l'I.T.P.E.A. - epsilon.insee.fr · - La programmation linéaire, outil d'investigation en railieu...
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;.1.1.1.iISTE2.1, DE LA CJ3PLI:MIOT,; INSEE
DDÉ Département de la Coopération Administrative Service de Coopération
SOMMAIRE
N° 23 - JUIN 1980
Page
- Editorial 3
- Les stages dans la formation un exemple :
l'I.T.P.E.A. (Alger) 6
- Un raodele sectoriel agricole 53
- La programmation linéaire, outil d'investigation
en railieu rural africain 82
- La diffusion des données 91
- Aéthodologie de la mesure des migrations, commentaires
sur la reunion du groupe d'experts tenue à Londres 99
- L'alimentation mondiale : l'échec des solutions
productivistes 109
STATLCO : Bulletin de liaison non officiel des Statisticiens et
Economistes exerçant leur activité en Africue.
Directeur de la Publication : Yves FRANCEET
Secrétariat de la rédaction : INSEE - Service de Coopération
!Ladaue DONJOUU 18, Boulevard Adolphe Pinard
75675 PARIS Cedex 14
Tirage : 1.0-0 exemplaires.
ÉDITORIAL
Yves FRANCHET
'Il y a peu d'unité dans ce nouveau numéro de
STATECO. La diversité des six articles qui le composent est au con-
traire une illustration de la variété des préoccupations des statis-
ticiens économistes.
L'article de Roland l‘enAST et Han1id CHETTI est une réflexion
très riche sur l'expérience des stages à l'IXPEA (1) d'Alger, expérien-
ce vecue pendant plusieurs années. Les questions qu'il pose sont bien
connues de ceux qui ont la responsabilité de former des statisticiens
praticiens : pourquoi des stages, quel rôle leur donner, cannent assurer
leur utilité. Les solutions adoptées à l'f2PEA sont à maints égards en avance sur ce qui se fait dans d'autres instituts de formation.
L'économiste tunisien Boubaker THABET nous présente ensuite
un modéle linéaire d'optimisation utilisé pour évaluer les politiques
de prix, d'emploi, d'investissement et de crédit dans l'agriculture tu-
nisienne. Cet article sera suivi dans le prochain numéro de STATECO par
une présentation des principaux résultats obtenus en utilisant ce modèle.
L'article de J.11. BOUSSARD et de J. BOURLIAUD présente aussi une méthode quantitative d'analyse du milieu rural, la programmation
linéaire. Il montre en particulier comment cette technique est utilisa-
ble pour modéliser un comportement des agriculteurs souvent qualifié
"d'irrationnel" et qui apparalt proche de l'optimal lorsqu'on tient
compte du nombre suffisant de contraintes. De nombreux travaux faits
par ailleurs, par exemple ceux de THENEVIN sur la Haute Volta, sont une
confirmation de cette approche intéressante.
(1) Institut des Techniques de Planification et d'Econanie Appliquée.
4
Dans un tout autre domaine, J. rUMER a résumé pour STATECO
son intervention au Centre de Munich Juillet 78 sur la diffusion des
travaux statistiques. Il est souvent reproché au statisticien de ne
pas donner à cet aspect de son travail une importance suffisante alors
que, en fin de compte, il en conditionne souvent l'utilisation. MEYER
présente brièvement les problèmes liés à la définition d'un programme
de diffusion, à l'organisation des services de diffusion, à l'apprécia-
tion des services rendus.
Un colloque sur la mesure des migrations s'est tenu à Londres
en Septembre 1979, et R. CLAIRIN commente les discussions qui s'y sont
tenues.
Enfin, ce numéro se termine par une "bonne famille" extraite
des dossiers de la Fondation Internationale pour un autre développement
(FIAD). Beaucoup d'entre vous connaissent ces dossiers où s'expriment,
souvent d'une façon très radicale, des éconamistes cherchant un autre
développement pour le Monde où nous vivons. Face au pessimisme et à
l'absence d'imagination du discours des instances officielles sur le
développement, les opinions exprimées dans ces cahiers sont parfois
enrichissantes. Nous avons choisi aujourd'hui de présenter l'article
récent de J. CHONCHOL qui préconise le développement de politiques
d'autosuffisance alimentaire.
J'ai récemment demandé au Camité de Rédaction de STATECO
de me décharger de mes fonctions de rédacteur en chef, et Jean HOSSENLOPP
a bien voulu accepter de me remplacer dans cette fonction à partir du
n° 24.
Dans le prunier numéro où j'ai exercé cette fonction
(n° 7, Avril 1976), Michel GAUD avait ainsi défini les objectifs à
atteindre : "être un lien, faire part des travaux des uns et des autres,
de leurs réflexions et de leurs projets, être un instrument méthodolo-
-
gigue et technique".
Une partie de ces objectifs me semble avoir été atteints.
La grande diversité des articles de STATECO, traduit en partie le
champ trés ouvert des préoccupations des statisticiens économistes ;
l'aspect méthodologique de ces articles est souvent prépondérant, et
en particulier STATECO a joué et joue encore un rôle dans la diffusion
des travaux du groupe de recherche AMIRA, les rédacteurs sont pour
l'essentiel des praticiens qui font part de leurs réflexions et de leur
expérience.
Deux regrets, cependant : STATECO n'est pas un instrument
d'échanges, au moins directement. Au cours de ces quatre années, la
rédaction n'a pour ainsi dire jamais reçu de réaction d'un lecteur à
un article publié. De plus, la participation des statisticiens et
économistes du Tiers Monde à la rédaction d'articles est restée trop
faible.
Je souhaite que dans l'avenir ces dimensions encore absentes
puissent se développer.
LES STAGES DANS LA FORMATION UN EXEMPLE : L'I.T.P.E.A. Mine
par : R. TATAAST (1) H. CHETTI (2)
1. L'Institut et les stages
L'Institut des Techniques de Planification et d'Econamie Appli-
quée (I.T.P.E.A.) (3), sous tutelle du Ministère du Plan, a pour mission
de former statisticiens et planificateurs pour le secteur public Algérien.
Le recrutement s'effectue au niveau du baccalauréat, sur concours. Les
pranotions sont, à l'entrée, d'un peu plus d'une centaine d'étudiants.
L'enseignement est à forte base d'économie et de mathématiques + statis-
tiques ; sur option, à partir de la 3° année, c'est l'une de ces deux dis-
ciplines qui est renforcée, et devient dominante. L'Institut délivre, au
terme de quatre ans d'études, le diplâme d'ingénieur statisticien ou d'ana-
lysté de l'économie (suivant option, le partage étant à peu près égal dans
chaque pranotion). Les diplâmés, qui ont tous bénéficié d'un présalaire
pendant leurs études, sont engagés à servir l'Etat pour dix ans, fonctionna-
risés et affectés par le Plan - en priorité à ses besoins.
L'Institut a été créé pour former ce qu'on appellerait, ailleurs,
des "ingénieurs des-travaux" (mais pranis à beaucoup d'initiative). Il était
nécessaire d'étoffer les services centraux, de prendre en charge des ser-
vices régionaux de planification ; d'autres ministères et l'industrie na-
tionale - où les anciens élèves peuvent être détachés, par dispositions
particulières - manquaient aussi d'économistes et de statisticiens. L'abon-
dance et la nature du besoin ont donc orienté la visée de l'enseignement :
FORMER DES PRATICIENS, OUI SOIENT DE VRAIS GENERALISTES.
(1) Maître de recherches ORS TOM. Enseignant - chercheur à
(2) Responsable des stages à
(3) I.T.P.E-A. 11, Chemin Doudou Mokhtar - Ben Aknoun - ALGER - ALGERIE
7
Les diplômés peuvent être rapidement chargés de responsabilités,
dans des domaines changeants ; et l'on ne doit pas compter que les services
d'accueil soient déjà si fort organisés, structurés, étoffés, qu'ils assu-
rent automatiquement l'encadrement détaillé des nouveaux arrivants. Ceux-
ci doivent savoir promptement prendre une vue d'ensemble, pour développer
- parfois créer - opportunément un système d'informations.
Aussi s'est-on gardé, à l'Institut, de trop pousser les spéciali-
sations. Le cursus prévoit trois sortes d'activités :
. des cours (initiation critique à l'économie, à ses concepts,
puis application à des domaines précis, de planification ; initiation à
la statistique, à sa démarche, à la théorie et aux techniques ; compléments
d'analyse spatiale, de graphique, de langues...)
. des travaux dirigés (vérifiant, au rythme de l'apprentissage
en cours, l'assimilation des principaux instruments enseignés)
. des smnrs enfin, et c'est l'originalité de l'Ecole, disposant
d'un important crédit horaire.
A ces stages, le décret instituant l'I.T.P.E.A. prévoit de consa-
crer, durant les trois premières années du cursus, trois onzièmes (3/11) du
temps de formation. La quatrième année est en outre, pour plus de moitié,
une mise en situation pré-professionnelle, sous double encadrement de l'Ins-
titut et du Ministère du Plan ; elle s'apparente ainsi aux stages, et les
travaux d'étudiants de 4° et 3° années se sont plusieurs fois articulés. Un
budget permet de règler, aux étudiants et enseignants, indemnités journa-
lières et frais de déplacement sur terrain.
QUE FAIRE de si larges possibilités de stage ? Passé le temps des
séductions superficielles, il est besoin, sur ce sujet, de se faire doctri-
ne. Nous préciserons (§ 2) celle adoptée par l'Institut, et la formule des
stages, qui en a découlé (§ 3). Ce n'est pas une réponse figée (rien ne
l'est, à l'I.T.P.E.A.) ; mais qui résulte de la correction d'erreurs et
tentations antérieures (bien répandues en la matière : § 4) ; elle continue
d'être remaniée en détails, et critiquée sur le fonds (§ 5). Reste crue for-
te d'une longue expérience, et soutenue par l'institution, l'organisation
des stages à l'I.T.P.E-A., suivant une formule relativement stable et con-
sidérée satisfaisante, de 1975 à 1979, nous parait l'une des plus intéres-
santes existant.
2. Les principes
Que faire des stages ? Parce qu'on ne le sait trop, on tend sou-
vent à s'en dessaisir aussitôt.
2.1. Le premier principe est, au contraire, aue les
stages sont PARTIE INTEGRANTE de la formation. Il n'est donc pas
question d'en remettre la conduite à d'autres que les formateurs -
et notannent aux seules structures d'accueil.
Positivement, ce principe entraîne que les enseignants
encadrent les stages (de la préparation à l'exploitation, terrain
campris) : c'est leur service dû, pendant lequel ils sont déchar-
gés de cours. Les stages sont pensés pour l'ensemble d'une promo-
tion, organisés canine un travail collectif ; ils sont axés en
auelques domaines choisis de recherche, accumulant ainsi des ré-
sultats dont bénéficie l'Institut.
A contrario, il n'est donc pas question d'affecter les
étudiants un par un, à des tâches hétéroclites, suivant les sim-
ples commodités d'accueil (1). Le principe exclut les stages
''Ide contact", "d'imprégnation", "d'entreprise', "de mise en
poste", où les étudiants sont confiés seuls, (souvent en ∎ tenps restreint), à des structures professionnelles. Il exclut inverse-
ment les simples "visites de chantier", où les étudiants en masse
envahissent un domaine agricole, une usine, un service adminis-
tratif, dont le cours normal est détourné. Enfin, le principe
interdit de confondre avec les stages, les conférences (que peu-
(1) qu'elles résultent de l'entregent de quelques encadreurs, ou de l'ini-
tiative d'une cellule -de placement" dans l'Institut.
vent délivrer, à l'Institut, des professionnels de l'extérieur),
et les 'voyages d'étude' (qu'on devrait plutôt tenir pour des
travaux dirigés hors les murs : cf. 4).
2.2. Le deuxième principe est eue les stages sont
PA2TIE SPEC]TIÇUE du cursus. Ils ne doivent pas être redondants
avec cours et T.D. Autrement dit : existe-t-il un bénéfice
rédagogiaue propre aux stages ? Et lequel ? L'I.T.P.E.A. choisit
la réponse suivante :
Positivement, le bénéfice attentu se résume ainsi :
LES STAGES SONT LE T.u.U)S DE LA FORMATION METEODOLOGICUE.
Ils sont notament
. l'occasion de montrer la nécessité (et la difficulté)
de construire les faits, l'objet, le problème à traiter (1)
. l'occasion de mettre en oeuvre, hors d'exercices de
circonstance, des concepts et des techniques appris, comme outils
de choix pour l'analyse d'une situation concrète
. l'occasion de mettre à l'épreuve les éléments de
théorie et les techniques enseignés ; d'en mesurer le champ et
les limites d'application ; de libèrer l'imagination, l'invention
conceptuelle et technique appelée par l'observation des faits,(2)
(1) Double illusion à dissiper : celle de la préexistence des faits, de
l'objet, du problème à traiter 'dans la réalité" (i.e. tels que les "donne"
le sens commun) ; celle de leur préexistence dans une connaissance supérieu-
re (donnée au/par le professeur). Enseignants et stagiaires devront être
simultanément et visiblement mis devant la nécessité préalable d'identifier
le problème à traiter, de le construire, de bâtir une "problématique'.
(2) C'est aussi l'occasion, pour l'Institut, d'apprécier l'adéquation de
ses programmes, pour les modifier si besoin.
- 10 -
. enfin le moment de repèrer les obstacles à la con-
naissance, produits non seulement par des lacunes conceptuelles
au techniques, mais par les prénotions, préconceptions, préjugés,
par les contraintes institutionnelles et les fonctions sociales
occupées, par les difficultés de l'auto-analyse : on s'y sensi-
bilisera à la fécondité, sur ces points, de l'auto-critiaue
exercée au sein d'une "communauté scientifique".
La poursuite de ces objectifs suggère qu'encadreurs
et stagiaires soient ensemble affrontés à la réalisation d'une
étude - qui ne concerne pas un sujet "d'école", mais un thème
d'intérêt et d'actualité pour le pays : débats et travaux en
cours porteront à la recherche de résultats "professionnels", et
non scolaires.
A contrario, si l'objectif principal est la formation
méthodologique, il suit que :
. l'illustration des cours est un objectif secondaire
. la pratique technique est un objectif secondaire.
Cela signifie qu'aucun de ces objectifs ne suffit à jus-
tifier le choix d'un thème, ni à guider l'exploitation (ou l'éva-
luation) du stage. Cela signifie que ces deux objectifs devront
être poursuivis par des moyens propres (T.D, études de cas...),
mais que les stages n'en sont pas la voie spécifique. Cela veut
dire enfin aue les thèmes, et le calendrier des stages ne sont
pas déterminés par le programe, son contenu et son déroulement :
ils se conforment à leur logique propre, celle de la "recherche",
de son objet, de ses opérations et de ses rythmes. Cette dissocia-
tion importe d'autant plus, clue le rôle des encadreurs-enseignants
est fort.
2.3. Principe de terrain
C'est en accordant large place aux TRAVAUX DE TERRAIN
cu'on cherchera à corriger certaines déformations liées à l'en-
seignement dans les murs. Il s'agit de :
. ne pas étouffer l'intérêt des étudiants pour l'ana-
lyse des réalités ;
. développer leur souci de ne pas s'isoler, par les
études, du monde du travail ;
. substituer à l'autorité magistrale d'école, une
stimulation encadreurs/stagiaires ;
. manifester et déployer les compétences étudiantes
(et pas seulement la maîtrise de connaissances générales).
Le terrain confronte à l'imprévu :
- il fournit le matériau susceptible de porter au-
delà d'analyses d'école ;
- il fait céder la compétence instituée, à la critique
mutuelle affrontant des expériences variées ;
- il nécessite la familiarité avec les acteurs sociaux,
la saisie et l'acceptation de leur logique ; il fait sortir de
soi, heurte les préjugés, requiert de grandes qualités de con-
tact ;
- il porte à mesurer l'erreur d'observation, les condi-
tions d'application des divers instruments ; il souligne l'impor-
tance de chaque tâche de la recherche, et l'aberration de leur
hiérarchisation bureaucratique, dans le métier de statisticien.
Chaque stage s'attachera donc, pour une part essentielle
et dès les premières années, à la collecte de données originales
SUR TERRAIN : matériaux de première main, qu'analyseront ceux mêmes
qui les ont rassemblés. Lieux et thèmes seront variés, dans le
cursus de chaque étudiant.
3. La formule des stages
Nous examinerons maintenant le dispositif de stages (quels lieux,
- 12 -
et quel calendrier, combien de thèmes et lesquels ?), puis cuelcues condi-
tions essentielles à la réussite (participation étudiante, liée à la ques-
tion délicate de l'évaluation ; participation enseignante ; rôle d'un
bureau des stages...).
3.1. Combien de THE'ES de stage, par année ?
Chaque étudiant dispose de 2 mois de stages par an.
La tentation est forte, de fragmenter ce temps en périodes mul-
tiples et courtes, correspondant à ce que chacun considère comme
une expérience-clé : la reconnaissance de la diversité régiona-
le, la familiarité avec divers agents de l'économie (l'entrepri-
se, la banque, le Plan...) ; la connaissance des expériences de
transformation sociale en cours (Révolution Agraire, Gestion
Socialiste des Entreprises...) ; la manipulation de telle pré-
cieuse méthode (l'analyse de données...) ; l'appropriation de
divers champs d'étude (industrialisation, scolarisation...)...
Mais nul ne s'entendra sur les points de passage vraiment obligés :
chacun a ses critères, qu'on peut multiplier ; subrepticement,
ils ramènent au découpage des matières scolaires. A vouloir
"passer partout", pour observer brièvement des points fixés d'a-
vance, on manque la proportion et le rapport des choses, leur
place, en situation concrète. On morcelle aussi la recherche,
on masque la plupart des pièges de méthode ; ceux-ci s'attachent
à chaque étape d'une étude entière , et à leur enchaînement.
L'I.T.P.E.A. choisit donc le dispositif suivant :
. Plutôt eue de se voir proposer l'approche (superfi-
cielle) de multiples objets, les étudiants ont chaque
année, par petits groupes (de 4 ou 5 membres) à cons-
truire une étude entière, de la problèmatique aux
conclusions : y compris prise de connaissance du do-
maine, choix de variables, formulation d'hypothèses,
choix des instruments d'investigation, programme et
réalisation d'enquêtes, diagnostic et propositions
- 13 -
d'action. En préparation, en cours d'étude, en exploi-
tation, sous encadrement permanent, ils analysent
leur pratique, repèrent et corrigent les erreurs de
méthode.
Les étudiants travaillent donc en petits groupes (dits
groupes de stage). Et l'unicité de thème est imposée, pour
l'année, à chacun de ces groupes. Mais l'Institut limite en outre,
le nombre de thèmes abordés, par les groupes de stage dans chaque
promotion : en 1° année le thème est unique, en 2° année on dis-
pose de 1 à 3 thèmes, en 3° année de 5 thèmes. Pourquoi ?
. des raisons pédagogiques militent en ce sens : l'ef-
ficacité de l'encadrement demande que les enseignants n'aient
pas à se disperser sur trop de domaines divers (qu'il leur faut
travailler à connaître) ; on souhaite en outre que tout "thème"
soit encadré par des enseignants de disciplines diverses (au moins
2 par conséquent : les collectifs d'année comprenant 10 enseignants 10 permanents, on ne peut dépasser -2--= 5 thèmes) ;
. mais il est d'autres raisons, plus décisives car
méthodologiques. Il s'agit :
- d'éviter la parcellisation du travail confié aux étu-
diants ;
- d'éviter la superficialité des enquêtes, faute de
forces suffisantes engagées.
En effet, plus les thèmes se multiplient, moins de grou-
pes étudiants se consacrent à chacun d'eux. A la limite, chaque
groupe investit dans un champ différent, sur un "sujet" sans
rapport avec aucun autre. On n'échappe alors pas à l'un des deux
inconvénients :
- ou le champ proposé est cohérent, entier, complexe
(ex. : "politique de lutte contre la malnutrition"). riais tout
le temps se passe, pour les quelques étudiants engagés, à le
714-
mesurer théoriquement ; à faire de vastes projets d'enquête
frustrants parce qu'irréalisables ; pour finalement se rabattre
sur un exposé de généralités, un programme de "ce qu'il y aurait
à chercher", sans résultats nouveaux, enquêtes ni démonstrations
faites.
- ou bien la question traitée est neuve, mais très limi-
tée, partie d'un champ qui n'a pas été jalonné par les étudiants
mêmes ; le travail apporte des résultats intéressants, à des
responsables qui l'ont commandité ; mais ce n'est pour les étu-
diants que l'élément d'un puzzle, dont la vision d'ensemble reste
dérobée, dont la place n'est pas saisie - dans le mouvement d'une
réflexion globale.
Pour échapper à ce dilemme, quand la complexité de la
question ou l'ampleur de la source traitée le réclament, il faut
pouvoir faire converger des forces nambreuses, et mettre leurs
résultats à disposition commune. C'est ce que vise la limitation
des thèmes.
Le "THEME" désigne un champ d'étude, non un sujet étroit
(Ainsi : les réactions à la scolarisation, le développement rural
en steppe, l'industrialisation de 2° ceinture et ses effets dans
l'arrière-pays...). Le thème est un domaine focal d'interventions,
à l'intérieur duouel, pour accélérer et approfondir la recherche,
peut s'organiser soit la division des tâches entre groupes étu-
diants, soit leur coopération. Sur plusieurs années, des résul-
tats s'accumulent, une problèmatique s'approfondit à l'Institut,
raccourcissant le chemin à parcourir par de nouveaux groupes pour
aboutir à des synthèses, ou de nouveaux résultats. Par exemple :
sur le thème annuel "efficience du système sanitaire", vingt
étudiants ont collaboré en 1978 à l'élaboration d'une problèmati-
que - se partageant, et donc multipliant, les travaux bibliogra-
phiques et les contacts extérieurs nécessaires. Après trois mois,
l'unité de perspective étant construite, un groupe (de 5 étudiants)
- 15 -
s'est consacré à l'analyse institutionnelle du fonctionnement
d'un secteur public hospitalier, un autre à l'analyse de la
filière médicaments ; tandis que deux s'associaient pour dé-
pouiller une source d'intérêt (hors de portée d'aucun étudiant
ou petit groupe isolé) : un échantillon représentatif d'un an
de dossiers proposés au remboursement de la Sécurité Sociale.
Les résultats ainsi construits ont donné lieu à un colloque avec
le Ministère de la Santé, et servi à soutenir, l'année suivante,
d'autres travaux sur le même thème. De façon générale :
. Le nombre des thèmes proposés aux étudiants d'une
même année est limité (de 1 à 5). Sur un thème donné,
l'activité des groupes de stage engagés est coordonnée
au sein d'un grand groupe, dit "groupe de thème".
Celui-ci sert notamment de cadre à la préparation, à
l'établissement d'une problèmatique, puis à des ren-
contres periodiaues de mise au point, de synthèse
partielle, au moment de l'exploitation. Un même "thème",
ou champ d'étude, est généralement conservé 3 ou 4
ans par : expérience des encadreurs, et
résultats s'y accumulent, au bénéfice de l'Institut,
de sa notoriété, et de la Qualité des travaux que pro-
duiront de nouveaux groupes de stage, intervenant ul-
térieurement sur le thème.
La constance du thème favorise les négociations avec les
structures d'accueil : celles sollicitées sont averties d'emblée
du domaine étudié (et des lignes de recherche précédemment sui-
vies). Un descriptif prévisionnel de travaux leur est proposé.
Avec celles intéressées s'engage une négociation, portant sur
les parties du champ que, par convention, les partenaires préfè-
rent approfondir cette année là. Dans ce cadre, une large gentille
de sujets reste à choisir, pour analyse détaillée, par l'Institut
et ses étudiants. L'Institut conserve ainsi un fort degré de
liberté, permettant aux voeux et au tempérament des étudiants,
ainsi qu'aux réquisits pédagogiaues (adaptant le sujet aux acquis
- 16 -
théoriques et pratiques) de se réaliser. On a déjà cité 4 sujets
articulés autour de "l'efficience du sytème sanitaire" : mais
d'autres avaient précédé 1 an plus tôt (analyse des prescriptions
dans une consultation de secteur public ; fonctionnement campa-
ré de plusieurs secteurs sanitaires) et d'autres ont suivi
(analyse des "urgences" traitées en hôpital ; efficience d'un
programme de Protection Maternelle et Infantile ; étude des non
recours à l'appareil médical ; esquisse de comptes nationaux de
santé) : la variété est considérable, mais les résultats s'appuient
mutuellement, dans une cohérence de perspective. Dans le cas cité,
on approfondissait chaque année les questions : qu'est-ce qu'un
système de santé ? Comment en représenter le fonctionnement ?
qu'est-ce que l'efficience ? et comment planifier en ce domaine ?...)
Chaque étudiant, pour sa part, change de thème chaque
année. Un thème est en effet généralement réservé aux étudiants
d'un niveau donné (1°, 2°, ou 3° année) : parce que son degré
de complexité correspond mieux aux connaissances acquises à ce
stade ; parce qu'il entraîne à certaines qualités de méthode,
qu'on souhaite développer à ce niveau ; mais aussi pour éviter un
penchant à la spécialisation, pour développer la polyvalence. La
reprise d'un même thème par un étudiant (ou un groupe) n'est ac-
ceptée que si elle est recommandable en méthode (par exemple :
analyse des transformations d'une commune - déjà étudiée en 1°
année - sous l'effet de la Révolution Agraire...).
Pour l'Institut par contre, la constance en quelques
thèmes présente de nombreux avantages : Nous avons dit déjà
qu'elle assurait une accumulation de résultats, et d'expérience
de l'encadrement, profitables à la formation ultérieure. Elle
entraîne aussi à des exigences plus élevées, dans leur travail,
les étudiants comme les enseignants. A terme, une confrontation
est inéluctable avec les professionnels, puis avec la "communau-
té scientifique" (par le biais de publications et colloques).
Or, celle-ci est seule à même d'exercer, sans complaisance et
sans acrimonie (c'est sa vocation) un contrôle méthodologique,
condition de la vigilance et sanction des insuffisances - gui
- 17 -
assure objectivité à l'évaluation de la réussite pédagogique.
Il n'est plus question de se réfèrer à une échelle de valeurs
purement interne, mais de disposer d'une norme de qualité, éta-
blie de l'extérieur, oui situera au moins la valeur des travaux
les meilleurs. On peut ancrer, de là, une évaluation réaliste
des autres "mémoires", par comparaison.
3.2. Lieux et calendrier des stages
L'exigence : traiter, de façon opératoire, une question
d'éconamie aui exige l'enauête, conduit à adopter, Four chaque
groupe étudiant un seul et même terrain dans l'année. L'Institut
n'a ras vocation aux enquêtes statistioues nationales, et fait
élection d'enquêtes socio-éconamiques de base. En ce damaine,
l'unicité du lieu de travail conditionne le sérieux des analyses.
La simple pénétration du milieu (pour y obtenir l'agrément des
enauêtés, même superficiel) nécessite une dizaine de jours. L'é-
chantillon constant est ici préférable à l'échantillon tournant,
car il diminue l'erreur d'observation (bien au-delà de ce qu'on
peut perdre en précision).
Bien sûr, cette intervention durable au même lieu est
une contrainte plus lourde pour les structures d'accueil. Si elle
a pu se réaliser jusqu'aujourd'hui, on le doit tout d'abord à
la très remarquable volonté des responsables, administratifs ou
techniciens, et des gens eux-mêmes (qui estiment à honneur êt
devoir de recevoir les étudiants en formation dans le pays). On
le doit encore à l'organisation du bureau des stages ; enfin, à
la qualité des travaux étudiants, qui est l'un des meilleurs ar-
guments dans les "prospections" ultérieures.
Le calendrier des stages devrait être lié aux rythmes
m'impose chaque recherche. Mais l'institution, enseignante, est
obligée d'en fixer les temps, en tenant campte d'autres contrain-
tes : administratives (la régie doit être prévenue des départs
sur terrain, 2 mois par avance), d'hébergement (les structures
- lb -
d'accueil, ayant donné leur accord pour certaines dates, ne sau-
raient les modifier au dernier moment), pédagogiques enfin (les
stages ne doivent pas intervenir trop tôt, avant que soient ac-
quises des connaissances suffisantes ; ils ne doivent pas hacher
l'enseignement d'un module ; et toute une pranotion doit cesser
et reprendre les cours ensemble). Le calendrier des stages, prévu
dès le début d'année (Septembre), devient impossible à changer
quand la prospection des structures d'accueil est lancée : en
Décembre au plus tard. Cela ne manque pas de provoquer des ten-
sions, à l'approche des dates définitives de stage (cours en
retard, régie imprévoyante, quelques accueils encore incertains...).
Mais les véritables affrontements se jouent dès Septembre, quand
on arrête la progranaation de principe. Aux exigences propres des
stages s'opposent la commodité administrative, ou les "priorités"
enseignantes. Le désir de s'assurer avant tout de l'achèvement
du programme (cours et T.D.) induit pour telle ou telle pranotion
à prôner le report, en fin d'année, de tout le temps de stage ;
ou à l'amputer d'un temps rendu à l'enseignement dans les murs.
Deux fois seulement ces suggestions ont été retenues, vérifiant
aux résultats les protestations élevées par le bureau des stages :
dans un cas, huit jours de terrain (au lieu de 20) n'ont apporté
que des résultats superficiels et des informations sans lien ;
dans l'autre, un stage unique en fin d'année est apparu trop long :
par lassitude, moins d'informations ont été réunies sur sa fin ;
et l'omission de la précieuse réflexion, entre deux terrains sur
le matériau recueilli, n'a pas permis d'apPrcevoir à temps inco-
hérences et lacunes.
. la disposition la plus satisfaisante est semble-t-il
celle de deux (ou 3) stages de terrain, chacun de deux
à trois semaines. Le premier trimestre est consacré
à une solide préparation de l'étude ( ,prograniuée pour
les étudiants demi journée par semaine - une journée
pleine en 3° année) ; le hireau des stages assure,
pendant ce temps, la prospection des lieux d'accueil.
Le premier stage intervient en début de 2° trimestre ;
- 19 -
et le second trois mois plus tard aux mêmes lieux.
Cette dissociation est doublement importante :
. elle limite la durée de chaque "terrain" à la période
où il est possible de maintenir une grande tension, une intense
activité - dans des conditions de vie souvent inconfortables ;
. elle laisse entre deux les informateurs "se reposer",
mieux accepter l'enquête, oublier leurs défenses ;
. méthodologiquement, elle permet de prendre recul vis-
à-vis du matériau d'abord collecté : d'en repèrer les manques et
les inconsistances - et de prévoir des compléments de terrain ;
de revenir, au vu des résultats, sur les hypothèses initiales ;
d'en corriger les présupposés, de préciser de nouvelles questions
pertinentes, de rectifier le programme et le matériel d'enquête :
démarche essentielle du perfectionnement méthodologique, exigeant
le va-et-vient, réitéré de la problématique au terrain.
Pour conclure sur le DISPOSITIF, adoptons ce bref
résumé :
. Le principe est de CONCENTRER les forces : de concen-
trer les étudiants, travaillant en groupes, par pério-
des bloquées, en un petit nombre de lieux, sur un
petit nanbre de thèmes ;
. C'est ce qui permet :
- d'accumuler, pour les enseignants, de l'ex-
périence et des connaissances particulières, servant
l'encadrement ;
- d'accumuler, pour l'Institut, des résultats
et des travaux de qualité, dans un domaine précis, ser-
vant sa notoriété ;
- d'assurer, pour les étudiants, un enseigne-
ment de méthode, à l'occasion de recherches véritables
et non d'exercices scolaires.
-20--
3.3. Le choix des thèmes
Le thème désigne à la fois :
. un objet (concret) d'analyse : l'appareil de scola-
risation, une commune rurale, une opérations industrielle ;
. une question d'actualité, se rapportant à la trans-
formation de cette réalité (transformation de fait ou transfor-
mation voulue, toujours envisagée sous l'angle des chemins pos-
sibles) : instauration de la médecine gratuite, révolution
agraire, décentralisation industrielle, maîtrise de l'exode rural...
L'explicite mention de ce contexte doit servir à orienter la
collecte de données, et la problématique de planification, mon-
trant que celle-ci se pose toujours les questions que permet, et
suscite, la conjoncture, théorique et sociale.
Le choix de thème s'inscrit dans une progression, en
fonction des prodeauttes et des acquis étudiants, de la 1° à la
4° année. On distingue donc :
. des thèmes de 1° cycle (1° et 2° années) entraînant
particulièrement à la conquête des faits (sur les préjugés, les
préconstructions...), à la précision de l'observation, au choix
et à la critique des instruments d'investigation, au souci_de
vérification expérimentale.
. des thèmes de 2° cycle (3° et 4° années) entraînant
à la construction automne d'une problèrnatique, à la formulation
d'hypothèses et au choix de variables, à la formulation de dia-
gnostics rigoureux et de propositions réalistes d'action. A
titre indicatif, un choix de thèmes retenus de 1975 à 1978 pour
diverses années est le suivant :
. en 1° année : monographies, en vue de la planification, de
communes rurales
- montagnardes, bénéficiant de "procircuutes spéciaux"
- ou steppiques, durant la 3° phase de Révolution
-21 -
Agraire.
en 2° année : construction "d'indicateurs sociaux" (i.e. analy-
se du mouvement spontané, et des réactions à plu-
sieurs de ses correctifs, en matière de scolari-
sation, population, santé, ou habitat) = effets
de l'industrialisation de deuxième ceinture sur
l'arrière-pays (études de cas). 0 - . en 3° année : médecine gratuite et planification de l'appareil
sanitaire ;
= bilan économique et social d'actions de déve-
loppement agricole (grande et petite hydraulique ;
périmètres d'aménagement ou Révolution Agraire...)
= planification d'une branche industrielle (= le
textile) ; planification de l'enseignement supé-
rieur etc...
. en 4° année : Sujets très divers, fixés souvent par les structu-
res d'accueil (Ministère du Plan, Wilayate...)
Le choix d'un thème résulte de propositions et de dis-
cussions émanant du collectif enseignant, du bureau des stages,
de la sous-direction des études, et d'étudiants, réunis hebdama-
dairement dès le début de l'année pour examiner minutieusement :
- l'intérêt et l'actualité de la question suggérée, du
point de vue du pays, des gens de métier, scientifiques et pro-
fessionnels), de la tutelle (Plan).
- son inscription dans un domaine où l'Institut a déjà
cumulé expérience et résultats.
- sa faisabilité (matérielle, du point de vue des
savoirs nécessaires et de l'accessibilité de l'information).
- son articulation aux programmes.
Toute suggestion doit s'appuyer d'un justificatif, sur
ces quatre plans. La majorité des thèmes concerne un domaine connu
déjà de l'Institut. Mais il faUt chaque année innover, pour pré-
parer l'avenir = ouvrir de nouveaux champs, précèder l'actualité.
-22-
Quelques stages exploratoires, faisant l'objet d'une préparation
particulière, servent à mesurer l'espace de travaux futurs.
Il s'agit en tous cas de conduire les participants,
presque certainement, sur le chemin d'une recherche qui produira
des resultats originaux, d'intérêt pour les professionnels eux-
mêmes - scientifiques ou praticiens.
La réussite en ces travaux requiert des participants -
des étudiants en premier lieu - un investissement considérable =
beaucoup de travail, et l'acceptation de contraintes (inconfort
du terrain, sollicitation de la critique, vigilance constante à
l'égard de soi-même...). L'entreprise implique en outre certain
renversement des habitudes scolaires : la démarche n'est pas
d'exposé, mais à l'inverse, de recherche ; l'objectif n'est pas
l'assimilation de connaissances, mais leur mise à l'épreuve ;
les qualités de "compétence culturelle" ne sont plus suffisantes ;
l'enjeu proposé dépasse la note = c'est l'atteinte d'une qualité
scientifique, susceptible d'être confrontée aux normes de la pro-
fession et aux sanctions de la pratique.
Pour que les étudiants acceptent de s'y donner, il faut
qu'ils n'en soient pas pénalisés (pour "négligence de leurs
études"), ou déçus (par la sanction d'une note ramenant à des
critères scolaires). Voilà qui pose un double et crucial problème : - celui de l'évaluation
- et celui de la participation étudiante.
3.4. L'évaluation = travail en groupe et note collective
Les stages comptent lourdement dans la notation annuelle
des étudiants : 1/4 en principe, c'est-à-dire autant que chaque
discipline "principale" (économie, ou mathématiques + statistiques).
Mais, à la différence de l'évaluation dans les disciplines ensei-
gnées, leur notation est collective, et peu sélective. Il en résulte
- 23 -
de réguliers conflits : certains enseignants, ou responsables
des études, réclament soit l'élimination ou la diminution de
la part de la note de stage dans l'évaluation finale, soit la
notation (ou du moins sa modulation) individuelle. Je ne suis
pas d'Ir qu'il y ait de "bonne" solution à ce conflit. Mais voici
quelques considérations personnelles.
Un principe est en jeu : celui de la notation collective
(même note à tous les membres d'un grouse de stage). Sa suppres-
sion endammagerait gravement le dispositif des stages. La nota-
tion collective s'associe en effet indissolublement au travail
de groupe.
Nous avons déjà dit que ce travail est indispensable
pour concentrer les forces. Le recours à des "sujets" individuels
exclurait le traitement de auestions canplexes, de matériaux éten-
dus, réduisant les travaux à la campilation, à la superficialité,
au pointilliste de résultats minuscules et sans lien. L'actuelle
possibilité d'organiser en outre la coopération et la division des
tâches entre groupes de stage, disparaitrait pratiquement : avec
elle, tous les avantages d'un "thème" unique, de la non parcelli-
sation des tâches, d'une pratique de recherche et de l'enseigne-
ment de méthode associé.
Le travail de groupe a une justification de plus. Il
révèle des qualités, qui ne sont celles d'aucun des membres mais
de la caffibinaison qu'ils ont su_créer ; ainsi que des qualités
"personnelles", qui ne se réalisent qu'en groupe : capacités de
collaboration, d'animation, d'initiative ; habilité, pour aména-
ger les relations avec les collègues et entre collègues...
D'autres qualités ne peuvent s'imputer qu'au groupe : capacité
d'organisation, de coopération et division du travail, de distri-
bution des tâches aux compétences de chacun ; cohésion, courage
pour assumer les actes du groupe, capacité collective de réponse
aux difficultés rencontrées (en cours d'enquête, ou... face à
l'évaluation) ; stimulation interne, acceptation de la critique
-24-
mutuelle : tout groupe développe une pédagogie mutuelle, souvent
efficace, ouvrant les uns aux qualités de terrain, d'autres à
des connaissances jusqu'alors négligées faute d'en _Wir l'usage.
Le travail de groupe est enfin l'indispensable auxiliai-
re d'un enseignement de méthode. Il entraîne à la mise en cammun
des données ; au traitement polémique de leurs divergences, à
leur acceptation came base de nouvelles hypothèses ; à la criti-
que mutuelle, reçue et sollicitée carme en une "ccmnunauté scien-
tifique". Le groupe affronte, en les multipliant, non seulement
les préconceptions de tous, qu'il débusque et révèle, mais la
diversité des points de vue et pratiques d'enquêtes, dont il mon-
tre l'enracinement dans les positions institutionnelles et l'ex-
périence sociale propre à chacun. Il empêche de réduire le mCmde
à la rationalisation d'une expérience personnelle, érigée en
universel (1). Il valorise la réciprocité de perspectives. Il
contraint à la meilleure connaissance de soi, des obstacles que
chacun, personnellement, oppose inconsciemment à la construction
de la connaissance.
La notation s'appauvrirait, en manquant d'exprimer le
camportement du groupe ; et si elle anettait de valoriser la pé-
dagogie mutuelle, le travail de méthode qui s'y opèrent. Faute
d'enjeu, ces pratiques disparaitraient : la discipline de la
critique mutuelle deviendrait non plus souhaitable mais insuppor-
table, et chacun tenterait de se mettre en valeur sur "son" sujet,
par des procédés étroitement scolaires.
La notation individuelle est en outre moins assurée que
celle des groupes. Un professeur encadre vingt étudiants ; se con-
sacrant à chacun personnellement, il ne lui accordera que 2 ou 3
(1) Biais de ncmhreux savants, travaillant isolés ! le travail
de groupe fait connaître la recherche came pratique sociale.
séances de travail en =mois ; sans plus faire lui-même de
terrain (pour corriger ses propres biais), il ne connaîtra
ainsi que des manents épars (et peut-être non significatifs)
de la recherche, des états successifs de l'enquête, et rien de
sa démarche (des blocages et de leur raison)(1). Un tel dispo-
sitif rend malaisée l'appréciation, et porte au conformisme :
le résultat à produire doit s'accorder à l'idée que se fait le
professeur, de la question à poser et de sa solution.
Mieux vaut partiellement délèguer au groupe la fonction
de contrôler ses membres. Ce relais étant trouvé, multiplie les
possibilités d'intervention du professeur. Présent (5 fois plus)
à chaque équipe, il connait mieux leurs membres et leur apport
personnel ; mais aussi les qualités du groupe, invisibles de loin,
essentielles aux résultats = variété d'approches, invention tech-
nique, à propos dans les réactions de terrain ; pédagogie mutuel-
le (2).
Pour résumer :
. Amputant la formation méthodologique, entravant le
déploiement de qualités utiles en profession, abais-
sant la qualité des travaux, appauvrissant l'évalua-
tion, et la rendant plus incertaine, la notation
individuelle est incompatible avec le travail en grou-
pe, et le dispositif de stages ITPEA.
(1) Difficultés tendanciellement rencontrées, pour évaluer les
travaux de 4° année = ceux-ci portant sur des thèmes fort divers,
s'effectuent en tous petits groupes (binômes ou trinômes), ou
individuellement. Les divergences d'appréciation entre membres du
jury - malgrè une grille d'évaluation détaillée, et le suivi (loin-
tain) des travaux par les jurés, sont plus ardentes et fréquentes
qu'en d'autres années.
(2) C'est au groupe qu'il revient alors partiellement de s'apprécier. ;
et certains critères d'évaluation traduisent exclusivement une per-
formance de groupe.
-26-
Mais la notation collective n'est-elle pas injuste ?
Ne fait-elle pas excessivement régresser au classement de "bons
élèves" aux connaissances avérées ? Ne permet-elle pas, inverse-
ment, à de "mauvais élèves", habilement infiltrés dans des grou-
pes efficaces, de passer même en année supérieure, quand ils
n'y pourront suivre ?
Fort heureusement, 11 1TPEA n'établit pas de classement
(ou ne lui affecte pas d'enjeu). Seul le second cas peut faire
litige. Pratiquenent, la question s'est très rarement posée.
C'est que l'insuffisance d'un seul membre handicape
le groupe. Dans la tension du stage, il n'est guère tolérable
de supporter d'incapables ou d'oisifs.
- Soit le groupe éclate = c'est la pire des issues,
redoutée de tous les étudiants : repartant sur un nouveau terrain,
un nouveau sujet, en tous cas diminuée en m'ambre et capacité de
travail, chaque moitié de groupe ne peut plus espérer de résul-
tat que médiocre (et le plus souvent mauvais).
- Soit le groupe marginalise qui s'est désengagé. L'en-
cadreur en est vite averti. Si la mise à l'écart produit l'inac-
tivité irréductible, délibérée du membre éloigné - malgrè tous
efforts de pédagogie mutuelle - après mises en demeure, et sur
accord du groupe, la NOTE SERA MODULÉE INDIVEDŒLLEMMT. Ces deux
situations se présentent chaque année, en quelques cas.
- Mais le plus souvent, un groupe affronté à ces diffi-
cultés les assume. Beaucoup d'ingéniosité se déploie, pour tirer
le meilleur parti des qualités de chacun ; beaucoup de temps s'em-
ploie, pour mettre les autres "à niveau" ; le groupe, retardé,
y perd ; mais il témoigne aussi d'une précieuse qualité, qui vaut
d'être notée = celle de savoir travailler dans un environnement
de campétences diverses (et parfois insuffisantes).
En tous cas, si les excellents résultats en stage d'un
-27-
groupe ne traduisent pas, chez tous ses membres, des connaissan-
ces très bonnes (mais au moins suffisantes), un groupe de trop
inégale composition n'atteint par contre que des résultats moyens :
insuffisants, pour faire échapper au redoublement l'un de ses mem-
bres, qui en serait menacé.
Pour en finir avec ces réflexions sur l'évaluation, je
dirais que - classement ou pas - je tiens que les stages ont la
place d'une matière principale, que la notation doit en être
maintenue, l'évaluation étant collective, et multi-dimensionnelle.
Les stages "matière principale" ? Oui, si l'on admet
pour essentiels ces objectifs = cultiver le goût pour l'analyse
des réalités,
= éditer la coupure, par les études,
avec le monde du travail,
= déployer toutes les qualités per-
sonnelles, utiles en profession (et non seulement la maîtrise
des connaissances générales),
= enfin si l'on reconnaît que l'en-
trainement,à1a méthode est autre chose, aussi important que l'ac-
quisition de connaissances conceptuelles et techniques : reste
en effet à savoir opportunément s'en servir, et à connaître les
obstacles, y compris personnels, qui s'opposent à chaque pas à
la construction scientifique de la connaissance.
La notation est à maintenir, parce que, dans un contex-
te scolaire soumis à l'hégémonie de la note, je craindrais que
sa suppression n'entraîne la désaffection d'une part significa-
tive d'étudiants et d'enseignants. Pourrait-on proposer d'autres
enjeus ? S'agissant des publications, ou communications des meil-
leurs travaux en séminaires et colloques, il n'y aurait là que
de quoi faire concourir une élite, dont les stages deviendraient
l'apanage exclusif (devenant quasi facultatifs) = ce serait per-
dre la formation méthodologique et professionnelle pour tous,
-28-
en même temps que la puissance de recherche qu'elle représente
pour l'Institut : et le foisonnement de justes remarques, des
résultats fins, épars dans une multiplicité de 'rapports" et
"mémoires".
L'évaluation a besoin d'être collective, pour les
raisons déjà indiquées.
L'évaluation sera aussi multi-dimensionnelle : c'est la
question des grilles d'évaluation.
3.5. Grilles d'évaluation et formation des jurys
Pour chaque niveau d'études, une grille d'évaluation est
minutieusement établie par le collectif enseignant, selon une tren-
taine de dimensions.
En toutes années, l'évaluation portera sur l'intensité
de l'activité déployée au long du stage, et sur l'habileté du
groupe au travail collectif.
Les exigences scientifiques varient selon les niveaux.
- en 1° année, on demande aux étudiants, non tant de cons-
truire une problématique complexe, mais de montrer de la curiosi-
té, de s'exercer aux qualités de l'observation, du terrain, de
l'interprétation (y campris en prêtant toute attention aux résul-
tats surprenants) : c'est sur ces aptitudes, et sur la présenta-
tion des données (statistique descriptimaeartographie) que porte
l'essentiel de la note.
- en 2° année, ces mêmes qualités sont réexaminées ;
mais on demande aussi un premier effort autonane, pour caractéri-
ser le champ d'études et formuler le probléme traité ; plus d'in-
vention, pour construire les faits non patents, importants ; un
-29-
traitement plus imaginatif et sophistiqué des données (1).
- en 3° annee, les oualités de terrain, l'exactitude
des données, la richesse du matériau sont des exigences : leur
défaut déclasserait le groupe (il diminuerait d'un à deux ni-
veaux sa note globale). Cette note prend en compte de nouvelles
qualites : la justesse problématique (mesure du domaine d'étude,
situation et formulation du problème traité dans son sein) ; la
pertinence du choix de variables, des hypothèses posées ; le
respect des données et leur fine interprétation ; la rigueur
de la démonstration et l'agrément de la présentation....
Chaque année, ces grilles sont plus ou moins modifiées ;
et leur progression est adaptée à chaque promotion, sur quatre
ans.
. La constante en est la variété des critères, et la minutie
de leur établissement. La multiplicité des qualités considérées
explique d'ailleurs le caractère, relativement peu sélectif, des
notes attribuées. Chacun et chaque groupe, à condition de s'être
engagé dans le stage, en a manifesté certain nombre ; si les très
bonnes notes sont rares (supposant la réussite dans une combinai-
son de dimensions), les très mauvaises le sont plus encore (tra-
duisant un désintérêt du stage).
Par qui sont délivrées les notes ? Essentiellement par
un jury complexe = composé d'au moins deux professeurs (3 en 3°
année), ce jury est pluridisciplinaire ; il compte un encadreur
du groupe, et un non encadreur (néanmoins au fait du thème traité).
(1) Par exemple, une étude sur la scolarisation ne se contentera
plus de taux en indiquant le niveau et l'évolution (par sexe, CSP,
ou milieu d'habitat). Mais on comparera ces évolutions, et notam-
ment les inflexions des courbes de scolarisation, en les rapportant
à l'équipement et au dispositif pédagogique disponibles, aux attentes
parentales, à des caractéristiques socio-économiques et historiques,
pour dégager des zones ou catégories sociales homogènes - dans leur
rapport à l'école, à l'éducation.
-30-
On cherche à corriger ainsi des biais tendanciels :
- la surestimation par un professeur de la matière
qu'il enseigne
- la surestimation par l'encadreur de ses observations
faites sur le groupe à l'occasion principalement du terrain (ou
de la preparation du rapport)
- la surestimation par le non encadreur des seules
qualités visibles du produit fini
- l'engagement trop fort (favorable ou défavorable)
que certain encadreur ou professeur peut avoir vis-à-vis de
tel ou tel groupe (ou d'un de ses membres).
Les étudiants peuvent pour leur part récuser l'un des
mandores du jury, ou demander l'élargissement du jury à un pro-
fesseur tiers de leur choix (au fait de la question étudiée). En
3° année, partie de la notation a pu être élaborée avec les étu-
diants = le "groupe de thème`" apprécie (contradictoirement avec
les encadreurs) la contribution de chaque "groupe de stage" à la
problematique d'ensemble, l'opportunité de son sujet, et l'apport
résultant pour la synthèse.
Les soutenances de mémoires et rapports sont, enfin,
toujours publiques. Lorsqu'elles sont achevées, le collectif en-
seignant de l'année se réunit, et prend connaissance des travaux
réputés extrêmes (les "meilleurs" et les "moins bons", chaque
professeur ayant en outre participé à cinq jurys au moins, et
donc évalué un éventail des rapports présentés). Le collectif
réduit alors les conflits d'appréciation qui ont pu surgir au
sein de certains jurys ; il procède à l'harmonisation des échelles
de notation de différents jurys. La référence aux grilles d'éva-
luation est ici un guide précieux, qui a toujours permis, après
discussions parfois laborieuses, un consensus du collectif. Les
notes sont alors prioclanées : tout groupe en peut faire appel,
un nouveau jury etant constitué. Mais les surprises sont assez
rares, pour que cette contestation soit peu fréquente. A ma con-
-31 -
naissance, les notes primitives n'en ont pas été modifiées (mais
peut-être mieux expliquées, et le débat s'est clos).
3.6. La participation étudiante
Ce titre recouvre au moins 3 questions :
exposé),
cherche ,
- l'existence d'un système loyal d'évaluation (déjà
- la maîtrise étudiante d'un processus complet de re-
- l'adhésion étudiante au travail proposé.
LA MAITRISE ETUDIANTE D'UN PROCESSUS COMPLET DE RECHERCHE
repose sur trois dispositions :
. La pièce maîtresse est l'inscription à l'emploi du
temps étudiant, continûment pendant l'année, d'une
demi-journée hebdamadaire, encadrée, de PREPARATION-
EXPLOITATION DU STAGE. C'est ce temps qui permet,
avant le premier stage d'en construire la problémati-
que ; entre deux stages de procéder à la revision cri
tique du matériau collecté, de réfléchir à ses manques,
à ses contradictions, de revenir sur les hypothèses,
de bâtir un nouveau plan d'enquête. La continuité
permet de garder le travail en tête, favorise sa matu-
ration. Après le dernier stage, reste un temps d'ex-
ploitation, biome cette fois en quinze jours : des
rédactions successives permettent de perfectionner
l'interprétation, le raisonnement, le rapport final.
. Le deuxième dispositif est celui du TRAVAIL DE GROUPE :
c'est lui qui autorise le traitement de questions can-
plexes et de sources amples, évitant de se cantonner
aux campilations, ou aux travaux de détail, qui seraient
- 32 -
le lot d'étudiants isolés.
. Le troisième principe est celui des THEMES sur les-
quels se concentre l'analyse. En un long travail de
préparation, les étudiants cammencent, en "groupe de
thème", à mesurer le danaine à s'approprier. L'abord
en est facilité par la familiarité des encadreurs avec
la question ; par l'accumulation à l'Institut de ré-
flexions et de résultats la concernant ; par un réseau
constitué de relations extérieures utiles à son sujet.
La division du travail et la mise en commun au sein
du groupe sont possibles. Il est ainsi loisible, en 2
à 3 mois, de prendre connaissance du plein champ du
danaine étudié ; d'y situer la place de sujets qui
seront plus tard choisis pour approfondissement ; de
préciser l'intérêt - la valeur et les limites - des
enquêtes qui seront entreprises ; la portée des ré-
sultats recherchés. Le travail ultérieur est ainsi re-
placé dans une vue d'ensemble ; les considérations qui
le justifient ne demeurent pas elliptiques ; elles peu-
vent être à tous moments reparcourues par les étudiants.
-En 3° année, cette première phase de préparation s'achève
par la rédaction d'un document provisoire, qui légitime le choix
(et la formulation) d'un sujet au sein d'une problèmatiaue plus
large. Même en 1° année, où l'on n'exige pas de problèmatique en
forme, ce même cadrage général occupe les deux premiers mois de
préparation (cf. plan des préparations étudiantes à la "monogra-
phie" cammunale en steppe).
C'est donc un principe, et les moyens en sont pris, de
ménager à tous les étudiants le temps (et de leur faire obliga-
tion), avant de partir sur le terrain, de savoir qu'y chercher
et pourquoi ; de préciser leurs objectifs et de justifier leurs
catégories d'analyse, par référence à un danaine large ; de
- 33 -
procéder ensuite, à toutes les opérations d'une recherche ample,
non parcellisée, dont ils ont à connaître et maîtriser chaque
étape.
L'INVESTISSEMENT ETUDIANT DANS LES STAGES ainsi conçus
est considérable. A preuve, l'immense travail qu'ils y consa-
crent :
. l'intensité de l'activité de terrain est considérable.
On s'en fait quelque idée à parcourir les 100 000 pages de rapports
et mémoires actuellement existants, et la richesse du matériau
qu'ils contiennent (pourtant sélectionné dans une documentation
brute 2 ou 3 fois plus développée). On l'imagine, .à considérer le
descriptif des travaux requis d'étudiants de 1° année en leur pre-
mier stage : les dossiers prévus ont toujours été cons-
ciencieusamant remplis, et le programite de loin débordé au cas
général.
. la qualité des travaux de 3° année témoigne dans le
même sens : plusieurs ont alimenté colloques et publications, nour-
rissant d'intéressants débats avec les spécialistes de la discipli-
ne (cf. par exemple travaux cités sur "l'efficience du système de
santé", 1978, publiés in "Revue de l'INSP"). •
. mais aussi tous les étudiants, quel que soit leur
niveau, demeurent fiers de leurs travaux : à juste titre, car
ils condensent d'intéressants résultats, et une somme de travail,
d'expériences, qui laissent les plus grands souvenirs. Week-ends
et jours fériés, le temps libre, passent, en cours d'année à ren-
contrer des responsables, des spécialistes, à parachever la col-
lecte ; et, en fin d'année, à traiter dans la fièvre les derniers
matériaux, à mettre en forme et confectionner avec soin les rap-
ports et mémoires. Les 'meilleurs" rapports sont connus des étu-
diants, et circulent activement. Les soutenances sont suivies.
Les étudiants de 3° et 4° année, qui ont obtenu de ronéoter leurs
memoires, ne se quittent pas en fin d'année, sans s'être constitué,
-34-
par échanges, une bibliothèque de travaux ; fournissant eux-
mêmes le papier, tapant les stencils, les groupes désireraient
augmenter le tirage au-delà des dix exemplaires qui leur sont
accordés, pour conserver des documents dont faire état dans leur
vie professionnelle proche. Séminaires et colloques suscitent
une fièvre plus intense encore, dans les groupes préparant com-
munication, et ne manquent pas de déplacer les étudiants - de
tous niveaux.
Mais en stage, il se passe bien autres choses encore.
Les stages sont réputés l'occasion d'une expérience so-
ciale. Ils le sont doublement :
= principalement, d'abord, parce qu'ils obligent à par-
tager la vie et se mettre à l'écoute de milieux différents, avec
sympathie et sans préjugés ; et non à l'occasion d'un bref passa-
ge, laissant des impressions vives sans lien ; mais longuement,
de façon méditée, pour les besoins d'une étude construite.
= ensuite parce que le groupe de stage lui-même joue le
rôle d'un révélateur = celui de la personnalité, et des préven-
tions sociales de chacun, se confrontant, se heurtant, et se pu-
rifiant comme en un sociodrame. Le terrain est le lieu privilégié,
où faire "retraite", pour détruire les stéréotypes sociaux, pour
remettre en place les idées - mais aussi les comportements, entre
garçons et filles, membres de groupes sociaux ou de pays (1) dif-
férents. Le constant exercice de la critique, le brassage d'idées,
dans la tension du stage et l'intensité de la communauté que forme
le groupe, s'y prêtent : le bénéfice n'en est pas seulement métho-
dologique, mais reconstruit les personnes. Les étudiants ont sou-
(1) admet environ 10 % d'étrangers.
-35-
vent recherche cette occasion, en formant leur groupe (1) ; ils
en conservent de profonds souvenirs.
Cette libération potentielle, du rôle étudiant, et des
rôles tenus dans la communauté étudiante, des parti-pris théori-
ques et techniques, assure bonne part de l'intérêt des stages.
3.7. Les enseignants en stage
La réussite des stages repose pour l'essentiel sur l'en-
cadrement enseignant. Celui-ci nécessite que les professeurs ac-
ceptent bien des gênes ; matérielles d'abord : le suivi sur le
terrain demande quelque ascèse ; intellectuelles ensuite : la
conduite d'une recherche oblige à sortir de sa spécialité, et
changer sa dëmarche ; celle, familière, de l'exposé n'a plus
cours ; inconfort professionnel encore : le professeur, par ses
études, est mal préparé aux enquêtes, et peu familier du terrain ;
le savoir qu'il enseigne se trouvera mis à l'épreuve, et lui-même
en situation de révéler publiquement des ignorances, des erreurs,
des prejugés : son rôle est de reconnaître méprises et surprises,
les siennes les premières ; et de faire exemple de sa manière de
les reconnaître, de les analyser, pour les rectifier ; le profes-
seur sera confronté, enfin, à d'autres "autorités" : les profes-
sionnels hôtes (qui ont leur propre analyse des situations étu-
diées), la communauté scientifique, tranchant sur la valeur de la
(1) Les groupes de stage se forment par choix mutuel, en début d'an-
née (et se refont chaque année). Il n'est évidemment pas ques-
tion d'affecter autoritairenent ensemble des gens qui ne s'en-
tendraient pas, pour concourir à une oeuvre commune ! La com-
position des groupes est passionnante à suivre (les étudiants
ont 1 mois pour y procéder) ; certains semblent constitués
par la curiosité d'une confrontation, recherchée, entre per-
sonnalités fortes traditionnellement privées de relations : le
choix mutuel des 4 leaders d'une promotion n'a pas donné le
meilleur résultat d'étude, mais de très fructueux et profonds
échanges - au fond aussi importants -
_36_
méthode et la qualité des résultats (cf. § 3.8). Voilà qui
brise le confort de l'habituel tête à tête, entre les murs
d'ecole, de l'enseignant et l'enseigné.
Un bon encadrement, enfin, suppose un investissement
en temps, bien au delà du service dû. Et tout d'abord pour pren-
dre connaissance du thème. Un dispositif est ici important :
. Le collectif enseignant d'une année inscrit à son
propre emploi du temps une PREPARATION DES ENSEIGNANTS
au stage, demi-journée par semaine, toute l'année
depuis son début. Les trois premiers mois sont consa-
crés à la prise de connaissance (bibliographique) du
thème à traiter (avec partage des tâches et mises en
commun). En outre, chaque spécialiste initie ses
collègues aux rudiments de sa discipline (car la gra-
phique ou la cartographie peuvent être inconnues du
statisticien, ou l'analyse des données de l'éconamis-
te !). Enfin les enseignants s'entraînent à la métho-
de et se forment aux techniques, à la connaissance des
sources existant. A ces travaux s'ajoutent des débats
avec des professionnels invités, et des réalisations
pédagogiques : il faut élaborer le progroame de "pré-
paration étudiante", et les T.D. qui le soutiendront.
Entre deux stages, la "préparation enseignants" se
consacre à réfléchir aux difficultés de terrain ob-
servées, ainsi qu'à l'harmonisation du dépouillement
et du traitement des données.
Cette"préparation" est sage d'un encadrement homogène
et plus efficace :elle entraîne les enseignants à consentir un
très important travail scientifique, préparant celui des étu-
diants.
Dira-t-on qu'elle vise à leur assurer une avance sur les
-37-
étudiants, les rétablissant en position dominante et susceptible
d'influer intempestiveuent sur la démarche des stagiaires ? Sur
le dernier point, non : dès la "préparation étudiante" (qui con-
siste en exposés, discussions et T.D.) les stagiaires font preu-
ve de beaucoup d'indépendance, et plus encore sur le terrain,
dont ils finissent par être bien plus familiers, et où ils con-
duisent une pratique très autonome d'enquête. Riches de leur ma-
tériau, qu'ils sont prêts à critiquer, réexaminer, mais pas à
renier, ils savent malicieusement opposer les faits surprenants
aux dogmes ; et convier les encadreurs à la discussion sans for-
malisme.
Malgré les contraintes, une majorité d'enseignants se
consacre passionnément aux stages. Ce n'est pas qu'une hiérarchi-
sation des tâches gratifie leur participation - les faisant stra-
teges de la recherche ; ni qu'ils s'approprient le mérite des
travaux (si communication il y a, elle s'effectue en nom collec-
tif : cf. § 3.8). mais précisément, lors des stages, comme pour
les étudiants, dans cette division non bureaucratique du travail,
une connaissance différente se noue, des relations d'estime, de
perfectionnement mutuel, entre encadreurs et avec les stagiaires,
qui enrichissent les rapports ultérieurs.
L'occasion (la seule à,l'Institut) de réaliser des tra-
vaux, de se confronter aux pratiques sociales, correspond aussi
au besoin pour les enseignants d'exercer leurs compétences ; au
souci de mettre à jour leurs savoirs, et d'en éprouver l'intérêt.
Un résultat de qualité (confirmée par la communauté scientifique
cf. § 3.8), confère enfin à la pertinence de l'enseignement et
à l'efficience pédagogique une force probatoire sans égale - pour
les étudiants comme les enseignants.
3.8. Un autre enjeu que la note Publications, colloques,
seàinaires.
Pour que les stages n'entraînent pas à l'application
-38-
machinale de règles, il faut éviter qu'ils tournent au jeu
d'école ! Pour que le système reste vivant, il est indispensa-
ble que l'extérieur soit pris à témoin de l'intérêt des travaux.
Trois dispositions y concourent :
. LFS STRUCTURES D'ACCUEIL se voient soumettre, pour
accord conventionnel, le thème de stage ; si ce thè-
me est "scolaire", s'il ne correspond pas à leurs
préoccupations, il est rejeté : plus d'accueil, pas
de stages.
. DES PROFESSIONNELS participent aux jurys de 4° année :
éconanistes ou statisticiens du Plan, qui ont suivi
le travail en cours d'année.
Dans les autres années, on ne peut réunir la pluralité
d'interlocuteurs qu'ont eus les étudiants pour mener
leur travail à bien. Plutôt que de privilégier un
correspondant unique de la structure d'accueil qui ne
serait pas au fait de l'ensemble de la démarche, et de
lui faire formellement remplir une fiche d'évàluation
(limitée à des dimensions superficielles), l'Institut
préfère ADRESSER. TOUS LES TRAVAUX achevés aux structu:,
res d'accueil. La sanction vient l'année suivante,
avec l'acceptation ou non de l'accueil pour de nouveaux
stages.
. Le principal dispositif est LA COMMUNICATION des meil-
leurs travaux, d'abord à l'occasion de SEM:MAIRES OU
COLLOQUES ; PUIS LEUR PUBLICATION, si les spécialistes
en ont prisé la qualité. L'avantage est de ne plus
faire intervenir des juges isolés, mais la cammunauté
scientifique. Les débats ouverts, non seulement con-
trôlent chaque aspect de méthode avec exigence, mais
enrichissent les résultats de caununications nouvelles,
et donnent le ton des préoccupations d'avenir. Pour
l'Institut, c'est l'occasion de vérifier la pertinen-
ce de ses "thèmes", la valeur de ses travaux, et d'an-
ticiper de nouveaux sujets de recherche. Pour les étu-
-39-
diants, celle d'apercevoir l'intérêt d'une critique
sévère mais désintéressée des "pairs", de s'intégrer
à un débat scientifique, de prouver leurs compétences
et de trouver un autre enjeu que la note.
En fait, un bon ensemble de communications ne s'ob-
tient qu'après 2 ou 3 ans de travaux consacrés à
explorer un thème, par divers stages de la 1° à la
4° année. Vient alors un marrent où la qualité générale
des travaux s'élève, où la majorité des groupes enga-
gés sur le "thème" devient capable de produire des
résultats d'intérêt : les coups d'éclat ne sont plus
sans lendemain. C'est la différence avec une recherche
réservée à quelques enseignants, ou à des groupes ex-
ceptionnels. Ce dispositif est stimulant pour les étu-
diants, avertis de la qualité que peut revêtir leurs
travaux, et qu'ils s'acharnent à atteindre.
On peut seulement regretter que du temps manque encore,
pour tirer du dispositif et des efforts consentis leur
plein bénéfice. L'ensemble des rapports est certes con-
servé par l'Institut, et les meilleurs sont publiés.
Mais reste à CONSTITUER UNE TRIPLEMMDIRE DES STAGES :
. celle des résultats bien établis, de nota-
tions fines de terrain, dispersées en de nombreux rap-
ports, et qui formeraient un précieux recueil de données,
pour servir à des synthèses ou des travaux ultérieurs.
Le temps manque en fin d'année pour en faire le répertoi-
re, puis d'autres tâches accaparent chacun.
. dans une perspective pédagogique, chaque
stage offre aussi d'excellents exemples des limites ou
de l'opportune application de techniques et concepts.
C'est une source inépuisable de "travaux dirigés", de
statistique, d'analyse économique ou spatiale, qui vau-
- 40
draient d'être rassemblés en manuels.
. enfin, la pratique de recherche révèle à
chaud de nombreux points de méthode-: il serait bon
de conserver trace de la démarche qui les a mis au
jour, corrigeant, au besoin, des erreurs exemplaires.
Bien qu'on ne voie guère, pour l'heure, comment réaliser
cette triple mémoire dans le cadre tendu des chartes de travail
existant, il est souhaitable qu'à terme bref des enseignants, des
étudiants, ou les deux conjointement, s'attachent à faire le point
des résultats acquis - au moins en quelques danaines -, qu'ils
les rendent publics, accessibles, pour servir de nouveaux travaux
et l'enseignement à venir.
3.9. Rôles d'un bureau des stages
Chaque groupe étudiant (de 4 ou 5 membres) a la responsa-
bilité d'enquêter, en 6 à 8 semaines de terrain, sur un objet
propre, en un lieu précis.
Matériellement, l'organisation de cette intervention
nécessite l'accomplissement, par une cellule spécialisée, de tâ-
ches diverses :
- il faut s'assurer l'accord, sur le thème et les moda-
lités d'intervention, des autorités de la zone d'accueil (Wila-
yate, APC, sociétés nationales...)
- il faut garantir à tous les étudiants, aux dates pré-
vues, le transport et l'hébergement dans des conditions décentes
- il faut s'assurer de la possibilité matérielle de
(sur) vie des étudiants pendant le stage. Les étudiants disposent
de frais de stage, mais leur modicité conduit à solliciter les
structures d'accueil, pour qu'elles financent l'hébergement et
la restauration : il faut donc qu'elles soient intéressées au
stage (à son thème, à ses résultats), et qu'elles en reçoivent
à temps la contrepartie (au moins la livraison des rapports de
- 41 -
stage, dès leur achèvement).
LE BUREAU DES STAGES, cellule spécialisée de la Sous-
Direction des Etudes, accomplit ces tâches avec un matériel et
un personnel propres. Il comprend de 2 à 4 permanents (dont 1
dactylo, et des "enseignants-chercheurs"). Il entretient un fi-
chier des structures d'accueil, passées et potentielles ; il or-
ganise les démarches auprès d'elles : soit par courrier (un thè-
me étant choisi est proposé, et si besoin plusieurs fois rappe-
lé, aux autorites de zones d'aCcueil adéquates en nombre triple
du nécessaire : ce qui assure à peu près le placement des groupes
étudiants engagés sur le thème) ; puis directement, par déplace-
ment sur le terrain, pour négociation d'une "convention" d'ac-
cueil, précisant le thème et les travaux à effectuer, leurs lieux
et leur calendrier, les documents à réaliser et leurs destinatai-
res ; facilitant l'accès à l'information et le séjour de terrain
. Le bureau des stages continuera d'entretenir
ces relations pendant et après le stage, ses membres participant
à l'encadrement de terrain, se chargeant alors souvent des "rela-
tions publiques", puis assurant la diffusion prévue des travaux,
et s'enquérant des réactions des hôtes ; il leur reste pour finir
à constituer une "mémoire du stage", un dossier résumant l'intérêt
du thème et des travaux faits, les procèdures de prospection et
la qualité d'accueil, les échecs, les réussites et leur raison,
pour servir l'organisation de futurs stages.
Mais le rôle du "bureau des stages"a un deuxième versant.
Pédagogiquement, c'est à lui de lancer, en temps utile, et d'ani-
mer les réunions du collectif enseignant, d'abord (avec des étu-
diants) pour choisir le thème de stage ; puis pour l'élaborer,
l'analyser, arrêter un programme de terrain, un plan, un protocole,
un calendrier d'enquêtes. C'est au bureau des stages de sans cesse
avancer les exigences de la formation méthodologique (contradic-
toirement avec celles de l'assimilation des cours) ; d'analyser,
et d'ordonner en un parcours pédagogique les difficultés du métier
de statisticien ; d'y intéresser les étudiants et les enseignants,
7-:42
au delà de leurs rôles institutionnels : favorisant l'établis-
sement d'un langage commun (inter-disciplinaire) entre enca-
dreurs ; familiarisant les enseignants avec les résultats et
les méthodes d'autres disciplines que la leur ; avec les instru-
ments d'enquête, leur valeur et leurs limites ; avec les ques-
tions de méthode ; et guidant les étudiants, au moyen d'un en-
cadrement homogène, averti, dans le parcours des mêmes étapes,
au long de leur préparation, de leur terrain, de l'exploitation,
conduisant à faire oeuvre de travailleurs scientifiques.
C'est encore au bureau des stages de discerner les
résultats à mémoriser, ou mettre au domaine public ; d'impulser,
de revendiquer la carmunication des meilleurs travaux, la tenue
de seminaires et colloques. C'est à lui, pour la continuité,
d'entretenir un réseau de relations scientifiques, de se tenir
au fait des travaux effectués hors institut, pour prévoir, initier,
suggerer, entreprendre opportunément les nouvelles recherches qui
seront d'actualité, d'utilité maximale, au marrent où leurs résul-
tats seront prêts.
Ici encore, la nécessité se fait jour, d'une cellule
spécialisée dans ces tâches et préoccupations, contrebalançant
les soucis strictement professoraux (et contrebalancée par eux).
C'est pourquoi le "bureau des stages" gagne à se canposer de
personnes versées dans le métier, éventuellement de chercheurs
(ou "d'enseignants-chercheurs" qui accentueront ce dernier trait
de leur profil, tant qu'ils demeureront en fonction dans la
cellule stages). C'est aussi pourquoi la désignation officielle
(et plus juste) du bureau des stages est à l'Institut celle de
"BUREAU DiLoamITE APPLIQUEE". Il lui revient de pressentir,
défendre, encourager les travaux d'intérêt scientifique, à portée
de l'Institut, d'en favoriser la réalisation, d'en mémoriser et
valoriser les résultats.
-- 43 -
4. Erreurs et panneaux
S'il est loin d'être achevé ni parfait, le dispositif de stages
qui s'est construit par essais - erreurs, permet au moins de
savoir ce qu'il vaut d'éviter. Rappelons ici quelques tentations, "natu-
relles" a la mise en place d'un système de stages, et qui nous paraissent,
avec recul, des impasses.
. Le premier danger est celui de stages sans objectif ni stratégie
de formation. C'est le cas, nous l'avons dit, de stages "professionnels"
dont l'organisation est toute remise aux structures d'accueil. Or, les
étudiants ne sont pas des professionnels : le rôle de l'Institut est pré-
cisément d'analyser le métier, ou plutôt la méthode, pour l'enseigner,
Far parties et en raccourci, selon une pédagogie construite. "L'immersion"
dans la profession n'a pas de vertus instructives de soi : elle peut n'ap-
prendre qu'un recueil hétéroclite de "tours de min", de savoir-faire par-
cellisés, plus ou moins assimilables selon leur congruence avec les techni-
ques et les concepts connus.
De même, les stages "d'imprégnation" ("ouvriers", "paysans"), ou
de pur depaysement ("voyages d'étude"), se fiant aux impressions vives re-
çues en situation deroutante, ne laissent trop souvent qu'un kaléidoscope
de sentiments (bénéfiques à des sensibilités justes, mais peu construits,
médités, stables, came les acquis laissés par une étude effectuée dans le
milieu).
L'Institut est peu tombé, sinon aux tout débuts, dans les travers
ici évoqués. liais ont doit voir que leur persistance conduirait à margi-
naliser les stages, tenus hors du temps de formation programmée (pendant
les vacances...), et hors contrôle pédagogique.
. Deuxième danger, â l'inverse : les stages trop étroitement liés
aux programmes. L'Institut a connu cette formule, impliquant 4 ou 5 stages
par an, aux théines exactement subordonnes à l'enseignement éconamique. Mais,
peut-on "donner à voir" (et non à construire) des "rapports de production" ?
Ét si c'est dans une unite de production isolée, pour la simplicité péda-
-44-
gogique, n'y a-t-il pas artifice, condamnable en méthode ? Le concept ne
sera éprouvé que s'il sert, par exemple, à expliquer la Révolution Agraire,
sa nécessité et son développement - mettons, en steppe... Les travaux ef-
fectués très près du cours montrent une précieuse attention aux détails
(de remarquables descriptions des forces productives, par exemple) ; mais
une moindre réussite dans l'analyse de situations camplexes ; et trop de
dogmatisme : les conclusions sont prévues d'avance - restitution du cours
dont on sait qu'il s'agit de l'appliquer ; restriction au thème étroit
imposé - même si la situation concrète appelait d'autres concepts, d'autres
techniques, une autre problématique ; exclusion de la variété des préoc-
cupations. Le dispositif dénie aux stages tout objectif Propre de forma-
tion ; c'est au contraire ce qu'il faut rechercher. A chaque institution
de choisir sa réponse. Pour (et ce choix me senble pouvoir
être partagé), l'objectif des stages est la formation méthodologique. Il
faut, de là, une stratégie et de l'organisation dans les stages.
. Le troisième danger est précisément de sous-estimer cette
nécessité d'organisation.
- Soit aucune cellule spécialisée n'existe, et la tâche repose
sur le collectif enseignant. Inutile surcharge pour les professeurs, le
dispositif est peu efficient : les responsabilités se diluent, la coordina-
tion est difficile ; les prospections de structures d'accueil, tard entre-
prises, n'évitent pas les ennuis de groupes encore non placés à la dernière
minute ; peu d'archives des stages - de fichiers d'adresses, de modèles de
lettres, de cannunications avec les hôtes après accueil, se constituent
pour servir des prospections ultérieures ; les relations nouées, par quel-
ques professeurs avec des interlocuteurs privilégiés, se perdent au départ
des uns ou des autres. La création d'un bureau des stages est indispensable,
pour entretenir un réseau cumulatif d'accueil.
- A l'inverse, il est aussi dangereux de remettre à cette cellule
la totalité de certaines opérations : soit de spécialiser le bureau des
stages dans l'intendance, et le collectif enseignant dans la conception ;
soit de tout abandonner au bureau des stages. La première solution reporte
vers une soumission trop étroite des stages aux progranues. La seconde ris-
que de subordonner thèmes et pédagogie aux facilités d'accueil. Dans le
-45-
premier cas, l'apprentissage de la méthode est embryonnaire ; il se confond
avec la mise en oeuvre de savoirs - dans les conditions exclusives de leur
meilleure réussite ; dans le second, la méthode risque d'être fétichisée,
isolée carme un savoir propre, réduite à un recueil de préceptes.
Il importe au contraire que les stages soient "montés" par le
bureau des stages et le collectif enseignant conjointement ; et que les
relations entre les deux partenaires demeurent conflictuelles : au premier
revient de mettre en avant les exigences propres d'un enseignement métho-
dologique ; de rendre sensibles les contraintes d'accueil, la pression de
l'actualité, de la communauté scientifique, du public, de l'extérieur de
l'institution. Au second de réaliser le lien avec les progranues, et d'a-
vancer l'exigence d'une pédagogie.
. Rappelons pour finir quelques impasses toujours menaçants :
- le refus du travail de groupe, la notation et les sujets "indi-
viduels", condamnant les travaux à la superficialité, à la parcellisation,
ou les réduisant à des compilations sans originalité (cf. § 3.1 et 3.4).
- la multiplication des thèmes, l'adoption d'un sujet différent
pour chaque groupe de travail : non seulement l'efficience de l'encadrement
y perd (les professeurs se dispersant, ou le recours devenant nécessaire à
des vacataires spécialistes de chaque question, mais non nambres du collec-
tif enseignant - dont le rôle disparaît) ; mais la concentration des forces
et son bénéfice se perdent (cf. § 3.1).
- l'adoption de thèmes ou sujets trop ambitieux : confusion d'un
sujet avec un "thème annuel", ou de celui-ci avec un champ d'études si
large qu'il ne peut faire l'objet que d'une investigation pluri-annuelle (1).
(1) L'avatar est arrivé à l'I.T.P.E.A., se proposant en 1977 de traiter
de "l'industrialisation de 2° ceinture et ses effets sur l'arrière-pays"
en une seule année, sous tous les aspects...
-46-
5. Critiques
Le dispositif de l'I.T.P.E.A., tel qu'il vient d'être exposé, fait
l'objet de discussions à l'Institut même. La plus sérieuse critique (1)
est qu'il se place exclusivement sur un plan de perfectionnement pédagogi-
que. "Aux problèmes pédagogiques, deS solutions pédagogiques : c'est le
principal défaut". Or, "l'acadectisme ou l'empirisme" étudiants, que les
stages pretendent réduire, puisent leur détermination dans l'institution
même, et sa fonction sociale : comme tout établissement de formation,
c'est un "lieu relativement clos, prevu pour qu'on s'y enferme dans les
rapports asymétriques entre (contre-)maîtres et apprentis du savoir", sans
pratique sociale. Rien alors d'étonnant si les élèves en majorité "cherchent
plus à obtenir de bonnes notes qu'a parfaire leur formation",; ni si l'ap-
propriation des theories enseignées porte au dogmatisme, si l'on hésite à
poser soi-même hypothèses et problèmes, si l'on tend à s'enfermer dans une
technicité surestimée... Les stages eux-mènes ne posent pas le problème de
la relation entre théorie et pratique, mais seulement confrontent la for-
maticin "théorique" telle qu'elle est dispensée, et l'observation de la réa-
lité ; tandis que la théorie, chose vivante, "naît de et dans les luttes",
s'y confronte et s'y- modifie : là réside "le véritable lien entre théorie
et pratique". Il ne faut donc pas s'illusionner sur la portée des stages.
La critique est forte et juste. Retenons volontiers que les
stages ne modifieront pas les contraintes institutionnelles, ni la fonction
sociale des établissements de formation ; qu'eux-mêmes en sont contraints,
biaisés, et risquent de retomber dans un jeu académique (cf. § 3.8). Mais
dans l'institution, et vis-à-vis de son coeur (le rapport "enseignants/en-
seignés"), ils se sont assigné - rappelons le - des objectifs originaux :
(1) Exposée dans le document 092/SG/76/ITPEA.
-47-
- alimenter l'intérêt des étudiants pour l'analyse des "réalités'
(: des pratiques sociales)
- développer le souci de ne pas s'isoler, par les études, du
monde du travail
- manifester et déployer les compétences étudiantes (et pas
seulement la maîtrise de connaissances générales)
- substituer, à l'autorité magistrale habituelle, une stimulation
encadreurs/stagiaires.
Les obstacles à ce programme„ notamment à son dernier point, ne
manquent pas de surgir à chaque pas de la préparation, et de la réalisation
des stages : débat sur les thèmes à traiter (ne sont-ils pas trop "éloignés
des prografraes", trop 'engagés dans l'actualité", trop "ambitieux'' ?) ;
hésitation à associer des étudiants aux choix de sujet, et de problématique ;
indécision à publier les résultats produits, à confier aux étudiants mêmes
leur communication dans des colloques professionnels... Nul dispositif n'em-
pêchera des luttes à ces sujets. L'avantage du présent dispositif est de
leur donner lieu... L'idéal serait de né laisser subsister d'asymétrie que
ce qui est fécond dans la formation, et non ce qui l'entrave. L'essentiel
demeure que les stages, s'étant fixé pareil objectif, empêchent l'extinction
d'un débat là-dessus, suscitent initiatives et polémiques en ce domaine :
c'est le cas â l'Institut, et signe que l'activité y conserve sa vie, sa
fonction critique, sa capacité de stimulation, de et dans l'institution (1).
Autre éludent de la critique : l'énergie des étudiants
est mobilisée pour l'analyse, non la pratique, c'est vrai ; les travaux
(1) Ce qu'accordent les auteurs de la critique, estimant qu'il y a seulement
à toujours perfectionner un dispositif qui déjà, "par rapport à d'autres
établissements enseignants, atténue et corrige même partiellement l'asymé-
trie des rapports maître/élève, aiguillonnant les uns et les autres jusqu'à
produire un "travail considérable' - en préparation et sur le terrain" -
pour obtenir des résultats de qualité meilleure.
-48-
effectués sont d'observation, non d'action. Un premier avantage - pédago-
gique - est de confronter au moins l'enseignement à l'observation des
faits ; de mettre les programmes à l'épreuve - y triant le sclérosé, le
rituel, de l'utile et de ce qui garde 'mordant". Mais aussi, construire
une étude est une pratique : la seule qu'on puisse vraisemblablement (1)
proposer à des étudiants, hors l'apprentissage didactique : celle de
recherche, référant aux normes et sanctions de la caununauté scientifique.
Cr, il est important, précisément, qu'il y ait alternative de pratiques,
pour rendre sensibles les contraintes institutionnelles et les fonctions
sociales, pesant sur chacune. C'est pourquoi nous renvoyons le plus volon-
tiers au jugement de la communauté scientifique, et nous considérons que
l'enjeu alternatif de la "note" est la validation des résultats, par cette
communauté : question de cohérence. Cela ne veut pas dire que tous les grou-
pes auront à produire des résultats de valeur scientifique, mais que le
dispositif vise à en rapprocher le plus grand nombre (cf. § 3.8) ; et crue
tous ont à faire preuve d'objectivité, dans le traitement des questions qu'ils
abordent. Cela ne veut pas dire, aussi, que le souci d'application des résul-
tats soit absent : tout au contraire, le choix des thèmes y porte, et l'e-
xigence en est présentée, lors de l'évaluation ; mais il s'agit que les grou-
pes y procèdent, au lieu de préjuger de solutions ; qu'ils proposent un
cheminement possible de transformation, après analyse des objectifs et des
contraintes en toute indépendance d'esprit ; qu'ils ne postulent pas une
voie imaginaire d'évolution, faisant fi de déterminations réelles.
Dernier point : les stages n'évitent pas "la coupure du monde du
travail". L'observation, même en sympathie, n'est pas la transmutation en
l'un des acteurs sociaux. Mais l'objectif existe, tendanciel : il s'agit,
au moins, d'éviter la méritocratie naïve. Le "principe de terrain" nous
parait ici essentiel. Non seulement par l'ouverture à de nambreux milieux,
à laquelle, pratiquement, il oblige ; mais par le refus d'une hiérarchisa-
tion des tâches, le parcours d'une pratique entière, qui est, non seulement
de bonne formation pour la vie professionnelle, mais objet de réflexion
sur les hiérarchisations sociales, prenant indûment prétexte d'une réparti-
(1) i.e. : dont le "jeu" soit vrai, qui puisse être intégralement parcourue,
avec ses enjeux et conséquences pratiques.
-49-
tion technique des tâches. La familiarisation édifiée en cours d'enquête,
avec les réalités du pays, avec les conditions de vie et de travail,
ouvrieres et paysannes en particulier, ne sont pas moins utiles. Il n'y
a pas là de quoi remplacer les "stages ouvriers" prônés par certains :
mais pour ma part je doute que de tels stages constituent, pour une ma-
jorité d'étudiants, une pratique "vraisemblable" : autre chose qu'une
parenthèse, dans le cours institutionnel de leur formation ; la doctrine
en resterait, en tous cas, à construire.
Après celles là, d'autres critiques sont mineures. N'en retenons
qu'une : celle de tenir les thèmes de stage relativement indépendants du
programme (en tous cas de ses intitulés) : on a déjà qu'un thème est bien
entendu choisi (c'est un des critères) pour sa faisabilité compte-tenu
des acquis étudiants ; les instruments qu'il permettra de mettre en oeuvre
sont soigneusement recherchés dès ce choix, puis élaborés, diffusés auprès
de tous les encadreurs, introduits en des T.D. de préparation étudiante.
Mais ce n'est pas d'eux que l'on part, et rien n'empêchera d'en utiliser
d'autres, en cours d'étude, fût-ce hors programmes, si les faits le deman-
dent. C'est bien ce qui se passe (1), et nous paraît de bonne méthode, à
l'inverse d'une programmation étroitement soumise à l'application de
concepts ou techniques pré-établis. Nous avons expliqué pourquoi (§ 4)
cette dernière solution nous paraît même une erreur de taille, dans la
conception des stages.
La dernière critique à mentionner, parfaitement justifiée, tient
à l'insuffisante diffusion des travaux. Certes, un exemplaire de tous les
rapports et mémoires est conservé, pour consultation, au Bureau des Stages.
Mais de nombreuses parts (Plan, Ministères, Centres de recherche, étudiants
thésards,... Institut même), une diffusion plus accessible est souvent
réclamée. Nous avons dit l'intérêt que présenterait la publication, non
seulement des meilleurs travaux, mais de synthèses par stage et mieux par
thème, ainsi que de recueils, mémorisant les résultats les plus fins et
les mieux établis, les trouvailles pédagogiques - mises en forme de T.D.
(1) Des travaux "Santé" ont ainsi conduit à développer le cours d'analyse
des données, et perfectionner celui de "sondage" : d'abord pour les étudiants
concernés, et l'année suivante pour tous.
oudetudes de cas -, les leçons méthodologiques. Encore une fois, la ques-
tion est celle du temps disponible, pour enseignants ou étudiants, qu'on
n'a su jusqu'ici trouver, tant que les uns et les autres sont en activité,
de plein temps, à l'Institut.
6. Conclusion
L'expérience I.T.P.E.A. des stages dans la formation de statis-
ticiens et planificateurs repose sur un dispositif institutionnellement
favorable :
- important crédit horaire (3/11° du temps de formation)
- principe d'un encadrement enseignant intensif (durant lequel
les professeurs sont déchargés de leurs autres tâches)
- budget permettant le déplacement, sur terrain, des encadreurs
et stagiaires pour une longue durée (1 à 2 mois).
Pour bien user de ces moyens, il a fallu dégager une doctrine,
qui précise le bénéfice propre espéré des stages. L'objectif principal
retenu est celui de FORMATIONMETHODOLOGIQUE : reconnaître les obstacles,
y compris personnels, que chacun oppose à la construction scientifique de
la connaissance ; rechercher la critique scientifique des pairs ; mettre
en oeuvre et à l'épreuve les instruments appris, de construction et d'ob-
servation des faits, de traitement des données ; mesurer leur valeur et
leurs limites, leur champ d'application ; les choisir opportunément...
Les stages auront aussi à corriger certaines déformations d'un enseignement
dans les murs : à familiariser les étudiants avec l'imprévu des réalités
sociales, observable à travers le pays et les milieux divers ; à subvertir
l'autorit¯istrale dans ses aspects sclérosants. La poursuite de ces
objectifs repose sur la formule suivante :
- le travail des étudiants en groupe (4 à 5 membres)
- la construction, par chaque groupe, chaque année, d'une étude
entière (de la problèmatique aux conclusions), portant sur une question
d'actualité, concernant une transformation sociale en cours, observable
- la concentration des forces : la coopération d'au moins 5
-51 -
groupes étudiants travaillant sur un même thème, l'Institut choisissant
d'intervenir chaque année en un petit nombre de lieux, dans un petit nan-
bre de damaines (reconductibles, et où il accumule expérience et résul-
tats).
- l'importance des travaux de terrain (1 mois à 1 mois 1/2,
scindés en 2 stages que sépare une réflexion méthodologique)
- l'inscription toute l'année à l'emploi du temps étudiant d'une
préparation hebdamadaire (établissement d'une problématique, reconsidé-
ration du matériau et des procédés de collecte, traitement des données)
- l'institution d'une préparation parallèle du collectif ensei-
gnant, l'entraînant à la recherche, aux tâches d'encadrement, et homogé-
néisant ses interventions
- l'intervention d'une cellule spécialisée, le bureau des stages,
non seulement pour préparer matériellement l'accueil et mémoriser l'expé-
rience acquise, mais pour faire valoir les réquisits propres de la formation
méthodologique, entretenir des relations scientifiques, mettre en jeu des
compétences, des exigences d'hommes de métier, de chercheurs.
- la prise à témoin de l'extérieur, pour apprécier les travaux,
particulièrement de la cammunauté scientifique à propos des meilleurs :
colloques et séminaires, publications donnent un autre enjeu que la note,
et permettent d'ancrer celle-ci à une échelle de valeurs "objective",
autre qu'étroitement institutionnelle.
Sauf cas exceptionnel, la notation des rapports et mémoires de
stage est collective (mène note pour tous les membres du groupe). Elle est
élaborée par un jury, tenant canpte d'une grille d'évaluation minutieuse-
ment construite, et considérant de multiples dimensions.
Non seulement de tels stages éveillent le vif intérêt, des étu-
diants came des enseignants. Mais sans s'illusionner sur leur portée
(ils ne résolvent pas au fond la question du lien théorie/pratique ; ils
n'évitent pas toute coupure du monde du travail ; ils ne subvertissent
pas toute autorité magistrale indue), on peut les créditer d'une saune
de résultats sur le plan des objectifs poursuivis (formation méthodologique
et désenclavement d'une formation dans les murs) ; et sur celui des données
originales, scientifiquement construites (notamment en matière de bilans
-52-
agraires, de planification sanitaire, industrielle...). En stimulant l'ins-
titution, ils contribuent à lutter utilement contre les défauts courctnent
reprochés au statisticien : surestimation de la précision, défaut de pro-
blumatique, manipulations techniques irréfléchies, méconnaissance de
l'erreur d'observation...
Toutes les conditions ici mises en oeuvre sont-elles nécessaires
pour un tel résultat ? Celles présentées forment assurément un tout. Une
autre institution pourrait créer d'autres dispositifs, selon ses contrain-
tes institutionnelles propres : mais nulle ne peut faire l'économie de
ces préceptes :
. l'objectif doit être clair, autonome à l'égard du bénéfice
attendu de cours et T.D.
. la formation méthodologique est un objectif essentiel. Mais la
méthode s'enseigne mal : elle s'exerce, sous vigilance collective
. le terrain a pour cela de grandes vertus : le temps, le budget,
l'enrdrement qui y sont nécessaires sont des contraintes incompressibles,
qu'il revient à l'institution d'accepter
. les stages ont besoin d'être intégrés au cursus, de faire l'ob-
jet d'une pédagogie, non désarticulée du reste des activités didactiques,
des préoccupations professorales
. enfin, l'exigence, méthodologique, de vigilances croisées,
recommande le caractère collectif de l'activité, ici multiplié par la
mise en jeu de groupes étudiants, du collectif enseignant, de la cellule
spécialisée qu'est le bureau des stages, et en dernier ressort de la com-
munauté scientifique, dont le jugement est sollicité.
-53-
UN MODELE SECTORIEL AGRICOLE (1)
par : B. THABET
- SOMMAIRE -
1. 1[4220DUCTION
2. DESCRIPTION DU MODELE SECTORIEL
2.1. Les activités
2.2. Les lignes et les contraintes
2.3. Les colonnes auxiliaires
2.4. La fonction d'objectif
3. LE MODELE SECTORIEL ET US MODE FS D'OPTIMISATION CLASSIQUES
3.1. La demande des produits
3.2. Interaction entre les secteurs
4. UTILISATIONS POSSIBLES DU MODFT.E. SECTORIEL
4.1. Le raodèle sectoriel et les projections sectorielles
de production
4.2. Politiques de prix
4.3. Les politiques d'emploi
4.4. Les politiques de crédit et d'investissement
b. QUELQUES RESULTATS DU MODELE
5.1. Déplacement de la demande
5.2. Limitation de l'importation des céréales
5.3. Effets d'augmentation des salaires
- CONCLUSION
- DISCUSSION
- BIBLIOC;RAPHIE
(1) Extrait d'un cours sur l'analyse des projets agricoles présenté à
Tunis en Juin 1977, lors d'un séminaire réalisé en liaison avec la FAO.
-54-
1. INTIUDUCTICN
Dans le cadre de l'analyse sectorielle formalisée (1) et dans
le but de mieux asseoir les plans agricoles, un travail a été entamé
pour l'élaboration d'un modèle sectoriel de type linéaire pour le
secteur agricole.
Une version de ce modèle a été mise au point. Elle est actuel-
lement en cours d'actualisation et d'expérimentation en Tunisie.
Le premier but de ce modèle est de donner au planificateur un
cadre analytique de référence afin qu'il puisse faire des tests de co-
hérence des objectifs du plan et confronter ces objectifs aux moyens à
utiliser pour y arriver. Ce modèle servira aussi à évaluer certaines
politiques : notamment les politiques de prix, d'emploi, d'investisse-
ment et de crédit.
La méthodologie suivie a été de construire un modèle global où
seraient confrontés les différents secteurs de production agricole d'une
part, l'offre et la demande des produits agricoles d'autre part, enfin,
toutes les ressources agricoles (afin de les étudier simultanément).
Ce modèle se distingue des autres modèles de programmation
linéaire d'optimisation du fait que, par la fonction d'objectif, il
recherche la réalisation d'un équilibre entre l'offre et la demande pour
les principaux produits agricoles.
(1) J. VEPCUEIL "Analyse sectorielle de l'Agriculture"
Séminaire FAO-GINEA Tunis Juin 1977
A. CONDOS et C. CAPPI "Agricultural Sector Analysis" A linear FAO Octobre 1976
-55-
L'élaboration de ce modèle a commencé par l'établissement d'un
tableau (ou matrice) de toutes les spéculations agricoles, chacune re-
présentée par un vecteur reliant les intrants aux rendements.
La note qui va suivre comportera quatre parties :
. La preniere sera consacrée à la description détaillée du modèle secto-
riel
. La deuxième analysera les différences entre cette approche et les
modèles d'optimisation classiques,
. La troisième exposera les utilisations possibles du modèle,
Enfin, la dernière illustrera certains résultats. Il s'agit de trois
types d'expériences utilisant le modèle.
2. DESCRIPTION DU MCDFnE SECTORIEL •
Le modèle sectoriel se compose de quatre parties : les activi-
tés (ou variables d'objectif), les lignes (ou inéquations), les niveaux
de contraintes et la fonction d'objectif.
2.1. Les activités
On distingue tout d'abord les activités de production propre-
ment dites, ensuite la demande représentée par plusieurs colonnes de
différents produits ; enfin des colonnes qui donnent au résultat des
totaux soit de production, d'importation, d'exportation, de crédits ou
autres (colonnes auxiliaires).
a) - Les activités de production
Bien qu'il s'agisse d'un modèle macrosectoriel, c'est-à- dire
simulant le secteur agricole à un niveau assez agrégé, un découpage
du pays en grandes régions agro-éconamiques a été fait, afin de faire
ressortir les disparités régionales.
Aussi par souci de représentativité du modèle des réalités
Exploitations privées
Exploitations modernes
Exploitations traditionnelles
Exploitations publiques
2
Exploitations modernes
Exploitations traditionnelles
Exploitations publiques
Exploitations privées
•
-57-
agricoles tunisiennes, a-t-on regroupé les exploitations agricoles en
classes selon leur niveau technologie. Il s'en est suivi quatre gran-
des régions : le Nord-Est, le Nord-Ouest, le Centre et le Sud. Au sein
de chaque région, il existe deux types d'exploitations : modernes et
traditionnelles. Les Unités de Coopératives de Production (UŒ) et les
Agro-CaMbinats ont été regroupés à part, sous une mène rubrique appe-
lée "exploitations publiques". A l'intérieur de chaque type d'exploita-
tion, il a été défini un certain nombre d'activités ou colonnes qui ne
sont autres que les spéculations agricoles. Le tableau suivant résume
cet agencement.
Il est à remarquer, que pour les régions III et VI il n'a
pas été possible de disposer de données réelles permettant de distinguer
entre les niveaux technologiques des exploitations agricoles. Pour celà,
il n'y a qu'une seule catégorie d'exploitations que l'on suppose appar-
tenant toutes à des privés.
Ainsi donc on trouve pratiquement toutes les spéculations cou-
rantes (céréales, cultures maraichères, arboriculture et élevage) dans
chaque type d'exploitation. Le groupe des céréales comporte le blé dur,
le blé tendre, l'orge et les céréales secondaires. Les deux types de blé
peuvent être soit des variétés à haut rendement, soit des variétés ordi-
naires. L'arboriculture groupe les principaux arbres fruitiers, oliviers,
agrumes, amandiers, abricotiers, dattiers, etc...
Les exploitations maraichères, en plus de la distinction suivant
le niveau technologique qu'on a pu faire, peuvent être classées en 2
types d'exploitations : celles qui font des cultures maraichères de
saison, et celles qui font des cultures maraichéres en contre saison.
Pour ce qui est de l'élevage, on a procédé à une ventilation
entre les différents troupeaux : bovins, ovins, caprins, etc... ensuite
en bovins de race pure, bovins croisés et bovins d'origine locale. Quant
aux ovins, on a distingué les ovins laitiers du reste du troupeau.
Tanate
Piment
Culture de Panne de terre Saison Cucurbitacées
Artichaut
Divers
Tomate
Piment
Culture H. Pomme de terre Saison Cucurbitacées
-58-
Voici schématiquement la classification obtenue :
Blé dur à haut rendement
ordinaires
> Blé tendre____,Variétés à haut rendement ------->Variétés ordinaires
Orge et céréales secondaires
Céréales
Vesce avoines
Fourrages irrigués !Cultures Fourragères I
1 Arboriculture '
Oliviers
Agrumes
Dattes
Amandier
Abricotiers
Autres
- 59 -
Bovins Bovins de race pure Bovins croisés Bovins locaux
Ovins
Elevage
prins
Ovins laitiers tres ovins
idés et camélidés
(servant à la traction)
Chacune de ces spéculations représente un vecteur (ou activité
ou variable objectif) dans lequel sont reliés tous les intrants agrico-
les au rendement de la spéculation par unité de sol (hectare) ou d'ani-
maux (unité zootechnique).
b) - La demande
Les rendements obtenus, pour les différentes spéculations,
sommés donnent des productions globales. Prenons l'exemple du blé dur
à haut rendement. Celui-ci est représenté dans le modèle par un. vecteur.
La solution donne x hectares de cette spéculation. Si on multiplie le
rendement par x on obtient la production de blé dur à haut rendement.
Il en est de mène pour le blé tendre. La somme des productions du blé
dur et du blé tendre est égale à la production totale du secteur en
blé. On procède de la mâme façon pour les autres cultures. De plus, à
chacun de ces produits, correspond une demande formulée par les consom-
mateurs. S'il n'y a ni exportation ni importation, les produits seront
consommés localement. Quand il y a transaction avec l'étranger, nous
avons l'équation suivante :
Production locale + Importation = Demande Locale + Exportation
La demande d'une façon générale est essentiellement fonction
des prix des produits et du revenu du consommateur. Dans le cas parti-
culier du modèle sectoriel, elle est exprimée individuellement pour
les principaux produits et se situe au niveau producteur.
-60-
La formule qui donne les demandes est alors du type COBB-
DOUGLAS, c'est-à-dire ayant des élasticités de prix et de revenu cons-
tantes.
Soit : 0 = a Pc)( R p (1)
où
a : Constante
Q : Quantité demandée d'un produit donne
P : Prix de ce produit
R : Revenu du consommateur
Une transformation de cette équation donne :
log q = loga + o( log P + 13 log R
1 Log q = A +0(1cg P + g log R (2)
Pour connaître une courbe de demande déterminée à un niveau
de revenu donné, il suffit de connaître l'élasticité du prix de cette
demande et un point sur cette courbe. C'est ce qui a été fait dans le
cadre de ce modèle.
(1) - Dans cette première version du modèle sectoriel, les effets
croisés des prix sont négligés.
(2) - Un développement mathématique simple permet de voir que coÇ est
l'élasticité prix alors que 13 est l'élasticité revenu.
-61 -
Effectivelaent on est parti d'une situation de base connue
en prix et en quantité (1976) et on a utilisé des élasticités prix
estimées au niveau producteur (1). Le tableau suivant donne les élas-
ticités prix qui ont servi à l'établissement du modèle.
PRODUIT : EIASTICITE PRIX
Blé dur - 0,40
Blé tendre - 0,45
Orge - 0,20
Légumineuses - 0,10
Tomates - 0,50
Piments - 0,8
Pomme de terre de saison - 1,26
Pomme de terre H. saison - 2,0
Melons - Pastèques - 1,0
Oignons - 1,0
Artichauts - 4,5
Petits pois - 1,5
Autres légumes - 0,9
Oranges - 1,65
Autres fruits - 2,2
Viande bovine - 2,0
Viande ovine - 3,0
Lait - 3,5
L'introduction de cette demande dans le modèle s'est faite
par le biais d'un certain nombre de colonnes correspondant à un décou-
page de la courbe en étapes (ou segments). Ces étapes constituent en
quelque sorte des niveaux différents sur la dite courbe parmi lesquels
le modèle peut choisir librement pour équilibrer l'offre.
(1) La plupart des élasticités utilisées proviennent d'une étude faite par
J. HAMMOND. "Analyse des prix des produits agricoles tunisiens". BDPA.
1972.
- b2 -
Ainsi dans ce cas, il existe 15 étapes. A chaque étape choisie
le modèle essaye de respecter l'inégalité suivante :
IPRODUCTION - DEMANDE > O
Ce qui veut dire que la production doit au moins égaler la
demande.
2.2. Les lignes et les contraintes
Les lignes dans le modèle sectoriel correspondent aux ressour-
ces qui rentrent dans les productions agricoles telles que : terre,
main d'oeuvre, traction, engrais, eau, etc.
Les contraintes sont de deux types : des contraintes sur les
ressources et des contraintes sur les productions. Alors que les con-
traintes sur les ressources sont endogènes, il s'agit des disponibili-
tes existantes, les contraintes sur les productions sont exogènes et
portent sur les niveaux de production introduits.
: Niveau des contraintes Demande : sur les ressources 1BD 01
Terre région I
Moderne
Main d'oeuvre
Traction mécanique
Traction animale
Moisson
Engrais
Traitement
Rendement
Paille
Son
1 Ha
a journées
b heures
c journées
d heures
e dinars
f dinars
q quintaux
h quintaux) utilisés
quintaux) animaux es taux)anamalux
- D
-63-
Les coefficients a à i représentent les inputs utilisés par
Ha afin de produire q quintaux de blé ou les sous-produits de blé pro-
venant de 1 ha qui peuvent être soit vendus soit utilisés pour la consom-
mation animale.
Ecaminons les ressources une à une :
. La terre : Les terres sont classées par région, par type d'exploitation
et par vocation culturale. On parlera par exemple, des terres de la région
I appartenant aux exploitations modernes et à destination céréalière.
. La main d'oeuvre :
Elle a été aussi regroupée selon les régions, selon les dispo-
nibilités au courant de l'année et selon son origine. Ainsi, on a pu
distinguer trois saisons où les fréquences de main d'oeuvre varient :
soit salariée soit familiale.
- La saison 1 : correspond aux 4 premiers mois de l'année
Janvier, Février, Mars et Avril
- La saison 2 : correspond aux 4 mois suivants
- La saison 3 : correspond aux 4 derniers mois de l'année
. La traction : Même chose que pour la main d'oeuvre
. La moisson : Un coefficient représentant la durée de la moisson en
heures par hectare figure dans les lignes.
. L'engrais et les autres produits d'entretien et de traitement :
Les doses appliquées à l'hectare sont évaluées, un coefficient
(exprimé en dinars) est exprimé dans le vecteur input-output.
En plus des lignes mentionnées ci-dessus, il existe d'autres
lignes qui sont soit des lignes comptables c'est-à-dire permettant de
faire des comptes (entre production et demande par exemple) soit des
b4 -
contraintes de production indiquant des minima de production (par exem-
ple pour satisfaire les besoins d'un groupe de famille appartenant à
une catégorie donnée).
2.3. Les Colonnes Auxiliaires
Ces colonnes ou variables sont à usage pratique. Elles permet-
tent de lire directement dans la solution du modèle des totaux de tout
genre : totaux d'utilisation demain d'oeuvre ; soit pour l'ensemble du
secteur, indiquant ainsi la contribution du secteur agricole à l'emploi
national, soit une main d'oeuvre saisonnière, soit encore une main d'oeu-
vre régionale. On peut concevoir la même chose pour la traction, les
engrais, l'eau, les productions agricoles elles-mêmes, etc... La forma-
tion de ces colonnes peut se schématiser came suit (1) :
: B. dur: B. dur: Total: Total: Deuand: Niveau de B.ord.: H. rend 11.0 : trac.: :contraint.
Terre
Main d'oeuvre
Traction
Rendement
1 1
a : b : - 1 : :
:• c d - I
e : f :
4.0
Balance produit BDO - 1
Balance produit BDHR : - 1
Balance produit B.D 1 ' I - q
(1) - Le tableau ci-dessus est incamplet à la base, car il mancue cer-
taines lignes. Il sera campleté au fur et à mesure que la description
• du modèle devient plus complète.
65 -
La _onction objectif
Il est su rose, lors de l'établissement de ce modèle, au'il
existe cies demandes pour les produits agricoles formulées par les consom-
mateurs, Que les producteurs cherchent à satisfaire.
Il faUt noter que l'offre et la demande sont interdépendantes.
Généralement, les consaamateurs connaissent bien les marchés (souvent
fluctuants). Ils ajustent alors leurs revenus de façon à satisfaire
au maxiiituni leurs besoins.
Les producteurs, pris dans leur ensemble vont réagir en produi-
sant ce qui peut être le plus rentable de façon à maximiser leur profit.
Ce mecanisme du marché reste d'ordre général, abstraction faite
de ce qu essayer de simuler le modèle sectoriel. En effet, le modèle
sectoriel n'est qu'un outil mathematiaue acceptant n'importe quelle for-
mule. Il appartient donc au modelisateur d'exprimer clairement l'objectif
a donner à ce modèle.
Supposons cue l'on veuille simuler dans la fonction d'objectif
une situation qui se trouvait au-dessus du point d'équilibre entre l'of-
fre et la demande. Ce cas survient quand l'Etat soutient les prix. Les
producteurs ont alors tendance à augmenter leurs productions au-delà du
point d'équilibre. Les consommateurs par contre diminuent leur demande.
Ainsi, il résulte un surplus sur le marché local qu'il faut soit expor-
ter, soit stocker. Ceci peut être bon, mais le consommateur est moins
rassasie, sauf si les prix locaux sont établis différemment.
La situation inverse entrainerait un déficit à combler par
des importations.
Il est démontre en théorie (1) aue la seule situation qui pourrait
satisfaire à la fois les consommateurs et les producteurs est celle qui
(1) - SAUTWON "Spacial price equilihrian and linear programming" -
American Economic Review Vol 42 Juin 1952.
766-
correspond à l'équilibre entre l'offre et la demande.
Pour ce qui est du modèle sectoriel, le choix a été fait dans
ce sens, c'est-à-dire que le modèle réalise des équilibres de marché pour
les différents produits. Il y a croissance des productions jusqu'au
moment où les coûts marginaux croisent les courbes de demande des pro-
duits correspondants. En observant la réalité, on se rend compte que le
marché tunisien des produits agricoles n'est ni canpétitif, ni pur, ni
parfait. C'est tout simplement un aspect de marché canpétitif qui est
simulé dans la fonction objective et qui implique que tous les frais de
production sont rémunérés ni plus, ni moins. Toutefois, cet objectif
n'est pas sans fondement. En effet, il garantit que tous les producteurs
pratiquent des prix qui couvrent les frais de la dernière unité qu'ils
produisent.
D'autre part, cette situation étant définie, nul n'empêche l'u-
tilisateur du modèle de la modifier, en introduisant des contraintes
de tout genre. Car il faut distinguer entre l'objectif du modèle et celui
de son utilisateur. Pour la fonction du modèle, il s'agit d'augmenter
les productions agricoles (constituant ainsi l'offre des produits) jus-
qu'à ce qu'elles croisent les demandes respectives des produits. Cette
situation suppose par conséquent que les frais de production sont complè-
tement couverts par les prix des produits. Quant aux objectifs de l'uti-
lisateur du modèle, il est possible qu'ils soient différents, et qu'ils
ne réalisent pas uniquement des équilibres de marché. En effet, on peut
très bien avoir comme objectif de tester une politique de prix de pro-
duit et/ou de facteur, ou un certain niveau d'emploi etc... en analysant
par exemple leurs implications sur la répartition des ressources et
l'équilibre entre les sous-secteurs. En principe, tout objectif que
l'utilisateur du modèle veut étudier s'introduit canne contrainte au
modèle. Ainsi, l'on peut imaginer autant de contraintes que l'on veut (1).
Cependant, du riment que le modèle cherche toujours à équilibrer l'offre
(1) - Bien entendu en respectant certaines propriétés théoriques du
modèle entre autre que le nombre de colonnes soit supérieur au nombre
de lignes.
-67-
et la demande, tout test ou évaluation de contrainte se fait sous ces
conditions.
A titre d'exemple, l'évaluation des implications d'une certai-
ne politique d'emploi se réalise tout en respectant les équilibres de
marché des divers produits agricoles.
3. LE MODEnE SECTORIEL ET TRS mul-Fs D'OPTIMISATION CLASSIQUES
On s'intéressera dans cette partie essentiellement à ce qui
différencie le modèle sectoriel de certains modèles d'optimisation qui
sont en géneral conçus pour des entreprises économiques de dimensions
relativement petites : des exploitations agricoles, des petites régions
naturelles etc... Ces différences constitueront le fondement de la struc-
turation du modèle telle qu'elle a été définie plus haut.
3.1. La demande des produits
Lorsqu'il s'agit d'une entreprise de dimension réduite, on peut
facilement admettre que sa production ne va pas avoir d'effet sur le prix
existant sur le marché de ces produits. C'est ce qui fait qu'en général
on suppose que les prix sont constants et exogènes à l'entreprise. En
d'autres termes la demande des produits de cette entreprise est parfaite-
ment élastique.
Par contre, lorsqu'il s'agit d'un secteur en entier, par exemple
le secteur agricole, il est presque impossible de faire la mène hypothè-
se. C'est ainsi que dans le cadre du modèle sectoriel au lieu de supposer
que les prix sont exogènes, on suppose plutôt que la demande des produits
est une donnée exogène pour le secteur agricole. Les producteurs ne font
qu'ajuster leurs productions à la demande des consommateurs.
3.2. Interactions entre les Secteurs
Il est parfois préconisé de construire des modèles dont la
fonction objectif est de maximiser la production, l'emploi, la valeur
ajoutée, etc... Encore une fois dans certains cas bien spécifiques,
notamment au niveau d'une exploitation, ceci pourrait se justifier.
Mais au niveau du secteur, il serait aberrant de ne pas tenir
compte d'un certain nombre de facteurs qui varient selon l'objectif
bien sûr, mais qui sont indispensables pour toute planification secto-
rielle qui se veut efficace.
a) - Maximisation de la Production
Ceci ne peut se faire sans l'examen de ce qu'est au moins la
demande locale. La production doit se faire d'une part dans le but de
satisfaire la demande et d'autre part s'orienter vers ce qui est le plus
demandé. De plus, aucune augmentation de la production ne peut être
attendue sans tenir compte du niveau des prix des produits à encourager
ou des facteurs qui vont entrer dans les processus de production.
b) - Maximisation de l'emploi
Bien que la maximisation de l'emploi soit souhaitable, il est
difficile d'appliquer les résultats d'un tel modèle. Les raisons sont
multiples, nous en évoquerons quelques unes. On peut avoir des conséquen-
ces néfastes sur la production et son ajustement à la consommation. Des
déséquilibres importants peuvent apparaître. D'autre part, comment peut-
on imaginer que l'agriculteur, pour faire travailler plus de personnes
puisse renoncer a une partie de son profit.
c) - Maximisation de la valeur ajoutée
La valeur ajoutée du secteur agricole représente par défini-
tion la différence entre la valeur des productions qui quittent le sec-
teur et la valeur des facteurs de production que le secteur agricole
achète des autres secteurs de l'économie - C'est en quelque sorte, le
profit que réalise le secteur. Maximiser la valeur ajoutée du secteur
agricole revient à considérer que ce dernier se comporte caffime un mono-
pole ("Puisqu'il n'a pas de concurrents) qui, pour maximiser son profit
-69-
égaliserait son coût marginal avec son revenu marginal. Ceci se tra-
duirait par des réductions de l'offre des produits agricoles.
Pratiquement, dans le cadre du modèle sectoriel, cet objectif
est facile à introuire puisqu'il y figure une ligne comptable que l'on
appelle revenu du secteur et qui n'est autre que sa valeur ajoutée.
4. UTILISATIONS POSSIBLES DU MCDFLE SECTORIEL
Une fois actualisé et mis au point, le modèle sectoriel agri-
cole pourrait être d'une grande utilité aux planificateurs notamment
lors de :
1/ - La détermination des projections sectorielles aussi bien
dans le carire du budget économique que des plans à moyen
terme.
2/ - L'évaluation des politiques de prix.
3/ - Pour montrer les incidences de certaines politiques
et enfin :
4/ - Pour evaluer des investissements et des enveloppes de
crédit.
4.1. Le modèle sectoriel et les projections sectorielles de
production :
Il est supposé que les changements de production entre une
annee 1 et une année n données sont le résultat d'une part des ajuste-
ments de cette production par les agriculteurs de manière à équilibrer
les variations que subissent les demandes de produits pendant la période
écoulée et d'autre part des incidences des projets d'investissement.
Pour ce qui est de la demande globale d'un produit, elle varie
entre 2 dates données essentiellement sous l'effet de l'accroissement
de la population et du revenu par tête d'habitant.
Pour faire les projections en question, il suffit de faire des
hypotheses sur ces taux d'accroissement et de disposer l'élasticité
-70-
revenus pour chaque produit que l'on veut projeter.
Quant aux projets dont va bénéficier le secteur, il est néces-
saire de les formuler aussi concrètement que possible. En principe,
chaque projet intéresse un aspect bien déterminé de l'agriculture. Son
introduction dans le modèle sera par conséquent assez particulière. Mais
en général, il y a deux façons possibles de les intégrer :
a/ - En créant de nouvelles variables, si par exemple le projet
va permettre, soit la création d'un produit, soit un mode
nouveau de production.
b/ - En modifiant les niveaux de constraintes. A titre d'exemple,
un projet de reconversion des zones marginales céréaliè-
res en cultures fourragères d'une région bien déterminée
se matérialisera dans le modèle par une modification des
niveaux de contraintes des terres céréalières et fourragè-
res de cette région.
Dans ce cadre on peut imposer au modèle toute contrainte sur
les productions en leur appliquant soit des limites supérieures, soit
des limites inférieures, selon l'objectif de l'utilisateur.
4.2. - Politiques de prix :
Il y a aussi au moins deux manières d'évaluer les prix des pro-
duits agricoles, l'une à partir des prix d'équilibre (ou prix de référen-
ces) arrêtés par le modèle et l'autre en supprimant les courbes de deman-
de.
a/ - A partir des prix d'équilibre :
Si le prix courant d'un produit donné est inférieur au prix
d'équilibre indiqué par le modèle pour ce produit, il en résulte que le
premier ne couvre pas tous les frais de production du produit en question.
Si pour une raison ou une autre, on veut encourager cette production, il
y aurait lieu soit augmenter le prix de ce produit, si l'on veut que les
- 71 -
agriculteurs réagissent dans le bon sens, soit de prévoir des subven-
tions.
Si au contraire, le prix courant est supérieur au prix équili-
bre on pourrait par exemple penser à mettre une taxe sur le produit,
car les producteurs couvrent leurs frais de production et réalisent de
gros profits.
b/ - En supprimant la demande :
Ceci consiste â empêcher la solution du modèle de se déplacer
sur la courbe de demande. Le prix du produit à évaluer se substitue à
sa courbe de demande. Tout se passe carme si cette dernière est devenue
campletement elastique. L'évaluation se fera par conséquent, en exami-
nant les incidences de cette politique sur les productions, l'emploi, la
valeur ajoutée et d'autres variables que l'on jugera importantes.
4.3. Les politiques d'emploi
Une fois l'objectif d'emploi connu, il est possible de l'intro-
duire came contrainte au modèle. Ainsi, un certain nombre de niveaux
d'emploi pourraient être testés.
4.4. Les politiques de crédit et d'investissement :
Lors de l'introduction du crédit agricole dans le modèle secto-
riel, il a été supposé que le crédit correspond aux dépenses des agri-
culteurs en intrants agricoles. Par ailleurs, on a admis que ce crédit
ne peut avoir pour origine que les institutions gouvernementales (banques
et autres), les agriculteurs entre eux et l'autofinancement.
Ainsi, lors des processus de production chaque unité d'intrant
utilisé est canptabilisée dans une ligne appelée crédit. La résolution
du modèle pour une campagne agricole donne directement le besoin du sec-
teur en crédit (Institutionnel, non institutionnel et autofinancement).
-72-
Pour ce qui est des investissements, il s'agit bien entendu
d'investissement sous forme de projet. Pour en faire une approche, il
faut les décomposer autant que possible, pour qu'en les introduisant
dans le modèle, il ne survienne pas de difficulté.
Une fois le projet introduit dans le modèle, soit sous forme
d'activités nouvelles, soit sous forme de nouveau niveaux de contraintes
(voir III, plus haut), on mesure le bénefice réalisé par le projet en
comparant les valeurs des fonctions objectives avec et sans le projet.
En connaissant le coût du projet, il est possible alors de dé-
duire par exemple, le rapport bénéfice/coût, critère bien connu dans
l'évaluation des projets. Par ailleurs, on peut étudier l'évolution du
secteur (productions, besoins en ressources, emploi, valeur ajoutée
etc...) avec et sans projet. Ce oui permet d'avoir des indications
non négligeables pour l'évaluation canplète du projet d'investissement.
Le tableau ci-joint montre la structure canplète du modèle pour un produit
typique : le ble dur ordinaire.
5. QUELQUES RESULTATS DU MODFLR
Pour le besoin du séminaire, il a été réalisé trois expériences
avec le modèle sectoriel. La première a consisté à faire déplacer les
demandes des produits, sans introduire de contraintes au modèle et en
faisant des hypothèses sur les taux d'accroissement de la population et
du revenu par tête d'habitant.
La seconde expérience s'est proposée l'introduction des céréa-
les dans le modèle afin d'atteindre l'objectif du Vème Plan : 15 millions
de quintaux de céréales sont à produire afin d'éviter l'importation, à
l'horizon 1981.
La troisieue expérience a eu pour but de montrer l'effet d'une
augmentation poSsible du prix d'un facteur de production.
- 73 -
5.1. Deplaceaent de la daaande
Les taux d'accroisse:Lent sont ceux du Verne Plan : 2,43 % pour
la population et 5,4 % pour le revenu.
Le but de cette experience est de pouvoir comparer les raretés
relatives, ciui s'expriment par les prix de référence des produits à
l'horizon 1941 et de pouvoir comparer ceux actuellement produits.
Les resultats ont été les suivants :
- 1976 -
rRODUIT Prix d'écuilibres à la Production (D/el)
1 9 7 6 1 9 6 1 •
Blé dur : 8,490 : 10,960
Blé tendre : 6,300 : 6,800
Orge : 4,500 : 4,500
Légumineuses : : 5,840 7,700
Oranges : 4,150 4,150
Tomate de saison 3,533 4,300
Tomate hors saison : 6,393 6,950
Piment de saison 6,395 10,413
Paume de terre hors saison : 6,390 7,210
Paume de terre de saison 5,757 6,350
Viande bovine : 73,460 65,000
Viande ovine 110,210 115,000
Lait : 5,010 6,000
D'après ces prix de référence, on constate que le prix actuel
du blé dur notamment (6,120) et les prix actuels de la viande sont loin
de correspondre aux prix d'équilibre entre l'offre et la demande. Ceci
suggére que l'objectif d'auto-suffisance en produits céréaliers et en
viande a l'horizon 191, çui est aussi l'un des objectifs du Véme Plan,
-74-
va impliquer des relèvements assez importants du prix du blé dur et celui
de la viande.
A titre d'exemple, pour les céréales le modèle indique qu'avec
la structure actuelle des prix, la production restera stationnaire, au
niveau de l'année 1976, soit environ 11 millions de quintaux. La demande
locale serait camplée par l'importation.
Ceci nous amène à penser à la deuxième expérience.
5.2. Limitation de l'importation des céréales :
Une contrainte a été introduite qui consiste à rejeter hors du
modèle l'importation susceptible de combler la demande locale en céréales.
Le niveau choisi par le Vème Plan de 250.000 T de blé tendre, a été pris
comme limite supérieure à l'importation de blé.
Le résultat a été, qu'en gardant la structure actuelle des prix,
la production ne dépasserait pas 12 millions de quintaux. Ce fait milite
essentiellement en faveur d'une révision du prix du blé dur (assez avanta-
geux en Tunisie) (1). La révolution verte a montré que c'est le blé dur
qui a accru la production de près d'un million de quintaux et non pas les
autres céréales.
5.3. Effets d'augmentation des salaires :
On a supposé une augmentation du prix de la main d'oeuvre (en
tant que facteur de production) de l'ordre de 33 % à l'horizon 1981.
L'effet sur les différentes productions agricoles est consigné dans le
tableau suivant.
(1) - S. GAFSI "The Green revolution : The TUnisian experience" These
de doctorat - Université de Minnesota - U.S.A. -
- 75 -
POURCENTAGE DE VARIATION DES PRODUCTIONS AGRICOLES
SOUS L'Enue D'UNE AUGMENTATION DES SALAIRES
AGRICOLES DE 33 %
PRODUIT % AGE DE VARIATION
CLREALLS
- Ble dur
- Ble tendre - 11,4
- Orge
CULTURES MARAICHERES
- Tcluate - 8,9
- Piment - 1,3
- Pomme de terre - 31,0
ARBORICULTURE
- Olives - 0,7
- Agrumes - 10,7
- Vignes - 4,4
FLEVAGE
. Bovins
- Viande - 2,7
- Lait - 5,5
. Ovins
- Viande - 11,4
- Lait
76 -
CONCLUSION
Le modèle sectoriel repose sur une hypothèse fondamentale, à
savoir que ce sont les agriculteurs qui gèrent le secteur agricole. Ils
ne substituent une culture à une autre que s'ils voient leur bénéfice
s'accroître. Le Gouvernement ne fait que les inciter à produire telle ou
telle culture, afin d'orienter la production.
Quant aux consommateurs, en tant qu'agents économiques, ils
cherchent à allouer une part de leurs revenus aux produits agricoles
de façon à satisfaire dans les meilleures conditions leurs besoins.
Toute ëvaluation de politiques agricoles se fait en respectant
ces données.
La phase essentielle de l'élaboration du modèle consiste à
avoir une image la plus canplete et la plus réaliste de l'agriculture,
afin de raisonner sur des bases bien solides. Les données statistiques
doivent être nombreuses, afin de permettre les détails.
Par ailleurs, plus on a de détails, plus grand devient le modè-
le et plus difficile à manier. Ainsi, on cherchera toujours un compromis
entre la représentativité du modèle sectoriel de l'agriculture, oui con-
siste à avoir un modèle le plus détaillé possible et la dimension de ce
dernier qu'il est utile et pratique de garder à un niveau raisonnable.
Le modèle sectoriel agricole ne doit pas se substituer aux
organes de planification ni dicter les performances du secteur agricole.
Que l'on retienne tout simplement qu'il s'agit d'un outil théoriquement
cohérent qui permet d'éclairer sur les politiques intéressant l'agricul-
ture.
Une fois ces politiques connues par le planificateur, il est
possible de prévoir les incidences qu'elles peuvent avoir sur les varia-
bles agricoles qui en dépendent.
Les résultats préliminaires mentionnés dans le présent rapport,
-77-
ne font qu'illustrer des utilisations possibles d'une approche formali-
see tel que le modele sectoriel.
Ainsi, on retiendra qu'il est bon de réfléchir plus profondé-
ment à la formation du prix du blé dur qui constitue l'avenir de la
cérealiculture en Tunisie. Il faudrait étendre les variétés à haut
rendement plutôt que de faire passer le prix actuel (6D.120) à 11
Dinars le quintal en 1981.
Enfin, l'usage d'un modèle multisectoriel alourdit la tâche,
et nécessite des moyens humains et matériels importants, pas toujours
disponibles.
Avec le développement du service des statistiques agricoles
et l'amélioration des outils de travail, on espère, dans l'avenir, être
plus utile â la planification.
-78-
-DISCUSSION-
Les questions qui ont été posées par les personnes présentes
au séminaire ont porté sur deux thèmes essentiels : la structure du
modèle et les résultats mentionnés dans le rapport.
A. - QUESTIONS SUR LE MOUFLE
La plupart des questions revenaient à la signification de la
fonction d'objectif.
Nous avons repris l'explication donnée dans le texte de l'ex-
pose à savoir que le modèle recherche des ajustements (ou équilibres)
entre l'offre et la demande des produits agricoles. En d'autres termes,
il s'agit de maximiser à la fois les surplus du consommateur et du pro-
ducteur. Cela ne veut pas dire que le marché Tunisien est compétitif,
bien qu'il peut l'être pour certains produits. L'objectif qu'on se pro-
pose permet de distinguer, entre coûts de production, coûts économiques
ou autres coûts que l'utilisateur du modèle ne peut pas évaluer.
Des détails supplémentaires ont été fournis concernant la natu-
re de la demande et l'offre des produits agricoles. Comme il a été indi-
qué, la courbe de demande est discontinue sous forme de segments (ou
étapes) en escalier. L'offre que l'on détermine de façon endogène, a,
elle aussi, une courbe d'escalier. Chacun de ces niveaux correspond au
degré d'efficience économique des types d'exploitations en question.
Les courbes d'offre et de demande se présentent canne suit :
Offre en escalier
demande en escalier a•
-79-
Fonction d'objectif du modèle
Prix
qi Quantités
Le Wri représente l'aire camprise entre la courbe de demande,
l'axe des prix et l'axe des quantités. L'objectif du modèle est de maxi-
miser le W, ce qui correspond à la réalisation de l'équilibre entre
l'offre et la demande.
L. - QUESTIONS SUR US RESULTATS DU MODFLE
Ici également, il a été rappelé que l'on ne doit pas s'arrêter
aux résultats en tant uue tels, plutôt essayer de les retrouver à par-
tir du modele, le sàainaire ayant pour but la formation et non la vul-
garisation.
Par ailleurs, il ne fanarait pas être choqué par certains ré-
sultats, peut-être aberrants en apparence, mais qui, en vérité, trouvent
leur explication dans une analyse plus fine (le modèle sectoriel).
-80-
-BIBLIOGRAPHIE-
J. VEPCUEIL "Analyse Sectorielle de l'Agriculture"
Séminaire FAO - CNEA Tunis, Juin 1977
A. CONDOS & C. CAPPI
"Agricultural Secto Analysis :
A linear programmingfor Tunisia"
FAO - Octobre 1976
J. HAMMOND "Analyse des prix des produits agricoles
Tunisiens" - - Tunis, 1972
P.A. SAMUELSON
"Spacial price eguilibrium and linear
Frogramming"American Econamic Review -
Vol 42 Juin 1952
S. GAFSI
"The Green Revolution : The Tunisian
EXperience" Thèse de doctorat - Univer-
sité de Minnesota U.S.A. 1975.
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- t32 -
LA PROGRAMMATION LINEAIRE
Outil d'investigation en milieu rural africain (1)
par : J.M. BOUSSARD
et
J. BOURLIAUD
La programmation linéaire est une méthode d'optimisation qui
permet de résoudre le problème suivant :
Trouver x maximisant cx, et vérifiant ax < b, où c est un
vecteur ligne, x et b des vecteurs colonnes et A une matrice de dimen-
sion convenable.
Beaucoup de problèmes d'économie agricole se mettent sous
cette forme. Par exemple, supposons que se représentent les surfaces
à attribuer aux différentes cultures, et chaque élément de c le béné-
fice espéré sur 1 ha de chaque culture. Il est facile d'écrire sous la
forme Ax < b des contraintes du type : "La somme des cultures ne peut
excéder la surface disponible", ou bien" à chaque période de l'année,
les besoins en travail de l'ensemble des cultures ne doivent pas dépas-
ser les quantités de travail disponible". Alors, maximiser le bénéfice
de l'ensemble de l'exploitation revient à résoudre le problème précé-
dant.
En pratique, cependant, la méthode n'a pas souvent été utilisée
en Afrique. Ceci tient à l'existence de diverses croyances, dont la plu-
part ne sont pas fondées : on s'imagine que l'instrument n'est valable
que pour de très grandes exploitations, ou qu'il exige des données très
fines, disponibles seulement dans les pays développés. Ce n'est pas
exact, à condition cependant d'utiliser l'instrument à bon escient.
(1) Cette note a été préparée pour le colloque MIRA, 10-12 Janvier 1979.
- 83 -
La source de toutes ces objections vient de ce que la P.L.
(programmation linéaire) a souvent été présentée carme un moyen de
gérer finement des exploitations modernes dont on ne pouvait espérer
améliorer les résultats autrement. Elle était vue comme un outil quel-
que peu technocratique, qui allait permettre de découvrir des gains de
productivité là où on désespérait d'en trouver. Sans doute, si cela
était vrai, cette technique serait probablement inutile en Afrique.
Mais il se trouve que se n'est pas le cas. En fait, lorsqu'on tente
d'appliquer la P.L. dans le cadre de l'agriculture développée, il arri-
ve que l'on découvre des plans d'exploitation "optimaux" bien meilleurs
que ceux qui sont rais en oeuvre par les agriculteurs. Mais on découvre
alors très souvent que ces plans sont en fait irréalisables : on a
oublié une ou plusieurs contraintes importantes, qui font que ces plans
mirifiques ne peuvent pas être appliqués. Si l'on modifie le "modèle"
pour tenir compte de ces contraintes, on se rend compte alors le plus
souvent que les plans optimaux qui sortent de l'ordinateur sont en fait
peu différents de ceux qui sont effectivement choisis par les agricul-
teurs.
Sans doute, il y a des exceptions : Il arrive parfois que l'on
découvre ainsi des possibilités d'amélioration réelles pour les agricul-
teurs. Toutefois, la chose est assez rare pour qu'il soit possible de
considérer que la solution d'un programme linéaire bien construit ne doit
normalement pas différer significativement des systèmes de production
réels. Cette propriété a été utilisée pour construire des modèles de com-
portement de certaines populations d'agriculteurs : on peut, en effet,
après avoir vérifié que le modèle représente correctement la réalité,
étudier "ce qui se passerait" si les conditions technico-éconanique chan-
geaient : Par exemple, si l'on introduisait l'irrigation dans une région
où elle est absente, ou bien si l'on changeait les prix de certains pro-
duits, etc. Ainsi, la programmation linéaire n'est plus considérée dans
les pays développés carme un outil "normatif" destiné à découvrir "ce
qui devrait se faire", mais bien plutôt carme un outil descriptif des-
tiné avant tout à reproduire la réalité. L'optimisation n'est plus un but
en soi. C'est un moyen d'atteindre ce but. Son emploi résulte de deux
considérations : d'abord les agriculteurs sont rationnels. Ils cherchent
-84-
maximiser une fonction d'utilité. Par conséquent, le meilleur moyen
de reproduire leur comportement est précisément de chercher à maximiser
cette même fonction d'utilité. Ensuite, l'utilisation d'une procédure
d'optimisation présente un avantage accessoire qui n'est pas négligea-
ble : c'est un moyen précieux de découvrir les erreurs de spécification
du modèle.
Ceci mérite quelques explications : lorsqu'on utilise un
simulateur ordinaire - par exemple, un modèle dont les coefficients
sont calculés au moyen des "moindres carrés" ou d'une technique simi-
laire - il arrive souvent que des hypothèses complètement fausses per-
mettent néanmoins d'obtenir une coincidence raisonnable entre modèle
et réalité. Ceci provient de ce que, dans des conditions moyennes un
modèle faux donne souvent d'aussi bons résultats qu'un modèle juste.
Par contre, avec l'optimisation, on est sûr d'obtenir toujours un ré-
sultat extrême : si l'on oublie une contrainte importante, on obtiendra
toujours un résultat qui tirera parti au maximum de l'absence de cette
contrainte, et qui Fera par conséquent grossièrement erroné, au point
que même un non spécialiste verra du premier coup d'oeil que "quelque
chose ne va pas". La recherche des causes de l'anamalie sera parfois
laborieuse, et exigera peut être le recours à un spécialiste. Du moins
sera t--on sûr de ne pas utiliser un modèle inexact.
Pour ces raisons, les modèles à base de programmation linéaire
sont plus fiables, quoique plus difficiles à construire que la plupart
des autres modèles, lorsqu'il s'agit de vérifier le diagnostic porté
sur une situation, et de s'assurer que les hypothèses que l'on fait à
son sujet sont raisonnables.
Pourquoi la même technique ne serait-elle pas utilisable en
Afrique ? La seule hypothèse fondamentale est celle selon laquelle les
agriculteurs maximisent quelque chose (pas nécessairement leur revenu).
Il n'est pas nécessaire de beaucoup la discuter au sein du groupe AMIRA.
Pour le reste, la plus grande liberté est laissée au constructeur de
. modèle, qui peut, dans le cadre très général de la maximisation sous
contrainte, traduire à peu près n'importe quoi. Voici quelques exemples
-85-
d'utilisations possibles :
a) L'identification des centres de décision :
Qui prend les décisions de production dans une organisation
du type sénégalais, où le chef de carré est investi d'une autorité
nominale importante, mais où les ménages qui composent le carré sont
soumis à toute sorte de tentations centrifuges ? Essayons de bâtir deux
modèles, l'un qui maximise le revenu du chef de carré, l'autre, celui
des ménages. Il arrivera que selon le degré d'intégration du carré à
l'économie marchande, tantôt l'un, tantôt l'autre de ces modèles corres-
pondra mieux à la réalité.
b) La vérification des données sur les cultures : Les résultats
de programmes linéaires sont habituellement très sensibles aux hypothè-
ses faites sur les rendements, les temps de travaux, et les autres coef-
ficients techniques. D'un autre côté, ces données sont souvent peu fia-
bles en milieu rural africain. La construction d'un prograuue linéaire
permet souvent de découvrir que telle "fiche de culture" est manifestement
soit beaucoup trop optimiste, soit trop pessimiste. On peut ainsi partir
de données beaucoup moins fantaisistes, et beaucoup plus cohérentes qu'on
ne le fait souvent.
c) Le rôle des intermédiaires, et des circuits de commerciali-
sation traditionnels : on a souvent sous-estimé ou surestimé le rôle
exact joué dans la société traditionnelle africaine par les Pakistanais,
Libanais, et autres Syriens, - avec des conséquences parfois catastro-
phiques pour le développement régional, les politiques mises en oeuvre
en fonction d'une analyse insuffisante de la situation ayant souvent
conduit à des résultats complètement opposés à ceux qui étaient escomptés.
Pourtant ces intermédiaires traditionnels ne méritent souvent ni les
exces d'éloges, ni l'indignité dont on les a couvert. Ils s'adaptent à
la situation qui leur est faite d'une façon qui n'est pas toujours opti-
male du point de vue de l'intérêt général, mais qui n'est pas forcément
dépourvue de tout avantage. Toute intervention à leur égard doit partir
d'une analyse fine des services qu'ils rendent, et des obstacles qu'ils
mettent à l'amélioration des situations locales. Pour tester une pareille
-86-
analyse, il faut arriver à reproduire en quelque sorte "in vitro" les
courants d'échanges qui existent entre ces intermédiaires et les pay-
sans. Ces échanges sont multiples et complexes, depuis la fourniture
d'engrais et de semences, et la commercialisation des récoltes, jusqu'à
l'octroi de crédit dans des conditions souvent moins léonines Qu'on ne
le décrit habituellement (le report des dettes sans intérêt supplémen-
taire étant souvent la règle). La programmation linéaire permet dans
ce cadre de vérifier beaucoup d'hypothèses préalablement spécifiées :
le plus souvent, en montrant que les choses sont moins simples Qu'il
ne le parait à première vue.
d) Les conflits fonciers : S'il est un domaine dans lequel
les situations varient à l'extrême d'une région à l'autre de l'Afrique,
c'est bien celui des problèmes fonciers. On trouve toutes les situations
intermédiaires, entre la terre absolument gratuite parce que abondante
en quantité illimitée, jusqu'aux régimes fonciers incroyablement compli-
qués qui résultent de la surpopulation et de la pression démographique.
Or ces situations non seulement coexistent souvent à quelques dizaines
de km de distance, mais encore évoluent très vite avec le progrès techni-
que. Telle innovation - par exemple, la culture du coton ou la traction
attelée - qui améliore la productivité du travail, transforme une situa-
tion d'abondance de terre en situation de pénurie - avec les conflits
de pouvoir qui en résultent. Ici encore, la P.L. est un outil précieux
pour détecter l'éventualité de tels changements, en raison de son apti-
tude à identifier les catégories de terre "contraignantes" ou "non
contraignantes". Il y a peu de chances de voir apparaître des conflits
à propos des catégories de terres "non contraignantes". Au contraire,
lorsque l'introduction d'une nouvelle technique rend "contraignante"
une catégorie de terre qui ne l'était pas auparavant, on peut s'atten-
dre à des difficultés. Naturellement, la P.L. ne permet en aucun cas
de savoir comment se résoudront les conflits correspondants. Par exemple,
les "puissants" locaux pourront profiter des rentes créées par la nouvel-
le technique, ou bien, au contraire, la communauté sera assez forte
pour éviter les conflits en refusant l'innovation, ou encore une troisiè-
me éventualité se présentera : cela, la programation linéaire ne sera
pas capable de la prévoir, dans la mesure où les solutions apportées
-87-
à ces difficultés sont larganent indéterminées. Du moins sera-t-elle
capable de prévoir l'occurence de ces difficultés, et par conséquent,
peut-être de mettre en place à froid des solutions qui seraient beau-
coup plus difficiles à imposer à chaud.
On vient de passer en revue quelques uns des domaines dans
lesquels la programmation linéaire peut constituer un instrument d'in-
vestigation efficace. Ceci ne veut pas dire que l'outil puisse servir
dans n'importe quelle circonstance, ni que son emploi soit très facile.
A vrai dire, c'est bien là que se trouve le principal obstacle à sa
diffusion. D'une part, il s'est trouvé des chargés d'étude pour l'emplo-
yer à tort et à travers avec un résultat souvent désastreux. D'autre
part, il est de fait que cet instrument est coûteux et délicat à manier,
et qu'on ne trouve pas toujours chez le même chargé d'étude à la fois
l'imagination créatrice nécessaire à la traduction des hypothèses en
termes de programmation linéaire, et la patience et la minute nécessai-
res pour dialoguer avec l'ordinateur, purger les fichiers de leurs
erreurs, et maitriser les langages de cammande indispensables. D'un autre
côté, la demande de telles études n'est pas telle, à l'heure actuelle,
qu'il puisse se constituer sur une base commerciale, de petites équipes
de personnes complémentaires dans les différents rôles qui viennent d'être
évoqués. Il est néanmoins certain que l'amélioration de la rigueur des
nombreuses études effectuées en milieu rural africain passe par une plus
large diffusion de ces méthodes.
Il y a cependant quelques conditions à remplir pour qu'une
étude à base de P.L. puisse rendre les services qui viennent d'être
évoqués.
D'abord le modèle de quelque façon qu'il ait été construit,
doit avoir été testé par comparaison entre le plan de production "optimal"
dans des conditions observables données, et les plans de production effec-
tivement mis en oeuvre par les agriculteurs dans ces mêmes conditions.
-88-
A vrai dire, cette phase de test représente souvent l'essentiel
de l'étude : au manent où l'on obtient une bonne coincidence entre
modèle et réalité, on peut dire que l'on a une bonne connaissance de
la situation étudiée. L'étude ultérieure de "ce qui arriverait" si la
situation changeait n'est plus parfois qu'une enjolivure.
Ensuite, il existe un certain nombre de contraintes qui doivent
être à peu près obligatoirement introduites dans le modèle. Ces contrain-
tes sont évidemment les contraintes techniques habituelles (disponibi-
lité en terre, en travail, éventuellement en machines, alimentation du
bétail, etc...). liais il ne faut pas non plus oublier des contraintes
moins courantes, qui jouent cependant un rôle de financement - qui peu-
vent s'exprimer à la fois en termes monétaires disponibilité d'argent
liquide pour les achats indispensables - et en termes physiques - pour
les semences en particulier, ou pour les cultures vivrières, et des
contraintes de sécurité,l'agriculteur ne peut envisager de prendre des
risques excessifs. Il importe de noter que ces contraintes sont liées :
l'aversion pour le risque augmente lorsque la situation financière se
détériore. Ces contraintes sont liées également de façon étroite à la
question des cultures vivrières et à l'imperfection des marchés : la
justification profonde des cultures vivrières nécessaires pour satisfaire
les contraintes de "financement" exprimées en termes physiques pour les
produits alimentaires vient du fait que l'achat d'aliments sur les mar-
chés se fait à un prix beaucoup plus élevé que la vente de ces mêmes
denrées lorsqu'elles sont produites en excédent.
Enfin, la prise en compte de ces contraintes de financement (au
sens large) implique presque toujours que le programme linéaire à cons-
truire soit presque toujours dynamique : au lieu de chercher à représen-
ter l'état d'équilibre d'une exploitation fonctionnant en régime perma-
nent, on cherche à décrire les changements qui doivent survenir par rap-
port à une situation initiale donnée. Ceci complique encore un peu les
modèles, et soulève à la fois le problème de l'horizon de planification
(1 an, 2 ans, 3 ans ?) et celui de la fonction économique à maximiser.
Il est difficile de traiter ces questions en détail dans une note aussi
brève. Bornons nous à signaler que des théorèmes assez forts permettent'
- 89 -
de penser que la nature exacte de la fonction â maximiser a relative:tent peu d'importance, pourvu Qu'elle soit une fonction croissante de la richesse de l'exploitant. En même temps, un horizon de planification assez court (2 ans), suffit presque toujours à expliquer les ccraporte-ments observés.
-90-
ORIENTATIONS BTRLTOGRAPHIQUES
1 : Exemple de travaux
BOUSSARD , J.M. :
L'application du modèle du type "Provence" à l'étude
des exploitations agricoles de l'Ouest Malgache. Econanie
Rurale, N° 88, Mme trimestre 1971.
BOURLIAUD, J. ; BOUSSARD, J.M. ; LE13LANC, J. :
La programmation linéaire comme outil descriptif
du comportement des agriculteurs : une étude pilote au Sénégal.
Monde en Développement N° 17, 1977, pp. 51-74.
LEBLANC, J. :
Simulation mathématique des politiques agricoles.
Technique et Développement, N° 1, Avril 1972, pp. 11-18.
2 : Théorie de la programmation linéaire appliquée à l'agriculture
BOUSSARD , J .
Time horizon, objective function and uncertainty in
a linear programming model of firm growth. American J. of
Agricultural econanics 53 (3), Août, 1971, pp. 467-477.
BOUSSARD, J.TI. :
Programmation mathématique et théorie de la production
agricole, Cujas, Paris, 1970.
- 91 -
LA DIFFUSION DES DONNEES (1)
par : J. MAYER
Une information statistique n'a de valeur que si elle est
reçue par celui auquel elle est destinée. L'activité de diffusion est
donc un complément indispensable de l'activité statistique. Un Institut
de statistique doit y consacrer les ressources nécessaires en personnel
et en matériel.
On examinera successivement les questions suivantes :
I - Cannent définir un programme de diffusion ?
II - Cannent organiser les services de diffusion d'un institut
statistique ?
III - Cannent apprécier la qualité des services rendus au
public ?
(1) Note rédigée à l'occasion du séminaire sur l'organisation d'un servi-
ce statistique - Munich - 3 au 24 Juillet 1978.
- 92 -
I - Carment définir un progrcuume de diffusion ?
a) Necessité d'un prograutne de diffusion.
Toutes les opérations statistiques doivent aboutir à des pro-
duits susceptibles d'être diffusés. Le progranue de travail d'un Institut
de statistique doit donc préciser les conditions dans lesquelles les
données ou ouvrages produits seront diffusés. Le regroupement de ces
indications dans un programme de diffusion permettra d'une part de donner
aux utilisateurs de statistiques une idée précise de ce dont ils pourront
disposer. Ce programme devra donc avoir lui-même une large diffusion.
Il permet, d'autre part, de répartir justement les ressources de l'Ins-
titut entre les activités de production et les activités de diffusion
(ressources en personnel, budgétaires, informatiques). Si une partie de
la diffusion est payante, le progrdane de diffusion permet aussi de pré-
voir les recettes que cette activité procure à l'Institut.
b) Contenu d'un programme de diffusion.
De nombreux choix sont à faire, sur la base d'un programme de
production donné, pour aboutir à un programme de diffusion : que doit-on
publier, avec quelle rapidité, avec quelle technique, à quel prix ?
i) Que doit-on publier ?
Ces choix demandent une bonne connaissance du public potentiel,
ils doivent être souvent remis en cause. Il est rare en particulier qu'un
Institut de statistique atteigne directement le grand public. Les publi-
cations générales doivent plutôt chercher à intéresser des organismes
relais qui transformeront ce qui leur est fourni pour en tirer de l'in-
formation intéressant les diverses couches de la population. Ces relais
peuvent être la presse, générale ou spécialisée, ou les associations
diverses.
Ces choix dépendent également des moyens disponibles. Fournir
de l'information à la demande permet d'atteindre un plus large public
- 93 -
mais demande des moyens très importants et une excellente organisation.
ii) Avec quelle rapidité ?
Un second type de choix concerne la rapidité de diffusion dans
la mesure ou, ne serait-ce que pour des raisons matérielles, on ne peut
pas avoir des publications à la fois très rapides et très développées.
Or certains utilisateurs ont besoin rapidement de chiffres globaux,
d'autres au contraire ne se satisfont que par des données de type mono-
graphique â un niveau élevé de détail.
Les statistiques conjoncturelles sont évidemment les plus
pressées et leur production doit être organisée de façon à permettre
leur diffusion rapide. Un objectif est d'arriver à publier les statis-
tiques mensuelles concernant le mois n avant la fin du mois n + 1, les
statistiques trimestrielles concernant le trimestre n avant la fin du
trimestre n + 1 et de même pour les statistiques annuelles. Les statis-
tiques de caractère structurel supportent en général des délais de pu-
blication plus longs bien que la diffusion de résultats provisoires avan-
ces puisse être recommandée quand elle est possible.
Un programme de publication comporte donc en général des ouvra-
ges périodiques, pour lesquels la stricte régularité de parution est
d'une importance capitale, des collections spécialisées donnant, par
exemple, les résultats des enquêtes et des ouvrages de références (mé-
thodologie, classifications).
iii) Avec quelle technique ?
Le choix des supports et des techniques de diffusion repose
lui aussi sur de multiples facteurs. Une fois le programe de diffusion
adopte, la technique choisie peut permettre une diffusion plus ou moins
rapide, plus ou moins luxueuse et plus ou moins coûteuse :
La publication sur papier est encore aujourd'hui pour la plupart
des statistiques le moyen de diffusion le plus courant. Elle permet une
-94-
consultation facile et est accessible à des utilisateurs individuels.
La diffusion d'information sur microfilms et surtout micro-
fiches se développe pour les publications de gros volume. Microfilms
et microfiches sont en effet, bon marché, surtout les microfiches. Ils
demandent des appareils de lecture relativement peu coûteux mais sont
de consultation moins facile que les documents imprimés.
La bande magnétique convient pour l'utilisateur qui doit traiter
ou simplement manipuler un gros volume d'information. Elle demande
évidemment un appareillage informatique.
Les banques de données donnent déjà, à l'intérieur des organisa-
tions statistiques ou de l'administration centrale, un moyen puissant
d'utiliser de l'information stockée dans les fichiers informatiques. A
l'avenir, des réseaux informatiques permettront une diffusion plus large
de l'information qu'elles contiennent.
En ce qui concerne les publications, on peut distinguer trois
possibilités :
- la reproduction offset de supports peu élaborés : frappe
dactylo, listes d'ordinateur. C'est une solution rapide et bon marché
mais transférant la mise en page de l'imprimeur vers les auteurs. Elle
convient pour la diffusion rapide ainsi que pour les gros volumes traités
par l'informatique ;
- la typographie : c'est une solution lente et coûteuse. Elle
peut parfois être avantageuse lorsqu'il s'agit d'une mise à jour régu-
lière dans un cadre de base. Elle est à proscrire pour les ouvrages
comportant de nombreux tableaux qui ne sont publiés qu'une seule fois
(résultats d'enquête) ;
- la photocomposition autanatique : une solution rapide et bon
marché, comparable à la reproduction offset, mais avec une qualité de
loin meilleure. Elle peut permettre des économies de papier, car, du
-95-
fait de sa meilleure qualité, elle permet de mettre plus d'information
par page. Elle exige des équipements d'une technique avancée mais que
possédent la plupart des pays. En outre, les données doivent être trai-
tées en informatique.
iv) Aspects commerciaux de la diffusion.
Le choix se pose toujours entre la vente et la diffusion gra-
tuite, il doit être fait de façon à développer l'utilisation de l'infor-
mation par le statisticien et dépend beaucoup de la connaissance du
public visé. Un certain niveau de diffusion gratuite est de toutes fa-
çons nécessaire pour faire connaître les publications, pour assurer le
service public vis-à-vis de certaines collectivités, et pour alimenter
des échanges de publications. Si cette partie devenait trop importante,
cela pourrait aboutir à un gaspillage de ressources : il est inutile
d'envoyer des documents qui vont directement à la corbeille à papier
sans être lus. Mais, ce n'est qu'en fournissant une information de qua-
lité à ceux qui en ont besoin qu'on développera l'habitude de l'utiliser
et par conséquent qu'on créera les conditions d'un développement ultérieur
d'un marché de l'information payante.
La fixation du prix se fait le plus souvent sur la base du coût
moyen du support de diffusion, sans imputation pour le coût de la collec-
te et du traitement des statistiques. Mais des éléments purement commer-
ciaux peuvent intervenir.
Certaines publications ont un caractère général, d'autres seront
specialisées. C'est sur les premières qu'il faut axer la pranotion des
ventes ;,elles peuvent servir aussi de support publicitaire pour les
publications spécialisées. En ce qui concerne ces dernières, il faut
faire connaître leur existence et leur contenu par les moyens appropriées
dans les milieux intéressés et au moment le plus propice.
Il ne faut pas hésiter à faire de la publicité pour les publi-
cations statistiques dans la presse générale, dans la presse spéciali-
sée, dans les publications professionnelles, etc.
-96-
II - Comment organiser les services de la diffusion ?
Qu'il s'agisse de publications générales ou de publications
spécialisées, le service créateur de l'information à diffuser est un
service statistique. C'est le statisticien qui doit avoir la responsa-
bilité de la préparation initiale du document à publier : tableaux et
textes. Cependant un certain nombre de fonctions spécialisées de diffu-
sion doivent être exercées dans un institut statistique : fonction
d'éditeur, fonction commerciale, fonction d'information du public.
Suivant la taille de l'Institut, ces fonctions peuvent être exercées
par un seul service ou par trois services différents.
a) Fonction d'éditeur
Elle doit s'exercer vers l'amont, c'est-à-dire vers le service
producteur, et vers l'aval, c'est-à-dire les services techniques et commer-
ciaux.
S'il est vrai que les producteurs connaissent mieux les besoins
des utilisateurs et peuvent mieux tenir compte des aspects techniques
particuliers, les services de la diffusion pourront les orienter vers
les formes les mieux adaptées à la satisfaction du public, corriger et
alléger leur rédaction, leur proposer de varier les formats, d'introduire
des graphiques, etc... Un de leur rôle sera d'exiger des producteurs le
respect des délais et de maintenir l'ampleur des publications dans les
limites qui avaient été fixées.
Envers les services techniques et commerciaux, ils sont au
contraire les représentants des statisticiens pour exiger le respect
des normes et des calendriers adoptés et d'une façon générale, la bonne
tenue des publications.
Le partage des responsabilités entre service auteur et service
éditeur peut varier suivant la taille de l'institut et même suivant la
nature de la publication : pour une publication générale qui reprend de
l'information produite dans de nombreux services d'un institut, ce sera
-97-
souvent le service éditeur qui aura la responsabilité de la préparation
de la publication et même de son contenu. Mais en général c'est le ser-
vice auteur qui a cette responsabilité, sous le contrôle du Directeur
de l'Institut.
b) Fonction carinerciale.
Elle consiste à définir la politique cammerciale de l'institut
en matière de diffusion (tarification, publicité, diffusion gratuite)
et à la mettre en oeuvre.
c) Fonction d'information au public.
C'est une des responsabilités d'un office statistique de faire
en sorte que le public le plus large puisse avoir accès à l'information
statistique. Pour cela il doit créer un service ouvert au public ou capa-
ble d'aider un demandeur à préciser sa demande et à la satisfaire. Beau-
coup d'utilisateurs potentiels (individus, entreprises moyennes ou pe-
tites, administrations régionales) ne sont pas susceptibles, sans une
aide, de s'orienter dans l'enseMble des publications statistiques qu'ils
connaissent mal.
La forme que peut prendre un tel service qui peut être centra-
lisé ou décentralisé dépend de la taille et de l'organisation adminis-
trative du pays, et des ressources que l'Institut de statistique peut
y consacrer.
III - Cament apprécier la qualité des services rendus au public ?
La qualité d'un progremite de publication doit se juger sur une
longue période en appliquant un esprit constant de remise en cause et de
critique.
Dans une large mesure se sont les services producteurs qui
reçoivent le plus directement l'information leur permettant de juger
leàrs publications. Car ce sont eux qui ont le plus de contact de tra-
-98-
vail avec les milieux qui les utilisent. Mais ils ne sont pas des criti-
ques impartiaux. C'est donc une responsabilité d'un service central de
diffusion d'obtenir des éléments de critique lui permettant d'inciter
les producteurs à remettre en cause leurs travaux.
Un des moyens est évidement de surveiller attentivement les
ventes : évolution des abonnements, abonnements nouveaux et désabonne-
ments, répartition des abonnements (et si possible de la vente au numéro)
par région et par nature des acheteurs, etc...
Un deuxième moyen est de faire des enquêtes auprès des lecteurs.
Les enquêtes par écrit donnent très peu de résultats utilisables. Les
enquêtes orales sont plus efficaces ; elles le sont d'autant plus que
la publication est importante pour le public et que l'on connaît mieux le
public que l'on va interviewer.
Un troisième moyen est l'analyse de la demande que reçoivent
les services d'information du public quand ils existent, et de la manière
dont elle a pu être satisfaite.
-99-
METBCDCLOGIE DE LA MESURE DES MIGRATIONS
Commentaires sur la réunion du groupe d'experts
tenue à LONDRES (25-17/9/79)
par : R. CLAIRIN
Au cours de cette réunion, les débats ont porté sur les points
suivants :
- Définition, concepts et typologie des migrations,
- Besoins des utilisateurs,
- Collecte et analyse des données,
- Etudes de cas,
- Création d'une "banque de données" sur les migrations.
I - Définition, concepts et typologie des migrations
Définitions : Ce point a donné lieu à des discussions parfois
animées et souvent intéressantes, mais dont on ne peut pas dire qu'elles
aient fait faire de grands pas vers une solution. Il pouvait difficile-
ment en être autrement : d'une part, dès lors qu'une étude porte sur
un effectif relativement important, il n'est pas possible de prendre
en considération tous les déplacements des individus, mais par contre
on ne voit pas carment trouver de critères universels pour faire la
distinction entre migration et simple "mouvement" : cette distinction
dépend des conditions locales et des besoins des utilisateurs. D'où une
première conclusion (largement majoritaire) : les recherches doivent
porter sur la mobilité en général, aucun type de déplacement n'étant
exclu a priori.
Avant de passer au problème de la typologie, il a fallu cons-
tater que la définition de concepts fondamentaux tels que ménage (c'est
l'unité normale d'observation et d'enregistrement), appartenance à un
ménage, résidence principale, localité, agglamération, centre urbain,
etc... peut varier énormément d'un pays à l'autre et même à l'intérieur
- 100 -
d'un même pays. C'est d'autant plus grave que la définition même du
phénomène dépend de ces concepts : par exemple suivant la définition
adoptée pour la localité ou l'agglomération, un même individu pourra
ou non être classé comme migrant.
Finalement, on a reconnu que lorsque l'enquête porte sur des
migrations internes, chaque pays est, par la force des choses maitre
de ses définitions, mais que lorsqu'il s'agit de migrations internatio-
nales, il est indispensable de procéder à une standardisation qui n'est
certes pas facile.
Les problèmes du classement et de la typologie des migrations
sont tout aussi épineux. Les seuls critères qui aient fait l'unanimi-
té sont ceux d'espace et de durée (encore que leur application pratique
soulève aussi des problèmes).
Tous les autres critères avancés ont donné lieu à des objec-
tions : on a notamment proposé de faire une distinction entre les mi-
grations volontaires et celles qui se font sous la contrainte (écolo-
gie, politique, etc...), ou entre celles qui ont des motivations éco-
nomiques et celles qui sont dues à des facteurs sociaux. Mais, en pra-
tique, on doit reconnaître que ces distinctions sont souvent arbitrai-
res.
II - Besoins des utilisateurs (et aspects politiques)
C'est un point sur lequel on a insisté avec raison. L'expé-
rience montre que beaucoup d'enquêtes ont été entreprises par des
démographes, dont le but était d'enrichir la connaissance scientifique
des populations. Les autorités locales n'ont pas été suffisamment
associées à la préparation de l'opération et c'est seulement lors de
la présentation des résultats que les responsables ont exprimé leurs
objections et, trop souvent, constaté que ces résultats ne répondaient
pas à leurs besoins.
Quel que puisse être son désir légitime d'Indépendance in-
tellectuelle, le responsable d'une enquête est bien obligé de prendre
- 101 -
en considération les problèmes politiques liés aux migrations - que le
gouvernement cherche à les favoriser ou à les empêcher - et il doit
donc orienter sa recherche de façon à donner aux autorités les élé-
ments d'appréciation adéquats.
- Collecte des données sur les migrations
Les recensements sont les seules opérations susceptibles de
fournir des données globales sur les soldes migratoires au niveau géo-
graphique le plus fin. Mais on ne peut pas en attendre de renseignements
sur les causes et conséquences des mouvements migratoires.
On a constaté très fréquemment que l'exploitation des recen-
sements n'a pas été suffisamment poussée dans le danaine de l'obServa-
tion des caractéristiques des migrants et de la mesure des migrations.
Les données les plus élémentaires sur les mouvements migra-
toires fournies par un recensement résultent du rapprochement entre
le lieu de naissance et le lieu de résidence au moment du recensement.
En pratique, même ce renseignement est souvent difficile à exploiter.
On ne peut codifier qu'au niveau de circonscriptions administratives
d'une certaine taille. Les recensés ne savent pas toujours la circons-
cription à laquelle appartient leur localité de naissance et il y a
des homonymies ou des appellations multiples, sans parler des modifi-
cations administratives ou politiques.
La seconde question généralement posée est celle de la rési-
dence antérieure. Celà peut se faire de deux façons :
a) Quelle était votre précédente résidence ? Depuis combien
de temps résidez vous ici ?
b) Où résidiez-vous à une date donnée (n années auparavant
ou lorsqu'un événement notable s'est produit) ?
La question a) est la plus facile à poser et celle qui est
susceptible de fournir les renseignements les plus fiables. Mais son
exploitation soulève des difficultés presque insurmontables. C'est
- 102 -
pourquoi on l'a écartée en principe.
En ce qui concerne la question b), les difficultés pratiques
sont évidentes, plus particulièrement chez les populations peu instrui-
tes. On a envisagé divers intervalles : lan, 5 ans, 10 ans, 15 ans.
Les deux derniers semblent trop longs. D'autre part, des expériences
ont montré que la précision n'était pas meilleure avec un intervalle
de 1 an, qu'avec un intervalle de 5 ans. Ce dernier semble être le
plus intéressant.
Avec les enquêtes, on entre dans un domaine extrêmement
touffu. Remarquons tout d'abord que l'on a accordé peu d'attention aux
enquêtes à passages répétés, bien qu'elles soient particulièrement
bien adaptées à l'étude des mouvements migratoires. L'une des raisons
est que les projets en cours portent sur des enquêtes à passage unique.
On peut aussi avancer qu'il est préférable de passer du simple au com-
plexe et de mettre d'abord au point la méthodologie du passage unique.
Toutefois, il ne faut pas perdre de vue qu'une opération très lourde
isolée: dans le temps qui ne constitue pas le point de départ d'une
observation continue, constitue un véritable gaspillage.
Les nombreux points abordés n'ont pu, en général, être trai-
tés en profondeur, faute de temps. Notons par exemple le problème des
personnes absentes au moment de l'enquête. Faut-il demander les ren-
seignements les concernant à une autre personne, ce qui est fatalement
moins précis ou bien les exclure de l'interrogatoire, ce qui introduit
un biais considérable en raison de la corrélation entre le fait d'être
absent et la propension à migrer. Le problème est encore plus épineux
quand tous les membres d'un ménage sont absents le jour de l'enquête.
On a évoqué un certain nombre d'enquêtes en projet ou en
cours de réalisation, entre autres le projet d'étude des migrations
de l'Ouest Africain sous les auspices de la Banque Mondiale approuvé
à Ouagadougou en Janvier 1979.
Le projet de la CESAP (ou ESCAP) Commission Econanique et
Sociale pour l'Asie et le Pacifique est à considérer à part en raison
- 103 -
de son importance et du fait que son exécution a commencé.
Le problème de l'exploitation de la masse énorme de renseigne-
ments extrêmement diversifiés obtenus dans une enquête sur les migra-
tions n'a été traité que très sommairement. Or, on sait que, dans un
très grand nombre de cas, les déboires les plus sérieux ont été rencon-
trés à ce stade, entrainant des retards considérables, quand les résul-
tats ne sont pas restés purement et simplement inutilisés.
On peut mène avancer que l'ordre le plus logique et le plus
rentable dans lequel devrait se dérouler la préparation d'une enquête
serait de commencer par les instructions portant sur l'analyse des
données, puis par celles de l'exploitation, pour passer ensuite par
la codification pour aboutir au questionnaire.
De toute façon, il faudra prévoir dans ce danaine l'assistance technique de spécialistes en "software", familiarisés avec ce genre de
travail.
- L'enquête de la CESAP sur les migrations
L'objectif de cette opération est d'étudier les relations entre
l'évolution dans le temps du développement urbain et du développement
rural et les variations des mouvements migratoires du point de vue de
la typologie, du volume et de la direction des courants.
A cet effet, on s'efforcera d'identifier les facteurs socio-
éconaniques et socio-psychologiques qui sont, soit la cause, soit la
conséquence des migrations et de la redistribution de la population.
Ce qui revient en pratique à déterminer :
- qui migre ?
- pourquoi migre-t-on ?
- quelles sont les conséquences de ces migrations :
. pour les individus
. pour la collectivité
- 104 -
On remarquera que cette étude s'intéresse en priorité aux
migrations internes. En effet, en Extrême-Orient - tout au moins
jusqu'aux récents événements d'Indochine - les problèmes se posent
surtout à l'intérieur des états, le cas le plus frappant étant celui
de l'Indonésie. Par contre, dans une région canne l'Afrique de l'Ouest,
la situation est complètement différente.
Les-. enquêtes conservent un caractère national. Elles sont
effectuées sous la responsabilité de chaque pays avec l'assistance
technique des Nations Unies.
Toutefois, il existe une étroite coordination sur le plan
régional et un Cavité Consultatif a été créé, qui doit tenir sa pre-
mière réunion à Bangkok du 29 Octobre au 1er Novembre 1979.
Les pays intéressés jusqu'ici sont les suivants : Corée du
Sud, Philippines, Indonésie, Sri Lanka, Malaysia, Pakistan, Thailande.
L'étude comporte trois phases :
1) Macro-analyse des migrations et de l'urbanisation. Il
s'agit en fait d'une exploitation approfondie des données déjà exis-
tantes, essentiellement les recensements (cette phase a commencé en
Juillet 1977).
2) Micro-analyse des mouvements au moyen d'enquêtes natio-
nales. C'est la partie qui nous intéresse le plus.
3) Utilisation des résultats pour élaborer une politique de
population dans le cadre d'un programme de développement.
On a vu que l'on procède à des enquêtes à un seul passage
par sondage aléatoire.
La taille de l'échantillon est, pour chaque pays, de 6 000
à 8 000 ménages. Dans chaque ménage, on tire aléatoirement deux per-
sonnes de 12 ans et plus (ou de 12 à 65 ans), sans distinction de
sexe, qui font l'objet d'un interrogatoire approfondi.
- 105 -
Dans chaque localité où se trouvent des ménages échantillons,
on procède à un relevé des conditions et caractéristiques géographi-
ques, écologiques, économiques et sociales.
Le questionnaire est lourd et complexe et le projet de la
CESAP ne constitue qu'un minimum ("core questionnaires"), auquel
chaque pays peut ajouter des glestions, campte tenu de ses problèmes
spécifiques.
Le tenps moyen de remplissage d'un questionnaire est estimé
à 45 minutes en zone rurale et à une heure en milieu urbain.
Le "core questionnaire" comporte une cinquantaine de pages.
Une première partie (6 pages environ) est consacrée au ména-
ge puis dans son ensemble : renseignements sur les membres du ménage
présents ou absents et les . Caractéristiques et équipement du logement.
La seconde partie, de loin la plus importante, est constituée
par les questionnaires individuels. Elle canprend six sections, la
première n'intéresse que les personnes ayant émigré pour une durée
égale ou supérieure à un an au moins une fois au cours de leur existen-
ce. La dernière ne s'applique qu.!aux femmes mariées, veuves ou divor-
cées de moins de 50 ans. Les autres intéressent toutes les enquêtes.
1 - Histoire des migrations
LA- Ensemble des migrations à long terme (au moins
12 mois) au cours de l'existence de l'enquête.
LB-Migrations d'une durée inférieure à 12 mois au
cours des trois dernières années.
1C- Renseignements détaillés sur le dernier change-
ment de résidence : situation au départ, motivations et or-
ganisation du départ, conditions à l'arrivée, difficultés,
emploi, envois de cadeaux et d'argent, etc...
- 106 -
2 - Attitude et intentions vis-à-vis des migrations
On pose la question suivante :
Avez-vous l'intention de changer de résidence ?
Si non, pourquoi ?
Si oui, on remplit un questionnaire détaillé
assez analogue au précédent (1C)sur les desi-
derata de l'intéressé.
3 - Caractéristiques et attitudes sociales
Langue, ethnie, religion, histoire matrimoniale,
enfants, proches parents, relations familiales, attitudes
sociales et mène degré de satisfaction.
4 - Niveau d'instruction (y compris qualification profession-
nelle)
5 - Activités éconaniques
Renseignements détaillés, y compris activité secon-
daire et revenus.
6 - Questionnaire fécondité (femmes mariées, veuves et
divorcées de moins de 50 ans).
C'est un questionnaire rétrospectif sur l'ensemble
des naissances vivantes : date, lieu, survie de l'enfant.
En outre pour les faunes mariées on pose la ques-
tion : Etes-vous enceinte ? et si la réponse est négative,
on l'interroge sur son attitude vis-à-vis de la fécondité et
de la contraception.
- Résultats -
Les résultats attendus peuvent se classer sous les
-107 -
rubriques suivantes :
1) Description des mouvements migratoires
Mesure des courants
Classement par types
2) Causes des migrations
Caractéristiques des migrants comparées à celles des non-
migrants.
Motivations et attitudes.
Relations entre le développement socio-éconanique et les
types de migration.
Facteurs de la décision d'émigrer.
Degré d'assimilation de l'immigrant (sociale, psychologique,
culturelle).
Relations entre les mouvements de population et les structures
familiales.
3) Conséquences des migrations
Impact des efforts de développement rural.
Impact des systèmes agricoles (migrations saisonnières).
Impact du développement des transports.
Liens des émigrants avec leur lieu d'origine (y canpris les
envois d'argent).
Impact sur les zones rurales de départ.
Problèmes posés par l'influx des migrants dans les villes
(logement, services éducatifs et sociaux, pollution).
Effet des migrations sur le volume de la main-d'oeuvre urbaine
et rurale.
Effet des migrations internationales sur le pays d'arrivée et
le pays d'origine.
-108-
4) Caractéristiques et importance numérique des migrants
potentiels
Prévisions de migrations.
- Création d'une "banque de données" sur les migrations
C'est le seul point qui ait fait l'objet de recommandations,
adoptées à l'unanimité. Si celà aboutit, ce sera indubitablement une
réalisation positive.
Constatant que l'on est mal informé sur les études existan-
tes en matière de migration, on a donc proposé la création d'un orga-
nisme centralisé, qui, compte tenu des besoins des producteurs et des
utilisateurs, remplirait les fonctions suivantes :
a) Archivage des données et autres renseignements sur les
migrations et échange d'information sur les recherches en cours.
b) Examen critique et synthèse des études existantes, en
prenant en considération toutes les sources possibles de données en
tenant compte notamment des techniques de collecte et d'exploitation.
c) Etude critique des méthodologies d'analyse et de publica-
tion des résultats, caupte tenu des besoins des utilisateurs.
d) Examen des problèmes soulevés par l'exécution d'enquêtes
nationales par sondage sur les migrations.
e) Recherche de la meilleure façon d'apporter une assistance
technique efficace aux états en ce qui concerne la collecte, l'analyse
et l'utilisation des données sur les migrations.
f) Publication et large diffusion des résultats de ces travaux.
On n'a pas fait de recommandation quant aux modalités prati-
ques de réalisation de ce programme assez ambitieux. Le point crucial
sera de déterminer qui coiffera l'organisation centralisée, on peut
s'attendre à une vive compétition dans ce domaine.
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L'ALIPTFNTATION LIONDIALE : L'ECHEC DES SOLUTIONS PRODUCTIVISTES (1)
par : J. CHONCHOL
I. La situation alimentaire du Tiers Monde avant la Conféren-
rence de Rame
En 1972, une grave crise alimentaire fut révélée devant
l'opinion publique internationale. La production d'aliments diminua
pour la première fois depuis le début des années 50. La production de
céréales baissa de 33 millions de tonnes alors que l'accroissement
annuel des besoins était de 25 millions. Cette brusque chute créa un
grave déficit au mcraent même où de grands pays exportateurs de céréales
comme les U.S.A. appliquaient des politiques de contrôle de la produc-
tion pour éviter la chute des cours mondiaux.
Les réserves de blé, de riz et de céréales secondaires dimi-
nuèrent considérablement jusqu'à atteindre un seuil critique. Cela dé-
clencha une rapide augmentation des prix en 1973 et 1974, malgré les
bonnes récoltes de 1973. Simultanément, les prix des autres produits ali-
mentaires s'accrurent considérablement, ce qui créa de sérieuses diffi-
cultés pour de nombreux pays du Tiers-Monde. N'ambre de ceux-ci étaient
très dépendents des importations alimentaires pour couvrir leurs besoins
et avaient en plus de graves difficultés de balance de paiement. Il
faut rappeler que 1973 fut aussi l'année de la brusque hausse des prix
du pétrole et des engrais. Par surcroît, et came conséquence de la
montée des prix des aliments et de la diminution des réserves, l'aide
alimentaire multilatérale et bilatérale vers les pays les plus pauvres
fut réduite.
(1) Article paru dans =A, dossier n° 13, Novembre 1979.
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L'ensemble de ces faits amena la communauté internationale à
réexaminer la situation alimentaire mondiale, particulièrement en ce
qui concernait les pays du Tiers-Morde. Cet examen mit en évidence une
conjonction de faits négatifs pour les perspectives alimentaires de ces
populations, particulièrement pour les groupes économiquement les plus
défavorisés.
On observa, par exemple, que si entre 1952 et 1962, le taux
moyen annuel d'accroissement de la production alimentaire par habi-
tant avait été de 0,7 % pour l'ensemble des pays du Tiers-Monde, ce
taux avait baissé à 0,3 pendant la période 1962-72 (1).
Sur 97 pays du Tiers-Monde dont on a étudié la situation ali-
mentaire en 1970, 61 avaient un déficit global par rapport à leurs
besoins. Dans l'ensemble des pays du TiersMonde à économie capitaliste,
la sous-alimentation calculée sur des critères très modérés touchait
plus de 400 millions de personnes. Avec des critères plus rigoureux,
ce nombre s'élevait considérablement (2).
Un facteur très important dans l'augmentation des prix des
céréales était leur demande rapidement croissante en vue de satisfaire
(1) Dans les pays du Tiers-Monde à économie capitaliste, ce taux avait
diminué jusqu'à 0,2 %. Voir Evaluation de la Situation Alimentaire Mon-
diale : présent et futur (Rame : Nations-Unies, Document préparatoire
pour la Conférence Alimentaire Mondiale, Novembre 1974).
(2) Même source que celle de la note 1, ci-dessus. Nous pouvons ajouter
que selon le Professeur Joseph Elatzmann, les mal nourris dans le monde
du point de vue de l'insuffisance de calories et de protéines seraient
environ 2 milliards ; ils se trouvent surtout en Asie. Voir son ouvrage
Nourrir dix milliards d'hommes ? (Paris : Presses Universitaires de
France, 1975).
les besoins de consommation en viande des pays industrialisés. Ces
pays, où vivait 30 % de la population mondiale, consamnaient en 1969-
71 51 % de toutes les céréales utilisées dans le monde. Les 370 mil-
lions de tonnes de céréales utilisées dans ces pays carme fourrages
dépassaient la consammation des populations de la Chine et de l'Inde
ensemble, c'est-à-dire 1 milliard et demi de personnes représentant
40 % de la population mondiale.
Cette situation, plus la gravité de la crise conjoncturelle
de 1972-73, menèrent la communauté internationale à chercher la défi-
nition d'une nouvelle politique alimentaire. Ce fut l'objectif de la
Conférence Alimentaire Mondiale qui, sous les auspices des Nations-Unies,
se deroula à Rame du 5 au 16 Novembre 1974.
H. La Conférence de Rame et ses principales résolutions
Les objectifs de cette Conférence peuvent se regrouper autour
de quatre principaux types de mesures :
. mesures pour augmenter la production d'aliments dans les
pays dits "en voie de développement" ;
. politiques et prograitaes pour améliorer la situation ali-
mentaire de leurs populations ;
. actions pour renforcer la sécurité alimentaire mondiale ;
. politiques de commerce, de stabilisation et d'ajustement (1).
(1) Pour de bons résumés sur les résultats de la Conférence, on peut
consulter Stuart W. Cordell, The Inbrld Food Conference, Rame 1974 : The
Irapetus, the Action and the Results, document de travail préparé pour
une réunion d'experts organisée par le Centre de Développement de
l'OCDE, (Paris : Novembre 1978), ainsi que Alain Rondeau : "La Confé-
rence Aondiale de l'Alimentation ou le triomphe de la rhétorique" Tiers-
Monde (no. 63, Juillet-Septembre 1975).
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Les résultats de la Conférence s'expriment dans une Déclara-
tion pour "l'élimination définitive de la faim et de la malnutrition"
suivie de 22 résolutions. La Déclaration, très générale, constitue un
résumé d'intentions que personne ne peut refuser, mais non d'engage-
ments fermes.
Parmi les résolutions, une dizaine concernent les actions à
mener sur le plan national et international pour accroître la produc-
tion alimentaire dans le Tiers Monde et pour améliorer le niveau nu-
tritionnel de ses populations. Elles définissent des objectifs et des
stratégies pour la production alimentaire, les priorités à donner à
l'agriculture et au développement rural, le besoin d'augmenter l'aide
et la production d'engrais, les progranutes de recherche et de vulgari-
sation alimentaire et agricole, la nécessité d'établir une carte mon-
diale des sols et du potentiel de production des terres, l'expansion
des systèmes d'irrigation et l'aménagement scientifique des eaux, les
facilités pour l'obtention des pesticides et de semences, etc.
De plus, la Conférence accorda la création ou le renforcement
d'un ensemble d'institutions devant assurer l'action dans le domaine de
la sécurité alimentaire, d'une meilleure aide alimentaire, ou destinées
à favoriser les investissements agricoles dans le Tiers Monde. Huit
furent les institutions ainsi créées ou renforcées :
. le Conseil Alimentaire Mondial, pour intégrer et coordonner
la suite à donner aux résolutions de la Conférence ;
. le Fonds International pour le Développement Agricole, pour
aider au financement des projets de développement agricole
et de production alimentaire dans le Tiers Monde ;
. le Comité pour la Sécurité Alimentaire Mondiale, pour évaluer
les perspectives de la demande, de l'offre et des réserves
des principaux produits alimentaires et pour reccmmander
des solutions aux situations critiques pouvant se présenter ;
. le Comité d'Aide et de Programmes Alimentaires, pour les
consultations intergouvernementales à propos des programmes
d'aide alimentaire bilatéraux ou multilatéraux ;
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. le Groupe Consultatif sur la Production et l'Investisse-
ment Alimentaire, pour encourager un flux accru de ressour-
ces externes destinées à renforcer la production alimentai-
re ;
. le Systeme Mondial d'Information et d'Alerte sur l'Alimenta-
tion et l'Agriculture, pour surveiller les activités des
différents organismes nationaux et internationaux et faci-
liter l'établissement d'un système d'information sur les
conditions climatiques pouvant affecter la situation ali-
mentaire mondiale ;
. le Groupe Consultatif sur la Recherche Agricole Internatio-
nale, pour appuyer les activités de recherche des centres
de recherche agricole localisés dans le Tiers Monde ;
. et l'Engagement International sur la Sécurité Alimentaire
Mondiale, pour l'établissement d'une coopération au sujet
des réserves permettant d'assurer les aliments de base,
surtout les céréales, afin de faire face à d'éventuelles
difficultés d'approvisionnement et réduire les fluctuations
de la production et des prix.
III. Les développements après la Conférence et l'évolution de
la situation alimentaire mondiale entre 1975 et 1978
La mise en place de ce plan d'action destiné à améliorer la
situation et la sécurité alimentaire mondiales dépendaient évidement
pour ses résultats de la volonté politique des gouvernements. Volonté,
d'une part, des gouvernements du Tiers Monde pour mener à bien les
actions nécessaires afin d'augmenter la production alimentaire et
d'améliorer la situation nutritionnelle des groupes les plus pauvres
de leur population. Volonté, d'autre part, des pays industrialisés de
les aider, par l'investissement et le transfert technologique, à ré-
aliser leurs objectifs. Il était bien évident que le problème essentiel,
plutôt que du damaine technique ou scientifique, relevait de la volonté
politique pour la mise en pratique des recommandations et des résolu-
tions approuvées.
Il ne s'agit pas ici de faire une évaluation détaillée des
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suites de la Conférence. Cela pourra être retrouvé en détail dans
divers documents (1). Notre propos est d'analyser danS ses grandes
lignes l'évolution de la situation alimentaire entre 1975 et 1978
et de vérifier dans quelle mesure l'évolution de cette situation a
été influencée par les résolutions de la Conférence.
Dans les apparences, la situation alimentaire pour les pays
du Tiers Monde s'est beaucoup améliorée à partir de 1974 par rapport
aux années immédiatement précédentes. En effet, l'indice de la fluctu-
ation de la production alimentaire annuelle calculé par la FAO, pour
l'ensemble du Tiers Monde est passé de - 0,8 % par personne (pour la
moyenne annuelle des années 1970-74) à + 0,6 % (pour les années 1974-
78). L'accroissement de cette production a été particulièrement impor-
tant en Extrême-Orient (de - 1,0 à + 1,5) et en Amérique Latine (de
- 0,3 à + 0,7) tandis que la situation ne s'est pas améliorée d'une
façon significative en Afrique (de - 1,8 à - 1,4) et a rétrogadét au
Moyen-Orient (de + 0,2 à - 0,4).'Dans les pays socialistes d'Asie, la
croissance de la production alimentaire par personne a ralenti son
rythme d'accroissement (de + 1,1 à + 0,9).
D'autre part, plusieurs bonnes récoltes généralisées ont per-
mis de reconstituer les stocks alimentaires, lesquels, sans inclure
ceux détenus par la Chine et l'U.R.S.S., sont remontés de 107 millions
de tonnes en 1973-74 à 178 millions de tonnes en 1977-78, l'équivalent
de presque 20 % de la consommation mondiale.
(1) Voir à ce sujet FAO, la Situation Mondiale de l'Alimentation et de
l'Agriculture en 1978 (74è session, Rame : 27 Novembre - 8 Décembre
1978) et Conseil Alimentaire Mondial, Toward a World without Hunger :
Progress and prospects for completing the unfinished agenda of the
World Food Conference, Report by the Executive Director (Fifth Minis-
terial Session, Ottawa, 4-7 September 1979).
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En troisième lieu, le flux des investissements destinés à
appuyer la croissance de l'agriculture dans le Tiers Monde a augmenté
oonsidèrablement, en passant d'un montant total de 2,5 milliards de
dollars en 1973 à près de 4,3 milliards ed 1977, spécialement par l'ac-
tion des organisations financières internationales.
Mais, parallèlement à ces signes positifs, d'autres sont né-
gatif s. En effet, d'une part, pour satisfaire leurs besoins alimentai-
res les pays du Tiers Monde ont dû continuer à accroître d'une façon
très rapide leurs importations. En considérant seulement le blé et les
céréales secondaires, ces importations sont passées de 28 millions de
tonnes par an (moyenne 1969-71) à 48 millions de tonnes en 1974 et à
68 millions de tonnes en 1977-78, dont l'aide alimentaire n'en représen-
te que 9 millions.
D'autre part, mène en considérant les très bonnes récoltes de
ces dernières années et l'accroissement des importations, la situation
alimentaire des groupes les plus pauvres des populations du Tiers Monde
a continué de se dégrader. Selon la FAO, en utilisant des critères très
modérés pour mesurer la mulnutrition, le nombre des mal nourris dans
ces pays est passé de 400 millions en 1969-71 à 455 millions en 1972-
74. Ces chiffres représentaient près de 30 % de la population totale
en Afrique et en Extrême-Orient et plus de 15 % en Amérique Latine et
au Proche-Orient.
Selon la Banque Mondiale, qui utilise d'autres critères pour
mesurer la malnutrition, celle-ci atteindrait aujourd'hui plus d'un
milliard de personnes dans les pays du Tiers-Monde.
Donc, mène en considérant que les bonnes récoltes des der-
nières années ont permis une reprise favorable de la production alimen-
taire dans le Tiers-Monde et que les importations alimentaires augmen-
tent, l'objectif que s'était fixé la Conférence de Rame de libérer
le monde de la faim et de la malnutrition en dix ans (objectif pour
1985), au lieu de se rapprocher, semble s'éloigner.
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D'autre par, obtenir un taux de croissance moyen annuel de
la production alimentaire de 4 % semble un objectif encore lointain.
Entre 1974 et 1978, la production alimentaire dans le Tiers-Monde a
augmenté à un taux global de 3,1 % et à un taux moyen par personne de
0,6 %.
Nous pouvons donc conclure, quant aux suites de la Conférence,
même en considérant que certains progrès ont été réalisés du point de
vue de la production alimentaire (1) et des investissements pour l'agri-
culture, que ceux-ci n'ont pas permis d'assurer une amélioration de la
situation alimentaire mondiale. Celle-ci continue à se dégrader pour
un secteur considérable de la population : les plus pauvres des campagnes
et des villes des pays du Tiers-Monde. L'examen de cette situation nous
mène à nous poser la question de savoir si les résolutions de la Confé-
rence étaient les meilleures et suffisantes pour atteindre leur objec-
tif : la suppression de la faim et de la nulnutrition dans le monde.
IV. Les conditions d'une politique alimentaire
La réponse à la question antérieure ne peut être que négative.
Les résolutions trop exclusivement centrées sur les problèmes de l'aug-
mentation de la production, de l'accroissement des investissements
agricoles, de l'aide alimentaire et des ajustements entre l'offre et la
demande au niveau du marché, n'ont pas assez pris en compte le problème
de la consammation alimentaire qui dépend aussi de beaucoup d'autres
facteurs, peut-être plus importants encore que ceux de la production
et du commerce. Celà mène à la question fondamentale : de quoi dépendent
les systèmes alimentaires et quels sont les facteurs qui les déterminent ?
Quelles sont les canposantes d'un système alimentaire pour un pays donné ?
Et, pour définir une politique alimentaire correcte il est absolument
(1) Dus surtout à des facteurs indépendants de la volonté des hommes,
et non permanents, comme les bonnes conditions climatiques.
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nécessaire de partir de cette analyse (1).
Disons d'abord que l'approche globalisante par pays ne semble
pas la meilleure pour commencer cette analyse. Elle empêche de voir les
grandes différences qui existent entre les divers groupes de population
d'un même pays. Et ceci est d'autant plus vrai pour les pays du Tiers-
Monde que pour les pays industrialisés. Dans ces derniers, les systèmes
alimentaires ont tendance à devenir beaucoup plus homogènes pour l'en-
semble de la population tandis que dans les premiers, on trouve d'énor-
mes différences dans la situation alimentaire selon le niveau de revenu
et l'habitat physique urbain ou rural.
Il faudrait plutôt commencer à faire cette analyse à partir
du concept d'une population donnée, soit au niveau national, régional
ou local. Ceci permettrait de mieux saisir l'ensemble des composants
du système alimentaire de cette population.
En regardant les choses ainsi, il est nécessaire de confronter
d'une part, les facteurs qui influencent la disponibilité alimentaire
de cette population et, d'autre part, ceux qui influencent sa consomma-
tion alimentaire.
Parmi les facteurs qui influencent la disponibilité, nous
trouvons les suivants : la production alimentaire du territoire où
habite cette population, le stockage et la conservation de cette pro-
duction durant l'année, les exportations et les importations de pro-
duits alimentaires de la région, et les systèmes de distribution aussi
bien pour la production régionale que pour les produits alimentaires
importés.
(1) Pour une bonne analyse de la complexité des systèmes alimentaires,
voir UNRISD, Systèmes Alimentaires et Société (16è session du Conseil
d'Administration, Genève, 10-11 Juillet 1978).
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A leur tour, parmi les facteurs qui déterminent la consommation
alimentaire, en plus de la disponibilité, il faut tenir compte d'un en-
semble assez complexe d'éléments, parmi lesquels l'on peut signaler :
le taux d'accroissement de la population, le niveau de revenu et sa
distribution (par classes sociales et par zones urbaines ou rurales),
la culture alimentaire et les changements des habitudes induites par
l'influence culturelle, financière et commerciale des pays dominants
et, finalement, le rapport entre les variations des coûts de l'alimen-
tation et les variations du niveau de revenu de la majorité de la po-
pulation.
C'est seulement la considération de tout cet ensemble de fac-
teurs pour une population donnée et non le simple accroissement de la
disponibilité de certains produits de préférence consommés par les po-
pulations des pays riches de l'Occident, qui permettra de résoudre
effectivement le problème de la sous-alimentation et de la faim.
Si nous observons, en fonction de ce qui précède la réalité
spécifique de la plupart des pays du Tiers-Monde, nous voyons qu'est en
train d'agir chez eux un ensemble de facteurs qui empéche la satisfac-
tion des besoins alimentaires des groupes les plus démunis de leurs
populations. Si l'on veut donc résoudre le problème alimentaire c'est
sur ces facteurs qu'il faut agir. Ici se trouvent les véritables obsta-
cles qu'il faut aborder.
Nous signalons à continuation ceux qui semblent les plus impor-
tants.
Obstacles à la disponibilité alimentaire
Agissant négativement sur les disponibilités alimentaires
pour les populations de ces pays, l'on trouve quatre obstacles qui sont
les plus redoutables.
Premièrement, le système de production établi pendant la domi-
nation coloniale et maintenu en grande partie, sinon renforcé, pendant
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la période post-coloniale, dans lequel on donne la priorité aux _produits
agricoles d'exportation par rapport aux productions vivrières tradition-
nelles consommées par la majorité de la population nationale. Cette
priorite implique l'utilisation des meilleures terres, la sécurité de
l'irrigation, l'utilisation de la plus grande partie du capital dispo-
nible, des ressources technologiques et de l'appui de l'état pour les
produits d'exportation au détriment de l'agriculture vivrière.
Même quand les gouvernements mettent l'accent sur l'autonomie
nationale et prennent des dispositions tres fermes contre l'impérialis-
me des grandes puissances, quand ils cherchent à réaliser leur dévelop-
pement, ils le font par un effort croissant d'intégration aux exigences
du marché mondial, ce qui implique essayer d'exporter le plus possible
et au moindre prix pour être compétitif, soit de leurs produits d'expor-
tation agricoles traditionnels établis durant la période coloniale,
soit des nouveaux produits agricoles pranus aujourd'hui par l'agro-
industrie des pays industrialisés.
Cela conduit à l'insuffisance de la production vivrière inter-
ne face à l'accroissement des besoins et à la couverture des déficits
par des importations accrues de produits vivriers qui pèsent d'une
façon de plus en plus lourde sur la balance commerciale et qui augmentent
la fragilité des systèmes alimentaires globaux.
Un deuxième obstacle apparaît là où- daminent les systèmes
d'éconanie capitaliste, c'est-à-dire orientés par le pouvoir d'achat
des groupes minoritaires de la population qui pèsent le plus sur le
marché, le manque d'appui à la production alimentaire interne, sauf
quand il s'agit d'un marché urbain important par le poids monétaire
des classes moyennes privilégiées. On produit alors pour ces marchés
internes avec des techniques modernes importées de l'Occident qui sont
très coûteuses du point de vue de la cambinaison des ressources dispo-
nibles. Au même temps, on augmente considérablement le coût de cette ali-
mentation par sa transformation à travers une industrie agro-alimentaire
calquée sir celle des pays industrialisés, et dont l'objectif essentiel
est d'augmenter de plus en plus la valeur ajoutée industrielle et de
services par rapport à la valeur agricole de ces produits. Le type de
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production alimentaire ainsi élaboré à un prix de marché qui l'éloigne
de plus en plus du pouvoir d'achat des groupes les plus pauvres, au
même temps qu'il voit diminuer son apport nutritionnel.
Un troisième obstacle est celui des pertes très importantes
après récolte, par l'insuffisance des moyens appropriés de stockage,
de conservation et par les mauvaises conditions de la distribution.
Ces pertes varient selon les experts d'un minimum de 10 % de la récolte
pour les céréales et légumineuses à un minimum de 20 % ou plus pour
les autres cultures de base et les différentes denrées périssables. Des
estimations plutôt modérées évaluaient ces pertes pour l'ensemble du
Tiers-Monde à 107 millions de tonnes de produits alimentaires en 1976.
Les pertes en céréales et légumineuses seules permettraient de satis-
faire les besoins alimentaires de 168 millions de personnes (1).
Finalement, un quatrième obstacle agissant sur les disponibi-
lités alimentaires dans la plupart des pays du Tiers-Monde est celui
des facilités physiques pour la distribution. Même là où il n'y a pas
trop de difficultés financières pour couvrir les déficits alimentaires
par l'importation (cas des pays de l'OPEP), l'insuffisance notable du
système portuaire, de stockage et de transport font grandement obstacle
aux problèmes de la distribution à l'ensemble de la population, particu-
lièrement à la population rurale vivant plus éloignée des ports.
Influences sur la consommation
Quant aux facteurs agissant sur la consommation et qui empê-
chent la satisfaction généralisée des besoins alimentaires minima, spé-
cialement des groupes les plus pauvres de la population, il faut signa-
ler les suivants :
(1) Voir National Aeademy of Sciences, Postharvest Food Losses in
Developing Countries (Washington, D.C. : 1978).
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Tout d'abord l'insuffisance du revenu et les très fortes
inégalités dans sa distribution, ce qui est lié d'une façon très
étroite au problème du sous-emploi et de la faible productivité des
postes de travail disponibles pour une grande majorité de la popula-
tion active. On meut affirmer sans aucun doute qu'ici se trouve, et
non au plan de l'insuffisance de la production alimentaire, l'obstacle
essentiel à l'amélioration de la situation alimentaire mondiale,
Le sous-emploi et la sous-productivité de la majorité de la
population active des pays du Tiers-Mônde sont la conséquence, à leur
tour, de l'extension et de la pénétration dans la plupart de ces écono-
mies du modèle de croissance capitaliste. Celui-ci se développe aujour-
d'hui dans un contexte socio-économique fort différent de celui qui ca-
ractérisa les pays capitalistes industrialisés à des étapes similaires
du processus d'accumulation du capital. Les principales différences
étant l'accroissement beaucoup plus rapide de la population et de la
force de travail et la disponibilité de technologiestrès intensives
dans l'utilisation du capital et cherchant à employer un nombre réduit
de travailleurs hautement qualifiés.
Cela implique l'absorption dans le secteur productif moderne
d'une faible proportion de la population active et la marginalisation du
plus grand nombre qui deviennent soit des travailleurs sans terre à
l'emploi incertain et instable, soit des producteurs agricoles réfugiés
dans des toutes petites parcelles de terrain incapables de satisfaire
leurs besoins minima, soit des sous-prolétaires urbains travaillant quand
ils le peuvent dans ce que quelques-uns appellent le "secteur informel
urbain" (1), soit dans les services personnels ou le petit commerce. Pour
ces majorités de pauvres, les bas niveaux et l'insécurité de leurs reve-
nus les empêchent de satisfaire leurs besoins alimentaires essentiels
et c'est parmi eux et leurs familles que se trouvent les mal nourris et
les sous-alimentés.
(1) Entreprises constituées par des travailleurs indépendants, de petite
taille, disposant de peu de capital, utilisant des technologies tradition-
nelles, etc. Voir à ce sujet Dagmar Raczynski, El Sector Informai Urbano :
interrôgantes y controversias (Santiago de Chile : Convenio PRLLC-CIEPLAN,
011, 1977).
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Un seul exemple, celui de l'Inde : elle peut être considérée
à la fois le pays ayant le dixième produit national dû monde, où vi-
vent 100 millions d'hommes modernes, fondamentalement urbains, à des
niveaux de productivité aussi avancés que les plus industrialisés du
monde, et simultanément, le pays où vivent 540 millions de pauvres dans
une situation qui a peu changé depuis des siècles. L'agriculture indien-
ne a fait d'énormes progrès ces dernières années. La récolte de 1978
fut une récolte record de 125 millions de tonnes de céréales, plus que
le nécessaire pour satisfaire convenablement les besoins alimentaires
de sa population. Le pays produit 4 fois plus d'engrais qu'il y a dix
ans et a augmenté sa surface irriguée de 50 %. Mais, même avec tous
ces progrès, des millions d'Indiens continuent de se trouver dans une
situation de sous-alimentation. En 1971-72, 15 % des unités familiales
indiennes urbaines et rurales disposaient de moins de 2.000 calories
par jour et par personne à cause de l'insuffisance de leurs revenus (1).
Des différences considérables dans la consammation alimentaire
existent aussi à l'intérieur d'un même pays selon le niveau de dévelop-
pement des différentes régions et l'emplacement rural ou urbain de la
population.
Si nous prenons par exemple le cas du Brésil et nous comparons
la situation alimentaire des habitants du Nord-Est avec celle des habi-
tants du Sud du pays, nous voyons que dans le Nord-Est urbain, 48 % des
unités familiales disposaient en moyenne de moins de 2.000 calories par
jour et par personne et dans le Nord-Est rural, 57 % des unités familia-
les disposaient de moins de 2.140 calories (2). Dans le Sud du Brésil
par contre, seulement 15 % des unités familiales urbaines disposaient
de moins de 2.000 calories par jour et par personne et, apparemment
selon les statistiques, toutes les unités familiales rurales dans le
Sud dépassaient la disponibilité des 2.000 calories. De nouveau, tout
(1) Voir FAO, The Fourth World Food Survey (Pane : 1977).
(2) Quoique les maxima ne soient pas strictement comparables étant donné
la façon dont sont présentées les statistiques, ils sont assez proches.
Voir document cité en note(1) ci-dessus.
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ceci est lie au niveau et à la distribution du revenu parmi la popula-
tion de ces régions. Il est donc erroné, si ce problème essentiel
n'est pas aborde dans les politiques de développement, de penser que
le simple accroissement de la production alimentaire, m'âne au taux de
4 % annuel recammandé par la Conférence de Rame, résoudra le problème
de la malnutrition parmi les pauvres du Tiers-Monde à économie de
marché.
Un autre facteur essentiel agissant sur la consommation ali-
mentaire et renforçant les effets qui viennent d'être analysés est
celui de la pénétration et l'extension du sypème ou du modèle alimen-
taire des pays industrialisés dans les pays du Tiers Monde. Dans cette
penetration, les sociétés agro-industrielles multinationales tiennent
une place de choix. Came l'a démontré d'une façon très documentée
Susan George (1), le système alimentaire dont sont propagatrices ces
sociétés et qui connaît sa forme la plus avancée aux Etats-Unis
d'Amérique, s'est introduit et se développe, avec des degrés divers de
succès, dans les systèmes alimentaires du Tiers Morde. Il utilise toute
sa puissance financière, idéologique et technique pour essayer de deve-
nir universel, en utilisant pour celà un ensemble de moyens complémen-
taires. D'une part, la propagation de certaines pratiques culturelles,
camme celles de la "révolution verte". Liée à celle-ci, la création de
nouveaux marchés pour les inputs technologiques produits directement
ou sous contrôle des transnationales. D'autre part, le changement des
habitudes alimentaires des populations des pays périphériques par la
publicité et aussi par l'aide alimentaire. En rapport avec ceci, l'éla-
boration de plus en plus sophistiquée de la production alimentaire pour
augmenter sa valeur ajoutée industrielle et en services, où l'on fait
le gros du profit, ce qui conduit à la production d'un type d'alimenta-
tion de plus en plus coûteux, très en-dessus du pouvoir d'achat des
masses populaires. Dans la mesure où ce type d'alimentation se dévelop-
pe dans le Tiers Monde, la situation des masses pauvres, au lieu de
(1) Voir sa these de doctorat intitulée Stratégies d'Intervention des
Pays Industrialisés dans les Systèmes Alimentaires des Pays Périphéri-
cues Fresentée à l'Université de Paris III en Décembre 1978.
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s'améliorer, se dégrade. Maints exemples pourraient être cités, des-
quels peut être l'un des plus connus est celui de la substitution du
lait maternel pour l'allaitement des enfants par du lait en poudre
donné au biberon. Nombreux sont aussi les exemples dans lesquels on
voit que la substitution d'aliments ou de boissons traditionnels par
des produits appelés 'Modernes" ont impliqué une baisse de la situa-
tion alimentaire précédente des populations du Tiers Monde. On peut
donc affirmer que la pénétration parmi les pauvres de ces habitudes
alimentaires conduit à les faire payer plus cher pour les faire manger
moins bien. Cela est très grave quand on vit, de par son revenu, à la
limite de la- subsistanbe et constitue aujourd'hui un facteur essentiel
dans l'augmentation du nombre oies mal nourris.
L'analyse qui précède permet, pour conclure, de signaler
quelles seraient les actions à mener dans le Tiers Monde pour arriver
à une situation d'autosuffisance alimentaire.
V. Une politique d'autosuffisance alimentaire
Celle-ci n'implique pas, comme certains peuvent le penser,
l'objectif de produire au niveau national, régional ou local toute
l'alimentation dont a besoin la population vivant sur ce territoire.
Ce renfermement absolu dans des frontières déterminées pour satisfaire
tous les besoins alimentaires serait trop coûteux et n'est pensable
qu'en situations exceptionnelles (cas de guerre ou impossibilité phy-
sique de tout échange avec l'extérieur), ou pour des populations iso-
lées vivant dans des systèmes de totale autosubsistance.
Par contre, une politique d'autosuffisance alimentaire impli-
que la recherche d'un équilibre approprié entre plusieurs variables
qui doivent être intégrées et coordonnées en fonction de la situation
spécifique de chaque population.
Ces variables sont les suivantes :
a) Un système de production alimentaire et de développement
rural qui n'implique pas la marginalisation croissante des masses
paysannes en tant que producteurs et consommateurs. Est-ce dire un
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système capable de produire les aliments en créant les emplois produc-
tifs nécessaires pour assurer un revenu satisfaisant à l'ensemble de
la rnpulat_inn ruralP. Cela mené à une révision très profonde dans les pays du fliersionde des rapports actuels entre : terres disponibles -
emplois à assurer - technologies à utiliser - et types de productivité
à maximiser.-
b) Un système de production alimentaire qui cherche à faire
la meilleure utilisation des ressources disponibles du point de vue
des aliments à produire. Il faut tenir campte de la qualité des terres,
de leurs aptitudes pour les différentes production, de l'influence des
facteurs climatiques et des facilités existantes (irrigation par exem-
ple). Il faut étudier quel est l'ensemble de produits alimentaires
capable de fournir le maximum de calories et de protéines pour une popu-
lation donnée, au moirxire coût, étant donné les différentes alternati-
ves de production possibles, les habitudes alimentaires de la population
et son revenu moyen au niveau de la majorité des masses populaires. Ceci
conduit à ne pas rechercher per se ou parce que c'est considéré moderne,
le type actuel de production alimentaire des pays industrialisés et
tempérés de l'Occident, surtout quand il s'agit de populations vivant
en milieu tropical.
c) Un système de consommation et de distribution des aliments
qui cherche à éviter au maximum les pertes après récolte par des méthodes
économiquement compatibles avec le niveau de développement du pays.
Système qui assure, d'autre part, le contrôle de ces récoltes par les
producteurs eux-mènes et par les associations de consammateurs, et non
par des puissants intermédiaires exploitant producteurs et consommateurs.
d) Un système de rapports entre variations des niveaux de reve-
nus de la population et variations des coûts de production et de distri-
bution qui rende possible la satisfaction au niveau du revenu existant
pour la majorité, des besoins alimentaires essentiels.
e) Finalement, un système d'échange international qui ne drai-
ne pas vers les populations des pays industrialisés, à cause de leur niveau beaucoup plus élevé de richesse, le gros de la production phy-
sique alimentaire mondiale, en fonction d'un type d'alimentation terri-
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blauent gaspilleur des ressources existantes et conduisant â une mal-
nutrition par excès (cas des céréales utilisées de plus en plus pour
étre transformées en viandes pour les peuples les plus riches).
Nous pensons que c'est seulement en fonction de l'analyse du
fonctionnement de ces variables qu'on pourra élaborer pour chaque situa-
tion concrète une politique d'autosuffisance alimentaire â la hauteur
du défi qui se pose aujourd'hui pour la majorité de la population mon-
diale.