L'Hydrogène en soutien aux réseaux éléctriques

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15 Eté 2015 Numéro 25 La lettre de l'Itésé Dossier L'Hydrogène en soutien aux réseaux éléctriques par MarieMarguerite QUEMERE, Sihem BENNOUA, Séverine DAUTREMONT, Alain LE DUIGOU, EDF, CEAItésé Pour l’énergie de demain, l’hydrogène est un vecteur énergétique qui ouvre la voie à de nouvelles façons de stocker, de transporter et d’utiliser l’énergie. Plus généralement, l’hydrogène est particulièrement intéressant pour l’intégration énergétique (l’hydrogène produit par électrolyse) car il permet de stocker l’énergie électrique, qui peut être ensuite restituée sous forme d’électricité. La production d’hydrogène par électrolyse est en effet une méthode de production flexible, qui peut offrir la possibilité d’ajuster le système électrique, mais également fournir un carburant à faible émission de gaz à effet de serre à d’autres fins, comme le transport par exemple. D ans cette étude, nous analyserons la possibilité de résoudre des problèmes du système électrique grâce à l’hydrogène, et à quels coûts. Nos recherches ont porté sur deux caractéristiques du contexte électrique français : le suivi de charge des centrales nucléaires et le mécanisme d’ajustement (BM pour Balancing Mechanism), étudiés à l’aide du logiciel de simulation HOMER (Hybrid Optimization of Multiple Energy Ressources), développé par le Laboratoire national des énergies renouvelables (NREL pour National Renewable Energy Laboratory) aux ÉtatsUnis. Premièrement, le fonctionnement au pas horaire des centrales nucléaires peut influencer certains paramètres, comme le vieillissement des composants opérationnels, la sécurité nucléaire ou les frais de maintenance. Il est ainsi moins coûteux et moins compliqué de faire fonctionner des centrales nucléaires à puissance constante en matière d’équipement et de combustibles. De plus, la durée de vie d’une centrale nucléaire est un paramètre très important, qu’il ne faut pas négliger. En effet, plus sa durée d'exploitation est longue, moins l’énergie produite sera coûteuse, car le démantèlement des centrales et le traitement des déchets radioactifs entraînent des frais supplémentaires. Nous avons donc étudié la production d’hydrogène par électrolyse en compensation du suivi de charge selon différentes configurations. Deuxièmement, le mécanisme d’ajustement, qui contribue à la satisfaction de l’équilibre entre l’offre et la demande dans le système électrique français, peut se comporter comme une source de production énergétique intermittente. Nous étudierons la pertinence (en matière de quantité et de coûts) de produire de l’hydrogène, vecteur énergétique capable de stocker l’électricité dans les systèmes électriques afin d’équilibrer l’offre et la demande, en lieu et place du mécanisme d’ajustement. Analyse de la littérature Différentes stratégies ont été proposées dans les articles qui montrent que le prix de l’électricité et les procédés d’électrolyse contribuent de manière essentielle à la compétitivité du procédé de production d’hydrogène. La plupart de ces stratégies visent à réduire le coût de production de l’hydrogène par électrolyse, comme par exemple l’utilisation d’électricité lorsque la demande est faible, ou du «surplus d’électricité» lorsque la demande est inférieure au flux disponible, ou encore, lorsque l’on peut facilement accéder à l’électricité. Ces idées ont déjà été explorées par plusieurs études. De plus, les auteurs essayent généralement de résoudre les problèmes des systèmes électriques en concevant un moyen d’utiliser les systèmes hydrogène pour contrôler les opérations de suivi de charge. Chaque étude se caractérise cependant par différents objectifs et différentes configurations. Mansilla C. et al. [1] ont montré qu’il est possible de réduire le coût de production de l’hydrogène en utilisant des électrolyseurs alcalins de manière discontinue, de façon à bénéficier des faibles coûts de l’électricité. Dans une étude qui propose des avancées dans la modélisation du fonctionnement en discontinu, Mansilla C. et al. ont en effet constaté qu’un coût de production optimal n’engendre qu’un bénéfice de 4 %, par rapport au cas d’une centrale fonctionnant sans intermittences. Botterud A. et al. [2] ont évalué la rentabilité de différentes méthodes de production d'hydrogène à partir de centrales nucléaires, en prenant en compte les incertitudes concernant le prix de l’hydrogène et de l’électricité. Les auteurs ont utilisé la méthode de simulation Monte Carlo pour décrire ces incertitudes, ainsi que la méthode des options réelles pour évaluer le bénéfice d’un investissement dans des centrales nucléaires qui produisent de l'hydrogène, mais qui sont également capables de produire de l’électricité selon les

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15Eté 2015 ­ Numéro 25­ La lettre de l'I­tésé

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L'Hydrogène en soutien aux réseaux éléctriquespar Marie­Marguerite QUEMERE, Sihem BENNOUA,Séverine DAUTREMONT, Alain LE DUIGOU,EDF, CEA­I­tésé

Pour l’énergie de demain, l’hydrogène est un vecteur énergétique qui ouvre la voie à denouvelles façons de stocker, de transporter et d’utiliser l’énergie. Plus généralement,l’hydrogène est particulièrement intéressant pour l’intégration énergétique (l’hydrogèneproduit par électrolyse) car il permet de stocker l’énergie électrique, qui peut être ensuiterestituée sous forme d’électricité. La production d’hydrogène par électrolyse est en effetune méthode de production flexible, qui peut offrir la possibilité d’ajuster le systèmeélectrique, mais également fournir un carburant à faible émission de gaz à effet de serre àd’autres fins, comme le transport par exemple.

Dans cette étude, nous analyserons la possibilité derésoudre des problèmes du système électrique grâceà l’hydrogène, et à quels coûts. Nos recherches ont portésur deux caractéristiques du contexte électrique français :le suivi de charge des centrales nucléaires et le mécanismed’ajustement (BM pour Balancing Mechanism), étudiés àl’aide du logiciel de simulation HOMER (HybridOptimization of Multiple Energy Ressources), développépar le Laboratoire national des énergies renouvelables(NREL pour National Renewable Energy Laboratory) auxÉtats­Unis.Premièrement, le fonctionnement au pas horaire descentrales nucléaires peut influencer certains paramètres,comme le vieillissement des composants opérationnels, lasécurité nucléaire ou les frais de maintenance. Il est ainsimoins coûteux et moins compliqué de faire fonctionnerdes centrales nucléaires à puissance constante en matièred’équipement et de combustibles.De plus, la durée de vie d’une centrale nucléaire est unparamètre très important, qu’il ne faut pas négliger. Eneffet, plus sa durée d'exploitation est longue, moinsl’énergie produite sera coûteuse, car le démantèlementdes centrales et le traitement des déchets radioactifsentraînent des frais supplémentaires. Nous avons doncétudié la production d’hydrogène par électrolyse encompensation du suivi de charge selon différentesconfigurations.Deuxièmement, le mécanisme d’ajustement, qui contribueà la satisfaction de l’équilibre entre l’offre et la demandedans le système électrique français, peut se comportercomme une source de production énergétiqueintermittente. Nous étudierons la pertinence (en matièrede quantité et de coûts) de produire de l’hydrogène,vecteur énergétique capable de stocker l’électricité dansles systèmes électriques afin d’équilibrer l’offre et lademande, en lieu et place du mécanisme d’ajustement.

Analyse de la littératureDifférentes stratégies ont été proposées dans les articlesqui montrent que le prix de l’électricité et les procédésd’électrolyse contribuent de manière essentielle à lacompétitivité du procédé de production d’hydrogène. Laplupart de ces stratégies visent à réduire le coût deproduction de l’hydrogène par électrolyse, comme parexemple l’utilisation d’électricité lorsque la demande estfaible, ou du «surplus d’électricité» lorsque la demandeest inférieure au flux disponible, ou encore, lorsque l’onpeut facilement accéder à l’électricité. Ces idées ont déjàété explorées par plusieurs études. De plus, les auteursessayent généralement de résoudre les problèmes dessystèmes électriques en concevant un moyen d’utiliser lessystèmes hydrogène pour contrôler les opérations desuivi de charge. Chaque étude se caractérise cependantpar différents objectifs et différentes configurations.Mansilla C. et al. [1] ont montré qu’il est possible deréduire le coût de production de l’hydrogène en utilisantdes électrolyseurs alcalins de manière discontinue, defaçon à bénéficier des faibles coûts de l’électricité. Dansune étude qui propose des avancées dans la modélisationdu fonctionnement en discontinu, Mansilla C. et al. ont eneffet constaté qu’un coût de production optimaln’engendre qu’un bénéfice de 4 %, par rapport au casd’une centrale fonctionnant sans intermittences.Botterud A. et al. [2] ont évalué la rentabilité dedifférentes méthodes de production d'hydrogène à partirde centrales nucléaires, en prenant en compte lesincertitudes concernant le prix de l’hydrogène et del’électricité. Les auteurs ont utilisé la méthode desimulation Monte Carlo pour décrire ces incertitudes,ainsi que la méthode des options réelles pour évaluer lebénéfice d’un investissement dans des centralesnucléaires qui produisent de l'hydrogène, mais qui sontégalement capables de produire de l’électricité selon les

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besoins : dans le cas d’une flexibilité de production, lebénéfice estimé augmente tandis que le risque financierglobal diminue. Le stockage de l’hydrogène devraitencore améliorer la rentabilité de ce système.Taljan G. et al. [3] ont quant à eux étudié la faisabilité dustockage d’hydrogène dans le cas d’une centralecombinant énergie éolienne et énergie nucléaire, avec lapossibilité de vendre directement l’hydrogène et l’optiqued’une utilisation de la chaleur et de l’oxygène résiduels :leur modèle s’avère être faisable d’un point de vueéconomique en raison du pourcentage élevé de retourssur investissements ; de plus, grâce à la vented’hydrogène et de chaleur, la rentabilité du système s’entrouve accrue. Dans ce cas de figure, le système àhydrogène est principalement mis à profit pour laproduction d’hydrogène, qui, au lieu d’être stocké, serviraaux secteurs du transport et de l’industrie. Taljan G. et al.ont également montré que les coûts de production lorsdes périodes de faible demande d’électricité, s’ils sontassez faibles, représentent un avantage pour les pays dontles marchés subissent d’importantes variations de prix.Jørgensen C. et al. [4] ainsi que Bernal­Agustin J.L et al. [5]se sont longuement penchés sur la productiond’hydrogène par énergie solaire ou éolienne, et toutparticulièrement sur le rôle de l’hydrogène dans larésolution des problèmes liés aux ressources d’énergieintermittentes. Afin d’examiner les possibilités pourréduire les coûts de production de l’hydrogène, P­H Flochet al. [6] ont étudié la production d’hydrogène parélectrolyse alcaline, lors des périodes de faibleconsommation : les auteurs en ont conclu que lavariabilité des prix de l’hydrogène permet de réduire lescoûts de production du point de vue du marché, mêmes’il est difficile de prévoir à l’avance ces variations ; cetteimprévisibilité complique par ailleurs la prévisibilité dufonctionnement des composants de l’électrolyseur.Concernant les coûts, les cas étudiés ne semblent pas êtrerentables du point de vue i) de la production électrique enFrance, ii) de la disponibilité des centrales, et iii) del’évaluation de l’énergie disponible pour la productiond’hydrogène à grande échelle. Cependant, il est possiblede prolonger la durée d'exploitation des centrales grâce àun fonctionnement «en base» (P­H Floch et al. [6]), ce quireprésente un avantage supplémentaire de ce mode defonctionnement. Toujours concernant les coûts,l’optimisation des électrolyseurs ainsi que l’évaluation descoûts ont permis d’atteindre un coût optimum. Dans lecontexte électrique danois, Jørgensen C. et al. [4] ontconfirmé que, même si les prix de l’énergie varientconsidérablement, la réduction du coût de production del’hydrogène ne peut dépasser 10 % dans le cas d’uneélectrolyse discontinue. Pour mieux appréhender lecontexte européen, une étude a été menée sur lepositionnement du marché et sur les différents mixénergétiques. Grâce à une étude d’opportunité portantsur les prix du marché, Mansilla C. et al. [7] ont examinél’effet général des variations de composition des mix

énergétiques sur la compétitivité de la production flexibled’hydrogène. Il en ressort que les trois pays associés auxmarchés comprenant les mix énergétiques les plus variéssont l’Allemagne, l’Espagne et la France : le marchéfrançais, grâce à son mode de production flexible, offre leplus de potentiel en matière de rentabilité, et ce duranttoutes les années concernées par l’étude ; cependant, leséconomies réalisées sur le coût de production del’hydrogène par optimisation sont négligeables (del’ordre de 3 %). Actuellement, la variation des prix del’énergie ne suffit pas à justifier les opérations deproduction flexible. Enfin, il y a deux raisons à la faibleampleur de ces économies : d’abord, le mécanismed’ajustement ne constitue pas un marché en soi ; de plus,les marchés européens de l’électricité sont de plus en plusinterconnectés.Selon l’approche du contexte électrique français proposéepar Mansilla C. et al. [8], la production d’hydrogènepermet de contrôler le système électrique tout enréduisant les coûts de production. Tout d’abord, il estpossible d’éviter des prix d’électricité trop élevés pourproduire de l’hydrogène à bas prix en réduisant laproduction lorsque la demande d’électricité estimportante. Ensuite, l’intégration énergétique dumécanisme d’ajustement rend le système moinsvulnérable aux situations imprévues. Ces stratégiespermettent également de réduire le coût de production del’hydrogène d’environ 10 % par rapport aufonctionnement en continu, ainsi que de réduire laquantité de carbone émise par la consommationd’électricité (cette réduction s’élève à environ 15 % parrapport aux données utilisées). Par exemple, le projetVItESSE² (Valorisation Industrielle et Energétique du CO2par utilisation Efficace d’Électricité décarbonée ­Stabilisation du Système Électrique et Stockaged’Électricité) propose une approche axée sur le marché :grâce à l’hydrogène, VItESSE² prévoit de produire duméthanol par réduction du dioxyde de carbone, ce quipermet une réduction des émissions de carbone.Gutiérrez­Martin F. et al. [9] ont étudié les stratégies decontrôle du surplus d’électricité à l’aide d’hydrogèneproduit par électrolyse : le but de cette stratégie estd’optimiser la taille et l’efficacité des équipements pourconvertir l’énergie lorsque la demande d’électricité estsupérieure à l’offre. Les auteurs de cette étude onttravaillé avec un surplus d’électricité estimé à 22 TWh, cequi permettrait de produire 1314 t d’hydrogène par jour.Les résultats montrent que, avec une puissance totale de5800 MW et un électrolyseur utilisé à 42,8 %, le coût deproduction s’élève à environ 1 $/kg : à ce coûtcorrespond une réduction des émissions de CO2 de6720 t/an suivant le scénario selon lequel toutl’hydrogène produit servirait à faire fonctionner 3millions de véhicules à pile à combustible. Gutiérrez­Martin F. et al.[10] ont ensuite analysé différents scénariiselon le système énergétique espagnol et selon desfacteurs tels que la demande d’électricité, le mixénergétique et le schéma de production de l’énergie. Leur

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étude portait sur la conversion du surplus d’énergie enhydrogène lors des périodes de production élevée, et surl’éventuelle restitution de cette énergie en électricité dansle réseau électrique ou son utilisation à d’autres fins. Lescénario correspondant à cette conversion d’énergie s’estrévélé encourageant dans le cadre de la transitionénergétique, puisqu’il a permis 42 % de contributionénergétique issue de sources à faible émission. D'un pointde vue économique, le projet s’est révélé être rentable aubout de la troisième année ; d'un point de vueenvironnemental, les émissions de dioxyde de carbonesont passées de 236 g/kWh à 210 g/kWh. Une autreétude, menée par Barton J. et Gammon R [11], porte surl’analyse de la production d’hydrogène combustible àpartir de sources renouvelables et sur son rôle dans lefonctionnement du réseau électrique. Les scénarii deproduction d’hydrogène par électrolyse à l’aide desurplus d’électricité à faible émission de dioxyde decarbone sont favorables dans deux cas : si l’on veutfournir des carburants « propres » (principalement dans lemarché du transport) ou si l’on veut parvenir à uneMaîtrise de la Demande d’Énergie (DSM pour Demand­Side Management), qui est particulièrement utile pourajuster le réseau électrique. Ces deux applications de laproduction d’hydrogène pourraient également permettredes économies conséquentes en matière d’énergieprimaire nécessaire, sous forme d’import en charbon. Parailleurs, une émission nulle voire négative pourrait êtreatteinte si l’hydrogène est converti en méthanesynthétique ou bien en hydrocarbure, puisque le carbonenécessaire provient de l’air. Dans leur étude, Sanchez C. etGonzalez D. [12] ont amélioré la stabilité du réseau grâceà la production d’hydrogène : un parc éolien, une centralede biomasse, une centrale photovoltaïque, un parc debatteries, un système de production d’hydrogène dotéd’un stockage à haute pression, et une pile à combustiblealimentent le système pour produire de l’énergie à partirdu stock d’hydrogène (projet HiDRENER). Dans cecontexte, la production et le stockage d’hydrogènepeuvent s’avérer utiles, même s’il est très difficile decontrôler le système de production dans sa totalité.Objectif de l’étude et modèle utiliséCette étude s’articule autour d’une méthode demodélisation au pas horaire, qui représente le schémaactuel de production de l’électricité. Ce moded’alimentation permet des résultats plus précis que laplupart des études, dans lesquelles seule une approchegénérale a été retenue, notamment en termes dedimensionnement d'un stockage.Nous avons analysé les effets d’une combinaison dusystème hydrogène et du système électrique suivant deuxscénarii :­ Dans le premier scénario, nous avons examiné laproduction d’hydrogène par un réacteur nucléaire ou parun ensemble de réacteurs grâce à l’énergie résiduelleaprès les opérations de suivi de charge, qui peuvent

permettre de réduire les frais de maintenance descentrales et de prolonger leur durée de vie.­ Dans le second scénario, nous avons observé le systèmeélectrique dans sa totalité et nous avons étudié lapertinence de la production d’hydrogène par rapport à lamise en place du mécanisme d’ajustement.Le système énergétique comprend les centrales et leréseau électrique ; à cela s’ajoutent les électrolyseurs et lescompresseurs, qui convertissent l’électricité enhydrogène. Le système comprend également un réservoirde stockage d’hydrogène dont la capacité est adaptée à lademande.Le but de cette étude est de déterminer les coûts deproduction d’hydrogène selon ces différentesconfigurations.L’outil de modélisation HOMERCette étude consiste à utiliser un modèle d’optimisation àl’aide du logiciel de simulation HOMER, développé parle Laboratoire National pour les Énergies Renouvelables(NREL pour National Renewable Energy Laboratory) auxÉtats­Unis, aujourd’hui développé par la compagnieHOMER Energy LLC (http://www.homerenergy.com/).HOMER est un modèle d’optimisation économique quiminimise les coûts de production d’un parc énergétiqueafin de satisfaire la demande d’énergie finale. Cet outilpermet de classer les résultats selon le coût actualisé net(NPC pour Net Present Cost) pour la durée du projet.L’outil de modélisation HOMER permet aussi de calculeret de comparer les coûts de production de l’hydrogènepour différents systèmes.

Où COH = Coût de l’hydrogène (Cost of Hydrogen) etNPC = Coût actualisé net (Net Present Cost).HOMER est un logiciel de simulation qui a déjà été utilisédans plusieurs analyses économiques [13, 14, 15]. Leprincipal avantage de cet outil est l’importante précisionde la saisie des données (la production d’électricité estmodulée au pas horaire pendant toute une année) ainsique de la production des données (la production et laconsommation d’hydrogène, ainsi que tous les autresrésultats, sont également donnés au pas horaire pendanttoute l’année).Données économiques et hypothèses du projetLes données utilisées pour les composants pris en comptedans l’étude des systèmes d’énergie proviennent dedifférentes sources bibliographiques (voir bibliographie).Nous avons travaillé avec un taux d’actualisation de 6 %et une durée de vie du projet de 20 ans.

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DossierNotre étude s’organise autour du procédé d’électrolysealcaline (AE pour Alcaline Electrolysis). Le CAPEXreprésente l’investissement initial et les coûts intègrent leconvertisseur AC/DC intégré (données du CEA). LeTableau 1 présente les coûts de ce système.

Tableau 1 : Données de l'électrolyseur [16]L’hydrogène à 30 bars en sortie de l'électrolyseur estcompressé à 200 bars par le compresseur. Comme lelogiciel HOMER n’est pas pourvu d’un composantcapable de compresser l’hydrogène, nous avons dûincorporer les caractéristiques d’un compresseur dansl’électrolyseur : nous avons d’abord déterminé les coûtsrelatifs au compresseur en évaluant le coût del’investissement, du fonctionnement et des frais demaintenance à partir de la puissance du compresseur.Pour effectuer cette évaluation, nous avons utilisé lesdonnées du projet HyFrance3 [16] afin de reconstituer lesgraphiques illustrant l’investissement (CAPEX) et lefonctionnement (OPEX) en tant que fonctions de lapuissance de compression et du flux d’hydrogène à lasortie de l’électrolyseur (voir Figure 1).

Figure 1 : Investissement dans le compresseur (CAPEX), lefonctionnement et la maintenance (OPEX) selon le débitd’hydrogène [16]Les coûts d’investissement (CAPEX) ainsi que les frais defonctionnement et de maintenance (OPEX) ont étécalculés à partir des équations des tendances précédentes.Pour les flux d’hydrogène supérieurs à 2 500 kg/h(environ 28 000 m³/h), nous sommes restés prudents dansnos évaluations : nous estimons en effet que les coûtsd’investissement et les frais de maintenance sontconstants (212 €/kW pour l’investissement initial et leremplacement des composants, contre 5 €/kW/an pourl’OPEX). Cette évaluation est plutôt prudente comparéeaux données du récent projet européen HyUnder, qui aétudié les mêmes composants.Nous avons ensuite déterminé la consommation enélectricité du compresseur pour pouvoir définir lerendement de l’ensemble [Électrolyseur + Compresseur],ce qui équivaut au rendement dit «apparent» del’électrolyseur. Pour pouvoir prendre en compte la

consommation électrique de l’électrolyseur, nous avonsdéterminé le rendement «apparent» du nouvelélectrolyseur en utilisant la HHV (High Heating Value)de l’hydrogène, c’est­à­dire que l’on considère le systèmecapable de récupérer la chaleur issue de la condensationde la vapeur d’eau : Tableau 2.

Tableau 2 : Énergie nécessaire à l’électrolyseur et rendementapparent de l’ensemble [électrolyseur + compresseur] pourl’électrolyse alcalineDans le cadre de cette étude, les quantités d’hydrogèneque les sources d’énergie peuvent produire sont tellementimportantes qu’un système de stockage sous­terrain«massif» est tout à fait envisageable. Un tel systèmeoffrirait même des avantages d’un point de vueéconomique et stratégique. On parle de stockage «massif»lorsque les volumes en question dépassent les 100 000 m³(ce qui correspond à environ 1 000 t d’hydrogènecompressé à 100 bars). On utilise également des systèmesde stockage de taille moyenne pour des volumes del’ordre de dizaines de milliers de mètres cubes. Commel’hydrogène n’est que rarement présent sous sa formenaturelle dans les réserves sous­terraines, il est facile de lestocker sur un site de grande taille [16]. L’analyse menéepar le projet HyFrance3 [16] a conduit à envisager descavités salines de grande taille, qui s’avèrent être de loinles plus appropriées pour le stockage de l’hydrogène : eneffet, ce type de stockage est à la fois sûr car les fuitesd'hydrogène sont quasi­nulles, mais les méthodesd’injection et d’extraction du gaz sont aussi adaptées autype de stockage. Le projet européen HyUnder aégalement privilégié les cavités salines.Les données utilisées dans cette étude sont fournies parEIFER (Institut Européen pour la Recherche Energétique,EdF ; données de 2010) (voir Tableau 3 [18]).

Tableau 3 : Données pour le stockage en cavités salines(les unités sont tirées de la source [18])La pression dans les cavités salines va généralement de 70à 200 bars [16]. La faible pression permet de maintenirl’intégrité mécanique des cavités, c’est­à­dire d’éviterqu’elles ne «flambent» sous l’effet de la pressionmécanique lorsque le remplissage est en valeur basse.C’est pourquoi les cavités sont pré­remplies avec la bonnequantité d’hydrogène qui permet d’assurer cette pression

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de 70 bars, qui sert de gaz tampon. Tout comme pour lestockage à l’aide de «tube trailers», dont lescaractéristiques sont fournies dans le Tableau 4, la valeurmaximale est de 200 bars, ce qui est proche de la valeurmaximale autorisée par les cavités salines.

Tableau 4 : Données pour le stockage en tube trailers(projet HyFrance3 [16])Nous avons également envisagé les technologies de tubetrailers déjà existantes, commercialisées dans le domaineindustriel par le groupe industriel français Air Liquidesous forme de cylindres permettant de stockerl’hydrogène à une pression de 200 bars. Chaque cylindrea une capacité de 23 m³ de volume, soit 4 000 Nm³ dedihydrogène (environ 350 kg d’hydrogène).Interprétation de l’étude et des résultatsTous les calculs de l’étude reposent sur l’équilibre entrel’offre et la demande. Stricto sensu, il n’existe pas de«marché» pour l’hydrogène ainsi produit, mais nousavons implicitement estimé qu’un tel marché existait toutde même. Nous avons donc supposé que l’hydrogèneproduit est consommé ; la production devient ainsiautomatiquement une «demande». La structure de cette«demande» peut être «libre» (aussi dite «au fil de l’eau»)ou «imposée» (constante en l’occurrence) : dans le derniercas, la demande est différente de l’offre.Dans notre situation où la puissance électrique variesignificativement, il n’est pertinent de calculer le coût deproduction de l’hydrogène que lorsque celui­ci estcomparé au coût estimé lors d’un fonctionnement enrégime continu. C’est pourquoi nous avons effectué descalculs «de référence» : au regard des données techniquesdécrites dans la partie «Données économiques ethypothèses du projet», nous avons déterminé que lecourant électrique servant à alimenter la productiond’hydrogène (sans système de stockage) était continu. Lecoût de production de l’hydrogène ainsi obtenu est de 3,5€/kg, réparti en 0,9 €/kg pour l’investissement et lefonctionnement de l’électrolyseur et en 2,6 €/kg pour lecoût de l’alimentation en électricité (étant donné quel’électricité coûte 50 €/MWh). Les résultats qui suiventdoivent donc toujours être interprétés par rapport auxvaleurs ci­dessus, sauf mention contraire.Dans l’étude des deux systèmes, nous avons estimé : soitque la production d’hydrogène se fait à partir de l’énergierestante (après le suivi de charge d’un réacteur nucléaire),soit que cette production d’hydrogène se fait par lemécanisme d’ajustement. On a alors :­ Le procédé d’électrolyse avec fonctionnement «en base»du réacteur, c’est­à­dire le déroulement normal duprocédé à puissance constante nominale, qui devraitréduire les frais de maintenance des centrales et ainsi

prolonger leur durée d'exploitation ; cependant, ce facteurn’est pas pris en compte (il s’agit d’une hypothèsedimensionnante).­ Le prix de l’électricité estimé comme étant nul (saufmention contraire) puisqu’il s’agit d’une centrale sansprix sur le marché ; cependant, si le prix de l’électricitédoit être pris en compte, on a alors :* Une augmentation de l’utilisation de combustible (àcause de l’augmentation d’énergie primaireconsommée) envisageable pour le cas d’un procédéd’électrolyse dans une centrale ou dans chacun desréacteurs. Cette évaluation permet d’estimer dansquelle mesure l’augmentation de consommation decombustible est attribuable à la productiond’hydrogène. Le prix de l’électricité de 50 €/MWhpeut être globalement réparti en 34,5€MWh pour leCAPEX, 12 €/MWh pour l’OPEX (soit 35 % duCAPEX) et 3,5 €/MWh pour le combustible (soit 10 %du CAPEX, uranium enrichi) [18]. Dans l’hypothèsed’une offre nucléaire pour l’électrolyse ne dépassantpas 5 % de la production énergétique totale (voirdébut de la partie suivante, intitulée «La productiond’hydrogène en compensation du suivi de charge descentrales nucléaires»), alors les dépenses OPEX et lesdépenses en combustible augmentent de 5 %. Selonles résultats, le «prix de l’électricité probablementimputable» à la production d’hydrogène s’élève àenviron 0,6 €/kg.* Une possibilité de prendre en compte le prix de laconsommation d’électricité, dans le cas où laproduction d’hydrogène compenserait le mécanismed’ajustement. Pour ce faire, il faudra utiliser le coûtmoyen de l’électricité fournie (2,6 €/kg), obtenu grâceau calcul de référence.

La production d’hydrogène en compensation dusuivi de charge des centrales nucléairesCe chapitre analyse les effets d’une combinaison deproduction d’électricité et d’hydrogène en compensationdu suivi de charge dans un seul réacteur ou dans unemême centrale. Nous avons choisi de nous focaliser sur lacentrale du Bugey, qui comprend 4 réacteurs à eaupressurisés (REP). Démarrée en 1979, cette centrale estl’une des plus anciennes centrales nucléaires. À l’aide desdonnées fournies par RTE (Réseau et Transportd’Électricité), nous avons calculé la différence entre laproduction énergétique maximale possible et laproduction enregistrée en temps réel, et ce pour chaqueréacteur et ensuite pour toute la centrale du Bugey, en2012. Cette différence de production énergétiqueéquivaut à l’offre nucléaire, évaluée sur une année, quenous avons utilisée pour fournir à l’électrolyseur l’énergienécessaire à la production d’hydrogène, puisqu’il nous aété impossible d’obtenir des informations de la partd’EdF concernant le schéma exact d’énergie électrique quipourrait être réellement rendu disponible pour le procédéd’électrolyse. Pour cette étude, nous avons estimé que

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l’offre nucléaire disponible ne devait pas dépasser 5 % dela production énergétique totale. Nous avons égalementdéterminé un seuil en dessous duquel aucune énergie nesera fournie aux électrolyseurs, suivant l’hypothèse qu’untel seuil traduirait un problème de fonctionnement ou uneopération de maintenance en cours, mais pas unemodulation (Lokhov A [19]).La Figure 2 présente l’énergie ainsi produite en 2012 pourle procédé d’électrolyse, ainsi que la zone de récupérationd’énergie pour un réacteur et pour tout le site du Bugey.

Figure 2 : Tableaux de bord de l’énergie produite en 2012 parle réacteur 2 du site du Bugey et par la centrale du BugeyLa Figure 3 illustre l’utilisation de l’énergie électriqueissue de cette récupération d’énergie pour lefonctionnement des électrolyseurs : l’énergie électrique estcomptée à partir du maximum d’énergie nucléairedisponible ; cela correspond à la ligne rouge horizontale.Cette énergie disponible suit la modulation (ligne rouge) :la valeur maximale correspond à la ligne verte, c’est­à­direla limite que l’offre nucléaire disponible pour l’électrolysene doit pas dépasser (5 % de la production énergétiquetotale).

Figure 3 : Axe rouge : tableaux de bord de la puissance pour leprocédé électrolytique fournie en 2012 par le réacteur 2 du sitedu Bugey (à gauche, la courbe tracée à la main) et par lacentrale du Bugey (à gauche, la vraie courbe). (Pour plus dedétails sur le code couleur de cette légende, le lecteur est invitéà se reporter à la version web de cet article.)Nos estimations supposent par ailleurs que le site duBugey ne disposait pas d’énergie disponible pour unprocédé d'électrolyse (diagramme de droite de la Figure 3)entre 2 000 et 4 000 heures, et à 6 000 heures. Pendant celaps de temps, la puissance générale de la centrale étaitplus faible que ce qu’indiquait la ligne verte, ce qui laisse àpenser qu’une opération de maintenance était en cours, etnon une modulation.

Intégration des données dans le logiciel HOMERLes centrales nucléaires ne sont pas intégrées dans lescomposants du logiciel de simulation HOMER. Pourintégrer la capacité nucléaire disponible, il a donc falluconvertir cette énergie en «énergie éolienne équivalente»en adaptant des «vitesses de vent fictives» à l’offrenucléaire potentielle. Avec une puissance disponiblemaximale de 565,5 MW (voir diagramme de droite de laFigure 2, qui représente la différence entre la ligne rougeet la ligne verte, soit environ 300 et 3600 MW), nous avonsmodélisé un « parc éolien fictif » d’une puissance totales’élevant à 656,5 MW. L’équation caractérisant cettemodélisation lie la «vitesse du vent fictive» (exprimée enm/s) à la production (en kW), sous forme d’une lignedroite :Production (en kW) = a * Vitesse du vent (m/s) où acorrespond à la pente de la ligne de régression.Nous avons calculé la demande au pas horaire pour ledihydrogène en utilisant la formule suivante :Demande au pas horaire pour H2 = Production d’énergienucléaire au pas horaire (en kWh) × r/HHV (H2)où : HHV = High Heating Value of hydrogen = 39,41kWh/kgr = electrolyser efficiencyConcernant la demande d’hydrogène, nous avonsexaminé deux scénarii différents (voir Figure 4) :­ Une demande dont l’allure est équivalente à celle del’offre (c’est­à­dire lorsque l’hydrogène est produit «au filde l’eau») : le schéma de la demande en dihydrogène peutdonc être recréé à partir du schéma de production del’énergie nucléaire sans avoir besoin de stockage. Cettetechnique est ensuite utilisée comme système de référencepour permettre de déterminer le coût de stockage avecprécision.­ La demande constante imposée, équivalente à laproduction annuelle moyenne. Pour parvenir à unajustement de la demande, qui varie selon le temps et lademande constante, cette technique nécessite un systèmede stockage.

Figure 4 : Diagrammes des systèmes énergétiques étudiés àl’aide du logiciel HOMER, qui montrent la production au filde l’eau (à gauche) et la production avec une demandeconstante imposée (à droite).

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DossierNous avons ensuite réalisé des simulations de la centraledu Bugey et de chaque réacteur de la centrale séparément.La charge fonctionnelle minimale des électrolyseurs areprésenté une contrainte technique dans ces simulations.Il est nécessaire de distinguer les électrolyseurs alcalins(EA pour Alcaline Electrolyser) selon leur chargefonctionnelle minimale, comprise entre 0 et 25 %, et selonleur durée de vie, comprise entre 10 et 20 ans (une duréede vie de 10 ans permet de globaliser un vieillissementprématuré causé par une utilisation intermittente).Les résultats de la simulation HOMERLe site du BugeyLes résultats sont présentés sous forme de coût actualisénet (NPC) de la production d’hydrogène. Le Tableau 5récapitule les résultats des simulations du site du Bugeyconcernant la demande d’hydrogène au fil de l’eau.

Tableau 5 : Résultats des simulations sur HOMER pour lacentrale du Bugey (565 MW).Comme le montrent les résultats ci­dessus, le coût deproduction de l’hydrogène varie de 6,2 €/kg à 12,7 €/kg.Il est possible d’examiner ces coûts par rapport à deuxparamètres des électrolyseurs : leur charge fonctionnelleminimale et leur durée de vie. La détérioration desélectrolyseurs est inhérente à leur fonctionnement, et sil’on réduit de moitié la durée de vie d’un électrolyseur,alors le coût de production augmente d’environ 50 % ; ilexiste cependant une autre possibilité de prolonger ladurée de vie des électrolyseurs, qui est soit d’arrêterchaque module, soit de ne le charger qu’entre 25 et 100 %.Dans ce dernier cas de figure, la production d’hydrogènese verra réduite de 26 % alors que le coût de productionaugmentera d’environ 40 %.Dans le cas de figure où la demande constanted’hydrogène est équivalente à la production annuelle, lestockage d’hydrogène permet d’ajuster la production et lademande. Pour répondre à ce besoin, deux techniques destockage sont envisagées : le stockage dans les cavitéssalines et le stockage de surface à l’aide de la technologiedes tube trailers. Le Tableau 6 présente les résultats avecune charge fonctionnelle minimale nulle et une durée devie estimée à 20 ans.

Tableau 6 : Simulation de la demande constante imposéed’hydrogène (1 290 kg/h)

Ces résultats montrent les coûts minimaux obtenus grâceà un réservoir de stockage d’hydrogène pré­rempli à 60 %.Une variation des coûts de production de l’hydrogène estobservable : les coûts varient en effet de 7,2 € à 26,2 €/kg,et ces valeurs sont plus élevées lorsque la technique destockage utilisée est celle des tube trailers en surface. Onpeut également observer une légère différence entre lecoût de production de l’hydrogène au fil de l’eau (il est de6,2 €/kg ; voir Tableau 5) et celui obtenu lorsque laproduction est constante (Δ = 1 €/kg), par rapport à laproduction d’hydrogène stocké dans des cavités salines,dans une situation de demande constante.Les cavités salines sont la forme de stockage sous­terrainla moins chère (3000 t/an), étant donné que le seuild’utilisation d’un stockage sous­terrain est estimé à1 000 t/an (selon le projet HyFrance3 [16]). Dans le restede l’article, nous allons nous pencher sur la productiond’hydrogène dans le cas où la charge fonctionnelle estnulle et la durée de vie est de 20 ans.Les réacteurs du Bugey pris séparémentLes coûts de production de l’hydrogène pour chaqueréacteur sont présentés ci­dessous dans les Tableaux 7 et8, qui prennent en compte le procédé d’électrolyse alcaline(AE).

Tableau 7 : Simulation des coûts de production de l’hydrogèneau fil de l’eau pour les réacteurs 2, 3, 4 et 5 du site du BugeyDemande « au fil de l’eau »L’étude de chaque réacteur séparément montre que lescoûts de production de l’hydrogène varient de 2,5 €/kg à3,7 €/kg, lorsqu’on estime que le prix de l’électricité estnul (hypothèse de base). On peut expliquer le coût élevédu réacteur 3 du site du Bugey par lesurdimensionnement de l’électrolyseur, à cause deproblèmes de fonctionnement rencontrés aux mois d’avril,de mai et de juin 2012 (voir Figure 5).

Figure 5 : Tableau de bord annuel de la productiond’hydrogène pour le réacteur 3 du site du Bugey

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DossierDemande constante imposée d’ hydrogène

Tableau 8 : Simulation des coûts de production de l’hydrogèneavec une demande constante imposéepour les réacteurs 2, 3, 4 et 5Pour les quatre réacteurs, nous avons utilisé une cavitésaline à sa capacité optimale d’utilisation, c’est­à­dire pré­remplie à 50 % de sa capacité totale, afin d’ajuster l’offred’électricité et la demande d’hydrogène.L’ajout de capacité de stockage supplémentaire n’a quelégèrement augmenté les coûts de productiond’hydrogène : entre +0,4 € et +0,8€/kg ; le réacteur 3 dusite du Bugey constitue la seule exception car il a connuun problème de fonctionnement trois mois de suite durantl’année : pour ce réacteur, les coûts de production ontaugmenté de +1,4 €/kg.La comparaison des résultats présentés dans les Tableaux7 et 8 indique que le coût de production de l’hydrogènediminue si la production est traitée réacteur par réacteur,qu’il s’agisse de demande constante ou de demande au filde l’eau.Excepté le cas particulier du réacteur 3 du site du Bugeydans le cas d’une demande constante imposée, les coûtsde production obtenus pour chaque réacteur séparémentsont à chaque fois moins élevés que ceux enregistréslorsque le site du Bugey est considéré comme producteurd’hydrogène dans son ensemble dans le cas de laproduction d’hydrogène au fil de l’eau (6,2 €/kg ; voirTableau 5).Ces résultats montrent que la puissance installée del’électrolyseur est plus adaptée et que la chargefonctionnelle est plus élevée que lorsque l’on se concentresur le site comme un tout. Dans la Figure 3, le diagrammede droite montre qu’aucune énergie pour l’électrolyse n’aété utilisée dans la centrale du Bugey pendant plusieursmois (à environ 2 000 et 4 000 heures, et à environ 6 000heures).Le coût total de la chaîne de l’hydrogène devrait en faitêtre comparé au coût supplémentaire découlant de lamaintenance des centrales fonctionnant avec un suivi decharge. C’est pourquoi il est nécessaire de déterminer si cemode de fonctionnement peut contribuer à augmenter ladurée d'exploitation des centrales. Ce n’est cependant pasla visée de cette étude, qui porte sur la manière d’évalueret de comparer les coûts de production de l’hydrogèneselon les différents scénarii abordés.

La production d’hydrogène en compensation dusuivi de charge des centrales nucléairesDans le cas du système électrique français, il estintéressant de se demander s’il est pertinent de privilégierla production d’hydrogène à la mise en place dumécanisme d’ajustement.RTE (Réseau et Transport d’Électricité), dont le rôle est degérer le réseau électrique, ajuste la production et laconsommation en temps réel. RTE a aussi pour but derésoudre les problèmes de congestion pouvant survenirsur le système électrique français. Les moyens mis enœuvre par RTE reposent sur les services système (lesréserves de fréquence primaires et secondaires) ainsi quesur le mécanisme d’ajustement, qui constitue la réservetertiaire [20] (voir Figure 6).

Figure 6 : Variations de puissance électrique correspondant aumécanisme d’ajustement (réserve tertiaire). L’axe des abscissesreprésente la courbe « redressée » de la réserve secondairepour l’année 2012 (à gauche) ; à droite : les 200 premièresheures de l’année seulementQuelques secondes après la détection d’un problèmed’équilibre, les réserves primaires et secondaires sontautomatiquement activées. Pour activer la réservetertiaire, c’est­à­dire le mécanisme d’ajustement, il fautdemander aux générateurs et aux consommateursconnectés au système de modifier leur programme defonctionnement très rapidement.Le mécanisme d’ajustement, introduit le 1er avril 2003,implique que RTE dispose en permanence de réserves defréquence qui peuvent être activées dès qu’un problèmed’équilibre entre l’offre et la demande est détecté. Il existedeux types de mécanismes d’ajustement :­ Le mécanisme d’ajustement à la hausse, qui intervientlorsque la production ne peut répondre au besoin deconsommation. Les solutions envisageables sont alorsl’augmentation de la production, la réduction de laconsommation ou l’importation.­ Le mécanisme d’ajustement à la baisse, qui intervientlorsque l’énergie produite est plus élevée que laconsommation. Les solutions envisageables sont, dans cecas, la réduction de la production, l’augmentation de laconsommation ou l’export.

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Figure 7 : Volumes de l’ajustement à la hausse et à la baisse enFrance de 2004 à 2012 (RTE).Les données utilisées pour ces deux mécanismesd’ajustement sont fournies par RTE (chiffres de 2012). Lareprésentativité de ces données s’est avérée être correcte,les types de variations étant équivalents à ceux des deuxannées précédentes.Le prix global attribué au mécanisme d’ajustement a étédéterminé grâce à l’équation suivante :Prix global attribué au mécanisme d’ajustement = ∑ [Timestep downward volume × corresponding downwardprice] + [Time step upward volume × correspondingupward price]La valeur du prix global pour l’année 2012 a ainsi étéestimé à 308 M€.Pour déterminer le coût total annuel (TAC pour TotalAnnualised Cost) de l’utilisation d’une chaîne d’hydrogènepar rapport à l’utilisation du mécanisme d’ajustement,deux scénarii ont été envisagés.Scénario 1 : la production d’hydrogène substituée aumécanisme d’ajustement à la baisseDans ce scénario, le système hydrogène est intégré aumécanisme d’ajustement à la baisse, ce qui impliqued’exploiter le volume de surplus d’électricité disponibledans le réseau électrique (Production > Consommation),c’est­à­dire que l’on va privilégier la récupération dusurplus d’électricité plutôt que la réduction de productiondu réseau. On va intégrer ce système de récupération del’électricité dans la chaîne de production d’hydrogène(voir Figure 8). Le TAC de ce mécanisme d’ajustement à labaisse représente 145 M€ en 2012.

Figure 8 : À gauche : approvisionnement en puissance del’électrolyseur pour la production d’hydrogène lors detendances à la baisse (ajustement à la baisse) en 2012 ; à droite :la première semaine de l’année seulement

Les données entrées dans le logiciel HOMER sont lessuivantes : premièrement, nous avons reconstitué unschéma de « vitesses de vent fictives », qui correspondentà l’énergie électrique enregistrée lors des tendances à labaisse. Ces données au pas demi­horaire proviennent dusite de RTE. Deuxièmement, du point de vue de laproduction des données, la demande d’hydrogène a étéd’abord déterminée à partir de l’énergie électriqueenregistrée lors des tendances à la baisse pour laproduction énergétique au fil de l’eau, et ce avant l’entréedes données de la demande constante. Les résultats sontprésentés dans le Tableau 9 (COH = Cost of Hydrogen ;NPC = Net Present Cost ; TAC : Total Annualised Cost).

Tableau 9 : À gauche : simulation du premier scénario dans lecas d’une production d’hydrogène au fil de l’eau (environ 50000 t/an) ; à droite : la même simulation avec une demandeconstante imposéeDans le cas d'une demande constante imposée, afind’atteindre un équilibre, il a fallu utiliser un réservoir destockage d’hydrogène d’une capacité de 5250 tonnes, pré­rempli à 40 % de sa capacité. Les coûts de production del’hydrogène sont très élevés (9,7 €/kg), même si ladifférence entre le coût de la production d’hydrogène aufil de l’eau et le coût de la production d’hydrogène dansune situation de demande constante reste faible. Le TACdans le premier scénario (487 M€) équivaut àl’investissement, et les frais de fonctionnement et demaintenance de l’électrolyseur (pas de stockage), dont lataille est ajustée pour utiliser toute l’énergie renduedisponible par le mécanisme d’ajustement. Le TAC estlégèrement plus élevé dans le second cas (492 M€) carl’investissement dans l’électrolyseur ainsi que les frais defonctionnement et de maintenance ont chuté de 25 M€(ceux­ci sont en effet passés de 487 M€ à 462 M€), maisque par ailleurs, l’investissement et les frais defonctionnement et de maintenance dans les systèmes destockage à grande échelle ont engendré 30 M€ dedépenses supplémentaires : ces dépenses étant légèrementsupérieures à la réduction des coûts, on obtient des coûtsobtenus finalement un peu plus élevés que dans lepremier cas. La Figure 9 présente la sous­utilisation de lapuissance installée de l’électrolyseur : en effet, lorsque l’onobserve le diagramme en haut à gauche de la Figure 9,intitulé « no excess electricity », on peut voir que lapuissance la plus élevée de l’électrolyseur ne couvrequ'une courte période au début du mois de février.Représentée en rouge sur la Figure 9, la puissancecorrespondante s’élève à environ 4 000 MW. Le facteur decapacité de l’électrolyseur est également très faible,puisqu’il ne s’élève qu’à 9,8 %.L’une des solutions proposées consiste à plafonnerl’approvisionnement en électricité en limitantdélibérément la demande en hydrogène. Les calculs au

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La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 25 ­ Eté 201524 La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 25 ­ Eté 2015

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moyen du logiciel HOMER ont ainsi montré quel’approvisionnement en électricité est «perdu» au­dessusd’un certain seuil de puissance. Plafonnerl’approvisionnement en électricité a pour conséquence deréduire le nombre d’électrolyseurs, mais permetd’augmenter le facteur de capacité des puissancesinstallées, ainsi que les heures de fonctionnement en base.C’est pourquoi, au vu de l’importance de l’électrolyseurdans le bilan économique, nous avons imposé ce que nousappelons le « surplus d’électricité » volontaire (c’est­à­direl’électricité produite en excès), avec des cas où 4 %, 20 % et48 % de l’électricité disponible maximale n’est pas utiliséepour la production d’hydrogène (voir Figure 9).

Figure 9 : Schéma de la quantité de puissance électriqueutilisée (en rouge foncé) ou non (en bleu) selon : l’axe « Power(kW) » à droite de chaque diagramme (pour la demande) ; oul’axe « Hydrogen Load (kg/h) » (pour l’hydrogène, matérialisépar la ligne rouge). (Pour plus de détails sur le code couleur decette légende, le lecteur est invité à se reporter à la version webde cet article.)Le diagramme de référence de l’énergie dans la Figure 9(diagramme en haut à gauche de la Figure 9) montre quele logiciel de simulation HOMER a déterminé un systèmeavantageux en cas de surplus d’électricité : ce surplus estobservable en matière de puissance électrolytique utilisée(les économies représentent un peu moins de 2 000 MW) ;cependant, en matière d’électricité «perdue», le surplusd’électricité est négligeable, puisqu’il représente moins de1 %. On peut voir que lorsque le surplus d’électricitéimposé augmente, la production d’hydrogène diminuerapidement. Le Tableau 10 récapitule ces résultats.

Tableau 10 : Simulations selon le surplus d’électricité

La production d’hydrogène varie d’environ 3 t/h à 6 t/h,ce qui équivaut à 25 000 ­ 50 000 t/an. Ces résultatspeuvent être comparés aux 500 000 t/an d’hydrogèneproduites volontairement en France chaque année selonA. Le Duigou et al [21].Si l’on exclue une partie de l’approvisionnement enélectricité disponible (appelée «surplus d’éelectricité ; voirFigure 10), le coût ude la production d’hydrogènediminue. La taille optimale de la puissance installée del’électrolyseur est revue à la baisse ; par conséquent,l’investissement est également revu à la baisse, en raisond’un meilleur taux d’utilisation. Une perte d’environ 50 %de l’énergie électrique peut réduire le coût de production(toujours avec un prix de l’électricité nul) par un facteur 4,ce qui représente une réduction significative.

Figure 10 : Variations des coûts de production de l’hydrogèneselon le surplus d’électricitéLa Figure 10 complète la Figure 9 : environ 50 % del’énergie électrique est fournie par environ 10 % de lapuissance installée de l’électrolyseur (voir les diagrammesau bas de la Figure 9), ce qui correspond à environ400 MW à installer par rapport à 4 000 MW.Néanmoins, l’hydrogène est une solution qui ne résoutpar tout le problème du mécanisme d’ajustement à labaisse. En effet, ces configurations ne prennent en comptequ’une partie de l’électricité disponible, c’est pourquoi ilest nécessaire de satisfaire la fraction du mécanismed’ajustement que la production d’hydrogène n’a pascompensée : la différence de puissance et ses variations,indiquées en bleu (au­dessus de la zone dédiée à laproduction d’hydrogène, visible sur chaque diagrammede la Figure 9).La Figure 11 ci­après présente le coût annuel de laproduction d’hydrogène qui se substitue au coût dumécanisme d’ajustement en 2012 pour les périodes defaible demande, et ce pour différents pourcentages desurplus d’électricité. Par exemple, avec 48 % de surplusd’électricité, on peut voir que le coût total annuel (TAC)de la production d’hydrogène est moins élevé que le coûtdu mécanisme d’ajustement à la baisse auquel il sesubstitue.

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Figure 11 : Comparaison des coûts de production del’hydrogène : le paramètre «surplus d’électricité» a ici étéremplacé par le paramètre «coût du mécanisme d’ajustement àla baisse» (pour 2012)La Figure 12 fournit une représentation plus exacte de lamanière dont les coûts sont répartis.

Figure 12 : Comparaison des coûts de production del’hydrogène en prenant en compte : le coût du mécanismed’ajustement à la baisse en 2012 ; 48 % de surplus d’électricitéLa Figure 12 montre clairement que le coût annuel de laproduction d’hydrogène s’élève à 63 M€, contrairementaux 81 M€ de coût pour le mécanisme d’ajustement à labaisse qui n’est donc plus à assurer : cette compensationest donc une solution viable économiquement.Il existe donc trois modèles économiques possibles danscette situation :­ Envisager d’investir 127 M€ (63 + 64 M€ ) par an (TAC)au lieu de dépenser 145 M€ : cette possibilité rendl’opération profitable, puisque notre productiond’hydrogène s’élève déjà à 3 t/h.­ Vendre de l’hydrogène à 2,4 €/kg pour compenser les 63M€ annuels de coût de production : cette possibilitépermettrait de ne dépenser que 64 M€ au lieu des 145 M€du modèle économique a.­ Vendre de l’hydrogène à 4,8 €/kg pour compenser leprix global attribuable au mécanisme d’ajustement à labaisse.Ces trois possibilités sont ainsi viables si on les compareaux coûts du mécanisme d’ajustement à la baisse en 2012.Dans le modèle économique a, si l’on exclut le prix del’électricité, il est même possible de fournir l’hydrogènegratuitement. Bien entendu, les résultats de 2012 sontencourageants mais dépendent directement du

mécanisme d’ajustement de chaque année, quidéterminera le volume d’énergie disponible. Néanmoins,la Figure 7 montre que, même si 2012 a été plutôtfavorable du point de vue de l’énergie disponible , il nes’agit tout de même pas d’une année exceptionnelle : eneffet, les chiffres de 2012 sont proches de ceux de 2009 etde ceux que l’on aurait obtenu pour 2004 et pour 2005. Ilest ici impossible d’extrapoler les gains et les pertespossibles à d’autres années, puisque ceux­ci équivalent àla somme de la combinaison [volume d’énergie/coût] àchaque intervalle utilisé dans les calculs du coût annueldu mécanisme d’ajustement. Ces résultats montrentcependant l’avantage de produire de l’hydrogène plutôtque d’utiliser le mécanisme d’ajustement à la baisse.Scénario 2 : la production d’hydrogène substituée aumécanisme d’ajustement global (ajustement à lahausse et à la baisse)Cette section de l’article examine s’il est possible deproduire plus d’hydrogène, et à quel coût, en essayantd’exploiter tout le mécanisme d’ajustement. Plutôt que deproduire l’hydrogène en réduisant la puissance produitedans le réseau lors des périodes de faible demande, lasituation «idéale» suivante a été imaginée, en considérant :­ La capacité de production électrique maximale, quicorrespond au point le plus élevé atteint dans le réseauélectrique dans l’année (en l’occurrence, 2012).­ La puissance installée de l’électrolyseur fonction de ladifférence de puissance maximale enregistrée dans leréseau, entre la valeur minimale (qui correspond à lavaleur maximale de la période de faible demande) et lavaleur maximale (qui correspond à la période où lademande enregistrée est la plus importante) (voir Figure13, où l’axe des ordonnées correspond àl’approvisionnement pour la production d’hydrogène). Lefait de passer d’une valeur à l’autre dérive plus ou moinsd’électricité pour la production d’hydrogène, selon que lademande du réseau électrique est faible ou importante. Sion a à faire à une demande maximale sur le réseau, soit lemaximum du mécanisme d’ajustement à la hausse, laproduction d’hydrogène est nulle.

Figure 13 : Évaluation de la quantité de puissance installée del’électrolyseur : écart maximal de puissance enregistrée en 2012(à gauche) ; à droite : pendant les 200 premières heures del’année seulement

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Le Tableau 11 présente les résultats pour la demanded’hydrogène au fil de l’eau et avec une demande imposée.

Tableau 11 : Coûts de production de l’hydrogène, NPC et TACcorrespondants (lorsque la production se substitue à tout lemécanisme d’ajustement).Selon les résultats du logiciel HOMER, la solution la plusviable d’un point de vue économique ne nécessite pas la«taille électrolytique maximale» (c’est­à­dire environ 8 900MW) présentée dans la Figure 13, mais plutôt unepuissance installée moins importante (d’environ 6 900MW), qui correspond à la ligne verte dans les Figures 13 et14. Le surplus d’électricité correspondant est doncnégligeable en matière d’énergie, puisqu’il représentemoins de 1 % de l’énergie disponible totale ; ce surplus,qui dépasse les 20 % en puissance, s’avère très profitableen matière de la puissance installée de l’électrolyseur.Dans le cas où la demande d’hydrogène est constante, onobtient le coût optimal en utilisant des cavités salinescomme méthode de stockage sous­terrain à grandeéchelle, ce qui équivaut à 25 000 t de capacité totale destockage : ces cavités salines, au nombre de 5, sont pré­remplies à 10 % de leur capacité maximale.Avec cette technique de stockage, les coûts de productionde l’hydrogène sont très faibles, surtout si la demande estlibre (1,4 €/kg). Cependant, les quantités produitesannuellement sont aussi très élevées : ils sont en effetsproches du taux de production actuel en France [21], cequi entraîne des coûts de production annuels égalementtrès élevés (TAC de l’ordre d’un milliard d’euros).On peut expliquer ces résultats par l’énergie disponibletotale (voir Figure 13), qui est très élevée si l’on prend encompte (comme c’est le cas ici) les valeurs extrêmes de lademande («taille électrolytique maximale» dans la Figure13) pour les mécanismes d’ajustement à la fois à la baisseet à la hausse.C’est pourquoi nous avons choisi de réduirel’investissement dans les électrolyseurs et ainsi, la quantitéproduite. Dans un premier temps, nous avons ignoré unpourcentage de demande important, que le mécanismed’ajustement habituel devra alors satisfaire. Dans unsecond temps, nous avons autorisé un surplusd’électricité, comme dans le scénario 1. Comme nousl’avons vu, cette technique implique en effet de ne pasprendre en compte certaines périodes de faible demande(une partie du mécanisme d'ajustement à la baisse restantà satisfaire).

La Figure 14 présente les changements dans la limite detaille de la puissance installée de l’électrolyseur, et ce danstrois cas : les lignes a, b et c, qui indiquent respectivement3000 MW, 2 000 MV et 1000 MW dans le cas dumécanisme d’ajustement à la hausse.

Figure 14 : Variations de puissance électrique correspondantau mécanisme d’ajustement (réserve tertiaire) en 2012 (àgauche) ; à droite : les 200 premières heures de l’annéeseulement. En­dessous des lignes a, b et c, il faut interpréter lesvaleurs élevées attribuables à l’ajustement à la baisse selon laméthode habituelle (la production d’hydrogène ne sesubstitue pas au mécanisme d’ajustement)Le Tableau 12 récapitule la comparaison des coûts deproduction de l’hydrogène selon une demande constanteimposée, ainsi que la quantité produite, comparés àl’activation du pourcentage de volume à la hausse nonconsidéré (correspondant à la partie en dessous des ligneshorizontales).

Tableau 12 : Comparaison des coûts de production del’hydrogène, sans prendre en compte certaines valeurs élevées(dans le cas de la demande constante imposée).Dans le premier cas, la quantité d’hydrogène produite (sil’on considère toute l’ampleur de la variation de lademande) est considérable, puisqu’elle s’élève à670 kt/an : cela implique un investissement de 924 M€.Cependant, si on divise la quantité d’hydrogène produitepar un facteur 4, le coût s’élève à un peu moins de lamoitié, et les économies en matière de TAC nereprésentent que 40 %. Si l’on doit donc choisir entre lesquantités à produire, les coûts correspondants etl’investissement nécessaire, aucun de ces systèmes nesemble viable par rapport au système qui consiste àréaliser le mécanisme d’ajustement.Par ailleurs, ces coûts doivent être mis en perspective avecle coût de production de l’hydrogène dans une situationde référence : 3,5 €/kg, répartis en 0,9 €/kg pour lafraction électrolytique, et 2,6 €/kg pour la fraction du prixde l’électricité.Les valeurs présentées dans le Tableau 12 (investissementseulement) sont bien évidemment plus élevées que

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0,9 €/kg, mais on ne peut a priori exclure aucunehypothèse concernant le prix de l’électricité appliqué dansces conditions par le producteur ; on ne peut pas non plustirer de conclusion sur la viabilité de ce type de système.Cependant, on peut considérer que la productiond’hydrogène est en partie financée par le service dumécanisme d’ajustement : dans ce cas, le coût del’hydrogène correspondant sera significativement plusfaible, ce qui équivaut à environ 300 M€ d’économiesdans chaque cas. Le Tableau 13 compare les résultats ducalcul de l’ACFH (Additional Cost For HydrogenProduction) avec et sans la prise en compte des économiesréalisées grâce au mécanisme d’ajustement. Par exemple,dans le premier cas, le « coût annualisé de la productionde H2 correspondant » s’élève à 616 M€ = 924 M€–308 M€et le ACFH s’élève à 616 M€/670 kt = 0,92 €/kg.

Tableau 13 : Comparaison de l’ACFH (sur la dernière ligne) auCOH (sur la première ligne), en supposant que le coût dumécanisme d’ajustement a été évitéLes valeurs de l’ACFH sont proches du calcul deréférence COH de 0,9 €/kg, surtout pour les volumes deproduction les plus élevés. L’ACFH dépend égalementbeaucoup moins des coûts d’investissement, dont l’écartentre les valeurs les plus extrêmes ne représente que 25 %.Jusqu’à 10 M€, il faut dans tous les cas fournir le coûtrestant pour le mécanisme d’ajustement (308­299), ce quiest faible. Pourtant, la puissance électriquecorrespondante est très élevée : 1 739 MW pour le modèleéconomique a (4 739­3 000) ; 2 739 MW pour le modèle b(4 739­2 000) ; et 3 739 pour le modèle c avec l’ajustement àla hausse (4 739­1 000), et 2 000 MW (8 900­6 900) pourl’ajustement à la baisse.Ces résultats peuvent être interprétés comme undésavantage ; ils sont pourtant intéressants d’un autrepoint de vue : en effet, si l’on considère la puissanceélectrolytique [4 100 MW, 6 900 MW] (voir Tableau 12) enfonction du mécanisme d’ajustement (à la baisse + à lahausse), les systèmes d’approvisionnement en puissancecorrespondants seront pratiquement utilisés à pleinepuissance ; alors que dans le scénario précédent, lessystèmes d’approvisionnement en puissance sont utilisésde manière bien plus intermittente, bien qu’ils doiventêtre à tout moment disponibles.Ce deuxième scénario a donc pour conséquences descoûts de production de l’hydrogène compétitifs. Tous cesavantages dépendent toutefois des stratégies et du

positionnement adoptés par les compagnies et par lesautres acteurs industriels, ce qui représente un problèmesupplémentaire.La quantité d’hydrogène produite, dernier point maisnon des moindres, varie entre 670 et 160 kt/an : cesrésultats sont similaires à la quantité d’hydrogèneactuellement volontairement produite sur le marchéfrançais, de l’ordre de 430 kt/an. Lorsqu’on sait que cetteproduction volontaire se fait par reformage du méthane àla vapeur [21], la solution développée ici permettrait deréduire considérablement la dépendance au gaz.ConclusionLes solutions d’intégration au système électrique desystèmes hydrogène décrites dans cette étude pourraients’avérer fort intéressantes, la production d’hydrogèneétant utilisée soit pour compenser le suivi de charge descentrales, soit pour se substituer au mécanismed’ajustement. Cette étude montre que le coût deproduction de l’hydrogène n’est pas unique, mais plutôtque celui­ci dépend du schéma de la demande ainsi quedes solutions techniques envisagées ; cette variabilité descoûts est d’autant plus vraie lorsqu’un système destockage est envisagé ou bien lorsqu’un surplusd’électricité est autorisé.Dans le cas de la production d’hydrogène encompensation du suivi de charge d'un réacteur nucléaire,le coût de l’hydrogène est plus faible lorsque ce gaz estproduit au fil de l’eau, ou lorsqu’une cavité saline estenvisagée comme système de stockage. On obtient ainsides coûts de production allant de 2,5 €/kg à 3,7 €/kg(dans le cas de la production au fil de l’eau, sans prendreen compte le prix de l’électricité) si l’on traite chaqueréacteur séparément : en effet, dans ce cas le tauxd’utilisation de l’électrolyseur augmente, alors que dansl’autre, la centrale entière, considérée comme un toutpendant certaines périodes, est plus souvent rendueindisponible pour la production d’hydrogène, et l’onconstate que l’électrolyseur (qui est alors surdimensionné)est moins utilisé.En matière de mécanisme d’ajustement, l’analyse aégalement montré que dans le cas d’ajustements à labaisse, une perte d'énergie électrique de 50 % par rapportà une utilisation complète d’électricité disponible, peutfaire passer le coût de production de 9,7 € à 2,4 €/kg (sansprendre en compte le prix de l’électricité), ce quireprésente une réduction non négligeable : on peut ainsiatteindre un compromis entre la quantité produite et lecoût de production. Si l’on prend en compte tous lesmécanismes d’ajustement, les coûts de production del’hydrogène peuvent être considérés dans certainsmodèles économiques comme proches des coûts deréférence (c’est­à­dire environ 0,9 €/kg, sans prendre encompte le prix de l’électricité) et la majeure partie du

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mécanisme d’ajustement est remplacée par la productiond’hydrogène. D’importants investissements pourraientcependant être nécessaires, qui dépendent en grandepartie des stratégies des investisseurs, ce qui aurait pourconséquence de modifier significativement la quantitéd’hydrogène produite.On peut conclure que la production d’hydrogène parélectrolyse peut jouer un rôle important dans la résolutiondes problèmes électriques. Cette solution dépendtoutefois de différents facteurs tels que les avancéestechniques (la durée de vie des électrolyseurs, leurperformance et leurs coûts), la disponibilité des systèmesde stockage de masse ainsi que les stratégies de gestion del’énergie électrique.

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Nota : Cet article est une traduction de celui paru dans la revue IJHE

(International Journal ofHydrogen Energy) en 2015 : « Role of hydrogen in

resolving electricity grid issues », avec autorisation de la revue. Il a été

traduit par Anaïs Vajnovski (stagiaire I-tésé) ; qu’elle en soit ici sincèrement

remerciée.