L‘imputabilité dans le droit de la responsabilité...
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UNIVERSIT DE STRASBOURG
cole doctorale Droit, Science Politique et Histoire
Limputabilit dans le droit de la responsabilit internationale
Essai sur la commission dun fait illicite par un Etat ou une organisation internationale
Franois FINCK
Thse pour lobtention du doctorat en droit de lUniversit de Strasbourg
Droit international public
Soutenance publique 1er
juin 2011
Jury :
M. Herv ASCENSIO, Professeur lUniversit Paris-I Panthon-Sorbonne (rapporteur)
M. Symon KARAGIANNIS, Professeur lUniversit de Strasbourg
M. Christian MESTRE, Professeur lUniversit de Strasbourg, ancien Prsident de
lUniversit Robert Schuman (directeur de thse)
M. Yves PETIT, Professeur lUniversit de Nancy (rapporteur)
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Je remercie Kasia pour son soutien et ses encouragements
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Principaux sigles utiliss
Priodiques :
ACDI : Annuaire de la Commission du droit international
AFDI : Annuaire franais de droit international
AIDI : Annuaire de lInstitut du droit international
AJIL: American Journal of International Law
BYBIL: British Yearbook of International Law
EJIL: European Journal of International Law
HRLR: Human Rights Law Review
ICLQ: International and Comparative Law Quarterly
ILM: International Legal Materials
ILR: International Law Reports
Melbourne JIL: Melbourne Journal of International Law
NJW : Neue Juristische Wochenschrift
NYIL: Netherlands Yearbook of International Law
NYUJILP: New York University Journal of International Law and Politics
RBDI : Revue belge de droit international
RCADI : Recueil des cours de lAcadmie de droit international
RDILC : Revue de droit international et de lgislation compare
RGDIP : Revue gnrale de droit international public
RSA : Recueil des sentences arbitrales
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RTDE : Revue trimestrielle de droit europen
RTDH : Revue trimestrielle des droits de lhomme
Organisations internationales, Etats, juridictions, et autres :
ACP (Etats) : Afrique, Carabes, Pacifique
ALENA : Accord de libre-change Nord-amricain
AOI : Arab Organization for Industrialization
ARDE : Alliance rvolutionnaire dmocratique (mouvement rebelle nicaraguayen)
ASE : Agence spatiale europenne
CAEM : Conseil dassistance conomique mutuelle
CDH : Comit des droits de lhomme
CDI : Commission du droit international
CE : Conseil dEtat
CECA : Communaut europenne du charbon et de lacier
CFDT : Confdration franaise dmocratique du Travail
CIE : Conseil international de lEtain
CIJ : Cour internationale de Justice
CIRDI : Centre international de rglement des diffrends relatifs linvestissement
CJCE : Cour de justice des Communauts europennes
CJUE : Cour de justice de lUnion europenne
CMP : Conseil de mise en uvre de la paix
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ComEDH : Commission europenne des droits de lhomme
CourEDH : Cour europenne des droits de lhomme
CPJI : Cour permanente de justice internationale
CSCE : Confrence pour la scurit et la coopration en Europe
FDN : Force dmocratique nicaraguayenne (mouvement rebelle nicaraguayen)
FINUL : Force intrimaire des Nations Unies au Liban
FNUOD : Force des Nations Unies charge dobserver le dsengagement
FORPRONU : Force de protection des Nations Unies
FUNU : Force durgence des Nations Unies
HV : Forces armes de la Rpublique de Croatie
HVO : Forces armes croates de Bosnie
IDI : Institut du Droit international
ILA : International Law Association
JNA : Forces armes de la RSFY
KFOR : Kosovo Force
MINUK : Mission dadministration intrimaire des Nations Unies au Kosovo
MLC : Mouvement de Libration du Congo
OAS : Organisation de lArme secrte
OMC : Organisation mondiale du Commerce
ONU : Organisation des Nations Unies
ONUC : Opration des Nations Unies au Congo
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ONUSOM : Opration des Nations Unies en Somalie
OTAN : Organisation du Trait de lAtlantique Nord
RDC : Rpublique dmocratique du Congo
RFA : Rpublique fdrale dAllemagne
RFY : Rpublique fdrale de Yougoslavie
RMT : Rpublique moldave de Transniestrie
RS : Republika Srpska , Rpublique serbe de Bosnie
RSFY : Rpublique socialiste fdrative de Yougoslavie
RTCN : Rpublique turque de Chypre du Nord
TPIY : Tribunal pnal international pour lex-Yougoslavie
TUE : Trait sur lUnion europenne
UE : Union europenne
URSS : Union des Rpubliques socialistes sovitiques
VJ : Forces armes de la RFY
VRS : Forces armes de la Rpublique serbe de Bosnie
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Sommaire
Sommaire
Introduction gnrale
1re
Partie Limputabilit dun fait illicite lEtat
Titre 1. Limputabilit du comportement de personnes en fonction de leur possession du
statut dorgane de jure de lEtat.
Chapitre 1. Limputabilit du comportement de personnes possdant le statut dorgane de
lEtat adopt en cette qualit
Chapitre 2. Limputabilit du comportement de personnes trangres lappareil dEtat
Titre 2 : Limputabilit du comportement de personnes ne faisant pas formellement partie
de lappareil dEtat : De limputabilit de faits de particuliers lautonomisation de la base
dimputabilit organe de facto
Chapitre 1. Du fait de particuliers agissant pour le compte de lEtat lorgane de
facto
Chapitre 2 Lorgane de facto
2me
partie. La problmatique de limputabilit dun comportement contraire au droit
international une organisation internationale ou ses Etats membres
Titre 1. La responsabilit de lEtat raison du comportement dune organisation dont il est
membre
Chapitre 1. La responsabilit internationale de lorganisation, raison de lexclusion de
principe de celle de ses membres.
Chapitre 2. Les cas de responsabilit de lEtat raison dun fait de lorganisation dont il
est membre
Titre 2. La dtermination de la responsabilit de lorganisation internationale raison dun
fait illicite
Chapitre 1. Limputabilit du comportement des agents et organes de lorganisation, ainsi
que des organes mis sa disposition
Chapitre 2. Lattribution de la responsabilit raison du fait dEtats membres agissant en
application dune autorisation ou dune dcision de lorganisation
Conclusion gnrale
Bibliographie
Table de la jurisprudence cite
Table des matires
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Introduction gnrale
La responsabilit est la colonne vertbrale de tout ordre juridique. Elle est une
condition de la juridicit dun systme donn. Cependant, si la responsabilit est lpicentre
dun systme juridique 1, sa magnitude dcoule des principes gouvernant limputabilit et
notamment de leur adquation la ralit de la pratique des sujets de droit. Leffectivit du
droit de la responsabilit internationale dpend de sa capacit apprhender la ralit de
lactivit des sujets du droit international au travers de limputabilit.
Limputabilit, lment fondamental de la thorie de la responsabilit internationale,
est un sujet dtude classique du droit international.2 Cest galement un sujet toujours en
mouvement, qui fait lobjet de dveloppements permanents, parallles et soumis des
influences rciproques, entre la pratique, la jurisprudence, luvre de codification et la
doctrine. Ces dveloppements sont dus aux besoins nouveaux que rvle la pratique
1 Pierre-Marie DUPUY, Le fait gnrateur de la responsabilit internationale des Etats, RCADI 1984-V, p. 21
2 De nombreuses recherches ont t menes sur la responsabilit internationale. Parmi les plus notables, on
retrouve les uvres classiques de Dionisio ANZILOTTI, La responsabilit internationale des Etats raison des
dommages soufferts par des trangers, RGDIP 1906, pp. 5 et 285 ; dAndr DECENCIERE-FERRANDIERE,
La responsabilit internationale des Etats raison des dommages subis par des trangers, Paris, Rousseau,
1925 ; de Leo STRISOWER, Rapport sur la responsabilit internationale des Etats raison des dommages
causs sur leur territoire la personne ou aux biens des trangers, AIDI, 1927 ; de Clyde EAGLETON, The
Responsibility of States in international law, New York University Press, 1928 ; de Roberto Ago, qui a expos
ses vues dans son cours lAcadmie de droit international avant davoir la possibilit de les mettre en pratique
la Commission du droit international, Roberto AGO, le dlit international, RCADI 1939 II, p. 419. La
responsabilit internationale a galement t le thme de cours lAcadmie de la Haye, notamment de
Constantin Th. EUSTATHIADES, Les sujets du droit international et la responsabilit internationale
Nouvelles tendances, RCADI 1953 III, p. 397, de Francisco V. GARCIA-AMADOR, State responsibility: some
new problems, RCADI 1958 II, de Hildebrando ACCIOLY, Principes gnraux de la responsabilit
internationale daprs la doctrine et la jurisprudence, RCADI 1959 I, p. 353, de Bernhard GRAEFRATH,
Responsibility and damages caused : relationship between responsibility and damages, RCADI 1984 II, p. 9 et
de Pierre-Marie DUPUY, op. cit. Parmi les ouvrages spcifiquement consacrs la problmatique de
limputabilit, Luigi CONDORELLI, Limputation lEtat dun fait internationalement illicite : solutions
classiques et nouvelles tendances, RCADI 1984 VI, p. 9, ainsi que Patrick JACOB, Limputation dun fait
lEtat en droit international de la responsabilit, Thse, 2010, Rennes I.
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internationale, notamment dans le cadre des relations entre un Etat et des personnes
susceptibles dtre qualifies dagents ou dorganes de fait, ainsi qu travers la question de la
responsabilit des organisations internationales.
Limputabilit dans le contexte de la responsabilit des Etats a galement t traite
par la Commission du droit international (CDI) dans le cadre de son travail de codification. La
question de limputabilit, notamment du comportement de personnes ne faisant pas
formellement partie de lappareil dEtat, a fait lobjet de dveloppements essentiels dans la
jurisprudence de la Cour internationale de Justice et a donn lieu des divergences avec le
Tribunal pnal international pour lex-Yougoslavie, exemple fameux de fragmentation du
droit international.3 Cette problmatique est galement apparue dans la jurisprudence de la
Cour europenne des droits de lhomme et dans la pratique internationale. Ces divergences,
engendres par une pratique internationale rcente et complexe, mettent en vidence la
difficult de prendre en compte la diversit des modes daction des Etats.
Comme la observ le professeur Paul Reuter, la responsabilit est au cur du droit
international, () elle constitue une partie essentielle de ce que lon pourrait considrer
comme la constitution de la Communaut internationale .4 La responsabilit a, en effet, un
rle central dans tout systme juridique ; elle permet de marquer la diffrence entre le
comportement conforme au droit et celui qui ne lest pas en dfinissant les effets juridiques
qui vont sattacher au second comportement. En labsence de responsabilit, il faudrait sans
doute sinterroger sur la nature du systme que lon tudie 5 ; son caractre juridique serait
remis en cause. En dautres termes, comme la nonc la Cour internationale de Justice, [l]a
responsabilit est le corollaire ncessaire du droit. 6 Tout ordre juridique prvoit que des
3 A ce sujet, v. Benedetto CONFORTI, Unit et fragmentation du droit international : Glissez, mortels,
nappuyez pas ! , Revue gnrale de droit international public, 2007, pp. 5-18, estime que des divergences
dinterprtation entre juridictions internationales sont rares et ne sont pas forcment des catastrophes. La
fragmentation serait davantage un signe vident de la vitalit du droit international .
4 Paul REUTER, Trois observations sur la codification de la responsabilit internationale des Etats pour fait
illicite , in Le droit international au service de la paix, de la justice et du dveloppement, Mlanges Michel
Virally, Paris, Pdone, 1991, p. 390
5 Gilles COTTEREAU, Systme juridique et notion de responsabilit , in La responsabilit dans le systme
international, colloque du Mans de la SFDI, Paris, Pedone, 1991, p. 3
6 CIJ, Affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Company, limited (Belgique c. Espagne), deuxime
phase, arrt du 5 fvrier 1970, Rec. 1970, p. 34
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consquences lgales sont attaches au manquement la rgle de droit7, plus forte raison
lordre juridique international caractris par lgale souverainet des Etats8, dans lequel la
responsabilit internationale () apparat comme le mcanisme rgulateur essentiel et
ncessaire des rapports mutuels des sujets de droit. Le principe selon lequel tout
comportement dun Etat contraire au droit international entrane la responsabilit de cet Etat
na pas besoin dtre justifi ou dduit dautres principes, car il est expressment reconnu,
ou du moins clairement prsuppos, par une pratique unanime .9 Il est une consquence de
lexistence dun droit international. Comme lexprime larticle premier des articles de la CDI
sur la responsabilit des Etats, [t]out fait internationalement illicite dun Etat engage sa
responsabilit internationale. Le principe selon lequel [t]out fait internationalement illicite
dune organisation internationale engage sa responsabilit internationale est fond sur les
mmes bases. Son acceptation a toutefois t plus tardive ; la possibilit dune responsabilit
des organisations internationales passe en effet ncessairement par la reconnaissance de leur
personnalit juridique internationale. Si celle-ci est acquise, sa porte et ses consquences font
toujours lobjet de dbats qui ont une influence certaine sur la question de leur responsabilit
ainsi que celle de leurs Etats membres.10
La responsabilit internationale est un des thmes les plus importants avoir occup la
Commission du droit international. Ses travaux, et en particulier ceux ayant abouti aux articles
sur la responsabilit de lEtat, sont indispensable une bonne comprhension du sujet. Les
travaux de la CDI constituent une base importante ltude de questions lies la
responsabilit internationale, quil faut nanmoins confronter aux dveloppements rcents
dans la pratique et la jurisprudence internationales.
Les articles de la CDI sur la responsabilit de lEtat ont servi de source dinspiration
prcieuse, notamment pour les juridictions internationales, bien avant leur adoption finale. De
nombreuses rfrences avaient dj t faites la premire partie, adopte au courant des
annes 1970 suite aux rapports de Roberto Ago. Les dispositions relatives limputabilit ont
galement t cites de nombreuses occasions depuis ladoption de la version finale des
articles. Linterprtation qui leur a t donne a cependant vari selon les juridictions
7 Pierre-Marie DUPUY, Droit international public, Paris, Dalloz, 9
me d., 2008, p. 489
8 Alain PELLET, Patrick DAILLIER, Mathias FORTEAU, Droit international public, 8
me d., L.G.D.J., Paris,
2009, n 468
9 Roberto AGO, Troisime rapport sur la responsabilit des Etats, ACDI 1971, vol. II, 1
re partie, p. 216
10 V. 2
me partie, Titre 1, 1
er chapitre
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16
concernes ; il semble quelles ont plus t considres comme des bases de rflexion, que
lexpression stricte du droit coutumier. En ce sens, les articles ont une influence trs
importante sur le dveloppement du droit international tout en conservant une certaine
souplesse. En effet, le thme de la responsabilit des Etats na pas fait lobjet dune
convention de codification. Lapproche souple retenue par lAssemble gnrale des
Nations Unies11 avait pour objet dviter les risques et cueils dune confrence visant
prparer une convention internationale sur le sujet. En particulier, la crainte quun faible
nombre de ratifications risque davoir un effet dstabilisant, voire d-codifiant sur le
thme de la responsabilit des Etats a contribu au choix de cette solution.12 En outre, les
articles sur la responsabilit des Etats peuvent avoir plus defficacit concrte en conservant
leur forme actuelle. Ils sont souvent cits par les juridictions internationales, les tribunaux
arbitraux, les gouvernements, ce qui traduit leur influence importante sur le dveloppement du
droit international.13 Cette valeur des articles en tant que source dinspiration informelle
nest gnralement pas mise en doute, mme si leur adoption par des organismes
internationaux sans le recul ncessaire a t redoute.14 Ils ne doivent pas tre considrs
comme un trait de codification, mme sils en ont lapparence.15
Pour le professeur Luigi Condorelli, lensemble des principes relatifs limputation
constitue un portrait fidle du droit international en vigueur .16 Il est utile de se pencher sur
la question de savoir si cest toujours le cas. Un point particulirement intressant cet gard
est lvolution respective tant des articles que de la jurisprudence internationale ou de la
pratique des Etats, qui ont t marqus par des influences rciproques. En ce sens,
limputabilit fournit une bonne illustration du processus complexe de la formation du droit
international, marqu par des influences croises entre la pratique des Etats, le droit
coutumier, notamment tel quil est nonc par la jurisprudence internationale, et tel quil est
11
LAssemble gnrale a pris note des articles par la rsolution 56/83 du 12 dcembre 2001.
12 James CRAWFORD, Les articles de la CDI sur la responsabilit de lEtat, Paris, Pedone, 2003, p. 69 ;
Quatrime Rapport sur la responsabilit des Etats, A/CN.4/517, 22
13 V. les commentaires du Royaume-Uni, cits par Alain PELLET, The ILCs Articles on state responsibility
for internationally wrongful acts and related texts , in. James CRAWFORD, Alain PELLET, Simon OLLESON
(eds), The law of international responsibility, Oxford University Press, 2010, p. 87.
14 Ainsi par David D. CARON, The ILC Articles on State Responsibility : The Paradoxical Relationship
Between Form and Authority, American Journal of International Law 2002, p. 858
15 Ibid., p. 867
16 Luigi CONDORELLI, op. cit., p. 20
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codifi par la Commission du droit international. Le droit international est cr par un
processus complexe ; sa formation nest pas due un facteur explicatif unique. Ainsi, comme
la codification par la CDI a pris la forme darticles, une forme quasi-conventionnelle, qui
formule des rgles claires, et donc prtes tre applique, elle a une grande influence sur les
juges ou arbitres. Le travail de codification de ce qui est cens tre en grande partie le droit
existant a une influence directe sur lapplication, linterprtation, la formulation et donc
galement la cration de ce mme droit par les organes juridictionnels, voire par les Etats eux-
mmes qui sappuient sur les principes noncs par la CDI. La rponse la question de
ladquation des articles au droit coutumier tient dans une certaine mesure de la prophtie
auto-ralisatrice, puisque les acteurs du droit international (ministres des affaires trangres,
arbitres, juges, etc.) vont les invoquer afin de justifier leurs dcisions ou leur argumentation,
permettant par l leur mise en uvre concrte.
Celle-ci nest cependant pas homogne, ni toujours fidle au texte du projet.
Ladquation entre les articles de la CDI et la ralit de la pratique et de la jurisprudence
internationales est constamment remise en cause par lapparition de situations indites et de
besoins nouveaux qui ncessitent ladaptation des principes adopts en 2001. Il est cependant
indniable que les articles de la CDI sur la responsabilit des Etats ont acquis une valeur
importante en droit international positif. Les dispositions relatives limputabilit sont
presque systmatiquement cites par les dcisions de juridictions internationales, mme si leur
interprtation sloigne parfois considrablement du texte. Les articles relatifs la
responsabilit des organisations internationales nont pas encore acquis une telle porte. Ils
sont en effet plus rcents, adopts en premire lecture en 2009. Certaines dispositions
relatives limputabilit ont toutefois dj t cites par des juridictions internationales, par
exemple la Cour europenne des droits de lhomme dans des affaires relatives diverses
oprations internationales en ex-Yougoslavie, avant mme leur adoption en premire lecture.
Cela traduit un besoin de rgles reconnues, dans une matire caractrises par lincertitude et
la complexit. Cependant, l encore, rfrence ne signifie pas ncessairement respect de la
substance du projet de la CDI. La conformit de la jurisprudence internationale au projet
semble en gnral moins importante dans le cas du projet darticles sur la responsabilit des
organisations internationales que dans le cas de la responsabilit des Etats. Dans ce dernier
cas, les principes sont bien tablis et reconnus par tous les acteurs, mme si des divergences
dinterprtation existent, alors que le cas de la responsabilit des organisations internationales
se traduit par une plus grande incertitude due une pratique plus clairseme et plus rcente.
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18
Par ailleurs, un certain nombre darticles du projet sur la responsabilit des organisations
internationales nest justifi que par une pratique et une jurisprudence parse, ou concernant
des situations spcifiques certaines organisations. Ces dispositions ne sont pas
ncessairement transposables toutes les organisations internationales, ou semblent difficiles
mettre en uvre de faon concrte. Ces observations nempchent paradoxalement pas de
relever que lautorit reconnue en thorie aux projets de la CDI en matire tant de
responsabilit des Etats que des organisations internationales est grande. En effet, mme si
linterprte sen libre dans le cas concret, il tient sy rfrer, dans lintention de renforcer
lacceptabilit de sa dcision.
La codification du droit de la responsabilit internationale est le fruit dun travail de
longue haleine, qui a trouv sa forme contemporaine sous limpulsion de Roberto Ago,
rapporteur spcial du projet sur la responsabilit des Etats entre 1963 et 1980. La CDI sest
alors lanc dans la codification des seules rgles relatives au droit de la responsabilit
internationale, et non des normes dont la violation est susceptible dengager la responsabilit
de lEtat. La ncessit de concentrer son tude sur la dtermination des principes qui
rgissent la responsabilit des Etats pour faits illicites internationaux, en maintenant une
distinction rigoureuse entre cette tche et celle qui consiste dfinir les rgles mettant la
charge des Etats les obligations dont la violation peut tre cause de responsabilit a t
reconnue par la Commission.17 Cette distinction entre rgles primaires et rgles secondaires
que caractrise la rvolution Ago 18 tait ncessaire pour arriver un projet ralisable19,
mme si cette approche a t critique pour son caractre prtendument trop gnral ou
abstrait.20 Cependant, adopter une position contraire, prenant en compte les rgles
primaires serait revenu codifier lensemble du droit international.21 Cette approche a
permis la Commission du droit international de mener bien son projet aprs limpulsion
dfinitive donne par son dernier rapporteur spcial sur le sujet, James Crawford. La
17
Rapport de la Commission lAssemble Gnrale sur les travaux de sa 22me session, ACDI 1970, vol. II, p.
327, 66c
18 Expression dAlain PELLET, op. cit., in. James CRAWFORD, Alain PELLET, Simon OLLESON, op. cit., p.
76
19 Rapport de la Commission lAssemble Gnrale sur les travaux de sa 22me session, ACDI 1970, vol. II, p.
327, 66c. v. galement James CRAWFORD, op. cit., pp. 16s
20 V. les critiques numres par Luigi CONDORELLI, op. cit., pp. 21-22
21 Ibid., p. 21
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distinction entre rgles primaires et secondaires est essentiellement de nature technique, et
ce titre peut paratre artificielle22 ; elle na pas toujours t strictement respecte.23
La mme approche a t suivie par la Commission dans son projet sur la responsabilit
des organisations internationales, qui sest largement inspire du projet sur la responsabilit
des Etats. Une distinction stricte entre rgles primaires et secondaires na pas toujours
t ralise; ainsi une disposition24 du projet sur la responsabilit des organisations
internationales, qui sinspire de la jurisprudence de la Cour europenne des droits de
lhomme, met la charge des Etats une obligation de due diligence en regard des activits des
organisations internationales auxquelles ils ont transfr des comptences.25 Les Etats doivent
garantir que leurs obligations ne seront pas violes par lorganisation dans le cadre de ses
activits. La porte de cette obligation en droit international gnral est toutefois sujette
caution.26
Les lments constitutifs de la responsabilit internationale ont t noncs par
larticle 2 du projet darticles sur la responsabilit des Etats, qui dispose :
Il y a fait internationalement illicite de lEtat lorsquun comportement consistant en une
action ou une omission :
a) Est attribuable lEtat en vertu du droit international ;
et
b) Constitue une violation dune obligation internationale de lEtat.
Les deux lments retenus par la Commission du droit international sur la proposition
de Roberto Ago traduisent lobjectivation de la responsabilit internationale ; la responsabilit
nat uniquement de la violation dune de ses obligations internationales par lEtat. Le projet
darticles sur la responsabilit des organisations internationales reprend cette disposition
22
Eric DAVID, Primary and Secondary Rules, in. James CRAWFORD, Alain PELLET, Simon OLLESON,
op. cit., pp. 27s
23 Ibid., p. 32
24 Article 60 du projet sur la responsabilit des organisations internationales adopt en premire lecture.
25 V. Pierre KLEIN, Attribution of Conduct to International Organizations, in. James CRAWFORD, Alain
PELLET, Simon OLLESON, op. cit., pp. 310-313
26 Cf. 2
me partie, Titre 1, chapitre 2, s.2, 2
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mutatis mutandis dans son article 4 relatif aux lments du fait internationalement illicite
dune organisation internationale.
Le fait internationalement illicite na que deux lments constitutifs, mme si
lexistence dun prjudice ou dun dommage peut tre importante en ce qui concerne
linvocation de la responsabilit par un autre Etat, ou la forme et ltendue de la rparation.27
Ces deux lments constitutifs du fait internationalement illicite font lobjet dune
jurisprudence constante de la Cour internationale de Justice, et sont bien ancrs dans le droit
international gnral. Limputabilit du fait prcde logiquement lexamen de sa licit.28 En
effet, le second lment cit par la CDI, la violation dune obligation internationale de lEtat,
est dpendant du premier. Les normes du droit international ne sadressant par dfinition
quaux sujets de ce droit, un comportement donn ne peut tre considr comme une violation
du droit international que sil est imputable un de ses sujets. Comme la crit le professeur
Pierre-Marie Dupuy, la violation du droit international ne sera tablie que si elle peut tre
considre comme ayant t commise par un sujet relevant de cet ordre et agissant en tant que
tel. 29 En ce quelle permet de dfinir les faits qui peuvent tre considrs comme ayant t
commis par un sujet de droit international, limputabilit occupe une place centrale dans la
thorie de la responsabilit internationale.
Limputabilit est dfinie comme la caractristique de comportements dindividus ou
de groupes qui peuvent ou doivent tre rattachs un Etat ou une organisation
internationale , tandis que limputation dsigne laction de rattacher le comportement dune
personne ou dun groupe de personnes un sujet du droit international.30 Le terme
attribution a une signification similaire imputation ; son usage a t prfr par la
CDI afin dviter les interprtations errones auxquelles le terme imputation aurait pu
donner lieu du fait de son usage dans certains droits internes.31 Le rapporteur spcial Roberto
Ago sest ralli lavis dutiliser le terme plus neutre dattribution plutt quimputation, tout
27
James CRAWFORD, op. cit., p. 14. Pour une critique de labandon du dommage comme lment constitutif
de la responsabilit internationale, v. Gilbert GUILLAUME, Overview of Part One of the Articles on State
Responsibility , in. James CRAWFORD, Alain PELLET, Simon OLLESON, op. cit., p. 191
28 V. James CRAWFORD, op. cit., p. 98
29 Pierre-Marie DUPUY, op. cit., p. 509
30 Jean SALMON (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruylant, Bruxelles, 2001
31 ACDI 1973, vol. II, p. 187, 14
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en relevant que les mots nont de sens que celui quon leur donne. 32 Il est utile de
souligner que ces deux termes ont une signification quivalente en droit international, et sont
souvent utiliss alternativement. Ainsi, pour Anzilotti, imputer signifie lattribution dun
acte un sujet donn 33
; daprs le dictionnaire de Jules Basdevant, imputer signifie
attribuer un fait un sujet de droit, le rattacher celui-ci en vue de lui en faire supporter les
consquences juridiques. 34
Limputabilit peut tre entendue comme la dtermination des conditions dans
lesquelles un comportement donn, adopt par une personne ou un groupe de personnes, est
susceptible dtre considr comme un fait dun sujet de droit international (Etat ou
organisation internationale) daprs le droit international. Dans les termes de Roberto Ago, les
rgles relatives limputabilit permettent de prciser quels sont les comportements que
le droit international considre comme faits de lEtat aux fins dtablir lexistence
ventuelle dun fait internationalement illicite , en dautres termes dindiquer quand,
daprs le droit international, cest lEtat qui doit tre considr comme agissant. 35
Lattribution signifie l opration du rattachement lEtat dune action ou omission
donne36 ; elle consiste attribuer des actes ncessairement commis par une personne
physique une personne morale37 ; il sagit de l opration qui permet de reconnatre les
auteurs des faits juridiques.38
Limputabilit est un des deux lments constitutifs dun fait illicite daprs le droit
international. La violation dune rgle primaire du droit international, pour tre constitue,
doit tre imputable un Etat ou une organisation internationale. Le comportement illicite
doit tre susceptible dtre rattach non pas lindividu ou au groupe dindividus qui la
matriellement eu, mais lEtat en sa qualit de sujet du droit international. 39 A travers les
dfinitions de limputabilit se dfinissent ses problmatiques, au cur du systme de la
32
ACDI 1973, vol. I, p. 53, 8
33 Dionisio ANZILOTTI, op. cit., p. 286
34 Jules BASDEVANT, Dictionnaire de la terminologie du droit international, Sirey, 1960
35 ACDI 1973, vol. II, p. 192, 1 et 3
36 James CRAWFORD, op. cit., p. 103
37 Brigitte STERN, The Elements of an Internationally Wrongful Act, in. James CRAWFORD, Alain
PELLET, Simon OLLESON, op. cit., p. 202
38 Luigi CONDORELLI, op. cit., p. 168
39 ACDI 1971 vol. II, 1
re partie, p. 224
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responsabilit internationale : dterminer lauteur du fait illicite, le titulaire de lobligation
secondaire de rparation (au sens large) ne de la violation du droit international. En effet, les
Etats et les organisations internationales sont des personnes morales, des entits abstraites qui
nagissent que par lintermdiaire de personnes physiques.
Comme le souligne le commentaire de la Commission du droit international, il sagit
dune vrit lmentaire que lEtat comme tel nest pas capable dagir.40 LEtat ne peut
avoir physiquement un comportement, il agit forcment par le biais de personnes physiques.
Celles-ci ne peuvent engager la responsabilit de lEtat que dans lhypothse o elles agissent
en tant quorgane; lEtat nest en principe pas responsable de laction de particuliers. La
problmatique de lattribution dun comportement dtermin un Etat a t clairement
explique par Roberto Ago: ce que lon veut mettre en vidence cest tout simplement que
laction ou lomission dont il sagit doit pouvoir tre considre comme un fait de lEtat .
Et puisque lEtat, en tant que personne morale, nest pas physiquement capable davoir un
comportement, il est vident que lon ne peut attribuer lEtat que laction ou lomission dun
individu ou dun groupe dindividus, quelle quen soit la composition. 41
En dautres termes,
comme la Cour permanente de Justice internationale la expos dans son avis portant sur les
Colons allemands en Pologne, les Etats ne peuvent agir quau moyen et par lentremise de
la personne de leurs agents et reprsentants 42. La fonction de limputabilit est prcisment
de dfinir quelles personnes ou groupes de personnes peuvent tre considres comme les
agents et reprsentants de lEtat. Les rgles relatives limputabilit permettent de dfinir
le fait de lEtat , de dterminer si cest lEtat, ou un autre sujet du droit international, qui a
agi dans le cas particulier.43
Lauteur concret dun comportement donn est toujours une personne physique ;
juridiquement, lauteur de ce comportement peut tre un Etat ou une organisation
internationale. En-dehors des hypothses dattribution expressment prvus par le droit
40
James CRAWFORD, op. cit., p. 100, v. rapport Ago, ACDI 1973, vol. II, p. 183, 5
41 3me rapport, ACDI 1971 II, 1re partie, p. 228, 57. Le rapporteur spcial prcise plus loin que lexpression
personne morale nest employe ici qu uniquement par opposition celle de personne physique , pour
indiquer une entit collective ne pouvant agir quen se servant de laction dindividus humains. Ibid., p. 228,
note 75
42 CPJI, Affaire des Colons allemands en Pologne, avis consultatif n6 du 3 fvrier 1923, srie B, Rec. p. 22
43 Luigi CONDORELLI, Claus KRESS, The Rules of Attribution : General Considerations, in. James
CRAWFORD, Alain PELLET, Simon OLLESON, op. cit., p. 221
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23
international, lEtat nest pas responsable du comportement de personnes prives. Un
comportement de personnes privs portant atteinte aux droits dun sujet de droit international
tiers peut tre la consquence du manquement par lEtat ses obligations, de lomission de sa
part de prendre les mesures requises par une obligation internationale. Dans ce cas, lEtat est
responsable du fait de ses propres organes, savoir lomission, et non directement du fait des
personnes prives.
Les rgles dimputabilit issues de la responsabilit des Etats inspirent en principe
largement les rgles applicables aux organisations internationales.44 Lattribution du
comportement dune personne lorganisation dpend galement de lexistence dun lien
formel, ou dun lien factuel fond sur le contrle, entre lindividu auteur du comportement et
lorganisation.
La responsabilit des organisations internationales apporte des problmatiques
spcifiques la question de limputabilit dans le droit de la responsabilit internationale. La
CDI a d faire face des questions complexes, auxquelles le droit international napporte pas
de rponse univoque, et fonder ses conclusions sur une pratique miette et marque par un
grand pragmatisme ainsi que sur une jurisprudence la porte limite et peu concluante. La
complexit de la question est lie la particularit des modes dactivit des organisations
internationales. En effet, elles agissent souvent par lintermdiaire des Etats membres, ou en
utilisant des organes de ces derniers. Paralllement, les Etats membres exercent souvent une
forte influence sur le fonctionnement et la prise de dcision au sein de lorganisation. Ltude
de limputabilit de comportements lis lactivit des organisations internationales doit
prendre en compte les relations mutuelles de contrle et de pouvoir entre lorganisation et ses
membres. Celles-ci ont un impact tant sur la responsabilit de lorganisation internationale
elle-mme que sur la responsabilit des Etats membres raison de faits de lorganisation.
Le sujet aborde les questions de limputabilit dun comportement illicite aux Etats ou
aux organisations internationales, ainsi que la question, lie bien que distincte, de lattribution
de la responsabilit. Le sujet implique de rechercher qui, concrtement, rpond dun
comportement illicite, qui en subit les consquences. Il est ncessaire daller au-del de la
simple imputation du fait, qui ne constitue quune partie du sujet. Lattribution de la
responsabilit prend en compte les rapports qui stablissent rellement entre deux sujets de
44
V. sur ce point Pierre KLEIN, La responsabilit des organisations internationales dans les ordres juridiques
internes et en droit des gens, Bruylant, Bruxelles,1998, pp. 303-306
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droit international. Cest notamment le cas des organisations internationales, o il faut
sattacher lensemble des relations entre lorganisation et ses Etats membres afin de
dterminer qui, en dernier lieu, supporte les consquences du fait illicite, qui, vritablement,
en rpond. Cette dmarche implique la ncessit dtudier les rapports rciproques de
dpendance, de contrle, dautorit, entre lorganisation et un ou plusieurs Etats membres.
Ces rapports ont pour consquence des hypothses de responsabilit de lorganisation raison
dun fait imputable un organe dun Etat membre, ainsi que des cas de responsabilit des
Etats membres raison dun fait imputable lorganisation.
Des questions relatives limputabilit sont susceptibles dapparatre au niveau du
comportement illicite comme celui de la responsabilit proprement dite. La violation dune
obligation internationale donne naissance une obligation de rparer, de rpondre de la
violation. Cependant, lauteur du comportement illicite daprs le droit international, c'est--
dire le sujet auquel il est imputable, nest pas ncessairement le mme que celui sur lequel
pse lobligation de rparer. Une distinction entre limputation du fait illicite et lattribution
de la responsabilit internationale peut apparatre. Si cette hypothse reste exceptionnelle dans
les relations intertatiques, elle est plus frquente dans le cadre de la responsabilit des
organisations internationales. En effet la responsabilit des organisations internationales nat
souvent de linteraction de lorganisation et de ses Etats membre, de laction conjointe de
plusieurs sujets du droit international. Lorganisation doit en effet souvent avoir recours aux
moyens de ses Etats membres pour tre en mesure daccomplir ses fonctions. Limputabilit
vue comme naissance de la responsabilit pour fait illicite, de lobligation de rpondre
signifie pouvoir dterminer qui quel sujet du droit international doit ultimement rpondre
dun comportement spcifique, contraire au droit international. Limputabilit signifie
rpondre la question [d]e quels actes un Etat ou une organisation sont-ils
responsables ? 45 Limputabilit dun comportement donn na de sens que pour autant
quelle permette de dterminer le sujet qui doit effectivement rpondre de la violation du droit
international. Pour tre en mesure dapprcier sa signification globale, limputabilit doit donc
tre comprise dans son sens large, qui englobe lattribution du fait illicite et lattribution de la
responsabilit. Se limiter la premire hypothse savre la plupart du temps suffisant, dans
les cas de loin les plus frquents dans le cas de la responsabilit tatique de concidence
entre lauteur du comportement daprs le droit international et celui auquel le droit
international met charge lobligation de rparer. Cependant, prendre en compte la seconde
45
Paul REUTER, Principes de droit international public, RCADI, vol. 103, 1961 II, p. 602
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25
hypothse permet vritablement de constater les consquences juridiques des relations
dinterdpendance particulirement prsentes dans la vie des organisations internationales.
Ces consquences sont susceptibles de se faire sentir tant au niveau de la
responsabilit de lorganisation elle-mme qu celui de la responsabilit des Etats qui
agissent en application dune mesure prise par lorganisation dont ils sont membres. Ainsi, les
articles sur la responsabilit de lEtat prcisent quils sont sans prjudice de toute question
relative la responsabilit daprs le droit international dune organisation internationale ou
dun tat pour le comportement dune organisation internationale. 46 Le projet sur la
responsabilit des organisations internationales est, en effet, relatif la responsabilit
internationale dune organisation internationale pour un fait qui est illicite en vertu du droit
international , mais galement la responsabilit internationale de ltat pour le fait
internationalement illicite dune organisation internationale. 47 Aux fins de la responsabilit
internationale, lEtat agissant en tant que membre dune organisation internationale doit tre
distingu de lEtat agissant de faon autonome. La dfinition du fait de lEtat ne change
toutefois pas ; les rgles du projet sur la responsabilit des organisations internationales
concernant les Etats sont relatives lattribution de la responsabilit, ou la dfinition
dobligations primaires de lEtat dans le cadre de leurs relations avec une organisation
internationale ; elles se situent sur un autre plan que la dtermination du comportement
imputable lEtat.
Limputabilit est un sujet transversal, qui permet de se pencher sur des aspects du
droit international la fois fondamentaux et trs divers. Limputabilit a un rle charnire
dans lagencement du systme juridique international48, en ce quelle permet de faire le lien
entre les normes primaires, prescrivant ou prohibant un certain comportement, et les sujets
auxquels elles sadressent. Du fait de sa place centrale, ce sujet jette un clairage essentiel sur
des questions comme la dfinition de lEtat en droit international, la personnalit juridique des
organisations internationales, les rles respectifs du droit interne et du droit international, ou
les rapports rciproques entre les organisations internationales et leurs membres.
46
Art. 57 des articles de la CDI sur la responsabilit des Etats
47 Art. 1
er du projet darticles de la CDI sur la responsabilit des organisations internationales
48 Luigi CONDORELLI, op. cit., p. 168
-
26
LEtat se voit attribuer, sur le plan international, les faits des membres de son
organisation 49, c'est--dire de son organisation concrte, relle, telle que dfinie par le droit
international, et non seulement telle que reconnue ou prtendue par lEtat. Les rgles de
limputabilit permettent d identifier concrtement lEtat, c'est--dire les individus par
le biais desquels lEtat agissant va manifester son existence. 50 Est attribuable lEtat le
comportement des personnes faisant partie de son appareil au sens large, c'est--dire par
lintermdiaire desquelles lEtat agit, ou qui agissent pour son compte. LEtat sincarne dans
la personne de ses agents. Aux yeux du droit de la responsabilit internationale, lEtat est trs
largement dfini, et comprend autant le chef de lEtat que la personne que lon peut
temporairement qualifier de fonctionnaire de fait . Dautres branches du droit international
peuvent connatre des conceptions diffrentes du fait de lEtat 51 ou de ses organes. LEtat
selon le droit international public peut tre considr une figure gomtrie variable 52. Le
droit de la responsabilit, au travers des rgles dimputabilit, est peu formaliste, la condition
de son effectivit est sa capacit apprhender lEtat dans la ralit de la varit de ses
moyens daction.
LEtat sorganise librement et le droit international en tire les consquences au niveau
de lattribution.53 Le droit international apprhende lorganisation relle de lEtat, et non pas
purement formelle. Est attribuable en vertu du droit international le comportement de toutes
les personnes ou groupes de personnes par lintermdiaire desquelles lEtat agit, qui relvent
de son appareil organique au sens large.54 Ce principe implique de dfinir les conditions dans
lesquelles une personne ou un groupe de personnes est considr par le droit international
comme agissant pour le compte de lEtat, c'est--dire quand lEtat est considr comme
agissant par le biais de ces personnes. Ainsi, le comportement des organes de facto, ainsi que
de certaines personnes qui ne peuvent tre considres comme des organes, est attribuable
lEtat daprs le droit international. LEtat est ainsi responsable du comportement adopt par
des personnes dans le cadre de lexercice de fonctions publiques. Il est galement responsable
49
ACDI 1973, vol. II, p. 192
50 Mathias FORTEAU, LEtat selon le droit international : une figure gomtrie variable ? , RGDIP 2007, p.
737
51 ACDI 1973, vol. II, p. 192 5
52 Mathias FORTEAU, op. cit.
53 ACDI 1973, vol. II, p. 193, 7 ; v. sur ce point Luigi CONDORELLI, op. cit., pp. 26-41
54 Luigi CONDORELLI, op. cit., pp. 26-27
-
27
du comportement commis par des personnes prives quil utilise pour parvenir ses fins, et
qui obissent ses instructions ou agissent sous son contrle.
Cela comprend celles que lEtat utilise volontairement, mais il doit aussi rpondre de
certains comportements qu il (i.e. son gouvernement, les autorits suprieures) na pas
voulus, mais qui ont t accomplis spontanment par des personnes prives dans le cadre de
lexercice de prrogatives de puissance publique en cas de carence ou dabsence des autorits
officielles. LEtat daprs le droit de la responsabilit internationale ne peut donc tre rduit
lorganisation quil sest donne, c'est--dire que ses autorits dirigeantes lui ont donn. Le
droit international connat des critres dimputabilit qui sont indpendants de la volont
tatique ; la conception de lEtat selon le droit international est dfinie par le droit
international lui-mme.55 Par ailleurs, la dfinition des critres dimputabilit dpend du droit
international ; que lEtat considre un comportement donn comme son propre fait ou non ne
dpend pas de lui. Les rgles relatives limputabilit se rfrent certes largement au droit
interne, lorganisation propre de lEtat; cependant certaines bases dimputation traduisent
lautonomie des rgles dimputabilit envers lEtat. Limputabilit en droit international ne
dpend pas de la qualification de ce mme fait comme un fait de lEtat ou non daprs le droit
interne. Leffectivit du droit international dpend de la capacit du droit de la responsabilit
internationale prendre en compte, par lintermdiaire des rgles relatives limputabilit,
lorganisation effective de lEtat, ce qui peut rellement tre qualifi de fait de lEtat ,
mme dans les cas o lEtat essaie dchapper sa responsabilit en ayant recours des
personnes nayant pas le statut dorgane ou dagent. Les relations entre fait et droit sont
souvent vues en opposition ; ici le droit apprhende le fait afin dassurer sa propre effectivit.
Lattribution dun comportement lEtat ou lorganisation internationale est
ncessairement une opration normative56, fonde sur le droit international. Le droit interne a
une place importante dans lidentification des comportements attribuables lEtat en
dterminant quelles personnes possdent le statut dorgane de lEtat. Cependant, le droit
international joue un rle fondamental quand il sagit dactes matriels et non plus
juridiques, ou au moins lorsquil sagit dactes juridiques qui au regard du droit national ne
sont plus des actes juridiques rguliers . Dans ce cas,
55
Pierre-Marie DUPUY, Relations Between the International Law of Responsibility and Responsibility in
Municipal Law, in. James CRAWFORD, Alain PELLET, Simon OLLESON, op. cit., p. 180 ; Brigitte STERN,
op. cit., p. 210
56 James CRAWFORD, op. cit., p. 100
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28
il est normal que le droit international puisse intervenir avec plus de force et
dautorit, car son intervention, mme si elle a pour effet de porter atteinte au droit de lEtat
damnager son ordre juridique, poursuit en ralit un autre but : limiter les effets lgard
des tiers dactivits imputables un milieu dont les Etats sont responsables. 57
La responsabilit est le test ultime de la personnalit internationale.58
La
personnalit juridique se traduit par la capacit dtre titulaire de droits et dobligations, et
donc dtre responsable en cas de violation dune obligation. Limputabilit identifie le sujet
du droit international qui est amen rpondre dun fait commis par une personne qui ne
possde pas la qualit de sujet. Ce comportement ne peut tre qualifi de violation du droit
international que sil peut tre considr comme ayant t commis par un sujet de lordre
juridique international. En effet, la capacit de commettre un fait internationalement illicite
nappartient par dfinition quaux sujets du droit international. Seule une entit laquelle un
comportement contraire au droit international est susceptible dtre imput peut tre
considre comme un sujet du droit international. Rciproquement, la personnalit
internationale a pour consquence de rendre le sujet susceptible dtre considr comme
responsable de tout fait internationalement illicite qui lui est attribuable. Ainsi, limputabilit
du fait illicite lorganisation internationale est la fois la consquence et un indice de sa
personnalit internationale.
Labsence de personnalit juridique internationale de certaines entits, comme des
rgions scessionnistes ou des Etats non-reconnus les rend incapable de rpondre directement
de leurs comportements qui pourraient tre qualifis dinternationalement illicites sils taient
attribuables un sujet de droit international. Ces entits scessionnistes sont souvent
troitement associes des Etats qui ont activement favoris leur cration et les soutiennent
de manire continue. Une puissance voisine de lEtat victime de la tentative de scession
dune de ses composantes apporte un soutien trs important celle-ci, garantissant ainsi sa
survie. Le soutien apport par cet Etat tiers peut savrer si important, voire dcisif, que
lentit scessionniste ne dispose pas de vritable autonomie envers lui. Les rgles
dimputabilit ne permettent en principe pas de considrer que le comportement de lentit
scessionniste puisse tre attribuable lEtat intervenant, sauf si elle peut tre considre
57
Paul REUTER, Principes, op. cit., p. 603
58 Expression utilise au sujet des organisations internationales par Pierre KLEIN, La responsabilit des
organisations internationales, op. cit., p. 429
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29
comme un organe de fait de cet Etat. Cette problmatique complexe a donn lieu des
divergences entre les juridictions internationales qui ont eu en connatre.59
Des approches
varies, et parfois contradictoires, ont t suivies, en labsence de critres de dfinition de
lorgane de fait clairement accepts. Llargissement ventuel de lhypothse de lorgane de
facto des situations de ce type est un dveloppement complexe. La pratique internationale
est rcente, et les rgles dimputabilit classiques nont pas t prvues pour des situations de
ce type. La jurisprudence doit en outre faire face la difficult de dfinir des critres adquats
au vu de la grande complexit de ces hypothses. La prise en compte de ces situations est
cependant ncessaire, les rgles dimputabilit ayant pour fonction dapprhender les
consquences effectives de lactivit tatique 60
en attribuant les faits qui en sont
lorigine lEtat.
Les principes relatifs limputabilit accordent une importance particulire la prise
en compte des relations de fait, de leffectivit des relations entre lEtat et les personnes
physiques, ou lEtat et lorganisation. Limputabilit est fonde sur le statut juridique interne
de la personne, mais galement sur des critres propres au droit international. Le droit
international se rfre essentiellement au droit interne, et ratifie la dfinition de ses organes de
jure par lEtat. Le droit international possde par ailleurs un rle autonome dans limputabilit
du comportement de personnes nappartenant pas formellement lappareil de lEtat. Les
rgles relatives limputabilit sont fondes sur leffectivit, elles apprhendent la ralit des
liens de fait entre la personne et le sujet de droit.
Limputabilit se situe sur deux plans distincts. En premier lieu, elle joue un rle
essentiel dans la dfinition de lEtat ou de lorganisation internationale daprs le droit
international. Elle permet de prsenter une dfinition du sujet de droit international en
tablissant les comportements qui sont susceptibles de lui tre rattachs, en identifiant les
personnes par lintermdiaire desquelles le sujet agit. En second lieu, limputabilit nonce les
consquences sur la responsabilit internationale des relations entre sujets de droit,
59
Cette hypothse est notamment illustre par les relations entre la Rpublique fdrale de Yougoslavie et la
rpublique serbe de Bosnie entre 1992 et 1995 ; entre la Russie dune part, la Transniestrie (Moldavie), les
rgions scessionnistes dAbkhazie et dOsstie du Sud (Gorgie) de lautre ; et les relations entre la Turquie et
la Rpublique turque du Nord de Chypre . Ces cas ont donn lieu une jurisprudence abondante de
diffrentes juridictions internationales (Cour internationale de Justice, Tribunal pnal international pour lex-
Yougoslavie, Cour europenne des droits de lhomme) ou des rapports dune commission denqute.
60 Paul REUTER, Principes, op. cit., p. 603
-
30
notamment entre une organisation internationale et ses membres. Ce second aspect de
limputabilit participe galement de la dfinition de lorganisation internationale, qui est
indissociable de ltude des relations mutuelles et des influences rciproques entre les sujets
de droit international qui la composent.
La question de limputabilit dun comportement illicite lEtat est centre sur les
relations entre le sujet de droit international et les personnes qui lui permettent dadopter un
comportement matriel, et par l dexister concrtement sur la scne internationale (1re
partie). La question de la responsabilit des organisations internationales est fortement
marque par leur nature de sujets drivs du droit international, crs et composs dEtats.
Cette caractristique a pour consquence daccorder un rle capital la problmatique de
lattribution de la responsabilit, nettement moins prsente dans le cadre de limputabilit de
la responsabilit lEtat (2me
partie).
-
31
1re
Partie Limputabilit dun fait illicite lEtat
-
32
Le thme de la responsabilit tatique occupe historiquement et conceptuellement une
place prminente dans la thorie de la responsabilit internationale. Les principes
fondamentaux de limputabilit ont t dfinis en relation avec le fait illicite des Etats ; les
rgles appliques la responsabilit des organisations internationales en ont t largement
inspires. Limputabilit, entendue comme la dtermination des personnes rputes engager
lEtat par leurs actions ou omissions, joue un rle essentiel dans la dfinition du sujet de droit.
Ainsi, les rgles gouvernant la responsabilit internationale peuvent exercer une influence
certaine sur le droit de lEtat lauto-organisation. En effet, ces normes ont pour fonction
dassurer leffectivit du droit international dans la mesure o elles apprhendent les actes de
lEtat dans leur ralit. Le droit international ne se limite pas une dfinition formaliste de
lappareil dEtat, la dfinition que donne lEtat de ses organes, de lui-mme; il prend en
compte le lien rel existant entre une activit exerce par des personnes physiques et lEtat.
Cette apprciation concrte, aussi proche de la ralit, de la complexit des faits donnant lieu
des litiges, que possible, est ncessaire leffectivit du droit international. Une approche
raliste, ici, ne soppose pas leffectivit du droit international, elle est au contraire une
condition indispensable son influence et son rle dans les relations internationales.
Laction des sujets du droit international se traduit par des moyens varis. La ralit risquerait
de ntre que trs imparfaitement prise en compte par des catgories juridiques trop troites,
par une dfinition trop formaliste des organes de lEtat et des personnes dont laction serait
imputable lEtat. Une apprciation concrte de laction de lEtat est indispensable au respect
et au rle effectif du droit international.
Le rapporteur spcial de la CDI sur la responsabilit des Etats Roberto Ago a prcis
que lorganisation de lEtat (...) est lappareil par lequel lEtat rvle concrtement son
existence et travaille la poursuite de ses fins 61
, il appartient lEtat lui-mme de
sorganiser, il nest nullement dans les tches du droit international d organiser lEtat,
ft-ce seulement des fins internationales 62
. LEtat est libre de sorganiser comme il
lentend, il sagit dune illustration de sa souverainet.63
Le droit international ne sintresse
pas lorganisation interne de lEtat; ce qui signifie que paralllement, dans lordre juridique
international, lEtat apparat comme une unit, cest--dire comme une personne unique
61 ACDI 1971 II, 1re partie, 110s
62 Ibid.
63 Luigi CONDORELLI, op. cit., RCADI 1984-VI, pp. 28-29
-
33
capable dagir par le biais dinnombrables bras obissant tous un seul centre de
dcision 64.
Selon la conception de lEtat comme un fait prexistant, et donc qui simpose au droit
international, la fonction des rgles relatives lattribution dun fait illicite lEtat nest pas
de confrer, du fait de lattribution, la qualit dorgane de lEtat aux auteurs matriels du fait;
elles tablissent une consquence du fait que ces personnes sont des organes, quelles ont
juridiquement qualit pour agir au nom de lEtat. 65
Le droit international ne fait ici que tirer
la consquence de lappartenance dune personne dtermine lappareil de lEtat, il
nattribue pas la qualit juridique dorgane. Si le droit international renvoie certes en grande
partie aux dterminations opres par lEtat, il sattache en outre son organisation de fait, ce
qui lui permet de prendre en compte les organes et agents de facto, cest- dire qui ne sont pas
dfinis comme des organes par le droit interne de lEtat66
. Le professeur Ago prcise que le
droit international tient compte de lorganisation de lappareil dEtat comme dune donne de
fait laquelle il conditionne certaines de ses dterminations67
. Il ajoute plus loin que sur le
plan du droit international, on considre en principe comme fait de lEtat le comportement des
personnes ou des groupes de personnes auxquels dans lordre interne, et uniquement dans cet
ordre, on attribue la qualit juridique dorgane de lEtat. 68
Le professeur Jean-Pierre Quneudec va plus loin lorsquil crit qu il est permis
daffirmer que les lgislations internes qui dfinissent quelles personnes entrent dans la
catgorie des agents de lEtat, sont de simples indications pour le juge international .69
En
ralit le droit international de limputabilit tient largement compte de la dtermination
64 Ibid., pp. 58-59
65 ACDI 1971 II, 1me partie 116
66 Les organes de jure ne sont pas les seuls susceptibles dengendrer la responsabilit de lEtat: il nest pas dit,
surtout, quen reconnaissant quon attribue lEtat sujet de droit international les comportements manant de ses
propres organes daprs lordre juridique interne on ait achev linventaire [italiques dans loriginal] des
comportements qui peuvent entrer en considration aux fins du rattachement ces faits dune responsabilit
internationale. ACDI 1973, II, p. 194
67 Cf. ibid. 117, note 207
68 Ibid., 119
69 Jean-Pierre QUENEUDEC, la responsabilit internationale de lEtat pour les fautes personnelles de ses
agents, LGDJ, Paris, 1966, p. 30
-
34
opre par lEtat. Pour les professeurs Alain Pellet et Patrick Daillier, lattribution lEtat
est trs largement admise ds lors que le comportement dnonc mane de personnes ou
dorganes sous son autorit effective. Le droit international confirme, par ce biais, que les
habilitations juridiques internes ne sont que des faits pour les autres sujets de droit
international 70
. Toujours est-il que les organes de lEtat ne sont pas toujours clairement
dfinis par son droit interne. Cest une raison de la prise en considration de lorganisation de
facto de lEtat.
Si la dtermination du statut dorgane de lEtat des personnes physiques appartient
lEtat, il existe nanmoins une relation rciproque entre lorganisation de lEtat et le droit
international. Le droit international valide en quelque sorte lorganisation que sest librement
donne lEtat, il la prend en compte. Selon le professeur Luigi Condorelli71
, il sagit de
lillustration de la libert dauto-organisation de lEtat, expression de la souverainet de
lEtat. Ainsi, le droit international ne requiert pas ladoption dun systme constitutionnel
particulier72
, quoique lEtat doive tre en mesure de respecter ses obligations internationales.
Par ce biais, le droit international, et particulirement les rgles gouvernant limputabilit, a
une influence non ngligeable sur lorganisation de lEtat.73
Ce dernier doit pouvoir faire
respecter ses engagements internationaux, notamment par ses collectivits territoriales. Le
caractre raliste de la dfinition des organes de lEtat laisse ici la place, dans une certaine
mesure, une apprciation plus formelle: lEtat est responsable du fait de ses organes, par
exemple un Etat fdral sera responsable des actes dun Etat fdr, mme sil na pas,
daprs son droit interne ou la situation factuelle, la possibilit concrte de contraindre lentit
fdre au respect du droit international.74
70
Alain PELLET, Patrick DAILLIER, Mathias FORTEAU, Droit international public, 8me
d., L.G.D.J., Paris,
2009
71
Luigi CONDORELLI, op. cit., p. 26
72
Luigi CONDORELLI, op. cit., p. 60 ; selon Alain PELLET, Patrick DAILLIER et Mathias FORTEAU, op.
cit., L.G.D.J., p. 432: il existe une indiffrence du droit international lgard des formes politiques internes,
ds lors que les institutions nationales disposent de la capacit dengager lEtat dans les relations
internationales , ce qui implique sa capacit rpondre dventuelles violations du droit international.
73 Roberto Ago, ACDI 71 II, 1 partie, p. 250, 120; Luigi CONDORELLI, op. cit., p.30-36
74 cf. infra, 1, A), 3
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35
Le droit international prvoit limputabilit lEtat du comportement de personnes
ayant le statut dorgane daprs le droit interne, ou exerant des prrogatives de puissance
publique. Ce principe fondamental trouve son parallle dans limpossibilit dimputer lEtat
le fait de personnes trangres son organisation, mme si des exceptions sont apparues de
manire empirique (Titre 1). LEtat est constitu, outre ses organes de jure, de toutes les
personnes par lintermdiaire desquelles il agit. Le principe de limputabilit du
comportement de personnes agissant pour le compte de lEtat tout en nayant pas
formellement le statut dorgane est bien tabli, mme si ses conditions font lobjet de
controverses (Titre 2).
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36
Titre 1. Limputabilit du comportement de personnes en fonction de leur
possession du statut dorgane de jure de lEtat.
Le principe de limputabilit lEtat du comportement des personnes qui possdent le
statut dorgane selon son droit interne est fondamental toute thorie de limputabilit. Outre
celui des organes de jure, est attribuable lEtat le comportement des personnes habilites
exercer des prrogatives de puissance publique. LEtat doit rpondre du comportement de
toutes les personnes quil a habilites agir en son nom. Cette rgle englobe le comportement
allant au-del de lhabilitation reue par lEtat, mais non les faits accomplis titre priv. Le
principe de limputabilit lEtat du comportement de ses organes (chapitre 1) a pour
corollaire la non-imputabilit du comportement de personnes trangres son organisation,
sauf dans les hypothses particulires des mouvements insurrectionnels victorieux et de la
ratification du comportement de personnes prives (chapitre 2).
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Chapitre 1. Limputabilit du comportement de personnes possdant le statut
dorgane de lEtat adopt en cette qualit
Le comportement des personnes ou entits ayant le statut dorgane daprs le droit
interne de lEtat lui est imputable pourvu quelles aient agi en cette qualit (s. 1), mme en
dpassement de leurs comptences ou au-del des instructions reues (s. 2).
s. 1 La porte du principe de limputabilit lEtat du comportement de ses organes de
jure.
Daprs le droit international gnral sont imputables lEtat les actes de ses organes.
Ceci est bien tabli en ce qui concerne les organes de jure. Ce principe est raffirm par la
CDI larticle 4 de son projet, qui dispose que le comportement de tout organe de lEtat est
considr comme un fait de lEtat daprs le droit international , quelles que soient sa nature
ou les fonctions quil exerce. Cette rgle vaut quelle que soit la forme de lEtat, unitaire ou
fdrale.75
En effet, un Etat ne saurait invoquer son organisation interne pour viter de
respecter ses obligations internationales. LEtat agit par le biais de ses organes, laction de ces
derniers doit donc tre considre comme un fait de lEtat dont celui-ci doit rpondre le
cas chant.
Le deuxime paragraphe de larticle 4 du projet de la CDI prcise qu un organe
comprend toute personne ou entit qui a ce statut daprs le droit interne de lEtat . Il
appartient donc fondamentalement lEtat de dfinir ses organes. Larticle 4 a pour but
denglober tous les organes, quelle que soit lorganisation interne de lEtat; en effet, un tat
75 larticle 4 dispose que le comportement de tout organe de lEtat est considr comme un fait de lEtat
daprs le droit international, que cet organe exerce des fonctions lgislative, excutive, judiciaire ou autres,
quelle que soit la position quil occupe dans lorganisation de lEtat, et quelle que soit sa nature en tant
quorgane du gouvernement central ou dune collectivit territoriale de lEtat
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ne peut invoquer son organisation interne pour viter de respecter ses obligations
internationales; il sagit l une rgle bien tablie, un principe fondamental du droit
international.76
Les actes des organes ne lui sont toutefois pas imputables dans tous les cas. Avant de
dterminer les conditions dattribution des actes des organes de jure lEtat (2), il est utile
de relever les circonstances nayant aucune influence sur limputabilit (1). Un troisime
paragraphe portera sur limputabilit du comportement de personnes habilites exercer des
prrogatives de puissance publique (3).
1. Les diffrentes possibilits dorganisation interne dun Etat sont sans pertinence sur la
porte de cette rgle.
Cest un principe bien tabli, garant de leffectivit du droit international que les Etats
ne peuvent se prvaloir de leur droit interne pour chapper leurs obligations internationales.
La grande diversit des formes et de lorganisation interne des Etats na pas dinfluence sur la
rgle fondamentale pour lordre juridique international de la responsabilit des Etats du fait de
leurs organes. Cela vaut aussi bien pour la fonction de lorgane et son rang hirarchique (A)
que sa place dans lorganisation territoriale de lEtat (B).
A) La forme interne de sparation des pouvoirs et le rang hirarchique de lorgane
LEtat doit rpondre non seulement des actes du pouvoir excutif, mais aussi lgislatif
et judiciaire; la solution retenue est lie la nature et aux fondements mmes du droit
international. Larticle 4 du projet de la CDI dispose expressment que le comportement de
tout organe de lEtat est considr comme un fait de lEtat que cet organe exerce des
fonctions lgislative, excutive, judiciaire ou autre... Cest un principe bien tabli; comme
la affirm le Rapporteur spcial, depuis prs dun sicle, on ne connat pas de dcisions
76 Roberto AGO, ACDI 1971 II, 1
re partie, p. 238s
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judiciaires ou arbitrales internationales qui aient nonc (ou mme implicitement admis) le
principe de lirresponsabilit de lEtat pour faits de ses organes lgislatifs ou judiciaires 77
.
En effet, un courant doctrinal stait, par le pass, prononc en faveur dun principe
dimputabilit des seuls faits commis par les organes excutifs de lEtat, dans une rduction
de l Etat la notion de gouvernement . Cette thse tait fonde sur largument que le
gouvernement ne disposait en principe que du contrle sur les organes de la branche
excutive, les pouvoirs lgislatif et judiciaire tant en principe autonomes.78
La Commission
du droit international avait consacr une disposition spcifique la non-pertinence de la
position et du rang de lorgane dans lappareil de lEtat.79
Lnonc de ce principe a t
intgr larticle 4 dans la version finale du projet.
Aux yeux du droit international, lEtat napparat que dans son unit. La jurisprudence
internationale ainsi que la doctrine ont affirm ce principe de faon constante, et le
considrent comme un acquis. Il reflte par ailleurs la pratique des Etats. Dans laffaire de la
Salvador Commercial Company, le tribunal arbitral a jug qu un Etat est responsable des
actes de ses dirigeants, quils appartiennent la branche lgislative, ou excutive, ou
judiciaire de lEtat, pour autant que ces actes sont commis en leur qualit officielle 80
Les actes des autorits judiciaires sont susceptibles dengager la responsabilit de
lEtat, malgr lindpendance dont elles jouissent en principe sur le plan interne. Ainsi, une
dcision de la Commission de conciliation franco-italienne du 7 dcembre 1955 rappelle que
lancienne thse selon laquelle les actes des autorits judiciaires, du fait du principe de la
sparation des pouvoirs, excluent la responsabilit de lEtat, semble aujourdhui
universellement et justement rpudie par la doctrine et la jurisprudence internationales. La
77 ACDI 1973, II, p. 197
78 Ibid., p. 199: (p)ersonne ne se fait aujourdhui lavocat des vieilles thses qui voulaient tablir une
exception pour les organes lgislatifs , sur la base du caractre souverain du parlement, ou pour les organes
juridictionnels, en vertu du principe de lindpendance des juges ou de celui de lautorit de la chose juge. sur
la thse de lexclusion des actes du pouvoir judiciaire, cf. Symon KARAGIANNIS, Du non-tatique
ltatique : la cruciale question de limputabilit dactes de particuliers en droit international , in Rafa BEN
ACHOUR et Slim LAGHMANI (dir.), Acteurs non-tatiques et droit international, Actes du colloque de Tunis
des 6, 7 et 8 avril 2006, Pedone, 2007, pp. 165-166
79 Article 6 du projet adopt en premire lecture en 1996
80 Salvador Commercial Company, tribunal arbitral Etats-Unis dAmrique/El Salvador, 8 mai 1902, RSA XV.
La dtermination de laction en qualit officielle est aborde infra, section 1, 1, B.
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sentence rendue par lautorit judiciaire est une manation dun organe de lEtat, tout comme
la loi promulgue par lautorit lgislative ou la dcision prise par lautorit excutive. 81
Le projet de lInstitut du droit international de 1927 affirme la responsabilit de lEtat
pour toute action ou omission contraire ses obligations internationales, quelle que soit
lautorit de lEtat dont elle procde, lgislative, gouvernementale ou judiciaire.82
A la mme
poque, la Cour permanente de justice internationale a galement jug un Etat responsable du
fait de ladoption et de lapplication dune loi, et a dclar quune loi est une manifestation de
la volont de lEtat, au mme titre que les dcisions judiciaires ou les mesures
administratives. 83
La non-pertinence de cette distinction aux fins de lattribution dun
comportement illicite ne fait plus dbat. La doctrine internationaliste, aussi bien que les Etats
et la jurisprudence, sont unanimes ce sujet. Ce principe a t raffirm au sujet de la
jurisprudence du Tribunal irano-amricain des rclamations.84
Le rang hirarchique de lorgane dont laction serait contraire au droit international na
galement aucune influence sur limputation. LEtat est responsable des actes de lensemble
de ses organes agissant dans leur fonction officielle, indpendamment de leur place dans
lappareil dEtat. La doctrine ancienne affirmait lirresponsabilit de lEtat pour les actes des
organes placs au plus bas niveau de la hirarchie tatique.85
Lindiffrence du rang hirarchique de lorgane dans lorganisation tatique a t
rappele de faon constante et rgulire tant lors des tentatives de codification du droit de la
responsabilit tatique que par la jurisprudence internationale. Ainsi, la Confrence de
codification de 1930 ne prend pas en compte de diffrence de traitement fonde sur le rang
81 Commission de conciliation franco-italienne, Diffrend concernant linterprtation de larticle 79 du Trait
de Paix, RSA XIII, p. 438
82 v. Rapport Ago, ACDI 1971II 1re partie, p. 262
83 CPJI, Affaire relative certains intrts allemands en Haute-Silsie polonaise (fond), 25 mai 1926
84 David D. CARON, The Basis of Responsibility: Attribution and other Trans-substantive Rules, in Richard
B. LILLICH, Daniel B. MARGRAW (eds.), The Iran-United States claims tribunal: its contribution to the law
of State responsibility, Transnational Publishers, 1998, p. 130: acts of the various branches of the government
as well as governmental ministries and agencies which carry out governmental functions are presumptively
attributable to the State. No distinction is made between legislative, executive, or judicial organs, or between
superior or subordinate ones.
85 Au sujet de cette thse, depuis longtemps abandonne, v. ACDI 1973 vol. II, pp. 199-200
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hirarchique de lorgane auteur du comportement illicite. Cette solution a t retenue par la
Commission du droit international.
La rgle de la responsabilit de lEtat pour les actes de ses agents agissant en tant que
tels, quel que soit leur rang, a t notamment affirme par la jurisprudence arbitrale. Ainsi, la
Commission mixte des rclamations Pays-Bas-Venezuela a dfendu cette position dans une
dcision rendue en 1903.86
Cette absence de distinction est fonde, outre la logique du droit
international, sur la ncessit de clart et de scurit des rapports internationaux. Le
rapporteur spcial James Crawford prend galement soin de prciser que lexpression un
organe de lEtat utilis larticle 4 doit sentendre dans son acception la plus large, sans
distinction de rang hirarchique. Elle ne se limite pas aux organes du gouvernement central,
aux hauts responsables ou aux personnes charges des relations extrieures de lEtat, mais
stend lensemble des personnes qui ont ce statut.87
La Cour europenne des droits de lhomme a galement eu loccasion de rappeler que
les autorits suprieures dun Etat (...) assument au regard de la Convention la responsabilit
objective de la conduite de leurs subordonns; elles ont le devoir de leur imposer leur volont
et ne sauraient se retrancher derrire leur impuissance la faire respecter. 88
Les Etats
peuvent sorganiser comme ils lentendent, mais ont lobligation corrlative de respecter et de
faire respecter le droit international par leurs agents. Ils sont responsables de leurs actes
accomplis en cette qualit, mme allant au-del des instructions ou au mpris des rgles de
comptence.89
B) la forme dorganisation territoriale de lEtat.
86 Commission mixte de rclamations Pays-Bas/Venezuela, Arnold Jacob Maal, 1903. in: Vincent
COUSSIRAT-COUSTERE, Pierre Michel EISEMANN, Rpertoire de la jurisprudence arbitrale internationale,
Martinus Nijhoff Publishers, 1989, vol. 1, p. 301, n1304.
87 James CRAWFORD, op. cit., pp. 113 et 115, not. 7
88 CourEDH, Irlande c. Royaume-Uni, arrt du18 janvier 1978, 159
89 Pour la question de la responsabilit pour les actes ultra vires, cf. infra s.2
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Ladoption par lEtat dune organisation centralise, dcentralise, ou fdrale, ainsi
que lexistence de personnes publiques distinctes de lEtat (tablissements publics et autres
institutions publiques dotes dune personnalit propre et dune autonomie de gestion et de
direction propre, charges de lexcution dun service public ou de fonctions tatiques
dtermines), qui ne sont, daprs lordre juridique interne, pas proprement parler des
organes de lEtat, na pas dinfluence sur limputabilit des actes de ces organes. Les actes de
ces collectivits et institutions ont dabord t prises en compte par un article distinct (article
5, ex. article 7, au mme titre que les entits habilites exercer des prrogatives de puissance
publique).90
LEtat fdral est responsable des violations de ses obligations internationales par les
organes des Etats fdrs, mme sil na pas la possibilit de les contraindre leur respect. Le
droit international retient ici un critre formaliste, qui ne tient pas compte des rapports
juridiques et factuels concrets susceptibles dapparatre, mais qui est justifi par
lapprhension de lEtat comme dune entit unique. Les Etats lss doivent avoir la
possibilit de se tourner vers lEtat fdral pour obtenir rparation du prjudice subi; ce
dernier ne saurait invoquer son organisation interne pour chapper ses obligations. Cette
conception impose lEtat de sorganiser de faon pouvoir assurer le respect de ses
obligations internationales. A ce sujet, le rapporteur spcial James Crawford prcise que peu
importe, en loccurrence, que lunit territoriale en cause fasse partie dun Etat fdral ou soit
une rgion autonome spcifique, et peu importe galement que le droit interne de lEtat en
question habilite ou non le parlement fdral contraindre lunit territoriale respecter les
obligations internationales de lEtat. 91
Ce principe a t affirm de faon constante dans la jurisprudence et la pratique
internationales. Le tribunal arbitral Etats-Unis/Colombie a jug que la rgle selon laquelle
lEtat doit rpondre du comportement illicite commis par un Etat fdr ne faisait pas lobjet
de contestation. Ce principe a t dduit de limpossibilit pour un Etat tiers dengager
90 v. ACDI 74, II, 1re partie, p. 288
91 James CRAWFORD, op. cit., p. 116
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directement la responsabilit de lEtat fdr, celui-ci ne disposant pas de la personnalit
juridique internationale.92
Dans une affaire concernant le Venezuela, des opinions divergentes sont apparues au
sein de la Commission mixte. Le membre vnzulien de la Commission prtendait que les
actes de lEtat fdr dApure ntaient pas imputables au Venezuela, du fait de la large
autonomie dont jouissaient les Etats membres de lUnion du Venezuela sous lempire de la
Constitution de 1864. Cette opinion est cependant conteste, le membre tatsunien de la
Commission faisant observer que lEtat dApure nest pas un Etat souverain, quil na pas la
capacit dentretenir des relations internationales.93
La dcision Davy, rendue en 1903 par la Commission mixte des rclamations
Royaume-Uni/Venezuela94
, va dans le mme sens. La Commission souligne que le Royaume-
Uni ne peut avoir des relations directes avec un Etat fdr du Venezuela, du fait de
lobligation de respecter lintgrit territoriale et la souverainet de cet Etat. Lobligation de
lEtat de faire respecter ses obligations internationales par des collectivits territoriales est le
pendant de son droit au respect de sa souverainet et de son intgrit. Une mise en cause
directe de la responsabilit dune entit fdre sur le plan international constituerait une
ingrence dans les affaires internes et une violation de la souverainet de lEtat. LEtat fdral
est responsable du fait de ses agents, que ceux-ci aient agi par le biais de lEtat fdral ou de
ses subdivisions; la Commission ajoute que le creator of these methods and means of
internal administration, viz, the nation, must always be responsible to the other government
for the creature of its creation.
Le principe de la responsabilit de lEtat raison du comportement dun Etat fdr a
galement t appliqu par la Commission des rclamations Etats-Unis/Mexique. Dans une
affaire concernant le manquement par les autorits du Texas poursuivre une personne
accuse du meurtre dun ressortissant mexicain, la Commission na pas eu de difficult
92 Tribunal arbitral Etats-Unis/ Colombie, sentence Montijo, 26 juillet 1875, Vincent COUSSIRAT-
COUSTERE, Pierre-Michel EISEMANN, op. cit., t.1, vol.1, n1116
93 Commission mixte, De Brissot, Etats-Unis dAmrique c. Venezuela, ibid., n1117
94 Commission mixte des rclamations Royaume-Uni/Venezuela, ibid. n1118
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conclure la responsabilit des Etats-Unis. Lexistence et la porte de cette rgle nont pas
fait lobjet de dbats.95
Ce principe a t affirm avec plus de dtail par la Commission des rclamations
France-Mexique, qui a soulign que la responsabilit internationale dun Etat fdral pour
tous les actes des Etats fdrs qui donnent lieu des rclamations dEtats trangers ne saurait
tre nie, pas mme dans les cas o la Constitution fdrale dnierait au Gouvernement
central le droit de contrle sur les Etats particuliers, ou le droit dexiger deux quils
conforment leur conduite aux prescriptions du droit international. 96
Si la conclusion adopte
par la Commission est dans la droite ligne de la jurisprudence et de la pratique internationales,
lexpression est inexacte; il ne sagit pas ici de responsabilit du fait dautrui, ce que laissent
sous-entendre le terme de responsabilit indirecte utilis par la Commission, mais du fait
dentits considres comme les propres organes de lEtat. Lorganisation de type fdral est
considre comme une forme dorganisation interne, dont le droit international na pas tenir
compte. Aux yeux du droit international, lEtat garde sa structure unitaire.
La sentence du 15 septembre 1951, Hritiers de S.A.R. Mgr le duc de Guise, de la
Commission de conciliation franco-italienne concerne une mesure de rquisition prise par le
prsident de la rgion sicilienne le 29 aot 1947. La Commission indique qu il importe peu
(...) que le dcret du 29 aot 1947 mane non pas de lEtat italien mais de la rgion sicilienne.
LEtat italien est responsable, en effet, de lexcution du Trait de Paix mme pour la Sicile,
nonobstant lautonomie accorde celle-ci dans les rapports internes, par le droit public de la
Rpublique italienne. 97
Dans laffaire LaGrand, la Cour internationale de Justice fait une application claire de
ce principe en indiquant que la responsabilit internationale dun Etat est engage par
laction des organe