Livre Portrait[s] de Famille[s]

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description

Livre de Sophie Boussahba sur le projet Portraits de Familles

Transcript of Livre Portrait[s] de Famille[s]

les éditions Garilbaldi

Portrait[s] de

Famille[s]

Photos et interviews de Sophie Boussahba

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[Sommaire

Avant-propos 5par Sophie Boussahba

Introduction 7par Marie-Françoise Martin

Pointe-à-Pitre 10

Grenoble 22

Colmar 34

Gagny 46

Sainte-Rose 58

Saint-Étienne du Rouvray 72

Festival 84par Ridha Ferjani

Portraits groupés 86

La fondation Abbé Pierre 90par Raymond Étienne

Remerciements 93

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Avant-propos

La CSF m’a donné « carte blanche » pour apporter

un regard extérieur et artistique à ses actions. J’ai choisi 6 sites parmi 14 dans toute la France. Je suis allée à plusieurs reprises retrouver les familles, les artistes et les coordinateurs lors

de leurs rendez-vous pour suivre leurs avancées dans la conception et la réalisation des œuvres artistiques. Pour moi, le projet est un prétexte pour aller plus loin dans l’échange. Le projet se développant, l’état des lieux devient plus précis et je découvre les ressources des habitants. La photographie m’a semblé très rapidement réductrice et j’ai cherché de quelle façon j’allais pouvoir mieux retranscrire leurs vécus et leurs ressentis. J’avais l’impression de clouer les individus au sol. Le son s’est alors imposé à moi comme une sorte de respiration. C’est pourquoi j’ai souhaité que les habitants constituent eux même le texte du livre par leurs paroles. Il y est question de difficultés pour élever seule leurs adolescents, d’espaces de vie collectifs détériorés, de solitude, de réhabilitation, d’espace vert vide, de jeunes bruyants, d’illettrisme, de destructions de leurs habitats… Dans une société ou plus personne n’écoute personne, afin d’amener les habitants à trouver eux-mêmes les solutions dans la mesure du possible, encore faut-il les écouter…

Sophie Boussahba

photographe

[

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« Portraits de Familles » n’est pas un album

de famille. Il s’agit plus d’un manifeste,

un témoignage de familles qui s’engagent

dans l’art. À travers ce projet, les parents

présentent sur la parentalité, un regard

différent que celui habituellement porté

par les seuls « experts ».

Ce livre retranscrit l’expression des familles qui se sont rencontrées pour raconter leurs histoires, des tranches de vie avec des mots qui chantent, riment, décrivent, accompagnent des photos, des images ou des films. « Portraits de Familles, l’éducation populaire en festival », projet porté par la Confédération Syndicale des Familles, s’est déroulé les 10 et 11 juin 2011 à Paris et a rassemblé plus de 300 personnes. 14 projets artistiques ont été réalisés par des groupes de parents avec leurs enfants, de métropole et d’outre-mer, accompagnés à chaque fois d’un artiste et d’un coordinateur. « Portraits de Familles » est une belle aventure

humaine, ce festival en a été le témoignage.

Pendant des mois, les familles se sont rencontrées pour y travailler. La préparation et la manière dont ont été construits ces projets, la recherche de financement et les échanges avec l’artiste ont été aussi importants que les œuvres exposées pendant ces deux jours. Chacun a apporté ses compétences, et beaucoup se sont découverts des talents et des ressources jamais exploités. Les parents ont appris les uns des autres, ont échangé des savoirs, des savoir-faire, développé des savoir être, ont acquis des compétences nouvelles, forgé leur esprit critique dans le respect, le partage, l’entraide et la solidarité. Apprendre des uns et des autres, se ressourcer tout au long de sa vie… c’est bien là une démarche d’éducation populaire dont La CSF se réclame.

IntroductionMarie-Françoise martin

présidente de La CSF

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« Portraits de Familles », c’est une histoire de

familles où parents et enfants ont pu peindre,

jouer, créer ensemble et en éprouver du plaisir

(moteur de la réussite), avoir un autre regard

et le croiser avec d’autres. Quelle satisfaction pour les parents de voir leurs enfants réussir, se dépasser, les étonner et pour les enfants, de voir leurs parents impliqués dans la réussite d’une belle œuvre. Les générations se sont parlées, elles ont eu un vécu commun et rien ne sera plus comme avant ! Les familles ont ainsi démenti les images et les clichés négatifs que leur renvoie la société ou qu’elles portent elles-mêmes. Elles ont donné une autre image d’elles-mêmes à travers des productions artistiques les plus variées.Ce changement de regard porté sur leur propre famille les a amenées à faire évoluer leurs habitudes, à prendre place dans leur quartier et acquérir ainsi un pouvoir d’agir dans et sur la société.

Ces œuvres ont été un travail de co-production entre familles, coordina-teur et artiste. Parents et enfants ont eu ainsi l’occasion, le plus souvent inédite, de rencontrer un artiste, de découvrir ses techniques et d’oser les mettre en pratique. C’est cette démarche participative qui a permis la qualité de cette action et du festival. Avoir accès à des pratiques cultu-relles, avoir accès à l’art est d’autant plus important et nécessaire pour se ressourcer que la vie au quotidien est difficile. Ce droit à la culture, ce droit à participer à des pratiques culturelles n’est pas réservé à une élite, La CSF ne cesse de le rappeler.

Quand les familles se sont exprimées,

elles ont fait part de leurs visions et de

leurs analyses à travers leurs productions en

prenant du recul pour se mettre en image.

Les artistes se sont pris au jeu : tout en accompagnant les groupes dans la réalisation de leurs œuvres, ils y ont été aussi acteurs. Nous avons réussi cet exercice difficile d’associer des acteurs détenteurs de compé-tences différentes et complémentaires pour porter plus loin la parole des parents. Nous avons réussi notre pari : faire confiance à la capacité des familles à s’engager dans un tel projet. Nous avons eu raison !

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Dans cette réussite humaine, des liens se sont tissés, des liens qui font l’unité de cette réalisation et qui font que « Portraits de Familles » est une réalisation unique. Localement, ces projets continuent d’exister par des expositions, des présentations au sein des Caisses d’Allocations Familiales, des rencontres dans le cadre du soutien à la parentalité, des présentations devant des élus ou des travailleurs sociaux… De cette façon, les parents sont toujours sur le devant de la scène.

La Fondation Abbé Pierre (FAP), nous a donné

les moyens de mener un projet d’envergure

nationale. Si la FAP affirme que le logement est essentiel pour la vie des familles, elle estime aussi que le « vivre ensemble » est tout aussi important. La promotion des habitants a été réelle à travers ce projet.La Caisse Nationale d’Allocations Familiales, qui accorde toute son importance aux actions permettant le soutien aux parents dans leurs fonctions de premiers éducateurs de leurs enfants, a fait le choix de soutenir ce projet de La CSF ainsi que L’Agence de cohésion sociale et d’égalité des chances (Acsé).La CSF remercie vivement toutes ces institutions qui, du niveau local au niveau national, ont permis que « Portraits de Familles » soit une réussite.

Tous ces portraits de familles se retrouvent

dans ce livre : une manière d’écrire notre

histoire, l’histoire des familles des quartiers

populaires. En se remémorant cette belle aventure « Portraits de Familles, l’éducation populaire en festival », les familles trouveront, nous l’espérons, la motivation pour continuer le chemin ensemble, avec La CSF, pour de nouveaux projets.

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Packman

Je suis graffeur depuis

16 ans. J’habite à Pointe-

à-Pitre. J’ai été contacté

par l’association de la cité

Chanzy. Je les initie au milieu du graffe urbain. Je leur apprends les techniques pour pouvoir réaliser une fresque. Le projet est simple : décorer un peu les entrées des bâtiments. Je les initie à la connais-sance des matériaux et leur explique comment faire pour réaliser une fresque.

[Guadeloupe

Chanzy

Artiste graffeur : PackmanCoordinatrice : Marie-Ange Denis20 adultes et 15 enfants

ALC / La CSF

Pointe-à-Pitre

Ma fresque,

ma cité

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Je m’appelle Cindy, j’habite à la cité Chanzy

depuis plus de vingt-cinq ans. Ça m’a plu de faire ce projet-là, parce qu’après la démolition de Chanzy, j’aurai ça en souvenir pour moi ou mes petits-enfants et les autres à venir, je pourrai leur montrer ce que Chanzy a été et ce qu’elle est devenue.

Je suis la secrétaire de l’association ALC

de Chanzy. On a mis en projet la fresque de Chanzy. Cela m’a permis d’échanger. J’ai appris à manipuler les bombes de peinture avec l’artiste Packman. On a pu rencontrer certains voisins à qui on disait simplement bonjour, on a ainsi favorisé les échanges. On a pu donner nos impressions et des idées à mettre dans la fresque. Marie-Claude

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Je suis présidente de l’association Grand-

Camp+ de La CSF. Nous défendons les intérêts

de ce quartier. L’association a vu le jour en

2010 car Grand-Camp est une cité en rénova-

tion. Dans le cadre de cette rénovation tous les immeubles ne seront pas démolis en même temps : en priorité la résidence les Capitaines. Les immeubles sont importants avec une forte concentration de population. C’est une résidence qui est en constante dégradation.7 immeubles et plus de 900 locataires. Les Capitaines sont une plaie dans la cité. Sur la terrasse qui relie les immeubles se trouvent les locaux de La CSF. J’ai habité Les Capitaines pendant 30 ans, j’ai donc déjà l’expérience du lieu. La situation devient invivable et inhumaine. C’est la raison pour laquelle, avec La CSF, des locataires ont voulu créer une nouvelle association afin d’être vigilantS sur ce qui allait se passer à Grand-Camp et pour faire comprendre aux autorités (c’est-à-dire les sociétés immobilières et la municipalité), qu’il y a un devoir d’intervenir de manière intelligente et urgente car il y a beaucoup d’incivilités de la part des locataires et de négligence de la part des responsables. Notre création a permis d’organiser une visite des lieux avec la municipalité des Abymes, avec la société immobilière qui est propriétaire et avec des locataires. Nous avons le problème des rats porteurs de la lèpre leptos-pirose, celui des chiens errants en sous-sols des parkings, le problème des cages de caves qui ne sont pas entretenues… Nous allons faire une manif : « Grand-Camp propre et belle ! » pour l’environnement, l’édu-cation et la formation des locataires quant aux conséquences de leurs actes. Certains locataires laissent leurs ordures n’importe où, les ordures ménagères sont balancées par les balcons, les sacs poubelles sont posés au pied des immeubles. On va essayer de faire comprendre aux locatai-res qu’il est important d’avoir un autre comportement pour l’hygiène. Nous pensons également intervenir auprès de l’Éducation nationale pour permettre aux enfants des écoles de porter un regard sur leur cité actuellement et prévoir comment elle sera demain ; que les enfants nous disent ce qu’ils ressentent et ce qu’ils attendent des adultes. Nous allons voir avec le bailleur comment les jeunes pourraient améliorer ce qui ne va pas.Il est prévu nettoyage et peinture de la base des immeubles pour créer un autre environnement. Nous allons faire avec des jeunes une opération fresque sur la terrasse où nous envisageons de dessiner des jeux. Le bailleur va nous donner la possibilité de la réaliser. Nous voulons développer le sentiment d’appartenance au quartier. Une fois que le jeune est impliqué, il est le premier à dire «Ne salis pas ! ».Marie-Françoise

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Nous nous occupons un peu de tout dans

la cité : Logement, bien-être de la famille…

La cité se trouve au centre de Pointe-à-Pitre.

Il y a beaucoup de jeunes, les mères élèvent

seules leurs enfants. Beaucoup de gens sont

en errance.

À la suite de plusieurs réunions avec les parents, les enfants et aussi les jeunes, nous avons décidé de faire une fresque en collaboration avec un artiste « Packman ».Après discussions avec lui et les familles, nous avons décidé de ce que nous allions mettre sur la fresque. Chaque panneau a été conçu par une famille. Le professionnel nous a fait les contours. Nous avons fait le remplissage avec les bombes de peinture. Le but est pour nous d’embellir la cité. La cité Chanzy est en sursis. Nous ne savons pas quand ils vont la détruire mais tout autour, ils sont en train de démolir. C’est un peu triste, on se trouve au milieu de…, je ne dirais pas un chaos, mais c’est un peu triste. Nous avons voulu égayer la cité. Nous avons choisi des murs. Ce qui nous a réconfortés, c’est que des jeunes qui jouaient et traînaient dans la cité nous ont demandé s’ils pouvaient aussi participer quand on a commencé à faire les fresques. Ils se sont attribués des panneaux sur lesquels on voit des micro-ondes, des sons, enfin un casque, ils ont mis leurs touches personnelles. Il y aura d’autres panneaux éventuellement, ils s’intégreront petit à petit. Il faut savoir que ces jeunes, c’est comme si c’était des « nuisibles ». Finalement, on s’est rendu compte qu’ils étaient très sociables, très gentils et que l’on pouvait discuter. À travers l’association on les aide à chercher du travail, à faire des CV. Nous sommes allés à la mairie car il y a une importante rénovation urbaine qui se met en place. Sur cette cité « défavorisée », en retrait, nous avons placé deux jeunes sur des chantiers. Il nous en reste encore trois ou quatre à placer. Il y a aussi ceux que nous avons envoyés en cours d’alphabétisation pour leur apprendre à lire et à écrire car cela fait longtemps qu’ils ont quitté l’école. On essaie de renouer le lien enfant/famille.On a choisi Packman pour ce qu’on veut faire parce que c’est aussi un jeune issu des cités. Il ne met pas son art en avant mais il le met à disposition. Il comprend exactement ce que l’on veut faire. Il nous demande notre avis et ne fait pas son truc à lui, en plus c’est un jeune.Marie-Ange Denis, présidente de l’association de locataires de la cité Chanzy à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe

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Sylvie Nomdedeu est

une artiste plasticienne

grenobloise. Après une

formation en architecture

elle obtient une licence d’art

du spectacle. Depuis 1995, elle travaille en étroite collaboration avec de nombreuses associations culturelles et d’éducation populaire de l’agglomération. Ses créations se font à partir de matériels de récupération.

Sylvie Nomdedeu

[Isère (38)

la Villeneuve

Artiste plasticienne : Sylvie NomdedeuCoordinatrice : Marie-Laure Léger5 parents et 5 enfants

UD / La CSF

Grenoble

Créations

à la

Villeneuve

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[

[ 25

Je travaille en partenariat avec le centre

de loisirs La Cordée et une animatrice qui

s’appelle Sylvie. Dans le quartier de la Villeneuve, le projet de base, c’était la mixité sociale, mais le projet n’a pas fonctionné comme prévu. C’est devenu un quartier difficile, il y a 11 000 habitants ce qui fait beaucoup de monde sur un minimum d’espace. Il y a un grand parc quand même mais le parc est au milieu des immeubles. Donc il n’y a que les gens de la Villeneuve qui y vont, c’est un quartier très fermé sur lui-même. Il y a tout : le collège, les écoles, les commerces, tous les services. Au départ, c’était fait exprès pour que ça facilite leur vie mais maintenant les gens trouvent qu’ils sont pris dans un ghetto et qu’ils n’en sortent pas. Il y a une salle de spectacles, il y a aussi un grand centre commercial à côté. Si on veut, on peut passer une semaine sans sortir de la Villeneuve. Le projet « Portraits de Familles » sur Grenoble se fait dans le cadre d’un atelier parents-enfants, au centre de loisirs La Cordée. Tous les jeudis soir, à partir de 16 h 45, on accueille les parents et les enfants, on fait des petits ateliers manuels et créatifs. Et c’est dans ce cadre-là que l’on a décidé d’intégrer le projet national de La CSF. Depuis février 2011, on travaille avec une artiste plasticienne, Sylvie Nomdedeu, qui travaille avec du matériel de récupération. On essaie de créer une œuvre d’art en volume. Pour le moment, on est dans la …

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… première phase où chaque famille crée une œuvre sur sa propre histoire. Ce n’est pas toujours facile parce que ça renvoie à des choses parfois un peu compliquées la famille ! Dans un deuxième temps, on essaiera de regrouper ces différentes œuvres en une seule qui montera à Paris le 11 juin et qui sera présentée aux autres familles de La CSF. Elle est faite à partir de matériaux de récupération. Par exemple, on a là une maman qui travaille à partir de moules à gâteaux et qui essaie de nous présenter sa famille. Une autre essaie de faire une mappemonde à base de papiers mâchés… Ce sont des familles du quartier de la Villeneuve, du côté Arlequin, et la plupart mettent leurs enfants au centre de loisirs de La Cordée. Il y a les parents et les enfants et parfois les couples qui viennent. On a beaucoup de couples mixtes. Avec, par exemple, un papa d’Afrique du Nord et une maman française, après ça fait de beaux mélanges et des sculptures intéressantes.Marie-Laure

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Je participe au projet avec mes 3 garçons.

C’est difficile de s’exprimer. Petit à petit, des idées ont germé. C’est un moment important. Je suis avec mes enfants sans m’occuper de ma maison. Je ne fais pas la lessive et je ne prépare pas à manger. Je ne suis pas manuelle. J’ai choisi le thème des épices. Mon mari est d’origine marocaine et les épices, c’est important. Quant à moi, j’ai été élevée par mes parents agriculteurs. Le piment d’Espelette poussait dans mon jardin. J’ai confronté nos origines communes. J’habite dans un logement HLM juste en bordure du tramway qui nous dépose à la cité «La Villeneuve». Dans la cité, je fais le marché et mes enfants participent aux activités extra-scolaires. Marwan, Ahmd-Bilal et Ismaël étaient très contents. Joëlle

Je coordonne les actions que mène La CSF

dans le département de l’Isère. Avec ses réseaux de parents, on présente une action «Portraits de Familles» à la Villeneuve. Ce quartier se trouve au sud de Grenoble, il a été construit dans les années soixante-dix et a ensuite énormément grossi. C’est un quartier en zone prioritaire dit « quartier difficile », en face du village olympique, c’est quand même pas n’importe quoi ! Il est surtout très connu depuis juillet 2010 avec le discours de Grenoble du président de la République (Rires…). On touche vraiment toutes sortes de familles issues de l’immigration : migrantes, émigrantes, immigrantes, monoparentales, homoparentales, recomposées…, on touche toutes les familles qui habitent les quartiers sud. C’est pour ça que notre présence sur la Villeneuve est historique : je crois que La CSF existe depuis le début de la cité. Dans ce quartier, on accompagne autant des parents que de simples locataires, dans la défense de leurs droits et devoirs. La CSF est aussi très présente sur l’accompagnement éducatif et scolaire avec tout un programme de formation d’accompagnants à la scolarité pour l’aide aux devoirs. On mène aussi beaucoup d’actions en vue de la réhabilitation de ce quartier qui vieillit, et autour de ce qui touche au cadre de vie : l’eau, l’environnement, le tri… Dernièrement, on a mené une action sur le chauffage urbain car le coût était énorme. On touche toutes ces familles par le biais des échanges culturels. Elles découvrent que La CSF s’occupe aussi du logement et du coup, on les accompagne aussi pour des problèmes de logement ou de consommation. C’est la spécificité très large de La CSF où on défend la famille. Cette action « Portraits de Familles » était à l’origine conçue pour parler de la parentalité, pour que les familles échangent entre elles, trouvent des solutions face aux difficultés de leurs enfants, surtout de leurs adolescents, et aussi face aux institutions (écoles). Nous les accompagnons tout en les aidant à être autonomes. Marie-Anne

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Catriona Smith Morisson :

metteur en scène

Nous avons travaillé sur plusieurs thèmes : le conflit, la joie, la rumeur, la mort… Les acteurs ont improvisé à partir de ça.Après les avoir enregistrés, j’ai tout visionné et j’ai pris des notes. Puis j’ai coupé certains passages et retravaillé les scènes avec eux pour créer quelque chose de plus rythmé.

[Haut-Rhin (68)

Artiste metteur en scène : Catriona Smith MorissonCoordinatrice : Christiane Diemunsch14 adultes et 5 enfants

ASFMR

(association syndicale

des familles monoparentales

et recomposées)

Colmar

Famille

un jour,

Famille

toujours

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J’ai intégré l’atelier théâtre en 2002.

Je n’en avais jamais fait auparavant et l’idée de

participer à un projet comme celui-là ne m’était

jamais venu à l’esprit.

C’était très intéressant car à l’époque je venais de divorcer et les saynètes qu’on jouait abordaient les thèmes de la séparation des parents, de la difficulté des enfants tiraillés au sein de la famille… Cela m’a permis de relativiser mon histoire personnelle et d’en tirer des leçons.Depuis on joue un peu partout. On a commencé à Colmar et ça a fait « boule de neige ». On est ensuite parti jouer à Strasbourg puis à Nîmes, à Orange et même à Paris.Nous avons enregistré un DVD en studio ce qui a permis à des associations de voir notre travail. Beaucoup ont été intéressées par cette pièce et nous ont invités à la jouer un peu partout. Et ce n’est pas fini !Christophe

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La CSF a lancé un projet transversal qu’on

a appelé « Portraits de Familles ». Notre association s’y est inscrite parce qu’en tant que familles, on s’est tout de suite senti concerné. J’ai proposé à mes petits-fils Alexis et Dany d’y entrer. D’autres enfants participent aussi à cet atelier et des liens se sont tissés entre eux et les autres acteurs. On a d’abord travaillé sur des improvisations, ce qui n’était pas évident. Le théâtre aborde des choses qui parlent de nous : enfants et adultes. Danielle, vice-présidente de l’Association Syndicale des Familles Monoparentales et Recomposées du Haut-Rhin, et de la Fédération Syndicale des Familles Monoparentales de La CSF.

Je m’appelle Léonie. J’ai neuf ans. Danielle nous a demandé si nous étions d’accord pour participer à l’atelier théâtre. Au début Catriona nous a fait faire de petits exercices pour mieux nous connaître, puis elle nous a donné nos rôles.

Pour moi c’est bien de faire du théâtre, ça fait ressortir des émotions, la colère, la joie, la tristesse. C’est différent du théâtre à l’école, on va aussi le présenter à Paris. Je suis un peu timide, je n’aime pas me montrer devant plein de gens. Mais je dois faire comme s’il n’y avait personne et jouer ma pièce… Dany / Alexi

Ici, nous gérons différents services :

l’accueil individuel pour l’accès aux droits,

la médiation familiale et divers groupes de

soutien sur les questions de parentalité. Dans le cadre de mes permanences, j’ai remarqué que plusieurs pères, à la suite d’éloignement ou de gros conflits familiaux, souhaitaient s’investir davantage dans le partage de l’autorité parentale. À la suite de ce constat, j’ai proposé de les réunir autour de la même problématique pour réfléchir ensemble à des solutions pour sortir de ce malaise. La philosophie de notre association étant de partir de l’individu pour se diriger vers un projet collectif, j’ai donc proposé de créer un groupe d’écriture.C’était d’abord un groupe de parole où chacun a pu raconter sa propre histoire puis les choses ont petit à petit évolué vers un projet d’écriture autour de la rédaction d’un manuel de « l’anti-parentalité ». L’idée de départ était d’aborder le sujet de la parentalité sous un autre angle. En abordant ce sujet du point de vue des pères, on allait à contre- courant des manuels remplis de principes et de bons conseils donnés par des professionnels. Il s’agissait plutôt, pour nous, d’écrire un ouvrage « d’anti-principes » afin de déculpabiliser les parents sur des dérapages éventuels dans certaines situations.

Une fois imprimé, ce manuel a connu une deuxième vie : les pères à l’origine du projet ont souhaité prolonger l’expérience en l’adaptant pour le théâtre. Un groupe s’est ensuite constitué et certaines mères ont pu entendre des pères qui, contrairement aux idées reçues, n’étaient pas dans un schéma d’abandon par rapport à leurs enfants. Ces échanges ont permis de révéler les difficultés quotidiennes liées à l’éducation de leurs enfants. Il est important de savoir que les parents qui participent à ce type de spectacle ne jouent jamais leur propre histoire. Nous ne som-mes pas dans un travail thérapeutique mais plutôt dans quelque chose de plus léger, qui véhicule un message pour soi et pour les autres.

Lorsque La CSF nous a fait part de son projet «Portraits de Familles», le groupe constitué autour de «l’anti-parentalité» a voulu rester sur le terrain du théâtre et a attiré d’autres parents, des grands-parents et des enfants dans l’aventure. Aujourd’hui, nous sommes vingt au sein de cet atelier et cet aspect multigénérationnel rend l’expérience très enrichis-sante.Christiane, directrice de l’Association Syndicale des Familles Monoparentales et Recomposées du Haut-Rhin.

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Nikol est venue me voir

au sujet de son projet

dans le cadre de la CSF.

Des parents voulaient

réaliser une bande

dessinée avec l’aide

d’un artiste. Quand je les ai rencontrés, je leur ai expliqué que c’était compliqué de réaliser une BD parce que c’est très rigoureux… Comme ils doivent raconter leur histoire, je leur ai proposé, pour qu’ils participent vraiment et que ce soit un travail collectif, de faire la mise en scène et de prendre des photos de leur histoire dans leur cadre de vie, à l’intérieur et à l’extérieur. Une fois les photos faites, j’ai pu réaliser le montage sur ordinateur. Au départ, je voulais redessiner les photos : quand je dis redessiner, c’est m’inspirer de la photo et redessiner la scène. Mais j’ai constaté que ça allait dénaturer ce que ces parents avaient voulu dire, consciemment ou inconsciemment, à travers les photos. J’ai donc décidé d’intervenir le moins possible sur le dessin mais d’avoir quand même un rendu graphique. J’ai essayé d’obtenir un équilibre et un résultat qui leur plaise et à moi aussi.

Saturnin Gok-Pon

[ La CSF

Gagny

Mon ado

au quotidien

Seine-Saint-Denis (93)

Quartier du Chenay

Graphiste, maquettiste, illustrateur : Saturnin Gok-PonCoordinatrice : Nikol Bévis-Surprise 15 parents et 19 enfants

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Je suis Nikol Bevis-Surprise, animatrice du

groupe « Mon ado au Quotidien ». Ce groupe se

réunit chaque premier lundi du mois au centre

Jacques Prévert de Gagny. Nous sommes un groupe de parents d’adolescents, on se retrouve pour discuter et partager les expériences, les problèmes mais aussi les joies qu’on rencontre dans la famille. Ça permet aux parents de sortir de chez eux, de leurs soucis et de venir s’exprimer. On a pris part au projet « Portraits de Familles » de La CSF nationale et on a décidé de faire ensemble une bande dessinée avec l’aide de l’artiste du quartier, Saturnin Gok Pon. Cette BD expliquera tous les soucis que rencontrent les parents au quotidien avec leurs ados. Avec l’aide de Saturnin, tout a été fait par tout le groupe, tous les parents. Nous sommes une dizaine de parents et une quinzaine de personnes ont participé au story-board. Ensuite, on a fait les photos, on a aussi mimé les scènes et on les a réalisées chez les parents ou en extérieur. Il y a eu six histoires. L’une traitait de l’ordinateur – un gros problème pour les parents ; une autre de l’hygiène des jeunes ; une troisième de la relation policiers et jeunes, car beaucoup de jeunes de parents présents ont eu à faire à une interpellation dans le quartier par les policiers, souvent très injustement, donc la peur… Dans ces histoires, on a voulu montrer l’angoisse et la peur des enfants mais aussi celles des parents face à certaines situations. Plus de la moitié des parents sont des familles monoparentales, la plupart du temps des mamans seules avec de jeunes garçons... La BD est réalisée par Saturnin, à partir du story-board et des photos qu’on a réalisées. Il crée sur ordinateur et il dessine en même temps.

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Je m’appelle Julia, je suis divorcée, j’ai trois

enfants à charge : 25 ans, 19 ans et 16 ans.

Depuis le départ de leur père, on a eu des

petits problèmes mais ça commence

à s’arranger. J’ai été contactée par une maman pour faire partie d’un groupe qui se nomme « Mon ado au quotidien », on se réunit une fois par mois, on parle de nos petits soucis, on ne résout pas nos problèmes, mais ça nous fait du bien. On peut aussi avoir des contacts avec des professionnels. Jusqu’ici, je n’en ai pas eu besoin, parce que j’ai pu arranger mes soucis toute seule. Mais Nikol, qui est notre chef de file, nous a posé un challenge : faire une bande dessinée qui raconte nos étapes, nos petits soucis de la vie au quotidien. J’ai deux petites histoires dans le story-board. On est fières de l’avoir fait, parce qu’on ne pensait pas y arriver. Nikol a travaillé plus que nous, elle se donne à 100%. Nous, on essaie, mais c’est quand même un challenge, nous sommes contentes de l’avoir relevé. Mes deux histoires sont : Marine et sa chambre – le désordre, c’est affreux et Les Mauvaises copines – ma fille pensait que c’étaient de bonnes copines, puis elle s’est retrouvée au commissariat de Rosny-sous-Bois, mais bon, ça s’est arrangé, aujourd’hui elle travaille. Lui, il est au lycée, je suis grand-mère d’un petit garçon de deux ans maintenant,… la vie est belle ! Voilà ! On a tout fait, on a écrit des textes, pris des photos. Il y a mes enfants, mon jeune fils n’a pas voulu faire les photos, j’ai pas insisté. Sinon, c’est des photos qu’on fait chez nous montrant les problèmes qu’on a eus. J’ai pris des photos à la maison, devant mon immeuble, devant le centre commercial et devant le commissariat puisqu’on ne peut pas rentrer dedans. Plusieurs photos, plusieurs positions et c’est Saturnin qui choisit les meilleures par rapport au texte et aux dessins. Marine et sa chambre, ça s’est passé chez ma sœur, aucun de mes enfants ne voulait faire cette histoire. Je suis allée chez elle en province. Avec sa fille, c’est comme avec mes enfants, c’est le bordel ! C’est elle qui a joué le rôle de la maman et sa fille le rôle de la fille dans sa chambre. Il y en avait partout ! Mais quand on parle avec d’autres mamans, on a toutes les mêmes problèmes…, mais moi je ne m’occupe pas des chambres, moi je ferme les portes, je mets les draps, je mets les affaires sur les lits et après ils se débrouillent. Je ne rentre pas parce que je m’énerverais tous les jours autrement ! j’espère pour eux que ça va passer sinon ils sont mal partis ! et pourtant ils n’apprennent pas… ils apprendront par la suite, quand il seront chez eux !

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Je participe au projet BD au centre social

Jacques Prévert. C’est une BD sur les ados

et leurs parents au quotidien. Je participe à ce projet pour rencontrer d’autres parents avec leurs problèmes familiaux et ainsi ça m’aide pour mes relations avec mon fils et aussi pour relativiser mes problèmes et prendre de la distance. Sophie :Vous pouvez préciser votre situation sociale, vous habitez Gagny ? Isabelle : J’habite Gagny, dans des vieux bâtiments, dans une maisonnette, et je suis seule avec mon fils depuis 10 ans, il est étudiant… et le problème c’est que je suis seule pour lui transmettre des choses. S. : Vous vous réunissez avec d’autres mamans et vous avez écrit des textes, fait des photos ? I. : Oui, on a pris 5 thèmes différents, écrit une histoire et fait des photos qui seront synthétisées par un artiste, graphiste et dessinateur qui va en faire une BD. Le but de la BD est pédagogique pour apporter notre expérience aux autres parents et pour que chaque histoire quotidienne puisse donner des pistes pour éduquer les enfants et les aider, les accompagner durant leur adolescence qui est difficile pour eux aussi. S. : Est ce que vous-même, avez écrit une histoire ? I. : Non. S. : Donc vous vous êtes investie sur des histoires que d’autres personnes ont écrites ? I. : C’est ça, j’ai donné mes réactions pour finir les histoires car mon fils a 19 ans, il est un peu plus vieux que les autres… S. : Quels sont les problèmes que vous rencontrez avec les adolescents ou adultes puisque votre enfant est adulte ? I. : En premier, je dirais l’ordinateur et les jeux vidéos pour les garçons qui, vraiment, accaparent leur temps, leur tête et ça crée beaucoup de conflits dans les familles… la télé, les jeux vidéo, à mon avis…, après, les études…, leurs fréquentations aussi. Pour moi, le principal problème, ce sont les médias qui sont trop présents dans la vie de nos enfants. On n’arrive pas à transmettre ce qu’on veut nous, et c’est difficile pour eux de trier. S. : Bien sûr, c’est difficile aussi d’avoir une communication mère-fils quand, lui, ce qu’il veut c’est communiquer avec son écran ? I. : C’est ça, c’est un vrai lavage de cerveau, il est complètement obnubilé, ne pense pas à manger, à avoir une vie sociale. Ça l’isole. Ça lui fait du mal et ça nous en fait aussi. On n’a pas été de cette génération-là et on n’est pas d’accord avec ça, c’est comme une dictature qui arrive chez nous… (rires) Isabelle et Sophie

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