Montierpar un artiste de Cambrai;
en-Der, Hugues, restaure au X^ sicle les peintures de la cathdrale de Chlons ^^*. Ivige, au XI si-
A
cle, le
moine Lambert^^"^
^^^,
au
XIP
l'abb
Saint-Laurent
fournissent les tiUdi
Wazelin de pour une srie
de peintures ou de toiles de leur glise, et l'on sait que plus d'un sicle auparavant l'glise abbatiale de Saint-Jacques dans la mme ville avait t dcore par un peintre italien du nom de Jean ^^'^. Des peintures de Wearmouth en Angleterre on n'a gard que le souvenir dans la chronique du monastre. Saint-Gall, au IX^ sicle, fut dcor par des moines venus de Reichenau, et, s'en rapporter auxtituli,
leur
uvre
fut considrable
^^^.
Comme
l'cole
de peinture de Reichenau n'avait pas laiss de traces, en dehors de ses travaux de miniature, on ne pouvait pas se faire une ide exacte de la nature de sesproductions, quand .la dcouverte du cycle des peintures de l'glise de Saint-Georges d'Oberzell
Reichenau, puis de celles de Goldbach prs d'Ueberlingen, les premires excutes par les successeurs des moines qui avaient dcor Saint-Gall, permit d'tudier les procds de composition et de technique de ces moines artistes ^^^, mme dans la supposition que ces tableaux seraient la reproduction de compositions antrieures faites pou;- une autreglise^^.
l'oSuvre civilisatrice
153
France, l'abbaye de Cluny avait reu une riche dcoration, dont il n'est gure rest de trace ^^^. Onles fresques de l'abbaye de de la fin du XI sicle. La technique Saint-Savin, de ces artistes est partout la mme ; les rgles en ont t formules par le moine Thophile, qu'on a cru pouvoir identifier avec cet artiste gnial que fut le moine Roger d'Helmarshausen en Westphalie,
En
a t plus heureux avec
l'mule
du moine Tutilon de la fois ^^^.
Saint-Gall,
orfvre,
peintre et verrier
que les moines bndicMont-Cassin et de peupler tins, avant de restaurer les nouveaux monastres qui vont s'lever en CamItalie,
En
c'est
Romele
panie, ont t s'inspirer des traditions d'un art fortement influenc par Byzance. Du IX sicle il ne
que des fragments de fresques dans les ruines grand monastre de Saint-Vincent au Vultume^^. Le XP sicle verra se former au MontCassin, grce l'impulsion de l'abb Didier et sous l'influence d'artistes grecs et des rminiscences de l'art carolingien, une cole importante, dont on peut admirer les productions dans ce qui reste des fresques de l'glise de S, Angelo in Formis prs de Capoue. C'est un monument unique en son genre ^*. La peinture, qui va orner les murs des temples monastiques, aura pour but de frapper l'esprit des fidles mme les plus ignorants, en contemplantreste
du
;
les
scnes reprsentes sur les parois, pourront se rappeler les mystres de la vie du Sauveur et tirer
les faire
du tableau du jugement final des leons propres rentrer en eux-mmes ^^^. La peinture murale n'tait donc pas un simple ornement c'tait la bible en tableaux, c'tait la vie;
154
L ORDRE MONASTIQUE
des saints en action, c'tait tout un enseignement visuel qui n'chappait pas aux spectateurs. Qu'onlise les
de N.-D. dans son monastre, et l'on comprendra la joie qu'il prouvait contempler l'panouissement de l'art dans le clotre ^^^. L,a mme pense inspirait le grand abb de St-Denis, Suger, dans ses oeuvres d'art Notre esprit est si faible,l'glise:
au de
XIP
impressions du moine Bothon de Priifening sicle en admirant la dcoration picturale
n'est qu' travers les ralits sensibles qu'il s'lve jusqu'au ciel ^'''^,disait-il,
que ce
De
la peinture
la peinture
sur verre,
Thophile fait France, bien qu'on ait revendiqu tort cette dcouverte pour l'abbaye de Tegernsee. L,es fentres colories sont connues depuis le V^ sicle on peut constater leur emploi Rome, Ravenne, Condes Gaules l'usage stantinople, Paris, Zurich; ;
murale nous ne pouvons sparer les vitraux historis. I^e moine honneur de cette invention la
s'en rpandit en Angleterre. C'taient des en verres de diffrentes couleurs, ou
mosaques
mme
des
verres cuits aprs qu'on les avait peints, mais le verre coul n'apparat qu' la fin du X sicle. I^esplus anciennes verrires connues sont celles de la cathdrale de Reims sous l'archevque Adalbron
(969-988)
;
il
devait
s'en trouver
l'abbaye de
Fleury-sur-Ivoire.
Tout la fin du X sicle l'abbaye de Tegernsee en Bavire, qui doit avoir reu son initiation de l'abbaye de Saint-Emmeram de Ratisbonne, a son colede peintres verriers, qui travaille sur commande et dont on trouve des productions ' la cathdrale d'Augsbourg. Tegernsee forme des lves, et son
L'ceuVRE CIVILISATRICEaction s'tend en Autriche
I55
^^^. L,'art de la peinture sur verre fut en honneur dans les monastres notre:
abbaye ardennaise de Saint-Hubert avait ses vitraux couls au XI sicle ^^^. Vouloir dresser une statistique des glises qui reurent cette dcoration, serait risquer de dresser une liste sans fin, inutile travail,
puisqu' partir du XII sicle la peinture sur verre se gnralisa dans tous les pays.
Le haut moyen-geet le capital quitait
n'a gure connu le numraire,
pas directement productif l'ornementation. C'est l une des raiemploy sons du dveloppement de l'architecture et des artsn'tait
aux IX
et
X
sicles,
qui correspond l'poque de^^.
prosprit de
la
grande proprit
fut exerc dans les preL'art miers monastres, fut assez modeste ses dbuts ; si les matriaux employs sont prcieux, les objetschrtien, tel qu'il
fabriqus
sont
gurevile
qu'unel'art
de petites dimensions et n'offrent ornementation de surface, peu decontinuation et l'imitation assez ser-
relief. C'est la
byzantin import d'Italie et de l'art anglo-saxon, qui, par les missionnaires irlandais et anglais, va raviver en Gaule des traditions antiques
de
abandonnes, telle que la reprsentation de la figure humaine, et fournir, par ses motifs gomtriques et sa stylisation de la flore et de la faune, une source d'inspiration aux ateliers monastiques. L'unit del'Empire carolingien favorisera l'unification de style. La sculpture s'inspire des productions de la peinture, et les sujets qu'on admire dans les ivoires travaills,cette poque, sont bien les mmes retrouve dans les enluminures ^''^. Il n'est pas qu'on toujours facile de reconnatre leur provenance, car
assez
nombreux
156les objets' d'art
l/ORDRE MONASTIQUEvoyagent, au mme titre que les oudplacent ^'^^. Toutefois on .f accorde
vriers
se
reconnatre une diffrence sensible entre les productions des monastres rhnans et suisses et celles
de
la Gaule.
du X sicle, poque des Ottons, l'art en tant qu'expression d'un gnie national, allemand,la fin
A
est
dj dfinitivement constitu, tandis que l'art franais cherchera longtemps sa formule et ne pren-
dra sa revanche dfinitive qu'au cours ducle
XIP
si-
"^
Le XI^ sicle marque dans l'histoire de la sculpture et de l'orfvrerie. Arrte dans son dveloppement au VI*ratif
sicle par le triomphe de l'art dcode l'Orient et l'introduction de la mosaque, la sculpture ne reparat dans les temples chrtiens que vers la fin du XII* sicle. Et ce sont les moines franais qui recommencent l'uvre de la Grce:
Moissac
et la
Daurade, deux monastres
clunisiens,
marquent les dbuts de cette renaissance artistique. C'est Cluny qui en est l'me. Sur leurs t3mipans sur sculpts ils inscrivent la pense du jugement leurs chapiteaux ils racontent l'vangile. Les sanc;
tuaires chelonns sur la route des grands plerinages parlent loquemment aux milliers d'hommes qui la foulent, et la langue de l'art est celle de la foi. C'est par les nombreux prieurs de Cluny, c'est par les abbayes qui en dpendent dans le Midi, en Auvergne, en Bourgogne que la sculpture se propage
vques imitent
Espagne. Si les exemples des moines, c'est que les prieurs clunisiens leur ont indiqu le chemin suivre. Dans la France du Nord, c'est l'abbaye deet
que
cet art est port jusqu'enles
l'csuvre civilisatrice
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St-Denis qui est le berceau de la sculpture monumentale, St-Denys, qu'on a appel l'glise mre, le manifeste de l'art ogival, l o prit naissance l'art
du
o se forma la sculpture gothique . Ton ne peut diminuer en rien les mrites du grand inspirateur que fut l'abb Suger, on ne peut oublier que c'est du midi qu'il fit venir lesvitrail etsi
Mais,
sculpteurs qui avaient dcor les centres clunisiens de Moissac, Beaulieu, Souillac, Carennac. L'art est
pour
le
moine une forme nouvelledeTarchitecture,et
d'apostolat,
et
l'essor
la rencontre
d'une tech-
nique savante
la plastique l'appui et l'impulsion
d'une grande pense vont donner dont elle a besoinet
pour se dvelopper
atteindre la merveilleuse
perfection des imagiers du XIIP sicle ^^*. Iv'orfvrerie va suivre une marche parallle et
ascendante. Si les matriaux employs sont plus pauvres qu'aux sicles prcdents, peut-tre mme si les formes accusent moins de noblesse, on sent uneffort personnel et crateur. I^'art
monumental dules
Nord de l'Allemagne commence avectiste S.
portes et la
colonne de bronze d'Hildesheim, sous l'vque ar-
Bemward. Le passage du concept d'imitation de l'antique des X et XI^ sicles au style linaire roman de la premire moiti du XII sicle s'incarne dans l'uvre du bndictin Roger d'Helmarshausen. Form l'cole des orfvres rhnans, il a subi on l'influence des travaux de relief de Werden retrouve en lui des rminiscences de l'art anglo;
ment
saxon, mais l'artiste se dveloppe, volue graduelleet arrive se crer un style qui correspond augnie de sa race. L'rudition moderne a pu constituer un inventaire assez fourni de ses uvres
:
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l'ordre monastique
chsses, croix, reliquaires, candlabres, montrer son action Hildesheim, Helmarshausen, Paderborn,
Fritzlar, et dcouvrir l'influence qu'il exera sur les transformations de la miniature au pays rhnanet
en Westphalie
^'^^.
L'influence germanique se fit sentir Saint-Denis par l'intermdiaire des artistes lorrains que Suger yla France, tandis que de lyimoges gardent leur indpendance ^'^'^. De son ct, Cluny exerce au loin son influence ^^^, spcialement en Auvergne, o l'on voit se former un centre puissant d'art l'abbaye de
appela
^'^^,
et
dans
le
Nord de
les ateliers d'maillerie
la
Chaise-Dieu.
Mais dj auparavant on vantait les uvres de l'atelier de Saint-Gall, o le moine Tankon tait connu par ses travaux de fonderie et ses vitraux o Tutilon ce moine bon et fort, loquent, excel;
lent chantre, peintre et sculpteur,
musicien
et surtout
habile fltiste , au dire du moine de Saint-Gall, allait crer des uvres d'art d'glise en glise. Celui
de Reichenau tait apprci pour ses reliefs sur plaques d'or. Celui de Tegernsee est mieux connu ; dans ce monastre bavarois on avait conscience demission de l'art, et, quand le bruit s'tait rpandu que l'empereur Henri IV avait l'intention de donner le monastre en commende, l'abb Sigfrid avait pu crire au souverain que si on opprimait les frres de la maison de St-Quirin, c'en tait fait de la pratique de l'art . Tegernsee, o le moine Werinher, mule de Tutilon de Saint-Gall, tait la fois grala
veur,
fondeur, vitrier, calligraphe et miniaturiste, envoyait des artistes Hildesheim, dont l'vque S. Godehard avait jadis tenu la crosse abbatiale de
L'ceUVRE CIVILISATRICEcette maison,
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Augsbourg, et de l exerait son influence en Souabe, en Autriche, et en Alsace. Niederaltaich avait son fondeur dans la personne de Thi-
mon, plus tard archevque de Salzbourg HerrenChiemsee dans le moine Roudbert, comme Tegemsee dans Werinher, Beringer et Froumond ^'^^. En Italie, il faut attendre la fin du XI^ sicle pour;
reparatre des coles de sculpture. C'est le Mont-Cassin qui est le berceau de cette renaissance. Tandis qu'il envoie un moine se former Constantinople auprs des orfvres de Fatelier imprial, l'abb Didier fait donner dans son monastre un
voir
enseignement technique ses jeunes religieux par les mosastes grecs qu'il a fait venir de Constantinople. Et l'Italie mridionale put bientt trouver dans la vnrable abbaye des matres et des modles. L