Livre Blanc Cigref - Entreprise et culture numerique

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    Tous droits de reproduction, dadaptation et dexcution rservs pour tous pays, notamment la traduction, la rimpression, lexposition, la photocopie du texte, des illustrations et des tableaux, la transmission par voie denregistrement sonore ou visuel, la reproduction par scanner, par microlm ou tout autre moyen ainsi que la conservation dans une base de donnes. La loi franaise sur le copyright du 9 septembre 1965 nautorise une reproduction intgrale ou partielle que moyennant le paiement de droits spciques. Elle sanctionne toute reprsentation, reproduction, contrefaon, photocopie, et toute conservation dans une base de donnes par quelque procd que ce soit.

    2013 CIGREF, 21 avenue de Messine, 75008 Paris

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    Septembre 2013

    Entreprises&

    Culture Numrique

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    Remerciements

    Savoir mobiliser lintelligence collective de ses membres est une condition ncessaire pour permettre la rdaction dun ouvrage collectif. Au sein dun Rseau de plus de 130 Grandes Entreprises, le point de vue des Membres est port par les personnalits lues par leurs pairs au sein du Conseil dadministration lors de lAssemble gnrale.

    Ds lors, il convient demble de remercier tous les Administrateurs qui, depuis de nombreux mois ont accept de contribuer runir, identifier et formuler les thmes singuliers contenus dans cet ouvrage :

    Cette comptence est ncessaire, mais pas suffisante ! Il convient galement de piloter la rflexion pour retenir et slectionner les ides forces, surtout sil sagit dexprimer dans un ouvrage tel que celui-ci, les convictions dune Association dont lhistoire a jalonn le dveloppement informatique des entreprises depuis 1970.

    Que soient ici remercis tout particulirement les Administrateurs membres du Bureau, qui, avec le Prsident Pascal Buffard (AXA), ont pilot la rdaction de chacun des 7 chapitres :

    Savoir mobiliser lintelligence collective pour slectionner les convictions CIGREF, nexclut pas de vouloir en vrifier laudience auprs dacteurs du monde conomique.

    Que soient ici remercis les membres du Comit de lecture qui ont spontanment accept de formuler leurs recommandations quant la pertinence des convictions CIGREF :

    Enfin, quil me soit permis de remercier lquipe des permanents du CIGREF qui a contribu efficacement ce travail collectif et tout particulirement Anne-Sophie Boisard et Sophie Bouteiller qui ont coordonn la rdaction finale de cet ouvrage.

    - Renaud de Barbuat (Thales), - Jean Chavinier (Pernod-Ricard),- Philippe Courqueux (Cora),- Michel Delattre (Groupe La Poste), - Rgis Delayat (SCOR),

    - Bruno Brocheton (Euro Disney), - Bernard Duverneuil (Essilor International),- Jean-Marc Lagoutte (Danone),

    - Caroline Apffel (Spencer Stuart), - Jean-Pierre Arnaud (Professeur au CNAM)- Professeur Ahmed Bounfour (Rapporteur gnral du programme ISD et Coordinateur du Comit Scientifique de la Fondation CIGREF),- Eric Monnoyer (Consultant),

    - Vronique Durand Charlot (GDF Suez),- Patrick Hereng (Total), - Franoise Mercadal-Delasalles (Socit Gnrale),- Konstantinos Voyiatzis (Nexans).

    - Georges Epinette (Groupement des Mousquetaires)- Bruno Mnard (Sanofi).

    - Chabane Debiche (La Poste - Pilote du Groupe de travail Cadre de rfrence CIGREF, Culture numrique dEntreprise ),- Jean-Franois Phelizon (DGA - Saint Gobain),- Philippe Rose (Rdacteur en chef Best Practices International).

    Jean-Franois PEPINDlgu gnral

    du CIGREF

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    Prface de Pascal Buffard

    Introduction

    La culture numrique : quelles promesses de cration de valeur pour lentreprise ?

    VI -

    VII -

    Postface de Jean-Franois Phelizon

    AnnexesRfrences

    Annexes I - Le CIGREF

    Annexes II - La Fondation CIGREF

    Annexes III - Les entreprises membres du CIGREF en 2013

    Les conditions de russite de la culture numrique

    IV -

    V -

    La conance, valeur centrale de la culture numrique

    Agilit et crativit, facteurs dinnovation et de performance

    Une transformation de lorganisation du travail et du management

    Les femmes et les hommes de lentreprise, acteurs de la russite

    Les essentiels de la culture numrique dentreprise

    I -

    II -

    III -

    De nouveaux modles daffaires qui tirent avantage de la culture numrique

    Lintelligence collective comme source de cration de valeur

    Une culture au service dun dessein responsable

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    Sommaire

    Les chapitres sont individuellement tlchargeables (format PDF) laide dun QRcode propos la fin de chacun deux.

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    Prface

    Oser, en 2013, rapprocher les termes Entreprises et Culture Numrique, tel est le d de ce nouvel ouvrage. Pour le relever, la lgitimit du CIGREF repose sur plusieurs fondements institutionnels :

    - Le CIGREF, association de grandes entreprises, a pour vocation, depuis sa cration en 1970, daider leurs dirigeants faonner des entreprises plus innovantes, en sappuyant lorigine sur les techniques informatiques, puis sur les systmes dinformation et leurs usages.

    - A loccasion de son 40me anniversaire, le CIGREF a renouvel cet engagement en llargissant lensemble des problmatiques du monde numrique et des transformations qui en dcoulent pour lentreprise.

    - Paralllement, le CIGREF a galement cr une fondation de recherche, la Fondation CIGREF dont la mission est de mieux comprendre comment le monde numrique transforme notre vie et nos entreprises , et dont lobjectif principal est de conduire un programme international de recherche, le programme ISD, sur le design de lentreprise 2020 .

    - Par ailleurs, dans le cadre de son plan stratgique 2015, le CIGREF sest x pour ambition daccrotre son rayonnement au sein des grandes entreprises et des administrations, en saffirmant comme carrefour dinformations, de rflexions et dchanges sur lentreprise dans le monde numrique .

    Toutes ces activits sont ralises dans le but de prparer lavenir et dinnover, mais surtout en vue dagir pour des entreprises performantes au cur du monde numrique.

    Entreprises et culture numrique : un nouveau dfi !

    Depuis sa cration, deux ouvrages ont marqu lhistoire de notre Rseau de Grandes Entreprises : Le pari informatique1 et Lentreprise numrique : quelle stratgie pour 2015 ?2. Tous deux prennent en compte limportance de la dimension culturelle pour les entreprises et leurs collaborateurs dans les transformations auxquels ils doivent faire face.

    Dans le premier, Pierre Lhermitte, Prsident fondateur du CIGREF, crivait Ladaptation des structures aux ralits techniques et conomiques est devenue une pressante ncessit et il importe de bien savoir quil ne sagit plus dune simple volution mais dune profonde mutation. Ladaptation de nos entreprises ces nouvelles techniques de linformatique est indispensable pour assurer leur comptitivit sur le plan international et permettre lpanouissement intellectuel et culturel de la population active .

    Dans le second, Bruno Mnard, mon prdcesseur, prolongeait la rflexion de Pierre Lhermitte : Depuis 1970, linformatisation des organisations se poursuit un rythme acclr. Aprs lautomatisation des tches administratives, par exemple la comptabilit, puis linformatisation des processus mtiers, larrive dInternet a ouvert une nouvelle re de communication et de partage dinformation3 .

    Bruno Mnard prcisait galement : Les applications technologiques sont produites et structures par des processus sociaux dynamiques, qui prennent en compte les pratiques de lorganisation et des utilisateurs [] Ce qui distingue lusage de lutilisation, cest avant tout le primtre couvert par les deux termes. Dun ct, lutilisation fait rfrence au rapport fonctionnel de lindividu la technologie [] Dun autre ct, lusage dpasse ce cadre fonctionnel parce quil prend en compte dautres dimensions, caractre immatriel, du rapport de lindividu la technologie : il recouvre non seulement lemploi des techniques, mais galement les comportements, les attitudes, la culture et les reprsentations des individus4 .

    Pascal BuffardPrsident dAXA Technology Services

    1 Lhermitte, Pierre, (1970), Le Paris Informatique, France-Empire2 Mnard, Bruno, (2010), Lentreprise numrique : quelle stratgie pour 2015 ? 3 Mnard, Bruno, (2010), ibid, p. 7.4 Mnard, Bruno, (2010), ibid, p. 41-42.

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    Il nous faut dsormais poser un regard lucide et clair sur les consquences de ces transformations sur nos entreprises. Il faut saisir les opportunits de cette nouvelle rvolution et anticiper les risques pour affirmer la richesse et la singularit des grandes entreprises franaises en Europe et dans le monde. Dans ce cadre, nous sommes convaincus que la culture numrique nous permettra de russir cette transformation et damliorer linnovation et la performance de nos entreprises.

    Dessiner les fondamentaux de la culture numrique Telle est lambition du prsent ouvrage : dvelopper une reprsentation partage des transformations culturelles lies au numrique, en cours dans nos organisations.

    En ce sens, nous partageons avec Milad Doueihi le fait que lhumanisme numrique : est laffirmation que la technique actuelle, dans sa dimension globale, est une culture, dans le sens o elle met en place un nouveau contexte, lchelle mondiale, et parce que le numrique [] est devenu une civilisation qui se distingue par la manire dont elle modifie nos regards sur les objets, les relations et les valeurs, et se caractrise par les nouvelles perspectives quelle introduit dans le champ de lactivit humaine5 .

    Ces fondamentaux de la culture numrique, nous les avons organiss autour de plusieurs convictions, partages par nos membres :

    - Lirruption du numrique dans les organisations vient profondment remettre en question les modles daffaires sur lesquels sest construit le succs des grandes entreprises. Nous sommes convaincus quau-del des changements de processus et de lintroduction des nouvelles technologies, cest une rvolution culturelle qui va permettre la mise en place et le succs de ces nouveaux modles daffaires.

    - Nous pensons que la culture numrique se caractrise par le partage de linformation et de la connaissance entre les acteurs de lentreprise (au sens entreprise tendue ) et qu ce titre, elle construit une intelligence collective source de cration de valeur pour lentreprise.

    - Cette culture numrique transforme les modes de management et lorganisation du travail en favorisant les changes horizontaux et la production de liens, la reconnaissance par les pairs, fonde sur la comptence plutt que sur le rang hirarchique.

    - Elle doit faire face des risques nouveaux auxquels il convient dtre particulirement attentif tant du point de vue socital que managrial.

    - Enn, elle est porte par les hommes et les femmes de lentreprise, runis autour dune vision partage et cohrente. Ces hommes et ces femmes reconnaissent la conance comme valeur fondamentale de bonne gouvernance de lentreprise.

    Mettre en adquation nos convictions et nos actions

    Parce nous avons souhait tre exemplaires en matire de culture numrique, nous avons choisi dans un premier temps de livrer une version bta de cet ouvrage. Nous voluons aujourdhui dans un monde complexe, mouvant, o les ruptures conomiques et socitales se succdent et dans lequel les pratiques, usages et comportements culturels voluent la vitesse numrique ! Cette premire version na pas pour ambition dtre exhaustive ou parfaite, elle cherche au contraire amorcer un dialogue qui va proter des contributions de tous.

    Dans un deuxime temps cet ouvrage sera enrichi, en version numrique, de liens vers des tudes de cas, des exemples, issus des rsultats de recherche de la Fondation CIGREF, de nos groupes de travail, dinterviews de dirigeants an dassurer ainsi notre rle de carrefour dinformations, de rflexions et dchanges.

    Enn, pour sinscrire pleinement dans les caractristiques de la culture numrique, nous proposerons aux parties prenantes (les entreprises membres, notre cosystme, mais aussi le grand public) de ragir en ligne, de commenter, de dbattre, en bref de crer de la valeur par lintelligence collective au service de linnovation et de la performance de nos entreprises.

    Pascal Buffard Prsident du CIGREF

    5 Doueihi, Milad, (2011), Pour un Humanisme numrique, Seuil, P. 9-10

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    Introduction

    Le numrique modie notre regard sur notre hritage, sur ce qui nous entoure et sur la faon dont nous envisageons notre futur. Il introduit des moyens de production nouveaux, des objets technologiques sans cesse renouvels, de nouvelles pratiques sociales et cela dans les domaines conomique, social et artistique. Il change notre rapport aux objets, linformation, aux savoirs et lenseignement, notre perception de lespace et du temps. Il bouscule nos relations interpersonnelles, nos identits, mais aussi nos valeurs et nos reprsentations. En bref, il vient modier notre culture au sens o la dnie lanthropologue Tylor en 1871 : Ce tout complexe qui comprend le savoir, la croyance, lart, la morale, le droit, les coutumes, et toutes les autres capacits et habitudes acquises par un homme comme membre dune socit 1 .

    Lirruption des technologies dans notre quotidien et la numrisation de nos activits et de nos productions a transform nos comportements, nos pratiques, nos habitudes et fait merger une culture numrique devenue un lment constitutif de notre identit contemporaine.

    Quen est-il de ces pratiques, valeurs, comportements, mais aussi de ces objets technologiques, applications, innovations dans le contexte de lentreprise ?

    Si cette culture numrique rvolutionne les organisations et remet en cause des modles conomiques et des modes de management tablis, nous sommes convaincus quelle est galement source de cration et dinnovation.

    Dans le cadre de sa mission : Promouvoir la culture numrique comme source dinnovation et de performance , le CIGREF dveloppe depuis plusieurs annes une rflexion sur lentreprise et les conditions lui permettant de russir sa transformation dans le monde numrique.

    Le premier ouvrage du CIGREF sur ce sujet, paru en 2010, montre comment lentreprise numrique se dnit travers une vision et un plan numriques pour toutes les dimensions de son modle daffaires2 . Il porte galement la conviction que le facteur humain, les savoir-tre et les savoir-faire, sont au cur du dveloppement de lentreprise numrique de demain.

    Le CIGREF veut aujourdhui poursuivre et approfondir cette rflexion autour de la culture numrique. De nombreux exemples et travaux rcents confortent cette conviction que de nouveaux comportements, de nouvelles pratiques et de nouveaux usages sont luvre, qui permettent de tirer prot du numrique, damliorer la performance et la responsabilit socitale de lentreprise.

    Le primtre de rflexion de louvrage

    Cet ouvrage nest pas un outil de sensibilisation des directions gnrales la contribution du numrique pour la performance des entreprises. Cette prise de conscience est aujourdhui effective. Nous souhaitons faire de ce court ouvrage un support de dialogue avec les directions gnrales et les mtiers, pour laborer ensemble les conditions de russite de cette transformation numrique.

    Ce texte ne prtend pas faire ltat de lart sur la littrature concernant le numrique, ni ne cherche dmontrer ce que la culture numrique apporte la socit. Il sintresse essentiellement aux entreprises et la grande entreprise en particulier.

    Ce nest pas un manuel de management qui vise expliquer de manire thorique ce quil convient de faire et proposer un plan dactions complet. Ce texte dcrit la vision et les convictions que nous portons en tant que Rseau de grandes entreprises.

    Cette vision nest pas prescriptive : il nexiste pas de one best way pour russir sa transformation numrique. Elle constitue le fondement dune rflexion qui sengage aujourdhui et que nous souhaitons partager avec les diffrents acteurs de lentreprise.

    1 Tylor, E.B., (1871), Primitive culture, London, vol. 1., p 2. That complex whole which includes knowledge, belief, art, morals, law, custom, and any other capabilities and habits acquired by man as a member of society.2 Mnard, Bruno, (2010), ibid., p. 15.

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    Notre approche ne cherche pas thoriser sur les organisations. Elle est concrte, base sur lexprience et lanalyse de dirigeants, les rsultats de nos groupes de travail, du programme de recherche IS Dynamics lanc par la Fondation CIGREF et dtudes de cabinets internationaux

    La diffusion gnralise des outils et des applications lis au numrique fait voluer de faon signicative, au sein de lentreprise, les pratiques et les comportements associs. Le numrique modie les modles dorganisation de lentreprise, les relations interpersonnelles entre ses collaborateurs ainsi que celles avec les acteurs extrieurs (clients, fournisseurs, partenaires...). Il transforme galement les formes dexercice du pouvoir et de lautorit au sein de lentreprise et lensemble des reprsentations et croyances sous-jacentes, sur lesquelles se fondent ces pratiques. Ce sont l les principales dimensions de notre cadre de rflexion.

    Notre approche est de caractriser les aspects intangibles dune culture comprenant des valeurs, des comportements, des croyances et des pratiques encourages implicitement ou explicitement, en adquation avec les exigences du numrique au sein dune entreprise. Mais intangible ne signie pas sans effet sur le rel . A linstar des actifs immatriels qui relvent du capital de lentreprise, les actifs de cette culture produisent des effets perceptibles et mesurables. Ils permettent de tirer le meilleur bnce des stratgies, des outils numriques et des nouveaux modles daffaires.

    Nous faisons lhypothse dune culture numrique qui, si elle russit sincarner dans de nouvelles pratiques au sein des entreprises, et irriguer les valeurs de celles-ci, permettrait alors lentreprise de tirer bnce du monde qui lentoure.

    La culture numrique est une promesse de cration de valeur dont il ne faut pas minimiser les cueils et les risques

    Nous sommes convaincus que la culture numrique est une promesse de cration de valeur. En effet, elle permet la mise en place et le succs de nouveaux modles daffaires, elle est synonyme de partage de connaissances, dintelligence collective et donc de cration de valeur. Elle est une chance pour inscrire lentreprise dans un dveloppement et une performance durables qui prennent en compte la valeur conomique, sociale et environnementale.

    Nous sommes convaincus quau-del des changements de processus, des innovations de produits et de services, la culture numrique, partage par les parties prenantes, pose les conditions de russite de la transformation numrique de lentreprise dans son cosystme.

    Cette culture numrique se caractrise par la conance, valeur centrale dans un monde complexe et mouvant, par de nouveaux modes de management fonds sur les changes horizontaux et la production de liens, la reconnaissance par les pairs, base sur la comptence plutt que sur le rang hirarchique, un respect du droit lerreur, une valorisation des individus et une forme de cohsion dans le travail.

    Pour autant, il ne sagit pas de dfendre une vision anglique de la culture numrique. Tout changement, toute innovation, peut entraner des effets de bord que nous ne connaissons ni ne matrisons parfaitement aujourdhui. Adresser les thmatiques du numrique dans leur globalit, leurs aspects positifs et ngatifs, relve galement de la mission du CIGREF. Sil convient de sinterroger sur les risques lis au numrique, ceux-ci doivent tre envisags en lien avec lhomme mettant en uvre ces technologies, les mthodes managriales utilises pour promouvoir tel ou tel changement organisationnel Les risques et cueils lis au numrique renvoient dabord la responsabilit des hommes et ce quils font de ces nouvelles technologies.

    Cest pourquoi la fin de chaque chapitre nous avons ajout un encadr destin questionner le numrique sur les thmatiques abordes.

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    La place de la grande entreprise dans la rvolution numrique

    La littrature abonde dexemples de startups, PME et pure-players qui, par leur souplesse, leur ractivit et leurs innovations, russissent brillamment dans lconomie numrique. On oppose parfois cette russite linertie et le retard des organisations traditionnelles. On oppose galement le partage dun monde numrique, o lindustrie serait de plus en plus asiatique, les prots nord-amricains, et les europens relgus au rang de simples consommateurs. Selon Didier Lombard3, lEurope entend bien mettre en uvre une politique volontariste, mais les rsultats se font attendre. Or lEurope dispose dun vaste march, avec des utilisateurs parmi les plus duqus au monde, des comptences mobilisables, une capacit et une volont dinvestir signicatives. Un tel contexte peut tre mis prot pour recrer en Europe une industrie forte des TIC, pour construire une position solide partir de laquelle avancer dans le jeu concurrentiel de lconomie numrique.

    Notre conviction est que les grandes entreprises disposent elles aussi des ressources et des potentialits pour se rendre plus agiles, cratives et innovantes. Bien sr, compte tenu de leur taille et de leur mode dorganisation, elles doivent mettre en uvre ces ressources sous certaines conditions, que nous voquerons dans cet ouvrage. Mais les grandes entreprises ne sont pas moins quipes que les autres pour prendre en compte limportance croissante du partage de linformation, de lergonomie des outils, de lexprience utilisateur, des interactions de travail distance, etc.

    Des promesses aux conditions de russite de la transformation numrique

    Cet ouvrage est structur en trois parties. Il aborde dans un premier temps la culture numrique en tant que promesse de cration de valeur. Pourquoi les nouveaux modles daffaires numriques sont-ils diffrents ? En quoi intgrent-ils des volutions dordre culturel ? Pourquoi stimuler lintelligence collective et comment prote-t-elle lentreprise ? En quoi la culture numrique dans les organisations faciliterait-t-elle le dveloppement de pratiques innovantes responsables ?

    Dans un second temps, il permet de caractriser cette culture numrique, dans ses manifestations. Ouverture et connectivit, partage de connaissance, conance, agilit et crativit sont les leviers que les femmes et les hommes utilisent pour faire voluer lentreprise dans le monde numrique.

    Enn, ce livre traite des conditions de russite : comment revisiter profondment le rle des managers et tablir un rapport diffrent la hirarchie ? Comment galement mettre les femmes et les hommes au cur de la russite des entreprises et les rassembler autour dun projet qui fait sens ? Quelles transformations doivent tre opres dans lorganisation du travail et dans les interactions entre les parties prenantes ?

    Chaque chapitre est conclu par un appel laction. Celui-ci ne doit pas tre considr comme lunique porte dentre vers loprationnalit. Ces appels laction, sept au total, constituent plutt un ensemble de pistes pour entreprendre cette rvolution de la culture numrique.

    Chaque che dcrit brivement laction entreprise, les parties prenantes concernes, les outils mis en place et les modes de communication associs ces actions.

    3 Lombard, Didier, (2011), Lirrsistible ascension du numrique, Odile Jacob.

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    La culture numrique : quelles promesses

    de cration de valeur pour lentreprise ?

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    Partout, le numrique va introduire des ruptures fondamentales, quil convient danticiper et de matriser. Le modle daffaires

    de lentreprise numrique ne ressemble plus au modle daffaires classique, dans ses fondamentaux et sa dclinaison sur le march1 .

    Depuis les annes 1990, lmergence du numrique au sein de notre socit, ainsi que lirruption massive des technologies de linformation dans les entreprises, acclrent les processus dchanges, de production et de distribution. Elles remettent en cause la chane historique de cration de valeur : modication du comportement des consommateurs, intensication de la concurrence entre les entreprises, ouverture de nouveaux marchs.

    Ces mutations crent des opportunits militant en faveur de nouveaux modles daffaires adapts au monde du numrique, dans lesquelles nous observons deux ruptures :

    - La dsintermdiation, facilite par linternet, traduite par la rduction ou la suppression des intermdiaires dans un circuit de distribution.

    Ce phnomne sinscrit dans un espace en ligne, o lintensit informationnelle est plus leve, et o il est plus facile dacheter des produits et des services relevant auparavant de canaux de distribution spars ;

    - La mdiation en rseau, lorsque plusieurs acteurs sallient pour co-crer ou coproduire des offres de services ou de produits. Cette coopration est facilite, l encore, par les technologies de linformation (standardisation, interfaces en temps rel, mutualisation des comptences, rduction des cots).

    Pour faire face ces ruptures, lentreprise doit repenser dans son ensemble les relations avec ses clients et plus largement son cosystme. Au-del de la dmatrialisation, il lui faut donc bien

    rinventer son modle daffaires. En premier lieu, elle doit saisir lopportunit offerte par linternet, et tout particulirement par linternet mobile, dimpliquer le client dans sa chane de valeur, an de coller au plus prs ses attentes, lui apporter les produits et les services associs dont il a besoin. Au centre du mix marketing, plus encore que le produit, le prix, la place ou la promotion, la personne est dsormais lobjet de toutes les attentions.

    CHAPITRE I

    De nouveaux modles daffaires tirent avantage de la culture numrique

    1 Mnard, Bruno, (2010), ibid., p. 56.

    Bruno BrochetonVP SI - Euro Disney

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    2 Sayre, Katharine & al., (2012), Marketing Capabilities for the Digital Age, The Boston Consulting Group.

    Le fait nouveau ici est lapparition dcosystmes orients consommateurs, par la constitution de bases de donnes clients, elles-mmes enrichies par le big data, donnes recueillies dans lensemble des canaux daccs (centres dappels, rseaux sociaux, internet des objets, etc.), lopen data (donnes socio-conomiques et environnementales) et la traabilit continue des parcours de linternaute sur la toile et dans le monde rel (golocalisation).

    Depuis quelques annes, Nike a mis sur le march des chaussures de sport utilisant le numrique, destines aux coureurs pied. Ces chaussures sont quipes de capteurs capables denregistrer et danalyser les performances du coureur qui les porte. Le coureur peut transfrer sur ordinateur les donnes enregistres, partager lanalyse de sa performance avec ses amis et dautres comptiteurs Grce lintgration du numrique dans le produit lui-mme, la chaussure est transforme en capteur dinformation, permettant ainsi la co-production dun nouveau service.

    Des propositions de valeur transformes par le numrique

    De nombreux exemples de bonnes pratiques illustrent, dans diffrents secteurs dactivit, la ncessit de revoir en profondeur les stratgies marketing et les organisations, laune du numrique. Une rcente tude du BCG2, consacre aux opportunits du marketing lre numrique, montre que les entreprises produisant des biens de grande consommation, navaient, dans le pass, que de rares interactions avec les clients. Elles disposent maintenant de nouveaux moyens de tester des nouveaux produits, distribuer des bons de rduction, partager linformation sur les produits et les avis des consommateurs, inciter les clients influents tre les ambassadeurs de la marque.

    Ltude cite par exemple Diageo, une entreprise leader dans le domaine des boissons alcoolises. Elle y est parvenue avec succs, notamment en lanant une application pour iPhone, thebar.com . Elle aide les consommateurs trouver les bars et les magasins les plus proches, leur propose un grand nombre de recettes de boissons et leur donne accs Facebook ainsi qu dautres rseaux sociaux pour changer et donner leur avis.

    Pour les compagnies de transport arien et dautres entreprises de services, les plateformes numriques ont conduit une volution dans les services fournis aux clients, en rpondant leurs rclamations ou leurs besoins dassistance, en les tenant informs en temps rel des changements dhoraires, de portes dembarquement, etc.

    Dans un autre secteur, les banques peuvent fournir des services nanciers 24H/24 pour mieux rpondre aux besoins de leurs clients. La commodit de services, tels que les rglements en ligne, rend plus difficile le changement dtablissement. Le numrique renforce indniablement la dlisation.

    La distribution de dtail, quant elle, est confronte lrosion de lefficacit des supports publi-promotionnels imprims. Elle est soumise au d dune intgration de nouveaux canaux rendant lachat possible en magasin, en ligne ou via un appareil mobile. En Core du Sud, Tesco Home a install dans les stations de mtro, des bornes dpicerie virtuelle, permettant aux voyageurs presss de faire leurs achats en attendant leur rame. Les clients peuvent y scanner, avec leurs Smartphones, les codes des articles qui leur sont ensuite livrs domicile. Les ventes en ligne ont ainsi progress de 130%, faisant de cette plateforme le premier site de vente en ligne du pays.

    Ainsi les entreprises sadaptent-elles plus rapidement lvolution permanente des attentes et des gots des consommateurs. Avec linternet, le consommateur a impos sa suprmatie dans sa capacit comparer les produits, les services et les prix. Mieux encore, il est en prise directe avec la chane de production de lentreprise, dans une logique de personnalisation de son produit. Cela a provoqu deux volutions majeures pour les entreprises : la production de masse de produits customiss et la prise en compte, en temps rel, des dernires attentes manifestes par les clients.

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    Des travaux rcents, mens par lUniversit de Californie du Sud3 dans le cadre du programme ISD de la Fondation CIGREF4, ont permis didentier trois grandes tendances pour penser les modles daffaires des entreprises numriques :

    La primaut de lexprience client et le besoin de personnalisation.

    La co-cration de valeur distribue : de plus en plus, les consommateurs, tout comme les fournisseurs, sengagent dans llaboration des produits et services quils consomment (cration de valeur partage).

    Les exprimentations permanentes sur le modle du capter et rpondre : la multiplication des donnes fournies par des capteurs va entraner le dveloppement de capacits danalyses complexes, permettant dinterprter des masses de donnes de manire intelligente et cible.

    La primaut de lexprience client Lconomie numrique impose un nouveau paradigme au marketing, hier encore soucieux de transformer des prospects en clients. Souvenons-nous que le prospecteur , historiquement, est celui qui examine un terrain pour rechercher un lon. Le marketing pr-numrique considre avant tout le client comme un lon, une source denrichissement, et ce dernier le sait parfaitement. Lentreprise numrique considre le client comme un interlocuteur quelle doit avant tout savoir couter, avec lequel elle doit construire une exprience de service unique. Le consommateur dcouvre une nouvelle relation au monde marchand.

    La conjonction de lhyper-comptition, caractristique du contexte conomique actuel, les volutions socitales et les exigences de vitesse, induites par les ressources numriques, rendent lavantage concurrentiel dune entreprise phmre. Le produit seul nest plus diffrenciant : lavantage concurrentiel sopre dsormais au travers des services associs. Ainsi, la transition numrique casse la vision traditionnelle de lentreprise, et ouvre un espace de co-cration de valeur dans lequel sintgre aussi le client entre autres, dans ses formes multiples, grce notamment la personnalisation.

    Cest le cas par exemple de lindustrie pharmaceutique qui, pour rpondre la demande des personnes souffrant de maladies chroniques, sintresse dsormais, au-del du dveloppement des produits pharmaceutiques, aux services numriques daccompagnement des patients dans le traitement de leur pathologie. Dans ce contexte de dveloppement de multiples canaux de communication et de commerce, de personnalisation des produits et des services associs, la plateforme client devient un espace central de promotion de lexprience client.

    Pour tirer prot de la prsence des clients sur les espaces numriques, lentreprise doit donc, non seulement intgrer le client au sein de lespace de co-cration de valeur, mais en plus crer un cosystme autour de sa

    marque, de ses produits et de ses services, pour permettre sa diffrenciation.

    Enn, lentreprise est face un autre d : celui danimer sa communaut de clients prescripteurs dans son cosystme, sur les rseaux sociaux en particulier, an den faire un relais de communication efficace et de croissance durable.

    Il conviendra cependant dtre attentif vrier si ce dernier d est prenne et/ou pertinent pour toutes les entreprises.

    3 El Sawy, Omar A., Pereira, Francis, (2013), Towards a unified framework for business modelling in the evolving digital space, Springer Briefs in Digital Spaces.4 Les-essentiels

    Laurent IdracDSI - Accor

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    Le projet Limpact du web 2.0 sur les organisations5 du programme ISD montre que, pour dvelopper les capacits daccs aux communauts Web 2.0, une entreprise peut sappuyer sur un certain nombre de leviers :

    Les systmes dinformation et les acteurs associs : dveloppement de plateformes de communication avec les clients, outils de modration et de contrle disponibles, acteurs conciliant comptences techniques et talents de modrateurs.

    La coordination entre les activits de conception et de veille.

    La coordination entre les diffrents acteurs de lorganisation.

    La traduction nancire du potentiel des nouveaux services mergent des changes avec les communauts.

    Dans ce type de projet numrique, les entreprises doivent galement veiller ne pas tomber dans certains piges. En effet, les espaces dexpression communautaires sont difficilement contrlables et les tentatives de contrle des organisations, si elles cherchent imposer leur vrit dans un espace dexpression ouvert, peuvent tre contre-productives. Ainsi, ces opportunits offertes par le numrique, font merger un nouveau risque : celui de limage, de le rputation. Parmi les points dattention gurent notamment :

    La reprsentativit et la abilit des communauts Web ne laissent voir que les avis des consommateurs qui sexpriment.

    Le primtre de ces communauts nest pas contrl, il est ouvert aux concurrents et aux nouveaux entrants.

    La connaissance des codes et des rgles de comportement en vigueur dans les groupes sociaux du Web est essentielle pour laccs ces communauts. En outre, celles-ci peuvent adopter des comportements hostiles lentreprise.

    La captation et lexploitation des connaissances suppose des outils de reprage smantique, mais aussi une stratgie : soit la rme ne souhaite pas tre repre par la communaut et elle doit donc user de stratagmes, soit elle choisit dtre identie de manire explicite.

    La co-cration de valeur

    Les frontires de lentreprise sont dsormais poreuses et il devient difficile de dterminer o sarrte lentreprise et o commence lcosystme. Dans cette logique du service dominant (service dominant logic), la valeur est co-cre la fois par les consommateurs, par un rseau dentreprises et par dautres acteurs. Ceux-ci nchangent pas simplement des biens ou des services, mais mettent en application, ou en commun, un ensemble de capacits, de comptences, de connaissances et dinformations. Le modle des consommateurs-producteurs, qui deviennent eux-mmes des prescripteurs en sengageant dans la production des produits et services quils consomment, va prendre de lampleur. Ce phnomne de co-cration de valeur, facilit par les technologies et le web 2.0, est encourag par le dveloppement dune culture numrique partage, dont le principal support est la conance.

    5 Tran, Sbastien (sous la dir.), (2013), Limpact du Web 2.0 sur les organisations, Springer, Coll. Espaces numriques.

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    Crer de la valeur partir de lexploitation de linformation

    La multitude de capteurs et dentres offre un trs large panel dinformations disponibles, plus ou moins structures. Paralllement, les capacits de traitements se sont amliores et leurs cots ont baiss.

    Les enjeux de cette tendance mergente portent sur la captation, puis le croisement des sources dinformation (structures, non structures, internes, externes), dans le but de dvelopper ou de renforcer un avantage comptitif. Lobjectif est galement de donner du sens aux donnes (la captation et lexploitation des donnes non structures apparait par ailleurs comme un enjeu cl pour lentreprise). Il faut encore mettre en place des outils la porte du mtier, permettant

    une manipulation simplie - et lgale - des informations. Dans ce

    cadre, le management de linformation est un enjeu majeur pour la performance de lentreprise.

    Lergonomie et lattractivit des interfaces

    Une proposition de valeur ne peut plus se contenter dtre strictement fonctionnelle. Dans un environnement numrique de plus en plus mature et sophistiqu, le consommateur veut un produit dot de fonctionnalits riches, intuitives mais aussi un produit beau et ludique, jusqu la personnalisation extrme parfois.

    La culture numrique est aussi une culture du design de linformation et de lergonomie de linterface. Le design ne concerne pas uniquement les objets en trois dimensions, il devient une composante essentielle de lattractivit de services et fonctionnalits visibles sur cran. Les interfaces doivent tre simples, les pictogrammes clairs et ludiques. Les fonctionnalits doivent susciter et valoriser limplication des participants.

    Les entreprises numriques ont identi trs tt le pouvoir de sduction de la formalisation et des interfaces russies. Elles sintressent tout particulirement aujourdhui la capacit de transformation des comportements par le design.

    Cette importance des services associs et de linterface client apparat notamment dans VISOR, un nouveau cadre pour dnir un modle daffaires numrique.

    VISOR : repenser le modle daffaires dans un espace numrique

    Ce cadre thorique, labor par les professeurs Omar A. El Sawy et Francis Pereira, de lUniversit de Californie du Sud6, comporte cinq lments :

    Une proposition de Valeur consistant identier la valeur fournie au client nal, mme si lentreprise nest quun maillon dune chane plus vaste ;

    Une Interface caractrise par sa facilit dusage, sa simplicit, son caractre pratique ;

    Une plateforme de Services est un terrain de jeu o les partenaires vont collaborer, l o la valeur sera assemble et o les consommateurs accderont une proposition de valeur ;

    Un modle dOrganisation permettant de comprendre en quoi lentreprise est dpendante des autres ;

    Un modle de Revenus, capable didentier les prfrences des utilisateurs et les prix que les consommateurs sont prts payer.

    Bertrand EteneauDSI - Groupe Faurecia

    Gilles LvqueDSI - Geodis

    6 El Sawy, Omar A., Pereira, Francis, (2013), ibid.

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    Elments du modle VISOR Points dattention

    Proposition de Valeur

    Attractivit des offres Population cible et taille du march Complmentarit des offres Co-crativit avec les consommateurs

    Interfaces

    Fonctionnalits (facilit dusage) Esthtique (formats et graphisme) Fluidit (capacit de personnalisation) Rsilience face aux erreurs dutilisation

    Plateforme de Services

    Architecture (ouverte ou ferme) Agnosticisme sur diffrents systmes Acquisition (dveloppement spcique ou intgration de composants existants) Accs (libre ou restreint)

    Modle dOrganisation

    Efficacit des processus Qualit des partenariats Capacit puiser dans les ressources de lcosystme Qualit de la gestion de projets

    Modle de Revenus

    Tarication et modle de nancement Partage des revenus entre partenaires Structure de cots Volume potentiel des ventes

    Modle daffaires de lentreprise numrique : les points dattention Source El Sawy, Pereira (2012)

    Un cas russi daffaires dans le monde numrique est celui qui parvient aligner les diffrents composants de VISOR, de faon fournir la meilleure proposition de valeur ; cest--dire celle qui, tout en diminuant les cots ncessaires pour fournir les services proposs, accrot la volont de payer de la cible de clients vise.

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    De la chane de valeur au rseau de valeur

    Lentreprise numrique se caractrise galement par la dcentralisation. Cette organisation dcentralise, appele galement matricielle , est une rponse adapte aux besoins de transversalit de lentreprise et la mondialisation. Elle favorise, dune part les changes (information et partage des connaissances), souvent au prix dun gros travail de coordination entre des entits oprationnelles (par exemple gographiques), et dautres part des entits en support (mtiers, R&D).

    Ce type dorganisation dnit, de fait, une double autorit, renforant le pouvoir central qui dtermine les objectifs des acteurs ainsi quune complmentarit entre ceux-ci (les uns ne pouvant raliser leurs objectifs que par le concours des autres), voire en interdpendance.

    Ce type dorganisation et de fonctionnement gnre des jeux de collaboration dont le but est datteindre au mieux les objectifs de lentreprise. Au-del de lorganisation de type matriciel, lobjectif est de permettre chaque entit de la structure de pouvoir franchir la frontire organisationnelle pour se mettre en rseau.

    La dimension de rseau est importante dans cette transformation.Contrairement au schma traditionnel de la production de valeur lie une chane unique (production - traitement - distribution - consommation), les nouvelles modalits de cration de valeur sont en partie lies la nature reproductible linni de linformation. Elles sont lies aussi au fait quelle circule de manire trs large, entre une multiplicit dacteurs dans un cosystme ouvert.

    On passe alors de la chane de valeur au rseau de valeur , dune culture de production propritaire et univoque une culture de la diffusion, de la circulation et de lenrichissement. La prsence quasi universelle du numrique dmultiplie et acclre, grce linternet, la capacit de produire et de tisser des liens avec une innit dacteurs, ce qui favorise la collaboration horizontale et rvolutionne la cration de valeur.

    Maturit numrique et forte rentabilit

    Plusieurs tudes analysent les critres de russite des entreprises dans lconomie globalise. On retrouve dans leurs rsultats la plupart des composantes du modle VISOR, se rvlant cruciales dans la performance des entreprises. Un benchmarking des pratiques numriques dans le monde, ralis par Capgemini Consulting et le MIT Center for Digital Business 7, a permis didentier les lments essentiels de la maturit numrique et danalyser les liens entre maturit numrique et performance nancire. Cette tude statistique dgage quatre grandes catgories dentreprises, diffrentes en termes dintensit numrique et dintensit du management de la transformation : les entreprises dbutantes (beginners) ; celles pour lesquelles le numrique est tendance (fashionistas) ; les conservatrices (conservatives), obtiennent des performances nancires moins importantes que les digirati, des entreprises maturit numrique leve.

    Le dnominateur commun des digirati se situe sur deux critres de la transformation numrique : lintensit numrique et le management de la transformation numrique. Ils impactent directement la performance et la rentabilit de lentreprise :

    - En termes de management de la transformation, les digirati ont labor une vision claire de lvolution du numrique. Ils ont mis en place une gouvernance numrique, suscit lengagement des collaborateurs et des clients et amlior les relations IT-mtiers.

    7 Westerman, George & al., (2012), The digital Advantage: How digital leaders outperform their peers in every industry, MIT & Capgemini Consulting.

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    - En termes dintensit numrique, les digirati excellent dans au moins un domaine dexpertise (exprience client, mdias sociaux, mobile, analyse client, processus de numrisation et collaboration interne) combins pour crer des synergies.

    Plusieurs des critres dexcellence des digirati relvent du sens et de la perspective que les dirigeants donnent lentreprise (la vision), de lengagement des collaborateurs, dune forte culture dinteraction dveloppe dans lentreprise et avec les clients.

    Les entreprises digirati sont en moyenne 26% plus protables que leurs concurrentes. Elles gnrent 9% de revenus en plus et elles sont suprieures de 12% en valeur de march.

    Une ide reue serait de croire que ces socits sont les fleurons du high-tech et des pure players. La ralit statistique dmontre que les digirati se dploient dans tous les secteurs dactivits : le high-tech (38%), la banque (35%), lassurance (33%), lindustrie du voyage (31%) et les tlcoms (30%). Elles existent aussi dans des secteurs moins matures sur le plan numrique comme la grande distribution (26%), les biens de grande consommation (24%), les services dintrt collectif (20%), lindustrie manufacturire (12%) ou la pharmacie (7%). Leur prsence dans tous les secteurs tend freiner la progression en maturit numrique de leurs concurrents dbutants.

    Primaut de lexprience client, coproduction de valeur, optimisation de lexploitation des donnes, les ressources et outils sont nombreux permettant aujourdhui denrichir, voire de rinventer profondment la chane de valeur dans le monde numrique.

    Le client, ses perceptions et ses pratiques, ses attentes en matire dinterfaces souples et attractives, sa volont de ne pas rester un consommateur passif, de participer lvaluation des offres, sont les leviers exploiter par les entreprises pour amliorer, avec les parties prenantes, la comptitivit et lattractivit de leurs modles daffaires. Des entreprises ont intgr ces facettes de la comptitivit numrique dans leur modle daffaires. Leur maturit nest pas celle des technophiles les plus en pointe. Elle est le rsultat dune articulation cohrente de toutes ces dimensions, composantes de la culture numrique dentreprise. Lorsquelles sont portes par la direction, la DSI et les mtiers, dans une stratgie numrique concerte, elles dbouchent sur un accroissement de la performance.

    De nouveaux vecteurs dinnovation et de coordination

    Les outils de travail en mobilit (Smartphones, ordinateurs portables, tablettes), sont une des modalits dinteraction de lentreprise en rseau et de sa culture numrique. Ces technologies de la mobilit possdent un potentiel dinnovation non ngligeable pour les entreprises.

    Les Smartphones permettent ainsi aux professionnels dutiliser diffrents modes de communication bass sur les donnes, les images ou la vido, le tout dans une plateforme unie. Cette convergence ouvre plusieurs pistes dinnovation dans le cadre de la coordination organisationnelle.

    Ltude ralise par le professeur Namjae Cho8 dans le cadre du programme ISD, montre que la coordination peut tre considre comme un concept global regroupant les notions dintgration (prendre part un ensemble plus vaste), de collaboration (travailler ensemble) et de coopration (effectuer des oprations en commun).

    8 Cho, Namjae, (2013), The Use of Smart Mobile Equipment for the Innovation in Organizational Coordination, Springer Briefs in Digital Spaces. Ltude du Professeur Namjae Cho (Universit de Hangyang-Core) porte sur les pratiques de travail mobiles, notamment travers les terminaux de type Smartphones.

    Marc RenaudDSI - Groupe Transdev

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    Une coordination efficace favorise la prise de dcision. Elle contribue la performance de lentreprise, la ralisation dconomies, ou encore la flexibilit face aux changements du march. Le partage dinformations

    travers les nouvelles technologies est au cur de la coordination des activits mtiers, notamment travers les systmes de bureaux mobiles.

    Cette tude fait apparatre dautres bnces. Lusage des technologies numriques, notamment celles de la mobilit, est considr comme un des mcanismes de coordination les plus influents dans lentreprise. Dans des environnements fortement complexes et changeants, un usage efficace des outils de traitement de linformation est un facteur cl de succs pour la coordination.

    Enn, ladoption dune nouvelle technologie constitue un processus trs dynamique, qui introduit du changement dans les pratiques, la structure et la stratgie des organisations. De la mme faon, quand

    une technologie est adopte par une organisation, sa conception, ses composants et son usage sont eux aussi choisis et adapts par lorganisation.

    La mobilit reprsente les flux de personnes, de ressources, de capitaux et dinformations. La diffusion grande chelle de linternet et des tlcommunications sans l a radicalement chang le primtre et le sens de la mobilit.

    Les applications de bureaux mobiles sont vues comme une source de facilitation pour les acteurs de lorganisation, en leur permettant de dpasser les limites spatiales et temporelles.

    Le m-commerce , un potentiel en pleine croissance

    Selon le BCG9, en 2015, il devrait y avoir davantage de particuliers accder linternet via un appareil mobile que via un ordinateur xe. En 2010, 43% des tlphones mobiles vendus taient des Smartphones, et cette proportion devrait atteindre 71% en 2015. Paralllement, le Cloud computing (ou informatique en nuage) permet de se librer du lien un disque dur. Ces volutions vont permettre aux particuliers de se dtacher de leurs ordinateurs, xes ou portables, et de raliser toutes leurs oprations en ligne, tout en se dplaant. En Asie et en Afrique, des centaines de millions de consommateurs sont passs directement aux appareils mobiles.

    Limpact sur les comportements dachat est considrable, dans la mesure o les consommateurs peuvent consulter des informations sur les produits, recevoir des offres personnalises, comparer des prix, consulter des avis, payer leurs achats Ainsi, Dominos Pizza en Australie, prvoit que les commandes passes depuis un mobile reprsenteront plus du quart des ventes dici deux ans. Les dirigeants de Google, deBay, de Sainsbury, estiment que le commerce via des appareils mobiles constituera la prochaine opportunit de croissance pour le commerce de dtail.

    Les distributeurs brick-and-mortar (entreprises traditionnelles avec des points de vente physiques) utilisent le mobile pour amliorer le service client en magasin et mettent en place des offres accessibles durant le temps disponible du client et lendroit o il se trouve.

    Ltude du BCG rappelle que plusieurs entreprises dans le monde, comme Ocado (distribution alimentaire) au Royaume-Uni ou Budnikowsky (vente de produits cosmtiques) en Allemagne, ont rapidement imit le modle de Tesco Home-plus en Core du Sud.

    Thien Than TrongDSIT - RATP

    9 Danziger Jane, & al., (2012), Multichannel 3.0: the Mobile Revolution, The Boston Consulting Group.

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    La croissance rapide du commerce en ligne, notamment via des appareils mobiles, modie en profondeur les comportements dachat. Pour sy adapter, une entreprise doit notamment sattacher trois points :

    Trouver de nouvelles faons dinteragir avec le client tout au long du processus dachat (faire connatre le produit, susciter lintrt, optimiser lexprience dachat, renforcer la dlit, faire recommander le produit).

    Saisir de nouvelles opportunits du march, en dnissant une politique lgard des rseaux sociaux, des sites de comparaison de prix, etc.

    Faire du mobile un lment cl dune stratgie multicanal 3.0, le mobile constituant un pont entre les environnements en ligne et hors ligne, notamment en intgrant les rseaux sociaux au processus dachat. Au-del dune simple adaptation des sites internet aux mobiles, il faut dvelopper une approche spcique pour des modles viables de m-commerce.

    Toutes les opportunits apportes par le numrique au m-commerce sont extrmement stimulantes pour linnovation, la dmultiplication des propositions de valeur, la prise en compte du client et de son exprience dans la relation.

    Dans une telle dmarche, le partage de la connaissance et la collaboration entre les acteurs, apparaissent comme des lments incontournables de la culture numrique comme source de performance pour lentreprise.

    Ces ruptures actuelles dans la construction des nouveaux modles daffaires, la primaut de lexprience client et la co-cration de valeur ncessitent de repenser les modes de gouvernance de lentreprise numrique.

    Herv ThoumyreDSI Groupe - Carrefour

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    APPEL LACTION N 1

    Description

    Une quipe centrale, avec une architecture lgre, intgre des collaborateurs issus des mtiers et de lIT. De trs bon niveau de formation et polyvalents, ils connaissent la fois les technologies, les usages du numrique et les mtiers de lentreprise. Curieux, ils sont en capacit dexploiter les ressources de connaissances de lentreprise.

    Lquipe bncie du soutien de la DSI pour, tout la fois, mettre en uvre une approche agile (test-and-learn) et industrialiser les solutions retenues.

    Cette Digital Agency est de nature marquer la volont de la Direction Gnrale dinscrire le numrique comme facteur defficacit, de ractivit et dadaptation au march. Ces collaborateurs sont les agents principaux de diffusion de la culture numrique au sein de lentreprise.

    Points dattention sur la communication

    La cration de cette structure doit tre impulse et annonce par le PDG qui doit en expliquer les enjeux et les nalits.

    Limplication de la DSI, de la DRH, et bien sr des directions mtiers est essentielle.

    Une communication rgulire ( travers notamment le Rseau Social dEntreprise) sur les actions, les leons apprises, les projets et les bnces obtenus de cette structure doit tre organise.

    Le Conseil dadministration doit tre inform rgulirement des actions de la structure.

    Crer un acclrateur numrique, une structure Digital Agency

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    Tlcharger le chapitre 1

    De nouveaux modles daffaires tirent avantage de la culture numrique

    Format PDF

    Des propositions de valeur transformes par le numrique

    La primaut de lexprience client

    La co-cration de valeur

    Crer de la valeur partir de lexploitation de linformation

    Lergonomie et lattractivit des interfaces

    VISOR : repenser le modle daffaires dans un espace numrique

    De la chane de valeur au rseau de valeur

    Maturit numrique et forte rentabilit

    De nouveaux vecteurs dinnovation et de coordination

    Le m-commerce , un potentiel en pleine croissance

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    La culture numrique permet la mise en place et le succs de nouveaux modles daffaires.

    Dans quelle mesure ces nouveaux modles, qui requirent un changement de paradigme et dadaptation, dbouchent-ils sur une transformation du systme de valeurs de lentreprise ?

    Autrement dit, avons-nous rflchi aux effets de la culture numrique sur la gouvernance institutionnelle existant dans lorganisation ?

    Dans quelles conditions ces adaptations et transformations soprent-elles lgard des parties prenantes (fournisseurs, clients historiques, collaborateurs) ? Comment les accompagner dans ces changements ?

    Rduire lasymtrie informationnelle entre loffre et la demande implique de mettre le client au centre du dispositif. Cela suppose au pralable didentier ledit client : comment y parvenir sans le rendre captif ? Comment faire en sorte de protger son intimit ?

    Questionner le numrique

    www.questionner-le-numerique.org

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    Les retombes de la connaissance et la culture du partage

    Dans lconomie traditionnelle, de la production la consommation, la transformation des biens consommables constitue une chane unique o le sortant dun domaine (rcolte agricole par exemple) devient lentrant dun autre (traitement alimentaire) et ainsi de suite. Contrairement ce schma linaire, linformation ne suit pas un chemin unique dans lconomie numrique, car une ide, une (nouvelle) connaissance - une fois cre - peut tre exploite par plus dune personne ou entreprise la fois. Cest le concept des retombes de la connaissance qui tablit limportance du bnce collectif.

    Ce principe cadre mal avec les modles daffaires de lconomie traditionnelle sinscrivant par nature dans la comptition plutt que dans le partage. Or, comme le prcise Benot Sillard : Le partage est crateur de valeur [] mais lentreprise voit mal comment y retrouver son compte. Cest la raison pour laquelle son premier rflexe est dutiliser la proprit intellectuelle et industrielle. [] Pourtant sur nombre de secteurs innovants de rupture, la logique du partage diminue les cots et les risques1 .

    La mise en rseau des activits ainsi que lclatement des lieux gographiques, renforcent limportance des rencontres et le partage des connaissances lors de moments spciques (conventions, vido-confrences...). Selon Edward Malecki et Bruno Moriset, la culture du partage nen est encore qu ses dbuts dans lentreprise contemporaine : Si ces pratiques existent dans lespace priv, notamment chez les jeunes publics, les salaris ne dveloppent pas suffisamment ces pratiques dans leurs entreprises, et ce, pour des raisons de culture dentreprise2 . Le potentiel dintelligence collective des collaborateurs est gigantesque mais sa formalisation et son exploitation restent ce jour encore trs limites au sein de lentreprise.

    Pourtant, les bnces de la connectivit et du partage dinformation, en tant que principes de la culture numrique dans les organisations, sont extrmement divers.

    CHAPITRE II

    Lintelligence collective comme source de cration de valeur

    1 Sillard, Benot, (2011), Matres ou esclaves du numrique ?, Eyrolles, p.114.2 Malecki, Edward, Moriset, Bruno (2008), The Digital Economy: Business Organization, Production Processes, and Regional Developments, Routledge, pp.133-134.

    Jean-Marc LagoutteDSI - Danone

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    3 Brynjolfsson Erik, Saunders, Adam, (2010), Wired for Innovation, MIT Press.4 Chui, Michael & al., (2012), The social economy: Unlocking value and productivity through social technologies. McKinsey & Company.5 Sillard, Benot, (2011), ibid., p.103.

    Dans les travaux des chercheurs Erik Brynjolfsson et Adam Saunders3, louverture de laccs linformation est considre comme un des facteurs moteurs de lintensit IT des rmes amricaines. Cela a des impacts remarquables en termes de productivit et de cration de valeur sur les marchs. Cette pratique des technologies sociales encourageant le partage interne et externe de sources dinformations, aide les managers et les collaborateurs exercer leur mtier de faon plus productive.

    Un rapport du McKinsey Global Institute4, publi en juillet 2012, annonce que les deux tiers des opportunits de cration de valeur offertes par les technologies sociales rsident dans lamlioration des communications et de la collaboration au sein des entreprises et entre elles. Les auteurs estiment que les entreprises adoptant ces technologies organisationnelles pourraient accrotre la productivit des travailleurs du savoir de 20 25%. Cependant, la ralisation de tels gains nest possible qu condition de transformer profondment les pratiques de gestion, mais aussi les comportements dans les organisations.

    Les technologies sociales permettent aux entreprises de devenir pleinement des entreprises numriques, en rseau la fois sur le plan technique et sur le plan comportemental, ds lors quelles saccompagnent de changements organisationnels. Un des principaux challenges de lintelligence collective rside dans la mise en mouvement des collaborateurs pour leur donner envie de contribuer et de collaborer.

    Lintelligence collective, cratrice de valeur

    Dans un monde globalis, complexe et en perptuelle mutation, la rflexion en cercle ferm peut gnrer des insuffisances et des risques. La culture numrique favorise lagrgation dides et de points de vue. Elle favorise ainsi une forme dintelligence collective gnrant une agilit nouvelle, base sur la volont du plus grand nombre de contribuer linnovation et de crer le changement.

    Dans une organisation classique structure hirarchique forte, il ne va pas de soi de faire appel la crativit de la grande majorit des salaris. Dans une conomie de plus en plus base sur la connaissance, o linnovation est primordiale, cet enjeu devient pourtant crucial. Les managers doivent cultiver leur organisation, cest--dire encourager la mise en commun des intelligences et des ides cratives. Lintelligence collective reprsente bien plus que la somme des ides individuelles : En exprimant chacun un avis de manire indpendante, les individus construisent sans le savoir des significations, des recommandations, des rputations5 .

    La force de lintelligence collective est dtre une ressource transverse, instaurer dans certains projets au sein de lentreprise, comme mobiliser lextrieur, auprs des partenaires et clients. Aprs plusieurs dcennies de produits et services livrs en push aux consommateurs, lentreprise numrique met en place une culture du pull, de la capacit tirer des ides, exploiter la masse de perceptions des parties prenantes an damliorer ou de rinventer son offre.

    Une dynamique de bonnes pratiques

    Si la puissance cumule de lintelligence collective est indniable, encore faut-il la dployer en entreprise, en favorisant les savoirs et les usages adquats et en mettant en place les technologies associes. Lorganisation doit alors tre capable de canaliser et rcuprer les ides cratives ayant merg pour transformer ces ides en nouveaux produits, services, et mme processus. Cest aussi l un challenge fondamental de lintelligence collective.

    Jean-Marc ChiccoDSI - Lafarge

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    La fonction SI utilise et promeut lusage des plateformes de partage de connaissances, notamment en les mettant en place. Elle en assure la fluidit, la scurit et la abilit. Les collaborateurs emploient les outils facilitant le partage de connaissance. Mais il faut surtout mettre en uvre les bonnes pratiques permettant de construire une vritable dynamique dintelligence collective. En cela, la culture numrique est aussi une culture de vigilance et de sensibilisation de chacun aux risques, de responsabilisation des acteurs vis--vis de leurs contributions. Les collaborateurs savent quune dmarche dintelligence collective nest pas une mise en partage nave des sujets stratgiques de lentreprise dans un espace public.

    Pour autant, au sein de lentreprise, des comportements nouveaux, souvent loigns des valeurs traditionnelles de russite individuelle ou des modles de leadership, doivent sinstaller pour favoriser une dynamique dintelligence collective. La performance de lindividu est optimise ds lors quil nest plus isol, mais limportant nest pas pour chacun de faire valoir sa connaissance ou son ide.

    Cette dynamique est dautant plus entrainante quelle est pratique dans un esprit de russite commune plutt quindividuelle. Les managers eux-mmes ne doivent pas sexclure de cette dynamique collective. Leur leadership svalue aussi dans leur capacit crer une interdpendance des nergies autour des projets innovants de lentreprise et sy engager eux-mmes ! Leur propre implication dans la dmarche dintelligence collective contribue crdibiliser et lgitimer cette dernire, convaincre les collaborateurs quil se passe l quelque chose de nouveau et de porteur pour lentreprise. Cette stimulation doit galement faire lobjet dune reconnaissance du salari dans sa capacit jouer le jeu de lintelligence collective.

    De fait, lintelligence collective mobilise une signication du mot intelligence incluant la comprhension mutuelle. Cest en cela quelle relve aussi de la culture numrique. Elle suppose un changement de comportement : les collaborateurs et les managers doivent pouvoir partager linformation en bonne intelligence , au bnce de tous, conscients de la valeur ajoute que cette pratique peut gnrer.

    Il convient avant tout de souvrir lchange en interne et viter la rtention de linformation, de savoir crer et entretenir les interactions autour des outils de lintelligence collective : wikis, blogs, forums, remontes clients, rseau social dentreprise, veille. Il faut rester attentifs aux ides et aux signaux faibles apparaissant dans lentreprise et dans son environnement. Ces signaux sont diffrents des donnes et des mthodologies codies, auxquelles lentreprise fait habituellement conance (tudes, statistiques, enqutes internes, externes). Aujourdhui, les signaux faibles et les savoirs diffus ne comptent pas moins dans une apprhension ne de lenvironnement de lentreprise. Ils sont susceptibles dtre consolids par dautres constats, puis adapts pour tre enn transforms en avantages concurrentiels de lentreprise. Cest ce que permet lintelligence collective.

    Savoir impliquer et motiver

    La majeure partie de linformation, ncessaire pour grer un systme de valeur orient vers lextrieur, doit venir directement des participants et non tre une simple rsultante de leur interaction avec le systme. Cest pourquoi lentreprise doit fournir des motivations (diffrentes selon quil sagit de linterne, des partenaires ou des clients naux), tous les participants pour quils partagent linformation le plus ouvertement possible. Il faut ainsi encourager la fertilisation croise des ides via les communauts de pratiques, les espaces de travail collaboratif, les groupes projet, etc.

    Loin dtre un simple agrgat de perceptions anonymes externes et internes, lintelligence collective fait lobjet dune participation de tous les collaborateurs. Elle reprsente du temps, des moyens investis et du travail en plus. Ce nest en rien un modle de production gratuit au sein de lentreprise. Cest pourquoi il convient de respecter et reconnatre cet apport des participants.

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    6 Sillard, Benot, (2011), ibid.7 Dartiguepeyrou, Carine (sous la dir.), (2012), Cahier de prospective - Lentreprise ouverte : nouveaux modes dorganisation lre numrique, Fondation Tlcom, Institut Mines -Tlcom, p.17.

    Les mcanismes de motivation sont la prise en compte dans lvaluation de la performance, la rtribution nancire, la reconnaissance, la visibilit mais aussi le respect dun principe dimplication collective dans la prise de dcision.

    Indpendamment des questionnements soumis divers acteurs extrieurs dans une dmarche dintelligence collective, lentreprise doit tre capable dexploiter plus efficacement linformation disponible sur ses clients et partenaires, quelle que soit sa forme. Pour cela, elle engage des moyens nanciers et humains dans les projets de fertilisation croise. Des ressources, voire des processus, sont allous la capitalisation des connaissances et les managers encouragent et valorisent leur partage.

    Favoriser toutes les ides et les ides de tous

    Tous les collaborateurs, clients et partenaires, peuvent participer linnovation. Celle-ci va aujourdhui bien au-del du produit pour devenir innovation organisationnelle ou de processus, etc. Ainsi, les services Etudes ou de R&D ne sont plus les seuls lgitimes produire de nouvelles ides et/ou les formaliser.

    Lentreprise et le systme dinformation doivent permettre de coordonner les outils et les produits de lintelligence collective. Ds lors que le SI devient le support du rseau de valeur, il est au cur de linnovation ouverte, principe dchange permanent de connaissances entre une entreprise et son environnement.

    Au niveau du systme dinformation, ces constats entranent plusieurs implications :

    Tout dabord, en dbut de chane, il est important de susciter les apports et les ides dans un esprit de production commune. Ces nouveaux usages sinstallent progressivement. Une des missions de la fonction SI est de les accompagner, de fournir aux collaborateurs des outils pour les aider soumettre de nouvelles ides, mais aussi un systme permettant de centraliser toutes les ides mises, sans discrimination.

    En n de chane, lorsque les propositions de projets sont formalises, lenjeu principal est de les valuer. A ce stade, un systme daide la dcision pourrait aider slectionner les projets et grer le portefeuille.

    Linnovation nest pas que de la crativit, elle ncessite des processus pour aboutir. Une certaine formalisation peut savrer ncessaire pour encadrer la production de nouvelles ides. Celle-ci ne doit pas non plus tre excessive, faute de quoi elle risque de brider la crativit des collaborateurs et de lentreprise. Des systmes dots de fonctionnalits comme les folksonomies (taxonomies cres par les utilisateurs), les classements, les cartographies dides peuvent apporter des lments de rponse ces enjeux.

    Cependant, on observe que la culture numrique complte ces outils normatifs en instaurant un phnomne collectif de contrle de qualit . Contrairement une tendance rpandue consistant imposer des normes de contrle a priori, lvolution par slection naturelle est un contrle a posteriori ; lvolution culturelle et technologique procde de la mme manire. La culture numrique fonctionne sur le mme principe : lorsquune discussion souvre sur un rseau, elle cre un espace de comptition entre de bonnes et de mauvaises rponses6.

    De manire globale, louverture de lentreprise numrique nest pas calibre a priori et, comme le prcise clairement un cahier de la Fondation Tlcom sur lentreprise ouverte : On ne soriente donc plus uniquement vers une entreprise qui souvre lexterne, qui sait o aller chercher ce dont elle a besoin, mais galement qui sorganise pour capter de manire permanente le dehors, sans savoir court terme si elle en fera bon usage. Il y a donc un pari plus volontiers qui se fait sur le futur : Be there and see7 .

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    Pascal ViginierDSI - Groupe Orange

    Les entreprises anglo-saxonnes emploient lacronyme IKIWISI pour caractriser ce phnomne de sanction empirique, et a posteriori, de la slection dides (I Know It When I See It - Je le saurai quand je le verrai). Dans lentreprise numrique, on ne sait jamais lavance si une bonne ide donnera un rsultat satisfaisant ou si une ide a priori ngligeable dbouche sur une application protable : cest face au rsultat que lon prend conscience quune chose est russie ou non.

    A lre numrique, la capacit de lentreprise identier rapidement les tendances et les opportunits les plus favorables lvolution de ses propositions de valeur, est de plus en plus le fruit dun travail collectif. Le partage de connaissances et les communauts collaboratives participent de lintelligence collective : elles constituent une formidable ressource dinputs et dides disposition des grandes entreprises. Mobilisable en interne comme en externe, grce aux technologies de rseau, cette mulation autour des ides doit tre stimulante et pouvoir impliquer tous les collaborateurs. Les outils de la mobilit contribuent cette dynamique de partage et douverture : leur capacit dmultiplier en temps rel les inputs au sein de lentreprise et avec ses parties prenantes, permet doptimiser la performance et de crer de la valeur.

    Les risques et rsistances prendre en compte

    Lexploitation de ces technologies sociales ne va pas sans risque. Des abus existent, comme par exemple un temps excessif pass sur des sujets internes ou externes via les rseaux sociaux, ou lutilisation de mdias sociaux pour attaquer des collgues ou des managers. Dautres risques existent, lis limage de lentreprise, des violations de la vie prive des consommateurs, la fuite dinformations et au dveloppement de la cybercriminalit.

    Cela pourrait limiter la capacit dune entreprise dvelopper les connaissances les plus rvlatrices des consommateurs.

    Enn, la ncessit pour lentreprise de maintenir la scurit de ses donnes tend limiter la faon dont les technologies sociales peuvent tre appliques.

    En effet, lvolution vers une mentalit douverture ne va pas sans rsistance dans les grandes entreprises. La crainte reste grande de livrer les problmatiques internes dans lagora numrique. Cest l une des transformations les plus difficiles en termes de culture dentreprise.

    Lespace de travail numrique, en local et en rseau, modie profondment la culture de lentreprise, ses savoirs, ses modes dchange et de production de valeur. Louverture et le partage, lintelligence collective, doivent viter la dispersion et la confusion pour pouvoir se transformer en ressources protables pour lentreprise.

    Il faut galement sensibiliser aux risques des changes sur les rseaux. Sur les bases dune bonne vigilance numrique, installer dans les pratiques, les collaborateurs peuvent exprimer, capter et challenger de nombreuses ides pour amliorer la performance de lentreprise.

    Pour autant, il appartient aux grandes entreprises de mesurer les consquences de ces changements sur le long terme, et de savoir choisir et adapter ces propositions de valeur leur responsabilit sociale.

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    Partager la connaissance, cest aussi dcider du partage du pouvoir.

    Cela suppose des droits et des devoirs pour chacun des acteurs, et donc des pratiques rguler :

    Dans quel cadre rguler ces pratiques ? Que partage-t-on, avec quel dispositif, pour quelles nalits ?

    Comment donner sens au mot partage ds lors quil sexprime sous forme numrique ? Comment veiller ce que :

    - il ne se limite pas au seul change lectronique (au moins pour les salaris) ?

    - la convivialit demeure au centre de la relation ?

    Quelles sont les squences de mise en uvre du partage de la connaissance : entre salaris, entre fournisseurs, entre clients ? Le tout combin ? Faut-il encore que ce qui en dcoulera aboutisse sur des effets concrets ? Cela peut-il bousculer lordre tabli (par exemple, un test-and-learn sinscrivant dans une pense stratgique claire, mais contingente par le time-to-market, risque de bousculer les processus budgtaires en place) ? Pour quil y ait partage durable, il faut quil y ait transformation : comment, et avec quelles instances (scoring, structure de R&D) ?

    Questionner le numrique

    www.questionner-le-numerique.org

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    APPEL LACTION N 2

    Description

    Faire de limplication lamlioration des processus, des produits et/ou des services un critre dvaluation de lapport du salari au dveloppement de lentreprise.

    Dcloisonner les changes, constituer des rseaux, partager linformation et la connaissance. Lobjectif est de rechercher les contributions de faon transversale, lintrieur de lentreprise et dans son cosystme.

    Cette dmarche associe tout le management et, en particulier, la DRH.

    Lintelligence collaborative seffectue au service du mtier de lentreprise via les outils collaboratifs, en lien avec la structure Digital Agency, notamment.

    Lencouragement de nouvelles pratiques collaboratives passe par une reconnaissance forte de tels comportements, travers la dnition des critres dapprciation et dvaluation des contributions personnelles et collectives.

    Points dattention sur la communication

    La dmarche doit tre prsente par le PDG.

    An de valoriser et dencourager ces nouvelles pratiques, une communication est assure sur les bnces obtenus pour lentreprise.

    Faire de lintelligence collaborative une dimension effective du mtier de chaque collaborateur

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    Tlcharger le chapitre 2

    Faire de lintelligence collaborative une dimension effective du mtier

    de chaque collaborateur

    Les retombes de la connaissance et la culture du partage

    Lintelligence collective, cratrice de valeur

    Une dynamique de bonnes pratiques

    Savoir impliquer et motiver

    Favoriser toutes les ides et les ides de tous

    Les risques et rsistances prendre en compte

    Format PDF

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    Lappropriation par lentreprise du dveloppement durable

    La vitesse est une composante majeure du monde numrique. La contraction du temps, lie au dveloppement du numrique, est dsormais associe lurgence cologique. Les entreprises ont pleinement conscience que

    les modles dactivits hrits du XXme sicle gnrent des impacts sur lenvironnement. Le Pacte cologique de 2007 a permis de dpolitiser le sujet du dveloppement durable et de faciliter la mobilisation des entreprises et acteurs conomiques dans le sens de la responsabilit sociale et environnementale.

    La Commission europenne dnit la responsabilit socitale (ou sociale) des entreprises (RSE) comme : lintgration volontaire des proccupations sociales et cologiques des entreprises leurs activits commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes1 .

    La RSE apparat comme la manire dont lentreprise sapproprie le dveloppement durable.

    La faon dont elle met en uvre des principes de responsabilit, compatibles la fois avec ses objectifs de comptitivit et avec sa volont de penser son activit dans le temps long, dans le respect des collaborateurs, des citoyens et de lenvironnement. Dans ce sens, pour tre partage tous les niveaux de lentreprise, une dmarche de RSE doit tre porteuse de sens et de valeurs. Pour Thomas W. Malone, dans The future of work2, une entreprise apte susciter la loyaut et lengagement de ses salaris, de ses clients et de ses autres partenaires, doit faire appel non seulement des aspects conomiques, mais aussi des valeurs humaines. Et ces dernires jouent de fait un rle important dans la vie conomique au sein de la collectivit comme de lentreprise.

    Lentreprise doit embarquer les collaborateurs, partenaires et clients dans une dmarche globale, collective et surtout porteuse de sens. La RSE dpend dun vouloir collectif assorti dactes, et lentreprise gagne aller au-del du discours de bonne conscience, tel quon peut lentendre parfois, pour mettre en uvre des initiatives et apporter des preuves en matire de performance durable.

    CHAPITRE III

    Une culture au service dun dessein responsable

    1 Commission Europenne, (2001), Livre vert : promouvoir un cadre europen pour la responsabilit sociale des entreprises, p. 7.2 Malone, Thomas W., (2004), The Future of Work - How the new order of business will shape your organization, your management style and your life, Harvard Business School Press, p. 170

    Georges EpinetteDG-STIME DOSI du Groupement des Mousquetaires

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    La solidarit, la conance partage et le vouloir collectif sont des composantes importantes du travailler-ensemble. Elles caractrisent ltat desprit dune entreprise qui se voit, non pas comme une slection exclusive dindividus privilgis par leurs comptences, mais comme un groupe ouvert et inclusif, dans lequel toutes les formes de diversit sont des sources supplmentaires de performance et dinnovation.

    A cet gard, Gilles Babinet signale que les personnes issues de la diversit sont fortement reprsentes dans les entreprises numriques : Les start-up et entreprises de linternet tant en effet lun des rares endroits o elles ne connaissent aucune discrimination, leurs diffrences tant souvent perues comme des avantages ()3 .

    Comme le montrent les travaux de John Florida, la qualit de vie locale et environnementale est un critre dattractivit des villes et des rgions pour attirer les jeunes talents.

    De mme, le savoir-vivre et travailler ensemble dans les meilleures conditions est une composante la fois de la rputation et de la performance dune entreprise. Celle-ci repose en grande partie sur la cohsion et lentente des quipes : Lentreprise ouverte ne rpond pas aux mmes critres de performance que lentreprise de lexcellence des annes 80. Elle met plus laccent sur les capacits de transversalit, de collaboration, dcoute, dempathie et daltruisme, pour ne citer que celles-l. Lexprience du groupe Orange cherchant prendre en compte dans ses KPIs (Key Performance Indicators) des dimensions plus altruistes, est en cela intressante4 .

    La RSE nest pas spcique au numrique, de mme que le numrique nest pas rductible la RSE. Toutefois, il nous semble important de nous interroger sur ce que le numrique apporte la RSE. Notre conviction, au-del des promesses de performance conomique est que le numrique doit sinscrire dans une perspective durable. Lobjectif est de promouvoir une culture numrique sinscrivant pleinement dans la responsabilit socitale de lentreprise.

    Des technologies socialement et conomiquement mancipatrices

    A lintersection des sciences sociales, des dmarches humanitaires et de lingnierie, apparaissent de nouveaux programmes visant lmancipation par la technologie (Liberation Technology). Lobjectif est de favoriser les usages pouvant tre faits de la technologie pour dfendre les droits et les peuples, autonomiser les populations fragilises, promouvoir le dveloppement conomique. Brigitte Ades et David Lacombled illustrent cette dmarche : Une nouvelle efficacit numrique a t teste pour Hati, lors du sisme de 2010 qui a dclench un lan de solidarit remarquable de par le monde. Grce aux tlphones portables, un service Text Hati a t mis en place permettant la collecte de dons et la coordination des organisations dassistance aux victimes, par tlphonie5 .

    Les rseaux sociaux et la circulation immdiate de linformation ont t des facteurs de ralliement et de mobilisation collective, essentiels dans la puissance du printemps arabe en 2010. Dans un autre ordre dides, la participation bnvole de milliers de contributeurs au projet Wikipedia, illustre le mme phnomne. La culture numrique sinscrit dans un mouvement collectif et solidaire, susceptible, ici, de favoriser la consolidation des aspirations dun peuple, l, de crer une formidable mine de connaissances en ligne. Cest ce que les auteurs Nicolas Colin et Henri Verdier appelleraient la puissance de la multitude6. Les grandes entreprises peuvent sinspirer des programmes de Liberation Technology, pour leurs propres actions dans le domaine du dveloppement durable. Elles peuvent aussi imaginer comment ces fonctionnalits, faisant appel de nouvelles pratiques de solidarit, sinscriront dans leur culture numrique dentreprise.

    3 Babinet, Gilles, (2011), Notre pays a tout pour devenir un grand de linternet in Le Cercle Les Echos, tribune parue le 4 avril 2011.4 Dartiguepeyrou, Carine (sous la dir.), (2012), ibid., p. 23.5 En 2012, Soyez cyberphilanthropes !, La villa numeris. 6 Colin, Nicolas, Verdier, Henri, (2012), Lge de la multitude. Entreprendre et gouverner aprs la rvolution numrique, Armand Colin.

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    LIT au cur des initiatives de dveloppement durable

    Linstantanit et limmdiatet lies aux ressources numriques noccultent pas les actions de lentreprise long terme. Cette dernire sappuie sur les opportunits offertes par le numrique sans pour autant ignorer les effets ngatifs de ses activits. Des outils de diagnostic sont dsormais disponibles. Ils permettent, par exemple, de mesurer limpact environnemental de certaines activits. Celles de lIT sont connues comme polluantes, mais les acteurs sont aussi fournisseurs de solutions. Au niveau de lIT, le dveloppement durable prend la forme dune dmarche de gestion de projets dans une stratgie globale. Aujourdhui, les grandes entreprises mettent en place et suivent des actions trs signicatives en la matire :

    Virtualisation des serveurs et consolidation des datacenters : avec un ROI long mais trs signicatif. Il existe une relle motivation conomique et nancire traiter ce point,

    Optimisation de la gestion des consommables : rduction des consommations de papier avec la suppression des imprimantes individuelles et la mise en place de centres de reprographie par exemple,

    Amlioration de laccessibilit numrique des documents et des sites web pour les personnes handicapes,

    Organisation du recyclage des terminaux mobiles,

    De nombreuses administrations de lEtat, ainsi que les collectivits locales, sont longtemps restes dans une logique de traitement analogique des informations. Elles nont pas toujours pris la pleine mesure des bnces la fois humains et environnementaux dune performance des services numriques dans leurs interactions avec les citoyens. Economies de temps, de papier, de travail, solution rapide des dmarches administratives, tous ces gains constituent une formidable cration de valeur en matire de responsabilit sociale et environnementale, que la culture numrique partage appelle de ses vux.

    Le rapport de lInstitut Montaigne, sur Le d numrique , rappelle que : Certaines dmarches, par exemple avec une Caisse dAllocation Familiale, ncessitent encore des correspondances sur papier, et le paiement des prestations implique dans certaines villes de nombreux virements. Lutilisation de la signature lectronique reste encore marginale, la protection des donnes personnelles par un coffre-fort numrique doit encore progresser et lorganisation dune plateforme de paiement en ligne universelle et commode est toujours ltude7 .

    Ce constat doit toutefois tre nuanc avec la prise de conscience de limportance du numrique dans laction publique. Le Secrtariat gnral la modernisation de laction publique, auquel est rattache la mission Etalab, mne une politique douverture en ligne des donnes publiques (Open Data), ainsi que ltablissement de la feuille de route pour acclrer la transition numrique au sein de ladministration8 .

    La fonction SI est partie prenante de la plupart de ces initiatives de responsabilit sociale et environnementale passant par des ressources numriques (rduction de la fracture numrique, dveloppement de laccessibilit numrique, accs aux connaissances, neutralit, ).

    Philippe CourqueuxDirecteur des Systmes dInformation et de la logistique - Cora

    7 Volle, Michel (sous la dir.), (2011), Le dfi numrique - Comment renforcer la comptitivit de la France, Institut Montaigne, pp.28-29.8 Babinet, Gilles, (avec la participation de Frdric Crplet), (2013), Pour un New Deal numrique, Institut Montaigne, p. 2 3.

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    Au-del des outils et des processus, cest bien dans une nouvelle culture et vers de nouvelles pratiques responsables, que lentreprise doit voluer durablement.

    Un des enjeux majeurs des grandes entreprises rside aussi dans leur capacit rpondre aux attentes de la jeune gnration ayant une forte apptence pour le dveloppement durable au sens large, mais aussi pour faire voluer les habitudes de consommation des autres gnrations prsentes dans lentreprise. Il faut donc accompagner le changement, duquer, faire voluer les pratiques, repenser lorganisation du travail.

    Le travail distance, une modalit structurelle de lentreprise en rseau

    Dans ce contexte, le travail distance pourrait constituer une des actions possibles mettant en jeu numrique et dveloppement durable. Le travail distance permettrait lentreprise doptimiser la capacit de production des collaborateurs en acceptant quils ralisent tout ou partie de leur activit domicile. Cette orientation nest pas neutre, elle reflte lvolution de lorganisation du travail et de la mentalit du management, longtemps bases sur une volont de