L’héritage de Pierre de Fermat La factorisation des grands ...

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Rubrique des L’information paradoxale Autresarticles • Algorithmes au cours de l’histoire • Facile difficile ... • Émergence logarithmique : la « mirifique » invention de Napier • Algorithmes génétiques L’héritage de Pierre de Fermat La factorisation des grands nombres Volume 14 • été-automne 2019

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Page 1: L’héritage de Pierre de Fermat La factorisation des grands ...

Rubrique des

Lrsquoinformation paradoxale

Autresarticlesbull Algorithmes au cours de lrsquohistoirebull Facile difficile bull Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napierbull Algorithmes geacuteneacutetiques

Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat

La factorisation des grands nombres

Volume 14 bull eacuteteacute-automne 2019

Reacutedacteur en chefAndreacute Ross Professeur de matheacutematiques

Comiteacute eacuteditorialPietro-Luciano Buono Professeur de matheacutematiques Universiteacute du Queacutebec agrave RimouskiFrance Caron Professeure de didactique des matheacutematiques Universiteacute de MontreacutealChristian Genest Professeur de statistique Universiteacute McGillFreacutedeacuteric Gourdeau Professeur de matheacutematiques Universiteacute LavalBernard R Hodgson Professeur de matheacutematiques Universiteacute LavalSteacutephane Laplante Enseignant de matheacutematiques Collegravege de MontreacutealChristiane Rousseau Professeure de matheacutematiques Universiteacute de MontreacutealRobert Wilson Professeur de matheacutematiques Ceacutegep de Leacutevis-Lauzon

Production et Iconographie Alexandra Haedrich Institut des sciences matheacutematiques

Conception graphiquePierre Lavalleacutee Neacuteograf Design inc

Illustrations de scientifiques et caricatures Noeacutemie Ross

Illustrations matheacutematiquesAndreacute Ross

Reacutevision linguistique Robert WilsonProfesseur de matheacutematiques Ceacutegep de Leacutevis-Lauzon

Institut des sciences matheacutematiques Universiteacute du Queacutebec agrave Montreacuteal Case postale 8888 succ Centre-ville Montreacuteal (Queacutebec) H3C 3P8 Canadaredactionaccromathca wwwaccromathca

ISSN 1911-0189

Dans cet ouvrage

Les algorithmes sont des laquo recettes raquo pour reacutesoudre des problegravemes La recette consiste agrave ramener le problegraveme agrave une suite finie drsquoopeacuterations clairement identifieacutees exeacutecutables par un ecirctre humain ou eacuteven-tuellement par une machine Les algorithmes sont omnipreacutesents en matheacutematiques et contribuent agrave leur incroyable efficaciteacute Crsquoest pourquoi nous avons choisi le thegraveme des algorithmes pour ce numeacutero Degraves le deacuteveloppement des premiers systegravemes de numeacuteration des algorithmes ont eacuteteacute mis au point pour effectuer les opeacuterations de base calculer des puissances ou extraire des racines Les exemples preacutesenteacutes dans Algorithmes au cours de lrsquohistoire illustrent le fait que ceux-ci peuvent deacutependre du systegraveme de numeacuteration et des proceacutedeacutes techniques utiliseacutes pour effectuer les calculsMais il ne suffit pas drsquoavoir un algorithme Encore faut-il pouvoir lrsquoexeacutecuter en un temps raisonnable Les algorithmes de factorisation des grands nombres fascinent les matheacutematiciens il est tregraves facile de multiplier deux grands nombres premiers mais beaucoup plus diffi-cile de retrouver les facteurs Ce thegraveme est abordeacute dans deux articles Dans son article Lrsquoheacuteritage de Fermat pour la factorisation des grands nombres Jean-Marie De Koninck nous fait part de progregraves dans cette direction lesquels neacutecessitent le recours agrave lrsquoessai-erreurLrsquoarticle Facile difficile hellip de Christiane Rousseau deacutecrit comment la difficulteacute de factoriser de grands nombres a permis de construire un proceacutedeacute de cryptographie le code RSA preacutesentement invio-lable sur nos ordinateurs mais qui ne reacutesistera pas agrave lrsquoavegravenement de lrsquoordinateur quantiqueLe deacuteveloppement drsquoun algorithme est le fruit drsquoune reacuteflexion theacuteorique sur le type de problegravemes ou drsquoopeacuterations agrave effectuer Dans Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier Jeacuterocircme Camireacute-Bernier et Bernard R Hodgson deacutecrivent la deacutemarche qui a meneacute agrave lrsquoinvention des logarithmes par John Napier (1550-1617) Cette invention a permis le deacuteveloppement drsquoalgo-rithmes tregraves efficaces pour calculer un produit une puissance ou la racine niegraveme de tregraves grands nombresIl nrsquoexiste pas toujours de meacutethode exacte pour reacutesoudre un problegraveme drsquooptimisation en un temps raisonnable Inspireacute par la theacuteorie de lrsquoeacutevolution de Charles Darwin (1809-1882) John Henry Holland (1929-2015) a deacuteveloppeacute une approche appliquant la notion de seacutelection naturelle agrave une population de solutions potentielles au problegraveme poseacute Dans Algorithmes geacuteneacutetiques Charles Fleurent donne un aperccedilu de cette nouvelle famille drsquoalgorithmesDans un second paradoxe intituleacute Lrsquoinformation paradoxale Jean-Paul Delahaye nous preacutesente un problegraveme qui est soluble mecircme si on peut agrave prime abord penser manquer drsquoinformation pour y parvenir

Bonne lecture Andreacute Ross

Eacuteditori l

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Volume 14 bull Eacuteteacute-automne 2019

SommaireDossierHistoire des matheacutematiques Algorithmes au cours de lrsquohistoire 2 Andreacute Ross

DossierApplications des matheacutematiques Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres 8 Jean-Marie De Koninck

Facile difficile 14 Christiane Rousseau

DossierHistoire des matheacutematiques Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier 18 Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson

DossierApplications des matheacutematiques Algorithmes geacuteneacutetiques 24 Charles Fleurent

Rubrique des Paradoxes Lrsquoinformation paradoxale 30 Jean-Paul Delahaye

Solution du paradoxe preacuteceacutedent 31 Jean-Paul Delahaye

Section problegravemes 32

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1824

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Doss

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Le mot algorithme provient de la version latiniseacutee du nom du matheacutematicien persan Al-Khwarizmi1

Cependant les matheacutematiciens avaient deacuteveloppeacute et mis en œuvre des algorithmes bien avant sa naissance

Dans lrsquoarticle Extraction drsquoune racine dans un carreacute2 Bernard Hodgson nous a deacutejagrave preacute-senteacute un algorithme connu mille ans avant Pythagore et utiliseacute par les Meacutesopotamiens de lrsquoAntiquiteacute pour extraire une racine car-reacutee En fait degraves que lrsquoon cherche agrave reacutesoudre systeacutematiquement une famille de problegravemes on est deacutejagrave agrave la recherche drsquoun algorithme

Algorithme drsquoEuclideUn algorithme que le lecteur a probablement deacutejagrave utiliseacute est appeleacute lrsquoalgorithme drsquoEuclide On le retrouve dans le Livre VII des Eacuteleacutements drsquoEuclide qui veacutecut agrave Alexandrie environ un milleacutenaire avant Al-Khwarizmi Cet algorithme permet de trouver le plus grand commun diviseur ou pgcd de deux nombres

Dans la tradition euclidienne un nombre entier est une longueur et un produit drsquoen-tiers est un rectangle comme lrsquoindique la deacutefinition suivante tireacutee de la traduction de Bernard Vitrac des Eacuteleacutements drsquoEuclide

Et quand deux nombres srsquoeacutetant multiplieacutes lrsquoun lrsquoautre produisent un certain nombre le produit est appeleacute plan et les nombres qui se sont multiplieacutes lrsquoun lrsquoautre ses cocircteacutes(Livres VII deacutefinition 17)

La proceacutedure pour deacuteterminer le pgcd de deux nombres telle qursquoillustreacutee ci-dessous consiste drsquoun point de vue geacuteomeacutetrique agrave deacuteterminer la longueur du cocircteacute du plus grand carreacute agrave lrsquoaide duquel on peut paver entiegraverement le rectangle dont les longueurs des cocircteacutes sont les nombres dont on cherche le pgcd

En proceacutedant numeacuteriquement par divisions successives de la longueur par la largeur puis de la largeur par le reste et ainsi de suite jusqursquoagrave un reste nul on obtient

24 = 1 times 15 + 9 15 = 1 times 9 + 6 9 = 1 times 6 + 3 6 = 2 times 3 + 0

Le pgcd eacutetant le dernier reste non nul de ce processus 3 est donc le plus grand commun diviseur de 24 et 15 On eacutecrit pgcd(15 24) = 3

Andreacute RossProfesseur retraiteacute

1 Le mot algegravebre vient de Al-jabr walsquol muqabala titre drsquoun livre drsquoAl-Khwarizmi Cet ouvrage est le texte fondateur de lrsquoalgegravebre

2 Voir Accromath volume 1 automne-eacuteteacute 2006

Algorithmes au cours de lrsquohistoire

Dans le rectangle de cocircteacutes 24 et 15 on peut inscrire un carreacute de cocircteacute 15 Il reste un rectangle de cocircteacutes 9 et 15 dans lequel on peut inscrire un carreacute de cocircteacute 9 Il reste un rectangle de cocircteacutes 9 et 6 agrave lrsquointeacuterieur duquel on peut inscrire un carreacute de cocircteacute 6 il reste un rectangle de coteacutes 6 et 3 dans lequel on

inscrit maintenant deux carreacutes de cocircteacute 3 Crsquoest le plus grand carreacute agrave lrsquoaide duquel on peut paver le rectangle initial 3 est donc le pgcd de 24 et 15 Lorsque le plus grand carreacute permettant de paver le rectangle est unitaire les nombres sont premiers entre eux

15

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3 3

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Al-Khwarizmi783-850

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

Il est agrave noter qursquoen utilisant lrsquoalgorithme drsquoEuclide on peut deacuteterminer le pgcd de deux nombres sans connaicirctre leur factorisa-tion en nombres premiers La factorisation des nombres 15 et 24 est simple agrave obtenir

15 = 3 times 5 et 24 = 3 times23

drsquoougrave on peut conclure immeacutediatement que pgcd(15 24) = 3 Cependant pour de tregraves grands nombres il est plus simple et net-tement plus rapide drsquoappliquer lrsquoalgorithme drsquoEuclide mecircme agrave lrsquoaide drsquoun ordinateur

Algorithme drsquoEuclide et eacutequations diophantiennesRappelons qursquoune eacutequation diophantienne est une eacutequation polynomiale agrave une ou plusieurs inconnues dont les solutions sont chercheacutees parmi les nombres entiers les coefficients eacutetant eux-mecircmes des entiers On a recours agrave lrsquoalgorithme drsquoEuclide pour reacutesoudre certaines eacutequations diophantiennes de la forme

ax + by = cAgrave quelles conditions une telle eacutequation admet-elle une solution entiegravere

En ayant recours agrave la geacuteomeacutetrie analytique moderne on peut visualiser le problegraveme comme suit Lrsquoensemble des solutions de lrsquoeacutequation ax + by = c est repreacutesenteacute par une droite Si aucun point de la droite nrsquoa de coordon-neacutees entiegraveres lrsquoeacutequation nrsquoa aucune solution

Mais si la droite passe par au moins un point de coor- donneacutees entiegraveres elle a alors une infiniteacute de solutions puisque a b et c sont des entiers

Deux theacuteoregravemes apportent des reacuteponses pour certaines de ces eacutequations

Theacuteoregraveme de Bachet-Beacutezout

Soit a et b deux entiers Si d est le pgcd de a et b alors il existe des entiers x et y tels que

ax + by = d = pgcd(a b)Le second theacuteoregraveme porte sur le cas ougrave les deux entiers a et b ont 1 comme seul facteur commun

Aucune solution

Infiniteacute de solutions

Theacuteoregraveme de Beacutezout

Deux entiers a et b sont premiers entre eux si et seulement srsquoil existe deux entiers x et y tels que

ax + by = 1Agrave propos de ces theacuteoregravemes si la constante d ou 1 selon le cas nrsquoest pas le pgcd des coeffi-cients on ne peut rien conclure Par ailleurs pour deacuteterminer une premiegravere solution (x0 y0) drsquoune eacutequation de la forme

ax + by = pgcd(a b)on utilise lrsquoalgorithme drsquoEuclide et agrave lrsquoaide du lemme de Gauss on geacuteneacuteralise celle-ci en montrant que

minus

+ +

=a x k

bd

b y kad

d 0 0

ougrave k est un nombre entier

Diophante drsquoAlexandrieOn ignore tout de la vie du matheacutematicien grec Diophante dont on ne connaicirct que les eacutecrits On pense qursquoil vivait vers le 3e siegravecle de notre egravere sans pouvoir apporter plus de preacutecisions Son ouvrage le plus ceacutelegravebre est un traiteacute de 13 livres les Arithmeacutetiques Six volumes de cet ouvrage reacutedigeacutes en grec ont eacuteteacute retrouveacutes en Italie au 15e siegravecle par Regiomontanus (Johann Muumlller (1436-1476)) Quatre autres livres traduits en arabe ont eacuteteacute deacutecouverts en Iran en 1968 Les experts ne srsquoentendent pas agrave leur sujet srsquoagit-il de la traduction du texte original de Diophante ou plutocirct drsquoun commentaire sur les Arithmeacutetiques peut-ecirctre eacutecrit par Hypathie (env 355-415)

Les Arithmeacutetiques sont une collection de 189 problegravemes accom-pagneacutes de leur solution conduisant agrave des eacutequations dont les solutions sont entiegraveres ou fractionnaires

Claude-Gaspard Bachet de Meacuteziriac (1581-1638)

Claude-Gaspard Bachet de Meacuteziriac est un matheacutematicien poegravete et traducteur franccedilais Le theacuteoregraveme qui porte son nom a eacuteteacute preacutesenteacute pour la premiegravere fois dans la deuxiegraveme eacutedition de son ouvrage laquo Pro-blegravemes plaisans et deacutelectables qui se font par les nombres raquo parue en 1624

Eacutetienne Beacutezout (1730-1783)Le matheacutematicien franccedilais Eacutetienne Beacutezout est passeacute agrave la posteacuteriteacute pour le theacuteoregraveme de Bachet-Beacutezout en arithmeacutetique Il est le premier agrave donner une deacutemonstration correcte du theacuteoregraveme suivant selon lequel deux courbes algeacutebriques respectivement de degreacute m et n se rencontrent en geacuteneacuteral en mn points en comptant les multipliciteacutes

Degreacute 4

Degreacute 3

Degreacute 2

Degreacute 2

Lemme drsquoEuclide

Si un nombre pre-mier p divise le produit de deux nombres entiers b et c alors p divise b ou c

(Eacuteleacutements proposition VII30)

Lemme de Gauss

Si un nombre entier a divise le produit de deux autres nombres entiers b et c et si a est pre-mier avec b alors a divise c

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Multiplication eacutegyptienneDans tous les systegravemes de numeacuteration on a eu recours agrave des algorithmes pour effectuer des opeacuterations

Ainsi pour multiplier 19 par 23 le scribe eacutegyptien associe le plus grand des deux nombres agrave lrsquouniteacute et double ces nombres4 Il arrecircte lorsque le nombre de la colonne de gauche devient plus grand que le multipli-cateur

Puisque 19 = 16 + 2 + 1 il additionne les nombres de la colonne de droite sur les lignes non biffeacutees ce qui donne

19times23 = 23 + 46 + 368 = 437

On qualifie le systegraveme de numeacuteration eacutegyptien de systegraveme additif de base dix Il est additif car crsquoest par la reacutepeacutetition des symboles que lrsquoon eacutecrit un nombre et de base dix car un nouveau symbole est utiliseacute pour chaque puissance de dix

Dans ce systegraveme pour multiplier un nombre par 2 il suffit de doubler le nombre de sym-boles et drsquoeffectuer les regroupements en remplaccedilant tout groupe de 10 symboles identiques par le symbole supeacuterieur En utilisant cette eacutecriture des nombres la multiplication que nous venons drsquoeffectuer srsquoeacutecrit de la faccedilon ci-bas

On arrecircte lorsqursquoen doublant dans la colonne de gauche on obtient un nombre plus grand que le multiplicateur (en dou-blant les symboles du dernier nombre de la colonne de gauche on obtiendrait deux symboles suivis de plusieurs symboles ce qui est plus grand que le multiplicateur)

Le scribe repegravere alors dans la colonne de gauche les nombres qui additionneacutes donnent le multiplicateur soit

+ + =

DossierHistoire

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Reacutesolution agrave lrsquoaide de lrsquoalgorithme drsquoEuclideConsideacuterons lrsquoeacutequation

510x + 294y = 6

Cette eacutequation admet-elle des solutions En appliquant lrsquoalgorithme drsquoEuclide on obtient que

510 = 1times294 + 216On isole les restes

294 = 1times216 + 78216 = 2times78 + 6078 = 1times60 + 1860 = 3times18 + 618 = 3times6 + 0

rArr

216 = 510 ndash 1times294 78 = 294 ndash 1times216 60 = 216 ndash 2times78 18 = 78 ndash 1times60

6 = 60 ndash 3times18

Dans la colonne de gauche le dernier reste non nul est 6 on a donc pgcd(294 510) = 6 Par conseacutequent le theacuteoregraveme de Bachet-Beacutezout nous garantit que lrsquoeacutequa-tion admet une solution (x0 y0) On deacutetermine celle-ci en isolant les restes ce qui est fait dans la colonne de droite On substitue ensuite en laquo remontant la chaicircne raquo de calculs afin drsquoexprimer 6 en termes de 294 et de 510

Cela donne

18

6 = 60 ndash 3times(78 ndash 1times60) = 4times60 ndash 3times78

6 = 4times(216 ndash 2times78) ndash 3times78 = 4times216 ndash 11times78

6 = 4times216 ndash 11times(294 ndash 1times216) = 15times216 ndash 11times294

6 = 15times(510 ndash 1times294) ndash 11times294 = 15times510 ndash 26times294

60

78

216

Par conseacutequent le couple (15 ndash26) est une solution de lrsquoeacutequation 510x + 294y = 6 Lrsquoensemble des solu-tions entiegraveres est formeacute de tous les couples de la forme (15 ndash 49k ndash26 + 85k) ougrave k est un entier

1248

1632

234692

184368

1248

1619

234692

184368437

Le bacircton repreacutesente lrsquouniteacute

Lrsquoanse de panier la dizaine

Le rouleau de papyrus la centaine

La fleur de lotus le millier

Le doigt deacutesignant les eacutetoiles dix mille

Le tecirctard cent milleLe dieu agenouilleacute soutenant le mondeun million

NUMEacuteRATION HIEacuteROGLYPHIQUEValeur des symboles

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

Il suffit drsquoadditionner les reacutesultats des lignes dont la somme donne le multiplicateur ce qui donne

En eacutecriture moderne le scribe exprime le multiplicateur comme somme de puissances de 2 soit

19 = 16 + 2 + 1

En doublant la valeur du multiplicande et en retenant les valeurs correspondant aux termes de la deacutecomposition du multiplica-teur en somme de puissances de 2 il obtient 23times19 = 23times(16 + 2 + 1) = 368 + 46 + 23 = 437

Division eacutegyptiennePour illustrer comment srsquoeffectue une division consideacuterons lrsquoopeacuteration

divide

Le scribe associe le diviseur agrave lrsquouniteacute et il double successivement jusqursquoagrave obtenir le plus grand multiple du diviseur infeacuterieur au nombre agrave diviser

Dans ce tableau le scribe deacutetecte aiseacutement qursquoen doublant le nombre de la colonne de gauche il obtiendrait un nombre plus grand que le dividende En effet il obtiendrait alors deux symboles suivis de deux symboles (lecture de droite agrave gauche) alors que le divi-dende est formeacute de deux symboles suivi drsquoun seul symbole

Le dividende peut alors srsquoexprimer comme la somme de certains des nombres de la colonne de gauche plus possiblement un reste plus petit que le diviseur

Le scribe fait la somme des nombres des deux derniegraveres lignes de la colonne de gauche ce qui donne un nombre plus petit que le divi-dende En effet elle ne contient qursquoun seul symbole alors que le dividende en a deux (En langage moderne le chiffre des centaines est trop petit)

De plus il peut facilement constater qursquoen additionnant agrave ce reacutesultat le nombre de la troisiegraveme ligne agrave partir du bas il va obtenir deux symboles suivis de deux symboles

La somme serait donc plus grande que le dividende qui est formeacute de deux symboles

suivi drsquoun seul symbole Cette somme serait plus grande que le dividende ce qui signifie que le nombre de la troisiegraveme ligne agrave partir du bas ne fait pas partie du deacutevelop-pement du dividende en somme de multiples du diviseur Il faut biffer cette ligne dans le tableau

En ajoutant plutocirct le nombre de la quatriegraveme ligne agrave partir du bas et en comparant le reacutesultat au dividende il constate que cette somme est plus petite que le dividende (elle ne contient pas le symbole alors que le dividende en a un et le diviseur est plus petit que )

Il ajoute alors le nombre de la ligne du haut En comparant le dividende et la somme obtenue le scribe peut facilement constater que le reste est 3

En effectuant la somme des nombres conser-veacutes dans la colonne de droite le scribe deacuteter-mine le quotient Il a donc obtenu

219 = 27 times 8 + 3

De nos jours on eacutecrirait le quotient

2738

ou 27375

Comparaison

Comparaison

SommeDividende

SommeDividende

SommeDividende

Le reste est ce qui manquepour avoir lrsquoeacutegaliteacute soit

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DossierHistoire

Pour repreacutesenter une fraction le scribe eacutegyptien inscrivait lrsquohieacuteroglyphe au-dessus drsquoun nombre Ainsi pour repreacutesenter la fraction 112 le scribe doit eacutecrire Cette faccedilon de faire a un inconveacutenient le numeacuterateur des fractions est toujours lrsquouniteacute (sauf pour 23 pour lequel on disposait drsquoun hieacuteroglyphe particulier)

Pour indiquer 38 le scribe devait donc consideacuterer que 38 = 14 + 18 et eacutecrire

Reacuteglettes de Napier et extraction de racinesLa multiplication et la division en numeacuteration eacutegyptienne illustrent le fait qursquoun algorithme deacutepend du systegraveme de numeacuteration utiliseacute Il peut aussi deacutependre de lrsquoinstrument de calcul utiliseacute Napier a deacuteveloppeacute un algorithme pour extraire une racine carreacutee agrave lrsquoaide de ses reacuteglettes5

Lrsquoalgorithme de Napier repose sur la meacutethode traditionnelle laquo agrave la main raquo pour extraire une racine carreacutee6 Il considegravere une reacuteglette suppleacutementaire (en jaune dans les illustrations) repreacutesentant les car-reacutes des nombres de 1 agrave 9 Lrsquoalgo-rithme srsquoapplique agrave un nombre srsquoeacutecrivant avec un nombre pair de chiffres que lrsquoon divise en tranches de deux chiffres (si ce nrsquoest pas le cas on ajoute un 0 agrave la gauche du nombre) Effectuons lrsquoextraction de

la racine carreacutee du nombre 463 856

Dans ce nombre la premiegravere tranche de deux chiffres est 46 Le plus grand chiffre dont le carreacute est infeacuterieur agrave 46 est 6 Crsquoest le premier chiffre du reacutesultat

463 856 6=

En soustrayant de 46 le carreacute de 6 on obtient 10 et on abaisse les deux chiffres suivant du nombre agrave extraire

463 85636ndash10 3 8

On dispose dans le plateau les reacuteglettes du double du premier chiffre du reacutesultat (ici les reacuteglettes 1 et 2 pour 12) suivies de la reacuteglette

jaune et on repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutediatement 1 038 dans ceux repreacutesenteacutes par les lignes du plateau Sur la huitiegraveme ligne on lit 1 024

Le deuxiegraveme chiffre de la racine carreacutee est donc 8

463 856 68=

On soustrait 1 024 de 1 038 ce qui donne 14 et on abaisse la tranche des deux chiffres suivants du nombre agrave extraire ce qui donne 1 456

On double le second chiffre de la racine 2 times 8 = 16 que lrsquoon ajoute au nombre 12 deacutejagrave formeacute en le multipliant par 10 soit 12 times 10 + 16 =136

On dispose dans le plateau les reacuteglettes du nombre 136 suivis de la reacuteglette jaune et on

5 Les algorithmes pour la multiplication et la division agrave lrsquoaide de reacuteglettes ont eacuteteacute preacutesen-teacutes dans lrsquoarticle laquoJohn Napierraquo Accromath Vol 14 hiver-printemps 2019

6 Lrsquoalgorithme traditionnel pour la racine carreacutee fait lrsquoobjet du problegraveme laquo Racines cristallines raquo drsquoAccromath (vol 11 eacuteteacute-automne 2016 p 32) en lien avec le texte laquo Glanures matheacutematico-litteacuteraires (II) raquo de Bernard R Hodgson

Le symbole deacutesigne une addition alors que indique

une soustraction

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Plus grand carreacuteinfeacuterieur agrave 47

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutediate-ment 1 456 Sur la premiegravere ligne on a 1 361 Le troisiegraveme chiffre de la racine est donc 1

463 856 681=

En soustrayant 1 361 de 1 456 on obtient 95 Crsquoest la derniegravere tranche de deux chiffres du nombre dont on veut extraire la racine on ajoute une virgule deacutecimale et on abaisse 00 pour obtenir 9 500

On double le troisiegraveme chiffre de la racine 2 times 1 = 2 que lrsquoon ajoute au nombre deacutejagrave formeacute que lrsquoon multiplie par 10 soit 136 times 10 + 2 =1 362 On dispose dans le

plateau les reacuteglettes du nombre 1 362 suivis de la reacuteglette jaune On remarque que le nombre sur la ligne 1 est plus grand que 9500 On ajoute un 0 apregraves la virgule deacutecimale

463 856 6810=

et on abaisse agrave nouveau 00 ce qui donne 950 000 On intercale la reacuteglette de 0 avant la reacuteglette jaune

On repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutedia-tement 950 000 crsquoest 817 236 sur la ligne 6 Le deuxiegraveme chiffre apregraves la virgule deacutecimale est donc 6 Ce qui donne

463 856 68106=

On poursuit ainsi en abaissant 00 agrave chaque eacutetape jusqursquoagrave ce que lrsquoon obtienne la preacuteci-sion chercheacutee

Pour y voir plus clairOn cherche agrave exprimer le nombre dont on veut extraire la racine carreacutee sous la forme

463 856 = (a times 102 + b times 10 + c)2 + Rcar il est clair que la partie entiegravere de cette racine carreacutee srsquoeacutecrit avec trois chiffres

Agrave chaque eacutetape du calcul on exprime le nombre comme somme drsquoun carreacute parfait et drsquoun terme reacutesiduel allant chercher un des trois chiffres a b et c agrave la fois

Agrave la premiegravere eacutetape on a donc

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6times102)2 + 103 856

Agrave lrsquoissue de la seconde eacutetape on obtient

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6times102 + 8times10)2 +1 456

Et agrave lrsquoissue de la troisiegraveme eacutetape on obtient enfin

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6 times 102 + 8 times 10 + 1)2 + 95

La partie entiegravere de la racine carreacutee de 463 856 est donc 681 Pour trouver la partie deacutecimale de cette racine il srsquoagit maintenant de poursuivre les calculs sur la partie reacutesiduelle R = 95

ConclusionLe vocable algorithme est devenu drsquousage courant avec lrsquoavegravenement des ordinateurs Cependant des algorithmes ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes tregraves tocirct dans lrsquohistoire Degraves que les premiers systegravemes de numeacuteration sont apparus on a deacuteveloppeacute des algorithmes pour effec-tuer les opeacuterations usuelles addition soustraction multiplication division En cherchant agrave reacutesoudre des problegravemes plus eacutelaboreacutes comme lrsquoextraction de racines ou la recherche du pgcd de deux nombres entiers il a fallu deacutevelopper drsquoautres algorithmes plus pousseacutes et parfois eacutetonnants

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Pierre de Fermat est tregraves connu pour son grand theacuteoregraveme concernant la non-existence de solutions entiegraveres positives

de lrsquoeacutequation xn + yn = zn pour chaque entier n ge 3 Toutefois une de ses plus importantes contributions

aux matheacutematiques modernes est sa meacutethode tout agrave fait originale pour factoriser des grands nombres

Plusieurs considegraverent Fermat comme le fondateur (avec Blaise Pascal) de la theacuteorie des probabiliteacutes et comme un preacutecurseur du calcul diffeacuterentiel par sa meacutethode de recherche des maximums et des minimums drsquoune fonction Toutefois sa meacutethode tout agrave fait originale pour factoriser des grands nombres est une de ses plus grandes contribu-tions aux matheacutematiques modernes et crsquoest souvent un fait dont lrsquoimportance est neacutegligeacutee

Comment fait-on pour laquo factoriser raquo un nombre Drsquoentreacutee de jeu il est bien drsquoexpliquer ce qursquoon veut-on dire par laquo factoriser raquo un nombre Drsquoabord rappelons que selon le theacuteoregraveme fondamental de lrsquoarithmeacutetique tout entier supeacuterieur agrave 1 peut srsquoeacutecrire comme un produit de nombres premiers et cette repreacutesentation est unique si on eacutecrit ses facteurs premiers en ordre croissant Ainsi le nombre 60 peut srsquoeacutecrire comme 60 = 22times3times5 et cette factori-sation est unique

Est-il important de connaicirctre la factorisation drsquoun nombre La reacuteponse est OUI agrave tout le moins depuis quelques deacutecennies plus preacuteciseacutement depuis 1978 anneacutee de la creacuteation de la meacutethode de chiffrement RSA largement utiliseacutee de nos jours pour seacutecuriser les transactions bancaires Cette meacutethode tient au fait que bien qursquoil soit facile de multiplier des nombres il est en contrepartie tregraves difficile de faire le chemin inverse crsquoest-agrave-dire de prendre un grand nombre composeacute et de trouver ses facteurs premiers Drsquoougrave la course sur la planegravete pour trouver des algorithmes de factorisation de plus en plus performants qui pourraient laquo casser raquo le code RSA Crsquoest ainsi qursquoen 1976 agrave lrsquoaide des algorithmes connus et des ordinateurs de lrsquoeacutepoque on estimait qursquoil faudrait plus de 1020 anneacutees pour arriver agrave factoriser 2251 ndash 1 un nombre de 76 chiffres Aujourdrsquohui en utilisant un logiciel de calcul installeacute sur un ordinateur de bureau il est possible drsquoobtenir cette factorisation en moins drsquoune minute

Jean-Marie De KoninckUniversiteacute Laval

Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres

Pierre de Fermat (1601-1665) Le matheacutematicien fran-ccedilais Pierre de Fermat eacutetait drsquoabord et avant tout un avocat et un officiel du gouverne-

ment dans la ville de Toulouse Dans ses temps libres il exerccedilait sa passion pour les matheacutematiques et la physique Mecircme si on peut le qualifier de laquo matheacutematicien amateur raquo il est neacuteanmoins passeacute agrave lrsquohistoire comme fondateur de la theacuteorie moderne des nombres

Nombre premier et nombre composeacute

Un entier n gt 1 est appeleacute nombre premier sil nest divisible que par 1 et par lui-mecircme Ainsi 7 est un nombre premier car ses seuls diviseurs entiers sont 1 et 7 alors que 6 nest pas premier puisquil est non seulement divisible par 1 et 6 mais il lest aussi par 2 et 3 Un entier n gt 1 qui nest pas premier est appeleacute nombre composeacute

Nombre premier

Nombres composeacutes

2 times 5 = 10

3 times 5 = 15

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Cependant le veacuteritable deacutefi est drsquoecirctre en me-sure de factoriser des nombres arbitraires de 300 chiffres et plus ce qui est preacutesentement impossible mecircme agrave lrsquoaide drsquoordinateurs tregraves puissants Drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la recherche de nouveaux algorithmes de factorisation

Comment srsquoy prendre pour factoriser un nombre Comment pourrions-nous proceacuteder pour factoriser un nombre composeacute dont on ne connaicirct agrave priori aucun facteur De toute eacutevidence on srsquointeacuteresse ici seulement agrave la factorisation des nombres impairs car autre-ment il suffit de diviser par 2 le nombre agrave factoriser jusqursquoagrave ce qursquoil laquo devienne raquo impair Agrave titre drsquoexemple pour trouver la factorisa-tion du nombre n = 11 009 on peut utiliser lrsquoapproche tout agrave fait naturelle qui consiste agrave examiner successivement la divisibiliteacute

de n par chacun des nombres premiers 3 5 7 11 et ainsi de suite En proceacutedant ainsi on constate eacuteventuellement que ce nombre n est divisible par 101 et que n =101 times 109 menant du coup agrave la factorisation 11 009 = 101 times 109 Bravo Mais avouez que cela a eacuteteacute un peu laborieux car on a ducirc veacuterifier la divisibiliteacute de n par chacun des nombres premiers infeacuterieurs agrave 101 Drsquoail-leurs on se convainc aiseacutement que pour un nombre arbitraire n il aurait fallu veacuterifier la divisibiliteacute par chacun des nombres premiers plus petits que n Cela veut dire que pour un nombre de 200 chiffres il faudrait veacuterifier sa divisibiliteacute par tous les nombres premiers de moins de 100 chiffres un travail colossal Crsquoest pourquoi il est leacutegitime de se demander srsquoil existe des meacutethodes plus efficaces pour factoriser des nombres Or justement Pierre de Fermat en a trouveacute une qui srsquoavegravere drsquoune simpliciteacute deacuteconcertante (Voir encadreacute ci-bas)

Pour illustrer sa meacutethode Fermat a choisi le nombre

n = 2 027 651 281

La meacutethode de factorisation de Fermat Dentreacutee de jeu on peut supposer que le nombre n agrave fac-toriser nest pas un carreacute parfait car sinon on sattardera tout simplement agrave la factorisation du nombre m = nDeacutebutons avec un exemple Si on vous demande de factoriser le nombre 899 peut-ecirctre allez-vous eacutecrire

899 = 900 ndash 1 = 302 ndash 12

= (30 ndash 1)(30 + 1) = 29 times 31

et le tour est joueacute Quelle chance que 899 soit une diffeacuterence de deux carreacutes nest-ce pas Non pas du tout car en reacutealiteacute cest le cas de tout entier posi-tif impair composeacute et cest lideacutee de base de la meacutethode de factorisation de Fermat En effet pour un tel entier n il existe neacutecessairement deux entiers a gt b ge 1 tels que n = a2 ndash b2 auquel cas

n = (a ndash b)(a + b)

Pourquoi Supposons que n = rs avec 1 lt r lt s On peut facilement veacuterifier que les nombres a = (s + r) 2 and b = (s ndash r)2 sont tels que n = a2 ndash b2 Mais com-ment fait-on pour trouver ces deux entiers a et b Certes on a n = a2 ndash b2 lt a2 et donc a gt n auquel cas a ge n + 1 Ici x deacutesigne le plus grand entier le x Commenccedilons donc par poser a = n + 1 Si a2 ndash n est un carreacute parfait disons a2 ndash n = b2 alors nous avons trouveacute a et b comme requis Autrement (cest-agrave-dire si a2 ndash n nest pas un carreacute parfait) on choisit a = n + 2 et ainsi de suite jusquagrave ce que lon trouve un entier positif k tel que le nombre a = n + k soit tel que a2 ndash n est un carreacute parfait que lon eacutecrit alors comme b2 Ce processus a une fin en ce sens quon va eacuteventuelle-ment trouver un nombre b tel que b2 = a2 ndash n et cela parce que lon sait deacutejagrave que b = (s ndash r)2 fait laffaire

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Il obtient drsquoabord que n = 45 029 et commence ainsi avec

a = 45 029 + 1 = 45 030

comme 45 0302 ndash 2 027 651 281 = 49 619 nrsquoest pas un carreacute parfait il pose ensuite a = 45 031 qui ne produit pas non plus de carreacute parfait et ainsi de suite jusqursquoagrave ce qursquoil pose a = 45 041 qui donne

= minus

= =

b 45 041 2 027 651 281

1 040 400 1 020

2

Fermat conclut alors que n = 2 027 651 281 = 45 0412 ndash 1 0202 = (45 041 ndash 1 020)(45 041 + 1 020) = 44 021 times 46 061

Si on choisit de programmer cette meacutethode avec le logiciel de calcul Python1 on peut eacutecrire ceci (dans le cas particulier n = 2 027 651 281)

ce qui donnera

a = 45 041 et b = 1 020 et

n = 44 021times46 061

La meacutethode de Fermat est-elle reacuteellement efficace La reacuteponse courte est laquo Cela deacutepend de la nature du nombre agrave factoriser raquo2 Afin de donner une reacuteponse preacutecise agrave cette question eacutevaluons le nombre drsquoopeacuterations eacuteleacutementaires neacutecessaires pour exeacutecuter la meacutethode de Fermat Par laquo opeacuteration eacuteleacutementaire raquo on en-tend lrsquoaddition la soustraction la

multiplication la division lrsquoeacuteleacutevation agrave une puissance et lrsquoextraction de la racine carreacutee Une opeacuteration eacuteleacutementaire est aussi parfois appeleacutee une laquo eacutetape raquo On dira drsquoun algo-rithme qursquoil est laquo rapide raquo srsquoil srsquoexeacutecute en peu drsquoeacutetapes

Eacutetant donneacute un entier positif n qui nrsquoest pas un carreacute parfait on dit que les nombres d1 et d2 sont les diviseurs milieux de n si d1 est le plus grand diviseur de n infeacuterieur agrave n et d2 =nd1 On peut alors deacutemontrer que le nombre k drsquoeacutetapes requises pour factoriser n via la meacutethode de Fermat est exactement

k =d1 +d2

2 d1d2

soit essentiellement la diffeacuterence entre la moyenne arithmeacutetique et la moyenne geacuteo-meacutetrique des diviseurs d1 et d2 En effet comme on lrsquoa vu ci-dessus (encadreacute p 9) on a

Exeacutecuter lrsquoalgorithme de Fermat consiste donc agrave chercher le plus petit entier k ge1 tel que

n + k( )2 n est un entiera

Or n + k = a implique que k = a ndash n et cela entraicircne

k =d1 +d2

2 d1d2

Pour quels entiers lrsquoalgorithme de Fermat est-il rapide Le temps drsquoexeacutecution pour factoriser un en-tier n en utilisant lrsquoalgorithme de Fermat sera court si ses diviseurs milieux sont pregraves lrsquoun de lrsquoautre crsquoest-agrave-dire pregraves de n (voir lrsquoencadreacute p 11) En contrepartie si les divi-seurs milieux sont eacuteloigneacutes lrsquoun de lrsquoautre alors exeacutecuter la meacutethode de Fermat peut prendre davantage de temps que la simple veacuterification de la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers (voir lrsquoencadreacute p 12)

DossierApplications

1 Logiciel libre que lrsquoon peut teacuteleacutecharger gratuitement sur Internet

2 Voir Section problegravemes

On doit deacuteterminer a et b tels que

n = a2 ndash b2ougrave n et b sont les cathegravetes drsquoun triangle rectangle drsquohypoteacutenuse a Le cocircteacute b est tel que

b2 = a2 ndash n Lrsquohypoteacutenuse doit ecirctre plus grande que les cathegravetes soit

a gt nOn calcule a2 ndash n pour les entiers plus grands n soit

a = n + 1 a = n + 2

a = n + kLorsque (a2 ndash n) est un car-reacute parfait b2 on a alors

a2 ndash n = b2

drsquoougrave n = a2 ndash b2 = (a ndash b)(a + b)On en conclut que n est fac-torisable puisque (a ndash b) et (a + b) en sont des facteurs

La meacutethode de Fermat en image

aa2 gt n

a gt bb2 = a2 ndash n

n

nCarreacutedrsquoaire n

a + b

a ndash b

a ndash b

a + b

a + b

a

b

b

Rectangle drsquoaire n

import math

n = 2 027 651 281

a=mathfloor(mathsqrt(n))+1

b=mathsqrt(a2-n)

while b =int(b)

a+=1

print (a= d et b= d ---gt n= d x d (int(a)int(b)int(a-b)int(a+b))

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Tirer le maximum de la meacutethode de Fermat Comme on vient de le voir si la distance qui seacutepare les diviseurs milieux drsquoun entier n est grande la meacutethode de Fermat est peu efficace On peut contourner ce problegraveme en veacuterifiant au preacutealable la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers3 Par exemple supposons qursquoon ose srsquoattaquer agrave la factorisation du nombre de 16 chiffres n = 489 + 3 = 1 352 605 460 594 691 Appli-quer naiumlvement la meacutethode de Fermat nous amegravenera sans doute agrave abandonner notre ap-proche une fois rendu agrave quelques millions drsquoeacutetapes Une approche plus senseacutee consiste agrave drsquoabord identifier les possibles petits fac-teurs premiers de n soit en veacuterifiant la divisi-biliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave 10 000 ou 100 000 disons ce qursquoon sera en mesure de reacutealiser tregraves rapidement agrave lrsquoaide drsquoun logiciel de calcul Crsquoest ainsi qursquoon deacute-couvre que notre nombre n est divisible par 3 et 1 249 Le problegraveme se ramegravene alors agrave factoriser le nombre

=times

=nn

3 1 249360 983 576 3531

Appliquer la meacutethode de Fermat agrave ce nou-veau nombre donne

n1 = 587 201 times 614 753

et cela apregraves seulement 157 eacutetapes En ras-semblant nos calculs on obtient finalement que

n = 1 352 605 460 594 691

= 3 times 1 249 times n1

= 3 times 1 249 times 587 201 times 614 753

Dans cet exemple nous avons eacuteteacute chanceux car les deux plus grands facteurs premiers de n eacutetaient proches lrsquoun de lrsquoautre Il va de soi que ce nrsquoest pas toujours le cas Crsquoest pour-quoi si apregraves avoir eacutelimineacute les petits facteurs premiers de n la meacutethode de Fermat prend trop de temps agrave deacutevoiler ses grands facteurs premiers il est rassurant de savoir qursquoil existe drsquoautres avenues

Compliquer le problegraveme pour mieux le simplifier Une autre approche pour factoriser un nombre n est drsquoappliquer la meacutethode de Fermat agrave un nombre plus grand que n lui-mecircme en fait agrave un multiple de n Prenons par exemple le nombre n = 54 641 Comme ce nombre est relativement petit la meacutethode de Fermat trouvera sa factorisation agrave savoir n = 101 times 541 en 87 eacutetapes un nombre neacuteanmoins plutocirct grand compte tenu de la petite taille de n Toutefois si on avait su que lrsquoun des facteurs premiers de n eacutetait approximativement 5 fois son autre facteur premier on aurait pu preacutealablement multiplier n par 5 permet-tant ainsi au nouveau nombre 5n drsquoavoir ses

Algorithme (application rapide) lorsque les diviseurs milieux sont proches

Si les diviseurs milieux d1 lt d2 dun nombre n sont tels que la distance ∆ = d21048576ndash d1 qui les seacutepare satisfait agrave ∆ lt d1 et si k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n il deacutecoule de k =

d1 +d2

2 d1d2 que

kd d

d d

d dd

2( ) 1

21 1

1 11 1

1 11

lt + + minus + +

= + minus + +

Par ailleurs on peut montrer que lineacutegaliteacute

+ gt + minusyy y

1 12 8

2tient pour tout y isin (0 1)

Pour sen convaincre il suffit deacutelever chacun de ses cocircteacutes au carreacute et dutiliser le fait que y lt 1 En posant y = ∆d1 dans lrsquoineacutegaliteacute preacuteceacutedente il deacutecoule alors que

lt + minus + minus

+ = +k d dd d d2

112

18

118

11 11

2

12

2

1

lequel nombre est laquo petit raquo en autant que ∆ ne soit pas trop grand Ainsi pour n = 20 099 = 101 times 199 on obtient que

lttimes

+ ltk98

8 1011 13

2

un nombre deacutetapes relativement petit

3 Plus geacuteneacuteralement pour calculer le plus grand commun diviseur de deux entiers on peut utiliser lrsquoalgorithme drsquoEuclide lequel est tregraves rapide (voir lrsquoarticle laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo p 2 de ce numeacutero)

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DossierApplications

diviseurs milieux essentiellement du mecircme ordre de grandeur de sorte que la meacutethode de Fermat appliqueacutee au nombre 5n aurait reacuteveacuteleacute ses facteurs 505 et 541 en une seule eacutetape Il aurait ensuite suffi de veacuterifier lequel de 505 et de 541 avait laquo heacuteriteacute raquo du facteur artificiel 5 ce qui est bien sucircr tregraves facile agrave faire Voila qui est bien facile lorsqursquoon sait qursquoun des facteurs est proche drsquoun multiple drsquoun autre facteur une information dont on ne dispose malheureusement pas agrave lrsquoavance

Peut-on neacuteanmoins explorer cette approche pour un nombre composeacute arbitraire Lrsquoideacutee serait de consideacuterer le nombre n times r pour un choix approprieacute de r Par exemple si n = pq et r = uv nous aurons nr = pu times qv et si nous sommes chanceux les deux nouveaux diviseurs pu et qv (de nr) seront suffisamment proches lrsquoun de lrsquoautre pour nous permettre drsquoappli-quer lrsquoalgorithme de Fermat avec succegraves En 1974 utilisant un raffinement de cette ideacutee R Sherman Lehman est parvenu agrave montrer que lrsquoon peut en effet acceacuteleacuterer la meacutethode de Fermat et de fait factoriser un entier im-pair n en seulement n13 eacutetapes

Les nombreuses ameacuteliorations de lrsquoideacutee originale de FermatEst-il possible de faire encore mieux Dans les anneacutees 1920 Maurice Kraitchik ameacute-liorait la meacutethode de Fermat et on sait aujourdrsquohui que son approche a constitueacute la base des principales meacutethodes modernes de factorisation des grands nombres Lrsquoideacutee de Kraitchik est la suivante plutocirct que de cher-cher des entiers a et b tels que n = a2 ndash b2 il suffit de trouver des entiers u et v tels que u2 ndash v2 est un multiple de n Par exemple sachant que 1272 ndash 802 est un multiple du nombre n = 1 081 on peut encore une fois profiter de lrsquoidentiteacute

u2 ndash v2 = (u ndash v)(u + v)

Dans notre cas on peut eacutecrire que

1272 ndash 802 = (127 ndash 80)(127 + 80)

= 47 times207

Algorithme (application lente) lorsque les diviseurs milieux sont eacuteloigneacutes

Supposons par exemple que lon cherche agrave factoriser un nombre n de 20 chiffres qui en reacutealiteacute est le produit de deux nombres premiers lun fait de 5 chiffres et lautre de 15 chiffres Il deacutecoule alors de la for-mule

k =d1 +d2

2 d1d2

ougrave k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n par la meacutethode de Fermat qursquoon aura

gt+

minus

gt gt

k n10 10

2

102

ndash10 10

4 14

1410 13

alors quen testant simplement la divi-sibiliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave n lt 1010 cela aurait eacuteteacute au moins mille fois plus rapide

Maurice Kraitchik 1882-1957Matheacutematicien et vulgarisateur scientifique belge Kraitchik sest surtout inteacuteresseacute agrave la theacuteorie des nombres et aux matheacutematiques reacutecreacuteatives

Il est lrsquoauteur de plusieurs ouvrages sur la theacuteorie des nombres reacutedigeacutes entre 1922 et 1930 De 1931 agrave 1939 il a eacutediteacute la revue Sphinx un mensuel consacreacute aux matheacutematiques reacutecreacuteatives Eacutemigreacute aux Etats-Unis lors de la Seconde Guerre mondiale il a enseigneacute agrave la New School for Social Research agrave New York Il srsquoest particuliegraverement inteacuteresseacute au thegraveme geacuteneacuteral des reacutecreacuteations matheacutematiques

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Comme tout facteur premier de n doit obli-gatoirement ecirctre un facteur de 47 ou de 207 et comme 207 = 9 times 23 on peut rapidement conclure que n = 23 times 47 Bien sucircr pour que cette approche soit efficace il faut eacutelaborer des astuces permettant de trouver des multiples du nombre agrave factoriser qui puissent srsquoeacutecrire comme une diffeacuterence de deux carreacutes Or crsquoest preacuteciseacutement ce que plusieurs matheacutematiciens ont reacuteussi agrave faire au cours du vingtiegraveme siegravecle

Ougrave en est-on aujourdrsquohui On a vu qursquoen optimisant la meacutethode origi-nale de Fermat R Sherman Lehman pouvait factoriser un entier n en environ n13 eacutetapes Or dans les anneacutees 1980 en faisant intervenir des outils matheacutematiques plus avanceacutes dont des notions drsquoalgegravebre lineacuteaire Carl Pomerance a davantage peaufineacute la meacutethode originale de Fermat et creacuteeacute une nouvelle meacute-thode de factorisation connue sous le nom de crible quadratique On sait montrer que dans la pratique avec le crible quadratique

il suffit drsquoau plus timese n n(ln ) ln(ln ) eacutetapes pour factoriser un nombre arbitraire n ce qui peut faire une eacutenorme diffeacuterence lorsqursquoil srsquoagit de factoriser de tregraves grands nombres Crsquoest ain-si que le crible quadratique permet de facto-riser un nombre n de 75 chiffres en moins de

=

lt lt

times timese e

e 10 eacutetapes

ln(10 ) ln(ln10 ) 75ln10 ln(75ln10)

299 13

75 75

alors que la meacutethode de Lehman en requiert environ 1025

Et dire que toute cette panoplie de meacutethodes de factorisation ont leur origine dans une ideacutee de Fermat datant de plus de trois siegravecles et demi

Une belle application de la meacutethode de Fermat

On peut montrer que tout entier de la forme 4k4 + 1 peut ecirctre factoriseacutee en utilisant la meacutethode de Fermat en une seule eacutetape

Soit n = 4k4 + 1 On observe drsquoabord que

n 4k 4 +1= = 2k2

En utilisant la meacutethode de Fermat on choisit drsquoabord

a = n + 1 = 2k2 + 1

On veacuterifie ensuite si a2 ndash n est un carreacute parfait Pour y arriver on eacutecrit

a2 ndash n = (2k2 + 1)2 ndash (4k4 + 1)

= 4k4 + 4k2 + 1 ndash 4k4 ndash 1 = 4k2

qui est un carreacute parfait

On peut donc conclure quen posant 4k2 = b2 on a

n = a2 ndash b2 = (2k2 + 1)2 ndash (2k)2

= (2k2 ndash 2k + 1)(2k2 + 2k + 1)

ce qui fournit la factorisation souhaiteacutee

On peut utiliser cette information pour trouver par exemple la factorisation complegravete de n = 258 + 1

En effet commen = 4 times 256 + 1 = 4 times (214)4 + 1

est bien de la forme 4k4 +1 la meacutethode de Fermat devrait nous fournir ses deux diviseurs milieux du premier coup Effective-ment on a

a = n + 1 = 2k2 + 1 = 536 870 913

On a tout de suite

a2 ndash n = 10 73 741 824 = 32 7682 = b2

de sorte que

n = a2 ndash b2

= (53 68 70 913 ndash 32 768)(53 68 70 913 + 32 768)

= 53 68 38 145 times 53 69 03 681

Comme le premier de ces deux facteurs est de toute eacutevidence un multiple de 5 on peut donc conclure que

n = 258 + 1 = 5 times 107 367 629 times 536 903 681

fournissant ainsi la factorisation souhaiteacutee

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atio

ns

Il est facile drsquoemmecircler un fil de pecircche alors qursquoil est tregraves difficile de le deacutemecircler De mecircme certaines opeacuterations sur les nombres

sont faciles dans un sens et difficiles dans lrsquoautre On les appelle opeacuterations agrave sens unique Elles sont utiliseacutees pour la cryptographie

Lorsque vous envoyez votre numeacutero de carte de creacutedit par Internet agrave un site proteacutegeacute le logiciel crypte celui-ci par le code RSA du nom de ses inventeurs Ronald Rivest Adi Shamir et Leonard Adleman

Historiquement les codes secrets ont tous eacuteteacute perceacutes Mais le code RSA publieacute en 1978 reacutesiste encore malgreacute tous les efforts de la communauteacute matheacutematique pour le briser Il repose sur le fait que si on prend deux tregraves grands nombres premiers distincts p et q et qursquoon les multiplie pour obtenir n = pq alors il est hors de porteacutee des ordinateurs actuels2 de reacutecupeacuterer p et q Ainsi on peut se permettre de publier n la cleacute qui sert au cryptage sans crainte que quiconque puisse reacutecupeacuterer p et q qui servent au deacutecryptage Ce proceacutedeacute srsquoappelle la cryptographie agrave cleacute publique parce que la recette de cryptage est publique

Aussi surprenant que cela puisse paraicirctre il est facile pour un ordinateur de fabri-quer de grands nombres premiers Plusieurs algorithmes geacuteneacuterant de grands nombres premiers sont probabilistes Nous allons en preacutesenter un ci-dessous

Dans la cryptographie agrave cleacute publique les mes-sages sont des nombres m infeacuterieurs agrave n On demandera drsquoeacutelever le nombre m agrave une tregraves grande puissance e ougrave e est un nombre qui est eacutegalement public Le message encrypteacute a est le reste de la division de me par n Tou-jours surprenant il est facile pour un or-dinateur de calculer ce reste mecircme si m et e ont chacun 200 chiffres Nous allons voir comment Le deacutecryptage se fait de maniegravere symeacutetrique en calculant le reste de la division de ad par n Mais d est inconnuhellip et pour le calculer il faut connaicirctre p et q et donc factoriser n Donc seul le concepteur qui a choisi p et q peut lire le message

Combien de temps reacutesistera le code RSA Si ce nrsquoeacutetait que des progregraves de la factorisation des entiers et de lrsquoaugmentation de la puis-sance des ordinateurs il pourrait reacutesister en-core longtemps quitte agrave allonger un peu la cleacute n Mais crsquoest sans compter sur la preacute-sence possible drsquoun nouveau venu lrsquoordina-teur quantique Cet ordinateur nrsquoexiste pas encore Par contre un algorithme rapide de factorisation sur un ordinateur quantique lrsquoalgorithme de Shor existe depuis 1997 Nous allons nous pencher sur lrsquoideacutee de cet algorithme

Christiane Rousseau Universiteacute de Montreacuteal

2 Voir lrsquoarticle laquo Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres raquo de Jean-Marie De Koninck p 8 de ce numeacutero

Comme 1 est le pgcd1 de e et de φ(n) on peut eacutecrire via lrsquoalgo-rithme drsquoEuclide

1 = 10 times 1 456 ndash 633 times 23Donc 1 = 10 times 1 456 ndash (1 456-823) times 23ou encore

1= ndash13 times 1 456 + 823 times 23Comme 823 times 23 =13 times 1 456 + 1 le reste de la division de ed par φ(n) vaut bien 1

1 Voir laquo Algorithmes dans lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

Calculer le reste de la division de me par nEacutecrivons la deacutecomposition de e = 23 en somme de puissances de 2

e = 1 + 2 + 4 + 16

Alors

m e = m m2 m4 m16

On va donc y aller pas agrave pas pour calculer ces puissances et agrave chaque eacutetape on va diviser par n Le reste de la division de m2 par n est 1 126 Remarquons que m4 = (m2)2 Le reste de la division de m4 par n est donc le mecircme que le reste de la division de 1 1262 par n

1 1262 = 823n + 1 388

De mecircme le reste de la division de m8 par n est le mecircme que le reste de la division de 1 3882 par n

1 3882 = 1 253n + 683

Finalement le reste de la division de m16 par n est le mecircme que le reste de la division de 6832 par n

6832 = 303n + 778

On remet le tout ensemble Le reste de la division de m23 par n est le mecircme que le reste de la division de

1 234 1 126 1 388 778

par n qui est bien a = 1 300 Dans la ligne qui preacutecegravede on peut aussi alterner entre faire des

multiplications et diviser les produits partiels par n pour ne pas laisser grossir les expressions Ces calculs sont faciles pour des ordinateurs mecircme quand les nombres sont tregraves grands

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un exemple de fonctionnement du code RSAAline veut pouvoir recevoir des mes-sages secrets de Bernard Elle construit donc un systegraveme agrave cleacute publique pour re-cevoir de tels messages Elle prend les nombres premiers p = 29 et q = 53 La cleacute est n =1 537 Elle aura besoin du nombre

φ(n) = (p ndash 1)(q ndash 1) = 1 456

Elle choisit e relativement premier avec φ(n) par exemple e = 23 Soit d = 823 Il a eacuteteacute construit pour que le reste de la division de ed par φ(n) soit 1 (voir encadreacute ci-contre) Pour ce il fallait connaitre φ(n) et donc la factorisation de n ce qui est difficile pour quelqursquoun ne connaissant pas p et q Aline publie n et e Bernard veut lui envoyer le message

m = 1 234

Pour le crypter il lrsquoeacutelegraveve agrave la puissance e = 23 et le divise par n Ceci lui donne le message crypteacute

a = 1 300

qursquoil envoie agrave Aline Celle-ci utilise d connu drsquoelle seule pour calculer le reste de la divi-sion de ad par n Ce reste est preacuteciseacutement le message m = 1 234

Lrsquoexemple eacutetait avec de petits nombres Mais comment faire les calculs quand les nombres sont gros Il faut se rappeler que ce qui nous inteacuteresse ce ne sont pas les nombres me et

ad mais seulement le reste de leur division par n Alors il ne faut pas laisser grossir les calculs Il faut plutocirct alterner entre prendre des puissances et diviser par n (Voir deacutetails dans lrsquoencadreacute)

Construire de grands nombres premiersLrsquoideacutee est la suivante Si on veut construire un grand nombre premier de 100 chiffres on geacutenegravere au hasard un nombre de 100 chiffres et on laquo teste raquo srsquoil est premier Srsquoil ne lrsquoest pas on recommence avec un autre nombre geacuteneacute-reacute au hasard jusqursquoagrave ce qursquoon tombe sur un nombre premier

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Premiegravere question combien faut-il faire de tests en moyenne Un nombre de 100 chiffres est un nombre de lrsquoordre de 10100 Le theacuteoregraveme des nombres premiers nous dit que si N est grand il y a environ N ln N nombres premiers infeacuterieurs ou eacutegaux agrave N Si on choisit au ha-sard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 la chance qursquoil soit premier est donc drsquoenviron

N1

ln1

ln101

100ln101

230100= = =

On peut faire mieux la moitieacute des nombres sont pairs et parmi les nombres impairs on peut eacuteliminer les multiples de 5 Donc si on choisit au hasard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 qui se termine par 1 3 7 ou 9 on a une chance sur 92 qursquoil soit pre-mier (40 des nombres se terminent par 1 3 7 9 et 410 de 230 donne 92) Ceci signi-fie qursquoen moyenne apregraves 92 tests on a trou-veacute un nombre premier Faire 92 tests est fa-cile pour un ordinateur

Ceci nous amegravene agrave la deuxiegraveme question que signifie laquo tester raquo qursquoun nombre p est pre-mier On a appris agrave le faire en cherchant si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p ce qui revient agrave factoriser partiellement p Mais factoriser est difficile pour un ordinateurhellip

On peut faire mieux Srsquoil est facile de tester si un nombre p est premier crsquoest parce qursquoon peut le faire sans factoriser p Lrsquoideacutee est la suivante Si p nrsquoest pas premier il laisse

ses empreintes partout Dans le test de primaliteacute de Miller-Rabin si p nrsquoest pas pre-mier au moins les trois-quarts des nombres entre 1 et p ont une empreinte de p crsquoest-agrave-dire qursquoils sont des teacutemoins du fait que p nrsquoest pas premier Le test pour deacutecider si un nombre est un teacutemoin est un peu tech-nique (voir encadreacute page ci-contre) Mais ce test est facile pour un ordinateur On choisit au hasard des nombres a1 am le p Si lrsquoun des ai est un teacutemoin on conclut que p nrsquoest pas premier Si aucun des ai nrsquoest un teacutemoin alors p a une tregraves grande chance drsquoecirctre pre-mier Par exemple si m = 100 la chance que p ne soit pas premier sachant que a1 am ne sont pas des teacutemoins est infeacuterieure ou eacutegale agrave 10ndash58 soit tregraves tregraves petite

Peut-on se fier agrave un algorithme probabiliste Les informaticiens le font reacuteguliegraverement degraves qursquoils ont besoin de grands nombres premiers et on nrsquoobserve pas de catas-trophe autour de nous On voit drsquoailleurs qursquoon pourrait transformer cet algorithme probabiliste de primaliteacute en algorithme deacute-terministe il suffirait de tester au moins le quart des nombres a isin 2 p ndash1 Si aucun nrsquoest un teacutemoin alors on peut affir-mer avec certitude que p est premier Mais cet algorithme serait sans inteacuterecirct car il requerrait de regarder si p4 nombres sont des teacutemoins alors que lrsquoalgorithme usuel de factorisation demande de regarder si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p et

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lt degraves que p gt 16

Casser le code RSA sur un ordinateur quantiqueEn 1997 Peter Shor a annonceacute un algo-rithme qui casserait le code RSA sur un ordinateur quantique qui nrsquoexiste pas encorehellip Que signifie cette affirmation Lrsquoalgorithme de Shor est simplement un autre algorithme de factorisation Il fonc-tionnerait sur un de nos ordinateurs mais il serait moins bon que les meilleurs algo-rithmes de factorisation La limite de nos ordinateurs est le paralleacutelisme On ne peut faire qursquoun nombre limiteacute drsquoopeacuterations en parallegravele

DossierApplications

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Quelques avantages de la cryptographie agrave cleacute publique

La cryptographie agrave cleacute publique est tregraves utile quand des milliers de personnes par exemple des clients peuvent vouloir envoyer leur numeacutero de carte de creacutedit agrave une mecircme compagnie

La meacutethode drsquoencryptage est publique et seule la compagnie peut deacutecrypter les messages chiffreacutes

Un autre avantage est que deux interlocuteurs nrsquoont pas besoin drsquoeacutechanger de lrsquoinformation secregravete par exemple une cleacute pour communiquer de maniegravere seacutecuritaire Il suffit que chacun publie son systegraveme de cryptographie agrave cleacute publique

Le systegraveme RSA permet de signer un message pour srsquoassurer qursquoil provient bien de la bonne personne Dans notre exemple pour que Bernard signe son message il faut qursquoil construise son propre sys-tegraveme agrave cleacute publique dont il publie la cleacute nrsquo et la cleacute de cryptage ersquo Il se servira de sa cleacute de deacutecryptage drsquo pour apposer sa signature sur le message

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un ordinateur est composeacute de transistors qui fonctionnent agrave la maniegravere drsquointerrup-teurs en ayant deux positions OUVERT et FERMEacute que lrsquoon peut coder comme des bits drsquoinformation 0 ou 1 Un nombre de 200 chiffres est infeacuterieur agrave 10200 lt 2665 et donc peut srsquoeacutecrire avec 665 bits Tester srsquoil a un diviseur premier infeacuterieur agrave 10100 lt 2333 revient agrave regarder toutes les suites de 333 bits eacutegaux agrave 0 ou 1 Un travail titanesque sauf si lrsquoordinateur a un grand paralleacutelisme Dans un ordinateur quantique les bits drsquoinformation sont des bits quantiques ils peuvent ecirctre dans un eacutetat superposeacute entre 0 et 1 Lrsquoimage que lrsquoon pourrait donner est celle drsquoun sou Une fois lanceacute il tombe sur PILE ou sur FACE Mais avant de le lancer il a probabiliteacute 12 de tomber sur PILE et probabiliteacute 12 de tomber sur FACE On pourrait dire qursquoil est dans un eacutetat superposeacute Le fait que m bits quantiques soient dans un eacutetat superposeacute implique qursquoils peuvent faire simultaneacutement les 2m opeacutera-tions diffeacuterentes correspondant agrave tous les choix de valeurs 0 ou 1 pour chacun des bits Par contre de mecircme que notre sou tombe neacutecessairement sur PILE ou sur FACE degraves qursquoon veut observer un bit quantique il prend neacutecessairement la valeur 0 ou la valeur 1 et donc on ne peut observer le reacutesultat de tous les calculs faits en parallegravele La subtiliteacute de lrsquoalgorithme de Shor vient du fait qursquoon pourra reacutecupeacuterer le reacutesultat du calcul lequel donne une factorisation de p si p nrsquoest pas premier

Le nombre 15 a eacuteteacute factoriseacute sur un ordi-nateur quantique en 2007 et en 2012 on a factoriseacute 143 = 11x13 Les progregraves semblent lents depuis ce temps Le deacutefi technologique de lrsquoordinateur quantique est de maintenir de nombreux bits en eacutetat superposeacute Ce recircve deviendra-t-il reacutealiteacute Mecircme si les progregraves semblent lents les experts y croient de plus en plus

Tester si un nombre est un teacutemoinOn veut tester si p impair est premier Alors on peut eacutecrire p ndash 1 qui est pair comme p ndash 1 = 2sd ougrave d est impair

(Il suffit de diviser p ndash 1 par 2 successive-ment jusqursquoagrave ce que le quotient soir im-pair) Soit a isin 2 p ndash1

Critegravere pour ecirctre teacutemoin Si a est un teacute-moin que p nrsquoest pas premier alors on a simultaneacutement que le reste de la division de ad par p est diffeacuterent de 1 et que les restes de la division de a d2r

par p sont diffeacuterents de p ndash 1 pour tous les r isin 0 s ndash1

Regardons un premier exemple Prenons p = 13 Alors p ndash 1 = 22 3 Ici d = 3 et s = 2 Voyons que p nrsquoa aucun teacutemoin

La premiegravere colonne du tableau agrave gauche donne a la deuxiegraveme colonne donne

le reste de la division de ad = a3 par p et la troisiegraveme colonne le reste de la division de a2d = a6 par p

On voit bien que pour chaque a soit on a un 1 dans le premiegravere colonne ou bien un 1 ou un 12 dans la deuxiegraveme colonne et donc aucun a nrsquoest un teacutemoin de 13 On sait alors que 13 est premier

Refaisons lrsquoexercice avec p = 15 Alors p ndash 1 = 2 7 Comptons combien p a de teacutemoins Ici la deuxiegraveme colonne repreacutesente le reste de la division de ad= a7 par p Tous les a sauf 14 sont des teacutemoins et chacun nous dit que 15 nrsquoest pas premier

Mais bien sucircr apprendre qursquoun nombre a est un teacutemoin que p nrsquoest pas premier ne nous apprend rien de la factorisation de p

81

1288551

125

12

1211

1212121211

121

a23456789

101112

812456

1329

101137

14

a23456789

1011121314

Le fonctionnement de lrsquoalgorithme de Shor

On veut factoriser un entier n Lrsquoalgo-rithme de Shor cherche un diviseur d de n qui soit diffeacuterent de 1 et de n Ensuite on peut iteacuterer en cherchant un diviseur de lrsquoentier S = nd Voyons qursquoil suffit de trouver un entier r tel que n divise r2 ndash 1 = (r ndash 1)(r + 1) mais n ne divise ni r ndash 1 ni r + 1 Puisque n divise r2 ndash 1 il existe un entier m tel que r2 ndash 1 = mn Soit p un facteur premier de n Alors p divise r ndash 1 ou encore p divise r + 1 Dans le premier cas d est le pgcd de r ndash 1 et n et dans le deuxiegraveme cas celui de r + 1 et n Calculer le pgcd de deux nombres par lrsquoalgorithme drsquoEuclide3 est facile pour un ordinateur Comment construire un tel entier r est un peu technique et nous ne ferons pas les deacutetails

3 Voir laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

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Si la notion de logarithme paraicirct aujourdrsquohui tout agrave fait naturelle sa conceptualisation et sa mise en œuvre au plan pratique au deacutebut

du 17e siegravecle nrsquoont point eacuteteacute une mince affaire Premiers eacutepisodes de cette foisonnante saga

Peu de temps apregraves leur introduction par John Napier (1550-1617) au tout deacutebut du 17e siegravecle les logarithmes se sont rapidement imposeacutes comme un laquo merveilleux raquo1 outil essentiel en astronomie et en navigation deux domaines scientifiques particuliegraverement avanceacutes agrave cette eacutepoque et qui venaient avec leur lot de calculs proprement titanesques Crsquoest dans un tel contexte qursquoil faut entendre le ceacutelegravebre aphorisme ducirc au matheacutematicien physicien et astronome franccedilais Pierre-Simon Laplace2 (1749-1827) qui srsquointeacuteressant dans le cadre drsquoun survol historique de lrsquoastronomie aux travaux de Johannes Kepler (1571-1630) affirmait que la deacutecouverte des logarithmes mdash combineacutee agrave lrsquoarithmeacutetique des Indiens crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecriture des nombres dans un systegraveme positionnel mdash avait pour ainsi dire doubleacute la vie des astronomes (voir encadreacute)

La preacutehistoire des logarithmesIssu entiegraverement de lrsquolaquo esprit humain raquo selon les dires de Laplace le concept de logarithme repose sur une ideacutee somme toute assez na-turelle consideacuterant diverses puissances drsquoun mecircme nombre on porte lrsquoattention sur les exposants de ces puissances Par exemple srsquoagissant des entiers

64 256 1024 et 4096crsquoest-agrave-dire respectivement

43 44 45 et 46on envisage plutocirct les exposants

3 4 5 et 6

Sur la base de ces donneacutees on pourrait conclure immeacutediatement mdash si on dispose drsquoune table de puissances de 4 mdash que

256 times 4 096 = 1 048 576prenant appui sur le fait que

44 times 46 = 44 + 6 = 410

(on applique ici une regravegle de base des exposants qui va de soi lorsque ceux-ci sont des entiers naturels) Il nrsquoest pas eacutetonnant que des telles intuitions aient pu se retrouver il y a fort longtemps

Jeacuterocircme Camireacute-Bernier

Bernard R Hodgson Universiteacute Laval

1 Renvoi agrave lrsquoeacutepithegravete mirifique (archaiumlque de nos jours) utiliseacutee par Napier lui-mecircme Lrsquoex-pression mirifique invention de notre titre est emprunteacutee agrave Jean-Pierre Friedelmeyer (voir le Pour en savoir plus)

2 Alias Pierre-Simon de Laplace Aussi homme politique il fut nommeacute marquis en 1817 (drsquoougrave la particule nobiliaire)

Laplace agrave propos des logarithmeslaquo Il [Kepler] eut dans ses derniegraveres anneacutees lrsquoavantage de voir naicirctre et drsquoemployer la deacutecouverte des logarithmes due agrave Neper baron eacutecossais artifice admirable ajouteacute agrave lrsquoingeacutenieux algorithme des Indiens et qui en reacuteduisant agrave quelques jours le travail de plusieurs mois double si lrsquoon peut ainsi dire la vie des astronomes et leur eacutepargne les erreurs et les deacutegoucircts inseacuteparables des longs calculs invention drsquoautant plus satis-

faisante pour lrsquoesprit humain qursquoil lrsquoa tireacutee en entier de son propre fonds dans les arts lrsquohomme se sert des mateacuteriaux et des forces de la nature pour accroicirctre sa puissance mais ici tout est son ouvrage raquo

Exposition du systegraveme du monde Livre V Chapitre IV

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

Un peu de vocabulaire

Eacutetant donneacute deux reacuteels (positifs) x et y leur moyenne arithmeacutetique

est donneacutee par x y2+ et leur moyenne geacuteomeacutetrique par xy

Ces appellations trouvent leur origine dans les matheacutematiques grecques de lrsquoAntiquiteacute notamment de lrsquoeacutepoque de Pythagore

Lrsquoarithmeacutetique de lrsquoeacutecole pythagoricienne portant sur lrsquoeacutetude des entiers (et des rapports simples drsquoentiers) on voit immeacutediatement pourquoi la premiegravere moyenne est dite laquo arithmeacutetique raquo Quant agrave la moyenne laquo geacuteomeacutetrique raquo elle fait intervenir une opeacuteration qui megravene agrave des grandeurs geacuteneacuteralement au-delagrave du champ des entiers Or le domaine qui eacutetudie les grandeurs par exemple les segments de droite est justement la geacuteomeacutetrie

On peut montrer que dans une suite arithmeacutetique un terme donneacute (agrave partir du deuxiegraveme) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins Et de mecircme mutatis mutandis pour une suite geacuteomeacutetrique (Voir la Section problegravemes)

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Ainsi sur la partie infeacuterieure de la tablette meacutesopotamienne MLC 020783 datant drsquoentre 1900 et 1600 avant notre egravere se trouve le tableau ci-haut (les nombres sont donneacutes ici en notation moderne et non en eacutecriture cu-neacuteiforme) on y reconnaicirct immeacutediatement la liste des premiegraveres puissances de 2 ainsi que les exposants correspondants

Lrsquousage a consacreacute lrsquoexpression suite arith-meacutetique (ou progression arithmeacutetique selon une tournure un brin suranneacutee) pour une liste de nombres qui comme dans la colonne de droite de ce tableau croissent (ou deacutecroissent) reacuteguliegraverement de maniegravere additive

a a + d a + 2d a + nd

a repreacutesentant le premier terme de la suite et d la diffeacuterence entre deux termes conseacute-cutifs mdash crsquoest-agrave-dire de combien lrsquoun de ces termes est plus grand que lrsquoautre4 (Le tableau preacuteceacutedent correspond au cas ougrave a = 1 et d = 1) Lorsque les nombres de la liste sont relieacutes multiplicativement

a ar ar2 arn

on parlera de suite (ou progression) geacuteomeacute-trique la constante r repreacutesentant cette fois le rapport entre deux termes conseacutecutifs mdash crsquoest-agrave-dire combien de fois lrsquoun est plus grand que lrsquoautre4 (Dans la colonne de gauche du tableau on a a = 2 et r = 2) (Voir lrsquoencadreacute Un peu de vocabulaire pour le sens des mots laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo dans un tel contexte)

Selon cette nomenclature la tablette MLC 02078 peut donc srsquointerpreacuteter comme la mise en comparaison de deux suites lrsquoune arithmeacutetique et lrsquoautre geacuteomeacutetrique Ce type de situation se retrouve agrave diverses eacutepoques au fil des acircges Ainsi en est-il question dans un autre document de lrsquoAntiquiteacute LrsquoAreacutenaire traiteacute dans lequel Archimegravede (-287 ndash -212) se donne comme objectif de deacuteterminer le nombre de grains de sable dont le volume serait eacutegal agrave celui du laquo monde raquo5 Parmi les outils dont se sert alors le grand matheacutematicien grec se retrouve la manipulation simultaneacutee drsquoune suite arithmeacutetique et drsquoune suite geacuteomeacutetrique ce qui lrsquoamegravene (en termes modernes) agrave identifier au passage la regravegle drsquoaddition des exposants

bm times bn = bm +n

(voir la Section problegravemes) et donc le prin-cipe de transformation drsquoune multiplication en une addition agrave la base des logarithmes

3 Pour Morgan Library Collection Cette tablette se retrouve dans la collection de lrsquoUniversiteacute Yale aux Eacutetats-Unis

4 Cette faccedilon de parler est utiliseacutee par Euler lorsqursquoil introduit les notions de rapports arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique dans ses Eacuteleacutements drsquoalgegravebre (1774) mdash voir Section troisiegraveme laquo Des rapports amp des propor-tions raquo entre autres les articles 378 398 et 505

5 Une des difficulteacutes auxquelles fait ici face Archimegravede est de reacutealiser cet objectif dans le cadre du systegraveme de numeacuteration grec qui nrsquoeacutetait pas propice pour exprimer aiseacutement de tregraves grands nombres Mais cela est une autre histoirehellip

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Tablette MLC 02078 (1900-1600 avant notre egravere)

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Cette mecircme ideacutee se retrouve plusieurs siegravecles plus tard dans Le Triparty en la science des nombres (1484) du Franccedilais Nicolas Chuquet (1445-1488) Dans la troisiegraveme partie de cet ouvrage Chuquet introduit des regravegles cal-culatoires de nature algeacutebrique Il srsquointeacuteresse alors notamment aux valeurs des puis-sances de 2 depuis 1 jusqursquoagrave 1 048 576 qursquoil aligne en colonnes avec les exposants entiers correspondants (qursquoil appelle laquo deacuteno-minations raquo) de 0 jusqursquoagrave 20 et note que la multiplication de nombres de la premiegravere colonne correspond agrave lrsquoaddition de nombres dans la seconde Il identifie aussi une autre regravegle de base des exposants

b b( )m n mn=(encore une fois exprimeacutee ici en notation moderne) Agrave noter que Chuquet utilise une notation avec indice sureacuteleveacute (comme nous le faisons aujourdrsquohui)6 et qursquoen plus de lrsquoexposant 0 il considegravere des exposants (entiers) neacutegatifs Au milieu du 16e siegravecle lrsquoAllemand Michael Stifel (1487-1567) reprendra les mecircmes thegravemes dans son Arithmetica integra (1544) ougrave il parle expli-citement de la relation entre une progression arithmeacutetique et une progression geacuteomeacutetrique Crsquoest drsquoailleurs agrave Stifel que lrsquoon doit le vocable exposants pour deacutesigner les nombres de la suite arithmeacutetique en jeu

Si quelques-uns des principes servant de fondements agrave la notion de logarithme se per-ccediloivent dans les commentaires qui preacutecegravedent on est encore loin du logarithme en tant que tel Pour qursquoune correspondance entre une suite geacuteomeacutetrique et une suite arithmeacutetique devienne un veacuteritable outil de calcul il faut en effet laquo boucher les trous raquo entre les puissances (entiegraveres) successives Il peut ecirctre inteacuteressant comme le souligne Chuquet de conclure gracircce agrave sa table des puissances de 2 que le produit de 128 et 512 est 65 536 Mais cela ne nous renseigne en rien par exemple sur le produit 345 times 678 On voit mecircme Chuquet dans un appendice au Tripar-ty chercher agrave reacutesoudre des problegravemes dans lesquels un exposant fractionnaire est rechercheacute mdash mais sans deacutevelopper pour autant drsquoapproche systeacutematique agrave cette fin

Certains eacuteleacutements (timides) agrave cet eacutegard se retrouvent il y a fort longtemps Ainsi le tableau numeacuterique ci-contre figure lui aussi sur la tablette MLC 02078 (dans sa partie supeacuterieure) On y voit une progression arith-meacutetique de diffeacuterence frac-tionnaire ecirctre juxtaposeacutee agrave une progression geacuteomeacutetrique agrave savoir des puissances de 16 Mais peu semble avoir eacuteteacute fait pour pousser plus loin de telles asso-ciations jusqursquoagrave lrsquoarriveacutee de Napier

Les logarithmes agrave la NapierTout eacutetudiant est aujourdrsquohui familier avec le fait que le passage drsquoun nombre donneacute agrave son logarithme (selon une certaine base) revient agrave identifier lrsquoexposant dont il faut affecter cette base pour retrouver le nombre en cause Ayant fixeacute un reacuteel b (positif et diffeacuterent de 1) et consideacuterant un reacuteel positif x le logarithme de x dans la base b noteacute logbx est donc par deacutefinition lrsquoexposant (reacuteel) u tel que bu = x Une telle vision il faut le souligner demeure relativement tardive par rapport agrave lrsquointuition originale de logarithme nrsquoeacutetant devenue la norme que pregraves drsquoun siegravecle et demi apregraves les travaux de lrsquoEacutecossais John Napier7 mdash voir lrsquoencadreacute Les traiteacutes de Napier mdash lorsque Leonhard Euler (1707-1783) en a fait la pierre drsquoassise de son traitement de la fonction logarithmique8 dans son Introduc-tio in analysin infinitorum (1748) Acceptant les proprieacuteteacutes de la fonction exponentielle bu pour des reacuteels b et u quelconques on tire im-meacutediatement de cette deacutefinition la proprieacuteteacute de base du logarithme

logb xy = logb x + logb y

ce qui permet de transformer une multi-plication en une addition de mecircme que les eacutegaliteacutes similaires pour le logarithme drsquoun quotient ou drsquoune puissance

DossierHistoire

6 La notation exponentielle aujourdrsquohui usuelle telle a2 ou a3 se reacutepandra apregraves son utilisa-tion par Reneacute Descartes (1596-1650) dans son traiteacute La geacuteomeacutetrie (1637)

7 Voir Andreacute Ross laquo John Napier raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 8-11

8 Cette approche drsquoEuler peut ecirctre vue comme une illustration remarquable de lrsquoim-pact drsquoune bonne notation en vue de clarifier et faciliter la deacutemarche de la penseacutee

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

On observera que lrsquoideacutee drsquoun lien entre deux suites lrsquoune geacuteomeacutetrique et lrsquoautre arithmeacutetique bien que sous-jacente agrave la derniegravere eacutegaliteacute nrsquoest pas pour autant expli-citement mise en eacutevidence dans cette vision moderne (post-euleacuterienne) du logarithme Or agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier introduit ses loga-rithmes lrsquoideacutee de laquo fonction raquo nrsquoest pas dans lrsquoair du temps mdash elle ne surgira de fait que vers la fin du 17e siegravecle dans la mouvance des travaux sur le calcul infiniteacutesimal mdash de sorte que la comparaison de suites (geacuteomeacutetrique et arithmeacutetique) demeure la principale source drsquoinspiration de ses travaux

Une autre mouvance de lrsquoeacutepoque visait agrave se doter drsquooutils permettant de simplifier lrsquoexeacutecution de calculs arithmeacutetiques portant sur de gros nombres Dans un texte preacuteceacute-dent9 nous avons preacutesenteacute entre autres la meacutethode de prosthapheacuteregravese utiliseacutee vers la fin du 16e siegravecle en vue de transformer une multiplication en addition ou une division en soustraction La populariteacute de telles meacutethodes notamment dans les cercles astronomiques a certainement contribueacute agrave convaincre Napier de lrsquoimportance de deacuteve-lopper des outils permettant de raccourcir les calculs y compris dans le cas de lrsquoexponen-tiation ou de lrsquoextraction de racine Il en fait drsquoailleurs mention explicitement dans la preacute-face de son Descriptio Soulignant le caractegravere peacutenible dans la pratique des matheacutematiques de la multiplication division ou extraction de racine carreacutee ou cubique de grands nombres Napier insiste non seulement sur le temps re-quis pour exeacutecuter ces opeacuterations mais aus-si sur les nombreuses erreurs qui peuvent en reacutesulter Agrave la recherche drsquoune meacutethode sucircre et expeacuteditive afin de contourner ces difficul-teacutes il annonce qursquoapregraves lrsquoexamen de plusieurs proceacutedeacutes il en a retenu un qui rencontre ses attentes

laquo Agrave la veacuteriteacute aucun proceacutedeacute nrsquoest plus utile que la meacutethode que jrsquoai trouveacutee Car tous les nombres utiliseacutes dans les multiplica-tions les divisions et les extractions ar-

dues et prolixes de racines sont rejeteacutes des opeacuterations et agrave leur place sont substitueacutes drsquoautres nombres sur lesquels les calculs se font seulement par des additions des soustractions et des divisions par deux et par trois raquo10

La vision geacuteomeacutetrico- cineacutematique de NapierUn troisiegraveme eacuteleacutement sur lequel srsquoappuie Napier dans sa creacuteation des logarithmes est la geacuteomeacutetrie mdash plus preacuteciseacutement la geacuteomeacutetrie du mouvement Il a en effet lrsquoideacutee de comparer le deacuteplacement de deux points lrsquoun bougeant selon une vitesse11 variant de maniegravere telle que les distances parcourues en des intervalles de temps eacutegaux forment une progression geacuteomeacute-trique tandis que lrsquoautre point bougeant agrave vitesse constante deacute-termine des distances en progression arith-meacutetique Le support geacuteomeacutetrique dont se sert alors Napier peut se deacutecrire comme suit

9 Voir laquo Eacutemergence logarithmique tables et calculs raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 2-7

10 Tireacute de la preacuteface du Mirifici logarithmorum canonis descriptio (traduction personnelle)

11 Napier introduit lrsquoideacutee de mouvement degraves la deacutefinition 1 du Descriptio Il utilise explicite-ment le terme laquo vitesse raquo agrave la deacutefinition 5

Les traiteacutes de NapierCrsquoest degraves lrsquoanneacutee 1594 que Na-pier entame les travaux qui lrsquoamegraveneront agrave la notion de loga-rithme En 1614 il fait connaicirctre son invention en publiant un premier traiteacute sur le sujet mdash reacutedigeacute en latin la langue des savants de lrsquoeacutepoque Mirifici lo-garithmorum canonis descrip-tio (crsquoest-agrave-dire Description de la merveilleuse regravegle des loga-rithmes) Il srsquoagit de la premiegravere publication drsquoune table de lo-garithmes qui occupent les 90 derniegraveres pages du traiteacute Cette table est preacuteceacutedeacutee drsquoun texte de 57 pages ougrave Napier explique

ce que sont les logarithmes et comment les utiliser

Un second traiteacute de Napier sur le sujet est un ouvrage reacutedigeacute avant la parution du Descriptio mais publieacute par lrsquoun de ses fils seulement en 1619 deux ans apregraves sa mort Mirifici loga-rithmorum canonis constructio (Construction de la merveilleuse regravegle des logarithmes) Dans un texte drsquoenviron 35 pages (ac-compagneacute drsquoappendices) Na-pier preacutesente la theacuteorie sur la-quelle il srsquoest appuyeacute pour construire sa table

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Eacutetant donneacute un segment AB de longueur deacutetermineacutee il considegravere un point P partant de A avec une vitesse initiale donneacutee et se deacuteplaccedilant vers B en une seacuterie de laquo pas raquo P1 P2 P3 Pn

Napier stipule (Descriptio deacutefinition 2) que la vitesse de deacuteplacement de P le long de AB deacutecroicirct de maniegravere telle que en des temps eacutegaux la longueur de chacun des inter-valles AP1 P1P2 P2P3 P3P4 successivement parcourus par P est proportionnelle agrave la dis-tance seacuteparant P de sa cible B (lorsqursquoil est agrave lrsquoextreacutemiteacute gauche de chaque intervalle)12

APAB

P PP B

P PP B

P PP B

1 1 2

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2 3

2

3 4

3

= = = =

On tire immeacutediatement de ces eacutegaliteacutes que

P BAB

P BP B

P BP B

P BP B

1 2

1

3

2

4

3

= = = =

(voir la Section problegravemes) de sorte que la suite de segments AB P1B P2B P3B qui correspond aux distances entre les diverses positions de P et lrsquoextreacutemiteacute B forme une suite geacuteomeacutetrique deacutecroissante (Construc-tio article 24) la longueur de chacun drsquoeux est en effet la moyenne geacuteomeacutetrique de ses deux voisins Napier considegravere alors un second point Q se deacuteplaccedilant agrave vitesse constante sur une demi-droite (donc illimiteacutee dans un sens) et de maniegravere telle qursquoau moment ougrave P passe par Pi le point Q est en un point Qi = i (voir la Section problegravemes)

Lrsquoideacutee de Napier est drsquoassocier la suite arith-meacutetique

0 1 2 3 n

correspondant aux positions successives de Q agrave la suite geacuteomeacutetrique deacutetermineacutee par les segments

AB P1B P2B P3B PnB

Mais pour que cette association soit com-plegravete il faut la geacuteneacuteraliser agrave un emplacement quelconque de P sur AB outre les positions laquo discregravetes raquo P1 P2 P3 Voici le tour de passe-passe permettant agrave Napier de contourner cette difficulteacute

Puisque des distances parcourues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est propor-tionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (voir la Section problegravemes) Ainsi quand P est agrave mi-chemin dans son trajet de A vers B sa vitesse a diminueacute de moitieacute par rapport agrave sa vitesse initiale Et quand il est rendu aux deux-tiers de lrsquointervalle AB sa vitesse ne vaut plus que le tiers de celle de deacutepart

Passant agrave une vision laquo lisse raquo mdash et non plus par laquo pas raquo mdash du deacuteplacement de P Napier en vient agrave consideacuterer ce point comme chan-geant laquo continucircment raquo de vitesse13 mdash et non pas de maniegravere abrupte et instantaneacutee en chaque point Pi Pour rester dans les mecircmes conditions que preacuteceacutedemment il suppose donc que P se deacuteplace laquo geacuteomeacute-triquement raquo de A vers B crsquoest-agrave-dire de maniegravere telle que la vitesse de P est toujours proportionnelle agrave la distance qui le seacutepare de B (Constructio article 25)

Les laquo logarithmes agrave la Napier raquo sont main-tenant agrave porteacutee de main Supposant drsquoune part que les deux points P et Q entament leur deacuteplacement agrave la mecircme vitesse le premier selon une vitesse deacutecroissant geacuteomeacutetriquement de A vers B et le second agrave vitesse constante agrave partir de 0 et suppo-sant de plus que le point Q est en y lorsque le point P est agrave une distance x de B alors y est appeleacute par Napier le logarithme de x (On eacutecrira ici par commoditeacute y = Nlog(x))

Crsquoest ainsi que le logarithme du reacuteel x est le reacuteel y deacutetermineacute par la suite arithmeacutetique associeacutee agrave la suite geacuteomeacutetrique correspon-dant agrave x

DossierHistoire

12 On notera au passage que le point P nrsquoat-teint ainsi jamais sa cible B car agrave chaque eacutetape il gruge toujours la mecircme fraction du chemin restant agrave parcourir

13 Napier nrsquoutilise pas explicitement une telle terminologie

0 y

x

Q rarrA

P rarr

B

A

P1 P2 P3 P4 Pn

B

0 1 2 3 4 n

Q1 Q2 Q3 Q4 Qn

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Valeurs numeacuteriques des logarithmes de NapierPlusieurs aspects de la notion de logarithme telle que conccedilue et mise en œuvre par Na-pier peuvent nous sembler un peu eacutetranges aujourdrsquohui On a deacutejagrave insisteacute sur la place qursquoy occupent les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique maintenant absentes du discours sur les logarithmes Une autre par-ticulariteacute est relieacutee aux valeurs numeacuteriques mecircmes deacutetermineacutees par Napier

Une motivation cleacute de Napier eacutetait de construire un outil facilitant les calculs tri-gonomeacutetriques un domaine drsquoapplication des matheacutematiques de toute premiegravere importance agrave son eacutepoque Crsquoest pour cette raison que la table produite par Napier dans son Descriptio repose non pas sur des nombres en geacuteneacuteral mais plutocirct sur le sinus des angles allant de 0deg agrave 90deg chaque degreacute eacutetant diviseacute en 60 minutes Agrave chacune de ces valeurs de sinus (il y en a donc 5 400 en tout) Napier associe son logarithme tel que deacutefini ci-haut

Il faut par ailleurs souligner que la notion de sinus de lrsquoeacutepoque nrsquoest pas tout agrave fait la mecircme qursquoaujourdrsquohui le sinus est alors non pas vu comme un rapport de cocircteacutes dans un triangle mais plutocirct comme la longueur drsquoune demi-corde dans un cercle donneacute Afin de faciliter les calculs il eacutetait drsquousage de travailler avec un cercle de grand rayon de maniegravere agrave eacuteviter lrsquoemploi de fractions et agrave se res-treindre agrave des nombres naturels Or agrave la fin du 16e siegravecle agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier entreprit ses travaux crsquoest sur un cercle de rayon 10 000 000 que srsquoappuyaient certaines des tables trigonomeacutetriques alors en circula-tion14 Crsquoest sans doute lagrave la raison pour laquelle Napier deacutecide de se servir de cette mecircme valeur pour asseoir la construction de sa table logarithmique

Il se dote donc drsquoun segment AB de longueur 107 = 10 000 000 (Constructio article 24) et il suppose que la vitesse initiale de chacun des deux points P et Q est aussi 107 (Constructio articles 25 et 26) Dans le cas de Q cette

vitesse demeure constante alors que pour P elle deacutecroicirct laquo geacuteomeacutetriquement raquo15 Or le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique doit permettre de combler les eacutecarts entre des puissances entiegraveres successives mdash voir agrave ce propos les commentaires plus haut mdash de sorte qursquoil est utile que ce rapport soit un nombre pregraves de 1 Agrave cet effet Napier choisit comme rapport

0999 999 9 11

107= minus

(Constructio articles 14 et 16) Une telle valeur a aussi comme avantage que le calcul de termes successifs de la progression geacuteomeacutetrique peut se ramener agrave une seacuterie de soustractions plutocirct que des multiplica-tions iteacutereacutees par 1 ndash 10ndash7 ce qui a permis agrave Napier de simplifier dans une large mesure la construction de sa table Cette construction demeure neacuteanmoins en pratique un accom-plissement eacutepoustouflant

On observera que les valeurs numeacuteriques des logarithmes creacuteeacutes par Napier sont fort diffeacuterentes de celles que lrsquoon connaicirct aujourdrsquohui Ainsi on a que Nlog(107) = 0 Et Nlog(x) deacutecroicirct lorsque x croicirct De plus il nrsquoest pas question de laquo base raquo dans les propos de Napier (voir agrave ce sujet la Section problegravemes) Mais lrsquoessence du logarithme est bel et bien lagrave

14 De telles tables trigonomeacutetriques ont eacuteteacute construites par Johann Muumlller alias Regio-montanus (1436-1476) et par Georg Joachim de Porris dit Rheticus (1514-1574)

15 Les valeurs choisies par Napier ont pour conseacutequence que la vitesse de P (en tant que nombre) est non seulement proportion-nelle mais est de fait eacutegale agrave la distance de P agrave B (voir la Section problegravemes)

Agrave propos de lrsquoeacutetymologie du mot logarithme

Napier a forgeacute le mot logarithme agrave partir de deux racines grecques drsquousage courant logoς laquo rapport raquo et ariqmoς laquo nombre raquo On peut voir le mot rapport ici comme refleacutetant le rapport commun des termes successifs de la suite geacuteomeacutetrique AB P1B P2B P3B

Au commencement de ses travaux Napier appelait nombres artificiels les valeurs de la suite arithmeacutetique peut-ecirctre pour les opposer aux nombres de la suite geacuteomeacute-trique qui eacutetaient en quelque sorte don-neacutes Mais le terme logarithme srsquoest rapide-ment imposeacute

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Comment ameacuteliorer une solution imparfaite agrave un problegraveme complexe

Et si on srsquoinspirait de la nature pour faire eacutevoluer les solutions

Lrsquoinspiration de la nature En 1859 le naturaliste Charles Darwin a publieacute son ceacutelegravebre ouvrage Lrsquoorigine des espegraveces qui preacutesentait une theacuteorie visant agrave expliquer le pheacutenomegravene de lrsquoeacutevolution Cette theacuteorie reacutevolutionnaire a provoqueacute plusieurs deacutebats agrave lrsquoeacutepoque mais elle est maintenant largement accepteacutee Environ 100 ans plus tard elle a inspireacute le professeur John Holland qui a tenteacute drsquoimpleacutementer artificiellement des systegravemes eacutevolutifs baseacutes sur le proces-sus de seacutelection naturelle Ces travaux ont

ensuite meneacute aux algorithmes geacuteneacutetiques qui sont maintenant utiliseacutes pour obtenir des solutions approcheacutees pour certains problegravemes drsquooptimisation difficiles

Les eacuteleacutements de base drsquoun algorithme geacuteneacutetiqueAfin de comprendre lrsquoanalogie entre le processus de seacutelection naturelle et un algo-rithme geacuteneacutetique rappelons tout drsquoabord les meacutecanismes les plus importants qui sont agrave la base de lrsquoeacutevolution

1 Lrsquoeacutevolution se produit sur des chromo-somes qui repreacutesentent chacun des individus dans une population

2 Le processus de seacutelection naturelle fait en sorte que les chromo-somes les mieux adapteacutes se reproduisent plus souvent et contribuent davantage aux popu- lations futures

3 Lors de la reproduction lrsquoinfor- mation contenue dans les chromosomes des parents est combineacutee et meacutelangeacutee pour produire les chromosomes des enfants (laquo croisement raquo)

4 Le reacutesultat du croisement peut agrave son tour ecirctre modifieacute par des perturbations aleacuteatoires (muta-tions)

Ces meacutecanismes peuvent ecirctre utiliseacutes pour speacutecifier un algorithme geacuteneacutetique tel que celui deacutecrit dans lrsquoencadreacute ci-dessous

Charles Fleurent GIRO

Algorithmes geacuteneacutetiques

Les travaux sur lrsquoeacutevolution des espegraveces vivantes du natura-liste et paleacuteontologue anglais Charles Darwin (1809-1882) ont reacutevolutionneacute la biologie Dans son ouvrage intituleacute LrsquoOrigine des espegraveces paru en 1859 Darwin preacutesente le reacutesultat de ses recherches Darwin eacutetait deacutejagrave ceacutelegravebre au sein de la communauteacute scientifique de son eacutepoque

pour son travail sur le terrain et ses recherches en geacuteologie Ses travaux srsquoinscrivent dans la fouleacutee de ceux du natura-liste franccedilais Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) qui 50 ans plus tocirct avait eacutemis lrsquohypothegravese que toutes les espegraveces vivantes ont eacutevolueacute au cours du temps agrave partir drsquoun seul ou de quelques ancecirctres communs Darwin a soutenu avec Alfred Russel Wallace (1823-1913) que cette eacutevolution eacutetait due au processus dit de la laquo seacutelection naturelle raquo

Comme il naicirct beaucoup plus drsquoindividus de chaque espegravece qursquoil nrsquoen peut survivre et que par conseacutequent il se produit souvent une lutte pour la vie il srsquoensuit que tout ecirctre srsquoil varie mecircme leacutegegraverement drsquoune maniegravere qui lui est profitable dans les conditions complexes et quelque-fois variables de la vie aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi drsquoune faccedilon naturelle En raison du principe dominant de lrsquoheacutereacutediteacute toute varieacuteteacute ainsi choisie aura tendance agrave se multiplier sous sa forme nouvelle et modifieacutee

Charles Darwin 1859 Introduction agrave LrsquoOrigine des espegraveces

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Pour adapter un algorithme geacuteneacutetique agrave un problegraveme drsquooptimisation combinatoire il suf-fit alors de speacutecialiser certaines composantes agrave la structure particuliegravere de ce dernier En geacuteneacuteral les deacutecisions portent sur les aspects suivants

Codage des solutions il faut eacutetablir une correspondance entre les solutions du problegraveme et les chromosomes

Opeacuterateurs geacuteneacutetiques il faut deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation pour les chromosomes

Eacutevaluation des chromosomes la me-sure drsquoadaptation des chromosomes agrave leur environnement est donneacutee par une fonction qui est calculeacutee par un processus plus ou moins complexe

Il existe plusieurs moyens pour mettre en œuvre certains des meacutecanismes importants drsquoun algorithme geacuteneacutetique Par exemple la seacutelection des parents peut srsquoeffectuer de diverses faccedilons Dans une population P = x1 x2 hellip xN ougrave la mesure drsquoadaptation drsquoun individu est eacutevalueacutee par une fonction ƒ lrsquoopeacuterateur classique consiste agrave associer agrave chaque individu xi une probabiliteacute pi drsquoecirctre seacutelectionneacute proportionnelle agrave la valeur de f pour cet individu crsquoest-agrave-dire

pf x

f x( )

( )i

i

jj Psum

=

isin

En pratique on utilise souvent drsquoautres meacute-thodes de seacutelection pouvant se parameacutetrer plus facilement Ainsi dans la seacutelection par tournoi un ensemble drsquoindividus est seacutelec-tionneacute aleacuteatoirement dont les meilleurs eacuteleacute-ments seulement sont retenus Pour choi-sir deux parents on peut donc seacutelectionner aleacuteatoirement 5 individus et ne garder que les deux meilleurs Dans drsquoautres meacutethodes les individus sont ordonneacutes selon leur va-leur pour la fonction ƒ et la seacutelection srsquoeffec-tue aleacuteatoirement selon le rang occupeacute par chaque individu On utilise alors une distri-bution biaiseacutee en faveur des individus en tecircte de liste

Un autre meacutecanisme important est le mode de remplacement des individus de la popula-tion Dans le modegravele original chaque popu-lation de N individus est totalement rempla-ceacutee agrave chaque geacuteneacuteration Drsquoautres strateacutegies laquo eacutelitistes raquo font en sorte drsquoassurer agrave chaque geacuteneacuteration la survie des meilleurs individus de la population Crsquoest le cas entre autres des modegraveles laquo stationnaires raquo ougrave un nombre res-treint drsquoindividus est remplaceacute agrave chaque geacute-neacuteration Dans ce cas on ajoute souvent des meacutecanismes suppleacutementaires empecircchant lrsquoajout drsquoindividus identiques (doublons) dans la population Des implantations plus eacutevo-lueacutees existent eacutegalement pour des architec-tures parallegraveles

Un algorithme geacuteneacutetique 1 Construire une population initiale de N

solutions

2 Eacutevaluer chacun des individus de la population

3 Geacuteneacuterer de nouvelles solutions en seacutelectionnant les parents de faccedilon proportionnelle agrave leur eacutevaluation Appliquer les opeacuterateurs de croisement et de mutation lors de la reproduction

4 Lorsque N nouveaux individus ont eacuteteacute geacuteneacutereacutes ils remplacent alors lrsquoancienne population Les individus de la nouvelle population sont eacutevalueacutes agrave leur tour

5 Si le temps alloueacute nrsquoest pas deacutepasseacute (ou le nombre de geacuteneacuterations maximal nrsquoest pas atteint) retourner agrave lrsquoeacutetape 3

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Repreacutesentation des solutions et opeacuterateurs geacuteneacutetiquesLes premiers algorithmes geacuteneacutetiques utili-saient tous une repreacutesentation binaire ougrave chaque solution s est codeacutee sous la forme drsquoune chaicircne de bits de longueur n ie s[i ] isin 0 1 foralli =1 2 hellip n Pour cette repreacute-sentation lrsquoopeacuterateur de croisement classique agrave un point consiste agrave choisir de faccedilon uniforme une position de coupure aleacuteatoire l isin 1 2 hellip nminus1 Si les parents p1 et p2 ont eacuteteacute seacutelectionneacutes pour la reproduction les solutions enfants e1 et e2 sont alors construites de la faccedilon suivante

e1[i ] = p1[i ] foralli isin1 hellip l e1[i ] = p2[i ] foralli isinl + 1 hellip n e2 [i ] = p2[i ] foralli isin1 hellip l e2 [i ] = p1[i ] foralli isinl + 1 hellip nLorsqursquoon itegravere avec drsquoautres paires de parents on choisit aleacuteatoirement pour chaque paire de parents un nouvel opeacuterateur de croisement agrave un point Lrsquoopeacuterateur agrave un point peut se geacuteneacuteraliser en seacutelectionnant k positions aleacuteatoires plutocirct qursquoune seule Dans ce cas les enfants sont produits en eacutechan-geant lrsquoinformation chromosomique entre les k points de coupure En pratique la valeur k = 2 est couramment utiliseacutee Un autre opeacuterateur tregraves populaire (croisement uni-forme) utilise une chaicircne de bits geacuteneacutereacutee aleacuteatoirement pour engendrer les enfants Pour chaque position le choix aleacuteatoire in-dique quel parent deacuteterminera la valeur des enfants Des exemples des opeacuterateurs de croisement agrave un point agrave deux points et uniforme sont illustreacutes dans les tableaux suivants Des reacutesultats theacuteoriques et empi-riques indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme donne geacuteneacuteralement des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux produits par les deux autres

Opeacuterateur de croisement agrave un point

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 0 1 1

0 1 0 1 0 1 1 0 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement agrave deux points

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 1 0 1

0 1 0 1 0 1 0 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement uniforme

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 1 0 1 1 1 0 0 1

0 1 1 0 1 0 1 0 0

0 0 0 1 0 1 1 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Chaicircnealeacuteatoirede bits

Avec une repreacutesentation binaire on utilise geacuteneacuteralement lrsquoopeacuterateur de mutation clas-sique qui consiste agrave changer aleacuteatoirement un bit pour son compleacutement

Opeacuterateur de mutation classique

Enfant 1 0 0 1 0 1 1 0 1

1 1 0 1 0 1 1 0 0Enfant

Mutationsaleacuteatoires

DossierApplications

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Un exemple le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteennePour certains problegravemes la repreacutesentation binaire des solutions est tout agrave fait intuitive et bien adapteacutee Crsquoest le cas par exemple du problegraveme de satisfaisabiliteacute (SAT) Eacutetant donneacute une expression logique F de n variables boo-leacuteennes x1 x2 hellip xn (voir encadreacute) ce problegraveme fondamental (qui est agrave la base de la theacuteorie de la NP-compleacutetude) consiste agrave trouver une affectation aux variables de faccedilon agrave satisfaire F En eacutetablissant les correspondances faux harr 0 vrai harr 1 on peut repreacutesenter chaque solution par une chaicircne binaire de longueur n et utiliser les opeacuterateurs geacuteneacute-tiques classiques deacutecrits preacuteceacutedemment

Pour eacutevaluer les solutions lrsquoexpression logique F peut ecirctre exprimeacutee comme une conjonction (voir encadreacute) de m clauses

F = Cj j =1

m

Chaque clause est alors deacutefinie par une disjonction de variables booleacuteennes dont certaines sont associeacutees agrave un opeacuterateur de neacutegation (indiqueacute par le symbole ndash ) Pour satisfaire F il faut donc satisfaire toutes ses clauses Pour un algorithme geacuteneacutetique chaque solution peut ecirctre simplement eacuteva-lueacutee par le nombre de clauses qursquoelle satisfait par exemple noteacute par f Si on considegravere par exemple lrsquoexpression suivante pour F

= and or and or or

and or or or

and or or or or

F x x x x x x

x x x x

x x x x x

( ) ( ) ( )

( )

( )

1 1 2 1 2 3

1 2 3 4

1 2 3 4 5

la solution (1 0 1 0 0) satisfait toutes les clauses sauf la premiegravere alors que la solution (0 1 1 0 1) satisfait toutes les clauses et donc lrsquoexpression F

Avec une repreacutesentation des chro-mosomes une fonction drsquoadaptation f et des opeacuterateurs de croisement et de mutation nous avons tous les eacuteleacutements pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique simple pour le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteenne Le processus peut ecirctre illustreacute par le tableau en bas de page avec un opeacuterateur de croisement uniforme repreacutesenteacute par la chaicircne de bits U Dans cet exemple simplifieacute lrsquoalgo-rithme a produit en six geacuteneacuterations une solution qui satisfait lrsquoexpression boo-leacuteenne F (les 5 clauses sont satisfaites pour un individu de la population) Pour une fonction plus complexe comprenant un grand nombre de va-riables on utilise des populations plus importantes et laisse la population eacutevoluer lentement vers des solutions de bonne qualiteacute

Variables booleacuteennes

Opeacuterateurs booleacuteens

Une variable booleacuteenne est une variable qui ne peut prendre que deux valeurs logiques VRAI ou FAUX On peut utiliser 1 et 0 pour repreacutesenter ces deux valeurs

Un opeacuterateur booleacuteen est un opeacuterateur qui sap-plique sur une ou deux variables booleacuteennes

La neacutegation drsquoune variable booleacuteenne x qui est noteacutee x change la valeur de la variable booleacuteenne x

Variable Neacutegation

10

01

x x

La conjonction de deux variables x et y noteacutee x and y prend la valeur 1 si les variables x et y ont toutes deux la valeur 1 Dans les autres cas elle prend la valeur 0

Variables Conjonction

1100

1010

1000

x y x y

La disjonction de deux variables x et y noteacutee x or y prend la valeur 1 si au moins lrsquoune des variables a la valeur 1 Elle prend la valeur 0 si les deux variables ont la valeur 0

Variables Disjonction

1100

1010

1110

x y x y

Geacuteneacuteration

5

(0 0 1 0 0) f = 4(0 0 1 0 1) f = 3(0 0 1 1 1) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

(0 0 1 0 0) f = 4(1 0 1 1 0) f = 4(0 0 1 1 1) f = 4

U = (0 1 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4 (1 0 1 1 0) f = 4

(0 1 1 1 0) f = 5U = (0 0 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

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Population Enfant Enfant muteacute

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Autres exemplesLes algorithmes geacuteneacutetiques ne sont pas applicables qursquoaux repreacutesentations binaires Par exemple le problegraveme classique du com-mis voyageur (Traveling Salesman Problem ou TSP) consiste agrave identifier une tourneacutee agrave coucirct minimal qui visite chaque ville drsquoun ensemble agrave couvrir Mecircme si une tourneacutee pourrait alors theacuteoriquement ecirctre repreacutesenteacutee par une chaicircne de booleacuteens on preacutefegravere geacuteneacuterale-ment utiliser une repreacutesentation plus directe sous forme de permutation Chaque permu-tation speacutecifie alors lrsquoordre dans lequel sont visiteacutees les villes

On doit alors deacutefinir des opeacuterateurs de mutation et de croisement pour une repreacutesentation sous forme de permutation Pour la muta-

tion un simple eacutechange entre deux villes dans une seacutequence pourra faire lrsquoaffaire Par exemple

Tourneacutee originale (Montreacuteal Rimou- ski Saguenay Val drsquoOr Queacutebec Sher-brooke)

Apregraves mutation (Montreacuteal Rimouski Saguenay Sherbrooke Queacutebec Val drsquoOr) Pour le croisement il est facile de constater que des opeacuterateurs sem-blables agrave ceux deacutecrits preacuteceacutedemment ne pourraient preacuteserver la structure de permutation Plusieurs opeacuterateurs valides ont toutefois eacuteteacute proposeacutes Agrave titre drsquoexemple lrsquoopeacuterateur OX choisit une sous-seacutequence dans la seacutequence drsquoun des parents et place les villes res-tantes dans lrsquoordre deacutefini par lrsquoautre

parent Dans le tableau ci-dessous deux po-sitions sont choisies aleacuteatoirement afin de deacutefinir une sous-seacutequence chez le premier parent (eacutetape 1) Agrave lrsquoeacutetape 2 les villes res-tantes sont placeacutees selon lrsquoordre induit par le deuxiegraveme parent

P1 Mtl Sag Val Queacute Shb RimQueacute Rim Mtl Shb Sag Val

Rim Sag Val Queacute Mtl Shb

Rim Mtl ShbSag Val Queacute

P2

Eacute1Eacute2

Enf

Ss

Une fois la repreacutesentation et les opeacuterateurs de base deacutefinis on peut simplement eacutevaluer chaque tourneacutee par la distance parcourue et tous les eacuteleacutements sont en place pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique pour le problegraveme TSP

Coloration de grapheUn autre problegraveme classique celui de colo-ration de graphe1 est aussi abordable par les algorithmes geacuteneacutetiques

Pour un graphe G = (V E) constitueacute drsquoun en-semble de nœuds V et drsquoarecirctes E un coloriage est une partition de V en k sous-ensembles (couleurs) C1 C2 hellip Ck pour lesquels u v isin Ci rArr (u v) notinE ie que deux nœuds ne peuvent avoir la mecircme couleur srsquoils sont lieacutes par une arecircte Le problegraveme de coloration de graphe consiste agrave trouver un coloriage utilisant un nombre minimal de sous-ensembles Ce type drsquoapproche permet notamment de reacutesoudre agrave coucirct minimum des conflits drsquohoraire En pratique on choisit drsquoabord une valeur-cible pour k et chaque chromosome constitue une partition de V en k sous-ensembles Les so-lutions sont codeacutees sous forme de chaicircnes en liant lrsquoindice de chaque nœud agrave lrsquoun des k sous-ensembles

DossierApplications

1 Voir laquo Le theacuteoregraveme des quatre couleurs raquo Accromath 141 2019

Coloration de grapheEn theacuteorie des graphes la coloration de graphe consiste agrave attribuer une couleur agrave chacun de ses sommets de maniegravere que deux sommets relieacutes par une arecircte soient de couleur diffeacuterente On cherche souvent agrave utiliser le nombre minimal de couleurs appeleacute nombre chromatique

12

34

5

6

7

89Un coloriage imparfait

10

Mtl Rim

SagShb

ValQueacute

2

6 3

4

1

5

Mtl Rim

SagShb

QueacuteVal

2

6 3

4

1

5

Mutation drsquoune tourneacutee

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Par exemple si on associe C1 agrave bleu C2 agrave rouge et C3 agrave vert dans le coloriage im-parfait de la page preacuteceacutedente la partition des nœuds associeacutee agrave cette solution est (1 2 3 2 3 2 1 2 3 1) car les nœuds 1 7 et 10 sont dans C1 les nœuds 2 4 6 et 8 dans C2 et les nœuds 3 5 et 9 dans C3 En deacutefinissant la fonction f comme le nombre de fois ougrave la regravegle du coloriage nrsquoa pas eacuteteacute respecteacutee on obtient f (C1 C2 C3) = 0 + 1 + 1 = 2 car on a 0 arecircte dans C1 1 arecircte dans C2 (entre les nœuds 2 et 4) et 1 dans C3 (entre les nœuds 3 et 5)

De faccedilon geacuteneacuterale le problegraveme de coloriage consiste agrave geacuteneacuterer une partition telle que f (C1 C2 Ck) = 0 avec un k le plus petit possible Avec la repreacutesentation en chaicircne de la partition il est facile de deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation semblables agrave ceux utiliseacutes pour les repreacutesen-tations binaires Les reacutesultats rapporteacutes dans la litteacuterature indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme domine encore ceux agrave un point et agrave deux points

Est-ce que ccedila fonctionne Il nrsquoy a aucun doute que les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent ecirctre utiliseacutes pour traiter des problegravemes drsquooptimisation Leur performance relative varie cependant selon les contextes Lorsqursquoun problegraveme est bien eacutetudieacute il est geacuteneacuteralement preacutefeacuterable drsquoavoir recours agrave des algorithmes speacutecialiseacutes qui peuvent tirer avantage de certaines structures speacutecifiques Pour le problegraveme TSP par exemple des approches baseacutees sur la programmation en nombres entiers peuvent maintenant reacutesoudre de faccedilon optimale des exemplaires de plusieurs dizaines de milliers de villes Il serait donc mal aviseacute drsquoutiliser un algorithme geacuteneacutetique pour reacutesoudre ce problegraveme (agrave moins de vouloir eacutetudier leur comportement ce qui peut ecirctre tout agrave fait leacutegitime et amusant)

Les algorithmes geacuteneacutetiques ont tout de mecircme lrsquoavantage drsquoecirctre simples agrave mettre en place En fait une meacutethode de codage des opeacuterateurs de croisement et de mutation ainsi qursquoune fonction drsquoeacutevaluation sont suf-fisants pour utiliser une approche eacutevolutive On obtient alors une approche robuste qui peut ecirctre tregraves utile si la fonction agrave optimiser est laquo floue raquo (fuzzy) ou si on dispose de peu de temps pour eacutetudier le problegraveme agrave optimiser

Les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent eacutega-lement ecirctre combineacutes agrave drsquoautres approches drsquooptimisation pour donner lieu agrave des meacutethodes hybrides tregraves puissantes souvent parmi les meilleures disponibles On peut par exemple utiliser des opeacuterateurs de mutation plus sophistiqueacutes pour optimiser le reacutesultat de chaque croisement Pour lrsquoalgorithme hybride reacutesultant la composante laquo geacuteneacute-tique raquo vise alors agrave enrichir la recherche en misant sur les eacuteleacutements qui constituent sa force ie lrsquoutilisation drsquoune population diver-sifieacutee qui permet lrsquoaccegraves aux caracteacuteristiques varieacutees de plusieurs individus et au proces-sus de seacutelection (artificielle dans ce cas) afin drsquoorienter lrsquoexploration vers les meilleures reacutegions de lrsquoespace de solutions Crsquoest bien lagrave lrsquoune des leccedilons agrave tirer de lrsquoobservation de la nature

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Rubrique des

Jean-Paul DelahayeUniversiteacute des Sciences et Technologies de Lille

Lrsquoinformation paradoxale

Comme le preacuteceacutedent ce paradoxe est aussi un paradoxe sur lrsquoinformation cacheacutee cependant il neacutecessite une patience bien supeacuterieure pour ecirctre reacutesolu ou lrsquoaide drsquoun ordinateur

On choisit cinq nombres a b c d et e veacuterifiant les relations

1 le a lt b lt c lt d lt e le 10

Autrement dit les cinq nombres sont compris entre 1 et 10 tous diffeacuterents et classeacutes par ordre croissant On indique leur produit P agrave Patricia (qui est brune) leur somme S agrave Sylvie (qui est blonde) la somme de leurs carreacutes

C = a2 + b2 + c2+ d2 + e2

agrave Christian (qui est barbu) et la valeur

V = (a + b + c)(d + e)

agrave Vincent (qui est chauve)

Ils doivent deviner quels sont les nombres a b c d et e

1- Une heure apregraves qursquoon leur a poseacute le problegraveme les quatre personnages qursquoon interroge simultaneacutement reacutepondent tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

2- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

3- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo Etc

23- Une heure apregraves (soit 23 heures apregraves la formulation de lrsquoeacutenonceacute ) les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

Cependant apregraves cette 23egraveme reacuteponse les visages des quatre personnages srsquoeacuteclairent drsquoun large sourire et tous srsquoexclament laquo crsquoest bon maintenant je connais a b c d et e raquo

Vous en savez assez maintenant pour deviner les 5 nombres a b c d e Il semble paradoxal que la reacutepeacutetition 23 fois de la mecircme affirmation drsquoignorance de la part des personnages soit porteuse drsquoune information Pourtant crsquoest le cas Essayez de comprendre pourquoi et ensuite armez-vous de courage la solution est au bout du calcul

Solution du paradoxe preacuteceacutedent

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Solution du paradoxe preacuteceacutedent

Lrsquoinformation paradoxaleIl arrive que lrsquoon pense ne pas disposer drsquoassez drsquoinfor-mations pour reacutesoudre un problegraveme alors qursquoen reacutealiteacute tout est agrave notre disposition Certaines situations sont si extraordinaires qursquoelles apparaissent paradoxales En voici un exemple

Un homme bavarde avec le facteur sur le pas de la porte de sa maison Il lui dit

laquo Crsquoest amusant je viens de remarquer que la somme des acircges de mes trois filles est eacutegale au numeacutero de ma maison dans la rue Je suis sucircr que si je vous apprends que le produit de leur acircge est 36 vous saurez me dire leur acircge respectif raquo

Le facteur reacutefleacutechit un moment et lui reacutepond

laquo Je suis deacutesoleacute mais je ne peux pas trouver raquo

Lrsquohomme srsquoexclame alors laquo Ah oui Jrsquoavais oublieacute de vous dire que lrsquoaicircneacutee est blonde raquo

Quelques secondes apregraves le facteur lui donne la bonne reacuteponse Aussi paradoxal que cela apparaisse vous pouvez deacuteduire de cet eacutechange lrsquoacircge des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte

SolutionLes diffeacuterentes deacutecompositions de 36 en produit de trois entiers et les sommes des facteurs sont donneacutees dans le tableau ci-contre

Le facteur connaicirct la somme des acircges des trois filles car il est sur le pas de la porte Srsquoil ne peut pas trouver leurs acircges respectifs crsquoest que parmi les produits possibles compatibles avec la somme qursquoil connaicirct il y en a deux qui donnent la mecircme somme Crsquoest donc que la somme est 13 Les deux possibiliteacutes sont donc 1-6-6 et 2-2-9 La premiegravere est eacutelimineacutee car deux enfants ne peuvent avoir le mecircme acircge que srsquoils sont jumeaux et alors il nrsquoy a pas drsquoaicircneacutee La solution est donc 2-2-9 Les acircges des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte sont 2 2 et 9 ans

Produits1times1times362times3times63times3times4

1times2times181times3times121times6times61times4times92times2times9

3811102116131413

Sommes

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Algorithmes dans lrsquohistoire1 Deacuteterminer les PGCD des couples

a) 924 3 135 c) 2 530 9 639

b) 83 337

Lrsquoheacuteritage de Fermat1 Appliquer la meacutethode de Fermat pour

factoriser les nombres suivants

a) 493 b) 1247 c) 6 903

2 Supposons qursquoun entier n est le produit de deux nombres premiers p lt q et que q ndash p lt p2 2 Montrer qursquoen utilisant la meacutethode de Fermat ce nombre n peut ecirctre factoriseacute en seulement une eacutetape

Eacutemergence logarithmique1 Soit la suite arithmeacutetique

a nd( ) n+ isin

a) Montrer que chaque terme (agrave lrsquoex- ception du premier) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins

b) Montrer un reacutesultat analogue pour la suite geacuteomeacutetrique

ar( ) nnisin

2 Montrer qursquoen termes modernes le passage de LrsquoAreacutenaire ci-haut porte sur les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacute-trique et sur la regravegle du produit de deux puissances

Tuyau Des nombres laquo continucircment en proportion agrave partir de lrsquouniteacute raquo forment une suite geacuteomeacutetrique dont le premier terme est 1

3 En comparant les deux tables tireacutees de la tablette MLC 02078 (pp 19 et 20) on y voit la suite geacuteomeacutetrique

2 ndash 4 ndash 8 ndash 16 ndash 32 ndash 64

ecirctre associeacutee agrave deux suites arithmeacutetiques Relier directement ces deux suites arith-meacutetiques lrsquoune agrave lrsquoautre

Tuyau On peut y voir du logarithme

4 Soit deux points P1 et P2 sur un segment AB (voir figure) Montrer que

a) si APAB

P PP B

1 1 2

1

= alors P BAB

P BP B

1 2

1

=

b) la reacuteciproque est elle aussi valide

5 La suite de segments AB P1B P2B P3B forme une progression geacuteomeacutetrique deacutecroissante (p 22) On deacutesigne par r le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique (on a donc r lt 1) et par z la longueur du segment AB

a) Interpreacuteter en termes de z et de r les segments AB P1B P2B P3B

b) Exprimer agrave lrsquoaide de z et de r les longueurs des intervalles AP1 P1P2 P2P3 P3P4

c) Appliquer ces reacutesultats aux valeurs numeacuteriques choisies par Napier (voir p 23)

d) Et que dire dans ce contexte de la suite arithmeacutetique deacutetermineacutee par le mouve-ment du point Q (p 22)

6 a) Expliquer lrsquoobservation dans lrsquoencadreacute ci-bas au cœur de la deacutemarche de Napier

b) En conclure que pour Napier la vitesse de P en un point donneacute est eacutegale agrave sa distance de lrsquoextreacutemiteacute B

Tuyau La constante de proportionnaliteacute de la partie a) est 1

7 On veut interpreacuteter ici le modegravele geacuteomeacute-trico-cineacutematique de Napier agrave lrsquoaide du calcul diffeacuterentiel et inteacutegral (moderne) On appelle x(t) la distance seacuteparant P de lrsquoextreacutemiteacute B au temps t et y(t) la position du point Q au temps t

a) Montrer que le deacuteplacement de Q est deacutecrit par lrsquoeacutequation diffeacuterentielle dydt = 107 avec comme condition initiale y(0) = 0

Tuyau La vitesse est la deacuteriveacutee de la distance parcourue par rapport au temps

b) Montrer de mecircme que le deacuteplace-ment de P est deacutecrit par dxdt = ndashx avec x(0) = 107

c) Reacutesoudre ces deux eacutequations diffeacuteren-tielles

d) Montrer comment on pourrait en tirer une notion de laquo base raquo pour les loga-rithmes de Napier1

1 Au plan historique une telle ideacutee de laquo base raquo chez Napier est une pure fabulation

Section problegravemes

Agrave propos de Napier

Puisque des distances parcou-rues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est pro-portionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (p 22)

Archimegravede LrsquoAreacutenaire

Si des nombres sont continucircment en pro- portion agrave partir de lrsquouniteacute et que cer-tains de ces nombres sont multiplieacutes entre eux le produit sera dans la mecircme pro-gression eacuteloigneacute du plus grand des nom- bres multiplieacutes drsquoautant de nombres que le plus petit des nom- bres multiplieacutes lrsquoest de lrsquouniteacute dans la pro-gression et il sera eacuteloigneacute de lrsquouniteacute de la somme moins un des nombres dont les nombres multiplieacutes sont eacuteloigneacutes de lrsquouniteacute

A

P1 P2

B

Pour en s voir plus

Histoire des matheacutematiques

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

bull Le livre Havil Julian John Napier Life Logarithms and Legacy Princeton University Press 2014 est une mine drsquoor pour des informations sur la vie et lrsquoœuvre de Napier

bull Le contexte ayant meneacute agrave la naissance des logarithmes est exposeacute dans Friedelmeyer Jean-Pierre laquo Contexte et raisons drsquoune lsquomirifiquersquo invention raquo In Eacutevelyne Barbin et al Histoires de logarithmes pp 39-72 Ellipses 2006 Le sous-titre de lrsquoarticle drsquoAccromath a eacuteteacute emprunteacute au titre de ce texte

bull Les deux traiteacutes de Napier sur les logarithmes le Mirifici logarithmorum canonis descriptio et le Mirifici logarithmorum canonis constructio peuvent ecirctre trouveacutes facilement (en latin) sur la Toile Une traduction anglaise de ces traiteacutes est accessible agrave partir du site de Ian Bruce sur les matheacutematiques des 17e et 18e siegravecles httpwww17centurymathscom

bull La citation de Laplace se retrouve aux pp 446-447 de Œuvres complegravetes de Laplace Exposition du systegraveme du monde (6e eacutedition) Bachelier Imprimeur-Libraire 1835 (Disponible sur Google Livres)

bull La tablette meacutesopotamienne MLC 02078 est eacutetudieacutee (pp 35-36) dans Neugebauer Otto et Sachs Abraham Mathematical Cuneiform Texts American Schools of Oriental Research 1945

bull Pour plus drsquoinformation sur lrsquoemploi des vocables laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo voir Charbonneau Louis laquo Progression arithmeacutetique et progression geacuteomeacutetrique raquo Bulletin AMQ 23(3) (1983) 4-6

bull Publieacutes en allemand en 1770 les Eacuteleacutements drsquoalgegravebre de Leonhard Euler sont parus en traduction franccedilaise degraves 1774 Cette version est accessible agrave partir du site Gallica de la Bibliothegraveque nationale de France httpsgallicabnffr

bull Lrsquoextrait de LrsquoAreacutenaire mdash voir la Section problegravemes mdash se trouve (p 366) dans Ver Eecke Paul Les œuvres complegravetes drsquoArchimegravede tome 1 Vaillant-Carmanne 1960

Applications des matheacutematiques

Lrsquoheacuteritage de Fermat

bull WB Hart laquo A one line factoring algorithmraquo J Aust Math Soc 92 (2012) no 1 61ndash69

bull RS Lehman laquo Factoring large integers raquo Math Comp 28 (1974) 637ndash646

bull MA Morrison and J Brillhart laquo A method of factoring and the factorization of F 7 raquo Math Comp 29 (1975) 183ndash205

bull C Pomerance laquoThe quadratic sieve factoring algorithm raquo Advances in Cryptology (Paris 1984) 169-182 Lecture Notes in Comput Sci 209 Springer Berlin 1985

Accromath est une publication de lrsquoInstitut des sciences matheacutema-tiques (ISM) et du Centre de recherches matheacutematiques (CRM) La revue srsquoadresse surtout aux eacutetudiantes et eacutetudiants drsquoeacutecole secon-daire et de ceacutegep ainsi qursquoagrave leurs enseignantes et enseignants

LrsquoInstitut des sciences matheacutematiques est une institution unique deacutedieacutee agrave la promotion et agrave la coordination de lrsquoenseignement et de la recherche en sciences matheacutematiques au Queacutebec En reacuteunissant neuf deacutepartements de matheacutematiques des universiteacutes queacutebeacutecoises (Concordia HEC Montreacuteal Universiteacute Laval McGill Universiteacute de Montreacuteal UQAM UQTR Universiteacute de Sherbrooke Bishoprsquos) lrsquoInstitut rassemble un grand bassin drsquoexpertises en recherche et en enseignement des matheacutematiques LrsquoInstitut anime de nombreuses activiteacutes scientifiques dont des seacuteminaires de recherche et des colloques agrave lrsquointention des professeurs et des eacutetudiants avanceacutes ainsi que des confeacuterences de vulgarisation donneacutees dans les ceacutegeps Il offre eacutegalement plusieurs programmes de bourses drsquoexcellence

LrsquoISM est financeacute par le Ministegravere de lrsquoEnseignement supeacuterieur et par ses neuf universiteacutes membres

Le Centre de recherches matheacutematiques est un centre national pour la recherche fondamentale en matheacutematiques et ses applica-tions Les scientifiques du CRM comptent plus drsquoune centaine de membres reacuteguliers et de stagiaires postdoctoraux Lieu privileacutegieacute de rencontre le Centre est lrsquohocircte chaque anneacutee de nombreux visi-teurs et drsquoateliers de recherche internationaux

Les activiteacutes scientifiques du CRM comportent deux volets principaux les projets de recherche qursquoentreprennent ses laboratoires et les activiteacutes theacutematiques organiseacutees agrave lrsquoeacutechelle internationale Ces derniegraveres ouvertes agrave tous les domaines impliquent des chercheurs du CRM et drsquoautres universiteacutes Afin drsquoassurer une meilleure diffusion des reacutesultats de recherches de ses collaborateurs le CRM a lanceacute en 1989 un programme de publications en collaboration avec lrsquoAmerican Mathematical Society et avec Springer

Le CRM est principalement financeacute par le CRSNG (Conseil de recherches en sciences naturelles et en geacutenie du Canada) le FQRNT (Fonds queacutebeacutecois de recherche sur la nature et les technologies) lrsquoUniversiteacute de Montreacuteal et par six autres universiteacutes au Queacutebec et en Ontario

Accromath beacuteneacuteficie de lrsquoappui de la Dotation Serge-Bissonnette du CRM

OR2010

BRONZE2011

BRONZE2014

OR2012

2008

Prix speacutecial de la ministre 2009

Prix Anatole Decerf 2012

Page 2: L’héritage de Pierre de Fermat La factorisation des grands ...

Reacutedacteur en chefAndreacute Ross Professeur de matheacutematiques

Comiteacute eacuteditorialPietro-Luciano Buono Professeur de matheacutematiques Universiteacute du Queacutebec agrave RimouskiFrance Caron Professeure de didactique des matheacutematiques Universiteacute de MontreacutealChristian Genest Professeur de statistique Universiteacute McGillFreacutedeacuteric Gourdeau Professeur de matheacutematiques Universiteacute LavalBernard R Hodgson Professeur de matheacutematiques Universiteacute LavalSteacutephane Laplante Enseignant de matheacutematiques Collegravege de MontreacutealChristiane Rousseau Professeure de matheacutematiques Universiteacute de MontreacutealRobert Wilson Professeur de matheacutematiques Ceacutegep de Leacutevis-Lauzon

Production et Iconographie Alexandra Haedrich Institut des sciences matheacutematiques

Conception graphiquePierre Lavalleacutee Neacuteograf Design inc

Illustrations de scientifiques et caricatures Noeacutemie Ross

Illustrations matheacutematiquesAndreacute Ross

Reacutevision linguistique Robert WilsonProfesseur de matheacutematiques Ceacutegep de Leacutevis-Lauzon

Institut des sciences matheacutematiques Universiteacute du Queacutebec agrave Montreacuteal Case postale 8888 succ Centre-ville Montreacuteal (Queacutebec) H3C 3P8 Canadaredactionaccromathca wwwaccromathca

ISSN 1911-0189

Dans cet ouvrage

Les algorithmes sont des laquo recettes raquo pour reacutesoudre des problegravemes La recette consiste agrave ramener le problegraveme agrave une suite finie drsquoopeacuterations clairement identifieacutees exeacutecutables par un ecirctre humain ou eacuteven-tuellement par une machine Les algorithmes sont omnipreacutesents en matheacutematiques et contribuent agrave leur incroyable efficaciteacute Crsquoest pourquoi nous avons choisi le thegraveme des algorithmes pour ce numeacutero Degraves le deacuteveloppement des premiers systegravemes de numeacuteration des algorithmes ont eacuteteacute mis au point pour effectuer les opeacuterations de base calculer des puissances ou extraire des racines Les exemples preacutesenteacutes dans Algorithmes au cours de lrsquohistoire illustrent le fait que ceux-ci peuvent deacutependre du systegraveme de numeacuteration et des proceacutedeacutes techniques utiliseacutes pour effectuer les calculsMais il ne suffit pas drsquoavoir un algorithme Encore faut-il pouvoir lrsquoexeacutecuter en un temps raisonnable Les algorithmes de factorisation des grands nombres fascinent les matheacutematiciens il est tregraves facile de multiplier deux grands nombres premiers mais beaucoup plus diffi-cile de retrouver les facteurs Ce thegraveme est abordeacute dans deux articles Dans son article Lrsquoheacuteritage de Fermat pour la factorisation des grands nombres Jean-Marie De Koninck nous fait part de progregraves dans cette direction lesquels neacutecessitent le recours agrave lrsquoessai-erreurLrsquoarticle Facile difficile hellip de Christiane Rousseau deacutecrit comment la difficulteacute de factoriser de grands nombres a permis de construire un proceacutedeacute de cryptographie le code RSA preacutesentement invio-lable sur nos ordinateurs mais qui ne reacutesistera pas agrave lrsquoavegravenement de lrsquoordinateur quantiqueLe deacuteveloppement drsquoun algorithme est le fruit drsquoune reacuteflexion theacuteorique sur le type de problegravemes ou drsquoopeacuterations agrave effectuer Dans Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier Jeacuterocircme Camireacute-Bernier et Bernard R Hodgson deacutecrivent la deacutemarche qui a meneacute agrave lrsquoinvention des logarithmes par John Napier (1550-1617) Cette invention a permis le deacuteveloppement drsquoalgo-rithmes tregraves efficaces pour calculer un produit une puissance ou la racine niegraveme de tregraves grands nombresIl nrsquoexiste pas toujours de meacutethode exacte pour reacutesoudre un problegraveme drsquooptimisation en un temps raisonnable Inspireacute par la theacuteorie de lrsquoeacutevolution de Charles Darwin (1809-1882) John Henry Holland (1929-2015) a deacuteveloppeacute une approche appliquant la notion de seacutelection naturelle agrave une population de solutions potentielles au problegraveme poseacute Dans Algorithmes geacuteneacutetiques Charles Fleurent donne un aperccedilu de cette nouvelle famille drsquoalgorithmesDans un second paradoxe intituleacute Lrsquoinformation paradoxale Jean-Paul Delahaye nous preacutesente un problegraveme qui est soluble mecircme si on peut agrave prime abord penser manquer drsquoinformation pour y parvenir

Bonne lecture Andreacute Ross

Eacuteditori l

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Volume 14 bull Eacuteteacute-automne 2019

SommaireDossierHistoire des matheacutematiques Algorithmes au cours de lrsquohistoire 2 Andreacute Ross

DossierApplications des matheacutematiques Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres 8 Jean-Marie De Koninck

Facile difficile 14 Christiane Rousseau

DossierHistoire des matheacutematiques Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier 18 Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson

DossierApplications des matheacutematiques Algorithmes geacuteneacutetiques 24 Charles Fleurent

Rubrique des Paradoxes Lrsquoinformation paradoxale 30 Jean-Paul Delahaye

Solution du paradoxe preacuteceacutedent 31 Jean-Paul Delahaye

Section problegravemes 32

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1824

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Doss

ierH

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ire

Le mot algorithme provient de la version latiniseacutee du nom du matheacutematicien persan Al-Khwarizmi1

Cependant les matheacutematiciens avaient deacuteveloppeacute et mis en œuvre des algorithmes bien avant sa naissance

Dans lrsquoarticle Extraction drsquoune racine dans un carreacute2 Bernard Hodgson nous a deacutejagrave preacute-senteacute un algorithme connu mille ans avant Pythagore et utiliseacute par les Meacutesopotamiens de lrsquoAntiquiteacute pour extraire une racine car-reacutee En fait degraves que lrsquoon cherche agrave reacutesoudre systeacutematiquement une famille de problegravemes on est deacutejagrave agrave la recherche drsquoun algorithme

Algorithme drsquoEuclideUn algorithme que le lecteur a probablement deacutejagrave utiliseacute est appeleacute lrsquoalgorithme drsquoEuclide On le retrouve dans le Livre VII des Eacuteleacutements drsquoEuclide qui veacutecut agrave Alexandrie environ un milleacutenaire avant Al-Khwarizmi Cet algorithme permet de trouver le plus grand commun diviseur ou pgcd de deux nombres

Dans la tradition euclidienne un nombre entier est une longueur et un produit drsquoen-tiers est un rectangle comme lrsquoindique la deacutefinition suivante tireacutee de la traduction de Bernard Vitrac des Eacuteleacutements drsquoEuclide

Et quand deux nombres srsquoeacutetant multiplieacutes lrsquoun lrsquoautre produisent un certain nombre le produit est appeleacute plan et les nombres qui se sont multiplieacutes lrsquoun lrsquoautre ses cocircteacutes(Livres VII deacutefinition 17)

La proceacutedure pour deacuteterminer le pgcd de deux nombres telle qursquoillustreacutee ci-dessous consiste drsquoun point de vue geacuteomeacutetrique agrave deacuteterminer la longueur du cocircteacute du plus grand carreacute agrave lrsquoaide duquel on peut paver entiegraverement le rectangle dont les longueurs des cocircteacutes sont les nombres dont on cherche le pgcd

En proceacutedant numeacuteriquement par divisions successives de la longueur par la largeur puis de la largeur par le reste et ainsi de suite jusqursquoagrave un reste nul on obtient

24 = 1 times 15 + 9 15 = 1 times 9 + 6 9 = 1 times 6 + 3 6 = 2 times 3 + 0

Le pgcd eacutetant le dernier reste non nul de ce processus 3 est donc le plus grand commun diviseur de 24 et 15 On eacutecrit pgcd(15 24) = 3

Andreacute RossProfesseur retraiteacute

1 Le mot algegravebre vient de Al-jabr walsquol muqabala titre drsquoun livre drsquoAl-Khwarizmi Cet ouvrage est le texte fondateur de lrsquoalgegravebre

2 Voir Accromath volume 1 automne-eacuteteacute 2006

Algorithmes au cours de lrsquohistoire

Dans le rectangle de cocircteacutes 24 et 15 on peut inscrire un carreacute de cocircteacute 15 Il reste un rectangle de cocircteacutes 9 et 15 dans lequel on peut inscrire un carreacute de cocircteacute 9 Il reste un rectangle de cocircteacutes 9 et 6 agrave lrsquointeacuterieur duquel on peut inscrire un carreacute de cocircteacute 6 il reste un rectangle de coteacutes 6 et 3 dans lequel on

inscrit maintenant deux carreacutes de cocircteacute 3 Crsquoest le plus grand carreacute agrave lrsquoaide duquel on peut paver le rectangle initial 3 est donc le pgcd de 24 et 15 Lorsque le plus grand carreacute permettant de paver le rectangle est unitaire les nombres sont premiers entre eux

15

24

24

15

15

15

9

3 3

15

15

15

15

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99

6

6

6

6

3

3

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Al-Khwarizmi783-850

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

Il est agrave noter qursquoen utilisant lrsquoalgorithme drsquoEuclide on peut deacuteterminer le pgcd de deux nombres sans connaicirctre leur factorisa-tion en nombres premiers La factorisation des nombres 15 et 24 est simple agrave obtenir

15 = 3 times 5 et 24 = 3 times23

drsquoougrave on peut conclure immeacutediatement que pgcd(15 24) = 3 Cependant pour de tregraves grands nombres il est plus simple et net-tement plus rapide drsquoappliquer lrsquoalgorithme drsquoEuclide mecircme agrave lrsquoaide drsquoun ordinateur

Algorithme drsquoEuclide et eacutequations diophantiennesRappelons qursquoune eacutequation diophantienne est une eacutequation polynomiale agrave une ou plusieurs inconnues dont les solutions sont chercheacutees parmi les nombres entiers les coefficients eacutetant eux-mecircmes des entiers On a recours agrave lrsquoalgorithme drsquoEuclide pour reacutesoudre certaines eacutequations diophantiennes de la forme

ax + by = cAgrave quelles conditions une telle eacutequation admet-elle une solution entiegravere

En ayant recours agrave la geacuteomeacutetrie analytique moderne on peut visualiser le problegraveme comme suit Lrsquoensemble des solutions de lrsquoeacutequation ax + by = c est repreacutesenteacute par une droite Si aucun point de la droite nrsquoa de coordon-neacutees entiegraveres lrsquoeacutequation nrsquoa aucune solution

Mais si la droite passe par au moins un point de coor- donneacutees entiegraveres elle a alors une infiniteacute de solutions puisque a b et c sont des entiers

Deux theacuteoregravemes apportent des reacuteponses pour certaines de ces eacutequations

Theacuteoregraveme de Bachet-Beacutezout

Soit a et b deux entiers Si d est le pgcd de a et b alors il existe des entiers x et y tels que

ax + by = d = pgcd(a b)Le second theacuteoregraveme porte sur le cas ougrave les deux entiers a et b ont 1 comme seul facteur commun

Aucune solution

Infiniteacute de solutions

Theacuteoregraveme de Beacutezout

Deux entiers a et b sont premiers entre eux si et seulement srsquoil existe deux entiers x et y tels que

ax + by = 1Agrave propos de ces theacuteoregravemes si la constante d ou 1 selon le cas nrsquoest pas le pgcd des coeffi-cients on ne peut rien conclure Par ailleurs pour deacuteterminer une premiegravere solution (x0 y0) drsquoune eacutequation de la forme

ax + by = pgcd(a b)on utilise lrsquoalgorithme drsquoEuclide et agrave lrsquoaide du lemme de Gauss on geacuteneacuteralise celle-ci en montrant que

minus

+ +

=a x k

bd

b y kad

d 0 0

ougrave k est un nombre entier

Diophante drsquoAlexandrieOn ignore tout de la vie du matheacutematicien grec Diophante dont on ne connaicirct que les eacutecrits On pense qursquoil vivait vers le 3e siegravecle de notre egravere sans pouvoir apporter plus de preacutecisions Son ouvrage le plus ceacutelegravebre est un traiteacute de 13 livres les Arithmeacutetiques Six volumes de cet ouvrage reacutedigeacutes en grec ont eacuteteacute retrouveacutes en Italie au 15e siegravecle par Regiomontanus (Johann Muumlller (1436-1476)) Quatre autres livres traduits en arabe ont eacuteteacute deacutecouverts en Iran en 1968 Les experts ne srsquoentendent pas agrave leur sujet srsquoagit-il de la traduction du texte original de Diophante ou plutocirct drsquoun commentaire sur les Arithmeacutetiques peut-ecirctre eacutecrit par Hypathie (env 355-415)

Les Arithmeacutetiques sont une collection de 189 problegravemes accom-pagneacutes de leur solution conduisant agrave des eacutequations dont les solutions sont entiegraveres ou fractionnaires

Claude-Gaspard Bachet de Meacuteziriac (1581-1638)

Claude-Gaspard Bachet de Meacuteziriac est un matheacutematicien poegravete et traducteur franccedilais Le theacuteoregraveme qui porte son nom a eacuteteacute preacutesenteacute pour la premiegravere fois dans la deuxiegraveme eacutedition de son ouvrage laquo Pro-blegravemes plaisans et deacutelectables qui se font par les nombres raquo parue en 1624

Eacutetienne Beacutezout (1730-1783)Le matheacutematicien franccedilais Eacutetienne Beacutezout est passeacute agrave la posteacuteriteacute pour le theacuteoregraveme de Bachet-Beacutezout en arithmeacutetique Il est le premier agrave donner une deacutemonstration correcte du theacuteoregraveme suivant selon lequel deux courbes algeacutebriques respectivement de degreacute m et n se rencontrent en geacuteneacuteral en mn points en comptant les multipliciteacutes

Degreacute 4

Degreacute 3

Degreacute 2

Degreacute 2

Lemme drsquoEuclide

Si un nombre pre-mier p divise le produit de deux nombres entiers b et c alors p divise b ou c

(Eacuteleacutements proposition VII30)

Lemme de Gauss

Si un nombre entier a divise le produit de deux autres nombres entiers b et c et si a est pre-mier avec b alors a divise c

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Multiplication eacutegyptienneDans tous les systegravemes de numeacuteration on a eu recours agrave des algorithmes pour effectuer des opeacuterations

Ainsi pour multiplier 19 par 23 le scribe eacutegyptien associe le plus grand des deux nombres agrave lrsquouniteacute et double ces nombres4 Il arrecircte lorsque le nombre de la colonne de gauche devient plus grand que le multipli-cateur

Puisque 19 = 16 + 2 + 1 il additionne les nombres de la colonne de droite sur les lignes non biffeacutees ce qui donne

19times23 = 23 + 46 + 368 = 437

On qualifie le systegraveme de numeacuteration eacutegyptien de systegraveme additif de base dix Il est additif car crsquoest par la reacutepeacutetition des symboles que lrsquoon eacutecrit un nombre et de base dix car un nouveau symbole est utiliseacute pour chaque puissance de dix

Dans ce systegraveme pour multiplier un nombre par 2 il suffit de doubler le nombre de sym-boles et drsquoeffectuer les regroupements en remplaccedilant tout groupe de 10 symboles identiques par le symbole supeacuterieur En utilisant cette eacutecriture des nombres la multiplication que nous venons drsquoeffectuer srsquoeacutecrit de la faccedilon ci-bas

On arrecircte lorsqursquoen doublant dans la colonne de gauche on obtient un nombre plus grand que le multiplicateur (en dou-blant les symboles du dernier nombre de la colonne de gauche on obtiendrait deux symboles suivis de plusieurs symboles ce qui est plus grand que le multiplicateur)

Le scribe repegravere alors dans la colonne de gauche les nombres qui additionneacutes donnent le multiplicateur soit

+ + =

DossierHistoire

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Reacutesolution agrave lrsquoaide de lrsquoalgorithme drsquoEuclideConsideacuterons lrsquoeacutequation

510x + 294y = 6

Cette eacutequation admet-elle des solutions En appliquant lrsquoalgorithme drsquoEuclide on obtient que

510 = 1times294 + 216On isole les restes

294 = 1times216 + 78216 = 2times78 + 6078 = 1times60 + 1860 = 3times18 + 618 = 3times6 + 0

rArr

216 = 510 ndash 1times294 78 = 294 ndash 1times216 60 = 216 ndash 2times78 18 = 78 ndash 1times60

6 = 60 ndash 3times18

Dans la colonne de gauche le dernier reste non nul est 6 on a donc pgcd(294 510) = 6 Par conseacutequent le theacuteoregraveme de Bachet-Beacutezout nous garantit que lrsquoeacutequa-tion admet une solution (x0 y0) On deacutetermine celle-ci en isolant les restes ce qui est fait dans la colonne de droite On substitue ensuite en laquo remontant la chaicircne raquo de calculs afin drsquoexprimer 6 en termes de 294 et de 510

Cela donne

18

6 = 60 ndash 3times(78 ndash 1times60) = 4times60 ndash 3times78

6 = 4times(216 ndash 2times78) ndash 3times78 = 4times216 ndash 11times78

6 = 4times216 ndash 11times(294 ndash 1times216) = 15times216 ndash 11times294

6 = 15times(510 ndash 1times294) ndash 11times294 = 15times510 ndash 26times294

60

78

216

Par conseacutequent le couple (15 ndash26) est une solution de lrsquoeacutequation 510x + 294y = 6 Lrsquoensemble des solu-tions entiegraveres est formeacute de tous les couples de la forme (15 ndash 49k ndash26 + 85k) ougrave k est un entier

1248

1632

234692

184368

1248

1619

234692

184368437

Le bacircton repreacutesente lrsquouniteacute

Lrsquoanse de panier la dizaine

Le rouleau de papyrus la centaine

La fleur de lotus le millier

Le doigt deacutesignant les eacutetoiles dix mille

Le tecirctard cent milleLe dieu agenouilleacute soutenant le mondeun million

NUMEacuteRATION HIEacuteROGLYPHIQUEValeur des symboles

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

Il suffit drsquoadditionner les reacutesultats des lignes dont la somme donne le multiplicateur ce qui donne

En eacutecriture moderne le scribe exprime le multiplicateur comme somme de puissances de 2 soit

19 = 16 + 2 + 1

En doublant la valeur du multiplicande et en retenant les valeurs correspondant aux termes de la deacutecomposition du multiplica-teur en somme de puissances de 2 il obtient 23times19 = 23times(16 + 2 + 1) = 368 + 46 + 23 = 437

Division eacutegyptiennePour illustrer comment srsquoeffectue une division consideacuterons lrsquoopeacuteration

divide

Le scribe associe le diviseur agrave lrsquouniteacute et il double successivement jusqursquoagrave obtenir le plus grand multiple du diviseur infeacuterieur au nombre agrave diviser

Dans ce tableau le scribe deacutetecte aiseacutement qursquoen doublant le nombre de la colonne de gauche il obtiendrait un nombre plus grand que le dividende En effet il obtiendrait alors deux symboles suivis de deux symboles (lecture de droite agrave gauche) alors que le divi-dende est formeacute de deux symboles suivi drsquoun seul symbole

Le dividende peut alors srsquoexprimer comme la somme de certains des nombres de la colonne de gauche plus possiblement un reste plus petit que le diviseur

Le scribe fait la somme des nombres des deux derniegraveres lignes de la colonne de gauche ce qui donne un nombre plus petit que le divi-dende En effet elle ne contient qursquoun seul symbole alors que le dividende en a deux (En langage moderne le chiffre des centaines est trop petit)

De plus il peut facilement constater qursquoen additionnant agrave ce reacutesultat le nombre de la troisiegraveme ligne agrave partir du bas il va obtenir deux symboles suivis de deux symboles

La somme serait donc plus grande que le dividende qui est formeacute de deux symboles

suivi drsquoun seul symbole Cette somme serait plus grande que le dividende ce qui signifie que le nombre de la troisiegraveme ligne agrave partir du bas ne fait pas partie du deacutevelop-pement du dividende en somme de multiples du diviseur Il faut biffer cette ligne dans le tableau

En ajoutant plutocirct le nombre de la quatriegraveme ligne agrave partir du bas et en comparant le reacutesultat au dividende il constate que cette somme est plus petite que le dividende (elle ne contient pas le symbole alors que le dividende en a un et le diviseur est plus petit que )

Il ajoute alors le nombre de la ligne du haut En comparant le dividende et la somme obtenue le scribe peut facilement constater que le reste est 3

En effectuant la somme des nombres conser-veacutes dans la colonne de droite le scribe deacuteter-mine le quotient Il a donc obtenu

219 = 27 times 8 + 3

De nos jours on eacutecrirait le quotient

2738

ou 27375

Comparaison

Comparaison

SommeDividende

SommeDividende

SommeDividende

Le reste est ce qui manquepour avoir lrsquoeacutegaliteacute soit

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DossierHistoire

Pour repreacutesenter une fraction le scribe eacutegyptien inscrivait lrsquohieacuteroglyphe au-dessus drsquoun nombre Ainsi pour repreacutesenter la fraction 112 le scribe doit eacutecrire Cette faccedilon de faire a un inconveacutenient le numeacuterateur des fractions est toujours lrsquouniteacute (sauf pour 23 pour lequel on disposait drsquoun hieacuteroglyphe particulier)

Pour indiquer 38 le scribe devait donc consideacuterer que 38 = 14 + 18 et eacutecrire

Reacuteglettes de Napier et extraction de racinesLa multiplication et la division en numeacuteration eacutegyptienne illustrent le fait qursquoun algorithme deacutepend du systegraveme de numeacuteration utiliseacute Il peut aussi deacutependre de lrsquoinstrument de calcul utiliseacute Napier a deacuteveloppeacute un algorithme pour extraire une racine carreacutee agrave lrsquoaide de ses reacuteglettes5

Lrsquoalgorithme de Napier repose sur la meacutethode traditionnelle laquo agrave la main raquo pour extraire une racine carreacutee6 Il considegravere une reacuteglette suppleacutementaire (en jaune dans les illustrations) repreacutesentant les car-reacutes des nombres de 1 agrave 9 Lrsquoalgo-rithme srsquoapplique agrave un nombre srsquoeacutecrivant avec un nombre pair de chiffres que lrsquoon divise en tranches de deux chiffres (si ce nrsquoest pas le cas on ajoute un 0 agrave la gauche du nombre) Effectuons lrsquoextraction de

la racine carreacutee du nombre 463 856

Dans ce nombre la premiegravere tranche de deux chiffres est 46 Le plus grand chiffre dont le carreacute est infeacuterieur agrave 46 est 6 Crsquoest le premier chiffre du reacutesultat

463 856 6=

En soustrayant de 46 le carreacute de 6 on obtient 10 et on abaisse les deux chiffres suivant du nombre agrave extraire

463 85636ndash10 3 8

On dispose dans le plateau les reacuteglettes du double du premier chiffre du reacutesultat (ici les reacuteglettes 1 et 2 pour 12) suivies de la reacuteglette

jaune et on repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutediatement 1 038 dans ceux repreacutesenteacutes par les lignes du plateau Sur la huitiegraveme ligne on lit 1 024

Le deuxiegraveme chiffre de la racine carreacutee est donc 8

463 856 68=

On soustrait 1 024 de 1 038 ce qui donne 14 et on abaisse la tranche des deux chiffres suivants du nombre agrave extraire ce qui donne 1 456

On double le second chiffre de la racine 2 times 8 = 16 que lrsquoon ajoute au nombre 12 deacutejagrave formeacute en le multipliant par 10 soit 12 times 10 + 16 =136

On dispose dans le plateau les reacuteglettes du nombre 136 suivis de la reacuteglette jaune et on

5 Les algorithmes pour la multiplication et la division agrave lrsquoaide de reacuteglettes ont eacuteteacute preacutesen-teacutes dans lrsquoarticle laquoJohn Napierraquo Accromath Vol 14 hiver-printemps 2019

6 Lrsquoalgorithme traditionnel pour la racine carreacutee fait lrsquoobjet du problegraveme laquo Racines cristallines raquo drsquoAccromath (vol 11 eacuteteacute-automne 2016 p 32) en lien avec le texte laquo Glanures matheacutematico-litteacuteraires (II) raquo de Bernard R Hodgson

Le symbole deacutesigne une addition alors que indique

une soustraction

0

0

0

0

0

0

0

0

2

3

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7

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10

0

1

1

1

2

2

2

6

9

2

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4

7

31

1

2

3

3

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5

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2

8

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4

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8

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6

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6

9

4

1

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1 3 6 1

2 7 2 4

4 0 8 9

5 4 5 6

6 8 2 5

8 1 9 6

9 5 6 9

1 0 9 4 4

1 2 3 2 1

0

0

0

0

0

0

0

0

2

3

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0

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1

1

1

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20

0

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6

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11

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5

6

7

8

9

1 2 1

2 4 4

3 6 9

4 9 6

6 2 5

7 5 6

8 8 9

1 0 2 4

11 6 1

0

0

1

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6

8

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5

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1

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Plus grand carreacuteinfeacuterieur agrave 47

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutediate-ment 1 456 Sur la premiegravere ligne on a 1 361 Le troisiegraveme chiffre de la racine est donc 1

463 856 681=

En soustrayant 1 361 de 1 456 on obtient 95 Crsquoest la derniegravere tranche de deux chiffres du nombre dont on veut extraire la racine on ajoute une virgule deacutecimale et on abaisse 00 pour obtenir 9 500

On double le troisiegraveme chiffre de la racine 2 times 1 = 2 que lrsquoon ajoute au nombre deacutejagrave formeacute que lrsquoon multiplie par 10 soit 136 times 10 + 2 =1 362 On dispose dans le

plateau les reacuteglettes du nombre 1 362 suivis de la reacuteglette jaune On remarque que le nombre sur la ligne 1 est plus grand que 9500 On ajoute un 0 apregraves la virgule deacutecimale

463 856 6810=

et on abaisse agrave nouveau 00 ce qui donne 950 000 On intercale la reacuteglette de 0 avant la reacuteglette jaune

On repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutedia-tement 950 000 crsquoest 817 236 sur la ligne 6 Le deuxiegraveme chiffre apregraves la virgule deacutecimale est donc 6 Ce qui donne

463 856 68106=

On poursuit ainsi en abaissant 00 agrave chaque eacutetape jusqursquoagrave ce que lrsquoon obtienne la preacuteci-sion chercheacutee

Pour y voir plus clairOn cherche agrave exprimer le nombre dont on veut extraire la racine carreacutee sous la forme

463 856 = (a times 102 + b times 10 + c)2 + Rcar il est clair que la partie entiegravere de cette racine carreacutee srsquoeacutecrit avec trois chiffres

Agrave chaque eacutetape du calcul on exprime le nombre comme somme drsquoun carreacute parfait et drsquoun terme reacutesiduel allant chercher un des trois chiffres a b et c agrave la fois

Agrave la premiegravere eacutetape on a donc

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6times102)2 + 103 856

Agrave lrsquoissue de la seconde eacutetape on obtient

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6times102 + 8times10)2 +1 456

Et agrave lrsquoissue de la troisiegraveme eacutetape on obtient enfin

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6 times 102 + 8 times 10 + 1)2 + 95

La partie entiegravere de la racine carreacutee de 463 856 est donc 681 Pour trouver la partie deacutecimale de cette racine il srsquoagit maintenant de poursuivre les calculs sur la partie reacutesiduelle R = 95

ConclusionLe vocable algorithme est devenu drsquousage courant avec lrsquoavegravenement des ordinateurs Cependant des algorithmes ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes tregraves tocirct dans lrsquohistoire Degraves que les premiers systegravemes de numeacuteration sont apparus on a deacuteveloppeacute des algorithmes pour effec-tuer les opeacuterations usuelles addition soustraction multiplication division En cherchant agrave reacutesoudre des problegravemes plus eacutelaboreacutes comme lrsquoextraction de racines ou la recherche du pgcd de deux nombres entiers il a fallu deacutevelopper drsquoautres algorithmes plus pousseacutes et parfois eacutetonnants

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136201

272404

408609

544816

681025

817236

953449

1089664

1225881

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Pierre de Fermat est tregraves connu pour son grand theacuteoregraveme concernant la non-existence de solutions entiegraveres positives

de lrsquoeacutequation xn + yn = zn pour chaque entier n ge 3 Toutefois une de ses plus importantes contributions

aux matheacutematiques modernes est sa meacutethode tout agrave fait originale pour factoriser des grands nombres

Plusieurs considegraverent Fermat comme le fondateur (avec Blaise Pascal) de la theacuteorie des probabiliteacutes et comme un preacutecurseur du calcul diffeacuterentiel par sa meacutethode de recherche des maximums et des minimums drsquoune fonction Toutefois sa meacutethode tout agrave fait originale pour factoriser des grands nombres est une de ses plus grandes contribu-tions aux matheacutematiques modernes et crsquoest souvent un fait dont lrsquoimportance est neacutegligeacutee

Comment fait-on pour laquo factoriser raquo un nombre Drsquoentreacutee de jeu il est bien drsquoexpliquer ce qursquoon veut-on dire par laquo factoriser raquo un nombre Drsquoabord rappelons que selon le theacuteoregraveme fondamental de lrsquoarithmeacutetique tout entier supeacuterieur agrave 1 peut srsquoeacutecrire comme un produit de nombres premiers et cette repreacutesentation est unique si on eacutecrit ses facteurs premiers en ordre croissant Ainsi le nombre 60 peut srsquoeacutecrire comme 60 = 22times3times5 et cette factori-sation est unique

Est-il important de connaicirctre la factorisation drsquoun nombre La reacuteponse est OUI agrave tout le moins depuis quelques deacutecennies plus preacuteciseacutement depuis 1978 anneacutee de la creacuteation de la meacutethode de chiffrement RSA largement utiliseacutee de nos jours pour seacutecuriser les transactions bancaires Cette meacutethode tient au fait que bien qursquoil soit facile de multiplier des nombres il est en contrepartie tregraves difficile de faire le chemin inverse crsquoest-agrave-dire de prendre un grand nombre composeacute et de trouver ses facteurs premiers Drsquoougrave la course sur la planegravete pour trouver des algorithmes de factorisation de plus en plus performants qui pourraient laquo casser raquo le code RSA Crsquoest ainsi qursquoen 1976 agrave lrsquoaide des algorithmes connus et des ordinateurs de lrsquoeacutepoque on estimait qursquoil faudrait plus de 1020 anneacutees pour arriver agrave factoriser 2251 ndash 1 un nombre de 76 chiffres Aujourdrsquohui en utilisant un logiciel de calcul installeacute sur un ordinateur de bureau il est possible drsquoobtenir cette factorisation en moins drsquoune minute

Jean-Marie De KoninckUniversiteacute Laval

Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres

Pierre de Fermat (1601-1665) Le matheacutematicien fran-ccedilais Pierre de Fermat eacutetait drsquoabord et avant tout un avocat et un officiel du gouverne-

ment dans la ville de Toulouse Dans ses temps libres il exerccedilait sa passion pour les matheacutematiques et la physique Mecircme si on peut le qualifier de laquo matheacutematicien amateur raquo il est neacuteanmoins passeacute agrave lrsquohistoire comme fondateur de la theacuteorie moderne des nombres

Nombre premier et nombre composeacute

Un entier n gt 1 est appeleacute nombre premier sil nest divisible que par 1 et par lui-mecircme Ainsi 7 est un nombre premier car ses seuls diviseurs entiers sont 1 et 7 alors que 6 nest pas premier puisquil est non seulement divisible par 1 et 6 mais il lest aussi par 2 et 3 Un entier n gt 1 qui nest pas premier est appeleacute nombre composeacute

Nombre premier

Nombres composeacutes

2 times 5 = 10

3 times 5 = 15

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Cependant le veacuteritable deacutefi est drsquoecirctre en me-sure de factoriser des nombres arbitraires de 300 chiffres et plus ce qui est preacutesentement impossible mecircme agrave lrsquoaide drsquoordinateurs tregraves puissants Drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la recherche de nouveaux algorithmes de factorisation

Comment srsquoy prendre pour factoriser un nombre Comment pourrions-nous proceacuteder pour factoriser un nombre composeacute dont on ne connaicirct agrave priori aucun facteur De toute eacutevidence on srsquointeacuteresse ici seulement agrave la factorisation des nombres impairs car autre-ment il suffit de diviser par 2 le nombre agrave factoriser jusqursquoagrave ce qursquoil laquo devienne raquo impair Agrave titre drsquoexemple pour trouver la factorisa-tion du nombre n = 11 009 on peut utiliser lrsquoapproche tout agrave fait naturelle qui consiste agrave examiner successivement la divisibiliteacute

de n par chacun des nombres premiers 3 5 7 11 et ainsi de suite En proceacutedant ainsi on constate eacuteventuellement que ce nombre n est divisible par 101 et que n =101 times 109 menant du coup agrave la factorisation 11 009 = 101 times 109 Bravo Mais avouez que cela a eacuteteacute un peu laborieux car on a ducirc veacuterifier la divisibiliteacute de n par chacun des nombres premiers infeacuterieurs agrave 101 Drsquoail-leurs on se convainc aiseacutement que pour un nombre arbitraire n il aurait fallu veacuterifier la divisibiliteacute par chacun des nombres premiers plus petits que n Cela veut dire que pour un nombre de 200 chiffres il faudrait veacuterifier sa divisibiliteacute par tous les nombres premiers de moins de 100 chiffres un travail colossal Crsquoest pourquoi il est leacutegitime de se demander srsquoil existe des meacutethodes plus efficaces pour factoriser des nombres Or justement Pierre de Fermat en a trouveacute une qui srsquoavegravere drsquoune simpliciteacute deacuteconcertante (Voir encadreacute ci-bas)

Pour illustrer sa meacutethode Fermat a choisi le nombre

n = 2 027 651 281

La meacutethode de factorisation de Fermat Dentreacutee de jeu on peut supposer que le nombre n agrave fac-toriser nest pas un carreacute parfait car sinon on sattardera tout simplement agrave la factorisation du nombre m = nDeacutebutons avec un exemple Si on vous demande de factoriser le nombre 899 peut-ecirctre allez-vous eacutecrire

899 = 900 ndash 1 = 302 ndash 12

= (30 ndash 1)(30 + 1) = 29 times 31

et le tour est joueacute Quelle chance que 899 soit une diffeacuterence de deux carreacutes nest-ce pas Non pas du tout car en reacutealiteacute cest le cas de tout entier posi-tif impair composeacute et cest lideacutee de base de la meacutethode de factorisation de Fermat En effet pour un tel entier n il existe neacutecessairement deux entiers a gt b ge 1 tels que n = a2 ndash b2 auquel cas

n = (a ndash b)(a + b)

Pourquoi Supposons que n = rs avec 1 lt r lt s On peut facilement veacuterifier que les nombres a = (s + r) 2 and b = (s ndash r)2 sont tels que n = a2 ndash b2 Mais com-ment fait-on pour trouver ces deux entiers a et b Certes on a n = a2 ndash b2 lt a2 et donc a gt n auquel cas a ge n + 1 Ici x deacutesigne le plus grand entier le x Commenccedilons donc par poser a = n + 1 Si a2 ndash n est un carreacute parfait disons a2 ndash n = b2 alors nous avons trouveacute a et b comme requis Autrement (cest-agrave-dire si a2 ndash n nest pas un carreacute parfait) on choisit a = n + 2 et ainsi de suite jusquagrave ce que lon trouve un entier positif k tel que le nombre a = n + k soit tel que a2 ndash n est un carreacute parfait que lon eacutecrit alors comme b2 Ce processus a une fin en ce sens quon va eacuteventuelle-ment trouver un nombre b tel que b2 = a2 ndash n et cela parce que lon sait deacutejagrave que b = (s ndash r)2 fait laffaire

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Il obtient drsquoabord que n = 45 029 et commence ainsi avec

a = 45 029 + 1 = 45 030

comme 45 0302 ndash 2 027 651 281 = 49 619 nrsquoest pas un carreacute parfait il pose ensuite a = 45 031 qui ne produit pas non plus de carreacute parfait et ainsi de suite jusqursquoagrave ce qursquoil pose a = 45 041 qui donne

= minus

= =

b 45 041 2 027 651 281

1 040 400 1 020

2

Fermat conclut alors que n = 2 027 651 281 = 45 0412 ndash 1 0202 = (45 041 ndash 1 020)(45 041 + 1 020) = 44 021 times 46 061

Si on choisit de programmer cette meacutethode avec le logiciel de calcul Python1 on peut eacutecrire ceci (dans le cas particulier n = 2 027 651 281)

ce qui donnera

a = 45 041 et b = 1 020 et

n = 44 021times46 061

La meacutethode de Fermat est-elle reacuteellement efficace La reacuteponse courte est laquo Cela deacutepend de la nature du nombre agrave factoriser raquo2 Afin de donner une reacuteponse preacutecise agrave cette question eacutevaluons le nombre drsquoopeacuterations eacuteleacutementaires neacutecessaires pour exeacutecuter la meacutethode de Fermat Par laquo opeacuteration eacuteleacutementaire raquo on en-tend lrsquoaddition la soustraction la

multiplication la division lrsquoeacuteleacutevation agrave une puissance et lrsquoextraction de la racine carreacutee Une opeacuteration eacuteleacutementaire est aussi parfois appeleacutee une laquo eacutetape raquo On dira drsquoun algo-rithme qursquoil est laquo rapide raquo srsquoil srsquoexeacutecute en peu drsquoeacutetapes

Eacutetant donneacute un entier positif n qui nrsquoest pas un carreacute parfait on dit que les nombres d1 et d2 sont les diviseurs milieux de n si d1 est le plus grand diviseur de n infeacuterieur agrave n et d2 =nd1 On peut alors deacutemontrer que le nombre k drsquoeacutetapes requises pour factoriser n via la meacutethode de Fermat est exactement

k =d1 +d2

2 d1d2

soit essentiellement la diffeacuterence entre la moyenne arithmeacutetique et la moyenne geacuteo-meacutetrique des diviseurs d1 et d2 En effet comme on lrsquoa vu ci-dessus (encadreacute p 9) on a

Exeacutecuter lrsquoalgorithme de Fermat consiste donc agrave chercher le plus petit entier k ge1 tel que

n + k( )2 n est un entiera

Or n + k = a implique que k = a ndash n et cela entraicircne

k =d1 +d2

2 d1d2

Pour quels entiers lrsquoalgorithme de Fermat est-il rapide Le temps drsquoexeacutecution pour factoriser un en-tier n en utilisant lrsquoalgorithme de Fermat sera court si ses diviseurs milieux sont pregraves lrsquoun de lrsquoautre crsquoest-agrave-dire pregraves de n (voir lrsquoencadreacute p 11) En contrepartie si les divi-seurs milieux sont eacuteloigneacutes lrsquoun de lrsquoautre alors exeacutecuter la meacutethode de Fermat peut prendre davantage de temps que la simple veacuterification de la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers (voir lrsquoencadreacute p 12)

DossierApplications

1 Logiciel libre que lrsquoon peut teacuteleacutecharger gratuitement sur Internet

2 Voir Section problegravemes

On doit deacuteterminer a et b tels que

n = a2 ndash b2ougrave n et b sont les cathegravetes drsquoun triangle rectangle drsquohypoteacutenuse a Le cocircteacute b est tel que

b2 = a2 ndash n Lrsquohypoteacutenuse doit ecirctre plus grande que les cathegravetes soit

a gt nOn calcule a2 ndash n pour les entiers plus grands n soit

a = n + 1 a = n + 2

a = n + kLorsque (a2 ndash n) est un car-reacute parfait b2 on a alors

a2 ndash n = b2

drsquoougrave n = a2 ndash b2 = (a ndash b)(a + b)On en conclut que n est fac-torisable puisque (a ndash b) et (a + b) en sont des facteurs

La meacutethode de Fermat en image

aa2 gt n

a gt bb2 = a2 ndash n

n

nCarreacutedrsquoaire n

a + b

a ndash b

a ndash b

a + b

a + b

a

b

b

Rectangle drsquoaire n

import math

n = 2 027 651 281

a=mathfloor(mathsqrt(n))+1

b=mathsqrt(a2-n)

while b =int(b)

a+=1

print (a= d et b= d ---gt n= d x d (int(a)int(b)int(a-b)int(a+b))

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Tirer le maximum de la meacutethode de Fermat Comme on vient de le voir si la distance qui seacutepare les diviseurs milieux drsquoun entier n est grande la meacutethode de Fermat est peu efficace On peut contourner ce problegraveme en veacuterifiant au preacutealable la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers3 Par exemple supposons qursquoon ose srsquoattaquer agrave la factorisation du nombre de 16 chiffres n = 489 + 3 = 1 352 605 460 594 691 Appli-quer naiumlvement la meacutethode de Fermat nous amegravenera sans doute agrave abandonner notre ap-proche une fois rendu agrave quelques millions drsquoeacutetapes Une approche plus senseacutee consiste agrave drsquoabord identifier les possibles petits fac-teurs premiers de n soit en veacuterifiant la divisi-biliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave 10 000 ou 100 000 disons ce qursquoon sera en mesure de reacutealiser tregraves rapidement agrave lrsquoaide drsquoun logiciel de calcul Crsquoest ainsi qursquoon deacute-couvre que notre nombre n est divisible par 3 et 1 249 Le problegraveme se ramegravene alors agrave factoriser le nombre

=times

=nn

3 1 249360 983 576 3531

Appliquer la meacutethode de Fermat agrave ce nou-veau nombre donne

n1 = 587 201 times 614 753

et cela apregraves seulement 157 eacutetapes En ras-semblant nos calculs on obtient finalement que

n = 1 352 605 460 594 691

= 3 times 1 249 times n1

= 3 times 1 249 times 587 201 times 614 753

Dans cet exemple nous avons eacuteteacute chanceux car les deux plus grands facteurs premiers de n eacutetaient proches lrsquoun de lrsquoautre Il va de soi que ce nrsquoest pas toujours le cas Crsquoest pour-quoi si apregraves avoir eacutelimineacute les petits facteurs premiers de n la meacutethode de Fermat prend trop de temps agrave deacutevoiler ses grands facteurs premiers il est rassurant de savoir qursquoil existe drsquoautres avenues

Compliquer le problegraveme pour mieux le simplifier Une autre approche pour factoriser un nombre n est drsquoappliquer la meacutethode de Fermat agrave un nombre plus grand que n lui-mecircme en fait agrave un multiple de n Prenons par exemple le nombre n = 54 641 Comme ce nombre est relativement petit la meacutethode de Fermat trouvera sa factorisation agrave savoir n = 101 times 541 en 87 eacutetapes un nombre neacuteanmoins plutocirct grand compte tenu de la petite taille de n Toutefois si on avait su que lrsquoun des facteurs premiers de n eacutetait approximativement 5 fois son autre facteur premier on aurait pu preacutealablement multiplier n par 5 permet-tant ainsi au nouveau nombre 5n drsquoavoir ses

Algorithme (application rapide) lorsque les diviseurs milieux sont proches

Si les diviseurs milieux d1 lt d2 dun nombre n sont tels que la distance ∆ = d21048576ndash d1 qui les seacutepare satisfait agrave ∆ lt d1 et si k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n il deacutecoule de k =

d1 +d2

2 d1d2 que

kd d

d d

d dd

2( ) 1

21 1

1 11 1

1 11

lt + + minus + +

= + minus + +

Par ailleurs on peut montrer que lineacutegaliteacute

+ gt + minusyy y

1 12 8

2tient pour tout y isin (0 1)

Pour sen convaincre il suffit deacutelever chacun de ses cocircteacutes au carreacute et dutiliser le fait que y lt 1 En posant y = ∆d1 dans lrsquoineacutegaliteacute preacuteceacutedente il deacutecoule alors que

lt + minus + minus

+ = +k d dd d d2

112

18

118

11 11

2

12

2

1

lequel nombre est laquo petit raquo en autant que ∆ ne soit pas trop grand Ainsi pour n = 20 099 = 101 times 199 on obtient que

lttimes

+ ltk98

8 1011 13

2

un nombre deacutetapes relativement petit

3 Plus geacuteneacuteralement pour calculer le plus grand commun diviseur de deux entiers on peut utiliser lrsquoalgorithme drsquoEuclide lequel est tregraves rapide (voir lrsquoarticle laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo p 2 de ce numeacutero)

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DossierApplications

diviseurs milieux essentiellement du mecircme ordre de grandeur de sorte que la meacutethode de Fermat appliqueacutee au nombre 5n aurait reacuteveacuteleacute ses facteurs 505 et 541 en une seule eacutetape Il aurait ensuite suffi de veacuterifier lequel de 505 et de 541 avait laquo heacuteriteacute raquo du facteur artificiel 5 ce qui est bien sucircr tregraves facile agrave faire Voila qui est bien facile lorsqursquoon sait qursquoun des facteurs est proche drsquoun multiple drsquoun autre facteur une information dont on ne dispose malheureusement pas agrave lrsquoavance

Peut-on neacuteanmoins explorer cette approche pour un nombre composeacute arbitraire Lrsquoideacutee serait de consideacuterer le nombre n times r pour un choix approprieacute de r Par exemple si n = pq et r = uv nous aurons nr = pu times qv et si nous sommes chanceux les deux nouveaux diviseurs pu et qv (de nr) seront suffisamment proches lrsquoun de lrsquoautre pour nous permettre drsquoappli-quer lrsquoalgorithme de Fermat avec succegraves En 1974 utilisant un raffinement de cette ideacutee R Sherman Lehman est parvenu agrave montrer que lrsquoon peut en effet acceacuteleacuterer la meacutethode de Fermat et de fait factoriser un entier im-pair n en seulement n13 eacutetapes

Les nombreuses ameacuteliorations de lrsquoideacutee originale de FermatEst-il possible de faire encore mieux Dans les anneacutees 1920 Maurice Kraitchik ameacute-liorait la meacutethode de Fermat et on sait aujourdrsquohui que son approche a constitueacute la base des principales meacutethodes modernes de factorisation des grands nombres Lrsquoideacutee de Kraitchik est la suivante plutocirct que de cher-cher des entiers a et b tels que n = a2 ndash b2 il suffit de trouver des entiers u et v tels que u2 ndash v2 est un multiple de n Par exemple sachant que 1272 ndash 802 est un multiple du nombre n = 1 081 on peut encore une fois profiter de lrsquoidentiteacute

u2 ndash v2 = (u ndash v)(u + v)

Dans notre cas on peut eacutecrire que

1272 ndash 802 = (127 ndash 80)(127 + 80)

= 47 times207

Algorithme (application lente) lorsque les diviseurs milieux sont eacuteloigneacutes

Supposons par exemple que lon cherche agrave factoriser un nombre n de 20 chiffres qui en reacutealiteacute est le produit de deux nombres premiers lun fait de 5 chiffres et lautre de 15 chiffres Il deacutecoule alors de la for-mule

k =d1 +d2

2 d1d2

ougrave k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n par la meacutethode de Fermat qursquoon aura

gt+

minus

gt gt

k n10 10

2

102

ndash10 10

4 14

1410 13

alors quen testant simplement la divi-sibiliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave n lt 1010 cela aurait eacuteteacute au moins mille fois plus rapide

Maurice Kraitchik 1882-1957Matheacutematicien et vulgarisateur scientifique belge Kraitchik sest surtout inteacuteresseacute agrave la theacuteorie des nombres et aux matheacutematiques reacutecreacuteatives

Il est lrsquoauteur de plusieurs ouvrages sur la theacuteorie des nombres reacutedigeacutes entre 1922 et 1930 De 1931 agrave 1939 il a eacutediteacute la revue Sphinx un mensuel consacreacute aux matheacutematiques reacutecreacuteatives Eacutemigreacute aux Etats-Unis lors de la Seconde Guerre mondiale il a enseigneacute agrave la New School for Social Research agrave New York Il srsquoest particuliegraverement inteacuteresseacute au thegraveme geacuteneacuteral des reacutecreacuteations matheacutematiques

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Comme tout facteur premier de n doit obli-gatoirement ecirctre un facteur de 47 ou de 207 et comme 207 = 9 times 23 on peut rapidement conclure que n = 23 times 47 Bien sucircr pour que cette approche soit efficace il faut eacutelaborer des astuces permettant de trouver des multiples du nombre agrave factoriser qui puissent srsquoeacutecrire comme une diffeacuterence de deux carreacutes Or crsquoest preacuteciseacutement ce que plusieurs matheacutematiciens ont reacuteussi agrave faire au cours du vingtiegraveme siegravecle

Ougrave en est-on aujourdrsquohui On a vu qursquoen optimisant la meacutethode origi-nale de Fermat R Sherman Lehman pouvait factoriser un entier n en environ n13 eacutetapes Or dans les anneacutees 1980 en faisant intervenir des outils matheacutematiques plus avanceacutes dont des notions drsquoalgegravebre lineacuteaire Carl Pomerance a davantage peaufineacute la meacutethode originale de Fermat et creacuteeacute une nouvelle meacute-thode de factorisation connue sous le nom de crible quadratique On sait montrer que dans la pratique avec le crible quadratique

il suffit drsquoau plus timese n n(ln ) ln(ln ) eacutetapes pour factoriser un nombre arbitraire n ce qui peut faire une eacutenorme diffeacuterence lorsqursquoil srsquoagit de factoriser de tregraves grands nombres Crsquoest ain-si que le crible quadratique permet de facto-riser un nombre n de 75 chiffres en moins de

=

lt lt

times timese e

e 10 eacutetapes

ln(10 ) ln(ln10 ) 75ln10 ln(75ln10)

299 13

75 75

alors que la meacutethode de Lehman en requiert environ 1025

Et dire que toute cette panoplie de meacutethodes de factorisation ont leur origine dans une ideacutee de Fermat datant de plus de trois siegravecles et demi

Une belle application de la meacutethode de Fermat

On peut montrer que tout entier de la forme 4k4 + 1 peut ecirctre factoriseacutee en utilisant la meacutethode de Fermat en une seule eacutetape

Soit n = 4k4 + 1 On observe drsquoabord que

n 4k 4 +1= = 2k2

En utilisant la meacutethode de Fermat on choisit drsquoabord

a = n + 1 = 2k2 + 1

On veacuterifie ensuite si a2 ndash n est un carreacute parfait Pour y arriver on eacutecrit

a2 ndash n = (2k2 + 1)2 ndash (4k4 + 1)

= 4k4 + 4k2 + 1 ndash 4k4 ndash 1 = 4k2

qui est un carreacute parfait

On peut donc conclure quen posant 4k2 = b2 on a

n = a2 ndash b2 = (2k2 + 1)2 ndash (2k)2

= (2k2 ndash 2k + 1)(2k2 + 2k + 1)

ce qui fournit la factorisation souhaiteacutee

On peut utiliser cette information pour trouver par exemple la factorisation complegravete de n = 258 + 1

En effet commen = 4 times 256 + 1 = 4 times (214)4 + 1

est bien de la forme 4k4 +1 la meacutethode de Fermat devrait nous fournir ses deux diviseurs milieux du premier coup Effective-ment on a

a = n + 1 = 2k2 + 1 = 536 870 913

On a tout de suite

a2 ndash n = 10 73 741 824 = 32 7682 = b2

de sorte que

n = a2 ndash b2

= (53 68 70 913 ndash 32 768)(53 68 70 913 + 32 768)

= 53 68 38 145 times 53 69 03 681

Comme le premier de ces deux facteurs est de toute eacutevidence un multiple de 5 on peut donc conclure que

n = 258 + 1 = 5 times 107 367 629 times 536 903 681

fournissant ainsi la factorisation souhaiteacutee

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Il est facile drsquoemmecircler un fil de pecircche alors qursquoil est tregraves difficile de le deacutemecircler De mecircme certaines opeacuterations sur les nombres

sont faciles dans un sens et difficiles dans lrsquoautre On les appelle opeacuterations agrave sens unique Elles sont utiliseacutees pour la cryptographie

Lorsque vous envoyez votre numeacutero de carte de creacutedit par Internet agrave un site proteacutegeacute le logiciel crypte celui-ci par le code RSA du nom de ses inventeurs Ronald Rivest Adi Shamir et Leonard Adleman

Historiquement les codes secrets ont tous eacuteteacute perceacutes Mais le code RSA publieacute en 1978 reacutesiste encore malgreacute tous les efforts de la communauteacute matheacutematique pour le briser Il repose sur le fait que si on prend deux tregraves grands nombres premiers distincts p et q et qursquoon les multiplie pour obtenir n = pq alors il est hors de porteacutee des ordinateurs actuels2 de reacutecupeacuterer p et q Ainsi on peut se permettre de publier n la cleacute qui sert au cryptage sans crainte que quiconque puisse reacutecupeacuterer p et q qui servent au deacutecryptage Ce proceacutedeacute srsquoappelle la cryptographie agrave cleacute publique parce que la recette de cryptage est publique

Aussi surprenant que cela puisse paraicirctre il est facile pour un ordinateur de fabri-quer de grands nombres premiers Plusieurs algorithmes geacuteneacuterant de grands nombres premiers sont probabilistes Nous allons en preacutesenter un ci-dessous

Dans la cryptographie agrave cleacute publique les mes-sages sont des nombres m infeacuterieurs agrave n On demandera drsquoeacutelever le nombre m agrave une tregraves grande puissance e ougrave e est un nombre qui est eacutegalement public Le message encrypteacute a est le reste de la division de me par n Tou-jours surprenant il est facile pour un or-dinateur de calculer ce reste mecircme si m et e ont chacun 200 chiffres Nous allons voir comment Le deacutecryptage se fait de maniegravere symeacutetrique en calculant le reste de la division de ad par n Mais d est inconnuhellip et pour le calculer il faut connaicirctre p et q et donc factoriser n Donc seul le concepteur qui a choisi p et q peut lire le message

Combien de temps reacutesistera le code RSA Si ce nrsquoeacutetait que des progregraves de la factorisation des entiers et de lrsquoaugmentation de la puis-sance des ordinateurs il pourrait reacutesister en-core longtemps quitte agrave allonger un peu la cleacute n Mais crsquoest sans compter sur la preacute-sence possible drsquoun nouveau venu lrsquoordina-teur quantique Cet ordinateur nrsquoexiste pas encore Par contre un algorithme rapide de factorisation sur un ordinateur quantique lrsquoalgorithme de Shor existe depuis 1997 Nous allons nous pencher sur lrsquoideacutee de cet algorithme

Christiane Rousseau Universiteacute de Montreacuteal

2 Voir lrsquoarticle laquo Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres raquo de Jean-Marie De Koninck p 8 de ce numeacutero

Comme 1 est le pgcd1 de e et de φ(n) on peut eacutecrire via lrsquoalgo-rithme drsquoEuclide

1 = 10 times 1 456 ndash 633 times 23Donc 1 = 10 times 1 456 ndash (1 456-823) times 23ou encore

1= ndash13 times 1 456 + 823 times 23Comme 823 times 23 =13 times 1 456 + 1 le reste de la division de ed par φ(n) vaut bien 1

1 Voir laquo Algorithmes dans lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

Calculer le reste de la division de me par nEacutecrivons la deacutecomposition de e = 23 en somme de puissances de 2

e = 1 + 2 + 4 + 16

Alors

m e = m m2 m4 m16

On va donc y aller pas agrave pas pour calculer ces puissances et agrave chaque eacutetape on va diviser par n Le reste de la division de m2 par n est 1 126 Remarquons que m4 = (m2)2 Le reste de la division de m4 par n est donc le mecircme que le reste de la division de 1 1262 par n

1 1262 = 823n + 1 388

De mecircme le reste de la division de m8 par n est le mecircme que le reste de la division de 1 3882 par n

1 3882 = 1 253n + 683

Finalement le reste de la division de m16 par n est le mecircme que le reste de la division de 6832 par n

6832 = 303n + 778

On remet le tout ensemble Le reste de la division de m23 par n est le mecircme que le reste de la division de

1 234 1 126 1 388 778

par n qui est bien a = 1 300 Dans la ligne qui preacutecegravede on peut aussi alterner entre faire des

multiplications et diviser les produits partiels par n pour ne pas laisser grossir les expressions Ces calculs sont faciles pour des ordinateurs mecircme quand les nombres sont tregraves grands

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un exemple de fonctionnement du code RSAAline veut pouvoir recevoir des mes-sages secrets de Bernard Elle construit donc un systegraveme agrave cleacute publique pour re-cevoir de tels messages Elle prend les nombres premiers p = 29 et q = 53 La cleacute est n =1 537 Elle aura besoin du nombre

φ(n) = (p ndash 1)(q ndash 1) = 1 456

Elle choisit e relativement premier avec φ(n) par exemple e = 23 Soit d = 823 Il a eacuteteacute construit pour que le reste de la division de ed par φ(n) soit 1 (voir encadreacute ci-contre) Pour ce il fallait connaitre φ(n) et donc la factorisation de n ce qui est difficile pour quelqursquoun ne connaissant pas p et q Aline publie n et e Bernard veut lui envoyer le message

m = 1 234

Pour le crypter il lrsquoeacutelegraveve agrave la puissance e = 23 et le divise par n Ceci lui donne le message crypteacute

a = 1 300

qursquoil envoie agrave Aline Celle-ci utilise d connu drsquoelle seule pour calculer le reste de la divi-sion de ad par n Ce reste est preacuteciseacutement le message m = 1 234

Lrsquoexemple eacutetait avec de petits nombres Mais comment faire les calculs quand les nombres sont gros Il faut se rappeler que ce qui nous inteacuteresse ce ne sont pas les nombres me et

ad mais seulement le reste de leur division par n Alors il ne faut pas laisser grossir les calculs Il faut plutocirct alterner entre prendre des puissances et diviser par n (Voir deacutetails dans lrsquoencadreacute)

Construire de grands nombres premiersLrsquoideacutee est la suivante Si on veut construire un grand nombre premier de 100 chiffres on geacutenegravere au hasard un nombre de 100 chiffres et on laquo teste raquo srsquoil est premier Srsquoil ne lrsquoest pas on recommence avec un autre nombre geacuteneacute-reacute au hasard jusqursquoagrave ce qursquoon tombe sur un nombre premier

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Premiegravere question combien faut-il faire de tests en moyenne Un nombre de 100 chiffres est un nombre de lrsquoordre de 10100 Le theacuteoregraveme des nombres premiers nous dit que si N est grand il y a environ N ln N nombres premiers infeacuterieurs ou eacutegaux agrave N Si on choisit au ha-sard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 la chance qursquoil soit premier est donc drsquoenviron

N1

ln1

ln101

100ln101

230100= = =

On peut faire mieux la moitieacute des nombres sont pairs et parmi les nombres impairs on peut eacuteliminer les multiples de 5 Donc si on choisit au hasard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 qui se termine par 1 3 7 ou 9 on a une chance sur 92 qursquoil soit pre-mier (40 des nombres se terminent par 1 3 7 9 et 410 de 230 donne 92) Ceci signi-fie qursquoen moyenne apregraves 92 tests on a trou-veacute un nombre premier Faire 92 tests est fa-cile pour un ordinateur

Ceci nous amegravene agrave la deuxiegraveme question que signifie laquo tester raquo qursquoun nombre p est pre-mier On a appris agrave le faire en cherchant si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p ce qui revient agrave factoriser partiellement p Mais factoriser est difficile pour un ordinateurhellip

On peut faire mieux Srsquoil est facile de tester si un nombre p est premier crsquoest parce qursquoon peut le faire sans factoriser p Lrsquoideacutee est la suivante Si p nrsquoest pas premier il laisse

ses empreintes partout Dans le test de primaliteacute de Miller-Rabin si p nrsquoest pas pre-mier au moins les trois-quarts des nombres entre 1 et p ont une empreinte de p crsquoest-agrave-dire qursquoils sont des teacutemoins du fait que p nrsquoest pas premier Le test pour deacutecider si un nombre est un teacutemoin est un peu tech-nique (voir encadreacute page ci-contre) Mais ce test est facile pour un ordinateur On choisit au hasard des nombres a1 am le p Si lrsquoun des ai est un teacutemoin on conclut que p nrsquoest pas premier Si aucun des ai nrsquoest un teacutemoin alors p a une tregraves grande chance drsquoecirctre pre-mier Par exemple si m = 100 la chance que p ne soit pas premier sachant que a1 am ne sont pas des teacutemoins est infeacuterieure ou eacutegale agrave 10ndash58 soit tregraves tregraves petite

Peut-on se fier agrave un algorithme probabiliste Les informaticiens le font reacuteguliegraverement degraves qursquoils ont besoin de grands nombres premiers et on nrsquoobserve pas de catas-trophe autour de nous On voit drsquoailleurs qursquoon pourrait transformer cet algorithme probabiliste de primaliteacute en algorithme deacute-terministe il suffirait de tester au moins le quart des nombres a isin 2 p ndash1 Si aucun nrsquoest un teacutemoin alors on peut affir-mer avec certitude que p est premier Mais cet algorithme serait sans inteacuterecirct car il requerrait de regarder si p4 nombres sont des teacutemoins alors que lrsquoalgorithme usuel de factorisation demande de regarder si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p et

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lt degraves que p gt 16

Casser le code RSA sur un ordinateur quantiqueEn 1997 Peter Shor a annonceacute un algo-rithme qui casserait le code RSA sur un ordinateur quantique qui nrsquoexiste pas encorehellip Que signifie cette affirmation Lrsquoalgorithme de Shor est simplement un autre algorithme de factorisation Il fonc-tionnerait sur un de nos ordinateurs mais il serait moins bon que les meilleurs algo-rithmes de factorisation La limite de nos ordinateurs est le paralleacutelisme On ne peut faire qursquoun nombre limiteacute drsquoopeacuterations en parallegravele

DossierApplications

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Quelques avantages de la cryptographie agrave cleacute publique

La cryptographie agrave cleacute publique est tregraves utile quand des milliers de personnes par exemple des clients peuvent vouloir envoyer leur numeacutero de carte de creacutedit agrave une mecircme compagnie

La meacutethode drsquoencryptage est publique et seule la compagnie peut deacutecrypter les messages chiffreacutes

Un autre avantage est que deux interlocuteurs nrsquoont pas besoin drsquoeacutechanger de lrsquoinformation secregravete par exemple une cleacute pour communiquer de maniegravere seacutecuritaire Il suffit que chacun publie son systegraveme de cryptographie agrave cleacute publique

Le systegraveme RSA permet de signer un message pour srsquoassurer qursquoil provient bien de la bonne personne Dans notre exemple pour que Bernard signe son message il faut qursquoil construise son propre sys-tegraveme agrave cleacute publique dont il publie la cleacute nrsquo et la cleacute de cryptage ersquo Il se servira de sa cleacute de deacutecryptage drsquo pour apposer sa signature sur le message

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un ordinateur est composeacute de transistors qui fonctionnent agrave la maniegravere drsquointerrup-teurs en ayant deux positions OUVERT et FERMEacute que lrsquoon peut coder comme des bits drsquoinformation 0 ou 1 Un nombre de 200 chiffres est infeacuterieur agrave 10200 lt 2665 et donc peut srsquoeacutecrire avec 665 bits Tester srsquoil a un diviseur premier infeacuterieur agrave 10100 lt 2333 revient agrave regarder toutes les suites de 333 bits eacutegaux agrave 0 ou 1 Un travail titanesque sauf si lrsquoordinateur a un grand paralleacutelisme Dans un ordinateur quantique les bits drsquoinformation sont des bits quantiques ils peuvent ecirctre dans un eacutetat superposeacute entre 0 et 1 Lrsquoimage que lrsquoon pourrait donner est celle drsquoun sou Une fois lanceacute il tombe sur PILE ou sur FACE Mais avant de le lancer il a probabiliteacute 12 de tomber sur PILE et probabiliteacute 12 de tomber sur FACE On pourrait dire qursquoil est dans un eacutetat superposeacute Le fait que m bits quantiques soient dans un eacutetat superposeacute implique qursquoils peuvent faire simultaneacutement les 2m opeacutera-tions diffeacuterentes correspondant agrave tous les choix de valeurs 0 ou 1 pour chacun des bits Par contre de mecircme que notre sou tombe neacutecessairement sur PILE ou sur FACE degraves qursquoon veut observer un bit quantique il prend neacutecessairement la valeur 0 ou la valeur 1 et donc on ne peut observer le reacutesultat de tous les calculs faits en parallegravele La subtiliteacute de lrsquoalgorithme de Shor vient du fait qursquoon pourra reacutecupeacuterer le reacutesultat du calcul lequel donne une factorisation de p si p nrsquoest pas premier

Le nombre 15 a eacuteteacute factoriseacute sur un ordi-nateur quantique en 2007 et en 2012 on a factoriseacute 143 = 11x13 Les progregraves semblent lents depuis ce temps Le deacutefi technologique de lrsquoordinateur quantique est de maintenir de nombreux bits en eacutetat superposeacute Ce recircve deviendra-t-il reacutealiteacute Mecircme si les progregraves semblent lents les experts y croient de plus en plus

Tester si un nombre est un teacutemoinOn veut tester si p impair est premier Alors on peut eacutecrire p ndash 1 qui est pair comme p ndash 1 = 2sd ougrave d est impair

(Il suffit de diviser p ndash 1 par 2 successive-ment jusqursquoagrave ce que le quotient soir im-pair) Soit a isin 2 p ndash1

Critegravere pour ecirctre teacutemoin Si a est un teacute-moin que p nrsquoest pas premier alors on a simultaneacutement que le reste de la division de ad par p est diffeacuterent de 1 et que les restes de la division de a d2r

par p sont diffeacuterents de p ndash 1 pour tous les r isin 0 s ndash1

Regardons un premier exemple Prenons p = 13 Alors p ndash 1 = 22 3 Ici d = 3 et s = 2 Voyons que p nrsquoa aucun teacutemoin

La premiegravere colonne du tableau agrave gauche donne a la deuxiegraveme colonne donne

le reste de la division de ad = a3 par p et la troisiegraveme colonne le reste de la division de a2d = a6 par p

On voit bien que pour chaque a soit on a un 1 dans le premiegravere colonne ou bien un 1 ou un 12 dans la deuxiegraveme colonne et donc aucun a nrsquoest un teacutemoin de 13 On sait alors que 13 est premier

Refaisons lrsquoexercice avec p = 15 Alors p ndash 1 = 2 7 Comptons combien p a de teacutemoins Ici la deuxiegraveme colonne repreacutesente le reste de la division de ad= a7 par p Tous les a sauf 14 sont des teacutemoins et chacun nous dit que 15 nrsquoest pas premier

Mais bien sucircr apprendre qursquoun nombre a est un teacutemoin que p nrsquoest pas premier ne nous apprend rien de la factorisation de p

81

1288551

125

12

1211

1212121211

121

a23456789

101112

812456

1329

101137

14

a23456789

1011121314

Le fonctionnement de lrsquoalgorithme de Shor

On veut factoriser un entier n Lrsquoalgo-rithme de Shor cherche un diviseur d de n qui soit diffeacuterent de 1 et de n Ensuite on peut iteacuterer en cherchant un diviseur de lrsquoentier S = nd Voyons qursquoil suffit de trouver un entier r tel que n divise r2 ndash 1 = (r ndash 1)(r + 1) mais n ne divise ni r ndash 1 ni r + 1 Puisque n divise r2 ndash 1 il existe un entier m tel que r2 ndash 1 = mn Soit p un facteur premier de n Alors p divise r ndash 1 ou encore p divise r + 1 Dans le premier cas d est le pgcd de r ndash 1 et n et dans le deuxiegraveme cas celui de r + 1 et n Calculer le pgcd de deux nombres par lrsquoalgorithme drsquoEuclide3 est facile pour un ordinateur Comment construire un tel entier r est un peu technique et nous ne ferons pas les deacutetails

3 Voir laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

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Si la notion de logarithme paraicirct aujourdrsquohui tout agrave fait naturelle sa conceptualisation et sa mise en œuvre au plan pratique au deacutebut

du 17e siegravecle nrsquoont point eacuteteacute une mince affaire Premiers eacutepisodes de cette foisonnante saga

Peu de temps apregraves leur introduction par John Napier (1550-1617) au tout deacutebut du 17e siegravecle les logarithmes se sont rapidement imposeacutes comme un laquo merveilleux raquo1 outil essentiel en astronomie et en navigation deux domaines scientifiques particuliegraverement avanceacutes agrave cette eacutepoque et qui venaient avec leur lot de calculs proprement titanesques Crsquoest dans un tel contexte qursquoil faut entendre le ceacutelegravebre aphorisme ducirc au matheacutematicien physicien et astronome franccedilais Pierre-Simon Laplace2 (1749-1827) qui srsquointeacuteressant dans le cadre drsquoun survol historique de lrsquoastronomie aux travaux de Johannes Kepler (1571-1630) affirmait que la deacutecouverte des logarithmes mdash combineacutee agrave lrsquoarithmeacutetique des Indiens crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecriture des nombres dans un systegraveme positionnel mdash avait pour ainsi dire doubleacute la vie des astronomes (voir encadreacute)

La preacutehistoire des logarithmesIssu entiegraverement de lrsquolaquo esprit humain raquo selon les dires de Laplace le concept de logarithme repose sur une ideacutee somme toute assez na-turelle consideacuterant diverses puissances drsquoun mecircme nombre on porte lrsquoattention sur les exposants de ces puissances Par exemple srsquoagissant des entiers

64 256 1024 et 4096crsquoest-agrave-dire respectivement

43 44 45 et 46on envisage plutocirct les exposants

3 4 5 et 6

Sur la base de ces donneacutees on pourrait conclure immeacutediatement mdash si on dispose drsquoune table de puissances de 4 mdash que

256 times 4 096 = 1 048 576prenant appui sur le fait que

44 times 46 = 44 + 6 = 410

(on applique ici une regravegle de base des exposants qui va de soi lorsque ceux-ci sont des entiers naturels) Il nrsquoest pas eacutetonnant que des telles intuitions aient pu se retrouver il y a fort longtemps

Jeacuterocircme Camireacute-Bernier

Bernard R Hodgson Universiteacute Laval

1 Renvoi agrave lrsquoeacutepithegravete mirifique (archaiumlque de nos jours) utiliseacutee par Napier lui-mecircme Lrsquoex-pression mirifique invention de notre titre est emprunteacutee agrave Jean-Pierre Friedelmeyer (voir le Pour en savoir plus)

2 Alias Pierre-Simon de Laplace Aussi homme politique il fut nommeacute marquis en 1817 (drsquoougrave la particule nobiliaire)

Laplace agrave propos des logarithmeslaquo Il [Kepler] eut dans ses derniegraveres anneacutees lrsquoavantage de voir naicirctre et drsquoemployer la deacutecouverte des logarithmes due agrave Neper baron eacutecossais artifice admirable ajouteacute agrave lrsquoingeacutenieux algorithme des Indiens et qui en reacuteduisant agrave quelques jours le travail de plusieurs mois double si lrsquoon peut ainsi dire la vie des astronomes et leur eacutepargne les erreurs et les deacutegoucircts inseacuteparables des longs calculs invention drsquoautant plus satis-

faisante pour lrsquoesprit humain qursquoil lrsquoa tireacutee en entier de son propre fonds dans les arts lrsquohomme se sert des mateacuteriaux et des forces de la nature pour accroicirctre sa puissance mais ici tout est son ouvrage raquo

Exposition du systegraveme du monde Livre V Chapitre IV

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

Un peu de vocabulaire

Eacutetant donneacute deux reacuteels (positifs) x et y leur moyenne arithmeacutetique

est donneacutee par x y2+ et leur moyenne geacuteomeacutetrique par xy

Ces appellations trouvent leur origine dans les matheacutematiques grecques de lrsquoAntiquiteacute notamment de lrsquoeacutepoque de Pythagore

Lrsquoarithmeacutetique de lrsquoeacutecole pythagoricienne portant sur lrsquoeacutetude des entiers (et des rapports simples drsquoentiers) on voit immeacutediatement pourquoi la premiegravere moyenne est dite laquo arithmeacutetique raquo Quant agrave la moyenne laquo geacuteomeacutetrique raquo elle fait intervenir une opeacuteration qui megravene agrave des grandeurs geacuteneacuteralement au-delagrave du champ des entiers Or le domaine qui eacutetudie les grandeurs par exemple les segments de droite est justement la geacuteomeacutetrie

On peut montrer que dans une suite arithmeacutetique un terme donneacute (agrave partir du deuxiegraveme) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins Et de mecircme mutatis mutandis pour une suite geacuteomeacutetrique (Voir la Section problegravemes)

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Ainsi sur la partie infeacuterieure de la tablette meacutesopotamienne MLC 020783 datant drsquoentre 1900 et 1600 avant notre egravere se trouve le tableau ci-haut (les nombres sont donneacutes ici en notation moderne et non en eacutecriture cu-neacuteiforme) on y reconnaicirct immeacutediatement la liste des premiegraveres puissances de 2 ainsi que les exposants correspondants

Lrsquousage a consacreacute lrsquoexpression suite arith-meacutetique (ou progression arithmeacutetique selon une tournure un brin suranneacutee) pour une liste de nombres qui comme dans la colonne de droite de ce tableau croissent (ou deacutecroissent) reacuteguliegraverement de maniegravere additive

a a + d a + 2d a + nd

a repreacutesentant le premier terme de la suite et d la diffeacuterence entre deux termes conseacute-cutifs mdash crsquoest-agrave-dire de combien lrsquoun de ces termes est plus grand que lrsquoautre4 (Le tableau preacuteceacutedent correspond au cas ougrave a = 1 et d = 1) Lorsque les nombres de la liste sont relieacutes multiplicativement

a ar ar2 arn

on parlera de suite (ou progression) geacuteomeacute-trique la constante r repreacutesentant cette fois le rapport entre deux termes conseacutecutifs mdash crsquoest-agrave-dire combien de fois lrsquoun est plus grand que lrsquoautre4 (Dans la colonne de gauche du tableau on a a = 2 et r = 2) (Voir lrsquoencadreacute Un peu de vocabulaire pour le sens des mots laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo dans un tel contexte)

Selon cette nomenclature la tablette MLC 02078 peut donc srsquointerpreacuteter comme la mise en comparaison de deux suites lrsquoune arithmeacutetique et lrsquoautre geacuteomeacutetrique Ce type de situation se retrouve agrave diverses eacutepoques au fil des acircges Ainsi en est-il question dans un autre document de lrsquoAntiquiteacute LrsquoAreacutenaire traiteacute dans lequel Archimegravede (-287 ndash -212) se donne comme objectif de deacuteterminer le nombre de grains de sable dont le volume serait eacutegal agrave celui du laquo monde raquo5 Parmi les outils dont se sert alors le grand matheacutematicien grec se retrouve la manipulation simultaneacutee drsquoune suite arithmeacutetique et drsquoune suite geacuteomeacutetrique ce qui lrsquoamegravene (en termes modernes) agrave identifier au passage la regravegle drsquoaddition des exposants

bm times bn = bm +n

(voir la Section problegravemes) et donc le prin-cipe de transformation drsquoune multiplication en une addition agrave la base des logarithmes

3 Pour Morgan Library Collection Cette tablette se retrouve dans la collection de lrsquoUniversiteacute Yale aux Eacutetats-Unis

4 Cette faccedilon de parler est utiliseacutee par Euler lorsqursquoil introduit les notions de rapports arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique dans ses Eacuteleacutements drsquoalgegravebre (1774) mdash voir Section troisiegraveme laquo Des rapports amp des propor-tions raquo entre autres les articles 378 398 et 505

5 Une des difficulteacutes auxquelles fait ici face Archimegravede est de reacutealiser cet objectif dans le cadre du systegraveme de numeacuteration grec qui nrsquoeacutetait pas propice pour exprimer aiseacutement de tregraves grands nombres Mais cela est une autre histoirehellip

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2

3

4

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2

4

8

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32

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Tablette MLC 02078 (1900-1600 avant notre egravere)

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Cette mecircme ideacutee se retrouve plusieurs siegravecles plus tard dans Le Triparty en la science des nombres (1484) du Franccedilais Nicolas Chuquet (1445-1488) Dans la troisiegraveme partie de cet ouvrage Chuquet introduit des regravegles cal-culatoires de nature algeacutebrique Il srsquointeacuteresse alors notamment aux valeurs des puis-sances de 2 depuis 1 jusqursquoagrave 1 048 576 qursquoil aligne en colonnes avec les exposants entiers correspondants (qursquoil appelle laquo deacuteno-minations raquo) de 0 jusqursquoagrave 20 et note que la multiplication de nombres de la premiegravere colonne correspond agrave lrsquoaddition de nombres dans la seconde Il identifie aussi une autre regravegle de base des exposants

b b( )m n mn=(encore une fois exprimeacutee ici en notation moderne) Agrave noter que Chuquet utilise une notation avec indice sureacuteleveacute (comme nous le faisons aujourdrsquohui)6 et qursquoen plus de lrsquoexposant 0 il considegravere des exposants (entiers) neacutegatifs Au milieu du 16e siegravecle lrsquoAllemand Michael Stifel (1487-1567) reprendra les mecircmes thegravemes dans son Arithmetica integra (1544) ougrave il parle expli-citement de la relation entre une progression arithmeacutetique et une progression geacuteomeacutetrique Crsquoest drsquoailleurs agrave Stifel que lrsquoon doit le vocable exposants pour deacutesigner les nombres de la suite arithmeacutetique en jeu

Si quelques-uns des principes servant de fondements agrave la notion de logarithme se per-ccediloivent dans les commentaires qui preacutecegravedent on est encore loin du logarithme en tant que tel Pour qursquoune correspondance entre une suite geacuteomeacutetrique et une suite arithmeacutetique devienne un veacuteritable outil de calcul il faut en effet laquo boucher les trous raquo entre les puissances (entiegraveres) successives Il peut ecirctre inteacuteressant comme le souligne Chuquet de conclure gracircce agrave sa table des puissances de 2 que le produit de 128 et 512 est 65 536 Mais cela ne nous renseigne en rien par exemple sur le produit 345 times 678 On voit mecircme Chuquet dans un appendice au Tripar-ty chercher agrave reacutesoudre des problegravemes dans lesquels un exposant fractionnaire est rechercheacute mdash mais sans deacutevelopper pour autant drsquoapproche systeacutematique agrave cette fin

Certains eacuteleacutements (timides) agrave cet eacutegard se retrouvent il y a fort longtemps Ainsi le tableau numeacuterique ci-contre figure lui aussi sur la tablette MLC 02078 (dans sa partie supeacuterieure) On y voit une progression arith-meacutetique de diffeacuterence frac-tionnaire ecirctre juxtaposeacutee agrave une progression geacuteomeacutetrique agrave savoir des puissances de 16 Mais peu semble avoir eacuteteacute fait pour pousser plus loin de telles asso-ciations jusqursquoagrave lrsquoarriveacutee de Napier

Les logarithmes agrave la NapierTout eacutetudiant est aujourdrsquohui familier avec le fait que le passage drsquoun nombre donneacute agrave son logarithme (selon une certaine base) revient agrave identifier lrsquoexposant dont il faut affecter cette base pour retrouver le nombre en cause Ayant fixeacute un reacuteel b (positif et diffeacuterent de 1) et consideacuterant un reacuteel positif x le logarithme de x dans la base b noteacute logbx est donc par deacutefinition lrsquoexposant (reacuteel) u tel que bu = x Une telle vision il faut le souligner demeure relativement tardive par rapport agrave lrsquointuition originale de logarithme nrsquoeacutetant devenue la norme que pregraves drsquoun siegravecle et demi apregraves les travaux de lrsquoEacutecossais John Napier7 mdash voir lrsquoencadreacute Les traiteacutes de Napier mdash lorsque Leonhard Euler (1707-1783) en a fait la pierre drsquoassise de son traitement de la fonction logarithmique8 dans son Introduc-tio in analysin infinitorum (1748) Acceptant les proprieacuteteacutes de la fonction exponentielle bu pour des reacuteels b et u quelconques on tire im-meacutediatement de cette deacutefinition la proprieacuteteacute de base du logarithme

logb xy = logb x + logb y

ce qui permet de transformer une multi-plication en une addition de mecircme que les eacutegaliteacutes similaires pour le logarithme drsquoun quotient ou drsquoune puissance

DossierHistoire

6 La notation exponentielle aujourdrsquohui usuelle telle a2 ou a3 se reacutepandra apregraves son utilisa-tion par Reneacute Descartes (1596-1650) dans son traiteacute La geacuteomeacutetrie (1637)

7 Voir Andreacute Ross laquo John Napier raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 8-11

8 Cette approche drsquoEuler peut ecirctre vue comme une illustration remarquable de lrsquoim-pact drsquoune bonne notation en vue de clarifier et faciliter la deacutemarche de la penseacutee

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

On observera que lrsquoideacutee drsquoun lien entre deux suites lrsquoune geacuteomeacutetrique et lrsquoautre arithmeacutetique bien que sous-jacente agrave la derniegravere eacutegaliteacute nrsquoest pas pour autant expli-citement mise en eacutevidence dans cette vision moderne (post-euleacuterienne) du logarithme Or agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier introduit ses loga-rithmes lrsquoideacutee de laquo fonction raquo nrsquoest pas dans lrsquoair du temps mdash elle ne surgira de fait que vers la fin du 17e siegravecle dans la mouvance des travaux sur le calcul infiniteacutesimal mdash de sorte que la comparaison de suites (geacuteomeacutetrique et arithmeacutetique) demeure la principale source drsquoinspiration de ses travaux

Une autre mouvance de lrsquoeacutepoque visait agrave se doter drsquooutils permettant de simplifier lrsquoexeacutecution de calculs arithmeacutetiques portant sur de gros nombres Dans un texte preacuteceacute-dent9 nous avons preacutesenteacute entre autres la meacutethode de prosthapheacuteregravese utiliseacutee vers la fin du 16e siegravecle en vue de transformer une multiplication en addition ou une division en soustraction La populariteacute de telles meacutethodes notamment dans les cercles astronomiques a certainement contribueacute agrave convaincre Napier de lrsquoimportance de deacuteve-lopper des outils permettant de raccourcir les calculs y compris dans le cas de lrsquoexponen-tiation ou de lrsquoextraction de racine Il en fait drsquoailleurs mention explicitement dans la preacute-face de son Descriptio Soulignant le caractegravere peacutenible dans la pratique des matheacutematiques de la multiplication division ou extraction de racine carreacutee ou cubique de grands nombres Napier insiste non seulement sur le temps re-quis pour exeacutecuter ces opeacuterations mais aus-si sur les nombreuses erreurs qui peuvent en reacutesulter Agrave la recherche drsquoune meacutethode sucircre et expeacuteditive afin de contourner ces difficul-teacutes il annonce qursquoapregraves lrsquoexamen de plusieurs proceacutedeacutes il en a retenu un qui rencontre ses attentes

laquo Agrave la veacuteriteacute aucun proceacutedeacute nrsquoest plus utile que la meacutethode que jrsquoai trouveacutee Car tous les nombres utiliseacutes dans les multiplica-tions les divisions et les extractions ar-

dues et prolixes de racines sont rejeteacutes des opeacuterations et agrave leur place sont substitueacutes drsquoautres nombres sur lesquels les calculs se font seulement par des additions des soustractions et des divisions par deux et par trois raquo10

La vision geacuteomeacutetrico- cineacutematique de NapierUn troisiegraveme eacuteleacutement sur lequel srsquoappuie Napier dans sa creacuteation des logarithmes est la geacuteomeacutetrie mdash plus preacuteciseacutement la geacuteomeacutetrie du mouvement Il a en effet lrsquoideacutee de comparer le deacuteplacement de deux points lrsquoun bougeant selon une vitesse11 variant de maniegravere telle que les distances parcourues en des intervalles de temps eacutegaux forment une progression geacuteomeacute-trique tandis que lrsquoautre point bougeant agrave vitesse constante deacute-termine des distances en progression arith-meacutetique Le support geacuteomeacutetrique dont se sert alors Napier peut se deacutecrire comme suit

9 Voir laquo Eacutemergence logarithmique tables et calculs raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 2-7

10 Tireacute de la preacuteface du Mirifici logarithmorum canonis descriptio (traduction personnelle)

11 Napier introduit lrsquoideacutee de mouvement degraves la deacutefinition 1 du Descriptio Il utilise explicite-ment le terme laquo vitesse raquo agrave la deacutefinition 5

Les traiteacutes de NapierCrsquoest degraves lrsquoanneacutee 1594 que Na-pier entame les travaux qui lrsquoamegraveneront agrave la notion de loga-rithme En 1614 il fait connaicirctre son invention en publiant un premier traiteacute sur le sujet mdash reacutedigeacute en latin la langue des savants de lrsquoeacutepoque Mirifici lo-garithmorum canonis descrip-tio (crsquoest-agrave-dire Description de la merveilleuse regravegle des loga-rithmes) Il srsquoagit de la premiegravere publication drsquoune table de lo-garithmes qui occupent les 90 derniegraveres pages du traiteacute Cette table est preacuteceacutedeacutee drsquoun texte de 57 pages ougrave Napier explique

ce que sont les logarithmes et comment les utiliser

Un second traiteacute de Napier sur le sujet est un ouvrage reacutedigeacute avant la parution du Descriptio mais publieacute par lrsquoun de ses fils seulement en 1619 deux ans apregraves sa mort Mirifici loga-rithmorum canonis constructio (Construction de la merveilleuse regravegle des logarithmes) Dans un texte drsquoenviron 35 pages (ac-compagneacute drsquoappendices) Na-pier preacutesente la theacuteorie sur la-quelle il srsquoest appuyeacute pour construire sa table

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Eacutetant donneacute un segment AB de longueur deacutetermineacutee il considegravere un point P partant de A avec une vitesse initiale donneacutee et se deacuteplaccedilant vers B en une seacuterie de laquo pas raquo P1 P2 P3 Pn

Napier stipule (Descriptio deacutefinition 2) que la vitesse de deacuteplacement de P le long de AB deacutecroicirct de maniegravere telle que en des temps eacutegaux la longueur de chacun des inter-valles AP1 P1P2 P2P3 P3P4 successivement parcourus par P est proportionnelle agrave la dis-tance seacuteparant P de sa cible B (lorsqursquoil est agrave lrsquoextreacutemiteacute gauche de chaque intervalle)12

APAB

P PP B

P PP B

P PP B

1 1 2

1

2 3

2

3 4

3

= = = =

On tire immeacutediatement de ces eacutegaliteacutes que

P BAB

P BP B

P BP B

P BP B

1 2

1

3

2

4

3

= = = =

(voir la Section problegravemes) de sorte que la suite de segments AB P1B P2B P3B qui correspond aux distances entre les diverses positions de P et lrsquoextreacutemiteacute B forme une suite geacuteomeacutetrique deacutecroissante (Construc-tio article 24) la longueur de chacun drsquoeux est en effet la moyenne geacuteomeacutetrique de ses deux voisins Napier considegravere alors un second point Q se deacuteplaccedilant agrave vitesse constante sur une demi-droite (donc illimiteacutee dans un sens) et de maniegravere telle qursquoau moment ougrave P passe par Pi le point Q est en un point Qi = i (voir la Section problegravemes)

Lrsquoideacutee de Napier est drsquoassocier la suite arith-meacutetique

0 1 2 3 n

correspondant aux positions successives de Q agrave la suite geacuteomeacutetrique deacutetermineacutee par les segments

AB P1B P2B P3B PnB

Mais pour que cette association soit com-plegravete il faut la geacuteneacuteraliser agrave un emplacement quelconque de P sur AB outre les positions laquo discregravetes raquo P1 P2 P3 Voici le tour de passe-passe permettant agrave Napier de contourner cette difficulteacute

Puisque des distances parcourues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est propor-tionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (voir la Section problegravemes) Ainsi quand P est agrave mi-chemin dans son trajet de A vers B sa vitesse a diminueacute de moitieacute par rapport agrave sa vitesse initiale Et quand il est rendu aux deux-tiers de lrsquointervalle AB sa vitesse ne vaut plus que le tiers de celle de deacutepart

Passant agrave une vision laquo lisse raquo mdash et non plus par laquo pas raquo mdash du deacuteplacement de P Napier en vient agrave consideacuterer ce point comme chan-geant laquo continucircment raquo de vitesse13 mdash et non pas de maniegravere abrupte et instantaneacutee en chaque point Pi Pour rester dans les mecircmes conditions que preacuteceacutedemment il suppose donc que P se deacuteplace laquo geacuteomeacute-triquement raquo de A vers B crsquoest-agrave-dire de maniegravere telle que la vitesse de P est toujours proportionnelle agrave la distance qui le seacutepare de B (Constructio article 25)

Les laquo logarithmes agrave la Napier raquo sont main-tenant agrave porteacutee de main Supposant drsquoune part que les deux points P et Q entament leur deacuteplacement agrave la mecircme vitesse le premier selon une vitesse deacutecroissant geacuteomeacutetriquement de A vers B et le second agrave vitesse constante agrave partir de 0 et suppo-sant de plus que le point Q est en y lorsque le point P est agrave une distance x de B alors y est appeleacute par Napier le logarithme de x (On eacutecrira ici par commoditeacute y = Nlog(x))

Crsquoest ainsi que le logarithme du reacuteel x est le reacuteel y deacutetermineacute par la suite arithmeacutetique associeacutee agrave la suite geacuteomeacutetrique correspon-dant agrave x

DossierHistoire

12 On notera au passage que le point P nrsquoat-teint ainsi jamais sa cible B car agrave chaque eacutetape il gruge toujours la mecircme fraction du chemin restant agrave parcourir

13 Napier nrsquoutilise pas explicitement une telle terminologie

0 y

x

Q rarrA

P rarr

B

A

P1 P2 P3 P4 Pn

B

0 1 2 3 4 n

Q1 Q2 Q3 Q4 Qn

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Valeurs numeacuteriques des logarithmes de NapierPlusieurs aspects de la notion de logarithme telle que conccedilue et mise en œuvre par Na-pier peuvent nous sembler un peu eacutetranges aujourdrsquohui On a deacutejagrave insisteacute sur la place qursquoy occupent les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique maintenant absentes du discours sur les logarithmes Une autre par-ticulariteacute est relieacutee aux valeurs numeacuteriques mecircmes deacutetermineacutees par Napier

Une motivation cleacute de Napier eacutetait de construire un outil facilitant les calculs tri-gonomeacutetriques un domaine drsquoapplication des matheacutematiques de toute premiegravere importance agrave son eacutepoque Crsquoest pour cette raison que la table produite par Napier dans son Descriptio repose non pas sur des nombres en geacuteneacuteral mais plutocirct sur le sinus des angles allant de 0deg agrave 90deg chaque degreacute eacutetant diviseacute en 60 minutes Agrave chacune de ces valeurs de sinus (il y en a donc 5 400 en tout) Napier associe son logarithme tel que deacutefini ci-haut

Il faut par ailleurs souligner que la notion de sinus de lrsquoeacutepoque nrsquoest pas tout agrave fait la mecircme qursquoaujourdrsquohui le sinus est alors non pas vu comme un rapport de cocircteacutes dans un triangle mais plutocirct comme la longueur drsquoune demi-corde dans un cercle donneacute Afin de faciliter les calculs il eacutetait drsquousage de travailler avec un cercle de grand rayon de maniegravere agrave eacuteviter lrsquoemploi de fractions et agrave se res-treindre agrave des nombres naturels Or agrave la fin du 16e siegravecle agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier entreprit ses travaux crsquoest sur un cercle de rayon 10 000 000 que srsquoappuyaient certaines des tables trigonomeacutetriques alors en circula-tion14 Crsquoest sans doute lagrave la raison pour laquelle Napier deacutecide de se servir de cette mecircme valeur pour asseoir la construction de sa table logarithmique

Il se dote donc drsquoun segment AB de longueur 107 = 10 000 000 (Constructio article 24) et il suppose que la vitesse initiale de chacun des deux points P et Q est aussi 107 (Constructio articles 25 et 26) Dans le cas de Q cette

vitesse demeure constante alors que pour P elle deacutecroicirct laquo geacuteomeacutetriquement raquo15 Or le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique doit permettre de combler les eacutecarts entre des puissances entiegraveres successives mdash voir agrave ce propos les commentaires plus haut mdash de sorte qursquoil est utile que ce rapport soit un nombre pregraves de 1 Agrave cet effet Napier choisit comme rapport

0999 999 9 11

107= minus

(Constructio articles 14 et 16) Une telle valeur a aussi comme avantage que le calcul de termes successifs de la progression geacuteomeacutetrique peut se ramener agrave une seacuterie de soustractions plutocirct que des multiplica-tions iteacutereacutees par 1 ndash 10ndash7 ce qui a permis agrave Napier de simplifier dans une large mesure la construction de sa table Cette construction demeure neacuteanmoins en pratique un accom-plissement eacutepoustouflant

On observera que les valeurs numeacuteriques des logarithmes creacuteeacutes par Napier sont fort diffeacuterentes de celles que lrsquoon connaicirct aujourdrsquohui Ainsi on a que Nlog(107) = 0 Et Nlog(x) deacutecroicirct lorsque x croicirct De plus il nrsquoest pas question de laquo base raquo dans les propos de Napier (voir agrave ce sujet la Section problegravemes) Mais lrsquoessence du logarithme est bel et bien lagrave

14 De telles tables trigonomeacutetriques ont eacuteteacute construites par Johann Muumlller alias Regio-montanus (1436-1476) et par Georg Joachim de Porris dit Rheticus (1514-1574)

15 Les valeurs choisies par Napier ont pour conseacutequence que la vitesse de P (en tant que nombre) est non seulement proportion-nelle mais est de fait eacutegale agrave la distance de P agrave B (voir la Section problegravemes)

Agrave propos de lrsquoeacutetymologie du mot logarithme

Napier a forgeacute le mot logarithme agrave partir de deux racines grecques drsquousage courant logoς laquo rapport raquo et ariqmoς laquo nombre raquo On peut voir le mot rapport ici comme refleacutetant le rapport commun des termes successifs de la suite geacuteomeacutetrique AB P1B P2B P3B

Au commencement de ses travaux Napier appelait nombres artificiels les valeurs de la suite arithmeacutetique peut-ecirctre pour les opposer aux nombres de la suite geacuteomeacute-trique qui eacutetaient en quelque sorte don-neacutes Mais le terme logarithme srsquoest rapide-ment imposeacute

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Doss

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Comment ameacuteliorer une solution imparfaite agrave un problegraveme complexe

Et si on srsquoinspirait de la nature pour faire eacutevoluer les solutions

Lrsquoinspiration de la nature En 1859 le naturaliste Charles Darwin a publieacute son ceacutelegravebre ouvrage Lrsquoorigine des espegraveces qui preacutesentait une theacuteorie visant agrave expliquer le pheacutenomegravene de lrsquoeacutevolution Cette theacuteorie reacutevolutionnaire a provoqueacute plusieurs deacutebats agrave lrsquoeacutepoque mais elle est maintenant largement accepteacutee Environ 100 ans plus tard elle a inspireacute le professeur John Holland qui a tenteacute drsquoimpleacutementer artificiellement des systegravemes eacutevolutifs baseacutes sur le proces-sus de seacutelection naturelle Ces travaux ont

ensuite meneacute aux algorithmes geacuteneacutetiques qui sont maintenant utiliseacutes pour obtenir des solutions approcheacutees pour certains problegravemes drsquooptimisation difficiles

Les eacuteleacutements de base drsquoun algorithme geacuteneacutetiqueAfin de comprendre lrsquoanalogie entre le processus de seacutelection naturelle et un algo-rithme geacuteneacutetique rappelons tout drsquoabord les meacutecanismes les plus importants qui sont agrave la base de lrsquoeacutevolution

1 Lrsquoeacutevolution se produit sur des chromo-somes qui repreacutesentent chacun des individus dans une population

2 Le processus de seacutelection naturelle fait en sorte que les chromo-somes les mieux adapteacutes se reproduisent plus souvent et contribuent davantage aux popu- lations futures

3 Lors de la reproduction lrsquoinfor- mation contenue dans les chromosomes des parents est combineacutee et meacutelangeacutee pour produire les chromosomes des enfants (laquo croisement raquo)

4 Le reacutesultat du croisement peut agrave son tour ecirctre modifieacute par des perturbations aleacuteatoires (muta-tions)

Ces meacutecanismes peuvent ecirctre utiliseacutes pour speacutecifier un algorithme geacuteneacutetique tel que celui deacutecrit dans lrsquoencadreacute ci-dessous

Charles Fleurent GIRO

Algorithmes geacuteneacutetiques

Les travaux sur lrsquoeacutevolution des espegraveces vivantes du natura-liste et paleacuteontologue anglais Charles Darwin (1809-1882) ont reacutevolutionneacute la biologie Dans son ouvrage intituleacute LrsquoOrigine des espegraveces paru en 1859 Darwin preacutesente le reacutesultat de ses recherches Darwin eacutetait deacutejagrave ceacutelegravebre au sein de la communauteacute scientifique de son eacutepoque

pour son travail sur le terrain et ses recherches en geacuteologie Ses travaux srsquoinscrivent dans la fouleacutee de ceux du natura-liste franccedilais Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) qui 50 ans plus tocirct avait eacutemis lrsquohypothegravese que toutes les espegraveces vivantes ont eacutevolueacute au cours du temps agrave partir drsquoun seul ou de quelques ancecirctres communs Darwin a soutenu avec Alfred Russel Wallace (1823-1913) que cette eacutevolution eacutetait due au processus dit de la laquo seacutelection naturelle raquo

Comme il naicirct beaucoup plus drsquoindividus de chaque espegravece qursquoil nrsquoen peut survivre et que par conseacutequent il se produit souvent une lutte pour la vie il srsquoensuit que tout ecirctre srsquoil varie mecircme leacutegegraverement drsquoune maniegravere qui lui est profitable dans les conditions complexes et quelque-fois variables de la vie aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi drsquoune faccedilon naturelle En raison du principe dominant de lrsquoheacutereacutediteacute toute varieacuteteacute ainsi choisie aura tendance agrave se multiplier sous sa forme nouvelle et modifieacutee

Charles Darwin 1859 Introduction agrave LrsquoOrigine des espegraveces

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Pour adapter un algorithme geacuteneacutetique agrave un problegraveme drsquooptimisation combinatoire il suf-fit alors de speacutecialiser certaines composantes agrave la structure particuliegravere de ce dernier En geacuteneacuteral les deacutecisions portent sur les aspects suivants

Codage des solutions il faut eacutetablir une correspondance entre les solutions du problegraveme et les chromosomes

Opeacuterateurs geacuteneacutetiques il faut deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation pour les chromosomes

Eacutevaluation des chromosomes la me-sure drsquoadaptation des chromosomes agrave leur environnement est donneacutee par une fonction qui est calculeacutee par un processus plus ou moins complexe

Il existe plusieurs moyens pour mettre en œuvre certains des meacutecanismes importants drsquoun algorithme geacuteneacutetique Par exemple la seacutelection des parents peut srsquoeffectuer de diverses faccedilons Dans une population P = x1 x2 hellip xN ougrave la mesure drsquoadaptation drsquoun individu est eacutevalueacutee par une fonction ƒ lrsquoopeacuterateur classique consiste agrave associer agrave chaque individu xi une probabiliteacute pi drsquoecirctre seacutelectionneacute proportionnelle agrave la valeur de f pour cet individu crsquoest-agrave-dire

pf x

f x( )

( )i

i

jj Psum

=

isin

En pratique on utilise souvent drsquoautres meacute-thodes de seacutelection pouvant se parameacutetrer plus facilement Ainsi dans la seacutelection par tournoi un ensemble drsquoindividus est seacutelec-tionneacute aleacuteatoirement dont les meilleurs eacuteleacute-ments seulement sont retenus Pour choi-sir deux parents on peut donc seacutelectionner aleacuteatoirement 5 individus et ne garder que les deux meilleurs Dans drsquoautres meacutethodes les individus sont ordonneacutes selon leur va-leur pour la fonction ƒ et la seacutelection srsquoeffec-tue aleacuteatoirement selon le rang occupeacute par chaque individu On utilise alors une distri-bution biaiseacutee en faveur des individus en tecircte de liste

Un autre meacutecanisme important est le mode de remplacement des individus de la popula-tion Dans le modegravele original chaque popu-lation de N individus est totalement rempla-ceacutee agrave chaque geacuteneacuteration Drsquoautres strateacutegies laquo eacutelitistes raquo font en sorte drsquoassurer agrave chaque geacuteneacuteration la survie des meilleurs individus de la population Crsquoest le cas entre autres des modegraveles laquo stationnaires raquo ougrave un nombre res-treint drsquoindividus est remplaceacute agrave chaque geacute-neacuteration Dans ce cas on ajoute souvent des meacutecanismes suppleacutementaires empecircchant lrsquoajout drsquoindividus identiques (doublons) dans la population Des implantations plus eacutevo-lueacutees existent eacutegalement pour des architec-tures parallegraveles

Un algorithme geacuteneacutetique 1 Construire une population initiale de N

solutions

2 Eacutevaluer chacun des individus de la population

3 Geacuteneacuterer de nouvelles solutions en seacutelectionnant les parents de faccedilon proportionnelle agrave leur eacutevaluation Appliquer les opeacuterateurs de croisement et de mutation lors de la reproduction

4 Lorsque N nouveaux individus ont eacuteteacute geacuteneacutereacutes ils remplacent alors lrsquoancienne population Les individus de la nouvelle population sont eacutevalueacutes agrave leur tour

5 Si le temps alloueacute nrsquoest pas deacutepasseacute (ou le nombre de geacuteneacuterations maximal nrsquoest pas atteint) retourner agrave lrsquoeacutetape 3

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Repreacutesentation des solutions et opeacuterateurs geacuteneacutetiquesLes premiers algorithmes geacuteneacutetiques utili-saient tous une repreacutesentation binaire ougrave chaque solution s est codeacutee sous la forme drsquoune chaicircne de bits de longueur n ie s[i ] isin 0 1 foralli =1 2 hellip n Pour cette repreacute-sentation lrsquoopeacuterateur de croisement classique agrave un point consiste agrave choisir de faccedilon uniforme une position de coupure aleacuteatoire l isin 1 2 hellip nminus1 Si les parents p1 et p2 ont eacuteteacute seacutelectionneacutes pour la reproduction les solutions enfants e1 et e2 sont alors construites de la faccedilon suivante

e1[i ] = p1[i ] foralli isin1 hellip l e1[i ] = p2[i ] foralli isinl + 1 hellip n e2 [i ] = p2[i ] foralli isin1 hellip l e2 [i ] = p1[i ] foralli isinl + 1 hellip nLorsqursquoon itegravere avec drsquoautres paires de parents on choisit aleacuteatoirement pour chaque paire de parents un nouvel opeacuterateur de croisement agrave un point Lrsquoopeacuterateur agrave un point peut se geacuteneacuteraliser en seacutelectionnant k positions aleacuteatoires plutocirct qursquoune seule Dans ce cas les enfants sont produits en eacutechan-geant lrsquoinformation chromosomique entre les k points de coupure En pratique la valeur k = 2 est couramment utiliseacutee Un autre opeacuterateur tregraves populaire (croisement uni-forme) utilise une chaicircne de bits geacuteneacutereacutee aleacuteatoirement pour engendrer les enfants Pour chaque position le choix aleacuteatoire in-dique quel parent deacuteterminera la valeur des enfants Des exemples des opeacuterateurs de croisement agrave un point agrave deux points et uniforme sont illustreacutes dans les tableaux suivants Des reacutesultats theacuteoriques et empi-riques indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme donne geacuteneacuteralement des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux produits par les deux autres

Opeacuterateur de croisement agrave un point

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 0 1 1

0 1 0 1 0 1 1 0 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement agrave deux points

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 1 0 1

0 1 0 1 0 1 0 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement uniforme

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 1 0 1 1 1 0 0 1

0 1 1 0 1 0 1 0 0

0 0 0 1 0 1 1 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Chaicircnealeacuteatoirede bits

Avec une repreacutesentation binaire on utilise geacuteneacuteralement lrsquoopeacuterateur de mutation clas-sique qui consiste agrave changer aleacuteatoirement un bit pour son compleacutement

Opeacuterateur de mutation classique

Enfant 1 0 0 1 0 1 1 0 1

1 1 0 1 0 1 1 0 0Enfant

Mutationsaleacuteatoires

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Un exemple le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteennePour certains problegravemes la repreacutesentation binaire des solutions est tout agrave fait intuitive et bien adapteacutee Crsquoest le cas par exemple du problegraveme de satisfaisabiliteacute (SAT) Eacutetant donneacute une expression logique F de n variables boo-leacuteennes x1 x2 hellip xn (voir encadreacute) ce problegraveme fondamental (qui est agrave la base de la theacuteorie de la NP-compleacutetude) consiste agrave trouver une affectation aux variables de faccedilon agrave satisfaire F En eacutetablissant les correspondances faux harr 0 vrai harr 1 on peut repreacutesenter chaque solution par une chaicircne binaire de longueur n et utiliser les opeacuterateurs geacuteneacute-tiques classiques deacutecrits preacuteceacutedemment

Pour eacutevaluer les solutions lrsquoexpression logique F peut ecirctre exprimeacutee comme une conjonction (voir encadreacute) de m clauses

F = Cj j =1

m

Chaque clause est alors deacutefinie par une disjonction de variables booleacuteennes dont certaines sont associeacutees agrave un opeacuterateur de neacutegation (indiqueacute par le symbole ndash ) Pour satisfaire F il faut donc satisfaire toutes ses clauses Pour un algorithme geacuteneacutetique chaque solution peut ecirctre simplement eacuteva-lueacutee par le nombre de clauses qursquoelle satisfait par exemple noteacute par f Si on considegravere par exemple lrsquoexpression suivante pour F

= and or and or or

and or or or

and or or or or

F x x x x x x

x x x x

x x x x x

( ) ( ) ( )

( )

( )

1 1 2 1 2 3

1 2 3 4

1 2 3 4 5

la solution (1 0 1 0 0) satisfait toutes les clauses sauf la premiegravere alors que la solution (0 1 1 0 1) satisfait toutes les clauses et donc lrsquoexpression F

Avec une repreacutesentation des chro-mosomes une fonction drsquoadaptation f et des opeacuterateurs de croisement et de mutation nous avons tous les eacuteleacutements pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique simple pour le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteenne Le processus peut ecirctre illustreacute par le tableau en bas de page avec un opeacuterateur de croisement uniforme repreacutesenteacute par la chaicircne de bits U Dans cet exemple simplifieacute lrsquoalgo-rithme a produit en six geacuteneacuterations une solution qui satisfait lrsquoexpression boo-leacuteenne F (les 5 clauses sont satisfaites pour un individu de la population) Pour une fonction plus complexe comprenant un grand nombre de va-riables on utilise des populations plus importantes et laisse la population eacutevoluer lentement vers des solutions de bonne qualiteacute

Variables booleacuteennes

Opeacuterateurs booleacuteens

Une variable booleacuteenne est une variable qui ne peut prendre que deux valeurs logiques VRAI ou FAUX On peut utiliser 1 et 0 pour repreacutesenter ces deux valeurs

Un opeacuterateur booleacuteen est un opeacuterateur qui sap-plique sur une ou deux variables booleacuteennes

La neacutegation drsquoune variable booleacuteenne x qui est noteacutee x change la valeur de la variable booleacuteenne x

Variable Neacutegation

10

01

x x

La conjonction de deux variables x et y noteacutee x and y prend la valeur 1 si les variables x et y ont toutes deux la valeur 1 Dans les autres cas elle prend la valeur 0

Variables Conjonction

1100

1010

1000

x y x y

La disjonction de deux variables x et y noteacutee x or y prend la valeur 1 si au moins lrsquoune des variables a la valeur 1 Elle prend la valeur 0 si les deux variables ont la valeur 0

Variables Disjonction

1100

1010

1110

x y x y

Geacuteneacuteration

5

(0 0 1 0 0) f = 4(0 0 1 0 1) f = 3(0 0 1 1 1) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

(0 0 1 0 0) f = 4(1 0 1 1 0) f = 4(0 0 1 1 1) f = 4

U = (0 1 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4 (1 0 1 1 0) f = 4

(0 1 1 1 0) f = 5U = (0 0 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

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Population Enfant Enfant muteacute

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Autres exemplesLes algorithmes geacuteneacutetiques ne sont pas applicables qursquoaux repreacutesentations binaires Par exemple le problegraveme classique du com-mis voyageur (Traveling Salesman Problem ou TSP) consiste agrave identifier une tourneacutee agrave coucirct minimal qui visite chaque ville drsquoun ensemble agrave couvrir Mecircme si une tourneacutee pourrait alors theacuteoriquement ecirctre repreacutesenteacutee par une chaicircne de booleacuteens on preacutefegravere geacuteneacuterale-ment utiliser une repreacutesentation plus directe sous forme de permutation Chaque permu-tation speacutecifie alors lrsquoordre dans lequel sont visiteacutees les villes

On doit alors deacutefinir des opeacuterateurs de mutation et de croisement pour une repreacutesentation sous forme de permutation Pour la muta-

tion un simple eacutechange entre deux villes dans une seacutequence pourra faire lrsquoaffaire Par exemple

Tourneacutee originale (Montreacuteal Rimou- ski Saguenay Val drsquoOr Queacutebec Sher-brooke)

Apregraves mutation (Montreacuteal Rimouski Saguenay Sherbrooke Queacutebec Val drsquoOr) Pour le croisement il est facile de constater que des opeacuterateurs sem-blables agrave ceux deacutecrits preacuteceacutedemment ne pourraient preacuteserver la structure de permutation Plusieurs opeacuterateurs valides ont toutefois eacuteteacute proposeacutes Agrave titre drsquoexemple lrsquoopeacuterateur OX choisit une sous-seacutequence dans la seacutequence drsquoun des parents et place les villes res-tantes dans lrsquoordre deacutefini par lrsquoautre

parent Dans le tableau ci-dessous deux po-sitions sont choisies aleacuteatoirement afin de deacutefinir une sous-seacutequence chez le premier parent (eacutetape 1) Agrave lrsquoeacutetape 2 les villes res-tantes sont placeacutees selon lrsquoordre induit par le deuxiegraveme parent

P1 Mtl Sag Val Queacute Shb RimQueacute Rim Mtl Shb Sag Val

Rim Sag Val Queacute Mtl Shb

Rim Mtl ShbSag Val Queacute

P2

Eacute1Eacute2

Enf

Ss

Une fois la repreacutesentation et les opeacuterateurs de base deacutefinis on peut simplement eacutevaluer chaque tourneacutee par la distance parcourue et tous les eacuteleacutements sont en place pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique pour le problegraveme TSP

Coloration de grapheUn autre problegraveme classique celui de colo-ration de graphe1 est aussi abordable par les algorithmes geacuteneacutetiques

Pour un graphe G = (V E) constitueacute drsquoun en-semble de nœuds V et drsquoarecirctes E un coloriage est une partition de V en k sous-ensembles (couleurs) C1 C2 hellip Ck pour lesquels u v isin Ci rArr (u v) notinE ie que deux nœuds ne peuvent avoir la mecircme couleur srsquoils sont lieacutes par une arecircte Le problegraveme de coloration de graphe consiste agrave trouver un coloriage utilisant un nombre minimal de sous-ensembles Ce type drsquoapproche permet notamment de reacutesoudre agrave coucirct minimum des conflits drsquohoraire En pratique on choisit drsquoabord une valeur-cible pour k et chaque chromosome constitue une partition de V en k sous-ensembles Les so-lutions sont codeacutees sous forme de chaicircnes en liant lrsquoindice de chaque nœud agrave lrsquoun des k sous-ensembles

DossierApplications

1 Voir laquo Le theacuteoregraveme des quatre couleurs raquo Accromath 141 2019

Coloration de grapheEn theacuteorie des graphes la coloration de graphe consiste agrave attribuer une couleur agrave chacun de ses sommets de maniegravere que deux sommets relieacutes par une arecircte soient de couleur diffeacuterente On cherche souvent agrave utiliser le nombre minimal de couleurs appeleacute nombre chromatique

12

34

5

6

7

89Un coloriage imparfait

10

Mtl Rim

SagShb

ValQueacute

2

6 3

4

1

5

Mtl Rim

SagShb

QueacuteVal

2

6 3

4

1

5

Mutation drsquoune tourneacutee

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Par exemple si on associe C1 agrave bleu C2 agrave rouge et C3 agrave vert dans le coloriage im-parfait de la page preacuteceacutedente la partition des nœuds associeacutee agrave cette solution est (1 2 3 2 3 2 1 2 3 1) car les nœuds 1 7 et 10 sont dans C1 les nœuds 2 4 6 et 8 dans C2 et les nœuds 3 5 et 9 dans C3 En deacutefinissant la fonction f comme le nombre de fois ougrave la regravegle du coloriage nrsquoa pas eacuteteacute respecteacutee on obtient f (C1 C2 C3) = 0 + 1 + 1 = 2 car on a 0 arecircte dans C1 1 arecircte dans C2 (entre les nœuds 2 et 4) et 1 dans C3 (entre les nœuds 3 et 5)

De faccedilon geacuteneacuterale le problegraveme de coloriage consiste agrave geacuteneacuterer une partition telle que f (C1 C2 Ck) = 0 avec un k le plus petit possible Avec la repreacutesentation en chaicircne de la partition il est facile de deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation semblables agrave ceux utiliseacutes pour les repreacutesen-tations binaires Les reacutesultats rapporteacutes dans la litteacuterature indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme domine encore ceux agrave un point et agrave deux points

Est-ce que ccedila fonctionne Il nrsquoy a aucun doute que les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent ecirctre utiliseacutes pour traiter des problegravemes drsquooptimisation Leur performance relative varie cependant selon les contextes Lorsqursquoun problegraveme est bien eacutetudieacute il est geacuteneacuteralement preacutefeacuterable drsquoavoir recours agrave des algorithmes speacutecialiseacutes qui peuvent tirer avantage de certaines structures speacutecifiques Pour le problegraveme TSP par exemple des approches baseacutees sur la programmation en nombres entiers peuvent maintenant reacutesoudre de faccedilon optimale des exemplaires de plusieurs dizaines de milliers de villes Il serait donc mal aviseacute drsquoutiliser un algorithme geacuteneacutetique pour reacutesoudre ce problegraveme (agrave moins de vouloir eacutetudier leur comportement ce qui peut ecirctre tout agrave fait leacutegitime et amusant)

Les algorithmes geacuteneacutetiques ont tout de mecircme lrsquoavantage drsquoecirctre simples agrave mettre en place En fait une meacutethode de codage des opeacuterateurs de croisement et de mutation ainsi qursquoune fonction drsquoeacutevaluation sont suf-fisants pour utiliser une approche eacutevolutive On obtient alors une approche robuste qui peut ecirctre tregraves utile si la fonction agrave optimiser est laquo floue raquo (fuzzy) ou si on dispose de peu de temps pour eacutetudier le problegraveme agrave optimiser

Les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent eacutega-lement ecirctre combineacutes agrave drsquoautres approches drsquooptimisation pour donner lieu agrave des meacutethodes hybrides tregraves puissantes souvent parmi les meilleures disponibles On peut par exemple utiliser des opeacuterateurs de mutation plus sophistiqueacutes pour optimiser le reacutesultat de chaque croisement Pour lrsquoalgorithme hybride reacutesultant la composante laquo geacuteneacute-tique raquo vise alors agrave enrichir la recherche en misant sur les eacuteleacutements qui constituent sa force ie lrsquoutilisation drsquoune population diver-sifieacutee qui permet lrsquoaccegraves aux caracteacuteristiques varieacutees de plusieurs individus et au proces-sus de seacutelection (artificielle dans ce cas) afin drsquoorienter lrsquoexploration vers les meilleures reacutegions de lrsquoespace de solutions Crsquoest bien lagrave lrsquoune des leccedilons agrave tirer de lrsquoobservation de la nature

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Rubrique des

Jean-Paul DelahayeUniversiteacute des Sciences et Technologies de Lille

Lrsquoinformation paradoxale

Comme le preacuteceacutedent ce paradoxe est aussi un paradoxe sur lrsquoinformation cacheacutee cependant il neacutecessite une patience bien supeacuterieure pour ecirctre reacutesolu ou lrsquoaide drsquoun ordinateur

On choisit cinq nombres a b c d et e veacuterifiant les relations

1 le a lt b lt c lt d lt e le 10

Autrement dit les cinq nombres sont compris entre 1 et 10 tous diffeacuterents et classeacutes par ordre croissant On indique leur produit P agrave Patricia (qui est brune) leur somme S agrave Sylvie (qui est blonde) la somme de leurs carreacutes

C = a2 + b2 + c2+ d2 + e2

agrave Christian (qui est barbu) et la valeur

V = (a + b + c)(d + e)

agrave Vincent (qui est chauve)

Ils doivent deviner quels sont les nombres a b c d et e

1- Une heure apregraves qursquoon leur a poseacute le problegraveme les quatre personnages qursquoon interroge simultaneacutement reacutepondent tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

2- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

3- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo Etc

23- Une heure apregraves (soit 23 heures apregraves la formulation de lrsquoeacutenonceacute ) les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

Cependant apregraves cette 23egraveme reacuteponse les visages des quatre personnages srsquoeacuteclairent drsquoun large sourire et tous srsquoexclament laquo crsquoest bon maintenant je connais a b c d et e raquo

Vous en savez assez maintenant pour deviner les 5 nombres a b c d e Il semble paradoxal que la reacutepeacutetition 23 fois de la mecircme affirmation drsquoignorance de la part des personnages soit porteuse drsquoune information Pourtant crsquoest le cas Essayez de comprendre pourquoi et ensuite armez-vous de courage la solution est au bout du calcul

Solution du paradoxe preacuteceacutedent

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Solution du paradoxe preacuteceacutedent

Lrsquoinformation paradoxaleIl arrive que lrsquoon pense ne pas disposer drsquoassez drsquoinfor-mations pour reacutesoudre un problegraveme alors qursquoen reacutealiteacute tout est agrave notre disposition Certaines situations sont si extraordinaires qursquoelles apparaissent paradoxales En voici un exemple

Un homme bavarde avec le facteur sur le pas de la porte de sa maison Il lui dit

laquo Crsquoest amusant je viens de remarquer que la somme des acircges de mes trois filles est eacutegale au numeacutero de ma maison dans la rue Je suis sucircr que si je vous apprends que le produit de leur acircge est 36 vous saurez me dire leur acircge respectif raquo

Le facteur reacutefleacutechit un moment et lui reacutepond

laquo Je suis deacutesoleacute mais je ne peux pas trouver raquo

Lrsquohomme srsquoexclame alors laquo Ah oui Jrsquoavais oublieacute de vous dire que lrsquoaicircneacutee est blonde raquo

Quelques secondes apregraves le facteur lui donne la bonne reacuteponse Aussi paradoxal que cela apparaisse vous pouvez deacuteduire de cet eacutechange lrsquoacircge des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte

SolutionLes diffeacuterentes deacutecompositions de 36 en produit de trois entiers et les sommes des facteurs sont donneacutees dans le tableau ci-contre

Le facteur connaicirct la somme des acircges des trois filles car il est sur le pas de la porte Srsquoil ne peut pas trouver leurs acircges respectifs crsquoest que parmi les produits possibles compatibles avec la somme qursquoil connaicirct il y en a deux qui donnent la mecircme somme Crsquoest donc que la somme est 13 Les deux possibiliteacutes sont donc 1-6-6 et 2-2-9 La premiegravere est eacutelimineacutee car deux enfants ne peuvent avoir le mecircme acircge que srsquoils sont jumeaux et alors il nrsquoy a pas drsquoaicircneacutee La solution est donc 2-2-9 Les acircges des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte sont 2 2 et 9 ans

Produits1times1times362times3times63times3times4

1times2times181times3times121times6times61times4times92times2times9

3811102116131413

Sommes

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Algorithmes dans lrsquohistoire1 Deacuteterminer les PGCD des couples

a) 924 3 135 c) 2 530 9 639

b) 83 337

Lrsquoheacuteritage de Fermat1 Appliquer la meacutethode de Fermat pour

factoriser les nombres suivants

a) 493 b) 1247 c) 6 903

2 Supposons qursquoun entier n est le produit de deux nombres premiers p lt q et que q ndash p lt p2 2 Montrer qursquoen utilisant la meacutethode de Fermat ce nombre n peut ecirctre factoriseacute en seulement une eacutetape

Eacutemergence logarithmique1 Soit la suite arithmeacutetique

a nd( ) n+ isin

a) Montrer que chaque terme (agrave lrsquoex- ception du premier) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins

b) Montrer un reacutesultat analogue pour la suite geacuteomeacutetrique

ar( ) nnisin

2 Montrer qursquoen termes modernes le passage de LrsquoAreacutenaire ci-haut porte sur les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacute-trique et sur la regravegle du produit de deux puissances

Tuyau Des nombres laquo continucircment en proportion agrave partir de lrsquouniteacute raquo forment une suite geacuteomeacutetrique dont le premier terme est 1

3 En comparant les deux tables tireacutees de la tablette MLC 02078 (pp 19 et 20) on y voit la suite geacuteomeacutetrique

2 ndash 4 ndash 8 ndash 16 ndash 32 ndash 64

ecirctre associeacutee agrave deux suites arithmeacutetiques Relier directement ces deux suites arith-meacutetiques lrsquoune agrave lrsquoautre

Tuyau On peut y voir du logarithme

4 Soit deux points P1 et P2 sur un segment AB (voir figure) Montrer que

a) si APAB

P PP B

1 1 2

1

= alors P BAB

P BP B

1 2

1

=

b) la reacuteciproque est elle aussi valide

5 La suite de segments AB P1B P2B P3B forme une progression geacuteomeacutetrique deacutecroissante (p 22) On deacutesigne par r le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique (on a donc r lt 1) et par z la longueur du segment AB

a) Interpreacuteter en termes de z et de r les segments AB P1B P2B P3B

b) Exprimer agrave lrsquoaide de z et de r les longueurs des intervalles AP1 P1P2 P2P3 P3P4

c) Appliquer ces reacutesultats aux valeurs numeacuteriques choisies par Napier (voir p 23)

d) Et que dire dans ce contexte de la suite arithmeacutetique deacutetermineacutee par le mouve-ment du point Q (p 22)

6 a) Expliquer lrsquoobservation dans lrsquoencadreacute ci-bas au cœur de la deacutemarche de Napier

b) En conclure que pour Napier la vitesse de P en un point donneacute est eacutegale agrave sa distance de lrsquoextreacutemiteacute B

Tuyau La constante de proportionnaliteacute de la partie a) est 1

7 On veut interpreacuteter ici le modegravele geacuteomeacute-trico-cineacutematique de Napier agrave lrsquoaide du calcul diffeacuterentiel et inteacutegral (moderne) On appelle x(t) la distance seacuteparant P de lrsquoextreacutemiteacute B au temps t et y(t) la position du point Q au temps t

a) Montrer que le deacuteplacement de Q est deacutecrit par lrsquoeacutequation diffeacuterentielle dydt = 107 avec comme condition initiale y(0) = 0

Tuyau La vitesse est la deacuteriveacutee de la distance parcourue par rapport au temps

b) Montrer de mecircme que le deacuteplace-ment de P est deacutecrit par dxdt = ndashx avec x(0) = 107

c) Reacutesoudre ces deux eacutequations diffeacuteren-tielles

d) Montrer comment on pourrait en tirer une notion de laquo base raquo pour les loga-rithmes de Napier1

1 Au plan historique une telle ideacutee de laquo base raquo chez Napier est une pure fabulation

Section problegravemes

Agrave propos de Napier

Puisque des distances parcou-rues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est pro-portionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (p 22)

Archimegravede LrsquoAreacutenaire

Si des nombres sont continucircment en pro- portion agrave partir de lrsquouniteacute et que cer-tains de ces nombres sont multiplieacutes entre eux le produit sera dans la mecircme pro-gression eacuteloigneacute du plus grand des nom- bres multiplieacutes drsquoautant de nombres que le plus petit des nom- bres multiplieacutes lrsquoest de lrsquouniteacute dans la pro-gression et il sera eacuteloigneacute de lrsquouniteacute de la somme moins un des nombres dont les nombres multiplieacutes sont eacuteloigneacutes de lrsquouniteacute

A

P1 P2

B

Pour en s voir plus

Histoire des matheacutematiques

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

bull Le livre Havil Julian John Napier Life Logarithms and Legacy Princeton University Press 2014 est une mine drsquoor pour des informations sur la vie et lrsquoœuvre de Napier

bull Le contexte ayant meneacute agrave la naissance des logarithmes est exposeacute dans Friedelmeyer Jean-Pierre laquo Contexte et raisons drsquoune lsquomirifiquersquo invention raquo In Eacutevelyne Barbin et al Histoires de logarithmes pp 39-72 Ellipses 2006 Le sous-titre de lrsquoarticle drsquoAccromath a eacuteteacute emprunteacute au titre de ce texte

bull Les deux traiteacutes de Napier sur les logarithmes le Mirifici logarithmorum canonis descriptio et le Mirifici logarithmorum canonis constructio peuvent ecirctre trouveacutes facilement (en latin) sur la Toile Une traduction anglaise de ces traiteacutes est accessible agrave partir du site de Ian Bruce sur les matheacutematiques des 17e et 18e siegravecles httpwww17centurymathscom

bull La citation de Laplace se retrouve aux pp 446-447 de Œuvres complegravetes de Laplace Exposition du systegraveme du monde (6e eacutedition) Bachelier Imprimeur-Libraire 1835 (Disponible sur Google Livres)

bull La tablette meacutesopotamienne MLC 02078 est eacutetudieacutee (pp 35-36) dans Neugebauer Otto et Sachs Abraham Mathematical Cuneiform Texts American Schools of Oriental Research 1945

bull Pour plus drsquoinformation sur lrsquoemploi des vocables laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo voir Charbonneau Louis laquo Progression arithmeacutetique et progression geacuteomeacutetrique raquo Bulletin AMQ 23(3) (1983) 4-6

bull Publieacutes en allemand en 1770 les Eacuteleacutements drsquoalgegravebre de Leonhard Euler sont parus en traduction franccedilaise degraves 1774 Cette version est accessible agrave partir du site Gallica de la Bibliothegraveque nationale de France httpsgallicabnffr

bull Lrsquoextrait de LrsquoAreacutenaire mdash voir la Section problegravemes mdash se trouve (p 366) dans Ver Eecke Paul Les œuvres complegravetes drsquoArchimegravede tome 1 Vaillant-Carmanne 1960

Applications des matheacutematiques

Lrsquoheacuteritage de Fermat

bull WB Hart laquo A one line factoring algorithmraquo J Aust Math Soc 92 (2012) no 1 61ndash69

bull RS Lehman laquo Factoring large integers raquo Math Comp 28 (1974) 637ndash646

bull MA Morrison and J Brillhart laquo A method of factoring and the factorization of F 7 raquo Math Comp 29 (1975) 183ndash205

bull C Pomerance laquoThe quadratic sieve factoring algorithm raquo Advances in Cryptology (Paris 1984) 169-182 Lecture Notes in Comput Sci 209 Springer Berlin 1985

Accromath est une publication de lrsquoInstitut des sciences matheacutema-tiques (ISM) et du Centre de recherches matheacutematiques (CRM) La revue srsquoadresse surtout aux eacutetudiantes et eacutetudiants drsquoeacutecole secon-daire et de ceacutegep ainsi qursquoagrave leurs enseignantes et enseignants

LrsquoInstitut des sciences matheacutematiques est une institution unique deacutedieacutee agrave la promotion et agrave la coordination de lrsquoenseignement et de la recherche en sciences matheacutematiques au Queacutebec En reacuteunissant neuf deacutepartements de matheacutematiques des universiteacutes queacutebeacutecoises (Concordia HEC Montreacuteal Universiteacute Laval McGill Universiteacute de Montreacuteal UQAM UQTR Universiteacute de Sherbrooke Bishoprsquos) lrsquoInstitut rassemble un grand bassin drsquoexpertises en recherche et en enseignement des matheacutematiques LrsquoInstitut anime de nombreuses activiteacutes scientifiques dont des seacuteminaires de recherche et des colloques agrave lrsquointention des professeurs et des eacutetudiants avanceacutes ainsi que des confeacuterences de vulgarisation donneacutees dans les ceacutegeps Il offre eacutegalement plusieurs programmes de bourses drsquoexcellence

LrsquoISM est financeacute par le Ministegravere de lrsquoEnseignement supeacuterieur et par ses neuf universiteacutes membres

Le Centre de recherches matheacutematiques est un centre national pour la recherche fondamentale en matheacutematiques et ses applica-tions Les scientifiques du CRM comptent plus drsquoune centaine de membres reacuteguliers et de stagiaires postdoctoraux Lieu privileacutegieacute de rencontre le Centre est lrsquohocircte chaque anneacutee de nombreux visi-teurs et drsquoateliers de recherche internationaux

Les activiteacutes scientifiques du CRM comportent deux volets principaux les projets de recherche qursquoentreprennent ses laboratoires et les activiteacutes theacutematiques organiseacutees agrave lrsquoeacutechelle internationale Ces derniegraveres ouvertes agrave tous les domaines impliquent des chercheurs du CRM et drsquoautres universiteacutes Afin drsquoassurer une meilleure diffusion des reacutesultats de recherches de ses collaborateurs le CRM a lanceacute en 1989 un programme de publications en collaboration avec lrsquoAmerican Mathematical Society et avec Springer

Le CRM est principalement financeacute par le CRSNG (Conseil de recherches en sciences naturelles et en geacutenie du Canada) le FQRNT (Fonds queacutebeacutecois de recherche sur la nature et les technologies) lrsquoUniversiteacute de Montreacuteal et par six autres universiteacutes au Queacutebec et en Ontario

Accromath beacuteneacuteficie de lrsquoappui de la Dotation Serge-Bissonnette du CRM

OR2010

BRONZE2011

BRONZE2014

OR2012

2008

Prix speacutecial de la ministre 2009

Prix Anatole Decerf 2012

Page 3: L’héritage de Pierre de Fermat La factorisation des grands ...

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Volume 14 bull Eacuteteacute-automne 2019

SommaireDossierHistoire des matheacutematiques Algorithmes au cours de lrsquohistoire 2 Andreacute Ross

DossierApplications des matheacutematiques Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres 8 Jean-Marie De Koninck

Facile difficile 14 Christiane Rousseau

DossierHistoire des matheacutematiques Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier 18 Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson

DossierApplications des matheacutematiques Algorithmes geacuteneacutetiques 24 Charles Fleurent

Rubrique des Paradoxes Lrsquoinformation paradoxale 30 Jean-Paul Delahaye

Solution du paradoxe preacuteceacutedent 31 Jean-Paul Delahaye

Section problegravemes 32

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Doss

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isto

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Le mot algorithme provient de la version latiniseacutee du nom du matheacutematicien persan Al-Khwarizmi1

Cependant les matheacutematiciens avaient deacuteveloppeacute et mis en œuvre des algorithmes bien avant sa naissance

Dans lrsquoarticle Extraction drsquoune racine dans un carreacute2 Bernard Hodgson nous a deacutejagrave preacute-senteacute un algorithme connu mille ans avant Pythagore et utiliseacute par les Meacutesopotamiens de lrsquoAntiquiteacute pour extraire une racine car-reacutee En fait degraves que lrsquoon cherche agrave reacutesoudre systeacutematiquement une famille de problegravemes on est deacutejagrave agrave la recherche drsquoun algorithme

Algorithme drsquoEuclideUn algorithme que le lecteur a probablement deacutejagrave utiliseacute est appeleacute lrsquoalgorithme drsquoEuclide On le retrouve dans le Livre VII des Eacuteleacutements drsquoEuclide qui veacutecut agrave Alexandrie environ un milleacutenaire avant Al-Khwarizmi Cet algorithme permet de trouver le plus grand commun diviseur ou pgcd de deux nombres

Dans la tradition euclidienne un nombre entier est une longueur et un produit drsquoen-tiers est un rectangle comme lrsquoindique la deacutefinition suivante tireacutee de la traduction de Bernard Vitrac des Eacuteleacutements drsquoEuclide

Et quand deux nombres srsquoeacutetant multiplieacutes lrsquoun lrsquoautre produisent un certain nombre le produit est appeleacute plan et les nombres qui se sont multiplieacutes lrsquoun lrsquoautre ses cocircteacutes(Livres VII deacutefinition 17)

La proceacutedure pour deacuteterminer le pgcd de deux nombres telle qursquoillustreacutee ci-dessous consiste drsquoun point de vue geacuteomeacutetrique agrave deacuteterminer la longueur du cocircteacute du plus grand carreacute agrave lrsquoaide duquel on peut paver entiegraverement le rectangle dont les longueurs des cocircteacutes sont les nombres dont on cherche le pgcd

En proceacutedant numeacuteriquement par divisions successives de la longueur par la largeur puis de la largeur par le reste et ainsi de suite jusqursquoagrave un reste nul on obtient

24 = 1 times 15 + 9 15 = 1 times 9 + 6 9 = 1 times 6 + 3 6 = 2 times 3 + 0

Le pgcd eacutetant le dernier reste non nul de ce processus 3 est donc le plus grand commun diviseur de 24 et 15 On eacutecrit pgcd(15 24) = 3

Andreacute RossProfesseur retraiteacute

1 Le mot algegravebre vient de Al-jabr walsquol muqabala titre drsquoun livre drsquoAl-Khwarizmi Cet ouvrage est le texte fondateur de lrsquoalgegravebre

2 Voir Accromath volume 1 automne-eacuteteacute 2006

Algorithmes au cours de lrsquohistoire

Dans le rectangle de cocircteacutes 24 et 15 on peut inscrire un carreacute de cocircteacute 15 Il reste un rectangle de cocircteacutes 9 et 15 dans lequel on peut inscrire un carreacute de cocircteacute 9 Il reste un rectangle de cocircteacutes 9 et 6 agrave lrsquointeacuterieur duquel on peut inscrire un carreacute de cocircteacute 6 il reste un rectangle de coteacutes 6 et 3 dans lequel on

inscrit maintenant deux carreacutes de cocircteacute 3 Crsquoest le plus grand carreacute agrave lrsquoaide duquel on peut paver le rectangle initial 3 est donc le pgcd de 24 et 15 Lorsque le plus grand carreacute permettant de paver le rectangle est unitaire les nombres sont premiers entre eux

15

24

24

15

15

15

9

3 3

15

15

15

15

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6

6

6

6

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3

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15

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9

9

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24

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9

3 3

15

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99

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6

6

3

3

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9

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24

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15

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3 3

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3

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Al-Khwarizmi783-850

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

Il est agrave noter qursquoen utilisant lrsquoalgorithme drsquoEuclide on peut deacuteterminer le pgcd de deux nombres sans connaicirctre leur factorisa-tion en nombres premiers La factorisation des nombres 15 et 24 est simple agrave obtenir

15 = 3 times 5 et 24 = 3 times23

drsquoougrave on peut conclure immeacutediatement que pgcd(15 24) = 3 Cependant pour de tregraves grands nombres il est plus simple et net-tement plus rapide drsquoappliquer lrsquoalgorithme drsquoEuclide mecircme agrave lrsquoaide drsquoun ordinateur

Algorithme drsquoEuclide et eacutequations diophantiennesRappelons qursquoune eacutequation diophantienne est une eacutequation polynomiale agrave une ou plusieurs inconnues dont les solutions sont chercheacutees parmi les nombres entiers les coefficients eacutetant eux-mecircmes des entiers On a recours agrave lrsquoalgorithme drsquoEuclide pour reacutesoudre certaines eacutequations diophantiennes de la forme

ax + by = cAgrave quelles conditions une telle eacutequation admet-elle une solution entiegravere

En ayant recours agrave la geacuteomeacutetrie analytique moderne on peut visualiser le problegraveme comme suit Lrsquoensemble des solutions de lrsquoeacutequation ax + by = c est repreacutesenteacute par une droite Si aucun point de la droite nrsquoa de coordon-neacutees entiegraveres lrsquoeacutequation nrsquoa aucune solution

Mais si la droite passe par au moins un point de coor- donneacutees entiegraveres elle a alors une infiniteacute de solutions puisque a b et c sont des entiers

Deux theacuteoregravemes apportent des reacuteponses pour certaines de ces eacutequations

Theacuteoregraveme de Bachet-Beacutezout

Soit a et b deux entiers Si d est le pgcd de a et b alors il existe des entiers x et y tels que

ax + by = d = pgcd(a b)Le second theacuteoregraveme porte sur le cas ougrave les deux entiers a et b ont 1 comme seul facteur commun

Aucune solution

Infiniteacute de solutions

Theacuteoregraveme de Beacutezout

Deux entiers a et b sont premiers entre eux si et seulement srsquoil existe deux entiers x et y tels que

ax + by = 1Agrave propos de ces theacuteoregravemes si la constante d ou 1 selon le cas nrsquoest pas le pgcd des coeffi-cients on ne peut rien conclure Par ailleurs pour deacuteterminer une premiegravere solution (x0 y0) drsquoune eacutequation de la forme

ax + by = pgcd(a b)on utilise lrsquoalgorithme drsquoEuclide et agrave lrsquoaide du lemme de Gauss on geacuteneacuteralise celle-ci en montrant que

minus

+ +

=a x k

bd

b y kad

d 0 0

ougrave k est un nombre entier

Diophante drsquoAlexandrieOn ignore tout de la vie du matheacutematicien grec Diophante dont on ne connaicirct que les eacutecrits On pense qursquoil vivait vers le 3e siegravecle de notre egravere sans pouvoir apporter plus de preacutecisions Son ouvrage le plus ceacutelegravebre est un traiteacute de 13 livres les Arithmeacutetiques Six volumes de cet ouvrage reacutedigeacutes en grec ont eacuteteacute retrouveacutes en Italie au 15e siegravecle par Regiomontanus (Johann Muumlller (1436-1476)) Quatre autres livres traduits en arabe ont eacuteteacute deacutecouverts en Iran en 1968 Les experts ne srsquoentendent pas agrave leur sujet srsquoagit-il de la traduction du texte original de Diophante ou plutocirct drsquoun commentaire sur les Arithmeacutetiques peut-ecirctre eacutecrit par Hypathie (env 355-415)

Les Arithmeacutetiques sont une collection de 189 problegravemes accom-pagneacutes de leur solution conduisant agrave des eacutequations dont les solutions sont entiegraveres ou fractionnaires

Claude-Gaspard Bachet de Meacuteziriac (1581-1638)

Claude-Gaspard Bachet de Meacuteziriac est un matheacutematicien poegravete et traducteur franccedilais Le theacuteoregraveme qui porte son nom a eacuteteacute preacutesenteacute pour la premiegravere fois dans la deuxiegraveme eacutedition de son ouvrage laquo Pro-blegravemes plaisans et deacutelectables qui se font par les nombres raquo parue en 1624

Eacutetienne Beacutezout (1730-1783)Le matheacutematicien franccedilais Eacutetienne Beacutezout est passeacute agrave la posteacuteriteacute pour le theacuteoregraveme de Bachet-Beacutezout en arithmeacutetique Il est le premier agrave donner une deacutemonstration correcte du theacuteoregraveme suivant selon lequel deux courbes algeacutebriques respectivement de degreacute m et n se rencontrent en geacuteneacuteral en mn points en comptant les multipliciteacutes

Degreacute 4

Degreacute 3

Degreacute 2

Degreacute 2

Lemme drsquoEuclide

Si un nombre pre-mier p divise le produit de deux nombres entiers b et c alors p divise b ou c

(Eacuteleacutements proposition VII30)

Lemme de Gauss

Si un nombre entier a divise le produit de deux autres nombres entiers b et c et si a est pre-mier avec b alors a divise c

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Multiplication eacutegyptienneDans tous les systegravemes de numeacuteration on a eu recours agrave des algorithmes pour effectuer des opeacuterations

Ainsi pour multiplier 19 par 23 le scribe eacutegyptien associe le plus grand des deux nombres agrave lrsquouniteacute et double ces nombres4 Il arrecircte lorsque le nombre de la colonne de gauche devient plus grand que le multipli-cateur

Puisque 19 = 16 + 2 + 1 il additionne les nombres de la colonne de droite sur les lignes non biffeacutees ce qui donne

19times23 = 23 + 46 + 368 = 437

On qualifie le systegraveme de numeacuteration eacutegyptien de systegraveme additif de base dix Il est additif car crsquoest par la reacutepeacutetition des symboles que lrsquoon eacutecrit un nombre et de base dix car un nouveau symbole est utiliseacute pour chaque puissance de dix

Dans ce systegraveme pour multiplier un nombre par 2 il suffit de doubler le nombre de sym-boles et drsquoeffectuer les regroupements en remplaccedilant tout groupe de 10 symboles identiques par le symbole supeacuterieur En utilisant cette eacutecriture des nombres la multiplication que nous venons drsquoeffectuer srsquoeacutecrit de la faccedilon ci-bas

On arrecircte lorsqursquoen doublant dans la colonne de gauche on obtient un nombre plus grand que le multiplicateur (en dou-blant les symboles du dernier nombre de la colonne de gauche on obtiendrait deux symboles suivis de plusieurs symboles ce qui est plus grand que le multiplicateur)

Le scribe repegravere alors dans la colonne de gauche les nombres qui additionneacutes donnent le multiplicateur soit

+ + =

DossierHistoire

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Reacutesolution agrave lrsquoaide de lrsquoalgorithme drsquoEuclideConsideacuterons lrsquoeacutequation

510x + 294y = 6

Cette eacutequation admet-elle des solutions En appliquant lrsquoalgorithme drsquoEuclide on obtient que

510 = 1times294 + 216On isole les restes

294 = 1times216 + 78216 = 2times78 + 6078 = 1times60 + 1860 = 3times18 + 618 = 3times6 + 0

rArr

216 = 510 ndash 1times294 78 = 294 ndash 1times216 60 = 216 ndash 2times78 18 = 78 ndash 1times60

6 = 60 ndash 3times18

Dans la colonne de gauche le dernier reste non nul est 6 on a donc pgcd(294 510) = 6 Par conseacutequent le theacuteoregraveme de Bachet-Beacutezout nous garantit que lrsquoeacutequa-tion admet une solution (x0 y0) On deacutetermine celle-ci en isolant les restes ce qui est fait dans la colonne de droite On substitue ensuite en laquo remontant la chaicircne raquo de calculs afin drsquoexprimer 6 en termes de 294 et de 510

Cela donne

18

6 = 60 ndash 3times(78 ndash 1times60) = 4times60 ndash 3times78

6 = 4times(216 ndash 2times78) ndash 3times78 = 4times216 ndash 11times78

6 = 4times216 ndash 11times(294 ndash 1times216) = 15times216 ndash 11times294

6 = 15times(510 ndash 1times294) ndash 11times294 = 15times510 ndash 26times294

60

78

216

Par conseacutequent le couple (15 ndash26) est une solution de lrsquoeacutequation 510x + 294y = 6 Lrsquoensemble des solu-tions entiegraveres est formeacute de tous les couples de la forme (15 ndash 49k ndash26 + 85k) ougrave k est un entier

1248

1632

234692

184368

1248

1619

234692

184368437

Le bacircton repreacutesente lrsquouniteacute

Lrsquoanse de panier la dizaine

Le rouleau de papyrus la centaine

La fleur de lotus le millier

Le doigt deacutesignant les eacutetoiles dix mille

Le tecirctard cent milleLe dieu agenouilleacute soutenant le mondeun million

NUMEacuteRATION HIEacuteROGLYPHIQUEValeur des symboles

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

Il suffit drsquoadditionner les reacutesultats des lignes dont la somme donne le multiplicateur ce qui donne

En eacutecriture moderne le scribe exprime le multiplicateur comme somme de puissances de 2 soit

19 = 16 + 2 + 1

En doublant la valeur du multiplicande et en retenant les valeurs correspondant aux termes de la deacutecomposition du multiplica-teur en somme de puissances de 2 il obtient 23times19 = 23times(16 + 2 + 1) = 368 + 46 + 23 = 437

Division eacutegyptiennePour illustrer comment srsquoeffectue une division consideacuterons lrsquoopeacuteration

divide

Le scribe associe le diviseur agrave lrsquouniteacute et il double successivement jusqursquoagrave obtenir le plus grand multiple du diviseur infeacuterieur au nombre agrave diviser

Dans ce tableau le scribe deacutetecte aiseacutement qursquoen doublant le nombre de la colonne de gauche il obtiendrait un nombre plus grand que le dividende En effet il obtiendrait alors deux symboles suivis de deux symboles (lecture de droite agrave gauche) alors que le divi-dende est formeacute de deux symboles suivi drsquoun seul symbole

Le dividende peut alors srsquoexprimer comme la somme de certains des nombres de la colonne de gauche plus possiblement un reste plus petit que le diviseur

Le scribe fait la somme des nombres des deux derniegraveres lignes de la colonne de gauche ce qui donne un nombre plus petit que le divi-dende En effet elle ne contient qursquoun seul symbole alors que le dividende en a deux (En langage moderne le chiffre des centaines est trop petit)

De plus il peut facilement constater qursquoen additionnant agrave ce reacutesultat le nombre de la troisiegraveme ligne agrave partir du bas il va obtenir deux symboles suivis de deux symboles

La somme serait donc plus grande que le dividende qui est formeacute de deux symboles

suivi drsquoun seul symbole Cette somme serait plus grande que le dividende ce qui signifie que le nombre de la troisiegraveme ligne agrave partir du bas ne fait pas partie du deacutevelop-pement du dividende en somme de multiples du diviseur Il faut biffer cette ligne dans le tableau

En ajoutant plutocirct le nombre de la quatriegraveme ligne agrave partir du bas et en comparant le reacutesultat au dividende il constate que cette somme est plus petite que le dividende (elle ne contient pas le symbole alors que le dividende en a un et le diviseur est plus petit que )

Il ajoute alors le nombre de la ligne du haut En comparant le dividende et la somme obtenue le scribe peut facilement constater que le reste est 3

En effectuant la somme des nombres conser-veacutes dans la colonne de droite le scribe deacuteter-mine le quotient Il a donc obtenu

219 = 27 times 8 + 3

De nos jours on eacutecrirait le quotient

2738

ou 27375

Comparaison

Comparaison

SommeDividende

SommeDividende

SommeDividende

Le reste est ce qui manquepour avoir lrsquoeacutegaliteacute soit

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DossierHistoire

Pour repreacutesenter une fraction le scribe eacutegyptien inscrivait lrsquohieacuteroglyphe au-dessus drsquoun nombre Ainsi pour repreacutesenter la fraction 112 le scribe doit eacutecrire Cette faccedilon de faire a un inconveacutenient le numeacuterateur des fractions est toujours lrsquouniteacute (sauf pour 23 pour lequel on disposait drsquoun hieacuteroglyphe particulier)

Pour indiquer 38 le scribe devait donc consideacuterer que 38 = 14 + 18 et eacutecrire

Reacuteglettes de Napier et extraction de racinesLa multiplication et la division en numeacuteration eacutegyptienne illustrent le fait qursquoun algorithme deacutepend du systegraveme de numeacuteration utiliseacute Il peut aussi deacutependre de lrsquoinstrument de calcul utiliseacute Napier a deacuteveloppeacute un algorithme pour extraire une racine carreacutee agrave lrsquoaide de ses reacuteglettes5

Lrsquoalgorithme de Napier repose sur la meacutethode traditionnelle laquo agrave la main raquo pour extraire une racine carreacutee6 Il considegravere une reacuteglette suppleacutementaire (en jaune dans les illustrations) repreacutesentant les car-reacutes des nombres de 1 agrave 9 Lrsquoalgo-rithme srsquoapplique agrave un nombre srsquoeacutecrivant avec un nombre pair de chiffres que lrsquoon divise en tranches de deux chiffres (si ce nrsquoest pas le cas on ajoute un 0 agrave la gauche du nombre) Effectuons lrsquoextraction de

la racine carreacutee du nombre 463 856

Dans ce nombre la premiegravere tranche de deux chiffres est 46 Le plus grand chiffre dont le carreacute est infeacuterieur agrave 46 est 6 Crsquoest le premier chiffre du reacutesultat

463 856 6=

En soustrayant de 46 le carreacute de 6 on obtient 10 et on abaisse les deux chiffres suivant du nombre agrave extraire

463 85636ndash10 3 8

On dispose dans le plateau les reacuteglettes du double du premier chiffre du reacutesultat (ici les reacuteglettes 1 et 2 pour 12) suivies de la reacuteglette

jaune et on repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutediatement 1 038 dans ceux repreacutesenteacutes par les lignes du plateau Sur la huitiegraveme ligne on lit 1 024

Le deuxiegraveme chiffre de la racine carreacutee est donc 8

463 856 68=

On soustrait 1 024 de 1 038 ce qui donne 14 et on abaisse la tranche des deux chiffres suivants du nombre agrave extraire ce qui donne 1 456

On double le second chiffre de la racine 2 times 8 = 16 que lrsquoon ajoute au nombre 12 deacutejagrave formeacute en le multipliant par 10 soit 12 times 10 + 16 =136

On dispose dans le plateau les reacuteglettes du nombre 136 suivis de la reacuteglette jaune et on

5 Les algorithmes pour la multiplication et la division agrave lrsquoaide de reacuteglettes ont eacuteteacute preacutesen-teacutes dans lrsquoarticle laquoJohn Napierraquo Accromath Vol 14 hiver-printemps 2019

6 Lrsquoalgorithme traditionnel pour la racine carreacutee fait lrsquoobjet du problegraveme laquo Racines cristallines raquo drsquoAccromath (vol 11 eacuteteacute-automne 2016 p 32) en lien avec le texte laquo Glanures matheacutematico-litteacuteraires (II) raquo de Bernard R Hodgson

Le symbole deacutesigne une addition alors que indique

une soustraction

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0

0

0

0

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2

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1 3 6 1

2 7 2 4

4 0 8 9

5 4 5 6

6 8 2 5

8 1 9 6

9 5 6 9

1 0 9 4 4

1 2 3 2 1

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1 2 1

2 4 4

3 6 9

4 9 6

6 2 5

7 5 6

8 8 9

1 0 2 4

11 6 1

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0

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Plus grand carreacuteinfeacuterieur agrave 47

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutediate-ment 1 456 Sur la premiegravere ligne on a 1 361 Le troisiegraveme chiffre de la racine est donc 1

463 856 681=

En soustrayant 1 361 de 1 456 on obtient 95 Crsquoest la derniegravere tranche de deux chiffres du nombre dont on veut extraire la racine on ajoute une virgule deacutecimale et on abaisse 00 pour obtenir 9 500

On double le troisiegraveme chiffre de la racine 2 times 1 = 2 que lrsquoon ajoute au nombre deacutejagrave formeacute que lrsquoon multiplie par 10 soit 136 times 10 + 2 =1 362 On dispose dans le

plateau les reacuteglettes du nombre 1 362 suivis de la reacuteglette jaune On remarque que le nombre sur la ligne 1 est plus grand que 9500 On ajoute un 0 apregraves la virgule deacutecimale

463 856 6810=

et on abaisse agrave nouveau 00 ce qui donne 950 000 On intercale la reacuteglette de 0 avant la reacuteglette jaune

On repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutedia-tement 950 000 crsquoest 817 236 sur la ligne 6 Le deuxiegraveme chiffre apregraves la virgule deacutecimale est donc 6 Ce qui donne

463 856 68106=

On poursuit ainsi en abaissant 00 agrave chaque eacutetape jusqursquoagrave ce que lrsquoon obtienne la preacuteci-sion chercheacutee

Pour y voir plus clairOn cherche agrave exprimer le nombre dont on veut extraire la racine carreacutee sous la forme

463 856 = (a times 102 + b times 10 + c)2 + Rcar il est clair que la partie entiegravere de cette racine carreacutee srsquoeacutecrit avec trois chiffres

Agrave chaque eacutetape du calcul on exprime le nombre comme somme drsquoun carreacute parfait et drsquoun terme reacutesiduel allant chercher un des trois chiffres a b et c agrave la fois

Agrave la premiegravere eacutetape on a donc

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6times102)2 + 103 856

Agrave lrsquoissue de la seconde eacutetape on obtient

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6times102 + 8times10)2 +1 456

Et agrave lrsquoissue de la troisiegraveme eacutetape on obtient enfin

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6 times 102 + 8 times 10 + 1)2 + 95

La partie entiegravere de la racine carreacutee de 463 856 est donc 681 Pour trouver la partie deacutecimale de cette racine il srsquoagit maintenant de poursuivre les calculs sur la partie reacutesiduelle R = 95

ConclusionLe vocable algorithme est devenu drsquousage courant avec lrsquoavegravenement des ordinateurs Cependant des algorithmes ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes tregraves tocirct dans lrsquohistoire Degraves que les premiers systegravemes de numeacuteration sont apparus on a deacuteveloppeacute des algorithmes pour effec-tuer les opeacuterations usuelles addition soustraction multiplication division En cherchant agrave reacutesoudre des problegravemes plus eacutelaboreacutes comme lrsquoextraction de racines ou la recherche du pgcd de deux nombres entiers il a fallu deacutevelopper drsquoautres algorithmes plus pousseacutes et parfois eacutetonnants

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272404

408609

544816

681025

817236

953449

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1225881

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Pierre de Fermat est tregraves connu pour son grand theacuteoregraveme concernant la non-existence de solutions entiegraveres positives

de lrsquoeacutequation xn + yn = zn pour chaque entier n ge 3 Toutefois une de ses plus importantes contributions

aux matheacutematiques modernes est sa meacutethode tout agrave fait originale pour factoriser des grands nombres

Plusieurs considegraverent Fermat comme le fondateur (avec Blaise Pascal) de la theacuteorie des probabiliteacutes et comme un preacutecurseur du calcul diffeacuterentiel par sa meacutethode de recherche des maximums et des minimums drsquoune fonction Toutefois sa meacutethode tout agrave fait originale pour factoriser des grands nombres est une de ses plus grandes contribu-tions aux matheacutematiques modernes et crsquoest souvent un fait dont lrsquoimportance est neacutegligeacutee

Comment fait-on pour laquo factoriser raquo un nombre Drsquoentreacutee de jeu il est bien drsquoexpliquer ce qursquoon veut-on dire par laquo factoriser raquo un nombre Drsquoabord rappelons que selon le theacuteoregraveme fondamental de lrsquoarithmeacutetique tout entier supeacuterieur agrave 1 peut srsquoeacutecrire comme un produit de nombres premiers et cette repreacutesentation est unique si on eacutecrit ses facteurs premiers en ordre croissant Ainsi le nombre 60 peut srsquoeacutecrire comme 60 = 22times3times5 et cette factori-sation est unique

Est-il important de connaicirctre la factorisation drsquoun nombre La reacuteponse est OUI agrave tout le moins depuis quelques deacutecennies plus preacuteciseacutement depuis 1978 anneacutee de la creacuteation de la meacutethode de chiffrement RSA largement utiliseacutee de nos jours pour seacutecuriser les transactions bancaires Cette meacutethode tient au fait que bien qursquoil soit facile de multiplier des nombres il est en contrepartie tregraves difficile de faire le chemin inverse crsquoest-agrave-dire de prendre un grand nombre composeacute et de trouver ses facteurs premiers Drsquoougrave la course sur la planegravete pour trouver des algorithmes de factorisation de plus en plus performants qui pourraient laquo casser raquo le code RSA Crsquoest ainsi qursquoen 1976 agrave lrsquoaide des algorithmes connus et des ordinateurs de lrsquoeacutepoque on estimait qursquoil faudrait plus de 1020 anneacutees pour arriver agrave factoriser 2251 ndash 1 un nombre de 76 chiffres Aujourdrsquohui en utilisant un logiciel de calcul installeacute sur un ordinateur de bureau il est possible drsquoobtenir cette factorisation en moins drsquoune minute

Jean-Marie De KoninckUniversiteacute Laval

Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres

Pierre de Fermat (1601-1665) Le matheacutematicien fran-ccedilais Pierre de Fermat eacutetait drsquoabord et avant tout un avocat et un officiel du gouverne-

ment dans la ville de Toulouse Dans ses temps libres il exerccedilait sa passion pour les matheacutematiques et la physique Mecircme si on peut le qualifier de laquo matheacutematicien amateur raquo il est neacuteanmoins passeacute agrave lrsquohistoire comme fondateur de la theacuteorie moderne des nombres

Nombre premier et nombre composeacute

Un entier n gt 1 est appeleacute nombre premier sil nest divisible que par 1 et par lui-mecircme Ainsi 7 est un nombre premier car ses seuls diviseurs entiers sont 1 et 7 alors que 6 nest pas premier puisquil est non seulement divisible par 1 et 6 mais il lest aussi par 2 et 3 Un entier n gt 1 qui nest pas premier est appeleacute nombre composeacute

Nombre premier

Nombres composeacutes

2 times 5 = 10

3 times 5 = 15

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Cependant le veacuteritable deacutefi est drsquoecirctre en me-sure de factoriser des nombres arbitraires de 300 chiffres et plus ce qui est preacutesentement impossible mecircme agrave lrsquoaide drsquoordinateurs tregraves puissants Drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la recherche de nouveaux algorithmes de factorisation

Comment srsquoy prendre pour factoriser un nombre Comment pourrions-nous proceacuteder pour factoriser un nombre composeacute dont on ne connaicirct agrave priori aucun facteur De toute eacutevidence on srsquointeacuteresse ici seulement agrave la factorisation des nombres impairs car autre-ment il suffit de diviser par 2 le nombre agrave factoriser jusqursquoagrave ce qursquoil laquo devienne raquo impair Agrave titre drsquoexemple pour trouver la factorisa-tion du nombre n = 11 009 on peut utiliser lrsquoapproche tout agrave fait naturelle qui consiste agrave examiner successivement la divisibiliteacute

de n par chacun des nombres premiers 3 5 7 11 et ainsi de suite En proceacutedant ainsi on constate eacuteventuellement que ce nombre n est divisible par 101 et que n =101 times 109 menant du coup agrave la factorisation 11 009 = 101 times 109 Bravo Mais avouez que cela a eacuteteacute un peu laborieux car on a ducirc veacuterifier la divisibiliteacute de n par chacun des nombres premiers infeacuterieurs agrave 101 Drsquoail-leurs on se convainc aiseacutement que pour un nombre arbitraire n il aurait fallu veacuterifier la divisibiliteacute par chacun des nombres premiers plus petits que n Cela veut dire que pour un nombre de 200 chiffres il faudrait veacuterifier sa divisibiliteacute par tous les nombres premiers de moins de 100 chiffres un travail colossal Crsquoest pourquoi il est leacutegitime de se demander srsquoil existe des meacutethodes plus efficaces pour factoriser des nombres Or justement Pierre de Fermat en a trouveacute une qui srsquoavegravere drsquoune simpliciteacute deacuteconcertante (Voir encadreacute ci-bas)

Pour illustrer sa meacutethode Fermat a choisi le nombre

n = 2 027 651 281

La meacutethode de factorisation de Fermat Dentreacutee de jeu on peut supposer que le nombre n agrave fac-toriser nest pas un carreacute parfait car sinon on sattardera tout simplement agrave la factorisation du nombre m = nDeacutebutons avec un exemple Si on vous demande de factoriser le nombre 899 peut-ecirctre allez-vous eacutecrire

899 = 900 ndash 1 = 302 ndash 12

= (30 ndash 1)(30 + 1) = 29 times 31

et le tour est joueacute Quelle chance que 899 soit une diffeacuterence de deux carreacutes nest-ce pas Non pas du tout car en reacutealiteacute cest le cas de tout entier posi-tif impair composeacute et cest lideacutee de base de la meacutethode de factorisation de Fermat En effet pour un tel entier n il existe neacutecessairement deux entiers a gt b ge 1 tels que n = a2 ndash b2 auquel cas

n = (a ndash b)(a + b)

Pourquoi Supposons que n = rs avec 1 lt r lt s On peut facilement veacuterifier que les nombres a = (s + r) 2 and b = (s ndash r)2 sont tels que n = a2 ndash b2 Mais com-ment fait-on pour trouver ces deux entiers a et b Certes on a n = a2 ndash b2 lt a2 et donc a gt n auquel cas a ge n + 1 Ici x deacutesigne le plus grand entier le x Commenccedilons donc par poser a = n + 1 Si a2 ndash n est un carreacute parfait disons a2 ndash n = b2 alors nous avons trouveacute a et b comme requis Autrement (cest-agrave-dire si a2 ndash n nest pas un carreacute parfait) on choisit a = n + 2 et ainsi de suite jusquagrave ce que lon trouve un entier positif k tel que le nombre a = n + k soit tel que a2 ndash n est un carreacute parfait que lon eacutecrit alors comme b2 Ce processus a une fin en ce sens quon va eacuteventuelle-ment trouver un nombre b tel que b2 = a2 ndash n et cela parce que lon sait deacutejagrave que b = (s ndash r)2 fait laffaire

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Il obtient drsquoabord que n = 45 029 et commence ainsi avec

a = 45 029 + 1 = 45 030

comme 45 0302 ndash 2 027 651 281 = 49 619 nrsquoest pas un carreacute parfait il pose ensuite a = 45 031 qui ne produit pas non plus de carreacute parfait et ainsi de suite jusqursquoagrave ce qursquoil pose a = 45 041 qui donne

= minus

= =

b 45 041 2 027 651 281

1 040 400 1 020

2

Fermat conclut alors que n = 2 027 651 281 = 45 0412 ndash 1 0202 = (45 041 ndash 1 020)(45 041 + 1 020) = 44 021 times 46 061

Si on choisit de programmer cette meacutethode avec le logiciel de calcul Python1 on peut eacutecrire ceci (dans le cas particulier n = 2 027 651 281)

ce qui donnera

a = 45 041 et b = 1 020 et

n = 44 021times46 061

La meacutethode de Fermat est-elle reacuteellement efficace La reacuteponse courte est laquo Cela deacutepend de la nature du nombre agrave factoriser raquo2 Afin de donner une reacuteponse preacutecise agrave cette question eacutevaluons le nombre drsquoopeacuterations eacuteleacutementaires neacutecessaires pour exeacutecuter la meacutethode de Fermat Par laquo opeacuteration eacuteleacutementaire raquo on en-tend lrsquoaddition la soustraction la

multiplication la division lrsquoeacuteleacutevation agrave une puissance et lrsquoextraction de la racine carreacutee Une opeacuteration eacuteleacutementaire est aussi parfois appeleacutee une laquo eacutetape raquo On dira drsquoun algo-rithme qursquoil est laquo rapide raquo srsquoil srsquoexeacutecute en peu drsquoeacutetapes

Eacutetant donneacute un entier positif n qui nrsquoest pas un carreacute parfait on dit que les nombres d1 et d2 sont les diviseurs milieux de n si d1 est le plus grand diviseur de n infeacuterieur agrave n et d2 =nd1 On peut alors deacutemontrer que le nombre k drsquoeacutetapes requises pour factoriser n via la meacutethode de Fermat est exactement

k =d1 +d2

2 d1d2

soit essentiellement la diffeacuterence entre la moyenne arithmeacutetique et la moyenne geacuteo-meacutetrique des diviseurs d1 et d2 En effet comme on lrsquoa vu ci-dessus (encadreacute p 9) on a

Exeacutecuter lrsquoalgorithme de Fermat consiste donc agrave chercher le plus petit entier k ge1 tel que

n + k( )2 n est un entiera

Or n + k = a implique que k = a ndash n et cela entraicircne

k =d1 +d2

2 d1d2

Pour quels entiers lrsquoalgorithme de Fermat est-il rapide Le temps drsquoexeacutecution pour factoriser un en-tier n en utilisant lrsquoalgorithme de Fermat sera court si ses diviseurs milieux sont pregraves lrsquoun de lrsquoautre crsquoest-agrave-dire pregraves de n (voir lrsquoencadreacute p 11) En contrepartie si les divi-seurs milieux sont eacuteloigneacutes lrsquoun de lrsquoautre alors exeacutecuter la meacutethode de Fermat peut prendre davantage de temps que la simple veacuterification de la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers (voir lrsquoencadreacute p 12)

DossierApplications

1 Logiciel libre que lrsquoon peut teacuteleacutecharger gratuitement sur Internet

2 Voir Section problegravemes

On doit deacuteterminer a et b tels que

n = a2 ndash b2ougrave n et b sont les cathegravetes drsquoun triangle rectangle drsquohypoteacutenuse a Le cocircteacute b est tel que

b2 = a2 ndash n Lrsquohypoteacutenuse doit ecirctre plus grande que les cathegravetes soit

a gt nOn calcule a2 ndash n pour les entiers plus grands n soit

a = n + 1 a = n + 2

a = n + kLorsque (a2 ndash n) est un car-reacute parfait b2 on a alors

a2 ndash n = b2

drsquoougrave n = a2 ndash b2 = (a ndash b)(a + b)On en conclut que n est fac-torisable puisque (a ndash b) et (a + b) en sont des facteurs

La meacutethode de Fermat en image

aa2 gt n

a gt bb2 = a2 ndash n

n

nCarreacutedrsquoaire n

a + b

a ndash b

a ndash b

a + b

a + b

a

b

b

Rectangle drsquoaire n

import math

n = 2 027 651 281

a=mathfloor(mathsqrt(n))+1

b=mathsqrt(a2-n)

while b =int(b)

a+=1

print (a= d et b= d ---gt n= d x d (int(a)int(b)int(a-b)int(a+b))

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Tirer le maximum de la meacutethode de Fermat Comme on vient de le voir si la distance qui seacutepare les diviseurs milieux drsquoun entier n est grande la meacutethode de Fermat est peu efficace On peut contourner ce problegraveme en veacuterifiant au preacutealable la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers3 Par exemple supposons qursquoon ose srsquoattaquer agrave la factorisation du nombre de 16 chiffres n = 489 + 3 = 1 352 605 460 594 691 Appli-quer naiumlvement la meacutethode de Fermat nous amegravenera sans doute agrave abandonner notre ap-proche une fois rendu agrave quelques millions drsquoeacutetapes Une approche plus senseacutee consiste agrave drsquoabord identifier les possibles petits fac-teurs premiers de n soit en veacuterifiant la divisi-biliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave 10 000 ou 100 000 disons ce qursquoon sera en mesure de reacutealiser tregraves rapidement agrave lrsquoaide drsquoun logiciel de calcul Crsquoest ainsi qursquoon deacute-couvre que notre nombre n est divisible par 3 et 1 249 Le problegraveme se ramegravene alors agrave factoriser le nombre

=times

=nn

3 1 249360 983 576 3531

Appliquer la meacutethode de Fermat agrave ce nou-veau nombre donne

n1 = 587 201 times 614 753

et cela apregraves seulement 157 eacutetapes En ras-semblant nos calculs on obtient finalement que

n = 1 352 605 460 594 691

= 3 times 1 249 times n1

= 3 times 1 249 times 587 201 times 614 753

Dans cet exemple nous avons eacuteteacute chanceux car les deux plus grands facteurs premiers de n eacutetaient proches lrsquoun de lrsquoautre Il va de soi que ce nrsquoest pas toujours le cas Crsquoest pour-quoi si apregraves avoir eacutelimineacute les petits facteurs premiers de n la meacutethode de Fermat prend trop de temps agrave deacutevoiler ses grands facteurs premiers il est rassurant de savoir qursquoil existe drsquoautres avenues

Compliquer le problegraveme pour mieux le simplifier Une autre approche pour factoriser un nombre n est drsquoappliquer la meacutethode de Fermat agrave un nombre plus grand que n lui-mecircme en fait agrave un multiple de n Prenons par exemple le nombre n = 54 641 Comme ce nombre est relativement petit la meacutethode de Fermat trouvera sa factorisation agrave savoir n = 101 times 541 en 87 eacutetapes un nombre neacuteanmoins plutocirct grand compte tenu de la petite taille de n Toutefois si on avait su que lrsquoun des facteurs premiers de n eacutetait approximativement 5 fois son autre facteur premier on aurait pu preacutealablement multiplier n par 5 permet-tant ainsi au nouveau nombre 5n drsquoavoir ses

Algorithme (application rapide) lorsque les diviseurs milieux sont proches

Si les diviseurs milieux d1 lt d2 dun nombre n sont tels que la distance ∆ = d21048576ndash d1 qui les seacutepare satisfait agrave ∆ lt d1 et si k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n il deacutecoule de k =

d1 +d2

2 d1d2 que

kd d

d d

d dd

2( ) 1

21 1

1 11 1

1 11

lt + + minus + +

= + minus + +

Par ailleurs on peut montrer que lineacutegaliteacute

+ gt + minusyy y

1 12 8

2tient pour tout y isin (0 1)

Pour sen convaincre il suffit deacutelever chacun de ses cocircteacutes au carreacute et dutiliser le fait que y lt 1 En posant y = ∆d1 dans lrsquoineacutegaliteacute preacuteceacutedente il deacutecoule alors que

lt + minus + minus

+ = +k d dd d d2

112

18

118

11 11

2

12

2

1

lequel nombre est laquo petit raquo en autant que ∆ ne soit pas trop grand Ainsi pour n = 20 099 = 101 times 199 on obtient que

lttimes

+ ltk98

8 1011 13

2

un nombre deacutetapes relativement petit

3 Plus geacuteneacuteralement pour calculer le plus grand commun diviseur de deux entiers on peut utiliser lrsquoalgorithme drsquoEuclide lequel est tregraves rapide (voir lrsquoarticle laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo p 2 de ce numeacutero)

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DossierApplications

diviseurs milieux essentiellement du mecircme ordre de grandeur de sorte que la meacutethode de Fermat appliqueacutee au nombre 5n aurait reacuteveacuteleacute ses facteurs 505 et 541 en une seule eacutetape Il aurait ensuite suffi de veacuterifier lequel de 505 et de 541 avait laquo heacuteriteacute raquo du facteur artificiel 5 ce qui est bien sucircr tregraves facile agrave faire Voila qui est bien facile lorsqursquoon sait qursquoun des facteurs est proche drsquoun multiple drsquoun autre facteur une information dont on ne dispose malheureusement pas agrave lrsquoavance

Peut-on neacuteanmoins explorer cette approche pour un nombre composeacute arbitraire Lrsquoideacutee serait de consideacuterer le nombre n times r pour un choix approprieacute de r Par exemple si n = pq et r = uv nous aurons nr = pu times qv et si nous sommes chanceux les deux nouveaux diviseurs pu et qv (de nr) seront suffisamment proches lrsquoun de lrsquoautre pour nous permettre drsquoappli-quer lrsquoalgorithme de Fermat avec succegraves En 1974 utilisant un raffinement de cette ideacutee R Sherman Lehman est parvenu agrave montrer que lrsquoon peut en effet acceacuteleacuterer la meacutethode de Fermat et de fait factoriser un entier im-pair n en seulement n13 eacutetapes

Les nombreuses ameacuteliorations de lrsquoideacutee originale de FermatEst-il possible de faire encore mieux Dans les anneacutees 1920 Maurice Kraitchik ameacute-liorait la meacutethode de Fermat et on sait aujourdrsquohui que son approche a constitueacute la base des principales meacutethodes modernes de factorisation des grands nombres Lrsquoideacutee de Kraitchik est la suivante plutocirct que de cher-cher des entiers a et b tels que n = a2 ndash b2 il suffit de trouver des entiers u et v tels que u2 ndash v2 est un multiple de n Par exemple sachant que 1272 ndash 802 est un multiple du nombre n = 1 081 on peut encore une fois profiter de lrsquoidentiteacute

u2 ndash v2 = (u ndash v)(u + v)

Dans notre cas on peut eacutecrire que

1272 ndash 802 = (127 ndash 80)(127 + 80)

= 47 times207

Algorithme (application lente) lorsque les diviseurs milieux sont eacuteloigneacutes

Supposons par exemple que lon cherche agrave factoriser un nombre n de 20 chiffres qui en reacutealiteacute est le produit de deux nombres premiers lun fait de 5 chiffres et lautre de 15 chiffres Il deacutecoule alors de la for-mule

k =d1 +d2

2 d1d2

ougrave k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n par la meacutethode de Fermat qursquoon aura

gt+

minus

gt gt

k n10 10

2

102

ndash10 10

4 14

1410 13

alors quen testant simplement la divi-sibiliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave n lt 1010 cela aurait eacuteteacute au moins mille fois plus rapide

Maurice Kraitchik 1882-1957Matheacutematicien et vulgarisateur scientifique belge Kraitchik sest surtout inteacuteresseacute agrave la theacuteorie des nombres et aux matheacutematiques reacutecreacuteatives

Il est lrsquoauteur de plusieurs ouvrages sur la theacuteorie des nombres reacutedigeacutes entre 1922 et 1930 De 1931 agrave 1939 il a eacutediteacute la revue Sphinx un mensuel consacreacute aux matheacutematiques reacutecreacuteatives Eacutemigreacute aux Etats-Unis lors de la Seconde Guerre mondiale il a enseigneacute agrave la New School for Social Research agrave New York Il srsquoest particuliegraverement inteacuteresseacute au thegraveme geacuteneacuteral des reacutecreacuteations matheacutematiques

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Comme tout facteur premier de n doit obli-gatoirement ecirctre un facteur de 47 ou de 207 et comme 207 = 9 times 23 on peut rapidement conclure que n = 23 times 47 Bien sucircr pour que cette approche soit efficace il faut eacutelaborer des astuces permettant de trouver des multiples du nombre agrave factoriser qui puissent srsquoeacutecrire comme une diffeacuterence de deux carreacutes Or crsquoest preacuteciseacutement ce que plusieurs matheacutematiciens ont reacuteussi agrave faire au cours du vingtiegraveme siegravecle

Ougrave en est-on aujourdrsquohui On a vu qursquoen optimisant la meacutethode origi-nale de Fermat R Sherman Lehman pouvait factoriser un entier n en environ n13 eacutetapes Or dans les anneacutees 1980 en faisant intervenir des outils matheacutematiques plus avanceacutes dont des notions drsquoalgegravebre lineacuteaire Carl Pomerance a davantage peaufineacute la meacutethode originale de Fermat et creacuteeacute une nouvelle meacute-thode de factorisation connue sous le nom de crible quadratique On sait montrer que dans la pratique avec le crible quadratique

il suffit drsquoau plus timese n n(ln ) ln(ln ) eacutetapes pour factoriser un nombre arbitraire n ce qui peut faire une eacutenorme diffeacuterence lorsqursquoil srsquoagit de factoriser de tregraves grands nombres Crsquoest ain-si que le crible quadratique permet de facto-riser un nombre n de 75 chiffres en moins de

=

lt lt

times timese e

e 10 eacutetapes

ln(10 ) ln(ln10 ) 75ln10 ln(75ln10)

299 13

75 75

alors que la meacutethode de Lehman en requiert environ 1025

Et dire que toute cette panoplie de meacutethodes de factorisation ont leur origine dans une ideacutee de Fermat datant de plus de trois siegravecles et demi

Une belle application de la meacutethode de Fermat

On peut montrer que tout entier de la forme 4k4 + 1 peut ecirctre factoriseacutee en utilisant la meacutethode de Fermat en une seule eacutetape

Soit n = 4k4 + 1 On observe drsquoabord que

n 4k 4 +1= = 2k2

En utilisant la meacutethode de Fermat on choisit drsquoabord

a = n + 1 = 2k2 + 1

On veacuterifie ensuite si a2 ndash n est un carreacute parfait Pour y arriver on eacutecrit

a2 ndash n = (2k2 + 1)2 ndash (4k4 + 1)

= 4k4 + 4k2 + 1 ndash 4k4 ndash 1 = 4k2

qui est un carreacute parfait

On peut donc conclure quen posant 4k2 = b2 on a

n = a2 ndash b2 = (2k2 + 1)2 ndash (2k)2

= (2k2 ndash 2k + 1)(2k2 + 2k + 1)

ce qui fournit la factorisation souhaiteacutee

On peut utiliser cette information pour trouver par exemple la factorisation complegravete de n = 258 + 1

En effet commen = 4 times 256 + 1 = 4 times (214)4 + 1

est bien de la forme 4k4 +1 la meacutethode de Fermat devrait nous fournir ses deux diviseurs milieux du premier coup Effective-ment on a

a = n + 1 = 2k2 + 1 = 536 870 913

On a tout de suite

a2 ndash n = 10 73 741 824 = 32 7682 = b2

de sorte que

n = a2 ndash b2

= (53 68 70 913 ndash 32 768)(53 68 70 913 + 32 768)

= 53 68 38 145 times 53 69 03 681

Comme le premier de ces deux facteurs est de toute eacutevidence un multiple de 5 on peut donc conclure que

n = 258 + 1 = 5 times 107 367 629 times 536 903 681

fournissant ainsi la factorisation souhaiteacutee

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Il est facile drsquoemmecircler un fil de pecircche alors qursquoil est tregraves difficile de le deacutemecircler De mecircme certaines opeacuterations sur les nombres

sont faciles dans un sens et difficiles dans lrsquoautre On les appelle opeacuterations agrave sens unique Elles sont utiliseacutees pour la cryptographie

Lorsque vous envoyez votre numeacutero de carte de creacutedit par Internet agrave un site proteacutegeacute le logiciel crypte celui-ci par le code RSA du nom de ses inventeurs Ronald Rivest Adi Shamir et Leonard Adleman

Historiquement les codes secrets ont tous eacuteteacute perceacutes Mais le code RSA publieacute en 1978 reacutesiste encore malgreacute tous les efforts de la communauteacute matheacutematique pour le briser Il repose sur le fait que si on prend deux tregraves grands nombres premiers distincts p et q et qursquoon les multiplie pour obtenir n = pq alors il est hors de porteacutee des ordinateurs actuels2 de reacutecupeacuterer p et q Ainsi on peut se permettre de publier n la cleacute qui sert au cryptage sans crainte que quiconque puisse reacutecupeacuterer p et q qui servent au deacutecryptage Ce proceacutedeacute srsquoappelle la cryptographie agrave cleacute publique parce que la recette de cryptage est publique

Aussi surprenant que cela puisse paraicirctre il est facile pour un ordinateur de fabri-quer de grands nombres premiers Plusieurs algorithmes geacuteneacuterant de grands nombres premiers sont probabilistes Nous allons en preacutesenter un ci-dessous

Dans la cryptographie agrave cleacute publique les mes-sages sont des nombres m infeacuterieurs agrave n On demandera drsquoeacutelever le nombre m agrave une tregraves grande puissance e ougrave e est un nombre qui est eacutegalement public Le message encrypteacute a est le reste de la division de me par n Tou-jours surprenant il est facile pour un or-dinateur de calculer ce reste mecircme si m et e ont chacun 200 chiffres Nous allons voir comment Le deacutecryptage se fait de maniegravere symeacutetrique en calculant le reste de la division de ad par n Mais d est inconnuhellip et pour le calculer il faut connaicirctre p et q et donc factoriser n Donc seul le concepteur qui a choisi p et q peut lire le message

Combien de temps reacutesistera le code RSA Si ce nrsquoeacutetait que des progregraves de la factorisation des entiers et de lrsquoaugmentation de la puis-sance des ordinateurs il pourrait reacutesister en-core longtemps quitte agrave allonger un peu la cleacute n Mais crsquoest sans compter sur la preacute-sence possible drsquoun nouveau venu lrsquoordina-teur quantique Cet ordinateur nrsquoexiste pas encore Par contre un algorithme rapide de factorisation sur un ordinateur quantique lrsquoalgorithme de Shor existe depuis 1997 Nous allons nous pencher sur lrsquoideacutee de cet algorithme

Christiane Rousseau Universiteacute de Montreacuteal

2 Voir lrsquoarticle laquo Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres raquo de Jean-Marie De Koninck p 8 de ce numeacutero

Comme 1 est le pgcd1 de e et de φ(n) on peut eacutecrire via lrsquoalgo-rithme drsquoEuclide

1 = 10 times 1 456 ndash 633 times 23Donc 1 = 10 times 1 456 ndash (1 456-823) times 23ou encore

1= ndash13 times 1 456 + 823 times 23Comme 823 times 23 =13 times 1 456 + 1 le reste de la division de ed par φ(n) vaut bien 1

1 Voir laquo Algorithmes dans lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

Calculer le reste de la division de me par nEacutecrivons la deacutecomposition de e = 23 en somme de puissances de 2

e = 1 + 2 + 4 + 16

Alors

m e = m m2 m4 m16

On va donc y aller pas agrave pas pour calculer ces puissances et agrave chaque eacutetape on va diviser par n Le reste de la division de m2 par n est 1 126 Remarquons que m4 = (m2)2 Le reste de la division de m4 par n est donc le mecircme que le reste de la division de 1 1262 par n

1 1262 = 823n + 1 388

De mecircme le reste de la division de m8 par n est le mecircme que le reste de la division de 1 3882 par n

1 3882 = 1 253n + 683

Finalement le reste de la division de m16 par n est le mecircme que le reste de la division de 6832 par n

6832 = 303n + 778

On remet le tout ensemble Le reste de la division de m23 par n est le mecircme que le reste de la division de

1 234 1 126 1 388 778

par n qui est bien a = 1 300 Dans la ligne qui preacutecegravede on peut aussi alterner entre faire des

multiplications et diviser les produits partiels par n pour ne pas laisser grossir les expressions Ces calculs sont faciles pour des ordinateurs mecircme quand les nombres sont tregraves grands

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un exemple de fonctionnement du code RSAAline veut pouvoir recevoir des mes-sages secrets de Bernard Elle construit donc un systegraveme agrave cleacute publique pour re-cevoir de tels messages Elle prend les nombres premiers p = 29 et q = 53 La cleacute est n =1 537 Elle aura besoin du nombre

φ(n) = (p ndash 1)(q ndash 1) = 1 456

Elle choisit e relativement premier avec φ(n) par exemple e = 23 Soit d = 823 Il a eacuteteacute construit pour que le reste de la division de ed par φ(n) soit 1 (voir encadreacute ci-contre) Pour ce il fallait connaitre φ(n) et donc la factorisation de n ce qui est difficile pour quelqursquoun ne connaissant pas p et q Aline publie n et e Bernard veut lui envoyer le message

m = 1 234

Pour le crypter il lrsquoeacutelegraveve agrave la puissance e = 23 et le divise par n Ceci lui donne le message crypteacute

a = 1 300

qursquoil envoie agrave Aline Celle-ci utilise d connu drsquoelle seule pour calculer le reste de la divi-sion de ad par n Ce reste est preacuteciseacutement le message m = 1 234

Lrsquoexemple eacutetait avec de petits nombres Mais comment faire les calculs quand les nombres sont gros Il faut se rappeler que ce qui nous inteacuteresse ce ne sont pas les nombres me et

ad mais seulement le reste de leur division par n Alors il ne faut pas laisser grossir les calculs Il faut plutocirct alterner entre prendre des puissances et diviser par n (Voir deacutetails dans lrsquoencadreacute)

Construire de grands nombres premiersLrsquoideacutee est la suivante Si on veut construire un grand nombre premier de 100 chiffres on geacutenegravere au hasard un nombre de 100 chiffres et on laquo teste raquo srsquoil est premier Srsquoil ne lrsquoest pas on recommence avec un autre nombre geacuteneacute-reacute au hasard jusqursquoagrave ce qursquoon tombe sur un nombre premier

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Premiegravere question combien faut-il faire de tests en moyenne Un nombre de 100 chiffres est un nombre de lrsquoordre de 10100 Le theacuteoregraveme des nombres premiers nous dit que si N est grand il y a environ N ln N nombres premiers infeacuterieurs ou eacutegaux agrave N Si on choisit au ha-sard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 la chance qursquoil soit premier est donc drsquoenviron

N1

ln1

ln101

100ln101

230100= = =

On peut faire mieux la moitieacute des nombres sont pairs et parmi les nombres impairs on peut eacuteliminer les multiples de 5 Donc si on choisit au hasard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 qui se termine par 1 3 7 ou 9 on a une chance sur 92 qursquoil soit pre-mier (40 des nombres se terminent par 1 3 7 9 et 410 de 230 donne 92) Ceci signi-fie qursquoen moyenne apregraves 92 tests on a trou-veacute un nombre premier Faire 92 tests est fa-cile pour un ordinateur

Ceci nous amegravene agrave la deuxiegraveme question que signifie laquo tester raquo qursquoun nombre p est pre-mier On a appris agrave le faire en cherchant si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p ce qui revient agrave factoriser partiellement p Mais factoriser est difficile pour un ordinateurhellip

On peut faire mieux Srsquoil est facile de tester si un nombre p est premier crsquoest parce qursquoon peut le faire sans factoriser p Lrsquoideacutee est la suivante Si p nrsquoest pas premier il laisse

ses empreintes partout Dans le test de primaliteacute de Miller-Rabin si p nrsquoest pas pre-mier au moins les trois-quarts des nombres entre 1 et p ont une empreinte de p crsquoest-agrave-dire qursquoils sont des teacutemoins du fait que p nrsquoest pas premier Le test pour deacutecider si un nombre est un teacutemoin est un peu tech-nique (voir encadreacute page ci-contre) Mais ce test est facile pour un ordinateur On choisit au hasard des nombres a1 am le p Si lrsquoun des ai est un teacutemoin on conclut que p nrsquoest pas premier Si aucun des ai nrsquoest un teacutemoin alors p a une tregraves grande chance drsquoecirctre pre-mier Par exemple si m = 100 la chance que p ne soit pas premier sachant que a1 am ne sont pas des teacutemoins est infeacuterieure ou eacutegale agrave 10ndash58 soit tregraves tregraves petite

Peut-on se fier agrave un algorithme probabiliste Les informaticiens le font reacuteguliegraverement degraves qursquoils ont besoin de grands nombres premiers et on nrsquoobserve pas de catas-trophe autour de nous On voit drsquoailleurs qursquoon pourrait transformer cet algorithme probabiliste de primaliteacute en algorithme deacute-terministe il suffirait de tester au moins le quart des nombres a isin 2 p ndash1 Si aucun nrsquoest un teacutemoin alors on peut affir-mer avec certitude que p est premier Mais cet algorithme serait sans inteacuterecirct car il requerrait de regarder si p4 nombres sont des teacutemoins alors que lrsquoalgorithme usuel de factorisation demande de regarder si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p et

pp4

lt degraves que p gt 16

Casser le code RSA sur un ordinateur quantiqueEn 1997 Peter Shor a annonceacute un algo-rithme qui casserait le code RSA sur un ordinateur quantique qui nrsquoexiste pas encorehellip Que signifie cette affirmation Lrsquoalgorithme de Shor est simplement un autre algorithme de factorisation Il fonc-tionnerait sur un de nos ordinateurs mais il serait moins bon que les meilleurs algo-rithmes de factorisation La limite de nos ordinateurs est le paralleacutelisme On ne peut faire qursquoun nombre limiteacute drsquoopeacuterations en parallegravele

DossierApplications

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Quelques avantages de la cryptographie agrave cleacute publique

La cryptographie agrave cleacute publique est tregraves utile quand des milliers de personnes par exemple des clients peuvent vouloir envoyer leur numeacutero de carte de creacutedit agrave une mecircme compagnie

La meacutethode drsquoencryptage est publique et seule la compagnie peut deacutecrypter les messages chiffreacutes

Un autre avantage est que deux interlocuteurs nrsquoont pas besoin drsquoeacutechanger de lrsquoinformation secregravete par exemple une cleacute pour communiquer de maniegravere seacutecuritaire Il suffit que chacun publie son systegraveme de cryptographie agrave cleacute publique

Le systegraveme RSA permet de signer un message pour srsquoassurer qursquoil provient bien de la bonne personne Dans notre exemple pour que Bernard signe son message il faut qursquoil construise son propre sys-tegraveme agrave cleacute publique dont il publie la cleacute nrsquo et la cleacute de cryptage ersquo Il se servira de sa cleacute de deacutecryptage drsquo pour apposer sa signature sur le message

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un ordinateur est composeacute de transistors qui fonctionnent agrave la maniegravere drsquointerrup-teurs en ayant deux positions OUVERT et FERMEacute que lrsquoon peut coder comme des bits drsquoinformation 0 ou 1 Un nombre de 200 chiffres est infeacuterieur agrave 10200 lt 2665 et donc peut srsquoeacutecrire avec 665 bits Tester srsquoil a un diviseur premier infeacuterieur agrave 10100 lt 2333 revient agrave regarder toutes les suites de 333 bits eacutegaux agrave 0 ou 1 Un travail titanesque sauf si lrsquoordinateur a un grand paralleacutelisme Dans un ordinateur quantique les bits drsquoinformation sont des bits quantiques ils peuvent ecirctre dans un eacutetat superposeacute entre 0 et 1 Lrsquoimage que lrsquoon pourrait donner est celle drsquoun sou Une fois lanceacute il tombe sur PILE ou sur FACE Mais avant de le lancer il a probabiliteacute 12 de tomber sur PILE et probabiliteacute 12 de tomber sur FACE On pourrait dire qursquoil est dans un eacutetat superposeacute Le fait que m bits quantiques soient dans un eacutetat superposeacute implique qursquoils peuvent faire simultaneacutement les 2m opeacutera-tions diffeacuterentes correspondant agrave tous les choix de valeurs 0 ou 1 pour chacun des bits Par contre de mecircme que notre sou tombe neacutecessairement sur PILE ou sur FACE degraves qursquoon veut observer un bit quantique il prend neacutecessairement la valeur 0 ou la valeur 1 et donc on ne peut observer le reacutesultat de tous les calculs faits en parallegravele La subtiliteacute de lrsquoalgorithme de Shor vient du fait qursquoon pourra reacutecupeacuterer le reacutesultat du calcul lequel donne une factorisation de p si p nrsquoest pas premier

Le nombre 15 a eacuteteacute factoriseacute sur un ordi-nateur quantique en 2007 et en 2012 on a factoriseacute 143 = 11x13 Les progregraves semblent lents depuis ce temps Le deacutefi technologique de lrsquoordinateur quantique est de maintenir de nombreux bits en eacutetat superposeacute Ce recircve deviendra-t-il reacutealiteacute Mecircme si les progregraves semblent lents les experts y croient de plus en plus

Tester si un nombre est un teacutemoinOn veut tester si p impair est premier Alors on peut eacutecrire p ndash 1 qui est pair comme p ndash 1 = 2sd ougrave d est impair

(Il suffit de diviser p ndash 1 par 2 successive-ment jusqursquoagrave ce que le quotient soir im-pair) Soit a isin 2 p ndash1

Critegravere pour ecirctre teacutemoin Si a est un teacute-moin que p nrsquoest pas premier alors on a simultaneacutement que le reste de la division de ad par p est diffeacuterent de 1 et que les restes de la division de a d2r

par p sont diffeacuterents de p ndash 1 pour tous les r isin 0 s ndash1

Regardons un premier exemple Prenons p = 13 Alors p ndash 1 = 22 3 Ici d = 3 et s = 2 Voyons que p nrsquoa aucun teacutemoin

La premiegravere colonne du tableau agrave gauche donne a la deuxiegraveme colonne donne

le reste de la division de ad = a3 par p et la troisiegraveme colonne le reste de la division de a2d = a6 par p

On voit bien que pour chaque a soit on a un 1 dans le premiegravere colonne ou bien un 1 ou un 12 dans la deuxiegraveme colonne et donc aucun a nrsquoest un teacutemoin de 13 On sait alors que 13 est premier

Refaisons lrsquoexercice avec p = 15 Alors p ndash 1 = 2 7 Comptons combien p a de teacutemoins Ici la deuxiegraveme colonne repreacutesente le reste de la division de ad= a7 par p Tous les a sauf 14 sont des teacutemoins et chacun nous dit que 15 nrsquoest pas premier

Mais bien sucircr apprendre qursquoun nombre a est un teacutemoin que p nrsquoest pas premier ne nous apprend rien de la factorisation de p

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1288551

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1211

1212121211

121

a23456789

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812456

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14

a23456789

1011121314

Le fonctionnement de lrsquoalgorithme de Shor

On veut factoriser un entier n Lrsquoalgo-rithme de Shor cherche un diviseur d de n qui soit diffeacuterent de 1 et de n Ensuite on peut iteacuterer en cherchant un diviseur de lrsquoentier S = nd Voyons qursquoil suffit de trouver un entier r tel que n divise r2 ndash 1 = (r ndash 1)(r + 1) mais n ne divise ni r ndash 1 ni r + 1 Puisque n divise r2 ndash 1 il existe un entier m tel que r2 ndash 1 = mn Soit p un facteur premier de n Alors p divise r ndash 1 ou encore p divise r + 1 Dans le premier cas d est le pgcd de r ndash 1 et n et dans le deuxiegraveme cas celui de r + 1 et n Calculer le pgcd de deux nombres par lrsquoalgorithme drsquoEuclide3 est facile pour un ordinateur Comment construire un tel entier r est un peu technique et nous ne ferons pas les deacutetails

3 Voir laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

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Si la notion de logarithme paraicirct aujourdrsquohui tout agrave fait naturelle sa conceptualisation et sa mise en œuvre au plan pratique au deacutebut

du 17e siegravecle nrsquoont point eacuteteacute une mince affaire Premiers eacutepisodes de cette foisonnante saga

Peu de temps apregraves leur introduction par John Napier (1550-1617) au tout deacutebut du 17e siegravecle les logarithmes se sont rapidement imposeacutes comme un laquo merveilleux raquo1 outil essentiel en astronomie et en navigation deux domaines scientifiques particuliegraverement avanceacutes agrave cette eacutepoque et qui venaient avec leur lot de calculs proprement titanesques Crsquoest dans un tel contexte qursquoil faut entendre le ceacutelegravebre aphorisme ducirc au matheacutematicien physicien et astronome franccedilais Pierre-Simon Laplace2 (1749-1827) qui srsquointeacuteressant dans le cadre drsquoun survol historique de lrsquoastronomie aux travaux de Johannes Kepler (1571-1630) affirmait que la deacutecouverte des logarithmes mdash combineacutee agrave lrsquoarithmeacutetique des Indiens crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecriture des nombres dans un systegraveme positionnel mdash avait pour ainsi dire doubleacute la vie des astronomes (voir encadreacute)

La preacutehistoire des logarithmesIssu entiegraverement de lrsquolaquo esprit humain raquo selon les dires de Laplace le concept de logarithme repose sur une ideacutee somme toute assez na-turelle consideacuterant diverses puissances drsquoun mecircme nombre on porte lrsquoattention sur les exposants de ces puissances Par exemple srsquoagissant des entiers

64 256 1024 et 4096crsquoest-agrave-dire respectivement

43 44 45 et 46on envisage plutocirct les exposants

3 4 5 et 6

Sur la base de ces donneacutees on pourrait conclure immeacutediatement mdash si on dispose drsquoune table de puissances de 4 mdash que

256 times 4 096 = 1 048 576prenant appui sur le fait que

44 times 46 = 44 + 6 = 410

(on applique ici une regravegle de base des exposants qui va de soi lorsque ceux-ci sont des entiers naturels) Il nrsquoest pas eacutetonnant que des telles intuitions aient pu se retrouver il y a fort longtemps

Jeacuterocircme Camireacute-Bernier

Bernard R Hodgson Universiteacute Laval

1 Renvoi agrave lrsquoeacutepithegravete mirifique (archaiumlque de nos jours) utiliseacutee par Napier lui-mecircme Lrsquoex-pression mirifique invention de notre titre est emprunteacutee agrave Jean-Pierre Friedelmeyer (voir le Pour en savoir plus)

2 Alias Pierre-Simon de Laplace Aussi homme politique il fut nommeacute marquis en 1817 (drsquoougrave la particule nobiliaire)

Laplace agrave propos des logarithmeslaquo Il [Kepler] eut dans ses derniegraveres anneacutees lrsquoavantage de voir naicirctre et drsquoemployer la deacutecouverte des logarithmes due agrave Neper baron eacutecossais artifice admirable ajouteacute agrave lrsquoingeacutenieux algorithme des Indiens et qui en reacuteduisant agrave quelques jours le travail de plusieurs mois double si lrsquoon peut ainsi dire la vie des astronomes et leur eacutepargne les erreurs et les deacutegoucircts inseacuteparables des longs calculs invention drsquoautant plus satis-

faisante pour lrsquoesprit humain qursquoil lrsquoa tireacutee en entier de son propre fonds dans les arts lrsquohomme se sert des mateacuteriaux et des forces de la nature pour accroicirctre sa puissance mais ici tout est son ouvrage raquo

Exposition du systegraveme du monde Livre V Chapitre IV

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

Un peu de vocabulaire

Eacutetant donneacute deux reacuteels (positifs) x et y leur moyenne arithmeacutetique

est donneacutee par x y2+ et leur moyenne geacuteomeacutetrique par xy

Ces appellations trouvent leur origine dans les matheacutematiques grecques de lrsquoAntiquiteacute notamment de lrsquoeacutepoque de Pythagore

Lrsquoarithmeacutetique de lrsquoeacutecole pythagoricienne portant sur lrsquoeacutetude des entiers (et des rapports simples drsquoentiers) on voit immeacutediatement pourquoi la premiegravere moyenne est dite laquo arithmeacutetique raquo Quant agrave la moyenne laquo geacuteomeacutetrique raquo elle fait intervenir une opeacuteration qui megravene agrave des grandeurs geacuteneacuteralement au-delagrave du champ des entiers Or le domaine qui eacutetudie les grandeurs par exemple les segments de droite est justement la geacuteomeacutetrie

On peut montrer que dans une suite arithmeacutetique un terme donneacute (agrave partir du deuxiegraveme) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins Et de mecircme mutatis mutandis pour une suite geacuteomeacutetrique (Voir la Section problegravemes)

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Ainsi sur la partie infeacuterieure de la tablette meacutesopotamienne MLC 020783 datant drsquoentre 1900 et 1600 avant notre egravere se trouve le tableau ci-haut (les nombres sont donneacutes ici en notation moderne et non en eacutecriture cu-neacuteiforme) on y reconnaicirct immeacutediatement la liste des premiegraveres puissances de 2 ainsi que les exposants correspondants

Lrsquousage a consacreacute lrsquoexpression suite arith-meacutetique (ou progression arithmeacutetique selon une tournure un brin suranneacutee) pour une liste de nombres qui comme dans la colonne de droite de ce tableau croissent (ou deacutecroissent) reacuteguliegraverement de maniegravere additive

a a + d a + 2d a + nd

a repreacutesentant le premier terme de la suite et d la diffeacuterence entre deux termes conseacute-cutifs mdash crsquoest-agrave-dire de combien lrsquoun de ces termes est plus grand que lrsquoautre4 (Le tableau preacuteceacutedent correspond au cas ougrave a = 1 et d = 1) Lorsque les nombres de la liste sont relieacutes multiplicativement

a ar ar2 arn

on parlera de suite (ou progression) geacuteomeacute-trique la constante r repreacutesentant cette fois le rapport entre deux termes conseacutecutifs mdash crsquoest-agrave-dire combien de fois lrsquoun est plus grand que lrsquoautre4 (Dans la colonne de gauche du tableau on a a = 2 et r = 2) (Voir lrsquoencadreacute Un peu de vocabulaire pour le sens des mots laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo dans un tel contexte)

Selon cette nomenclature la tablette MLC 02078 peut donc srsquointerpreacuteter comme la mise en comparaison de deux suites lrsquoune arithmeacutetique et lrsquoautre geacuteomeacutetrique Ce type de situation se retrouve agrave diverses eacutepoques au fil des acircges Ainsi en est-il question dans un autre document de lrsquoAntiquiteacute LrsquoAreacutenaire traiteacute dans lequel Archimegravede (-287 ndash -212) se donne comme objectif de deacuteterminer le nombre de grains de sable dont le volume serait eacutegal agrave celui du laquo monde raquo5 Parmi les outils dont se sert alors le grand matheacutematicien grec se retrouve la manipulation simultaneacutee drsquoune suite arithmeacutetique et drsquoune suite geacuteomeacutetrique ce qui lrsquoamegravene (en termes modernes) agrave identifier au passage la regravegle drsquoaddition des exposants

bm times bn = bm +n

(voir la Section problegravemes) et donc le prin-cipe de transformation drsquoune multiplication en une addition agrave la base des logarithmes

3 Pour Morgan Library Collection Cette tablette se retrouve dans la collection de lrsquoUniversiteacute Yale aux Eacutetats-Unis

4 Cette faccedilon de parler est utiliseacutee par Euler lorsqursquoil introduit les notions de rapports arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique dans ses Eacuteleacutements drsquoalgegravebre (1774) mdash voir Section troisiegraveme laquo Des rapports amp des propor-tions raquo entre autres les articles 378 398 et 505

5 Une des difficulteacutes auxquelles fait ici face Archimegravede est de reacutealiser cet objectif dans le cadre du systegraveme de numeacuteration grec qui nrsquoeacutetait pas propice pour exprimer aiseacutement de tregraves grands nombres Mais cela est une autre histoirehellip

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Tablette MLC 02078 (1900-1600 avant notre egravere)

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Cette mecircme ideacutee se retrouve plusieurs siegravecles plus tard dans Le Triparty en la science des nombres (1484) du Franccedilais Nicolas Chuquet (1445-1488) Dans la troisiegraveme partie de cet ouvrage Chuquet introduit des regravegles cal-culatoires de nature algeacutebrique Il srsquointeacuteresse alors notamment aux valeurs des puis-sances de 2 depuis 1 jusqursquoagrave 1 048 576 qursquoil aligne en colonnes avec les exposants entiers correspondants (qursquoil appelle laquo deacuteno-minations raquo) de 0 jusqursquoagrave 20 et note que la multiplication de nombres de la premiegravere colonne correspond agrave lrsquoaddition de nombres dans la seconde Il identifie aussi une autre regravegle de base des exposants

b b( )m n mn=(encore une fois exprimeacutee ici en notation moderne) Agrave noter que Chuquet utilise une notation avec indice sureacuteleveacute (comme nous le faisons aujourdrsquohui)6 et qursquoen plus de lrsquoexposant 0 il considegravere des exposants (entiers) neacutegatifs Au milieu du 16e siegravecle lrsquoAllemand Michael Stifel (1487-1567) reprendra les mecircmes thegravemes dans son Arithmetica integra (1544) ougrave il parle expli-citement de la relation entre une progression arithmeacutetique et une progression geacuteomeacutetrique Crsquoest drsquoailleurs agrave Stifel que lrsquoon doit le vocable exposants pour deacutesigner les nombres de la suite arithmeacutetique en jeu

Si quelques-uns des principes servant de fondements agrave la notion de logarithme se per-ccediloivent dans les commentaires qui preacutecegravedent on est encore loin du logarithme en tant que tel Pour qursquoune correspondance entre une suite geacuteomeacutetrique et une suite arithmeacutetique devienne un veacuteritable outil de calcul il faut en effet laquo boucher les trous raquo entre les puissances (entiegraveres) successives Il peut ecirctre inteacuteressant comme le souligne Chuquet de conclure gracircce agrave sa table des puissances de 2 que le produit de 128 et 512 est 65 536 Mais cela ne nous renseigne en rien par exemple sur le produit 345 times 678 On voit mecircme Chuquet dans un appendice au Tripar-ty chercher agrave reacutesoudre des problegravemes dans lesquels un exposant fractionnaire est rechercheacute mdash mais sans deacutevelopper pour autant drsquoapproche systeacutematique agrave cette fin

Certains eacuteleacutements (timides) agrave cet eacutegard se retrouvent il y a fort longtemps Ainsi le tableau numeacuterique ci-contre figure lui aussi sur la tablette MLC 02078 (dans sa partie supeacuterieure) On y voit une progression arith-meacutetique de diffeacuterence frac-tionnaire ecirctre juxtaposeacutee agrave une progression geacuteomeacutetrique agrave savoir des puissances de 16 Mais peu semble avoir eacuteteacute fait pour pousser plus loin de telles asso-ciations jusqursquoagrave lrsquoarriveacutee de Napier

Les logarithmes agrave la NapierTout eacutetudiant est aujourdrsquohui familier avec le fait que le passage drsquoun nombre donneacute agrave son logarithme (selon une certaine base) revient agrave identifier lrsquoexposant dont il faut affecter cette base pour retrouver le nombre en cause Ayant fixeacute un reacuteel b (positif et diffeacuterent de 1) et consideacuterant un reacuteel positif x le logarithme de x dans la base b noteacute logbx est donc par deacutefinition lrsquoexposant (reacuteel) u tel que bu = x Une telle vision il faut le souligner demeure relativement tardive par rapport agrave lrsquointuition originale de logarithme nrsquoeacutetant devenue la norme que pregraves drsquoun siegravecle et demi apregraves les travaux de lrsquoEacutecossais John Napier7 mdash voir lrsquoencadreacute Les traiteacutes de Napier mdash lorsque Leonhard Euler (1707-1783) en a fait la pierre drsquoassise de son traitement de la fonction logarithmique8 dans son Introduc-tio in analysin infinitorum (1748) Acceptant les proprieacuteteacutes de la fonction exponentielle bu pour des reacuteels b et u quelconques on tire im-meacutediatement de cette deacutefinition la proprieacuteteacute de base du logarithme

logb xy = logb x + logb y

ce qui permet de transformer une multi-plication en une addition de mecircme que les eacutegaliteacutes similaires pour le logarithme drsquoun quotient ou drsquoune puissance

DossierHistoire

6 La notation exponentielle aujourdrsquohui usuelle telle a2 ou a3 se reacutepandra apregraves son utilisa-tion par Reneacute Descartes (1596-1650) dans son traiteacute La geacuteomeacutetrie (1637)

7 Voir Andreacute Ross laquo John Napier raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 8-11

8 Cette approche drsquoEuler peut ecirctre vue comme une illustration remarquable de lrsquoim-pact drsquoune bonne notation en vue de clarifier et faciliter la deacutemarche de la penseacutee

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

On observera que lrsquoideacutee drsquoun lien entre deux suites lrsquoune geacuteomeacutetrique et lrsquoautre arithmeacutetique bien que sous-jacente agrave la derniegravere eacutegaliteacute nrsquoest pas pour autant expli-citement mise en eacutevidence dans cette vision moderne (post-euleacuterienne) du logarithme Or agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier introduit ses loga-rithmes lrsquoideacutee de laquo fonction raquo nrsquoest pas dans lrsquoair du temps mdash elle ne surgira de fait que vers la fin du 17e siegravecle dans la mouvance des travaux sur le calcul infiniteacutesimal mdash de sorte que la comparaison de suites (geacuteomeacutetrique et arithmeacutetique) demeure la principale source drsquoinspiration de ses travaux

Une autre mouvance de lrsquoeacutepoque visait agrave se doter drsquooutils permettant de simplifier lrsquoexeacutecution de calculs arithmeacutetiques portant sur de gros nombres Dans un texte preacuteceacute-dent9 nous avons preacutesenteacute entre autres la meacutethode de prosthapheacuteregravese utiliseacutee vers la fin du 16e siegravecle en vue de transformer une multiplication en addition ou une division en soustraction La populariteacute de telles meacutethodes notamment dans les cercles astronomiques a certainement contribueacute agrave convaincre Napier de lrsquoimportance de deacuteve-lopper des outils permettant de raccourcir les calculs y compris dans le cas de lrsquoexponen-tiation ou de lrsquoextraction de racine Il en fait drsquoailleurs mention explicitement dans la preacute-face de son Descriptio Soulignant le caractegravere peacutenible dans la pratique des matheacutematiques de la multiplication division ou extraction de racine carreacutee ou cubique de grands nombres Napier insiste non seulement sur le temps re-quis pour exeacutecuter ces opeacuterations mais aus-si sur les nombreuses erreurs qui peuvent en reacutesulter Agrave la recherche drsquoune meacutethode sucircre et expeacuteditive afin de contourner ces difficul-teacutes il annonce qursquoapregraves lrsquoexamen de plusieurs proceacutedeacutes il en a retenu un qui rencontre ses attentes

laquo Agrave la veacuteriteacute aucun proceacutedeacute nrsquoest plus utile que la meacutethode que jrsquoai trouveacutee Car tous les nombres utiliseacutes dans les multiplica-tions les divisions et les extractions ar-

dues et prolixes de racines sont rejeteacutes des opeacuterations et agrave leur place sont substitueacutes drsquoautres nombres sur lesquels les calculs se font seulement par des additions des soustractions et des divisions par deux et par trois raquo10

La vision geacuteomeacutetrico- cineacutematique de NapierUn troisiegraveme eacuteleacutement sur lequel srsquoappuie Napier dans sa creacuteation des logarithmes est la geacuteomeacutetrie mdash plus preacuteciseacutement la geacuteomeacutetrie du mouvement Il a en effet lrsquoideacutee de comparer le deacuteplacement de deux points lrsquoun bougeant selon une vitesse11 variant de maniegravere telle que les distances parcourues en des intervalles de temps eacutegaux forment une progression geacuteomeacute-trique tandis que lrsquoautre point bougeant agrave vitesse constante deacute-termine des distances en progression arith-meacutetique Le support geacuteomeacutetrique dont se sert alors Napier peut se deacutecrire comme suit

9 Voir laquo Eacutemergence logarithmique tables et calculs raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 2-7

10 Tireacute de la preacuteface du Mirifici logarithmorum canonis descriptio (traduction personnelle)

11 Napier introduit lrsquoideacutee de mouvement degraves la deacutefinition 1 du Descriptio Il utilise explicite-ment le terme laquo vitesse raquo agrave la deacutefinition 5

Les traiteacutes de NapierCrsquoest degraves lrsquoanneacutee 1594 que Na-pier entame les travaux qui lrsquoamegraveneront agrave la notion de loga-rithme En 1614 il fait connaicirctre son invention en publiant un premier traiteacute sur le sujet mdash reacutedigeacute en latin la langue des savants de lrsquoeacutepoque Mirifici lo-garithmorum canonis descrip-tio (crsquoest-agrave-dire Description de la merveilleuse regravegle des loga-rithmes) Il srsquoagit de la premiegravere publication drsquoune table de lo-garithmes qui occupent les 90 derniegraveres pages du traiteacute Cette table est preacuteceacutedeacutee drsquoun texte de 57 pages ougrave Napier explique

ce que sont les logarithmes et comment les utiliser

Un second traiteacute de Napier sur le sujet est un ouvrage reacutedigeacute avant la parution du Descriptio mais publieacute par lrsquoun de ses fils seulement en 1619 deux ans apregraves sa mort Mirifici loga-rithmorum canonis constructio (Construction de la merveilleuse regravegle des logarithmes) Dans un texte drsquoenviron 35 pages (ac-compagneacute drsquoappendices) Na-pier preacutesente la theacuteorie sur la-quelle il srsquoest appuyeacute pour construire sa table

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Eacutetant donneacute un segment AB de longueur deacutetermineacutee il considegravere un point P partant de A avec une vitesse initiale donneacutee et se deacuteplaccedilant vers B en une seacuterie de laquo pas raquo P1 P2 P3 Pn

Napier stipule (Descriptio deacutefinition 2) que la vitesse de deacuteplacement de P le long de AB deacutecroicirct de maniegravere telle que en des temps eacutegaux la longueur de chacun des inter-valles AP1 P1P2 P2P3 P3P4 successivement parcourus par P est proportionnelle agrave la dis-tance seacuteparant P de sa cible B (lorsqursquoil est agrave lrsquoextreacutemiteacute gauche de chaque intervalle)12

APAB

P PP B

P PP B

P PP B

1 1 2

1

2 3

2

3 4

3

= = = =

On tire immeacutediatement de ces eacutegaliteacutes que

P BAB

P BP B

P BP B

P BP B

1 2

1

3

2

4

3

= = = =

(voir la Section problegravemes) de sorte que la suite de segments AB P1B P2B P3B qui correspond aux distances entre les diverses positions de P et lrsquoextreacutemiteacute B forme une suite geacuteomeacutetrique deacutecroissante (Construc-tio article 24) la longueur de chacun drsquoeux est en effet la moyenne geacuteomeacutetrique de ses deux voisins Napier considegravere alors un second point Q se deacuteplaccedilant agrave vitesse constante sur une demi-droite (donc illimiteacutee dans un sens) et de maniegravere telle qursquoau moment ougrave P passe par Pi le point Q est en un point Qi = i (voir la Section problegravemes)

Lrsquoideacutee de Napier est drsquoassocier la suite arith-meacutetique

0 1 2 3 n

correspondant aux positions successives de Q agrave la suite geacuteomeacutetrique deacutetermineacutee par les segments

AB P1B P2B P3B PnB

Mais pour que cette association soit com-plegravete il faut la geacuteneacuteraliser agrave un emplacement quelconque de P sur AB outre les positions laquo discregravetes raquo P1 P2 P3 Voici le tour de passe-passe permettant agrave Napier de contourner cette difficulteacute

Puisque des distances parcourues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est propor-tionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (voir la Section problegravemes) Ainsi quand P est agrave mi-chemin dans son trajet de A vers B sa vitesse a diminueacute de moitieacute par rapport agrave sa vitesse initiale Et quand il est rendu aux deux-tiers de lrsquointervalle AB sa vitesse ne vaut plus que le tiers de celle de deacutepart

Passant agrave une vision laquo lisse raquo mdash et non plus par laquo pas raquo mdash du deacuteplacement de P Napier en vient agrave consideacuterer ce point comme chan-geant laquo continucircment raquo de vitesse13 mdash et non pas de maniegravere abrupte et instantaneacutee en chaque point Pi Pour rester dans les mecircmes conditions que preacuteceacutedemment il suppose donc que P se deacuteplace laquo geacuteomeacute-triquement raquo de A vers B crsquoest-agrave-dire de maniegravere telle que la vitesse de P est toujours proportionnelle agrave la distance qui le seacutepare de B (Constructio article 25)

Les laquo logarithmes agrave la Napier raquo sont main-tenant agrave porteacutee de main Supposant drsquoune part que les deux points P et Q entament leur deacuteplacement agrave la mecircme vitesse le premier selon une vitesse deacutecroissant geacuteomeacutetriquement de A vers B et le second agrave vitesse constante agrave partir de 0 et suppo-sant de plus que le point Q est en y lorsque le point P est agrave une distance x de B alors y est appeleacute par Napier le logarithme de x (On eacutecrira ici par commoditeacute y = Nlog(x))

Crsquoest ainsi que le logarithme du reacuteel x est le reacuteel y deacutetermineacute par la suite arithmeacutetique associeacutee agrave la suite geacuteomeacutetrique correspon-dant agrave x

DossierHistoire

12 On notera au passage que le point P nrsquoat-teint ainsi jamais sa cible B car agrave chaque eacutetape il gruge toujours la mecircme fraction du chemin restant agrave parcourir

13 Napier nrsquoutilise pas explicitement une telle terminologie

0 y

x

Q rarrA

P rarr

B

A

P1 P2 P3 P4 Pn

B

0 1 2 3 4 n

Q1 Q2 Q3 Q4 Qn

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Valeurs numeacuteriques des logarithmes de NapierPlusieurs aspects de la notion de logarithme telle que conccedilue et mise en œuvre par Na-pier peuvent nous sembler un peu eacutetranges aujourdrsquohui On a deacutejagrave insisteacute sur la place qursquoy occupent les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique maintenant absentes du discours sur les logarithmes Une autre par-ticulariteacute est relieacutee aux valeurs numeacuteriques mecircmes deacutetermineacutees par Napier

Une motivation cleacute de Napier eacutetait de construire un outil facilitant les calculs tri-gonomeacutetriques un domaine drsquoapplication des matheacutematiques de toute premiegravere importance agrave son eacutepoque Crsquoest pour cette raison que la table produite par Napier dans son Descriptio repose non pas sur des nombres en geacuteneacuteral mais plutocirct sur le sinus des angles allant de 0deg agrave 90deg chaque degreacute eacutetant diviseacute en 60 minutes Agrave chacune de ces valeurs de sinus (il y en a donc 5 400 en tout) Napier associe son logarithme tel que deacutefini ci-haut

Il faut par ailleurs souligner que la notion de sinus de lrsquoeacutepoque nrsquoest pas tout agrave fait la mecircme qursquoaujourdrsquohui le sinus est alors non pas vu comme un rapport de cocircteacutes dans un triangle mais plutocirct comme la longueur drsquoune demi-corde dans un cercle donneacute Afin de faciliter les calculs il eacutetait drsquousage de travailler avec un cercle de grand rayon de maniegravere agrave eacuteviter lrsquoemploi de fractions et agrave se res-treindre agrave des nombres naturels Or agrave la fin du 16e siegravecle agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier entreprit ses travaux crsquoest sur un cercle de rayon 10 000 000 que srsquoappuyaient certaines des tables trigonomeacutetriques alors en circula-tion14 Crsquoest sans doute lagrave la raison pour laquelle Napier deacutecide de se servir de cette mecircme valeur pour asseoir la construction de sa table logarithmique

Il se dote donc drsquoun segment AB de longueur 107 = 10 000 000 (Constructio article 24) et il suppose que la vitesse initiale de chacun des deux points P et Q est aussi 107 (Constructio articles 25 et 26) Dans le cas de Q cette

vitesse demeure constante alors que pour P elle deacutecroicirct laquo geacuteomeacutetriquement raquo15 Or le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique doit permettre de combler les eacutecarts entre des puissances entiegraveres successives mdash voir agrave ce propos les commentaires plus haut mdash de sorte qursquoil est utile que ce rapport soit un nombre pregraves de 1 Agrave cet effet Napier choisit comme rapport

0999 999 9 11

107= minus

(Constructio articles 14 et 16) Une telle valeur a aussi comme avantage que le calcul de termes successifs de la progression geacuteomeacutetrique peut se ramener agrave une seacuterie de soustractions plutocirct que des multiplica-tions iteacutereacutees par 1 ndash 10ndash7 ce qui a permis agrave Napier de simplifier dans une large mesure la construction de sa table Cette construction demeure neacuteanmoins en pratique un accom-plissement eacutepoustouflant

On observera que les valeurs numeacuteriques des logarithmes creacuteeacutes par Napier sont fort diffeacuterentes de celles que lrsquoon connaicirct aujourdrsquohui Ainsi on a que Nlog(107) = 0 Et Nlog(x) deacutecroicirct lorsque x croicirct De plus il nrsquoest pas question de laquo base raquo dans les propos de Napier (voir agrave ce sujet la Section problegravemes) Mais lrsquoessence du logarithme est bel et bien lagrave

14 De telles tables trigonomeacutetriques ont eacuteteacute construites par Johann Muumlller alias Regio-montanus (1436-1476) et par Georg Joachim de Porris dit Rheticus (1514-1574)

15 Les valeurs choisies par Napier ont pour conseacutequence que la vitesse de P (en tant que nombre) est non seulement proportion-nelle mais est de fait eacutegale agrave la distance de P agrave B (voir la Section problegravemes)

Agrave propos de lrsquoeacutetymologie du mot logarithme

Napier a forgeacute le mot logarithme agrave partir de deux racines grecques drsquousage courant logoς laquo rapport raquo et ariqmoς laquo nombre raquo On peut voir le mot rapport ici comme refleacutetant le rapport commun des termes successifs de la suite geacuteomeacutetrique AB P1B P2B P3B

Au commencement de ses travaux Napier appelait nombres artificiels les valeurs de la suite arithmeacutetique peut-ecirctre pour les opposer aux nombres de la suite geacuteomeacute-trique qui eacutetaient en quelque sorte don-neacutes Mais le terme logarithme srsquoest rapide-ment imposeacute

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Doss

ierA

pplic

atio

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Comment ameacuteliorer une solution imparfaite agrave un problegraveme complexe

Et si on srsquoinspirait de la nature pour faire eacutevoluer les solutions

Lrsquoinspiration de la nature En 1859 le naturaliste Charles Darwin a publieacute son ceacutelegravebre ouvrage Lrsquoorigine des espegraveces qui preacutesentait une theacuteorie visant agrave expliquer le pheacutenomegravene de lrsquoeacutevolution Cette theacuteorie reacutevolutionnaire a provoqueacute plusieurs deacutebats agrave lrsquoeacutepoque mais elle est maintenant largement accepteacutee Environ 100 ans plus tard elle a inspireacute le professeur John Holland qui a tenteacute drsquoimpleacutementer artificiellement des systegravemes eacutevolutifs baseacutes sur le proces-sus de seacutelection naturelle Ces travaux ont

ensuite meneacute aux algorithmes geacuteneacutetiques qui sont maintenant utiliseacutes pour obtenir des solutions approcheacutees pour certains problegravemes drsquooptimisation difficiles

Les eacuteleacutements de base drsquoun algorithme geacuteneacutetiqueAfin de comprendre lrsquoanalogie entre le processus de seacutelection naturelle et un algo-rithme geacuteneacutetique rappelons tout drsquoabord les meacutecanismes les plus importants qui sont agrave la base de lrsquoeacutevolution

1 Lrsquoeacutevolution se produit sur des chromo-somes qui repreacutesentent chacun des individus dans une population

2 Le processus de seacutelection naturelle fait en sorte que les chromo-somes les mieux adapteacutes se reproduisent plus souvent et contribuent davantage aux popu- lations futures

3 Lors de la reproduction lrsquoinfor- mation contenue dans les chromosomes des parents est combineacutee et meacutelangeacutee pour produire les chromosomes des enfants (laquo croisement raquo)

4 Le reacutesultat du croisement peut agrave son tour ecirctre modifieacute par des perturbations aleacuteatoires (muta-tions)

Ces meacutecanismes peuvent ecirctre utiliseacutes pour speacutecifier un algorithme geacuteneacutetique tel que celui deacutecrit dans lrsquoencadreacute ci-dessous

Charles Fleurent GIRO

Algorithmes geacuteneacutetiques

Les travaux sur lrsquoeacutevolution des espegraveces vivantes du natura-liste et paleacuteontologue anglais Charles Darwin (1809-1882) ont reacutevolutionneacute la biologie Dans son ouvrage intituleacute LrsquoOrigine des espegraveces paru en 1859 Darwin preacutesente le reacutesultat de ses recherches Darwin eacutetait deacutejagrave ceacutelegravebre au sein de la communauteacute scientifique de son eacutepoque

pour son travail sur le terrain et ses recherches en geacuteologie Ses travaux srsquoinscrivent dans la fouleacutee de ceux du natura-liste franccedilais Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) qui 50 ans plus tocirct avait eacutemis lrsquohypothegravese que toutes les espegraveces vivantes ont eacutevolueacute au cours du temps agrave partir drsquoun seul ou de quelques ancecirctres communs Darwin a soutenu avec Alfred Russel Wallace (1823-1913) que cette eacutevolution eacutetait due au processus dit de la laquo seacutelection naturelle raquo

Comme il naicirct beaucoup plus drsquoindividus de chaque espegravece qursquoil nrsquoen peut survivre et que par conseacutequent il se produit souvent une lutte pour la vie il srsquoensuit que tout ecirctre srsquoil varie mecircme leacutegegraverement drsquoune maniegravere qui lui est profitable dans les conditions complexes et quelque-fois variables de la vie aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi drsquoune faccedilon naturelle En raison du principe dominant de lrsquoheacutereacutediteacute toute varieacuteteacute ainsi choisie aura tendance agrave se multiplier sous sa forme nouvelle et modifieacutee

Charles Darwin 1859 Introduction agrave LrsquoOrigine des espegraveces

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Pour adapter un algorithme geacuteneacutetique agrave un problegraveme drsquooptimisation combinatoire il suf-fit alors de speacutecialiser certaines composantes agrave la structure particuliegravere de ce dernier En geacuteneacuteral les deacutecisions portent sur les aspects suivants

Codage des solutions il faut eacutetablir une correspondance entre les solutions du problegraveme et les chromosomes

Opeacuterateurs geacuteneacutetiques il faut deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation pour les chromosomes

Eacutevaluation des chromosomes la me-sure drsquoadaptation des chromosomes agrave leur environnement est donneacutee par une fonction qui est calculeacutee par un processus plus ou moins complexe

Il existe plusieurs moyens pour mettre en œuvre certains des meacutecanismes importants drsquoun algorithme geacuteneacutetique Par exemple la seacutelection des parents peut srsquoeffectuer de diverses faccedilons Dans une population P = x1 x2 hellip xN ougrave la mesure drsquoadaptation drsquoun individu est eacutevalueacutee par une fonction ƒ lrsquoopeacuterateur classique consiste agrave associer agrave chaque individu xi une probabiliteacute pi drsquoecirctre seacutelectionneacute proportionnelle agrave la valeur de f pour cet individu crsquoest-agrave-dire

pf x

f x( )

( )i

i

jj Psum

=

isin

En pratique on utilise souvent drsquoautres meacute-thodes de seacutelection pouvant se parameacutetrer plus facilement Ainsi dans la seacutelection par tournoi un ensemble drsquoindividus est seacutelec-tionneacute aleacuteatoirement dont les meilleurs eacuteleacute-ments seulement sont retenus Pour choi-sir deux parents on peut donc seacutelectionner aleacuteatoirement 5 individus et ne garder que les deux meilleurs Dans drsquoautres meacutethodes les individus sont ordonneacutes selon leur va-leur pour la fonction ƒ et la seacutelection srsquoeffec-tue aleacuteatoirement selon le rang occupeacute par chaque individu On utilise alors une distri-bution biaiseacutee en faveur des individus en tecircte de liste

Un autre meacutecanisme important est le mode de remplacement des individus de la popula-tion Dans le modegravele original chaque popu-lation de N individus est totalement rempla-ceacutee agrave chaque geacuteneacuteration Drsquoautres strateacutegies laquo eacutelitistes raquo font en sorte drsquoassurer agrave chaque geacuteneacuteration la survie des meilleurs individus de la population Crsquoest le cas entre autres des modegraveles laquo stationnaires raquo ougrave un nombre res-treint drsquoindividus est remplaceacute agrave chaque geacute-neacuteration Dans ce cas on ajoute souvent des meacutecanismes suppleacutementaires empecircchant lrsquoajout drsquoindividus identiques (doublons) dans la population Des implantations plus eacutevo-lueacutees existent eacutegalement pour des architec-tures parallegraveles

Un algorithme geacuteneacutetique 1 Construire une population initiale de N

solutions

2 Eacutevaluer chacun des individus de la population

3 Geacuteneacuterer de nouvelles solutions en seacutelectionnant les parents de faccedilon proportionnelle agrave leur eacutevaluation Appliquer les opeacuterateurs de croisement et de mutation lors de la reproduction

4 Lorsque N nouveaux individus ont eacuteteacute geacuteneacutereacutes ils remplacent alors lrsquoancienne population Les individus de la nouvelle population sont eacutevalueacutes agrave leur tour

5 Si le temps alloueacute nrsquoest pas deacutepasseacute (ou le nombre de geacuteneacuterations maximal nrsquoest pas atteint) retourner agrave lrsquoeacutetape 3

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Repreacutesentation des solutions et opeacuterateurs geacuteneacutetiquesLes premiers algorithmes geacuteneacutetiques utili-saient tous une repreacutesentation binaire ougrave chaque solution s est codeacutee sous la forme drsquoune chaicircne de bits de longueur n ie s[i ] isin 0 1 foralli =1 2 hellip n Pour cette repreacute-sentation lrsquoopeacuterateur de croisement classique agrave un point consiste agrave choisir de faccedilon uniforme une position de coupure aleacuteatoire l isin 1 2 hellip nminus1 Si les parents p1 et p2 ont eacuteteacute seacutelectionneacutes pour la reproduction les solutions enfants e1 et e2 sont alors construites de la faccedilon suivante

e1[i ] = p1[i ] foralli isin1 hellip l e1[i ] = p2[i ] foralli isinl + 1 hellip n e2 [i ] = p2[i ] foralli isin1 hellip l e2 [i ] = p1[i ] foralli isinl + 1 hellip nLorsqursquoon itegravere avec drsquoautres paires de parents on choisit aleacuteatoirement pour chaque paire de parents un nouvel opeacuterateur de croisement agrave un point Lrsquoopeacuterateur agrave un point peut se geacuteneacuteraliser en seacutelectionnant k positions aleacuteatoires plutocirct qursquoune seule Dans ce cas les enfants sont produits en eacutechan-geant lrsquoinformation chromosomique entre les k points de coupure En pratique la valeur k = 2 est couramment utiliseacutee Un autre opeacuterateur tregraves populaire (croisement uni-forme) utilise une chaicircne de bits geacuteneacutereacutee aleacuteatoirement pour engendrer les enfants Pour chaque position le choix aleacuteatoire in-dique quel parent deacuteterminera la valeur des enfants Des exemples des opeacuterateurs de croisement agrave un point agrave deux points et uniforme sont illustreacutes dans les tableaux suivants Des reacutesultats theacuteoriques et empi-riques indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme donne geacuteneacuteralement des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux produits par les deux autres

Opeacuterateur de croisement agrave un point

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 0 1 1

0 1 0 1 0 1 1 0 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement agrave deux points

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 1 0 1

0 1 0 1 0 1 0 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement uniforme

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 1 0 1 1 1 0 0 1

0 1 1 0 1 0 1 0 0

0 0 0 1 0 1 1 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Chaicircnealeacuteatoirede bits

Avec une repreacutesentation binaire on utilise geacuteneacuteralement lrsquoopeacuterateur de mutation clas-sique qui consiste agrave changer aleacuteatoirement un bit pour son compleacutement

Opeacuterateur de mutation classique

Enfant 1 0 0 1 0 1 1 0 1

1 1 0 1 0 1 1 0 0Enfant

Mutationsaleacuteatoires

DossierApplications

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Un exemple le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteennePour certains problegravemes la repreacutesentation binaire des solutions est tout agrave fait intuitive et bien adapteacutee Crsquoest le cas par exemple du problegraveme de satisfaisabiliteacute (SAT) Eacutetant donneacute une expression logique F de n variables boo-leacuteennes x1 x2 hellip xn (voir encadreacute) ce problegraveme fondamental (qui est agrave la base de la theacuteorie de la NP-compleacutetude) consiste agrave trouver une affectation aux variables de faccedilon agrave satisfaire F En eacutetablissant les correspondances faux harr 0 vrai harr 1 on peut repreacutesenter chaque solution par une chaicircne binaire de longueur n et utiliser les opeacuterateurs geacuteneacute-tiques classiques deacutecrits preacuteceacutedemment

Pour eacutevaluer les solutions lrsquoexpression logique F peut ecirctre exprimeacutee comme une conjonction (voir encadreacute) de m clauses

F = Cj j =1

m

Chaque clause est alors deacutefinie par une disjonction de variables booleacuteennes dont certaines sont associeacutees agrave un opeacuterateur de neacutegation (indiqueacute par le symbole ndash ) Pour satisfaire F il faut donc satisfaire toutes ses clauses Pour un algorithme geacuteneacutetique chaque solution peut ecirctre simplement eacuteva-lueacutee par le nombre de clauses qursquoelle satisfait par exemple noteacute par f Si on considegravere par exemple lrsquoexpression suivante pour F

= and or and or or

and or or or

and or or or or

F x x x x x x

x x x x

x x x x x

( ) ( ) ( )

( )

( )

1 1 2 1 2 3

1 2 3 4

1 2 3 4 5

la solution (1 0 1 0 0) satisfait toutes les clauses sauf la premiegravere alors que la solution (0 1 1 0 1) satisfait toutes les clauses et donc lrsquoexpression F

Avec une repreacutesentation des chro-mosomes une fonction drsquoadaptation f et des opeacuterateurs de croisement et de mutation nous avons tous les eacuteleacutements pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique simple pour le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteenne Le processus peut ecirctre illustreacute par le tableau en bas de page avec un opeacuterateur de croisement uniforme repreacutesenteacute par la chaicircne de bits U Dans cet exemple simplifieacute lrsquoalgo-rithme a produit en six geacuteneacuterations une solution qui satisfait lrsquoexpression boo-leacuteenne F (les 5 clauses sont satisfaites pour un individu de la population) Pour une fonction plus complexe comprenant un grand nombre de va-riables on utilise des populations plus importantes et laisse la population eacutevoluer lentement vers des solutions de bonne qualiteacute

Variables booleacuteennes

Opeacuterateurs booleacuteens

Une variable booleacuteenne est une variable qui ne peut prendre que deux valeurs logiques VRAI ou FAUX On peut utiliser 1 et 0 pour repreacutesenter ces deux valeurs

Un opeacuterateur booleacuteen est un opeacuterateur qui sap-plique sur une ou deux variables booleacuteennes

La neacutegation drsquoune variable booleacuteenne x qui est noteacutee x change la valeur de la variable booleacuteenne x

Variable Neacutegation

10

01

x x

La conjonction de deux variables x et y noteacutee x and y prend la valeur 1 si les variables x et y ont toutes deux la valeur 1 Dans les autres cas elle prend la valeur 0

Variables Conjonction

1100

1010

1000

x y x y

La disjonction de deux variables x et y noteacutee x or y prend la valeur 1 si au moins lrsquoune des variables a la valeur 1 Elle prend la valeur 0 si les deux variables ont la valeur 0

Variables Disjonction

1100

1010

1110

x y x y

Geacuteneacuteration

5

(0 0 1 0 0) f = 4(0 0 1 0 1) f = 3(0 0 1 1 1) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

(0 0 1 0 0) f = 4(1 0 1 1 0) f = 4(0 0 1 1 1) f = 4

U = (0 1 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4 (1 0 1 1 0) f = 4

(0 1 1 1 0) f = 5U = (0 0 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

6

Population Enfant Enfant muteacute

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Autres exemplesLes algorithmes geacuteneacutetiques ne sont pas applicables qursquoaux repreacutesentations binaires Par exemple le problegraveme classique du com-mis voyageur (Traveling Salesman Problem ou TSP) consiste agrave identifier une tourneacutee agrave coucirct minimal qui visite chaque ville drsquoun ensemble agrave couvrir Mecircme si une tourneacutee pourrait alors theacuteoriquement ecirctre repreacutesenteacutee par une chaicircne de booleacuteens on preacutefegravere geacuteneacuterale-ment utiliser une repreacutesentation plus directe sous forme de permutation Chaque permu-tation speacutecifie alors lrsquoordre dans lequel sont visiteacutees les villes

On doit alors deacutefinir des opeacuterateurs de mutation et de croisement pour une repreacutesentation sous forme de permutation Pour la muta-

tion un simple eacutechange entre deux villes dans une seacutequence pourra faire lrsquoaffaire Par exemple

Tourneacutee originale (Montreacuteal Rimou- ski Saguenay Val drsquoOr Queacutebec Sher-brooke)

Apregraves mutation (Montreacuteal Rimouski Saguenay Sherbrooke Queacutebec Val drsquoOr) Pour le croisement il est facile de constater que des opeacuterateurs sem-blables agrave ceux deacutecrits preacuteceacutedemment ne pourraient preacuteserver la structure de permutation Plusieurs opeacuterateurs valides ont toutefois eacuteteacute proposeacutes Agrave titre drsquoexemple lrsquoopeacuterateur OX choisit une sous-seacutequence dans la seacutequence drsquoun des parents et place les villes res-tantes dans lrsquoordre deacutefini par lrsquoautre

parent Dans le tableau ci-dessous deux po-sitions sont choisies aleacuteatoirement afin de deacutefinir une sous-seacutequence chez le premier parent (eacutetape 1) Agrave lrsquoeacutetape 2 les villes res-tantes sont placeacutees selon lrsquoordre induit par le deuxiegraveme parent

P1 Mtl Sag Val Queacute Shb RimQueacute Rim Mtl Shb Sag Val

Rim Sag Val Queacute Mtl Shb

Rim Mtl ShbSag Val Queacute

P2

Eacute1Eacute2

Enf

Ss

Une fois la repreacutesentation et les opeacuterateurs de base deacutefinis on peut simplement eacutevaluer chaque tourneacutee par la distance parcourue et tous les eacuteleacutements sont en place pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique pour le problegraveme TSP

Coloration de grapheUn autre problegraveme classique celui de colo-ration de graphe1 est aussi abordable par les algorithmes geacuteneacutetiques

Pour un graphe G = (V E) constitueacute drsquoun en-semble de nœuds V et drsquoarecirctes E un coloriage est une partition de V en k sous-ensembles (couleurs) C1 C2 hellip Ck pour lesquels u v isin Ci rArr (u v) notinE ie que deux nœuds ne peuvent avoir la mecircme couleur srsquoils sont lieacutes par une arecircte Le problegraveme de coloration de graphe consiste agrave trouver un coloriage utilisant un nombre minimal de sous-ensembles Ce type drsquoapproche permet notamment de reacutesoudre agrave coucirct minimum des conflits drsquohoraire En pratique on choisit drsquoabord une valeur-cible pour k et chaque chromosome constitue une partition de V en k sous-ensembles Les so-lutions sont codeacutees sous forme de chaicircnes en liant lrsquoindice de chaque nœud agrave lrsquoun des k sous-ensembles

DossierApplications

1 Voir laquo Le theacuteoregraveme des quatre couleurs raquo Accromath 141 2019

Coloration de grapheEn theacuteorie des graphes la coloration de graphe consiste agrave attribuer une couleur agrave chacun de ses sommets de maniegravere que deux sommets relieacutes par une arecircte soient de couleur diffeacuterente On cherche souvent agrave utiliser le nombre minimal de couleurs appeleacute nombre chromatique

12

34

5

6

7

89Un coloriage imparfait

10

Mtl Rim

SagShb

ValQueacute

2

6 3

4

1

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Mtl Rim

SagShb

QueacuteVal

2

6 3

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Mutation drsquoune tourneacutee

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Par exemple si on associe C1 agrave bleu C2 agrave rouge et C3 agrave vert dans le coloriage im-parfait de la page preacuteceacutedente la partition des nœuds associeacutee agrave cette solution est (1 2 3 2 3 2 1 2 3 1) car les nœuds 1 7 et 10 sont dans C1 les nœuds 2 4 6 et 8 dans C2 et les nœuds 3 5 et 9 dans C3 En deacutefinissant la fonction f comme le nombre de fois ougrave la regravegle du coloriage nrsquoa pas eacuteteacute respecteacutee on obtient f (C1 C2 C3) = 0 + 1 + 1 = 2 car on a 0 arecircte dans C1 1 arecircte dans C2 (entre les nœuds 2 et 4) et 1 dans C3 (entre les nœuds 3 et 5)

De faccedilon geacuteneacuterale le problegraveme de coloriage consiste agrave geacuteneacuterer une partition telle que f (C1 C2 Ck) = 0 avec un k le plus petit possible Avec la repreacutesentation en chaicircne de la partition il est facile de deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation semblables agrave ceux utiliseacutes pour les repreacutesen-tations binaires Les reacutesultats rapporteacutes dans la litteacuterature indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme domine encore ceux agrave un point et agrave deux points

Est-ce que ccedila fonctionne Il nrsquoy a aucun doute que les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent ecirctre utiliseacutes pour traiter des problegravemes drsquooptimisation Leur performance relative varie cependant selon les contextes Lorsqursquoun problegraveme est bien eacutetudieacute il est geacuteneacuteralement preacutefeacuterable drsquoavoir recours agrave des algorithmes speacutecialiseacutes qui peuvent tirer avantage de certaines structures speacutecifiques Pour le problegraveme TSP par exemple des approches baseacutees sur la programmation en nombres entiers peuvent maintenant reacutesoudre de faccedilon optimale des exemplaires de plusieurs dizaines de milliers de villes Il serait donc mal aviseacute drsquoutiliser un algorithme geacuteneacutetique pour reacutesoudre ce problegraveme (agrave moins de vouloir eacutetudier leur comportement ce qui peut ecirctre tout agrave fait leacutegitime et amusant)

Les algorithmes geacuteneacutetiques ont tout de mecircme lrsquoavantage drsquoecirctre simples agrave mettre en place En fait une meacutethode de codage des opeacuterateurs de croisement et de mutation ainsi qursquoune fonction drsquoeacutevaluation sont suf-fisants pour utiliser une approche eacutevolutive On obtient alors une approche robuste qui peut ecirctre tregraves utile si la fonction agrave optimiser est laquo floue raquo (fuzzy) ou si on dispose de peu de temps pour eacutetudier le problegraveme agrave optimiser

Les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent eacutega-lement ecirctre combineacutes agrave drsquoautres approches drsquooptimisation pour donner lieu agrave des meacutethodes hybrides tregraves puissantes souvent parmi les meilleures disponibles On peut par exemple utiliser des opeacuterateurs de mutation plus sophistiqueacutes pour optimiser le reacutesultat de chaque croisement Pour lrsquoalgorithme hybride reacutesultant la composante laquo geacuteneacute-tique raquo vise alors agrave enrichir la recherche en misant sur les eacuteleacutements qui constituent sa force ie lrsquoutilisation drsquoune population diver-sifieacutee qui permet lrsquoaccegraves aux caracteacuteristiques varieacutees de plusieurs individus et au proces-sus de seacutelection (artificielle dans ce cas) afin drsquoorienter lrsquoexploration vers les meilleures reacutegions de lrsquoespace de solutions Crsquoest bien lagrave lrsquoune des leccedilons agrave tirer de lrsquoobservation de la nature

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Rubrique des

Jean-Paul DelahayeUniversiteacute des Sciences et Technologies de Lille

Lrsquoinformation paradoxale

Comme le preacuteceacutedent ce paradoxe est aussi un paradoxe sur lrsquoinformation cacheacutee cependant il neacutecessite une patience bien supeacuterieure pour ecirctre reacutesolu ou lrsquoaide drsquoun ordinateur

On choisit cinq nombres a b c d et e veacuterifiant les relations

1 le a lt b lt c lt d lt e le 10

Autrement dit les cinq nombres sont compris entre 1 et 10 tous diffeacuterents et classeacutes par ordre croissant On indique leur produit P agrave Patricia (qui est brune) leur somme S agrave Sylvie (qui est blonde) la somme de leurs carreacutes

C = a2 + b2 + c2+ d2 + e2

agrave Christian (qui est barbu) et la valeur

V = (a + b + c)(d + e)

agrave Vincent (qui est chauve)

Ils doivent deviner quels sont les nombres a b c d et e

1- Une heure apregraves qursquoon leur a poseacute le problegraveme les quatre personnages qursquoon interroge simultaneacutement reacutepondent tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

2- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

3- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo Etc

23- Une heure apregraves (soit 23 heures apregraves la formulation de lrsquoeacutenonceacute ) les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

Cependant apregraves cette 23egraveme reacuteponse les visages des quatre personnages srsquoeacuteclairent drsquoun large sourire et tous srsquoexclament laquo crsquoest bon maintenant je connais a b c d et e raquo

Vous en savez assez maintenant pour deviner les 5 nombres a b c d e Il semble paradoxal que la reacutepeacutetition 23 fois de la mecircme affirmation drsquoignorance de la part des personnages soit porteuse drsquoune information Pourtant crsquoest le cas Essayez de comprendre pourquoi et ensuite armez-vous de courage la solution est au bout du calcul

Solution du paradoxe preacuteceacutedent

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Solution du paradoxe preacuteceacutedent

Lrsquoinformation paradoxaleIl arrive que lrsquoon pense ne pas disposer drsquoassez drsquoinfor-mations pour reacutesoudre un problegraveme alors qursquoen reacutealiteacute tout est agrave notre disposition Certaines situations sont si extraordinaires qursquoelles apparaissent paradoxales En voici un exemple

Un homme bavarde avec le facteur sur le pas de la porte de sa maison Il lui dit

laquo Crsquoest amusant je viens de remarquer que la somme des acircges de mes trois filles est eacutegale au numeacutero de ma maison dans la rue Je suis sucircr que si je vous apprends que le produit de leur acircge est 36 vous saurez me dire leur acircge respectif raquo

Le facteur reacutefleacutechit un moment et lui reacutepond

laquo Je suis deacutesoleacute mais je ne peux pas trouver raquo

Lrsquohomme srsquoexclame alors laquo Ah oui Jrsquoavais oublieacute de vous dire que lrsquoaicircneacutee est blonde raquo

Quelques secondes apregraves le facteur lui donne la bonne reacuteponse Aussi paradoxal que cela apparaisse vous pouvez deacuteduire de cet eacutechange lrsquoacircge des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte

SolutionLes diffeacuterentes deacutecompositions de 36 en produit de trois entiers et les sommes des facteurs sont donneacutees dans le tableau ci-contre

Le facteur connaicirct la somme des acircges des trois filles car il est sur le pas de la porte Srsquoil ne peut pas trouver leurs acircges respectifs crsquoest que parmi les produits possibles compatibles avec la somme qursquoil connaicirct il y en a deux qui donnent la mecircme somme Crsquoest donc que la somme est 13 Les deux possibiliteacutes sont donc 1-6-6 et 2-2-9 La premiegravere est eacutelimineacutee car deux enfants ne peuvent avoir le mecircme acircge que srsquoils sont jumeaux et alors il nrsquoy a pas drsquoaicircneacutee La solution est donc 2-2-9 Les acircges des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte sont 2 2 et 9 ans

Produits1times1times362times3times63times3times4

1times2times181times3times121times6times61times4times92times2times9

3811102116131413

Sommes

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Algorithmes dans lrsquohistoire1 Deacuteterminer les PGCD des couples

a) 924 3 135 c) 2 530 9 639

b) 83 337

Lrsquoheacuteritage de Fermat1 Appliquer la meacutethode de Fermat pour

factoriser les nombres suivants

a) 493 b) 1247 c) 6 903

2 Supposons qursquoun entier n est le produit de deux nombres premiers p lt q et que q ndash p lt p2 2 Montrer qursquoen utilisant la meacutethode de Fermat ce nombre n peut ecirctre factoriseacute en seulement une eacutetape

Eacutemergence logarithmique1 Soit la suite arithmeacutetique

a nd( ) n+ isin

a) Montrer que chaque terme (agrave lrsquoex- ception du premier) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins

b) Montrer un reacutesultat analogue pour la suite geacuteomeacutetrique

ar( ) nnisin

2 Montrer qursquoen termes modernes le passage de LrsquoAreacutenaire ci-haut porte sur les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacute-trique et sur la regravegle du produit de deux puissances

Tuyau Des nombres laquo continucircment en proportion agrave partir de lrsquouniteacute raquo forment une suite geacuteomeacutetrique dont le premier terme est 1

3 En comparant les deux tables tireacutees de la tablette MLC 02078 (pp 19 et 20) on y voit la suite geacuteomeacutetrique

2 ndash 4 ndash 8 ndash 16 ndash 32 ndash 64

ecirctre associeacutee agrave deux suites arithmeacutetiques Relier directement ces deux suites arith-meacutetiques lrsquoune agrave lrsquoautre

Tuyau On peut y voir du logarithme

4 Soit deux points P1 et P2 sur un segment AB (voir figure) Montrer que

a) si APAB

P PP B

1 1 2

1

= alors P BAB

P BP B

1 2

1

=

b) la reacuteciproque est elle aussi valide

5 La suite de segments AB P1B P2B P3B forme une progression geacuteomeacutetrique deacutecroissante (p 22) On deacutesigne par r le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique (on a donc r lt 1) et par z la longueur du segment AB

a) Interpreacuteter en termes de z et de r les segments AB P1B P2B P3B

b) Exprimer agrave lrsquoaide de z et de r les longueurs des intervalles AP1 P1P2 P2P3 P3P4

c) Appliquer ces reacutesultats aux valeurs numeacuteriques choisies par Napier (voir p 23)

d) Et que dire dans ce contexte de la suite arithmeacutetique deacutetermineacutee par le mouve-ment du point Q (p 22)

6 a) Expliquer lrsquoobservation dans lrsquoencadreacute ci-bas au cœur de la deacutemarche de Napier

b) En conclure que pour Napier la vitesse de P en un point donneacute est eacutegale agrave sa distance de lrsquoextreacutemiteacute B

Tuyau La constante de proportionnaliteacute de la partie a) est 1

7 On veut interpreacuteter ici le modegravele geacuteomeacute-trico-cineacutematique de Napier agrave lrsquoaide du calcul diffeacuterentiel et inteacutegral (moderne) On appelle x(t) la distance seacuteparant P de lrsquoextreacutemiteacute B au temps t et y(t) la position du point Q au temps t

a) Montrer que le deacuteplacement de Q est deacutecrit par lrsquoeacutequation diffeacuterentielle dydt = 107 avec comme condition initiale y(0) = 0

Tuyau La vitesse est la deacuteriveacutee de la distance parcourue par rapport au temps

b) Montrer de mecircme que le deacuteplace-ment de P est deacutecrit par dxdt = ndashx avec x(0) = 107

c) Reacutesoudre ces deux eacutequations diffeacuteren-tielles

d) Montrer comment on pourrait en tirer une notion de laquo base raquo pour les loga-rithmes de Napier1

1 Au plan historique une telle ideacutee de laquo base raquo chez Napier est une pure fabulation

Section problegravemes

Agrave propos de Napier

Puisque des distances parcou-rues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est pro-portionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (p 22)

Archimegravede LrsquoAreacutenaire

Si des nombres sont continucircment en pro- portion agrave partir de lrsquouniteacute et que cer-tains de ces nombres sont multiplieacutes entre eux le produit sera dans la mecircme pro-gression eacuteloigneacute du plus grand des nom- bres multiplieacutes drsquoautant de nombres que le plus petit des nom- bres multiplieacutes lrsquoest de lrsquouniteacute dans la pro-gression et il sera eacuteloigneacute de lrsquouniteacute de la somme moins un des nombres dont les nombres multiplieacutes sont eacuteloigneacutes de lrsquouniteacute

A

P1 P2

B

Pour en s voir plus

Histoire des matheacutematiques

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

bull Le livre Havil Julian John Napier Life Logarithms and Legacy Princeton University Press 2014 est une mine drsquoor pour des informations sur la vie et lrsquoœuvre de Napier

bull Le contexte ayant meneacute agrave la naissance des logarithmes est exposeacute dans Friedelmeyer Jean-Pierre laquo Contexte et raisons drsquoune lsquomirifiquersquo invention raquo In Eacutevelyne Barbin et al Histoires de logarithmes pp 39-72 Ellipses 2006 Le sous-titre de lrsquoarticle drsquoAccromath a eacuteteacute emprunteacute au titre de ce texte

bull Les deux traiteacutes de Napier sur les logarithmes le Mirifici logarithmorum canonis descriptio et le Mirifici logarithmorum canonis constructio peuvent ecirctre trouveacutes facilement (en latin) sur la Toile Une traduction anglaise de ces traiteacutes est accessible agrave partir du site de Ian Bruce sur les matheacutematiques des 17e et 18e siegravecles httpwww17centurymathscom

bull La citation de Laplace se retrouve aux pp 446-447 de Œuvres complegravetes de Laplace Exposition du systegraveme du monde (6e eacutedition) Bachelier Imprimeur-Libraire 1835 (Disponible sur Google Livres)

bull La tablette meacutesopotamienne MLC 02078 est eacutetudieacutee (pp 35-36) dans Neugebauer Otto et Sachs Abraham Mathematical Cuneiform Texts American Schools of Oriental Research 1945

bull Pour plus drsquoinformation sur lrsquoemploi des vocables laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo voir Charbonneau Louis laquo Progression arithmeacutetique et progression geacuteomeacutetrique raquo Bulletin AMQ 23(3) (1983) 4-6

bull Publieacutes en allemand en 1770 les Eacuteleacutements drsquoalgegravebre de Leonhard Euler sont parus en traduction franccedilaise degraves 1774 Cette version est accessible agrave partir du site Gallica de la Bibliothegraveque nationale de France httpsgallicabnffr

bull Lrsquoextrait de LrsquoAreacutenaire mdash voir la Section problegravemes mdash se trouve (p 366) dans Ver Eecke Paul Les œuvres complegravetes drsquoArchimegravede tome 1 Vaillant-Carmanne 1960

Applications des matheacutematiques

Lrsquoheacuteritage de Fermat

bull WB Hart laquo A one line factoring algorithmraquo J Aust Math Soc 92 (2012) no 1 61ndash69

bull RS Lehman laquo Factoring large integers raquo Math Comp 28 (1974) 637ndash646

bull MA Morrison and J Brillhart laquo A method of factoring and the factorization of F 7 raquo Math Comp 29 (1975) 183ndash205

bull C Pomerance laquoThe quadratic sieve factoring algorithm raquo Advances in Cryptology (Paris 1984) 169-182 Lecture Notes in Comput Sci 209 Springer Berlin 1985

Accromath est une publication de lrsquoInstitut des sciences matheacutema-tiques (ISM) et du Centre de recherches matheacutematiques (CRM) La revue srsquoadresse surtout aux eacutetudiantes et eacutetudiants drsquoeacutecole secon-daire et de ceacutegep ainsi qursquoagrave leurs enseignantes et enseignants

LrsquoInstitut des sciences matheacutematiques est une institution unique deacutedieacutee agrave la promotion et agrave la coordination de lrsquoenseignement et de la recherche en sciences matheacutematiques au Queacutebec En reacuteunissant neuf deacutepartements de matheacutematiques des universiteacutes queacutebeacutecoises (Concordia HEC Montreacuteal Universiteacute Laval McGill Universiteacute de Montreacuteal UQAM UQTR Universiteacute de Sherbrooke Bishoprsquos) lrsquoInstitut rassemble un grand bassin drsquoexpertises en recherche et en enseignement des matheacutematiques LrsquoInstitut anime de nombreuses activiteacutes scientifiques dont des seacuteminaires de recherche et des colloques agrave lrsquointention des professeurs et des eacutetudiants avanceacutes ainsi que des confeacuterences de vulgarisation donneacutees dans les ceacutegeps Il offre eacutegalement plusieurs programmes de bourses drsquoexcellence

LrsquoISM est financeacute par le Ministegravere de lrsquoEnseignement supeacuterieur et par ses neuf universiteacutes membres

Le Centre de recherches matheacutematiques est un centre national pour la recherche fondamentale en matheacutematiques et ses applica-tions Les scientifiques du CRM comptent plus drsquoune centaine de membres reacuteguliers et de stagiaires postdoctoraux Lieu privileacutegieacute de rencontre le Centre est lrsquohocircte chaque anneacutee de nombreux visi-teurs et drsquoateliers de recherche internationaux

Les activiteacutes scientifiques du CRM comportent deux volets principaux les projets de recherche qursquoentreprennent ses laboratoires et les activiteacutes theacutematiques organiseacutees agrave lrsquoeacutechelle internationale Ces derniegraveres ouvertes agrave tous les domaines impliquent des chercheurs du CRM et drsquoautres universiteacutes Afin drsquoassurer une meilleure diffusion des reacutesultats de recherches de ses collaborateurs le CRM a lanceacute en 1989 un programme de publications en collaboration avec lrsquoAmerican Mathematical Society et avec Springer

Le CRM est principalement financeacute par le CRSNG (Conseil de recherches en sciences naturelles et en geacutenie du Canada) le FQRNT (Fonds queacutebeacutecois de recherche sur la nature et les technologies) lrsquoUniversiteacute de Montreacuteal et par six autres universiteacutes au Queacutebec et en Ontario

Accromath beacuteneacuteficie de lrsquoappui de la Dotation Serge-Bissonnette du CRM

OR2010

BRONZE2011

BRONZE2014

OR2012

2008

Prix speacutecial de la ministre 2009

Prix Anatole Decerf 2012

Page 4: L’héritage de Pierre de Fermat La factorisation des grands ...

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Doss

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Le mot algorithme provient de la version latiniseacutee du nom du matheacutematicien persan Al-Khwarizmi1

Cependant les matheacutematiciens avaient deacuteveloppeacute et mis en œuvre des algorithmes bien avant sa naissance

Dans lrsquoarticle Extraction drsquoune racine dans un carreacute2 Bernard Hodgson nous a deacutejagrave preacute-senteacute un algorithme connu mille ans avant Pythagore et utiliseacute par les Meacutesopotamiens de lrsquoAntiquiteacute pour extraire une racine car-reacutee En fait degraves que lrsquoon cherche agrave reacutesoudre systeacutematiquement une famille de problegravemes on est deacutejagrave agrave la recherche drsquoun algorithme

Algorithme drsquoEuclideUn algorithme que le lecteur a probablement deacutejagrave utiliseacute est appeleacute lrsquoalgorithme drsquoEuclide On le retrouve dans le Livre VII des Eacuteleacutements drsquoEuclide qui veacutecut agrave Alexandrie environ un milleacutenaire avant Al-Khwarizmi Cet algorithme permet de trouver le plus grand commun diviseur ou pgcd de deux nombres

Dans la tradition euclidienne un nombre entier est une longueur et un produit drsquoen-tiers est un rectangle comme lrsquoindique la deacutefinition suivante tireacutee de la traduction de Bernard Vitrac des Eacuteleacutements drsquoEuclide

Et quand deux nombres srsquoeacutetant multiplieacutes lrsquoun lrsquoautre produisent un certain nombre le produit est appeleacute plan et les nombres qui se sont multiplieacutes lrsquoun lrsquoautre ses cocircteacutes(Livres VII deacutefinition 17)

La proceacutedure pour deacuteterminer le pgcd de deux nombres telle qursquoillustreacutee ci-dessous consiste drsquoun point de vue geacuteomeacutetrique agrave deacuteterminer la longueur du cocircteacute du plus grand carreacute agrave lrsquoaide duquel on peut paver entiegraverement le rectangle dont les longueurs des cocircteacutes sont les nombres dont on cherche le pgcd

En proceacutedant numeacuteriquement par divisions successives de la longueur par la largeur puis de la largeur par le reste et ainsi de suite jusqursquoagrave un reste nul on obtient

24 = 1 times 15 + 9 15 = 1 times 9 + 6 9 = 1 times 6 + 3 6 = 2 times 3 + 0

Le pgcd eacutetant le dernier reste non nul de ce processus 3 est donc le plus grand commun diviseur de 24 et 15 On eacutecrit pgcd(15 24) = 3

Andreacute RossProfesseur retraiteacute

1 Le mot algegravebre vient de Al-jabr walsquol muqabala titre drsquoun livre drsquoAl-Khwarizmi Cet ouvrage est le texte fondateur de lrsquoalgegravebre

2 Voir Accromath volume 1 automne-eacuteteacute 2006

Algorithmes au cours de lrsquohistoire

Dans le rectangle de cocircteacutes 24 et 15 on peut inscrire un carreacute de cocircteacute 15 Il reste un rectangle de cocircteacutes 9 et 15 dans lequel on peut inscrire un carreacute de cocircteacute 9 Il reste un rectangle de cocircteacutes 9 et 6 agrave lrsquointeacuterieur duquel on peut inscrire un carreacute de cocircteacute 6 il reste un rectangle de coteacutes 6 et 3 dans lequel on

inscrit maintenant deux carreacutes de cocircteacute 3 Crsquoest le plus grand carreacute agrave lrsquoaide duquel on peut paver le rectangle initial 3 est donc le pgcd de 24 et 15 Lorsque le plus grand carreacute permettant de paver le rectangle est unitaire les nombres sont premiers entre eux

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3 3

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Al-Khwarizmi783-850

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

Il est agrave noter qursquoen utilisant lrsquoalgorithme drsquoEuclide on peut deacuteterminer le pgcd de deux nombres sans connaicirctre leur factorisa-tion en nombres premiers La factorisation des nombres 15 et 24 est simple agrave obtenir

15 = 3 times 5 et 24 = 3 times23

drsquoougrave on peut conclure immeacutediatement que pgcd(15 24) = 3 Cependant pour de tregraves grands nombres il est plus simple et net-tement plus rapide drsquoappliquer lrsquoalgorithme drsquoEuclide mecircme agrave lrsquoaide drsquoun ordinateur

Algorithme drsquoEuclide et eacutequations diophantiennesRappelons qursquoune eacutequation diophantienne est une eacutequation polynomiale agrave une ou plusieurs inconnues dont les solutions sont chercheacutees parmi les nombres entiers les coefficients eacutetant eux-mecircmes des entiers On a recours agrave lrsquoalgorithme drsquoEuclide pour reacutesoudre certaines eacutequations diophantiennes de la forme

ax + by = cAgrave quelles conditions une telle eacutequation admet-elle une solution entiegravere

En ayant recours agrave la geacuteomeacutetrie analytique moderne on peut visualiser le problegraveme comme suit Lrsquoensemble des solutions de lrsquoeacutequation ax + by = c est repreacutesenteacute par une droite Si aucun point de la droite nrsquoa de coordon-neacutees entiegraveres lrsquoeacutequation nrsquoa aucune solution

Mais si la droite passe par au moins un point de coor- donneacutees entiegraveres elle a alors une infiniteacute de solutions puisque a b et c sont des entiers

Deux theacuteoregravemes apportent des reacuteponses pour certaines de ces eacutequations

Theacuteoregraveme de Bachet-Beacutezout

Soit a et b deux entiers Si d est le pgcd de a et b alors il existe des entiers x et y tels que

ax + by = d = pgcd(a b)Le second theacuteoregraveme porte sur le cas ougrave les deux entiers a et b ont 1 comme seul facteur commun

Aucune solution

Infiniteacute de solutions

Theacuteoregraveme de Beacutezout

Deux entiers a et b sont premiers entre eux si et seulement srsquoil existe deux entiers x et y tels que

ax + by = 1Agrave propos de ces theacuteoregravemes si la constante d ou 1 selon le cas nrsquoest pas le pgcd des coeffi-cients on ne peut rien conclure Par ailleurs pour deacuteterminer une premiegravere solution (x0 y0) drsquoune eacutequation de la forme

ax + by = pgcd(a b)on utilise lrsquoalgorithme drsquoEuclide et agrave lrsquoaide du lemme de Gauss on geacuteneacuteralise celle-ci en montrant que

minus

+ +

=a x k

bd

b y kad

d 0 0

ougrave k est un nombre entier

Diophante drsquoAlexandrieOn ignore tout de la vie du matheacutematicien grec Diophante dont on ne connaicirct que les eacutecrits On pense qursquoil vivait vers le 3e siegravecle de notre egravere sans pouvoir apporter plus de preacutecisions Son ouvrage le plus ceacutelegravebre est un traiteacute de 13 livres les Arithmeacutetiques Six volumes de cet ouvrage reacutedigeacutes en grec ont eacuteteacute retrouveacutes en Italie au 15e siegravecle par Regiomontanus (Johann Muumlller (1436-1476)) Quatre autres livres traduits en arabe ont eacuteteacute deacutecouverts en Iran en 1968 Les experts ne srsquoentendent pas agrave leur sujet srsquoagit-il de la traduction du texte original de Diophante ou plutocirct drsquoun commentaire sur les Arithmeacutetiques peut-ecirctre eacutecrit par Hypathie (env 355-415)

Les Arithmeacutetiques sont une collection de 189 problegravemes accom-pagneacutes de leur solution conduisant agrave des eacutequations dont les solutions sont entiegraveres ou fractionnaires

Claude-Gaspard Bachet de Meacuteziriac (1581-1638)

Claude-Gaspard Bachet de Meacuteziriac est un matheacutematicien poegravete et traducteur franccedilais Le theacuteoregraveme qui porte son nom a eacuteteacute preacutesenteacute pour la premiegravere fois dans la deuxiegraveme eacutedition de son ouvrage laquo Pro-blegravemes plaisans et deacutelectables qui se font par les nombres raquo parue en 1624

Eacutetienne Beacutezout (1730-1783)Le matheacutematicien franccedilais Eacutetienne Beacutezout est passeacute agrave la posteacuteriteacute pour le theacuteoregraveme de Bachet-Beacutezout en arithmeacutetique Il est le premier agrave donner une deacutemonstration correcte du theacuteoregraveme suivant selon lequel deux courbes algeacutebriques respectivement de degreacute m et n se rencontrent en geacuteneacuteral en mn points en comptant les multipliciteacutes

Degreacute 4

Degreacute 3

Degreacute 2

Degreacute 2

Lemme drsquoEuclide

Si un nombre pre-mier p divise le produit de deux nombres entiers b et c alors p divise b ou c

(Eacuteleacutements proposition VII30)

Lemme de Gauss

Si un nombre entier a divise le produit de deux autres nombres entiers b et c et si a est pre-mier avec b alors a divise c

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Multiplication eacutegyptienneDans tous les systegravemes de numeacuteration on a eu recours agrave des algorithmes pour effectuer des opeacuterations

Ainsi pour multiplier 19 par 23 le scribe eacutegyptien associe le plus grand des deux nombres agrave lrsquouniteacute et double ces nombres4 Il arrecircte lorsque le nombre de la colonne de gauche devient plus grand que le multipli-cateur

Puisque 19 = 16 + 2 + 1 il additionne les nombres de la colonne de droite sur les lignes non biffeacutees ce qui donne

19times23 = 23 + 46 + 368 = 437

On qualifie le systegraveme de numeacuteration eacutegyptien de systegraveme additif de base dix Il est additif car crsquoest par la reacutepeacutetition des symboles que lrsquoon eacutecrit un nombre et de base dix car un nouveau symbole est utiliseacute pour chaque puissance de dix

Dans ce systegraveme pour multiplier un nombre par 2 il suffit de doubler le nombre de sym-boles et drsquoeffectuer les regroupements en remplaccedilant tout groupe de 10 symboles identiques par le symbole supeacuterieur En utilisant cette eacutecriture des nombres la multiplication que nous venons drsquoeffectuer srsquoeacutecrit de la faccedilon ci-bas

On arrecircte lorsqursquoen doublant dans la colonne de gauche on obtient un nombre plus grand que le multiplicateur (en dou-blant les symboles du dernier nombre de la colonne de gauche on obtiendrait deux symboles suivis de plusieurs symboles ce qui est plus grand que le multiplicateur)

Le scribe repegravere alors dans la colonne de gauche les nombres qui additionneacutes donnent le multiplicateur soit

+ + =

DossierHistoire

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Reacutesolution agrave lrsquoaide de lrsquoalgorithme drsquoEuclideConsideacuterons lrsquoeacutequation

510x + 294y = 6

Cette eacutequation admet-elle des solutions En appliquant lrsquoalgorithme drsquoEuclide on obtient que

510 = 1times294 + 216On isole les restes

294 = 1times216 + 78216 = 2times78 + 6078 = 1times60 + 1860 = 3times18 + 618 = 3times6 + 0

rArr

216 = 510 ndash 1times294 78 = 294 ndash 1times216 60 = 216 ndash 2times78 18 = 78 ndash 1times60

6 = 60 ndash 3times18

Dans la colonne de gauche le dernier reste non nul est 6 on a donc pgcd(294 510) = 6 Par conseacutequent le theacuteoregraveme de Bachet-Beacutezout nous garantit que lrsquoeacutequa-tion admet une solution (x0 y0) On deacutetermine celle-ci en isolant les restes ce qui est fait dans la colonne de droite On substitue ensuite en laquo remontant la chaicircne raquo de calculs afin drsquoexprimer 6 en termes de 294 et de 510

Cela donne

18

6 = 60 ndash 3times(78 ndash 1times60) = 4times60 ndash 3times78

6 = 4times(216 ndash 2times78) ndash 3times78 = 4times216 ndash 11times78

6 = 4times216 ndash 11times(294 ndash 1times216) = 15times216 ndash 11times294

6 = 15times(510 ndash 1times294) ndash 11times294 = 15times510 ndash 26times294

60

78

216

Par conseacutequent le couple (15 ndash26) est une solution de lrsquoeacutequation 510x + 294y = 6 Lrsquoensemble des solu-tions entiegraveres est formeacute de tous les couples de la forme (15 ndash 49k ndash26 + 85k) ougrave k est un entier

1248

1632

234692

184368

1248

1619

234692

184368437

Le bacircton repreacutesente lrsquouniteacute

Lrsquoanse de panier la dizaine

Le rouleau de papyrus la centaine

La fleur de lotus le millier

Le doigt deacutesignant les eacutetoiles dix mille

Le tecirctard cent milleLe dieu agenouilleacute soutenant le mondeun million

NUMEacuteRATION HIEacuteROGLYPHIQUEValeur des symboles

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

Il suffit drsquoadditionner les reacutesultats des lignes dont la somme donne le multiplicateur ce qui donne

En eacutecriture moderne le scribe exprime le multiplicateur comme somme de puissances de 2 soit

19 = 16 + 2 + 1

En doublant la valeur du multiplicande et en retenant les valeurs correspondant aux termes de la deacutecomposition du multiplica-teur en somme de puissances de 2 il obtient 23times19 = 23times(16 + 2 + 1) = 368 + 46 + 23 = 437

Division eacutegyptiennePour illustrer comment srsquoeffectue une division consideacuterons lrsquoopeacuteration

divide

Le scribe associe le diviseur agrave lrsquouniteacute et il double successivement jusqursquoagrave obtenir le plus grand multiple du diviseur infeacuterieur au nombre agrave diviser

Dans ce tableau le scribe deacutetecte aiseacutement qursquoen doublant le nombre de la colonne de gauche il obtiendrait un nombre plus grand que le dividende En effet il obtiendrait alors deux symboles suivis de deux symboles (lecture de droite agrave gauche) alors que le divi-dende est formeacute de deux symboles suivi drsquoun seul symbole

Le dividende peut alors srsquoexprimer comme la somme de certains des nombres de la colonne de gauche plus possiblement un reste plus petit que le diviseur

Le scribe fait la somme des nombres des deux derniegraveres lignes de la colonne de gauche ce qui donne un nombre plus petit que le divi-dende En effet elle ne contient qursquoun seul symbole alors que le dividende en a deux (En langage moderne le chiffre des centaines est trop petit)

De plus il peut facilement constater qursquoen additionnant agrave ce reacutesultat le nombre de la troisiegraveme ligne agrave partir du bas il va obtenir deux symboles suivis de deux symboles

La somme serait donc plus grande que le dividende qui est formeacute de deux symboles

suivi drsquoun seul symbole Cette somme serait plus grande que le dividende ce qui signifie que le nombre de la troisiegraveme ligne agrave partir du bas ne fait pas partie du deacutevelop-pement du dividende en somme de multiples du diviseur Il faut biffer cette ligne dans le tableau

En ajoutant plutocirct le nombre de la quatriegraveme ligne agrave partir du bas et en comparant le reacutesultat au dividende il constate que cette somme est plus petite que le dividende (elle ne contient pas le symbole alors que le dividende en a un et le diviseur est plus petit que )

Il ajoute alors le nombre de la ligne du haut En comparant le dividende et la somme obtenue le scribe peut facilement constater que le reste est 3

En effectuant la somme des nombres conser-veacutes dans la colonne de droite le scribe deacuteter-mine le quotient Il a donc obtenu

219 = 27 times 8 + 3

De nos jours on eacutecrirait le quotient

2738

ou 27375

Comparaison

Comparaison

SommeDividende

SommeDividende

SommeDividende

Le reste est ce qui manquepour avoir lrsquoeacutegaliteacute soit

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DossierHistoire

Pour repreacutesenter une fraction le scribe eacutegyptien inscrivait lrsquohieacuteroglyphe au-dessus drsquoun nombre Ainsi pour repreacutesenter la fraction 112 le scribe doit eacutecrire Cette faccedilon de faire a un inconveacutenient le numeacuterateur des fractions est toujours lrsquouniteacute (sauf pour 23 pour lequel on disposait drsquoun hieacuteroglyphe particulier)

Pour indiquer 38 le scribe devait donc consideacuterer que 38 = 14 + 18 et eacutecrire

Reacuteglettes de Napier et extraction de racinesLa multiplication et la division en numeacuteration eacutegyptienne illustrent le fait qursquoun algorithme deacutepend du systegraveme de numeacuteration utiliseacute Il peut aussi deacutependre de lrsquoinstrument de calcul utiliseacute Napier a deacuteveloppeacute un algorithme pour extraire une racine carreacutee agrave lrsquoaide de ses reacuteglettes5

Lrsquoalgorithme de Napier repose sur la meacutethode traditionnelle laquo agrave la main raquo pour extraire une racine carreacutee6 Il considegravere une reacuteglette suppleacutementaire (en jaune dans les illustrations) repreacutesentant les car-reacutes des nombres de 1 agrave 9 Lrsquoalgo-rithme srsquoapplique agrave un nombre srsquoeacutecrivant avec un nombre pair de chiffres que lrsquoon divise en tranches de deux chiffres (si ce nrsquoest pas le cas on ajoute un 0 agrave la gauche du nombre) Effectuons lrsquoextraction de

la racine carreacutee du nombre 463 856

Dans ce nombre la premiegravere tranche de deux chiffres est 46 Le plus grand chiffre dont le carreacute est infeacuterieur agrave 46 est 6 Crsquoest le premier chiffre du reacutesultat

463 856 6=

En soustrayant de 46 le carreacute de 6 on obtient 10 et on abaisse les deux chiffres suivant du nombre agrave extraire

463 85636ndash10 3 8

On dispose dans le plateau les reacuteglettes du double du premier chiffre du reacutesultat (ici les reacuteglettes 1 et 2 pour 12) suivies de la reacuteglette

jaune et on repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutediatement 1 038 dans ceux repreacutesenteacutes par les lignes du plateau Sur la huitiegraveme ligne on lit 1 024

Le deuxiegraveme chiffre de la racine carreacutee est donc 8

463 856 68=

On soustrait 1 024 de 1 038 ce qui donne 14 et on abaisse la tranche des deux chiffres suivants du nombre agrave extraire ce qui donne 1 456

On double le second chiffre de la racine 2 times 8 = 16 que lrsquoon ajoute au nombre 12 deacutejagrave formeacute en le multipliant par 10 soit 12 times 10 + 16 =136

On dispose dans le plateau les reacuteglettes du nombre 136 suivis de la reacuteglette jaune et on

5 Les algorithmes pour la multiplication et la division agrave lrsquoaide de reacuteglettes ont eacuteteacute preacutesen-teacutes dans lrsquoarticle laquoJohn Napierraquo Accromath Vol 14 hiver-printemps 2019

6 Lrsquoalgorithme traditionnel pour la racine carreacutee fait lrsquoobjet du problegraveme laquo Racines cristallines raquo drsquoAccromath (vol 11 eacuteteacute-automne 2016 p 32) en lien avec le texte laquo Glanures matheacutematico-litteacuteraires (II) raquo de Bernard R Hodgson

Le symbole deacutesigne une addition alors que indique

une soustraction

0

0

0

0

0

0

0

0

2

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2

2

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6

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3

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5

6

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1 3 6 1

2 7 2 4

4 0 8 9

5 4 5 6

6 8 2 5

8 1 9 6

9 5 6 9

1 0 9 4 4

1 2 3 2 1

0

0

0

0

0

0

0

0

2

3

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5

6

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1

1

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1 2 1

2 4 4

3 6 9

4 9 6

6 2 5

7 5 6

8 8 9

1 0 2 4

11 6 1

0

0

1

2

3

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6

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1

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Plus grand carreacuteinfeacuterieur agrave 47

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutediate-ment 1 456 Sur la premiegravere ligne on a 1 361 Le troisiegraveme chiffre de la racine est donc 1

463 856 681=

En soustrayant 1 361 de 1 456 on obtient 95 Crsquoest la derniegravere tranche de deux chiffres du nombre dont on veut extraire la racine on ajoute une virgule deacutecimale et on abaisse 00 pour obtenir 9 500

On double le troisiegraveme chiffre de la racine 2 times 1 = 2 que lrsquoon ajoute au nombre deacutejagrave formeacute que lrsquoon multiplie par 10 soit 136 times 10 + 2 =1 362 On dispose dans le

plateau les reacuteglettes du nombre 1 362 suivis de la reacuteglette jaune On remarque que le nombre sur la ligne 1 est plus grand que 9500 On ajoute un 0 apregraves la virgule deacutecimale

463 856 6810=

et on abaisse agrave nouveau 00 ce qui donne 950 000 On intercale la reacuteglette de 0 avant la reacuteglette jaune

On repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutedia-tement 950 000 crsquoest 817 236 sur la ligne 6 Le deuxiegraveme chiffre apregraves la virgule deacutecimale est donc 6 Ce qui donne

463 856 68106=

On poursuit ainsi en abaissant 00 agrave chaque eacutetape jusqursquoagrave ce que lrsquoon obtienne la preacuteci-sion chercheacutee

Pour y voir plus clairOn cherche agrave exprimer le nombre dont on veut extraire la racine carreacutee sous la forme

463 856 = (a times 102 + b times 10 + c)2 + Rcar il est clair que la partie entiegravere de cette racine carreacutee srsquoeacutecrit avec trois chiffres

Agrave chaque eacutetape du calcul on exprime le nombre comme somme drsquoun carreacute parfait et drsquoun terme reacutesiduel allant chercher un des trois chiffres a b et c agrave la fois

Agrave la premiegravere eacutetape on a donc

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6times102)2 + 103 856

Agrave lrsquoissue de la seconde eacutetape on obtient

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6times102 + 8times10)2 +1 456

Et agrave lrsquoissue de la troisiegraveme eacutetape on obtient enfin

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6 times 102 + 8 times 10 + 1)2 + 95

La partie entiegravere de la racine carreacutee de 463 856 est donc 681 Pour trouver la partie deacutecimale de cette racine il srsquoagit maintenant de poursuivre les calculs sur la partie reacutesiduelle R = 95

ConclusionLe vocable algorithme est devenu drsquousage courant avec lrsquoavegravenement des ordinateurs Cependant des algorithmes ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes tregraves tocirct dans lrsquohistoire Degraves que les premiers systegravemes de numeacuteration sont apparus on a deacuteveloppeacute des algorithmes pour effec-tuer les opeacuterations usuelles addition soustraction multiplication division En cherchant agrave reacutesoudre des problegravemes plus eacutelaboreacutes comme lrsquoextraction de racines ou la recherche du pgcd de deux nombres entiers il a fallu deacutevelopper drsquoautres algorithmes plus pousseacutes et parfois eacutetonnants

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2

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136201

272404

408609

544816

681025

817236

953449

1089664

1225881

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Doss

ierA

pplic

atio

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Pierre de Fermat est tregraves connu pour son grand theacuteoregraveme concernant la non-existence de solutions entiegraveres positives

de lrsquoeacutequation xn + yn = zn pour chaque entier n ge 3 Toutefois une de ses plus importantes contributions

aux matheacutematiques modernes est sa meacutethode tout agrave fait originale pour factoriser des grands nombres

Plusieurs considegraverent Fermat comme le fondateur (avec Blaise Pascal) de la theacuteorie des probabiliteacutes et comme un preacutecurseur du calcul diffeacuterentiel par sa meacutethode de recherche des maximums et des minimums drsquoune fonction Toutefois sa meacutethode tout agrave fait originale pour factoriser des grands nombres est une de ses plus grandes contribu-tions aux matheacutematiques modernes et crsquoest souvent un fait dont lrsquoimportance est neacutegligeacutee

Comment fait-on pour laquo factoriser raquo un nombre Drsquoentreacutee de jeu il est bien drsquoexpliquer ce qursquoon veut-on dire par laquo factoriser raquo un nombre Drsquoabord rappelons que selon le theacuteoregraveme fondamental de lrsquoarithmeacutetique tout entier supeacuterieur agrave 1 peut srsquoeacutecrire comme un produit de nombres premiers et cette repreacutesentation est unique si on eacutecrit ses facteurs premiers en ordre croissant Ainsi le nombre 60 peut srsquoeacutecrire comme 60 = 22times3times5 et cette factori-sation est unique

Est-il important de connaicirctre la factorisation drsquoun nombre La reacuteponse est OUI agrave tout le moins depuis quelques deacutecennies plus preacuteciseacutement depuis 1978 anneacutee de la creacuteation de la meacutethode de chiffrement RSA largement utiliseacutee de nos jours pour seacutecuriser les transactions bancaires Cette meacutethode tient au fait que bien qursquoil soit facile de multiplier des nombres il est en contrepartie tregraves difficile de faire le chemin inverse crsquoest-agrave-dire de prendre un grand nombre composeacute et de trouver ses facteurs premiers Drsquoougrave la course sur la planegravete pour trouver des algorithmes de factorisation de plus en plus performants qui pourraient laquo casser raquo le code RSA Crsquoest ainsi qursquoen 1976 agrave lrsquoaide des algorithmes connus et des ordinateurs de lrsquoeacutepoque on estimait qursquoil faudrait plus de 1020 anneacutees pour arriver agrave factoriser 2251 ndash 1 un nombre de 76 chiffres Aujourdrsquohui en utilisant un logiciel de calcul installeacute sur un ordinateur de bureau il est possible drsquoobtenir cette factorisation en moins drsquoune minute

Jean-Marie De KoninckUniversiteacute Laval

Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres

Pierre de Fermat (1601-1665) Le matheacutematicien fran-ccedilais Pierre de Fermat eacutetait drsquoabord et avant tout un avocat et un officiel du gouverne-

ment dans la ville de Toulouse Dans ses temps libres il exerccedilait sa passion pour les matheacutematiques et la physique Mecircme si on peut le qualifier de laquo matheacutematicien amateur raquo il est neacuteanmoins passeacute agrave lrsquohistoire comme fondateur de la theacuteorie moderne des nombres

Nombre premier et nombre composeacute

Un entier n gt 1 est appeleacute nombre premier sil nest divisible que par 1 et par lui-mecircme Ainsi 7 est un nombre premier car ses seuls diviseurs entiers sont 1 et 7 alors que 6 nest pas premier puisquil est non seulement divisible par 1 et 6 mais il lest aussi par 2 et 3 Un entier n gt 1 qui nest pas premier est appeleacute nombre composeacute

Nombre premier

Nombres composeacutes

2 times 5 = 10

3 times 5 = 15

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Cependant le veacuteritable deacutefi est drsquoecirctre en me-sure de factoriser des nombres arbitraires de 300 chiffres et plus ce qui est preacutesentement impossible mecircme agrave lrsquoaide drsquoordinateurs tregraves puissants Drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la recherche de nouveaux algorithmes de factorisation

Comment srsquoy prendre pour factoriser un nombre Comment pourrions-nous proceacuteder pour factoriser un nombre composeacute dont on ne connaicirct agrave priori aucun facteur De toute eacutevidence on srsquointeacuteresse ici seulement agrave la factorisation des nombres impairs car autre-ment il suffit de diviser par 2 le nombre agrave factoriser jusqursquoagrave ce qursquoil laquo devienne raquo impair Agrave titre drsquoexemple pour trouver la factorisa-tion du nombre n = 11 009 on peut utiliser lrsquoapproche tout agrave fait naturelle qui consiste agrave examiner successivement la divisibiliteacute

de n par chacun des nombres premiers 3 5 7 11 et ainsi de suite En proceacutedant ainsi on constate eacuteventuellement que ce nombre n est divisible par 101 et que n =101 times 109 menant du coup agrave la factorisation 11 009 = 101 times 109 Bravo Mais avouez que cela a eacuteteacute un peu laborieux car on a ducirc veacuterifier la divisibiliteacute de n par chacun des nombres premiers infeacuterieurs agrave 101 Drsquoail-leurs on se convainc aiseacutement que pour un nombre arbitraire n il aurait fallu veacuterifier la divisibiliteacute par chacun des nombres premiers plus petits que n Cela veut dire que pour un nombre de 200 chiffres il faudrait veacuterifier sa divisibiliteacute par tous les nombres premiers de moins de 100 chiffres un travail colossal Crsquoest pourquoi il est leacutegitime de se demander srsquoil existe des meacutethodes plus efficaces pour factoriser des nombres Or justement Pierre de Fermat en a trouveacute une qui srsquoavegravere drsquoune simpliciteacute deacuteconcertante (Voir encadreacute ci-bas)

Pour illustrer sa meacutethode Fermat a choisi le nombre

n = 2 027 651 281

La meacutethode de factorisation de Fermat Dentreacutee de jeu on peut supposer que le nombre n agrave fac-toriser nest pas un carreacute parfait car sinon on sattardera tout simplement agrave la factorisation du nombre m = nDeacutebutons avec un exemple Si on vous demande de factoriser le nombre 899 peut-ecirctre allez-vous eacutecrire

899 = 900 ndash 1 = 302 ndash 12

= (30 ndash 1)(30 + 1) = 29 times 31

et le tour est joueacute Quelle chance que 899 soit une diffeacuterence de deux carreacutes nest-ce pas Non pas du tout car en reacutealiteacute cest le cas de tout entier posi-tif impair composeacute et cest lideacutee de base de la meacutethode de factorisation de Fermat En effet pour un tel entier n il existe neacutecessairement deux entiers a gt b ge 1 tels que n = a2 ndash b2 auquel cas

n = (a ndash b)(a + b)

Pourquoi Supposons que n = rs avec 1 lt r lt s On peut facilement veacuterifier que les nombres a = (s + r) 2 and b = (s ndash r)2 sont tels que n = a2 ndash b2 Mais com-ment fait-on pour trouver ces deux entiers a et b Certes on a n = a2 ndash b2 lt a2 et donc a gt n auquel cas a ge n + 1 Ici x deacutesigne le plus grand entier le x Commenccedilons donc par poser a = n + 1 Si a2 ndash n est un carreacute parfait disons a2 ndash n = b2 alors nous avons trouveacute a et b comme requis Autrement (cest-agrave-dire si a2 ndash n nest pas un carreacute parfait) on choisit a = n + 2 et ainsi de suite jusquagrave ce que lon trouve un entier positif k tel que le nombre a = n + k soit tel que a2 ndash n est un carreacute parfait que lon eacutecrit alors comme b2 Ce processus a une fin en ce sens quon va eacuteventuelle-ment trouver un nombre b tel que b2 = a2 ndash n et cela parce que lon sait deacutejagrave que b = (s ndash r)2 fait laffaire

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Il obtient drsquoabord que n = 45 029 et commence ainsi avec

a = 45 029 + 1 = 45 030

comme 45 0302 ndash 2 027 651 281 = 49 619 nrsquoest pas un carreacute parfait il pose ensuite a = 45 031 qui ne produit pas non plus de carreacute parfait et ainsi de suite jusqursquoagrave ce qursquoil pose a = 45 041 qui donne

= minus

= =

b 45 041 2 027 651 281

1 040 400 1 020

2

Fermat conclut alors que n = 2 027 651 281 = 45 0412 ndash 1 0202 = (45 041 ndash 1 020)(45 041 + 1 020) = 44 021 times 46 061

Si on choisit de programmer cette meacutethode avec le logiciel de calcul Python1 on peut eacutecrire ceci (dans le cas particulier n = 2 027 651 281)

ce qui donnera

a = 45 041 et b = 1 020 et

n = 44 021times46 061

La meacutethode de Fermat est-elle reacuteellement efficace La reacuteponse courte est laquo Cela deacutepend de la nature du nombre agrave factoriser raquo2 Afin de donner une reacuteponse preacutecise agrave cette question eacutevaluons le nombre drsquoopeacuterations eacuteleacutementaires neacutecessaires pour exeacutecuter la meacutethode de Fermat Par laquo opeacuteration eacuteleacutementaire raquo on en-tend lrsquoaddition la soustraction la

multiplication la division lrsquoeacuteleacutevation agrave une puissance et lrsquoextraction de la racine carreacutee Une opeacuteration eacuteleacutementaire est aussi parfois appeleacutee une laquo eacutetape raquo On dira drsquoun algo-rithme qursquoil est laquo rapide raquo srsquoil srsquoexeacutecute en peu drsquoeacutetapes

Eacutetant donneacute un entier positif n qui nrsquoest pas un carreacute parfait on dit que les nombres d1 et d2 sont les diviseurs milieux de n si d1 est le plus grand diviseur de n infeacuterieur agrave n et d2 =nd1 On peut alors deacutemontrer que le nombre k drsquoeacutetapes requises pour factoriser n via la meacutethode de Fermat est exactement

k =d1 +d2

2 d1d2

soit essentiellement la diffeacuterence entre la moyenne arithmeacutetique et la moyenne geacuteo-meacutetrique des diviseurs d1 et d2 En effet comme on lrsquoa vu ci-dessus (encadreacute p 9) on a

Exeacutecuter lrsquoalgorithme de Fermat consiste donc agrave chercher le plus petit entier k ge1 tel que

n + k( )2 n est un entiera

Or n + k = a implique que k = a ndash n et cela entraicircne

k =d1 +d2

2 d1d2

Pour quels entiers lrsquoalgorithme de Fermat est-il rapide Le temps drsquoexeacutecution pour factoriser un en-tier n en utilisant lrsquoalgorithme de Fermat sera court si ses diviseurs milieux sont pregraves lrsquoun de lrsquoautre crsquoest-agrave-dire pregraves de n (voir lrsquoencadreacute p 11) En contrepartie si les divi-seurs milieux sont eacuteloigneacutes lrsquoun de lrsquoautre alors exeacutecuter la meacutethode de Fermat peut prendre davantage de temps que la simple veacuterification de la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers (voir lrsquoencadreacute p 12)

DossierApplications

1 Logiciel libre que lrsquoon peut teacuteleacutecharger gratuitement sur Internet

2 Voir Section problegravemes

On doit deacuteterminer a et b tels que

n = a2 ndash b2ougrave n et b sont les cathegravetes drsquoun triangle rectangle drsquohypoteacutenuse a Le cocircteacute b est tel que

b2 = a2 ndash n Lrsquohypoteacutenuse doit ecirctre plus grande que les cathegravetes soit

a gt nOn calcule a2 ndash n pour les entiers plus grands n soit

a = n + 1 a = n + 2

a = n + kLorsque (a2 ndash n) est un car-reacute parfait b2 on a alors

a2 ndash n = b2

drsquoougrave n = a2 ndash b2 = (a ndash b)(a + b)On en conclut que n est fac-torisable puisque (a ndash b) et (a + b) en sont des facteurs

La meacutethode de Fermat en image

aa2 gt n

a gt bb2 = a2 ndash n

n

nCarreacutedrsquoaire n

a + b

a ndash b

a ndash b

a + b

a + b

a

b

b

Rectangle drsquoaire n

import math

n = 2 027 651 281

a=mathfloor(mathsqrt(n))+1

b=mathsqrt(a2-n)

while b =int(b)

a+=1

print (a= d et b= d ---gt n= d x d (int(a)int(b)int(a-b)int(a+b))

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Tirer le maximum de la meacutethode de Fermat Comme on vient de le voir si la distance qui seacutepare les diviseurs milieux drsquoun entier n est grande la meacutethode de Fermat est peu efficace On peut contourner ce problegraveme en veacuterifiant au preacutealable la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers3 Par exemple supposons qursquoon ose srsquoattaquer agrave la factorisation du nombre de 16 chiffres n = 489 + 3 = 1 352 605 460 594 691 Appli-quer naiumlvement la meacutethode de Fermat nous amegravenera sans doute agrave abandonner notre ap-proche une fois rendu agrave quelques millions drsquoeacutetapes Une approche plus senseacutee consiste agrave drsquoabord identifier les possibles petits fac-teurs premiers de n soit en veacuterifiant la divisi-biliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave 10 000 ou 100 000 disons ce qursquoon sera en mesure de reacutealiser tregraves rapidement agrave lrsquoaide drsquoun logiciel de calcul Crsquoest ainsi qursquoon deacute-couvre que notre nombre n est divisible par 3 et 1 249 Le problegraveme se ramegravene alors agrave factoriser le nombre

=times

=nn

3 1 249360 983 576 3531

Appliquer la meacutethode de Fermat agrave ce nou-veau nombre donne

n1 = 587 201 times 614 753

et cela apregraves seulement 157 eacutetapes En ras-semblant nos calculs on obtient finalement que

n = 1 352 605 460 594 691

= 3 times 1 249 times n1

= 3 times 1 249 times 587 201 times 614 753

Dans cet exemple nous avons eacuteteacute chanceux car les deux plus grands facteurs premiers de n eacutetaient proches lrsquoun de lrsquoautre Il va de soi que ce nrsquoest pas toujours le cas Crsquoest pour-quoi si apregraves avoir eacutelimineacute les petits facteurs premiers de n la meacutethode de Fermat prend trop de temps agrave deacutevoiler ses grands facteurs premiers il est rassurant de savoir qursquoil existe drsquoautres avenues

Compliquer le problegraveme pour mieux le simplifier Une autre approche pour factoriser un nombre n est drsquoappliquer la meacutethode de Fermat agrave un nombre plus grand que n lui-mecircme en fait agrave un multiple de n Prenons par exemple le nombre n = 54 641 Comme ce nombre est relativement petit la meacutethode de Fermat trouvera sa factorisation agrave savoir n = 101 times 541 en 87 eacutetapes un nombre neacuteanmoins plutocirct grand compte tenu de la petite taille de n Toutefois si on avait su que lrsquoun des facteurs premiers de n eacutetait approximativement 5 fois son autre facteur premier on aurait pu preacutealablement multiplier n par 5 permet-tant ainsi au nouveau nombre 5n drsquoavoir ses

Algorithme (application rapide) lorsque les diviseurs milieux sont proches

Si les diviseurs milieux d1 lt d2 dun nombre n sont tels que la distance ∆ = d21048576ndash d1 qui les seacutepare satisfait agrave ∆ lt d1 et si k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n il deacutecoule de k =

d1 +d2

2 d1d2 que

kd d

d d

d dd

2( ) 1

21 1

1 11 1

1 11

lt + + minus + +

= + minus + +

Par ailleurs on peut montrer que lineacutegaliteacute

+ gt + minusyy y

1 12 8

2tient pour tout y isin (0 1)

Pour sen convaincre il suffit deacutelever chacun de ses cocircteacutes au carreacute et dutiliser le fait que y lt 1 En posant y = ∆d1 dans lrsquoineacutegaliteacute preacuteceacutedente il deacutecoule alors que

lt + minus + minus

+ = +k d dd d d2

112

18

118

11 11

2

12

2

1

lequel nombre est laquo petit raquo en autant que ∆ ne soit pas trop grand Ainsi pour n = 20 099 = 101 times 199 on obtient que

lttimes

+ ltk98

8 1011 13

2

un nombre deacutetapes relativement petit

3 Plus geacuteneacuteralement pour calculer le plus grand commun diviseur de deux entiers on peut utiliser lrsquoalgorithme drsquoEuclide lequel est tregraves rapide (voir lrsquoarticle laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo p 2 de ce numeacutero)

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DossierApplications

diviseurs milieux essentiellement du mecircme ordre de grandeur de sorte que la meacutethode de Fermat appliqueacutee au nombre 5n aurait reacuteveacuteleacute ses facteurs 505 et 541 en une seule eacutetape Il aurait ensuite suffi de veacuterifier lequel de 505 et de 541 avait laquo heacuteriteacute raquo du facteur artificiel 5 ce qui est bien sucircr tregraves facile agrave faire Voila qui est bien facile lorsqursquoon sait qursquoun des facteurs est proche drsquoun multiple drsquoun autre facteur une information dont on ne dispose malheureusement pas agrave lrsquoavance

Peut-on neacuteanmoins explorer cette approche pour un nombre composeacute arbitraire Lrsquoideacutee serait de consideacuterer le nombre n times r pour un choix approprieacute de r Par exemple si n = pq et r = uv nous aurons nr = pu times qv et si nous sommes chanceux les deux nouveaux diviseurs pu et qv (de nr) seront suffisamment proches lrsquoun de lrsquoautre pour nous permettre drsquoappli-quer lrsquoalgorithme de Fermat avec succegraves En 1974 utilisant un raffinement de cette ideacutee R Sherman Lehman est parvenu agrave montrer que lrsquoon peut en effet acceacuteleacuterer la meacutethode de Fermat et de fait factoriser un entier im-pair n en seulement n13 eacutetapes

Les nombreuses ameacuteliorations de lrsquoideacutee originale de FermatEst-il possible de faire encore mieux Dans les anneacutees 1920 Maurice Kraitchik ameacute-liorait la meacutethode de Fermat et on sait aujourdrsquohui que son approche a constitueacute la base des principales meacutethodes modernes de factorisation des grands nombres Lrsquoideacutee de Kraitchik est la suivante plutocirct que de cher-cher des entiers a et b tels que n = a2 ndash b2 il suffit de trouver des entiers u et v tels que u2 ndash v2 est un multiple de n Par exemple sachant que 1272 ndash 802 est un multiple du nombre n = 1 081 on peut encore une fois profiter de lrsquoidentiteacute

u2 ndash v2 = (u ndash v)(u + v)

Dans notre cas on peut eacutecrire que

1272 ndash 802 = (127 ndash 80)(127 + 80)

= 47 times207

Algorithme (application lente) lorsque les diviseurs milieux sont eacuteloigneacutes

Supposons par exemple que lon cherche agrave factoriser un nombre n de 20 chiffres qui en reacutealiteacute est le produit de deux nombres premiers lun fait de 5 chiffres et lautre de 15 chiffres Il deacutecoule alors de la for-mule

k =d1 +d2

2 d1d2

ougrave k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n par la meacutethode de Fermat qursquoon aura

gt+

minus

gt gt

k n10 10

2

102

ndash10 10

4 14

1410 13

alors quen testant simplement la divi-sibiliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave n lt 1010 cela aurait eacuteteacute au moins mille fois plus rapide

Maurice Kraitchik 1882-1957Matheacutematicien et vulgarisateur scientifique belge Kraitchik sest surtout inteacuteresseacute agrave la theacuteorie des nombres et aux matheacutematiques reacutecreacuteatives

Il est lrsquoauteur de plusieurs ouvrages sur la theacuteorie des nombres reacutedigeacutes entre 1922 et 1930 De 1931 agrave 1939 il a eacutediteacute la revue Sphinx un mensuel consacreacute aux matheacutematiques reacutecreacuteatives Eacutemigreacute aux Etats-Unis lors de la Seconde Guerre mondiale il a enseigneacute agrave la New School for Social Research agrave New York Il srsquoest particuliegraverement inteacuteresseacute au thegraveme geacuteneacuteral des reacutecreacuteations matheacutematiques

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Comme tout facteur premier de n doit obli-gatoirement ecirctre un facteur de 47 ou de 207 et comme 207 = 9 times 23 on peut rapidement conclure que n = 23 times 47 Bien sucircr pour que cette approche soit efficace il faut eacutelaborer des astuces permettant de trouver des multiples du nombre agrave factoriser qui puissent srsquoeacutecrire comme une diffeacuterence de deux carreacutes Or crsquoest preacuteciseacutement ce que plusieurs matheacutematiciens ont reacuteussi agrave faire au cours du vingtiegraveme siegravecle

Ougrave en est-on aujourdrsquohui On a vu qursquoen optimisant la meacutethode origi-nale de Fermat R Sherman Lehman pouvait factoriser un entier n en environ n13 eacutetapes Or dans les anneacutees 1980 en faisant intervenir des outils matheacutematiques plus avanceacutes dont des notions drsquoalgegravebre lineacuteaire Carl Pomerance a davantage peaufineacute la meacutethode originale de Fermat et creacuteeacute une nouvelle meacute-thode de factorisation connue sous le nom de crible quadratique On sait montrer que dans la pratique avec le crible quadratique

il suffit drsquoau plus timese n n(ln ) ln(ln ) eacutetapes pour factoriser un nombre arbitraire n ce qui peut faire une eacutenorme diffeacuterence lorsqursquoil srsquoagit de factoriser de tregraves grands nombres Crsquoest ain-si que le crible quadratique permet de facto-riser un nombre n de 75 chiffres en moins de

=

lt lt

times timese e

e 10 eacutetapes

ln(10 ) ln(ln10 ) 75ln10 ln(75ln10)

299 13

75 75

alors que la meacutethode de Lehman en requiert environ 1025

Et dire que toute cette panoplie de meacutethodes de factorisation ont leur origine dans une ideacutee de Fermat datant de plus de trois siegravecles et demi

Une belle application de la meacutethode de Fermat

On peut montrer que tout entier de la forme 4k4 + 1 peut ecirctre factoriseacutee en utilisant la meacutethode de Fermat en une seule eacutetape

Soit n = 4k4 + 1 On observe drsquoabord que

n 4k 4 +1= = 2k2

En utilisant la meacutethode de Fermat on choisit drsquoabord

a = n + 1 = 2k2 + 1

On veacuterifie ensuite si a2 ndash n est un carreacute parfait Pour y arriver on eacutecrit

a2 ndash n = (2k2 + 1)2 ndash (4k4 + 1)

= 4k4 + 4k2 + 1 ndash 4k4 ndash 1 = 4k2

qui est un carreacute parfait

On peut donc conclure quen posant 4k2 = b2 on a

n = a2 ndash b2 = (2k2 + 1)2 ndash (2k)2

= (2k2 ndash 2k + 1)(2k2 + 2k + 1)

ce qui fournit la factorisation souhaiteacutee

On peut utiliser cette information pour trouver par exemple la factorisation complegravete de n = 258 + 1

En effet commen = 4 times 256 + 1 = 4 times (214)4 + 1

est bien de la forme 4k4 +1 la meacutethode de Fermat devrait nous fournir ses deux diviseurs milieux du premier coup Effective-ment on a

a = n + 1 = 2k2 + 1 = 536 870 913

On a tout de suite

a2 ndash n = 10 73 741 824 = 32 7682 = b2

de sorte que

n = a2 ndash b2

= (53 68 70 913 ndash 32 768)(53 68 70 913 + 32 768)

= 53 68 38 145 times 53 69 03 681

Comme le premier de ces deux facteurs est de toute eacutevidence un multiple de 5 on peut donc conclure que

n = 258 + 1 = 5 times 107 367 629 times 536 903 681

fournissant ainsi la factorisation souhaiteacutee

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Doss

ierA

pplic

atio

ns

Il est facile drsquoemmecircler un fil de pecircche alors qursquoil est tregraves difficile de le deacutemecircler De mecircme certaines opeacuterations sur les nombres

sont faciles dans un sens et difficiles dans lrsquoautre On les appelle opeacuterations agrave sens unique Elles sont utiliseacutees pour la cryptographie

Lorsque vous envoyez votre numeacutero de carte de creacutedit par Internet agrave un site proteacutegeacute le logiciel crypte celui-ci par le code RSA du nom de ses inventeurs Ronald Rivest Adi Shamir et Leonard Adleman

Historiquement les codes secrets ont tous eacuteteacute perceacutes Mais le code RSA publieacute en 1978 reacutesiste encore malgreacute tous les efforts de la communauteacute matheacutematique pour le briser Il repose sur le fait que si on prend deux tregraves grands nombres premiers distincts p et q et qursquoon les multiplie pour obtenir n = pq alors il est hors de porteacutee des ordinateurs actuels2 de reacutecupeacuterer p et q Ainsi on peut se permettre de publier n la cleacute qui sert au cryptage sans crainte que quiconque puisse reacutecupeacuterer p et q qui servent au deacutecryptage Ce proceacutedeacute srsquoappelle la cryptographie agrave cleacute publique parce que la recette de cryptage est publique

Aussi surprenant que cela puisse paraicirctre il est facile pour un ordinateur de fabri-quer de grands nombres premiers Plusieurs algorithmes geacuteneacuterant de grands nombres premiers sont probabilistes Nous allons en preacutesenter un ci-dessous

Dans la cryptographie agrave cleacute publique les mes-sages sont des nombres m infeacuterieurs agrave n On demandera drsquoeacutelever le nombre m agrave une tregraves grande puissance e ougrave e est un nombre qui est eacutegalement public Le message encrypteacute a est le reste de la division de me par n Tou-jours surprenant il est facile pour un or-dinateur de calculer ce reste mecircme si m et e ont chacun 200 chiffres Nous allons voir comment Le deacutecryptage se fait de maniegravere symeacutetrique en calculant le reste de la division de ad par n Mais d est inconnuhellip et pour le calculer il faut connaicirctre p et q et donc factoriser n Donc seul le concepteur qui a choisi p et q peut lire le message

Combien de temps reacutesistera le code RSA Si ce nrsquoeacutetait que des progregraves de la factorisation des entiers et de lrsquoaugmentation de la puis-sance des ordinateurs il pourrait reacutesister en-core longtemps quitte agrave allonger un peu la cleacute n Mais crsquoest sans compter sur la preacute-sence possible drsquoun nouveau venu lrsquoordina-teur quantique Cet ordinateur nrsquoexiste pas encore Par contre un algorithme rapide de factorisation sur un ordinateur quantique lrsquoalgorithme de Shor existe depuis 1997 Nous allons nous pencher sur lrsquoideacutee de cet algorithme

Christiane Rousseau Universiteacute de Montreacuteal

2 Voir lrsquoarticle laquo Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres raquo de Jean-Marie De Koninck p 8 de ce numeacutero

Comme 1 est le pgcd1 de e et de φ(n) on peut eacutecrire via lrsquoalgo-rithme drsquoEuclide

1 = 10 times 1 456 ndash 633 times 23Donc 1 = 10 times 1 456 ndash (1 456-823) times 23ou encore

1= ndash13 times 1 456 + 823 times 23Comme 823 times 23 =13 times 1 456 + 1 le reste de la division de ed par φ(n) vaut bien 1

1 Voir laquo Algorithmes dans lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

Calculer le reste de la division de me par nEacutecrivons la deacutecomposition de e = 23 en somme de puissances de 2

e = 1 + 2 + 4 + 16

Alors

m e = m m2 m4 m16

On va donc y aller pas agrave pas pour calculer ces puissances et agrave chaque eacutetape on va diviser par n Le reste de la division de m2 par n est 1 126 Remarquons que m4 = (m2)2 Le reste de la division de m4 par n est donc le mecircme que le reste de la division de 1 1262 par n

1 1262 = 823n + 1 388

De mecircme le reste de la division de m8 par n est le mecircme que le reste de la division de 1 3882 par n

1 3882 = 1 253n + 683

Finalement le reste de la division de m16 par n est le mecircme que le reste de la division de 6832 par n

6832 = 303n + 778

On remet le tout ensemble Le reste de la division de m23 par n est le mecircme que le reste de la division de

1 234 1 126 1 388 778

par n qui est bien a = 1 300 Dans la ligne qui preacutecegravede on peut aussi alterner entre faire des

multiplications et diviser les produits partiels par n pour ne pas laisser grossir les expressions Ces calculs sont faciles pour des ordinateurs mecircme quand les nombres sont tregraves grands

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un exemple de fonctionnement du code RSAAline veut pouvoir recevoir des mes-sages secrets de Bernard Elle construit donc un systegraveme agrave cleacute publique pour re-cevoir de tels messages Elle prend les nombres premiers p = 29 et q = 53 La cleacute est n =1 537 Elle aura besoin du nombre

φ(n) = (p ndash 1)(q ndash 1) = 1 456

Elle choisit e relativement premier avec φ(n) par exemple e = 23 Soit d = 823 Il a eacuteteacute construit pour que le reste de la division de ed par φ(n) soit 1 (voir encadreacute ci-contre) Pour ce il fallait connaitre φ(n) et donc la factorisation de n ce qui est difficile pour quelqursquoun ne connaissant pas p et q Aline publie n et e Bernard veut lui envoyer le message

m = 1 234

Pour le crypter il lrsquoeacutelegraveve agrave la puissance e = 23 et le divise par n Ceci lui donne le message crypteacute

a = 1 300

qursquoil envoie agrave Aline Celle-ci utilise d connu drsquoelle seule pour calculer le reste de la divi-sion de ad par n Ce reste est preacuteciseacutement le message m = 1 234

Lrsquoexemple eacutetait avec de petits nombres Mais comment faire les calculs quand les nombres sont gros Il faut se rappeler que ce qui nous inteacuteresse ce ne sont pas les nombres me et

ad mais seulement le reste de leur division par n Alors il ne faut pas laisser grossir les calculs Il faut plutocirct alterner entre prendre des puissances et diviser par n (Voir deacutetails dans lrsquoencadreacute)

Construire de grands nombres premiersLrsquoideacutee est la suivante Si on veut construire un grand nombre premier de 100 chiffres on geacutenegravere au hasard un nombre de 100 chiffres et on laquo teste raquo srsquoil est premier Srsquoil ne lrsquoest pas on recommence avec un autre nombre geacuteneacute-reacute au hasard jusqursquoagrave ce qursquoon tombe sur un nombre premier

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Premiegravere question combien faut-il faire de tests en moyenne Un nombre de 100 chiffres est un nombre de lrsquoordre de 10100 Le theacuteoregraveme des nombres premiers nous dit que si N est grand il y a environ N ln N nombres premiers infeacuterieurs ou eacutegaux agrave N Si on choisit au ha-sard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 la chance qursquoil soit premier est donc drsquoenviron

N1

ln1

ln101

100ln101

230100= = =

On peut faire mieux la moitieacute des nombres sont pairs et parmi les nombres impairs on peut eacuteliminer les multiples de 5 Donc si on choisit au hasard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 qui se termine par 1 3 7 ou 9 on a une chance sur 92 qursquoil soit pre-mier (40 des nombres se terminent par 1 3 7 9 et 410 de 230 donne 92) Ceci signi-fie qursquoen moyenne apregraves 92 tests on a trou-veacute un nombre premier Faire 92 tests est fa-cile pour un ordinateur

Ceci nous amegravene agrave la deuxiegraveme question que signifie laquo tester raquo qursquoun nombre p est pre-mier On a appris agrave le faire en cherchant si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p ce qui revient agrave factoriser partiellement p Mais factoriser est difficile pour un ordinateurhellip

On peut faire mieux Srsquoil est facile de tester si un nombre p est premier crsquoest parce qursquoon peut le faire sans factoriser p Lrsquoideacutee est la suivante Si p nrsquoest pas premier il laisse

ses empreintes partout Dans le test de primaliteacute de Miller-Rabin si p nrsquoest pas pre-mier au moins les trois-quarts des nombres entre 1 et p ont une empreinte de p crsquoest-agrave-dire qursquoils sont des teacutemoins du fait que p nrsquoest pas premier Le test pour deacutecider si un nombre est un teacutemoin est un peu tech-nique (voir encadreacute page ci-contre) Mais ce test est facile pour un ordinateur On choisit au hasard des nombres a1 am le p Si lrsquoun des ai est un teacutemoin on conclut que p nrsquoest pas premier Si aucun des ai nrsquoest un teacutemoin alors p a une tregraves grande chance drsquoecirctre pre-mier Par exemple si m = 100 la chance que p ne soit pas premier sachant que a1 am ne sont pas des teacutemoins est infeacuterieure ou eacutegale agrave 10ndash58 soit tregraves tregraves petite

Peut-on se fier agrave un algorithme probabiliste Les informaticiens le font reacuteguliegraverement degraves qursquoils ont besoin de grands nombres premiers et on nrsquoobserve pas de catas-trophe autour de nous On voit drsquoailleurs qursquoon pourrait transformer cet algorithme probabiliste de primaliteacute en algorithme deacute-terministe il suffirait de tester au moins le quart des nombres a isin 2 p ndash1 Si aucun nrsquoest un teacutemoin alors on peut affir-mer avec certitude que p est premier Mais cet algorithme serait sans inteacuterecirct car il requerrait de regarder si p4 nombres sont des teacutemoins alors que lrsquoalgorithme usuel de factorisation demande de regarder si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p et

pp4

lt degraves que p gt 16

Casser le code RSA sur un ordinateur quantiqueEn 1997 Peter Shor a annonceacute un algo-rithme qui casserait le code RSA sur un ordinateur quantique qui nrsquoexiste pas encorehellip Que signifie cette affirmation Lrsquoalgorithme de Shor est simplement un autre algorithme de factorisation Il fonc-tionnerait sur un de nos ordinateurs mais il serait moins bon que les meilleurs algo-rithmes de factorisation La limite de nos ordinateurs est le paralleacutelisme On ne peut faire qursquoun nombre limiteacute drsquoopeacuterations en parallegravele

DossierApplications

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Quelques avantages de la cryptographie agrave cleacute publique

La cryptographie agrave cleacute publique est tregraves utile quand des milliers de personnes par exemple des clients peuvent vouloir envoyer leur numeacutero de carte de creacutedit agrave une mecircme compagnie

La meacutethode drsquoencryptage est publique et seule la compagnie peut deacutecrypter les messages chiffreacutes

Un autre avantage est que deux interlocuteurs nrsquoont pas besoin drsquoeacutechanger de lrsquoinformation secregravete par exemple une cleacute pour communiquer de maniegravere seacutecuritaire Il suffit que chacun publie son systegraveme de cryptographie agrave cleacute publique

Le systegraveme RSA permet de signer un message pour srsquoassurer qursquoil provient bien de la bonne personne Dans notre exemple pour que Bernard signe son message il faut qursquoil construise son propre sys-tegraveme agrave cleacute publique dont il publie la cleacute nrsquo et la cleacute de cryptage ersquo Il se servira de sa cleacute de deacutecryptage drsquo pour apposer sa signature sur le message

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un ordinateur est composeacute de transistors qui fonctionnent agrave la maniegravere drsquointerrup-teurs en ayant deux positions OUVERT et FERMEacute que lrsquoon peut coder comme des bits drsquoinformation 0 ou 1 Un nombre de 200 chiffres est infeacuterieur agrave 10200 lt 2665 et donc peut srsquoeacutecrire avec 665 bits Tester srsquoil a un diviseur premier infeacuterieur agrave 10100 lt 2333 revient agrave regarder toutes les suites de 333 bits eacutegaux agrave 0 ou 1 Un travail titanesque sauf si lrsquoordinateur a un grand paralleacutelisme Dans un ordinateur quantique les bits drsquoinformation sont des bits quantiques ils peuvent ecirctre dans un eacutetat superposeacute entre 0 et 1 Lrsquoimage que lrsquoon pourrait donner est celle drsquoun sou Une fois lanceacute il tombe sur PILE ou sur FACE Mais avant de le lancer il a probabiliteacute 12 de tomber sur PILE et probabiliteacute 12 de tomber sur FACE On pourrait dire qursquoil est dans un eacutetat superposeacute Le fait que m bits quantiques soient dans un eacutetat superposeacute implique qursquoils peuvent faire simultaneacutement les 2m opeacutera-tions diffeacuterentes correspondant agrave tous les choix de valeurs 0 ou 1 pour chacun des bits Par contre de mecircme que notre sou tombe neacutecessairement sur PILE ou sur FACE degraves qursquoon veut observer un bit quantique il prend neacutecessairement la valeur 0 ou la valeur 1 et donc on ne peut observer le reacutesultat de tous les calculs faits en parallegravele La subtiliteacute de lrsquoalgorithme de Shor vient du fait qursquoon pourra reacutecupeacuterer le reacutesultat du calcul lequel donne une factorisation de p si p nrsquoest pas premier

Le nombre 15 a eacuteteacute factoriseacute sur un ordi-nateur quantique en 2007 et en 2012 on a factoriseacute 143 = 11x13 Les progregraves semblent lents depuis ce temps Le deacutefi technologique de lrsquoordinateur quantique est de maintenir de nombreux bits en eacutetat superposeacute Ce recircve deviendra-t-il reacutealiteacute Mecircme si les progregraves semblent lents les experts y croient de plus en plus

Tester si un nombre est un teacutemoinOn veut tester si p impair est premier Alors on peut eacutecrire p ndash 1 qui est pair comme p ndash 1 = 2sd ougrave d est impair

(Il suffit de diviser p ndash 1 par 2 successive-ment jusqursquoagrave ce que le quotient soir im-pair) Soit a isin 2 p ndash1

Critegravere pour ecirctre teacutemoin Si a est un teacute-moin que p nrsquoest pas premier alors on a simultaneacutement que le reste de la division de ad par p est diffeacuterent de 1 et que les restes de la division de a d2r

par p sont diffeacuterents de p ndash 1 pour tous les r isin 0 s ndash1

Regardons un premier exemple Prenons p = 13 Alors p ndash 1 = 22 3 Ici d = 3 et s = 2 Voyons que p nrsquoa aucun teacutemoin

La premiegravere colonne du tableau agrave gauche donne a la deuxiegraveme colonne donne

le reste de la division de ad = a3 par p et la troisiegraveme colonne le reste de la division de a2d = a6 par p

On voit bien que pour chaque a soit on a un 1 dans le premiegravere colonne ou bien un 1 ou un 12 dans la deuxiegraveme colonne et donc aucun a nrsquoest un teacutemoin de 13 On sait alors que 13 est premier

Refaisons lrsquoexercice avec p = 15 Alors p ndash 1 = 2 7 Comptons combien p a de teacutemoins Ici la deuxiegraveme colonne repreacutesente le reste de la division de ad= a7 par p Tous les a sauf 14 sont des teacutemoins et chacun nous dit que 15 nrsquoest pas premier

Mais bien sucircr apprendre qursquoun nombre a est un teacutemoin que p nrsquoest pas premier ne nous apprend rien de la factorisation de p

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1212121211

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a23456789

1011121314

Le fonctionnement de lrsquoalgorithme de Shor

On veut factoriser un entier n Lrsquoalgo-rithme de Shor cherche un diviseur d de n qui soit diffeacuterent de 1 et de n Ensuite on peut iteacuterer en cherchant un diviseur de lrsquoentier S = nd Voyons qursquoil suffit de trouver un entier r tel que n divise r2 ndash 1 = (r ndash 1)(r + 1) mais n ne divise ni r ndash 1 ni r + 1 Puisque n divise r2 ndash 1 il existe un entier m tel que r2 ndash 1 = mn Soit p un facteur premier de n Alors p divise r ndash 1 ou encore p divise r + 1 Dans le premier cas d est le pgcd de r ndash 1 et n et dans le deuxiegraveme cas celui de r + 1 et n Calculer le pgcd de deux nombres par lrsquoalgorithme drsquoEuclide3 est facile pour un ordinateur Comment construire un tel entier r est un peu technique et nous ne ferons pas les deacutetails

3 Voir laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

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Si la notion de logarithme paraicirct aujourdrsquohui tout agrave fait naturelle sa conceptualisation et sa mise en œuvre au plan pratique au deacutebut

du 17e siegravecle nrsquoont point eacuteteacute une mince affaire Premiers eacutepisodes de cette foisonnante saga

Peu de temps apregraves leur introduction par John Napier (1550-1617) au tout deacutebut du 17e siegravecle les logarithmes se sont rapidement imposeacutes comme un laquo merveilleux raquo1 outil essentiel en astronomie et en navigation deux domaines scientifiques particuliegraverement avanceacutes agrave cette eacutepoque et qui venaient avec leur lot de calculs proprement titanesques Crsquoest dans un tel contexte qursquoil faut entendre le ceacutelegravebre aphorisme ducirc au matheacutematicien physicien et astronome franccedilais Pierre-Simon Laplace2 (1749-1827) qui srsquointeacuteressant dans le cadre drsquoun survol historique de lrsquoastronomie aux travaux de Johannes Kepler (1571-1630) affirmait que la deacutecouverte des logarithmes mdash combineacutee agrave lrsquoarithmeacutetique des Indiens crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecriture des nombres dans un systegraveme positionnel mdash avait pour ainsi dire doubleacute la vie des astronomes (voir encadreacute)

La preacutehistoire des logarithmesIssu entiegraverement de lrsquolaquo esprit humain raquo selon les dires de Laplace le concept de logarithme repose sur une ideacutee somme toute assez na-turelle consideacuterant diverses puissances drsquoun mecircme nombre on porte lrsquoattention sur les exposants de ces puissances Par exemple srsquoagissant des entiers

64 256 1024 et 4096crsquoest-agrave-dire respectivement

43 44 45 et 46on envisage plutocirct les exposants

3 4 5 et 6

Sur la base de ces donneacutees on pourrait conclure immeacutediatement mdash si on dispose drsquoune table de puissances de 4 mdash que

256 times 4 096 = 1 048 576prenant appui sur le fait que

44 times 46 = 44 + 6 = 410

(on applique ici une regravegle de base des exposants qui va de soi lorsque ceux-ci sont des entiers naturels) Il nrsquoest pas eacutetonnant que des telles intuitions aient pu se retrouver il y a fort longtemps

Jeacuterocircme Camireacute-Bernier

Bernard R Hodgson Universiteacute Laval

1 Renvoi agrave lrsquoeacutepithegravete mirifique (archaiumlque de nos jours) utiliseacutee par Napier lui-mecircme Lrsquoex-pression mirifique invention de notre titre est emprunteacutee agrave Jean-Pierre Friedelmeyer (voir le Pour en savoir plus)

2 Alias Pierre-Simon de Laplace Aussi homme politique il fut nommeacute marquis en 1817 (drsquoougrave la particule nobiliaire)

Laplace agrave propos des logarithmeslaquo Il [Kepler] eut dans ses derniegraveres anneacutees lrsquoavantage de voir naicirctre et drsquoemployer la deacutecouverte des logarithmes due agrave Neper baron eacutecossais artifice admirable ajouteacute agrave lrsquoingeacutenieux algorithme des Indiens et qui en reacuteduisant agrave quelques jours le travail de plusieurs mois double si lrsquoon peut ainsi dire la vie des astronomes et leur eacutepargne les erreurs et les deacutegoucircts inseacuteparables des longs calculs invention drsquoautant plus satis-

faisante pour lrsquoesprit humain qursquoil lrsquoa tireacutee en entier de son propre fonds dans les arts lrsquohomme se sert des mateacuteriaux et des forces de la nature pour accroicirctre sa puissance mais ici tout est son ouvrage raquo

Exposition du systegraveme du monde Livre V Chapitre IV

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

Un peu de vocabulaire

Eacutetant donneacute deux reacuteels (positifs) x et y leur moyenne arithmeacutetique

est donneacutee par x y2+ et leur moyenne geacuteomeacutetrique par xy

Ces appellations trouvent leur origine dans les matheacutematiques grecques de lrsquoAntiquiteacute notamment de lrsquoeacutepoque de Pythagore

Lrsquoarithmeacutetique de lrsquoeacutecole pythagoricienne portant sur lrsquoeacutetude des entiers (et des rapports simples drsquoentiers) on voit immeacutediatement pourquoi la premiegravere moyenne est dite laquo arithmeacutetique raquo Quant agrave la moyenne laquo geacuteomeacutetrique raquo elle fait intervenir une opeacuteration qui megravene agrave des grandeurs geacuteneacuteralement au-delagrave du champ des entiers Or le domaine qui eacutetudie les grandeurs par exemple les segments de droite est justement la geacuteomeacutetrie

On peut montrer que dans une suite arithmeacutetique un terme donneacute (agrave partir du deuxiegraveme) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins Et de mecircme mutatis mutandis pour une suite geacuteomeacutetrique (Voir la Section problegravemes)

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Ainsi sur la partie infeacuterieure de la tablette meacutesopotamienne MLC 020783 datant drsquoentre 1900 et 1600 avant notre egravere se trouve le tableau ci-haut (les nombres sont donneacutes ici en notation moderne et non en eacutecriture cu-neacuteiforme) on y reconnaicirct immeacutediatement la liste des premiegraveres puissances de 2 ainsi que les exposants correspondants

Lrsquousage a consacreacute lrsquoexpression suite arith-meacutetique (ou progression arithmeacutetique selon une tournure un brin suranneacutee) pour une liste de nombres qui comme dans la colonne de droite de ce tableau croissent (ou deacutecroissent) reacuteguliegraverement de maniegravere additive

a a + d a + 2d a + nd

a repreacutesentant le premier terme de la suite et d la diffeacuterence entre deux termes conseacute-cutifs mdash crsquoest-agrave-dire de combien lrsquoun de ces termes est plus grand que lrsquoautre4 (Le tableau preacuteceacutedent correspond au cas ougrave a = 1 et d = 1) Lorsque les nombres de la liste sont relieacutes multiplicativement

a ar ar2 arn

on parlera de suite (ou progression) geacuteomeacute-trique la constante r repreacutesentant cette fois le rapport entre deux termes conseacutecutifs mdash crsquoest-agrave-dire combien de fois lrsquoun est plus grand que lrsquoautre4 (Dans la colonne de gauche du tableau on a a = 2 et r = 2) (Voir lrsquoencadreacute Un peu de vocabulaire pour le sens des mots laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo dans un tel contexte)

Selon cette nomenclature la tablette MLC 02078 peut donc srsquointerpreacuteter comme la mise en comparaison de deux suites lrsquoune arithmeacutetique et lrsquoautre geacuteomeacutetrique Ce type de situation se retrouve agrave diverses eacutepoques au fil des acircges Ainsi en est-il question dans un autre document de lrsquoAntiquiteacute LrsquoAreacutenaire traiteacute dans lequel Archimegravede (-287 ndash -212) se donne comme objectif de deacuteterminer le nombre de grains de sable dont le volume serait eacutegal agrave celui du laquo monde raquo5 Parmi les outils dont se sert alors le grand matheacutematicien grec se retrouve la manipulation simultaneacutee drsquoune suite arithmeacutetique et drsquoune suite geacuteomeacutetrique ce qui lrsquoamegravene (en termes modernes) agrave identifier au passage la regravegle drsquoaddition des exposants

bm times bn = bm +n

(voir la Section problegravemes) et donc le prin-cipe de transformation drsquoune multiplication en une addition agrave la base des logarithmes

3 Pour Morgan Library Collection Cette tablette se retrouve dans la collection de lrsquoUniversiteacute Yale aux Eacutetats-Unis

4 Cette faccedilon de parler est utiliseacutee par Euler lorsqursquoil introduit les notions de rapports arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique dans ses Eacuteleacutements drsquoalgegravebre (1774) mdash voir Section troisiegraveme laquo Des rapports amp des propor-tions raquo entre autres les articles 378 398 et 505

5 Une des difficulteacutes auxquelles fait ici face Archimegravede est de reacutealiser cet objectif dans le cadre du systegraveme de numeacuteration grec qui nrsquoeacutetait pas propice pour exprimer aiseacutement de tregraves grands nombres Mais cela est une autre histoirehellip

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Tablette MLC 02078 (1900-1600 avant notre egravere)

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Cette mecircme ideacutee se retrouve plusieurs siegravecles plus tard dans Le Triparty en la science des nombres (1484) du Franccedilais Nicolas Chuquet (1445-1488) Dans la troisiegraveme partie de cet ouvrage Chuquet introduit des regravegles cal-culatoires de nature algeacutebrique Il srsquointeacuteresse alors notamment aux valeurs des puis-sances de 2 depuis 1 jusqursquoagrave 1 048 576 qursquoil aligne en colonnes avec les exposants entiers correspondants (qursquoil appelle laquo deacuteno-minations raquo) de 0 jusqursquoagrave 20 et note que la multiplication de nombres de la premiegravere colonne correspond agrave lrsquoaddition de nombres dans la seconde Il identifie aussi une autre regravegle de base des exposants

b b( )m n mn=(encore une fois exprimeacutee ici en notation moderne) Agrave noter que Chuquet utilise une notation avec indice sureacuteleveacute (comme nous le faisons aujourdrsquohui)6 et qursquoen plus de lrsquoexposant 0 il considegravere des exposants (entiers) neacutegatifs Au milieu du 16e siegravecle lrsquoAllemand Michael Stifel (1487-1567) reprendra les mecircmes thegravemes dans son Arithmetica integra (1544) ougrave il parle expli-citement de la relation entre une progression arithmeacutetique et une progression geacuteomeacutetrique Crsquoest drsquoailleurs agrave Stifel que lrsquoon doit le vocable exposants pour deacutesigner les nombres de la suite arithmeacutetique en jeu

Si quelques-uns des principes servant de fondements agrave la notion de logarithme se per-ccediloivent dans les commentaires qui preacutecegravedent on est encore loin du logarithme en tant que tel Pour qursquoune correspondance entre une suite geacuteomeacutetrique et une suite arithmeacutetique devienne un veacuteritable outil de calcul il faut en effet laquo boucher les trous raquo entre les puissances (entiegraveres) successives Il peut ecirctre inteacuteressant comme le souligne Chuquet de conclure gracircce agrave sa table des puissances de 2 que le produit de 128 et 512 est 65 536 Mais cela ne nous renseigne en rien par exemple sur le produit 345 times 678 On voit mecircme Chuquet dans un appendice au Tripar-ty chercher agrave reacutesoudre des problegravemes dans lesquels un exposant fractionnaire est rechercheacute mdash mais sans deacutevelopper pour autant drsquoapproche systeacutematique agrave cette fin

Certains eacuteleacutements (timides) agrave cet eacutegard se retrouvent il y a fort longtemps Ainsi le tableau numeacuterique ci-contre figure lui aussi sur la tablette MLC 02078 (dans sa partie supeacuterieure) On y voit une progression arith-meacutetique de diffeacuterence frac-tionnaire ecirctre juxtaposeacutee agrave une progression geacuteomeacutetrique agrave savoir des puissances de 16 Mais peu semble avoir eacuteteacute fait pour pousser plus loin de telles asso-ciations jusqursquoagrave lrsquoarriveacutee de Napier

Les logarithmes agrave la NapierTout eacutetudiant est aujourdrsquohui familier avec le fait que le passage drsquoun nombre donneacute agrave son logarithme (selon une certaine base) revient agrave identifier lrsquoexposant dont il faut affecter cette base pour retrouver le nombre en cause Ayant fixeacute un reacuteel b (positif et diffeacuterent de 1) et consideacuterant un reacuteel positif x le logarithme de x dans la base b noteacute logbx est donc par deacutefinition lrsquoexposant (reacuteel) u tel que bu = x Une telle vision il faut le souligner demeure relativement tardive par rapport agrave lrsquointuition originale de logarithme nrsquoeacutetant devenue la norme que pregraves drsquoun siegravecle et demi apregraves les travaux de lrsquoEacutecossais John Napier7 mdash voir lrsquoencadreacute Les traiteacutes de Napier mdash lorsque Leonhard Euler (1707-1783) en a fait la pierre drsquoassise de son traitement de la fonction logarithmique8 dans son Introduc-tio in analysin infinitorum (1748) Acceptant les proprieacuteteacutes de la fonction exponentielle bu pour des reacuteels b et u quelconques on tire im-meacutediatement de cette deacutefinition la proprieacuteteacute de base du logarithme

logb xy = logb x + logb y

ce qui permet de transformer une multi-plication en une addition de mecircme que les eacutegaliteacutes similaires pour le logarithme drsquoun quotient ou drsquoune puissance

DossierHistoire

6 La notation exponentielle aujourdrsquohui usuelle telle a2 ou a3 se reacutepandra apregraves son utilisa-tion par Reneacute Descartes (1596-1650) dans son traiteacute La geacuteomeacutetrie (1637)

7 Voir Andreacute Ross laquo John Napier raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 8-11

8 Cette approche drsquoEuler peut ecirctre vue comme une illustration remarquable de lrsquoim-pact drsquoune bonne notation en vue de clarifier et faciliter la deacutemarche de la penseacutee

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

On observera que lrsquoideacutee drsquoun lien entre deux suites lrsquoune geacuteomeacutetrique et lrsquoautre arithmeacutetique bien que sous-jacente agrave la derniegravere eacutegaliteacute nrsquoest pas pour autant expli-citement mise en eacutevidence dans cette vision moderne (post-euleacuterienne) du logarithme Or agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier introduit ses loga-rithmes lrsquoideacutee de laquo fonction raquo nrsquoest pas dans lrsquoair du temps mdash elle ne surgira de fait que vers la fin du 17e siegravecle dans la mouvance des travaux sur le calcul infiniteacutesimal mdash de sorte que la comparaison de suites (geacuteomeacutetrique et arithmeacutetique) demeure la principale source drsquoinspiration de ses travaux

Une autre mouvance de lrsquoeacutepoque visait agrave se doter drsquooutils permettant de simplifier lrsquoexeacutecution de calculs arithmeacutetiques portant sur de gros nombres Dans un texte preacuteceacute-dent9 nous avons preacutesenteacute entre autres la meacutethode de prosthapheacuteregravese utiliseacutee vers la fin du 16e siegravecle en vue de transformer une multiplication en addition ou une division en soustraction La populariteacute de telles meacutethodes notamment dans les cercles astronomiques a certainement contribueacute agrave convaincre Napier de lrsquoimportance de deacuteve-lopper des outils permettant de raccourcir les calculs y compris dans le cas de lrsquoexponen-tiation ou de lrsquoextraction de racine Il en fait drsquoailleurs mention explicitement dans la preacute-face de son Descriptio Soulignant le caractegravere peacutenible dans la pratique des matheacutematiques de la multiplication division ou extraction de racine carreacutee ou cubique de grands nombres Napier insiste non seulement sur le temps re-quis pour exeacutecuter ces opeacuterations mais aus-si sur les nombreuses erreurs qui peuvent en reacutesulter Agrave la recherche drsquoune meacutethode sucircre et expeacuteditive afin de contourner ces difficul-teacutes il annonce qursquoapregraves lrsquoexamen de plusieurs proceacutedeacutes il en a retenu un qui rencontre ses attentes

laquo Agrave la veacuteriteacute aucun proceacutedeacute nrsquoest plus utile que la meacutethode que jrsquoai trouveacutee Car tous les nombres utiliseacutes dans les multiplica-tions les divisions et les extractions ar-

dues et prolixes de racines sont rejeteacutes des opeacuterations et agrave leur place sont substitueacutes drsquoautres nombres sur lesquels les calculs se font seulement par des additions des soustractions et des divisions par deux et par trois raquo10

La vision geacuteomeacutetrico- cineacutematique de NapierUn troisiegraveme eacuteleacutement sur lequel srsquoappuie Napier dans sa creacuteation des logarithmes est la geacuteomeacutetrie mdash plus preacuteciseacutement la geacuteomeacutetrie du mouvement Il a en effet lrsquoideacutee de comparer le deacuteplacement de deux points lrsquoun bougeant selon une vitesse11 variant de maniegravere telle que les distances parcourues en des intervalles de temps eacutegaux forment une progression geacuteomeacute-trique tandis que lrsquoautre point bougeant agrave vitesse constante deacute-termine des distances en progression arith-meacutetique Le support geacuteomeacutetrique dont se sert alors Napier peut se deacutecrire comme suit

9 Voir laquo Eacutemergence logarithmique tables et calculs raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 2-7

10 Tireacute de la preacuteface du Mirifici logarithmorum canonis descriptio (traduction personnelle)

11 Napier introduit lrsquoideacutee de mouvement degraves la deacutefinition 1 du Descriptio Il utilise explicite-ment le terme laquo vitesse raquo agrave la deacutefinition 5

Les traiteacutes de NapierCrsquoest degraves lrsquoanneacutee 1594 que Na-pier entame les travaux qui lrsquoamegraveneront agrave la notion de loga-rithme En 1614 il fait connaicirctre son invention en publiant un premier traiteacute sur le sujet mdash reacutedigeacute en latin la langue des savants de lrsquoeacutepoque Mirifici lo-garithmorum canonis descrip-tio (crsquoest-agrave-dire Description de la merveilleuse regravegle des loga-rithmes) Il srsquoagit de la premiegravere publication drsquoune table de lo-garithmes qui occupent les 90 derniegraveres pages du traiteacute Cette table est preacuteceacutedeacutee drsquoun texte de 57 pages ougrave Napier explique

ce que sont les logarithmes et comment les utiliser

Un second traiteacute de Napier sur le sujet est un ouvrage reacutedigeacute avant la parution du Descriptio mais publieacute par lrsquoun de ses fils seulement en 1619 deux ans apregraves sa mort Mirifici loga-rithmorum canonis constructio (Construction de la merveilleuse regravegle des logarithmes) Dans un texte drsquoenviron 35 pages (ac-compagneacute drsquoappendices) Na-pier preacutesente la theacuteorie sur la-quelle il srsquoest appuyeacute pour construire sa table

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Eacutetant donneacute un segment AB de longueur deacutetermineacutee il considegravere un point P partant de A avec une vitesse initiale donneacutee et se deacuteplaccedilant vers B en une seacuterie de laquo pas raquo P1 P2 P3 Pn

Napier stipule (Descriptio deacutefinition 2) que la vitesse de deacuteplacement de P le long de AB deacutecroicirct de maniegravere telle que en des temps eacutegaux la longueur de chacun des inter-valles AP1 P1P2 P2P3 P3P4 successivement parcourus par P est proportionnelle agrave la dis-tance seacuteparant P de sa cible B (lorsqursquoil est agrave lrsquoextreacutemiteacute gauche de chaque intervalle)12

APAB

P PP B

P PP B

P PP B

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On tire immeacutediatement de ces eacutegaliteacutes que

P BAB

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P BP B

P BP B

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3

= = = =

(voir la Section problegravemes) de sorte que la suite de segments AB P1B P2B P3B qui correspond aux distances entre les diverses positions de P et lrsquoextreacutemiteacute B forme une suite geacuteomeacutetrique deacutecroissante (Construc-tio article 24) la longueur de chacun drsquoeux est en effet la moyenne geacuteomeacutetrique de ses deux voisins Napier considegravere alors un second point Q se deacuteplaccedilant agrave vitesse constante sur une demi-droite (donc illimiteacutee dans un sens) et de maniegravere telle qursquoau moment ougrave P passe par Pi le point Q est en un point Qi = i (voir la Section problegravemes)

Lrsquoideacutee de Napier est drsquoassocier la suite arith-meacutetique

0 1 2 3 n

correspondant aux positions successives de Q agrave la suite geacuteomeacutetrique deacutetermineacutee par les segments

AB P1B P2B P3B PnB

Mais pour que cette association soit com-plegravete il faut la geacuteneacuteraliser agrave un emplacement quelconque de P sur AB outre les positions laquo discregravetes raquo P1 P2 P3 Voici le tour de passe-passe permettant agrave Napier de contourner cette difficulteacute

Puisque des distances parcourues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est propor-tionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (voir la Section problegravemes) Ainsi quand P est agrave mi-chemin dans son trajet de A vers B sa vitesse a diminueacute de moitieacute par rapport agrave sa vitesse initiale Et quand il est rendu aux deux-tiers de lrsquointervalle AB sa vitesse ne vaut plus que le tiers de celle de deacutepart

Passant agrave une vision laquo lisse raquo mdash et non plus par laquo pas raquo mdash du deacuteplacement de P Napier en vient agrave consideacuterer ce point comme chan-geant laquo continucircment raquo de vitesse13 mdash et non pas de maniegravere abrupte et instantaneacutee en chaque point Pi Pour rester dans les mecircmes conditions que preacuteceacutedemment il suppose donc que P se deacuteplace laquo geacuteomeacute-triquement raquo de A vers B crsquoest-agrave-dire de maniegravere telle que la vitesse de P est toujours proportionnelle agrave la distance qui le seacutepare de B (Constructio article 25)

Les laquo logarithmes agrave la Napier raquo sont main-tenant agrave porteacutee de main Supposant drsquoune part que les deux points P et Q entament leur deacuteplacement agrave la mecircme vitesse le premier selon une vitesse deacutecroissant geacuteomeacutetriquement de A vers B et le second agrave vitesse constante agrave partir de 0 et suppo-sant de plus que le point Q est en y lorsque le point P est agrave une distance x de B alors y est appeleacute par Napier le logarithme de x (On eacutecrira ici par commoditeacute y = Nlog(x))

Crsquoest ainsi que le logarithme du reacuteel x est le reacuteel y deacutetermineacute par la suite arithmeacutetique associeacutee agrave la suite geacuteomeacutetrique correspon-dant agrave x

DossierHistoire

12 On notera au passage que le point P nrsquoat-teint ainsi jamais sa cible B car agrave chaque eacutetape il gruge toujours la mecircme fraction du chemin restant agrave parcourir

13 Napier nrsquoutilise pas explicitement une telle terminologie

0 y

x

Q rarrA

P rarr

B

A

P1 P2 P3 P4 Pn

B

0 1 2 3 4 n

Q1 Q2 Q3 Q4 Qn

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Valeurs numeacuteriques des logarithmes de NapierPlusieurs aspects de la notion de logarithme telle que conccedilue et mise en œuvre par Na-pier peuvent nous sembler un peu eacutetranges aujourdrsquohui On a deacutejagrave insisteacute sur la place qursquoy occupent les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique maintenant absentes du discours sur les logarithmes Une autre par-ticulariteacute est relieacutee aux valeurs numeacuteriques mecircmes deacutetermineacutees par Napier

Une motivation cleacute de Napier eacutetait de construire un outil facilitant les calculs tri-gonomeacutetriques un domaine drsquoapplication des matheacutematiques de toute premiegravere importance agrave son eacutepoque Crsquoest pour cette raison que la table produite par Napier dans son Descriptio repose non pas sur des nombres en geacuteneacuteral mais plutocirct sur le sinus des angles allant de 0deg agrave 90deg chaque degreacute eacutetant diviseacute en 60 minutes Agrave chacune de ces valeurs de sinus (il y en a donc 5 400 en tout) Napier associe son logarithme tel que deacutefini ci-haut

Il faut par ailleurs souligner que la notion de sinus de lrsquoeacutepoque nrsquoest pas tout agrave fait la mecircme qursquoaujourdrsquohui le sinus est alors non pas vu comme un rapport de cocircteacutes dans un triangle mais plutocirct comme la longueur drsquoune demi-corde dans un cercle donneacute Afin de faciliter les calculs il eacutetait drsquousage de travailler avec un cercle de grand rayon de maniegravere agrave eacuteviter lrsquoemploi de fractions et agrave se res-treindre agrave des nombres naturels Or agrave la fin du 16e siegravecle agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier entreprit ses travaux crsquoest sur un cercle de rayon 10 000 000 que srsquoappuyaient certaines des tables trigonomeacutetriques alors en circula-tion14 Crsquoest sans doute lagrave la raison pour laquelle Napier deacutecide de se servir de cette mecircme valeur pour asseoir la construction de sa table logarithmique

Il se dote donc drsquoun segment AB de longueur 107 = 10 000 000 (Constructio article 24) et il suppose que la vitesse initiale de chacun des deux points P et Q est aussi 107 (Constructio articles 25 et 26) Dans le cas de Q cette

vitesse demeure constante alors que pour P elle deacutecroicirct laquo geacuteomeacutetriquement raquo15 Or le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique doit permettre de combler les eacutecarts entre des puissances entiegraveres successives mdash voir agrave ce propos les commentaires plus haut mdash de sorte qursquoil est utile que ce rapport soit un nombre pregraves de 1 Agrave cet effet Napier choisit comme rapport

0999 999 9 11

107= minus

(Constructio articles 14 et 16) Une telle valeur a aussi comme avantage que le calcul de termes successifs de la progression geacuteomeacutetrique peut se ramener agrave une seacuterie de soustractions plutocirct que des multiplica-tions iteacutereacutees par 1 ndash 10ndash7 ce qui a permis agrave Napier de simplifier dans une large mesure la construction de sa table Cette construction demeure neacuteanmoins en pratique un accom-plissement eacutepoustouflant

On observera que les valeurs numeacuteriques des logarithmes creacuteeacutes par Napier sont fort diffeacuterentes de celles que lrsquoon connaicirct aujourdrsquohui Ainsi on a que Nlog(107) = 0 Et Nlog(x) deacutecroicirct lorsque x croicirct De plus il nrsquoest pas question de laquo base raquo dans les propos de Napier (voir agrave ce sujet la Section problegravemes) Mais lrsquoessence du logarithme est bel et bien lagrave

14 De telles tables trigonomeacutetriques ont eacuteteacute construites par Johann Muumlller alias Regio-montanus (1436-1476) et par Georg Joachim de Porris dit Rheticus (1514-1574)

15 Les valeurs choisies par Napier ont pour conseacutequence que la vitesse de P (en tant que nombre) est non seulement proportion-nelle mais est de fait eacutegale agrave la distance de P agrave B (voir la Section problegravemes)

Agrave propos de lrsquoeacutetymologie du mot logarithme

Napier a forgeacute le mot logarithme agrave partir de deux racines grecques drsquousage courant logoς laquo rapport raquo et ariqmoς laquo nombre raquo On peut voir le mot rapport ici comme refleacutetant le rapport commun des termes successifs de la suite geacuteomeacutetrique AB P1B P2B P3B

Au commencement de ses travaux Napier appelait nombres artificiels les valeurs de la suite arithmeacutetique peut-ecirctre pour les opposer aux nombres de la suite geacuteomeacute-trique qui eacutetaient en quelque sorte don-neacutes Mais le terme logarithme srsquoest rapide-ment imposeacute

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Doss

ierA

pplic

atio

ns

Comment ameacuteliorer une solution imparfaite agrave un problegraveme complexe

Et si on srsquoinspirait de la nature pour faire eacutevoluer les solutions

Lrsquoinspiration de la nature En 1859 le naturaliste Charles Darwin a publieacute son ceacutelegravebre ouvrage Lrsquoorigine des espegraveces qui preacutesentait une theacuteorie visant agrave expliquer le pheacutenomegravene de lrsquoeacutevolution Cette theacuteorie reacutevolutionnaire a provoqueacute plusieurs deacutebats agrave lrsquoeacutepoque mais elle est maintenant largement accepteacutee Environ 100 ans plus tard elle a inspireacute le professeur John Holland qui a tenteacute drsquoimpleacutementer artificiellement des systegravemes eacutevolutifs baseacutes sur le proces-sus de seacutelection naturelle Ces travaux ont

ensuite meneacute aux algorithmes geacuteneacutetiques qui sont maintenant utiliseacutes pour obtenir des solutions approcheacutees pour certains problegravemes drsquooptimisation difficiles

Les eacuteleacutements de base drsquoun algorithme geacuteneacutetiqueAfin de comprendre lrsquoanalogie entre le processus de seacutelection naturelle et un algo-rithme geacuteneacutetique rappelons tout drsquoabord les meacutecanismes les plus importants qui sont agrave la base de lrsquoeacutevolution

1 Lrsquoeacutevolution se produit sur des chromo-somes qui repreacutesentent chacun des individus dans une population

2 Le processus de seacutelection naturelle fait en sorte que les chromo-somes les mieux adapteacutes se reproduisent plus souvent et contribuent davantage aux popu- lations futures

3 Lors de la reproduction lrsquoinfor- mation contenue dans les chromosomes des parents est combineacutee et meacutelangeacutee pour produire les chromosomes des enfants (laquo croisement raquo)

4 Le reacutesultat du croisement peut agrave son tour ecirctre modifieacute par des perturbations aleacuteatoires (muta-tions)

Ces meacutecanismes peuvent ecirctre utiliseacutes pour speacutecifier un algorithme geacuteneacutetique tel que celui deacutecrit dans lrsquoencadreacute ci-dessous

Charles Fleurent GIRO

Algorithmes geacuteneacutetiques

Les travaux sur lrsquoeacutevolution des espegraveces vivantes du natura-liste et paleacuteontologue anglais Charles Darwin (1809-1882) ont reacutevolutionneacute la biologie Dans son ouvrage intituleacute LrsquoOrigine des espegraveces paru en 1859 Darwin preacutesente le reacutesultat de ses recherches Darwin eacutetait deacutejagrave ceacutelegravebre au sein de la communauteacute scientifique de son eacutepoque

pour son travail sur le terrain et ses recherches en geacuteologie Ses travaux srsquoinscrivent dans la fouleacutee de ceux du natura-liste franccedilais Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) qui 50 ans plus tocirct avait eacutemis lrsquohypothegravese que toutes les espegraveces vivantes ont eacutevolueacute au cours du temps agrave partir drsquoun seul ou de quelques ancecirctres communs Darwin a soutenu avec Alfred Russel Wallace (1823-1913) que cette eacutevolution eacutetait due au processus dit de la laquo seacutelection naturelle raquo

Comme il naicirct beaucoup plus drsquoindividus de chaque espegravece qursquoil nrsquoen peut survivre et que par conseacutequent il se produit souvent une lutte pour la vie il srsquoensuit que tout ecirctre srsquoil varie mecircme leacutegegraverement drsquoune maniegravere qui lui est profitable dans les conditions complexes et quelque-fois variables de la vie aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi drsquoune faccedilon naturelle En raison du principe dominant de lrsquoheacutereacutediteacute toute varieacuteteacute ainsi choisie aura tendance agrave se multiplier sous sa forme nouvelle et modifieacutee

Charles Darwin 1859 Introduction agrave LrsquoOrigine des espegraveces

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Pour adapter un algorithme geacuteneacutetique agrave un problegraveme drsquooptimisation combinatoire il suf-fit alors de speacutecialiser certaines composantes agrave la structure particuliegravere de ce dernier En geacuteneacuteral les deacutecisions portent sur les aspects suivants

Codage des solutions il faut eacutetablir une correspondance entre les solutions du problegraveme et les chromosomes

Opeacuterateurs geacuteneacutetiques il faut deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation pour les chromosomes

Eacutevaluation des chromosomes la me-sure drsquoadaptation des chromosomes agrave leur environnement est donneacutee par une fonction qui est calculeacutee par un processus plus ou moins complexe

Il existe plusieurs moyens pour mettre en œuvre certains des meacutecanismes importants drsquoun algorithme geacuteneacutetique Par exemple la seacutelection des parents peut srsquoeffectuer de diverses faccedilons Dans une population P = x1 x2 hellip xN ougrave la mesure drsquoadaptation drsquoun individu est eacutevalueacutee par une fonction ƒ lrsquoopeacuterateur classique consiste agrave associer agrave chaque individu xi une probabiliteacute pi drsquoecirctre seacutelectionneacute proportionnelle agrave la valeur de f pour cet individu crsquoest-agrave-dire

pf x

f x( )

( )i

i

jj Psum

=

isin

En pratique on utilise souvent drsquoautres meacute-thodes de seacutelection pouvant se parameacutetrer plus facilement Ainsi dans la seacutelection par tournoi un ensemble drsquoindividus est seacutelec-tionneacute aleacuteatoirement dont les meilleurs eacuteleacute-ments seulement sont retenus Pour choi-sir deux parents on peut donc seacutelectionner aleacuteatoirement 5 individus et ne garder que les deux meilleurs Dans drsquoautres meacutethodes les individus sont ordonneacutes selon leur va-leur pour la fonction ƒ et la seacutelection srsquoeffec-tue aleacuteatoirement selon le rang occupeacute par chaque individu On utilise alors une distri-bution biaiseacutee en faveur des individus en tecircte de liste

Un autre meacutecanisme important est le mode de remplacement des individus de la popula-tion Dans le modegravele original chaque popu-lation de N individus est totalement rempla-ceacutee agrave chaque geacuteneacuteration Drsquoautres strateacutegies laquo eacutelitistes raquo font en sorte drsquoassurer agrave chaque geacuteneacuteration la survie des meilleurs individus de la population Crsquoest le cas entre autres des modegraveles laquo stationnaires raquo ougrave un nombre res-treint drsquoindividus est remplaceacute agrave chaque geacute-neacuteration Dans ce cas on ajoute souvent des meacutecanismes suppleacutementaires empecircchant lrsquoajout drsquoindividus identiques (doublons) dans la population Des implantations plus eacutevo-lueacutees existent eacutegalement pour des architec-tures parallegraveles

Un algorithme geacuteneacutetique 1 Construire une population initiale de N

solutions

2 Eacutevaluer chacun des individus de la population

3 Geacuteneacuterer de nouvelles solutions en seacutelectionnant les parents de faccedilon proportionnelle agrave leur eacutevaluation Appliquer les opeacuterateurs de croisement et de mutation lors de la reproduction

4 Lorsque N nouveaux individus ont eacuteteacute geacuteneacutereacutes ils remplacent alors lrsquoancienne population Les individus de la nouvelle population sont eacutevalueacutes agrave leur tour

5 Si le temps alloueacute nrsquoest pas deacutepasseacute (ou le nombre de geacuteneacuterations maximal nrsquoest pas atteint) retourner agrave lrsquoeacutetape 3

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Repreacutesentation des solutions et opeacuterateurs geacuteneacutetiquesLes premiers algorithmes geacuteneacutetiques utili-saient tous une repreacutesentation binaire ougrave chaque solution s est codeacutee sous la forme drsquoune chaicircne de bits de longueur n ie s[i ] isin 0 1 foralli =1 2 hellip n Pour cette repreacute-sentation lrsquoopeacuterateur de croisement classique agrave un point consiste agrave choisir de faccedilon uniforme une position de coupure aleacuteatoire l isin 1 2 hellip nminus1 Si les parents p1 et p2 ont eacuteteacute seacutelectionneacutes pour la reproduction les solutions enfants e1 et e2 sont alors construites de la faccedilon suivante

e1[i ] = p1[i ] foralli isin1 hellip l e1[i ] = p2[i ] foralli isinl + 1 hellip n e2 [i ] = p2[i ] foralli isin1 hellip l e2 [i ] = p1[i ] foralli isinl + 1 hellip nLorsqursquoon itegravere avec drsquoautres paires de parents on choisit aleacuteatoirement pour chaque paire de parents un nouvel opeacuterateur de croisement agrave un point Lrsquoopeacuterateur agrave un point peut se geacuteneacuteraliser en seacutelectionnant k positions aleacuteatoires plutocirct qursquoune seule Dans ce cas les enfants sont produits en eacutechan-geant lrsquoinformation chromosomique entre les k points de coupure En pratique la valeur k = 2 est couramment utiliseacutee Un autre opeacuterateur tregraves populaire (croisement uni-forme) utilise une chaicircne de bits geacuteneacutereacutee aleacuteatoirement pour engendrer les enfants Pour chaque position le choix aleacuteatoire in-dique quel parent deacuteterminera la valeur des enfants Des exemples des opeacuterateurs de croisement agrave un point agrave deux points et uniforme sont illustreacutes dans les tableaux suivants Des reacutesultats theacuteoriques et empi-riques indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme donne geacuteneacuteralement des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux produits par les deux autres

Opeacuterateur de croisement agrave un point

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 0 1 1

0 1 0 1 0 1 1 0 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement agrave deux points

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 1 0 1

0 1 0 1 0 1 0 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement uniforme

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 1 0 1 1 1 0 0 1

0 1 1 0 1 0 1 0 0

0 0 0 1 0 1 1 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Chaicircnealeacuteatoirede bits

Avec une repreacutesentation binaire on utilise geacuteneacuteralement lrsquoopeacuterateur de mutation clas-sique qui consiste agrave changer aleacuteatoirement un bit pour son compleacutement

Opeacuterateur de mutation classique

Enfant 1 0 0 1 0 1 1 0 1

1 1 0 1 0 1 1 0 0Enfant

Mutationsaleacuteatoires

DossierApplications

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Un exemple le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteennePour certains problegravemes la repreacutesentation binaire des solutions est tout agrave fait intuitive et bien adapteacutee Crsquoest le cas par exemple du problegraveme de satisfaisabiliteacute (SAT) Eacutetant donneacute une expression logique F de n variables boo-leacuteennes x1 x2 hellip xn (voir encadreacute) ce problegraveme fondamental (qui est agrave la base de la theacuteorie de la NP-compleacutetude) consiste agrave trouver une affectation aux variables de faccedilon agrave satisfaire F En eacutetablissant les correspondances faux harr 0 vrai harr 1 on peut repreacutesenter chaque solution par une chaicircne binaire de longueur n et utiliser les opeacuterateurs geacuteneacute-tiques classiques deacutecrits preacuteceacutedemment

Pour eacutevaluer les solutions lrsquoexpression logique F peut ecirctre exprimeacutee comme une conjonction (voir encadreacute) de m clauses

F = Cj j =1

m

Chaque clause est alors deacutefinie par une disjonction de variables booleacuteennes dont certaines sont associeacutees agrave un opeacuterateur de neacutegation (indiqueacute par le symbole ndash ) Pour satisfaire F il faut donc satisfaire toutes ses clauses Pour un algorithme geacuteneacutetique chaque solution peut ecirctre simplement eacuteva-lueacutee par le nombre de clauses qursquoelle satisfait par exemple noteacute par f Si on considegravere par exemple lrsquoexpression suivante pour F

= and or and or or

and or or or

and or or or or

F x x x x x x

x x x x

x x x x x

( ) ( ) ( )

( )

( )

1 1 2 1 2 3

1 2 3 4

1 2 3 4 5

la solution (1 0 1 0 0) satisfait toutes les clauses sauf la premiegravere alors que la solution (0 1 1 0 1) satisfait toutes les clauses et donc lrsquoexpression F

Avec une repreacutesentation des chro-mosomes une fonction drsquoadaptation f et des opeacuterateurs de croisement et de mutation nous avons tous les eacuteleacutements pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique simple pour le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteenne Le processus peut ecirctre illustreacute par le tableau en bas de page avec un opeacuterateur de croisement uniforme repreacutesenteacute par la chaicircne de bits U Dans cet exemple simplifieacute lrsquoalgo-rithme a produit en six geacuteneacuterations une solution qui satisfait lrsquoexpression boo-leacuteenne F (les 5 clauses sont satisfaites pour un individu de la population) Pour une fonction plus complexe comprenant un grand nombre de va-riables on utilise des populations plus importantes et laisse la population eacutevoluer lentement vers des solutions de bonne qualiteacute

Variables booleacuteennes

Opeacuterateurs booleacuteens

Une variable booleacuteenne est une variable qui ne peut prendre que deux valeurs logiques VRAI ou FAUX On peut utiliser 1 et 0 pour repreacutesenter ces deux valeurs

Un opeacuterateur booleacuteen est un opeacuterateur qui sap-plique sur une ou deux variables booleacuteennes

La neacutegation drsquoune variable booleacuteenne x qui est noteacutee x change la valeur de la variable booleacuteenne x

Variable Neacutegation

10

01

x x

La conjonction de deux variables x et y noteacutee x and y prend la valeur 1 si les variables x et y ont toutes deux la valeur 1 Dans les autres cas elle prend la valeur 0

Variables Conjonction

1100

1010

1000

x y x y

La disjonction de deux variables x et y noteacutee x or y prend la valeur 1 si au moins lrsquoune des variables a la valeur 1 Elle prend la valeur 0 si les deux variables ont la valeur 0

Variables Disjonction

1100

1010

1110

x y x y

Geacuteneacuteration

5

(0 0 1 0 0) f = 4(0 0 1 0 1) f = 3(0 0 1 1 1) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

(0 0 1 0 0) f = 4(1 0 1 1 0) f = 4(0 0 1 1 1) f = 4

U = (0 1 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4 (1 0 1 1 0) f = 4

(0 1 1 1 0) f = 5U = (0 0 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

6

Population Enfant Enfant muteacute

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Autres exemplesLes algorithmes geacuteneacutetiques ne sont pas applicables qursquoaux repreacutesentations binaires Par exemple le problegraveme classique du com-mis voyageur (Traveling Salesman Problem ou TSP) consiste agrave identifier une tourneacutee agrave coucirct minimal qui visite chaque ville drsquoun ensemble agrave couvrir Mecircme si une tourneacutee pourrait alors theacuteoriquement ecirctre repreacutesenteacutee par une chaicircne de booleacuteens on preacutefegravere geacuteneacuterale-ment utiliser une repreacutesentation plus directe sous forme de permutation Chaque permu-tation speacutecifie alors lrsquoordre dans lequel sont visiteacutees les villes

On doit alors deacutefinir des opeacuterateurs de mutation et de croisement pour une repreacutesentation sous forme de permutation Pour la muta-

tion un simple eacutechange entre deux villes dans une seacutequence pourra faire lrsquoaffaire Par exemple

Tourneacutee originale (Montreacuteal Rimou- ski Saguenay Val drsquoOr Queacutebec Sher-brooke)

Apregraves mutation (Montreacuteal Rimouski Saguenay Sherbrooke Queacutebec Val drsquoOr) Pour le croisement il est facile de constater que des opeacuterateurs sem-blables agrave ceux deacutecrits preacuteceacutedemment ne pourraient preacuteserver la structure de permutation Plusieurs opeacuterateurs valides ont toutefois eacuteteacute proposeacutes Agrave titre drsquoexemple lrsquoopeacuterateur OX choisit une sous-seacutequence dans la seacutequence drsquoun des parents et place les villes res-tantes dans lrsquoordre deacutefini par lrsquoautre

parent Dans le tableau ci-dessous deux po-sitions sont choisies aleacuteatoirement afin de deacutefinir une sous-seacutequence chez le premier parent (eacutetape 1) Agrave lrsquoeacutetape 2 les villes res-tantes sont placeacutees selon lrsquoordre induit par le deuxiegraveme parent

P1 Mtl Sag Val Queacute Shb RimQueacute Rim Mtl Shb Sag Val

Rim Sag Val Queacute Mtl Shb

Rim Mtl ShbSag Val Queacute

P2

Eacute1Eacute2

Enf

Ss

Une fois la repreacutesentation et les opeacuterateurs de base deacutefinis on peut simplement eacutevaluer chaque tourneacutee par la distance parcourue et tous les eacuteleacutements sont en place pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique pour le problegraveme TSP

Coloration de grapheUn autre problegraveme classique celui de colo-ration de graphe1 est aussi abordable par les algorithmes geacuteneacutetiques

Pour un graphe G = (V E) constitueacute drsquoun en-semble de nœuds V et drsquoarecirctes E un coloriage est une partition de V en k sous-ensembles (couleurs) C1 C2 hellip Ck pour lesquels u v isin Ci rArr (u v) notinE ie que deux nœuds ne peuvent avoir la mecircme couleur srsquoils sont lieacutes par une arecircte Le problegraveme de coloration de graphe consiste agrave trouver un coloriage utilisant un nombre minimal de sous-ensembles Ce type drsquoapproche permet notamment de reacutesoudre agrave coucirct minimum des conflits drsquohoraire En pratique on choisit drsquoabord une valeur-cible pour k et chaque chromosome constitue une partition de V en k sous-ensembles Les so-lutions sont codeacutees sous forme de chaicircnes en liant lrsquoindice de chaque nœud agrave lrsquoun des k sous-ensembles

DossierApplications

1 Voir laquo Le theacuteoregraveme des quatre couleurs raquo Accromath 141 2019

Coloration de grapheEn theacuteorie des graphes la coloration de graphe consiste agrave attribuer une couleur agrave chacun de ses sommets de maniegravere que deux sommets relieacutes par une arecircte soient de couleur diffeacuterente On cherche souvent agrave utiliser le nombre minimal de couleurs appeleacute nombre chromatique

12

34

5

6

7

89Un coloriage imparfait

10

Mtl Rim

SagShb

ValQueacute

2

6 3

4

1

5

Mtl Rim

SagShb

QueacuteVal

2

6 3

4

1

5

Mutation drsquoune tourneacutee

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Par exemple si on associe C1 agrave bleu C2 agrave rouge et C3 agrave vert dans le coloriage im-parfait de la page preacuteceacutedente la partition des nœuds associeacutee agrave cette solution est (1 2 3 2 3 2 1 2 3 1) car les nœuds 1 7 et 10 sont dans C1 les nœuds 2 4 6 et 8 dans C2 et les nœuds 3 5 et 9 dans C3 En deacutefinissant la fonction f comme le nombre de fois ougrave la regravegle du coloriage nrsquoa pas eacuteteacute respecteacutee on obtient f (C1 C2 C3) = 0 + 1 + 1 = 2 car on a 0 arecircte dans C1 1 arecircte dans C2 (entre les nœuds 2 et 4) et 1 dans C3 (entre les nœuds 3 et 5)

De faccedilon geacuteneacuterale le problegraveme de coloriage consiste agrave geacuteneacuterer une partition telle que f (C1 C2 Ck) = 0 avec un k le plus petit possible Avec la repreacutesentation en chaicircne de la partition il est facile de deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation semblables agrave ceux utiliseacutes pour les repreacutesen-tations binaires Les reacutesultats rapporteacutes dans la litteacuterature indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme domine encore ceux agrave un point et agrave deux points

Est-ce que ccedila fonctionne Il nrsquoy a aucun doute que les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent ecirctre utiliseacutes pour traiter des problegravemes drsquooptimisation Leur performance relative varie cependant selon les contextes Lorsqursquoun problegraveme est bien eacutetudieacute il est geacuteneacuteralement preacutefeacuterable drsquoavoir recours agrave des algorithmes speacutecialiseacutes qui peuvent tirer avantage de certaines structures speacutecifiques Pour le problegraveme TSP par exemple des approches baseacutees sur la programmation en nombres entiers peuvent maintenant reacutesoudre de faccedilon optimale des exemplaires de plusieurs dizaines de milliers de villes Il serait donc mal aviseacute drsquoutiliser un algorithme geacuteneacutetique pour reacutesoudre ce problegraveme (agrave moins de vouloir eacutetudier leur comportement ce qui peut ecirctre tout agrave fait leacutegitime et amusant)

Les algorithmes geacuteneacutetiques ont tout de mecircme lrsquoavantage drsquoecirctre simples agrave mettre en place En fait une meacutethode de codage des opeacuterateurs de croisement et de mutation ainsi qursquoune fonction drsquoeacutevaluation sont suf-fisants pour utiliser une approche eacutevolutive On obtient alors une approche robuste qui peut ecirctre tregraves utile si la fonction agrave optimiser est laquo floue raquo (fuzzy) ou si on dispose de peu de temps pour eacutetudier le problegraveme agrave optimiser

Les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent eacutega-lement ecirctre combineacutes agrave drsquoautres approches drsquooptimisation pour donner lieu agrave des meacutethodes hybrides tregraves puissantes souvent parmi les meilleures disponibles On peut par exemple utiliser des opeacuterateurs de mutation plus sophistiqueacutes pour optimiser le reacutesultat de chaque croisement Pour lrsquoalgorithme hybride reacutesultant la composante laquo geacuteneacute-tique raquo vise alors agrave enrichir la recherche en misant sur les eacuteleacutements qui constituent sa force ie lrsquoutilisation drsquoune population diver-sifieacutee qui permet lrsquoaccegraves aux caracteacuteristiques varieacutees de plusieurs individus et au proces-sus de seacutelection (artificielle dans ce cas) afin drsquoorienter lrsquoexploration vers les meilleures reacutegions de lrsquoespace de solutions Crsquoest bien lagrave lrsquoune des leccedilons agrave tirer de lrsquoobservation de la nature

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Rubrique des

Jean-Paul DelahayeUniversiteacute des Sciences et Technologies de Lille

Lrsquoinformation paradoxale

Comme le preacuteceacutedent ce paradoxe est aussi un paradoxe sur lrsquoinformation cacheacutee cependant il neacutecessite une patience bien supeacuterieure pour ecirctre reacutesolu ou lrsquoaide drsquoun ordinateur

On choisit cinq nombres a b c d et e veacuterifiant les relations

1 le a lt b lt c lt d lt e le 10

Autrement dit les cinq nombres sont compris entre 1 et 10 tous diffeacuterents et classeacutes par ordre croissant On indique leur produit P agrave Patricia (qui est brune) leur somme S agrave Sylvie (qui est blonde) la somme de leurs carreacutes

C = a2 + b2 + c2+ d2 + e2

agrave Christian (qui est barbu) et la valeur

V = (a + b + c)(d + e)

agrave Vincent (qui est chauve)

Ils doivent deviner quels sont les nombres a b c d et e

1- Une heure apregraves qursquoon leur a poseacute le problegraveme les quatre personnages qursquoon interroge simultaneacutement reacutepondent tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

2- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

3- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo Etc

23- Une heure apregraves (soit 23 heures apregraves la formulation de lrsquoeacutenonceacute ) les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

Cependant apregraves cette 23egraveme reacuteponse les visages des quatre personnages srsquoeacuteclairent drsquoun large sourire et tous srsquoexclament laquo crsquoest bon maintenant je connais a b c d et e raquo

Vous en savez assez maintenant pour deviner les 5 nombres a b c d e Il semble paradoxal que la reacutepeacutetition 23 fois de la mecircme affirmation drsquoignorance de la part des personnages soit porteuse drsquoune information Pourtant crsquoest le cas Essayez de comprendre pourquoi et ensuite armez-vous de courage la solution est au bout du calcul

Solution du paradoxe preacuteceacutedent

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Solution du paradoxe preacuteceacutedent

Lrsquoinformation paradoxaleIl arrive que lrsquoon pense ne pas disposer drsquoassez drsquoinfor-mations pour reacutesoudre un problegraveme alors qursquoen reacutealiteacute tout est agrave notre disposition Certaines situations sont si extraordinaires qursquoelles apparaissent paradoxales En voici un exemple

Un homme bavarde avec le facteur sur le pas de la porte de sa maison Il lui dit

laquo Crsquoest amusant je viens de remarquer que la somme des acircges de mes trois filles est eacutegale au numeacutero de ma maison dans la rue Je suis sucircr que si je vous apprends que le produit de leur acircge est 36 vous saurez me dire leur acircge respectif raquo

Le facteur reacutefleacutechit un moment et lui reacutepond

laquo Je suis deacutesoleacute mais je ne peux pas trouver raquo

Lrsquohomme srsquoexclame alors laquo Ah oui Jrsquoavais oublieacute de vous dire que lrsquoaicircneacutee est blonde raquo

Quelques secondes apregraves le facteur lui donne la bonne reacuteponse Aussi paradoxal que cela apparaisse vous pouvez deacuteduire de cet eacutechange lrsquoacircge des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte

SolutionLes diffeacuterentes deacutecompositions de 36 en produit de trois entiers et les sommes des facteurs sont donneacutees dans le tableau ci-contre

Le facteur connaicirct la somme des acircges des trois filles car il est sur le pas de la porte Srsquoil ne peut pas trouver leurs acircges respectifs crsquoest que parmi les produits possibles compatibles avec la somme qursquoil connaicirct il y en a deux qui donnent la mecircme somme Crsquoest donc que la somme est 13 Les deux possibiliteacutes sont donc 1-6-6 et 2-2-9 La premiegravere est eacutelimineacutee car deux enfants ne peuvent avoir le mecircme acircge que srsquoils sont jumeaux et alors il nrsquoy a pas drsquoaicircneacutee La solution est donc 2-2-9 Les acircges des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte sont 2 2 et 9 ans

Produits1times1times362times3times63times3times4

1times2times181times3times121times6times61times4times92times2times9

3811102116131413

Sommes

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Algorithmes dans lrsquohistoire1 Deacuteterminer les PGCD des couples

a) 924 3 135 c) 2 530 9 639

b) 83 337

Lrsquoheacuteritage de Fermat1 Appliquer la meacutethode de Fermat pour

factoriser les nombres suivants

a) 493 b) 1247 c) 6 903

2 Supposons qursquoun entier n est le produit de deux nombres premiers p lt q et que q ndash p lt p2 2 Montrer qursquoen utilisant la meacutethode de Fermat ce nombre n peut ecirctre factoriseacute en seulement une eacutetape

Eacutemergence logarithmique1 Soit la suite arithmeacutetique

a nd( ) n+ isin

a) Montrer que chaque terme (agrave lrsquoex- ception du premier) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins

b) Montrer un reacutesultat analogue pour la suite geacuteomeacutetrique

ar( ) nnisin

2 Montrer qursquoen termes modernes le passage de LrsquoAreacutenaire ci-haut porte sur les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacute-trique et sur la regravegle du produit de deux puissances

Tuyau Des nombres laquo continucircment en proportion agrave partir de lrsquouniteacute raquo forment une suite geacuteomeacutetrique dont le premier terme est 1

3 En comparant les deux tables tireacutees de la tablette MLC 02078 (pp 19 et 20) on y voit la suite geacuteomeacutetrique

2 ndash 4 ndash 8 ndash 16 ndash 32 ndash 64

ecirctre associeacutee agrave deux suites arithmeacutetiques Relier directement ces deux suites arith-meacutetiques lrsquoune agrave lrsquoautre

Tuyau On peut y voir du logarithme

4 Soit deux points P1 et P2 sur un segment AB (voir figure) Montrer que

a) si APAB

P PP B

1 1 2

1

= alors P BAB

P BP B

1 2

1

=

b) la reacuteciproque est elle aussi valide

5 La suite de segments AB P1B P2B P3B forme une progression geacuteomeacutetrique deacutecroissante (p 22) On deacutesigne par r le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique (on a donc r lt 1) et par z la longueur du segment AB

a) Interpreacuteter en termes de z et de r les segments AB P1B P2B P3B

b) Exprimer agrave lrsquoaide de z et de r les longueurs des intervalles AP1 P1P2 P2P3 P3P4

c) Appliquer ces reacutesultats aux valeurs numeacuteriques choisies par Napier (voir p 23)

d) Et que dire dans ce contexte de la suite arithmeacutetique deacutetermineacutee par le mouve-ment du point Q (p 22)

6 a) Expliquer lrsquoobservation dans lrsquoencadreacute ci-bas au cœur de la deacutemarche de Napier

b) En conclure que pour Napier la vitesse de P en un point donneacute est eacutegale agrave sa distance de lrsquoextreacutemiteacute B

Tuyau La constante de proportionnaliteacute de la partie a) est 1

7 On veut interpreacuteter ici le modegravele geacuteomeacute-trico-cineacutematique de Napier agrave lrsquoaide du calcul diffeacuterentiel et inteacutegral (moderne) On appelle x(t) la distance seacuteparant P de lrsquoextreacutemiteacute B au temps t et y(t) la position du point Q au temps t

a) Montrer que le deacuteplacement de Q est deacutecrit par lrsquoeacutequation diffeacuterentielle dydt = 107 avec comme condition initiale y(0) = 0

Tuyau La vitesse est la deacuteriveacutee de la distance parcourue par rapport au temps

b) Montrer de mecircme que le deacuteplace-ment de P est deacutecrit par dxdt = ndashx avec x(0) = 107

c) Reacutesoudre ces deux eacutequations diffeacuteren-tielles

d) Montrer comment on pourrait en tirer une notion de laquo base raquo pour les loga-rithmes de Napier1

1 Au plan historique une telle ideacutee de laquo base raquo chez Napier est une pure fabulation

Section problegravemes

Agrave propos de Napier

Puisque des distances parcou-rues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est pro-portionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (p 22)

Archimegravede LrsquoAreacutenaire

Si des nombres sont continucircment en pro- portion agrave partir de lrsquouniteacute et que cer-tains de ces nombres sont multiplieacutes entre eux le produit sera dans la mecircme pro-gression eacuteloigneacute du plus grand des nom- bres multiplieacutes drsquoautant de nombres que le plus petit des nom- bres multiplieacutes lrsquoest de lrsquouniteacute dans la pro-gression et il sera eacuteloigneacute de lrsquouniteacute de la somme moins un des nombres dont les nombres multiplieacutes sont eacuteloigneacutes de lrsquouniteacute

A

P1 P2

B

Pour en s voir plus

Histoire des matheacutematiques

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

bull Le livre Havil Julian John Napier Life Logarithms and Legacy Princeton University Press 2014 est une mine drsquoor pour des informations sur la vie et lrsquoœuvre de Napier

bull Le contexte ayant meneacute agrave la naissance des logarithmes est exposeacute dans Friedelmeyer Jean-Pierre laquo Contexte et raisons drsquoune lsquomirifiquersquo invention raquo In Eacutevelyne Barbin et al Histoires de logarithmes pp 39-72 Ellipses 2006 Le sous-titre de lrsquoarticle drsquoAccromath a eacuteteacute emprunteacute au titre de ce texte

bull Les deux traiteacutes de Napier sur les logarithmes le Mirifici logarithmorum canonis descriptio et le Mirifici logarithmorum canonis constructio peuvent ecirctre trouveacutes facilement (en latin) sur la Toile Une traduction anglaise de ces traiteacutes est accessible agrave partir du site de Ian Bruce sur les matheacutematiques des 17e et 18e siegravecles httpwww17centurymathscom

bull La citation de Laplace se retrouve aux pp 446-447 de Œuvres complegravetes de Laplace Exposition du systegraveme du monde (6e eacutedition) Bachelier Imprimeur-Libraire 1835 (Disponible sur Google Livres)

bull La tablette meacutesopotamienne MLC 02078 est eacutetudieacutee (pp 35-36) dans Neugebauer Otto et Sachs Abraham Mathematical Cuneiform Texts American Schools of Oriental Research 1945

bull Pour plus drsquoinformation sur lrsquoemploi des vocables laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo voir Charbonneau Louis laquo Progression arithmeacutetique et progression geacuteomeacutetrique raquo Bulletin AMQ 23(3) (1983) 4-6

bull Publieacutes en allemand en 1770 les Eacuteleacutements drsquoalgegravebre de Leonhard Euler sont parus en traduction franccedilaise degraves 1774 Cette version est accessible agrave partir du site Gallica de la Bibliothegraveque nationale de France httpsgallicabnffr

bull Lrsquoextrait de LrsquoAreacutenaire mdash voir la Section problegravemes mdash se trouve (p 366) dans Ver Eecke Paul Les œuvres complegravetes drsquoArchimegravede tome 1 Vaillant-Carmanne 1960

Applications des matheacutematiques

Lrsquoheacuteritage de Fermat

bull WB Hart laquo A one line factoring algorithmraquo J Aust Math Soc 92 (2012) no 1 61ndash69

bull RS Lehman laquo Factoring large integers raquo Math Comp 28 (1974) 637ndash646

bull MA Morrison and J Brillhart laquo A method of factoring and the factorization of F 7 raquo Math Comp 29 (1975) 183ndash205

bull C Pomerance laquoThe quadratic sieve factoring algorithm raquo Advances in Cryptology (Paris 1984) 169-182 Lecture Notes in Comput Sci 209 Springer Berlin 1985

Accromath est une publication de lrsquoInstitut des sciences matheacutema-tiques (ISM) et du Centre de recherches matheacutematiques (CRM) La revue srsquoadresse surtout aux eacutetudiantes et eacutetudiants drsquoeacutecole secon-daire et de ceacutegep ainsi qursquoagrave leurs enseignantes et enseignants

LrsquoInstitut des sciences matheacutematiques est une institution unique deacutedieacutee agrave la promotion et agrave la coordination de lrsquoenseignement et de la recherche en sciences matheacutematiques au Queacutebec En reacuteunissant neuf deacutepartements de matheacutematiques des universiteacutes queacutebeacutecoises (Concordia HEC Montreacuteal Universiteacute Laval McGill Universiteacute de Montreacuteal UQAM UQTR Universiteacute de Sherbrooke Bishoprsquos) lrsquoInstitut rassemble un grand bassin drsquoexpertises en recherche et en enseignement des matheacutematiques LrsquoInstitut anime de nombreuses activiteacutes scientifiques dont des seacuteminaires de recherche et des colloques agrave lrsquointention des professeurs et des eacutetudiants avanceacutes ainsi que des confeacuterences de vulgarisation donneacutees dans les ceacutegeps Il offre eacutegalement plusieurs programmes de bourses drsquoexcellence

LrsquoISM est financeacute par le Ministegravere de lrsquoEnseignement supeacuterieur et par ses neuf universiteacutes membres

Le Centre de recherches matheacutematiques est un centre national pour la recherche fondamentale en matheacutematiques et ses applica-tions Les scientifiques du CRM comptent plus drsquoune centaine de membres reacuteguliers et de stagiaires postdoctoraux Lieu privileacutegieacute de rencontre le Centre est lrsquohocircte chaque anneacutee de nombreux visi-teurs et drsquoateliers de recherche internationaux

Les activiteacutes scientifiques du CRM comportent deux volets principaux les projets de recherche qursquoentreprennent ses laboratoires et les activiteacutes theacutematiques organiseacutees agrave lrsquoeacutechelle internationale Ces derniegraveres ouvertes agrave tous les domaines impliquent des chercheurs du CRM et drsquoautres universiteacutes Afin drsquoassurer une meilleure diffusion des reacutesultats de recherches de ses collaborateurs le CRM a lanceacute en 1989 un programme de publications en collaboration avec lrsquoAmerican Mathematical Society et avec Springer

Le CRM est principalement financeacute par le CRSNG (Conseil de recherches en sciences naturelles et en geacutenie du Canada) le FQRNT (Fonds queacutebeacutecois de recherche sur la nature et les technologies) lrsquoUniversiteacute de Montreacuteal et par six autres universiteacutes au Queacutebec et en Ontario

Accromath beacuteneacuteficie de lrsquoappui de la Dotation Serge-Bissonnette du CRM

OR2010

BRONZE2011

BRONZE2014

OR2012

2008

Prix speacutecial de la ministre 2009

Prix Anatole Decerf 2012

Page 5: L’héritage de Pierre de Fermat La factorisation des grands ...

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

Il est agrave noter qursquoen utilisant lrsquoalgorithme drsquoEuclide on peut deacuteterminer le pgcd de deux nombres sans connaicirctre leur factorisa-tion en nombres premiers La factorisation des nombres 15 et 24 est simple agrave obtenir

15 = 3 times 5 et 24 = 3 times23

drsquoougrave on peut conclure immeacutediatement que pgcd(15 24) = 3 Cependant pour de tregraves grands nombres il est plus simple et net-tement plus rapide drsquoappliquer lrsquoalgorithme drsquoEuclide mecircme agrave lrsquoaide drsquoun ordinateur

Algorithme drsquoEuclide et eacutequations diophantiennesRappelons qursquoune eacutequation diophantienne est une eacutequation polynomiale agrave une ou plusieurs inconnues dont les solutions sont chercheacutees parmi les nombres entiers les coefficients eacutetant eux-mecircmes des entiers On a recours agrave lrsquoalgorithme drsquoEuclide pour reacutesoudre certaines eacutequations diophantiennes de la forme

ax + by = cAgrave quelles conditions une telle eacutequation admet-elle une solution entiegravere

En ayant recours agrave la geacuteomeacutetrie analytique moderne on peut visualiser le problegraveme comme suit Lrsquoensemble des solutions de lrsquoeacutequation ax + by = c est repreacutesenteacute par une droite Si aucun point de la droite nrsquoa de coordon-neacutees entiegraveres lrsquoeacutequation nrsquoa aucune solution

Mais si la droite passe par au moins un point de coor- donneacutees entiegraveres elle a alors une infiniteacute de solutions puisque a b et c sont des entiers

Deux theacuteoregravemes apportent des reacuteponses pour certaines de ces eacutequations

Theacuteoregraveme de Bachet-Beacutezout

Soit a et b deux entiers Si d est le pgcd de a et b alors il existe des entiers x et y tels que

ax + by = d = pgcd(a b)Le second theacuteoregraveme porte sur le cas ougrave les deux entiers a et b ont 1 comme seul facteur commun

Aucune solution

Infiniteacute de solutions

Theacuteoregraveme de Beacutezout

Deux entiers a et b sont premiers entre eux si et seulement srsquoil existe deux entiers x et y tels que

ax + by = 1Agrave propos de ces theacuteoregravemes si la constante d ou 1 selon le cas nrsquoest pas le pgcd des coeffi-cients on ne peut rien conclure Par ailleurs pour deacuteterminer une premiegravere solution (x0 y0) drsquoune eacutequation de la forme

ax + by = pgcd(a b)on utilise lrsquoalgorithme drsquoEuclide et agrave lrsquoaide du lemme de Gauss on geacuteneacuteralise celle-ci en montrant que

minus

+ +

=a x k

bd

b y kad

d 0 0

ougrave k est un nombre entier

Diophante drsquoAlexandrieOn ignore tout de la vie du matheacutematicien grec Diophante dont on ne connaicirct que les eacutecrits On pense qursquoil vivait vers le 3e siegravecle de notre egravere sans pouvoir apporter plus de preacutecisions Son ouvrage le plus ceacutelegravebre est un traiteacute de 13 livres les Arithmeacutetiques Six volumes de cet ouvrage reacutedigeacutes en grec ont eacuteteacute retrouveacutes en Italie au 15e siegravecle par Regiomontanus (Johann Muumlller (1436-1476)) Quatre autres livres traduits en arabe ont eacuteteacute deacutecouverts en Iran en 1968 Les experts ne srsquoentendent pas agrave leur sujet srsquoagit-il de la traduction du texte original de Diophante ou plutocirct drsquoun commentaire sur les Arithmeacutetiques peut-ecirctre eacutecrit par Hypathie (env 355-415)

Les Arithmeacutetiques sont une collection de 189 problegravemes accom-pagneacutes de leur solution conduisant agrave des eacutequations dont les solutions sont entiegraveres ou fractionnaires

Claude-Gaspard Bachet de Meacuteziriac (1581-1638)

Claude-Gaspard Bachet de Meacuteziriac est un matheacutematicien poegravete et traducteur franccedilais Le theacuteoregraveme qui porte son nom a eacuteteacute preacutesenteacute pour la premiegravere fois dans la deuxiegraveme eacutedition de son ouvrage laquo Pro-blegravemes plaisans et deacutelectables qui se font par les nombres raquo parue en 1624

Eacutetienne Beacutezout (1730-1783)Le matheacutematicien franccedilais Eacutetienne Beacutezout est passeacute agrave la posteacuteriteacute pour le theacuteoregraveme de Bachet-Beacutezout en arithmeacutetique Il est le premier agrave donner une deacutemonstration correcte du theacuteoregraveme suivant selon lequel deux courbes algeacutebriques respectivement de degreacute m et n se rencontrent en geacuteneacuteral en mn points en comptant les multipliciteacutes

Degreacute 4

Degreacute 3

Degreacute 2

Degreacute 2

Lemme drsquoEuclide

Si un nombre pre-mier p divise le produit de deux nombres entiers b et c alors p divise b ou c

(Eacuteleacutements proposition VII30)

Lemme de Gauss

Si un nombre entier a divise le produit de deux autres nombres entiers b et c et si a est pre-mier avec b alors a divise c

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Multiplication eacutegyptienneDans tous les systegravemes de numeacuteration on a eu recours agrave des algorithmes pour effectuer des opeacuterations

Ainsi pour multiplier 19 par 23 le scribe eacutegyptien associe le plus grand des deux nombres agrave lrsquouniteacute et double ces nombres4 Il arrecircte lorsque le nombre de la colonne de gauche devient plus grand que le multipli-cateur

Puisque 19 = 16 + 2 + 1 il additionne les nombres de la colonne de droite sur les lignes non biffeacutees ce qui donne

19times23 = 23 + 46 + 368 = 437

On qualifie le systegraveme de numeacuteration eacutegyptien de systegraveme additif de base dix Il est additif car crsquoest par la reacutepeacutetition des symboles que lrsquoon eacutecrit un nombre et de base dix car un nouveau symbole est utiliseacute pour chaque puissance de dix

Dans ce systegraveme pour multiplier un nombre par 2 il suffit de doubler le nombre de sym-boles et drsquoeffectuer les regroupements en remplaccedilant tout groupe de 10 symboles identiques par le symbole supeacuterieur En utilisant cette eacutecriture des nombres la multiplication que nous venons drsquoeffectuer srsquoeacutecrit de la faccedilon ci-bas

On arrecircte lorsqursquoen doublant dans la colonne de gauche on obtient un nombre plus grand que le multiplicateur (en dou-blant les symboles du dernier nombre de la colonne de gauche on obtiendrait deux symboles suivis de plusieurs symboles ce qui est plus grand que le multiplicateur)

Le scribe repegravere alors dans la colonne de gauche les nombres qui additionneacutes donnent le multiplicateur soit

+ + =

DossierHistoire

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Reacutesolution agrave lrsquoaide de lrsquoalgorithme drsquoEuclideConsideacuterons lrsquoeacutequation

510x + 294y = 6

Cette eacutequation admet-elle des solutions En appliquant lrsquoalgorithme drsquoEuclide on obtient que

510 = 1times294 + 216On isole les restes

294 = 1times216 + 78216 = 2times78 + 6078 = 1times60 + 1860 = 3times18 + 618 = 3times6 + 0

rArr

216 = 510 ndash 1times294 78 = 294 ndash 1times216 60 = 216 ndash 2times78 18 = 78 ndash 1times60

6 = 60 ndash 3times18

Dans la colonne de gauche le dernier reste non nul est 6 on a donc pgcd(294 510) = 6 Par conseacutequent le theacuteoregraveme de Bachet-Beacutezout nous garantit que lrsquoeacutequa-tion admet une solution (x0 y0) On deacutetermine celle-ci en isolant les restes ce qui est fait dans la colonne de droite On substitue ensuite en laquo remontant la chaicircne raquo de calculs afin drsquoexprimer 6 en termes de 294 et de 510

Cela donne

18

6 = 60 ndash 3times(78 ndash 1times60) = 4times60 ndash 3times78

6 = 4times(216 ndash 2times78) ndash 3times78 = 4times216 ndash 11times78

6 = 4times216 ndash 11times(294 ndash 1times216) = 15times216 ndash 11times294

6 = 15times(510 ndash 1times294) ndash 11times294 = 15times510 ndash 26times294

60

78

216

Par conseacutequent le couple (15 ndash26) est une solution de lrsquoeacutequation 510x + 294y = 6 Lrsquoensemble des solu-tions entiegraveres est formeacute de tous les couples de la forme (15 ndash 49k ndash26 + 85k) ougrave k est un entier

1248

1632

234692

184368

1248

1619

234692

184368437

Le bacircton repreacutesente lrsquouniteacute

Lrsquoanse de panier la dizaine

Le rouleau de papyrus la centaine

La fleur de lotus le millier

Le doigt deacutesignant les eacutetoiles dix mille

Le tecirctard cent milleLe dieu agenouilleacute soutenant le mondeun million

NUMEacuteRATION HIEacuteROGLYPHIQUEValeur des symboles

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

Il suffit drsquoadditionner les reacutesultats des lignes dont la somme donne le multiplicateur ce qui donne

En eacutecriture moderne le scribe exprime le multiplicateur comme somme de puissances de 2 soit

19 = 16 + 2 + 1

En doublant la valeur du multiplicande et en retenant les valeurs correspondant aux termes de la deacutecomposition du multiplica-teur en somme de puissances de 2 il obtient 23times19 = 23times(16 + 2 + 1) = 368 + 46 + 23 = 437

Division eacutegyptiennePour illustrer comment srsquoeffectue une division consideacuterons lrsquoopeacuteration

divide

Le scribe associe le diviseur agrave lrsquouniteacute et il double successivement jusqursquoagrave obtenir le plus grand multiple du diviseur infeacuterieur au nombre agrave diviser

Dans ce tableau le scribe deacutetecte aiseacutement qursquoen doublant le nombre de la colonne de gauche il obtiendrait un nombre plus grand que le dividende En effet il obtiendrait alors deux symboles suivis de deux symboles (lecture de droite agrave gauche) alors que le divi-dende est formeacute de deux symboles suivi drsquoun seul symbole

Le dividende peut alors srsquoexprimer comme la somme de certains des nombres de la colonne de gauche plus possiblement un reste plus petit que le diviseur

Le scribe fait la somme des nombres des deux derniegraveres lignes de la colonne de gauche ce qui donne un nombre plus petit que le divi-dende En effet elle ne contient qursquoun seul symbole alors que le dividende en a deux (En langage moderne le chiffre des centaines est trop petit)

De plus il peut facilement constater qursquoen additionnant agrave ce reacutesultat le nombre de la troisiegraveme ligne agrave partir du bas il va obtenir deux symboles suivis de deux symboles

La somme serait donc plus grande que le dividende qui est formeacute de deux symboles

suivi drsquoun seul symbole Cette somme serait plus grande que le dividende ce qui signifie que le nombre de la troisiegraveme ligne agrave partir du bas ne fait pas partie du deacutevelop-pement du dividende en somme de multiples du diviseur Il faut biffer cette ligne dans le tableau

En ajoutant plutocirct le nombre de la quatriegraveme ligne agrave partir du bas et en comparant le reacutesultat au dividende il constate que cette somme est plus petite que le dividende (elle ne contient pas le symbole alors que le dividende en a un et le diviseur est plus petit que )

Il ajoute alors le nombre de la ligne du haut En comparant le dividende et la somme obtenue le scribe peut facilement constater que le reste est 3

En effectuant la somme des nombres conser-veacutes dans la colonne de droite le scribe deacuteter-mine le quotient Il a donc obtenu

219 = 27 times 8 + 3

De nos jours on eacutecrirait le quotient

2738

ou 27375

Comparaison

Comparaison

SommeDividende

SommeDividende

SommeDividende

Le reste est ce qui manquepour avoir lrsquoeacutegaliteacute soit

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DossierHistoire

Pour repreacutesenter une fraction le scribe eacutegyptien inscrivait lrsquohieacuteroglyphe au-dessus drsquoun nombre Ainsi pour repreacutesenter la fraction 112 le scribe doit eacutecrire Cette faccedilon de faire a un inconveacutenient le numeacuterateur des fractions est toujours lrsquouniteacute (sauf pour 23 pour lequel on disposait drsquoun hieacuteroglyphe particulier)

Pour indiquer 38 le scribe devait donc consideacuterer que 38 = 14 + 18 et eacutecrire

Reacuteglettes de Napier et extraction de racinesLa multiplication et la division en numeacuteration eacutegyptienne illustrent le fait qursquoun algorithme deacutepend du systegraveme de numeacuteration utiliseacute Il peut aussi deacutependre de lrsquoinstrument de calcul utiliseacute Napier a deacuteveloppeacute un algorithme pour extraire une racine carreacutee agrave lrsquoaide de ses reacuteglettes5

Lrsquoalgorithme de Napier repose sur la meacutethode traditionnelle laquo agrave la main raquo pour extraire une racine carreacutee6 Il considegravere une reacuteglette suppleacutementaire (en jaune dans les illustrations) repreacutesentant les car-reacutes des nombres de 1 agrave 9 Lrsquoalgo-rithme srsquoapplique agrave un nombre srsquoeacutecrivant avec un nombre pair de chiffres que lrsquoon divise en tranches de deux chiffres (si ce nrsquoest pas le cas on ajoute un 0 agrave la gauche du nombre) Effectuons lrsquoextraction de

la racine carreacutee du nombre 463 856

Dans ce nombre la premiegravere tranche de deux chiffres est 46 Le plus grand chiffre dont le carreacute est infeacuterieur agrave 46 est 6 Crsquoest le premier chiffre du reacutesultat

463 856 6=

En soustrayant de 46 le carreacute de 6 on obtient 10 et on abaisse les deux chiffres suivant du nombre agrave extraire

463 85636ndash10 3 8

On dispose dans le plateau les reacuteglettes du double du premier chiffre du reacutesultat (ici les reacuteglettes 1 et 2 pour 12) suivies de la reacuteglette

jaune et on repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutediatement 1 038 dans ceux repreacutesenteacutes par les lignes du plateau Sur la huitiegraveme ligne on lit 1 024

Le deuxiegraveme chiffre de la racine carreacutee est donc 8

463 856 68=

On soustrait 1 024 de 1 038 ce qui donne 14 et on abaisse la tranche des deux chiffres suivants du nombre agrave extraire ce qui donne 1 456

On double le second chiffre de la racine 2 times 8 = 16 que lrsquoon ajoute au nombre 12 deacutejagrave formeacute en le multipliant par 10 soit 12 times 10 + 16 =136

On dispose dans le plateau les reacuteglettes du nombre 136 suivis de la reacuteglette jaune et on

5 Les algorithmes pour la multiplication et la division agrave lrsquoaide de reacuteglettes ont eacuteteacute preacutesen-teacutes dans lrsquoarticle laquoJohn Napierraquo Accromath Vol 14 hiver-printemps 2019

6 Lrsquoalgorithme traditionnel pour la racine carreacutee fait lrsquoobjet du problegraveme laquo Racines cristallines raquo drsquoAccromath (vol 11 eacuteteacute-automne 2016 p 32) en lien avec le texte laquo Glanures matheacutematico-litteacuteraires (II) raquo de Bernard R Hodgson

Le symbole deacutesigne une addition alors que indique

une soustraction

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1 3 6 1

2 7 2 4

4 0 8 9

5 4 5 6

6 8 2 5

8 1 9 6

9 5 6 9

1 0 9 4 4

1 2 3 2 1

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2 4 4

3 6 9

4 9 6

6 2 5

7 5 6

8 8 9

1 0 2 4

11 6 1

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Plus grand carreacuteinfeacuterieur agrave 47

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutediate-ment 1 456 Sur la premiegravere ligne on a 1 361 Le troisiegraveme chiffre de la racine est donc 1

463 856 681=

En soustrayant 1 361 de 1 456 on obtient 95 Crsquoest la derniegravere tranche de deux chiffres du nombre dont on veut extraire la racine on ajoute une virgule deacutecimale et on abaisse 00 pour obtenir 9 500

On double le troisiegraveme chiffre de la racine 2 times 1 = 2 que lrsquoon ajoute au nombre deacutejagrave formeacute que lrsquoon multiplie par 10 soit 136 times 10 + 2 =1 362 On dispose dans le

plateau les reacuteglettes du nombre 1 362 suivis de la reacuteglette jaune On remarque que le nombre sur la ligne 1 est plus grand que 9500 On ajoute un 0 apregraves la virgule deacutecimale

463 856 6810=

et on abaisse agrave nouveau 00 ce qui donne 950 000 On intercale la reacuteglette de 0 avant la reacuteglette jaune

On repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutedia-tement 950 000 crsquoest 817 236 sur la ligne 6 Le deuxiegraveme chiffre apregraves la virgule deacutecimale est donc 6 Ce qui donne

463 856 68106=

On poursuit ainsi en abaissant 00 agrave chaque eacutetape jusqursquoagrave ce que lrsquoon obtienne la preacuteci-sion chercheacutee

Pour y voir plus clairOn cherche agrave exprimer le nombre dont on veut extraire la racine carreacutee sous la forme

463 856 = (a times 102 + b times 10 + c)2 + Rcar il est clair que la partie entiegravere de cette racine carreacutee srsquoeacutecrit avec trois chiffres

Agrave chaque eacutetape du calcul on exprime le nombre comme somme drsquoun carreacute parfait et drsquoun terme reacutesiduel allant chercher un des trois chiffres a b et c agrave la fois

Agrave la premiegravere eacutetape on a donc

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6times102)2 + 103 856

Agrave lrsquoissue de la seconde eacutetape on obtient

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6times102 + 8times10)2 +1 456

Et agrave lrsquoissue de la troisiegraveme eacutetape on obtient enfin

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6 times 102 + 8 times 10 + 1)2 + 95

La partie entiegravere de la racine carreacutee de 463 856 est donc 681 Pour trouver la partie deacutecimale de cette racine il srsquoagit maintenant de poursuivre les calculs sur la partie reacutesiduelle R = 95

ConclusionLe vocable algorithme est devenu drsquousage courant avec lrsquoavegravenement des ordinateurs Cependant des algorithmes ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes tregraves tocirct dans lrsquohistoire Degraves que les premiers systegravemes de numeacuteration sont apparus on a deacuteveloppeacute des algorithmes pour effec-tuer les opeacuterations usuelles addition soustraction multiplication division En cherchant agrave reacutesoudre des problegravemes plus eacutelaboreacutes comme lrsquoextraction de racines ou la recherche du pgcd de deux nombres entiers il a fallu deacutevelopper drsquoautres algorithmes plus pousseacutes et parfois eacutetonnants

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136201

272404

408609

544816

681025

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953449

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pplic

atio

ns

Pierre de Fermat est tregraves connu pour son grand theacuteoregraveme concernant la non-existence de solutions entiegraveres positives

de lrsquoeacutequation xn + yn = zn pour chaque entier n ge 3 Toutefois une de ses plus importantes contributions

aux matheacutematiques modernes est sa meacutethode tout agrave fait originale pour factoriser des grands nombres

Plusieurs considegraverent Fermat comme le fondateur (avec Blaise Pascal) de la theacuteorie des probabiliteacutes et comme un preacutecurseur du calcul diffeacuterentiel par sa meacutethode de recherche des maximums et des minimums drsquoune fonction Toutefois sa meacutethode tout agrave fait originale pour factoriser des grands nombres est une de ses plus grandes contribu-tions aux matheacutematiques modernes et crsquoest souvent un fait dont lrsquoimportance est neacutegligeacutee

Comment fait-on pour laquo factoriser raquo un nombre Drsquoentreacutee de jeu il est bien drsquoexpliquer ce qursquoon veut-on dire par laquo factoriser raquo un nombre Drsquoabord rappelons que selon le theacuteoregraveme fondamental de lrsquoarithmeacutetique tout entier supeacuterieur agrave 1 peut srsquoeacutecrire comme un produit de nombres premiers et cette repreacutesentation est unique si on eacutecrit ses facteurs premiers en ordre croissant Ainsi le nombre 60 peut srsquoeacutecrire comme 60 = 22times3times5 et cette factori-sation est unique

Est-il important de connaicirctre la factorisation drsquoun nombre La reacuteponse est OUI agrave tout le moins depuis quelques deacutecennies plus preacuteciseacutement depuis 1978 anneacutee de la creacuteation de la meacutethode de chiffrement RSA largement utiliseacutee de nos jours pour seacutecuriser les transactions bancaires Cette meacutethode tient au fait que bien qursquoil soit facile de multiplier des nombres il est en contrepartie tregraves difficile de faire le chemin inverse crsquoest-agrave-dire de prendre un grand nombre composeacute et de trouver ses facteurs premiers Drsquoougrave la course sur la planegravete pour trouver des algorithmes de factorisation de plus en plus performants qui pourraient laquo casser raquo le code RSA Crsquoest ainsi qursquoen 1976 agrave lrsquoaide des algorithmes connus et des ordinateurs de lrsquoeacutepoque on estimait qursquoil faudrait plus de 1020 anneacutees pour arriver agrave factoriser 2251 ndash 1 un nombre de 76 chiffres Aujourdrsquohui en utilisant un logiciel de calcul installeacute sur un ordinateur de bureau il est possible drsquoobtenir cette factorisation en moins drsquoune minute

Jean-Marie De KoninckUniversiteacute Laval

Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres

Pierre de Fermat (1601-1665) Le matheacutematicien fran-ccedilais Pierre de Fermat eacutetait drsquoabord et avant tout un avocat et un officiel du gouverne-

ment dans la ville de Toulouse Dans ses temps libres il exerccedilait sa passion pour les matheacutematiques et la physique Mecircme si on peut le qualifier de laquo matheacutematicien amateur raquo il est neacuteanmoins passeacute agrave lrsquohistoire comme fondateur de la theacuteorie moderne des nombres

Nombre premier et nombre composeacute

Un entier n gt 1 est appeleacute nombre premier sil nest divisible que par 1 et par lui-mecircme Ainsi 7 est un nombre premier car ses seuls diviseurs entiers sont 1 et 7 alors que 6 nest pas premier puisquil est non seulement divisible par 1 et 6 mais il lest aussi par 2 et 3 Un entier n gt 1 qui nest pas premier est appeleacute nombre composeacute

Nombre premier

Nombres composeacutes

2 times 5 = 10

3 times 5 = 15

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Cependant le veacuteritable deacutefi est drsquoecirctre en me-sure de factoriser des nombres arbitraires de 300 chiffres et plus ce qui est preacutesentement impossible mecircme agrave lrsquoaide drsquoordinateurs tregraves puissants Drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la recherche de nouveaux algorithmes de factorisation

Comment srsquoy prendre pour factoriser un nombre Comment pourrions-nous proceacuteder pour factoriser un nombre composeacute dont on ne connaicirct agrave priori aucun facteur De toute eacutevidence on srsquointeacuteresse ici seulement agrave la factorisation des nombres impairs car autre-ment il suffit de diviser par 2 le nombre agrave factoriser jusqursquoagrave ce qursquoil laquo devienne raquo impair Agrave titre drsquoexemple pour trouver la factorisa-tion du nombre n = 11 009 on peut utiliser lrsquoapproche tout agrave fait naturelle qui consiste agrave examiner successivement la divisibiliteacute

de n par chacun des nombres premiers 3 5 7 11 et ainsi de suite En proceacutedant ainsi on constate eacuteventuellement que ce nombre n est divisible par 101 et que n =101 times 109 menant du coup agrave la factorisation 11 009 = 101 times 109 Bravo Mais avouez que cela a eacuteteacute un peu laborieux car on a ducirc veacuterifier la divisibiliteacute de n par chacun des nombres premiers infeacuterieurs agrave 101 Drsquoail-leurs on se convainc aiseacutement que pour un nombre arbitraire n il aurait fallu veacuterifier la divisibiliteacute par chacun des nombres premiers plus petits que n Cela veut dire que pour un nombre de 200 chiffres il faudrait veacuterifier sa divisibiliteacute par tous les nombres premiers de moins de 100 chiffres un travail colossal Crsquoest pourquoi il est leacutegitime de se demander srsquoil existe des meacutethodes plus efficaces pour factoriser des nombres Or justement Pierre de Fermat en a trouveacute une qui srsquoavegravere drsquoune simpliciteacute deacuteconcertante (Voir encadreacute ci-bas)

Pour illustrer sa meacutethode Fermat a choisi le nombre

n = 2 027 651 281

La meacutethode de factorisation de Fermat Dentreacutee de jeu on peut supposer que le nombre n agrave fac-toriser nest pas un carreacute parfait car sinon on sattardera tout simplement agrave la factorisation du nombre m = nDeacutebutons avec un exemple Si on vous demande de factoriser le nombre 899 peut-ecirctre allez-vous eacutecrire

899 = 900 ndash 1 = 302 ndash 12

= (30 ndash 1)(30 + 1) = 29 times 31

et le tour est joueacute Quelle chance que 899 soit une diffeacuterence de deux carreacutes nest-ce pas Non pas du tout car en reacutealiteacute cest le cas de tout entier posi-tif impair composeacute et cest lideacutee de base de la meacutethode de factorisation de Fermat En effet pour un tel entier n il existe neacutecessairement deux entiers a gt b ge 1 tels que n = a2 ndash b2 auquel cas

n = (a ndash b)(a + b)

Pourquoi Supposons que n = rs avec 1 lt r lt s On peut facilement veacuterifier que les nombres a = (s + r) 2 and b = (s ndash r)2 sont tels que n = a2 ndash b2 Mais com-ment fait-on pour trouver ces deux entiers a et b Certes on a n = a2 ndash b2 lt a2 et donc a gt n auquel cas a ge n + 1 Ici x deacutesigne le plus grand entier le x Commenccedilons donc par poser a = n + 1 Si a2 ndash n est un carreacute parfait disons a2 ndash n = b2 alors nous avons trouveacute a et b comme requis Autrement (cest-agrave-dire si a2 ndash n nest pas un carreacute parfait) on choisit a = n + 2 et ainsi de suite jusquagrave ce que lon trouve un entier positif k tel que le nombre a = n + k soit tel que a2 ndash n est un carreacute parfait que lon eacutecrit alors comme b2 Ce processus a une fin en ce sens quon va eacuteventuelle-ment trouver un nombre b tel que b2 = a2 ndash n et cela parce que lon sait deacutejagrave que b = (s ndash r)2 fait laffaire

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Il obtient drsquoabord que n = 45 029 et commence ainsi avec

a = 45 029 + 1 = 45 030

comme 45 0302 ndash 2 027 651 281 = 49 619 nrsquoest pas un carreacute parfait il pose ensuite a = 45 031 qui ne produit pas non plus de carreacute parfait et ainsi de suite jusqursquoagrave ce qursquoil pose a = 45 041 qui donne

= minus

= =

b 45 041 2 027 651 281

1 040 400 1 020

2

Fermat conclut alors que n = 2 027 651 281 = 45 0412 ndash 1 0202 = (45 041 ndash 1 020)(45 041 + 1 020) = 44 021 times 46 061

Si on choisit de programmer cette meacutethode avec le logiciel de calcul Python1 on peut eacutecrire ceci (dans le cas particulier n = 2 027 651 281)

ce qui donnera

a = 45 041 et b = 1 020 et

n = 44 021times46 061

La meacutethode de Fermat est-elle reacuteellement efficace La reacuteponse courte est laquo Cela deacutepend de la nature du nombre agrave factoriser raquo2 Afin de donner une reacuteponse preacutecise agrave cette question eacutevaluons le nombre drsquoopeacuterations eacuteleacutementaires neacutecessaires pour exeacutecuter la meacutethode de Fermat Par laquo opeacuteration eacuteleacutementaire raquo on en-tend lrsquoaddition la soustraction la

multiplication la division lrsquoeacuteleacutevation agrave une puissance et lrsquoextraction de la racine carreacutee Une opeacuteration eacuteleacutementaire est aussi parfois appeleacutee une laquo eacutetape raquo On dira drsquoun algo-rithme qursquoil est laquo rapide raquo srsquoil srsquoexeacutecute en peu drsquoeacutetapes

Eacutetant donneacute un entier positif n qui nrsquoest pas un carreacute parfait on dit que les nombres d1 et d2 sont les diviseurs milieux de n si d1 est le plus grand diviseur de n infeacuterieur agrave n et d2 =nd1 On peut alors deacutemontrer que le nombre k drsquoeacutetapes requises pour factoriser n via la meacutethode de Fermat est exactement

k =d1 +d2

2 d1d2

soit essentiellement la diffeacuterence entre la moyenne arithmeacutetique et la moyenne geacuteo-meacutetrique des diviseurs d1 et d2 En effet comme on lrsquoa vu ci-dessus (encadreacute p 9) on a

Exeacutecuter lrsquoalgorithme de Fermat consiste donc agrave chercher le plus petit entier k ge1 tel que

n + k( )2 n est un entiera

Or n + k = a implique que k = a ndash n et cela entraicircne

k =d1 +d2

2 d1d2

Pour quels entiers lrsquoalgorithme de Fermat est-il rapide Le temps drsquoexeacutecution pour factoriser un en-tier n en utilisant lrsquoalgorithme de Fermat sera court si ses diviseurs milieux sont pregraves lrsquoun de lrsquoautre crsquoest-agrave-dire pregraves de n (voir lrsquoencadreacute p 11) En contrepartie si les divi-seurs milieux sont eacuteloigneacutes lrsquoun de lrsquoautre alors exeacutecuter la meacutethode de Fermat peut prendre davantage de temps que la simple veacuterification de la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers (voir lrsquoencadreacute p 12)

DossierApplications

1 Logiciel libre que lrsquoon peut teacuteleacutecharger gratuitement sur Internet

2 Voir Section problegravemes

On doit deacuteterminer a et b tels que

n = a2 ndash b2ougrave n et b sont les cathegravetes drsquoun triangle rectangle drsquohypoteacutenuse a Le cocircteacute b est tel que

b2 = a2 ndash n Lrsquohypoteacutenuse doit ecirctre plus grande que les cathegravetes soit

a gt nOn calcule a2 ndash n pour les entiers plus grands n soit

a = n + 1 a = n + 2

a = n + kLorsque (a2 ndash n) est un car-reacute parfait b2 on a alors

a2 ndash n = b2

drsquoougrave n = a2 ndash b2 = (a ndash b)(a + b)On en conclut que n est fac-torisable puisque (a ndash b) et (a + b) en sont des facteurs

La meacutethode de Fermat en image

aa2 gt n

a gt bb2 = a2 ndash n

n

nCarreacutedrsquoaire n

a + b

a ndash b

a ndash b

a + b

a + b

a

b

b

Rectangle drsquoaire n

import math

n = 2 027 651 281

a=mathfloor(mathsqrt(n))+1

b=mathsqrt(a2-n)

while b =int(b)

a+=1

print (a= d et b= d ---gt n= d x d (int(a)int(b)int(a-b)int(a+b))

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Tirer le maximum de la meacutethode de Fermat Comme on vient de le voir si la distance qui seacutepare les diviseurs milieux drsquoun entier n est grande la meacutethode de Fermat est peu efficace On peut contourner ce problegraveme en veacuterifiant au preacutealable la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers3 Par exemple supposons qursquoon ose srsquoattaquer agrave la factorisation du nombre de 16 chiffres n = 489 + 3 = 1 352 605 460 594 691 Appli-quer naiumlvement la meacutethode de Fermat nous amegravenera sans doute agrave abandonner notre ap-proche une fois rendu agrave quelques millions drsquoeacutetapes Une approche plus senseacutee consiste agrave drsquoabord identifier les possibles petits fac-teurs premiers de n soit en veacuterifiant la divisi-biliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave 10 000 ou 100 000 disons ce qursquoon sera en mesure de reacutealiser tregraves rapidement agrave lrsquoaide drsquoun logiciel de calcul Crsquoest ainsi qursquoon deacute-couvre que notre nombre n est divisible par 3 et 1 249 Le problegraveme se ramegravene alors agrave factoriser le nombre

=times

=nn

3 1 249360 983 576 3531

Appliquer la meacutethode de Fermat agrave ce nou-veau nombre donne

n1 = 587 201 times 614 753

et cela apregraves seulement 157 eacutetapes En ras-semblant nos calculs on obtient finalement que

n = 1 352 605 460 594 691

= 3 times 1 249 times n1

= 3 times 1 249 times 587 201 times 614 753

Dans cet exemple nous avons eacuteteacute chanceux car les deux plus grands facteurs premiers de n eacutetaient proches lrsquoun de lrsquoautre Il va de soi que ce nrsquoest pas toujours le cas Crsquoest pour-quoi si apregraves avoir eacutelimineacute les petits facteurs premiers de n la meacutethode de Fermat prend trop de temps agrave deacutevoiler ses grands facteurs premiers il est rassurant de savoir qursquoil existe drsquoautres avenues

Compliquer le problegraveme pour mieux le simplifier Une autre approche pour factoriser un nombre n est drsquoappliquer la meacutethode de Fermat agrave un nombre plus grand que n lui-mecircme en fait agrave un multiple de n Prenons par exemple le nombre n = 54 641 Comme ce nombre est relativement petit la meacutethode de Fermat trouvera sa factorisation agrave savoir n = 101 times 541 en 87 eacutetapes un nombre neacuteanmoins plutocirct grand compte tenu de la petite taille de n Toutefois si on avait su que lrsquoun des facteurs premiers de n eacutetait approximativement 5 fois son autre facteur premier on aurait pu preacutealablement multiplier n par 5 permet-tant ainsi au nouveau nombre 5n drsquoavoir ses

Algorithme (application rapide) lorsque les diviseurs milieux sont proches

Si les diviseurs milieux d1 lt d2 dun nombre n sont tels que la distance ∆ = d21048576ndash d1 qui les seacutepare satisfait agrave ∆ lt d1 et si k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n il deacutecoule de k =

d1 +d2

2 d1d2 que

kd d

d d

d dd

2( ) 1

21 1

1 11 1

1 11

lt + + minus + +

= + minus + +

Par ailleurs on peut montrer que lineacutegaliteacute

+ gt + minusyy y

1 12 8

2tient pour tout y isin (0 1)

Pour sen convaincre il suffit deacutelever chacun de ses cocircteacutes au carreacute et dutiliser le fait que y lt 1 En posant y = ∆d1 dans lrsquoineacutegaliteacute preacuteceacutedente il deacutecoule alors que

lt + minus + minus

+ = +k d dd d d2

112

18

118

11 11

2

12

2

1

lequel nombre est laquo petit raquo en autant que ∆ ne soit pas trop grand Ainsi pour n = 20 099 = 101 times 199 on obtient que

lttimes

+ ltk98

8 1011 13

2

un nombre deacutetapes relativement petit

3 Plus geacuteneacuteralement pour calculer le plus grand commun diviseur de deux entiers on peut utiliser lrsquoalgorithme drsquoEuclide lequel est tregraves rapide (voir lrsquoarticle laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo p 2 de ce numeacutero)

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diviseurs milieux essentiellement du mecircme ordre de grandeur de sorte que la meacutethode de Fermat appliqueacutee au nombre 5n aurait reacuteveacuteleacute ses facteurs 505 et 541 en une seule eacutetape Il aurait ensuite suffi de veacuterifier lequel de 505 et de 541 avait laquo heacuteriteacute raquo du facteur artificiel 5 ce qui est bien sucircr tregraves facile agrave faire Voila qui est bien facile lorsqursquoon sait qursquoun des facteurs est proche drsquoun multiple drsquoun autre facteur une information dont on ne dispose malheureusement pas agrave lrsquoavance

Peut-on neacuteanmoins explorer cette approche pour un nombre composeacute arbitraire Lrsquoideacutee serait de consideacuterer le nombre n times r pour un choix approprieacute de r Par exemple si n = pq et r = uv nous aurons nr = pu times qv et si nous sommes chanceux les deux nouveaux diviseurs pu et qv (de nr) seront suffisamment proches lrsquoun de lrsquoautre pour nous permettre drsquoappli-quer lrsquoalgorithme de Fermat avec succegraves En 1974 utilisant un raffinement de cette ideacutee R Sherman Lehman est parvenu agrave montrer que lrsquoon peut en effet acceacuteleacuterer la meacutethode de Fermat et de fait factoriser un entier im-pair n en seulement n13 eacutetapes

Les nombreuses ameacuteliorations de lrsquoideacutee originale de FermatEst-il possible de faire encore mieux Dans les anneacutees 1920 Maurice Kraitchik ameacute-liorait la meacutethode de Fermat et on sait aujourdrsquohui que son approche a constitueacute la base des principales meacutethodes modernes de factorisation des grands nombres Lrsquoideacutee de Kraitchik est la suivante plutocirct que de cher-cher des entiers a et b tels que n = a2 ndash b2 il suffit de trouver des entiers u et v tels que u2 ndash v2 est un multiple de n Par exemple sachant que 1272 ndash 802 est un multiple du nombre n = 1 081 on peut encore une fois profiter de lrsquoidentiteacute

u2 ndash v2 = (u ndash v)(u + v)

Dans notre cas on peut eacutecrire que

1272 ndash 802 = (127 ndash 80)(127 + 80)

= 47 times207

Algorithme (application lente) lorsque les diviseurs milieux sont eacuteloigneacutes

Supposons par exemple que lon cherche agrave factoriser un nombre n de 20 chiffres qui en reacutealiteacute est le produit de deux nombres premiers lun fait de 5 chiffres et lautre de 15 chiffres Il deacutecoule alors de la for-mule

k =d1 +d2

2 d1d2

ougrave k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n par la meacutethode de Fermat qursquoon aura

gt+

minus

gt gt

k n10 10

2

102

ndash10 10

4 14

1410 13

alors quen testant simplement la divi-sibiliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave n lt 1010 cela aurait eacuteteacute au moins mille fois plus rapide

Maurice Kraitchik 1882-1957Matheacutematicien et vulgarisateur scientifique belge Kraitchik sest surtout inteacuteresseacute agrave la theacuteorie des nombres et aux matheacutematiques reacutecreacuteatives

Il est lrsquoauteur de plusieurs ouvrages sur la theacuteorie des nombres reacutedigeacutes entre 1922 et 1930 De 1931 agrave 1939 il a eacutediteacute la revue Sphinx un mensuel consacreacute aux matheacutematiques reacutecreacuteatives Eacutemigreacute aux Etats-Unis lors de la Seconde Guerre mondiale il a enseigneacute agrave la New School for Social Research agrave New York Il srsquoest particuliegraverement inteacuteresseacute au thegraveme geacuteneacuteral des reacutecreacuteations matheacutematiques

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Comme tout facteur premier de n doit obli-gatoirement ecirctre un facteur de 47 ou de 207 et comme 207 = 9 times 23 on peut rapidement conclure que n = 23 times 47 Bien sucircr pour que cette approche soit efficace il faut eacutelaborer des astuces permettant de trouver des multiples du nombre agrave factoriser qui puissent srsquoeacutecrire comme une diffeacuterence de deux carreacutes Or crsquoest preacuteciseacutement ce que plusieurs matheacutematiciens ont reacuteussi agrave faire au cours du vingtiegraveme siegravecle

Ougrave en est-on aujourdrsquohui On a vu qursquoen optimisant la meacutethode origi-nale de Fermat R Sherman Lehman pouvait factoriser un entier n en environ n13 eacutetapes Or dans les anneacutees 1980 en faisant intervenir des outils matheacutematiques plus avanceacutes dont des notions drsquoalgegravebre lineacuteaire Carl Pomerance a davantage peaufineacute la meacutethode originale de Fermat et creacuteeacute une nouvelle meacute-thode de factorisation connue sous le nom de crible quadratique On sait montrer que dans la pratique avec le crible quadratique

il suffit drsquoau plus timese n n(ln ) ln(ln ) eacutetapes pour factoriser un nombre arbitraire n ce qui peut faire une eacutenorme diffeacuterence lorsqursquoil srsquoagit de factoriser de tregraves grands nombres Crsquoest ain-si que le crible quadratique permet de facto-riser un nombre n de 75 chiffres en moins de

=

lt lt

times timese e

e 10 eacutetapes

ln(10 ) ln(ln10 ) 75ln10 ln(75ln10)

299 13

75 75

alors que la meacutethode de Lehman en requiert environ 1025

Et dire que toute cette panoplie de meacutethodes de factorisation ont leur origine dans une ideacutee de Fermat datant de plus de trois siegravecles et demi

Une belle application de la meacutethode de Fermat

On peut montrer que tout entier de la forme 4k4 + 1 peut ecirctre factoriseacutee en utilisant la meacutethode de Fermat en une seule eacutetape

Soit n = 4k4 + 1 On observe drsquoabord que

n 4k 4 +1= = 2k2

En utilisant la meacutethode de Fermat on choisit drsquoabord

a = n + 1 = 2k2 + 1

On veacuterifie ensuite si a2 ndash n est un carreacute parfait Pour y arriver on eacutecrit

a2 ndash n = (2k2 + 1)2 ndash (4k4 + 1)

= 4k4 + 4k2 + 1 ndash 4k4 ndash 1 = 4k2

qui est un carreacute parfait

On peut donc conclure quen posant 4k2 = b2 on a

n = a2 ndash b2 = (2k2 + 1)2 ndash (2k)2

= (2k2 ndash 2k + 1)(2k2 + 2k + 1)

ce qui fournit la factorisation souhaiteacutee

On peut utiliser cette information pour trouver par exemple la factorisation complegravete de n = 258 + 1

En effet commen = 4 times 256 + 1 = 4 times (214)4 + 1

est bien de la forme 4k4 +1 la meacutethode de Fermat devrait nous fournir ses deux diviseurs milieux du premier coup Effective-ment on a

a = n + 1 = 2k2 + 1 = 536 870 913

On a tout de suite

a2 ndash n = 10 73 741 824 = 32 7682 = b2

de sorte que

n = a2 ndash b2

= (53 68 70 913 ndash 32 768)(53 68 70 913 + 32 768)

= 53 68 38 145 times 53 69 03 681

Comme le premier de ces deux facteurs est de toute eacutevidence un multiple de 5 on peut donc conclure que

n = 258 + 1 = 5 times 107 367 629 times 536 903 681

fournissant ainsi la factorisation souhaiteacutee

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Doss

ierA

pplic

atio

ns

Il est facile drsquoemmecircler un fil de pecircche alors qursquoil est tregraves difficile de le deacutemecircler De mecircme certaines opeacuterations sur les nombres

sont faciles dans un sens et difficiles dans lrsquoautre On les appelle opeacuterations agrave sens unique Elles sont utiliseacutees pour la cryptographie

Lorsque vous envoyez votre numeacutero de carte de creacutedit par Internet agrave un site proteacutegeacute le logiciel crypte celui-ci par le code RSA du nom de ses inventeurs Ronald Rivest Adi Shamir et Leonard Adleman

Historiquement les codes secrets ont tous eacuteteacute perceacutes Mais le code RSA publieacute en 1978 reacutesiste encore malgreacute tous les efforts de la communauteacute matheacutematique pour le briser Il repose sur le fait que si on prend deux tregraves grands nombres premiers distincts p et q et qursquoon les multiplie pour obtenir n = pq alors il est hors de porteacutee des ordinateurs actuels2 de reacutecupeacuterer p et q Ainsi on peut se permettre de publier n la cleacute qui sert au cryptage sans crainte que quiconque puisse reacutecupeacuterer p et q qui servent au deacutecryptage Ce proceacutedeacute srsquoappelle la cryptographie agrave cleacute publique parce que la recette de cryptage est publique

Aussi surprenant que cela puisse paraicirctre il est facile pour un ordinateur de fabri-quer de grands nombres premiers Plusieurs algorithmes geacuteneacuterant de grands nombres premiers sont probabilistes Nous allons en preacutesenter un ci-dessous

Dans la cryptographie agrave cleacute publique les mes-sages sont des nombres m infeacuterieurs agrave n On demandera drsquoeacutelever le nombre m agrave une tregraves grande puissance e ougrave e est un nombre qui est eacutegalement public Le message encrypteacute a est le reste de la division de me par n Tou-jours surprenant il est facile pour un or-dinateur de calculer ce reste mecircme si m et e ont chacun 200 chiffres Nous allons voir comment Le deacutecryptage se fait de maniegravere symeacutetrique en calculant le reste de la division de ad par n Mais d est inconnuhellip et pour le calculer il faut connaicirctre p et q et donc factoriser n Donc seul le concepteur qui a choisi p et q peut lire le message

Combien de temps reacutesistera le code RSA Si ce nrsquoeacutetait que des progregraves de la factorisation des entiers et de lrsquoaugmentation de la puis-sance des ordinateurs il pourrait reacutesister en-core longtemps quitte agrave allonger un peu la cleacute n Mais crsquoest sans compter sur la preacute-sence possible drsquoun nouveau venu lrsquoordina-teur quantique Cet ordinateur nrsquoexiste pas encore Par contre un algorithme rapide de factorisation sur un ordinateur quantique lrsquoalgorithme de Shor existe depuis 1997 Nous allons nous pencher sur lrsquoideacutee de cet algorithme

Christiane Rousseau Universiteacute de Montreacuteal

2 Voir lrsquoarticle laquo Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres raquo de Jean-Marie De Koninck p 8 de ce numeacutero

Comme 1 est le pgcd1 de e et de φ(n) on peut eacutecrire via lrsquoalgo-rithme drsquoEuclide

1 = 10 times 1 456 ndash 633 times 23Donc 1 = 10 times 1 456 ndash (1 456-823) times 23ou encore

1= ndash13 times 1 456 + 823 times 23Comme 823 times 23 =13 times 1 456 + 1 le reste de la division de ed par φ(n) vaut bien 1

1 Voir laquo Algorithmes dans lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

Calculer le reste de la division de me par nEacutecrivons la deacutecomposition de e = 23 en somme de puissances de 2

e = 1 + 2 + 4 + 16

Alors

m e = m m2 m4 m16

On va donc y aller pas agrave pas pour calculer ces puissances et agrave chaque eacutetape on va diviser par n Le reste de la division de m2 par n est 1 126 Remarquons que m4 = (m2)2 Le reste de la division de m4 par n est donc le mecircme que le reste de la division de 1 1262 par n

1 1262 = 823n + 1 388

De mecircme le reste de la division de m8 par n est le mecircme que le reste de la division de 1 3882 par n

1 3882 = 1 253n + 683

Finalement le reste de la division de m16 par n est le mecircme que le reste de la division de 6832 par n

6832 = 303n + 778

On remet le tout ensemble Le reste de la division de m23 par n est le mecircme que le reste de la division de

1 234 1 126 1 388 778

par n qui est bien a = 1 300 Dans la ligne qui preacutecegravede on peut aussi alterner entre faire des

multiplications et diviser les produits partiels par n pour ne pas laisser grossir les expressions Ces calculs sont faciles pour des ordinateurs mecircme quand les nombres sont tregraves grands

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un exemple de fonctionnement du code RSAAline veut pouvoir recevoir des mes-sages secrets de Bernard Elle construit donc un systegraveme agrave cleacute publique pour re-cevoir de tels messages Elle prend les nombres premiers p = 29 et q = 53 La cleacute est n =1 537 Elle aura besoin du nombre

φ(n) = (p ndash 1)(q ndash 1) = 1 456

Elle choisit e relativement premier avec φ(n) par exemple e = 23 Soit d = 823 Il a eacuteteacute construit pour que le reste de la division de ed par φ(n) soit 1 (voir encadreacute ci-contre) Pour ce il fallait connaitre φ(n) et donc la factorisation de n ce qui est difficile pour quelqursquoun ne connaissant pas p et q Aline publie n et e Bernard veut lui envoyer le message

m = 1 234

Pour le crypter il lrsquoeacutelegraveve agrave la puissance e = 23 et le divise par n Ceci lui donne le message crypteacute

a = 1 300

qursquoil envoie agrave Aline Celle-ci utilise d connu drsquoelle seule pour calculer le reste de la divi-sion de ad par n Ce reste est preacuteciseacutement le message m = 1 234

Lrsquoexemple eacutetait avec de petits nombres Mais comment faire les calculs quand les nombres sont gros Il faut se rappeler que ce qui nous inteacuteresse ce ne sont pas les nombres me et

ad mais seulement le reste de leur division par n Alors il ne faut pas laisser grossir les calculs Il faut plutocirct alterner entre prendre des puissances et diviser par n (Voir deacutetails dans lrsquoencadreacute)

Construire de grands nombres premiersLrsquoideacutee est la suivante Si on veut construire un grand nombre premier de 100 chiffres on geacutenegravere au hasard un nombre de 100 chiffres et on laquo teste raquo srsquoil est premier Srsquoil ne lrsquoest pas on recommence avec un autre nombre geacuteneacute-reacute au hasard jusqursquoagrave ce qursquoon tombe sur un nombre premier

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Premiegravere question combien faut-il faire de tests en moyenne Un nombre de 100 chiffres est un nombre de lrsquoordre de 10100 Le theacuteoregraveme des nombres premiers nous dit que si N est grand il y a environ N ln N nombres premiers infeacuterieurs ou eacutegaux agrave N Si on choisit au ha-sard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 la chance qursquoil soit premier est donc drsquoenviron

N1

ln1

ln101

100ln101

230100= = =

On peut faire mieux la moitieacute des nombres sont pairs et parmi les nombres impairs on peut eacuteliminer les multiples de 5 Donc si on choisit au hasard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 qui se termine par 1 3 7 ou 9 on a une chance sur 92 qursquoil soit pre-mier (40 des nombres se terminent par 1 3 7 9 et 410 de 230 donne 92) Ceci signi-fie qursquoen moyenne apregraves 92 tests on a trou-veacute un nombre premier Faire 92 tests est fa-cile pour un ordinateur

Ceci nous amegravene agrave la deuxiegraveme question que signifie laquo tester raquo qursquoun nombre p est pre-mier On a appris agrave le faire en cherchant si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p ce qui revient agrave factoriser partiellement p Mais factoriser est difficile pour un ordinateurhellip

On peut faire mieux Srsquoil est facile de tester si un nombre p est premier crsquoest parce qursquoon peut le faire sans factoriser p Lrsquoideacutee est la suivante Si p nrsquoest pas premier il laisse

ses empreintes partout Dans le test de primaliteacute de Miller-Rabin si p nrsquoest pas pre-mier au moins les trois-quarts des nombres entre 1 et p ont une empreinte de p crsquoest-agrave-dire qursquoils sont des teacutemoins du fait que p nrsquoest pas premier Le test pour deacutecider si un nombre est un teacutemoin est un peu tech-nique (voir encadreacute page ci-contre) Mais ce test est facile pour un ordinateur On choisit au hasard des nombres a1 am le p Si lrsquoun des ai est un teacutemoin on conclut que p nrsquoest pas premier Si aucun des ai nrsquoest un teacutemoin alors p a une tregraves grande chance drsquoecirctre pre-mier Par exemple si m = 100 la chance que p ne soit pas premier sachant que a1 am ne sont pas des teacutemoins est infeacuterieure ou eacutegale agrave 10ndash58 soit tregraves tregraves petite

Peut-on se fier agrave un algorithme probabiliste Les informaticiens le font reacuteguliegraverement degraves qursquoils ont besoin de grands nombres premiers et on nrsquoobserve pas de catas-trophe autour de nous On voit drsquoailleurs qursquoon pourrait transformer cet algorithme probabiliste de primaliteacute en algorithme deacute-terministe il suffirait de tester au moins le quart des nombres a isin 2 p ndash1 Si aucun nrsquoest un teacutemoin alors on peut affir-mer avec certitude que p est premier Mais cet algorithme serait sans inteacuterecirct car il requerrait de regarder si p4 nombres sont des teacutemoins alors que lrsquoalgorithme usuel de factorisation demande de regarder si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p et

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lt degraves que p gt 16

Casser le code RSA sur un ordinateur quantiqueEn 1997 Peter Shor a annonceacute un algo-rithme qui casserait le code RSA sur un ordinateur quantique qui nrsquoexiste pas encorehellip Que signifie cette affirmation Lrsquoalgorithme de Shor est simplement un autre algorithme de factorisation Il fonc-tionnerait sur un de nos ordinateurs mais il serait moins bon que les meilleurs algo-rithmes de factorisation La limite de nos ordinateurs est le paralleacutelisme On ne peut faire qursquoun nombre limiteacute drsquoopeacuterations en parallegravele

DossierApplications

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Quelques avantages de la cryptographie agrave cleacute publique

La cryptographie agrave cleacute publique est tregraves utile quand des milliers de personnes par exemple des clients peuvent vouloir envoyer leur numeacutero de carte de creacutedit agrave une mecircme compagnie

La meacutethode drsquoencryptage est publique et seule la compagnie peut deacutecrypter les messages chiffreacutes

Un autre avantage est que deux interlocuteurs nrsquoont pas besoin drsquoeacutechanger de lrsquoinformation secregravete par exemple une cleacute pour communiquer de maniegravere seacutecuritaire Il suffit que chacun publie son systegraveme de cryptographie agrave cleacute publique

Le systegraveme RSA permet de signer un message pour srsquoassurer qursquoil provient bien de la bonne personne Dans notre exemple pour que Bernard signe son message il faut qursquoil construise son propre sys-tegraveme agrave cleacute publique dont il publie la cleacute nrsquo et la cleacute de cryptage ersquo Il se servira de sa cleacute de deacutecryptage drsquo pour apposer sa signature sur le message

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un ordinateur est composeacute de transistors qui fonctionnent agrave la maniegravere drsquointerrup-teurs en ayant deux positions OUVERT et FERMEacute que lrsquoon peut coder comme des bits drsquoinformation 0 ou 1 Un nombre de 200 chiffres est infeacuterieur agrave 10200 lt 2665 et donc peut srsquoeacutecrire avec 665 bits Tester srsquoil a un diviseur premier infeacuterieur agrave 10100 lt 2333 revient agrave regarder toutes les suites de 333 bits eacutegaux agrave 0 ou 1 Un travail titanesque sauf si lrsquoordinateur a un grand paralleacutelisme Dans un ordinateur quantique les bits drsquoinformation sont des bits quantiques ils peuvent ecirctre dans un eacutetat superposeacute entre 0 et 1 Lrsquoimage que lrsquoon pourrait donner est celle drsquoun sou Une fois lanceacute il tombe sur PILE ou sur FACE Mais avant de le lancer il a probabiliteacute 12 de tomber sur PILE et probabiliteacute 12 de tomber sur FACE On pourrait dire qursquoil est dans un eacutetat superposeacute Le fait que m bits quantiques soient dans un eacutetat superposeacute implique qursquoils peuvent faire simultaneacutement les 2m opeacutera-tions diffeacuterentes correspondant agrave tous les choix de valeurs 0 ou 1 pour chacun des bits Par contre de mecircme que notre sou tombe neacutecessairement sur PILE ou sur FACE degraves qursquoon veut observer un bit quantique il prend neacutecessairement la valeur 0 ou la valeur 1 et donc on ne peut observer le reacutesultat de tous les calculs faits en parallegravele La subtiliteacute de lrsquoalgorithme de Shor vient du fait qursquoon pourra reacutecupeacuterer le reacutesultat du calcul lequel donne une factorisation de p si p nrsquoest pas premier

Le nombre 15 a eacuteteacute factoriseacute sur un ordi-nateur quantique en 2007 et en 2012 on a factoriseacute 143 = 11x13 Les progregraves semblent lents depuis ce temps Le deacutefi technologique de lrsquoordinateur quantique est de maintenir de nombreux bits en eacutetat superposeacute Ce recircve deviendra-t-il reacutealiteacute Mecircme si les progregraves semblent lents les experts y croient de plus en plus

Tester si un nombre est un teacutemoinOn veut tester si p impair est premier Alors on peut eacutecrire p ndash 1 qui est pair comme p ndash 1 = 2sd ougrave d est impair

(Il suffit de diviser p ndash 1 par 2 successive-ment jusqursquoagrave ce que le quotient soir im-pair) Soit a isin 2 p ndash1

Critegravere pour ecirctre teacutemoin Si a est un teacute-moin que p nrsquoest pas premier alors on a simultaneacutement que le reste de la division de ad par p est diffeacuterent de 1 et que les restes de la division de a d2r

par p sont diffeacuterents de p ndash 1 pour tous les r isin 0 s ndash1

Regardons un premier exemple Prenons p = 13 Alors p ndash 1 = 22 3 Ici d = 3 et s = 2 Voyons que p nrsquoa aucun teacutemoin

La premiegravere colonne du tableau agrave gauche donne a la deuxiegraveme colonne donne

le reste de la division de ad = a3 par p et la troisiegraveme colonne le reste de la division de a2d = a6 par p

On voit bien que pour chaque a soit on a un 1 dans le premiegravere colonne ou bien un 1 ou un 12 dans la deuxiegraveme colonne et donc aucun a nrsquoest un teacutemoin de 13 On sait alors que 13 est premier

Refaisons lrsquoexercice avec p = 15 Alors p ndash 1 = 2 7 Comptons combien p a de teacutemoins Ici la deuxiegraveme colonne repreacutesente le reste de la division de ad= a7 par p Tous les a sauf 14 sont des teacutemoins et chacun nous dit que 15 nrsquoest pas premier

Mais bien sucircr apprendre qursquoun nombre a est un teacutemoin que p nrsquoest pas premier ne nous apprend rien de la factorisation de p

81

1288551

125

12

1211

1212121211

121

a23456789

101112

812456

1329

101137

14

a23456789

1011121314

Le fonctionnement de lrsquoalgorithme de Shor

On veut factoriser un entier n Lrsquoalgo-rithme de Shor cherche un diviseur d de n qui soit diffeacuterent de 1 et de n Ensuite on peut iteacuterer en cherchant un diviseur de lrsquoentier S = nd Voyons qursquoil suffit de trouver un entier r tel que n divise r2 ndash 1 = (r ndash 1)(r + 1) mais n ne divise ni r ndash 1 ni r + 1 Puisque n divise r2 ndash 1 il existe un entier m tel que r2 ndash 1 = mn Soit p un facteur premier de n Alors p divise r ndash 1 ou encore p divise r + 1 Dans le premier cas d est le pgcd de r ndash 1 et n et dans le deuxiegraveme cas celui de r + 1 et n Calculer le pgcd de deux nombres par lrsquoalgorithme drsquoEuclide3 est facile pour un ordinateur Comment construire un tel entier r est un peu technique et nous ne ferons pas les deacutetails

3 Voir laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

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Si la notion de logarithme paraicirct aujourdrsquohui tout agrave fait naturelle sa conceptualisation et sa mise en œuvre au plan pratique au deacutebut

du 17e siegravecle nrsquoont point eacuteteacute une mince affaire Premiers eacutepisodes de cette foisonnante saga

Peu de temps apregraves leur introduction par John Napier (1550-1617) au tout deacutebut du 17e siegravecle les logarithmes se sont rapidement imposeacutes comme un laquo merveilleux raquo1 outil essentiel en astronomie et en navigation deux domaines scientifiques particuliegraverement avanceacutes agrave cette eacutepoque et qui venaient avec leur lot de calculs proprement titanesques Crsquoest dans un tel contexte qursquoil faut entendre le ceacutelegravebre aphorisme ducirc au matheacutematicien physicien et astronome franccedilais Pierre-Simon Laplace2 (1749-1827) qui srsquointeacuteressant dans le cadre drsquoun survol historique de lrsquoastronomie aux travaux de Johannes Kepler (1571-1630) affirmait que la deacutecouverte des logarithmes mdash combineacutee agrave lrsquoarithmeacutetique des Indiens crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecriture des nombres dans un systegraveme positionnel mdash avait pour ainsi dire doubleacute la vie des astronomes (voir encadreacute)

La preacutehistoire des logarithmesIssu entiegraverement de lrsquolaquo esprit humain raquo selon les dires de Laplace le concept de logarithme repose sur une ideacutee somme toute assez na-turelle consideacuterant diverses puissances drsquoun mecircme nombre on porte lrsquoattention sur les exposants de ces puissances Par exemple srsquoagissant des entiers

64 256 1024 et 4096crsquoest-agrave-dire respectivement

43 44 45 et 46on envisage plutocirct les exposants

3 4 5 et 6

Sur la base de ces donneacutees on pourrait conclure immeacutediatement mdash si on dispose drsquoune table de puissances de 4 mdash que

256 times 4 096 = 1 048 576prenant appui sur le fait que

44 times 46 = 44 + 6 = 410

(on applique ici une regravegle de base des exposants qui va de soi lorsque ceux-ci sont des entiers naturels) Il nrsquoest pas eacutetonnant que des telles intuitions aient pu se retrouver il y a fort longtemps

Jeacuterocircme Camireacute-Bernier

Bernard R Hodgson Universiteacute Laval

1 Renvoi agrave lrsquoeacutepithegravete mirifique (archaiumlque de nos jours) utiliseacutee par Napier lui-mecircme Lrsquoex-pression mirifique invention de notre titre est emprunteacutee agrave Jean-Pierre Friedelmeyer (voir le Pour en savoir plus)

2 Alias Pierre-Simon de Laplace Aussi homme politique il fut nommeacute marquis en 1817 (drsquoougrave la particule nobiliaire)

Laplace agrave propos des logarithmeslaquo Il [Kepler] eut dans ses derniegraveres anneacutees lrsquoavantage de voir naicirctre et drsquoemployer la deacutecouverte des logarithmes due agrave Neper baron eacutecossais artifice admirable ajouteacute agrave lrsquoingeacutenieux algorithme des Indiens et qui en reacuteduisant agrave quelques jours le travail de plusieurs mois double si lrsquoon peut ainsi dire la vie des astronomes et leur eacutepargne les erreurs et les deacutegoucircts inseacuteparables des longs calculs invention drsquoautant plus satis-

faisante pour lrsquoesprit humain qursquoil lrsquoa tireacutee en entier de son propre fonds dans les arts lrsquohomme se sert des mateacuteriaux et des forces de la nature pour accroicirctre sa puissance mais ici tout est son ouvrage raquo

Exposition du systegraveme du monde Livre V Chapitre IV

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

Un peu de vocabulaire

Eacutetant donneacute deux reacuteels (positifs) x et y leur moyenne arithmeacutetique

est donneacutee par x y2+ et leur moyenne geacuteomeacutetrique par xy

Ces appellations trouvent leur origine dans les matheacutematiques grecques de lrsquoAntiquiteacute notamment de lrsquoeacutepoque de Pythagore

Lrsquoarithmeacutetique de lrsquoeacutecole pythagoricienne portant sur lrsquoeacutetude des entiers (et des rapports simples drsquoentiers) on voit immeacutediatement pourquoi la premiegravere moyenne est dite laquo arithmeacutetique raquo Quant agrave la moyenne laquo geacuteomeacutetrique raquo elle fait intervenir une opeacuteration qui megravene agrave des grandeurs geacuteneacuteralement au-delagrave du champ des entiers Or le domaine qui eacutetudie les grandeurs par exemple les segments de droite est justement la geacuteomeacutetrie

On peut montrer que dans une suite arithmeacutetique un terme donneacute (agrave partir du deuxiegraveme) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins Et de mecircme mutatis mutandis pour une suite geacuteomeacutetrique (Voir la Section problegravemes)

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Ainsi sur la partie infeacuterieure de la tablette meacutesopotamienne MLC 020783 datant drsquoentre 1900 et 1600 avant notre egravere se trouve le tableau ci-haut (les nombres sont donneacutes ici en notation moderne et non en eacutecriture cu-neacuteiforme) on y reconnaicirct immeacutediatement la liste des premiegraveres puissances de 2 ainsi que les exposants correspondants

Lrsquousage a consacreacute lrsquoexpression suite arith-meacutetique (ou progression arithmeacutetique selon une tournure un brin suranneacutee) pour une liste de nombres qui comme dans la colonne de droite de ce tableau croissent (ou deacutecroissent) reacuteguliegraverement de maniegravere additive

a a + d a + 2d a + nd

a repreacutesentant le premier terme de la suite et d la diffeacuterence entre deux termes conseacute-cutifs mdash crsquoest-agrave-dire de combien lrsquoun de ces termes est plus grand que lrsquoautre4 (Le tableau preacuteceacutedent correspond au cas ougrave a = 1 et d = 1) Lorsque les nombres de la liste sont relieacutes multiplicativement

a ar ar2 arn

on parlera de suite (ou progression) geacuteomeacute-trique la constante r repreacutesentant cette fois le rapport entre deux termes conseacutecutifs mdash crsquoest-agrave-dire combien de fois lrsquoun est plus grand que lrsquoautre4 (Dans la colonne de gauche du tableau on a a = 2 et r = 2) (Voir lrsquoencadreacute Un peu de vocabulaire pour le sens des mots laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo dans un tel contexte)

Selon cette nomenclature la tablette MLC 02078 peut donc srsquointerpreacuteter comme la mise en comparaison de deux suites lrsquoune arithmeacutetique et lrsquoautre geacuteomeacutetrique Ce type de situation se retrouve agrave diverses eacutepoques au fil des acircges Ainsi en est-il question dans un autre document de lrsquoAntiquiteacute LrsquoAreacutenaire traiteacute dans lequel Archimegravede (-287 ndash -212) se donne comme objectif de deacuteterminer le nombre de grains de sable dont le volume serait eacutegal agrave celui du laquo monde raquo5 Parmi les outils dont se sert alors le grand matheacutematicien grec se retrouve la manipulation simultaneacutee drsquoune suite arithmeacutetique et drsquoune suite geacuteomeacutetrique ce qui lrsquoamegravene (en termes modernes) agrave identifier au passage la regravegle drsquoaddition des exposants

bm times bn = bm +n

(voir la Section problegravemes) et donc le prin-cipe de transformation drsquoune multiplication en une addition agrave la base des logarithmes

3 Pour Morgan Library Collection Cette tablette se retrouve dans la collection de lrsquoUniversiteacute Yale aux Eacutetats-Unis

4 Cette faccedilon de parler est utiliseacutee par Euler lorsqursquoil introduit les notions de rapports arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique dans ses Eacuteleacutements drsquoalgegravebre (1774) mdash voir Section troisiegraveme laquo Des rapports amp des propor-tions raquo entre autres les articles 378 398 et 505

5 Une des difficulteacutes auxquelles fait ici face Archimegravede est de reacutealiser cet objectif dans le cadre du systegraveme de numeacuteration grec qui nrsquoeacutetait pas propice pour exprimer aiseacutement de tregraves grands nombres Mais cela est une autre histoirehellip

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Tablette MLC 02078 (1900-1600 avant notre egravere)

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Cette mecircme ideacutee se retrouve plusieurs siegravecles plus tard dans Le Triparty en la science des nombres (1484) du Franccedilais Nicolas Chuquet (1445-1488) Dans la troisiegraveme partie de cet ouvrage Chuquet introduit des regravegles cal-culatoires de nature algeacutebrique Il srsquointeacuteresse alors notamment aux valeurs des puis-sances de 2 depuis 1 jusqursquoagrave 1 048 576 qursquoil aligne en colonnes avec les exposants entiers correspondants (qursquoil appelle laquo deacuteno-minations raquo) de 0 jusqursquoagrave 20 et note que la multiplication de nombres de la premiegravere colonne correspond agrave lrsquoaddition de nombres dans la seconde Il identifie aussi une autre regravegle de base des exposants

b b( )m n mn=(encore une fois exprimeacutee ici en notation moderne) Agrave noter que Chuquet utilise une notation avec indice sureacuteleveacute (comme nous le faisons aujourdrsquohui)6 et qursquoen plus de lrsquoexposant 0 il considegravere des exposants (entiers) neacutegatifs Au milieu du 16e siegravecle lrsquoAllemand Michael Stifel (1487-1567) reprendra les mecircmes thegravemes dans son Arithmetica integra (1544) ougrave il parle expli-citement de la relation entre une progression arithmeacutetique et une progression geacuteomeacutetrique Crsquoest drsquoailleurs agrave Stifel que lrsquoon doit le vocable exposants pour deacutesigner les nombres de la suite arithmeacutetique en jeu

Si quelques-uns des principes servant de fondements agrave la notion de logarithme se per-ccediloivent dans les commentaires qui preacutecegravedent on est encore loin du logarithme en tant que tel Pour qursquoune correspondance entre une suite geacuteomeacutetrique et une suite arithmeacutetique devienne un veacuteritable outil de calcul il faut en effet laquo boucher les trous raquo entre les puissances (entiegraveres) successives Il peut ecirctre inteacuteressant comme le souligne Chuquet de conclure gracircce agrave sa table des puissances de 2 que le produit de 128 et 512 est 65 536 Mais cela ne nous renseigne en rien par exemple sur le produit 345 times 678 On voit mecircme Chuquet dans un appendice au Tripar-ty chercher agrave reacutesoudre des problegravemes dans lesquels un exposant fractionnaire est rechercheacute mdash mais sans deacutevelopper pour autant drsquoapproche systeacutematique agrave cette fin

Certains eacuteleacutements (timides) agrave cet eacutegard se retrouvent il y a fort longtemps Ainsi le tableau numeacuterique ci-contre figure lui aussi sur la tablette MLC 02078 (dans sa partie supeacuterieure) On y voit une progression arith-meacutetique de diffeacuterence frac-tionnaire ecirctre juxtaposeacutee agrave une progression geacuteomeacutetrique agrave savoir des puissances de 16 Mais peu semble avoir eacuteteacute fait pour pousser plus loin de telles asso-ciations jusqursquoagrave lrsquoarriveacutee de Napier

Les logarithmes agrave la NapierTout eacutetudiant est aujourdrsquohui familier avec le fait que le passage drsquoun nombre donneacute agrave son logarithme (selon une certaine base) revient agrave identifier lrsquoexposant dont il faut affecter cette base pour retrouver le nombre en cause Ayant fixeacute un reacuteel b (positif et diffeacuterent de 1) et consideacuterant un reacuteel positif x le logarithme de x dans la base b noteacute logbx est donc par deacutefinition lrsquoexposant (reacuteel) u tel que bu = x Une telle vision il faut le souligner demeure relativement tardive par rapport agrave lrsquointuition originale de logarithme nrsquoeacutetant devenue la norme que pregraves drsquoun siegravecle et demi apregraves les travaux de lrsquoEacutecossais John Napier7 mdash voir lrsquoencadreacute Les traiteacutes de Napier mdash lorsque Leonhard Euler (1707-1783) en a fait la pierre drsquoassise de son traitement de la fonction logarithmique8 dans son Introduc-tio in analysin infinitorum (1748) Acceptant les proprieacuteteacutes de la fonction exponentielle bu pour des reacuteels b et u quelconques on tire im-meacutediatement de cette deacutefinition la proprieacuteteacute de base du logarithme

logb xy = logb x + logb y

ce qui permet de transformer une multi-plication en une addition de mecircme que les eacutegaliteacutes similaires pour le logarithme drsquoun quotient ou drsquoune puissance

DossierHistoire

6 La notation exponentielle aujourdrsquohui usuelle telle a2 ou a3 se reacutepandra apregraves son utilisa-tion par Reneacute Descartes (1596-1650) dans son traiteacute La geacuteomeacutetrie (1637)

7 Voir Andreacute Ross laquo John Napier raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 8-11

8 Cette approche drsquoEuler peut ecirctre vue comme une illustration remarquable de lrsquoim-pact drsquoune bonne notation en vue de clarifier et faciliter la deacutemarche de la penseacutee

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

On observera que lrsquoideacutee drsquoun lien entre deux suites lrsquoune geacuteomeacutetrique et lrsquoautre arithmeacutetique bien que sous-jacente agrave la derniegravere eacutegaliteacute nrsquoest pas pour autant expli-citement mise en eacutevidence dans cette vision moderne (post-euleacuterienne) du logarithme Or agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier introduit ses loga-rithmes lrsquoideacutee de laquo fonction raquo nrsquoest pas dans lrsquoair du temps mdash elle ne surgira de fait que vers la fin du 17e siegravecle dans la mouvance des travaux sur le calcul infiniteacutesimal mdash de sorte que la comparaison de suites (geacuteomeacutetrique et arithmeacutetique) demeure la principale source drsquoinspiration de ses travaux

Une autre mouvance de lrsquoeacutepoque visait agrave se doter drsquooutils permettant de simplifier lrsquoexeacutecution de calculs arithmeacutetiques portant sur de gros nombres Dans un texte preacuteceacute-dent9 nous avons preacutesenteacute entre autres la meacutethode de prosthapheacuteregravese utiliseacutee vers la fin du 16e siegravecle en vue de transformer une multiplication en addition ou une division en soustraction La populariteacute de telles meacutethodes notamment dans les cercles astronomiques a certainement contribueacute agrave convaincre Napier de lrsquoimportance de deacuteve-lopper des outils permettant de raccourcir les calculs y compris dans le cas de lrsquoexponen-tiation ou de lrsquoextraction de racine Il en fait drsquoailleurs mention explicitement dans la preacute-face de son Descriptio Soulignant le caractegravere peacutenible dans la pratique des matheacutematiques de la multiplication division ou extraction de racine carreacutee ou cubique de grands nombres Napier insiste non seulement sur le temps re-quis pour exeacutecuter ces opeacuterations mais aus-si sur les nombreuses erreurs qui peuvent en reacutesulter Agrave la recherche drsquoune meacutethode sucircre et expeacuteditive afin de contourner ces difficul-teacutes il annonce qursquoapregraves lrsquoexamen de plusieurs proceacutedeacutes il en a retenu un qui rencontre ses attentes

laquo Agrave la veacuteriteacute aucun proceacutedeacute nrsquoest plus utile que la meacutethode que jrsquoai trouveacutee Car tous les nombres utiliseacutes dans les multiplica-tions les divisions et les extractions ar-

dues et prolixes de racines sont rejeteacutes des opeacuterations et agrave leur place sont substitueacutes drsquoautres nombres sur lesquels les calculs se font seulement par des additions des soustractions et des divisions par deux et par trois raquo10

La vision geacuteomeacutetrico- cineacutematique de NapierUn troisiegraveme eacuteleacutement sur lequel srsquoappuie Napier dans sa creacuteation des logarithmes est la geacuteomeacutetrie mdash plus preacuteciseacutement la geacuteomeacutetrie du mouvement Il a en effet lrsquoideacutee de comparer le deacuteplacement de deux points lrsquoun bougeant selon une vitesse11 variant de maniegravere telle que les distances parcourues en des intervalles de temps eacutegaux forment une progression geacuteomeacute-trique tandis que lrsquoautre point bougeant agrave vitesse constante deacute-termine des distances en progression arith-meacutetique Le support geacuteomeacutetrique dont se sert alors Napier peut se deacutecrire comme suit

9 Voir laquo Eacutemergence logarithmique tables et calculs raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 2-7

10 Tireacute de la preacuteface du Mirifici logarithmorum canonis descriptio (traduction personnelle)

11 Napier introduit lrsquoideacutee de mouvement degraves la deacutefinition 1 du Descriptio Il utilise explicite-ment le terme laquo vitesse raquo agrave la deacutefinition 5

Les traiteacutes de NapierCrsquoest degraves lrsquoanneacutee 1594 que Na-pier entame les travaux qui lrsquoamegraveneront agrave la notion de loga-rithme En 1614 il fait connaicirctre son invention en publiant un premier traiteacute sur le sujet mdash reacutedigeacute en latin la langue des savants de lrsquoeacutepoque Mirifici lo-garithmorum canonis descrip-tio (crsquoest-agrave-dire Description de la merveilleuse regravegle des loga-rithmes) Il srsquoagit de la premiegravere publication drsquoune table de lo-garithmes qui occupent les 90 derniegraveres pages du traiteacute Cette table est preacuteceacutedeacutee drsquoun texte de 57 pages ougrave Napier explique

ce que sont les logarithmes et comment les utiliser

Un second traiteacute de Napier sur le sujet est un ouvrage reacutedigeacute avant la parution du Descriptio mais publieacute par lrsquoun de ses fils seulement en 1619 deux ans apregraves sa mort Mirifici loga-rithmorum canonis constructio (Construction de la merveilleuse regravegle des logarithmes) Dans un texte drsquoenviron 35 pages (ac-compagneacute drsquoappendices) Na-pier preacutesente la theacuteorie sur la-quelle il srsquoest appuyeacute pour construire sa table

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Eacutetant donneacute un segment AB de longueur deacutetermineacutee il considegravere un point P partant de A avec une vitesse initiale donneacutee et se deacuteplaccedilant vers B en une seacuterie de laquo pas raquo P1 P2 P3 Pn

Napier stipule (Descriptio deacutefinition 2) que la vitesse de deacuteplacement de P le long de AB deacutecroicirct de maniegravere telle que en des temps eacutegaux la longueur de chacun des inter-valles AP1 P1P2 P2P3 P3P4 successivement parcourus par P est proportionnelle agrave la dis-tance seacuteparant P de sa cible B (lorsqursquoil est agrave lrsquoextreacutemiteacute gauche de chaque intervalle)12

APAB

P PP B

P PP B

P PP B

1 1 2

1

2 3

2

3 4

3

= = = =

On tire immeacutediatement de ces eacutegaliteacutes que

P BAB

P BP B

P BP B

P BP B

1 2

1

3

2

4

3

= = = =

(voir la Section problegravemes) de sorte que la suite de segments AB P1B P2B P3B qui correspond aux distances entre les diverses positions de P et lrsquoextreacutemiteacute B forme une suite geacuteomeacutetrique deacutecroissante (Construc-tio article 24) la longueur de chacun drsquoeux est en effet la moyenne geacuteomeacutetrique de ses deux voisins Napier considegravere alors un second point Q se deacuteplaccedilant agrave vitesse constante sur une demi-droite (donc illimiteacutee dans un sens) et de maniegravere telle qursquoau moment ougrave P passe par Pi le point Q est en un point Qi = i (voir la Section problegravemes)

Lrsquoideacutee de Napier est drsquoassocier la suite arith-meacutetique

0 1 2 3 n

correspondant aux positions successives de Q agrave la suite geacuteomeacutetrique deacutetermineacutee par les segments

AB P1B P2B P3B PnB

Mais pour que cette association soit com-plegravete il faut la geacuteneacuteraliser agrave un emplacement quelconque de P sur AB outre les positions laquo discregravetes raquo P1 P2 P3 Voici le tour de passe-passe permettant agrave Napier de contourner cette difficulteacute

Puisque des distances parcourues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est propor-tionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (voir la Section problegravemes) Ainsi quand P est agrave mi-chemin dans son trajet de A vers B sa vitesse a diminueacute de moitieacute par rapport agrave sa vitesse initiale Et quand il est rendu aux deux-tiers de lrsquointervalle AB sa vitesse ne vaut plus que le tiers de celle de deacutepart

Passant agrave une vision laquo lisse raquo mdash et non plus par laquo pas raquo mdash du deacuteplacement de P Napier en vient agrave consideacuterer ce point comme chan-geant laquo continucircment raquo de vitesse13 mdash et non pas de maniegravere abrupte et instantaneacutee en chaque point Pi Pour rester dans les mecircmes conditions que preacuteceacutedemment il suppose donc que P se deacuteplace laquo geacuteomeacute-triquement raquo de A vers B crsquoest-agrave-dire de maniegravere telle que la vitesse de P est toujours proportionnelle agrave la distance qui le seacutepare de B (Constructio article 25)

Les laquo logarithmes agrave la Napier raquo sont main-tenant agrave porteacutee de main Supposant drsquoune part que les deux points P et Q entament leur deacuteplacement agrave la mecircme vitesse le premier selon une vitesse deacutecroissant geacuteomeacutetriquement de A vers B et le second agrave vitesse constante agrave partir de 0 et suppo-sant de plus que le point Q est en y lorsque le point P est agrave une distance x de B alors y est appeleacute par Napier le logarithme de x (On eacutecrira ici par commoditeacute y = Nlog(x))

Crsquoest ainsi que le logarithme du reacuteel x est le reacuteel y deacutetermineacute par la suite arithmeacutetique associeacutee agrave la suite geacuteomeacutetrique correspon-dant agrave x

DossierHistoire

12 On notera au passage que le point P nrsquoat-teint ainsi jamais sa cible B car agrave chaque eacutetape il gruge toujours la mecircme fraction du chemin restant agrave parcourir

13 Napier nrsquoutilise pas explicitement une telle terminologie

0 y

x

Q rarrA

P rarr

B

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P1 P2 P3 P4 Pn

B

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Q1 Q2 Q3 Q4 Qn

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Valeurs numeacuteriques des logarithmes de NapierPlusieurs aspects de la notion de logarithme telle que conccedilue et mise en œuvre par Na-pier peuvent nous sembler un peu eacutetranges aujourdrsquohui On a deacutejagrave insisteacute sur la place qursquoy occupent les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique maintenant absentes du discours sur les logarithmes Une autre par-ticulariteacute est relieacutee aux valeurs numeacuteriques mecircmes deacutetermineacutees par Napier

Une motivation cleacute de Napier eacutetait de construire un outil facilitant les calculs tri-gonomeacutetriques un domaine drsquoapplication des matheacutematiques de toute premiegravere importance agrave son eacutepoque Crsquoest pour cette raison que la table produite par Napier dans son Descriptio repose non pas sur des nombres en geacuteneacuteral mais plutocirct sur le sinus des angles allant de 0deg agrave 90deg chaque degreacute eacutetant diviseacute en 60 minutes Agrave chacune de ces valeurs de sinus (il y en a donc 5 400 en tout) Napier associe son logarithme tel que deacutefini ci-haut

Il faut par ailleurs souligner que la notion de sinus de lrsquoeacutepoque nrsquoest pas tout agrave fait la mecircme qursquoaujourdrsquohui le sinus est alors non pas vu comme un rapport de cocircteacutes dans un triangle mais plutocirct comme la longueur drsquoune demi-corde dans un cercle donneacute Afin de faciliter les calculs il eacutetait drsquousage de travailler avec un cercle de grand rayon de maniegravere agrave eacuteviter lrsquoemploi de fractions et agrave se res-treindre agrave des nombres naturels Or agrave la fin du 16e siegravecle agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier entreprit ses travaux crsquoest sur un cercle de rayon 10 000 000 que srsquoappuyaient certaines des tables trigonomeacutetriques alors en circula-tion14 Crsquoest sans doute lagrave la raison pour laquelle Napier deacutecide de se servir de cette mecircme valeur pour asseoir la construction de sa table logarithmique

Il se dote donc drsquoun segment AB de longueur 107 = 10 000 000 (Constructio article 24) et il suppose que la vitesse initiale de chacun des deux points P et Q est aussi 107 (Constructio articles 25 et 26) Dans le cas de Q cette

vitesse demeure constante alors que pour P elle deacutecroicirct laquo geacuteomeacutetriquement raquo15 Or le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique doit permettre de combler les eacutecarts entre des puissances entiegraveres successives mdash voir agrave ce propos les commentaires plus haut mdash de sorte qursquoil est utile que ce rapport soit un nombre pregraves de 1 Agrave cet effet Napier choisit comme rapport

0999 999 9 11

107= minus

(Constructio articles 14 et 16) Une telle valeur a aussi comme avantage que le calcul de termes successifs de la progression geacuteomeacutetrique peut se ramener agrave une seacuterie de soustractions plutocirct que des multiplica-tions iteacutereacutees par 1 ndash 10ndash7 ce qui a permis agrave Napier de simplifier dans une large mesure la construction de sa table Cette construction demeure neacuteanmoins en pratique un accom-plissement eacutepoustouflant

On observera que les valeurs numeacuteriques des logarithmes creacuteeacutes par Napier sont fort diffeacuterentes de celles que lrsquoon connaicirct aujourdrsquohui Ainsi on a que Nlog(107) = 0 Et Nlog(x) deacutecroicirct lorsque x croicirct De plus il nrsquoest pas question de laquo base raquo dans les propos de Napier (voir agrave ce sujet la Section problegravemes) Mais lrsquoessence du logarithme est bel et bien lagrave

14 De telles tables trigonomeacutetriques ont eacuteteacute construites par Johann Muumlller alias Regio-montanus (1436-1476) et par Georg Joachim de Porris dit Rheticus (1514-1574)

15 Les valeurs choisies par Napier ont pour conseacutequence que la vitesse de P (en tant que nombre) est non seulement proportion-nelle mais est de fait eacutegale agrave la distance de P agrave B (voir la Section problegravemes)

Agrave propos de lrsquoeacutetymologie du mot logarithme

Napier a forgeacute le mot logarithme agrave partir de deux racines grecques drsquousage courant logoς laquo rapport raquo et ariqmoς laquo nombre raquo On peut voir le mot rapport ici comme refleacutetant le rapport commun des termes successifs de la suite geacuteomeacutetrique AB P1B P2B P3B

Au commencement de ses travaux Napier appelait nombres artificiels les valeurs de la suite arithmeacutetique peut-ecirctre pour les opposer aux nombres de la suite geacuteomeacute-trique qui eacutetaient en quelque sorte don-neacutes Mais le terme logarithme srsquoest rapide-ment imposeacute

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Comment ameacuteliorer une solution imparfaite agrave un problegraveme complexe

Et si on srsquoinspirait de la nature pour faire eacutevoluer les solutions

Lrsquoinspiration de la nature En 1859 le naturaliste Charles Darwin a publieacute son ceacutelegravebre ouvrage Lrsquoorigine des espegraveces qui preacutesentait une theacuteorie visant agrave expliquer le pheacutenomegravene de lrsquoeacutevolution Cette theacuteorie reacutevolutionnaire a provoqueacute plusieurs deacutebats agrave lrsquoeacutepoque mais elle est maintenant largement accepteacutee Environ 100 ans plus tard elle a inspireacute le professeur John Holland qui a tenteacute drsquoimpleacutementer artificiellement des systegravemes eacutevolutifs baseacutes sur le proces-sus de seacutelection naturelle Ces travaux ont

ensuite meneacute aux algorithmes geacuteneacutetiques qui sont maintenant utiliseacutes pour obtenir des solutions approcheacutees pour certains problegravemes drsquooptimisation difficiles

Les eacuteleacutements de base drsquoun algorithme geacuteneacutetiqueAfin de comprendre lrsquoanalogie entre le processus de seacutelection naturelle et un algo-rithme geacuteneacutetique rappelons tout drsquoabord les meacutecanismes les plus importants qui sont agrave la base de lrsquoeacutevolution

1 Lrsquoeacutevolution se produit sur des chromo-somes qui repreacutesentent chacun des individus dans une population

2 Le processus de seacutelection naturelle fait en sorte que les chromo-somes les mieux adapteacutes se reproduisent plus souvent et contribuent davantage aux popu- lations futures

3 Lors de la reproduction lrsquoinfor- mation contenue dans les chromosomes des parents est combineacutee et meacutelangeacutee pour produire les chromosomes des enfants (laquo croisement raquo)

4 Le reacutesultat du croisement peut agrave son tour ecirctre modifieacute par des perturbations aleacuteatoires (muta-tions)

Ces meacutecanismes peuvent ecirctre utiliseacutes pour speacutecifier un algorithme geacuteneacutetique tel que celui deacutecrit dans lrsquoencadreacute ci-dessous

Charles Fleurent GIRO

Algorithmes geacuteneacutetiques

Les travaux sur lrsquoeacutevolution des espegraveces vivantes du natura-liste et paleacuteontologue anglais Charles Darwin (1809-1882) ont reacutevolutionneacute la biologie Dans son ouvrage intituleacute LrsquoOrigine des espegraveces paru en 1859 Darwin preacutesente le reacutesultat de ses recherches Darwin eacutetait deacutejagrave ceacutelegravebre au sein de la communauteacute scientifique de son eacutepoque

pour son travail sur le terrain et ses recherches en geacuteologie Ses travaux srsquoinscrivent dans la fouleacutee de ceux du natura-liste franccedilais Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) qui 50 ans plus tocirct avait eacutemis lrsquohypothegravese que toutes les espegraveces vivantes ont eacutevolueacute au cours du temps agrave partir drsquoun seul ou de quelques ancecirctres communs Darwin a soutenu avec Alfred Russel Wallace (1823-1913) que cette eacutevolution eacutetait due au processus dit de la laquo seacutelection naturelle raquo

Comme il naicirct beaucoup plus drsquoindividus de chaque espegravece qursquoil nrsquoen peut survivre et que par conseacutequent il se produit souvent une lutte pour la vie il srsquoensuit que tout ecirctre srsquoil varie mecircme leacutegegraverement drsquoune maniegravere qui lui est profitable dans les conditions complexes et quelque-fois variables de la vie aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi drsquoune faccedilon naturelle En raison du principe dominant de lrsquoheacutereacutediteacute toute varieacuteteacute ainsi choisie aura tendance agrave se multiplier sous sa forme nouvelle et modifieacutee

Charles Darwin 1859 Introduction agrave LrsquoOrigine des espegraveces

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Pour adapter un algorithme geacuteneacutetique agrave un problegraveme drsquooptimisation combinatoire il suf-fit alors de speacutecialiser certaines composantes agrave la structure particuliegravere de ce dernier En geacuteneacuteral les deacutecisions portent sur les aspects suivants

Codage des solutions il faut eacutetablir une correspondance entre les solutions du problegraveme et les chromosomes

Opeacuterateurs geacuteneacutetiques il faut deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation pour les chromosomes

Eacutevaluation des chromosomes la me-sure drsquoadaptation des chromosomes agrave leur environnement est donneacutee par une fonction qui est calculeacutee par un processus plus ou moins complexe

Il existe plusieurs moyens pour mettre en œuvre certains des meacutecanismes importants drsquoun algorithme geacuteneacutetique Par exemple la seacutelection des parents peut srsquoeffectuer de diverses faccedilons Dans une population P = x1 x2 hellip xN ougrave la mesure drsquoadaptation drsquoun individu est eacutevalueacutee par une fonction ƒ lrsquoopeacuterateur classique consiste agrave associer agrave chaque individu xi une probabiliteacute pi drsquoecirctre seacutelectionneacute proportionnelle agrave la valeur de f pour cet individu crsquoest-agrave-dire

pf x

f x( )

( )i

i

jj Psum

=

isin

En pratique on utilise souvent drsquoautres meacute-thodes de seacutelection pouvant se parameacutetrer plus facilement Ainsi dans la seacutelection par tournoi un ensemble drsquoindividus est seacutelec-tionneacute aleacuteatoirement dont les meilleurs eacuteleacute-ments seulement sont retenus Pour choi-sir deux parents on peut donc seacutelectionner aleacuteatoirement 5 individus et ne garder que les deux meilleurs Dans drsquoautres meacutethodes les individus sont ordonneacutes selon leur va-leur pour la fonction ƒ et la seacutelection srsquoeffec-tue aleacuteatoirement selon le rang occupeacute par chaque individu On utilise alors une distri-bution biaiseacutee en faveur des individus en tecircte de liste

Un autre meacutecanisme important est le mode de remplacement des individus de la popula-tion Dans le modegravele original chaque popu-lation de N individus est totalement rempla-ceacutee agrave chaque geacuteneacuteration Drsquoautres strateacutegies laquo eacutelitistes raquo font en sorte drsquoassurer agrave chaque geacuteneacuteration la survie des meilleurs individus de la population Crsquoest le cas entre autres des modegraveles laquo stationnaires raquo ougrave un nombre res-treint drsquoindividus est remplaceacute agrave chaque geacute-neacuteration Dans ce cas on ajoute souvent des meacutecanismes suppleacutementaires empecircchant lrsquoajout drsquoindividus identiques (doublons) dans la population Des implantations plus eacutevo-lueacutees existent eacutegalement pour des architec-tures parallegraveles

Un algorithme geacuteneacutetique 1 Construire une population initiale de N

solutions

2 Eacutevaluer chacun des individus de la population

3 Geacuteneacuterer de nouvelles solutions en seacutelectionnant les parents de faccedilon proportionnelle agrave leur eacutevaluation Appliquer les opeacuterateurs de croisement et de mutation lors de la reproduction

4 Lorsque N nouveaux individus ont eacuteteacute geacuteneacutereacutes ils remplacent alors lrsquoancienne population Les individus de la nouvelle population sont eacutevalueacutes agrave leur tour

5 Si le temps alloueacute nrsquoest pas deacutepasseacute (ou le nombre de geacuteneacuterations maximal nrsquoest pas atteint) retourner agrave lrsquoeacutetape 3

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Repreacutesentation des solutions et opeacuterateurs geacuteneacutetiquesLes premiers algorithmes geacuteneacutetiques utili-saient tous une repreacutesentation binaire ougrave chaque solution s est codeacutee sous la forme drsquoune chaicircne de bits de longueur n ie s[i ] isin 0 1 foralli =1 2 hellip n Pour cette repreacute-sentation lrsquoopeacuterateur de croisement classique agrave un point consiste agrave choisir de faccedilon uniforme une position de coupure aleacuteatoire l isin 1 2 hellip nminus1 Si les parents p1 et p2 ont eacuteteacute seacutelectionneacutes pour la reproduction les solutions enfants e1 et e2 sont alors construites de la faccedilon suivante

e1[i ] = p1[i ] foralli isin1 hellip l e1[i ] = p2[i ] foralli isinl + 1 hellip n e2 [i ] = p2[i ] foralli isin1 hellip l e2 [i ] = p1[i ] foralli isinl + 1 hellip nLorsqursquoon itegravere avec drsquoautres paires de parents on choisit aleacuteatoirement pour chaque paire de parents un nouvel opeacuterateur de croisement agrave un point Lrsquoopeacuterateur agrave un point peut se geacuteneacuteraliser en seacutelectionnant k positions aleacuteatoires plutocirct qursquoune seule Dans ce cas les enfants sont produits en eacutechan-geant lrsquoinformation chromosomique entre les k points de coupure En pratique la valeur k = 2 est couramment utiliseacutee Un autre opeacuterateur tregraves populaire (croisement uni-forme) utilise une chaicircne de bits geacuteneacutereacutee aleacuteatoirement pour engendrer les enfants Pour chaque position le choix aleacuteatoire in-dique quel parent deacuteterminera la valeur des enfants Des exemples des opeacuterateurs de croisement agrave un point agrave deux points et uniforme sont illustreacutes dans les tableaux suivants Des reacutesultats theacuteoriques et empi-riques indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme donne geacuteneacuteralement des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux produits par les deux autres

Opeacuterateur de croisement agrave un point

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 0 1 1

0 1 0 1 0 1 1 0 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement agrave deux points

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 1 0 1

0 1 0 1 0 1 0 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement uniforme

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 1 0 1 1 1 0 0 1

0 1 1 0 1 0 1 0 0

0 0 0 1 0 1 1 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Chaicircnealeacuteatoirede bits

Avec une repreacutesentation binaire on utilise geacuteneacuteralement lrsquoopeacuterateur de mutation clas-sique qui consiste agrave changer aleacuteatoirement un bit pour son compleacutement

Opeacuterateur de mutation classique

Enfant 1 0 0 1 0 1 1 0 1

1 1 0 1 0 1 1 0 0Enfant

Mutationsaleacuteatoires

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Un exemple le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteennePour certains problegravemes la repreacutesentation binaire des solutions est tout agrave fait intuitive et bien adapteacutee Crsquoest le cas par exemple du problegraveme de satisfaisabiliteacute (SAT) Eacutetant donneacute une expression logique F de n variables boo-leacuteennes x1 x2 hellip xn (voir encadreacute) ce problegraveme fondamental (qui est agrave la base de la theacuteorie de la NP-compleacutetude) consiste agrave trouver une affectation aux variables de faccedilon agrave satisfaire F En eacutetablissant les correspondances faux harr 0 vrai harr 1 on peut repreacutesenter chaque solution par une chaicircne binaire de longueur n et utiliser les opeacuterateurs geacuteneacute-tiques classiques deacutecrits preacuteceacutedemment

Pour eacutevaluer les solutions lrsquoexpression logique F peut ecirctre exprimeacutee comme une conjonction (voir encadreacute) de m clauses

F = Cj j =1

m

Chaque clause est alors deacutefinie par une disjonction de variables booleacuteennes dont certaines sont associeacutees agrave un opeacuterateur de neacutegation (indiqueacute par le symbole ndash ) Pour satisfaire F il faut donc satisfaire toutes ses clauses Pour un algorithme geacuteneacutetique chaque solution peut ecirctre simplement eacuteva-lueacutee par le nombre de clauses qursquoelle satisfait par exemple noteacute par f Si on considegravere par exemple lrsquoexpression suivante pour F

= and or and or or

and or or or

and or or or or

F x x x x x x

x x x x

x x x x x

( ) ( ) ( )

( )

( )

1 1 2 1 2 3

1 2 3 4

1 2 3 4 5

la solution (1 0 1 0 0) satisfait toutes les clauses sauf la premiegravere alors que la solution (0 1 1 0 1) satisfait toutes les clauses et donc lrsquoexpression F

Avec une repreacutesentation des chro-mosomes une fonction drsquoadaptation f et des opeacuterateurs de croisement et de mutation nous avons tous les eacuteleacutements pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique simple pour le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteenne Le processus peut ecirctre illustreacute par le tableau en bas de page avec un opeacuterateur de croisement uniforme repreacutesenteacute par la chaicircne de bits U Dans cet exemple simplifieacute lrsquoalgo-rithme a produit en six geacuteneacuterations une solution qui satisfait lrsquoexpression boo-leacuteenne F (les 5 clauses sont satisfaites pour un individu de la population) Pour une fonction plus complexe comprenant un grand nombre de va-riables on utilise des populations plus importantes et laisse la population eacutevoluer lentement vers des solutions de bonne qualiteacute

Variables booleacuteennes

Opeacuterateurs booleacuteens

Une variable booleacuteenne est une variable qui ne peut prendre que deux valeurs logiques VRAI ou FAUX On peut utiliser 1 et 0 pour repreacutesenter ces deux valeurs

Un opeacuterateur booleacuteen est un opeacuterateur qui sap-plique sur une ou deux variables booleacuteennes

La neacutegation drsquoune variable booleacuteenne x qui est noteacutee x change la valeur de la variable booleacuteenne x

Variable Neacutegation

10

01

x x

La conjonction de deux variables x et y noteacutee x and y prend la valeur 1 si les variables x et y ont toutes deux la valeur 1 Dans les autres cas elle prend la valeur 0

Variables Conjonction

1100

1010

1000

x y x y

La disjonction de deux variables x et y noteacutee x or y prend la valeur 1 si au moins lrsquoune des variables a la valeur 1 Elle prend la valeur 0 si les deux variables ont la valeur 0

Variables Disjonction

1100

1010

1110

x y x y

Geacuteneacuteration

5

(0 0 1 0 0) f = 4(0 0 1 0 1) f = 3(0 0 1 1 1) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

(0 0 1 0 0) f = 4(1 0 1 1 0) f = 4(0 0 1 1 1) f = 4

U = (0 1 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4 (1 0 1 1 0) f = 4

(0 1 1 1 0) f = 5U = (0 0 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

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Population Enfant Enfant muteacute

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Autres exemplesLes algorithmes geacuteneacutetiques ne sont pas applicables qursquoaux repreacutesentations binaires Par exemple le problegraveme classique du com-mis voyageur (Traveling Salesman Problem ou TSP) consiste agrave identifier une tourneacutee agrave coucirct minimal qui visite chaque ville drsquoun ensemble agrave couvrir Mecircme si une tourneacutee pourrait alors theacuteoriquement ecirctre repreacutesenteacutee par une chaicircne de booleacuteens on preacutefegravere geacuteneacuterale-ment utiliser une repreacutesentation plus directe sous forme de permutation Chaque permu-tation speacutecifie alors lrsquoordre dans lequel sont visiteacutees les villes

On doit alors deacutefinir des opeacuterateurs de mutation et de croisement pour une repreacutesentation sous forme de permutation Pour la muta-

tion un simple eacutechange entre deux villes dans une seacutequence pourra faire lrsquoaffaire Par exemple

Tourneacutee originale (Montreacuteal Rimou- ski Saguenay Val drsquoOr Queacutebec Sher-brooke)

Apregraves mutation (Montreacuteal Rimouski Saguenay Sherbrooke Queacutebec Val drsquoOr) Pour le croisement il est facile de constater que des opeacuterateurs sem-blables agrave ceux deacutecrits preacuteceacutedemment ne pourraient preacuteserver la structure de permutation Plusieurs opeacuterateurs valides ont toutefois eacuteteacute proposeacutes Agrave titre drsquoexemple lrsquoopeacuterateur OX choisit une sous-seacutequence dans la seacutequence drsquoun des parents et place les villes res-tantes dans lrsquoordre deacutefini par lrsquoautre

parent Dans le tableau ci-dessous deux po-sitions sont choisies aleacuteatoirement afin de deacutefinir une sous-seacutequence chez le premier parent (eacutetape 1) Agrave lrsquoeacutetape 2 les villes res-tantes sont placeacutees selon lrsquoordre induit par le deuxiegraveme parent

P1 Mtl Sag Val Queacute Shb RimQueacute Rim Mtl Shb Sag Val

Rim Sag Val Queacute Mtl Shb

Rim Mtl ShbSag Val Queacute

P2

Eacute1Eacute2

Enf

Ss

Une fois la repreacutesentation et les opeacuterateurs de base deacutefinis on peut simplement eacutevaluer chaque tourneacutee par la distance parcourue et tous les eacuteleacutements sont en place pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique pour le problegraveme TSP

Coloration de grapheUn autre problegraveme classique celui de colo-ration de graphe1 est aussi abordable par les algorithmes geacuteneacutetiques

Pour un graphe G = (V E) constitueacute drsquoun en-semble de nœuds V et drsquoarecirctes E un coloriage est une partition de V en k sous-ensembles (couleurs) C1 C2 hellip Ck pour lesquels u v isin Ci rArr (u v) notinE ie que deux nœuds ne peuvent avoir la mecircme couleur srsquoils sont lieacutes par une arecircte Le problegraveme de coloration de graphe consiste agrave trouver un coloriage utilisant un nombre minimal de sous-ensembles Ce type drsquoapproche permet notamment de reacutesoudre agrave coucirct minimum des conflits drsquohoraire En pratique on choisit drsquoabord une valeur-cible pour k et chaque chromosome constitue une partition de V en k sous-ensembles Les so-lutions sont codeacutees sous forme de chaicircnes en liant lrsquoindice de chaque nœud agrave lrsquoun des k sous-ensembles

DossierApplications

1 Voir laquo Le theacuteoregraveme des quatre couleurs raquo Accromath 141 2019

Coloration de grapheEn theacuteorie des graphes la coloration de graphe consiste agrave attribuer une couleur agrave chacun de ses sommets de maniegravere que deux sommets relieacutes par une arecircte soient de couleur diffeacuterente On cherche souvent agrave utiliser le nombre minimal de couleurs appeleacute nombre chromatique

12

34

5

6

7

89Un coloriage imparfait

10

Mtl Rim

SagShb

ValQueacute

2

6 3

4

1

5

Mtl Rim

SagShb

QueacuteVal

2

6 3

4

1

5

Mutation drsquoune tourneacutee

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Par exemple si on associe C1 agrave bleu C2 agrave rouge et C3 agrave vert dans le coloriage im-parfait de la page preacuteceacutedente la partition des nœuds associeacutee agrave cette solution est (1 2 3 2 3 2 1 2 3 1) car les nœuds 1 7 et 10 sont dans C1 les nœuds 2 4 6 et 8 dans C2 et les nœuds 3 5 et 9 dans C3 En deacutefinissant la fonction f comme le nombre de fois ougrave la regravegle du coloriage nrsquoa pas eacuteteacute respecteacutee on obtient f (C1 C2 C3) = 0 + 1 + 1 = 2 car on a 0 arecircte dans C1 1 arecircte dans C2 (entre les nœuds 2 et 4) et 1 dans C3 (entre les nœuds 3 et 5)

De faccedilon geacuteneacuterale le problegraveme de coloriage consiste agrave geacuteneacuterer une partition telle que f (C1 C2 Ck) = 0 avec un k le plus petit possible Avec la repreacutesentation en chaicircne de la partition il est facile de deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation semblables agrave ceux utiliseacutes pour les repreacutesen-tations binaires Les reacutesultats rapporteacutes dans la litteacuterature indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme domine encore ceux agrave un point et agrave deux points

Est-ce que ccedila fonctionne Il nrsquoy a aucun doute que les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent ecirctre utiliseacutes pour traiter des problegravemes drsquooptimisation Leur performance relative varie cependant selon les contextes Lorsqursquoun problegraveme est bien eacutetudieacute il est geacuteneacuteralement preacutefeacuterable drsquoavoir recours agrave des algorithmes speacutecialiseacutes qui peuvent tirer avantage de certaines structures speacutecifiques Pour le problegraveme TSP par exemple des approches baseacutees sur la programmation en nombres entiers peuvent maintenant reacutesoudre de faccedilon optimale des exemplaires de plusieurs dizaines de milliers de villes Il serait donc mal aviseacute drsquoutiliser un algorithme geacuteneacutetique pour reacutesoudre ce problegraveme (agrave moins de vouloir eacutetudier leur comportement ce qui peut ecirctre tout agrave fait leacutegitime et amusant)

Les algorithmes geacuteneacutetiques ont tout de mecircme lrsquoavantage drsquoecirctre simples agrave mettre en place En fait une meacutethode de codage des opeacuterateurs de croisement et de mutation ainsi qursquoune fonction drsquoeacutevaluation sont suf-fisants pour utiliser une approche eacutevolutive On obtient alors une approche robuste qui peut ecirctre tregraves utile si la fonction agrave optimiser est laquo floue raquo (fuzzy) ou si on dispose de peu de temps pour eacutetudier le problegraveme agrave optimiser

Les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent eacutega-lement ecirctre combineacutes agrave drsquoautres approches drsquooptimisation pour donner lieu agrave des meacutethodes hybrides tregraves puissantes souvent parmi les meilleures disponibles On peut par exemple utiliser des opeacuterateurs de mutation plus sophistiqueacutes pour optimiser le reacutesultat de chaque croisement Pour lrsquoalgorithme hybride reacutesultant la composante laquo geacuteneacute-tique raquo vise alors agrave enrichir la recherche en misant sur les eacuteleacutements qui constituent sa force ie lrsquoutilisation drsquoune population diver-sifieacutee qui permet lrsquoaccegraves aux caracteacuteristiques varieacutees de plusieurs individus et au proces-sus de seacutelection (artificielle dans ce cas) afin drsquoorienter lrsquoexploration vers les meilleures reacutegions de lrsquoespace de solutions Crsquoest bien lagrave lrsquoune des leccedilons agrave tirer de lrsquoobservation de la nature

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Rubrique des

Jean-Paul DelahayeUniversiteacute des Sciences et Technologies de Lille

Lrsquoinformation paradoxale

Comme le preacuteceacutedent ce paradoxe est aussi un paradoxe sur lrsquoinformation cacheacutee cependant il neacutecessite une patience bien supeacuterieure pour ecirctre reacutesolu ou lrsquoaide drsquoun ordinateur

On choisit cinq nombres a b c d et e veacuterifiant les relations

1 le a lt b lt c lt d lt e le 10

Autrement dit les cinq nombres sont compris entre 1 et 10 tous diffeacuterents et classeacutes par ordre croissant On indique leur produit P agrave Patricia (qui est brune) leur somme S agrave Sylvie (qui est blonde) la somme de leurs carreacutes

C = a2 + b2 + c2+ d2 + e2

agrave Christian (qui est barbu) et la valeur

V = (a + b + c)(d + e)

agrave Vincent (qui est chauve)

Ils doivent deviner quels sont les nombres a b c d et e

1- Une heure apregraves qursquoon leur a poseacute le problegraveme les quatre personnages qursquoon interroge simultaneacutement reacutepondent tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

2- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

3- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo Etc

23- Une heure apregraves (soit 23 heures apregraves la formulation de lrsquoeacutenonceacute ) les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

Cependant apregraves cette 23egraveme reacuteponse les visages des quatre personnages srsquoeacuteclairent drsquoun large sourire et tous srsquoexclament laquo crsquoest bon maintenant je connais a b c d et e raquo

Vous en savez assez maintenant pour deviner les 5 nombres a b c d e Il semble paradoxal que la reacutepeacutetition 23 fois de la mecircme affirmation drsquoignorance de la part des personnages soit porteuse drsquoune information Pourtant crsquoest le cas Essayez de comprendre pourquoi et ensuite armez-vous de courage la solution est au bout du calcul

Solution du paradoxe preacuteceacutedent

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Solution du paradoxe preacuteceacutedent

Lrsquoinformation paradoxaleIl arrive que lrsquoon pense ne pas disposer drsquoassez drsquoinfor-mations pour reacutesoudre un problegraveme alors qursquoen reacutealiteacute tout est agrave notre disposition Certaines situations sont si extraordinaires qursquoelles apparaissent paradoxales En voici un exemple

Un homme bavarde avec le facteur sur le pas de la porte de sa maison Il lui dit

laquo Crsquoest amusant je viens de remarquer que la somme des acircges de mes trois filles est eacutegale au numeacutero de ma maison dans la rue Je suis sucircr que si je vous apprends que le produit de leur acircge est 36 vous saurez me dire leur acircge respectif raquo

Le facteur reacutefleacutechit un moment et lui reacutepond

laquo Je suis deacutesoleacute mais je ne peux pas trouver raquo

Lrsquohomme srsquoexclame alors laquo Ah oui Jrsquoavais oublieacute de vous dire que lrsquoaicircneacutee est blonde raquo

Quelques secondes apregraves le facteur lui donne la bonne reacuteponse Aussi paradoxal que cela apparaisse vous pouvez deacuteduire de cet eacutechange lrsquoacircge des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte

SolutionLes diffeacuterentes deacutecompositions de 36 en produit de trois entiers et les sommes des facteurs sont donneacutees dans le tableau ci-contre

Le facteur connaicirct la somme des acircges des trois filles car il est sur le pas de la porte Srsquoil ne peut pas trouver leurs acircges respectifs crsquoest que parmi les produits possibles compatibles avec la somme qursquoil connaicirct il y en a deux qui donnent la mecircme somme Crsquoest donc que la somme est 13 Les deux possibiliteacutes sont donc 1-6-6 et 2-2-9 La premiegravere est eacutelimineacutee car deux enfants ne peuvent avoir le mecircme acircge que srsquoils sont jumeaux et alors il nrsquoy a pas drsquoaicircneacutee La solution est donc 2-2-9 Les acircges des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte sont 2 2 et 9 ans

Produits1times1times362times3times63times3times4

1times2times181times3times121times6times61times4times92times2times9

3811102116131413

Sommes

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Algorithmes dans lrsquohistoire1 Deacuteterminer les PGCD des couples

a) 924 3 135 c) 2 530 9 639

b) 83 337

Lrsquoheacuteritage de Fermat1 Appliquer la meacutethode de Fermat pour

factoriser les nombres suivants

a) 493 b) 1247 c) 6 903

2 Supposons qursquoun entier n est le produit de deux nombres premiers p lt q et que q ndash p lt p2 2 Montrer qursquoen utilisant la meacutethode de Fermat ce nombre n peut ecirctre factoriseacute en seulement une eacutetape

Eacutemergence logarithmique1 Soit la suite arithmeacutetique

a nd( ) n+ isin

a) Montrer que chaque terme (agrave lrsquoex- ception du premier) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins

b) Montrer un reacutesultat analogue pour la suite geacuteomeacutetrique

ar( ) nnisin

2 Montrer qursquoen termes modernes le passage de LrsquoAreacutenaire ci-haut porte sur les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacute-trique et sur la regravegle du produit de deux puissances

Tuyau Des nombres laquo continucircment en proportion agrave partir de lrsquouniteacute raquo forment une suite geacuteomeacutetrique dont le premier terme est 1

3 En comparant les deux tables tireacutees de la tablette MLC 02078 (pp 19 et 20) on y voit la suite geacuteomeacutetrique

2 ndash 4 ndash 8 ndash 16 ndash 32 ndash 64

ecirctre associeacutee agrave deux suites arithmeacutetiques Relier directement ces deux suites arith-meacutetiques lrsquoune agrave lrsquoautre

Tuyau On peut y voir du logarithme

4 Soit deux points P1 et P2 sur un segment AB (voir figure) Montrer que

a) si APAB

P PP B

1 1 2

1

= alors P BAB

P BP B

1 2

1

=

b) la reacuteciproque est elle aussi valide

5 La suite de segments AB P1B P2B P3B forme une progression geacuteomeacutetrique deacutecroissante (p 22) On deacutesigne par r le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique (on a donc r lt 1) et par z la longueur du segment AB

a) Interpreacuteter en termes de z et de r les segments AB P1B P2B P3B

b) Exprimer agrave lrsquoaide de z et de r les longueurs des intervalles AP1 P1P2 P2P3 P3P4

c) Appliquer ces reacutesultats aux valeurs numeacuteriques choisies par Napier (voir p 23)

d) Et que dire dans ce contexte de la suite arithmeacutetique deacutetermineacutee par le mouve-ment du point Q (p 22)

6 a) Expliquer lrsquoobservation dans lrsquoencadreacute ci-bas au cœur de la deacutemarche de Napier

b) En conclure que pour Napier la vitesse de P en un point donneacute est eacutegale agrave sa distance de lrsquoextreacutemiteacute B

Tuyau La constante de proportionnaliteacute de la partie a) est 1

7 On veut interpreacuteter ici le modegravele geacuteomeacute-trico-cineacutematique de Napier agrave lrsquoaide du calcul diffeacuterentiel et inteacutegral (moderne) On appelle x(t) la distance seacuteparant P de lrsquoextreacutemiteacute B au temps t et y(t) la position du point Q au temps t

a) Montrer que le deacuteplacement de Q est deacutecrit par lrsquoeacutequation diffeacuterentielle dydt = 107 avec comme condition initiale y(0) = 0

Tuyau La vitesse est la deacuteriveacutee de la distance parcourue par rapport au temps

b) Montrer de mecircme que le deacuteplace-ment de P est deacutecrit par dxdt = ndashx avec x(0) = 107

c) Reacutesoudre ces deux eacutequations diffeacuteren-tielles

d) Montrer comment on pourrait en tirer une notion de laquo base raquo pour les loga-rithmes de Napier1

1 Au plan historique une telle ideacutee de laquo base raquo chez Napier est une pure fabulation

Section problegravemes

Agrave propos de Napier

Puisque des distances parcou-rues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est pro-portionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (p 22)

Archimegravede LrsquoAreacutenaire

Si des nombres sont continucircment en pro- portion agrave partir de lrsquouniteacute et que cer-tains de ces nombres sont multiplieacutes entre eux le produit sera dans la mecircme pro-gression eacuteloigneacute du plus grand des nom- bres multiplieacutes drsquoautant de nombres que le plus petit des nom- bres multiplieacutes lrsquoest de lrsquouniteacute dans la pro-gression et il sera eacuteloigneacute de lrsquouniteacute de la somme moins un des nombres dont les nombres multiplieacutes sont eacuteloigneacutes de lrsquouniteacute

A

P1 P2

B

Pour en s voir plus

Histoire des matheacutematiques

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

bull Le livre Havil Julian John Napier Life Logarithms and Legacy Princeton University Press 2014 est une mine drsquoor pour des informations sur la vie et lrsquoœuvre de Napier

bull Le contexte ayant meneacute agrave la naissance des logarithmes est exposeacute dans Friedelmeyer Jean-Pierre laquo Contexte et raisons drsquoune lsquomirifiquersquo invention raquo In Eacutevelyne Barbin et al Histoires de logarithmes pp 39-72 Ellipses 2006 Le sous-titre de lrsquoarticle drsquoAccromath a eacuteteacute emprunteacute au titre de ce texte

bull Les deux traiteacutes de Napier sur les logarithmes le Mirifici logarithmorum canonis descriptio et le Mirifici logarithmorum canonis constructio peuvent ecirctre trouveacutes facilement (en latin) sur la Toile Une traduction anglaise de ces traiteacutes est accessible agrave partir du site de Ian Bruce sur les matheacutematiques des 17e et 18e siegravecles httpwww17centurymathscom

bull La citation de Laplace se retrouve aux pp 446-447 de Œuvres complegravetes de Laplace Exposition du systegraveme du monde (6e eacutedition) Bachelier Imprimeur-Libraire 1835 (Disponible sur Google Livres)

bull La tablette meacutesopotamienne MLC 02078 est eacutetudieacutee (pp 35-36) dans Neugebauer Otto et Sachs Abraham Mathematical Cuneiform Texts American Schools of Oriental Research 1945

bull Pour plus drsquoinformation sur lrsquoemploi des vocables laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo voir Charbonneau Louis laquo Progression arithmeacutetique et progression geacuteomeacutetrique raquo Bulletin AMQ 23(3) (1983) 4-6

bull Publieacutes en allemand en 1770 les Eacuteleacutements drsquoalgegravebre de Leonhard Euler sont parus en traduction franccedilaise degraves 1774 Cette version est accessible agrave partir du site Gallica de la Bibliothegraveque nationale de France httpsgallicabnffr

bull Lrsquoextrait de LrsquoAreacutenaire mdash voir la Section problegravemes mdash se trouve (p 366) dans Ver Eecke Paul Les œuvres complegravetes drsquoArchimegravede tome 1 Vaillant-Carmanne 1960

Applications des matheacutematiques

Lrsquoheacuteritage de Fermat

bull WB Hart laquo A one line factoring algorithmraquo J Aust Math Soc 92 (2012) no 1 61ndash69

bull RS Lehman laquo Factoring large integers raquo Math Comp 28 (1974) 637ndash646

bull MA Morrison and J Brillhart laquo A method of factoring and the factorization of F 7 raquo Math Comp 29 (1975) 183ndash205

bull C Pomerance laquoThe quadratic sieve factoring algorithm raquo Advances in Cryptology (Paris 1984) 169-182 Lecture Notes in Comput Sci 209 Springer Berlin 1985

Accromath est une publication de lrsquoInstitut des sciences matheacutema-tiques (ISM) et du Centre de recherches matheacutematiques (CRM) La revue srsquoadresse surtout aux eacutetudiantes et eacutetudiants drsquoeacutecole secon-daire et de ceacutegep ainsi qursquoagrave leurs enseignantes et enseignants

LrsquoInstitut des sciences matheacutematiques est une institution unique deacutedieacutee agrave la promotion et agrave la coordination de lrsquoenseignement et de la recherche en sciences matheacutematiques au Queacutebec En reacuteunissant neuf deacutepartements de matheacutematiques des universiteacutes queacutebeacutecoises (Concordia HEC Montreacuteal Universiteacute Laval McGill Universiteacute de Montreacuteal UQAM UQTR Universiteacute de Sherbrooke Bishoprsquos) lrsquoInstitut rassemble un grand bassin drsquoexpertises en recherche et en enseignement des matheacutematiques LrsquoInstitut anime de nombreuses activiteacutes scientifiques dont des seacuteminaires de recherche et des colloques agrave lrsquointention des professeurs et des eacutetudiants avanceacutes ainsi que des confeacuterences de vulgarisation donneacutees dans les ceacutegeps Il offre eacutegalement plusieurs programmes de bourses drsquoexcellence

LrsquoISM est financeacute par le Ministegravere de lrsquoEnseignement supeacuterieur et par ses neuf universiteacutes membres

Le Centre de recherches matheacutematiques est un centre national pour la recherche fondamentale en matheacutematiques et ses applica-tions Les scientifiques du CRM comptent plus drsquoune centaine de membres reacuteguliers et de stagiaires postdoctoraux Lieu privileacutegieacute de rencontre le Centre est lrsquohocircte chaque anneacutee de nombreux visi-teurs et drsquoateliers de recherche internationaux

Les activiteacutes scientifiques du CRM comportent deux volets principaux les projets de recherche qursquoentreprennent ses laboratoires et les activiteacutes theacutematiques organiseacutees agrave lrsquoeacutechelle internationale Ces derniegraveres ouvertes agrave tous les domaines impliquent des chercheurs du CRM et drsquoautres universiteacutes Afin drsquoassurer une meilleure diffusion des reacutesultats de recherches de ses collaborateurs le CRM a lanceacute en 1989 un programme de publications en collaboration avec lrsquoAmerican Mathematical Society et avec Springer

Le CRM est principalement financeacute par le CRSNG (Conseil de recherches en sciences naturelles et en geacutenie du Canada) le FQRNT (Fonds queacutebeacutecois de recherche sur la nature et les technologies) lrsquoUniversiteacute de Montreacuteal et par six autres universiteacutes au Queacutebec et en Ontario

Accromath beacuteneacuteficie de lrsquoappui de la Dotation Serge-Bissonnette du CRM

OR2010

BRONZE2011

BRONZE2014

OR2012

2008

Prix speacutecial de la ministre 2009

Prix Anatole Decerf 2012

Page 6: L’héritage de Pierre de Fermat La factorisation des grands ...

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Multiplication eacutegyptienneDans tous les systegravemes de numeacuteration on a eu recours agrave des algorithmes pour effectuer des opeacuterations

Ainsi pour multiplier 19 par 23 le scribe eacutegyptien associe le plus grand des deux nombres agrave lrsquouniteacute et double ces nombres4 Il arrecircte lorsque le nombre de la colonne de gauche devient plus grand que le multipli-cateur

Puisque 19 = 16 + 2 + 1 il additionne les nombres de la colonne de droite sur les lignes non biffeacutees ce qui donne

19times23 = 23 + 46 + 368 = 437

On qualifie le systegraveme de numeacuteration eacutegyptien de systegraveme additif de base dix Il est additif car crsquoest par la reacutepeacutetition des symboles que lrsquoon eacutecrit un nombre et de base dix car un nouveau symbole est utiliseacute pour chaque puissance de dix

Dans ce systegraveme pour multiplier un nombre par 2 il suffit de doubler le nombre de sym-boles et drsquoeffectuer les regroupements en remplaccedilant tout groupe de 10 symboles identiques par le symbole supeacuterieur En utilisant cette eacutecriture des nombres la multiplication que nous venons drsquoeffectuer srsquoeacutecrit de la faccedilon ci-bas

On arrecircte lorsqursquoen doublant dans la colonne de gauche on obtient un nombre plus grand que le multiplicateur (en dou-blant les symboles du dernier nombre de la colonne de gauche on obtiendrait deux symboles suivis de plusieurs symboles ce qui est plus grand que le multiplicateur)

Le scribe repegravere alors dans la colonne de gauche les nombres qui additionneacutes donnent le multiplicateur soit

+ + =

DossierHistoire

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Reacutesolution agrave lrsquoaide de lrsquoalgorithme drsquoEuclideConsideacuterons lrsquoeacutequation

510x + 294y = 6

Cette eacutequation admet-elle des solutions En appliquant lrsquoalgorithme drsquoEuclide on obtient que

510 = 1times294 + 216On isole les restes

294 = 1times216 + 78216 = 2times78 + 6078 = 1times60 + 1860 = 3times18 + 618 = 3times6 + 0

rArr

216 = 510 ndash 1times294 78 = 294 ndash 1times216 60 = 216 ndash 2times78 18 = 78 ndash 1times60

6 = 60 ndash 3times18

Dans la colonne de gauche le dernier reste non nul est 6 on a donc pgcd(294 510) = 6 Par conseacutequent le theacuteoregraveme de Bachet-Beacutezout nous garantit que lrsquoeacutequa-tion admet une solution (x0 y0) On deacutetermine celle-ci en isolant les restes ce qui est fait dans la colonne de droite On substitue ensuite en laquo remontant la chaicircne raquo de calculs afin drsquoexprimer 6 en termes de 294 et de 510

Cela donne

18

6 = 60 ndash 3times(78 ndash 1times60) = 4times60 ndash 3times78

6 = 4times(216 ndash 2times78) ndash 3times78 = 4times216 ndash 11times78

6 = 4times216 ndash 11times(294 ndash 1times216) = 15times216 ndash 11times294

6 = 15times(510 ndash 1times294) ndash 11times294 = 15times510 ndash 26times294

60

78

216

Par conseacutequent le couple (15 ndash26) est une solution de lrsquoeacutequation 510x + 294y = 6 Lrsquoensemble des solu-tions entiegraveres est formeacute de tous les couples de la forme (15 ndash 49k ndash26 + 85k) ougrave k est un entier

1248

1632

234692

184368

1248

1619

234692

184368437

Le bacircton repreacutesente lrsquouniteacute

Lrsquoanse de panier la dizaine

Le rouleau de papyrus la centaine

La fleur de lotus le millier

Le doigt deacutesignant les eacutetoiles dix mille

Le tecirctard cent milleLe dieu agenouilleacute soutenant le mondeun million

NUMEacuteRATION HIEacuteROGLYPHIQUEValeur des symboles

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

Il suffit drsquoadditionner les reacutesultats des lignes dont la somme donne le multiplicateur ce qui donne

En eacutecriture moderne le scribe exprime le multiplicateur comme somme de puissances de 2 soit

19 = 16 + 2 + 1

En doublant la valeur du multiplicande et en retenant les valeurs correspondant aux termes de la deacutecomposition du multiplica-teur en somme de puissances de 2 il obtient 23times19 = 23times(16 + 2 + 1) = 368 + 46 + 23 = 437

Division eacutegyptiennePour illustrer comment srsquoeffectue une division consideacuterons lrsquoopeacuteration

divide

Le scribe associe le diviseur agrave lrsquouniteacute et il double successivement jusqursquoagrave obtenir le plus grand multiple du diviseur infeacuterieur au nombre agrave diviser

Dans ce tableau le scribe deacutetecte aiseacutement qursquoen doublant le nombre de la colonne de gauche il obtiendrait un nombre plus grand que le dividende En effet il obtiendrait alors deux symboles suivis de deux symboles (lecture de droite agrave gauche) alors que le divi-dende est formeacute de deux symboles suivi drsquoun seul symbole

Le dividende peut alors srsquoexprimer comme la somme de certains des nombres de la colonne de gauche plus possiblement un reste plus petit que le diviseur

Le scribe fait la somme des nombres des deux derniegraveres lignes de la colonne de gauche ce qui donne un nombre plus petit que le divi-dende En effet elle ne contient qursquoun seul symbole alors que le dividende en a deux (En langage moderne le chiffre des centaines est trop petit)

De plus il peut facilement constater qursquoen additionnant agrave ce reacutesultat le nombre de la troisiegraveme ligne agrave partir du bas il va obtenir deux symboles suivis de deux symboles

La somme serait donc plus grande que le dividende qui est formeacute de deux symboles

suivi drsquoun seul symbole Cette somme serait plus grande que le dividende ce qui signifie que le nombre de la troisiegraveme ligne agrave partir du bas ne fait pas partie du deacutevelop-pement du dividende en somme de multiples du diviseur Il faut biffer cette ligne dans le tableau

En ajoutant plutocirct le nombre de la quatriegraveme ligne agrave partir du bas et en comparant le reacutesultat au dividende il constate que cette somme est plus petite que le dividende (elle ne contient pas le symbole alors que le dividende en a un et le diviseur est plus petit que )

Il ajoute alors le nombre de la ligne du haut En comparant le dividende et la somme obtenue le scribe peut facilement constater que le reste est 3

En effectuant la somme des nombres conser-veacutes dans la colonne de droite le scribe deacuteter-mine le quotient Il a donc obtenu

219 = 27 times 8 + 3

De nos jours on eacutecrirait le quotient

2738

ou 27375

Comparaison

Comparaison

SommeDividende

SommeDividende

SommeDividende

Le reste est ce qui manquepour avoir lrsquoeacutegaliteacute soit

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DossierHistoire

Pour repreacutesenter une fraction le scribe eacutegyptien inscrivait lrsquohieacuteroglyphe au-dessus drsquoun nombre Ainsi pour repreacutesenter la fraction 112 le scribe doit eacutecrire Cette faccedilon de faire a un inconveacutenient le numeacuterateur des fractions est toujours lrsquouniteacute (sauf pour 23 pour lequel on disposait drsquoun hieacuteroglyphe particulier)

Pour indiquer 38 le scribe devait donc consideacuterer que 38 = 14 + 18 et eacutecrire

Reacuteglettes de Napier et extraction de racinesLa multiplication et la division en numeacuteration eacutegyptienne illustrent le fait qursquoun algorithme deacutepend du systegraveme de numeacuteration utiliseacute Il peut aussi deacutependre de lrsquoinstrument de calcul utiliseacute Napier a deacuteveloppeacute un algorithme pour extraire une racine carreacutee agrave lrsquoaide de ses reacuteglettes5

Lrsquoalgorithme de Napier repose sur la meacutethode traditionnelle laquo agrave la main raquo pour extraire une racine carreacutee6 Il considegravere une reacuteglette suppleacutementaire (en jaune dans les illustrations) repreacutesentant les car-reacutes des nombres de 1 agrave 9 Lrsquoalgo-rithme srsquoapplique agrave un nombre srsquoeacutecrivant avec un nombre pair de chiffres que lrsquoon divise en tranches de deux chiffres (si ce nrsquoest pas le cas on ajoute un 0 agrave la gauche du nombre) Effectuons lrsquoextraction de

la racine carreacutee du nombre 463 856

Dans ce nombre la premiegravere tranche de deux chiffres est 46 Le plus grand chiffre dont le carreacute est infeacuterieur agrave 46 est 6 Crsquoest le premier chiffre du reacutesultat

463 856 6=

En soustrayant de 46 le carreacute de 6 on obtient 10 et on abaisse les deux chiffres suivant du nombre agrave extraire

463 85636ndash10 3 8

On dispose dans le plateau les reacuteglettes du double du premier chiffre du reacutesultat (ici les reacuteglettes 1 et 2 pour 12) suivies de la reacuteglette

jaune et on repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutediatement 1 038 dans ceux repreacutesenteacutes par les lignes du plateau Sur la huitiegraveme ligne on lit 1 024

Le deuxiegraveme chiffre de la racine carreacutee est donc 8

463 856 68=

On soustrait 1 024 de 1 038 ce qui donne 14 et on abaisse la tranche des deux chiffres suivants du nombre agrave extraire ce qui donne 1 456

On double le second chiffre de la racine 2 times 8 = 16 que lrsquoon ajoute au nombre 12 deacutejagrave formeacute en le multipliant par 10 soit 12 times 10 + 16 =136

On dispose dans le plateau les reacuteglettes du nombre 136 suivis de la reacuteglette jaune et on

5 Les algorithmes pour la multiplication et la division agrave lrsquoaide de reacuteglettes ont eacuteteacute preacutesen-teacutes dans lrsquoarticle laquoJohn Napierraquo Accromath Vol 14 hiver-printemps 2019

6 Lrsquoalgorithme traditionnel pour la racine carreacutee fait lrsquoobjet du problegraveme laquo Racines cristallines raquo drsquoAccromath (vol 11 eacuteteacute-automne 2016 p 32) en lien avec le texte laquo Glanures matheacutematico-litteacuteraires (II) raquo de Bernard R Hodgson

Le symbole deacutesigne une addition alors que indique

une soustraction

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1 3 6 1

2 7 2 4

4 0 8 9

5 4 5 6

6 8 2 5

8 1 9 6

9 5 6 9

1 0 9 4 4

1 2 3 2 1

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2 4 4

3 6 9

4 9 6

6 2 5

7 5 6

8 8 9

1 0 2 4

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Plus grand carreacuteinfeacuterieur agrave 47

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutediate-ment 1 456 Sur la premiegravere ligne on a 1 361 Le troisiegraveme chiffre de la racine est donc 1

463 856 681=

En soustrayant 1 361 de 1 456 on obtient 95 Crsquoest la derniegravere tranche de deux chiffres du nombre dont on veut extraire la racine on ajoute une virgule deacutecimale et on abaisse 00 pour obtenir 9 500

On double le troisiegraveme chiffre de la racine 2 times 1 = 2 que lrsquoon ajoute au nombre deacutejagrave formeacute que lrsquoon multiplie par 10 soit 136 times 10 + 2 =1 362 On dispose dans le

plateau les reacuteglettes du nombre 1 362 suivis de la reacuteglette jaune On remarque que le nombre sur la ligne 1 est plus grand que 9500 On ajoute un 0 apregraves la virgule deacutecimale

463 856 6810=

et on abaisse agrave nouveau 00 ce qui donne 950 000 On intercale la reacuteglette de 0 avant la reacuteglette jaune

On repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutedia-tement 950 000 crsquoest 817 236 sur la ligne 6 Le deuxiegraveme chiffre apregraves la virgule deacutecimale est donc 6 Ce qui donne

463 856 68106=

On poursuit ainsi en abaissant 00 agrave chaque eacutetape jusqursquoagrave ce que lrsquoon obtienne la preacuteci-sion chercheacutee

Pour y voir plus clairOn cherche agrave exprimer le nombre dont on veut extraire la racine carreacutee sous la forme

463 856 = (a times 102 + b times 10 + c)2 + Rcar il est clair que la partie entiegravere de cette racine carreacutee srsquoeacutecrit avec trois chiffres

Agrave chaque eacutetape du calcul on exprime le nombre comme somme drsquoun carreacute parfait et drsquoun terme reacutesiduel allant chercher un des trois chiffres a b et c agrave la fois

Agrave la premiegravere eacutetape on a donc

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6times102)2 + 103 856

Agrave lrsquoissue de la seconde eacutetape on obtient

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6times102 + 8times10)2 +1 456

Et agrave lrsquoissue de la troisiegraveme eacutetape on obtient enfin

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6 times 102 + 8 times 10 + 1)2 + 95

La partie entiegravere de la racine carreacutee de 463 856 est donc 681 Pour trouver la partie deacutecimale de cette racine il srsquoagit maintenant de poursuivre les calculs sur la partie reacutesiduelle R = 95

ConclusionLe vocable algorithme est devenu drsquousage courant avec lrsquoavegravenement des ordinateurs Cependant des algorithmes ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes tregraves tocirct dans lrsquohistoire Degraves que les premiers systegravemes de numeacuteration sont apparus on a deacuteveloppeacute des algorithmes pour effec-tuer les opeacuterations usuelles addition soustraction multiplication division En cherchant agrave reacutesoudre des problegravemes plus eacutelaboreacutes comme lrsquoextraction de racines ou la recherche du pgcd de deux nombres entiers il a fallu deacutevelopper drsquoautres algorithmes plus pousseacutes et parfois eacutetonnants

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953449

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Pierre de Fermat est tregraves connu pour son grand theacuteoregraveme concernant la non-existence de solutions entiegraveres positives

de lrsquoeacutequation xn + yn = zn pour chaque entier n ge 3 Toutefois une de ses plus importantes contributions

aux matheacutematiques modernes est sa meacutethode tout agrave fait originale pour factoriser des grands nombres

Plusieurs considegraverent Fermat comme le fondateur (avec Blaise Pascal) de la theacuteorie des probabiliteacutes et comme un preacutecurseur du calcul diffeacuterentiel par sa meacutethode de recherche des maximums et des minimums drsquoune fonction Toutefois sa meacutethode tout agrave fait originale pour factoriser des grands nombres est une de ses plus grandes contribu-tions aux matheacutematiques modernes et crsquoest souvent un fait dont lrsquoimportance est neacutegligeacutee

Comment fait-on pour laquo factoriser raquo un nombre Drsquoentreacutee de jeu il est bien drsquoexpliquer ce qursquoon veut-on dire par laquo factoriser raquo un nombre Drsquoabord rappelons que selon le theacuteoregraveme fondamental de lrsquoarithmeacutetique tout entier supeacuterieur agrave 1 peut srsquoeacutecrire comme un produit de nombres premiers et cette repreacutesentation est unique si on eacutecrit ses facteurs premiers en ordre croissant Ainsi le nombre 60 peut srsquoeacutecrire comme 60 = 22times3times5 et cette factori-sation est unique

Est-il important de connaicirctre la factorisation drsquoun nombre La reacuteponse est OUI agrave tout le moins depuis quelques deacutecennies plus preacuteciseacutement depuis 1978 anneacutee de la creacuteation de la meacutethode de chiffrement RSA largement utiliseacutee de nos jours pour seacutecuriser les transactions bancaires Cette meacutethode tient au fait que bien qursquoil soit facile de multiplier des nombres il est en contrepartie tregraves difficile de faire le chemin inverse crsquoest-agrave-dire de prendre un grand nombre composeacute et de trouver ses facteurs premiers Drsquoougrave la course sur la planegravete pour trouver des algorithmes de factorisation de plus en plus performants qui pourraient laquo casser raquo le code RSA Crsquoest ainsi qursquoen 1976 agrave lrsquoaide des algorithmes connus et des ordinateurs de lrsquoeacutepoque on estimait qursquoil faudrait plus de 1020 anneacutees pour arriver agrave factoriser 2251 ndash 1 un nombre de 76 chiffres Aujourdrsquohui en utilisant un logiciel de calcul installeacute sur un ordinateur de bureau il est possible drsquoobtenir cette factorisation en moins drsquoune minute

Jean-Marie De KoninckUniversiteacute Laval

Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres

Pierre de Fermat (1601-1665) Le matheacutematicien fran-ccedilais Pierre de Fermat eacutetait drsquoabord et avant tout un avocat et un officiel du gouverne-

ment dans la ville de Toulouse Dans ses temps libres il exerccedilait sa passion pour les matheacutematiques et la physique Mecircme si on peut le qualifier de laquo matheacutematicien amateur raquo il est neacuteanmoins passeacute agrave lrsquohistoire comme fondateur de la theacuteorie moderne des nombres

Nombre premier et nombre composeacute

Un entier n gt 1 est appeleacute nombre premier sil nest divisible que par 1 et par lui-mecircme Ainsi 7 est un nombre premier car ses seuls diviseurs entiers sont 1 et 7 alors que 6 nest pas premier puisquil est non seulement divisible par 1 et 6 mais il lest aussi par 2 et 3 Un entier n gt 1 qui nest pas premier est appeleacute nombre composeacute

Nombre premier

Nombres composeacutes

2 times 5 = 10

3 times 5 = 15

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Cependant le veacuteritable deacutefi est drsquoecirctre en me-sure de factoriser des nombres arbitraires de 300 chiffres et plus ce qui est preacutesentement impossible mecircme agrave lrsquoaide drsquoordinateurs tregraves puissants Drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la recherche de nouveaux algorithmes de factorisation

Comment srsquoy prendre pour factoriser un nombre Comment pourrions-nous proceacuteder pour factoriser un nombre composeacute dont on ne connaicirct agrave priori aucun facteur De toute eacutevidence on srsquointeacuteresse ici seulement agrave la factorisation des nombres impairs car autre-ment il suffit de diviser par 2 le nombre agrave factoriser jusqursquoagrave ce qursquoil laquo devienne raquo impair Agrave titre drsquoexemple pour trouver la factorisa-tion du nombre n = 11 009 on peut utiliser lrsquoapproche tout agrave fait naturelle qui consiste agrave examiner successivement la divisibiliteacute

de n par chacun des nombres premiers 3 5 7 11 et ainsi de suite En proceacutedant ainsi on constate eacuteventuellement que ce nombre n est divisible par 101 et que n =101 times 109 menant du coup agrave la factorisation 11 009 = 101 times 109 Bravo Mais avouez que cela a eacuteteacute un peu laborieux car on a ducirc veacuterifier la divisibiliteacute de n par chacun des nombres premiers infeacuterieurs agrave 101 Drsquoail-leurs on se convainc aiseacutement que pour un nombre arbitraire n il aurait fallu veacuterifier la divisibiliteacute par chacun des nombres premiers plus petits que n Cela veut dire que pour un nombre de 200 chiffres il faudrait veacuterifier sa divisibiliteacute par tous les nombres premiers de moins de 100 chiffres un travail colossal Crsquoest pourquoi il est leacutegitime de se demander srsquoil existe des meacutethodes plus efficaces pour factoriser des nombres Or justement Pierre de Fermat en a trouveacute une qui srsquoavegravere drsquoune simpliciteacute deacuteconcertante (Voir encadreacute ci-bas)

Pour illustrer sa meacutethode Fermat a choisi le nombre

n = 2 027 651 281

La meacutethode de factorisation de Fermat Dentreacutee de jeu on peut supposer que le nombre n agrave fac-toriser nest pas un carreacute parfait car sinon on sattardera tout simplement agrave la factorisation du nombre m = nDeacutebutons avec un exemple Si on vous demande de factoriser le nombre 899 peut-ecirctre allez-vous eacutecrire

899 = 900 ndash 1 = 302 ndash 12

= (30 ndash 1)(30 + 1) = 29 times 31

et le tour est joueacute Quelle chance que 899 soit une diffeacuterence de deux carreacutes nest-ce pas Non pas du tout car en reacutealiteacute cest le cas de tout entier posi-tif impair composeacute et cest lideacutee de base de la meacutethode de factorisation de Fermat En effet pour un tel entier n il existe neacutecessairement deux entiers a gt b ge 1 tels que n = a2 ndash b2 auquel cas

n = (a ndash b)(a + b)

Pourquoi Supposons que n = rs avec 1 lt r lt s On peut facilement veacuterifier que les nombres a = (s + r) 2 and b = (s ndash r)2 sont tels que n = a2 ndash b2 Mais com-ment fait-on pour trouver ces deux entiers a et b Certes on a n = a2 ndash b2 lt a2 et donc a gt n auquel cas a ge n + 1 Ici x deacutesigne le plus grand entier le x Commenccedilons donc par poser a = n + 1 Si a2 ndash n est un carreacute parfait disons a2 ndash n = b2 alors nous avons trouveacute a et b comme requis Autrement (cest-agrave-dire si a2 ndash n nest pas un carreacute parfait) on choisit a = n + 2 et ainsi de suite jusquagrave ce que lon trouve un entier positif k tel que le nombre a = n + k soit tel que a2 ndash n est un carreacute parfait que lon eacutecrit alors comme b2 Ce processus a une fin en ce sens quon va eacuteventuelle-ment trouver un nombre b tel que b2 = a2 ndash n et cela parce que lon sait deacutejagrave que b = (s ndash r)2 fait laffaire

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Il obtient drsquoabord que n = 45 029 et commence ainsi avec

a = 45 029 + 1 = 45 030

comme 45 0302 ndash 2 027 651 281 = 49 619 nrsquoest pas un carreacute parfait il pose ensuite a = 45 031 qui ne produit pas non plus de carreacute parfait et ainsi de suite jusqursquoagrave ce qursquoil pose a = 45 041 qui donne

= minus

= =

b 45 041 2 027 651 281

1 040 400 1 020

2

Fermat conclut alors que n = 2 027 651 281 = 45 0412 ndash 1 0202 = (45 041 ndash 1 020)(45 041 + 1 020) = 44 021 times 46 061

Si on choisit de programmer cette meacutethode avec le logiciel de calcul Python1 on peut eacutecrire ceci (dans le cas particulier n = 2 027 651 281)

ce qui donnera

a = 45 041 et b = 1 020 et

n = 44 021times46 061

La meacutethode de Fermat est-elle reacuteellement efficace La reacuteponse courte est laquo Cela deacutepend de la nature du nombre agrave factoriser raquo2 Afin de donner une reacuteponse preacutecise agrave cette question eacutevaluons le nombre drsquoopeacuterations eacuteleacutementaires neacutecessaires pour exeacutecuter la meacutethode de Fermat Par laquo opeacuteration eacuteleacutementaire raquo on en-tend lrsquoaddition la soustraction la

multiplication la division lrsquoeacuteleacutevation agrave une puissance et lrsquoextraction de la racine carreacutee Une opeacuteration eacuteleacutementaire est aussi parfois appeleacutee une laquo eacutetape raquo On dira drsquoun algo-rithme qursquoil est laquo rapide raquo srsquoil srsquoexeacutecute en peu drsquoeacutetapes

Eacutetant donneacute un entier positif n qui nrsquoest pas un carreacute parfait on dit que les nombres d1 et d2 sont les diviseurs milieux de n si d1 est le plus grand diviseur de n infeacuterieur agrave n et d2 =nd1 On peut alors deacutemontrer que le nombre k drsquoeacutetapes requises pour factoriser n via la meacutethode de Fermat est exactement

k =d1 +d2

2 d1d2

soit essentiellement la diffeacuterence entre la moyenne arithmeacutetique et la moyenne geacuteo-meacutetrique des diviseurs d1 et d2 En effet comme on lrsquoa vu ci-dessus (encadreacute p 9) on a

Exeacutecuter lrsquoalgorithme de Fermat consiste donc agrave chercher le plus petit entier k ge1 tel que

n + k( )2 n est un entiera

Or n + k = a implique que k = a ndash n et cela entraicircne

k =d1 +d2

2 d1d2

Pour quels entiers lrsquoalgorithme de Fermat est-il rapide Le temps drsquoexeacutecution pour factoriser un en-tier n en utilisant lrsquoalgorithme de Fermat sera court si ses diviseurs milieux sont pregraves lrsquoun de lrsquoautre crsquoest-agrave-dire pregraves de n (voir lrsquoencadreacute p 11) En contrepartie si les divi-seurs milieux sont eacuteloigneacutes lrsquoun de lrsquoautre alors exeacutecuter la meacutethode de Fermat peut prendre davantage de temps que la simple veacuterification de la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers (voir lrsquoencadreacute p 12)

DossierApplications

1 Logiciel libre que lrsquoon peut teacuteleacutecharger gratuitement sur Internet

2 Voir Section problegravemes

On doit deacuteterminer a et b tels que

n = a2 ndash b2ougrave n et b sont les cathegravetes drsquoun triangle rectangle drsquohypoteacutenuse a Le cocircteacute b est tel que

b2 = a2 ndash n Lrsquohypoteacutenuse doit ecirctre plus grande que les cathegravetes soit

a gt nOn calcule a2 ndash n pour les entiers plus grands n soit

a = n + 1 a = n + 2

a = n + kLorsque (a2 ndash n) est un car-reacute parfait b2 on a alors

a2 ndash n = b2

drsquoougrave n = a2 ndash b2 = (a ndash b)(a + b)On en conclut que n est fac-torisable puisque (a ndash b) et (a + b) en sont des facteurs

La meacutethode de Fermat en image

aa2 gt n

a gt bb2 = a2 ndash n

n

nCarreacutedrsquoaire n

a + b

a ndash b

a ndash b

a + b

a + b

a

b

b

Rectangle drsquoaire n

import math

n = 2 027 651 281

a=mathfloor(mathsqrt(n))+1

b=mathsqrt(a2-n)

while b =int(b)

a+=1

print (a= d et b= d ---gt n= d x d (int(a)int(b)int(a-b)int(a+b))

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Tirer le maximum de la meacutethode de Fermat Comme on vient de le voir si la distance qui seacutepare les diviseurs milieux drsquoun entier n est grande la meacutethode de Fermat est peu efficace On peut contourner ce problegraveme en veacuterifiant au preacutealable la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers3 Par exemple supposons qursquoon ose srsquoattaquer agrave la factorisation du nombre de 16 chiffres n = 489 + 3 = 1 352 605 460 594 691 Appli-quer naiumlvement la meacutethode de Fermat nous amegravenera sans doute agrave abandonner notre ap-proche une fois rendu agrave quelques millions drsquoeacutetapes Une approche plus senseacutee consiste agrave drsquoabord identifier les possibles petits fac-teurs premiers de n soit en veacuterifiant la divisi-biliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave 10 000 ou 100 000 disons ce qursquoon sera en mesure de reacutealiser tregraves rapidement agrave lrsquoaide drsquoun logiciel de calcul Crsquoest ainsi qursquoon deacute-couvre que notre nombre n est divisible par 3 et 1 249 Le problegraveme se ramegravene alors agrave factoriser le nombre

=times

=nn

3 1 249360 983 576 3531

Appliquer la meacutethode de Fermat agrave ce nou-veau nombre donne

n1 = 587 201 times 614 753

et cela apregraves seulement 157 eacutetapes En ras-semblant nos calculs on obtient finalement que

n = 1 352 605 460 594 691

= 3 times 1 249 times n1

= 3 times 1 249 times 587 201 times 614 753

Dans cet exemple nous avons eacuteteacute chanceux car les deux plus grands facteurs premiers de n eacutetaient proches lrsquoun de lrsquoautre Il va de soi que ce nrsquoest pas toujours le cas Crsquoest pour-quoi si apregraves avoir eacutelimineacute les petits facteurs premiers de n la meacutethode de Fermat prend trop de temps agrave deacutevoiler ses grands facteurs premiers il est rassurant de savoir qursquoil existe drsquoautres avenues

Compliquer le problegraveme pour mieux le simplifier Une autre approche pour factoriser un nombre n est drsquoappliquer la meacutethode de Fermat agrave un nombre plus grand que n lui-mecircme en fait agrave un multiple de n Prenons par exemple le nombre n = 54 641 Comme ce nombre est relativement petit la meacutethode de Fermat trouvera sa factorisation agrave savoir n = 101 times 541 en 87 eacutetapes un nombre neacuteanmoins plutocirct grand compte tenu de la petite taille de n Toutefois si on avait su que lrsquoun des facteurs premiers de n eacutetait approximativement 5 fois son autre facteur premier on aurait pu preacutealablement multiplier n par 5 permet-tant ainsi au nouveau nombre 5n drsquoavoir ses

Algorithme (application rapide) lorsque les diviseurs milieux sont proches

Si les diviseurs milieux d1 lt d2 dun nombre n sont tels que la distance ∆ = d21048576ndash d1 qui les seacutepare satisfait agrave ∆ lt d1 et si k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n il deacutecoule de k =

d1 +d2

2 d1d2 que

kd d

d d

d dd

2( ) 1

21 1

1 11 1

1 11

lt + + minus + +

= + minus + +

Par ailleurs on peut montrer que lineacutegaliteacute

+ gt + minusyy y

1 12 8

2tient pour tout y isin (0 1)

Pour sen convaincre il suffit deacutelever chacun de ses cocircteacutes au carreacute et dutiliser le fait que y lt 1 En posant y = ∆d1 dans lrsquoineacutegaliteacute preacuteceacutedente il deacutecoule alors que

lt + minus + minus

+ = +k d dd d d2

112

18

118

11 11

2

12

2

1

lequel nombre est laquo petit raquo en autant que ∆ ne soit pas trop grand Ainsi pour n = 20 099 = 101 times 199 on obtient que

lttimes

+ ltk98

8 1011 13

2

un nombre deacutetapes relativement petit

3 Plus geacuteneacuteralement pour calculer le plus grand commun diviseur de deux entiers on peut utiliser lrsquoalgorithme drsquoEuclide lequel est tregraves rapide (voir lrsquoarticle laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo p 2 de ce numeacutero)

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diviseurs milieux essentiellement du mecircme ordre de grandeur de sorte que la meacutethode de Fermat appliqueacutee au nombre 5n aurait reacuteveacuteleacute ses facteurs 505 et 541 en une seule eacutetape Il aurait ensuite suffi de veacuterifier lequel de 505 et de 541 avait laquo heacuteriteacute raquo du facteur artificiel 5 ce qui est bien sucircr tregraves facile agrave faire Voila qui est bien facile lorsqursquoon sait qursquoun des facteurs est proche drsquoun multiple drsquoun autre facteur une information dont on ne dispose malheureusement pas agrave lrsquoavance

Peut-on neacuteanmoins explorer cette approche pour un nombre composeacute arbitraire Lrsquoideacutee serait de consideacuterer le nombre n times r pour un choix approprieacute de r Par exemple si n = pq et r = uv nous aurons nr = pu times qv et si nous sommes chanceux les deux nouveaux diviseurs pu et qv (de nr) seront suffisamment proches lrsquoun de lrsquoautre pour nous permettre drsquoappli-quer lrsquoalgorithme de Fermat avec succegraves En 1974 utilisant un raffinement de cette ideacutee R Sherman Lehman est parvenu agrave montrer que lrsquoon peut en effet acceacuteleacuterer la meacutethode de Fermat et de fait factoriser un entier im-pair n en seulement n13 eacutetapes

Les nombreuses ameacuteliorations de lrsquoideacutee originale de FermatEst-il possible de faire encore mieux Dans les anneacutees 1920 Maurice Kraitchik ameacute-liorait la meacutethode de Fermat et on sait aujourdrsquohui que son approche a constitueacute la base des principales meacutethodes modernes de factorisation des grands nombres Lrsquoideacutee de Kraitchik est la suivante plutocirct que de cher-cher des entiers a et b tels que n = a2 ndash b2 il suffit de trouver des entiers u et v tels que u2 ndash v2 est un multiple de n Par exemple sachant que 1272 ndash 802 est un multiple du nombre n = 1 081 on peut encore une fois profiter de lrsquoidentiteacute

u2 ndash v2 = (u ndash v)(u + v)

Dans notre cas on peut eacutecrire que

1272 ndash 802 = (127 ndash 80)(127 + 80)

= 47 times207

Algorithme (application lente) lorsque les diviseurs milieux sont eacuteloigneacutes

Supposons par exemple que lon cherche agrave factoriser un nombre n de 20 chiffres qui en reacutealiteacute est le produit de deux nombres premiers lun fait de 5 chiffres et lautre de 15 chiffres Il deacutecoule alors de la for-mule

k =d1 +d2

2 d1d2

ougrave k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n par la meacutethode de Fermat qursquoon aura

gt+

minus

gt gt

k n10 10

2

102

ndash10 10

4 14

1410 13

alors quen testant simplement la divi-sibiliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave n lt 1010 cela aurait eacuteteacute au moins mille fois plus rapide

Maurice Kraitchik 1882-1957Matheacutematicien et vulgarisateur scientifique belge Kraitchik sest surtout inteacuteresseacute agrave la theacuteorie des nombres et aux matheacutematiques reacutecreacuteatives

Il est lrsquoauteur de plusieurs ouvrages sur la theacuteorie des nombres reacutedigeacutes entre 1922 et 1930 De 1931 agrave 1939 il a eacutediteacute la revue Sphinx un mensuel consacreacute aux matheacutematiques reacutecreacuteatives Eacutemigreacute aux Etats-Unis lors de la Seconde Guerre mondiale il a enseigneacute agrave la New School for Social Research agrave New York Il srsquoest particuliegraverement inteacuteresseacute au thegraveme geacuteneacuteral des reacutecreacuteations matheacutematiques

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Comme tout facteur premier de n doit obli-gatoirement ecirctre un facteur de 47 ou de 207 et comme 207 = 9 times 23 on peut rapidement conclure que n = 23 times 47 Bien sucircr pour que cette approche soit efficace il faut eacutelaborer des astuces permettant de trouver des multiples du nombre agrave factoriser qui puissent srsquoeacutecrire comme une diffeacuterence de deux carreacutes Or crsquoest preacuteciseacutement ce que plusieurs matheacutematiciens ont reacuteussi agrave faire au cours du vingtiegraveme siegravecle

Ougrave en est-on aujourdrsquohui On a vu qursquoen optimisant la meacutethode origi-nale de Fermat R Sherman Lehman pouvait factoriser un entier n en environ n13 eacutetapes Or dans les anneacutees 1980 en faisant intervenir des outils matheacutematiques plus avanceacutes dont des notions drsquoalgegravebre lineacuteaire Carl Pomerance a davantage peaufineacute la meacutethode originale de Fermat et creacuteeacute une nouvelle meacute-thode de factorisation connue sous le nom de crible quadratique On sait montrer que dans la pratique avec le crible quadratique

il suffit drsquoau plus timese n n(ln ) ln(ln ) eacutetapes pour factoriser un nombre arbitraire n ce qui peut faire une eacutenorme diffeacuterence lorsqursquoil srsquoagit de factoriser de tregraves grands nombres Crsquoest ain-si que le crible quadratique permet de facto-riser un nombre n de 75 chiffres en moins de

=

lt lt

times timese e

e 10 eacutetapes

ln(10 ) ln(ln10 ) 75ln10 ln(75ln10)

299 13

75 75

alors que la meacutethode de Lehman en requiert environ 1025

Et dire que toute cette panoplie de meacutethodes de factorisation ont leur origine dans une ideacutee de Fermat datant de plus de trois siegravecles et demi

Une belle application de la meacutethode de Fermat

On peut montrer que tout entier de la forme 4k4 + 1 peut ecirctre factoriseacutee en utilisant la meacutethode de Fermat en une seule eacutetape

Soit n = 4k4 + 1 On observe drsquoabord que

n 4k 4 +1= = 2k2

En utilisant la meacutethode de Fermat on choisit drsquoabord

a = n + 1 = 2k2 + 1

On veacuterifie ensuite si a2 ndash n est un carreacute parfait Pour y arriver on eacutecrit

a2 ndash n = (2k2 + 1)2 ndash (4k4 + 1)

= 4k4 + 4k2 + 1 ndash 4k4 ndash 1 = 4k2

qui est un carreacute parfait

On peut donc conclure quen posant 4k2 = b2 on a

n = a2 ndash b2 = (2k2 + 1)2 ndash (2k)2

= (2k2 ndash 2k + 1)(2k2 + 2k + 1)

ce qui fournit la factorisation souhaiteacutee

On peut utiliser cette information pour trouver par exemple la factorisation complegravete de n = 258 + 1

En effet commen = 4 times 256 + 1 = 4 times (214)4 + 1

est bien de la forme 4k4 +1 la meacutethode de Fermat devrait nous fournir ses deux diviseurs milieux du premier coup Effective-ment on a

a = n + 1 = 2k2 + 1 = 536 870 913

On a tout de suite

a2 ndash n = 10 73 741 824 = 32 7682 = b2

de sorte que

n = a2 ndash b2

= (53 68 70 913 ndash 32 768)(53 68 70 913 + 32 768)

= 53 68 38 145 times 53 69 03 681

Comme le premier de ces deux facteurs est de toute eacutevidence un multiple de 5 on peut donc conclure que

n = 258 + 1 = 5 times 107 367 629 times 536 903 681

fournissant ainsi la factorisation souhaiteacutee

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Il est facile drsquoemmecircler un fil de pecircche alors qursquoil est tregraves difficile de le deacutemecircler De mecircme certaines opeacuterations sur les nombres

sont faciles dans un sens et difficiles dans lrsquoautre On les appelle opeacuterations agrave sens unique Elles sont utiliseacutees pour la cryptographie

Lorsque vous envoyez votre numeacutero de carte de creacutedit par Internet agrave un site proteacutegeacute le logiciel crypte celui-ci par le code RSA du nom de ses inventeurs Ronald Rivest Adi Shamir et Leonard Adleman

Historiquement les codes secrets ont tous eacuteteacute perceacutes Mais le code RSA publieacute en 1978 reacutesiste encore malgreacute tous les efforts de la communauteacute matheacutematique pour le briser Il repose sur le fait que si on prend deux tregraves grands nombres premiers distincts p et q et qursquoon les multiplie pour obtenir n = pq alors il est hors de porteacutee des ordinateurs actuels2 de reacutecupeacuterer p et q Ainsi on peut se permettre de publier n la cleacute qui sert au cryptage sans crainte que quiconque puisse reacutecupeacuterer p et q qui servent au deacutecryptage Ce proceacutedeacute srsquoappelle la cryptographie agrave cleacute publique parce que la recette de cryptage est publique

Aussi surprenant que cela puisse paraicirctre il est facile pour un ordinateur de fabri-quer de grands nombres premiers Plusieurs algorithmes geacuteneacuterant de grands nombres premiers sont probabilistes Nous allons en preacutesenter un ci-dessous

Dans la cryptographie agrave cleacute publique les mes-sages sont des nombres m infeacuterieurs agrave n On demandera drsquoeacutelever le nombre m agrave une tregraves grande puissance e ougrave e est un nombre qui est eacutegalement public Le message encrypteacute a est le reste de la division de me par n Tou-jours surprenant il est facile pour un or-dinateur de calculer ce reste mecircme si m et e ont chacun 200 chiffres Nous allons voir comment Le deacutecryptage se fait de maniegravere symeacutetrique en calculant le reste de la division de ad par n Mais d est inconnuhellip et pour le calculer il faut connaicirctre p et q et donc factoriser n Donc seul le concepteur qui a choisi p et q peut lire le message

Combien de temps reacutesistera le code RSA Si ce nrsquoeacutetait que des progregraves de la factorisation des entiers et de lrsquoaugmentation de la puis-sance des ordinateurs il pourrait reacutesister en-core longtemps quitte agrave allonger un peu la cleacute n Mais crsquoest sans compter sur la preacute-sence possible drsquoun nouveau venu lrsquoordina-teur quantique Cet ordinateur nrsquoexiste pas encore Par contre un algorithme rapide de factorisation sur un ordinateur quantique lrsquoalgorithme de Shor existe depuis 1997 Nous allons nous pencher sur lrsquoideacutee de cet algorithme

Christiane Rousseau Universiteacute de Montreacuteal

2 Voir lrsquoarticle laquo Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres raquo de Jean-Marie De Koninck p 8 de ce numeacutero

Comme 1 est le pgcd1 de e et de φ(n) on peut eacutecrire via lrsquoalgo-rithme drsquoEuclide

1 = 10 times 1 456 ndash 633 times 23Donc 1 = 10 times 1 456 ndash (1 456-823) times 23ou encore

1= ndash13 times 1 456 + 823 times 23Comme 823 times 23 =13 times 1 456 + 1 le reste de la division de ed par φ(n) vaut bien 1

1 Voir laquo Algorithmes dans lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

Calculer le reste de la division de me par nEacutecrivons la deacutecomposition de e = 23 en somme de puissances de 2

e = 1 + 2 + 4 + 16

Alors

m e = m m2 m4 m16

On va donc y aller pas agrave pas pour calculer ces puissances et agrave chaque eacutetape on va diviser par n Le reste de la division de m2 par n est 1 126 Remarquons que m4 = (m2)2 Le reste de la division de m4 par n est donc le mecircme que le reste de la division de 1 1262 par n

1 1262 = 823n + 1 388

De mecircme le reste de la division de m8 par n est le mecircme que le reste de la division de 1 3882 par n

1 3882 = 1 253n + 683

Finalement le reste de la division de m16 par n est le mecircme que le reste de la division de 6832 par n

6832 = 303n + 778

On remet le tout ensemble Le reste de la division de m23 par n est le mecircme que le reste de la division de

1 234 1 126 1 388 778

par n qui est bien a = 1 300 Dans la ligne qui preacutecegravede on peut aussi alterner entre faire des

multiplications et diviser les produits partiels par n pour ne pas laisser grossir les expressions Ces calculs sont faciles pour des ordinateurs mecircme quand les nombres sont tregraves grands

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un exemple de fonctionnement du code RSAAline veut pouvoir recevoir des mes-sages secrets de Bernard Elle construit donc un systegraveme agrave cleacute publique pour re-cevoir de tels messages Elle prend les nombres premiers p = 29 et q = 53 La cleacute est n =1 537 Elle aura besoin du nombre

φ(n) = (p ndash 1)(q ndash 1) = 1 456

Elle choisit e relativement premier avec φ(n) par exemple e = 23 Soit d = 823 Il a eacuteteacute construit pour que le reste de la division de ed par φ(n) soit 1 (voir encadreacute ci-contre) Pour ce il fallait connaitre φ(n) et donc la factorisation de n ce qui est difficile pour quelqursquoun ne connaissant pas p et q Aline publie n et e Bernard veut lui envoyer le message

m = 1 234

Pour le crypter il lrsquoeacutelegraveve agrave la puissance e = 23 et le divise par n Ceci lui donne le message crypteacute

a = 1 300

qursquoil envoie agrave Aline Celle-ci utilise d connu drsquoelle seule pour calculer le reste de la divi-sion de ad par n Ce reste est preacuteciseacutement le message m = 1 234

Lrsquoexemple eacutetait avec de petits nombres Mais comment faire les calculs quand les nombres sont gros Il faut se rappeler que ce qui nous inteacuteresse ce ne sont pas les nombres me et

ad mais seulement le reste de leur division par n Alors il ne faut pas laisser grossir les calculs Il faut plutocirct alterner entre prendre des puissances et diviser par n (Voir deacutetails dans lrsquoencadreacute)

Construire de grands nombres premiersLrsquoideacutee est la suivante Si on veut construire un grand nombre premier de 100 chiffres on geacutenegravere au hasard un nombre de 100 chiffres et on laquo teste raquo srsquoil est premier Srsquoil ne lrsquoest pas on recommence avec un autre nombre geacuteneacute-reacute au hasard jusqursquoagrave ce qursquoon tombe sur un nombre premier

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Premiegravere question combien faut-il faire de tests en moyenne Un nombre de 100 chiffres est un nombre de lrsquoordre de 10100 Le theacuteoregraveme des nombres premiers nous dit que si N est grand il y a environ N ln N nombres premiers infeacuterieurs ou eacutegaux agrave N Si on choisit au ha-sard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 la chance qursquoil soit premier est donc drsquoenviron

N1

ln1

ln101

100ln101

230100= = =

On peut faire mieux la moitieacute des nombres sont pairs et parmi les nombres impairs on peut eacuteliminer les multiples de 5 Donc si on choisit au hasard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 qui se termine par 1 3 7 ou 9 on a une chance sur 92 qursquoil soit pre-mier (40 des nombres se terminent par 1 3 7 9 et 410 de 230 donne 92) Ceci signi-fie qursquoen moyenne apregraves 92 tests on a trou-veacute un nombre premier Faire 92 tests est fa-cile pour un ordinateur

Ceci nous amegravene agrave la deuxiegraveme question que signifie laquo tester raquo qursquoun nombre p est pre-mier On a appris agrave le faire en cherchant si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p ce qui revient agrave factoriser partiellement p Mais factoriser est difficile pour un ordinateurhellip

On peut faire mieux Srsquoil est facile de tester si un nombre p est premier crsquoest parce qursquoon peut le faire sans factoriser p Lrsquoideacutee est la suivante Si p nrsquoest pas premier il laisse

ses empreintes partout Dans le test de primaliteacute de Miller-Rabin si p nrsquoest pas pre-mier au moins les trois-quarts des nombres entre 1 et p ont une empreinte de p crsquoest-agrave-dire qursquoils sont des teacutemoins du fait que p nrsquoest pas premier Le test pour deacutecider si un nombre est un teacutemoin est un peu tech-nique (voir encadreacute page ci-contre) Mais ce test est facile pour un ordinateur On choisit au hasard des nombres a1 am le p Si lrsquoun des ai est un teacutemoin on conclut que p nrsquoest pas premier Si aucun des ai nrsquoest un teacutemoin alors p a une tregraves grande chance drsquoecirctre pre-mier Par exemple si m = 100 la chance que p ne soit pas premier sachant que a1 am ne sont pas des teacutemoins est infeacuterieure ou eacutegale agrave 10ndash58 soit tregraves tregraves petite

Peut-on se fier agrave un algorithme probabiliste Les informaticiens le font reacuteguliegraverement degraves qursquoils ont besoin de grands nombres premiers et on nrsquoobserve pas de catas-trophe autour de nous On voit drsquoailleurs qursquoon pourrait transformer cet algorithme probabiliste de primaliteacute en algorithme deacute-terministe il suffirait de tester au moins le quart des nombres a isin 2 p ndash1 Si aucun nrsquoest un teacutemoin alors on peut affir-mer avec certitude que p est premier Mais cet algorithme serait sans inteacuterecirct car il requerrait de regarder si p4 nombres sont des teacutemoins alors que lrsquoalgorithme usuel de factorisation demande de regarder si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p et

pp4

lt degraves que p gt 16

Casser le code RSA sur un ordinateur quantiqueEn 1997 Peter Shor a annonceacute un algo-rithme qui casserait le code RSA sur un ordinateur quantique qui nrsquoexiste pas encorehellip Que signifie cette affirmation Lrsquoalgorithme de Shor est simplement un autre algorithme de factorisation Il fonc-tionnerait sur un de nos ordinateurs mais il serait moins bon que les meilleurs algo-rithmes de factorisation La limite de nos ordinateurs est le paralleacutelisme On ne peut faire qursquoun nombre limiteacute drsquoopeacuterations en parallegravele

DossierApplications

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Quelques avantages de la cryptographie agrave cleacute publique

La cryptographie agrave cleacute publique est tregraves utile quand des milliers de personnes par exemple des clients peuvent vouloir envoyer leur numeacutero de carte de creacutedit agrave une mecircme compagnie

La meacutethode drsquoencryptage est publique et seule la compagnie peut deacutecrypter les messages chiffreacutes

Un autre avantage est que deux interlocuteurs nrsquoont pas besoin drsquoeacutechanger de lrsquoinformation secregravete par exemple une cleacute pour communiquer de maniegravere seacutecuritaire Il suffit que chacun publie son systegraveme de cryptographie agrave cleacute publique

Le systegraveme RSA permet de signer un message pour srsquoassurer qursquoil provient bien de la bonne personne Dans notre exemple pour que Bernard signe son message il faut qursquoil construise son propre sys-tegraveme agrave cleacute publique dont il publie la cleacute nrsquo et la cleacute de cryptage ersquo Il se servira de sa cleacute de deacutecryptage drsquo pour apposer sa signature sur le message

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un ordinateur est composeacute de transistors qui fonctionnent agrave la maniegravere drsquointerrup-teurs en ayant deux positions OUVERT et FERMEacute que lrsquoon peut coder comme des bits drsquoinformation 0 ou 1 Un nombre de 200 chiffres est infeacuterieur agrave 10200 lt 2665 et donc peut srsquoeacutecrire avec 665 bits Tester srsquoil a un diviseur premier infeacuterieur agrave 10100 lt 2333 revient agrave regarder toutes les suites de 333 bits eacutegaux agrave 0 ou 1 Un travail titanesque sauf si lrsquoordinateur a un grand paralleacutelisme Dans un ordinateur quantique les bits drsquoinformation sont des bits quantiques ils peuvent ecirctre dans un eacutetat superposeacute entre 0 et 1 Lrsquoimage que lrsquoon pourrait donner est celle drsquoun sou Une fois lanceacute il tombe sur PILE ou sur FACE Mais avant de le lancer il a probabiliteacute 12 de tomber sur PILE et probabiliteacute 12 de tomber sur FACE On pourrait dire qursquoil est dans un eacutetat superposeacute Le fait que m bits quantiques soient dans un eacutetat superposeacute implique qursquoils peuvent faire simultaneacutement les 2m opeacutera-tions diffeacuterentes correspondant agrave tous les choix de valeurs 0 ou 1 pour chacun des bits Par contre de mecircme que notre sou tombe neacutecessairement sur PILE ou sur FACE degraves qursquoon veut observer un bit quantique il prend neacutecessairement la valeur 0 ou la valeur 1 et donc on ne peut observer le reacutesultat de tous les calculs faits en parallegravele La subtiliteacute de lrsquoalgorithme de Shor vient du fait qursquoon pourra reacutecupeacuterer le reacutesultat du calcul lequel donne une factorisation de p si p nrsquoest pas premier

Le nombre 15 a eacuteteacute factoriseacute sur un ordi-nateur quantique en 2007 et en 2012 on a factoriseacute 143 = 11x13 Les progregraves semblent lents depuis ce temps Le deacutefi technologique de lrsquoordinateur quantique est de maintenir de nombreux bits en eacutetat superposeacute Ce recircve deviendra-t-il reacutealiteacute Mecircme si les progregraves semblent lents les experts y croient de plus en plus

Tester si un nombre est un teacutemoinOn veut tester si p impair est premier Alors on peut eacutecrire p ndash 1 qui est pair comme p ndash 1 = 2sd ougrave d est impair

(Il suffit de diviser p ndash 1 par 2 successive-ment jusqursquoagrave ce que le quotient soir im-pair) Soit a isin 2 p ndash1

Critegravere pour ecirctre teacutemoin Si a est un teacute-moin que p nrsquoest pas premier alors on a simultaneacutement que le reste de la division de ad par p est diffeacuterent de 1 et que les restes de la division de a d2r

par p sont diffeacuterents de p ndash 1 pour tous les r isin 0 s ndash1

Regardons un premier exemple Prenons p = 13 Alors p ndash 1 = 22 3 Ici d = 3 et s = 2 Voyons que p nrsquoa aucun teacutemoin

La premiegravere colonne du tableau agrave gauche donne a la deuxiegraveme colonne donne

le reste de la division de ad = a3 par p et la troisiegraveme colonne le reste de la division de a2d = a6 par p

On voit bien que pour chaque a soit on a un 1 dans le premiegravere colonne ou bien un 1 ou un 12 dans la deuxiegraveme colonne et donc aucun a nrsquoest un teacutemoin de 13 On sait alors que 13 est premier

Refaisons lrsquoexercice avec p = 15 Alors p ndash 1 = 2 7 Comptons combien p a de teacutemoins Ici la deuxiegraveme colonne repreacutesente le reste de la division de ad= a7 par p Tous les a sauf 14 sont des teacutemoins et chacun nous dit que 15 nrsquoest pas premier

Mais bien sucircr apprendre qursquoun nombre a est un teacutemoin que p nrsquoest pas premier ne nous apprend rien de la factorisation de p

81

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125

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1211

1212121211

121

a23456789

101112

812456

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101137

14

a23456789

1011121314

Le fonctionnement de lrsquoalgorithme de Shor

On veut factoriser un entier n Lrsquoalgo-rithme de Shor cherche un diviseur d de n qui soit diffeacuterent de 1 et de n Ensuite on peut iteacuterer en cherchant un diviseur de lrsquoentier S = nd Voyons qursquoil suffit de trouver un entier r tel que n divise r2 ndash 1 = (r ndash 1)(r + 1) mais n ne divise ni r ndash 1 ni r + 1 Puisque n divise r2 ndash 1 il existe un entier m tel que r2 ndash 1 = mn Soit p un facteur premier de n Alors p divise r ndash 1 ou encore p divise r + 1 Dans le premier cas d est le pgcd de r ndash 1 et n et dans le deuxiegraveme cas celui de r + 1 et n Calculer le pgcd de deux nombres par lrsquoalgorithme drsquoEuclide3 est facile pour un ordinateur Comment construire un tel entier r est un peu technique et nous ne ferons pas les deacutetails

3 Voir laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

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Si la notion de logarithme paraicirct aujourdrsquohui tout agrave fait naturelle sa conceptualisation et sa mise en œuvre au plan pratique au deacutebut

du 17e siegravecle nrsquoont point eacuteteacute une mince affaire Premiers eacutepisodes de cette foisonnante saga

Peu de temps apregraves leur introduction par John Napier (1550-1617) au tout deacutebut du 17e siegravecle les logarithmes se sont rapidement imposeacutes comme un laquo merveilleux raquo1 outil essentiel en astronomie et en navigation deux domaines scientifiques particuliegraverement avanceacutes agrave cette eacutepoque et qui venaient avec leur lot de calculs proprement titanesques Crsquoest dans un tel contexte qursquoil faut entendre le ceacutelegravebre aphorisme ducirc au matheacutematicien physicien et astronome franccedilais Pierre-Simon Laplace2 (1749-1827) qui srsquointeacuteressant dans le cadre drsquoun survol historique de lrsquoastronomie aux travaux de Johannes Kepler (1571-1630) affirmait que la deacutecouverte des logarithmes mdash combineacutee agrave lrsquoarithmeacutetique des Indiens crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecriture des nombres dans un systegraveme positionnel mdash avait pour ainsi dire doubleacute la vie des astronomes (voir encadreacute)

La preacutehistoire des logarithmesIssu entiegraverement de lrsquolaquo esprit humain raquo selon les dires de Laplace le concept de logarithme repose sur une ideacutee somme toute assez na-turelle consideacuterant diverses puissances drsquoun mecircme nombre on porte lrsquoattention sur les exposants de ces puissances Par exemple srsquoagissant des entiers

64 256 1024 et 4096crsquoest-agrave-dire respectivement

43 44 45 et 46on envisage plutocirct les exposants

3 4 5 et 6

Sur la base de ces donneacutees on pourrait conclure immeacutediatement mdash si on dispose drsquoune table de puissances de 4 mdash que

256 times 4 096 = 1 048 576prenant appui sur le fait que

44 times 46 = 44 + 6 = 410

(on applique ici une regravegle de base des exposants qui va de soi lorsque ceux-ci sont des entiers naturels) Il nrsquoest pas eacutetonnant que des telles intuitions aient pu se retrouver il y a fort longtemps

Jeacuterocircme Camireacute-Bernier

Bernard R Hodgson Universiteacute Laval

1 Renvoi agrave lrsquoeacutepithegravete mirifique (archaiumlque de nos jours) utiliseacutee par Napier lui-mecircme Lrsquoex-pression mirifique invention de notre titre est emprunteacutee agrave Jean-Pierre Friedelmeyer (voir le Pour en savoir plus)

2 Alias Pierre-Simon de Laplace Aussi homme politique il fut nommeacute marquis en 1817 (drsquoougrave la particule nobiliaire)

Laplace agrave propos des logarithmeslaquo Il [Kepler] eut dans ses derniegraveres anneacutees lrsquoavantage de voir naicirctre et drsquoemployer la deacutecouverte des logarithmes due agrave Neper baron eacutecossais artifice admirable ajouteacute agrave lrsquoingeacutenieux algorithme des Indiens et qui en reacuteduisant agrave quelques jours le travail de plusieurs mois double si lrsquoon peut ainsi dire la vie des astronomes et leur eacutepargne les erreurs et les deacutegoucircts inseacuteparables des longs calculs invention drsquoautant plus satis-

faisante pour lrsquoesprit humain qursquoil lrsquoa tireacutee en entier de son propre fonds dans les arts lrsquohomme se sert des mateacuteriaux et des forces de la nature pour accroicirctre sa puissance mais ici tout est son ouvrage raquo

Exposition du systegraveme du monde Livre V Chapitre IV

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

Un peu de vocabulaire

Eacutetant donneacute deux reacuteels (positifs) x et y leur moyenne arithmeacutetique

est donneacutee par x y2+ et leur moyenne geacuteomeacutetrique par xy

Ces appellations trouvent leur origine dans les matheacutematiques grecques de lrsquoAntiquiteacute notamment de lrsquoeacutepoque de Pythagore

Lrsquoarithmeacutetique de lrsquoeacutecole pythagoricienne portant sur lrsquoeacutetude des entiers (et des rapports simples drsquoentiers) on voit immeacutediatement pourquoi la premiegravere moyenne est dite laquo arithmeacutetique raquo Quant agrave la moyenne laquo geacuteomeacutetrique raquo elle fait intervenir une opeacuteration qui megravene agrave des grandeurs geacuteneacuteralement au-delagrave du champ des entiers Or le domaine qui eacutetudie les grandeurs par exemple les segments de droite est justement la geacuteomeacutetrie

On peut montrer que dans une suite arithmeacutetique un terme donneacute (agrave partir du deuxiegraveme) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins Et de mecircme mutatis mutandis pour une suite geacuteomeacutetrique (Voir la Section problegravemes)

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Ainsi sur la partie infeacuterieure de la tablette meacutesopotamienne MLC 020783 datant drsquoentre 1900 et 1600 avant notre egravere se trouve le tableau ci-haut (les nombres sont donneacutes ici en notation moderne et non en eacutecriture cu-neacuteiforme) on y reconnaicirct immeacutediatement la liste des premiegraveres puissances de 2 ainsi que les exposants correspondants

Lrsquousage a consacreacute lrsquoexpression suite arith-meacutetique (ou progression arithmeacutetique selon une tournure un brin suranneacutee) pour une liste de nombres qui comme dans la colonne de droite de ce tableau croissent (ou deacutecroissent) reacuteguliegraverement de maniegravere additive

a a + d a + 2d a + nd

a repreacutesentant le premier terme de la suite et d la diffeacuterence entre deux termes conseacute-cutifs mdash crsquoest-agrave-dire de combien lrsquoun de ces termes est plus grand que lrsquoautre4 (Le tableau preacuteceacutedent correspond au cas ougrave a = 1 et d = 1) Lorsque les nombres de la liste sont relieacutes multiplicativement

a ar ar2 arn

on parlera de suite (ou progression) geacuteomeacute-trique la constante r repreacutesentant cette fois le rapport entre deux termes conseacutecutifs mdash crsquoest-agrave-dire combien de fois lrsquoun est plus grand que lrsquoautre4 (Dans la colonne de gauche du tableau on a a = 2 et r = 2) (Voir lrsquoencadreacute Un peu de vocabulaire pour le sens des mots laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo dans un tel contexte)

Selon cette nomenclature la tablette MLC 02078 peut donc srsquointerpreacuteter comme la mise en comparaison de deux suites lrsquoune arithmeacutetique et lrsquoautre geacuteomeacutetrique Ce type de situation se retrouve agrave diverses eacutepoques au fil des acircges Ainsi en est-il question dans un autre document de lrsquoAntiquiteacute LrsquoAreacutenaire traiteacute dans lequel Archimegravede (-287 ndash -212) se donne comme objectif de deacuteterminer le nombre de grains de sable dont le volume serait eacutegal agrave celui du laquo monde raquo5 Parmi les outils dont se sert alors le grand matheacutematicien grec se retrouve la manipulation simultaneacutee drsquoune suite arithmeacutetique et drsquoune suite geacuteomeacutetrique ce qui lrsquoamegravene (en termes modernes) agrave identifier au passage la regravegle drsquoaddition des exposants

bm times bn = bm +n

(voir la Section problegravemes) et donc le prin-cipe de transformation drsquoune multiplication en une addition agrave la base des logarithmes

3 Pour Morgan Library Collection Cette tablette se retrouve dans la collection de lrsquoUniversiteacute Yale aux Eacutetats-Unis

4 Cette faccedilon de parler est utiliseacutee par Euler lorsqursquoil introduit les notions de rapports arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique dans ses Eacuteleacutements drsquoalgegravebre (1774) mdash voir Section troisiegraveme laquo Des rapports amp des propor-tions raquo entre autres les articles 378 398 et 505

5 Une des difficulteacutes auxquelles fait ici face Archimegravede est de reacutealiser cet objectif dans le cadre du systegraveme de numeacuteration grec qui nrsquoeacutetait pas propice pour exprimer aiseacutement de tregraves grands nombres Mais cela est une autre histoirehellip

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Tablette MLC 02078 (1900-1600 avant notre egravere)

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Cette mecircme ideacutee se retrouve plusieurs siegravecles plus tard dans Le Triparty en la science des nombres (1484) du Franccedilais Nicolas Chuquet (1445-1488) Dans la troisiegraveme partie de cet ouvrage Chuquet introduit des regravegles cal-culatoires de nature algeacutebrique Il srsquointeacuteresse alors notamment aux valeurs des puis-sances de 2 depuis 1 jusqursquoagrave 1 048 576 qursquoil aligne en colonnes avec les exposants entiers correspondants (qursquoil appelle laquo deacuteno-minations raquo) de 0 jusqursquoagrave 20 et note que la multiplication de nombres de la premiegravere colonne correspond agrave lrsquoaddition de nombres dans la seconde Il identifie aussi une autre regravegle de base des exposants

b b( )m n mn=(encore une fois exprimeacutee ici en notation moderne) Agrave noter que Chuquet utilise une notation avec indice sureacuteleveacute (comme nous le faisons aujourdrsquohui)6 et qursquoen plus de lrsquoexposant 0 il considegravere des exposants (entiers) neacutegatifs Au milieu du 16e siegravecle lrsquoAllemand Michael Stifel (1487-1567) reprendra les mecircmes thegravemes dans son Arithmetica integra (1544) ougrave il parle expli-citement de la relation entre une progression arithmeacutetique et une progression geacuteomeacutetrique Crsquoest drsquoailleurs agrave Stifel que lrsquoon doit le vocable exposants pour deacutesigner les nombres de la suite arithmeacutetique en jeu

Si quelques-uns des principes servant de fondements agrave la notion de logarithme se per-ccediloivent dans les commentaires qui preacutecegravedent on est encore loin du logarithme en tant que tel Pour qursquoune correspondance entre une suite geacuteomeacutetrique et une suite arithmeacutetique devienne un veacuteritable outil de calcul il faut en effet laquo boucher les trous raquo entre les puissances (entiegraveres) successives Il peut ecirctre inteacuteressant comme le souligne Chuquet de conclure gracircce agrave sa table des puissances de 2 que le produit de 128 et 512 est 65 536 Mais cela ne nous renseigne en rien par exemple sur le produit 345 times 678 On voit mecircme Chuquet dans un appendice au Tripar-ty chercher agrave reacutesoudre des problegravemes dans lesquels un exposant fractionnaire est rechercheacute mdash mais sans deacutevelopper pour autant drsquoapproche systeacutematique agrave cette fin

Certains eacuteleacutements (timides) agrave cet eacutegard se retrouvent il y a fort longtemps Ainsi le tableau numeacuterique ci-contre figure lui aussi sur la tablette MLC 02078 (dans sa partie supeacuterieure) On y voit une progression arith-meacutetique de diffeacuterence frac-tionnaire ecirctre juxtaposeacutee agrave une progression geacuteomeacutetrique agrave savoir des puissances de 16 Mais peu semble avoir eacuteteacute fait pour pousser plus loin de telles asso-ciations jusqursquoagrave lrsquoarriveacutee de Napier

Les logarithmes agrave la NapierTout eacutetudiant est aujourdrsquohui familier avec le fait que le passage drsquoun nombre donneacute agrave son logarithme (selon une certaine base) revient agrave identifier lrsquoexposant dont il faut affecter cette base pour retrouver le nombre en cause Ayant fixeacute un reacuteel b (positif et diffeacuterent de 1) et consideacuterant un reacuteel positif x le logarithme de x dans la base b noteacute logbx est donc par deacutefinition lrsquoexposant (reacuteel) u tel que bu = x Une telle vision il faut le souligner demeure relativement tardive par rapport agrave lrsquointuition originale de logarithme nrsquoeacutetant devenue la norme que pregraves drsquoun siegravecle et demi apregraves les travaux de lrsquoEacutecossais John Napier7 mdash voir lrsquoencadreacute Les traiteacutes de Napier mdash lorsque Leonhard Euler (1707-1783) en a fait la pierre drsquoassise de son traitement de la fonction logarithmique8 dans son Introduc-tio in analysin infinitorum (1748) Acceptant les proprieacuteteacutes de la fonction exponentielle bu pour des reacuteels b et u quelconques on tire im-meacutediatement de cette deacutefinition la proprieacuteteacute de base du logarithme

logb xy = logb x + logb y

ce qui permet de transformer une multi-plication en une addition de mecircme que les eacutegaliteacutes similaires pour le logarithme drsquoun quotient ou drsquoune puissance

DossierHistoire

6 La notation exponentielle aujourdrsquohui usuelle telle a2 ou a3 se reacutepandra apregraves son utilisa-tion par Reneacute Descartes (1596-1650) dans son traiteacute La geacuteomeacutetrie (1637)

7 Voir Andreacute Ross laquo John Napier raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 8-11

8 Cette approche drsquoEuler peut ecirctre vue comme une illustration remarquable de lrsquoim-pact drsquoune bonne notation en vue de clarifier et faciliter la deacutemarche de la penseacutee

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

On observera que lrsquoideacutee drsquoun lien entre deux suites lrsquoune geacuteomeacutetrique et lrsquoautre arithmeacutetique bien que sous-jacente agrave la derniegravere eacutegaliteacute nrsquoest pas pour autant expli-citement mise en eacutevidence dans cette vision moderne (post-euleacuterienne) du logarithme Or agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier introduit ses loga-rithmes lrsquoideacutee de laquo fonction raquo nrsquoest pas dans lrsquoair du temps mdash elle ne surgira de fait que vers la fin du 17e siegravecle dans la mouvance des travaux sur le calcul infiniteacutesimal mdash de sorte que la comparaison de suites (geacuteomeacutetrique et arithmeacutetique) demeure la principale source drsquoinspiration de ses travaux

Une autre mouvance de lrsquoeacutepoque visait agrave se doter drsquooutils permettant de simplifier lrsquoexeacutecution de calculs arithmeacutetiques portant sur de gros nombres Dans un texte preacuteceacute-dent9 nous avons preacutesenteacute entre autres la meacutethode de prosthapheacuteregravese utiliseacutee vers la fin du 16e siegravecle en vue de transformer une multiplication en addition ou une division en soustraction La populariteacute de telles meacutethodes notamment dans les cercles astronomiques a certainement contribueacute agrave convaincre Napier de lrsquoimportance de deacuteve-lopper des outils permettant de raccourcir les calculs y compris dans le cas de lrsquoexponen-tiation ou de lrsquoextraction de racine Il en fait drsquoailleurs mention explicitement dans la preacute-face de son Descriptio Soulignant le caractegravere peacutenible dans la pratique des matheacutematiques de la multiplication division ou extraction de racine carreacutee ou cubique de grands nombres Napier insiste non seulement sur le temps re-quis pour exeacutecuter ces opeacuterations mais aus-si sur les nombreuses erreurs qui peuvent en reacutesulter Agrave la recherche drsquoune meacutethode sucircre et expeacuteditive afin de contourner ces difficul-teacutes il annonce qursquoapregraves lrsquoexamen de plusieurs proceacutedeacutes il en a retenu un qui rencontre ses attentes

laquo Agrave la veacuteriteacute aucun proceacutedeacute nrsquoest plus utile que la meacutethode que jrsquoai trouveacutee Car tous les nombres utiliseacutes dans les multiplica-tions les divisions et les extractions ar-

dues et prolixes de racines sont rejeteacutes des opeacuterations et agrave leur place sont substitueacutes drsquoautres nombres sur lesquels les calculs se font seulement par des additions des soustractions et des divisions par deux et par trois raquo10

La vision geacuteomeacutetrico- cineacutematique de NapierUn troisiegraveme eacuteleacutement sur lequel srsquoappuie Napier dans sa creacuteation des logarithmes est la geacuteomeacutetrie mdash plus preacuteciseacutement la geacuteomeacutetrie du mouvement Il a en effet lrsquoideacutee de comparer le deacuteplacement de deux points lrsquoun bougeant selon une vitesse11 variant de maniegravere telle que les distances parcourues en des intervalles de temps eacutegaux forment une progression geacuteomeacute-trique tandis que lrsquoautre point bougeant agrave vitesse constante deacute-termine des distances en progression arith-meacutetique Le support geacuteomeacutetrique dont se sert alors Napier peut se deacutecrire comme suit

9 Voir laquo Eacutemergence logarithmique tables et calculs raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 2-7

10 Tireacute de la preacuteface du Mirifici logarithmorum canonis descriptio (traduction personnelle)

11 Napier introduit lrsquoideacutee de mouvement degraves la deacutefinition 1 du Descriptio Il utilise explicite-ment le terme laquo vitesse raquo agrave la deacutefinition 5

Les traiteacutes de NapierCrsquoest degraves lrsquoanneacutee 1594 que Na-pier entame les travaux qui lrsquoamegraveneront agrave la notion de loga-rithme En 1614 il fait connaicirctre son invention en publiant un premier traiteacute sur le sujet mdash reacutedigeacute en latin la langue des savants de lrsquoeacutepoque Mirifici lo-garithmorum canonis descrip-tio (crsquoest-agrave-dire Description de la merveilleuse regravegle des loga-rithmes) Il srsquoagit de la premiegravere publication drsquoune table de lo-garithmes qui occupent les 90 derniegraveres pages du traiteacute Cette table est preacuteceacutedeacutee drsquoun texte de 57 pages ougrave Napier explique

ce que sont les logarithmes et comment les utiliser

Un second traiteacute de Napier sur le sujet est un ouvrage reacutedigeacute avant la parution du Descriptio mais publieacute par lrsquoun de ses fils seulement en 1619 deux ans apregraves sa mort Mirifici loga-rithmorum canonis constructio (Construction de la merveilleuse regravegle des logarithmes) Dans un texte drsquoenviron 35 pages (ac-compagneacute drsquoappendices) Na-pier preacutesente la theacuteorie sur la-quelle il srsquoest appuyeacute pour construire sa table

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Eacutetant donneacute un segment AB de longueur deacutetermineacutee il considegravere un point P partant de A avec une vitesse initiale donneacutee et se deacuteplaccedilant vers B en une seacuterie de laquo pas raquo P1 P2 P3 Pn

Napier stipule (Descriptio deacutefinition 2) que la vitesse de deacuteplacement de P le long de AB deacutecroicirct de maniegravere telle que en des temps eacutegaux la longueur de chacun des inter-valles AP1 P1P2 P2P3 P3P4 successivement parcourus par P est proportionnelle agrave la dis-tance seacuteparant P de sa cible B (lorsqursquoil est agrave lrsquoextreacutemiteacute gauche de chaque intervalle)12

APAB

P PP B

P PP B

P PP B

1 1 2

1

2 3

2

3 4

3

= = = =

On tire immeacutediatement de ces eacutegaliteacutes que

P BAB

P BP B

P BP B

P BP B

1 2

1

3

2

4

3

= = = =

(voir la Section problegravemes) de sorte que la suite de segments AB P1B P2B P3B qui correspond aux distances entre les diverses positions de P et lrsquoextreacutemiteacute B forme une suite geacuteomeacutetrique deacutecroissante (Construc-tio article 24) la longueur de chacun drsquoeux est en effet la moyenne geacuteomeacutetrique de ses deux voisins Napier considegravere alors un second point Q se deacuteplaccedilant agrave vitesse constante sur une demi-droite (donc illimiteacutee dans un sens) et de maniegravere telle qursquoau moment ougrave P passe par Pi le point Q est en un point Qi = i (voir la Section problegravemes)

Lrsquoideacutee de Napier est drsquoassocier la suite arith-meacutetique

0 1 2 3 n

correspondant aux positions successives de Q agrave la suite geacuteomeacutetrique deacutetermineacutee par les segments

AB P1B P2B P3B PnB

Mais pour que cette association soit com-plegravete il faut la geacuteneacuteraliser agrave un emplacement quelconque de P sur AB outre les positions laquo discregravetes raquo P1 P2 P3 Voici le tour de passe-passe permettant agrave Napier de contourner cette difficulteacute

Puisque des distances parcourues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est propor-tionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (voir la Section problegravemes) Ainsi quand P est agrave mi-chemin dans son trajet de A vers B sa vitesse a diminueacute de moitieacute par rapport agrave sa vitesse initiale Et quand il est rendu aux deux-tiers de lrsquointervalle AB sa vitesse ne vaut plus que le tiers de celle de deacutepart

Passant agrave une vision laquo lisse raquo mdash et non plus par laquo pas raquo mdash du deacuteplacement de P Napier en vient agrave consideacuterer ce point comme chan-geant laquo continucircment raquo de vitesse13 mdash et non pas de maniegravere abrupte et instantaneacutee en chaque point Pi Pour rester dans les mecircmes conditions que preacuteceacutedemment il suppose donc que P se deacuteplace laquo geacuteomeacute-triquement raquo de A vers B crsquoest-agrave-dire de maniegravere telle que la vitesse de P est toujours proportionnelle agrave la distance qui le seacutepare de B (Constructio article 25)

Les laquo logarithmes agrave la Napier raquo sont main-tenant agrave porteacutee de main Supposant drsquoune part que les deux points P et Q entament leur deacuteplacement agrave la mecircme vitesse le premier selon une vitesse deacutecroissant geacuteomeacutetriquement de A vers B et le second agrave vitesse constante agrave partir de 0 et suppo-sant de plus que le point Q est en y lorsque le point P est agrave une distance x de B alors y est appeleacute par Napier le logarithme de x (On eacutecrira ici par commoditeacute y = Nlog(x))

Crsquoest ainsi que le logarithme du reacuteel x est le reacuteel y deacutetermineacute par la suite arithmeacutetique associeacutee agrave la suite geacuteomeacutetrique correspon-dant agrave x

DossierHistoire

12 On notera au passage que le point P nrsquoat-teint ainsi jamais sa cible B car agrave chaque eacutetape il gruge toujours la mecircme fraction du chemin restant agrave parcourir

13 Napier nrsquoutilise pas explicitement une telle terminologie

0 y

x

Q rarrA

P rarr

B

A

P1 P2 P3 P4 Pn

B

0 1 2 3 4 n

Q1 Q2 Q3 Q4 Qn

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Valeurs numeacuteriques des logarithmes de NapierPlusieurs aspects de la notion de logarithme telle que conccedilue et mise en œuvre par Na-pier peuvent nous sembler un peu eacutetranges aujourdrsquohui On a deacutejagrave insisteacute sur la place qursquoy occupent les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique maintenant absentes du discours sur les logarithmes Une autre par-ticulariteacute est relieacutee aux valeurs numeacuteriques mecircmes deacutetermineacutees par Napier

Une motivation cleacute de Napier eacutetait de construire un outil facilitant les calculs tri-gonomeacutetriques un domaine drsquoapplication des matheacutematiques de toute premiegravere importance agrave son eacutepoque Crsquoest pour cette raison que la table produite par Napier dans son Descriptio repose non pas sur des nombres en geacuteneacuteral mais plutocirct sur le sinus des angles allant de 0deg agrave 90deg chaque degreacute eacutetant diviseacute en 60 minutes Agrave chacune de ces valeurs de sinus (il y en a donc 5 400 en tout) Napier associe son logarithme tel que deacutefini ci-haut

Il faut par ailleurs souligner que la notion de sinus de lrsquoeacutepoque nrsquoest pas tout agrave fait la mecircme qursquoaujourdrsquohui le sinus est alors non pas vu comme un rapport de cocircteacutes dans un triangle mais plutocirct comme la longueur drsquoune demi-corde dans un cercle donneacute Afin de faciliter les calculs il eacutetait drsquousage de travailler avec un cercle de grand rayon de maniegravere agrave eacuteviter lrsquoemploi de fractions et agrave se res-treindre agrave des nombres naturels Or agrave la fin du 16e siegravecle agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier entreprit ses travaux crsquoest sur un cercle de rayon 10 000 000 que srsquoappuyaient certaines des tables trigonomeacutetriques alors en circula-tion14 Crsquoest sans doute lagrave la raison pour laquelle Napier deacutecide de se servir de cette mecircme valeur pour asseoir la construction de sa table logarithmique

Il se dote donc drsquoun segment AB de longueur 107 = 10 000 000 (Constructio article 24) et il suppose que la vitesse initiale de chacun des deux points P et Q est aussi 107 (Constructio articles 25 et 26) Dans le cas de Q cette

vitesse demeure constante alors que pour P elle deacutecroicirct laquo geacuteomeacutetriquement raquo15 Or le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique doit permettre de combler les eacutecarts entre des puissances entiegraveres successives mdash voir agrave ce propos les commentaires plus haut mdash de sorte qursquoil est utile que ce rapport soit un nombre pregraves de 1 Agrave cet effet Napier choisit comme rapport

0999 999 9 11

107= minus

(Constructio articles 14 et 16) Une telle valeur a aussi comme avantage que le calcul de termes successifs de la progression geacuteomeacutetrique peut se ramener agrave une seacuterie de soustractions plutocirct que des multiplica-tions iteacutereacutees par 1 ndash 10ndash7 ce qui a permis agrave Napier de simplifier dans une large mesure la construction de sa table Cette construction demeure neacuteanmoins en pratique un accom-plissement eacutepoustouflant

On observera que les valeurs numeacuteriques des logarithmes creacuteeacutes par Napier sont fort diffeacuterentes de celles que lrsquoon connaicirct aujourdrsquohui Ainsi on a que Nlog(107) = 0 Et Nlog(x) deacutecroicirct lorsque x croicirct De plus il nrsquoest pas question de laquo base raquo dans les propos de Napier (voir agrave ce sujet la Section problegravemes) Mais lrsquoessence du logarithme est bel et bien lagrave

14 De telles tables trigonomeacutetriques ont eacuteteacute construites par Johann Muumlller alias Regio-montanus (1436-1476) et par Georg Joachim de Porris dit Rheticus (1514-1574)

15 Les valeurs choisies par Napier ont pour conseacutequence que la vitesse de P (en tant que nombre) est non seulement proportion-nelle mais est de fait eacutegale agrave la distance de P agrave B (voir la Section problegravemes)

Agrave propos de lrsquoeacutetymologie du mot logarithme

Napier a forgeacute le mot logarithme agrave partir de deux racines grecques drsquousage courant logoς laquo rapport raquo et ariqmoς laquo nombre raquo On peut voir le mot rapport ici comme refleacutetant le rapport commun des termes successifs de la suite geacuteomeacutetrique AB P1B P2B P3B

Au commencement de ses travaux Napier appelait nombres artificiels les valeurs de la suite arithmeacutetique peut-ecirctre pour les opposer aux nombres de la suite geacuteomeacute-trique qui eacutetaient en quelque sorte don-neacutes Mais le terme logarithme srsquoest rapide-ment imposeacute

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Doss

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pplic

atio

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Comment ameacuteliorer une solution imparfaite agrave un problegraveme complexe

Et si on srsquoinspirait de la nature pour faire eacutevoluer les solutions

Lrsquoinspiration de la nature En 1859 le naturaliste Charles Darwin a publieacute son ceacutelegravebre ouvrage Lrsquoorigine des espegraveces qui preacutesentait une theacuteorie visant agrave expliquer le pheacutenomegravene de lrsquoeacutevolution Cette theacuteorie reacutevolutionnaire a provoqueacute plusieurs deacutebats agrave lrsquoeacutepoque mais elle est maintenant largement accepteacutee Environ 100 ans plus tard elle a inspireacute le professeur John Holland qui a tenteacute drsquoimpleacutementer artificiellement des systegravemes eacutevolutifs baseacutes sur le proces-sus de seacutelection naturelle Ces travaux ont

ensuite meneacute aux algorithmes geacuteneacutetiques qui sont maintenant utiliseacutes pour obtenir des solutions approcheacutees pour certains problegravemes drsquooptimisation difficiles

Les eacuteleacutements de base drsquoun algorithme geacuteneacutetiqueAfin de comprendre lrsquoanalogie entre le processus de seacutelection naturelle et un algo-rithme geacuteneacutetique rappelons tout drsquoabord les meacutecanismes les plus importants qui sont agrave la base de lrsquoeacutevolution

1 Lrsquoeacutevolution se produit sur des chromo-somes qui repreacutesentent chacun des individus dans une population

2 Le processus de seacutelection naturelle fait en sorte que les chromo-somes les mieux adapteacutes se reproduisent plus souvent et contribuent davantage aux popu- lations futures

3 Lors de la reproduction lrsquoinfor- mation contenue dans les chromosomes des parents est combineacutee et meacutelangeacutee pour produire les chromosomes des enfants (laquo croisement raquo)

4 Le reacutesultat du croisement peut agrave son tour ecirctre modifieacute par des perturbations aleacuteatoires (muta-tions)

Ces meacutecanismes peuvent ecirctre utiliseacutes pour speacutecifier un algorithme geacuteneacutetique tel que celui deacutecrit dans lrsquoencadreacute ci-dessous

Charles Fleurent GIRO

Algorithmes geacuteneacutetiques

Les travaux sur lrsquoeacutevolution des espegraveces vivantes du natura-liste et paleacuteontologue anglais Charles Darwin (1809-1882) ont reacutevolutionneacute la biologie Dans son ouvrage intituleacute LrsquoOrigine des espegraveces paru en 1859 Darwin preacutesente le reacutesultat de ses recherches Darwin eacutetait deacutejagrave ceacutelegravebre au sein de la communauteacute scientifique de son eacutepoque

pour son travail sur le terrain et ses recherches en geacuteologie Ses travaux srsquoinscrivent dans la fouleacutee de ceux du natura-liste franccedilais Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) qui 50 ans plus tocirct avait eacutemis lrsquohypothegravese que toutes les espegraveces vivantes ont eacutevolueacute au cours du temps agrave partir drsquoun seul ou de quelques ancecirctres communs Darwin a soutenu avec Alfred Russel Wallace (1823-1913) que cette eacutevolution eacutetait due au processus dit de la laquo seacutelection naturelle raquo

Comme il naicirct beaucoup plus drsquoindividus de chaque espegravece qursquoil nrsquoen peut survivre et que par conseacutequent il se produit souvent une lutte pour la vie il srsquoensuit que tout ecirctre srsquoil varie mecircme leacutegegraverement drsquoune maniegravere qui lui est profitable dans les conditions complexes et quelque-fois variables de la vie aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi drsquoune faccedilon naturelle En raison du principe dominant de lrsquoheacutereacutediteacute toute varieacuteteacute ainsi choisie aura tendance agrave se multiplier sous sa forme nouvelle et modifieacutee

Charles Darwin 1859 Introduction agrave LrsquoOrigine des espegraveces

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Pour adapter un algorithme geacuteneacutetique agrave un problegraveme drsquooptimisation combinatoire il suf-fit alors de speacutecialiser certaines composantes agrave la structure particuliegravere de ce dernier En geacuteneacuteral les deacutecisions portent sur les aspects suivants

Codage des solutions il faut eacutetablir une correspondance entre les solutions du problegraveme et les chromosomes

Opeacuterateurs geacuteneacutetiques il faut deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation pour les chromosomes

Eacutevaluation des chromosomes la me-sure drsquoadaptation des chromosomes agrave leur environnement est donneacutee par une fonction qui est calculeacutee par un processus plus ou moins complexe

Il existe plusieurs moyens pour mettre en œuvre certains des meacutecanismes importants drsquoun algorithme geacuteneacutetique Par exemple la seacutelection des parents peut srsquoeffectuer de diverses faccedilons Dans une population P = x1 x2 hellip xN ougrave la mesure drsquoadaptation drsquoun individu est eacutevalueacutee par une fonction ƒ lrsquoopeacuterateur classique consiste agrave associer agrave chaque individu xi une probabiliteacute pi drsquoecirctre seacutelectionneacute proportionnelle agrave la valeur de f pour cet individu crsquoest-agrave-dire

pf x

f x( )

( )i

i

jj Psum

=

isin

En pratique on utilise souvent drsquoautres meacute-thodes de seacutelection pouvant se parameacutetrer plus facilement Ainsi dans la seacutelection par tournoi un ensemble drsquoindividus est seacutelec-tionneacute aleacuteatoirement dont les meilleurs eacuteleacute-ments seulement sont retenus Pour choi-sir deux parents on peut donc seacutelectionner aleacuteatoirement 5 individus et ne garder que les deux meilleurs Dans drsquoautres meacutethodes les individus sont ordonneacutes selon leur va-leur pour la fonction ƒ et la seacutelection srsquoeffec-tue aleacuteatoirement selon le rang occupeacute par chaque individu On utilise alors une distri-bution biaiseacutee en faveur des individus en tecircte de liste

Un autre meacutecanisme important est le mode de remplacement des individus de la popula-tion Dans le modegravele original chaque popu-lation de N individus est totalement rempla-ceacutee agrave chaque geacuteneacuteration Drsquoautres strateacutegies laquo eacutelitistes raquo font en sorte drsquoassurer agrave chaque geacuteneacuteration la survie des meilleurs individus de la population Crsquoest le cas entre autres des modegraveles laquo stationnaires raquo ougrave un nombre res-treint drsquoindividus est remplaceacute agrave chaque geacute-neacuteration Dans ce cas on ajoute souvent des meacutecanismes suppleacutementaires empecircchant lrsquoajout drsquoindividus identiques (doublons) dans la population Des implantations plus eacutevo-lueacutees existent eacutegalement pour des architec-tures parallegraveles

Un algorithme geacuteneacutetique 1 Construire une population initiale de N

solutions

2 Eacutevaluer chacun des individus de la population

3 Geacuteneacuterer de nouvelles solutions en seacutelectionnant les parents de faccedilon proportionnelle agrave leur eacutevaluation Appliquer les opeacuterateurs de croisement et de mutation lors de la reproduction

4 Lorsque N nouveaux individus ont eacuteteacute geacuteneacutereacutes ils remplacent alors lrsquoancienne population Les individus de la nouvelle population sont eacutevalueacutes agrave leur tour

5 Si le temps alloueacute nrsquoest pas deacutepasseacute (ou le nombre de geacuteneacuterations maximal nrsquoest pas atteint) retourner agrave lrsquoeacutetape 3

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Repreacutesentation des solutions et opeacuterateurs geacuteneacutetiquesLes premiers algorithmes geacuteneacutetiques utili-saient tous une repreacutesentation binaire ougrave chaque solution s est codeacutee sous la forme drsquoune chaicircne de bits de longueur n ie s[i ] isin 0 1 foralli =1 2 hellip n Pour cette repreacute-sentation lrsquoopeacuterateur de croisement classique agrave un point consiste agrave choisir de faccedilon uniforme une position de coupure aleacuteatoire l isin 1 2 hellip nminus1 Si les parents p1 et p2 ont eacuteteacute seacutelectionneacutes pour la reproduction les solutions enfants e1 et e2 sont alors construites de la faccedilon suivante

e1[i ] = p1[i ] foralli isin1 hellip l e1[i ] = p2[i ] foralli isinl + 1 hellip n e2 [i ] = p2[i ] foralli isin1 hellip l e2 [i ] = p1[i ] foralli isinl + 1 hellip nLorsqursquoon itegravere avec drsquoautres paires de parents on choisit aleacuteatoirement pour chaque paire de parents un nouvel opeacuterateur de croisement agrave un point Lrsquoopeacuterateur agrave un point peut se geacuteneacuteraliser en seacutelectionnant k positions aleacuteatoires plutocirct qursquoune seule Dans ce cas les enfants sont produits en eacutechan-geant lrsquoinformation chromosomique entre les k points de coupure En pratique la valeur k = 2 est couramment utiliseacutee Un autre opeacuterateur tregraves populaire (croisement uni-forme) utilise une chaicircne de bits geacuteneacutereacutee aleacuteatoirement pour engendrer les enfants Pour chaque position le choix aleacuteatoire in-dique quel parent deacuteterminera la valeur des enfants Des exemples des opeacuterateurs de croisement agrave un point agrave deux points et uniforme sont illustreacutes dans les tableaux suivants Des reacutesultats theacuteoriques et empi-riques indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme donne geacuteneacuteralement des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux produits par les deux autres

Opeacuterateur de croisement agrave un point

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 0 1 1

0 1 0 1 0 1 1 0 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement agrave deux points

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 1 0 1

0 1 0 1 0 1 0 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement uniforme

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 1 0 1 1 1 0 0 1

0 1 1 0 1 0 1 0 0

0 0 0 1 0 1 1 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Chaicircnealeacuteatoirede bits

Avec une repreacutesentation binaire on utilise geacuteneacuteralement lrsquoopeacuterateur de mutation clas-sique qui consiste agrave changer aleacuteatoirement un bit pour son compleacutement

Opeacuterateur de mutation classique

Enfant 1 0 0 1 0 1 1 0 1

1 1 0 1 0 1 1 0 0Enfant

Mutationsaleacuteatoires

DossierApplications

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Un exemple le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteennePour certains problegravemes la repreacutesentation binaire des solutions est tout agrave fait intuitive et bien adapteacutee Crsquoest le cas par exemple du problegraveme de satisfaisabiliteacute (SAT) Eacutetant donneacute une expression logique F de n variables boo-leacuteennes x1 x2 hellip xn (voir encadreacute) ce problegraveme fondamental (qui est agrave la base de la theacuteorie de la NP-compleacutetude) consiste agrave trouver une affectation aux variables de faccedilon agrave satisfaire F En eacutetablissant les correspondances faux harr 0 vrai harr 1 on peut repreacutesenter chaque solution par une chaicircne binaire de longueur n et utiliser les opeacuterateurs geacuteneacute-tiques classiques deacutecrits preacuteceacutedemment

Pour eacutevaluer les solutions lrsquoexpression logique F peut ecirctre exprimeacutee comme une conjonction (voir encadreacute) de m clauses

F = Cj j =1

m

Chaque clause est alors deacutefinie par une disjonction de variables booleacuteennes dont certaines sont associeacutees agrave un opeacuterateur de neacutegation (indiqueacute par le symbole ndash ) Pour satisfaire F il faut donc satisfaire toutes ses clauses Pour un algorithme geacuteneacutetique chaque solution peut ecirctre simplement eacuteva-lueacutee par le nombre de clauses qursquoelle satisfait par exemple noteacute par f Si on considegravere par exemple lrsquoexpression suivante pour F

= and or and or or

and or or or

and or or or or

F x x x x x x

x x x x

x x x x x

( ) ( ) ( )

( )

( )

1 1 2 1 2 3

1 2 3 4

1 2 3 4 5

la solution (1 0 1 0 0) satisfait toutes les clauses sauf la premiegravere alors que la solution (0 1 1 0 1) satisfait toutes les clauses et donc lrsquoexpression F

Avec une repreacutesentation des chro-mosomes une fonction drsquoadaptation f et des opeacuterateurs de croisement et de mutation nous avons tous les eacuteleacutements pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique simple pour le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteenne Le processus peut ecirctre illustreacute par le tableau en bas de page avec un opeacuterateur de croisement uniforme repreacutesenteacute par la chaicircne de bits U Dans cet exemple simplifieacute lrsquoalgo-rithme a produit en six geacuteneacuterations une solution qui satisfait lrsquoexpression boo-leacuteenne F (les 5 clauses sont satisfaites pour un individu de la population) Pour une fonction plus complexe comprenant un grand nombre de va-riables on utilise des populations plus importantes et laisse la population eacutevoluer lentement vers des solutions de bonne qualiteacute

Variables booleacuteennes

Opeacuterateurs booleacuteens

Une variable booleacuteenne est une variable qui ne peut prendre que deux valeurs logiques VRAI ou FAUX On peut utiliser 1 et 0 pour repreacutesenter ces deux valeurs

Un opeacuterateur booleacuteen est un opeacuterateur qui sap-plique sur une ou deux variables booleacuteennes

La neacutegation drsquoune variable booleacuteenne x qui est noteacutee x change la valeur de la variable booleacuteenne x

Variable Neacutegation

10

01

x x

La conjonction de deux variables x et y noteacutee x and y prend la valeur 1 si les variables x et y ont toutes deux la valeur 1 Dans les autres cas elle prend la valeur 0

Variables Conjonction

1100

1010

1000

x y x y

La disjonction de deux variables x et y noteacutee x or y prend la valeur 1 si au moins lrsquoune des variables a la valeur 1 Elle prend la valeur 0 si les deux variables ont la valeur 0

Variables Disjonction

1100

1010

1110

x y x y

Geacuteneacuteration

5

(0 0 1 0 0) f = 4(0 0 1 0 1) f = 3(0 0 1 1 1) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

(0 0 1 0 0) f = 4(1 0 1 1 0) f = 4(0 0 1 1 1) f = 4

U = (0 1 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4 (1 0 1 1 0) f = 4

(0 1 1 1 0) f = 5U = (0 0 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

6

Population Enfant Enfant muteacute

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Autres exemplesLes algorithmes geacuteneacutetiques ne sont pas applicables qursquoaux repreacutesentations binaires Par exemple le problegraveme classique du com-mis voyageur (Traveling Salesman Problem ou TSP) consiste agrave identifier une tourneacutee agrave coucirct minimal qui visite chaque ville drsquoun ensemble agrave couvrir Mecircme si une tourneacutee pourrait alors theacuteoriquement ecirctre repreacutesenteacutee par une chaicircne de booleacuteens on preacutefegravere geacuteneacuterale-ment utiliser une repreacutesentation plus directe sous forme de permutation Chaque permu-tation speacutecifie alors lrsquoordre dans lequel sont visiteacutees les villes

On doit alors deacutefinir des opeacuterateurs de mutation et de croisement pour une repreacutesentation sous forme de permutation Pour la muta-

tion un simple eacutechange entre deux villes dans une seacutequence pourra faire lrsquoaffaire Par exemple

Tourneacutee originale (Montreacuteal Rimou- ski Saguenay Val drsquoOr Queacutebec Sher-brooke)

Apregraves mutation (Montreacuteal Rimouski Saguenay Sherbrooke Queacutebec Val drsquoOr) Pour le croisement il est facile de constater que des opeacuterateurs sem-blables agrave ceux deacutecrits preacuteceacutedemment ne pourraient preacuteserver la structure de permutation Plusieurs opeacuterateurs valides ont toutefois eacuteteacute proposeacutes Agrave titre drsquoexemple lrsquoopeacuterateur OX choisit une sous-seacutequence dans la seacutequence drsquoun des parents et place les villes res-tantes dans lrsquoordre deacutefini par lrsquoautre

parent Dans le tableau ci-dessous deux po-sitions sont choisies aleacuteatoirement afin de deacutefinir une sous-seacutequence chez le premier parent (eacutetape 1) Agrave lrsquoeacutetape 2 les villes res-tantes sont placeacutees selon lrsquoordre induit par le deuxiegraveme parent

P1 Mtl Sag Val Queacute Shb RimQueacute Rim Mtl Shb Sag Val

Rim Sag Val Queacute Mtl Shb

Rim Mtl ShbSag Val Queacute

P2

Eacute1Eacute2

Enf

Ss

Une fois la repreacutesentation et les opeacuterateurs de base deacutefinis on peut simplement eacutevaluer chaque tourneacutee par la distance parcourue et tous les eacuteleacutements sont en place pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique pour le problegraveme TSP

Coloration de grapheUn autre problegraveme classique celui de colo-ration de graphe1 est aussi abordable par les algorithmes geacuteneacutetiques

Pour un graphe G = (V E) constitueacute drsquoun en-semble de nœuds V et drsquoarecirctes E un coloriage est une partition de V en k sous-ensembles (couleurs) C1 C2 hellip Ck pour lesquels u v isin Ci rArr (u v) notinE ie que deux nœuds ne peuvent avoir la mecircme couleur srsquoils sont lieacutes par une arecircte Le problegraveme de coloration de graphe consiste agrave trouver un coloriage utilisant un nombre minimal de sous-ensembles Ce type drsquoapproche permet notamment de reacutesoudre agrave coucirct minimum des conflits drsquohoraire En pratique on choisit drsquoabord une valeur-cible pour k et chaque chromosome constitue une partition de V en k sous-ensembles Les so-lutions sont codeacutees sous forme de chaicircnes en liant lrsquoindice de chaque nœud agrave lrsquoun des k sous-ensembles

DossierApplications

1 Voir laquo Le theacuteoregraveme des quatre couleurs raquo Accromath 141 2019

Coloration de grapheEn theacuteorie des graphes la coloration de graphe consiste agrave attribuer une couleur agrave chacun de ses sommets de maniegravere que deux sommets relieacutes par une arecircte soient de couleur diffeacuterente On cherche souvent agrave utiliser le nombre minimal de couleurs appeleacute nombre chromatique

12

34

5

6

7

89Un coloriage imparfait

10

Mtl Rim

SagShb

ValQueacute

2

6 3

4

1

5

Mtl Rim

SagShb

QueacuteVal

2

6 3

4

1

5

Mutation drsquoune tourneacutee

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Par exemple si on associe C1 agrave bleu C2 agrave rouge et C3 agrave vert dans le coloriage im-parfait de la page preacuteceacutedente la partition des nœuds associeacutee agrave cette solution est (1 2 3 2 3 2 1 2 3 1) car les nœuds 1 7 et 10 sont dans C1 les nœuds 2 4 6 et 8 dans C2 et les nœuds 3 5 et 9 dans C3 En deacutefinissant la fonction f comme le nombre de fois ougrave la regravegle du coloriage nrsquoa pas eacuteteacute respecteacutee on obtient f (C1 C2 C3) = 0 + 1 + 1 = 2 car on a 0 arecircte dans C1 1 arecircte dans C2 (entre les nœuds 2 et 4) et 1 dans C3 (entre les nœuds 3 et 5)

De faccedilon geacuteneacuterale le problegraveme de coloriage consiste agrave geacuteneacuterer une partition telle que f (C1 C2 Ck) = 0 avec un k le plus petit possible Avec la repreacutesentation en chaicircne de la partition il est facile de deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation semblables agrave ceux utiliseacutes pour les repreacutesen-tations binaires Les reacutesultats rapporteacutes dans la litteacuterature indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme domine encore ceux agrave un point et agrave deux points

Est-ce que ccedila fonctionne Il nrsquoy a aucun doute que les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent ecirctre utiliseacutes pour traiter des problegravemes drsquooptimisation Leur performance relative varie cependant selon les contextes Lorsqursquoun problegraveme est bien eacutetudieacute il est geacuteneacuteralement preacutefeacuterable drsquoavoir recours agrave des algorithmes speacutecialiseacutes qui peuvent tirer avantage de certaines structures speacutecifiques Pour le problegraveme TSP par exemple des approches baseacutees sur la programmation en nombres entiers peuvent maintenant reacutesoudre de faccedilon optimale des exemplaires de plusieurs dizaines de milliers de villes Il serait donc mal aviseacute drsquoutiliser un algorithme geacuteneacutetique pour reacutesoudre ce problegraveme (agrave moins de vouloir eacutetudier leur comportement ce qui peut ecirctre tout agrave fait leacutegitime et amusant)

Les algorithmes geacuteneacutetiques ont tout de mecircme lrsquoavantage drsquoecirctre simples agrave mettre en place En fait une meacutethode de codage des opeacuterateurs de croisement et de mutation ainsi qursquoune fonction drsquoeacutevaluation sont suf-fisants pour utiliser une approche eacutevolutive On obtient alors une approche robuste qui peut ecirctre tregraves utile si la fonction agrave optimiser est laquo floue raquo (fuzzy) ou si on dispose de peu de temps pour eacutetudier le problegraveme agrave optimiser

Les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent eacutega-lement ecirctre combineacutes agrave drsquoautres approches drsquooptimisation pour donner lieu agrave des meacutethodes hybrides tregraves puissantes souvent parmi les meilleures disponibles On peut par exemple utiliser des opeacuterateurs de mutation plus sophistiqueacutes pour optimiser le reacutesultat de chaque croisement Pour lrsquoalgorithme hybride reacutesultant la composante laquo geacuteneacute-tique raquo vise alors agrave enrichir la recherche en misant sur les eacuteleacutements qui constituent sa force ie lrsquoutilisation drsquoune population diver-sifieacutee qui permet lrsquoaccegraves aux caracteacuteristiques varieacutees de plusieurs individus et au proces-sus de seacutelection (artificielle dans ce cas) afin drsquoorienter lrsquoexploration vers les meilleures reacutegions de lrsquoespace de solutions Crsquoest bien lagrave lrsquoune des leccedilons agrave tirer de lrsquoobservation de la nature

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Rubrique des

Jean-Paul DelahayeUniversiteacute des Sciences et Technologies de Lille

Lrsquoinformation paradoxale

Comme le preacuteceacutedent ce paradoxe est aussi un paradoxe sur lrsquoinformation cacheacutee cependant il neacutecessite une patience bien supeacuterieure pour ecirctre reacutesolu ou lrsquoaide drsquoun ordinateur

On choisit cinq nombres a b c d et e veacuterifiant les relations

1 le a lt b lt c lt d lt e le 10

Autrement dit les cinq nombres sont compris entre 1 et 10 tous diffeacuterents et classeacutes par ordre croissant On indique leur produit P agrave Patricia (qui est brune) leur somme S agrave Sylvie (qui est blonde) la somme de leurs carreacutes

C = a2 + b2 + c2+ d2 + e2

agrave Christian (qui est barbu) et la valeur

V = (a + b + c)(d + e)

agrave Vincent (qui est chauve)

Ils doivent deviner quels sont les nombres a b c d et e

1- Une heure apregraves qursquoon leur a poseacute le problegraveme les quatre personnages qursquoon interroge simultaneacutement reacutepondent tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

2- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

3- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo Etc

23- Une heure apregraves (soit 23 heures apregraves la formulation de lrsquoeacutenonceacute ) les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

Cependant apregraves cette 23egraveme reacuteponse les visages des quatre personnages srsquoeacuteclairent drsquoun large sourire et tous srsquoexclament laquo crsquoest bon maintenant je connais a b c d et e raquo

Vous en savez assez maintenant pour deviner les 5 nombres a b c d e Il semble paradoxal que la reacutepeacutetition 23 fois de la mecircme affirmation drsquoignorance de la part des personnages soit porteuse drsquoune information Pourtant crsquoest le cas Essayez de comprendre pourquoi et ensuite armez-vous de courage la solution est au bout du calcul

Solution du paradoxe preacuteceacutedent

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Solution du paradoxe preacuteceacutedent

Lrsquoinformation paradoxaleIl arrive que lrsquoon pense ne pas disposer drsquoassez drsquoinfor-mations pour reacutesoudre un problegraveme alors qursquoen reacutealiteacute tout est agrave notre disposition Certaines situations sont si extraordinaires qursquoelles apparaissent paradoxales En voici un exemple

Un homme bavarde avec le facteur sur le pas de la porte de sa maison Il lui dit

laquo Crsquoest amusant je viens de remarquer que la somme des acircges de mes trois filles est eacutegale au numeacutero de ma maison dans la rue Je suis sucircr que si je vous apprends que le produit de leur acircge est 36 vous saurez me dire leur acircge respectif raquo

Le facteur reacutefleacutechit un moment et lui reacutepond

laquo Je suis deacutesoleacute mais je ne peux pas trouver raquo

Lrsquohomme srsquoexclame alors laquo Ah oui Jrsquoavais oublieacute de vous dire que lrsquoaicircneacutee est blonde raquo

Quelques secondes apregraves le facteur lui donne la bonne reacuteponse Aussi paradoxal que cela apparaisse vous pouvez deacuteduire de cet eacutechange lrsquoacircge des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte

SolutionLes diffeacuterentes deacutecompositions de 36 en produit de trois entiers et les sommes des facteurs sont donneacutees dans le tableau ci-contre

Le facteur connaicirct la somme des acircges des trois filles car il est sur le pas de la porte Srsquoil ne peut pas trouver leurs acircges respectifs crsquoest que parmi les produits possibles compatibles avec la somme qursquoil connaicirct il y en a deux qui donnent la mecircme somme Crsquoest donc que la somme est 13 Les deux possibiliteacutes sont donc 1-6-6 et 2-2-9 La premiegravere est eacutelimineacutee car deux enfants ne peuvent avoir le mecircme acircge que srsquoils sont jumeaux et alors il nrsquoy a pas drsquoaicircneacutee La solution est donc 2-2-9 Les acircges des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte sont 2 2 et 9 ans

Produits1times1times362times3times63times3times4

1times2times181times3times121times6times61times4times92times2times9

3811102116131413

Sommes

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Algorithmes dans lrsquohistoire1 Deacuteterminer les PGCD des couples

a) 924 3 135 c) 2 530 9 639

b) 83 337

Lrsquoheacuteritage de Fermat1 Appliquer la meacutethode de Fermat pour

factoriser les nombres suivants

a) 493 b) 1247 c) 6 903

2 Supposons qursquoun entier n est le produit de deux nombres premiers p lt q et que q ndash p lt p2 2 Montrer qursquoen utilisant la meacutethode de Fermat ce nombre n peut ecirctre factoriseacute en seulement une eacutetape

Eacutemergence logarithmique1 Soit la suite arithmeacutetique

a nd( ) n+ isin

a) Montrer que chaque terme (agrave lrsquoex- ception du premier) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins

b) Montrer un reacutesultat analogue pour la suite geacuteomeacutetrique

ar( ) nnisin

2 Montrer qursquoen termes modernes le passage de LrsquoAreacutenaire ci-haut porte sur les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacute-trique et sur la regravegle du produit de deux puissances

Tuyau Des nombres laquo continucircment en proportion agrave partir de lrsquouniteacute raquo forment une suite geacuteomeacutetrique dont le premier terme est 1

3 En comparant les deux tables tireacutees de la tablette MLC 02078 (pp 19 et 20) on y voit la suite geacuteomeacutetrique

2 ndash 4 ndash 8 ndash 16 ndash 32 ndash 64

ecirctre associeacutee agrave deux suites arithmeacutetiques Relier directement ces deux suites arith-meacutetiques lrsquoune agrave lrsquoautre

Tuyau On peut y voir du logarithme

4 Soit deux points P1 et P2 sur un segment AB (voir figure) Montrer que

a) si APAB

P PP B

1 1 2

1

= alors P BAB

P BP B

1 2

1

=

b) la reacuteciproque est elle aussi valide

5 La suite de segments AB P1B P2B P3B forme une progression geacuteomeacutetrique deacutecroissante (p 22) On deacutesigne par r le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique (on a donc r lt 1) et par z la longueur du segment AB

a) Interpreacuteter en termes de z et de r les segments AB P1B P2B P3B

b) Exprimer agrave lrsquoaide de z et de r les longueurs des intervalles AP1 P1P2 P2P3 P3P4

c) Appliquer ces reacutesultats aux valeurs numeacuteriques choisies par Napier (voir p 23)

d) Et que dire dans ce contexte de la suite arithmeacutetique deacutetermineacutee par le mouve-ment du point Q (p 22)

6 a) Expliquer lrsquoobservation dans lrsquoencadreacute ci-bas au cœur de la deacutemarche de Napier

b) En conclure que pour Napier la vitesse de P en un point donneacute est eacutegale agrave sa distance de lrsquoextreacutemiteacute B

Tuyau La constante de proportionnaliteacute de la partie a) est 1

7 On veut interpreacuteter ici le modegravele geacuteomeacute-trico-cineacutematique de Napier agrave lrsquoaide du calcul diffeacuterentiel et inteacutegral (moderne) On appelle x(t) la distance seacuteparant P de lrsquoextreacutemiteacute B au temps t et y(t) la position du point Q au temps t

a) Montrer que le deacuteplacement de Q est deacutecrit par lrsquoeacutequation diffeacuterentielle dydt = 107 avec comme condition initiale y(0) = 0

Tuyau La vitesse est la deacuteriveacutee de la distance parcourue par rapport au temps

b) Montrer de mecircme que le deacuteplace-ment de P est deacutecrit par dxdt = ndashx avec x(0) = 107

c) Reacutesoudre ces deux eacutequations diffeacuteren-tielles

d) Montrer comment on pourrait en tirer une notion de laquo base raquo pour les loga-rithmes de Napier1

1 Au plan historique une telle ideacutee de laquo base raquo chez Napier est une pure fabulation

Section problegravemes

Agrave propos de Napier

Puisque des distances parcou-rues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est pro-portionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (p 22)

Archimegravede LrsquoAreacutenaire

Si des nombres sont continucircment en pro- portion agrave partir de lrsquouniteacute et que cer-tains de ces nombres sont multiplieacutes entre eux le produit sera dans la mecircme pro-gression eacuteloigneacute du plus grand des nom- bres multiplieacutes drsquoautant de nombres que le plus petit des nom- bres multiplieacutes lrsquoest de lrsquouniteacute dans la pro-gression et il sera eacuteloigneacute de lrsquouniteacute de la somme moins un des nombres dont les nombres multiplieacutes sont eacuteloigneacutes de lrsquouniteacute

A

P1 P2

B

Pour en s voir plus

Histoire des matheacutematiques

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

bull Le livre Havil Julian John Napier Life Logarithms and Legacy Princeton University Press 2014 est une mine drsquoor pour des informations sur la vie et lrsquoœuvre de Napier

bull Le contexte ayant meneacute agrave la naissance des logarithmes est exposeacute dans Friedelmeyer Jean-Pierre laquo Contexte et raisons drsquoune lsquomirifiquersquo invention raquo In Eacutevelyne Barbin et al Histoires de logarithmes pp 39-72 Ellipses 2006 Le sous-titre de lrsquoarticle drsquoAccromath a eacuteteacute emprunteacute au titre de ce texte

bull Les deux traiteacutes de Napier sur les logarithmes le Mirifici logarithmorum canonis descriptio et le Mirifici logarithmorum canonis constructio peuvent ecirctre trouveacutes facilement (en latin) sur la Toile Une traduction anglaise de ces traiteacutes est accessible agrave partir du site de Ian Bruce sur les matheacutematiques des 17e et 18e siegravecles httpwww17centurymathscom

bull La citation de Laplace se retrouve aux pp 446-447 de Œuvres complegravetes de Laplace Exposition du systegraveme du monde (6e eacutedition) Bachelier Imprimeur-Libraire 1835 (Disponible sur Google Livres)

bull La tablette meacutesopotamienne MLC 02078 est eacutetudieacutee (pp 35-36) dans Neugebauer Otto et Sachs Abraham Mathematical Cuneiform Texts American Schools of Oriental Research 1945

bull Pour plus drsquoinformation sur lrsquoemploi des vocables laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo voir Charbonneau Louis laquo Progression arithmeacutetique et progression geacuteomeacutetrique raquo Bulletin AMQ 23(3) (1983) 4-6

bull Publieacutes en allemand en 1770 les Eacuteleacutements drsquoalgegravebre de Leonhard Euler sont parus en traduction franccedilaise degraves 1774 Cette version est accessible agrave partir du site Gallica de la Bibliothegraveque nationale de France httpsgallicabnffr

bull Lrsquoextrait de LrsquoAreacutenaire mdash voir la Section problegravemes mdash se trouve (p 366) dans Ver Eecke Paul Les œuvres complegravetes drsquoArchimegravede tome 1 Vaillant-Carmanne 1960

Applications des matheacutematiques

Lrsquoheacuteritage de Fermat

bull WB Hart laquo A one line factoring algorithmraquo J Aust Math Soc 92 (2012) no 1 61ndash69

bull RS Lehman laquo Factoring large integers raquo Math Comp 28 (1974) 637ndash646

bull MA Morrison and J Brillhart laquo A method of factoring and the factorization of F 7 raquo Math Comp 29 (1975) 183ndash205

bull C Pomerance laquoThe quadratic sieve factoring algorithm raquo Advances in Cryptology (Paris 1984) 169-182 Lecture Notes in Comput Sci 209 Springer Berlin 1985

Accromath est une publication de lrsquoInstitut des sciences matheacutema-tiques (ISM) et du Centre de recherches matheacutematiques (CRM) La revue srsquoadresse surtout aux eacutetudiantes et eacutetudiants drsquoeacutecole secon-daire et de ceacutegep ainsi qursquoagrave leurs enseignantes et enseignants

LrsquoInstitut des sciences matheacutematiques est une institution unique deacutedieacutee agrave la promotion et agrave la coordination de lrsquoenseignement et de la recherche en sciences matheacutematiques au Queacutebec En reacuteunissant neuf deacutepartements de matheacutematiques des universiteacutes queacutebeacutecoises (Concordia HEC Montreacuteal Universiteacute Laval McGill Universiteacute de Montreacuteal UQAM UQTR Universiteacute de Sherbrooke Bishoprsquos) lrsquoInstitut rassemble un grand bassin drsquoexpertises en recherche et en enseignement des matheacutematiques LrsquoInstitut anime de nombreuses activiteacutes scientifiques dont des seacuteminaires de recherche et des colloques agrave lrsquointention des professeurs et des eacutetudiants avanceacutes ainsi que des confeacuterences de vulgarisation donneacutees dans les ceacutegeps Il offre eacutegalement plusieurs programmes de bourses drsquoexcellence

LrsquoISM est financeacute par le Ministegravere de lrsquoEnseignement supeacuterieur et par ses neuf universiteacutes membres

Le Centre de recherches matheacutematiques est un centre national pour la recherche fondamentale en matheacutematiques et ses applica-tions Les scientifiques du CRM comptent plus drsquoune centaine de membres reacuteguliers et de stagiaires postdoctoraux Lieu privileacutegieacute de rencontre le Centre est lrsquohocircte chaque anneacutee de nombreux visi-teurs et drsquoateliers de recherche internationaux

Les activiteacutes scientifiques du CRM comportent deux volets principaux les projets de recherche qursquoentreprennent ses laboratoires et les activiteacutes theacutematiques organiseacutees agrave lrsquoeacutechelle internationale Ces derniegraveres ouvertes agrave tous les domaines impliquent des chercheurs du CRM et drsquoautres universiteacutes Afin drsquoassurer une meilleure diffusion des reacutesultats de recherches de ses collaborateurs le CRM a lanceacute en 1989 un programme de publications en collaboration avec lrsquoAmerican Mathematical Society et avec Springer

Le CRM est principalement financeacute par le CRSNG (Conseil de recherches en sciences naturelles et en geacutenie du Canada) le FQRNT (Fonds queacutebeacutecois de recherche sur la nature et les technologies) lrsquoUniversiteacute de Montreacuteal et par six autres universiteacutes au Queacutebec et en Ontario

Accromath beacuteneacuteficie de lrsquoappui de la Dotation Serge-Bissonnette du CRM

OR2010

BRONZE2011

BRONZE2014

OR2012

2008

Prix speacutecial de la ministre 2009

Prix Anatole Decerf 2012

Page 7: L’héritage de Pierre de Fermat La factorisation des grands ...

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

Il suffit drsquoadditionner les reacutesultats des lignes dont la somme donne le multiplicateur ce qui donne

En eacutecriture moderne le scribe exprime le multiplicateur comme somme de puissances de 2 soit

19 = 16 + 2 + 1

En doublant la valeur du multiplicande et en retenant les valeurs correspondant aux termes de la deacutecomposition du multiplica-teur en somme de puissances de 2 il obtient 23times19 = 23times(16 + 2 + 1) = 368 + 46 + 23 = 437

Division eacutegyptiennePour illustrer comment srsquoeffectue une division consideacuterons lrsquoopeacuteration

divide

Le scribe associe le diviseur agrave lrsquouniteacute et il double successivement jusqursquoagrave obtenir le plus grand multiple du diviseur infeacuterieur au nombre agrave diviser

Dans ce tableau le scribe deacutetecte aiseacutement qursquoen doublant le nombre de la colonne de gauche il obtiendrait un nombre plus grand que le dividende En effet il obtiendrait alors deux symboles suivis de deux symboles (lecture de droite agrave gauche) alors que le divi-dende est formeacute de deux symboles suivi drsquoun seul symbole

Le dividende peut alors srsquoexprimer comme la somme de certains des nombres de la colonne de gauche plus possiblement un reste plus petit que le diviseur

Le scribe fait la somme des nombres des deux derniegraveres lignes de la colonne de gauche ce qui donne un nombre plus petit que le divi-dende En effet elle ne contient qursquoun seul symbole alors que le dividende en a deux (En langage moderne le chiffre des centaines est trop petit)

De plus il peut facilement constater qursquoen additionnant agrave ce reacutesultat le nombre de la troisiegraveme ligne agrave partir du bas il va obtenir deux symboles suivis de deux symboles

La somme serait donc plus grande que le dividende qui est formeacute de deux symboles

suivi drsquoun seul symbole Cette somme serait plus grande que le dividende ce qui signifie que le nombre de la troisiegraveme ligne agrave partir du bas ne fait pas partie du deacutevelop-pement du dividende en somme de multiples du diviseur Il faut biffer cette ligne dans le tableau

En ajoutant plutocirct le nombre de la quatriegraveme ligne agrave partir du bas et en comparant le reacutesultat au dividende il constate que cette somme est plus petite que le dividende (elle ne contient pas le symbole alors que le dividende en a un et le diviseur est plus petit que )

Il ajoute alors le nombre de la ligne du haut En comparant le dividende et la somme obtenue le scribe peut facilement constater que le reste est 3

En effectuant la somme des nombres conser-veacutes dans la colonne de droite le scribe deacuteter-mine le quotient Il a donc obtenu

219 = 27 times 8 + 3

De nos jours on eacutecrirait le quotient

2738

ou 27375

Comparaison

Comparaison

SommeDividende

SommeDividende

SommeDividende

Le reste est ce qui manquepour avoir lrsquoeacutegaliteacute soit

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DossierHistoire

Pour repreacutesenter une fraction le scribe eacutegyptien inscrivait lrsquohieacuteroglyphe au-dessus drsquoun nombre Ainsi pour repreacutesenter la fraction 112 le scribe doit eacutecrire Cette faccedilon de faire a un inconveacutenient le numeacuterateur des fractions est toujours lrsquouniteacute (sauf pour 23 pour lequel on disposait drsquoun hieacuteroglyphe particulier)

Pour indiquer 38 le scribe devait donc consideacuterer que 38 = 14 + 18 et eacutecrire

Reacuteglettes de Napier et extraction de racinesLa multiplication et la division en numeacuteration eacutegyptienne illustrent le fait qursquoun algorithme deacutepend du systegraveme de numeacuteration utiliseacute Il peut aussi deacutependre de lrsquoinstrument de calcul utiliseacute Napier a deacuteveloppeacute un algorithme pour extraire une racine carreacutee agrave lrsquoaide de ses reacuteglettes5

Lrsquoalgorithme de Napier repose sur la meacutethode traditionnelle laquo agrave la main raquo pour extraire une racine carreacutee6 Il considegravere une reacuteglette suppleacutementaire (en jaune dans les illustrations) repreacutesentant les car-reacutes des nombres de 1 agrave 9 Lrsquoalgo-rithme srsquoapplique agrave un nombre srsquoeacutecrivant avec un nombre pair de chiffres que lrsquoon divise en tranches de deux chiffres (si ce nrsquoest pas le cas on ajoute un 0 agrave la gauche du nombre) Effectuons lrsquoextraction de

la racine carreacutee du nombre 463 856

Dans ce nombre la premiegravere tranche de deux chiffres est 46 Le plus grand chiffre dont le carreacute est infeacuterieur agrave 46 est 6 Crsquoest le premier chiffre du reacutesultat

463 856 6=

En soustrayant de 46 le carreacute de 6 on obtient 10 et on abaisse les deux chiffres suivant du nombre agrave extraire

463 85636ndash10 3 8

On dispose dans le plateau les reacuteglettes du double du premier chiffre du reacutesultat (ici les reacuteglettes 1 et 2 pour 12) suivies de la reacuteglette

jaune et on repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutediatement 1 038 dans ceux repreacutesenteacutes par les lignes du plateau Sur la huitiegraveme ligne on lit 1 024

Le deuxiegraveme chiffre de la racine carreacutee est donc 8

463 856 68=

On soustrait 1 024 de 1 038 ce qui donne 14 et on abaisse la tranche des deux chiffres suivants du nombre agrave extraire ce qui donne 1 456

On double le second chiffre de la racine 2 times 8 = 16 que lrsquoon ajoute au nombre 12 deacutejagrave formeacute en le multipliant par 10 soit 12 times 10 + 16 =136

On dispose dans le plateau les reacuteglettes du nombre 136 suivis de la reacuteglette jaune et on

5 Les algorithmes pour la multiplication et la division agrave lrsquoaide de reacuteglettes ont eacuteteacute preacutesen-teacutes dans lrsquoarticle laquoJohn Napierraquo Accromath Vol 14 hiver-printemps 2019

6 Lrsquoalgorithme traditionnel pour la racine carreacutee fait lrsquoobjet du problegraveme laquo Racines cristallines raquo drsquoAccromath (vol 11 eacuteteacute-automne 2016 p 32) en lien avec le texte laquo Glanures matheacutematico-litteacuteraires (II) raquo de Bernard R Hodgson

Le symbole deacutesigne une addition alors que indique

une soustraction

0

0

0

0

0

0

0

0

2

3

4

5

6

7

8

9

10

0

1

1

1

2

2

2

6

9

2

5

8

1

4

7

31

1

2

3

3

4

4

5

2

8

4

0

6

2

8

4

60

0

1

2

3

4

6

8

4

9

6

5

6

9

4

1

11

2

3

4

5

6

7

8

9

1 3 6 1

2 7 2 4

4 0 8 9

5 4 5 6

6 8 2 5

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Plus grand carreacuteinfeacuterieur agrave 47

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutediate-ment 1 456 Sur la premiegravere ligne on a 1 361 Le troisiegraveme chiffre de la racine est donc 1

463 856 681=

En soustrayant 1 361 de 1 456 on obtient 95 Crsquoest la derniegravere tranche de deux chiffres du nombre dont on veut extraire la racine on ajoute une virgule deacutecimale et on abaisse 00 pour obtenir 9 500

On double le troisiegraveme chiffre de la racine 2 times 1 = 2 que lrsquoon ajoute au nombre deacutejagrave formeacute que lrsquoon multiplie par 10 soit 136 times 10 + 2 =1 362 On dispose dans le

plateau les reacuteglettes du nombre 1 362 suivis de la reacuteglette jaune On remarque que le nombre sur la ligne 1 est plus grand que 9500 On ajoute un 0 apregraves la virgule deacutecimale

463 856 6810=

et on abaisse agrave nouveau 00 ce qui donne 950 000 On intercale la reacuteglette de 0 avant la reacuteglette jaune

On repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutedia-tement 950 000 crsquoest 817 236 sur la ligne 6 Le deuxiegraveme chiffre apregraves la virgule deacutecimale est donc 6 Ce qui donne

463 856 68106=

On poursuit ainsi en abaissant 00 agrave chaque eacutetape jusqursquoagrave ce que lrsquoon obtienne la preacuteci-sion chercheacutee

Pour y voir plus clairOn cherche agrave exprimer le nombre dont on veut extraire la racine carreacutee sous la forme

463 856 = (a times 102 + b times 10 + c)2 + Rcar il est clair que la partie entiegravere de cette racine carreacutee srsquoeacutecrit avec trois chiffres

Agrave chaque eacutetape du calcul on exprime le nombre comme somme drsquoun carreacute parfait et drsquoun terme reacutesiduel allant chercher un des trois chiffres a b et c agrave la fois

Agrave la premiegravere eacutetape on a donc

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6times102)2 + 103 856

Agrave lrsquoissue de la seconde eacutetape on obtient

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6times102 + 8times10)2 +1 456

Et agrave lrsquoissue de la troisiegraveme eacutetape on obtient enfin

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6 times 102 + 8 times 10 + 1)2 + 95

La partie entiegravere de la racine carreacutee de 463 856 est donc 681 Pour trouver la partie deacutecimale de cette racine il srsquoagit maintenant de poursuivre les calculs sur la partie reacutesiduelle R = 95

ConclusionLe vocable algorithme est devenu drsquousage courant avec lrsquoavegravenement des ordinateurs Cependant des algorithmes ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes tregraves tocirct dans lrsquohistoire Degraves que les premiers systegravemes de numeacuteration sont apparus on a deacuteveloppeacute des algorithmes pour effec-tuer les opeacuterations usuelles addition soustraction multiplication division En cherchant agrave reacutesoudre des problegravemes plus eacutelaboreacutes comme lrsquoextraction de racines ou la recherche du pgcd de deux nombres entiers il a fallu deacutevelopper drsquoautres algorithmes plus pousseacutes et parfois eacutetonnants

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Pierre de Fermat est tregraves connu pour son grand theacuteoregraveme concernant la non-existence de solutions entiegraveres positives

de lrsquoeacutequation xn + yn = zn pour chaque entier n ge 3 Toutefois une de ses plus importantes contributions

aux matheacutematiques modernes est sa meacutethode tout agrave fait originale pour factoriser des grands nombres

Plusieurs considegraverent Fermat comme le fondateur (avec Blaise Pascal) de la theacuteorie des probabiliteacutes et comme un preacutecurseur du calcul diffeacuterentiel par sa meacutethode de recherche des maximums et des minimums drsquoune fonction Toutefois sa meacutethode tout agrave fait originale pour factoriser des grands nombres est une de ses plus grandes contribu-tions aux matheacutematiques modernes et crsquoest souvent un fait dont lrsquoimportance est neacutegligeacutee

Comment fait-on pour laquo factoriser raquo un nombre Drsquoentreacutee de jeu il est bien drsquoexpliquer ce qursquoon veut-on dire par laquo factoriser raquo un nombre Drsquoabord rappelons que selon le theacuteoregraveme fondamental de lrsquoarithmeacutetique tout entier supeacuterieur agrave 1 peut srsquoeacutecrire comme un produit de nombres premiers et cette repreacutesentation est unique si on eacutecrit ses facteurs premiers en ordre croissant Ainsi le nombre 60 peut srsquoeacutecrire comme 60 = 22times3times5 et cette factori-sation est unique

Est-il important de connaicirctre la factorisation drsquoun nombre La reacuteponse est OUI agrave tout le moins depuis quelques deacutecennies plus preacuteciseacutement depuis 1978 anneacutee de la creacuteation de la meacutethode de chiffrement RSA largement utiliseacutee de nos jours pour seacutecuriser les transactions bancaires Cette meacutethode tient au fait que bien qursquoil soit facile de multiplier des nombres il est en contrepartie tregraves difficile de faire le chemin inverse crsquoest-agrave-dire de prendre un grand nombre composeacute et de trouver ses facteurs premiers Drsquoougrave la course sur la planegravete pour trouver des algorithmes de factorisation de plus en plus performants qui pourraient laquo casser raquo le code RSA Crsquoest ainsi qursquoen 1976 agrave lrsquoaide des algorithmes connus et des ordinateurs de lrsquoeacutepoque on estimait qursquoil faudrait plus de 1020 anneacutees pour arriver agrave factoriser 2251 ndash 1 un nombre de 76 chiffres Aujourdrsquohui en utilisant un logiciel de calcul installeacute sur un ordinateur de bureau il est possible drsquoobtenir cette factorisation en moins drsquoune minute

Jean-Marie De KoninckUniversiteacute Laval

Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres

Pierre de Fermat (1601-1665) Le matheacutematicien fran-ccedilais Pierre de Fermat eacutetait drsquoabord et avant tout un avocat et un officiel du gouverne-

ment dans la ville de Toulouse Dans ses temps libres il exerccedilait sa passion pour les matheacutematiques et la physique Mecircme si on peut le qualifier de laquo matheacutematicien amateur raquo il est neacuteanmoins passeacute agrave lrsquohistoire comme fondateur de la theacuteorie moderne des nombres

Nombre premier et nombre composeacute

Un entier n gt 1 est appeleacute nombre premier sil nest divisible que par 1 et par lui-mecircme Ainsi 7 est un nombre premier car ses seuls diviseurs entiers sont 1 et 7 alors que 6 nest pas premier puisquil est non seulement divisible par 1 et 6 mais il lest aussi par 2 et 3 Un entier n gt 1 qui nest pas premier est appeleacute nombre composeacute

Nombre premier

Nombres composeacutes

2 times 5 = 10

3 times 5 = 15

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Cependant le veacuteritable deacutefi est drsquoecirctre en me-sure de factoriser des nombres arbitraires de 300 chiffres et plus ce qui est preacutesentement impossible mecircme agrave lrsquoaide drsquoordinateurs tregraves puissants Drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la recherche de nouveaux algorithmes de factorisation

Comment srsquoy prendre pour factoriser un nombre Comment pourrions-nous proceacuteder pour factoriser un nombre composeacute dont on ne connaicirct agrave priori aucun facteur De toute eacutevidence on srsquointeacuteresse ici seulement agrave la factorisation des nombres impairs car autre-ment il suffit de diviser par 2 le nombre agrave factoriser jusqursquoagrave ce qursquoil laquo devienne raquo impair Agrave titre drsquoexemple pour trouver la factorisa-tion du nombre n = 11 009 on peut utiliser lrsquoapproche tout agrave fait naturelle qui consiste agrave examiner successivement la divisibiliteacute

de n par chacun des nombres premiers 3 5 7 11 et ainsi de suite En proceacutedant ainsi on constate eacuteventuellement que ce nombre n est divisible par 101 et que n =101 times 109 menant du coup agrave la factorisation 11 009 = 101 times 109 Bravo Mais avouez que cela a eacuteteacute un peu laborieux car on a ducirc veacuterifier la divisibiliteacute de n par chacun des nombres premiers infeacuterieurs agrave 101 Drsquoail-leurs on se convainc aiseacutement que pour un nombre arbitraire n il aurait fallu veacuterifier la divisibiliteacute par chacun des nombres premiers plus petits que n Cela veut dire que pour un nombre de 200 chiffres il faudrait veacuterifier sa divisibiliteacute par tous les nombres premiers de moins de 100 chiffres un travail colossal Crsquoest pourquoi il est leacutegitime de se demander srsquoil existe des meacutethodes plus efficaces pour factoriser des nombres Or justement Pierre de Fermat en a trouveacute une qui srsquoavegravere drsquoune simpliciteacute deacuteconcertante (Voir encadreacute ci-bas)

Pour illustrer sa meacutethode Fermat a choisi le nombre

n = 2 027 651 281

La meacutethode de factorisation de Fermat Dentreacutee de jeu on peut supposer que le nombre n agrave fac-toriser nest pas un carreacute parfait car sinon on sattardera tout simplement agrave la factorisation du nombre m = nDeacutebutons avec un exemple Si on vous demande de factoriser le nombre 899 peut-ecirctre allez-vous eacutecrire

899 = 900 ndash 1 = 302 ndash 12

= (30 ndash 1)(30 + 1) = 29 times 31

et le tour est joueacute Quelle chance que 899 soit une diffeacuterence de deux carreacutes nest-ce pas Non pas du tout car en reacutealiteacute cest le cas de tout entier posi-tif impair composeacute et cest lideacutee de base de la meacutethode de factorisation de Fermat En effet pour un tel entier n il existe neacutecessairement deux entiers a gt b ge 1 tels que n = a2 ndash b2 auquel cas

n = (a ndash b)(a + b)

Pourquoi Supposons que n = rs avec 1 lt r lt s On peut facilement veacuterifier que les nombres a = (s + r) 2 and b = (s ndash r)2 sont tels que n = a2 ndash b2 Mais com-ment fait-on pour trouver ces deux entiers a et b Certes on a n = a2 ndash b2 lt a2 et donc a gt n auquel cas a ge n + 1 Ici x deacutesigne le plus grand entier le x Commenccedilons donc par poser a = n + 1 Si a2 ndash n est un carreacute parfait disons a2 ndash n = b2 alors nous avons trouveacute a et b comme requis Autrement (cest-agrave-dire si a2 ndash n nest pas un carreacute parfait) on choisit a = n + 2 et ainsi de suite jusquagrave ce que lon trouve un entier positif k tel que le nombre a = n + k soit tel que a2 ndash n est un carreacute parfait que lon eacutecrit alors comme b2 Ce processus a une fin en ce sens quon va eacuteventuelle-ment trouver un nombre b tel que b2 = a2 ndash n et cela parce que lon sait deacutejagrave que b = (s ndash r)2 fait laffaire

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Il obtient drsquoabord que n = 45 029 et commence ainsi avec

a = 45 029 + 1 = 45 030

comme 45 0302 ndash 2 027 651 281 = 49 619 nrsquoest pas un carreacute parfait il pose ensuite a = 45 031 qui ne produit pas non plus de carreacute parfait et ainsi de suite jusqursquoagrave ce qursquoil pose a = 45 041 qui donne

= minus

= =

b 45 041 2 027 651 281

1 040 400 1 020

2

Fermat conclut alors que n = 2 027 651 281 = 45 0412 ndash 1 0202 = (45 041 ndash 1 020)(45 041 + 1 020) = 44 021 times 46 061

Si on choisit de programmer cette meacutethode avec le logiciel de calcul Python1 on peut eacutecrire ceci (dans le cas particulier n = 2 027 651 281)

ce qui donnera

a = 45 041 et b = 1 020 et

n = 44 021times46 061

La meacutethode de Fermat est-elle reacuteellement efficace La reacuteponse courte est laquo Cela deacutepend de la nature du nombre agrave factoriser raquo2 Afin de donner une reacuteponse preacutecise agrave cette question eacutevaluons le nombre drsquoopeacuterations eacuteleacutementaires neacutecessaires pour exeacutecuter la meacutethode de Fermat Par laquo opeacuteration eacuteleacutementaire raquo on en-tend lrsquoaddition la soustraction la

multiplication la division lrsquoeacuteleacutevation agrave une puissance et lrsquoextraction de la racine carreacutee Une opeacuteration eacuteleacutementaire est aussi parfois appeleacutee une laquo eacutetape raquo On dira drsquoun algo-rithme qursquoil est laquo rapide raquo srsquoil srsquoexeacutecute en peu drsquoeacutetapes

Eacutetant donneacute un entier positif n qui nrsquoest pas un carreacute parfait on dit que les nombres d1 et d2 sont les diviseurs milieux de n si d1 est le plus grand diviseur de n infeacuterieur agrave n et d2 =nd1 On peut alors deacutemontrer que le nombre k drsquoeacutetapes requises pour factoriser n via la meacutethode de Fermat est exactement

k =d1 +d2

2 d1d2

soit essentiellement la diffeacuterence entre la moyenne arithmeacutetique et la moyenne geacuteo-meacutetrique des diviseurs d1 et d2 En effet comme on lrsquoa vu ci-dessus (encadreacute p 9) on a

Exeacutecuter lrsquoalgorithme de Fermat consiste donc agrave chercher le plus petit entier k ge1 tel que

n + k( )2 n est un entiera

Or n + k = a implique que k = a ndash n et cela entraicircne

k =d1 +d2

2 d1d2

Pour quels entiers lrsquoalgorithme de Fermat est-il rapide Le temps drsquoexeacutecution pour factoriser un en-tier n en utilisant lrsquoalgorithme de Fermat sera court si ses diviseurs milieux sont pregraves lrsquoun de lrsquoautre crsquoest-agrave-dire pregraves de n (voir lrsquoencadreacute p 11) En contrepartie si les divi-seurs milieux sont eacuteloigneacutes lrsquoun de lrsquoautre alors exeacutecuter la meacutethode de Fermat peut prendre davantage de temps que la simple veacuterification de la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers (voir lrsquoencadreacute p 12)

DossierApplications

1 Logiciel libre que lrsquoon peut teacuteleacutecharger gratuitement sur Internet

2 Voir Section problegravemes

On doit deacuteterminer a et b tels que

n = a2 ndash b2ougrave n et b sont les cathegravetes drsquoun triangle rectangle drsquohypoteacutenuse a Le cocircteacute b est tel que

b2 = a2 ndash n Lrsquohypoteacutenuse doit ecirctre plus grande que les cathegravetes soit

a gt nOn calcule a2 ndash n pour les entiers plus grands n soit

a = n + 1 a = n + 2

a = n + kLorsque (a2 ndash n) est un car-reacute parfait b2 on a alors

a2 ndash n = b2

drsquoougrave n = a2 ndash b2 = (a ndash b)(a + b)On en conclut que n est fac-torisable puisque (a ndash b) et (a + b) en sont des facteurs

La meacutethode de Fermat en image

aa2 gt n

a gt bb2 = a2 ndash n

n

nCarreacutedrsquoaire n

a + b

a ndash b

a ndash b

a + b

a + b

a

b

b

Rectangle drsquoaire n

import math

n = 2 027 651 281

a=mathfloor(mathsqrt(n))+1

b=mathsqrt(a2-n)

while b =int(b)

a+=1

print (a= d et b= d ---gt n= d x d (int(a)int(b)int(a-b)int(a+b))

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Tirer le maximum de la meacutethode de Fermat Comme on vient de le voir si la distance qui seacutepare les diviseurs milieux drsquoun entier n est grande la meacutethode de Fermat est peu efficace On peut contourner ce problegraveme en veacuterifiant au preacutealable la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers3 Par exemple supposons qursquoon ose srsquoattaquer agrave la factorisation du nombre de 16 chiffres n = 489 + 3 = 1 352 605 460 594 691 Appli-quer naiumlvement la meacutethode de Fermat nous amegravenera sans doute agrave abandonner notre ap-proche une fois rendu agrave quelques millions drsquoeacutetapes Une approche plus senseacutee consiste agrave drsquoabord identifier les possibles petits fac-teurs premiers de n soit en veacuterifiant la divisi-biliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave 10 000 ou 100 000 disons ce qursquoon sera en mesure de reacutealiser tregraves rapidement agrave lrsquoaide drsquoun logiciel de calcul Crsquoest ainsi qursquoon deacute-couvre que notre nombre n est divisible par 3 et 1 249 Le problegraveme se ramegravene alors agrave factoriser le nombre

=times

=nn

3 1 249360 983 576 3531

Appliquer la meacutethode de Fermat agrave ce nou-veau nombre donne

n1 = 587 201 times 614 753

et cela apregraves seulement 157 eacutetapes En ras-semblant nos calculs on obtient finalement que

n = 1 352 605 460 594 691

= 3 times 1 249 times n1

= 3 times 1 249 times 587 201 times 614 753

Dans cet exemple nous avons eacuteteacute chanceux car les deux plus grands facteurs premiers de n eacutetaient proches lrsquoun de lrsquoautre Il va de soi que ce nrsquoest pas toujours le cas Crsquoest pour-quoi si apregraves avoir eacutelimineacute les petits facteurs premiers de n la meacutethode de Fermat prend trop de temps agrave deacutevoiler ses grands facteurs premiers il est rassurant de savoir qursquoil existe drsquoautres avenues

Compliquer le problegraveme pour mieux le simplifier Une autre approche pour factoriser un nombre n est drsquoappliquer la meacutethode de Fermat agrave un nombre plus grand que n lui-mecircme en fait agrave un multiple de n Prenons par exemple le nombre n = 54 641 Comme ce nombre est relativement petit la meacutethode de Fermat trouvera sa factorisation agrave savoir n = 101 times 541 en 87 eacutetapes un nombre neacuteanmoins plutocirct grand compte tenu de la petite taille de n Toutefois si on avait su que lrsquoun des facteurs premiers de n eacutetait approximativement 5 fois son autre facteur premier on aurait pu preacutealablement multiplier n par 5 permet-tant ainsi au nouveau nombre 5n drsquoavoir ses

Algorithme (application rapide) lorsque les diviseurs milieux sont proches

Si les diviseurs milieux d1 lt d2 dun nombre n sont tels que la distance ∆ = d21048576ndash d1 qui les seacutepare satisfait agrave ∆ lt d1 et si k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n il deacutecoule de k =

d1 +d2

2 d1d2 que

kd d

d d

d dd

2( ) 1

21 1

1 11 1

1 11

lt + + minus + +

= + minus + +

Par ailleurs on peut montrer que lineacutegaliteacute

+ gt + minusyy y

1 12 8

2tient pour tout y isin (0 1)

Pour sen convaincre il suffit deacutelever chacun de ses cocircteacutes au carreacute et dutiliser le fait que y lt 1 En posant y = ∆d1 dans lrsquoineacutegaliteacute preacuteceacutedente il deacutecoule alors que

lt + minus + minus

+ = +k d dd d d2

112

18

118

11 11

2

12

2

1

lequel nombre est laquo petit raquo en autant que ∆ ne soit pas trop grand Ainsi pour n = 20 099 = 101 times 199 on obtient que

lttimes

+ ltk98

8 1011 13

2

un nombre deacutetapes relativement petit

3 Plus geacuteneacuteralement pour calculer le plus grand commun diviseur de deux entiers on peut utiliser lrsquoalgorithme drsquoEuclide lequel est tregraves rapide (voir lrsquoarticle laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo p 2 de ce numeacutero)

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DossierApplications

diviseurs milieux essentiellement du mecircme ordre de grandeur de sorte que la meacutethode de Fermat appliqueacutee au nombre 5n aurait reacuteveacuteleacute ses facteurs 505 et 541 en une seule eacutetape Il aurait ensuite suffi de veacuterifier lequel de 505 et de 541 avait laquo heacuteriteacute raquo du facteur artificiel 5 ce qui est bien sucircr tregraves facile agrave faire Voila qui est bien facile lorsqursquoon sait qursquoun des facteurs est proche drsquoun multiple drsquoun autre facteur une information dont on ne dispose malheureusement pas agrave lrsquoavance

Peut-on neacuteanmoins explorer cette approche pour un nombre composeacute arbitraire Lrsquoideacutee serait de consideacuterer le nombre n times r pour un choix approprieacute de r Par exemple si n = pq et r = uv nous aurons nr = pu times qv et si nous sommes chanceux les deux nouveaux diviseurs pu et qv (de nr) seront suffisamment proches lrsquoun de lrsquoautre pour nous permettre drsquoappli-quer lrsquoalgorithme de Fermat avec succegraves En 1974 utilisant un raffinement de cette ideacutee R Sherman Lehman est parvenu agrave montrer que lrsquoon peut en effet acceacuteleacuterer la meacutethode de Fermat et de fait factoriser un entier im-pair n en seulement n13 eacutetapes

Les nombreuses ameacuteliorations de lrsquoideacutee originale de FermatEst-il possible de faire encore mieux Dans les anneacutees 1920 Maurice Kraitchik ameacute-liorait la meacutethode de Fermat et on sait aujourdrsquohui que son approche a constitueacute la base des principales meacutethodes modernes de factorisation des grands nombres Lrsquoideacutee de Kraitchik est la suivante plutocirct que de cher-cher des entiers a et b tels que n = a2 ndash b2 il suffit de trouver des entiers u et v tels que u2 ndash v2 est un multiple de n Par exemple sachant que 1272 ndash 802 est un multiple du nombre n = 1 081 on peut encore une fois profiter de lrsquoidentiteacute

u2 ndash v2 = (u ndash v)(u + v)

Dans notre cas on peut eacutecrire que

1272 ndash 802 = (127 ndash 80)(127 + 80)

= 47 times207

Algorithme (application lente) lorsque les diviseurs milieux sont eacuteloigneacutes

Supposons par exemple que lon cherche agrave factoriser un nombre n de 20 chiffres qui en reacutealiteacute est le produit de deux nombres premiers lun fait de 5 chiffres et lautre de 15 chiffres Il deacutecoule alors de la for-mule

k =d1 +d2

2 d1d2

ougrave k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n par la meacutethode de Fermat qursquoon aura

gt+

minus

gt gt

k n10 10

2

102

ndash10 10

4 14

1410 13

alors quen testant simplement la divi-sibiliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave n lt 1010 cela aurait eacuteteacute au moins mille fois plus rapide

Maurice Kraitchik 1882-1957Matheacutematicien et vulgarisateur scientifique belge Kraitchik sest surtout inteacuteresseacute agrave la theacuteorie des nombres et aux matheacutematiques reacutecreacuteatives

Il est lrsquoauteur de plusieurs ouvrages sur la theacuteorie des nombres reacutedigeacutes entre 1922 et 1930 De 1931 agrave 1939 il a eacutediteacute la revue Sphinx un mensuel consacreacute aux matheacutematiques reacutecreacuteatives Eacutemigreacute aux Etats-Unis lors de la Seconde Guerre mondiale il a enseigneacute agrave la New School for Social Research agrave New York Il srsquoest particuliegraverement inteacuteresseacute au thegraveme geacuteneacuteral des reacutecreacuteations matheacutematiques

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Comme tout facteur premier de n doit obli-gatoirement ecirctre un facteur de 47 ou de 207 et comme 207 = 9 times 23 on peut rapidement conclure que n = 23 times 47 Bien sucircr pour que cette approche soit efficace il faut eacutelaborer des astuces permettant de trouver des multiples du nombre agrave factoriser qui puissent srsquoeacutecrire comme une diffeacuterence de deux carreacutes Or crsquoest preacuteciseacutement ce que plusieurs matheacutematiciens ont reacuteussi agrave faire au cours du vingtiegraveme siegravecle

Ougrave en est-on aujourdrsquohui On a vu qursquoen optimisant la meacutethode origi-nale de Fermat R Sherman Lehman pouvait factoriser un entier n en environ n13 eacutetapes Or dans les anneacutees 1980 en faisant intervenir des outils matheacutematiques plus avanceacutes dont des notions drsquoalgegravebre lineacuteaire Carl Pomerance a davantage peaufineacute la meacutethode originale de Fermat et creacuteeacute une nouvelle meacute-thode de factorisation connue sous le nom de crible quadratique On sait montrer que dans la pratique avec le crible quadratique

il suffit drsquoau plus timese n n(ln ) ln(ln ) eacutetapes pour factoriser un nombre arbitraire n ce qui peut faire une eacutenorme diffeacuterence lorsqursquoil srsquoagit de factoriser de tregraves grands nombres Crsquoest ain-si que le crible quadratique permet de facto-riser un nombre n de 75 chiffres en moins de

=

lt lt

times timese e

e 10 eacutetapes

ln(10 ) ln(ln10 ) 75ln10 ln(75ln10)

299 13

75 75

alors que la meacutethode de Lehman en requiert environ 1025

Et dire que toute cette panoplie de meacutethodes de factorisation ont leur origine dans une ideacutee de Fermat datant de plus de trois siegravecles et demi

Une belle application de la meacutethode de Fermat

On peut montrer que tout entier de la forme 4k4 + 1 peut ecirctre factoriseacutee en utilisant la meacutethode de Fermat en une seule eacutetape

Soit n = 4k4 + 1 On observe drsquoabord que

n 4k 4 +1= = 2k2

En utilisant la meacutethode de Fermat on choisit drsquoabord

a = n + 1 = 2k2 + 1

On veacuterifie ensuite si a2 ndash n est un carreacute parfait Pour y arriver on eacutecrit

a2 ndash n = (2k2 + 1)2 ndash (4k4 + 1)

= 4k4 + 4k2 + 1 ndash 4k4 ndash 1 = 4k2

qui est un carreacute parfait

On peut donc conclure quen posant 4k2 = b2 on a

n = a2 ndash b2 = (2k2 + 1)2 ndash (2k)2

= (2k2 ndash 2k + 1)(2k2 + 2k + 1)

ce qui fournit la factorisation souhaiteacutee

On peut utiliser cette information pour trouver par exemple la factorisation complegravete de n = 258 + 1

En effet commen = 4 times 256 + 1 = 4 times (214)4 + 1

est bien de la forme 4k4 +1 la meacutethode de Fermat devrait nous fournir ses deux diviseurs milieux du premier coup Effective-ment on a

a = n + 1 = 2k2 + 1 = 536 870 913

On a tout de suite

a2 ndash n = 10 73 741 824 = 32 7682 = b2

de sorte que

n = a2 ndash b2

= (53 68 70 913 ndash 32 768)(53 68 70 913 + 32 768)

= 53 68 38 145 times 53 69 03 681

Comme le premier de ces deux facteurs est de toute eacutevidence un multiple de 5 on peut donc conclure que

n = 258 + 1 = 5 times 107 367 629 times 536 903 681

fournissant ainsi la factorisation souhaiteacutee

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ns

Il est facile drsquoemmecircler un fil de pecircche alors qursquoil est tregraves difficile de le deacutemecircler De mecircme certaines opeacuterations sur les nombres

sont faciles dans un sens et difficiles dans lrsquoautre On les appelle opeacuterations agrave sens unique Elles sont utiliseacutees pour la cryptographie

Lorsque vous envoyez votre numeacutero de carte de creacutedit par Internet agrave un site proteacutegeacute le logiciel crypte celui-ci par le code RSA du nom de ses inventeurs Ronald Rivest Adi Shamir et Leonard Adleman

Historiquement les codes secrets ont tous eacuteteacute perceacutes Mais le code RSA publieacute en 1978 reacutesiste encore malgreacute tous les efforts de la communauteacute matheacutematique pour le briser Il repose sur le fait que si on prend deux tregraves grands nombres premiers distincts p et q et qursquoon les multiplie pour obtenir n = pq alors il est hors de porteacutee des ordinateurs actuels2 de reacutecupeacuterer p et q Ainsi on peut se permettre de publier n la cleacute qui sert au cryptage sans crainte que quiconque puisse reacutecupeacuterer p et q qui servent au deacutecryptage Ce proceacutedeacute srsquoappelle la cryptographie agrave cleacute publique parce que la recette de cryptage est publique

Aussi surprenant que cela puisse paraicirctre il est facile pour un ordinateur de fabri-quer de grands nombres premiers Plusieurs algorithmes geacuteneacuterant de grands nombres premiers sont probabilistes Nous allons en preacutesenter un ci-dessous

Dans la cryptographie agrave cleacute publique les mes-sages sont des nombres m infeacuterieurs agrave n On demandera drsquoeacutelever le nombre m agrave une tregraves grande puissance e ougrave e est un nombre qui est eacutegalement public Le message encrypteacute a est le reste de la division de me par n Tou-jours surprenant il est facile pour un or-dinateur de calculer ce reste mecircme si m et e ont chacun 200 chiffres Nous allons voir comment Le deacutecryptage se fait de maniegravere symeacutetrique en calculant le reste de la division de ad par n Mais d est inconnuhellip et pour le calculer il faut connaicirctre p et q et donc factoriser n Donc seul le concepteur qui a choisi p et q peut lire le message

Combien de temps reacutesistera le code RSA Si ce nrsquoeacutetait que des progregraves de la factorisation des entiers et de lrsquoaugmentation de la puis-sance des ordinateurs il pourrait reacutesister en-core longtemps quitte agrave allonger un peu la cleacute n Mais crsquoest sans compter sur la preacute-sence possible drsquoun nouveau venu lrsquoordina-teur quantique Cet ordinateur nrsquoexiste pas encore Par contre un algorithme rapide de factorisation sur un ordinateur quantique lrsquoalgorithme de Shor existe depuis 1997 Nous allons nous pencher sur lrsquoideacutee de cet algorithme

Christiane Rousseau Universiteacute de Montreacuteal

2 Voir lrsquoarticle laquo Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres raquo de Jean-Marie De Koninck p 8 de ce numeacutero

Comme 1 est le pgcd1 de e et de φ(n) on peut eacutecrire via lrsquoalgo-rithme drsquoEuclide

1 = 10 times 1 456 ndash 633 times 23Donc 1 = 10 times 1 456 ndash (1 456-823) times 23ou encore

1= ndash13 times 1 456 + 823 times 23Comme 823 times 23 =13 times 1 456 + 1 le reste de la division de ed par φ(n) vaut bien 1

1 Voir laquo Algorithmes dans lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

Calculer le reste de la division de me par nEacutecrivons la deacutecomposition de e = 23 en somme de puissances de 2

e = 1 + 2 + 4 + 16

Alors

m e = m m2 m4 m16

On va donc y aller pas agrave pas pour calculer ces puissances et agrave chaque eacutetape on va diviser par n Le reste de la division de m2 par n est 1 126 Remarquons que m4 = (m2)2 Le reste de la division de m4 par n est donc le mecircme que le reste de la division de 1 1262 par n

1 1262 = 823n + 1 388

De mecircme le reste de la division de m8 par n est le mecircme que le reste de la division de 1 3882 par n

1 3882 = 1 253n + 683

Finalement le reste de la division de m16 par n est le mecircme que le reste de la division de 6832 par n

6832 = 303n + 778

On remet le tout ensemble Le reste de la division de m23 par n est le mecircme que le reste de la division de

1 234 1 126 1 388 778

par n qui est bien a = 1 300 Dans la ligne qui preacutecegravede on peut aussi alterner entre faire des

multiplications et diviser les produits partiels par n pour ne pas laisser grossir les expressions Ces calculs sont faciles pour des ordinateurs mecircme quand les nombres sont tregraves grands

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un exemple de fonctionnement du code RSAAline veut pouvoir recevoir des mes-sages secrets de Bernard Elle construit donc un systegraveme agrave cleacute publique pour re-cevoir de tels messages Elle prend les nombres premiers p = 29 et q = 53 La cleacute est n =1 537 Elle aura besoin du nombre

φ(n) = (p ndash 1)(q ndash 1) = 1 456

Elle choisit e relativement premier avec φ(n) par exemple e = 23 Soit d = 823 Il a eacuteteacute construit pour que le reste de la division de ed par φ(n) soit 1 (voir encadreacute ci-contre) Pour ce il fallait connaitre φ(n) et donc la factorisation de n ce qui est difficile pour quelqursquoun ne connaissant pas p et q Aline publie n et e Bernard veut lui envoyer le message

m = 1 234

Pour le crypter il lrsquoeacutelegraveve agrave la puissance e = 23 et le divise par n Ceci lui donne le message crypteacute

a = 1 300

qursquoil envoie agrave Aline Celle-ci utilise d connu drsquoelle seule pour calculer le reste de la divi-sion de ad par n Ce reste est preacuteciseacutement le message m = 1 234

Lrsquoexemple eacutetait avec de petits nombres Mais comment faire les calculs quand les nombres sont gros Il faut se rappeler que ce qui nous inteacuteresse ce ne sont pas les nombres me et

ad mais seulement le reste de leur division par n Alors il ne faut pas laisser grossir les calculs Il faut plutocirct alterner entre prendre des puissances et diviser par n (Voir deacutetails dans lrsquoencadreacute)

Construire de grands nombres premiersLrsquoideacutee est la suivante Si on veut construire un grand nombre premier de 100 chiffres on geacutenegravere au hasard un nombre de 100 chiffres et on laquo teste raquo srsquoil est premier Srsquoil ne lrsquoest pas on recommence avec un autre nombre geacuteneacute-reacute au hasard jusqursquoagrave ce qursquoon tombe sur un nombre premier

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Premiegravere question combien faut-il faire de tests en moyenne Un nombre de 100 chiffres est un nombre de lrsquoordre de 10100 Le theacuteoregraveme des nombres premiers nous dit que si N est grand il y a environ N ln N nombres premiers infeacuterieurs ou eacutegaux agrave N Si on choisit au ha-sard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 la chance qursquoil soit premier est donc drsquoenviron

N1

ln1

ln101

100ln101

230100= = =

On peut faire mieux la moitieacute des nombres sont pairs et parmi les nombres impairs on peut eacuteliminer les multiples de 5 Donc si on choisit au hasard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 qui se termine par 1 3 7 ou 9 on a une chance sur 92 qursquoil soit pre-mier (40 des nombres se terminent par 1 3 7 9 et 410 de 230 donne 92) Ceci signi-fie qursquoen moyenne apregraves 92 tests on a trou-veacute un nombre premier Faire 92 tests est fa-cile pour un ordinateur

Ceci nous amegravene agrave la deuxiegraveme question que signifie laquo tester raquo qursquoun nombre p est pre-mier On a appris agrave le faire en cherchant si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p ce qui revient agrave factoriser partiellement p Mais factoriser est difficile pour un ordinateurhellip

On peut faire mieux Srsquoil est facile de tester si un nombre p est premier crsquoest parce qursquoon peut le faire sans factoriser p Lrsquoideacutee est la suivante Si p nrsquoest pas premier il laisse

ses empreintes partout Dans le test de primaliteacute de Miller-Rabin si p nrsquoest pas pre-mier au moins les trois-quarts des nombres entre 1 et p ont une empreinte de p crsquoest-agrave-dire qursquoils sont des teacutemoins du fait que p nrsquoest pas premier Le test pour deacutecider si un nombre est un teacutemoin est un peu tech-nique (voir encadreacute page ci-contre) Mais ce test est facile pour un ordinateur On choisit au hasard des nombres a1 am le p Si lrsquoun des ai est un teacutemoin on conclut que p nrsquoest pas premier Si aucun des ai nrsquoest un teacutemoin alors p a une tregraves grande chance drsquoecirctre pre-mier Par exemple si m = 100 la chance que p ne soit pas premier sachant que a1 am ne sont pas des teacutemoins est infeacuterieure ou eacutegale agrave 10ndash58 soit tregraves tregraves petite

Peut-on se fier agrave un algorithme probabiliste Les informaticiens le font reacuteguliegraverement degraves qursquoils ont besoin de grands nombres premiers et on nrsquoobserve pas de catas-trophe autour de nous On voit drsquoailleurs qursquoon pourrait transformer cet algorithme probabiliste de primaliteacute en algorithme deacute-terministe il suffirait de tester au moins le quart des nombres a isin 2 p ndash1 Si aucun nrsquoest un teacutemoin alors on peut affir-mer avec certitude que p est premier Mais cet algorithme serait sans inteacuterecirct car il requerrait de regarder si p4 nombres sont des teacutemoins alors que lrsquoalgorithme usuel de factorisation demande de regarder si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p et

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lt degraves que p gt 16

Casser le code RSA sur un ordinateur quantiqueEn 1997 Peter Shor a annonceacute un algo-rithme qui casserait le code RSA sur un ordinateur quantique qui nrsquoexiste pas encorehellip Que signifie cette affirmation Lrsquoalgorithme de Shor est simplement un autre algorithme de factorisation Il fonc-tionnerait sur un de nos ordinateurs mais il serait moins bon que les meilleurs algo-rithmes de factorisation La limite de nos ordinateurs est le paralleacutelisme On ne peut faire qursquoun nombre limiteacute drsquoopeacuterations en parallegravele

DossierApplications

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Quelques avantages de la cryptographie agrave cleacute publique

La cryptographie agrave cleacute publique est tregraves utile quand des milliers de personnes par exemple des clients peuvent vouloir envoyer leur numeacutero de carte de creacutedit agrave une mecircme compagnie

La meacutethode drsquoencryptage est publique et seule la compagnie peut deacutecrypter les messages chiffreacutes

Un autre avantage est que deux interlocuteurs nrsquoont pas besoin drsquoeacutechanger de lrsquoinformation secregravete par exemple une cleacute pour communiquer de maniegravere seacutecuritaire Il suffit que chacun publie son systegraveme de cryptographie agrave cleacute publique

Le systegraveme RSA permet de signer un message pour srsquoassurer qursquoil provient bien de la bonne personne Dans notre exemple pour que Bernard signe son message il faut qursquoil construise son propre sys-tegraveme agrave cleacute publique dont il publie la cleacute nrsquo et la cleacute de cryptage ersquo Il se servira de sa cleacute de deacutecryptage drsquo pour apposer sa signature sur le message

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un ordinateur est composeacute de transistors qui fonctionnent agrave la maniegravere drsquointerrup-teurs en ayant deux positions OUVERT et FERMEacute que lrsquoon peut coder comme des bits drsquoinformation 0 ou 1 Un nombre de 200 chiffres est infeacuterieur agrave 10200 lt 2665 et donc peut srsquoeacutecrire avec 665 bits Tester srsquoil a un diviseur premier infeacuterieur agrave 10100 lt 2333 revient agrave regarder toutes les suites de 333 bits eacutegaux agrave 0 ou 1 Un travail titanesque sauf si lrsquoordinateur a un grand paralleacutelisme Dans un ordinateur quantique les bits drsquoinformation sont des bits quantiques ils peuvent ecirctre dans un eacutetat superposeacute entre 0 et 1 Lrsquoimage que lrsquoon pourrait donner est celle drsquoun sou Une fois lanceacute il tombe sur PILE ou sur FACE Mais avant de le lancer il a probabiliteacute 12 de tomber sur PILE et probabiliteacute 12 de tomber sur FACE On pourrait dire qursquoil est dans un eacutetat superposeacute Le fait que m bits quantiques soient dans un eacutetat superposeacute implique qursquoils peuvent faire simultaneacutement les 2m opeacutera-tions diffeacuterentes correspondant agrave tous les choix de valeurs 0 ou 1 pour chacun des bits Par contre de mecircme que notre sou tombe neacutecessairement sur PILE ou sur FACE degraves qursquoon veut observer un bit quantique il prend neacutecessairement la valeur 0 ou la valeur 1 et donc on ne peut observer le reacutesultat de tous les calculs faits en parallegravele La subtiliteacute de lrsquoalgorithme de Shor vient du fait qursquoon pourra reacutecupeacuterer le reacutesultat du calcul lequel donne une factorisation de p si p nrsquoest pas premier

Le nombre 15 a eacuteteacute factoriseacute sur un ordi-nateur quantique en 2007 et en 2012 on a factoriseacute 143 = 11x13 Les progregraves semblent lents depuis ce temps Le deacutefi technologique de lrsquoordinateur quantique est de maintenir de nombreux bits en eacutetat superposeacute Ce recircve deviendra-t-il reacutealiteacute Mecircme si les progregraves semblent lents les experts y croient de plus en plus

Tester si un nombre est un teacutemoinOn veut tester si p impair est premier Alors on peut eacutecrire p ndash 1 qui est pair comme p ndash 1 = 2sd ougrave d est impair

(Il suffit de diviser p ndash 1 par 2 successive-ment jusqursquoagrave ce que le quotient soir im-pair) Soit a isin 2 p ndash1

Critegravere pour ecirctre teacutemoin Si a est un teacute-moin que p nrsquoest pas premier alors on a simultaneacutement que le reste de la division de ad par p est diffeacuterent de 1 et que les restes de la division de a d2r

par p sont diffeacuterents de p ndash 1 pour tous les r isin 0 s ndash1

Regardons un premier exemple Prenons p = 13 Alors p ndash 1 = 22 3 Ici d = 3 et s = 2 Voyons que p nrsquoa aucun teacutemoin

La premiegravere colonne du tableau agrave gauche donne a la deuxiegraveme colonne donne

le reste de la division de ad = a3 par p et la troisiegraveme colonne le reste de la division de a2d = a6 par p

On voit bien que pour chaque a soit on a un 1 dans le premiegravere colonne ou bien un 1 ou un 12 dans la deuxiegraveme colonne et donc aucun a nrsquoest un teacutemoin de 13 On sait alors que 13 est premier

Refaisons lrsquoexercice avec p = 15 Alors p ndash 1 = 2 7 Comptons combien p a de teacutemoins Ici la deuxiegraveme colonne repreacutesente le reste de la division de ad= a7 par p Tous les a sauf 14 sont des teacutemoins et chacun nous dit que 15 nrsquoest pas premier

Mais bien sucircr apprendre qursquoun nombre a est un teacutemoin que p nrsquoest pas premier ne nous apprend rien de la factorisation de p

81

1288551

125

12

1211

1212121211

121

a23456789

101112

812456

1329

101137

14

a23456789

1011121314

Le fonctionnement de lrsquoalgorithme de Shor

On veut factoriser un entier n Lrsquoalgo-rithme de Shor cherche un diviseur d de n qui soit diffeacuterent de 1 et de n Ensuite on peut iteacuterer en cherchant un diviseur de lrsquoentier S = nd Voyons qursquoil suffit de trouver un entier r tel que n divise r2 ndash 1 = (r ndash 1)(r + 1) mais n ne divise ni r ndash 1 ni r + 1 Puisque n divise r2 ndash 1 il existe un entier m tel que r2 ndash 1 = mn Soit p un facteur premier de n Alors p divise r ndash 1 ou encore p divise r + 1 Dans le premier cas d est le pgcd de r ndash 1 et n et dans le deuxiegraveme cas celui de r + 1 et n Calculer le pgcd de deux nombres par lrsquoalgorithme drsquoEuclide3 est facile pour un ordinateur Comment construire un tel entier r est un peu technique et nous ne ferons pas les deacutetails

3 Voir laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

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Si la notion de logarithme paraicirct aujourdrsquohui tout agrave fait naturelle sa conceptualisation et sa mise en œuvre au plan pratique au deacutebut

du 17e siegravecle nrsquoont point eacuteteacute une mince affaire Premiers eacutepisodes de cette foisonnante saga

Peu de temps apregraves leur introduction par John Napier (1550-1617) au tout deacutebut du 17e siegravecle les logarithmes se sont rapidement imposeacutes comme un laquo merveilleux raquo1 outil essentiel en astronomie et en navigation deux domaines scientifiques particuliegraverement avanceacutes agrave cette eacutepoque et qui venaient avec leur lot de calculs proprement titanesques Crsquoest dans un tel contexte qursquoil faut entendre le ceacutelegravebre aphorisme ducirc au matheacutematicien physicien et astronome franccedilais Pierre-Simon Laplace2 (1749-1827) qui srsquointeacuteressant dans le cadre drsquoun survol historique de lrsquoastronomie aux travaux de Johannes Kepler (1571-1630) affirmait que la deacutecouverte des logarithmes mdash combineacutee agrave lrsquoarithmeacutetique des Indiens crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecriture des nombres dans un systegraveme positionnel mdash avait pour ainsi dire doubleacute la vie des astronomes (voir encadreacute)

La preacutehistoire des logarithmesIssu entiegraverement de lrsquolaquo esprit humain raquo selon les dires de Laplace le concept de logarithme repose sur une ideacutee somme toute assez na-turelle consideacuterant diverses puissances drsquoun mecircme nombre on porte lrsquoattention sur les exposants de ces puissances Par exemple srsquoagissant des entiers

64 256 1024 et 4096crsquoest-agrave-dire respectivement

43 44 45 et 46on envisage plutocirct les exposants

3 4 5 et 6

Sur la base de ces donneacutees on pourrait conclure immeacutediatement mdash si on dispose drsquoune table de puissances de 4 mdash que

256 times 4 096 = 1 048 576prenant appui sur le fait que

44 times 46 = 44 + 6 = 410

(on applique ici une regravegle de base des exposants qui va de soi lorsque ceux-ci sont des entiers naturels) Il nrsquoest pas eacutetonnant que des telles intuitions aient pu se retrouver il y a fort longtemps

Jeacuterocircme Camireacute-Bernier

Bernard R Hodgson Universiteacute Laval

1 Renvoi agrave lrsquoeacutepithegravete mirifique (archaiumlque de nos jours) utiliseacutee par Napier lui-mecircme Lrsquoex-pression mirifique invention de notre titre est emprunteacutee agrave Jean-Pierre Friedelmeyer (voir le Pour en savoir plus)

2 Alias Pierre-Simon de Laplace Aussi homme politique il fut nommeacute marquis en 1817 (drsquoougrave la particule nobiliaire)

Laplace agrave propos des logarithmeslaquo Il [Kepler] eut dans ses derniegraveres anneacutees lrsquoavantage de voir naicirctre et drsquoemployer la deacutecouverte des logarithmes due agrave Neper baron eacutecossais artifice admirable ajouteacute agrave lrsquoingeacutenieux algorithme des Indiens et qui en reacuteduisant agrave quelques jours le travail de plusieurs mois double si lrsquoon peut ainsi dire la vie des astronomes et leur eacutepargne les erreurs et les deacutegoucircts inseacuteparables des longs calculs invention drsquoautant plus satis-

faisante pour lrsquoesprit humain qursquoil lrsquoa tireacutee en entier de son propre fonds dans les arts lrsquohomme se sert des mateacuteriaux et des forces de la nature pour accroicirctre sa puissance mais ici tout est son ouvrage raquo

Exposition du systegraveme du monde Livre V Chapitre IV

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

Un peu de vocabulaire

Eacutetant donneacute deux reacuteels (positifs) x et y leur moyenne arithmeacutetique

est donneacutee par x y2+ et leur moyenne geacuteomeacutetrique par xy

Ces appellations trouvent leur origine dans les matheacutematiques grecques de lrsquoAntiquiteacute notamment de lrsquoeacutepoque de Pythagore

Lrsquoarithmeacutetique de lrsquoeacutecole pythagoricienne portant sur lrsquoeacutetude des entiers (et des rapports simples drsquoentiers) on voit immeacutediatement pourquoi la premiegravere moyenne est dite laquo arithmeacutetique raquo Quant agrave la moyenne laquo geacuteomeacutetrique raquo elle fait intervenir une opeacuteration qui megravene agrave des grandeurs geacuteneacuteralement au-delagrave du champ des entiers Or le domaine qui eacutetudie les grandeurs par exemple les segments de droite est justement la geacuteomeacutetrie

On peut montrer que dans une suite arithmeacutetique un terme donneacute (agrave partir du deuxiegraveme) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins Et de mecircme mutatis mutandis pour une suite geacuteomeacutetrique (Voir la Section problegravemes)

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Ainsi sur la partie infeacuterieure de la tablette meacutesopotamienne MLC 020783 datant drsquoentre 1900 et 1600 avant notre egravere se trouve le tableau ci-haut (les nombres sont donneacutes ici en notation moderne et non en eacutecriture cu-neacuteiforme) on y reconnaicirct immeacutediatement la liste des premiegraveres puissances de 2 ainsi que les exposants correspondants

Lrsquousage a consacreacute lrsquoexpression suite arith-meacutetique (ou progression arithmeacutetique selon une tournure un brin suranneacutee) pour une liste de nombres qui comme dans la colonne de droite de ce tableau croissent (ou deacutecroissent) reacuteguliegraverement de maniegravere additive

a a + d a + 2d a + nd

a repreacutesentant le premier terme de la suite et d la diffeacuterence entre deux termes conseacute-cutifs mdash crsquoest-agrave-dire de combien lrsquoun de ces termes est plus grand que lrsquoautre4 (Le tableau preacuteceacutedent correspond au cas ougrave a = 1 et d = 1) Lorsque les nombres de la liste sont relieacutes multiplicativement

a ar ar2 arn

on parlera de suite (ou progression) geacuteomeacute-trique la constante r repreacutesentant cette fois le rapport entre deux termes conseacutecutifs mdash crsquoest-agrave-dire combien de fois lrsquoun est plus grand que lrsquoautre4 (Dans la colonne de gauche du tableau on a a = 2 et r = 2) (Voir lrsquoencadreacute Un peu de vocabulaire pour le sens des mots laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo dans un tel contexte)

Selon cette nomenclature la tablette MLC 02078 peut donc srsquointerpreacuteter comme la mise en comparaison de deux suites lrsquoune arithmeacutetique et lrsquoautre geacuteomeacutetrique Ce type de situation se retrouve agrave diverses eacutepoques au fil des acircges Ainsi en est-il question dans un autre document de lrsquoAntiquiteacute LrsquoAreacutenaire traiteacute dans lequel Archimegravede (-287 ndash -212) se donne comme objectif de deacuteterminer le nombre de grains de sable dont le volume serait eacutegal agrave celui du laquo monde raquo5 Parmi les outils dont se sert alors le grand matheacutematicien grec se retrouve la manipulation simultaneacutee drsquoune suite arithmeacutetique et drsquoune suite geacuteomeacutetrique ce qui lrsquoamegravene (en termes modernes) agrave identifier au passage la regravegle drsquoaddition des exposants

bm times bn = bm +n

(voir la Section problegravemes) et donc le prin-cipe de transformation drsquoune multiplication en une addition agrave la base des logarithmes

3 Pour Morgan Library Collection Cette tablette se retrouve dans la collection de lrsquoUniversiteacute Yale aux Eacutetats-Unis

4 Cette faccedilon de parler est utiliseacutee par Euler lorsqursquoil introduit les notions de rapports arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique dans ses Eacuteleacutements drsquoalgegravebre (1774) mdash voir Section troisiegraveme laquo Des rapports amp des propor-tions raquo entre autres les articles 378 398 et 505

5 Une des difficulteacutes auxquelles fait ici face Archimegravede est de reacutealiser cet objectif dans le cadre du systegraveme de numeacuteration grec qui nrsquoeacutetait pas propice pour exprimer aiseacutement de tregraves grands nombres Mais cela est une autre histoirehellip

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Tablette MLC 02078 (1900-1600 avant notre egravere)

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Cette mecircme ideacutee se retrouve plusieurs siegravecles plus tard dans Le Triparty en la science des nombres (1484) du Franccedilais Nicolas Chuquet (1445-1488) Dans la troisiegraveme partie de cet ouvrage Chuquet introduit des regravegles cal-culatoires de nature algeacutebrique Il srsquointeacuteresse alors notamment aux valeurs des puis-sances de 2 depuis 1 jusqursquoagrave 1 048 576 qursquoil aligne en colonnes avec les exposants entiers correspondants (qursquoil appelle laquo deacuteno-minations raquo) de 0 jusqursquoagrave 20 et note que la multiplication de nombres de la premiegravere colonne correspond agrave lrsquoaddition de nombres dans la seconde Il identifie aussi une autre regravegle de base des exposants

b b( )m n mn=(encore une fois exprimeacutee ici en notation moderne) Agrave noter que Chuquet utilise une notation avec indice sureacuteleveacute (comme nous le faisons aujourdrsquohui)6 et qursquoen plus de lrsquoexposant 0 il considegravere des exposants (entiers) neacutegatifs Au milieu du 16e siegravecle lrsquoAllemand Michael Stifel (1487-1567) reprendra les mecircmes thegravemes dans son Arithmetica integra (1544) ougrave il parle expli-citement de la relation entre une progression arithmeacutetique et une progression geacuteomeacutetrique Crsquoest drsquoailleurs agrave Stifel que lrsquoon doit le vocable exposants pour deacutesigner les nombres de la suite arithmeacutetique en jeu

Si quelques-uns des principes servant de fondements agrave la notion de logarithme se per-ccediloivent dans les commentaires qui preacutecegravedent on est encore loin du logarithme en tant que tel Pour qursquoune correspondance entre une suite geacuteomeacutetrique et une suite arithmeacutetique devienne un veacuteritable outil de calcul il faut en effet laquo boucher les trous raquo entre les puissances (entiegraveres) successives Il peut ecirctre inteacuteressant comme le souligne Chuquet de conclure gracircce agrave sa table des puissances de 2 que le produit de 128 et 512 est 65 536 Mais cela ne nous renseigne en rien par exemple sur le produit 345 times 678 On voit mecircme Chuquet dans un appendice au Tripar-ty chercher agrave reacutesoudre des problegravemes dans lesquels un exposant fractionnaire est rechercheacute mdash mais sans deacutevelopper pour autant drsquoapproche systeacutematique agrave cette fin

Certains eacuteleacutements (timides) agrave cet eacutegard se retrouvent il y a fort longtemps Ainsi le tableau numeacuterique ci-contre figure lui aussi sur la tablette MLC 02078 (dans sa partie supeacuterieure) On y voit une progression arith-meacutetique de diffeacuterence frac-tionnaire ecirctre juxtaposeacutee agrave une progression geacuteomeacutetrique agrave savoir des puissances de 16 Mais peu semble avoir eacuteteacute fait pour pousser plus loin de telles asso-ciations jusqursquoagrave lrsquoarriveacutee de Napier

Les logarithmes agrave la NapierTout eacutetudiant est aujourdrsquohui familier avec le fait que le passage drsquoun nombre donneacute agrave son logarithme (selon une certaine base) revient agrave identifier lrsquoexposant dont il faut affecter cette base pour retrouver le nombre en cause Ayant fixeacute un reacuteel b (positif et diffeacuterent de 1) et consideacuterant un reacuteel positif x le logarithme de x dans la base b noteacute logbx est donc par deacutefinition lrsquoexposant (reacuteel) u tel que bu = x Une telle vision il faut le souligner demeure relativement tardive par rapport agrave lrsquointuition originale de logarithme nrsquoeacutetant devenue la norme que pregraves drsquoun siegravecle et demi apregraves les travaux de lrsquoEacutecossais John Napier7 mdash voir lrsquoencadreacute Les traiteacutes de Napier mdash lorsque Leonhard Euler (1707-1783) en a fait la pierre drsquoassise de son traitement de la fonction logarithmique8 dans son Introduc-tio in analysin infinitorum (1748) Acceptant les proprieacuteteacutes de la fonction exponentielle bu pour des reacuteels b et u quelconques on tire im-meacutediatement de cette deacutefinition la proprieacuteteacute de base du logarithme

logb xy = logb x + logb y

ce qui permet de transformer une multi-plication en une addition de mecircme que les eacutegaliteacutes similaires pour le logarithme drsquoun quotient ou drsquoune puissance

DossierHistoire

6 La notation exponentielle aujourdrsquohui usuelle telle a2 ou a3 se reacutepandra apregraves son utilisa-tion par Reneacute Descartes (1596-1650) dans son traiteacute La geacuteomeacutetrie (1637)

7 Voir Andreacute Ross laquo John Napier raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 8-11

8 Cette approche drsquoEuler peut ecirctre vue comme une illustration remarquable de lrsquoim-pact drsquoune bonne notation en vue de clarifier et faciliter la deacutemarche de la penseacutee

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

On observera que lrsquoideacutee drsquoun lien entre deux suites lrsquoune geacuteomeacutetrique et lrsquoautre arithmeacutetique bien que sous-jacente agrave la derniegravere eacutegaliteacute nrsquoest pas pour autant expli-citement mise en eacutevidence dans cette vision moderne (post-euleacuterienne) du logarithme Or agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier introduit ses loga-rithmes lrsquoideacutee de laquo fonction raquo nrsquoest pas dans lrsquoair du temps mdash elle ne surgira de fait que vers la fin du 17e siegravecle dans la mouvance des travaux sur le calcul infiniteacutesimal mdash de sorte que la comparaison de suites (geacuteomeacutetrique et arithmeacutetique) demeure la principale source drsquoinspiration de ses travaux

Une autre mouvance de lrsquoeacutepoque visait agrave se doter drsquooutils permettant de simplifier lrsquoexeacutecution de calculs arithmeacutetiques portant sur de gros nombres Dans un texte preacuteceacute-dent9 nous avons preacutesenteacute entre autres la meacutethode de prosthapheacuteregravese utiliseacutee vers la fin du 16e siegravecle en vue de transformer une multiplication en addition ou une division en soustraction La populariteacute de telles meacutethodes notamment dans les cercles astronomiques a certainement contribueacute agrave convaincre Napier de lrsquoimportance de deacuteve-lopper des outils permettant de raccourcir les calculs y compris dans le cas de lrsquoexponen-tiation ou de lrsquoextraction de racine Il en fait drsquoailleurs mention explicitement dans la preacute-face de son Descriptio Soulignant le caractegravere peacutenible dans la pratique des matheacutematiques de la multiplication division ou extraction de racine carreacutee ou cubique de grands nombres Napier insiste non seulement sur le temps re-quis pour exeacutecuter ces opeacuterations mais aus-si sur les nombreuses erreurs qui peuvent en reacutesulter Agrave la recherche drsquoune meacutethode sucircre et expeacuteditive afin de contourner ces difficul-teacutes il annonce qursquoapregraves lrsquoexamen de plusieurs proceacutedeacutes il en a retenu un qui rencontre ses attentes

laquo Agrave la veacuteriteacute aucun proceacutedeacute nrsquoest plus utile que la meacutethode que jrsquoai trouveacutee Car tous les nombres utiliseacutes dans les multiplica-tions les divisions et les extractions ar-

dues et prolixes de racines sont rejeteacutes des opeacuterations et agrave leur place sont substitueacutes drsquoautres nombres sur lesquels les calculs se font seulement par des additions des soustractions et des divisions par deux et par trois raquo10

La vision geacuteomeacutetrico- cineacutematique de NapierUn troisiegraveme eacuteleacutement sur lequel srsquoappuie Napier dans sa creacuteation des logarithmes est la geacuteomeacutetrie mdash plus preacuteciseacutement la geacuteomeacutetrie du mouvement Il a en effet lrsquoideacutee de comparer le deacuteplacement de deux points lrsquoun bougeant selon une vitesse11 variant de maniegravere telle que les distances parcourues en des intervalles de temps eacutegaux forment une progression geacuteomeacute-trique tandis que lrsquoautre point bougeant agrave vitesse constante deacute-termine des distances en progression arith-meacutetique Le support geacuteomeacutetrique dont se sert alors Napier peut se deacutecrire comme suit

9 Voir laquo Eacutemergence logarithmique tables et calculs raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 2-7

10 Tireacute de la preacuteface du Mirifici logarithmorum canonis descriptio (traduction personnelle)

11 Napier introduit lrsquoideacutee de mouvement degraves la deacutefinition 1 du Descriptio Il utilise explicite-ment le terme laquo vitesse raquo agrave la deacutefinition 5

Les traiteacutes de NapierCrsquoest degraves lrsquoanneacutee 1594 que Na-pier entame les travaux qui lrsquoamegraveneront agrave la notion de loga-rithme En 1614 il fait connaicirctre son invention en publiant un premier traiteacute sur le sujet mdash reacutedigeacute en latin la langue des savants de lrsquoeacutepoque Mirifici lo-garithmorum canonis descrip-tio (crsquoest-agrave-dire Description de la merveilleuse regravegle des loga-rithmes) Il srsquoagit de la premiegravere publication drsquoune table de lo-garithmes qui occupent les 90 derniegraveres pages du traiteacute Cette table est preacuteceacutedeacutee drsquoun texte de 57 pages ougrave Napier explique

ce que sont les logarithmes et comment les utiliser

Un second traiteacute de Napier sur le sujet est un ouvrage reacutedigeacute avant la parution du Descriptio mais publieacute par lrsquoun de ses fils seulement en 1619 deux ans apregraves sa mort Mirifici loga-rithmorum canonis constructio (Construction de la merveilleuse regravegle des logarithmes) Dans un texte drsquoenviron 35 pages (ac-compagneacute drsquoappendices) Na-pier preacutesente la theacuteorie sur la-quelle il srsquoest appuyeacute pour construire sa table

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Eacutetant donneacute un segment AB de longueur deacutetermineacutee il considegravere un point P partant de A avec une vitesse initiale donneacutee et se deacuteplaccedilant vers B en une seacuterie de laquo pas raquo P1 P2 P3 Pn

Napier stipule (Descriptio deacutefinition 2) que la vitesse de deacuteplacement de P le long de AB deacutecroicirct de maniegravere telle que en des temps eacutegaux la longueur de chacun des inter-valles AP1 P1P2 P2P3 P3P4 successivement parcourus par P est proportionnelle agrave la dis-tance seacuteparant P de sa cible B (lorsqursquoil est agrave lrsquoextreacutemiteacute gauche de chaque intervalle)12

APAB

P PP B

P PP B

P PP B

1 1 2

1

2 3

2

3 4

3

= = = =

On tire immeacutediatement de ces eacutegaliteacutes que

P BAB

P BP B

P BP B

P BP B

1 2

1

3

2

4

3

= = = =

(voir la Section problegravemes) de sorte que la suite de segments AB P1B P2B P3B qui correspond aux distances entre les diverses positions de P et lrsquoextreacutemiteacute B forme une suite geacuteomeacutetrique deacutecroissante (Construc-tio article 24) la longueur de chacun drsquoeux est en effet la moyenne geacuteomeacutetrique de ses deux voisins Napier considegravere alors un second point Q se deacuteplaccedilant agrave vitesse constante sur une demi-droite (donc illimiteacutee dans un sens) et de maniegravere telle qursquoau moment ougrave P passe par Pi le point Q est en un point Qi = i (voir la Section problegravemes)

Lrsquoideacutee de Napier est drsquoassocier la suite arith-meacutetique

0 1 2 3 n

correspondant aux positions successives de Q agrave la suite geacuteomeacutetrique deacutetermineacutee par les segments

AB P1B P2B P3B PnB

Mais pour que cette association soit com-plegravete il faut la geacuteneacuteraliser agrave un emplacement quelconque de P sur AB outre les positions laquo discregravetes raquo P1 P2 P3 Voici le tour de passe-passe permettant agrave Napier de contourner cette difficulteacute

Puisque des distances parcourues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est propor-tionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (voir la Section problegravemes) Ainsi quand P est agrave mi-chemin dans son trajet de A vers B sa vitesse a diminueacute de moitieacute par rapport agrave sa vitesse initiale Et quand il est rendu aux deux-tiers de lrsquointervalle AB sa vitesse ne vaut plus que le tiers de celle de deacutepart

Passant agrave une vision laquo lisse raquo mdash et non plus par laquo pas raquo mdash du deacuteplacement de P Napier en vient agrave consideacuterer ce point comme chan-geant laquo continucircment raquo de vitesse13 mdash et non pas de maniegravere abrupte et instantaneacutee en chaque point Pi Pour rester dans les mecircmes conditions que preacuteceacutedemment il suppose donc que P se deacuteplace laquo geacuteomeacute-triquement raquo de A vers B crsquoest-agrave-dire de maniegravere telle que la vitesse de P est toujours proportionnelle agrave la distance qui le seacutepare de B (Constructio article 25)

Les laquo logarithmes agrave la Napier raquo sont main-tenant agrave porteacutee de main Supposant drsquoune part que les deux points P et Q entament leur deacuteplacement agrave la mecircme vitesse le premier selon une vitesse deacutecroissant geacuteomeacutetriquement de A vers B et le second agrave vitesse constante agrave partir de 0 et suppo-sant de plus que le point Q est en y lorsque le point P est agrave une distance x de B alors y est appeleacute par Napier le logarithme de x (On eacutecrira ici par commoditeacute y = Nlog(x))

Crsquoest ainsi que le logarithme du reacuteel x est le reacuteel y deacutetermineacute par la suite arithmeacutetique associeacutee agrave la suite geacuteomeacutetrique correspon-dant agrave x

DossierHistoire

12 On notera au passage que le point P nrsquoat-teint ainsi jamais sa cible B car agrave chaque eacutetape il gruge toujours la mecircme fraction du chemin restant agrave parcourir

13 Napier nrsquoutilise pas explicitement une telle terminologie

0 y

x

Q rarrA

P rarr

B

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P1 P2 P3 P4 Pn

B

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Q1 Q2 Q3 Q4 Qn

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Valeurs numeacuteriques des logarithmes de NapierPlusieurs aspects de la notion de logarithme telle que conccedilue et mise en œuvre par Na-pier peuvent nous sembler un peu eacutetranges aujourdrsquohui On a deacutejagrave insisteacute sur la place qursquoy occupent les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique maintenant absentes du discours sur les logarithmes Une autre par-ticulariteacute est relieacutee aux valeurs numeacuteriques mecircmes deacutetermineacutees par Napier

Une motivation cleacute de Napier eacutetait de construire un outil facilitant les calculs tri-gonomeacutetriques un domaine drsquoapplication des matheacutematiques de toute premiegravere importance agrave son eacutepoque Crsquoest pour cette raison que la table produite par Napier dans son Descriptio repose non pas sur des nombres en geacuteneacuteral mais plutocirct sur le sinus des angles allant de 0deg agrave 90deg chaque degreacute eacutetant diviseacute en 60 minutes Agrave chacune de ces valeurs de sinus (il y en a donc 5 400 en tout) Napier associe son logarithme tel que deacutefini ci-haut

Il faut par ailleurs souligner que la notion de sinus de lrsquoeacutepoque nrsquoest pas tout agrave fait la mecircme qursquoaujourdrsquohui le sinus est alors non pas vu comme un rapport de cocircteacutes dans un triangle mais plutocirct comme la longueur drsquoune demi-corde dans un cercle donneacute Afin de faciliter les calculs il eacutetait drsquousage de travailler avec un cercle de grand rayon de maniegravere agrave eacuteviter lrsquoemploi de fractions et agrave se res-treindre agrave des nombres naturels Or agrave la fin du 16e siegravecle agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier entreprit ses travaux crsquoest sur un cercle de rayon 10 000 000 que srsquoappuyaient certaines des tables trigonomeacutetriques alors en circula-tion14 Crsquoest sans doute lagrave la raison pour laquelle Napier deacutecide de se servir de cette mecircme valeur pour asseoir la construction de sa table logarithmique

Il se dote donc drsquoun segment AB de longueur 107 = 10 000 000 (Constructio article 24) et il suppose que la vitesse initiale de chacun des deux points P et Q est aussi 107 (Constructio articles 25 et 26) Dans le cas de Q cette

vitesse demeure constante alors que pour P elle deacutecroicirct laquo geacuteomeacutetriquement raquo15 Or le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique doit permettre de combler les eacutecarts entre des puissances entiegraveres successives mdash voir agrave ce propos les commentaires plus haut mdash de sorte qursquoil est utile que ce rapport soit un nombre pregraves de 1 Agrave cet effet Napier choisit comme rapport

0999 999 9 11

107= minus

(Constructio articles 14 et 16) Une telle valeur a aussi comme avantage que le calcul de termes successifs de la progression geacuteomeacutetrique peut se ramener agrave une seacuterie de soustractions plutocirct que des multiplica-tions iteacutereacutees par 1 ndash 10ndash7 ce qui a permis agrave Napier de simplifier dans une large mesure la construction de sa table Cette construction demeure neacuteanmoins en pratique un accom-plissement eacutepoustouflant

On observera que les valeurs numeacuteriques des logarithmes creacuteeacutes par Napier sont fort diffeacuterentes de celles que lrsquoon connaicirct aujourdrsquohui Ainsi on a que Nlog(107) = 0 Et Nlog(x) deacutecroicirct lorsque x croicirct De plus il nrsquoest pas question de laquo base raquo dans les propos de Napier (voir agrave ce sujet la Section problegravemes) Mais lrsquoessence du logarithme est bel et bien lagrave

14 De telles tables trigonomeacutetriques ont eacuteteacute construites par Johann Muumlller alias Regio-montanus (1436-1476) et par Georg Joachim de Porris dit Rheticus (1514-1574)

15 Les valeurs choisies par Napier ont pour conseacutequence que la vitesse de P (en tant que nombre) est non seulement proportion-nelle mais est de fait eacutegale agrave la distance de P agrave B (voir la Section problegravemes)

Agrave propos de lrsquoeacutetymologie du mot logarithme

Napier a forgeacute le mot logarithme agrave partir de deux racines grecques drsquousage courant logoς laquo rapport raquo et ariqmoς laquo nombre raquo On peut voir le mot rapport ici comme refleacutetant le rapport commun des termes successifs de la suite geacuteomeacutetrique AB P1B P2B P3B

Au commencement de ses travaux Napier appelait nombres artificiels les valeurs de la suite arithmeacutetique peut-ecirctre pour les opposer aux nombres de la suite geacuteomeacute-trique qui eacutetaient en quelque sorte don-neacutes Mais le terme logarithme srsquoest rapide-ment imposeacute

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Comment ameacuteliorer une solution imparfaite agrave un problegraveme complexe

Et si on srsquoinspirait de la nature pour faire eacutevoluer les solutions

Lrsquoinspiration de la nature En 1859 le naturaliste Charles Darwin a publieacute son ceacutelegravebre ouvrage Lrsquoorigine des espegraveces qui preacutesentait une theacuteorie visant agrave expliquer le pheacutenomegravene de lrsquoeacutevolution Cette theacuteorie reacutevolutionnaire a provoqueacute plusieurs deacutebats agrave lrsquoeacutepoque mais elle est maintenant largement accepteacutee Environ 100 ans plus tard elle a inspireacute le professeur John Holland qui a tenteacute drsquoimpleacutementer artificiellement des systegravemes eacutevolutifs baseacutes sur le proces-sus de seacutelection naturelle Ces travaux ont

ensuite meneacute aux algorithmes geacuteneacutetiques qui sont maintenant utiliseacutes pour obtenir des solutions approcheacutees pour certains problegravemes drsquooptimisation difficiles

Les eacuteleacutements de base drsquoun algorithme geacuteneacutetiqueAfin de comprendre lrsquoanalogie entre le processus de seacutelection naturelle et un algo-rithme geacuteneacutetique rappelons tout drsquoabord les meacutecanismes les plus importants qui sont agrave la base de lrsquoeacutevolution

1 Lrsquoeacutevolution se produit sur des chromo-somes qui repreacutesentent chacun des individus dans une population

2 Le processus de seacutelection naturelle fait en sorte que les chromo-somes les mieux adapteacutes se reproduisent plus souvent et contribuent davantage aux popu- lations futures

3 Lors de la reproduction lrsquoinfor- mation contenue dans les chromosomes des parents est combineacutee et meacutelangeacutee pour produire les chromosomes des enfants (laquo croisement raquo)

4 Le reacutesultat du croisement peut agrave son tour ecirctre modifieacute par des perturbations aleacuteatoires (muta-tions)

Ces meacutecanismes peuvent ecirctre utiliseacutes pour speacutecifier un algorithme geacuteneacutetique tel que celui deacutecrit dans lrsquoencadreacute ci-dessous

Charles Fleurent GIRO

Algorithmes geacuteneacutetiques

Les travaux sur lrsquoeacutevolution des espegraveces vivantes du natura-liste et paleacuteontologue anglais Charles Darwin (1809-1882) ont reacutevolutionneacute la biologie Dans son ouvrage intituleacute LrsquoOrigine des espegraveces paru en 1859 Darwin preacutesente le reacutesultat de ses recherches Darwin eacutetait deacutejagrave ceacutelegravebre au sein de la communauteacute scientifique de son eacutepoque

pour son travail sur le terrain et ses recherches en geacuteologie Ses travaux srsquoinscrivent dans la fouleacutee de ceux du natura-liste franccedilais Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) qui 50 ans plus tocirct avait eacutemis lrsquohypothegravese que toutes les espegraveces vivantes ont eacutevolueacute au cours du temps agrave partir drsquoun seul ou de quelques ancecirctres communs Darwin a soutenu avec Alfred Russel Wallace (1823-1913) que cette eacutevolution eacutetait due au processus dit de la laquo seacutelection naturelle raquo

Comme il naicirct beaucoup plus drsquoindividus de chaque espegravece qursquoil nrsquoen peut survivre et que par conseacutequent il se produit souvent une lutte pour la vie il srsquoensuit que tout ecirctre srsquoil varie mecircme leacutegegraverement drsquoune maniegravere qui lui est profitable dans les conditions complexes et quelque-fois variables de la vie aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi drsquoune faccedilon naturelle En raison du principe dominant de lrsquoheacutereacutediteacute toute varieacuteteacute ainsi choisie aura tendance agrave se multiplier sous sa forme nouvelle et modifieacutee

Charles Darwin 1859 Introduction agrave LrsquoOrigine des espegraveces

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Pour adapter un algorithme geacuteneacutetique agrave un problegraveme drsquooptimisation combinatoire il suf-fit alors de speacutecialiser certaines composantes agrave la structure particuliegravere de ce dernier En geacuteneacuteral les deacutecisions portent sur les aspects suivants

Codage des solutions il faut eacutetablir une correspondance entre les solutions du problegraveme et les chromosomes

Opeacuterateurs geacuteneacutetiques il faut deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation pour les chromosomes

Eacutevaluation des chromosomes la me-sure drsquoadaptation des chromosomes agrave leur environnement est donneacutee par une fonction qui est calculeacutee par un processus plus ou moins complexe

Il existe plusieurs moyens pour mettre en œuvre certains des meacutecanismes importants drsquoun algorithme geacuteneacutetique Par exemple la seacutelection des parents peut srsquoeffectuer de diverses faccedilons Dans une population P = x1 x2 hellip xN ougrave la mesure drsquoadaptation drsquoun individu est eacutevalueacutee par une fonction ƒ lrsquoopeacuterateur classique consiste agrave associer agrave chaque individu xi une probabiliteacute pi drsquoecirctre seacutelectionneacute proportionnelle agrave la valeur de f pour cet individu crsquoest-agrave-dire

pf x

f x( )

( )i

i

jj Psum

=

isin

En pratique on utilise souvent drsquoautres meacute-thodes de seacutelection pouvant se parameacutetrer plus facilement Ainsi dans la seacutelection par tournoi un ensemble drsquoindividus est seacutelec-tionneacute aleacuteatoirement dont les meilleurs eacuteleacute-ments seulement sont retenus Pour choi-sir deux parents on peut donc seacutelectionner aleacuteatoirement 5 individus et ne garder que les deux meilleurs Dans drsquoautres meacutethodes les individus sont ordonneacutes selon leur va-leur pour la fonction ƒ et la seacutelection srsquoeffec-tue aleacuteatoirement selon le rang occupeacute par chaque individu On utilise alors une distri-bution biaiseacutee en faveur des individus en tecircte de liste

Un autre meacutecanisme important est le mode de remplacement des individus de la popula-tion Dans le modegravele original chaque popu-lation de N individus est totalement rempla-ceacutee agrave chaque geacuteneacuteration Drsquoautres strateacutegies laquo eacutelitistes raquo font en sorte drsquoassurer agrave chaque geacuteneacuteration la survie des meilleurs individus de la population Crsquoest le cas entre autres des modegraveles laquo stationnaires raquo ougrave un nombre res-treint drsquoindividus est remplaceacute agrave chaque geacute-neacuteration Dans ce cas on ajoute souvent des meacutecanismes suppleacutementaires empecircchant lrsquoajout drsquoindividus identiques (doublons) dans la population Des implantations plus eacutevo-lueacutees existent eacutegalement pour des architec-tures parallegraveles

Un algorithme geacuteneacutetique 1 Construire une population initiale de N

solutions

2 Eacutevaluer chacun des individus de la population

3 Geacuteneacuterer de nouvelles solutions en seacutelectionnant les parents de faccedilon proportionnelle agrave leur eacutevaluation Appliquer les opeacuterateurs de croisement et de mutation lors de la reproduction

4 Lorsque N nouveaux individus ont eacuteteacute geacuteneacutereacutes ils remplacent alors lrsquoancienne population Les individus de la nouvelle population sont eacutevalueacutes agrave leur tour

5 Si le temps alloueacute nrsquoest pas deacutepasseacute (ou le nombre de geacuteneacuterations maximal nrsquoest pas atteint) retourner agrave lrsquoeacutetape 3

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Repreacutesentation des solutions et opeacuterateurs geacuteneacutetiquesLes premiers algorithmes geacuteneacutetiques utili-saient tous une repreacutesentation binaire ougrave chaque solution s est codeacutee sous la forme drsquoune chaicircne de bits de longueur n ie s[i ] isin 0 1 foralli =1 2 hellip n Pour cette repreacute-sentation lrsquoopeacuterateur de croisement classique agrave un point consiste agrave choisir de faccedilon uniforme une position de coupure aleacuteatoire l isin 1 2 hellip nminus1 Si les parents p1 et p2 ont eacuteteacute seacutelectionneacutes pour la reproduction les solutions enfants e1 et e2 sont alors construites de la faccedilon suivante

e1[i ] = p1[i ] foralli isin1 hellip l e1[i ] = p2[i ] foralli isinl + 1 hellip n e2 [i ] = p2[i ] foralli isin1 hellip l e2 [i ] = p1[i ] foralli isinl + 1 hellip nLorsqursquoon itegravere avec drsquoautres paires de parents on choisit aleacuteatoirement pour chaque paire de parents un nouvel opeacuterateur de croisement agrave un point Lrsquoopeacuterateur agrave un point peut se geacuteneacuteraliser en seacutelectionnant k positions aleacuteatoires plutocirct qursquoune seule Dans ce cas les enfants sont produits en eacutechan-geant lrsquoinformation chromosomique entre les k points de coupure En pratique la valeur k = 2 est couramment utiliseacutee Un autre opeacuterateur tregraves populaire (croisement uni-forme) utilise une chaicircne de bits geacuteneacutereacutee aleacuteatoirement pour engendrer les enfants Pour chaque position le choix aleacuteatoire in-dique quel parent deacuteterminera la valeur des enfants Des exemples des opeacuterateurs de croisement agrave un point agrave deux points et uniforme sont illustreacutes dans les tableaux suivants Des reacutesultats theacuteoriques et empi-riques indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme donne geacuteneacuteralement des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux produits par les deux autres

Opeacuterateur de croisement agrave un point

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 0 1 1

0 1 0 1 0 1 1 0 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement agrave deux points

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 1 0 1

0 1 0 1 0 1 0 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement uniforme

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 1 0 1 1 1 0 0 1

0 1 1 0 1 0 1 0 0

0 0 0 1 0 1 1 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Chaicircnealeacuteatoirede bits

Avec une repreacutesentation binaire on utilise geacuteneacuteralement lrsquoopeacuterateur de mutation clas-sique qui consiste agrave changer aleacuteatoirement un bit pour son compleacutement

Opeacuterateur de mutation classique

Enfant 1 0 0 1 0 1 1 0 1

1 1 0 1 0 1 1 0 0Enfant

Mutationsaleacuteatoires

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Un exemple le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteennePour certains problegravemes la repreacutesentation binaire des solutions est tout agrave fait intuitive et bien adapteacutee Crsquoest le cas par exemple du problegraveme de satisfaisabiliteacute (SAT) Eacutetant donneacute une expression logique F de n variables boo-leacuteennes x1 x2 hellip xn (voir encadreacute) ce problegraveme fondamental (qui est agrave la base de la theacuteorie de la NP-compleacutetude) consiste agrave trouver une affectation aux variables de faccedilon agrave satisfaire F En eacutetablissant les correspondances faux harr 0 vrai harr 1 on peut repreacutesenter chaque solution par une chaicircne binaire de longueur n et utiliser les opeacuterateurs geacuteneacute-tiques classiques deacutecrits preacuteceacutedemment

Pour eacutevaluer les solutions lrsquoexpression logique F peut ecirctre exprimeacutee comme une conjonction (voir encadreacute) de m clauses

F = Cj j =1

m

Chaque clause est alors deacutefinie par une disjonction de variables booleacuteennes dont certaines sont associeacutees agrave un opeacuterateur de neacutegation (indiqueacute par le symbole ndash ) Pour satisfaire F il faut donc satisfaire toutes ses clauses Pour un algorithme geacuteneacutetique chaque solution peut ecirctre simplement eacuteva-lueacutee par le nombre de clauses qursquoelle satisfait par exemple noteacute par f Si on considegravere par exemple lrsquoexpression suivante pour F

= and or and or or

and or or or

and or or or or

F x x x x x x

x x x x

x x x x x

( ) ( ) ( )

( )

( )

1 1 2 1 2 3

1 2 3 4

1 2 3 4 5

la solution (1 0 1 0 0) satisfait toutes les clauses sauf la premiegravere alors que la solution (0 1 1 0 1) satisfait toutes les clauses et donc lrsquoexpression F

Avec une repreacutesentation des chro-mosomes une fonction drsquoadaptation f et des opeacuterateurs de croisement et de mutation nous avons tous les eacuteleacutements pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique simple pour le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteenne Le processus peut ecirctre illustreacute par le tableau en bas de page avec un opeacuterateur de croisement uniforme repreacutesenteacute par la chaicircne de bits U Dans cet exemple simplifieacute lrsquoalgo-rithme a produit en six geacuteneacuterations une solution qui satisfait lrsquoexpression boo-leacuteenne F (les 5 clauses sont satisfaites pour un individu de la population) Pour une fonction plus complexe comprenant un grand nombre de va-riables on utilise des populations plus importantes et laisse la population eacutevoluer lentement vers des solutions de bonne qualiteacute

Variables booleacuteennes

Opeacuterateurs booleacuteens

Une variable booleacuteenne est une variable qui ne peut prendre que deux valeurs logiques VRAI ou FAUX On peut utiliser 1 et 0 pour repreacutesenter ces deux valeurs

Un opeacuterateur booleacuteen est un opeacuterateur qui sap-plique sur une ou deux variables booleacuteennes

La neacutegation drsquoune variable booleacuteenne x qui est noteacutee x change la valeur de la variable booleacuteenne x

Variable Neacutegation

10

01

x x

La conjonction de deux variables x et y noteacutee x and y prend la valeur 1 si les variables x et y ont toutes deux la valeur 1 Dans les autres cas elle prend la valeur 0

Variables Conjonction

1100

1010

1000

x y x y

La disjonction de deux variables x et y noteacutee x or y prend la valeur 1 si au moins lrsquoune des variables a la valeur 1 Elle prend la valeur 0 si les deux variables ont la valeur 0

Variables Disjonction

1100

1010

1110

x y x y

Geacuteneacuteration

5

(0 0 1 0 0) f = 4(0 0 1 0 1) f = 3(0 0 1 1 1) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

(0 0 1 0 0) f = 4(1 0 1 1 0) f = 4(0 0 1 1 1) f = 4

U = (0 1 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4 (1 0 1 1 0) f = 4

(0 1 1 1 0) f = 5U = (0 0 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

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Population Enfant Enfant muteacute

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Autres exemplesLes algorithmes geacuteneacutetiques ne sont pas applicables qursquoaux repreacutesentations binaires Par exemple le problegraveme classique du com-mis voyageur (Traveling Salesman Problem ou TSP) consiste agrave identifier une tourneacutee agrave coucirct minimal qui visite chaque ville drsquoun ensemble agrave couvrir Mecircme si une tourneacutee pourrait alors theacuteoriquement ecirctre repreacutesenteacutee par une chaicircne de booleacuteens on preacutefegravere geacuteneacuterale-ment utiliser une repreacutesentation plus directe sous forme de permutation Chaque permu-tation speacutecifie alors lrsquoordre dans lequel sont visiteacutees les villes

On doit alors deacutefinir des opeacuterateurs de mutation et de croisement pour une repreacutesentation sous forme de permutation Pour la muta-

tion un simple eacutechange entre deux villes dans une seacutequence pourra faire lrsquoaffaire Par exemple

Tourneacutee originale (Montreacuteal Rimou- ski Saguenay Val drsquoOr Queacutebec Sher-brooke)

Apregraves mutation (Montreacuteal Rimouski Saguenay Sherbrooke Queacutebec Val drsquoOr) Pour le croisement il est facile de constater que des opeacuterateurs sem-blables agrave ceux deacutecrits preacuteceacutedemment ne pourraient preacuteserver la structure de permutation Plusieurs opeacuterateurs valides ont toutefois eacuteteacute proposeacutes Agrave titre drsquoexemple lrsquoopeacuterateur OX choisit une sous-seacutequence dans la seacutequence drsquoun des parents et place les villes res-tantes dans lrsquoordre deacutefini par lrsquoautre

parent Dans le tableau ci-dessous deux po-sitions sont choisies aleacuteatoirement afin de deacutefinir une sous-seacutequence chez le premier parent (eacutetape 1) Agrave lrsquoeacutetape 2 les villes res-tantes sont placeacutees selon lrsquoordre induit par le deuxiegraveme parent

P1 Mtl Sag Val Queacute Shb RimQueacute Rim Mtl Shb Sag Val

Rim Sag Val Queacute Mtl Shb

Rim Mtl ShbSag Val Queacute

P2

Eacute1Eacute2

Enf

Ss

Une fois la repreacutesentation et les opeacuterateurs de base deacutefinis on peut simplement eacutevaluer chaque tourneacutee par la distance parcourue et tous les eacuteleacutements sont en place pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique pour le problegraveme TSP

Coloration de grapheUn autre problegraveme classique celui de colo-ration de graphe1 est aussi abordable par les algorithmes geacuteneacutetiques

Pour un graphe G = (V E) constitueacute drsquoun en-semble de nœuds V et drsquoarecirctes E un coloriage est une partition de V en k sous-ensembles (couleurs) C1 C2 hellip Ck pour lesquels u v isin Ci rArr (u v) notinE ie que deux nœuds ne peuvent avoir la mecircme couleur srsquoils sont lieacutes par une arecircte Le problegraveme de coloration de graphe consiste agrave trouver un coloriage utilisant un nombre minimal de sous-ensembles Ce type drsquoapproche permet notamment de reacutesoudre agrave coucirct minimum des conflits drsquohoraire En pratique on choisit drsquoabord une valeur-cible pour k et chaque chromosome constitue une partition de V en k sous-ensembles Les so-lutions sont codeacutees sous forme de chaicircnes en liant lrsquoindice de chaque nœud agrave lrsquoun des k sous-ensembles

DossierApplications

1 Voir laquo Le theacuteoregraveme des quatre couleurs raquo Accromath 141 2019

Coloration de grapheEn theacuteorie des graphes la coloration de graphe consiste agrave attribuer une couleur agrave chacun de ses sommets de maniegravere que deux sommets relieacutes par une arecircte soient de couleur diffeacuterente On cherche souvent agrave utiliser le nombre minimal de couleurs appeleacute nombre chromatique

12

34

5

6

7

89Un coloriage imparfait

10

Mtl Rim

SagShb

ValQueacute

2

6 3

4

1

5

Mtl Rim

SagShb

QueacuteVal

2

6 3

4

1

5

Mutation drsquoune tourneacutee

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Par exemple si on associe C1 agrave bleu C2 agrave rouge et C3 agrave vert dans le coloriage im-parfait de la page preacuteceacutedente la partition des nœuds associeacutee agrave cette solution est (1 2 3 2 3 2 1 2 3 1) car les nœuds 1 7 et 10 sont dans C1 les nœuds 2 4 6 et 8 dans C2 et les nœuds 3 5 et 9 dans C3 En deacutefinissant la fonction f comme le nombre de fois ougrave la regravegle du coloriage nrsquoa pas eacuteteacute respecteacutee on obtient f (C1 C2 C3) = 0 + 1 + 1 = 2 car on a 0 arecircte dans C1 1 arecircte dans C2 (entre les nœuds 2 et 4) et 1 dans C3 (entre les nœuds 3 et 5)

De faccedilon geacuteneacuterale le problegraveme de coloriage consiste agrave geacuteneacuterer une partition telle que f (C1 C2 Ck) = 0 avec un k le plus petit possible Avec la repreacutesentation en chaicircne de la partition il est facile de deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation semblables agrave ceux utiliseacutes pour les repreacutesen-tations binaires Les reacutesultats rapporteacutes dans la litteacuterature indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme domine encore ceux agrave un point et agrave deux points

Est-ce que ccedila fonctionne Il nrsquoy a aucun doute que les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent ecirctre utiliseacutes pour traiter des problegravemes drsquooptimisation Leur performance relative varie cependant selon les contextes Lorsqursquoun problegraveme est bien eacutetudieacute il est geacuteneacuteralement preacutefeacuterable drsquoavoir recours agrave des algorithmes speacutecialiseacutes qui peuvent tirer avantage de certaines structures speacutecifiques Pour le problegraveme TSP par exemple des approches baseacutees sur la programmation en nombres entiers peuvent maintenant reacutesoudre de faccedilon optimale des exemplaires de plusieurs dizaines de milliers de villes Il serait donc mal aviseacute drsquoutiliser un algorithme geacuteneacutetique pour reacutesoudre ce problegraveme (agrave moins de vouloir eacutetudier leur comportement ce qui peut ecirctre tout agrave fait leacutegitime et amusant)

Les algorithmes geacuteneacutetiques ont tout de mecircme lrsquoavantage drsquoecirctre simples agrave mettre en place En fait une meacutethode de codage des opeacuterateurs de croisement et de mutation ainsi qursquoune fonction drsquoeacutevaluation sont suf-fisants pour utiliser une approche eacutevolutive On obtient alors une approche robuste qui peut ecirctre tregraves utile si la fonction agrave optimiser est laquo floue raquo (fuzzy) ou si on dispose de peu de temps pour eacutetudier le problegraveme agrave optimiser

Les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent eacutega-lement ecirctre combineacutes agrave drsquoautres approches drsquooptimisation pour donner lieu agrave des meacutethodes hybrides tregraves puissantes souvent parmi les meilleures disponibles On peut par exemple utiliser des opeacuterateurs de mutation plus sophistiqueacutes pour optimiser le reacutesultat de chaque croisement Pour lrsquoalgorithme hybride reacutesultant la composante laquo geacuteneacute-tique raquo vise alors agrave enrichir la recherche en misant sur les eacuteleacutements qui constituent sa force ie lrsquoutilisation drsquoune population diver-sifieacutee qui permet lrsquoaccegraves aux caracteacuteristiques varieacutees de plusieurs individus et au proces-sus de seacutelection (artificielle dans ce cas) afin drsquoorienter lrsquoexploration vers les meilleures reacutegions de lrsquoespace de solutions Crsquoest bien lagrave lrsquoune des leccedilons agrave tirer de lrsquoobservation de la nature

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Rubrique des

Jean-Paul DelahayeUniversiteacute des Sciences et Technologies de Lille

Lrsquoinformation paradoxale

Comme le preacuteceacutedent ce paradoxe est aussi un paradoxe sur lrsquoinformation cacheacutee cependant il neacutecessite une patience bien supeacuterieure pour ecirctre reacutesolu ou lrsquoaide drsquoun ordinateur

On choisit cinq nombres a b c d et e veacuterifiant les relations

1 le a lt b lt c lt d lt e le 10

Autrement dit les cinq nombres sont compris entre 1 et 10 tous diffeacuterents et classeacutes par ordre croissant On indique leur produit P agrave Patricia (qui est brune) leur somme S agrave Sylvie (qui est blonde) la somme de leurs carreacutes

C = a2 + b2 + c2+ d2 + e2

agrave Christian (qui est barbu) et la valeur

V = (a + b + c)(d + e)

agrave Vincent (qui est chauve)

Ils doivent deviner quels sont les nombres a b c d et e

1- Une heure apregraves qursquoon leur a poseacute le problegraveme les quatre personnages qursquoon interroge simultaneacutement reacutepondent tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

2- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

3- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo Etc

23- Une heure apregraves (soit 23 heures apregraves la formulation de lrsquoeacutenonceacute ) les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

Cependant apregraves cette 23egraveme reacuteponse les visages des quatre personnages srsquoeacuteclairent drsquoun large sourire et tous srsquoexclament laquo crsquoest bon maintenant je connais a b c d et e raquo

Vous en savez assez maintenant pour deviner les 5 nombres a b c d e Il semble paradoxal que la reacutepeacutetition 23 fois de la mecircme affirmation drsquoignorance de la part des personnages soit porteuse drsquoune information Pourtant crsquoest le cas Essayez de comprendre pourquoi et ensuite armez-vous de courage la solution est au bout du calcul

Solution du paradoxe preacuteceacutedent

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Solution du paradoxe preacuteceacutedent

Lrsquoinformation paradoxaleIl arrive que lrsquoon pense ne pas disposer drsquoassez drsquoinfor-mations pour reacutesoudre un problegraveme alors qursquoen reacutealiteacute tout est agrave notre disposition Certaines situations sont si extraordinaires qursquoelles apparaissent paradoxales En voici un exemple

Un homme bavarde avec le facteur sur le pas de la porte de sa maison Il lui dit

laquo Crsquoest amusant je viens de remarquer que la somme des acircges de mes trois filles est eacutegale au numeacutero de ma maison dans la rue Je suis sucircr que si je vous apprends que le produit de leur acircge est 36 vous saurez me dire leur acircge respectif raquo

Le facteur reacutefleacutechit un moment et lui reacutepond

laquo Je suis deacutesoleacute mais je ne peux pas trouver raquo

Lrsquohomme srsquoexclame alors laquo Ah oui Jrsquoavais oublieacute de vous dire que lrsquoaicircneacutee est blonde raquo

Quelques secondes apregraves le facteur lui donne la bonne reacuteponse Aussi paradoxal que cela apparaisse vous pouvez deacuteduire de cet eacutechange lrsquoacircge des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte

SolutionLes diffeacuterentes deacutecompositions de 36 en produit de trois entiers et les sommes des facteurs sont donneacutees dans le tableau ci-contre

Le facteur connaicirct la somme des acircges des trois filles car il est sur le pas de la porte Srsquoil ne peut pas trouver leurs acircges respectifs crsquoest que parmi les produits possibles compatibles avec la somme qursquoil connaicirct il y en a deux qui donnent la mecircme somme Crsquoest donc que la somme est 13 Les deux possibiliteacutes sont donc 1-6-6 et 2-2-9 La premiegravere est eacutelimineacutee car deux enfants ne peuvent avoir le mecircme acircge que srsquoils sont jumeaux et alors il nrsquoy a pas drsquoaicircneacutee La solution est donc 2-2-9 Les acircges des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte sont 2 2 et 9 ans

Produits1times1times362times3times63times3times4

1times2times181times3times121times6times61times4times92times2times9

3811102116131413

Sommes

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Algorithmes dans lrsquohistoire1 Deacuteterminer les PGCD des couples

a) 924 3 135 c) 2 530 9 639

b) 83 337

Lrsquoheacuteritage de Fermat1 Appliquer la meacutethode de Fermat pour

factoriser les nombres suivants

a) 493 b) 1247 c) 6 903

2 Supposons qursquoun entier n est le produit de deux nombres premiers p lt q et que q ndash p lt p2 2 Montrer qursquoen utilisant la meacutethode de Fermat ce nombre n peut ecirctre factoriseacute en seulement une eacutetape

Eacutemergence logarithmique1 Soit la suite arithmeacutetique

a nd( ) n+ isin

a) Montrer que chaque terme (agrave lrsquoex- ception du premier) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins

b) Montrer un reacutesultat analogue pour la suite geacuteomeacutetrique

ar( ) nnisin

2 Montrer qursquoen termes modernes le passage de LrsquoAreacutenaire ci-haut porte sur les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacute-trique et sur la regravegle du produit de deux puissances

Tuyau Des nombres laquo continucircment en proportion agrave partir de lrsquouniteacute raquo forment une suite geacuteomeacutetrique dont le premier terme est 1

3 En comparant les deux tables tireacutees de la tablette MLC 02078 (pp 19 et 20) on y voit la suite geacuteomeacutetrique

2 ndash 4 ndash 8 ndash 16 ndash 32 ndash 64

ecirctre associeacutee agrave deux suites arithmeacutetiques Relier directement ces deux suites arith-meacutetiques lrsquoune agrave lrsquoautre

Tuyau On peut y voir du logarithme

4 Soit deux points P1 et P2 sur un segment AB (voir figure) Montrer que

a) si APAB

P PP B

1 1 2

1

= alors P BAB

P BP B

1 2

1

=

b) la reacuteciproque est elle aussi valide

5 La suite de segments AB P1B P2B P3B forme une progression geacuteomeacutetrique deacutecroissante (p 22) On deacutesigne par r le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique (on a donc r lt 1) et par z la longueur du segment AB

a) Interpreacuteter en termes de z et de r les segments AB P1B P2B P3B

b) Exprimer agrave lrsquoaide de z et de r les longueurs des intervalles AP1 P1P2 P2P3 P3P4

c) Appliquer ces reacutesultats aux valeurs numeacuteriques choisies par Napier (voir p 23)

d) Et que dire dans ce contexte de la suite arithmeacutetique deacutetermineacutee par le mouve-ment du point Q (p 22)

6 a) Expliquer lrsquoobservation dans lrsquoencadreacute ci-bas au cœur de la deacutemarche de Napier

b) En conclure que pour Napier la vitesse de P en un point donneacute est eacutegale agrave sa distance de lrsquoextreacutemiteacute B

Tuyau La constante de proportionnaliteacute de la partie a) est 1

7 On veut interpreacuteter ici le modegravele geacuteomeacute-trico-cineacutematique de Napier agrave lrsquoaide du calcul diffeacuterentiel et inteacutegral (moderne) On appelle x(t) la distance seacuteparant P de lrsquoextreacutemiteacute B au temps t et y(t) la position du point Q au temps t

a) Montrer que le deacuteplacement de Q est deacutecrit par lrsquoeacutequation diffeacuterentielle dydt = 107 avec comme condition initiale y(0) = 0

Tuyau La vitesse est la deacuteriveacutee de la distance parcourue par rapport au temps

b) Montrer de mecircme que le deacuteplace-ment de P est deacutecrit par dxdt = ndashx avec x(0) = 107

c) Reacutesoudre ces deux eacutequations diffeacuteren-tielles

d) Montrer comment on pourrait en tirer une notion de laquo base raquo pour les loga-rithmes de Napier1

1 Au plan historique une telle ideacutee de laquo base raquo chez Napier est une pure fabulation

Section problegravemes

Agrave propos de Napier

Puisque des distances parcou-rues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est pro-portionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (p 22)

Archimegravede LrsquoAreacutenaire

Si des nombres sont continucircment en pro- portion agrave partir de lrsquouniteacute et que cer-tains de ces nombres sont multiplieacutes entre eux le produit sera dans la mecircme pro-gression eacuteloigneacute du plus grand des nom- bres multiplieacutes drsquoautant de nombres que le plus petit des nom- bres multiplieacutes lrsquoest de lrsquouniteacute dans la pro-gression et il sera eacuteloigneacute de lrsquouniteacute de la somme moins un des nombres dont les nombres multiplieacutes sont eacuteloigneacutes de lrsquouniteacute

A

P1 P2

B

Pour en s voir plus

Histoire des matheacutematiques

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

bull Le livre Havil Julian John Napier Life Logarithms and Legacy Princeton University Press 2014 est une mine drsquoor pour des informations sur la vie et lrsquoœuvre de Napier

bull Le contexte ayant meneacute agrave la naissance des logarithmes est exposeacute dans Friedelmeyer Jean-Pierre laquo Contexte et raisons drsquoune lsquomirifiquersquo invention raquo In Eacutevelyne Barbin et al Histoires de logarithmes pp 39-72 Ellipses 2006 Le sous-titre de lrsquoarticle drsquoAccromath a eacuteteacute emprunteacute au titre de ce texte

bull Les deux traiteacutes de Napier sur les logarithmes le Mirifici logarithmorum canonis descriptio et le Mirifici logarithmorum canonis constructio peuvent ecirctre trouveacutes facilement (en latin) sur la Toile Une traduction anglaise de ces traiteacutes est accessible agrave partir du site de Ian Bruce sur les matheacutematiques des 17e et 18e siegravecles httpwww17centurymathscom

bull La citation de Laplace se retrouve aux pp 446-447 de Œuvres complegravetes de Laplace Exposition du systegraveme du monde (6e eacutedition) Bachelier Imprimeur-Libraire 1835 (Disponible sur Google Livres)

bull La tablette meacutesopotamienne MLC 02078 est eacutetudieacutee (pp 35-36) dans Neugebauer Otto et Sachs Abraham Mathematical Cuneiform Texts American Schools of Oriental Research 1945

bull Pour plus drsquoinformation sur lrsquoemploi des vocables laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo voir Charbonneau Louis laquo Progression arithmeacutetique et progression geacuteomeacutetrique raquo Bulletin AMQ 23(3) (1983) 4-6

bull Publieacutes en allemand en 1770 les Eacuteleacutements drsquoalgegravebre de Leonhard Euler sont parus en traduction franccedilaise degraves 1774 Cette version est accessible agrave partir du site Gallica de la Bibliothegraveque nationale de France httpsgallicabnffr

bull Lrsquoextrait de LrsquoAreacutenaire mdash voir la Section problegravemes mdash se trouve (p 366) dans Ver Eecke Paul Les œuvres complegravetes drsquoArchimegravede tome 1 Vaillant-Carmanne 1960

Applications des matheacutematiques

Lrsquoheacuteritage de Fermat

bull WB Hart laquo A one line factoring algorithmraquo J Aust Math Soc 92 (2012) no 1 61ndash69

bull RS Lehman laquo Factoring large integers raquo Math Comp 28 (1974) 637ndash646

bull MA Morrison and J Brillhart laquo A method of factoring and the factorization of F 7 raquo Math Comp 29 (1975) 183ndash205

bull C Pomerance laquoThe quadratic sieve factoring algorithm raquo Advances in Cryptology (Paris 1984) 169-182 Lecture Notes in Comput Sci 209 Springer Berlin 1985

Accromath est une publication de lrsquoInstitut des sciences matheacutema-tiques (ISM) et du Centre de recherches matheacutematiques (CRM) La revue srsquoadresse surtout aux eacutetudiantes et eacutetudiants drsquoeacutecole secon-daire et de ceacutegep ainsi qursquoagrave leurs enseignantes et enseignants

LrsquoInstitut des sciences matheacutematiques est une institution unique deacutedieacutee agrave la promotion et agrave la coordination de lrsquoenseignement et de la recherche en sciences matheacutematiques au Queacutebec En reacuteunissant neuf deacutepartements de matheacutematiques des universiteacutes queacutebeacutecoises (Concordia HEC Montreacuteal Universiteacute Laval McGill Universiteacute de Montreacuteal UQAM UQTR Universiteacute de Sherbrooke Bishoprsquos) lrsquoInstitut rassemble un grand bassin drsquoexpertises en recherche et en enseignement des matheacutematiques LrsquoInstitut anime de nombreuses activiteacutes scientifiques dont des seacuteminaires de recherche et des colloques agrave lrsquointention des professeurs et des eacutetudiants avanceacutes ainsi que des confeacuterences de vulgarisation donneacutees dans les ceacutegeps Il offre eacutegalement plusieurs programmes de bourses drsquoexcellence

LrsquoISM est financeacute par le Ministegravere de lrsquoEnseignement supeacuterieur et par ses neuf universiteacutes membres

Le Centre de recherches matheacutematiques est un centre national pour la recherche fondamentale en matheacutematiques et ses applica-tions Les scientifiques du CRM comptent plus drsquoune centaine de membres reacuteguliers et de stagiaires postdoctoraux Lieu privileacutegieacute de rencontre le Centre est lrsquohocircte chaque anneacutee de nombreux visi-teurs et drsquoateliers de recherche internationaux

Les activiteacutes scientifiques du CRM comportent deux volets principaux les projets de recherche qursquoentreprennent ses laboratoires et les activiteacutes theacutematiques organiseacutees agrave lrsquoeacutechelle internationale Ces derniegraveres ouvertes agrave tous les domaines impliquent des chercheurs du CRM et drsquoautres universiteacutes Afin drsquoassurer une meilleure diffusion des reacutesultats de recherches de ses collaborateurs le CRM a lanceacute en 1989 un programme de publications en collaboration avec lrsquoAmerican Mathematical Society et avec Springer

Le CRM est principalement financeacute par le CRSNG (Conseil de recherches en sciences naturelles et en geacutenie du Canada) le FQRNT (Fonds queacutebeacutecois de recherche sur la nature et les technologies) lrsquoUniversiteacute de Montreacuteal et par six autres universiteacutes au Queacutebec et en Ontario

Accromath beacuteneacuteficie de lrsquoappui de la Dotation Serge-Bissonnette du CRM

OR2010

BRONZE2011

BRONZE2014

OR2012

2008

Prix speacutecial de la ministre 2009

Prix Anatole Decerf 2012

Page 8: L’héritage de Pierre de Fermat La factorisation des grands ...

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DossierHistoire

Pour repreacutesenter une fraction le scribe eacutegyptien inscrivait lrsquohieacuteroglyphe au-dessus drsquoun nombre Ainsi pour repreacutesenter la fraction 112 le scribe doit eacutecrire Cette faccedilon de faire a un inconveacutenient le numeacuterateur des fractions est toujours lrsquouniteacute (sauf pour 23 pour lequel on disposait drsquoun hieacuteroglyphe particulier)

Pour indiquer 38 le scribe devait donc consideacuterer que 38 = 14 + 18 et eacutecrire

Reacuteglettes de Napier et extraction de racinesLa multiplication et la division en numeacuteration eacutegyptienne illustrent le fait qursquoun algorithme deacutepend du systegraveme de numeacuteration utiliseacute Il peut aussi deacutependre de lrsquoinstrument de calcul utiliseacute Napier a deacuteveloppeacute un algorithme pour extraire une racine carreacutee agrave lrsquoaide de ses reacuteglettes5

Lrsquoalgorithme de Napier repose sur la meacutethode traditionnelle laquo agrave la main raquo pour extraire une racine carreacutee6 Il considegravere une reacuteglette suppleacutementaire (en jaune dans les illustrations) repreacutesentant les car-reacutes des nombres de 1 agrave 9 Lrsquoalgo-rithme srsquoapplique agrave un nombre srsquoeacutecrivant avec un nombre pair de chiffres que lrsquoon divise en tranches de deux chiffres (si ce nrsquoest pas le cas on ajoute un 0 agrave la gauche du nombre) Effectuons lrsquoextraction de

la racine carreacutee du nombre 463 856

Dans ce nombre la premiegravere tranche de deux chiffres est 46 Le plus grand chiffre dont le carreacute est infeacuterieur agrave 46 est 6 Crsquoest le premier chiffre du reacutesultat

463 856 6=

En soustrayant de 46 le carreacute de 6 on obtient 10 et on abaisse les deux chiffres suivant du nombre agrave extraire

463 85636ndash10 3 8

On dispose dans le plateau les reacuteglettes du double du premier chiffre du reacutesultat (ici les reacuteglettes 1 et 2 pour 12) suivies de la reacuteglette

jaune et on repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutediatement 1 038 dans ceux repreacutesenteacutes par les lignes du plateau Sur la huitiegraveme ligne on lit 1 024

Le deuxiegraveme chiffre de la racine carreacutee est donc 8

463 856 68=

On soustrait 1 024 de 1 038 ce qui donne 14 et on abaisse la tranche des deux chiffres suivants du nombre agrave extraire ce qui donne 1 456

On double le second chiffre de la racine 2 times 8 = 16 que lrsquoon ajoute au nombre 12 deacutejagrave formeacute en le multipliant par 10 soit 12 times 10 + 16 =136

On dispose dans le plateau les reacuteglettes du nombre 136 suivis de la reacuteglette jaune et on

5 Les algorithmes pour la multiplication et la division agrave lrsquoaide de reacuteglettes ont eacuteteacute preacutesen-teacutes dans lrsquoarticle laquoJohn Napierraquo Accromath Vol 14 hiver-printemps 2019

6 Lrsquoalgorithme traditionnel pour la racine carreacutee fait lrsquoobjet du problegraveme laquo Racines cristallines raquo drsquoAccromath (vol 11 eacuteteacute-automne 2016 p 32) en lien avec le texte laquo Glanures matheacutematico-litteacuteraires (II) raquo de Bernard R Hodgson

Le symbole deacutesigne une addition alors que indique

une soustraction

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Plus grand carreacuteinfeacuterieur agrave 47

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutediate-ment 1 456 Sur la premiegravere ligne on a 1 361 Le troisiegraveme chiffre de la racine est donc 1

463 856 681=

En soustrayant 1 361 de 1 456 on obtient 95 Crsquoest la derniegravere tranche de deux chiffres du nombre dont on veut extraire la racine on ajoute une virgule deacutecimale et on abaisse 00 pour obtenir 9 500

On double le troisiegraveme chiffre de la racine 2 times 1 = 2 que lrsquoon ajoute au nombre deacutejagrave formeacute que lrsquoon multiplie par 10 soit 136 times 10 + 2 =1 362 On dispose dans le

plateau les reacuteglettes du nombre 1 362 suivis de la reacuteglette jaune On remarque que le nombre sur la ligne 1 est plus grand que 9500 On ajoute un 0 apregraves la virgule deacutecimale

463 856 6810=

et on abaisse agrave nouveau 00 ce qui donne 950 000 On intercale la reacuteglette de 0 avant la reacuteglette jaune

On repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutedia-tement 950 000 crsquoest 817 236 sur la ligne 6 Le deuxiegraveme chiffre apregraves la virgule deacutecimale est donc 6 Ce qui donne

463 856 68106=

On poursuit ainsi en abaissant 00 agrave chaque eacutetape jusqursquoagrave ce que lrsquoon obtienne la preacuteci-sion chercheacutee

Pour y voir plus clairOn cherche agrave exprimer le nombre dont on veut extraire la racine carreacutee sous la forme

463 856 = (a times 102 + b times 10 + c)2 + Rcar il est clair que la partie entiegravere de cette racine carreacutee srsquoeacutecrit avec trois chiffres

Agrave chaque eacutetape du calcul on exprime le nombre comme somme drsquoun carreacute parfait et drsquoun terme reacutesiduel allant chercher un des trois chiffres a b et c agrave la fois

Agrave la premiegravere eacutetape on a donc

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6times102)2 + 103 856

Agrave lrsquoissue de la seconde eacutetape on obtient

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6times102 + 8times10)2 +1 456

Et agrave lrsquoissue de la troisiegraveme eacutetape on obtient enfin

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6 times 102 + 8 times 10 + 1)2 + 95

La partie entiegravere de la racine carreacutee de 463 856 est donc 681 Pour trouver la partie deacutecimale de cette racine il srsquoagit maintenant de poursuivre les calculs sur la partie reacutesiduelle R = 95

ConclusionLe vocable algorithme est devenu drsquousage courant avec lrsquoavegravenement des ordinateurs Cependant des algorithmes ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes tregraves tocirct dans lrsquohistoire Degraves que les premiers systegravemes de numeacuteration sont apparus on a deacuteveloppeacute des algorithmes pour effec-tuer les opeacuterations usuelles addition soustraction multiplication division En cherchant agrave reacutesoudre des problegravemes plus eacutelaboreacutes comme lrsquoextraction de racines ou la recherche du pgcd de deux nombres entiers il a fallu deacutevelopper drsquoautres algorithmes plus pousseacutes et parfois eacutetonnants

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Pierre de Fermat est tregraves connu pour son grand theacuteoregraveme concernant la non-existence de solutions entiegraveres positives

de lrsquoeacutequation xn + yn = zn pour chaque entier n ge 3 Toutefois une de ses plus importantes contributions

aux matheacutematiques modernes est sa meacutethode tout agrave fait originale pour factoriser des grands nombres

Plusieurs considegraverent Fermat comme le fondateur (avec Blaise Pascal) de la theacuteorie des probabiliteacutes et comme un preacutecurseur du calcul diffeacuterentiel par sa meacutethode de recherche des maximums et des minimums drsquoune fonction Toutefois sa meacutethode tout agrave fait originale pour factoriser des grands nombres est une de ses plus grandes contribu-tions aux matheacutematiques modernes et crsquoest souvent un fait dont lrsquoimportance est neacutegligeacutee

Comment fait-on pour laquo factoriser raquo un nombre Drsquoentreacutee de jeu il est bien drsquoexpliquer ce qursquoon veut-on dire par laquo factoriser raquo un nombre Drsquoabord rappelons que selon le theacuteoregraveme fondamental de lrsquoarithmeacutetique tout entier supeacuterieur agrave 1 peut srsquoeacutecrire comme un produit de nombres premiers et cette repreacutesentation est unique si on eacutecrit ses facteurs premiers en ordre croissant Ainsi le nombre 60 peut srsquoeacutecrire comme 60 = 22times3times5 et cette factori-sation est unique

Est-il important de connaicirctre la factorisation drsquoun nombre La reacuteponse est OUI agrave tout le moins depuis quelques deacutecennies plus preacuteciseacutement depuis 1978 anneacutee de la creacuteation de la meacutethode de chiffrement RSA largement utiliseacutee de nos jours pour seacutecuriser les transactions bancaires Cette meacutethode tient au fait que bien qursquoil soit facile de multiplier des nombres il est en contrepartie tregraves difficile de faire le chemin inverse crsquoest-agrave-dire de prendre un grand nombre composeacute et de trouver ses facteurs premiers Drsquoougrave la course sur la planegravete pour trouver des algorithmes de factorisation de plus en plus performants qui pourraient laquo casser raquo le code RSA Crsquoest ainsi qursquoen 1976 agrave lrsquoaide des algorithmes connus et des ordinateurs de lrsquoeacutepoque on estimait qursquoil faudrait plus de 1020 anneacutees pour arriver agrave factoriser 2251 ndash 1 un nombre de 76 chiffres Aujourdrsquohui en utilisant un logiciel de calcul installeacute sur un ordinateur de bureau il est possible drsquoobtenir cette factorisation en moins drsquoune minute

Jean-Marie De KoninckUniversiteacute Laval

Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres

Pierre de Fermat (1601-1665) Le matheacutematicien fran-ccedilais Pierre de Fermat eacutetait drsquoabord et avant tout un avocat et un officiel du gouverne-

ment dans la ville de Toulouse Dans ses temps libres il exerccedilait sa passion pour les matheacutematiques et la physique Mecircme si on peut le qualifier de laquo matheacutematicien amateur raquo il est neacuteanmoins passeacute agrave lrsquohistoire comme fondateur de la theacuteorie moderne des nombres

Nombre premier et nombre composeacute

Un entier n gt 1 est appeleacute nombre premier sil nest divisible que par 1 et par lui-mecircme Ainsi 7 est un nombre premier car ses seuls diviseurs entiers sont 1 et 7 alors que 6 nest pas premier puisquil est non seulement divisible par 1 et 6 mais il lest aussi par 2 et 3 Un entier n gt 1 qui nest pas premier est appeleacute nombre composeacute

Nombre premier

Nombres composeacutes

2 times 5 = 10

3 times 5 = 15

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Cependant le veacuteritable deacutefi est drsquoecirctre en me-sure de factoriser des nombres arbitraires de 300 chiffres et plus ce qui est preacutesentement impossible mecircme agrave lrsquoaide drsquoordinateurs tregraves puissants Drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la recherche de nouveaux algorithmes de factorisation

Comment srsquoy prendre pour factoriser un nombre Comment pourrions-nous proceacuteder pour factoriser un nombre composeacute dont on ne connaicirct agrave priori aucun facteur De toute eacutevidence on srsquointeacuteresse ici seulement agrave la factorisation des nombres impairs car autre-ment il suffit de diviser par 2 le nombre agrave factoriser jusqursquoagrave ce qursquoil laquo devienne raquo impair Agrave titre drsquoexemple pour trouver la factorisa-tion du nombre n = 11 009 on peut utiliser lrsquoapproche tout agrave fait naturelle qui consiste agrave examiner successivement la divisibiliteacute

de n par chacun des nombres premiers 3 5 7 11 et ainsi de suite En proceacutedant ainsi on constate eacuteventuellement que ce nombre n est divisible par 101 et que n =101 times 109 menant du coup agrave la factorisation 11 009 = 101 times 109 Bravo Mais avouez que cela a eacuteteacute un peu laborieux car on a ducirc veacuterifier la divisibiliteacute de n par chacun des nombres premiers infeacuterieurs agrave 101 Drsquoail-leurs on se convainc aiseacutement que pour un nombre arbitraire n il aurait fallu veacuterifier la divisibiliteacute par chacun des nombres premiers plus petits que n Cela veut dire que pour un nombre de 200 chiffres il faudrait veacuterifier sa divisibiliteacute par tous les nombres premiers de moins de 100 chiffres un travail colossal Crsquoest pourquoi il est leacutegitime de se demander srsquoil existe des meacutethodes plus efficaces pour factoriser des nombres Or justement Pierre de Fermat en a trouveacute une qui srsquoavegravere drsquoune simpliciteacute deacuteconcertante (Voir encadreacute ci-bas)

Pour illustrer sa meacutethode Fermat a choisi le nombre

n = 2 027 651 281

La meacutethode de factorisation de Fermat Dentreacutee de jeu on peut supposer que le nombre n agrave fac-toriser nest pas un carreacute parfait car sinon on sattardera tout simplement agrave la factorisation du nombre m = nDeacutebutons avec un exemple Si on vous demande de factoriser le nombre 899 peut-ecirctre allez-vous eacutecrire

899 = 900 ndash 1 = 302 ndash 12

= (30 ndash 1)(30 + 1) = 29 times 31

et le tour est joueacute Quelle chance que 899 soit une diffeacuterence de deux carreacutes nest-ce pas Non pas du tout car en reacutealiteacute cest le cas de tout entier posi-tif impair composeacute et cest lideacutee de base de la meacutethode de factorisation de Fermat En effet pour un tel entier n il existe neacutecessairement deux entiers a gt b ge 1 tels que n = a2 ndash b2 auquel cas

n = (a ndash b)(a + b)

Pourquoi Supposons que n = rs avec 1 lt r lt s On peut facilement veacuterifier que les nombres a = (s + r) 2 and b = (s ndash r)2 sont tels que n = a2 ndash b2 Mais com-ment fait-on pour trouver ces deux entiers a et b Certes on a n = a2 ndash b2 lt a2 et donc a gt n auquel cas a ge n + 1 Ici x deacutesigne le plus grand entier le x Commenccedilons donc par poser a = n + 1 Si a2 ndash n est un carreacute parfait disons a2 ndash n = b2 alors nous avons trouveacute a et b comme requis Autrement (cest-agrave-dire si a2 ndash n nest pas un carreacute parfait) on choisit a = n + 2 et ainsi de suite jusquagrave ce que lon trouve un entier positif k tel que le nombre a = n + k soit tel que a2 ndash n est un carreacute parfait que lon eacutecrit alors comme b2 Ce processus a une fin en ce sens quon va eacuteventuelle-ment trouver un nombre b tel que b2 = a2 ndash n et cela parce que lon sait deacutejagrave que b = (s ndash r)2 fait laffaire

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Il obtient drsquoabord que n = 45 029 et commence ainsi avec

a = 45 029 + 1 = 45 030

comme 45 0302 ndash 2 027 651 281 = 49 619 nrsquoest pas un carreacute parfait il pose ensuite a = 45 031 qui ne produit pas non plus de carreacute parfait et ainsi de suite jusqursquoagrave ce qursquoil pose a = 45 041 qui donne

= minus

= =

b 45 041 2 027 651 281

1 040 400 1 020

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Fermat conclut alors que n = 2 027 651 281 = 45 0412 ndash 1 0202 = (45 041 ndash 1 020)(45 041 + 1 020) = 44 021 times 46 061

Si on choisit de programmer cette meacutethode avec le logiciel de calcul Python1 on peut eacutecrire ceci (dans le cas particulier n = 2 027 651 281)

ce qui donnera

a = 45 041 et b = 1 020 et

n = 44 021times46 061

La meacutethode de Fermat est-elle reacuteellement efficace La reacuteponse courte est laquo Cela deacutepend de la nature du nombre agrave factoriser raquo2 Afin de donner une reacuteponse preacutecise agrave cette question eacutevaluons le nombre drsquoopeacuterations eacuteleacutementaires neacutecessaires pour exeacutecuter la meacutethode de Fermat Par laquo opeacuteration eacuteleacutementaire raquo on en-tend lrsquoaddition la soustraction la

multiplication la division lrsquoeacuteleacutevation agrave une puissance et lrsquoextraction de la racine carreacutee Une opeacuteration eacuteleacutementaire est aussi parfois appeleacutee une laquo eacutetape raquo On dira drsquoun algo-rithme qursquoil est laquo rapide raquo srsquoil srsquoexeacutecute en peu drsquoeacutetapes

Eacutetant donneacute un entier positif n qui nrsquoest pas un carreacute parfait on dit que les nombres d1 et d2 sont les diviseurs milieux de n si d1 est le plus grand diviseur de n infeacuterieur agrave n et d2 =nd1 On peut alors deacutemontrer que le nombre k drsquoeacutetapes requises pour factoriser n via la meacutethode de Fermat est exactement

k =d1 +d2

2 d1d2

soit essentiellement la diffeacuterence entre la moyenne arithmeacutetique et la moyenne geacuteo-meacutetrique des diviseurs d1 et d2 En effet comme on lrsquoa vu ci-dessus (encadreacute p 9) on a

Exeacutecuter lrsquoalgorithme de Fermat consiste donc agrave chercher le plus petit entier k ge1 tel que

n + k( )2 n est un entiera

Or n + k = a implique que k = a ndash n et cela entraicircne

k =d1 +d2

2 d1d2

Pour quels entiers lrsquoalgorithme de Fermat est-il rapide Le temps drsquoexeacutecution pour factoriser un en-tier n en utilisant lrsquoalgorithme de Fermat sera court si ses diviseurs milieux sont pregraves lrsquoun de lrsquoautre crsquoest-agrave-dire pregraves de n (voir lrsquoencadreacute p 11) En contrepartie si les divi-seurs milieux sont eacuteloigneacutes lrsquoun de lrsquoautre alors exeacutecuter la meacutethode de Fermat peut prendre davantage de temps que la simple veacuterification de la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers (voir lrsquoencadreacute p 12)

DossierApplications

1 Logiciel libre que lrsquoon peut teacuteleacutecharger gratuitement sur Internet

2 Voir Section problegravemes

On doit deacuteterminer a et b tels que

n = a2 ndash b2ougrave n et b sont les cathegravetes drsquoun triangle rectangle drsquohypoteacutenuse a Le cocircteacute b est tel que

b2 = a2 ndash n Lrsquohypoteacutenuse doit ecirctre plus grande que les cathegravetes soit

a gt nOn calcule a2 ndash n pour les entiers plus grands n soit

a = n + 1 a = n + 2

a = n + kLorsque (a2 ndash n) est un car-reacute parfait b2 on a alors

a2 ndash n = b2

drsquoougrave n = a2 ndash b2 = (a ndash b)(a + b)On en conclut que n est fac-torisable puisque (a ndash b) et (a + b) en sont des facteurs

La meacutethode de Fermat en image

aa2 gt n

a gt bb2 = a2 ndash n

n

nCarreacutedrsquoaire n

a + b

a ndash b

a ndash b

a + b

a + b

a

b

b

Rectangle drsquoaire n

import math

n = 2 027 651 281

a=mathfloor(mathsqrt(n))+1

b=mathsqrt(a2-n)

while b =int(b)

a+=1

print (a= d et b= d ---gt n= d x d (int(a)int(b)int(a-b)int(a+b))

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Tirer le maximum de la meacutethode de Fermat Comme on vient de le voir si la distance qui seacutepare les diviseurs milieux drsquoun entier n est grande la meacutethode de Fermat est peu efficace On peut contourner ce problegraveme en veacuterifiant au preacutealable la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers3 Par exemple supposons qursquoon ose srsquoattaquer agrave la factorisation du nombre de 16 chiffres n = 489 + 3 = 1 352 605 460 594 691 Appli-quer naiumlvement la meacutethode de Fermat nous amegravenera sans doute agrave abandonner notre ap-proche une fois rendu agrave quelques millions drsquoeacutetapes Une approche plus senseacutee consiste agrave drsquoabord identifier les possibles petits fac-teurs premiers de n soit en veacuterifiant la divisi-biliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave 10 000 ou 100 000 disons ce qursquoon sera en mesure de reacutealiser tregraves rapidement agrave lrsquoaide drsquoun logiciel de calcul Crsquoest ainsi qursquoon deacute-couvre que notre nombre n est divisible par 3 et 1 249 Le problegraveme se ramegravene alors agrave factoriser le nombre

=times

=nn

3 1 249360 983 576 3531

Appliquer la meacutethode de Fermat agrave ce nou-veau nombre donne

n1 = 587 201 times 614 753

et cela apregraves seulement 157 eacutetapes En ras-semblant nos calculs on obtient finalement que

n = 1 352 605 460 594 691

= 3 times 1 249 times n1

= 3 times 1 249 times 587 201 times 614 753

Dans cet exemple nous avons eacuteteacute chanceux car les deux plus grands facteurs premiers de n eacutetaient proches lrsquoun de lrsquoautre Il va de soi que ce nrsquoest pas toujours le cas Crsquoest pour-quoi si apregraves avoir eacutelimineacute les petits facteurs premiers de n la meacutethode de Fermat prend trop de temps agrave deacutevoiler ses grands facteurs premiers il est rassurant de savoir qursquoil existe drsquoautres avenues

Compliquer le problegraveme pour mieux le simplifier Une autre approche pour factoriser un nombre n est drsquoappliquer la meacutethode de Fermat agrave un nombre plus grand que n lui-mecircme en fait agrave un multiple de n Prenons par exemple le nombre n = 54 641 Comme ce nombre est relativement petit la meacutethode de Fermat trouvera sa factorisation agrave savoir n = 101 times 541 en 87 eacutetapes un nombre neacuteanmoins plutocirct grand compte tenu de la petite taille de n Toutefois si on avait su que lrsquoun des facteurs premiers de n eacutetait approximativement 5 fois son autre facteur premier on aurait pu preacutealablement multiplier n par 5 permet-tant ainsi au nouveau nombre 5n drsquoavoir ses

Algorithme (application rapide) lorsque les diviseurs milieux sont proches

Si les diviseurs milieux d1 lt d2 dun nombre n sont tels que la distance ∆ = d21048576ndash d1 qui les seacutepare satisfait agrave ∆ lt d1 et si k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n il deacutecoule de k =

d1 +d2

2 d1d2 que

kd d

d d

d dd

2( ) 1

21 1

1 11 1

1 11

lt + + minus + +

= + minus + +

Par ailleurs on peut montrer que lineacutegaliteacute

+ gt + minusyy y

1 12 8

2tient pour tout y isin (0 1)

Pour sen convaincre il suffit deacutelever chacun de ses cocircteacutes au carreacute et dutiliser le fait que y lt 1 En posant y = ∆d1 dans lrsquoineacutegaliteacute preacuteceacutedente il deacutecoule alors que

lt + minus + minus

+ = +k d dd d d2

112

18

118

11 11

2

12

2

1

lequel nombre est laquo petit raquo en autant que ∆ ne soit pas trop grand Ainsi pour n = 20 099 = 101 times 199 on obtient que

lttimes

+ ltk98

8 1011 13

2

un nombre deacutetapes relativement petit

3 Plus geacuteneacuteralement pour calculer le plus grand commun diviseur de deux entiers on peut utiliser lrsquoalgorithme drsquoEuclide lequel est tregraves rapide (voir lrsquoarticle laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo p 2 de ce numeacutero)

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diviseurs milieux essentiellement du mecircme ordre de grandeur de sorte que la meacutethode de Fermat appliqueacutee au nombre 5n aurait reacuteveacuteleacute ses facteurs 505 et 541 en une seule eacutetape Il aurait ensuite suffi de veacuterifier lequel de 505 et de 541 avait laquo heacuteriteacute raquo du facteur artificiel 5 ce qui est bien sucircr tregraves facile agrave faire Voila qui est bien facile lorsqursquoon sait qursquoun des facteurs est proche drsquoun multiple drsquoun autre facteur une information dont on ne dispose malheureusement pas agrave lrsquoavance

Peut-on neacuteanmoins explorer cette approche pour un nombre composeacute arbitraire Lrsquoideacutee serait de consideacuterer le nombre n times r pour un choix approprieacute de r Par exemple si n = pq et r = uv nous aurons nr = pu times qv et si nous sommes chanceux les deux nouveaux diviseurs pu et qv (de nr) seront suffisamment proches lrsquoun de lrsquoautre pour nous permettre drsquoappli-quer lrsquoalgorithme de Fermat avec succegraves En 1974 utilisant un raffinement de cette ideacutee R Sherman Lehman est parvenu agrave montrer que lrsquoon peut en effet acceacuteleacuterer la meacutethode de Fermat et de fait factoriser un entier im-pair n en seulement n13 eacutetapes

Les nombreuses ameacuteliorations de lrsquoideacutee originale de FermatEst-il possible de faire encore mieux Dans les anneacutees 1920 Maurice Kraitchik ameacute-liorait la meacutethode de Fermat et on sait aujourdrsquohui que son approche a constitueacute la base des principales meacutethodes modernes de factorisation des grands nombres Lrsquoideacutee de Kraitchik est la suivante plutocirct que de cher-cher des entiers a et b tels que n = a2 ndash b2 il suffit de trouver des entiers u et v tels que u2 ndash v2 est un multiple de n Par exemple sachant que 1272 ndash 802 est un multiple du nombre n = 1 081 on peut encore une fois profiter de lrsquoidentiteacute

u2 ndash v2 = (u ndash v)(u + v)

Dans notre cas on peut eacutecrire que

1272 ndash 802 = (127 ndash 80)(127 + 80)

= 47 times207

Algorithme (application lente) lorsque les diviseurs milieux sont eacuteloigneacutes

Supposons par exemple que lon cherche agrave factoriser un nombre n de 20 chiffres qui en reacutealiteacute est le produit de deux nombres premiers lun fait de 5 chiffres et lautre de 15 chiffres Il deacutecoule alors de la for-mule

k =d1 +d2

2 d1d2

ougrave k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n par la meacutethode de Fermat qursquoon aura

gt+

minus

gt gt

k n10 10

2

102

ndash10 10

4 14

1410 13

alors quen testant simplement la divi-sibiliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave n lt 1010 cela aurait eacuteteacute au moins mille fois plus rapide

Maurice Kraitchik 1882-1957Matheacutematicien et vulgarisateur scientifique belge Kraitchik sest surtout inteacuteresseacute agrave la theacuteorie des nombres et aux matheacutematiques reacutecreacuteatives

Il est lrsquoauteur de plusieurs ouvrages sur la theacuteorie des nombres reacutedigeacutes entre 1922 et 1930 De 1931 agrave 1939 il a eacutediteacute la revue Sphinx un mensuel consacreacute aux matheacutematiques reacutecreacuteatives Eacutemigreacute aux Etats-Unis lors de la Seconde Guerre mondiale il a enseigneacute agrave la New School for Social Research agrave New York Il srsquoest particuliegraverement inteacuteresseacute au thegraveme geacuteneacuteral des reacutecreacuteations matheacutematiques

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Comme tout facteur premier de n doit obli-gatoirement ecirctre un facteur de 47 ou de 207 et comme 207 = 9 times 23 on peut rapidement conclure que n = 23 times 47 Bien sucircr pour que cette approche soit efficace il faut eacutelaborer des astuces permettant de trouver des multiples du nombre agrave factoriser qui puissent srsquoeacutecrire comme une diffeacuterence de deux carreacutes Or crsquoest preacuteciseacutement ce que plusieurs matheacutematiciens ont reacuteussi agrave faire au cours du vingtiegraveme siegravecle

Ougrave en est-on aujourdrsquohui On a vu qursquoen optimisant la meacutethode origi-nale de Fermat R Sherman Lehman pouvait factoriser un entier n en environ n13 eacutetapes Or dans les anneacutees 1980 en faisant intervenir des outils matheacutematiques plus avanceacutes dont des notions drsquoalgegravebre lineacuteaire Carl Pomerance a davantage peaufineacute la meacutethode originale de Fermat et creacuteeacute une nouvelle meacute-thode de factorisation connue sous le nom de crible quadratique On sait montrer que dans la pratique avec le crible quadratique

il suffit drsquoau plus timese n n(ln ) ln(ln ) eacutetapes pour factoriser un nombre arbitraire n ce qui peut faire une eacutenorme diffeacuterence lorsqursquoil srsquoagit de factoriser de tregraves grands nombres Crsquoest ain-si que le crible quadratique permet de facto-riser un nombre n de 75 chiffres en moins de

=

lt lt

times timese e

e 10 eacutetapes

ln(10 ) ln(ln10 ) 75ln10 ln(75ln10)

299 13

75 75

alors que la meacutethode de Lehman en requiert environ 1025

Et dire que toute cette panoplie de meacutethodes de factorisation ont leur origine dans une ideacutee de Fermat datant de plus de trois siegravecles et demi

Une belle application de la meacutethode de Fermat

On peut montrer que tout entier de la forme 4k4 + 1 peut ecirctre factoriseacutee en utilisant la meacutethode de Fermat en une seule eacutetape

Soit n = 4k4 + 1 On observe drsquoabord que

n 4k 4 +1= = 2k2

En utilisant la meacutethode de Fermat on choisit drsquoabord

a = n + 1 = 2k2 + 1

On veacuterifie ensuite si a2 ndash n est un carreacute parfait Pour y arriver on eacutecrit

a2 ndash n = (2k2 + 1)2 ndash (4k4 + 1)

= 4k4 + 4k2 + 1 ndash 4k4 ndash 1 = 4k2

qui est un carreacute parfait

On peut donc conclure quen posant 4k2 = b2 on a

n = a2 ndash b2 = (2k2 + 1)2 ndash (2k)2

= (2k2 ndash 2k + 1)(2k2 + 2k + 1)

ce qui fournit la factorisation souhaiteacutee

On peut utiliser cette information pour trouver par exemple la factorisation complegravete de n = 258 + 1

En effet commen = 4 times 256 + 1 = 4 times (214)4 + 1

est bien de la forme 4k4 +1 la meacutethode de Fermat devrait nous fournir ses deux diviseurs milieux du premier coup Effective-ment on a

a = n + 1 = 2k2 + 1 = 536 870 913

On a tout de suite

a2 ndash n = 10 73 741 824 = 32 7682 = b2

de sorte que

n = a2 ndash b2

= (53 68 70 913 ndash 32 768)(53 68 70 913 + 32 768)

= 53 68 38 145 times 53 69 03 681

Comme le premier de ces deux facteurs est de toute eacutevidence un multiple de 5 on peut donc conclure que

n = 258 + 1 = 5 times 107 367 629 times 536 903 681

fournissant ainsi la factorisation souhaiteacutee

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Doss

ierA

pplic

atio

ns

Il est facile drsquoemmecircler un fil de pecircche alors qursquoil est tregraves difficile de le deacutemecircler De mecircme certaines opeacuterations sur les nombres

sont faciles dans un sens et difficiles dans lrsquoautre On les appelle opeacuterations agrave sens unique Elles sont utiliseacutees pour la cryptographie

Lorsque vous envoyez votre numeacutero de carte de creacutedit par Internet agrave un site proteacutegeacute le logiciel crypte celui-ci par le code RSA du nom de ses inventeurs Ronald Rivest Adi Shamir et Leonard Adleman

Historiquement les codes secrets ont tous eacuteteacute perceacutes Mais le code RSA publieacute en 1978 reacutesiste encore malgreacute tous les efforts de la communauteacute matheacutematique pour le briser Il repose sur le fait que si on prend deux tregraves grands nombres premiers distincts p et q et qursquoon les multiplie pour obtenir n = pq alors il est hors de porteacutee des ordinateurs actuels2 de reacutecupeacuterer p et q Ainsi on peut se permettre de publier n la cleacute qui sert au cryptage sans crainte que quiconque puisse reacutecupeacuterer p et q qui servent au deacutecryptage Ce proceacutedeacute srsquoappelle la cryptographie agrave cleacute publique parce que la recette de cryptage est publique

Aussi surprenant que cela puisse paraicirctre il est facile pour un ordinateur de fabri-quer de grands nombres premiers Plusieurs algorithmes geacuteneacuterant de grands nombres premiers sont probabilistes Nous allons en preacutesenter un ci-dessous

Dans la cryptographie agrave cleacute publique les mes-sages sont des nombres m infeacuterieurs agrave n On demandera drsquoeacutelever le nombre m agrave une tregraves grande puissance e ougrave e est un nombre qui est eacutegalement public Le message encrypteacute a est le reste de la division de me par n Tou-jours surprenant il est facile pour un or-dinateur de calculer ce reste mecircme si m et e ont chacun 200 chiffres Nous allons voir comment Le deacutecryptage se fait de maniegravere symeacutetrique en calculant le reste de la division de ad par n Mais d est inconnuhellip et pour le calculer il faut connaicirctre p et q et donc factoriser n Donc seul le concepteur qui a choisi p et q peut lire le message

Combien de temps reacutesistera le code RSA Si ce nrsquoeacutetait que des progregraves de la factorisation des entiers et de lrsquoaugmentation de la puis-sance des ordinateurs il pourrait reacutesister en-core longtemps quitte agrave allonger un peu la cleacute n Mais crsquoest sans compter sur la preacute-sence possible drsquoun nouveau venu lrsquoordina-teur quantique Cet ordinateur nrsquoexiste pas encore Par contre un algorithme rapide de factorisation sur un ordinateur quantique lrsquoalgorithme de Shor existe depuis 1997 Nous allons nous pencher sur lrsquoideacutee de cet algorithme

Christiane Rousseau Universiteacute de Montreacuteal

2 Voir lrsquoarticle laquo Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres raquo de Jean-Marie De Koninck p 8 de ce numeacutero

Comme 1 est le pgcd1 de e et de φ(n) on peut eacutecrire via lrsquoalgo-rithme drsquoEuclide

1 = 10 times 1 456 ndash 633 times 23Donc 1 = 10 times 1 456 ndash (1 456-823) times 23ou encore

1= ndash13 times 1 456 + 823 times 23Comme 823 times 23 =13 times 1 456 + 1 le reste de la division de ed par φ(n) vaut bien 1

1 Voir laquo Algorithmes dans lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

Calculer le reste de la division de me par nEacutecrivons la deacutecomposition de e = 23 en somme de puissances de 2

e = 1 + 2 + 4 + 16

Alors

m e = m m2 m4 m16

On va donc y aller pas agrave pas pour calculer ces puissances et agrave chaque eacutetape on va diviser par n Le reste de la division de m2 par n est 1 126 Remarquons que m4 = (m2)2 Le reste de la division de m4 par n est donc le mecircme que le reste de la division de 1 1262 par n

1 1262 = 823n + 1 388

De mecircme le reste de la division de m8 par n est le mecircme que le reste de la division de 1 3882 par n

1 3882 = 1 253n + 683

Finalement le reste de la division de m16 par n est le mecircme que le reste de la division de 6832 par n

6832 = 303n + 778

On remet le tout ensemble Le reste de la division de m23 par n est le mecircme que le reste de la division de

1 234 1 126 1 388 778

par n qui est bien a = 1 300 Dans la ligne qui preacutecegravede on peut aussi alterner entre faire des

multiplications et diviser les produits partiels par n pour ne pas laisser grossir les expressions Ces calculs sont faciles pour des ordinateurs mecircme quand les nombres sont tregraves grands

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un exemple de fonctionnement du code RSAAline veut pouvoir recevoir des mes-sages secrets de Bernard Elle construit donc un systegraveme agrave cleacute publique pour re-cevoir de tels messages Elle prend les nombres premiers p = 29 et q = 53 La cleacute est n =1 537 Elle aura besoin du nombre

φ(n) = (p ndash 1)(q ndash 1) = 1 456

Elle choisit e relativement premier avec φ(n) par exemple e = 23 Soit d = 823 Il a eacuteteacute construit pour que le reste de la division de ed par φ(n) soit 1 (voir encadreacute ci-contre) Pour ce il fallait connaitre φ(n) et donc la factorisation de n ce qui est difficile pour quelqursquoun ne connaissant pas p et q Aline publie n et e Bernard veut lui envoyer le message

m = 1 234

Pour le crypter il lrsquoeacutelegraveve agrave la puissance e = 23 et le divise par n Ceci lui donne le message crypteacute

a = 1 300

qursquoil envoie agrave Aline Celle-ci utilise d connu drsquoelle seule pour calculer le reste de la divi-sion de ad par n Ce reste est preacuteciseacutement le message m = 1 234

Lrsquoexemple eacutetait avec de petits nombres Mais comment faire les calculs quand les nombres sont gros Il faut se rappeler que ce qui nous inteacuteresse ce ne sont pas les nombres me et

ad mais seulement le reste de leur division par n Alors il ne faut pas laisser grossir les calculs Il faut plutocirct alterner entre prendre des puissances et diviser par n (Voir deacutetails dans lrsquoencadreacute)

Construire de grands nombres premiersLrsquoideacutee est la suivante Si on veut construire un grand nombre premier de 100 chiffres on geacutenegravere au hasard un nombre de 100 chiffres et on laquo teste raquo srsquoil est premier Srsquoil ne lrsquoest pas on recommence avec un autre nombre geacuteneacute-reacute au hasard jusqursquoagrave ce qursquoon tombe sur un nombre premier

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Premiegravere question combien faut-il faire de tests en moyenne Un nombre de 100 chiffres est un nombre de lrsquoordre de 10100 Le theacuteoregraveme des nombres premiers nous dit que si N est grand il y a environ N ln N nombres premiers infeacuterieurs ou eacutegaux agrave N Si on choisit au ha-sard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 la chance qursquoil soit premier est donc drsquoenviron

N1

ln1

ln101

100ln101

230100= = =

On peut faire mieux la moitieacute des nombres sont pairs et parmi les nombres impairs on peut eacuteliminer les multiples de 5 Donc si on choisit au hasard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 qui se termine par 1 3 7 ou 9 on a une chance sur 92 qursquoil soit pre-mier (40 des nombres se terminent par 1 3 7 9 et 410 de 230 donne 92) Ceci signi-fie qursquoen moyenne apregraves 92 tests on a trou-veacute un nombre premier Faire 92 tests est fa-cile pour un ordinateur

Ceci nous amegravene agrave la deuxiegraveme question que signifie laquo tester raquo qursquoun nombre p est pre-mier On a appris agrave le faire en cherchant si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p ce qui revient agrave factoriser partiellement p Mais factoriser est difficile pour un ordinateurhellip

On peut faire mieux Srsquoil est facile de tester si un nombre p est premier crsquoest parce qursquoon peut le faire sans factoriser p Lrsquoideacutee est la suivante Si p nrsquoest pas premier il laisse

ses empreintes partout Dans le test de primaliteacute de Miller-Rabin si p nrsquoest pas pre-mier au moins les trois-quarts des nombres entre 1 et p ont une empreinte de p crsquoest-agrave-dire qursquoils sont des teacutemoins du fait que p nrsquoest pas premier Le test pour deacutecider si un nombre est un teacutemoin est un peu tech-nique (voir encadreacute page ci-contre) Mais ce test est facile pour un ordinateur On choisit au hasard des nombres a1 am le p Si lrsquoun des ai est un teacutemoin on conclut que p nrsquoest pas premier Si aucun des ai nrsquoest un teacutemoin alors p a une tregraves grande chance drsquoecirctre pre-mier Par exemple si m = 100 la chance que p ne soit pas premier sachant que a1 am ne sont pas des teacutemoins est infeacuterieure ou eacutegale agrave 10ndash58 soit tregraves tregraves petite

Peut-on se fier agrave un algorithme probabiliste Les informaticiens le font reacuteguliegraverement degraves qursquoils ont besoin de grands nombres premiers et on nrsquoobserve pas de catas-trophe autour de nous On voit drsquoailleurs qursquoon pourrait transformer cet algorithme probabiliste de primaliteacute en algorithme deacute-terministe il suffirait de tester au moins le quart des nombres a isin 2 p ndash1 Si aucun nrsquoest un teacutemoin alors on peut affir-mer avec certitude que p est premier Mais cet algorithme serait sans inteacuterecirct car il requerrait de regarder si p4 nombres sont des teacutemoins alors que lrsquoalgorithme usuel de factorisation demande de regarder si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p et

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lt degraves que p gt 16

Casser le code RSA sur un ordinateur quantiqueEn 1997 Peter Shor a annonceacute un algo-rithme qui casserait le code RSA sur un ordinateur quantique qui nrsquoexiste pas encorehellip Que signifie cette affirmation Lrsquoalgorithme de Shor est simplement un autre algorithme de factorisation Il fonc-tionnerait sur un de nos ordinateurs mais il serait moins bon que les meilleurs algo-rithmes de factorisation La limite de nos ordinateurs est le paralleacutelisme On ne peut faire qursquoun nombre limiteacute drsquoopeacuterations en parallegravele

DossierApplications

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Quelques avantages de la cryptographie agrave cleacute publique

La cryptographie agrave cleacute publique est tregraves utile quand des milliers de personnes par exemple des clients peuvent vouloir envoyer leur numeacutero de carte de creacutedit agrave une mecircme compagnie

La meacutethode drsquoencryptage est publique et seule la compagnie peut deacutecrypter les messages chiffreacutes

Un autre avantage est que deux interlocuteurs nrsquoont pas besoin drsquoeacutechanger de lrsquoinformation secregravete par exemple une cleacute pour communiquer de maniegravere seacutecuritaire Il suffit que chacun publie son systegraveme de cryptographie agrave cleacute publique

Le systegraveme RSA permet de signer un message pour srsquoassurer qursquoil provient bien de la bonne personne Dans notre exemple pour que Bernard signe son message il faut qursquoil construise son propre sys-tegraveme agrave cleacute publique dont il publie la cleacute nrsquo et la cleacute de cryptage ersquo Il se servira de sa cleacute de deacutecryptage drsquo pour apposer sa signature sur le message

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un ordinateur est composeacute de transistors qui fonctionnent agrave la maniegravere drsquointerrup-teurs en ayant deux positions OUVERT et FERMEacute que lrsquoon peut coder comme des bits drsquoinformation 0 ou 1 Un nombre de 200 chiffres est infeacuterieur agrave 10200 lt 2665 et donc peut srsquoeacutecrire avec 665 bits Tester srsquoil a un diviseur premier infeacuterieur agrave 10100 lt 2333 revient agrave regarder toutes les suites de 333 bits eacutegaux agrave 0 ou 1 Un travail titanesque sauf si lrsquoordinateur a un grand paralleacutelisme Dans un ordinateur quantique les bits drsquoinformation sont des bits quantiques ils peuvent ecirctre dans un eacutetat superposeacute entre 0 et 1 Lrsquoimage que lrsquoon pourrait donner est celle drsquoun sou Une fois lanceacute il tombe sur PILE ou sur FACE Mais avant de le lancer il a probabiliteacute 12 de tomber sur PILE et probabiliteacute 12 de tomber sur FACE On pourrait dire qursquoil est dans un eacutetat superposeacute Le fait que m bits quantiques soient dans un eacutetat superposeacute implique qursquoils peuvent faire simultaneacutement les 2m opeacutera-tions diffeacuterentes correspondant agrave tous les choix de valeurs 0 ou 1 pour chacun des bits Par contre de mecircme que notre sou tombe neacutecessairement sur PILE ou sur FACE degraves qursquoon veut observer un bit quantique il prend neacutecessairement la valeur 0 ou la valeur 1 et donc on ne peut observer le reacutesultat de tous les calculs faits en parallegravele La subtiliteacute de lrsquoalgorithme de Shor vient du fait qursquoon pourra reacutecupeacuterer le reacutesultat du calcul lequel donne une factorisation de p si p nrsquoest pas premier

Le nombre 15 a eacuteteacute factoriseacute sur un ordi-nateur quantique en 2007 et en 2012 on a factoriseacute 143 = 11x13 Les progregraves semblent lents depuis ce temps Le deacutefi technologique de lrsquoordinateur quantique est de maintenir de nombreux bits en eacutetat superposeacute Ce recircve deviendra-t-il reacutealiteacute Mecircme si les progregraves semblent lents les experts y croient de plus en plus

Tester si un nombre est un teacutemoinOn veut tester si p impair est premier Alors on peut eacutecrire p ndash 1 qui est pair comme p ndash 1 = 2sd ougrave d est impair

(Il suffit de diviser p ndash 1 par 2 successive-ment jusqursquoagrave ce que le quotient soir im-pair) Soit a isin 2 p ndash1

Critegravere pour ecirctre teacutemoin Si a est un teacute-moin que p nrsquoest pas premier alors on a simultaneacutement que le reste de la division de ad par p est diffeacuterent de 1 et que les restes de la division de a d2r

par p sont diffeacuterents de p ndash 1 pour tous les r isin 0 s ndash1

Regardons un premier exemple Prenons p = 13 Alors p ndash 1 = 22 3 Ici d = 3 et s = 2 Voyons que p nrsquoa aucun teacutemoin

La premiegravere colonne du tableau agrave gauche donne a la deuxiegraveme colonne donne

le reste de la division de ad = a3 par p et la troisiegraveme colonne le reste de la division de a2d = a6 par p

On voit bien que pour chaque a soit on a un 1 dans le premiegravere colonne ou bien un 1 ou un 12 dans la deuxiegraveme colonne et donc aucun a nrsquoest un teacutemoin de 13 On sait alors que 13 est premier

Refaisons lrsquoexercice avec p = 15 Alors p ndash 1 = 2 7 Comptons combien p a de teacutemoins Ici la deuxiegraveme colonne repreacutesente le reste de la division de ad= a7 par p Tous les a sauf 14 sont des teacutemoins et chacun nous dit que 15 nrsquoest pas premier

Mais bien sucircr apprendre qursquoun nombre a est un teacutemoin que p nrsquoest pas premier ne nous apprend rien de la factorisation de p

81

1288551

125

12

1211

1212121211

121

a23456789

101112

812456

1329

101137

14

a23456789

1011121314

Le fonctionnement de lrsquoalgorithme de Shor

On veut factoriser un entier n Lrsquoalgo-rithme de Shor cherche un diviseur d de n qui soit diffeacuterent de 1 et de n Ensuite on peut iteacuterer en cherchant un diviseur de lrsquoentier S = nd Voyons qursquoil suffit de trouver un entier r tel que n divise r2 ndash 1 = (r ndash 1)(r + 1) mais n ne divise ni r ndash 1 ni r + 1 Puisque n divise r2 ndash 1 il existe un entier m tel que r2 ndash 1 = mn Soit p un facteur premier de n Alors p divise r ndash 1 ou encore p divise r + 1 Dans le premier cas d est le pgcd de r ndash 1 et n et dans le deuxiegraveme cas celui de r + 1 et n Calculer le pgcd de deux nombres par lrsquoalgorithme drsquoEuclide3 est facile pour un ordinateur Comment construire un tel entier r est un peu technique et nous ne ferons pas les deacutetails

3 Voir laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

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Si la notion de logarithme paraicirct aujourdrsquohui tout agrave fait naturelle sa conceptualisation et sa mise en œuvre au plan pratique au deacutebut

du 17e siegravecle nrsquoont point eacuteteacute une mince affaire Premiers eacutepisodes de cette foisonnante saga

Peu de temps apregraves leur introduction par John Napier (1550-1617) au tout deacutebut du 17e siegravecle les logarithmes se sont rapidement imposeacutes comme un laquo merveilleux raquo1 outil essentiel en astronomie et en navigation deux domaines scientifiques particuliegraverement avanceacutes agrave cette eacutepoque et qui venaient avec leur lot de calculs proprement titanesques Crsquoest dans un tel contexte qursquoil faut entendre le ceacutelegravebre aphorisme ducirc au matheacutematicien physicien et astronome franccedilais Pierre-Simon Laplace2 (1749-1827) qui srsquointeacuteressant dans le cadre drsquoun survol historique de lrsquoastronomie aux travaux de Johannes Kepler (1571-1630) affirmait que la deacutecouverte des logarithmes mdash combineacutee agrave lrsquoarithmeacutetique des Indiens crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecriture des nombres dans un systegraveme positionnel mdash avait pour ainsi dire doubleacute la vie des astronomes (voir encadreacute)

La preacutehistoire des logarithmesIssu entiegraverement de lrsquolaquo esprit humain raquo selon les dires de Laplace le concept de logarithme repose sur une ideacutee somme toute assez na-turelle consideacuterant diverses puissances drsquoun mecircme nombre on porte lrsquoattention sur les exposants de ces puissances Par exemple srsquoagissant des entiers

64 256 1024 et 4096crsquoest-agrave-dire respectivement

43 44 45 et 46on envisage plutocirct les exposants

3 4 5 et 6

Sur la base de ces donneacutees on pourrait conclure immeacutediatement mdash si on dispose drsquoune table de puissances de 4 mdash que

256 times 4 096 = 1 048 576prenant appui sur le fait que

44 times 46 = 44 + 6 = 410

(on applique ici une regravegle de base des exposants qui va de soi lorsque ceux-ci sont des entiers naturels) Il nrsquoest pas eacutetonnant que des telles intuitions aient pu se retrouver il y a fort longtemps

Jeacuterocircme Camireacute-Bernier

Bernard R Hodgson Universiteacute Laval

1 Renvoi agrave lrsquoeacutepithegravete mirifique (archaiumlque de nos jours) utiliseacutee par Napier lui-mecircme Lrsquoex-pression mirifique invention de notre titre est emprunteacutee agrave Jean-Pierre Friedelmeyer (voir le Pour en savoir plus)

2 Alias Pierre-Simon de Laplace Aussi homme politique il fut nommeacute marquis en 1817 (drsquoougrave la particule nobiliaire)

Laplace agrave propos des logarithmeslaquo Il [Kepler] eut dans ses derniegraveres anneacutees lrsquoavantage de voir naicirctre et drsquoemployer la deacutecouverte des logarithmes due agrave Neper baron eacutecossais artifice admirable ajouteacute agrave lrsquoingeacutenieux algorithme des Indiens et qui en reacuteduisant agrave quelques jours le travail de plusieurs mois double si lrsquoon peut ainsi dire la vie des astronomes et leur eacutepargne les erreurs et les deacutegoucircts inseacuteparables des longs calculs invention drsquoautant plus satis-

faisante pour lrsquoesprit humain qursquoil lrsquoa tireacutee en entier de son propre fonds dans les arts lrsquohomme se sert des mateacuteriaux et des forces de la nature pour accroicirctre sa puissance mais ici tout est son ouvrage raquo

Exposition du systegraveme du monde Livre V Chapitre IV

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

Un peu de vocabulaire

Eacutetant donneacute deux reacuteels (positifs) x et y leur moyenne arithmeacutetique

est donneacutee par x y2+ et leur moyenne geacuteomeacutetrique par xy

Ces appellations trouvent leur origine dans les matheacutematiques grecques de lrsquoAntiquiteacute notamment de lrsquoeacutepoque de Pythagore

Lrsquoarithmeacutetique de lrsquoeacutecole pythagoricienne portant sur lrsquoeacutetude des entiers (et des rapports simples drsquoentiers) on voit immeacutediatement pourquoi la premiegravere moyenne est dite laquo arithmeacutetique raquo Quant agrave la moyenne laquo geacuteomeacutetrique raquo elle fait intervenir une opeacuteration qui megravene agrave des grandeurs geacuteneacuteralement au-delagrave du champ des entiers Or le domaine qui eacutetudie les grandeurs par exemple les segments de droite est justement la geacuteomeacutetrie

On peut montrer que dans une suite arithmeacutetique un terme donneacute (agrave partir du deuxiegraveme) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins Et de mecircme mutatis mutandis pour une suite geacuteomeacutetrique (Voir la Section problegravemes)

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Ainsi sur la partie infeacuterieure de la tablette meacutesopotamienne MLC 020783 datant drsquoentre 1900 et 1600 avant notre egravere se trouve le tableau ci-haut (les nombres sont donneacutes ici en notation moderne et non en eacutecriture cu-neacuteiforme) on y reconnaicirct immeacutediatement la liste des premiegraveres puissances de 2 ainsi que les exposants correspondants

Lrsquousage a consacreacute lrsquoexpression suite arith-meacutetique (ou progression arithmeacutetique selon une tournure un brin suranneacutee) pour une liste de nombres qui comme dans la colonne de droite de ce tableau croissent (ou deacutecroissent) reacuteguliegraverement de maniegravere additive

a a + d a + 2d a + nd

a repreacutesentant le premier terme de la suite et d la diffeacuterence entre deux termes conseacute-cutifs mdash crsquoest-agrave-dire de combien lrsquoun de ces termes est plus grand que lrsquoautre4 (Le tableau preacuteceacutedent correspond au cas ougrave a = 1 et d = 1) Lorsque les nombres de la liste sont relieacutes multiplicativement

a ar ar2 arn

on parlera de suite (ou progression) geacuteomeacute-trique la constante r repreacutesentant cette fois le rapport entre deux termes conseacutecutifs mdash crsquoest-agrave-dire combien de fois lrsquoun est plus grand que lrsquoautre4 (Dans la colonne de gauche du tableau on a a = 2 et r = 2) (Voir lrsquoencadreacute Un peu de vocabulaire pour le sens des mots laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo dans un tel contexte)

Selon cette nomenclature la tablette MLC 02078 peut donc srsquointerpreacuteter comme la mise en comparaison de deux suites lrsquoune arithmeacutetique et lrsquoautre geacuteomeacutetrique Ce type de situation se retrouve agrave diverses eacutepoques au fil des acircges Ainsi en est-il question dans un autre document de lrsquoAntiquiteacute LrsquoAreacutenaire traiteacute dans lequel Archimegravede (-287 ndash -212) se donne comme objectif de deacuteterminer le nombre de grains de sable dont le volume serait eacutegal agrave celui du laquo monde raquo5 Parmi les outils dont se sert alors le grand matheacutematicien grec se retrouve la manipulation simultaneacutee drsquoune suite arithmeacutetique et drsquoune suite geacuteomeacutetrique ce qui lrsquoamegravene (en termes modernes) agrave identifier au passage la regravegle drsquoaddition des exposants

bm times bn = bm +n

(voir la Section problegravemes) et donc le prin-cipe de transformation drsquoune multiplication en une addition agrave la base des logarithmes

3 Pour Morgan Library Collection Cette tablette se retrouve dans la collection de lrsquoUniversiteacute Yale aux Eacutetats-Unis

4 Cette faccedilon de parler est utiliseacutee par Euler lorsqursquoil introduit les notions de rapports arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique dans ses Eacuteleacutements drsquoalgegravebre (1774) mdash voir Section troisiegraveme laquo Des rapports amp des propor-tions raquo entre autres les articles 378 398 et 505

5 Une des difficulteacutes auxquelles fait ici face Archimegravede est de reacutealiser cet objectif dans le cadre du systegraveme de numeacuteration grec qui nrsquoeacutetait pas propice pour exprimer aiseacutement de tregraves grands nombres Mais cela est une autre histoirehellip

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Tablette MLC 02078 (1900-1600 avant notre egravere)

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Cette mecircme ideacutee se retrouve plusieurs siegravecles plus tard dans Le Triparty en la science des nombres (1484) du Franccedilais Nicolas Chuquet (1445-1488) Dans la troisiegraveme partie de cet ouvrage Chuquet introduit des regravegles cal-culatoires de nature algeacutebrique Il srsquointeacuteresse alors notamment aux valeurs des puis-sances de 2 depuis 1 jusqursquoagrave 1 048 576 qursquoil aligne en colonnes avec les exposants entiers correspondants (qursquoil appelle laquo deacuteno-minations raquo) de 0 jusqursquoagrave 20 et note que la multiplication de nombres de la premiegravere colonne correspond agrave lrsquoaddition de nombres dans la seconde Il identifie aussi une autre regravegle de base des exposants

b b( )m n mn=(encore une fois exprimeacutee ici en notation moderne) Agrave noter que Chuquet utilise une notation avec indice sureacuteleveacute (comme nous le faisons aujourdrsquohui)6 et qursquoen plus de lrsquoexposant 0 il considegravere des exposants (entiers) neacutegatifs Au milieu du 16e siegravecle lrsquoAllemand Michael Stifel (1487-1567) reprendra les mecircmes thegravemes dans son Arithmetica integra (1544) ougrave il parle expli-citement de la relation entre une progression arithmeacutetique et une progression geacuteomeacutetrique Crsquoest drsquoailleurs agrave Stifel que lrsquoon doit le vocable exposants pour deacutesigner les nombres de la suite arithmeacutetique en jeu

Si quelques-uns des principes servant de fondements agrave la notion de logarithme se per-ccediloivent dans les commentaires qui preacutecegravedent on est encore loin du logarithme en tant que tel Pour qursquoune correspondance entre une suite geacuteomeacutetrique et une suite arithmeacutetique devienne un veacuteritable outil de calcul il faut en effet laquo boucher les trous raquo entre les puissances (entiegraveres) successives Il peut ecirctre inteacuteressant comme le souligne Chuquet de conclure gracircce agrave sa table des puissances de 2 que le produit de 128 et 512 est 65 536 Mais cela ne nous renseigne en rien par exemple sur le produit 345 times 678 On voit mecircme Chuquet dans un appendice au Tripar-ty chercher agrave reacutesoudre des problegravemes dans lesquels un exposant fractionnaire est rechercheacute mdash mais sans deacutevelopper pour autant drsquoapproche systeacutematique agrave cette fin

Certains eacuteleacutements (timides) agrave cet eacutegard se retrouvent il y a fort longtemps Ainsi le tableau numeacuterique ci-contre figure lui aussi sur la tablette MLC 02078 (dans sa partie supeacuterieure) On y voit une progression arith-meacutetique de diffeacuterence frac-tionnaire ecirctre juxtaposeacutee agrave une progression geacuteomeacutetrique agrave savoir des puissances de 16 Mais peu semble avoir eacuteteacute fait pour pousser plus loin de telles asso-ciations jusqursquoagrave lrsquoarriveacutee de Napier

Les logarithmes agrave la NapierTout eacutetudiant est aujourdrsquohui familier avec le fait que le passage drsquoun nombre donneacute agrave son logarithme (selon une certaine base) revient agrave identifier lrsquoexposant dont il faut affecter cette base pour retrouver le nombre en cause Ayant fixeacute un reacuteel b (positif et diffeacuterent de 1) et consideacuterant un reacuteel positif x le logarithme de x dans la base b noteacute logbx est donc par deacutefinition lrsquoexposant (reacuteel) u tel que bu = x Une telle vision il faut le souligner demeure relativement tardive par rapport agrave lrsquointuition originale de logarithme nrsquoeacutetant devenue la norme que pregraves drsquoun siegravecle et demi apregraves les travaux de lrsquoEacutecossais John Napier7 mdash voir lrsquoencadreacute Les traiteacutes de Napier mdash lorsque Leonhard Euler (1707-1783) en a fait la pierre drsquoassise de son traitement de la fonction logarithmique8 dans son Introduc-tio in analysin infinitorum (1748) Acceptant les proprieacuteteacutes de la fonction exponentielle bu pour des reacuteels b et u quelconques on tire im-meacutediatement de cette deacutefinition la proprieacuteteacute de base du logarithme

logb xy = logb x + logb y

ce qui permet de transformer une multi-plication en une addition de mecircme que les eacutegaliteacutes similaires pour le logarithme drsquoun quotient ou drsquoune puissance

DossierHistoire

6 La notation exponentielle aujourdrsquohui usuelle telle a2 ou a3 se reacutepandra apregraves son utilisa-tion par Reneacute Descartes (1596-1650) dans son traiteacute La geacuteomeacutetrie (1637)

7 Voir Andreacute Ross laquo John Napier raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 8-11

8 Cette approche drsquoEuler peut ecirctre vue comme une illustration remarquable de lrsquoim-pact drsquoune bonne notation en vue de clarifier et faciliter la deacutemarche de la penseacutee

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

On observera que lrsquoideacutee drsquoun lien entre deux suites lrsquoune geacuteomeacutetrique et lrsquoautre arithmeacutetique bien que sous-jacente agrave la derniegravere eacutegaliteacute nrsquoest pas pour autant expli-citement mise en eacutevidence dans cette vision moderne (post-euleacuterienne) du logarithme Or agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier introduit ses loga-rithmes lrsquoideacutee de laquo fonction raquo nrsquoest pas dans lrsquoair du temps mdash elle ne surgira de fait que vers la fin du 17e siegravecle dans la mouvance des travaux sur le calcul infiniteacutesimal mdash de sorte que la comparaison de suites (geacuteomeacutetrique et arithmeacutetique) demeure la principale source drsquoinspiration de ses travaux

Une autre mouvance de lrsquoeacutepoque visait agrave se doter drsquooutils permettant de simplifier lrsquoexeacutecution de calculs arithmeacutetiques portant sur de gros nombres Dans un texte preacuteceacute-dent9 nous avons preacutesenteacute entre autres la meacutethode de prosthapheacuteregravese utiliseacutee vers la fin du 16e siegravecle en vue de transformer une multiplication en addition ou une division en soustraction La populariteacute de telles meacutethodes notamment dans les cercles astronomiques a certainement contribueacute agrave convaincre Napier de lrsquoimportance de deacuteve-lopper des outils permettant de raccourcir les calculs y compris dans le cas de lrsquoexponen-tiation ou de lrsquoextraction de racine Il en fait drsquoailleurs mention explicitement dans la preacute-face de son Descriptio Soulignant le caractegravere peacutenible dans la pratique des matheacutematiques de la multiplication division ou extraction de racine carreacutee ou cubique de grands nombres Napier insiste non seulement sur le temps re-quis pour exeacutecuter ces opeacuterations mais aus-si sur les nombreuses erreurs qui peuvent en reacutesulter Agrave la recherche drsquoune meacutethode sucircre et expeacuteditive afin de contourner ces difficul-teacutes il annonce qursquoapregraves lrsquoexamen de plusieurs proceacutedeacutes il en a retenu un qui rencontre ses attentes

laquo Agrave la veacuteriteacute aucun proceacutedeacute nrsquoest plus utile que la meacutethode que jrsquoai trouveacutee Car tous les nombres utiliseacutes dans les multiplica-tions les divisions et les extractions ar-

dues et prolixes de racines sont rejeteacutes des opeacuterations et agrave leur place sont substitueacutes drsquoautres nombres sur lesquels les calculs se font seulement par des additions des soustractions et des divisions par deux et par trois raquo10

La vision geacuteomeacutetrico- cineacutematique de NapierUn troisiegraveme eacuteleacutement sur lequel srsquoappuie Napier dans sa creacuteation des logarithmes est la geacuteomeacutetrie mdash plus preacuteciseacutement la geacuteomeacutetrie du mouvement Il a en effet lrsquoideacutee de comparer le deacuteplacement de deux points lrsquoun bougeant selon une vitesse11 variant de maniegravere telle que les distances parcourues en des intervalles de temps eacutegaux forment une progression geacuteomeacute-trique tandis que lrsquoautre point bougeant agrave vitesse constante deacute-termine des distances en progression arith-meacutetique Le support geacuteomeacutetrique dont se sert alors Napier peut se deacutecrire comme suit

9 Voir laquo Eacutemergence logarithmique tables et calculs raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 2-7

10 Tireacute de la preacuteface du Mirifici logarithmorum canonis descriptio (traduction personnelle)

11 Napier introduit lrsquoideacutee de mouvement degraves la deacutefinition 1 du Descriptio Il utilise explicite-ment le terme laquo vitesse raquo agrave la deacutefinition 5

Les traiteacutes de NapierCrsquoest degraves lrsquoanneacutee 1594 que Na-pier entame les travaux qui lrsquoamegraveneront agrave la notion de loga-rithme En 1614 il fait connaicirctre son invention en publiant un premier traiteacute sur le sujet mdash reacutedigeacute en latin la langue des savants de lrsquoeacutepoque Mirifici lo-garithmorum canonis descrip-tio (crsquoest-agrave-dire Description de la merveilleuse regravegle des loga-rithmes) Il srsquoagit de la premiegravere publication drsquoune table de lo-garithmes qui occupent les 90 derniegraveres pages du traiteacute Cette table est preacuteceacutedeacutee drsquoun texte de 57 pages ougrave Napier explique

ce que sont les logarithmes et comment les utiliser

Un second traiteacute de Napier sur le sujet est un ouvrage reacutedigeacute avant la parution du Descriptio mais publieacute par lrsquoun de ses fils seulement en 1619 deux ans apregraves sa mort Mirifici loga-rithmorum canonis constructio (Construction de la merveilleuse regravegle des logarithmes) Dans un texte drsquoenviron 35 pages (ac-compagneacute drsquoappendices) Na-pier preacutesente la theacuteorie sur la-quelle il srsquoest appuyeacute pour construire sa table

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Eacutetant donneacute un segment AB de longueur deacutetermineacutee il considegravere un point P partant de A avec une vitesse initiale donneacutee et se deacuteplaccedilant vers B en une seacuterie de laquo pas raquo P1 P2 P3 Pn

Napier stipule (Descriptio deacutefinition 2) que la vitesse de deacuteplacement de P le long de AB deacutecroicirct de maniegravere telle que en des temps eacutegaux la longueur de chacun des inter-valles AP1 P1P2 P2P3 P3P4 successivement parcourus par P est proportionnelle agrave la dis-tance seacuteparant P de sa cible B (lorsqursquoil est agrave lrsquoextreacutemiteacute gauche de chaque intervalle)12

APAB

P PP B

P PP B

P PP B

1 1 2

1

2 3

2

3 4

3

= = = =

On tire immeacutediatement de ces eacutegaliteacutes que

P BAB

P BP B

P BP B

P BP B

1 2

1

3

2

4

3

= = = =

(voir la Section problegravemes) de sorte que la suite de segments AB P1B P2B P3B qui correspond aux distances entre les diverses positions de P et lrsquoextreacutemiteacute B forme une suite geacuteomeacutetrique deacutecroissante (Construc-tio article 24) la longueur de chacun drsquoeux est en effet la moyenne geacuteomeacutetrique de ses deux voisins Napier considegravere alors un second point Q se deacuteplaccedilant agrave vitesse constante sur une demi-droite (donc illimiteacutee dans un sens) et de maniegravere telle qursquoau moment ougrave P passe par Pi le point Q est en un point Qi = i (voir la Section problegravemes)

Lrsquoideacutee de Napier est drsquoassocier la suite arith-meacutetique

0 1 2 3 n

correspondant aux positions successives de Q agrave la suite geacuteomeacutetrique deacutetermineacutee par les segments

AB P1B P2B P3B PnB

Mais pour que cette association soit com-plegravete il faut la geacuteneacuteraliser agrave un emplacement quelconque de P sur AB outre les positions laquo discregravetes raquo P1 P2 P3 Voici le tour de passe-passe permettant agrave Napier de contourner cette difficulteacute

Puisque des distances parcourues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est propor-tionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (voir la Section problegravemes) Ainsi quand P est agrave mi-chemin dans son trajet de A vers B sa vitesse a diminueacute de moitieacute par rapport agrave sa vitesse initiale Et quand il est rendu aux deux-tiers de lrsquointervalle AB sa vitesse ne vaut plus que le tiers de celle de deacutepart

Passant agrave une vision laquo lisse raquo mdash et non plus par laquo pas raquo mdash du deacuteplacement de P Napier en vient agrave consideacuterer ce point comme chan-geant laquo continucircment raquo de vitesse13 mdash et non pas de maniegravere abrupte et instantaneacutee en chaque point Pi Pour rester dans les mecircmes conditions que preacuteceacutedemment il suppose donc que P se deacuteplace laquo geacuteomeacute-triquement raquo de A vers B crsquoest-agrave-dire de maniegravere telle que la vitesse de P est toujours proportionnelle agrave la distance qui le seacutepare de B (Constructio article 25)

Les laquo logarithmes agrave la Napier raquo sont main-tenant agrave porteacutee de main Supposant drsquoune part que les deux points P et Q entament leur deacuteplacement agrave la mecircme vitesse le premier selon une vitesse deacutecroissant geacuteomeacutetriquement de A vers B et le second agrave vitesse constante agrave partir de 0 et suppo-sant de plus que le point Q est en y lorsque le point P est agrave une distance x de B alors y est appeleacute par Napier le logarithme de x (On eacutecrira ici par commoditeacute y = Nlog(x))

Crsquoest ainsi que le logarithme du reacuteel x est le reacuteel y deacutetermineacute par la suite arithmeacutetique associeacutee agrave la suite geacuteomeacutetrique correspon-dant agrave x

DossierHistoire

12 On notera au passage que le point P nrsquoat-teint ainsi jamais sa cible B car agrave chaque eacutetape il gruge toujours la mecircme fraction du chemin restant agrave parcourir

13 Napier nrsquoutilise pas explicitement une telle terminologie

0 y

x

Q rarrA

P rarr

B

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P1 P2 P3 P4 Pn

B

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Q1 Q2 Q3 Q4 Qn

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Valeurs numeacuteriques des logarithmes de NapierPlusieurs aspects de la notion de logarithme telle que conccedilue et mise en œuvre par Na-pier peuvent nous sembler un peu eacutetranges aujourdrsquohui On a deacutejagrave insisteacute sur la place qursquoy occupent les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique maintenant absentes du discours sur les logarithmes Une autre par-ticulariteacute est relieacutee aux valeurs numeacuteriques mecircmes deacutetermineacutees par Napier

Une motivation cleacute de Napier eacutetait de construire un outil facilitant les calculs tri-gonomeacutetriques un domaine drsquoapplication des matheacutematiques de toute premiegravere importance agrave son eacutepoque Crsquoest pour cette raison que la table produite par Napier dans son Descriptio repose non pas sur des nombres en geacuteneacuteral mais plutocirct sur le sinus des angles allant de 0deg agrave 90deg chaque degreacute eacutetant diviseacute en 60 minutes Agrave chacune de ces valeurs de sinus (il y en a donc 5 400 en tout) Napier associe son logarithme tel que deacutefini ci-haut

Il faut par ailleurs souligner que la notion de sinus de lrsquoeacutepoque nrsquoest pas tout agrave fait la mecircme qursquoaujourdrsquohui le sinus est alors non pas vu comme un rapport de cocircteacutes dans un triangle mais plutocirct comme la longueur drsquoune demi-corde dans un cercle donneacute Afin de faciliter les calculs il eacutetait drsquousage de travailler avec un cercle de grand rayon de maniegravere agrave eacuteviter lrsquoemploi de fractions et agrave se res-treindre agrave des nombres naturels Or agrave la fin du 16e siegravecle agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier entreprit ses travaux crsquoest sur un cercle de rayon 10 000 000 que srsquoappuyaient certaines des tables trigonomeacutetriques alors en circula-tion14 Crsquoest sans doute lagrave la raison pour laquelle Napier deacutecide de se servir de cette mecircme valeur pour asseoir la construction de sa table logarithmique

Il se dote donc drsquoun segment AB de longueur 107 = 10 000 000 (Constructio article 24) et il suppose que la vitesse initiale de chacun des deux points P et Q est aussi 107 (Constructio articles 25 et 26) Dans le cas de Q cette

vitesse demeure constante alors que pour P elle deacutecroicirct laquo geacuteomeacutetriquement raquo15 Or le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique doit permettre de combler les eacutecarts entre des puissances entiegraveres successives mdash voir agrave ce propos les commentaires plus haut mdash de sorte qursquoil est utile que ce rapport soit un nombre pregraves de 1 Agrave cet effet Napier choisit comme rapport

0999 999 9 11

107= minus

(Constructio articles 14 et 16) Une telle valeur a aussi comme avantage que le calcul de termes successifs de la progression geacuteomeacutetrique peut se ramener agrave une seacuterie de soustractions plutocirct que des multiplica-tions iteacutereacutees par 1 ndash 10ndash7 ce qui a permis agrave Napier de simplifier dans une large mesure la construction de sa table Cette construction demeure neacuteanmoins en pratique un accom-plissement eacutepoustouflant

On observera que les valeurs numeacuteriques des logarithmes creacuteeacutes par Napier sont fort diffeacuterentes de celles que lrsquoon connaicirct aujourdrsquohui Ainsi on a que Nlog(107) = 0 Et Nlog(x) deacutecroicirct lorsque x croicirct De plus il nrsquoest pas question de laquo base raquo dans les propos de Napier (voir agrave ce sujet la Section problegravemes) Mais lrsquoessence du logarithme est bel et bien lagrave

14 De telles tables trigonomeacutetriques ont eacuteteacute construites par Johann Muumlller alias Regio-montanus (1436-1476) et par Georg Joachim de Porris dit Rheticus (1514-1574)

15 Les valeurs choisies par Napier ont pour conseacutequence que la vitesse de P (en tant que nombre) est non seulement proportion-nelle mais est de fait eacutegale agrave la distance de P agrave B (voir la Section problegravemes)

Agrave propos de lrsquoeacutetymologie du mot logarithme

Napier a forgeacute le mot logarithme agrave partir de deux racines grecques drsquousage courant logoς laquo rapport raquo et ariqmoς laquo nombre raquo On peut voir le mot rapport ici comme refleacutetant le rapport commun des termes successifs de la suite geacuteomeacutetrique AB P1B P2B P3B

Au commencement de ses travaux Napier appelait nombres artificiels les valeurs de la suite arithmeacutetique peut-ecirctre pour les opposer aux nombres de la suite geacuteomeacute-trique qui eacutetaient en quelque sorte don-neacutes Mais le terme logarithme srsquoest rapide-ment imposeacute

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Comment ameacuteliorer une solution imparfaite agrave un problegraveme complexe

Et si on srsquoinspirait de la nature pour faire eacutevoluer les solutions

Lrsquoinspiration de la nature En 1859 le naturaliste Charles Darwin a publieacute son ceacutelegravebre ouvrage Lrsquoorigine des espegraveces qui preacutesentait une theacuteorie visant agrave expliquer le pheacutenomegravene de lrsquoeacutevolution Cette theacuteorie reacutevolutionnaire a provoqueacute plusieurs deacutebats agrave lrsquoeacutepoque mais elle est maintenant largement accepteacutee Environ 100 ans plus tard elle a inspireacute le professeur John Holland qui a tenteacute drsquoimpleacutementer artificiellement des systegravemes eacutevolutifs baseacutes sur le proces-sus de seacutelection naturelle Ces travaux ont

ensuite meneacute aux algorithmes geacuteneacutetiques qui sont maintenant utiliseacutes pour obtenir des solutions approcheacutees pour certains problegravemes drsquooptimisation difficiles

Les eacuteleacutements de base drsquoun algorithme geacuteneacutetiqueAfin de comprendre lrsquoanalogie entre le processus de seacutelection naturelle et un algo-rithme geacuteneacutetique rappelons tout drsquoabord les meacutecanismes les plus importants qui sont agrave la base de lrsquoeacutevolution

1 Lrsquoeacutevolution se produit sur des chromo-somes qui repreacutesentent chacun des individus dans une population

2 Le processus de seacutelection naturelle fait en sorte que les chromo-somes les mieux adapteacutes se reproduisent plus souvent et contribuent davantage aux popu- lations futures

3 Lors de la reproduction lrsquoinfor- mation contenue dans les chromosomes des parents est combineacutee et meacutelangeacutee pour produire les chromosomes des enfants (laquo croisement raquo)

4 Le reacutesultat du croisement peut agrave son tour ecirctre modifieacute par des perturbations aleacuteatoires (muta-tions)

Ces meacutecanismes peuvent ecirctre utiliseacutes pour speacutecifier un algorithme geacuteneacutetique tel que celui deacutecrit dans lrsquoencadreacute ci-dessous

Charles Fleurent GIRO

Algorithmes geacuteneacutetiques

Les travaux sur lrsquoeacutevolution des espegraveces vivantes du natura-liste et paleacuteontologue anglais Charles Darwin (1809-1882) ont reacutevolutionneacute la biologie Dans son ouvrage intituleacute LrsquoOrigine des espegraveces paru en 1859 Darwin preacutesente le reacutesultat de ses recherches Darwin eacutetait deacutejagrave ceacutelegravebre au sein de la communauteacute scientifique de son eacutepoque

pour son travail sur le terrain et ses recherches en geacuteologie Ses travaux srsquoinscrivent dans la fouleacutee de ceux du natura-liste franccedilais Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) qui 50 ans plus tocirct avait eacutemis lrsquohypothegravese que toutes les espegraveces vivantes ont eacutevolueacute au cours du temps agrave partir drsquoun seul ou de quelques ancecirctres communs Darwin a soutenu avec Alfred Russel Wallace (1823-1913) que cette eacutevolution eacutetait due au processus dit de la laquo seacutelection naturelle raquo

Comme il naicirct beaucoup plus drsquoindividus de chaque espegravece qursquoil nrsquoen peut survivre et que par conseacutequent il se produit souvent une lutte pour la vie il srsquoensuit que tout ecirctre srsquoil varie mecircme leacutegegraverement drsquoune maniegravere qui lui est profitable dans les conditions complexes et quelque-fois variables de la vie aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi drsquoune faccedilon naturelle En raison du principe dominant de lrsquoheacutereacutediteacute toute varieacuteteacute ainsi choisie aura tendance agrave se multiplier sous sa forme nouvelle et modifieacutee

Charles Darwin 1859 Introduction agrave LrsquoOrigine des espegraveces

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Pour adapter un algorithme geacuteneacutetique agrave un problegraveme drsquooptimisation combinatoire il suf-fit alors de speacutecialiser certaines composantes agrave la structure particuliegravere de ce dernier En geacuteneacuteral les deacutecisions portent sur les aspects suivants

Codage des solutions il faut eacutetablir une correspondance entre les solutions du problegraveme et les chromosomes

Opeacuterateurs geacuteneacutetiques il faut deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation pour les chromosomes

Eacutevaluation des chromosomes la me-sure drsquoadaptation des chromosomes agrave leur environnement est donneacutee par une fonction qui est calculeacutee par un processus plus ou moins complexe

Il existe plusieurs moyens pour mettre en œuvre certains des meacutecanismes importants drsquoun algorithme geacuteneacutetique Par exemple la seacutelection des parents peut srsquoeffectuer de diverses faccedilons Dans une population P = x1 x2 hellip xN ougrave la mesure drsquoadaptation drsquoun individu est eacutevalueacutee par une fonction ƒ lrsquoopeacuterateur classique consiste agrave associer agrave chaque individu xi une probabiliteacute pi drsquoecirctre seacutelectionneacute proportionnelle agrave la valeur de f pour cet individu crsquoest-agrave-dire

pf x

f x( )

( )i

i

jj Psum

=

isin

En pratique on utilise souvent drsquoautres meacute-thodes de seacutelection pouvant se parameacutetrer plus facilement Ainsi dans la seacutelection par tournoi un ensemble drsquoindividus est seacutelec-tionneacute aleacuteatoirement dont les meilleurs eacuteleacute-ments seulement sont retenus Pour choi-sir deux parents on peut donc seacutelectionner aleacuteatoirement 5 individus et ne garder que les deux meilleurs Dans drsquoautres meacutethodes les individus sont ordonneacutes selon leur va-leur pour la fonction ƒ et la seacutelection srsquoeffec-tue aleacuteatoirement selon le rang occupeacute par chaque individu On utilise alors une distri-bution biaiseacutee en faveur des individus en tecircte de liste

Un autre meacutecanisme important est le mode de remplacement des individus de la popula-tion Dans le modegravele original chaque popu-lation de N individus est totalement rempla-ceacutee agrave chaque geacuteneacuteration Drsquoautres strateacutegies laquo eacutelitistes raquo font en sorte drsquoassurer agrave chaque geacuteneacuteration la survie des meilleurs individus de la population Crsquoest le cas entre autres des modegraveles laquo stationnaires raquo ougrave un nombre res-treint drsquoindividus est remplaceacute agrave chaque geacute-neacuteration Dans ce cas on ajoute souvent des meacutecanismes suppleacutementaires empecircchant lrsquoajout drsquoindividus identiques (doublons) dans la population Des implantations plus eacutevo-lueacutees existent eacutegalement pour des architec-tures parallegraveles

Un algorithme geacuteneacutetique 1 Construire une population initiale de N

solutions

2 Eacutevaluer chacun des individus de la population

3 Geacuteneacuterer de nouvelles solutions en seacutelectionnant les parents de faccedilon proportionnelle agrave leur eacutevaluation Appliquer les opeacuterateurs de croisement et de mutation lors de la reproduction

4 Lorsque N nouveaux individus ont eacuteteacute geacuteneacutereacutes ils remplacent alors lrsquoancienne population Les individus de la nouvelle population sont eacutevalueacutes agrave leur tour

5 Si le temps alloueacute nrsquoest pas deacutepasseacute (ou le nombre de geacuteneacuterations maximal nrsquoest pas atteint) retourner agrave lrsquoeacutetape 3

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Repreacutesentation des solutions et opeacuterateurs geacuteneacutetiquesLes premiers algorithmes geacuteneacutetiques utili-saient tous une repreacutesentation binaire ougrave chaque solution s est codeacutee sous la forme drsquoune chaicircne de bits de longueur n ie s[i ] isin 0 1 foralli =1 2 hellip n Pour cette repreacute-sentation lrsquoopeacuterateur de croisement classique agrave un point consiste agrave choisir de faccedilon uniforme une position de coupure aleacuteatoire l isin 1 2 hellip nminus1 Si les parents p1 et p2 ont eacuteteacute seacutelectionneacutes pour la reproduction les solutions enfants e1 et e2 sont alors construites de la faccedilon suivante

e1[i ] = p1[i ] foralli isin1 hellip l e1[i ] = p2[i ] foralli isinl + 1 hellip n e2 [i ] = p2[i ] foralli isin1 hellip l e2 [i ] = p1[i ] foralli isinl + 1 hellip nLorsqursquoon itegravere avec drsquoautres paires de parents on choisit aleacuteatoirement pour chaque paire de parents un nouvel opeacuterateur de croisement agrave un point Lrsquoopeacuterateur agrave un point peut se geacuteneacuteraliser en seacutelectionnant k positions aleacuteatoires plutocirct qursquoune seule Dans ce cas les enfants sont produits en eacutechan-geant lrsquoinformation chromosomique entre les k points de coupure En pratique la valeur k = 2 est couramment utiliseacutee Un autre opeacuterateur tregraves populaire (croisement uni-forme) utilise une chaicircne de bits geacuteneacutereacutee aleacuteatoirement pour engendrer les enfants Pour chaque position le choix aleacuteatoire in-dique quel parent deacuteterminera la valeur des enfants Des exemples des opeacuterateurs de croisement agrave un point agrave deux points et uniforme sont illustreacutes dans les tableaux suivants Des reacutesultats theacuteoriques et empi-riques indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme donne geacuteneacuteralement des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux produits par les deux autres

Opeacuterateur de croisement agrave un point

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 0 1 1

0 1 0 1 0 1 1 0 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement agrave deux points

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 1 0 1

0 1 0 1 0 1 0 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement uniforme

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 1 0 1 1 1 0 0 1

0 1 1 0 1 0 1 0 0

0 0 0 1 0 1 1 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Chaicircnealeacuteatoirede bits

Avec une repreacutesentation binaire on utilise geacuteneacuteralement lrsquoopeacuterateur de mutation clas-sique qui consiste agrave changer aleacuteatoirement un bit pour son compleacutement

Opeacuterateur de mutation classique

Enfant 1 0 0 1 0 1 1 0 1

1 1 0 1 0 1 1 0 0Enfant

Mutationsaleacuteatoires

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Un exemple le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteennePour certains problegravemes la repreacutesentation binaire des solutions est tout agrave fait intuitive et bien adapteacutee Crsquoest le cas par exemple du problegraveme de satisfaisabiliteacute (SAT) Eacutetant donneacute une expression logique F de n variables boo-leacuteennes x1 x2 hellip xn (voir encadreacute) ce problegraveme fondamental (qui est agrave la base de la theacuteorie de la NP-compleacutetude) consiste agrave trouver une affectation aux variables de faccedilon agrave satisfaire F En eacutetablissant les correspondances faux harr 0 vrai harr 1 on peut repreacutesenter chaque solution par une chaicircne binaire de longueur n et utiliser les opeacuterateurs geacuteneacute-tiques classiques deacutecrits preacuteceacutedemment

Pour eacutevaluer les solutions lrsquoexpression logique F peut ecirctre exprimeacutee comme une conjonction (voir encadreacute) de m clauses

F = Cj j =1

m

Chaque clause est alors deacutefinie par une disjonction de variables booleacuteennes dont certaines sont associeacutees agrave un opeacuterateur de neacutegation (indiqueacute par le symbole ndash ) Pour satisfaire F il faut donc satisfaire toutes ses clauses Pour un algorithme geacuteneacutetique chaque solution peut ecirctre simplement eacuteva-lueacutee par le nombre de clauses qursquoelle satisfait par exemple noteacute par f Si on considegravere par exemple lrsquoexpression suivante pour F

= and or and or or

and or or or

and or or or or

F x x x x x x

x x x x

x x x x x

( ) ( ) ( )

( )

( )

1 1 2 1 2 3

1 2 3 4

1 2 3 4 5

la solution (1 0 1 0 0) satisfait toutes les clauses sauf la premiegravere alors que la solution (0 1 1 0 1) satisfait toutes les clauses et donc lrsquoexpression F

Avec une repreacutesentation des chro-mosomes une fonction drsquoadaptation f et des opeacuterateurs de croisement et de mutation nous avons tous les eacuteleacutements pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique simple pour le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteenne Le processus peut ecirctre illustreacute par le tableau en bas de page avec un opeacuterateur de croisement uniforme repreacutesenteacute par la chaicircne de bits U Dans cet exemple simplifieacute lrsquoalgo-rithme a produit en six geacuteneacuterations une solution qui satisfait lrsquoexpression boo-leacuteenne F (les 5 clauses sont satisfaites pour un individu de la population) Pour une fonction plus complexe comprenant un grand nombre de va-riables on utilise des populations plus importantes et laisse la population eacutevoluer lentement vers des solutions de bonne qualiteacute

Variables booleacuteennes

Opeacuterateurs booleacuteens

Une variable booleacuteenne est une variable qui ne peut prendre que deux valeurs logiques VRAI ou FAUX On peut utiliser 1 et 0 pour repreacutesenter ces deux valeurs

Un opeacuterateur booleacuteen est un opeacuterateur qui sap-plique sur une ou deux variables booleacuteennes

La neacutegation drsquoune variable booleacuteenne x qui est noteacutee x change la valeur de la variable booleacuteenne x

Variable Neacutegation

10

01

x x

La conjonction de deux variables x et y noteacutee x and y prend la valeur 1 si les variables x et y ont toutes deux la valeur 1 Dans les autres cas elle prend la valeur 0

Variables Conjonction

1100

1010

1000

x y x y

La disjonction de deux variables x et y noteacutee x or y prend la valeur 1 si au moins lrsquoune des variables a la valeur 1 Elle prend la valeur 0 si les deux variables ont la valeur 0

Variables Disjonction

1100

1010

1110

x y x y

Geacuteneacuteration

5

(0 0 1 0 0) f = 4(0 0 1 0 1) f = 3(0 0 1 1 1) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

(0 0 1 0 0) f = 4(1 0 1 1 0) f = 4(0 0 1 1 1) f = 4

U = (0 1 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4 (1 0 1 1 0) f = 4

(0 1 1 1 0) f = 5U = (0 0 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

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Population Enfant Enfant muteacute

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Autres exemplesLes algorithmes geacuteneacutetiques ne sont pas applicables qursquoaux repreacutesentations binaires Par exemple le problegraveme classique du com-mis voyageur (Traveling Salesman Problem ou TSP) consiste agrave identifier une tourneacutee agrave coucirct minimal qui visite chaque ville drsquoun ensemble agrave couvrir Mecircme si une tourneacutee pourrait alors theacuteoriquement ecirctre repreacutesenteacutee par une chaicircne de booleacuteens on preacutefegravere geacuteneacuterale-ment utiliser une repreacutesentation plus directe sous forme de permutation Chaque permu-tation speacutecifie alors lrsquoordre dans lequel sont visiteacutees les villes

On doit alors deacutefinir des opeacuterateurs de mutation et de croisement pour une repreacutesentation sous forme de permutation Pour la muta-

tion un simple eacutechange entre deux villes dans une seacutequence pourra faire lrsquoaffaire Par exemple

Tourneacutee originale (Montreacuteal Rimou- ski Saguenay Val drsquoOr Queacutebec Sher-brooke)

Apregraves mutation (Montreacuteal Rimouski Saguenay Sherbrooke Queacutebec Val drsquoOr) Pour le croisement il est facile de constater que des opeacuterateurs sem-blables agrave ceux deacutecrits preacuteceacutedemment ne pourraient preacuteserver la structure de permutation Plusieurs opeacuterateurs valides ont toutefois eacuteteacute proposeacutes Agrave titre drsquoexemple lrsquoopeacuterateur OX choisit une sous-seacutequence dans la seacutequence drsquoun des parents et place les villes res-tantes dans lrsquoordre deacutefini par lrsquoautre

parent Dans le tableau ci-dessous deux po-sitions sont choisies aleacuteatoirement afin de deacutefinir une sous-seacutequence chez le premier parent (eacutetape 1) Agrave lrsquoeacutetape 2 les villes res-tantes sont placeacutees selon lrsquoordre induit par le deuxiegraveme parent

P1 Mtl Sag Val Queacute Shb RimQueacute Rim Mtl Shb Sag Val

Rim Sag Val Queacute Mtl Shb

Rim Mtl ShbSag Val Queacute

P2

Eacute1Eacute2

Enf

Ss

Une fois la repreacutesentation et les opeacuterateurs de base deacutefinis on peut simplement eacutevaluer chaque tourneacutee par la distance parcourue et tous les eacuteleacutements sont en place pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique pour le problegraveme TSP

Coloration de grapheUn autre problegraveme classique celui de colo-ration de graphe1 est aussi abordable par les algorithmes geacuteneacutetiques

Pour un graphe G = (V E) constitueacute drsquoun en-semble de nœuds V et drsquoarecirctes E un coloriage est une partition de V en k sous-ensembles (couleurs) C1 C2 hellip Ck pour lesquels u v isin Ci rArr (u v) notinE ie que deux nœuds ne peuvent avoir la mecircme couleur srsquoils sont lieacutes par une arecircte Le problegraveme de coloration de graphe consiste agrave trouver un coloriage utilisant un nombre minimal de sous-ensembles Ce type drsquoapproche permet notamment de reacutesoudre agrave coucirct minimum des conflits drsquohoraire En pratique on choisit drsquoabord une valeur-cible pour k et chaque chromosome constitue une partition de V en k sous-ensembles Les so-lutions sont codeacutees sous forme de chaicircnes en liant lrsquoindice de chaque nœud agrave lrsquoun des k sous-ensembles

DossierApplications

1 Voir laquo Le theacuteoregraveme des quatre couleurs raquo Accromath 141 2019

Coloration de grapheEn theacuteorie des graphes la coloration de graphe consiste agrave attribuer une couleur agrave chacun de ses sommets de maniegravere que deux sommets relieacutes par une arecircte soient de couleur diffeacuterente On cherche souvent agrave utiliser le nombre minimal de couleurs appeleacute nombre chromatique

12

34

5

6

7

89Un coloriage imparfait

10

Mtl Rim

SagShb

ValQueacute

2

6 3

4

1

5

Mtl Rim

SagShb

QueacuteVal

2

6 3

4

1

5

Mutation drsquoune tourneacutee

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Par exemple si on associe C1 agrave bleu C2 agrave rouge et C3 agrave vert dans le coloriage im-parfait de la page preacuteceacutedente la partition des nœuds associeacutee agrave cette solution est (1 2 3 2 3 2 1 2 3 1) car les nœuds 1 7 et 10 sont dans C1 les nœuds 2 4 6 et 8 dans C2 et les nœuds 3 5 et 9 dans C3 En deacutefinissant la fonction f comme le nombre de fois ougrave la regravegle du coloriage nrsquoa pas eacuteteacute respecteacutee on obtient f (C1 C2 C3) = 0 + 1 + 1 = 2 car on a 0 arecircte dans C1 1 arecircte dans C2 (entre les nœuds 2 et 4) et 1 dans C3 (entre les nœuds 3 et 5)

De faccedilon geacuteneacuterale le problegraveme de coloriage consiste agrave geacuteneacuterer une partition telle que f (C1 C2 Ck) = 0 avec un k le plus petit possible Avec la repreacutesentation en chaicircne de la partition il est facile de deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation semblables agrave ceux utiliseacutes pour les repreacutesen-tations binaires Les reacutesultats rapporteacutes dans la litteacuterature indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme domine encore ceux agrave un point et agrave deux points

Est-ce que ccedila fonctionne Il nrsquoy a aucun doute que les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent ecirctre utiliseacutes pour traiter des problegravemes drsquooptimisation Leur performance relative varie cependant selon les contextes Lorsqursquoun problegraveme est bien eacutetudieacute il est geacuteneacuteralement preacutefeacuterable drsquoavoir recours agrave des algorithmes speacutecialiseacutes qui peuvent tirer avantage de certaines structures speacutecifiques Pour le problegraveme TSP par exemple des approches baseacutees sur la programmation en nombres entiers peuvent maintenant reacutesoudre de faccedilon optimale des exemplaires de plusieurs dizaines de milliers de villes Il serait donc mal aviseacute drsquoutiliser un algorithme geacuteneacutetique pour reacutesoudre ce problegraveme (agrave moins de vouloir eacutetudier leur comportement ce qui peut ecirctre tout agrave fait leacutegitime et amusant)

Les algorithmes geacuteneacutetiques ont tout de mecircme lrsquoavantage drsquoecirctre simples agrave mettre en place En fait une meacutethode de codage des opeacuterateurs de croisement et de mutation ainsi qursquoune fonction drsquoeacutevaluation sont suf-fisants pour utiliser une approche eacutevolutive On obtient alors une approche robuste qui peut ecirctre tregraves utile si la fonction agrave optimiser est laquo floue raquo (fuzzy) ou si on dispose de peu de temps pour eacutetudier le problegraveme agrave optimiser

Les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent eacutega-lement ecirctre combineacutes agrave drsquoautres approches drsquooptimisation pour donner lieu agrave des meacutethodes hybrides tregraves puissantes souvent parmi les meilleures disponibles On peut par exemple utiliser des opeacuterateurs de mutation plus sophistiqueacutes pour optimiser le reacutesultat de chaque croisement Pour lrsquoalgorithme hybride reacutesultant la composante laquo geacuteneacute-tique raquo vise alors agrave enrichir la recherche en misant sur les eacuteleacutements qui constituent sa force ie lrsquoutilisation drsquoune population diver-sifieacutee qui permet lrsquoaccegraves aux caracteacuteristiques varieacutees de plusieurs individus et au proces-sus de seacutelection (artificielle dans ce cas) afin drsquoorienter lrsquoexploration vers les meilleures reacutegions de lrsquoespace de solutions Crsquoest bien lagrave lrsquoune des leccedilons agrave tirer de lrsquoobservation de la nature

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Rubrique des

Jean-Paul DelahayeUniversiteacute des Sciences et Technologies de Lille

Lrsquoinformation paradoxale

Comme le preacuteceacutedent ce paradoxe est aussi un paradoxe sur lrsquoinformation cacheacutee cependant il neacutecessite une patience bien supeacuterieure pour ecirctre reacutesolu ou lrsquoaide drsquoun ordinateur

On choisit cinq nombres a b c d et e veacuterifiant les relations

1 le a lt b lt c lt d lt e le 10

Autrement dit les cinq nombres sont compris entre 1 et 10 tous diffeacuterents et classeacutes par ordre croissant On indique leur produit P agrave Patricia (qui est brune) leur somme S agrave Sylvie (qui est blonde) la somme de leurs carreacutes

C = a2 + b2 + c2+ d2 + e2

agrave Christian (qui est barbu) et la valeur

V = (a + b + c)(d + e)

agrave Vincent (qui est chauve)

Ils doivent deviner quels sont les nombres a b c d et e

1- Une heure apregraves qursquoon leur a poseacute le problegraveme les quatre personnages qursquoon interroge simultaneacutement reacutepondent tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

2- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

3- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo Etc

23- Une heure apregraves (soit 23 heures apregraves la formulation de lrsquoeacutenonceacute ) les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

Cependant apregraves cette 23egraveme reacuteponse les visages des quatre personnages srsquoeacuteclairent drsquoun large sourire et tous srsquoexclament laquo crsquoest bon maintenant je connais a b c d et e raquo

Vous en savez assez maintenant pour deviner les 5 nombres a b c d e Il semble paradoxal que la reacutepeacutetition 23 fois de la mecircme affirmation drsquoignorance de la part des personnages soit porteuse drsquoune information Pourtant crsquoest le cas Essayez de comprendre pourquoi et ensuite armez-vous de courage la solution est au bout du calcul

Solution du paradoxe preacuteceacutedent

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Solution du paradoxe preacuteceacutedent

Lrsquoinformation paradoxaleIl arrive que lrsquoon pense ne pas disposer drsquoassez drsquoinfor-mations pour reacutesoudre un problegraveme alors qursquoen reacutealiteacute tout est agrave notre disposition Certaines situations sont si extraordinaires qursquoelles apparaissent paradoxales En voici un exemple

Un homme bavarde avec le facteur sur le pas de la porte de sa maison Il lui dit

laquo Crsquoest amusant je viens de remarquer que la somme des acircges de mes trois filles est eacutegale au numeacutero de ma maison dans la rue Je suis sucircr que si je vous apprends que le produit de leur acircge est 36 vous saurez me dire leur acircge respectif raquo

Le facteur reacutefleacutechit un moment et lui reacutepond

laquo Je suis deacutesoleacute mais je ne peux pas trouver raquo

Lrsquohomme srsquoexclame alors laquo Ah oui Jrsquoavais oublieacute de vous dire que lrsquoaicircneacutee est blonde raquo

Quelques secondes apregraves le facteur lui donne la bonne reacuteponse Aussi paradoxal que cela apparaisse vous pouvez deacuteduire de cet eacutechange lrsquoacircge des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte

SolutionLes diffeacuterentes deacutecompositions de 36 en produit de trois entiers et les sommes des facteurs sont donneacutees dans le tableau ci-contre

Le facteur connaicirct la somme des acircges des trois filles car il est sur le pas de la porte Srsquoil ne peut pas trouver leurs acircges respectifs crsquoest que parmi les produits possibles compatibles avec la somme qursquoil connaicirct il y en a deux qui donnent la mecircme somme Crsquoest donc que la somme est 13 Les deux possibiliteacutes sont donc 1-6-6 et 2-2-9 La premiegravere est eacutelimineacutee car deux enfants ne peuvent avoir le mecircme acircge que srsquoils sont jumeaux et alors il nrsquoy a pas drsquoaicircneacutee La solution est donc 2-2-9 Les acircges des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte sont 2 2 et 9 ans

Produits1times1times362times3times63times3times4

1times2times181times3times121times6times61times4times92times2times9

3811102116131413

Sommes

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Algorithmes dans lrsquohistoire1 Deacuteterminer les PGCD des couples

a) 924 3 135 c) 2 530 9 639

b) 83 337

Lrsquoheacuteritage de Fermat1 Appliquer la meacutethode de Fermat pour

factoriser les nombres suivants

a) 493 b) 1247 c) 6 903

2 Supposons qursquoun entier n est le produit de deux nombres premiers p lt q et que q ndash p lt p2 2 Montrer qursquoen utilisant la meacutethode de Fermat ce nombre n peut ecirctre factoriseacute en seulement une eacutetape

Eacutemergence logarithmique1 Soit la suite arithmeacutetique

a nd( ) n+ isin

a) Montrer que chaque terme (agrave lrsquoex- ception du premier) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins

b) Montrer un reacutesultat analogue pour la suite geacuteomeacutetrique

ar( ) nnisin

2 Montrer qursquoen termes modernes le passage de LrsquoAreacutenaire ci-haut porte sur les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacute-trique et sur la regravegle du produit de deux puissances

Tuyau Des nombres laquo continucircment en proportion agrave partir de lrsquouniteacute raquo forment une suite geacuteomeacutetrique dont le premier terme est 1

3 En comparant les deux tables tireacutees de la tablette MLC 02078 (pp 19 et 20) on y voit la suite geacuteomeacutetrique

2 ndash 4 ndash 8 ndash 16 ndash 32 ndash 64

ecirctre associeacutee agrave deux suites arithmeacutetiques Relier directement ces deux suites arith-meacutetiques lrsquoune agrave lrsquoautre

Tuyau On peut y voir du logarithme

4 Soit deux points P1 et P2 sur un segment AB (voir figure) Montrer que

a) si APAB

P PP B

1 1 2

1

= alors P BAB

P BP B

1 2

1

=

b) la reacuteciproque est elle aussi valide

5 La suite de segments AB P1B P2B P3B forme une progression geacuteomeacutetrique deacutecroissante (p 22) On deacutesigne par r le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique (on a donc r lt 1) et par z la longueur du segment AB

a) Interpreacuteter en termes de z et de r les segments AB P1B P2B P3B

b) Exprimer agrave lrsquoaide de z et de r les longueurs des intervalles AP1 P1P2 P2P3 P3P4

c) Appliquer ces reacutesultats aux valeurs numeacuteriques choisies par Napier (voir p 23)

d) Et que dire dans ce contexte de la suite arithmeacutetique deacutetermineacutee par le mouve-ment du point Q (p 22)

6 a) Expliquer lrsquoobservation dans lrsquoencadreacute ci-bas au cœur de la deacutemarche de Napier

b) En conclure que pour Napier la vitesse de P en un point donneacute est eacutegale agrave sa distance de lrsquoextreacutemiteacute B

Tuyau La constante de proportionnaliteacute de la partie a) est 1

7 On veut interpreacuteter ici le modegravele geacuteomeacute-trico-cineacutematique de Napier agrave lrsquoaide du calcul diffeacuterentiel et inteacutegral (moderne) On appelle x(t) la distance seacuteparant P de lrsquoextreacutemiteacute B au temps t et y(t) la position du point Q au temps t

a) Montrer que le deacuteplacement de Q est deacutecrit par lrsquoeacutequation diffeacuterentielle dydt = 107 avec comme condition initiale y(0) = 0

Tuyau La vitesse est la deacuteriveacutee de la distance parcourue par rapport au temps

b) Montrer de mecircme que le deacuteplace-ment de P est deacutecrit par dxdt = ndashx avec x(0) = 107

c) Reacutesoudre ces deux eacutequations diffeacuteren-tielles

d) Montrer comment on pourrait en tirer une notion de laquo base raquo pour les loga-rithmes de Napier1

1 Au plan historique une telle ideacutee de laquo base raquo chez Napier est une pure fabulation

Section problegravemes

Agrave propos de Napier

Puisque des distances parcou-rues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est pro-portionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (p 22)

Archimegravede LrsquoAreacutenaire

Si des nombres sont continucircment en pro- portion agrave partir de lrsquouniteacute et que cer-tains de ces nombres sont multiplieacutes entre eux le produit sera dans la mecircme pro-gression eacuteloigneacute du plus grand des nom- bres multiplieacutes drsquoautant de nombres que le plus petit des nom- bres multiplieacutes lrsquoest de lrsquouniteacute dans la pro-gression et il sera eacuteloigneacute de lrsquouniteacute de la somme moins un des nombres dont les nombres multiplieacutes sont eacuteloigneacutes de lrsquouniteacute

A

P1 P2

B

Pour en s voir plus

Histoire des matheacutematiques

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

bull Le livre Havil Julian John Napier Life Logarithms and Legacy Princeton University Press 2014 est une mine drsquoor pour des informations sur la vie et lrsquoœuvre de Napier

bull Le contexte ayant meneacute agrave la naissance des logarithmes est exposeacute dans Friedelmeyer Jean-Pierre laquo Contexte et raisons drsquoune lsquomirifiquersquo invention raquo In Eacutevelyne Barbin et al Histoires de logarithmes pp 39-72 Ellipses 2006 Le sous-titre de lrsquoarticle drsquoAccromath a eacuteteacute emprunteacute au titre de ce texte

bull Les deux traiteacutes de Napier sur les logarithmes le Mirifici logarithmorum canonis descriptio et le Mirifici logarithmorum canonis constructio peuvent ecirctre trouveacutes facilement (en latin) sur la Toile Une traduction anglaise de ces traiteacutes est accessible agrave partir du site de Ian Bruce sur les matheacutematiques des 17e et 18e siegravecles httpwww17centurymathscom

bull La citation de Laplace se retrouve aux pp 446-447 de Œuvres complegravetes de Laplace Exposition du systegraveme du monde (6e eacutedition) Bachelier Imprimeur-Libraire 1835 (Disponible sur Google Livres)

bull La tablette meacutesopotamienne MLC 02078 est eacutetudieacutee (pp 35-36) dans Neugebauer Otto et Sachs Abraham Mathematical Cuneiform Texts American Schools of Oriental Research 1945

bull Pour plus drsquoinformation sur lrsquoemploi des vocables laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo voir Charbonneau Louis laquo Progression arithmeacutetique et progression geacuteomeacutetrique raquo Bulletin AMQ 23(3) (1983) 4-6

bull Publieacutes en allemand en 1770 les Eacuteleacutements drsquoalgegravebre de Leonhard Euler sont parus en traduction franccedilaise degraves 1774 Cette version est accessible agrave partir du site Gallica de la Bibliothegraveque nationale de France httpsgallicabnffr

bull Lrsquoextrait de LrsquoAreacutenaire mdash voir la Section problegravemes mdash se trouve (p 366) dans Ver Eecke Paul Les œuvres complegravetes drsquoArchimegravede tome 1 Vaillant-Carmanne 1960

Applications des matheacutematiques

Lrsquoheacuteritage de Fermat

bull WB Hart laquo A one line factoring algorithmraquo J Aust Math Soc 92 (2012) no 1 61ndash69

bull RS Lehman laquo Factoring large integers raquo Math Comp 28 (1974) 637ndash646

bull MA Morrison and J Brillhart laquo A method of factoring and the factorization of F 7 raquo Math Comp 29 (1975) 183ndash205

bull C Pomerance laquoThe quadratic sieve factoring algorithm raquo Advances in Cryptology (Paris 1984) 169-182 Lecture Notes in Comput Sci 209 Springer Berlin 1985

Accromath est une publication de lrsquoInstitut des sciences matheacutema-tiques (ISM) et du Centre de recherches matheacutematiques (CRM) La revue srsquoadresse surtout aux eacutetudiantes et eacutetudiants drsquoeacutecole secon-daire et de ceacutegep ainsi qursquoagrave leurs enseignantes et enseignants

LrsquoInstitut des sciences matheacutematiques est une institution unique deacutedieacutee agrave la promotion et agrave la coordination de lrsquoenseignement et de la recherche en sciences matheacutematiques au Queacutebec En reacuteunissant neuf deacutepartements de matheacutematiques des universiteacutes queacutebeacutecoises (Concordia HEC Montreacuteal Universiteacute Laval McGill Universiteacute de Montreacuteal UQAM UQTR Universiteacute de Sherbrooke Bishoprsquos) lrsquoInstitut rassemble un grand bassin drsquoexpertises en recherche et en enseignement des matheacutematiques LrsquoInstitut anime de nombreuses activiteacutes scientifiques dont des seacuteminaires de recherche et des colloques agrave lrsquointention des professeurs et des eacutetudiants avanceacutes ainsi que des confeacuterences de vulgarisation donneacutees dans les ceacutegeps Il offre eacutegalement plusieurs programmes de bourses drsquoexcellence

LrsquoISM est financeacute par le Ministegravere de lrsquoEnseignement supeacuterieur et par ses neuf universiteacutes membres

Le Centre de recherches matheacutematiques est un centre national pour la recherche fondamentale en matheacutematiques et ses applica-tions Les scientifiques du CRM comptent plus drsquoune centaine de membres reacuteguliers et de stagiaires postdoctoraux Lieu privileacutegieacute de rencontre le Centre est lrsquohocircte chaque anneacutee de nombreux visi-teurs et drsquoateliers de recherche internationaux

Les activiteacutes scientifiques du CRM comportent deux volets principaux les projets de recherche qursquoentreprennent ses laboratoires et les activiteacutes theacutematiques organiseacutees agrave lrsquoeacutechelle internationale Ces derniegraveres ouvertes agrave tous les domaines impliquent des chercheurs du CRM et drsquoautres universiteacutes Afin drsquoassurer une meilleure diffusion des reacutesultats de recherches de ses collaborateurs le CRM a lanceacute en 1989 un programme de publications en collaboration avec lrsquoAmerican Mathematical Society et avec Springer

Le CRM est principalement financeacute par le CRSNG (Conseil de recherches en sciences naturelles et en geacutenie du Canada) le FQRNT (Fonds queacutebeacutecois de recherche sur la nature et les technologies) lrsquoUniversiteacute de Montreacuteal et par six autres universiteacutes au Queacutebec et en Ontario

Accromath beacuteneacuteficie de lrsquoappui de la Dotation Serge-Bissonnette du CRM

OR2010

BRONZE2011

BRONZE2014

OR2012

2008

Prix speacutecial de la ministre 2009

Prix Anatole Decerf 2012

Page 9: L’héritage de Pierre de Fermat La factorisation des grands ...

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Algorithmes au cours de lrsquohistoire | Andreacute Ross bull Professeur retraiteacute

repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutediate-ment 1 456 Sur la premiegravere ligne on a 1 361 Le troisiegraveme chiffre de la racine est donc 1

463 856 681=

En soustrayant 1 361 de 1 456 on obtient 95 Crsquoest la derniegravere tranche de deux chiffres du nombre dont on veut extraire la racine on ajoute une virgule deacutecimale et on abaisse 00 pour obtenir 9 500

On double le troisiegraveme chiffre de la racine 2 times 1 = 2 que lrsquoon ajoute au nombre deacutejagrave formeacute que lrsquoon multiplie par 10 soit 136 times 10 + 2 =1 362 On dispose dans le

plateau les reacuteglettes du nombre 1 362 suivis de la reacuteglette jaune On remarque que le nombre sur la ligne 1 est plus grand que 9500 On ajoute un 0 apregraves la virgule deacutecimale

463 856 6810=

et on abaisse agrave nouveau 00 ce qui donne 950 000 On intercale la reacuteglette de 0 avant la reacuteglette jaune

On repegravere le nombre qui preacutecegravede immeacutedia-tement 950 000 crsquoest 817 236 sur la ligne 6 Le deuxiegraveme chiffre apregraves la virgule deacutecimale est donc 6 Ce qui donne

463 856 68106=

On poursuit ainsi en abaissant 00 agrave chaque eacutetape jusqursquoagrave ce que lrsquoon obtienne la preacuteci-sion chercheacutee

Pour y voir plus clairOn cherche agrave exprimer le nombre dont on veut extraire la racine carreacutee sous la forme

463 856 = (a times 102 + b times 10 + c)2 + Rcar il est clair que la partie entiegravere de cette racine carreacutee srsquoeacutecrit avec trois chiffres

Agrave chaque eacutetape du calcul on exprime le nombre comme somme drsquoun carreacute parfait et drsquoun terme reacutesiduel allant chercher un des trois chiffres a b et c agrave la fois

Agrave la premiegravere eacutetape on a donc

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6times102)2 + 103 856

Agrave lrsquoissue de la seconde eacutetape on obtient

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6times102 + 8times10)2 +1 456

Et agrave lrsquoissue de la troisiegraveme eacutetape on obtient enfin

463 856 = 62times1002 + 103 856 = (6 times 102 + 8 times 10 + 1)2 + 95

La partie entiegravere de la racine carreacutee de 463 856 est donc 681 Pour trouver la partie deacutecimale de cette racine il srsquoagit maintenant de poursuivre les calculs sur la partie reacutesiduelle R = 95

ConclusionLe vocable algorithme est devenu drsquousage courant avec lrsquoavegravenement des ordinateurs Cependant des algorithmes ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes tregraves tocirct dans lrsquohistoire Degraves que les premiers systegravemes de numeacuteration sont apparus on a deacuteveloppeacute des algorithmes pour effec-tuer les opeacuterations usuelles addition soustraction multiplication division En cherchant agrave reacutesoudre des problegravemes plus eacutelaboreacutes comme lrsquoextraction de racines ou la recherche du pgcd de deux nombres entiers il a fallu deacutevelopper drsquoautres algorithmes plus pousseacutes et parfois eacutetonnants

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Pierre de Fermat est tregraves connu pour son grand theacuteoregraveme concernant la non-existence de solutions entiegraveres positives

de lrsquoeacutequation xn + yn = zn pour chaque entier n ge 3 Toutefois une de ses plus importantes contributions

aux matheacutematiques modernes est sa meacutethode tout agrave fait originale pour factoriser des grands nombres

Plusieurs considegraverent Fermat comme le fondateur (avec Blaise Pascal) de la theacuteorie des probabiliteacutes et comme un preacutecurseur du calcul diffeacuterentiel par sa meacutethode de recherche des maximums et des minimums drsquoune fonction Toutefois sa meacutethode tout agrave fait originale pour factoriser des grands nombres est une de ses plus grandes contribu-tions aux matheacutematiques modernes et crsquoest souvent un fait dont lrsquoimportance est neacutegligeacutee

Comment fait-on pour laquo factoriser raquo un nombre Drsquoentreacutee de jeu il est bien drsquoexpliquer ce qursquoon veut-on dire par laquo factoriser raquo un nombre Drsquoabord rappelons que selon le theacuteoregraveme fondamental de lrsquoarithmeacutetique tout entier supeacuterieur agrave 1 peut srsquoeacutecrire comme un produit de nombres premiers et cette repreacutesentation est unique si on eacutecrit ses facteurs premiers en ordre croissant Ainsi le nombre 60 peut srsquoeacutecrire comme 60 = 22times3times5 et cette factori-sation est unique

Est-il important de connaicirctre la factorisation drsquoun nombre La reacuteponse est OUI agrave tout le moins depuis quelques deacutecennies plus preacuteciseacutement depuis 1978 anneacutee de la creacuteation de la meacutethode de chiffrement RSA largement utiliseacutee de nos jours pour seacutecuriser les transactions bancaires Cette meacutethode tient au fait que bien qursquoil soit facile de multiplier des nombres il est en contrepartie tregraves difficile de faire le chemin inverse crsquoest-agrave-dire de prendre un grand nombre composeacute et de trouver ses facteurs premiers Drsquoougrave la course sur la planegravete pour trouver des algorithmes de factorisation de plus en plus performants qui pourraient laquo casser raquo le code RSA Crsquoest ainsi qursquoen 1976 agrave lrsquoaide des algorithmes connus et des ordinateurs de lrsquoeacutepoque on estimait qursquoil faudrait plus de 1020 anneacutees pour arriver agrave factoriser 2251 ndash 1 un nombre de 76 chiffres Aujourdrsquohui en utilisant un logiciel de calcul installeacute sur un ordinateur de bureau il est possible drsquoobtenir cette factorisation en moins drsquoune minute

Jean-Marie De KoninckUniversiteacute Laval

Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres

Pierre de Fermat (1601-1665) Le matheacutematicien fran-ccedilais Pierre de Fermat eacutetait drsquoabord et avant tout un avocat et un officiel du gouverne-

ment dans la ville de Toulouse Dans ses temps libres il exerccedilait sa passion pour les matheacutematiques et la physique Mecircme si on peut le qualifier de laquo matheacutematicien amateur raquo il est neacuteanmoins passeacute agrave lrsquohistoire comme fondateur de la theacuteorie moderne des nombres

Nombre premier et nombre composeacute

Un entier n gt 1 est appeleacute nombre premier sil nest divisible que par 1 et par lui-mecircme Ainsi 7 est un nombre premier car ses seuls diviseurs entiers sont 1 et 7 alors que 6 nest pas premier puisquil est non seulement divisible par 1 et 6 mais il lest aussi par 2 et 3 Un entier n gt 1 qui nest pas premier est appeleacute nombre composeacute

Nombre premier

Nombres composeacutes

2 times 5 = 10

3 times 5 = 15

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Cependant le veacuteritable deacutefi est drsquoecirctre en me-sure de factoriser des nombres arbitraires de 300 chiffres et plus ce qui est preacutesentement impossible mecircme agrave lrsquoaide drsquoordinateurs tregraves puissants Drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la recherche de nouveaux algorithmes de factorisation

Comment srsquoy prendre pour factoriser un nombre Comment pourrions-nous proceacuteder pour factoriser un nombre composeacute dont on ne connaicirct agrave priori aucun facteur De toute eacutevidence on srsquointeacuteresse ici seulement agrave la factorisation des nombres impairs car autre-ment il suffit de diviser par 2 le nombre agrave factoriser jusqursquoagrave ce qursquoil laquo devienne raquo impair Agrave titre drsquoexemple pour trouver la factorisa-tion du nombre n = 11 009 on peut utiliser lrsquoapproche tout agrave fait naturelle qui consiste agrave examiner successivement la divisibiliteacute

de n par chacun des nombres premiers 3 5 7 11 et ainsi de suite En proceacutedant ainsi on constate eacuteventuellement que ce nombre n est divisible par 101 et que n =101 times 109 menant du coup agrave la factorisation 11 009 = 101 times 109 Bravo Mais avouez que cela a eacuteteacute un peu laborieux car on a ducirc veacuterifier la divisibiliteacute de n par chacun des nombres premiers infeacuterieurs agrave 101 Drsquoail-leurs on se convainc aiseacutement que pour un nombre arbitraire n il aurait fallu veacuterifier la divisibiliteacute par chacun des nombres premiers plus petits que n Cela veut dire que pour un nombre de 200 chiffres il faudrait veacuterifier sa divisibiliteacute par tous les nombres premiers de moins de 100 chiffres un travail colossal Crsquoest pourquoi il est leacutegitime de se demander srsquoil existe des meacutethodes plus efficaces pour factoriser des nombres Or justement Pierre de Fermat en a trouveacute une qui srsquoavegravere drsquoune simpliciteacute deacuteconcertante (Voir encadreacute ci-bas)

Pour illustrer sa meacutethode Fermat a choisi le nombre

n = 2 027 651 281

La meacutethode de factorisation de Fermat Dentreacutee de jeu on peut supposer que le nombre n agrave fac-toriser nest pas un carreacute parfait car sinon on sattardera tout simplement agrave la factorisation du nombre m = nDeacutebutons avec un exemple Si on vous demande de factoriser le nombre 899 peut-ecirctre allez-vous eacutecrire

899 = 900 ndash 1 = 302 ndash 12

= (30 ndash 1)(30 + 1) = 29 times 31

et le tour est joueacute Quelle chance que 899 soit une diffeacuterence de deux carreacutes nest-ce pas Non pas du tout car en reacutealiteacute cest le cas de tout entier posi-tif impair composeacute et cest lideacutee de base de la meacutethode de factorisation de Fermat En effet pour un tel entier n il existe neacutecessairement deux entiers a gt b ge 1 tels que n = a2 ndash b2 auquel cas

n = (a ndash b)(a + b)

Pourquoi Supposons que n = rs avec 1 lt r lt s On peut facilement veacuterifier que les nombres a = (s + r) 2 and b = (s ndash r)2 sont tels que n = a2 ndash b2 Mais com-ment fait-on pour trouver ces deux entiers a et b Certes on a n = a2 ndash b2 lt a2 et donc a gt n auquel cas a ge n + 1 Ici x deacutesigne le plus grand entier le x Commenccedilons donc par poser a = n + 1 Si a2 ndash n est un carreacute parfait disons a2 ndash n = b2 alors nous avons trouveacute a et b comme requis Autrement (cest-agrave-dire si a2 ndash n nest pas un carreacute parfait) on choisit a = n + 2 et ainsi de suite jusquagrave ce que lon trouve un entier positif k tel que le nombre a = n + k soit tel que a2 ndash n est un carreacute parfait que lon eacutecrit alors comme b2 Ce processus a une fin en ce sens quon va eacuteventuelle-ment trouver un nombre b tel que b2 = a2 ndash n et cela parce que lon sait deacutejagrave que b = (s ndash r)2 fait laffaire

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Il obtient drsquoabord que n = 45 029 et commence ainsi avec

a = 45 029 + 1 = 45 030

comme 45 0302 ndash 2 027 651 281 = 49 619 nrsquoest pas un carreacute parfait il pose ensuite a = 45 031 qui ne produit pas non plus de carreacute parfait et ainsi de suite jusqursquoagrave ce qursquoil pose a = 45 041 qui donne

= minus

= =

b 45 041 2 027 651 281

1 040 400 1 020

2

Fermat conclut alors que n = 2 027 651 281 = 45 0412 ndash 1 0202 = (45 041 ndash 1 020)(45 041 + 1 020) = 44 021 times 46 061

Si on choisit de programmer cette meacutethode avec le logiciel de calcul Python1 on peut eacutecrire ceci (dans le cas particulier n = 2 027 651 281)

ce qui donnera

a = 45 041 et b = 1 020 et

n = 44 021times46 061

La meacutethode de Fermat est-elle reacuteellement efficace La reacuteponse courte est laquo Cela deacutepend de la nature du nombre agrave factoriser raquo2 Afin de donner une reacuteponse preacutecise agrave cette question eacutevaluons le nombre drsquoopeacuterations eacuteleacutementaires neacutecessaires pour exeacutecuter la meacutethode de Fermat Par laquo opeacuteration eacuteleacutementaire raquo on en-tend lrsquoaddition la soustraction la

multiplication la division lrsquoeacuteleacutevation agrave une puissance et lrsquoextraction de la racine carreacutee Une opeacuteration eacuteleacutementaire est aussi parfois appeleacutee une laquo eacutetape raquo On dira drsquoun algo-rithme qursquoil est laquo rapide raquo srsquoil srsquoexeacutecute en peu drsquoeacutetapes

Eacutetant donneacute un entier positif n qui nrsquoest pas un carreacute parfait on dit que les nombres d1 et d2 sont les diviseurs milieux de n si d1 est le plus grand diviseur de n infeacuterieur agrave n et d2 =nd1 On peut alors deacutemontrer que le nombre k drsquoeacutetapes requises pour factoriser n via la meacutethode de Fermat est exactement

k =d1 +d2

2 d1d2

soit essentiellement la diffeacuterence entre la moyenne arithmeacutetique et la moyenne geacuteo-meacutetrique des diviseurs d1 et d2 En effet comme on lrsquoa vu ci-dessus (encadreacute p 9) on a

Exeacutecuter lrsquoalgorithme de Fermat consiste donc agrave chercher le plus petit entier k ge1 tel que

n + k( )2 n est un entiera

Or n + k = a implique que k = a ndash n et cela entraicircne

k =d1 +d2

2 d1d2

Pour quels entiers lrsquoalgorithme de Fermat est-il rapide Le temps drsquoexeacutecution pour factoriser un en-tier n en utilisant lrsquoalgorithme de Fermat sera court si ses diviseurs milieux sont pregraves lrsquoun de lrsquoautre crsquoest-agrave-dire pregraves de n (voir lrsquoencadreacute p 11) En contrepartie si les divi-seurs milieux sont eacuteloigneacutes lrsquoun de lrsquoautre alors exeacutecuter la meacutethode de Fermat peut prendre davantage de temps que la simple veacuterification de la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers (voir lrsquoencadreacute p 12)

DossierApplications

1 Logiciel libre que lrsquoon peut teacuteleacutecharger gratuitement sur Internet

2 Voir Section problegravemes

On doit deacuteterminer a et b tels que

n = a2 ndash b2ougrave n et b sont les cathegravetes drsquoun triangle rectangle drsquohypoteacutenuse a Le cocircteacute b est tel que

b2 = a2 ndash n Lrsquohypoteacutenuse doit ecirctre plus grande que les cathegravetes soit

a gt nOn calcule a2 ndash n pour les entiers plus grands n soit

a = n + 1 a = n + 2

a = n + kLorsque (a2 ndash n) est un car-reacute parfait b2 on a alors

a2 ndash n = b2

drsquoougrave n = a2 ndash b2 = (a ndash b)(a + b)On en conclut que n est fac-torisable puisque (a ndash b) et (a + b) en sont des facteurs

La meacutethode de Fermat en image

aa2 gt n

a gt bb2 = a2 ndash n

n

nCarreacutedrsquoaire n

a + b

a ndash b

a ndash b

a + b

a + b

a

b

b

Rectangle drsquoaire n

import math

n = 2 027 651 281

a=mathfloor(mathsqrt(n))+1

b=mathsqrt(a2-n)

while b =int(b)

a+=1

print (a= d et b= d ---gt n= d x d (int(a)int(b)int(a-b)int(a+b))

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Tirer le maximum de la meacutethode de Fermat Comme on vient de le voir si la distance qui seacutepare les diviseurs milieux drsquoun entier n est grande la meacutethode de Fermat est peu efficace On peut contourner ce problegraveme en veacuterifiant au preacutealable la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers3 Par exemple supposons qursquoon ose srsquoattaquer agrave la factorisation du nombre de 16 chiffres n = 489 + 3 = 1 352 605 460 594 691 Appli-quer naiumlvement la meacutethode de Fermat nous amegravenera sans doute agrave abandonner notre ap-proche une fois rendu agrave quelques millions drsquoeacutetapes Une approche plus senseacutee consiste agrave drsquoabord identifier les possibles petits fac-teurs premiers de n soit en veacuterifiant la divisi-biliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave 10 000 ou 100 000 disons ce qursquoon sera en mesure de reacutealiser tregraves rapidement agrave lrsquoaide drsquoun logiciel de calcul Crsquoest ainsi qursquoon deacute-couvre que notre nombre n est divisible par 3 et 1 249 Le problegraveme se ramegravene alors agrave factoriser le nombre

=times

=nn

3 1 249360 983 576 3531

Appliquer la meacutethode de Fermat agrave ce nou-veau nombre donne

n1 = 587 201 times 614 753

et cela apregraves seulement 157 eacutetapes En ras-semblant nos calculs on obtient finalement que

n = 1 352 605 460 594 691

= 3 times 1 249 times n1

= 3 times 1 249 times 587 201 times 614 753

Dans cet exemple nous avons eacuteteacute chanceux car les deux plus grands facteurs premiers de n eacutetaient proches lrsquoun de lrsquoautre Il va de soi que ce nrsquoest pas toujours le cas Crsquoest pour-quoi si apregraves avoir eacutelimineacute les petits facteurs premiers de n la meacutethode de Fermat prend trop de temps agrave deacutevoiler ses grands facteurs premiers il est rassurant de savoir qursquoil existe drsquoautres avenues

Compliquer le problegraveme pour mieux le simplifier Une autre approche pour factoriser un nombre n est drsquoappliquer la meacutethode de Fermat agrave un nombre plus grand que n lui-mecircme en fait agrave un multiple de n Prenons par exemple le nombre n = 54 641 Comme ce nombre est relativement petit la meacutethode de Fermat trouvera sa factorisation agrave savoir n = 101 times 541 en 87 eacutetapes un nombre neacuteanmoins plutocirct grand compte tenu de la petite taille de n Toutefois si on avait su que lrsquoun des facteurs premiers de n eacutetait approximativement 5 fois son autre facteur premier on aurait pu preacutealablement multiplier n par 5 permet-tant ainsi au nouveau nombre 5n drsquoavoir ses

Algorithme (application rapide) lorsque les diviseurs milieux sont proches

Si les diviseurs milieux d1 lt d2 dun nombre n sont tels que la distance ∆ = d21048576ndash d1 qui les seacutepare satisfait agrave ∆ lt d1 et si k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n il deacutecoule de k =

d1 +d2

2 d1d2 que

kd d

d d

d dd

2( ) 1

21 1

1 11 1

1 11

lt + + minus + +

= + minus + +

Par ailleurs on peut montrer que lineacutegaliteacute

+ gt + minusyy y

1 12 8

2tient pour tout y isin (0 1)

Pour sen convaincre il suffit deacutelever chacun de ses cocircteacutes au carreacute et dutiliser le fait que y lt 1 En posant y = ∆d1 dans lrsquoineacutegaliteacute preacuteceacutedente il deacutecoule alors que

lt + minus + minus

+ = +k d dd d d2

112

18

118

11 11

2

12

2

1

lequel nombre est laquo petit raquo en autant que ∆ ne soit pas trop grand Ainsi pour n = 20 099 = 101 times 199 on obtient que

lttimes

+ ltk98

8 1011 13

2

un nombre deacutetapes relativement petit

3 Plus geacuteneacuteralement pour calculer le plus grand commun diviseur de deux entiers on peut utiliser lrsquoalgorithme drsquoEuclide lequel est tregraves rapide (voir lrsquoarticle laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo p 2 de ce numeacutero)

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diviseurs milieux essentiellement du mecircme ordre de grandeur de sorte que la meacutethode de Fermat appliqueacutee au nombre 5n aurait reacuteveacuteleacute ses facteurs 505 et 541 en une seule eacutetape Il aurait ensuite suffi de veacuterifier lequel de 505 et de 541 avait laquo heacuteriteacute raquo du facteur artificiel 5 ce qui est bien sucircr tregraves facile agrave faire Voila qui est bien facile lorsqursquoon sait qursquoun des facteurs est proche drsquoun multiple drsquoun autre facteur une information dont on ne dispose malheureusement pas agrave lrsquoavance

Peut-on neacuteanmoins explorer cette approche pour un nombre composeacute arbitraire Lrsquoideacutee serait de consideacuterer le nombre n times r pour un choix approprieacute de r Par exemple si n = pq et r = uv nous aurons nr = pu times qv et si nous sommes chanceux les deux nouveaux diviseurs pu et qv (de nr) seront suffisamment proches lrsquoun de lrsquoautre pour nous permettre drsquoappli-quer lrsquoalgorithme de Fermat avec succegraves En 1974 utilisant un raffinement de cette ideacutee R Sherman Lehman est parvenu agrave montrer que lrsquoon peut en effet acceacuteleacuterer la meacutethode de Fermat et de fait factoriser un entier im-pair n en seulement n13 eacutetapes

Les nombreuses ameacuteliorations de lrsquoideacutee originale de FermatEst-il possible de faire encore mieux Dans les anneacutees 1920 Maurice Kraitchik ameacute-liorait la meacutethode de Fermat et on sait aujourdrsquohui que son approche a constitueacute la base des principales meacutethodes modernes de factorisation des grands nombres Lrsquoideacutee de Kraitchik est la suivante plutocirct que de cher-cher des entiers a et b tels que n = a2 ndash b2 il suffit de trouver des entiers u et v tels que u2 ndash v2 est un multiple de n Par exemple sachant que 1272 ndash 802 est un multiple du nombre n = 1 081 on peut encore une fois profiter de lrsquoidentiteacute

u2 ndash v2 = (u ndash v)(u + v)

Dans notre cas on peut eacutecrire que

1272 ndash 802 = (127 ndash 80)(127 + 80)

= 47 times207

Algorithme (application lente) lorsque les diviseurs milieux sont eacuteloigneacutes

Supposons par exemple que lon cherche agrave factoriser un nombre n de 20 chiffres qui en reacutealiteacute est le produit de deux nombres premiers lun fait de 5 chiffres et lautre de 15 chiffres Il deacutecoule alors de la for-mule

k =d1 +d2

2 d1d2

ougrave k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n par la meacutethode de Fermat qursquoon aura

gt+

minus

gt gt

k n10 10

2

102

ndash10 10

4 14

1410 13

alors quen testant simplement la divi-sibiliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave n lt 1010 cela aurait eacuteteacute au moins mille fois plus rapide

Maurice Kraitchik 1882-1957Matheacutematicien et vulgarisateur scientifique belge Kraitchik sest surtout inteacuteresseacute agrave la theacuteorie des nombres et aux matheacutematiques reacutecreacuteatives

Il est lrsquoauteur de plusieurs ouvrages sur la theacuteorie des nombres reacutedigeacutes entre 1922 et 1930 De 1931 agrave 1939 il a eacutediteacute la revue Sphinx un mensuel consacreacute aux matheacutematiques reacutecreacuteatives Eacutemigreacute aux Etats-Unis lors de la Seconde Guerre mondiale il a enseigneacute agrave la New School for Social Research agrave New York Il srsquoest particuliegraverement inteacuteresseacute au thegraveme geacuteneacuteral des reacutecreacuteations matheacutematiques

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Comme tout facteur premier de n doit obli-gatoirement ecirctre un facteur de 47 ou de 207 et comme 207 = 9 times 23 on peut rapidement conclure que n = 23 times 47 Bien sucircr pour que cette approche soit efficace il faut eacutelaborer des astuces permettant de trouver des multiples du nombre agrave factoriser qui puissent srsquoeacutecrire comme une diffeacuterence de deux carreacutes Or crsquoest preacuteciseacutement ce que plusieurs matheacutematiciens ont reacuteussi agrave faire au cours du vingtiegraveme siegravecle

Ougrave en est-on aujourdrsquohui On a vu qursquoen optimisant la meacutethode origi-nale de Fermat R Sherman Lehman pouvait factoriser un entier n en environ n13 eacutetapes Or dans les anneacutees 1980 en faisant intervenir des outils matheacutematiques plus avanceacutes dont des notions drsquoalgegravebre lineacuteaire Carl Pomerance a davantage peaufineacute la meacutethode originale de Fermat et creacuteeacute une nouvelle meacute-thode de factorisation connue sous le nom de crible quadratique On sait montrer que dans la pratique avec le crible quadratique

il suffit drsquoau plus timese n n(ln ) ln(ln ) eacutetapes pour factoriser un nombre arbitraire n ce qui peut faire une eacutenorme diffeacuterence lorsqursquoil srsquoagit de factoriser de tregraves grands nombres Crsquoest ain-si que le crible quadratique permet de facto-riser un nombre n de 75 chiffres en moins de

=

lt lt

times timese e

e 10 eacutetapes

ln(10 ) ln(ln10 ) 75ln10 ln(75ln10)

299 13

75 75

alors que la meacutethode de Lehman en requiert environ 1025

Et dire que toute cette panoplie de meacutethodes de factorisation ont leur origine dans une ideacutee de Fermat datant de plus de trois siegravecles et demi

Une belle application de la meacutethode de Fermat

On peut montrer que tout entier de la forme 4k4 + 1 peut ecirctre factoriseacutee en utilisant la meacutethode de Fermat en une seule eacutetape

Soit n = 4k4 + 1 On observe drsquoabord que

n 4k 4 +1= = 2k2

En utilisant la meacutethode de Fermat on choisit drsquoabord

a = n + 1 = 2k2 + 1

On veacuterifie ensuite si a2 ndash n est un carreacute parfait Pour y arriver on eacutecrit

a2 ndash n = (2k2 + 1)2 ndash (4k4 + 1)

= 4k4 + 4k2 + 1 ndash 4k4 ndash 1 = 4k2

qui est un carreacute parfait

On peut donc conclure quen posant 4k2 = b2 on a

n = a2 ndash b2 = (2k2 + 1)2 ndash (2k)2

= (2k2 ndash 2k + 1)(2k2 + 2k + 1)

ce qui fournit la factorisation souhaiteacutee

On peut utiliser cette information pour trouver par exemple la factorisation complegravete de n = 258 + 1

En effet commen = 4 times 256 + 1 = 4 times (214)4 + 1

est bien de la forme 4k4 +1 la meacutethode de Fermat devrait nous fournir ses deux diviseurs milieux du premier coup Effective-ment on a

a = n + 1 = 2k2 + 1 = 536 870 913

On a tout de suite

a2 ndash n = 10 73 741 824 = 32 7682 = b2

de sorte que

n = a2 ndash b2

= (53 68 70 913 ndash 32 768)(53 68 70 913 + 32 768)

= 53 68 38 145 times 53 69 03 681

Comme le premier de ces deux facteurs est de toute eacutevidence un multiple de 5 on peut donc conclure que

n = 258 + 1 = 5 times 107 367 629 times 536 903 681

fournissant ainsi la factorisation souhaiteacutee

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ns

Il est facile drsquoemmecircler un fil de pecircche alors qursquoil est tregraves difficile de le deacutemecircler De mecircme certaines opeacuterations sur les nombres

sont faciles dans un sens et difficiles dans lrsquoautre On les appelle opeacuterations agrave sens unique Elles sont utiliseacutees pour la cryptographie

Lorsque vous envoyez votre numeacutero de carte de creacutedit par Internet agrave un site proteacutegeacute le logiciel crypte celui-ci par le code RSA du nom de ses inventeurs Ronald Rivest Adi Shamir et Leonard Adleman

Historiquement les codes secrets ont tous eacuteteacute perceacutes Mais le code RSA publieacute en 1978 reacutesiste encore malgreacute tous les efforts de la communauteacute matheacutematique pour le briser Il repose sur le fait que si on prend deux tregraves grands nombres premiers distincts p et q et qursquoon les multiplie pour obtenir n = pq alors il est hors de porteacutee des ordinateurs actuels2 de reacutecupeacuterer p et q Ainsi on peut se permettre de publier n la cleacute qui sert au cryptage sans crainte que quiconque puisse reacutecupeacuterer p et q qui servent au deacutecryptage Ce proceacutedeacute srsquoappelle la cryptographie agrave cleacute publique parce que la recette de cryptage est publique

Aussi surprenant que cela puisse paraicirctre il est facile pour un ordinateur de fabri-quer de grands nombres premiers Plusieurs algorithmes geacuteneacuterant de grands nombres premiers sont probabilistes Nous allons en preacutesenter un ci-dessous

Dans la cryptographie agrave cleacute publique les mes-sages sont des nombres m infeacuterieurs agrave n On demandera drsquoeacutelever le nombre m agrave une tregraves grande puissance e ougrave e est un nombre qui est eacutegalement public Le message encrypteacute a est le reste de la division de me par n Tou-jours surprenant il est facile pour un or-dinateur de calculer ce reste mecircme si m et e ont chacun 200 chiffres Nous allons voir comment Le deacutecryptage se fait de maniegravere symeacutetrique en calculant le reste de la division de ad par n Mais d est inconnuhellip et pour le calculer il faut connaicirctre p et q et donc factoriser n Donc seul le concepteur qui a choisi p et q peut lire le message

Combien de temps reacutesistera le code RSA Si ce nrsquoeacutetait que des progregraves de la factorisation des entiers et de lrsquoaugmentation de la puis-sance des ordinateurs il pourrait reacutesister en-core longtemps quitte agrave allonger un peu la cleacute n Mais crsquoest sans compter sur la preacute-sence possible drsquoun nouveau venu lrsquoordina-teur quantique Cet ordinateur nrsquoexiste pas encore Par contre un algorithme rapide de factorisation sur un ordinateur quantique lrsquoalgorithme de Shor existe depuis 1997 Nous allons nous pencher sur lrsquoideacutee de cet algorithme

Christiane Rousseau Universiteacute de Montreacuteal

2 Voir lrsquoarticle laquo Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres raquo de Jean-Marie De Koninck p 8 de ce numeacutero

Comme 1 est le pgcd1 de e et de φ(n) on peut eacutecrire via lrsquoalgo-rithme drsquoEuclide

1 = 10 times 1 456 ndash 633 times 23Donc 1 = 10 times 1 456 ndash (1 456-823) times 23ou encore

1= ndash13 times 1 456 + 823 times 23Comme 823 times 23 =13 times 1 456 + 1 le reste de la division de ed par φ(n) vaut bien 1

1 Voir laquo Algorithmes dans lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

Calculer le reste de la division de me par nEacutecrivons la deacutecomposition de e = 23 en somme de puissances de 2

e = 1 + 2 + 4 + 16

Alors

m e = m m2 m4 m16

On va donc y aller pas agrave pas pour calculer ces puissances et agrave chaque eacutetape on va diviser par n Le reste de la division de m2 par n est 1 126 Remarquons que m4 = (m2)2 Le reste de la division de m4 par n est donc le mecircme que le reste de la division de 1 1262 par n

1 1262 = 823n + 1 388

De mecircme le reste de la division de m8 par n est le mecircme que le reste de la division de 1 3882 par n

1 3882 = 1 253n + 683

Finalement le reste de la division de m16 par n est le mecircme que le reste de la division de 6832 par n

6832 = 303n + 778

On remet le tout ensemble Le reste de la division de m23 par n est le mecircme que le reste de la division de

1 234 1 126 1 388 778

par n qui est bien a = 1 300 Dans la ligne qui preacutecegravede on peut aussi alterner entre faire des

multiplications et diviser les produits partiels par n pour ne pas laisser grossir les expressions Ces calculs sont faciles pour des ordinateurs mecircme quand les nombres sont tregraves grands

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un exemple de fonctionnement du code RSAAline veut pouvoir recevoir des mes-sages secrets de Bernard Elle construit donc un systegraveme agrave cleacute publique pour re-cevoir de tels messages Elle prend les nombres premiers p = 29 et q = 53 La cleacute est n =1 537 Elle aura besoin du nombre

φ(n) = (p ndash 1)(q ndash 1) = 1 456

Elle choisit e relativement premier avec φ(n) par exemple e = 23 Soit d = 823 Il a eacuteteacute construit pour que le reste de la division de ed par φ(n) soit 1 (voir encadreacute ci-contre) Pour ce il fallait connaitre φ(n) et donc la factorisation de n ce qui est difficile pour quelqursquoun ne connaissant pas p et q Aline publie n et e Bernard veut lui envoyer le message

m = 1 234

Pour le crypter il lrsquoeacutelegraveve agrave la puissance e = 23 et le divise par n Ceci lui donne le message crypteacute

a = 1 300

qursquoil envoie agrave Aline Celle-ci utilise d connu drsquoelle seule pour calculer le reste de la divi-sion de ad par n Ce reste est preacuteciseacutement le message m = 1 234

Lrsquoexemple eacutetait avec de petits nombres Mais comment faire les calculs quand les nombres sont gros Il faut se rappeler que ce qui nous inteacuteresse ce ne sont pas les nombres me et

ad mais seulement le reste de leur division par n Alors il ne faut pas laisser grossir les calculs Il faut plutocirct alterner entre prendre des puissances et diviser par n (Voir deacutetails dans lrsquoencadreacute)

Construire de grands nombres premiersLrsquoideacutee est la suivante Si on veut construire un grand nombre premier de 100 chiffres on geacutenegravere au hasard un nombre de 100 chiffres et on laquo teste raquo srsquoil est premier Srsquoil ne lrsquoest pas on recommence avec un autre nombre geacuteneacute-reacute au hasard jusqursquoagrave ce qursquoon tombe sur un nombre premier

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Premiegravere question combien faut-il faire de tests en moyenne Un nombre de 100 chiffres est un nombre de lrsquoordre de 10100 Le theacuteoregraveme des nombres premiers nous dit que si N est grand il y a environ N ln N nombres premiers infeacuterieurs ou eacutegaux agrave N Si on choisit au ha-sard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 la chance qursquoil soit premier est donc drsquoenviron

N1

ln1

ln101

100ln101

230100= = =

On peut faire mieux la moitieacute des nombres sont pairs et parmi les nombres impairs on peut eacuteliminer les multiples de 5 Donc si on choisit au hasard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 qui se termine par 1 3 7 ou 9 on a une chance sur 92 qursquoil soit pre-mier (40 des nombres se terminent par 1 3 7 9 et 410 de 230 donne 92) Ceci signi-fie qursquoen moyenne apregraves 92 tests on a trou-veacute un nombre premier Faire 92 tests est fa-cile pour un ordinateur

Ceci nous amegravene agrave la deuxiegraveme question que signifie laquo tester raquo qursquoun nombre p est pre-mier On a appris agrave le faire en cherchant si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p ce qui revient agrave factoriser partiellement p Mais factoriser est difficile pour un ordinateurhellip

On peut faire mieux Srsquoil est facile de tester si un nombre p est premier crsquoest parce qursquoon peut le faire sans factoriser p Lrsquoideacutee est la suivante Si p nrsquoest pas premier il laisse

ses empreintes partout Dans le test de primaliteacute de Miller-Rabin si p nrsquoest pas pre-mier au moins les trois-quarts des nombres entre 1 et p ont une empreinte de p crsquoest-agrave-dire qursquoils sont des teacutemoins du fait que p nrsquoest pas premier Le test pour deacutecider si un nombre est un teacutemoin est un peu tech-nique (voir encadreacute page ci-contre) Mais ce test est facile pour un ordinateur On choisit au hasard des nombres a1 am le p Si lrsquoun des ai est un teacutemoin on conclut que p nrsquoest pas premier Si aucun des ai nrsquoest un teacutemoin alors p a une tregraves grande chance drsquoecirctre pre-mier Par exemple si m = 100 la chance que p ne soit pas premier sachant que a1 am ne sont pas des teacutemoins est infeacuterieure ou eacutegale agrave 10ndash58 soit tregraves tregraves petite

Peut-on se fier agrave un algorithme probabiliste Les informaticiens le font reacuteguliegraverement degraves qursquoils ont besoin de grands nombres premiers et on nrsquoobserve pas de catas-trophe autour de nous On voit drsquoailleurs qursquoon pourrait transformer cet algorithme probabiliste de primaliteacute en algorithme deacute-terministe il suffirait de tester au moins le quart des nombres a isin 2 p ndash1 Si aucun nrsquoest un teacutemoin alors on peut affir-mer avec certitude que p est premier Mais cet algorithme serait sans inteacuterecirct car il requerrait de regarder si p4 nombres sont des teacutemoins alors que lrsquoalgorithme usuel de factorisation demande de regarder si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p et

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lt degraves que p gt 16

Casser le code RSA sur un ordinateur quantiqueEn 1997 Peter Shor a annonceacute un algo-rithme qui casserait le code RSA sur un ordinateur quantique qui nrsquoexiste pas encorehellip Que signifie cette affirmation Lrsquoalgorithme de Shor est simplement un autre algorithme de factorisation Il fonc-tionnerait sur un de nos ordinateurs mais il serait moins bon que les meilleurs algo-rithmes de factorisation La limite de nos ordinateurs est le paralleacutelisme On ne peut faire qursquoun nombre limiteacute drsquoopeacuterations en parallegravele

DossierApplications

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Quelques avantages de la cryptographie agrave cleacute publique

La cryptographie agrave cleacute publique est tregraves utile quand des milliers de personnes par exemple des clients peuvent vouloir envoyer leur numeacutero de carte de creacutedit agrave une mecircme compagnie

La meacutethode drsquoencryptage est publique et seule la compagnie peut deacutecrypter les messages chiffreacutes

Un autre avantage est que deux interlocuteurs nrsquoont pas besoin drsquoeacutechanger de lrsquoinformation secregravete par exemple une cleacute pour communiquer de maniegravere seacutecuritaire Il suffit que chacun publie son systegraveme de cryptographie agrave cleacute publique

Le systegraveme RSA permet de signer un message pour srsquoassurer qursquoil provient bien de la bonne personne Dans notre exemple pour que Bernard signe son message il faut qursquoil construise son propre sys-tegraveme agrave cleacute publique dont il publie la cleacute nrsquo et la cleacute de cryptage ersquo Il se servira de sa cleacute de deacutecryptage drsquo pour apposer sa signature sur le message

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un ordinateur est composeacute de transistors qui fonctionnent agrave la maniegravere drsquointerrup-teurs en ayant deux positions OUVERT et FERMEacute que lrsquoon peut coder comme des bits drsquoinformation 0 ou 1 Un nombre de 200 chiffres est infeacuterieur agrave 10200 lt 2665 et donc peut srsquoeacutecrire avec 665 bits Tester srsquoil a un diviseur premier infeacuterieur agrave 10100 lt 2333 revient agrave regarder toutes les suites de 333 bits eacutegaux agrave 0 ou 1 Un travail titanesque sauf si lrsquoordinateur a un grand paralleacutelisme Dans un ordinateur quantique les bits drsquoinformation sont des bits quantiques ils peuvent ecirctre dans un eacutetat superposeacute entre 0 et 1 Lrsquoimage que lrsquoon pourrait donner est celle drsquoun sou Une fois lanceacute il tombe sur PILE ou sur FACE Mais avant de le lancer il a probabiliteacute 12 de tomber sur PILE et probabiliteacute 12 de tomber sur FACE On pourrait dire qursquoil est dans un eacutetat superposeacute Le fait que m bits quantiques soient dans un eacutetat superposeacute implique qursquoils peuvent faire simultaneacutement les 2m opeacutera-tions diffeacuterentes correspondant agrave tous les choix de valeurs 0 ou 1 pour chacun des bits Par contre de mecircme que notre sou tombe neacutecessairement sur PILE ou sur FACE degraves qursquoon veut observer un bit quantique il prend neacutecessairement la valeur 0 ou la valeur 1 et donc on ne peut observer le reacutesultat de tous les calculs faits en parallegravele La subtiliteacute de lrsquoalgorithme de Shor vient du fait qursquoon pourra reacutecupeacuterer le reacutesultat du calcul lequel donne une factorisation de p si p nrsquoest pas premier

Le nombre 15 a eacuteteacute factoriseacute sur un ordi-nateur quantique en 2007 et en 2012 on a factoriseacute 143 = 11x13 Les progregraves semblent lents depuis ce temps Le deacutefi technologique de lrsquoordinateur quantique est de maintenir de nombreux bits en eacutetat superposeacute Ce recircve deviendra-t-il reacutealiteacute Mecircme si les progregraves semblent lents les experts y croient de plus en plus

Tester si un nombre est un teacutemoinOn veut tester si p impair est premier Alors on peut eacutecrire p ndash 1 qui est pair comme p ndash 1 = 2sd ougrave d est impair

(Il suffit de diviser p ndash 1 par 2 successive-ment jusqursquoagrave ce que le quotient soir im-pair) Soit a isin 2 p ndash1

Critegravere pour ecirctre teacutemoin Si a est un teacute-moin que p nrsquoest pas premier alors on a simultaneacutement que le reste de la division de ad par p est diffeacuterent de 1 et que les restes de la division de a d2r

par p sont diffeacuterents de p ndash 1 pour tous les r isin 0 s ndash1

Regardons un premier exemple Prenons p = 13 Alors p ndash 1 = 22 3 Ici d = 3 et s = 2 Voyons que p nrsquoa aucun teacutemoin

La premiegravere colonne du tableau agrave gauche donne a la deuxiegraveme colonne donne

le reste de la division de ad = a3 par p et la troisiegraveme colonne le reste de la division de a2d = a6 par p

On voit bien que pour chaque a soit on a un 1 dans le premiegravere colonne ou bien un 1 ou un 12 dans la deuxiegraveme colonne et donc aucun a nrsquoest un teacutemoin de 13 On sait alors que 13 est premier

Refaisons lrsquoexercice avec p = 15 Alors p ndash 1 = 2 7 Comptons combien p a de teacutemoins Ici la deuxiegraveme colonne repreacutesente le reste de la division de ad= a7 par p Tous les a sauf 14 sont des teacutemoins et chacun nous dit que 15 nrsquoest pas premier

Mais bien sucircr apprendre qursquoun nombre a est un teacutemoin que p nrsquoest pas premier ne nous apprend rien de la factorisation de p

81

1288551

125

12

1211

1212121211

121

a23456789

101112

812456

1329

101137

14

a23456789

1011121314

Le fonctionnement de lrsquoalgorithme de Shor

On veut factoriser un entier n Lrsquoalgo-rithme de Shor cherche un diviseur d de n qui soit diffeacuterent de 1 et de n Ensuite on peut iteacuterer en cherchant un diviseur de lrsquoentier S = nd Voyons qursquoil suffit de trouver un entier r tel que n divise r2 ndash 1 = (r ndash 1)(r + 1) mais n ne divise ni r ndash 1 ni r + 1 Puisque n divise r2 ndash 1 il existe un entier m tel que r2 ndash 1 = mn Soit p un facteur premier de n Alors p divise r ndash 1 ou encore p divise r + 1 Dans le premier cas d est le pgcd de r ndash 1 et n et dans le deuxiegraveme cas celui de r + 1 et n Calculer le pgcd de deux nombres par lrsquoalgorithme drsquoEuclide3 est facile pour un ordinateur Comment construire un tel entier r est un peu technique et nous ne ferons pas les deacutetails

3 Voir laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

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Si la notion de logarithme paraicirct aujourdrsquohui tout agrave fait naturelle sa conceptualisation et sa mise en œuvre au plan pratique au deacutebut

du 17e siegravecle nrsquoont point eacuteteacute une mince affaire Premiers eacutepisodes de cette foisonnante saga

Peu de temps apregraves leur introduction par John Napier (1550-1617) au tout deacutebut du 17e siegravecle les logarithmes se sont rapidement imposeacutes comme un laquo merveilleux raquo1 outil essentiel en astronomie et en navigation deux domaines scientifiques particuliegraverement avanceacutes agrave cette eacutepoque et qui venaient avec leur lot de calculs proprement titanesques Crsquoest dans un tel contexte qursquoil faut entendre le ceacutelegravebre aphorisme ducirc au matheacutematicien physicien et astronome franccedilais Pierre-Simon Laplace2 (1749-1827) qui srsquointeacuteressant dans le cadre drsquoun survol historique de lrsquoastronomie aux travaux de Johannes Kepler (1571-1630) affirmait que la deacutecouverte des logarithmes mdash combineacutee agrave lrsquoarithmeacutetique des Indiens crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecriture des nombres dans un systegraveme positionnel mdash avait pour ainsi dire doubleacute la vie des astronomes (voir encadreacute)

La preacutehistoire des logarithmesIssu entiegraverement de lrsquolaquo esprit humain raquo selon les dires de Laplace le concept de logarithme repose sur une ideacutee somme toute assez na-turelle consideacuterant diverses puissances drsquoun mecircme nombre on porte lrsquoattention sur les exposants de ces puissances Par exemple srsquoagissant des entiers

64 256 1024 et 4096crsquoest-agrave-dire respectivement

43 44 45 et 46on envisage plutocirct les exposants

3 4 5 et 6

Sur la base de ces donneacutees on pourrait conclure immeacutediatement mdash si on dispose drsquoune table de puissances de 4 mdash que

256 times 4 096 = 1 048 576prenant appui sur le fait que

44 times 46 = 44 + 6 = 410

(on applique ici une regravegle de base des exposants qui va de soi lorsque ceux-ci sont des entiers naturels) Il nrsquoest pas eacutetonnant que des telles intuitions aient pu se retrouver il y a fort longtemps

Jeacuterocircme Camireacute-Bernier

Bernard R Hodgson Universiteacute Laval

1 Renvoi agrave lrsquoeacutepithegravete mirifique (archaiumlque de nos jours) utiliseacutee par Napier lui-mecircme Lrsquoex-pression mirifique invention de notre titre est emprunteacutee agrave Jean-Pierre Friedelmeyer (voir le Pour en savoir plus)

2 Alias Pierre-Simon de Laplace Aussi homme politique il fut nommeacute marquis en 1817 (drsquoougrave la particule nobiliaire)

Laplace agrave propos des logarithmeslaquo Il [Kepler] eut dans ses derniegraveres anneacutees lrsquoavantage de voir naicirctre et drsquoemployer la deacutecouverte des logarithmes due agrave Neper baron eacutecossais artifice admirable ajouteacute agrave lrsquoingeacutenieux algorithme des Indiens et qui en reacuteduisant agrave quelques jours le travail de plusieurs mois double si lrsquoon peut ainsi dire la vie des astronomes et leur eacutepargne les erreurs et les deacutegoucircts inseacuteparables des longs calculs invention drsquoautant plus satis-

faisante pour lrsquoesprit humain qursquoil lrsquoa tireacutee en entier de son propre fonds dans les arts lrsquohomme se sert des mateacuteriaux et des forces de la nature pour accroicirctre sa puissance mais ici tout est son ouvrage raquo

Exposition du systegraveme du monde Livre V Chapitre IV

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

Un peu de vocabulaire

Eacutetant donneacute deux reacuteels (positifs) x et y leur moyenne arithmeacutetique

est donneacutee par x y2+ et leur moyenne geacuteomeacutetrique par xy

Ces appellations trouvent leur origine dans les matheacutematiques grecques de lrsquoAntiquiteacute notamment de lrsquoeacutepoque de Pythagore

Lrsquoarithmeacutetique de lrsquoeacutecole pythagoricienne portant sur lrsquoeacutetude des entiers (et des rapports simples drsquoentiers) on voit immeacutediatement pourquoi la premiegravere moyenne est dite laquo arithmeacutetique raquo Quant agrave la moyenne laquo geacuteomeacutetrique raquo elle fait intervenir une opeacuteration qui megravene agrave des grandeurs geacuteneacuteralement au-delagrave du champ des entiers Or le domaine qui eacutetudie les grandeurs par exemple les segments de droite est justement la geacuteomeacutetrie

On peut montrer que dans une suite arithmeacutetique un terme donneacute (agrave partir du deuxiegraveme) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins Et de mecircme mutatis mutandis pour une suite geacuteomeacutetrique (Voir la Section problegravemes)

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Ainsi sur la partie infeacuterieure de la tablette meacutesopotamienne MLC 020783 datant drsquoentre 1900 et 1600 avant notre egravere se trouve le tableau ci-haut (les nombres sont donneacutes ici en notation moderne et non en eacutecriture cu-neacuteiforme) on y reconnaicirct immeacutediatement la liste des premiegraveres puissances de 2 ainsi que les exposants correspondants

Lrsquousage a consacreacute lrsquoexpression suite arith-meacutetique (ou progression arithmeacutetique selon une tournure un brin suranneacutee) pour une liste de nombres qui comme dans la colonne de droite de ce tableau croissent (ou deacutecroissent) reacuteguliegraverement de maniegravere additive

a a + d a + 2d a + nd

a repreacutesentant le premier terme de la suite et d la diffeacuterence entre deux termes conseacute-cutifs mdash crsquoest-agrave-dire de combien lrsquoun de ces termes est plus grand que lrsquoautre4 (Le tableau preacuteceacutedent correspond au cas ougrave a = 1 et d = 1) Lorsque les nombres de la liste sont relieacutes multiplicativement

a ar ar2 arn

on parlera de suite (ou progression) geacuteomeacute-trique la constante r repreacutesentant cette fois le rapport entre deux termes conseacutecutifs mdash crsquoest-agrave-dire combien de fois lrsquoun est plus grand que lrsquoautre4 (Dans la colonne de gauche du tableau on a a = 2 et r = 2) (Voir lrsquoencadreacute Un peu de vocabulaire pour le sens des mots laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo dans un tel contexte)

Selon cette nomenclature la tablette MLC 02078 peut donc srsquointerpreacuteter comme la mise en comparaison de deux suites lrsquoune arithmeacutetique et lrsquoautre geacuteomeacutetrique Ce type de situation se retrouve agrave diverses eacutepoques au fil des acircges Ainsi en est-il question dans un autre document de lrsquoAntiquiteacute LrsquoAreacutenaire traiteacute dans lequel Archimegravede (-287 ndash -212) se donne comme objectif de deacuteterminer le nombre de grains de sable dont le volume serait eacutegal agrave celui du laquo monde raquo5 Parmi les outils dont se sert alors le grand matheacutematicien grec se retrouve la manipulation simultaneacutee drsquoune suite arithmeacutetique et drsquoune suite geacuteomeacutetrique ce qui lrsquoamegravene (en termes modernes) agrave identifier au passage la regravegle drsquoaddition des exposants

bm times bn = bm +n

(voir la Section problegravemes) et donc le prin-cipe de transformation drsquoune multiplication en une addition agrave la base des logarithmes

3 Pour Morgan Library Collection Cette tablette se retrouve dans la collection de lrsquoUniversiteacute Yale aux Eacutetats-Unis

4 Cette faccedilon de parler est utiliseacutee par Euler lorsqursquoil introduit les notions de rapports arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique dans ses Eacuteleacutements drsquoalgegravebre (1774) mdash voir Section troisiegraveme laquo Des rapports amp des propor-tions raquo entre autres les articles 378 398 et 505

5 Une des difficulteacutes auxquelles fait ici face Archimegravede est de reacutealiser cet objectif dans le cadre du systegraveme de numeacuteration grec qui nrsquoeacutetait pas propice pour exprimer aiseacutement de tregraves grands nombres Mais cela est une autre histoirehellip

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Tablette MLC 02078 (1900-1600 avant notre egravere)

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Cette mecircme ideacutee se retrouve plusieurs siegravecles plus tard dans Le Triparty en la science des nombres (1484) du Franccedilais Nicolas Chuquet (1445-1488) Dans la troisiegraveme partie de cet ouvrage Chuquet introduit des regravegles cal-culatoires de nature algeacutebrique Il srsquointeacuteresse alors notamment aux valeurs des puis-sances de 2 depuis 1 jusqursquoagrave 1 048 576 qursquoil aligne en colonnes avec les exposants entiers correspondants (qursquoil appelle laquo deacuteno-minations raquo) de 0 jusqursquoagrave 20 et note que la multiplication de nombres de la premiegravere colonne correspond agrave lrsquoaddition de nombres dans la seconde Il identifie aussi une autre regravegle de base des exposants

b b( )m n mn=(encore une fois exprimeacutee ici en notation moderne) Agrave noter que Chuquet utilise une notation avec indice sureacuteleveacute (comme nous le faisons aujourdrsquohui)6 et qursquoen plus de lrsquoexposant 0 il considegravere des exposants (entiers) neacutegatifs Au milieu du 16e siegravecle lrsquoAllemand Michael Stifel (1487-1567) reprendra les mecircmes thegravemes dans son Arithmetica integra (1544) ougrave il parle expli-citement de la relation entre une progression arithmeacutetique et une progression geacuteomeacutetrique Crsquoest drsquoailleurs agrave Stifel que lrsquoon doit le vocable exposants pour deacutesigner les nombres de la suite arithmeacutetique en jeu

Si quelques-uns des principes servant de fondements agrave la notion de logarithme se per-ccediloivent dans les commentaires qui preacutecegravedent on est encore loin du logarithme en tant que tel Pour qursquoune correspondance entre une suite geacuteomeacutetrique et une suite arithmeacutetique devienne un veacuteritable outil de calcul il faut en effet laquo boucher les trous raquo entre les puissances (entiegraveres) successives Il peut ecirctre inteacuteressant comme le souligne Chuquet de conclure gracircce agrave sa table des puissances de 2 que le produit de 128 et 512 est 65 536 Mais cela ne nous renseigne en rien par exemple sur le produit 345 times 678 On voit mecircme Chuquet dans un appendice au Tripar-ty chercher agrave reacutesoudre des problegravemes dans lesquels un exposant fractionnaire est rechercheacute mdash mais sans deacutevelopper pour autant drsquoapproche systeacutematique agrave cette fin

Certains eacuteleacutements (timides) agrave cet eacutegard se retrouvent il y a fort longtemps Ainsi le tableau numeacuterique ci-contre figure lui aussi sur la tablette MLC 02078 (dans sa partie supeacuterieure) On y voit une progression arith-meacutetique de diffeacuterence frac-tionnaire ecirctre juxtaposeacutee agrave une progression geacuteomeacutetrique agrave savoir des puissances de 16 Mais peu semble avoir eacuteteacute fait pour pousser plus loin de telles asso-ciations jusqursquoagrave lrsquoarriveacutee de Napier

Les logarithmes agrave la NapierTout eacutetudiant est aujourdrsquohui familier avec le fait que le passage drsquoun nombre donneacute agrave son logarithme (selon une certaine base) revient agrave identifier lrsquoexposant dont il faut affecter cette base pour retrouver le nombre en cause Ayant fixeacute un reacuteel b (positif et diffeacuterent de 1) et consideacuterant un reacuteel positif x le logarithme de x dans la base b noteacute logbx est donc par deacutefinition lrsquoexposant (reacuteel) u tel que bu = x Une telle vision il faut le souligner demeure relativement tardive par rapport agrave lrsquointuition originale de logarithme nrsquoeacutetant devenue la norme que pregraves drsquoun siegravecle et demi apregraves les travaux de lrsquoEacutecossais John Napier7 mdash voir lrsquoencadreacute Les traiteacutes de Napier mdash lorsque Leonhard Euler (1707-1783) en a fait la pierre drsquoassise de son traitement de la fonction logarithmique8 dans son Introduc-tio in analysin infinitorum (1748) Acceptant les proprieacuteteacutes de la fonction exponentielle bu pour des reacuteels b et u quelconques on tire im-meacutediatement de cette deacutefinition la proprieacuteteacute de base du logarithme

logb xy = logb x + logb y

ce qui permet de transformer une multi-plication en une addition de mecircme que les eacutegaliteacutes similaires pour le logarithme drsquoun quotient ou drsquoune puissance

DossierHistoire

6 La notation exponentielle aujourdrsquohui usuelle telle a2 ou a3 se reacutepandra apregraves son utilisa-tion par Reneacute Descartes (1596-1650) dans son traiteacute La geacuteomeacutetrie (1637)

7 Voir Andreacute Ross laquo John Napier raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 8-11

8 Cette approche drsquoEuler peut ecirctre vue comme une illustration remarquable de lrsquoim-pact drsquoune bonne notation en vue de clarifier et faciliter la deacutemarche de la penseacutee

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

On observera que lrsquoideacutee drsquoun lien entre deux suites lrsquoune geacuteomeacutetrique et lrsquoautre arithmeacutetique bien que sous-jacente agrave la derniegravere eacutegaliteacute nrsquoest pas pour autant expli-citement mise en eacutevidence dans cette vision moderne (post-euleacuterienne) du logarithme Or agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier introduit ses loga-rithmes lrsquoideacutee de laquo fonction raquo nrsquoest pas dans lrsquoair du temps mdash elle ne surgira de fait que vers la fin du 17e siegravecle dans la mouvance des travaux sur le calcul infiniteacutesimal mdash de sorte que la comparaison de suites (geacuteomeacutetrique et arithmeacutetique) demeure la principale source drsquoinspiration de ses travaux

Une autre mouvance de lrsquoeacutepoque visait agrave se doter drsquooutils permettant de simplifier lrsquoexeacutecution de calculs arithmeacutetiques portant sur de gros nombres Dans un texte preacuteceacute-dent9 nous avons preacutesenteacute entre autres la meacutethode de prosthapheacuteregravese utiliseacutee vers la fin du 16e siegravecle en vue de transformer une multiplication en addition ou une division en soustraction La populariteacute de telles meacutethodes notamment dans les cercles astronomiques a certainement contribueacute agrave convaincre Napier de lrsquoimportance de deacuteve-lopper des outils permettant de raccourcir les calculs y compris dans le cas de lrsquoexponen-tiation ou de lrsquoextraction de racine Il en fait drsquoailleurs mention explicitement dans la preacute-face de son Descriptio Soulignant le caractegravere peacutenible dans la pratique des matheacutematiques de la multiplication division ou extraction de racine carreacutee ou cubique de grands nombres Napier insiste non seulement sur le temps re-quis pour exeacutecuter ces opeacuterations mais aus-si sur les nombreuses erreurs qui peuvent en reacutesulter Agrave la recherche drsquoune meacutethode sucircre et expeacuteditive afin de contourner ces difficul-teacutes il annonce qursquoapregraves lrsquoexamen de plusieurs proceacutedeacutes il en a retenu un qui rencontre ses attentes

laquo Agrave la veacuteriteacute aucun proceacutedeacute nrsquoest plus utile que la meacutethode que jrsquoai trouveacutee Car tous les nombres utiliseacutes dans les multiplica-tions les divisions et les extractions ar-

dues et prolixes de racines sont rejeteacutes des opeacuterations et agrave leur place sont substitueacutes drsquoautres nombres sur lesquels les calculs se font seulement par des additions des soustractions et des divisions par deux et par trois raquo10

La vision geacuteomeacutetrico- cineacutematique de NapierUn troisiegraveme eacuteleacutement sur lequel srsquoappuie Napier dans sa creacuteation des logarithmes est la geacuteomeacutetrie mdash plus preacuteciseacutement la geacuteomeacutetrie du mouvement Il a en effet lrsquoideacutee de comparer le deacuteplacement de deux points lrsquoun bougeant selon une vitesse11 variant de maniegravere telle que les distances parcourues en des intervalles de temps eacutegaux forment une progression geacuteomeacute-trique tandis que lrsquoautre point bougeant agrave vitesse constante deacute-termine des distances en progression arith-meacutetique Le support geacuteomeacutetrique dont se sert alors Napier peut se deacutecrire comme suit

9 Voir laquo Eacutemergence logarithmique tables et calculs raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 2-7

10 Tireacute de la preacuteface du Mirifici logarithmorum canonis descriptio (traduction personnelle)

11 Napier introduit lrsquoideacutee de mouvement degraves la deacutefinition 1 du Descriptio Il utilise explicite-ment le terme laquo vitesse raquo agrave la deacutefinition 5

Les traiteacutes de NapierCrsquoest degraves lrsquoanneacutee 1594 que Na-pier entame les travaux qui lrsquoamegraveneront agrave la notion de loga-rithme En 1614 il fait connaicirctre son invention en publiant un premier traiteacute sur le sujet mdash reacutedigeacute en latin la langue des savants de lrsquoeacutepoque Mirifici lo-garithmorum canonis descrip-tio (crsquoest-agrave-dire Description de la merveilleuse regravegle des loga-rithmes) Il srsquoagit de la premiegravere publication drsquoune table de lo-garithmes qui occupent les 90 derniegraveres pages du traiteacute Cette table est preacuteceacutedeacutee drsquoun texte de 57 pages ougrave Napier explique

ce que sont les logarithmes et comment les utiliser

Un second traiteacute de Napier sur le sujet est un ouvrage reacutedigeacute avant la parution du Descriptio mais publieacute par lrsquoun de ses fils seulement en 1619 deux ans apregraves sa mort Mirifici loga-rithmorum canonis constructio (Construction de la merveilleuse regravegle des logarithmes) Dans un texte drsquoenviron 35 pages (ac-compagneacute drsquoappendices) Na-pier preacutesente la theacuteorie sur la-quelle il srsquoest appuyeacute pour construire sa table

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Eacutetant donneacute un segment AB de longueur deacutetermineacutee il considegravere un point P partant de A avec une vitesse initiale donneacutee et se deacuteplaccedilant vers B en une seacuterie de laquo pas raquo P1 P2 P3 Pn

Napier stipule (Descriptio deacutefinition 2) que la vitesse de deacuteplacement de P le long de AB deacutecroicirct de maniegravere telle que en des temps eacutegaux la longueur de chacun des inter-valles AP1 P1P2 P2P3 P3P4 successivement parcourus par P est proportionnelle agrave la dis-tance seacuteparant P de sa cible B (lorsqursquoil est agrave lrsquoextreacutemiteacute gauche de chaque intervalle)12

APAB

P PP B

P PP B

P PP B

1 1 2

1

2 3

2

3 4

3

= = = =

On tire immeacutediatement de ces eacutegaliteacutes que

P BAB

P BP B

P BP B

P BP B

1 2

1

3

2

4

3

= = = =

(voir la Section problegravemes) de sorte que la suite de segments AB P1B P2B P3B qui correspond aux distances entre les diverses positions de P et lrsquoextreacutemiteacute B forme une suite geacuteomeacutetrique deacutecroissante (Construc-tio article 24) la longueur de chacun drsquoeux est en effet la moyenne geacuteomeacutetrique de ses deux voisins Napier considegravere alors un second point Q se deacuteplaccedilant agrave vitesse constante sur une demi-droite (donc illimiteacutee dans un sens) et de maniegravere telle qursquoau moment ougrave P passe par Pi le point Q est en un point Qi = i (voir la Section problegravemes)

Lrsquoideacutee de Napier est drsquoassocier la suite arith-meacutetique

0 1 2 3 n

correspondant aux positions successives de Q agrave la suite geacuteomeacutetrique deacutetermineacutee par les segments

AB P1B P2B P3B PnB

Mais pour que cette association soit com-plegravete il faut la geacuteneacuteraliser agrave un emplacement quelconque de P sur AB outre les positions laquo discregravetes raquo P1 P2 P3 Voici le tour de passe-passe permettant agrave Napier de contourner cette difficulteacute

Puisque des distances parcourues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est propor-tionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (voir la Section problegravemes) Ainsi quand P est agrave mi-chemin dans son trajet de A vers B sa vitesse a diminueacute de moitieacute par rapport agrave sa vitesse initiale Et quand il est rendu aux deux-tiers de lrsquointervalle AB sa vitesse ne vaut plus que le tiers de celle de deacutepart

Passant agrave une vision laquo lisse raquo mdash et non plus par laquo pas raquo mdash du deacuteplacement de P Napier en vient agrave consideacuterer ce point comme chan-geant laquo continucircment raquo de vitesse13 mdash et non pas de maniegravere abrupte et instantaneacutee en chaque point Pi Pour rester dans les mecircmes conditions que preacuteceacutedemment il suppose donc que P se deacuteplace laquo geacuteomeacute-triquement raquo de A vers B crsquoest-agrave-dire de maniegravere telle que la vitesse de P est toujours proportionnelle agrave la distance qui le seacutepare de B (Constructio article 25)

Les laquo logarithmes agrave la Napier raquo sont main-tenant agrave porteacutee de main Supposant drsquoune part que les deux points P et Q entament leur deacuteplacement agrave la mecircme vitesse le premier selon une vitesse deacutecroissant geacuteomeacutetriquement de A vers B et le second agrave vitesse constante agrave partir de 0 et suppo-sant de plus que le point Q est en y lorsque le point P est agrave une distance x de B alors y est appeleacute par Napier le logarithme de x (On eacutecrira ici par commoditeacute y = Nlog(x))

Crsquoest ainsi que le logarithme du reacuteel x est le reacuteel y deacutetermineacute par la suite arithmeacutetique associeacutee agrave la suite geacuteomeacutetrique correspon-dant agrave x

DossierHistoire

12 On notera au passage que le point P nrsquoat-teint ainsi jamais sa cible B car agrave chaque eacutetape il gruge toujours la mecircme fraction du chemin restant agrave parcourir

13 Napier nrsquoutilise pas explicitement une telle terminologie

0 y

x

Q rarrA

P rarr

B

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P1 P2 P3 P4 Pn

B

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Q1 Q2 Q3 Q4 Qn

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Valeurs numeacuteriques des logarithmes de NapierPlusieurs aspects de la notion de logarithme telle que conccedilue et mise en œuvre par Na-pier peuvent nous sembler un peu eacutetranges aujourdrsquohui On a deacutejagrave insisteacute sur la place qursquoy occupent les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique maintenant absentes du discours sur les logarithmes Une autre par-ticulariteacute est relieacutee aux valeurs numeacuteriques mecircmes deacutetermineacutees par Napier

Une motivation cleacute de Napier eacutetait de construire un outil facilitant les calculs tri-gonomeacutetriques un domaine drsquoapplication des matheacutematiques de toute premiegravere importance agrave son eacutepoque Crsquoest pour cette raison que la table produite par Napier dans son Descriptio repose non pas sur des nombres en geacuteneacuteral mais plutocirct sur le sinus des angles allant de 0deg agrave 90deg chaque degreacute eacutetant diviseacute en 60 minutes Agrave chacune de ces valeurs de sinus (il y en a donc 5 400 en tout) Napier associe son logarithme tel que deacutefini ci-haut

Il faut par ailleurs souligner que la notion de sinus de lrsquoeacutepoque nrsquoest pas tout agrave fait la mecircme qursquoaujourdrsquohui le sinus est alors non pas vu comme un rapport de cocircteacutes dans un triangle mais plutocirct comme la longueur drsquoune demi-corde dans un cercle donneacute Afin de faciliter les calculs il eacutetait drsquousage de travailler avec un cercle de grand rayon de maniegravere agrave eacuteviter lrsquoemploi de fractions et agrave se res-treindre agrave des nombres naturels Or agrave la fin du 16e siegravecle agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier entreprit ses travaux crsquoest sur un cercle de rayon 10 000 000 que srsquoappuyaient certaines des tables trigonomeacutetriques alors en circula-tion14 Crsquoest sans doute lagrave la raison pour laquelle Napier deacutecide de se servir de cette mecircme valeur pour asseoir la construction de sa table logarithmique

Il se dote donc drsquoun segment AB de longueur 107 = 10 000 000 (Constructio article 24) et il suppose que la vitesse initiale de chacun des deux points P et Q est aussi 107 (Constructio articles 25 et 26) Dans le cas de Q cette

vitesse demeure constante alors que pour P elle deacutecroicirct laquo geacuteomeacutetriquement raquo15 Or le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique doit permettre de combler les eacutecarts entre des puissances entiegraveres successives mdash voir agrave ce propos les commentaires plus haut mdash de sorte qursquoil est utile que ce rapport soit un nombre pregraves de 1 Agrave cet effet Napier choisit comme rapport

0999 999 9 11

107= minus

(Constructio articles 14 et 16) Une telle valeur a aussi comme avantage que le calcul de termes successifs de la progression geacuteomeacutetrique peut se ramener agrave une seacuterie de soustractions plutocirct que des multiplica-tions iteacutereacutees par 1 ndash 10ndash7 ce qui a permis agrave Napier de simplifier dans une large mesure la construction de sa table Cette construction demeure neacuteanmoins en pratique un accom-plissement eacutepoustouflant

On observera que les valeurs numeacuteriques des logarithmes creacuteeacutes par Napier sont fort diffeacuterentes de celles que lrsquoon connaicirct aujourdrsquohui Ainsi on a que Nlog(107) = 0 Et Nlog(x) deacutecroicirct lorsque x croicirct De plus il nrsquoest pas question de laquo base raquo dans les propos de Napier (voir agrave ce sujet la Section problegravemes) Mais lrsquoessence du logarithme est bel et bien lagrave

14 De telles tables trigonomeacutetriques ont eacuteteacute construites par Johann Muumlller alias Regio-montanus (1436-1476) et par Georg Joachim de Porris dit Rheticus (1514-1574)

15 Les valeurs choisies par Napier ont pour conseacutequence que la vitesse de P (en tant que nombre) est non seulement proportion-nelle mais est de fait eacutegale agrave la distance de P agrave B (voir la Section problegravemes)

Agrave propos de lrsquoeacutetymologie du mot logarithme

Napier a forgeacute le mot logarithme agrave partir de deux racines grecques drsquousage courant logoς laquo rapport raquo et ariqmoς laquo nombre raquo On peut voir le mot rapport ici comme refleacutetant le rapport commun des termes successifs de la suite geacuteomeacutetrique AB P1B P2B P3B

Au commencement de ses travaux Napier appelait nombres artificiels les valeurs de la suite arithmeacutetique peut-ecirctre pour les opposer aux nombres de la suite geacuteomeacute-trique qui eacutetaient en quelque sorte don-neacutes Mais le terme logarithme srsquoest rapide-ment imposeacute

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Comment ameacuteliorer une solution imparfaite agrave un problegraveme complexe

Et si on srsquoinspirait de la nature pour faire eacutevoluer les solutions

Lrsquoinspiration de la nature En 1859 le naturaliste Charles Darwin a publieacute son ceacutelegravebre ouvrage Lrsquoorigine des espegraveces qui preacutesentait une theacuteorie visant agrave expliquer le pheacutenomegravene de lrsquoeacutevolution Cette theacuteorie reacutevolutionnaire a provoqueacute plusieurs deacutebats agrave lrsquoeacutepoque mais elle est maintenant largement accepteacutee Environ 100 ans plus tard elle a inspireacute le professeur John Holland qui a tenteacute drsquoimpleacutementer artificiellement des systegravemes eacutevolutifs baseacutes sur le proces-sus de seacutelection naturelle Ces travaux ont

ensuite meneacute aux algorithmes geacuteneacutetiques qui sont maintenant utiliseacutes pour obtenir des solutions approcheacutees pour certains problegravemes drsquooptimisation difficiles

Les eacuteleacutements de base drsquoun algorithme geacuteneacutetiqueAfin de comprendre lrsquoanalogie entre le processus de seacutelection naturelle et un algo-rithme geacuteneacutetique rappelons tout drsquoabord les meacutecanismes les plus importants qui sont agrave la base de lrsquoeacutevolution

1 Lrsquoeacutevolution se produit sur des chromo-somes qui repreacutesentent chacun des individus dans une population

2 Le processus de seacutelection naturelle fait en sorte que les chromo-somes les mieux adapteacutes se reproduisent plus souvent et contribuent davantage aux popu- lations futures

3 Lors de la reproduction lrsquoinfor- mation contenue dans les chromosomes des parents est combineacutee et meacutelangeacutee pour produire les chromosomes des enfants (laquo croisement raquo)

4 Le reacutesultat du croisement peut agrave son tour ecirctre modifieacute par des perturbations aleacuteatoires (muta-tions)

Ces meacutecanismes peuvent ecirctre utiliseacutes pour speacutecifier un algorithme geacuteneacutetique tel que celui deacutecrit dans lrsquoencadreacute ci-dessous

Charles Fleurent GIRO

Algorithmes geacuteneacutetiques

Les travaux sur lrsquoeacutevolution des espegraveces vivantes du natura-liste et paleacuteontologue anglais Charles Darwin (1809-1882) ont reacutevolutionneacute la biologie Dans son ouvrage intituleacute LrsquoOrigine des espegraveces paru en 1859 Darwin preacutesente le reacutesultat de ses recherches Darwin eacutetait deacutejagrave ceacutelegravebre au sein de la communauteacute scientifique de son eacutepoque

pour son travail sur le terrain et ses recherches en geacuteologie Ses travaux srsquoinscrivent dans la fouleacutee de ceux du natura-liste franccedilais Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) qui 50 ans plus tocirct avait eacutemis lrsquohypothegravese que toutes les espegraveces vivantes ont eacutevolueacute au cours du temps agrave partir drsquoun seul ou de quelques ancecirctres communs Darwin a soutenu avec Alfred Russel Wallace (1823-1913) que cette eacutevolution eacutetait due au processus dit de la laquo seacutelection naturelle raquo

Comme il naicirct beaucoup plus drsquoindividus de chaque espegravece qursquoil nrsquoen peut survivre et que par conseacutequent il se produit souvent une lutte pour la vie il srsquoensuit que tout ecirctre srsquoil varie mecircme leacutegegraverement drsquoune maniegravere qui lui est profitable dans les conditions complexes et quelque-fois variables de la vie aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi drsquoune faccedilon naturelle En raison du principe dominant de lrsquoheacutereacutediteacute toute varieacuteteacute ainsi choisie aura tendance agrave se multiplier sous sa forme nouvelle et modifieacutee

Charles Darwin 1859 Introduction agrave LrsquoOrigine des espegraveces

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Pour adapter un algorithme geacuteneacutetique agrave un problegraveme drsquooptimisation combinatoire il suf-fit alors de speacutecialiser certaines composantes agrave la structure particuliegravere de ce dernier En geacuteneacuteral les deacutecisions portent sur les aspects suivants

Codage des solutions il faut eacutetablir une correspondance entre les solutions du problegraveme et les chromosomes

Opeacuterateurs geacuteneacutetiques il faut deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation pour les chromosomes

Eacutevaluation des chromosomes la me-sure drsquoadaptation des chromosomes agrave leur environnement est donneacutee par une fonction qui est calculeacutee par un processus plus ou moins complexe

Il existe plusieurs moyens pour mettre en œuvre certains des meacutecanismes importants drsquoun algorithme geacuteneacutetique Par exemple la seacutelection des parents peut srsquoeffectuer de diverses faccedilons Dans une population P = x1 x2 hellip xN ougrave la mesure drsquoadaptation drsquoun individu est eacutevalueacutee par une fonction ƒ lrsquoopeacuterateur classique consiste agrave associer agrave chaque individu xi une probabiliteacute pi drsquoecirctre seacutelectionneacute proportionnelle agrave la valeur de f pour cet individu crsquoest-agrave-dire

pf x

f x( )

( )i

i

jj Psum

=

isin

En pratique on utilise souvent drsquoautres meacute-thodes de seacutelection pouvant se parameacutetrer plus facilement Ainsi dans la seacutelection par tournoi un ensemble drsquoindividus est seacutelec-tionneacute aleacuteatoirement dont les meilleurs eacuteleacute-ments seulement sont retenus Pour choi-sir deux parents on peut donc seacutelectionner aleacuteatoirement 5 individus et ne garder que les deux meilleurs Dans drsquoautres meacutethodes les individus sont ordonneacutes selon leur va-leur pour la fonction ƒ et la seacutelection srsquoeffec-tue aleacuteatoirement selon le rang occupeacute par chaque individu On utilise alors une distri-bution biaiseacutee en faveur des individus en tecircte de liste

Un autre meacutecanisme important est le mode de remplacement des individus de la popula-tion Dans le modegravele original chaque popu-lation de N individus est totalement rempla-ceacutee agrave chaque geacuteneacuteration Drsquoautres strateacutegies laquo eacutelitistes raquo font en sorte drsquoassurer agrave chaque geacuteneacuteration la survie des meilleurs individus de la population Crsquoest le cas entre autres des modegraveles laquo stationnaires raquo ougrave un nombre res-treint drsquoindividus est remplaceacute agrave chaque geacute-neacuteration Dans ce cas on ajoute souvent des meacutecanismes suppleacutementaires empecircchant lrsquoajout drsquoindividus identiques (doublons) dans la population Des implantations plus eacutevo-lueacutees existent eacutegalement pour des architec-tures parallegraveles

Un algorithme geacuteneacutetique 1 Construire une population initiale de N

solutions

2 Eacutevaluer chacun des individus de la population

3 Geacuteneacuterer de nouvelles solutions en seacutelectionnant les parents de faccedilon proportionnelle agrave leur eacutevaluation Appliquer les opeacuterateurs de croisement et de mutation lors de la reproduction

4 Lorsque N nouveaux individus ont eacuteteacute geacuteneacutereacutes ils remplacent alors lrsquoancienne population Les individus de la nouvelle population sont eacutevalueacutes agrave leur tour

5 Si le temps alloueacute nrsquoest pas deacutepasseacute (ou le nombre de geacuteneacuterations maximal nrsquoest pas atteint) retourner agrave lrsquoeacutetape 3

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Repreacutesentation des solutions et opeacuterateurs geacuteneacutetiquesLes premiers algorithmes geacuteneacutetiques utili-saient tous une repreacutesentation binaire ougrave chaque solution s est codeacutee sous la forme drsquoune chaicircne de bits de longueur n ie s[i ] isin 0 1 foralli =1 2 hellip n Pour cette repreacute-sentation lrsquoopeacuterateur de croisement classique agrave un point consiste agrave choisir de faccedilon uniforme une position de coupure aleacuteatoire l isin 1 2 hellip nminus1 Si les parents p1 et p2 ont eacuteteacute seacutelectionneacutes pour la reproduction les solutions enfants e1 et e2 sont alors construites de la faccedilon suivante

e1[i ] = p1[i ] foralli isin1 hellip l e1[i ] = p2[i ] foralli isinl + 1 hellip n e2 [i ] = p2[i ] foralli isin1 hellip l e2 [i ] = p1[i ] foralli isinl + 1 hellip nLorsqursquoon itegravere avec drsquoautres paires de parents on choisit aleacuteatoirement pour chaque paire de parents un nouvel opeacuterateur de croisement agrave un point Lrsquoopeacuterateur agrave un point peut se geacuteneacuteraliser en seacutelectionnant k positions aleacuteatoires plutocirct qursquoune seule Dans ce cas les enfants sont produits en eacutechan-geant lrsquoinformation chromosomique entre les k points de coupure En pratique la valeur k = 2 est couramment utiliseacutee Un autre opeacuterateur tregraves populaire (croisement uni-forme) utilise une chaicircne de bits geacuteneacutereacutee aleacuteatoirement pour engendrer les enfants Pour chaque position le choix aleacuteatoire in-dique quel parent deacuteterminera la valeur des enfants Des exemples des opeacuterateurs de croisement agrave un point agrave deux points et uniforme sont illustreacutes dans les tableaux suivants Des reacutesultats theacuteoriques et empi-riques indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme donne geacuteneacuteralement des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux produits par les deux autres

Opeacuterateur de croisement agrave un point

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 0 1 1

0 1 0 1 0 1 1 0 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement agrave deux points

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 1 0 1

0 1 0 1 0 1 0 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement uniforme

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 1 0 1 1 1 0 0 1

0 1 1 0 1 0 1 0 0

0 0 0 1 0 1 1 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Chaicircnealeacuteatoirede bits

Avec une repreacutesentation binaire on utilise geacuteneacuteralement lrsquoopeacuterateur de mutation clas-sique qui consiste agrave changer aleacuteatoirement un bit pour son compleacutement

Opeacuterateur de mutation classique

Enfant 1 0 0 1 0 1 1 0 1

1 1 0 1 0 1 1 0 0Enfant

Mutationsaleacuteatoires

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Un exemple le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteennePour certains problegravemes la repreacutesentation binaire des solutions est tout agrave fait intuitive et bien adapteacutee Crsquoest le cas par exemple du problegraveme de satisfaisabiliteacute (SAT) Eacutetant donneacute une expression logique F de n variables boo-leacuteennes x1 x2 hellip xn (voir encadreacute) ce problegraveme fondamental (qui est agrave la base de la theacuteorie de la NP-compleacutetude) consiste agrave trouver une affectation aux variables de faccedilon agrave satisfaire F En eacutetablissant les correspondances faux harr 0 vrai harr 1 on peut repreacutesenter chaque solution par une chaicircne binaire de longueur n et utiliser les opeacuterateurs geacuteneacute-tiques classiques deacutecrits preacuteceacutedemment

Pour eacutevaluer les solutions lrsquoexpression logique F peut ecirctre exprimeacutee comme une conjonction (voir encadreacute) de m clauses

F = Cj j =1

m

Chaque clause est alors deacutefinie par une disjonction de variables booleacuteennes dont certaines sont associeacutees agrave un opeacuterateur de neacutegation (indiqueacute par le symbole ndash ) Pour satisfaire F il faut donc satisfaire toutes ses clauses Pour un algorithme geacuteneacutetique chaque solution peut ecirctre simplement eacuteva-lueacutee par le nombre de clauses qursquoelle satisfait par exemple noteacute par f Si on considegravere par exemple lrsquoexpression suivante pour F

= and or and or or

and or or or

and or or or or

F x x x x x x

x x x x

x x x x x

( ) ( ) ( )

( )

( )

1 1 2 1 2 3

1 2 3 4

1 2 3 4 5

la solution (1 0 1 0 0) satisfait toutes les clauses sauf la premiegravere alors que la solution (0 1 1 0 1) satisfait toutes les clauses et donc lrsquoexpression F

Avec une repreacutesentation des chro-mosomes une fonction drsquoadaptation f et des opeacuterateurs de croisement et de mutation nous avons tous les eacuteleacutements pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique simple pour le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteenne Le processus peut ecirctre illustreacute par le tableau en bas de page avec un opeacuterateur de croisement uniforme repreacutesenteacute par la chaicircne de bits U Dans cet exemple simplifieacute lrsquoalgo-rithme a produit en six geacuteneacuterations une solution qui satisfait lrsquoexpression boo-leacuteenne F (les 5 clauses sont satisfaites pour un individu de la population) Pour une fonction plus complexe comprenant un grand nombre de va-riables on utilise des populations plus importantes et laisse la population eacutevoluer lentement vers des solutions de bonne qualiteacute

Variables booleacuteennes

Opeacuterateurs booleacuteens

Une variable booleacuteenne est une variable qui ne peut prendre que deux valeurs logiques VRAI ou FAUX On peut utiliser 1 et 0 pour repreacutesenter ces deux valeurs

Un opeacuterateur booleacuteen est un opeacuterateur qui sap-plique sur une ou deux variables booleacuteennes

La neacutegation drsquoune variable booleacuteenne x qui est noteacutee x change la valeur de la variable booleacuteenne x

Variable Neacutegation

10

01

x x

La conjonction de deux variables x et y noteacutee x and y prend la valeur 1 si les variables x et y ont toutes deux la valeur 1 Dans les autres cas elle prend la valeur 0

Variables Conjonction

1100

1010

1000

x y x y

La disjonction de deux variables x et y noteacutee x or y prend la valeur 1 si au moins lrsquoune des variables a la valeur 1 Elle prend la valeur 0 si les deux variables ont la valeur 0

Variables Disjonction

1100

1010

1110

x y x y

Geacuteneacuteration

5

(0 0 1 0 0) f = 4(0 0 1 0 1) f = 3(0 0 1 1 1) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

(0 0 1 0 0) f = 4(1 0 1 1 0) f = 4(0 0 1 1 1) f = 4

U = (0 1 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4 (1 0 1 1 0) f = 4

(0 1 1 1 0) f = 5U = (0 0 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

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Population Enfant Enfant muteacute

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Autres exemplesLes algorithmes geacuteneacutetiques ne sont pas applicables qursquoaux repreacutesentations binaires Par exemple le problegraveme classique du com-mis voyageur (Traveling Salesman Problem ou TSP) consiste agrave identifier une tourneacutee agrave coucirct minimal qui visite chaque ville drsquoun ensemble agrave couvrir Mecircme si une tourneacutee pourrait alors theacuteoriquement ecirctre repreacutesenteacutee par une chaicircne de booleacuteens on preacutefegravere geacuteneacuterale-ment utiliser une repreacutesentation plus directe sous forme de permutation Chaque permu-tation speacutecifie alors lrsquoordre dans lequel sont visiteacutees les villes

On doit alors deacutefinir des opeacuterateurs de mutation et de croisement pour une repreacutesentation sous forme de permutation Pour la muta-

tion un simple eacutechange entre deux villes dans une seacutequence pourra faire lrsquoaffaire Par exemple

Tourneacutee originale (Montreacuteal Rimou- ski Saguenay Val drsquoOr Queacutebec Sher-brooke)

Apregraves mutation (Montreacuteal Rimouski Saguenay Sherbrooke Queacutebec Val drsquoOr) Pour le croisement il est facile de constater que des opeacuterateurs sem-blables agrave ceux deacutecrits preacuteceacutedemment ne pourraient preacuteserver la structure de permutation Plusieurs opeacuterateurs valides ont toutefois eacuteteacute proposeacutes Agrave titre drsquoexemple lrsquoopeacuterateur OX choisit une sous-seacutequence dans la seacutequence drsquoun des parents et place les villes res-tantes dans lrsquoordre deacutefini par lrsquoautre

parent Dans le tableau ci-dessous deux po-sitions sont choisies aleacuteatoirement afin de deacutefinir une sous-seacutequence chez le premier parent (eacutetape 1) Agrave lrsquoeacutetape 2 les villes res-tantes sont placeacutees selon lrsquoordre induit par le deuxiegraveme parent

P1 Mtl Sag Val Queacute Shb RimQueacute Rim Mtl Shb Sag Val

Rim Sag Val Queacute Mtl Shb

Rim Mtl ShbSag Val Queacute

P2

Eacute1Eacute2

Enf

Ss

Une fois la repreacutesentation et les opeacuterateurs de base deacutefinis on peut simplement eacutevaluer chaque tourneacutee par la distance parcourue et tous les eacuteleacutements sont en place pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique pour le problegraveme TSP

Coloration de grapheUn autre problegraveme classique celui de colo-ration de graphe1 est aussi abordable par les algorithmes geacuteneacutetiques

Pour un graphe G = (V E) constitueacute drsquoun en-semble de nœuds V et drsquoarecirctes E un coloriage est une partition de V en k sous-ensembles (couleurs) C1 C2 hellip Ck pour lesquels u v isin Ci rArr (u v) notinE ie que deux nœuds ne peuvent avoir la mecircme couleur srsquoils sont lieacutes par une arecircte Le problegraveme de coloration de graphe consiste agrave trouver un coloriage utilisant un nombre minimal de sous-ensembles Ce type drsquoapproche permet notamment de reacutesoudre agrave coucirct minimum des conflits drsquohoraire En pratique on choisit drsquoabord une valeur-cible pour k et chaque chromosome constitue une partition de V en k sous-ensembles Les so-lutions sont codeacutees sous forme de chaicircnes en liant lrsquoindice de chaque nœud agrave lrsquoun des k sous-ensembles

DossierApplications

1 Voir laquo Le theacuteoregraveme des quatre couleurs raquo Accromath 141 2019

Coloration de grapheEn theacuteorie des graphes la coloration de graphe consiste agrave attribuer une couleur agrave chacun de ses sommets de maniegravere que deux sommets relieacutes par une arecircte soient de couleur diffeacuterente On cherche souvent agrave utiliser le nombre minimal de couleurs appeleacute nombre chromatique

12

34

5

6

7

89Un coloriage imparfait

10

Mtl Rim

SagShb

ValQueacute

2

6 3

4

1

5

Mtl Rim

SagShb

QueacuteVal

2

6 3

4

1

5

Mutation drsquoune tourneacutee

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Par exemple si on associe C1 agrave bleu C2 agrave rouge et C3 agrave vert dans le coloriage im-parfait de la page preacuteceacutedente la partition des nœuds associeacutee agrave cette solution est (1 2 3 2 3 2 1 2 3 1) car les nœuds 1 7 et 10 sont dans C1 les nœuds 2 4 6 et 8 dans C2 et les nœuds 3 5 et 9 dans C3 En deacutefinissant la fonction f comme le nombre de fois ougrave la regravegle du coloriage nrsquoa pas eacuteteacute respecteacutee on obtient f (C1 C2 C3) = 0 + 1 + 1 = 2 car on a 0 arecircte dans C1 1 arecircte dans C2 (entre les nœuds 2 et 4) et 1 dans C3 (entre les nœuds 3 et 5)

De faccedilon geacuteneacuterale le problegraveme de coloriage consiste agrave geacuteneacuterer une partition telle que f (C1 C2 Ck) = 0 avec un k le plus petit possible Avec la repreacutesentation en chaicircne de la partition il est facile de deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation semblables agrave ceux utiliseacutes pour les repreacutesen-tations binaires Les reacutesultats rapporteacutes dans la litteacuterature indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme domine encore ceux agrave un point et agrave deux points

Est-ce que ccedila fonctionne Il nrsquoy a aucun doute que les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent ecirctre utiliseacutes pour traiter des problegravemes drsquooptimisation Leur performance relative varie cependant selon les contextes Lorsqursquoun problegraveme est bien eacutetudieacute il est geacuteneacuteralement preacutefeacuterable drsquoavoir recours agrave des algorithmes speacutecialiseacutes qui peuvent tirer avantage de certaines structures speacutecifiques Pour le problegraveme TSP par exemple des approches baseacutees sur la programmation en nombres entiers peuvent maintenant reacutesoudre de faccedilon optimale des exemplaires de plusieurs dizaines de milliers de villes Il serait donc mal aviseacute drsquoutiliser un algorithme geacuteneacutetique pour reacutesoudre ce problegraveme (agrave moins de vouloir eacutetudier leur comportement ce qui peut ecirctre tout agrave fait leacutegitime et amusant)

Les algorithmes geacuteneacutetiques ont tout de mecircme lrsquoavantage drsquoecirctre simples agrave mettre en place En fait une meacutethode de codage des opeacuterateurs de croisement et de mutation ainsi qursquoune fonction drsquoeacutevaluation sont suf-fisants pour utiliser une approche eacutevolutive On obtient alors une approche robuste qui peut ecirctre tregraves utile si la fonction agrave optimiser est laquo floue raquo (fuzzy) ou si on dispose de peu de temps pour eacutetudier le problegraveme agrave optimiser

Les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent eacutega-lement ecirctre combineacutes agrave drsquoautres approches drsquooptimisation pour donner lieu agrave des meacutethodes hybrides tregraves puissantes souvent parmi les meilleures disponibles On peut par exemple utiliser des opeacuterateurs de mutation plus sophistiqueacutes pour optimiser le reacutesultat de chaque croisement Pour lrsquoalgorithme hybride reacutesultant la composante laquo geacuteneacute-tique raquo vise alors agrave enrichir la recherche en misant sur les eacuteleacutements qui constituent sa force ie lrsquoutilisation drsquoune population diver-sifieacutee qui permet lrsquoaccegraves aux caracteacuteristiques varieacutees de plusieurs individus et au proces-sus de seacutelection (artificielle dans ce cas) afin drsquoorienter lrsquoexploration vers les meilleures reacutegions de lrsquoespace de solutions Crsquoest bien lagrave lrsquoune des leccedilons agrave tirer de lrsquoobservation de la nature

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Rubrique des

Jean-Paul DelahayeUniversiteacute des Sciences et Technologies de Lille

Lrsquoinformation paradoxale

Comme le preacuteceacutedent ce paradoxe est aussi un paradoxe sur lrsquoinformation cacheacutee cependant il neacutecessite une patience bien supeacuterieure pour ecirctre reacutesolu ou lrsquoaide drsquoun ordinateur

On choisit cinq nombres a b c d et e veacuterifiant les relations

1 le a lt b lt c lt d lt e le 10

Autrement dit les cinq nombres sont compris entre 1 et 10 tous diffeacuterents et classeacutes par ordre croissant On indique leur produit P agrave Patricia (qui est brune) leur somme S agrave Sylvie (qui est blonde) la somme de leurs carreacutes

C = a2 + b2 + c2+ d2 + e2

agrave Christian (qui est barbu) et la valeur

V = (a + b + c)(d + e)

agrave Vincent (qui est chauve)

Ils doivent deviner quels sont les nombres a b c d et e

1- Une heure apregraves qursquoon leur a poseacute le problegraveme les quatre personnages qursquoon interroge simultaneacutement reacutepondent tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

2- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

3- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo Etc

23- Une heure apregraves (soit 23 heures apregraves la formulation de lrsquoeacutenonceacute ) les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

Cependant apregraves cette 23egraveme reacuteponse les visages des quatre personnages srsquoeacuteclairent drsquoun large sourire et tous srsquoexclament laquo crsquoest bon maintenant je connais a b c d et e raquo

Vous en savez assez maintenant pour deviner les 5 nombres a b c d e Il semble paradoxal que la reacutepeacutetition 23 fois de la mecircme affirmation drsquoignorance de la part des personnages soit porteuse drsquoune information Pourtant crsquoest le cas Essayez de comprendre pourquoi et ensuite armez-vous de courage la solution est au bout du calcul

Solution du paradoxe preacuteceacutedent

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Solution du paradoxe preacuteceacutedent

Lrsquoinformation paradoxaleIl arrive que lrsquoon pense ne pas disposer drsquoassez drsquoinfor-mations pour reacutesoudre un problegraveme alors qursquoen reacutealiteacute tout est agrave notre disposition Certaines situations sont si extraordinaires qursquoelles apparaissent paradoxales En voici un exemple

Un homme bavarde avec le facteur sur le pas de la porte de sa maison Il lui dit

laquo Crsquoest amusant je viens de remarquer que la somme des acircges de mes trois filles est eacutegale au numeacutero de ma maison dans la rue Je suis sucircr que si je vous apprends que le produit de leur acircge est 36 vous saurez me dire leur acircge respectif raquo

Le facteur reacutefleacutechit un moment et lui reacutepond

laquo Je suis deacutesoleacute mais je ne peux pas trouver raquo

Lrsquohomme srsquoexclame alors laquo Ah oui Jrsquoavais oublieacute de vous dire que lrsquoaicircneacutee est blonde raquo

Quelques secondes apregraves le facteur lui donne la bonne reacuteponse Aussi paradoxal que cela apparaisse vous pouvez deacuteduire de cet eacutechange lrsquoacircge des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte

SolutionLes diffeacuterentes deacutecompositions de 36 en produit de trois entiers et les sommes des facteurs sont donneacutees dans le tableau ci-contre

Le facteur connaicirct la somme des acircges des trois filles car il est sur le pas de la porte Srsquoil ne peut pas trouver leurs acircges respectifs crsquoest que parmi les produits possibles compatibles avec la somme qursquoil connaicirct il y en a deux qui donnent la mecircme somme Crsquoest donc que la somme est 13 Les deux possibiliteacutes sont donc 1-6-6 et 2-2-9 La premiegravere est eacutelimineacutee car deux enfants ne peuvent avoir le mecircme acircge que srsquoils sont jumeaux et alors il nrsquoy a pas drsquoaicircneacutee La solution est donc 2-2-9 Les acircges des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte sont 2 2 et 9 ans

Produits1times1times362times3times63times3times4

1times2times181times3times121times6times61times4times92times2times9

3811102116131413

Sommes

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Algorithmes dans lrsquohistoire1 Deacuteterminer les PGCD des couples

a) 924 3 135 c) 2 530 9 639

b) 83 337

Lrsquoheacuteritage de Fermat1 Appliquer la meacutethode de Fermat pour

factoriser les nombres suivants

a) 493 b) 1247 c) 6 903

2 Supposons qursquoun entier n est le produit de deux nombres premiers p lt q et que q ndash p lt p2 2 Montrer qursquoen utilisant la meacutethode de Fermat ce nombre n peut ecirctre factoriseacute en seulement une eacutetape

Eacutemergence logarithmique1 Soit la suite arithmeacutetique

a nd( ) n+ isin

a) Montrer que chaque terme (agrave lrsquoex- ception du premier) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins

b) Montrer un reacutesultat analogue pour la suite geacuteomeacutetrique

ar( ) nnisin

2 Montrer qursquoen termes modernes le passage de LrsquoAreacutenaire ci-haut porte sur les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacute-trique et sur la regravegle du produit de deux puissances

Tuyau Des nombres laquo continucircment en proportion agrave partir de lrsquouniteacute raquo forment une suite geacuteomeacutetrique dont le premier terme est 1

3 En comparant les deux tables tireacutees de la tablette MLC 02078 (pp 19 et 20) on y voit la suite geacuteomeacutetrique

2 ndash 4 ndash 8 ndash 16 ndash 32 ndash 64

ecirctre associeacutee agrave deux suites arithmeacutetiques Relier directement ces deux suites arith-meacutetiques lrsquoune agrave lrsquoautre

Tuyau On peut y voir du logarithme

4 Soit deux points P1 et P2 sur un segment AB (voir figure) Montrer que

a) si APAB

P PP B

1 1 2

1

= alors P BAB

P BP B

1 2

1

=

b) la reacuteciproque est elle aussi valide

5 La suite de segments AB P1B P2B P3B forme une progression geacuteomeacutetrique deacutecroissante (p 22) On deacutesigne par r le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique (on a donc r lt 1) et par z la longueur du segment AB

a) Interpreacuteter en termes de z et de r les segments AB P1B P2B P3B

b) Exprimer agrave lrsquoaide de z et de r les longueurs des intervalles AP1 P1P2 P2P3 P3P4

c) Appliquer ces reacutesultats aux valeurs numeacuteriques choisies par Napier (voir p 23)

d) Et que dire dans ce contexte de la suite arithmeacutetique deacutetermineacutee par le mouve-ment du point Q (p 22)

6 a) Expliquer lrsquoobservation dans lrsquoencadreacute ci-bas au cœur de la deacutemarche de Napier

b) En conclure que pour Napier la vitesse de P en un point donneacute est eacutegale agrave sa distance de lrsquoextreacutemiteacute B

Tuyau La constante de proportionnaliteacute de la partie a) est 1

7 On veut interpreacuteter ici le modegravele geacuteomeacute-trico-cineacutematique de Napier agrave lrsquoaide du calcul diffeacuterentiel et inteacutegral (moderne) On appelle x(t) la distance seacuteparant P de lrsquoextreacutemiteacute B au temps t et y(t) la position du point Q au temps t

a) Montrer que le deacuteplacement de Q est deacutecrit par lrsquoeacutequation diffeacuterentielle dydt = 107 avec comme condition initiale y(0) = 0

Tuyau La vitesse est la deacuteriveacutee de la distance parcourue par rapport au temps

b) Montrer de mecircme que le deacuteplace-ment de P est deacutecrit par dxdt = ndashx avec x(0) = 107

c) Reacutesoudre ces deux eacutequations diffeacuteren-tielles

d) Montrer comment on pourrait en tirer une notion de laquo base raquo pour les loga-rithmes de Napier1

1 Au plan historique une telle ideacutee de laquo base raquo chez Napier est une pure fabulation

Section problegravemes

Agrave propos de Napier

Puisque des distances parcou-rues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est pro-portionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (p 22)

Archimegravede LrsquoAreacutenaire

Si des nombres sont continucircment en pro- portion agrave partir de lrsquouniteacute et que cer-tains de ces nombres sont multiplieacutes entre eux le produit sera dans la mecircme pro-gression eacuteloigneacute du plus grand des nom- bres multiplieacutes drsquoautant de nombres que le plus petit des nom- bres multiplieacutes lrsquoest de lrsquouniteacute dans la pro-gression et il sera eacuteloigneacute de lrsquouniteacute de la somme moins un des nombres dont les nombres multiplieacutes sont eacuteloigneacutes de lrsquouniteacute

A

P1 P2

B

Pour en s voir plus

Histoire des matheacutematiques

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

bull Le livre Havil Julian John Napier Life Logarithms and Legacy Princeton University Press 2014 est une mine drsquoor pour des informations sur la vie et lrsquoœuvre de Napier

bull Le contexte ayant meneacute agrave la naissance des logarithmes est exposeacute dans Friedelmeyer Jean-Pierre laquo Contexte et raisons drsquoune lsquomirifiquersquo invention raquo In Eacutevelyne Barbin et al Histoires de logarithmes pp 39-72 Ellipses 2006 Le sous-titre de lrsquoarticle drsquoAccromath a eacuteteacute emprunteacute au titre de ce texte

bull Les deux traiteacutes de Napier sur les logarithmes le Mirifici logarithmorum canonis descriptio et le Mirifici logarithmorum canonis constructio peuvent ecirctre trouveacutes facilement (en latin) sur la Toile Une traduction anglaise de ces traiteacutes est accessible agrave partir du site de Ian Bruce sur les matheacutematiques des 17e et 18e siegravecles httpwww17centurymathscom

bull La citation de Laplace se retrouve aux pp 446-447 de Œuvres complegravetes de Laplace Exposition du systegraveme du monde (6e eacutedition) Bachelier Imprimeur-Libraire 1835 (Disponible sur Google Livres)

bull La tablette meacutesopotamienne MLC 02078 est eacutetudieacutee (pp 35-36) dans Neugebauer Otto et Sachs Abraham Mathematical Cuneiform Texts American Schools of Oriental Research 1945

bull Pour plus drsquoinformation sur lrsquoemploi des vocables laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo voir Charbonneau Louis laquo Progression arithmeacutetique et progression geacuteomeacutetrique raquo Bulletin AMQ 23(3) (1983) 4-6

bull Publieacutes en allemand en 1770 les Eacuteleacutements drsquoalgegravebre de Leonhard Euler sont parus en traduction franccedilaise degraves 1774 Cette version est accessible agrave partir du site Gallica de la Bibliothegraveque nationale de France httpsgallicabnffr

bull Lrsquoextrait de LrsquoAreacutenaire mdash voir la Section problegravemes mdash se trouve (p 366) dans Ver Eecke Paul Les œuvres complegravetes drsquoArchimegravede tome 1 Vaillant-Carmanne 1960

Applications des matheacutematiques

Lrsquoheacuteritage de Fermat

bull WB Hart laquo A one line factoring algorithmraquo J Aust Math Soc 92 (2012) no 1 61ndash69

bull RS Lehman laquo Factoring large integers raquo Math Comp 28 (1974) 637ndash646

bull MA Morrison and J Brillhart laquo A method of factoring and the factorization of F 7 raquo Math Comp 29 (1975) 183ndash205

bull C Pomerance laquoThe quadratic sieve factoring algorithm raquo Advances in Cryptology (Paris 1984) 169-182 Lecture Notes in Comput Sci 209 Springer Berlin 1985

Accromath est une publication de lrsquoInstitut des sciences matheacutema-tiques (ISM) et du Centre de recherches matheacutematiques (CRM) La revue srsquoadresse surtout aux eacutetudiantes et eacutetudiants drsquoeacutecole secon-daire et de ceacutegep ainsi qursquoagrave leurs enseignantes et enseignants

LrsquoInstitut des sciences matheacutematiques est une institution unique deacutedieacutee agrave la promotion et agrave la coordination de lrsquoenseignement et de la recherche en sciences matheacutematiques au Queacutebec En reacuteunissant neuf deacutepartements de matheacutematiques des universiteacutes queacutebeacutecoises (Concordia HEC Montreacuteal Universiteacute Laval McGill Universiteacute de Montreacuteal UQAM UQTR Universiteacute de Sherbrooke Bishoprsquos) lrsquoInstitut rassemble un grand bassin drsquoexpertises en recherche et en enseignement des matheacutematiques LrsquoInstitut anime de nombreuses activiteacutes scientifiques dont des seacuteminaires de recherche et des colloques agrave lrsquointention des professeurs et des eacutetudiants avanceacutes ainsi que des confeacuterences de vulgarisation donneacutees dans les ceacutegeps Il offre eacutegalement plusieurs programmes de bourses drsquoexcellence

LrsquoISM est financeacute par le Ministegravere de lrsquoEnseignement supeacuterieur et par ses neuf universiteacutes membres

Le Centre de recherches matheacutematiques est un centre national pour la recherche fondamentale en matheacutematiques et ses applica-tions Les scientifiques du CRM comptent plus drsquoune centaine de membres reacuteguliers et de stagiaires postdoctoraux Lieu privileacutegieacute de rencontre le Centre est lrsquohocircte chaque anneacutee de nombreux visi-teurs et drsquoateliers de recherche internationaux

Les activiteacutes scientifiques du CRM comportent deux volets principaux les projets de recherche qursquoentreprennent ses laboratoires et les activiteacutes theacutematiques organiseacutees agrave lrsquoeacutechelle internationale Ces derniegraveres ouvertes agrave tous les domaines impliquent des chercheurs du CRM et drsquoautres universiteacutes Afin drsquoassurer une meilleure diffusion des reacutesultats de recherches de ses collaborateurs le CRM a lanceacute en 1989 un programme de publications en collaboration avec lrsquoAmerican Mathematical Society et avec Springer

Le CRM est principalement financeacute par le CRSNG (Conseil de recherches en sciences naturelles et en geacutenie du Canada) le FQRNT (Fonds queacutebeacutecois de recherche sur la nature et les technologies) lrsquoUniversiteacute de Montreacuteal et par six autres universiteacutes au Queacutebec et en Ontario

Accromath beacuteneacuteficie de lrsquoappui de la Dotation Serge-Bissonnette du CRM

OR2010

BRONZE2011

BRONZE2014

OR2012

2008

Prix speacutecial de la ministre 2009

Prix Anatole Decerf 2012

Page 10: L’héritage de Pierre de Fermat La factorisation des grands ...

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Doss

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Pierre de Fermat est tregraves connu pour son grand theacuteoregraveme concernant la non-existence de solutions entiegraveres positives

de lrsquoeacutequation xn + yn = zn pour chaque entier n ge 3 Toutefois une de ses plus importantes contributions

aux matheacutematiques modernes est sa meacutethode tout agrave fait originale pour factoriser des grands nombres

Plusieurs considegraverent Fermat comme le fondateur (avec Blaise Pascal) de la theacuteorie des probabiliteacutes et comme un preacutecurseur du calcul diffeacuterentiel par sa meacutethode de recherche des maximums et des minimums drsquoune fonction Toutefois sa meacutethode tout agrave fait originale pour factoriser des grands nombres est une de ses plus grandes contribu-tions aux matheacutematiques modernes et crsquoest souvent un fait dont lrsquoimportance est neacutegligeacutee

Comment fait-on pour laquo factoriser raquo un nombre Drsquoentreacutee de jeu il est bien drsquoexpliquer ce qursquoon veut-on dire par laquo factoriser raquo un nombre Drsquoabord rappelons que selon le theacuteoregraveme fondamental de lrsquoarithmeacutetique tout entier supeacuterieur agrave 1 peut srsquoeacutecrire comme un produit de nombres premiers et cette repreacutesentation est unique si on eacutecrit ses facteurs premiers en ordre croissant Ainsi le nombre 60 peut srsquoeacutecrire comme 60 = 22times3times5 et cette factori-sation est unique

Est-il important de connaicirctre la factorisation drsquoun nombre La reacuteponse est OUI agrave tout le moins depuis quelques deacutecennies plus preacuteciseacutement depuis 1978 anneacutee de la creacuteation de la meacutethode de chiffrement RSA largement utiliseacutee de nos jours pour seacutecuriser les transactions bancaires Cette meacutethode tient au fait que bien qursquoil soit facile de multiplier des nombres il est en contrepartie tregraves difficile de faire le chemin inverse crsquoest-agrave-dire de prendre un grand nombre composeacute et de trouver ses facteurs premiers Drsquoougrave la course sur la planegravete pour trouver des algorithmes de factorisation de plus en plus performants qui pourraient laquo casser raquo le code RSA Crsquoest ainsi qursquoen 1976 agrave lrsquoaide des algorithmes connus et des ordinateurs de lrsquoeacutepoque on estimait qursquoil faudrait plus de 1020 anneacutees pour arriver agrave factoriser 2251 ndash 1 un nombre de 76 chiffres Aujourdrsquohui en utilisant un logiciel de calcul installeacute sur un ordinateur de bureau il est possible drsquoobtenir cette factorisation en moins drsquoune minute

Jean-Marie De KoninckUniversiteacute Laval

Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres

Pierre de Fermat (1601-1665) Le matheacutematicien fran-ccedilais Pierre de Fermat eacutetait drsquoabord et avant tout un avocat et un officiel du gouverne-

ment dans la ville de Toulouse Dans ses temps libres il exerccedilait sa passion pour les matheacutematiques et la physique Mecircme si on peut le qualifier de laquo matheacutematicien amateur raquo il est neacuteanmoins passeacute agrave lrsquohistoire comme fondateur de la theacuteorie moderne des nombres

Nombre premier et nombre composeacute

Un entier n gt 1 est appeleacute nombre premier sil nest divisible que par 1 et par lui-mecircme Ainsi 7 est un nombre premier car ses seuls diviseurs entiers sont 1 et 7 alors que 6 nest pas premier puisquil est non seulement divisible par 1 et 6 mais il lest aussi par 2 et 3 Un entier n gt 1 qui nest pas premier est appeleacute nombre composeacute

Nombre premier

Nombres composeacutes

2 times 5 = 10

3 times 5 = 15

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Cependant le veacuteritable deacutefi est drsquoecirctre en me-sure de factoriser des nombres arbitraires de 300 chiffres et plus ce qui est preacutesentement impossible mecircme agrave lrsquoaide drsquoordinateurs tregraves puissants Drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la recherche de nouveaux algorithmes de factorisation

Comment srsquoy prendre pour factoriser un nombre Comment pourrions-nous proceacuteder pour factoriser un nombre composeacute dont on ne connaicirct agrave priori aucun facteur De toute eacutevidence on srsquointeacuteresse ici seulement agrave la factorisation des nombres impairs car autre-ment il suffit de diviser par 2 le nombre agrave factoriser jusqursquoagrave ce qursquoil laquo devienne raquo impair Agrave titre drsquoexemple pour trouver la factorisa-tion du nombre n = 11 009 on peut utiliser lrsquoapproche tout agrave fait naturelle qui consiste agrave examiner successivement la divisibiliteacute

de n par chacun des nombres premiers 3 5 7 11 et ainsi de suite En proceacutedant ainsi on constate eacuteventuellement que ce nombre n est divisible par 101 et que n =101 times 109 menant du coup agrave la factorisation 11 009 = 101 times 109 Bravo Mais avouez que cela a eacuteteacute un peu laborieux car on a ducirc veacuterifier la divisibiliteacute de n par chacun des nombres premiers infeacuterieurs agrave 101 Drsquoail-leurs on se convainc aiseacutement que pour un nombre arbitraire n il aurait fallu veacuterifier la divisibiliteacute par chacun des nombres premiers plus petits que n Cela veut dire que pour un nombre de 200 chiffres il faudrait veacuterifier sa divisibiliteacute par tous les nombres premiers de moins de 100 chiffres un travail colossal Crsquoest pourquoi il est leacutegitime de se demander srsquoil existe des meacutethodes plus efficaces pour factoriser des nombres Or justement Pierre de Fermat en a trouveacute une qui srsquoavegravere drsquoune simpliciteacute deacuteconcertante (Voir encadreacute ci-bas)

Pour illustrer sa meacutethode Fermat a choisi le nombre

n = 2 027 651 281

La meacutethode de factorisation de Fermat Dentreacutee de jeu on peut supposer que le nombre n agrave fac-toriser nest pas un carreacute parfait car sinon on sattardera tout simplement agrave la factorisation du nombre m = nDeacutebutons avec un exemple Si on vous demande de factoriser le nombre 899 peut-ecirctre allez-vous eacutecrire

899 = 900 ndash 1 = 302 ndash 12

= (30 ndash 1)(30 + 1) = 29 times 31

et le tour est joueacute Quelle chance que 899 soit une diffeacuterence de deux carreacutes nest-ce pas Non pas du tout car en reacutealiteacute cest le cas de tout entier posi-tif impair composeacute et cest lideacutee de base de la meacutethode de factorisation de Fermat En effet pour un tel entier n il existe neacutecessairement deux entiers a gt b ge 1 tels que n = a2 ndash b2 auquel cas

n = (a ndash b)(a + b)

Pourquoi Supposons que n = rs avec 1 lt r lt s On peut facilement veacuterifier que les nombres a = (s + r) 2 and b = (s ndash r)2 sont tels que n = a2 ndash b2 Mais com-ment fait-on pour trouver ces deux entiers a et b Certes on a n = a2 ndash b2 lt a2 et donc a gt n auquel cas a ge n + 1 Ici x deacutesigne le plus grand entier le x Commenccedilons donc par poser a = n + 1 Si a2 ndash n est un carreacute parfait disons a2 ndash n = b2 alors nous avons trouveacute a et b comme requis Autrement (cest-agrave-dire si a2 ndash n nest pas un carreacute parfait) on choisit a = n + 2 et ainsi de suite jusquagrave ce que lon trouve un entier positif k tel que le nombre a = n + k soit tel que a2 ndash n est un carreacute parfait que lon eacutecrit alors comme b2 Ce processus a une fin en ce sens quon va eacuteventuelle-ment trouver un nombre b tel que b2 = a2 ndash n et cela parce que lon sait deacutejagrave que b = (s ndash r)2 fait laffaire

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Il obtient drsquoabord que n = 45 029 et commence ainsi avec

a = 45 029 + 1 = 45 030

comme 45 0302 ndash 2 027 651 281 = 49 619 nrsquoest pas un carreacute parfait il pose ensuite a = 45 031 qui ne produit pas non plus de carreacute parfait et ainsi de suite jusqursquoagrave ce qursquoil pose a = 45 041 qui donne

= minus

= =

b 45 041 2 027 651 281

1 040 400 1 020

2

Fermat conclut alors que n = 2 027 651 281 = 45 0412 ndash 1 0202 = (45 041 ndash 1 020)(45 041 + 1 020) = 44 021 times 46 061

Si on choisit de programmer cette meacutethode avec le logiciel de calcul Python1 on peut eacutecrire ceci (dans le cas particulier n = 2 027 651 281)

ce qui donnera

a = 45 041 et b = 1 020 et

n = 44 021times46 061

La meacutethode de Fermat est-elle reacuteellement efficace La reacuteponse courte est laquo Cela deacutepend de la nature du nombre agrave factoriser raquo2 Afin de donner une reacuteponse preacutecise agrave cette question eacutevaluons le nombre drsquoopeacuterations eacuteleacutementaires neacutecessaires pour exeacutecuter la meacutethode de Fermat Par laquo opeacuteration eacuteleacutementaire raquo on en-tend lrsquoaddition la soustraction la

multiplication la division lrsquoeacuteleacutevation agrave une puissance et lrsquoextraction de la racine carreacutee Une opeacuteration eacuteleacutementaire est aussi parfois appeleacutee une laquo eacutetape raquo On dira drsquoun algo-rithme qursquoil est laquo rapide raquo srsquoil srsquoexeacutecute en peu drsquoeacutetapes

Eacutetant donneacute un entier positif n qui nrsquoest pas un carreacute parfait on dit que les nombres d1 et d2 sont les diviseurs milieux de n si d1 est le plus grand diviseur de n infeacuterieur agrave n et d2 =nd1 On peut alors deacutemontrer que le nombre k drsquoeacutetapes requises pour factoriser n via la meacutethode de Fermat est exactement

k =d1 +d2

2 d1d2

soit essentiellement la diffeacuterence entre la moyenne arithmeacutetique et la moyenne geacuteo-meacutetrique des diviseurs d1 et d2 En effet comme on lrsquoa vu ci-dessus (encadreacute p 9) on a

Exeacutecuter lrsquoalgorithme de Fermat consiste donc agrave chercher le plus petit entier k ge1 tel que

n + k( )2 n est un entiera

Or n + k = a implique que k = a ndash n et cela entraicircne

k =d1 +d2

2 d1d2

Pour quels entiers lrsquoalgorithme de Fermat est-il rapide Le temps drsquoexeacutecution pour factoriser un en-tier n en utilisant lrsquoalgorithme de Fermat sera court si ses diviseurs milieux sont pregraves lrsquoun de lrsquoautre crsquoest-agrave-dire pregraves de n (voir lrsquoencadreacute p 11) En contrepartie si les divi-seurs milieux sont eacuteloigneacutes lrsquoun de lrsquoautre alors exeacutecuter la meacutethode de Fermat peut prendre davantage de temps que la simple veacuterification de la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers (voir lrsquoencadreacute p 12)

DossierApplications

1 Logiciel libre que lrsquoon peut teacuteleacutecharger gratuitement sur Internet

2 Voir Section problegravemes

On doit deacuteterminer a et b tels que

n = a2 ndash b2ougrave n et b sont les cathegravetes drsquoun triangle rectangle drsquohypoteacutenuse a Le cocircteacute b est tel que

b2 = a2 ndash n Lrsquohypoteacutenuse doit ecirctre plus grande que les cathegravetes soit

a gt nOn calcule a2 ndash n pour les entiers plus grands n soit

a = n + 1 a = n + 2

a = n + kLorsque (a2 ndash n) est un car-reacute parfait b2 on a alors

a2 ndash n = b2

drsquoougrave n = a2 ndash b2 = (a ndash b)(a + b)On en conclut que n est fac-torisable puisque (a ndash b) et (a + b) en sont des facteurs

La meacutethode de Fermat en image

aa2 gt n

a gt bb2 = a2 ndash n

n

nCarreacutedrsquoaire n

a + b

a ndash b

a ndash b

a + b

a + b

a

b

b

Rectangle drsquoaire n

import math

n = 2 027 651 281

a=mathfloor(mathsqrt(n))+1

b=mathsqrt(a2-n)

while b =int(b)

a+=1

print (a= d et b= d ---gt n= d x d (int(a)int(b)int(a-b)int(a+b))

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Tirer le maximum de la meacutethode de Fermat Comme on vient de le voir si la distance qui seacutepare les diviseurs milieux drsquoun entier n est grande la meacutethode de Fermat est peu efficace On peut contourner ce problegraveme en veacuterifiant au preacutealable la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers3 Par exemple supposons qursquoon ose srsquoattaquer agrave la factorisation du nombre de 16 chiffres n = 489 + 3 = 1 352 605 460 594 691 Appli-quer naiumlvement la meacutethode de Fermat nous amegravenera sans doute agrave abandonner notre ap-proche une fois rendu agrave quelques millions drsquoeacutetapes Une approche plus senseacutee consiste agrave drsquoabord identifier les possibles petits fac-teurs premiers de n soit en veacuterifiant la divisi-biliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave 10 000 ou 100 000 disons ce qursquoon sera en mesure de reacutealiser tregraves rapidement agrave lrsquoaide drsquoun logiciel de calcul Crsquoest ainsi qursquoon deacute-couvre que notre nombre n est divisible par 3 et 1 249 Le problegraveme se ramegravene alors agrave factoriser le nombre

=times

=nn

3 1 249360 983 576 3531

Appliquer la meacutethode de Fermat agrave ce nou-veau nombre donne

n1 = 587 201 times 614 753

et cela apregraves seulement 157 eacutetapes En ras-semblant nos calculs on obtient finalement que

n = 1 352 605 460 594 691

= 3 times 1 249 times n1

= 3 times 1 249 times 587 201 times 614 753

Dans cet exemple nous avons eacuteteacute chanceux car les deux plus grands facteurs premiers de n eacutetaient proches lrsquoun de lrsquoautre Il va de soi que ce nrsquoest pas toujours le cas Crsquoest pour-quoi si apregraves avoir eacutelimineacute les petits facteurs premiers de n la meacutethode de Fermat prend trop de temps agrave deacutevoiler ses grands facteurs premiers il est rassurant de savoir qursquoil existe drsquoautres avenues

Compliquer le problegraveme pour mieux le simplifier Une autre approche pour factoriser un nombre n est drsquoappliquer la meacutethode de Fermat agrave un nombre plus grand que n lui-mecircme en fait agrave un multiple de n Prenons par exemple le nombre n = 54 641 Comme ce nombre est relativement petit la meacutethode de Fermat trouvera sa factorisation agrave savoir n = 101 times 541 en 87 eacutetapes un nombre neacuteanmoins plutocirct grand compte tenu de la petite taille de n Toutefois si on avait su que lrsquoun des facteurs premiers de n eacutetait approximativement 5 fois son autre facteur premier on aurait pu preacutealablement multiplier n par 5 permet-tant ainsi au nouveau nombre 5n drsquoavoir ses

Algorithme (application rapide) lorsque les diviseurs milieux sont proches

Si les diviseurs milieux d1 lt d2 dun nombre n sont tels que la distance ∆ = d21048576ndash d1 qui les seacutepare satisfait agrave ∆ lt d1 et si k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n il deacutecoule de k =

d1 +d2

2 d1d2 que

kd d

d d

d dd

2( ) 1

21 1

1 11 1

1 11

lt + + minus + +

= + minus + +

Par ailleurs on peut montrer que lineacutegaliteacute

+ gt + minusyy y

1 12 8

2tient pour tout y isin (0 1)

Pour sen convaincre il suffit deacutelever chacun de ses cocircteacutes au carreacute et dutiliser le fait que y lt 1 En posant y = ∆d1 dans lrsquoineacutegaliteacute preacuteceacutedente il deacutecoule alors que

lt + minus + minus

+ = +k d dd d d2

112

18

118

11 11

2

12

2

1

lequel nombre est laquo petit raquo en autant que ∆ ne soit pas trop grand Ainsi pour n = 20 099 = 101 times 199 on obtient que

lttimes

+ ltk98

8 1011 13

2

un nombre deacutetapes relativement petit

3 Plus geacuteneacuteralement pour calculer le plus grand commun diviseur de deux entiers on peut utiliser lrsquoalgorithme drsquoEuclide lequel est tregraves rapide (voir lrsquoarticle laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo p 2 de ce numeacutero)

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DossierApplications

diviseurs milieux essentiellement du mecircme ordre de grandeur de sorte que la meacutethode de Fermat appliqueacutee au nombre 5n aurait reacuteveacuteleacute ses facteurs 505 et 541 en une seule eacutetape Il aurait ensuite suffi de veacuterifier lequel de 505 et de 541 avait laquo heacuteriteacute raquo du facteur artificiel 5 ce qui est bien sucircr tregraves facile agrave faire Voila qui est bien facile lorsqursquoon sait qursquoun des facteurs est proche drsquoun multiple drsquoun autre facteur une information dont on ne dispose malheureusement pas agrave lrsquoavance

Peut-on neacuteanmoins explorer cette approche pour un nombre composeacute arbitraire Lrsquoideacutee serait de consideacuterer le nombre n times r pour un choix approprieacute de r Par exemple si n = pq et r = uv nous aurons nr = pu times qv et si nous sommes chanceux les deux nouveaux diviseurs pu et qv (de nr) seront suffisamment proches lrsquoun de lrsquoautre pour nous permettre drsquoappli-quer lrsquoalgorithme de Fermat avec succegraves En 1974 utilisant un raffinement de cette ideacutee R Sherman Lehman est parvenu agrave montrer que lrsquoon peut en effet acceacuteleacuterer la meacutethode de Fermat et de fait factoriser un entier im-pair n en seulement n13 eacutetapes

Les nombreuses ameacuteliorations de lrsquoideacutee originale de FermatEst-il possible de faire encore mieux Dans les anneacutees 1920 Maurice Kraitchik ameacute-liorait la meacutethode de Fermat et on sait aujourdrsquohui que son approche a constitueacute la base des principales meacutethodes modernes de factorisation des grands nombres Lrsquoideacutee de Kraitchik est la suivante plutocirct que de cher-cher des entiers a et b tels que n = a2 ndash b2 il suffit de trouver des entiers u et v tels que u2 ndash v2 est un multiple de n Par exemple sachant que 1272 ndash 802 est un multiple du nombre n = 1 081 on peut encore une fois profiter de lrsquoidentiteacute

u2 ndash v2 = (u ndash v)(u + v)

Dans notre cas on peut eacutecrire que

1272 ndash 802 = (127 ndash 80)(127 + 80)

= 47 times207

Algorithme (application lente) lorsque les diviseurs milieux sont eacuteloigneacutes

Supposons par exemple que lon cherche agrave factoriser un nombre n de 20 chiffres qui en reacutealiteacute est le produit de deux nombres premiers lun fait de 5 chiffres et lautre de 15 chiffres Il deacutecoule alors de la for-mule

k =d1 +d2

2 d1d2

ougrave k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n par la meacutethode de Fermat qursquoon aura

gt+

minus

gt gt

k n10 10

2

102

ndash10 10

4 14

1410 13

alors quen testant simplement la divi-sibiliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave n lt 1010 cela aurait eacuteteacute au moins mille fois plus rapide

Maurice Kraitchik 1882-1957Matheacutematicien et vulgarisateur scientifique belge Kraitchik sest surtout inteacuteresseacute agrave la theacuteorie des nombres et aux matheacutematiques reacutecreacuteatives

Il est lrsquoauteur de plusieurs ouvrages sur la theacuteorie des nombres reacutedigeacutes entre 1922 et 1930 De 1931 agrave 1939 il a eacutediteacute la revue Sphinx un mensuel consacreacute aux matheacutematiques reacutecreacuteatives Eacutemigreacute aux Etats-Unis lors de la Seconde Guerre mondiale il a enseigneacute agrave la New School for Social Research agrave New York Il srsquoest particuliegraverement inteacuteresseacute au thegraveme geacuteneacuteral des reacutecreacuteations matheacutematiques

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Comme tout facteur premier de n doit obli-gatoirement ecirctre un facteur de 47 ou de 207 et comme 207 = 9 times 23 on peut rapidement conclure que n = 23 times 47 Bien sucircr pour que cette approche soit efficace il faut eacutelaborer des astuces permettant de trouver des multiples du nombre agrave factoriser qui puissent srsquoeacutecrire comme une diffeacuterence de deux carreacutes Or crsquoest preacuteciseacutement ce que plusieurs matheacutematiciens ont reacuteussi agrave faire au cours du vingtiegraveme siegravecle

Ougrave en est-on aujourdrsquohui On a vu qursquoen optimisant la meacutethode origi-nale de Fermat R Sherman Lehman pouvait factoriser un entier n en environ n13 eacutetapes Or dans les anneacutees 1980 en faisant intervenir des outils matheacutematiques plus avanceacutes dont des notions drsquoalgegravebre lineacuteaire Carl Pomerance a davantage peaufineacute la meacutethode originale de Fermat et creacuteeacute une nouvelle meacute-thode de factorisation connue sous le nom de crible quadratique On sait montrer que dans la pratique avec le crible quadratique

il suffit drsquoau plus timese n n(ln ) ln(ln ) eacutetapes pour factoriser un nombre arbitraire n ce qui peut faire une eacutenorme diffeacuterence lorsqursquoil srsquoagit de factoriser de tregraves grands nombres Crsquoest ain-si que le crible quadratique permet de facto-riser un nombre n de 75 chiffres en moins de

=

lt lt

times timese e

e 10 eacutetapes

ln(10 ) ln(ln10 ) 75ln10 ln(75ln10)

299 13

75 75

alors que la meacutethode de Lehman en requiert environ 1025

Et dire que toute cette panoplie de meacutethodes de factorisation ont leur origine dans une ideacutee de Fermat datant de plus de trois siegravecles et demi

Une belle application de la meacutethode de Fermat

On peut montrer que tout entier de la forme 4k4 + 1 peut ecirctre factoriseacutee en utilisant la meacutethode de Fermat en une seule eacutetape

Soit n = 4k4 + 1 On observe drsquoabord que

n 4k 4 +1= = 2k2

En utilisant la meacutethode de Fermat on choisit drsquoabord

a = n + 1 = 2k2 + 1

On veacuterifie ensuite si a2 ndash n est un carreacute parfait Pour y arriver on eacutecrit

a2 ndash n = (2k2 + 1)2 ndash (4k4 + 1)

= 4k4 + 4k2 + 1 ndash 4k4 ndash 1 = 4k2

qui est un carreacute parfait

On peut donc conclure quen posant 4k2 = b2 on a

n = a2 ndash b2 = (2k2 + 1)2 ndash (2k)2

= (2k2 ndash 2k + 1)(2k2 + 2k + 1)

ce qui fournit la factorisation souhaiteacutee

On peut utiliser cette information pour trouver par exemple la factorisation complegravete de n = 258 + 1

En effet commen = 4 times 256 + 1 = 4 times (214)4 + 1

est bien de la forme 4k4 +1 la meacutethode de Fermat devrait nous fournir ses deux diviseurs milieux du premier coup Effective-ment on a

a = n + 1 = 2k2 + 1 = 536 870 913

On a tout de suite

a2 ndash n = 10 73 741 824 = 32 7682 = b2

de sorte que

n = a2 ndash b2

= (53 68 70 913 ndash 32 768)(53 68 70 913 + 32 768)

= 53 68 38 145 times 53 69 03 681

Comme le premier de ces deux facteurs est de toute eacutevidence un multiple de 5 on peut donc conclure que

n = 258 + 1 = 5 times 107 367 629 times 536 903 681

fournissant ainsi la factorisation souhaiteacutee

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atio

ns

Il est facile drsquoemmecircler un fil de pecircche alors qursquoil est tregraves difficile de le deacutemecircler De mecircme certaines opeacuterations sur les nombres

sont faciles dans un sens et difficiles dans lrsquoautre On les appelle opeacuterations agrave sens unique Elles sont utiliseacutees pour la cryptographie

Lorsque vous envoyez votre numeacutero de carte de creacutedit par Internet agrave un site proteacutegeacute le logiciel crypte celui-ci par le code RSA du nom de ses inventeurs Ronald Rivest Adi Shamir et Leonard Adleman

Historiquement les codes secrets ont tous eacuteteacute perceacutes Mais le code RSA publieacute en 1978 reacutesiste encore malgreacute tous les efforts de la communauteacute matheacutematique pour le briser Il repose sur le fait que si on prend deux tregraves grands nombres premiers distincts p et q et qursquoon les multiplie pour obtenir n = pq alors il est hors de porteacutee des ordinateurs actuels2 de reacutecupeacuterer p et q Ainsi on peut se permettre de publier n la cleacute qui sert au cryptage sans crainte que quiconque puisse reacutecupeacuterer p et q qui servent au deacutecryptage Ce proceacutedeacute srsquoappelle la cryptographie agrave cleacute publique parce que la recette de cryptage est publique

Aussi surprenant que cela puisse paraicirctre il est facile pour un ordinateur de fabri-quer de grands nombres premiers Plusieurs algorithmes geacuteneacuterant de grands nombres premiers sont probabilistes Nous allons en preacutesenter un ci-dessous

Dans la cryptographie agrave cleacute publique les mes-sages sont des nombres m infeacuterieurs agrave n On demandera drsquoeacutelever le nombre m agrave une tregraves grande puissance e ougrave e est un nombre qui est eacutegalement public Le message encrypteacute a est le reste de la division de me par n Tou-jours surprenant il est facile pour un or-dinateur de calculer ce reste mecircme si m et e ont chacun 200 chiffres Nous allons voir comment Le deacutecryptage se fait de maniegravere symeacutetrique en calculant le reste de la division de ad par n Mais d est inconnuhellip et pour le calculer il faut connaicirctre p et q et donc factoriser n Donc seul le concepteur qui a choisi p et q peut lire le message

Combien de temps reacutesistera le code RSA Si ce nrsquoeacutetait que des progregraves de la factorisation des entiers et de lrsquoaugmentation de la puis-sance des ordinateurs il pourrait reacutesister en-core longtemps quitte agrave allonger un peu la cleacute n Mais crsquoest sans compter sur la preacute-sence possible drsquoun nouveau venu lrsquoordina-teur quantique Cet ordinateur nrsquoexiste pas encore Par contre un algorithme rapide de factorisation sur un ordinateur quantique lrsquoalgorithme de Shor existe depuis 1997 Nous allons nous pencher sur lrsquoideacutee de cet algorithme

Christiane Rousseau Universiteacute de Montreacuteal

2 Voir lrsquoarticle laquo Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres raquo de Jean-Marie De Koninck p 8 de ce numeacutero

Comme 1 est le pgcd1 de e et de φ(n) on peut eacutecrire via lrsquoalgo-rithme drsquoEuclide

1 = 10 times 1 456 ndash 633 times 23Donc 1 = 10 times 1 456 ndash (1 456-823) times 23ou encore

1= ndash13 times 1 456 + 823 times 23Comme 823 times 23 =13 times 1 456 + 1 le reste de la division de ed par φ(n) vaut bien 1

1 Voir laquo Algorithmes dans lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

Calculer le reste de la division de me par nEacutecrivons la deacutecomposition de e = 23 en somme de puissances de 2

e = 1 + 2 + 4 + 16

Alors

m e = m m2 m4 m16

On va donc y aller pas agrave pas pour calculer ces puissances et agrave chaque eacutetape on va diviser par n Le reste de la division de m2 par n est 1 126 Remarquons que m4 = (m2)2 Le reste de la division de m4 par n est donc le mecircme que le reste de la division de 1 1262 par n

1 1262 = 823n + 1 388

De mecircme le reste de la division de m8 par n est le mecircme que le reste de la division de 1 3882 par n

1 3882 = 1 253n + 683

Finalement le reste de la division de m16 par n est le mecircme que le reste de la division de 6832 par n

6832 = 303n + 778

On remet le tout ensemble Le reste de la division de m23 par n est le mecircme que le reste de la division de

1 234 1 126 1 388 778

par n qui est bien a = 1 300 Dans la ligne qui preacutecegravede on peut aussi alterner entre faire des

multiplications et diviser les produits partiels par n pour ne pas laisser grossir les expressions Ces calculs sont faciles pour des ordinateurs mecircme quand les nombres sont tregraves grands

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un exemple de fonctionnement du code RSAAline veut pouvoir recevoir des mes-sages secrets de Bernard Elle construit donc un systegraveme agrave cleacute publique pour re-cevoir de tels messages Elle prend les nombres premiers p = 29 et q = 53 La cleacute est n =1 537 Elle aura besoin du nombre

φ(n) = (p ndash 1)(q ndash 1) = 1 456

Elle choisit e relativement premier avec φ(n) par exemple e = 23 Soit d = 823 Il a eacuteteacute construit pour que le reste de la division de ed par φ(n) soit 1 (voir encadreacute ci-contre) Pour ce il fallait connaitre φ(n) et donc la factorisation de n ce qui est difficile pour quelqursquoun ne connaissant pas p et q Aline publie n et e Bernard veut lui envoyer le message

m = 1 234

Pour le crypter il lrsquoeacutelegraveve agrave la puissance e = 23 et le divise par n Ceci lui donne le message crypteacute

a = 1 300

qursquoil envoie agrave Aline Celle-ci utilise d connu drsquoelle seule pour calculer le reste de la divi-sion de ad par n Ce reste est preacuteciseacutement le message m = 1 234

Lrsquoexemple eacutetait avec de petits nombres Mais comment faire les calculs quand les nombres sont gros Il faut se rappeler que ce qui nous inteacuteresse ce ne sont pas les nombres me et

ad mais seulement le reste de leur division par n Alors il ne faut pas laisser grossir les calculs Il faut plutocirct alterner entre prendre des puissances et diviser par n (Voir deacutetails dans lrsquoencadreacute)

Construire de grands nombres premiersLrsquoideacutee est la suivante Si on veut construire un grand nombre premier de 100 chiffres on geacutenegravere au hasard un nombre de 100 chiffres et on laquo teste raquo srsquoil est premier Srsquoil ne lrsquoest pas on recommence avec un autre nombre geacuteneacute-reacute au hasard jusqursquoagrave ce qursquoon tombe sur un nombre premier

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Premiegravere question combien faut-il faire de tests en moyenne Un nombre de 100 chiffres est un nombre de lrsquoordre de 10100 Le theacuteoregraveme des nombres premiers nous dit que si N est grand il y a environ N ln N nombres premiers infeacuterieurs ou eacutegaux agrave N Si on choisit au ha-sard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 la chance qursquoil soit premier est donc drsquoenviron

N1

ln1

ln101

100ln101

230100= = =

On peut faire mieux la moitieacute des nombres sont pairs et parmi les nombres impairs on peut eacuteliminer les multiples de 5 Donc si on choisit au hasard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 qui se termine par 1 3 7 ou 9 on a une chance sur 92 qursquoil soit pre-mier (40 des nombres se terminent par 1 3 7 9 et 410 de 230 donne 92) Ceci signi-fie qursquoen moyenne apregraves 92 tests on a trou-veacute un nombre premier Faire 92 tests est fa-cile pour un ordinateur

Ceci nous amegravene agrave la deuxiegraveme question que signifie laquo tester raquo qursquoun nombre p est pre-mier On a appris agrave le faire en cherchant si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p ce qui revient agrave factoriser partiellement p Mais factoriser est difficile pour un ordinateurhellip

On peut faire mieux Srsquoil est facile de tester si un nombre p est premier crsquoest parce qursquoon peut le faire sans factoriser p Lrsquoideacutee est la suivante Si p nrsquoest pas premier il laisse

ses empreintes partout Dans le test de primaliteacute de Miller-Rabin si p nrsquoest pas pre-mier au moins les trois-quarts des nombres entre 1 et p ont une empreinte de p crsquoest-agrave-dire qursquoils sont des teacutemoins du fait que p nrsquoest pas premier Le test pour deacutecider si un nombre est un teacutemoin est un peu tech-nique (voir encadreacute page ci-contre) Mais ce test est facile pour un ordinateur On choisit au hasard des nombres a1 am le p Si lrsquoun des ai est un teacutemoin on conclut que p nrsquoest pas premier Si aucun des ai nrsquoest un teacutemoin alors p a une tregraves grande chance drsquoecirctre pre-mier Par exemple si m = 100 la chance que p ne soit pas premier sachant que a1 am ne sont pas des teacutemoins est infeacuterieure ou eacutegale agrave 10ndash58 soit tregraves tregraves petite

Peut-on se fier agrave un algorithme probabiliste Les informaticiens le font reacuteguliegraverement degraves qursquoils ont besoin de grands nombres premiers et on nrsquoobserve pas de catas-trophe autour de nous On voit drsquoailleurs qursquoon pourrait transformer cet algorithme probabiliste de primaliteacute en algorithme deacute-terministe il suffirait de tester au moins le quart des nombres a isin 2 p ndash1 Si aucun nrsquoest un teacutemoin alors on peut affir-mer avec certitude que p est premier Mais cet algorithme serait sans inteacuterecirct car il requerrait de regarder si p4 nombres sont des teacutemoins alors que lrsquoalgorithme usuel de factorisation demande de regarder si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p et

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lt degraves que p gt 16

Casser le code RSA sur un ordinateur quantiqueEn 1997 Peter Shor a annonceacute un algo-rithme qui casserait le code RSA sur un ordinateur quantique qui nrsquoexiste pas encorehellip Que signifie cette affirmation Lrsquoalgorithme de Shor est simplement un autre algorithme de factorisation Il fonc-tionnerait sur un de nos ordinateurs mais il serait moins bon que les meilleurs algo-rithmes de factorisation La limite de nos ordinateurs est le paralleacutelisme On ne peut faire qursquoun nombre limiteacute drsquoopeacuterations en parallegravele

DossierApplications

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Quelques avantages de la cryptographie agrave cleacute publique

La cryptographie agrave cleacute publique est tregraves utile quand des milliers de personnes par exemple des clients peuvent vouloir envoyer leur numeacutero de carte de creacutedit agrave une mecircme compagnie

La meacutethode drsquoencryptage est publique et seule la compagnie peut deacutecrypter les messages chiffreacutes

Un autre avantage est que deux interlocuteurs nrsquoont pas besoin drsquoeacutechanger de lrsquoinformation secregravete par exemple une cleacute pour communiquer de maniegravere seacutecuritaire Il suffit que chacun publie son systegraveme de cryptographie agrave cleacute publique

Le systegraveme RSA permet de signer un message pour srsquoassurer qursquoil provient bien de la bonne personne Dans notre exemple pour que Bernard signe son message il faut qursquoil construise son propre sys-tegraveme agrave cleacute publique dont il publie la cleacute nrsquo et la cleacute de cryptage ersquo Il se servira de sa cleacute de deacutecryptage drsquo pour apposer sa signature sur le message

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un ordinateur est composeacute de transistors qui fonctionnent agrave la maniegravere drsquointerrup-teurs en ayant deux positions OUVERT et FERMEacute que lrsquoon peut coder comme des bits drsquoinformation 0 ou 1 Un nombre de 200 chiffres est infeacuterieur agrave 10200 lt 2665 et donc peut srsquoeacutecrire avec 665 bits Tester srsquoil a un diviseur premier infeacuterieur agrave 10100 lt 2333 revient agrave regarder toutes les suites de 333 bits eacutegaux agrave 0 ou 1 Un travail titanesque sauf si lrsquoordinateur a un grand paralleacutelisme Dans un ordinateur quantique les bits drsquoinformation sont des bits quantiques ils peuvent ecirctre dans un eacutetat superposeacute entre 0 et 1 Lrsquoimage que lrsquoon pourrait donner est celle drsquoun sou Une fois lanceacute il tombe sur PILE ou sur FACE Mais avant de le lancer il a probabiliteacute 12 de tomber sur PILE et probabiliteacute 12 de tomber sur FACE On pourrait dire qursquoil est dans un eacutetat superposeacute Le fait que m bits quantiques soient dans un eacutetat superposeacute implique qursquoils peuvent faire simultaneacutement les 2m opeacutera-tions diffeacuterentes correspondant agrave tous les choix de valeurs 0 ou 1 pour chacun des bits Par contre de mecircme que notre sou tombe neacutecessairement sur PILE ou sur FACE degraves qursquoon veut observer un bit quantique il prend neacutecessairement la valeur 0 ou la valeur 1 et donc on ne peut observer le reacutesultat de tous les calculs faits en parallegravele La subtiliteacute de lrsquoalgorithme de Shor vient du fait qursquoon pourra reacutecupeacuterer le reacutesultat du calcul lequel donne une factorisation de p si p nrsquoest pas premier

Le nombre 15 a eacuteteacute factoriseacute sur un ordi-nateur quantique en 2007 et en 2012 on a factoriseacute 143 = 11x13 Les progregraves semblent lents depuis ce temps Le deacutefi technologique de lrsquoordinateur quantique est de maintenir de nombreux bits en eacutetat superposeacute Ce recircve deviendra-t-il reacutealiteacute Mecircme si les progregraves semblent lents les experts y croient de plus en plus

Tester si un nombre est un teacutemoinOn veut tester si p impair est premier Alors on peut eacutecrire p ndash 1 qui est pair comme p ndash 1 = 2sd ougrave d est impair

(Il suffit de diviser p ndash 1 par 2 successive-ment jusqursquoagrave ce que le quotient soir im-pair) Soit a isin 2 p ndash1

Critegravere pour ecirctre teacutemoin Si a est un teacute-moin que p nrsquoest pas premier alors on a simultaneacutement que le reste de la division de ad par p est diffeacuterent de 1 et que les restes de la division de a d2r

par p sont diffeacuterents de p ndash 1 pour tous les r isin 0 s ndash1

Regardons un premier exemple Prenons p = 13 Alors p ndash 1 = 22 3 Ici d = 3 et s = 2 Voyons que p nrsquoa aucun teacutemoin

La premiegravere colonne du tableau agrave gauche donne a la deuxiegraveme colonne donne

le reste de la division de ad = a3 par p et la troisiegraveme colonne le reste de la division de a2d = a6 par p

On voit bien que pour chaque a soit on a un 1 dans le premiegravere colonne ou bien un 1 ou un 12 dans la deuxiegraveme colonne et donc aucun a nrsquoest un teacutemoin de 13 On sait alors que 13 est premier

Refaisons lrsquoexercice avec p = 15 Alors p ndash 1 = 2 7 Comptons combien p a de teacutemoins Ici la deuxiegraveme colonne repreacutesente le reste de la division de ad= a7 par p Tous les a sauf 14 sont des teacutemoins et chacun nous dit que 15 nrsquoest pas premier

Mais bien sucircr apprendre qursquoun nombre a est un teacutemoin que p nrsquoest pas premier ne nous apprend rien de la factorisation de p

81

1288551

125

12

1211

1212121211

121

a23456789

101112

812456

1329

101137

14

a23456789

1011121314

Le fonctionnement de lrsquoalgorithme de Shor

On veut factoriser un entier n Lrsquoalgo-rithme de Shor cherche un diviseur d de n qui soit diffeacuterent de 1 et de n Ensuite on peut iteacuterer en cherchant un diviseur de lrsquoentier S = nd Voyons qursquoil suffit de trouver un entier r tel que n divise r2 ndash 1 = (r ndash 1)(r + 1) mais n ne divise ni r ndash 1 ni r + 1 Puisque n divise r2 ndash 1 il existe un entier m tel que r2 ndash 1 = mn Soit p un facteur premier de n Alors p divise r ndash 1 ou encore p divise r + 1 Dans le premier cas d est le pgcd de r ndash 1 et n et dans le deuxiegraveme cas celui de r + 1 et n Calculer le pgcd de deux nombres par lrsquoalgorithme drsquoEuclide3 est facile pour un ordinateur Comment construire un tel entier r est un peu technique et nous ne ferons pas les deacutetails

3 Voir laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

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Si la notion de logarithme paraicirct aujourdrsquohui tout agrave fait naturelle sa conceptualisation et sa mise en œuvre au plan pratique au deacutebut

du 17e siegravecle nrsquoont point eacuteteacute une mince affaire Premiers eacutepisodes de cette foisonnante saga

Peu de temps apregraves leur introduction par John Napier (1550-1617) au tout deacutebut du 17e siegravecle les logarithmes se sont rapidement imposeacutes comme un laquo merveilleux raquo1 outil essentiel en astronomie et en navigation deux domaines scientifiques particuliegraverement avanceacutes agrave cette eacutepoque et qui venaient avec leur lot de calculs proprement titanesques Crsquoest dans un tel contexte qursquoil faut entendre le ceacutelegravebre aphorisme ducirc au matheacutematicien physicien et astronome franccedilais Pierre-Simon Laplace2 (1749-1827) qui srsquointeacuteressant dans le cadre drsquoun survol historique de lrsquoastronomie aux travaux de Johannes Kepler (1571-1630) affirmait que la deacutecouverte des logarithmes mdash combineacutee agrave lrsquoarithmeacutetique des Indiens crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecriture des nombres dans un systegraveme positionnel mdash avait pour ainsi dire doubleacute la vie des astronomes (voir encadreacute)

La preacutehistoire des logarithmesIssu entiegraverement de lrsquolaquo esprit humain raquo selon les dires de Laplace le concept de logarithme repose sur une ideacutee somme toute assez na-turelle consideacuterant diverses puissances drsquoun mecircme nombre on porte lrsquoattention sur les exposants de ces puissances Par exemple srsquoagissant des entiers

64 256 1024 et 4096crsquoest-agrave-dire respectivement

43 44 45 et 46on envisage plutocirct les exposants

3 4 5 et 6

Sur la base de ces donneacutees on pourrait conclure immeacutediatement mdash si on dispose drsquoune table de puissances de 4 mdash que

256 times 4 096 = 1 048 576prenant appui sur le fait que

44 times 46 = 44 + 6 = 410

(on applique ici une regravegle de base des exposants qui va de soi lorsque ceux-ci sont des entiers naturels) Il nrsquoest pas eacutetonnant que des telles intuitions aient pu se retrouver il y a fort longtemps

Jeacuterocircme Camireacute-Bernier

Bernard R Hodgson Universiteacute Laval

1 Renvoi agrave lrsquoeacutepithegravete mirifique (archaiumlque de nos jours) utiliseacutee par Napier lui-mecircme Lrsquoex-pression mirifique invention de notre titre est emprunteacutee agrave Jean-Pierre Friedelmeyer (voir le Pour en savoir plus)

2 Alias Pierre-Simon de Laplace Aussi homme politique il fut nommeacute marquis en 1817 (drsquoougrave la particule nobiliaire)

Laplace agrave propos des logarithmeslaquo Il [Kepler] eut dans ses derniegraveres anneacutees lrsquoavantage de voir naicirctre et drsquoemployer la deacutecouverte des logarithmes due agrave Neper baron eacutecossais artifice admirable ajouteacute agrave lrsquoingeacutenieux algorithme des Indiens et qui en reacuteduisant agrave quelques jours le travail de plusieurs mois double si lrsquoon peut ainsi dire la vie des astronomes et leur eacutepargne les erreurs et les deacutegoucircts inseacuteparables des longs calculs invention drsquoautant plus satis-

faisante pour lrsquoesprit humain qursquoil lrsquoa tireacutee en entier de son propre fonds dans les arts lrsquohomme se sert des mateacuteriaux et des forces de la nature pour accroicirctre sa puissance mais ici tout est son ouvrage raquo

Exposition du systegraveme du monde Livre V Chapitre IV

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

Un peu de vocabulaire

Eacutetant donneacute deux reacuteels (positifs) x et y leur moyenne arithmeacutetique

est donneacutee par x y2+ et leur moyenne geacuteomeacutetrique par xy

Ces appellations trouvent leur origine dans les matheacutematiques grecques de lrsquoAntiquiteacute notamment de lrsquoeacutepoque de Pythagore

Lrsquoarithmeacutetique de lrsquoeacutecole pythagoricienne portant sur lrsquoeacutetude des entiers (et des rapports simples drsquoentiers) on voit immeacutediatement pourquoi la premiegravere moyenne est dite laquo arithmeacutetique raquo Quant agrave la moyenne laquo geacuteomeacutetrique raquo elle fait intervenir une opeacuteration qui megravene agrave des grandeurs geacuteneacuteralement au-delagrave du champ des entiers Or le domaine qui eacutetudie les grandeurs par exemple les segments de droite est justement la geacuteomeacutetrie

On peut montrer que dans une suite arithmeacutetique un terme donneacute (agrave partir du deuxiegraveme) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins Et de mecircme mutatis mutandis pour une suite geacuteomeacutetrique (Voir la Section problegravemes)

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Ainsi sur la partie infeacuterieure de la tablette meacutesopotamienne MLC 020783 datant drsquoentre 1900 et 1600 avant notre egravere se trouve le tableau ci-haut (les nombres sont donneacutes ici en notation moderne et non en eacutecriture cu-neacuteiforme) on y reconnaicirct immeacutediatement la liste des premiegraveres puissances de 2 ainsi que les exposants correspondants

Lrsquousage a consacreacute lrsquoexpression suite arith-meacutetique (ou progression arithmeacutetique selon une tournure un brin suranneacutee) pour une liste de nombres qui comme dans la colonne de droite de ce tableau croissent (ou deacutecroissent) reacuteguliegraverement de maniegravere additive

a a + d a + 2d a + nd

a repreacutesentant le premier terme de la suite et d la diffeacuterence entre deux termes conseacute-cutifs mdash crsquoest-agrave-dire de combien lrsquoun de ces termes est plus grand que lrsquoautre4 (Le tableau preacuteceacutedent correspond au cas ougrave a = 1 et d = 1) Lorsque les nombres de la liste sont relieacutes multiplicativement

a ar ar2 arn

on parlera de suite (ou progression) geacuteomeacute-trique la constante r repreacutesentant cette fois le rapport entre deux termes conseacutecutifs mdash crsquoest-agrave-dire combien de fois lrsquoun est plus grand que lrsquoautre4 (Dans la colonne de gauche du tableau on a a = 2 et r = 2) (Voir lrsquoencadreacute Un peu de vocabulaire pour le sens des mots laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo dans un tel contexte)

Selon cette nomenclature la tablette MLC 02078 peut donc srsquointerpreacuteter comme la mise en comparaison de deux suites lrsquoune arithmeacutetique et lrsquoautre geacuteomeacutetrique Ce type de situation se retrouve agrave diverses eacutepoques au fil des acircges Ainsi en est-il question dans un autre document de lrsquoAntiquiteacute LrsquoAreacutenaire traiteacute dans lequel Archimegravede (-287 ndash -212) se donne comme objectif de deacuteterminer le nombre de grains de sable dont le volume serait eacutegal agrave celui du laquo monde raquo5 Parmi les outils dont se sert alors le grand matheacutematicien grec se retrouve la manipulation simultaneacutee drsquoune suite arithmeacutetique et drsquoune suite geacuteomeacutetrique ce qui lrsquoamegravene (en termes modernes) agrave identifier au passage la regravegle drsquoaddition des exposants

bm times bn = bm +n

(voir la Section problegravemes) et donc le prin-cipe de transformation drsquoune multiplication en une addition agrave la base des logarithmes

3 Pour Morgan Library Collection Cette tablette se retrouve dans la collection de lrsquoUniversiteacute Yale aux Eacutetats-Unis

4 Cette faccedilon de parler est utiliseacutee par Euler lorsqursquoil introduit les notions de rapports arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique dans ses Eacuteleacutements drsquoalgegravebre (1774) mdash voir Section troisiegraveme laquo Des rapports amp des propor-tions raquo entre autres les articles 378 398 et 505

5 Une des difficulteacutes auxquelles fait ici face Archimegravede est de reacutealiser cet objectif dans le cadre du systegraveme de numeacuteration grec qui nrsquoeacutetait pas propice pour exprimer aiseacutement de tregraves grands nombres Mais cela est une autre histoirehellip

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Tablette MLC 02078 (1900-1600 avant notre egravere)

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Cette mecircme ideacutee se retrouve plusieurs siegravecles plus tard dans Le Triparty en la science des nombres (1484) du Franccedilais Nicolas Chuquet (1445-1488) Dans la troisiegraveme partie de cet ouvrage Chuquet introduit des regravegles cal-culatoires de nature algeacutebrique Il srsquointeacuteresse alors notamment aux valeurs des puis-sances de 2 depuis 1 jusqursquoagrave 1 048 576 qursquoil aligne en colonnes avec les exposants entiers correspondants (qursquoil appelle laquo deacuteno-minations raquo) de 0 jusqursquoagrave 20 et note que la multiplication de nombres de la premiegravere colonne correspond agrave lrsquoaddition de nombres dans la seconde Il identifie aussi une autre regravegle de base des exposants

b b( )m n mn=(encore une fois exprimeacutee ici en notation moderne) Agrave noter que Chuquet utilise une notation avec indice sureacuteleveacute (comme nous le faisons aujourdrsquohui)6 et qursquoen plus de lrsquoexposant 0 il considegravere des exposants (entiers) neacutegatifs Au milieu du 16e siegravecle lrsquoAllemand Michael Stifel (1487-1567) reprendra les mecircmes thegravemes dans son Arithmetica integra (1544) ougrave il parle expli-citement de la relation entre une progression arithmeacutetique et une progression geacuteomeacutetrique Crsquoest drsquoailleurs agrave Stifel que lrsquoon doit le vocable exposants pour deacutesigner les nombres de la suite arithmeacutetique en jeu

Si quelques-uns des principes servant de fondements agrave la notion de logarithme se per-ccediloivent dans les commentaires qui preacutecegravedent on est encore loin du logarithme en tant que tel Pour qursquoune correspondance entre une suite geacuteomeacutetrique et une suite arithmeacutetique devienne un veacuteritable outil de calcul il faut en effet laquo boucher les trous raquo entre les puissances (entiegraveres) successives Il peut ecirctre inteacuteressant comme le souligne Chuquet de conclure gracircce agrave sa table des puissances de 2 que le produit de 128 et 512 est 65 536 Mais cela ne nous renseigne en rien par exemple sur le produit 345 times 678 On voit mecircme Chuquet dans un appendice au Tripar-ty chercher agrave reacutesoudre des problegravemes dans lesquels un exposant fractionnaire est rechercheacute mdash mais sans deacutevelopper pour autant drsquoapproche systeacutematique agrave cette fin

Certains eacuteleacutements (timides) agrave cet eacutegard se retrouvent il y a fort longtemps Ainsi le tableau numeacuterique ci-contre figure lui aussi sur la tablette MLC 02078 (dans sa partie supeacuterieure) On y voit une progression arith-meacutetique de diffeacuterence frac-tionnaire ecirctre juxtaposeacutee agrave une progression geacuteomeacutetrique agrave savoir des puissances de 16 Mais peu semble avoir eacuteteacute fait pour pousser plus loin de telles asso-ciations jusqursquoagrave lrsquoarriveacutee de Napier

Les logarithmes agrave la NapierTout eacutetudiant est aujourdrsquohui familier avec le fait que le passage drsquoun nombre donneacute agrave son logarithme (selon une certaine base) revient agrave identifier lrsquoexposant dont il faut affecter cette base pour retrouver le nombre en cause Ayant fixeacute un reacuteel b (positif et diffeacuterent de 1) et consideacuterant un reacuteel positif x le logarithme de x dans la base b noteacute logbx est donc par deacutefinition lrsquoexposant (reacuteel) u tel que bu = x Une telle vision il faut le souligner demeure relativement tardive par rapport agrave lrsquointuition originale de logarithme nrsquoeacutetant devenue la norme que pregraves drsquoun siegravecle et demi apregraves les travaux de lrsquoEacutecossais John Napier7 mdash voir lrsquoencadreacute Les traiteacutes de Napier mdash lorsque Leonhard Euler (1707-1783) en a fait la pierre drsquoassise de son traitement de la fonction logarithmique8 dans son Introduc-tio in analysin infinitorum (1748) Acceptant les proprieacuteteacutes de la fonction exponentielle bu pour des reacuteels b et u quelconques on tire im-meacutediatement de cette deacutefinition la proprieacuteteacute de base du logarithme

logb xy = logb x + logb y

ce qui permet de transformer une multi-plication en une addition de mecircme que les eacutegaliteacutes similaires pour le logarithme drsquoun quotient ou drsquoune puissance

DossierHistoire

6 La notation exponentielle aujourdrsquohui usuelle telle a2 ou a3 se reacutepandra apregraves son utilisa-tion par Reneacute Descartes (1596-1650) dans son traiteacute La geacuteomeacutetrie (1637)

7 Voir Andreacute Ross laquo John Napier raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 8-11

8 Cette approche drsquoEuler peut ecirctre vue comme une illustration remarquable de lrsquoim-pact drsquoune bonne notation en vue de clarifier et faciliter la deacutemarche de la penseacutee

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

On observera que lrsquoideacutee drsquoun lien entre deux suites lrsquoune geacuteomeacutetrique et lrsquoautre arithmeacutetique bien que sous-jacente agrave la derniegravere eacutegaliteacute nrsquoest pas pour autant expli-citement mise en eacutevidence dans cette vision moderne (post-euleacuterienne) du logarithme Or agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier introduit ses loga-rithmes lrsquoideacutee de laquo fonction raquo nrsquoest pas dans lrsquoair du temps mdash elle ne surgira de fait que vers la fin du 17e siegravecle dans la mouvance des travaux sur le calcul infiniteacutesimal mdash de sorte que la comparaison de suites (geacuteomeacutetrique et arithmeacutetique) demeure la principale source drsquoinspiration de ses travaux

Une autre mouvance de lrsquoeacutepoque visait agrave se doter drsquooutils permettant de simplifier lrsquoexeacutecution de calculs arithmeacutetiques portant sur de gros nombres Dans un texte preacuteceacute-dent9 nous avons preacutesenteacute entre autres la meacutethode de prosthapheacuteregravese utiliseacutee vers la fin du 16e siegravecle en vue de transformer une multiplication en addition ou une division en soustraction La populariteacute de telles meacutethodes notamment dans les cercles astronomiques a certainement contribueacute agrave convaincre Napier de lrsquoimportance de deacuteve-lopper des outils permettant de raccourcir les calculs y compris dans le cas de lrsquoexponen-tiation ou de lrsquoextraction de racine Il en fait drsquoailleurs mention explicitement dans la preacute-face de son Descriptio Soulignant le caractegravere peacutenible dans la pratique des matheacutematiques de la multiplication division ou extraction de racine carreacutee ou cubique de grands nombres Napier insiste non seulement sur le temps re-quis pour exeacutecuter ces opeacuterations mais aus-si sur les nombreuses erreurs qui peuvent en reacutesulter Agrave la recherche drsquoune meacutethode sucircre et expeacuteditive afin de contourner ces difficul-teacutes il annonce qursquoapregraves lrsquoexamen de plusieurs proceacutedeacutes il en a retenu un qui rencontre ses attentes

laquo Agrave la veacuteriteacute aucun proceacutedeacute nrsquoest plus utile que la meacutethode que jrsquoai trouveacutee Car tous les nombres utiliseacutes dans les multiplica-tions les divisions et les extractions ar-

dues et prolixes de racines sont rejeteacutes des opeacuterations et agrave leur place sont substitueacutes drsquoautres nombres sur lesquels les calculs se font seulement par des additions des soustractions et des divisions par deux et par trois raquo10

La vision geacuteomeacutetrico- cineacutematique de NapierUn troisiegraveme eacuteleacutement sur lequel srsquoappuie Napier dans sa creacuteation des logarithmes est la geacuteomeacutetrie mdash plus preacuteciseacutement la geacuteomeacutetrie du mouvement Il a en effet lrsquoideacutee de comparer le deacuteplacement de deux points lrsquoun bougeant selon une vitesse11 variant de maniegravere telle que les distances parcourues en des intervalles de temps eacutegaux forment une progression geacuteomeacute-trique tandis que lrsquoautre point bougeant agrave vitesse constante deacute-termine des distances en progression arith-meacutetique Le support geacuteomeacutetrique dont se sert alors Napier peut se deacutecrire comme suit

9 Voir laquo Eacutemergence logarithmique tables et calculs raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 2-7

10 Tireacute de la preacuteface du Mirifici logarithmorum canonis descriptio (traduction personnelle)

11 Napier introduit lrsquoideacutee de mouvement degraves la deacutefinition 1 du Descriptio Il utilise explicite-ment le terme laquo vitesse raquo agrave la deacutefinition 5

Les traiteacutes de NapierCrsquoest degraves lrsquoanneacutee 1594 que Na-pier entame les travaux qui lrsquoamegraveneront agrave la notion de loga-rithme En 1614 il fait connaicirctre son invention en publiant un premier traiteacute sur le sujet mdash reacutedigeacute en latin la langue des savants de lrsquoeacutepoque Mirifici lo-garithmorum canonis descrip-tio (crsquoest-agrave-dire Description de la merveilleuse regravegle des loga-rithmes) Il srsquoagit de la premiegravere publication drsquoune table de lo-garithmes qui occupent les 90 derniegraveres pages du traiteacute Cette table est preacuteceacutedeacutee drsquoun texte de 57 pages ougrave Napier explique

ce que sont les logarithmes et comment les utiliser

Un second traiteacute de Napier sur le sujet est un ouvrage reacutedigeacute avant la parution du Descriptio mais publieacute par lrsquoun de ses fils seulement en 1619 deux ans apregraves sa mort Mirifici loga-rithmorum canonis constructio (Construction de la merveilleuse regravegle des logarithmes) Dans un texte drsquoenviron 35 pages (ac-compagneacute drsquoappendices) Na-pier preacutesente la theacuteorie sur la-quelle il srsquoest appuyeacute pour construire sa table

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Eacutetant donneacute un segment AB de longueur deacutetermineacutee il considegravere un point P partant de A avec une vitesse initiale donneacutee et se deacuteplaccedilant vers B en une seacuterie de laquo pas raquo P1 P2 P3 Pn

Napier stipule (Descriptio deacutefinition 2) que la vitesse de deacuteplacement de P le long de AB deacutecroicirct de maniegravere telle que en des temps eacutegaux la longueur de chacun des inter-valles AP1 P1P2 P2P3 P3P4 successivement parcourus par P est proportionnelle agrave la dis-tance seacuteparant P de sa cible B (lorsqursquoil est agrave lrsquoextreacutemiteacute gauche de chaque intervalle)12

APAB

P PP B

P PP B

P PP B

1 1 2

1

2 3

2

3 4

3

= = = =

On tire immeacutediatement de ces eacutegaliteacutes que

P BAB

P BP B

P BP B

P BP B

1 2

1

3

2

4

3

= = = =

(voir la Section problegravemes) de sorte que la suite de segments AB P1B P2B P3B qui correspond aux distances entre les diverses positions de P et lrsquoextreacutemiteacute B forme une suite geacuteomeacutetrique deacutecroissante (Construc-tio article 24) la longueur de chacun drsquoeux est en effet la moyenne geacuteomeacutetrique de ses deux voisins Napier considegravere alors un second point Q se deacuteplaccedilant agrave vitesse constante sur une demi-droite (donc illimiteacutee dans un sens) et de maniegravere telle qursquoau moment ougrave P passe par Pi le point Q est en un point Qi = i (voir la Section problegravemes)

Lrsquoideacutee de Napier est drsquoassocier la suite arith-meacutetique

0 1 2 3 n

correspondant aux positions successives de Q agrave la suite geacuteomeacutetrique deacutetermineacutee par les segments

AB P1B P2B P3B PnB

Mais pour que cette association soit com-plegravete il faut la geacuteneacuteraliser agrave un emplacement quelconque de P sur AB outre les positions laquo discregravetes raquo P1 P2 P3 Voici le tour de passe-passe permettant agrave Napier de contourner cette difficulteacute

Puisque des distances parcourues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est propor-tionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (voir la Section problegravemes) Ainsi quand P est agrave mi-chemin dans son trajet de A vers B sa vitesse a diminueacute de moitieacute par rapport agrave sa vitesse initiale Et quand il est rendu aux deux-tiers de lrsquointervalle AB sa vitesse ne vaut plus que le tiers de celle de deacutepart

Passant agrave une vision laquo lisse raquo mdash et non plus par laquo pas raquo mdash du deacuteplacement de P Napier en vient agrave consideacuterer ce point comme chan-geant laquo continucircment raquo de vitesse13 mdash et non pas de maniegravere abrupte et instantaneacutee en chaque point Pi Pour rester dans les mecircmes conditions que preacuteceacutedemment il suppose donc que P se deacuteplace laquo geacuteomeacute-triquement raquo de A vers B crsquoest-agrave-dire de maniegravere telle que la vitesse de P est toujours proportionnelle agrave la distance qui le seacutepare de B (Constructio article 25)

Les laquo logarithmes agrave la Napier raquo sont main-tenant agrave porteacutee de main Supposant drsquoune part que les deux points P et Q entament leur deacuteplacement agrave la mecircme vitesse le premier selon une vitesse deacutecroissant geacuteomeacutetriquement de A vers B et le second agrave vitesse constante agrave partir de 0 et suppo-sant de plus que le point Q est en y lorsque le point P est agrave une distance x de B alors y est appeleacute par Napier le logarithme de x (On eacutecrira ici par commoditeacute y = Nlog(x))

Crsquoest ainsi que le logarithme du reacuteel x est le reacuteel y deacutetermineacute par la suite arithmeacutetique associeacutee agrave la suite geacuteomeacutetrique correspon-dant agrave x

DossierHistoire

12 On notera au passage que le point P nrsquoat-teint ainsi jamais sa cible B car agrave chaque eacutetape il gruge toujours la mecircme fraction du chemin restant agrave parcourir

13 Napier nrsquoutilise pas explicitement une telle terminologie

0 y

x

Q rarrA

P rarr

B

A

P1 P2 P3 P4 Pn

B

0 1 2 3 4 n

Q1 Q2 Q3 Q4 Qn

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Valeurs numeacuteriques des logarithmes de NapierPlusieurs aspects de la notion de logarithme telle que conccedilue et mise en œuvre par Na-pier peuvent nous sembler un peu eacutetranges aujourdrsquohui On a deacutejagrave insisteacute sur la place qursquoy occupent les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique maintenant absentes du discours sur les logarithmes Une autre par-ticulariteacute est relieacutee aux valeurs numeacuteriques mecircmes deacutetermineacutees par Napier

Une motivation cleacute de Napier eacutetait de construire un outil facilitant les calculs tri-gonomeacutetriques un domaine drsquoapplication des matheacutematiques de toute premiegravere importance agrave son eacutepoque Crsquoest pour cette raison que la table produite par Napier dans son Descriptio repose non pas sur des nombres en geacuteneacuteral mais plutocirct sur le sinus des angles allant de 0deg agrave 90deg chaque degreacute eacutetant diviseacute en 60 minutes Agrave chacune de ces valeurs de sinus (il y en a donc 5 400 en tout) Napier associe son logarithme tel que deacutefini ci-haut

Il faut par ailleurs souligner que la notion de sinus de lrsquoeacutepoque nrsquoest pas tout agrave fait la mecircme qursquoaujourdrsquohui le sinus est alors non pas vu comme un rapport de cocircteacutes dans un triangle mais plutocirct comme la longueur drsquoune demi-corde dans un cercle donneacute Afin de faciliter les calculs il eacutetait drsquousage de travailler avec un cercle de grand rayon de maniegravere agrave eacuteviter lrsquoemploi de fractions et agrave se res-treindre agrave des nombres naturels Or agrave la fin du 16e siegravecle agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier entreprit ses travaux crsquoest sur un cercle de rayon 10 000 000 que srsquoappuyaient certaines des tables trigonomeacutetriques alors en circula-tion14 Crsquoest sans doute lagrave la raison pour laquelle Napier deacutecide de se servir de cette mecircme valeur pour asseoir la construction de sa table logarithmique

Il se dote donc drsquoun segment AB de longueur 107 = 10 000 000 (Constructio article 24) et il suppose que la vitesse initiale de chacun des deux points P et Q est aussi 107 (Constructio articles 25 et 26) Dans le cas de Q cette

vitesse demeure constante alors que pour P elle deacutecroicirct laquo geacuteomeacutetriquement raquo15 Or le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique doit permettre de combler les eacutecarts entre des puissances entiegraveres successives mdash voir agrave ce propos les commentaires plus haut mdash de sorte qursquoil est utile que ce rapport soit un nombre pregraves de 1 Agrave cet effet Napier choisit comme rapport

0999 999 9 11

107= minus

(Constructio articles 14 et 16) Une telle valeur a aussi comme avantage que le calcul de termes successifs de la progression geacuteomeacutetrique peut se ramener agrave une seacuterie de soustractions plutocirct que des multiplica-tions iteacutereacutees par 1 ndash 10ndash7 ce qui a permis agrave Napier de simplifier dans une large mesure la construction de sa table Cette construction demeure neacuteanmoins en pratique un accom-plissement eacutepoustouflant

On observera que les valeurs numeacuteriques des logarithmes creacuteeacutes par Napier sont fort diffeacuterentes de celles que lrsquoon connaicirct aujourdrsquohui Ainsi on a que Nlog(107) = 0 Et Nlog(x) deacutecroicirct lorsque x croicirct De plus il nrsquoest pas question de laquo base raquo dans les propos de Napier (voir agrave ce sujet la Section problegravemes) Mais lrsquoessence du logarithme est bel et bien lagrave

14 De telles tables trigonomeacutetriques ont eacuteteacute construites par Johann Muumlller alias Regio-montanus (1436-1476) et par Georg Joachim de Porris dit Rheticus (1514-1574)

15 Les valeurs choisies par Napier ont pour conseacutequence que la vitesse de P (en tant que nombre) est non seulement proportion-nelle mais est de fait eacutegale agrave la distance de P agrave B (voir la Section problegravemes)

Agrave propos de lrsquoeacutetymologie du mot logarithme

Napier a forgeacute le mot logarithme agrave partir de deux racines grecques drsquousage courant logoς laquo rapport raquo et ariqmoς laquo nombre raquo On peut voir le mot rapport ici comme refleacutetant le rapport commun des termes successifs de la suite geacuteomeacutetrique AB P1B P2B P3B

Au commencement de ses travaux Napier appelait nombres artificiels les valeurs de la suite arithmeacutetique peut-ecirctre pour les opposer aux nombres de la suite geacuteomeacute-trique qui eacutetaient en quelque sorte don-neacutes Mais le terme logarithme srsquoest rapide-ment imposeacute

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Comment ameacuteliorer une solution imparfaite agrave un problegraveme complexe

Et si on srsquoinspirait de la nature pour faire eacutevoluer les solutions

Lrsquoinspiration de la nature En 1859 le naturaliste Charles Darwin a publieacute son ceacutelegravebre ouvrage Lrsquoorigine des espegraveces qui preacutesentait une theacuteorie visant agrave expliquer le pheacutenomegravene de lrsquoeacutevolution Cette theacuteorie reacutevolutionnaire a provoqueacute plusieurs deacutebats agrave lrsquoeacutepoque mais elle est maintenant largement accepteacutee Environ 100 ans plus tard elle a inspireacute le professeur John Holland qui a tenteacute drsquoimpleacutementer artificiellement des systegravemes eacutevolutifs baseacutes sur le proces-sus de seacutelection naturelle Ces travaux ont

ensuite meneacute aux algorithmes geacuteneacutetiques qui sont maintenant utiliseacutes pour obtenir des solutions approcheacutees pour certains problegravemes drsquooptimisation difficiles

Les eacuteleacutements de base drsquoun algorithme geacuteneacutetiqueAfin de comprendre lrsquoanalogie entre le processus de seacutelection naturelle et un algo-rithme geacuteneacutetique rappelons tout drsquoabord les meacutecanismes les plus importants qui sont agrave la base de lrsquoeacutevolution

1 Lrsquoeacutevolution se produit sur des chromo-somes qui repreacutesentent chacun des individus dans une population

2 Le processus de seacutelection naturelle fait en sorte que les chromo-somes les mieux adapteacutes se reproduisent plus souvent et contribuent davantage aux popu- lations futures

3 Lors de la reproduction lrsquoinfor- mation contenue dans les chromosomes des parents est combineacutee et meacutelangeacutee pour produire les chromosomes des enfants (laquo croisement raquo)

4 Le reacutesultat du croisement peut agrave son tour ecirctre modifieacute par des perturbations aleacuteatoires (muta-tions)

Ces meacutecanismes peuvent ecirctre utiliseacutes pour speacutecifier un algorithme geacuteneacutetique tel que celui deacutecrit dans lrsquoencadreacute ci-dessous

Charles Fleurent GIRO

Algorithmes geacuteneacutetiques

Les travaux sur lrsquoeacutevolution des espegraveces vivantes du natura-liste et paleacuteontologue anglais Charles Darwin (1809-1882) ont reacutevolutionneacute la biologie Dans son ouvrage intituleacute LrsquoOrigine des espegraveces paru en 1859 Darwin preacutesente le reacutesultat de ses recherches Darwin eacutetait deacutejagrave ceacutelegravebre au sein de la communauteacute scientifique de son eacutepoque

pour son travail sur le terrain et ses recherches en geacuteologie Ses travaux srsquoinscrivent dans la fouleacutee de ceux du natura-liste franccedilais Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) qui 50 ans plus tocirct avait eacutemis lrsquohypothegravese que toutes les espegraveces vivantes ont eacutevolueacute au cours du temps agrave partir drsquoun seul ou de quelques ancecirctres communs Darwin a soutenu avec Alfred Russel Wallace (1823-1913) que cette eacutevolution eacutetait due au processus dit de la laquo seacutelection naturelle raquo

Comme il naicirct beaucoup plus drsquoindividus de chaque espegravece qursquoil nrsquoen peut survivre et que par conseacutequent il se produit souvent une lutte pour la vie il srsquoensuit que tout ecirctre srsquoil varie mecircme leacutegegraverement drsquoune maniegravere qui lui est profitable dans les conditions complexes et quelque-fois variables de la vie aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi drsquoune faccedilon naturelle En raison du principe dominant de lrsquoheacutereacutediteacute toute varieacuteteacute ainsi choisie aura tendance agrave se multiplier sous sa forme nouvelle et modifieacutee

Charles Darwin 1859 Introduction agrave LrsquoOrigine des espegraveces

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Pour adapter un algorithme geacuteneacutetique agrave un problegraveme drsquooptimisation combinatoire il suf-fit alors de speacutecialiser certaines composantes agrave la structure particuliegravere de ce dernier En geacuteneacuteral les deacutecisions portent sur les aspects suivants

Codage des solutions il faut eacutetablir une correspondance entre les solutions du problegraveme et les chromosomes

Opeacuterateurs geacuteneacutetiques il faut deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation pour les chromosomes

Eacutevaluation des chromosomes la me-sure drsquoadaptation des chromosomes agrave leur environnement est donneacutee par une fonction qui est calculeacutee par un processus plus ou moins complexe

Il existe plusieurs moyens pour mettre en œuvre certains des meacutecanismes importants drsquoun algorithme geacuteneacutetique Par exemple la seacutelection des parents peut srsquoeffectuer de diverses faccedilons Dans une population P = x1 x2 hellip xN ougrave la mesure drsquoadaptation drsquoun individu est eacutevalueacutee par une fonction ƒ lrsquoopeacuterateur classique consiste agrave associer agrave chaque individu xi une probabiliteacute pi drsquoecirctre seacutelectionneacute proportionnelle agrave la valeur de f pour cet individu crsquoest-agrave-dire

pf x

f x( )

( )i

i

jj Psum

=

isin

En pratique on utilise souvent drsquoautres meacute-thodes de seacutelection pouvant se parameacutetrer plus facilement Ainsi dans la seacutelection par tournoi un ensemble drsquoindividus est seacutelec-tionneacute aleacuteatoirement dont les meilleurs eacuteleacute-ments seulement sont retenus Pour choi-sir deux parents on peut donc seacutelectionner aleacuteatoirement 5 individus et ne garder que les deux meilleurs Dans drsquoautres meacutethodes les individus sont ordonneacutes selon leur va-leur pour la fonction ƒ et la seacutelection srsquoeffec-tue aleacuteatoirement selon le rang occupeacute par chaque individu On utilise alors une distri-bution biaiseacutee en faveur des individus en tecircte de liste

Un autre meacutecanisme important est le mode de remplacement des individus de la popula-tion Dans le modegravele original chaque popu-lation de N individus est totalement rempla-ceacutee agrave chaque geacuteneacuteration Drsquoautres strateacutegies laquo eacutelitistes raquo font en sorte drsquoassurer agrave chaque geacuteneacuteration la survie des meilleurs individus de la population Crsquoest le cas entre autres des modegraveles laquo stationnaires raquo ougrave un nombre res-treint drsquoindividus est remplaceacute agrave chaque geacute-neacuteration Dans ce cas on ajoute souvent des meacutecanismes suppleacutementaires empecircchant lrsquoajout drsquoindividus identiques (doublons) dans la population Des implantations plus eacutevo-lueacutees existent eacutegalement pour des architec-tures parallegraveles

Un algorithme geacuteneacutetique 1 Construire une population initiale de N

solutions

2 Eacutevaluer chacun des individus de la population

3 Geacuteneacuterer de nouvelles solutions en seacutelectionnant les parents de faccedilon proportionnelle agrave leur eacutevaluation Appliquer les opeacuterateurs de croisement et de mutation lors de la reproduction

4 Lorsque N nouveaux individus ont eacuteteacute geacuteneacutereacutes ils remplacent alors lrsquoancienne population Les individus de la nouvelle population sont eacutevalueacutes agrave leur tour

5 Si le temps alloueacute nrsquoest pas deacutepasseacute (ou le nombre de geacuteneacuterations maximal nrsquoest pas atteint) retourner agrave lrsquoeacutetape 3

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Repreacutesentation des solutions et opeacuterateurs geacuteneacutetiquesLes premiers algorithmes geacuteneacutetiques utili-saient tous une repreacutesentation binaire ougrave chaque solution s est codeacutee sous la forme drsquoune chaicircne de bits de longueur n ie s[i ] isin 0 1 foralli =1 2 hellip n Pour cette repreacute-sentation lrsquoopeacuterateur de croisement classique agrave un point consiste agrave choisir de faccedilon uniforme une position de coupure aleacuteatoire l isin 1 2 hellip nminus1 Si les parents p1 et p2 ont eacuteteacute seacutelectionneacutes pour la reproduction les solutions enfants e1 et e2 sont alors construites de la faccedilon suivante

e1[i ] = p1[i ] foralli isin1 hellip l e1[i ] = p2[i ] foralli isinl + 1 hellip n e2 [i ] = p2[i ] foralli isin1 hellip l e2 [i ] = p1[i ] foralli isinl + 1 hellip nLorsqursquoon itegravere avec drsquoautres paires de parents on choisit aleacuteatoirement pour chaque paire de parents un nouvel opeacuterateur de croisement agrave un point Lrsquoopeacuterateur agrave un point peut se geacuteneacuteraliser en seacutelectionnant k positions aleacuteatoires plutocirct qursquoune seule Dans ce cas les enfants sont produits en eacutechan-geant lrsquoinformation chromosomique entre les k points de coupure En pratique la valeur k = 2 est couramment utiliseacutee Un autre opeacuterateur tregraves populaire (croisement uni-forme) utilise une chaicircne de bits geacuteneacutereacutee aleacuteatoirement pour engendrer les enfants Pour chaque position le choix aleacuteatoire in-dique quel parent deacuteterminera la valeur des enfants Des exemples des opeacuterateurs de croisement agrave un point agrave deux points et uniforme sont illustreacutes dans les tableaux suivants Des reacutesultats theacuteoriques et empi-riques indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme donne geacuteneacuteralement des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux produits par les deux autres

Opeacuterateur de croisement agrave un point

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 0 1 1

0 1 0 1 0 1 1 0 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement agrave deux points

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 1 0 1

0 1 0 1 0 1 0 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement uniforme

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 1 0 1 1 1 0 0 1

0 1 1 0 1 0 1 0 0

0 0 0 1 0 1 1 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Chaicircnealeacuteatoirede bits

Avec une repreacutesentation binaire on utilise geacuteneacuteralement lrsquoopeacuterateur de mutation clas-sique qui consiste agrave changer aleacuteatoirement un bit pour son compleacutement

Opeacuterateur de mutation classique

Enfant 1 0 0 1 0 1 1 0 1

1 1 0 1 0 1 1 0 0Enfant

Mutationsaleacuteatoires

DossierApplications

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Un exemple le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteennePour certains problegravemes la repreacutesentation binaire des solutions est tout agrave fait intuitive et bien adapteacutee Crsquoest le cas par exemple du problegraveme de satisfaisabiliteacute (SAT) Eacutetant donneacute une expression logique F de n variables boo-leacuteennes x1 x2 hellip xn (voir encadreacute) ce problegraveme fondamental (qui est agrave la base de la theacuteorie de la NP-compleacutetude) consiste agrave trouver une affectation aux variables de faccedilon agrave satisfaire F En eacutetablissant les correspondances faux harr 0 vrai harr 1 on peut repreacutesenter chaque solution par une chaicircne binaire de longueur n et utiliser les opeacuterateurs geacuteneacute-tiques classiques deacutecrits preacuteceacutedemment

Pour eacutevaluer les solutions lrsquoexpression logique F peut ecirctre exprimeacutee comme une conjonction (voir encadreacute) de m clauses

F = Cj j =1

m

Chaque clause est alors deacutefinie par une disjonction de variables booleacuteennes dont certaines sont associeacutees agrave un opeacuterateur de neacutegation (indiqueacute par le symbole ndash ) Pour satisfaire F il faut donc satisfaire toutes ses clauses Pour un algorithme geacuteneacutetique chaque solution peut ecirctre simplement eacuteva-lueacutee par le nombre de clauses qursquoelle satisfait par exemple noteacute par f Si on considegravere par exemple lrsquoexpression suivante pour F

= and or and or or

and or or or

and or or or or

F x x x x x x

x x x x

x x x x x

( ) ( ) ( )

( )

( )

1 1 2 1 2 3

1 2 3 4

1 2 3 4 5

la solution (1 0 1 0 0) satisfait toutes les clauses sauf la premiegravere alors que la solution (0 1 1 0 1) satisfait toutes les clauses et donc lrsquoexpression F

Avec une repreacutesentation des chro-mosomes une fonction drsquoadaptation f et des opeacuterateurs de croisement et de mutation nous avons tous les eacuteleacutements pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique simple pour le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteenne Le processus peut ecirctre illustreacute par le tableau en bas de page avec un opeacuterateur de croisement uniforme repreacutesenteacute par la chaicircne de bits U Dans cet exemple simplifieacute lrsquoalgo-rithme a produit en six geacuteneacuterations une solution qui satisfait lrsquoexpression boo-leacuteenne F (les 5 clauses sont satisfaites pour un individu de la population) Pour une fonction plus complexe comprenant un grand nombre de va-riables on utilise des populations plus importantes et laisse la population eacutevoluer lentement vers des solutions de bonne qualiteacute

Variables booleacuteennes

Opeacuterateurs booleacuteens

Une variable booleacuteenne est une variable qui ne peut prendre que deux valeurs logiques VRAI ou FAUX On peut utiliser 1 et 0 pour repreacutesenter ces deux valeurs

Un opeacuterateur booleacuteen est un opeacuterateur qui sap-plique sur une ou deux variables booleacuteennes

La neacutegation drsquoune variable booleacuteenne x qui est noteacutee x change la valeur de la variable booleacuteenne x

Variable Neacutegation

10

01

x x

La conjonction de deux variables x et y noteacutee x and y prend la valeur 1 si les variables x et y ont toutes deux la valeur 1 Dans les autres cas elle prend la valeur 0

Variables Conjonction

1100

1010

1000

x y x y

La disjonction de deux variables x et y noteacutee x or y prend la valeur 1 si au moins lrsquoune des variables a la valeur 1 Elle prend la valeur 0 si les deux variables ont la valeur 0

Variables Disjonction

1100

1010

1110

x y x y

Geacuteneacuteration

5

(0 0 1 0 0) f = 4(0 0 1 0 1) f = 3(0 0 1 1 1) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

(0 0 1 0 0) f = 4(1 0 1 1 0) f = 4(0 0 1 1 1) f = 4

U = (0 1 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4 (1 0 1 1 0) f = 4

(0 1 1 1 0) f = 5U = (0 0 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

6

Population Enfant Enfant muteacute

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Autres exemplesLes algorithmes geacuteneacutetiques ne sont pas applicables qursquoaux repreacutesentations binaires Par exemple le problegraveme classique du com-mis voyageur (Traveling Salesman Problem ou TSP) consiste agrave identifier une tourneacutee agrave coucirct minimal qui visite chaque ville drsquoun ensemble agrave couvrir Mecircme si une tourneacutee pourrait alors theacuteoriquement ecirctre repreacutesenteacutee par une chaicircne de booleacuteens on preacutefegravere geacuteneacuterale-ment utiliser une repreacutesentation plus directe sous forme de permutation Chaque permu-tation speacutecifie alors lrsquoordre dans lequel sont visiteacutees les villes

On doit alors deacutefinir des opeacuterateurs de mutation et de croisement pour une repreacutesentation sous forme de permutation Pour la muta-

tion un simple eacutechange entre deux villes dans une seacutequence pourra faire lrsquoaffaire Par exemple

Tourneacutee originale (Montreacuteal Rimou- ski Saguenay Val drsquoOr Queacutebec Sher-brooke)

Apregraves mutation (Montreacuteal Rimouski Saguenay Sherbrooke Queacutebec Val drsquoOr) Pour le croisement il est facile de constater que des opeacuterateurs sem-blables agrave ceux deacutecrits preacuteceacutedemment ne pourraient preacuteserver la structure de permutation Plusieurs opeacuterateurs valides ont toutefois eacuteteacute proposeacutes Agrave titre drsquoexemple lrsquoopeacuterateur OX choisit une sous-seacutequence dans la seacutequence drsquoun des parents et place les villes res-tantes dans lrsquoordre deacutefini par lrsquoautre

parent Dans le tableau ci-dessous deux po-sitions sont choisies aleacuteatoirement afin de deacutefinir une sous-seacutequence chez le premier parent (eacutetape 1) Agrave lrsquoeacutetape 2 les villes res-tantes sont placeacutees selon lrsquoordre induit par le deuxiegraveme parent

P1 Mtl Sag Val Queacute Shb RimQueacute Rim Mtl Shb Sag Val

Rim Sag Val Queacute Mtl Shb

Rim Mtl ShbSag Val Queacute

P2

Eacute1Eacute2

Enf

Ss

Une fois la repreacutesentation et les opeacuterateurs de base deacutefinis on peut simplement eacutevaluer chaque tourneacutee par la distance parcourue et tous les eacuteleacutements sont en place pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique pour le problegraveme TSP

Coloration de grapheUn autre problegraveme classique celui de colo-ration de graphe1 est aussi abordable par les algorithmes geacuteneacutetiques

Pour un graphe G = (V E) constitueacute drsquoun en-semble de nœuds V et drsquoarecirctes E un coloriage est une partition de V en k sous-ensembles (couleurs) C1 C2 hellip Ck pour lesquels u v isin Ci rArr (u v) notinE ie que deux nœuds ne peuvent avoir la mecircme couleur srsquoils sont lieacutes par une arecircte Le problegraveme de coloration de graphe consiste agrave trouver un coloriage utilisant un nombre minimal de sous-ensembles Ce type drsquoapproche permet notamment de reacutesoudre agrave coucirct minimum des conflits drsquohoraire En pratique on choisit drsquoabord une valeur-cible pour k et chaque chromosome constitue une partition de V en k sous-ensembles Les so-lutions sont codeacutees sous forme de chaicircnes en liant lrsquoindice de chaque nœud agrave lrsquoun des k sous-ensembles

DossierApplications

1 Voir laquo Le theacuteoregraveme des quatre couleurs raquo Accromath 141 2019

Coloration de grapheEn theacuteorie des graphes la coloration de graphe consiste agrave attribuer une couleur agrave chacun de ses sommets de maniegravere que deux sommets relieacutes par une arecircte soient de couleur diffeacuterente On cherche souvent agrave utiliser le nombre minimal de couleurs appeleacute nombre chromatique

12

34

5

6

7

89Un coloriage imparfait

10

Mtl Rim

SagShb

ValQueacute

2

6 3

4

1

5

Mtl Rim

SagShb

QueacuteVal

2

6 3

4

1

5

Mutation drsquoune tourneacutee

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Par exemple si on associe C1 agrave bleu C2 agrave rouge et C3 agrave vert dans le coloriage im-parfait de la page preacuteceacutedente la partition des nœuds associeacutee agrave cette solution est (1 2 3 2 3 2 1 2 3 1) car les nœuds 1 7 et 10 sont dans C1 les nœuds 2 4 6 et 8 dans C2 et les nœuds 3 5 et 9 dans C3 En deacutefinissant la fonction f comme le nombre de fois ougrave la regravegle du coloriage nrsquoa pas eacuteteacute respecteacutee on obtient f (C1 C2 C3) = 0 + 1 + 1 = 2 car on a 0 arecircte dans C1 1 arecircte dans C2 (entre les nœuds 2 et 4) et 1 dans C3 (entre les nœuds 3 et 5)

De faccedilon geacuteneacuterale le problegraveme de coloriage consiste agrave geacuteneacuterer une partition telle que f (C1 C2 Ck) = 0 avec un k le plus petit possible Avec la repreacutesentation en chaicircne de la partition il est facile de deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation semblables agrave ceux utiliseacutes pour les repreacutesen-tations binaires Les reacutesultats rapporteacutes dans la litteacuterature indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme domine encore ceux agrave un point et agrave deux points

Est-ce que ccedila fonctionne Il nrsquoy a aucun doute que les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent ecirctre utiliseacutes pour traiter des problegravemes drsquooptimisation Leur performance relative varie cependant selon les contextes Lorsqursquoun problegraveme est bien eacutetudieacute il est geacuteneacuteralement preacutefeacuterable drsquoavoir recours agrave des algorithmes speacutecialiseacutes qui peuvent tirer avantage de certaines structures speacutecifiques Pour le problegraveme TSP par exemple des approches baseacutees sur la programmation en nombres entiers peuvent maintenant reacutesoudre de faccedilon optimale des exemplaires de plusieurs dizaines de milliers de villes Il serait donc mal aviseacute drsquoutiliser un algorithme geacuteneacutetique pour reacutesoudre ce problegraveme (agrave moins de vouloir eacutetudier leur comportement ce qui peut ecirctre tout agrave fait leacutegitime et amusant)

Les algorithmes geacuteneacutetiques ont tout de mecircme lrsquoavantage drsquoecirctre simples agrave mettre en place En fait une meacutethode de codage des opeacuterateurs de croisement et de mutation ainsi qursquoune fonction drsquoeacutevaluation sont suf-fisants pour utiliser une approche eacutevolutive On obtient alors une approche robuste qui peut ecirctre tregraves utile si la fonction agrave optimiser est laquo floue raquo (fuzzy) ou si on dispose de peu de temps pour eacutetudier le problegraveme agrave optimiser

Les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent eacutega-lement ecirctre combineacutes agrave drsquoautres approches drsquooptimisation pour donner lieu agrave des meacutethodes hybrides tregraves puissantes souvent parmi les meilleures disponibles On peut par exemple utiliser des opeacuterateurs de mutation plus sophistiqueacutes pour optimiser le reacutesultat de chaque croisement Pour lrsquoalgorithme hybride reacutesultant la composante laquo geacuteneacute-tique raquo vise alors agrave enrichir la recherche en misant sur les eacuteleacutements qui constituent sa force ie lrsquoutilisation drsquoune population diver-sifieacutee qui permet lrsquoaccegraves aux caracteacuteristiques varieacutees de plusieurs individus et au proces-sus de seacutelection (artificielle dans ce cas) afin drsquoorienter lrsquoexploration vers les meilleures reacutegions de lrsquoespace de solutions Crsquoest bien lagrave lrsquoune des leccedilons agrave tirer de lrsquoobservation de la nature

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Rubrique des

Jean-Paul DelahayeUniversiteacute des Sciences et Technologies de Lille

Lrsquoinformation paradoxale

Comme le preacuteceacutedent ce paradoxe est aussi un paradoxe sur lrsquoinformation cacheacutee cependant il neacutecessite une patience bien supeacuterieure pour ecirctre reacutesolu ou lrsquoaide drsquoun ordinateur

On choisit cinq nombres a b c d et e veacuterifiant les relations

1 le a lt b lt c lt d lt e le 10

Autrement dit les cinq nombres sont compris entre 1 et 10 tous diffeacuterents et classeacutes par ordre croissant On indique leur produit P agrave Patricia (qui est brune) leur somme S agrave Sylvie (qui est blonde) la somme de leurs carreacutes

C = a2 + b2 + c2+ d2 + e2

agrave Christian (qui est barbu) et la valeur

V = (a + b + c)(d + e)

agrave Vincent (qui est chauve)

Ils doivent deviner quels sont les nombres a b c d et e

1- Une heure apregraves qursquoon leur a poseacute le problegraveme les quatre personnages qursquoon interroge simultaneacutement reacutepondent tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

2- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

3- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo Etc

23- Une heure apregraves (soit 23 heures apregraves la formulation de lrsquoeacutenonceacute ) les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

Cependant apregraves cette 23egraveme reacuteponse les visages des quatre personnages srsquoeacuteclairent drsquoun large sourire et tous srsquoexclament laquo crsquoest bon maintenant je connais a b c d et e raquo

Vous en savez assez maintenant pour deviner les 5 nombres a b c d e Il semble paradoxal que la reacutepeacutetition 23 fois de la mecircme affirmation drsquoignorance de la part des personnages soit porteuse drsquoune information Pourtant crsquoest le cas Essayez de comprendre pourquoi et ensuite armez-vous de courage la solution est au bout du calcul

Solution du paradoxe preacuteceacutedent

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Solution du paradoxe preacuteceacutedent

Lrsquoinformation paradoxaleIl arrive que lrsquoon pense ne pas disposer drsquoassez drsquoinfor-mations pour reacutesoudre un problegraveme alors qursquoen reacutealiteacute tout est agrave notre disposition Certaines situations sont si extraordinaires qursquoelles apparaissent paradoxales En voici un exemple

Un homme bavarde avec le facteur sur le pas de la porte de sa maison Il lui dit

laquo Crsquoest amusant je viens de remarquer que la somme des acircges de mes trois filles est eacutegale au numeacutero de ma maison dans la rue Je suis sucircr que si je vous apprends que le produit de leur acircge est 36 vous saurez me dire leur acircge respectif raquo

Le facteur reacutefleacutechit un moment et lui reacutepond

laquo Je suis deacutesoleacute mais je ne peux pas trouver raquo

Lrsquohomme srsquoexclame alors laquo Ah oui Jrsquoavais oublieacute de vous dire que lrsquoaicircneacutee est blonde raquo

Quelques secondes apregraves le facteur lui donne la bonne reacuteponse Aussi paradoxal que cela apparaisse vous pouvez deacuteduire de cet eacutechange lrsquoacircge des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte

SolutionLes diffeacuterentes deacutecompositions de 36 en produit de trois entiers et les sommes des facteurs sont donneacutees dans le tableau ci-contre

Le facteur connaicirct la somme des acircges des trois filles car il est sur le pas de la porte Srsquoil ne peut pas trouver leurs acircges respectifs crsquoest que parmi les produits possibles compatibles avec la somme qursquoil connaicirct il y en a deux qui donnent la mecircme somme Crsquoest donc que la somme est 13 Les deux possibiliteacutes sont donc 1-6-6 et 2-2-9 La premiegravere est eacutelimineacutee car deux enfants ne peuvent avoir le mecircme acircge que srsquoils sont jumeaux et alors il nrsquoy a pas drsquoaicircneacutee La solution est donc 2-2-9 Les acircges des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte sont 2 2 et 9 ans

Produits1times1times362times3times63times3times4

1times2times181times3times121times6times61times4times92times2times9

3811102116131413

Sommes

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Algorithmes dans lrsquohistoire1 Deacuteterminer les PGCD des couples

a) 924 3 135 c) 2 530 9 639

b) 83 337

Lrsquoheacuteritage de Fermat1 Appliquer la meacutethode de Fermat pour

factoriser les nombres suivants

a) 493 b) 1247 c) 6 903

2 Supposons qursquoun entier n est le produit de deux nombres premiers p lt q et que q ndash p lt p2 2 Montrer qursquoen utilisant la meacutethode de Fermat ce nombre n peut ecirctre factoriseacute en seulement une eacutetape

Eacutemergence logarithmique1 Soit la suite arithmeacutetique

a nd( ) n+ isin

a) Montrer que chaque terme (agrave lrsquoex- ception du premier) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins

b) Montrer un reacutesultat analogue pour la suite geacuteomeacutetrique

ar( ) nnisin

2 Montrer qursquoen termes modernes le passage de LrsquoAreacutenaire ci-haut porte sur les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacute-trique et sur la regravegle du produit de deux puissances

Tuyau Des nombres laquo continucircment en proportion agrave partir de lrsquouniteacute raquo forment une suite geacuteomeacutetrique dont le premier terme est 1

3 En comparant les deux tables tireacutees de la tablette MLC 02078 (pp 19 et 20) on y voit la suite geacuteomeacutetrique

2 ndash 4 ndash 8 ndash 16 ndash 32 ndash 64

ecirctre associeacutee agrave deux suites arithmeacutetiques Relier directement ces deux suites arith-meacutetiques lrsquoune agrave lrsquoautre

Tuyau On peut y voir du logarithme

4 Soit deux points P1 et P2 sur un segment AB (voir figure) Montrer que

a) si APAB

P PP B

1 1 2

1

= alors P BAB

P BP B

1 2

1

=

b) la reacuteciproque est elle aussi valide

5 La suite de segments AB P1B P2B P3B forme une progression geacuteomeacutetrique deacutecroissante (p 22) On deacutesigne par r le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique (on a donc r lt 1) et par z la longueur du segment AB

a) Interpreacuteter en termes de z et de r les segments AB P1B P2B P3B

b) Exprimer agrave lrsquoaide de z et de r les longueurs des intervalles AP1 P1P2 P2P3 P3P4

c) Appliquer ces reacutesultats aux valeurs numeacuteriques choisies par Napier (voir p 23)

d) Et que dire dans ce contexte de la suite arithmeacutetique deacutetermineacutee par le mouve-ment du point Q (p 22)

6 a) Expliquer lrsquoobservation dans lrsquoencadreacute ci-bas au cœur de la deacutemarche de Napier

b) En conclure que pour Napier la vitesse de P en un point donneacute est eacutegale agrave sa distance de lrsquoextreacutemiteacute B

Tuyau La constante de proportionnaliteacute de la partie a) est 1

7 On veut interpreacuteter ici le modegravele geacuteomeacute-trico-cineacutematique de Napier agrave lrsquoaide du calcul diffeacuterentiel et inteacutegral (moderne) On appelle x(t) la distance seacuteparant P de lrsquoextreacutemiteacute B au temps t et y(t) la position du point Q au temps t

a) Montrer que le deacuteplacement de Q est deacutecrit par lrsquoeacutequation diffeacuterentielle dydt = 107 avec comme condition initiale y(0) = 0

Tuyau La vitesse est la deacuteriveacutee de la distance parcourue par rapport au temps

b) Montrer de mecircme que le deacuteplace-ment de P est deacutecrit par dxdt = ndashx avec x(0) = 107

c) Reacutesoudre ces deux eacutequations diffeacuteren-tielles

d) Montrer comment on pourrait en tirer une notion de laquo base raquo pour les loga-rithmes de Napier1

1 Au plan historique une telle ideacutee de laquo base raquo chez Napier est une pure fabulation

Section problegravemes

Agrave propos de Napier

Puisque des distances parcou-rues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est pro-portionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (p 22)

Archimegravede LrsquoAreacutenaire

Si des nombres sont continucircment en pro- portion agrave partir de lrsquouniteacute et que cer-tains de ces nombres sont multiplieacutes entre eux le produit sera dans la mecircme pro-gression eacuteloigneacute du plus grand des nom- bres multiplieacutes drsquoautant de nombres que le plus petit des nom- bres multiplieacutes lrsquoest de lrsquouniteacute dans la pro-gression et il sera eacuteloigneacute de lrsquouniteacute de la somme moins un des nombres dont les nombres multiplieacutes sont eacuteloigneacutes de lrsquouniteacute

A

P1 P2

B

Pour en s voir plus

Histoire des matheacutematiques

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

bull Le livre Havil Julian John Napier Life Logarithms and Legacy Princeton University Press 2014 est une mine drsquoor pour des informations sur la vie et lrsquoœuvre de Napier

bull Le contexte ayant meneacute agrave la naissance des logarithmes est exposeacute dans Friedelmeyer Jean-Pierre laquo Contexte et raisons drsquoune lsquomirifiquersquo invention raquo In Eacutevelyne Barbin et al Histoires de logarithmes pp 39-72 Ellipses 2006 Le sous-titre de lrsquoarticle drsquoAccromath a eacuteteacute emprunteacute au titre de ce texte

bull Les deux traiteacutes de Napier sur les logarithmes le Mirifici logarithmorum canonis descriptio et le Mirifici logarithmorum canonis constructio peuvent ecirctre trouveacutes facilement (en latin) sur la Toile Une traduction anglaise de ces traiteacutes est accessible agrave partir du site de Ian Bruce sur les matheacutematiques des 17e et 18e siegravecles httpwww17centurymathscom

bull La citation de Laplace se retrouve aux pp 446-447 de Œuvres complegravetes de Laplace Exposition du systegraveme du monde (6e eacutedition) Bachelier Imprimeur-Libraire 1835 (Disponible sur Google Livres)

bull La tablette meacutesopotamienne MLC 02078 est eacutetudieacutee (pp 35-36) dans Neugebauer Otto et Sachs Abraham Mathematical Cuneiform Texts American Schools of Oriental Research 1945

bull Pour plus drsquoinformation sur lrsquoemploi des vocables laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo voir Charbonneau Louis laquo Progression arithmeacutetique et progression geacuteomeacutetrique raquo Bulletin AMQ 23(3) (1983) 4-6

bull Publieacutes en allemand en 1770 les Eacuteleacutements drsquoalgegravebre de Leonhard Euler sont parus en traduction franccedilaise degraves 1774 Cette version est accessible agrave partir du site Gallica de la Bibliothegraveque nationale de France httpsgallicabnffr

bull Lrsquoextrait de LrsquoAreacutenaire mdash voir la Section problegravemes mdash se trouve (p 366) dans Ver Eecke Paul Les œuvres complegravetes drsquoArchimegravede tome 1 Vaillant-Carmanne 1960

Applications des matheacutematiques

Lrsquoheacuteritage de Fermat

bull WB Hart laquo A one line factoring algorithmraquo J Aust Math Soc 92 (2012) no 1 61ndash69

bull RS Lehman laquo Factoring large integers raquo Math Comp 28 (1974) 637ndash646

bull MA Morrison and J Brillhart laquo A method of factoring and the factorization of F 7 raquo Math Comp 29 (1975) 183ndash205

bull C Pomerance laquoThe quadratic sieve factoring algorithm raquo Advances in Cryptology (Paris 1984) 169-182 Lecture Notes in Comput Sci 209 Springer Berlin 1985

Accromath est une publication de lrsquoInstitut des sciences matheacutema-tiques (ISM) et du Centre de recherches matheacutematiques (CRM) La revue srsquoadresse surtout aux eacutetudiantes et eacutetudiants drsquoeacutecole secon-daire et de ceacutegep ainsi qursquoagrave leurs enseignantes et enseignants

LrsquoInstitut des sciences matheacutematiques est une institution unique deacutedieacutee agrave la promotion et agrave la coordination de lrsquoenseignement et de la recherche en sciences matheacutematiques au Queacutebec En reacuteunissant neuf deacutepartements de matheacutematiques des universiteacutes queacutebeacutecoises (Concordia HEC Montreacuteal Universiteacute Laval McGill Universiteacute de Montreacuteal UQAM UQTR Universiteacute de Sherbrooke Bishoprsquos) lrsquoInstitut rassemble un grand bassin drsquoexpertises en recherche et en enseignement des matheacutematiques LrsquoInstitut anime de nombreuses activiteacutes scientifiques dont des seacuteminaires de recherche et des colloques agrave lrsquointention des professeurs et des eacutetudiants avanceacutes ainsi que des confeacuterences de vulgarisation donneacutees dans les ceacutegeps Il offre eacutegalement plusieurs programmes de bourses drsquoexcellence

LrsquoISM est financeacute par le Ministegravere de lrsquoEnseignement supeacuterieur et par ses neuf universiteacutes membres

Le Centre de recherches matheacutematiques est un centre national pour la recherche fondamentale en matheacutematiques et ses applica-tions Les scientifiques du CRM comptent plus drsquoune centaine de membres reacuteguliers et de stagiaires postdoctoraux Lieu privileacutegieacute de rencontre le Centre est lrsquohocircte chaque anneacutee de nombreux visi-teurs et drsquoateliers de recherche internationaux

Les activiteacutes scientifiques du CRM comportent deux volets principaux les projets de recherche qursquoentreprennent ses laboratoires et les activiteacutes theacutematiques organiseacutees agrave lrsquoeacutechelle internationale Ces derniegraveres ouvertes agrave tous les domaines impliquent des chercheurs du CRM et drsquoautres universiteacutes Afin drsquoassurer une meilleure diffusion des reacutesultats de recherches de ses collaborateurs le CRM a lanceacute en 1989 un programme de publications en collaboration avec lrsquoAmerican Mathematical Society et avec Springer

Le CRM est principalement financeacute par le CRSNG (Conseil de recherches en sciences naturelles et en geacutenie du Canada) le FQRNT (Fonds queacutebeacutecois de recherche sur la nature et les technologies) lrsquoUniversiteacute de Montreacuteal et par six autres universiteacutes au Queacutebec et en Ontario

Accromath beacuteneacuteficie de lrsquoappui de la Dotation Serge-Bissonnette du CRM

OR2010

BRONZE2011

BRONZE2014

OR2012

2008

Prix speacutecial de la ministre 2009

Prix Anatole Decerf 2012

Page 11: L’héritage de Pierre de Fermat La factorisation des grands ...

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Cependant le veacuteritable deacutefi est drsquoecirctre en me-sure de factoriser des nombres arbitraires de 300 chiffres et plus ce qui est preacutesentement impossible mecircme agrave lrsquoaide drsquoordinateurs tregraves puissants Drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la recherche de nouveaux algorithmes de factorisation

Comment srsquoy prendre pour factoriser un nombre Comment pourrions-nous proceacuteder pour factoriser un nombre composeacute dont on ne connaicirct agrave priori aucun facteur De toute eacutevidence on srsquointeacuteresse ici seulement agrave la factorisation des nombres impairs car autre-ment il suffit de diviser par 2 le nombre agrave factoriser jusqursquoagrave ce qursquoil laquo devienne raquo impair Agrave titre drsquoexemple pour trouver la factorisa-tion du nombre n = 11 009 on peut utiliser lrsquoapproche tout agrave fait naturelle qui consiste agrave examiner successivement la divisibiliteacute

de n par chacun des nombres premiers 3 5 7 11 et ainsi de suite En proceacutedant ainsi on constate eacuteventuellement que ce nombre n est divisible par 101 et que n =101 times 109 menant du coup agrave la factorisation 11 009 = 101 times 109 Bravo Mais avouez que cela a eacuteteacute un peu laborieux car on a ducirc veacuterifier la divisibiliteacute de n par chacun des nombres premiers infeacuterieurs agrave 101 Drsquoail-leurs on se convainc aiseacutement que pour un nombre arbitraire n il aurait fallu veacuterifier la divisibiliteacute par chacun des nombres premiers plus petits que n Cela veut dire que pour un nombre de 200 chiffres il faudrait veacuterifier sa divisibiliteacute par tous les nombres premiers de moins de 100 chiffres un travail colossal Crsquoest pourquoi il est leacutegitime de se demander srsquoil existe des meacutethodes plus efficaces pour factoriser des nombres Or justement Pierre de Fermat en a trouveacute une qui srsquoavegravere drsquoune simpliciteacute deacuteconcertante (Voir encadreacute ci-bas)

Pour illustrer sa meacutethode Fermat a choisi le nombre

n = 2 027 651 281

La meacutethode de factorisation de Fermat Dentreacutee de jeu on peut supposer que le nombre n agrave fac-toriser nest pas un carreacute parfait car sinon on sattardera tout simplement agrave la factorisation du nombre m = nDeacutebutons avec un exemple Si on vous demande de factoriser le nombre 899 peut-ecirctre allez-vous eacutecrire

899 = 900 ndash 1 = 302 ndash 12

= (30 ndash 1)(30 + 1) = 29 times 31

et le tour est joueacute Quelle chance que 899 soit une diffeacuterence de deux carreacutes nest-ce pas Non pas du tout car en reacutealiteacute cest le cas de tout entier posi-tif impair composeacute et cest lideacutee de base de la meacutethode de factorisation de Fermat En effet pour un tel entier n il existe neacutecessairement deux entiers a gt b ge 1 tels que n = a2 ndash b2 auquel cas

n = (a ndash b)(a + b)

Pourquoi Supposons que n = rs avec 1 lt r lt s On peut facilement veacuterifier que les nombres a = (s + r) 2 and b = (s ndash r)2 sont tels que n = a2 ndash b2 Mais com-ment fait-on pour trouver ces deux entiers a et b Certes on a n = a2 ndash b2 lt a2 et donc a gt n auquel cas a ge n + 1 Ici x deacutesigne le plus grand entier le x Commenccedilons donc par poser a = n + 1 Si a2 ndash n est un carreacute parfait disons a2 ndash n = b2 alors nous avons trouveacute a et b comme requis Autrement (cest-agrave-dire si a2 ndash n nest pas un carreacute parfait) on choisit a = n + 2 et ainsi de suite jusquagrave ce que lon trouve un entier positif k tel que le nombre a = n + k soit tel que a2 ndash n est un carreacute parfait que lon eacutecrit alors comme b2 Ce processus a une fin en ce sens quon va eacuteventuelle-ment trouver un nombre b tel que b2 = a2 ndash n et cela parce que lon sait deacutejagrave que b = (s ndash r)2 fait laffaire

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Il obtient drsquoabord que n = 45 029 et commence ainsi avec

a = 45 029 + 1 = 45 030

comme 45 0302 ndash 2 027 651 281 = 49 619 nrsquoest pas un carreacute parfait il pose ensuite a = 45 031 qui ne produit pas non plus de carreacute parfait et ainsi de suite jusqursquoagrave ce qursquoil pose a = 45 041 qui donne

= minus

= =

b 45 041 2 027 651 281

1 040 400 1 020

2

Fermat conclut alors que n = 2 027 651 281 = 45 0412 ndash 1 0202 = (45 041 ndash 1 020)(45 041 + 1 020) = 44 021 times 46 061

Si on choisit de programmer cette meacutethode avec le logiciel de calcul Python1 on peut eacutecrire ceci (dans le cas particulier n = 2 027 651 281)

ce qui donnera

a = 45 041 et b = 1 020 et

n = 44 021times46 061

La meacutethode de Fermat est-elle reacuteellement efficace La reacuteponse courte est laquo Cela deacutepend de la nature du nombre agrave factoriser raquo2 Afin de donner une reacuteponse preacutecise agrave cette question eacutevaluons le nombre drsquoopeacuterations eacuteleacutementaires neacutecessaires pour exeacutecuter la meacutethode de Fermat Par laquo opeacuteration eacuteleacutementaire raquo on en-tend lrsquoaddition la soustraction la

multiplication la division lrsquoeacuteleacutevation agrave une puissance et lrsquoextraction de la racine carreacutee Une opeacuteration eacuteleacutementaire est aussi parfois appeleacutee une laquo eacutetape raquo On dira drsquoun algo-rithme qursquoil est laquo rapide raquo srsquoil srsquoexeacutecute en peu drsquoeacutetapes

Eacutetant donneacute un entier positif n qui nrsquoest pas un carreacute parfait on dit que les nombres d1 et d2 sont les diviseurs milieux de n si d1 est le plus grand diviseur de n infeacuterieur agrave n et d2 =nd1 On peut alors deacutemontrer que le nombre k drsquoeacutetapes requises pour factoriser n via la meacutethode de Fermat est exactement

k =d1 +d2

2 d1d2

soit essentiellement la diffeacuterence entre la moyenne arithmeacutetique et la moyenne geacuteo-meacutetrique des diviseurs d1 et d2 En effet comme on lrsquoa vu ci-dessus (encadreacute p 9) on a

Exeacutecuter lrsquoalgorithme de Fermat consiste donc agrave chercher le plus petit entier k ge1 tel que

n + k( )2 n est un entiera

Or n + k = a implique que k = a ndash n et cela entraicircne

k =d1 +d2

2 d1d2

Pour quels entiers lrsquoalgorithme de Fermat est-il rapide Le temps drsquoexeacutecution pour factoriser un en-tier n en utilisant lrsquoalgorithme de Fermat sera court si ses diviseurs milieux sont pregraves lrsquoun de lrsquoautre crsquoest-agrave-dire pregraves de n (voir lrsquoencadreacute p 11) En contrepartie si les divi-seurs milieux sont eacuteloigneacutes lrsquoun de lrsquoautre alors exeacutecuter la meacutethode de Fermat peut prendre davantage de temps que la simple veacuterification de la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers (voir lrsquoencadreacute p 12)

DossierApplications

1 Logiciel libre que lrsquoon peut teacuteleacutecharger gratuitement sur Internet

2 Voir Section problegravemes

On doit deacuteterminer a et b tels que

n = a2 ndash b2ougrave n et b sont les cathegravetes drsquoun triangle rectangle drsquohypoteacutenuse a Le cocircteacute b est tel que

b2 = a2 ndash n Lrsquohypoteacutenuse doit ecirctre plus grande que les cathegravetes soit

a gt nOn calcule a2 ndash n pour les entiers plus grands n soit

a = n + 1 a = n + 2

a = n + kLorsque (a2 ndash n) est un car-reacute parfait b2 on a alors

a2 ndash n = b2

drsquoougrave n = a2 ndash b2 = (a ndash b)(a + b)On en conclut que n est fac-torisable puisque (a ndash b) et (a + b) en sont des facteurs

La meacutethode de Fermat en image

aa2 gt n

a gt bb2 = a2 ndash n

n

nCarreacutedrsquoaire n

a + b

a ndash b

a ndash b

a + b

a + b

a

b

b

Rectangle drsquoaire n

import math

n = 2 027 651 281

a=mathfloor(mathsqrt(n))+1

b=mathsqrt(a2-n)

while b =int(b)

a+=1

print (a= d et b= d ---gt n= d x d (int(a)int(b)int(a-b)int(a+b))

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Tirer le maximum de la meacutethode de Fermat Comme on vient de le voir si la distance qui seacutepare les diviseurs milieux drsquoun entier n est grande la meacutethode de Fermat est peu efficace On peut contourner ce problegraveme en veacuterifiant au preacutealable la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers3 Par exemple supposons qursquoon ose srsquoattaquer agrave la factorisation du nombre de 16 chiffres n = 489 + 3 = 1 352 605 460 594 691 Appli-quer naiumlvement la meacutethode de Fermat nous amegravenera sans doute agrave abandonner notre ap-proche une fois rendu agrave quelques millions drsquoeacutetapes Une approche plus senseacutee consiste agrave drsquoabord identifier les possibles petits fac-teurs premiers de n soit en veacuterifiant la divisi-biliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave 10 000 ou 100 000 disons ce qursquoon sera en mesure de reacutealiser tregraves rapidement agrave lrsquoaide drsquoun logiciel de calcul Crsquoest ainsi qursquoon deacute-couvre que notre nombre n est divisible par 3 et 1 249 Le problegraveme se ramegravene alors agrave factoriser le nombre

=times

=nn

3 1 249360 983 576 3531

Appliquer la meacutethode de Fermat agrave ce nou-veau nombre donne

n1 = 587 201 times 614 753

et cela apregraves seulement 157 eacutetapes En ras-semblant nos calculs on obtient finalement que

n = 1 352 605 460 594 691

= 3 times 1 249 times n1

= 3 times 1 249 times 587 201 times 614 753

Dans cet exemple nous avons eacuteteacute chanceux car les deux plus grands facteurs premiers de n eacutetaient proches lrsquoun de lrsquoautre Il va de soi que ce nrsquoest pas toujours le cas Crsquoest pour-quoi si apregraves avoir eacutelimineacute les petits facteurs premiers de n la meacutethode de Fermat prend trop de temps agrave deacutevoiler ses grands facteurs premiers il est rassurant de savoir qursquoil existe drsquoautres avenues

Compliquer le problegraveme pour mieux le simplifier Une autre approche pour factoriser un nombre n est drsquoappliquer la meacutethode de Fermat agrave un nombre plus grand que n lui-mecircme en fait agrave un multiple de n Prenons par exemple le nombre n = 54 641 Comme ce nombre est relativement petit la meacutethode de Fermat trouvera sa factorisation agrave savoir n = 101 times 541 en 87 eacutetapes un nombre neacuteanmoins plutocirct grand compte tenu de la petite taille de n Toutefois si on avait su que lrsquoun des facteurs premiers de n eacutetait approximativement 5 fois son autre facteur premier on aurait pu preacutealablement multiplier n par 5 permet-tant ainsi au nouveau nombre 5n drsquoavoir ses

Algorithme (application rapide) lorsque les diviseurs milieux sont proches

Si les diviseurs milieux d1 lt d2 dun nombre n sont tels que la distance ∆ = d21048576ndash d1 qui les seacutepare satisfait agrave ∆ lt d1 et si k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n il deacutecoule de k =

d1 +d2

2 d1d2 que

kd d

d d

d dd

2( ) 1

21 1

1 11 1

1 11

lt + + minus + +

= + minus + +

Par ailleurs on peut montrer que lineacutegaliteacute

+ gt + minusyy y

1 12 8

2tient pour tout y isin (0 1)

Pour sen convaincre il suffit deacutelever chacun de ses cocircteacutes au carreacute et dutiliser le fait que y lt 1 En posant y = ∆d1 dans lrsquoineacutegaliteacute preacuteceacutedente il deacutecoule alors que

lt + minus + minus

+ = +k d dd d d2

112

18

118

11 11

2

12

2

1

lequel nombre est laquo petit raquo en autant que ∆ ne soit pas trop grand Ainsi pour n = 20 099 = 101 times 199 on obtient que

lttimes

+ ltk98

8 1011 13

2

un nombre deacutetapes relativement petit

3 Plus geacuteneacuteralement pour calculer le plus grand commun diviseur de deux entiers on peut utiliser lrsquoalgorithme drsquoEuclide lequel est tregraves rapide (voir lrsquoarticle laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo p 2 de ce numeacutero)

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DossierApplications

diviseurs milieux essentiellement du mecircme ordre de grandeur de sorte que la meacutethode de Fermat appliqueacutee au nombre 5n aurait reacuteveacuteleacute ses facteurs 505 et 541 en une seule eacutetape Il aurait ensuite suffi de veacuterifier lequel de 505 et de 541 avait laquo heacuteriteacute raquo du facteur artificiel 5 ce qui est bien sucircr tregraves facile agrave faire Voila qui est bien facile lorsqursquoon sait qursquoun des facteurs est proche drsquoun multiple drsquoun autre facteur une information dont on ne dispose malheureusement pas agrave lrsquoavance

Peut-on neacuteanmoins explorer cette approche pour un nombre composeacute arbitraire Lrsquoideacutee serait de consideacuterer le nombre n times r pour un choix approprieacute de r Par exemple si n = pq et r = uv nous aurons nr = pu times qv et si nous sommes chanceux les deux nouveaux diviseurs pu et qv (de nr) seront suffisamment proches lrsquoun de lrsquoautre pour nous permettre drsquoappli-quer lrsquoalgorithme de Fermat avec succegraves En 1974 utilisant un raffinement de cette ideacutee R Sherman Lehman est parvenu agrave montrer que lrsquoon peut en effet acceacuteleacuterer la meacutethode de Fermat et de fait factoriser un entier im-pair n en seulement n13 eacutetapes

Les nombreuses ameacuteliorations de lrsquoideacutee originale de FermatEst-il possible de faire encore mieux Dans les anneacutees 1920 Maurice Kraitchik ameacute-liorait la meacutethode de Fermat et on sait aujourdrsquohui que son approche a constitueacute la base des principales meacutethodes modernes de factorisation des grands nombres Lrsquoideacutee de Kraitchik est la suivante plutocirct que de cher-cher des entiers a et b tels que n = a2 ndash b2 il suffit de trouver des entiers u et v tels que u2 ndash v2 est un multiple de n Par exemple sachant que 1272 ndash 802 est un multiple du nombre n = 1 081 on peut encore une fois profiter de lrsquoidentiteacute

u2 ndash v2 = (u ndash v)(u + v)

Dans notre cas on peut eacutecrire que

1272 ndash 802 = (127 ndash 80)(127 + 80)

= 47 times207

Algorithme (application lente) lorsque les diviseurs milieux sont eacuteloigneacutes

Supposons par exemple que lon cherche agrave factoriser un nombre n de 20 chiffres qui en reacutealiteacute est le produit de deux nombres premiers lun fait de 5 chiffres et lautre de 15 chiffres Il deacutecoule alors de la for-mule

k =d1 +d2

2 d1d2

ougrave k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n par la meacutethode de Fermat qursquoon aura

gt+

minus

gt gt

k n10 10

2

102

ndash10 10

4 14

1410 13

alors quen testant simplement la divi-sibiliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave n lt 1010 cela aurait eacuteteacute au moins mille fois plus rapide

Maurice Kraitchik 1882-1957Matheacutematicien et vulgarisateur scientifique belge Kraitchik sest surtout inteacuteresseacute agrave la theacuteorie des nombres et aux matheacutematiques reacutecreacuteatives

Il est lrsquoauteur de plusieurs ouvrages sur la theacuteorie des nombres reacutedigeacutes entre 1922 et 1930 De 1931 agrave 1939 il a eacutediteacute la revue Sphinx un mensuel consacreacute aux matheacutematiques reacutecreacuteatives Eacutemigreacute aux Etats-Unis lors de la Seconde Guerre mondiale il a enseigneacute agrave la New School for Social Research agrave New York Il srsquoest particuliegraverement inteacuteresseacute au thegraveme geacuteneacuteral des reacutecreacuteations matheacutematiques

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Comme tout facteur premier de n doit obli-gatoirement ecirctre un facteur de 47 ou de 207 et comme 207 = 9 times 23 on peut rapidement conclure que n = 23 times 47 Bien sucircr pour que cette approche soit efficace il faut eacutelaborer des astuces permettant de trouver des multiples du nombre agrave factoriser qui puissent srsquoeacutecrire comme une diffeacuterence de deux carreacutes Or crsquoest preacuteciseacutement ce que plusieurs matheacutematiciens ont reacuteussi agrave faire au cours du vingtiegraveme siegravecle

Ougrave en est-on aujourdrsquohui On a vu qursquoen optimisant la meacutethode origi-nale de Fermat R Sherman Lehman pouvait factoriser un entier n en environ n13 eacutetapes Or dans les anneacutees 1980 en faisant intervenir des outils matheacutematiques plus avanceacutes dont des notions drsquoalgegravebre lineacuteaire Carl Pomerance a davantage peaufineacute la meacutethode originale de Fermat et creacuteeacute une nouvelle meacute-thode de factorisation connue sous le nom de crible quadratique On sait montrer que dans la pratique avec le crible quadratique

il suffit drsquoau plus timese n n(ln ) ln(ln ) eacutetapes pour factoriser un nombre arbitraire n ce qui peut faire une eacutenorme diffeacuterence lorsqursquoil srsquoagit de factoriser de tregraves grands nombres Crsquoest ain-si que le crible quadratique permet de facto-riser un nombre n de 75 chiffres en moins de

=

lt lt

times timese e

e 10 eacutetapes

ln(10 ) ln(ln10 ) 75ln10 ln(75ln10)

299 13

75 75

alors que la meacutethode de Lehman en requiert environ 1025

Et dire que toute cette panoplie de meacutethodes de factorisation ont leur origine dans une ideacutee de Fermat datant de plus de trois siegravecles et demi

Une belle application de la meacutethode de Fermat

On peut montrer que tout entier de la forme 4k4 + 1 peut ecirctre factoriseacutee en utilisant la meacutethode de Fermat en une seule eacutetape

Soit n = 4k4 + 1 On observe drsquoabord que

n 4k 4 +1= = 2k2

En utilisant la meacutethode de Fermat on choisit drsquoabord

a = n + 1 = 2k2 + 1

On veacuterifie ensuite si a2 ndash n est un carreacute parfait Pour y arriver on eacutecrit

a2 ndash n = (2k2 + 1)2 ndash (4k4 + 1)

= 4k4 + 4k2 + 1 ndash 4k4 ndash 1 = 4k2

qui est un carreacute parfait

On peut donc conclure quen posant 4k2 = b2 on a

n = a2 ndash b2 = (2k2 + 1)2 ndash (2k)2

= (2k2 ndash 2k + 1)(2k2 + 2k + 1)

ce qui fournit la factorisation souhaiteacutee

On peut utiliser cette information pour trouver par exemple la factorisation complegravete de n = 258 + 1

En effet commen = 4 times 256 + 1 = 4 times (214)4 + 1

est bien de la forme 4k4 +1 la meacutethode de Fermat devrait nous fournir ses deux diviseurs milieux du premier coup Effective-ment on a

a = n + 1 = 2k2 + 1 = 536 870 913

On a tout de suite

a2 ndash n = 10 73 741 824 = 32 7682 = b2

de sorte que

n = a2 ndash b2

= (53 68 70 913 ndash 32 768)(53 68 70 913 + 32 768)

= 53 68 38 145 times 53 69 03 681

Comme le premier de ces deux facteurs est de toute eacutevidence un multiple de 5 on peut donc conclure que

n = 258 + 1 = 5 times 107 367 629 times 536 903 681

fournissant ainsi la factorisation souhaiteacutee

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Doss

ierA

pplic

atio

ns

Il est facile drsquoemmecircler un fil de pecircche alors qursquoil est tregraves difficile de le deacutemecircler De mecircme certaines opeacuterations sur les nombres

sont faciles dans un sens et difficiles dans lrsquoautre On les appelle opeacuterations agrave sens unique Elles sont utiliseacutees pour la cryptographie

Lorsque vous envoyez votre numeacutero de carte de creacutedit par Internet agrave un site proteacutegeacute le logiciel crypte celui-ci par le code RSA du nom de ses inventeurs Ronald Rivest Adi Shamir et Leonard Adleman

Historiquement les codes secrets ont tous eacuteteacute perceacutes Mais le code RSA publieacute en 1978 reacutesiste encore malgreacute tous les efforts de la communauteacute matheacutematique pour le briser Il repose sur le fait que si on prend deux tregraves grands nombres premiers distincts p et q et qursquoon les multiplie pour obtenir n = pq alors il est hors de porteacutee des ordinateurs actuels2 de reacutecupeacuterer p et q Ainsi on peut se permettre de publier n la cleacute qui sert au cryptage sans crainte que quiconque puisse reacutecupeacuterer p et q qui servent au deacutecryptage Ce proceacutedeacute srsquoappelle la cryptographie agrave cleacute publique parce que la recette de cryptage est publique

Aussi surprenant que cela puisse paraicirctre il est facile pour un ordinateur de fabri-quer de grands nombres premiers Plusieurs algorithmes geacuteneacuterant de grands nombres premiers sont probabilistes Nous allons en preacutesenter un ci-dessous

Dans la cryptographie agrave cleacute publique les mes-sages sont des nombres m infeacuterieurs agrave n On demandera drsquoeacutelever le nombre m agrave une tregraves grande puissance e ougrave e est un nombre qui est eacutegalement public Le message encrypteacute a est le reste de la division de me par n Tou-jours surprenant il est facile pour un or-dinateur de calculer ce reste mecircme si m et e ont chacun 200 chiffres Nous allons voir comment Le deacutecryptage se fait de maniegravere symeacutetrique en calculant le reste de la division de ad par n Mais d est inconnuhellip et pour le calculer il faut connaicirctre p et q et donc factoriser n Donc seul le concepteur qui a choisi p et q peut lire le message

Combien de temps reacutesistera le code RSA Si ce nrsquoeacutetait que des progregraves de la factorisation des entiers et de lrsquoaugmentation de la puis-sance des ordinateurs il pourrait reacutesister en-core longtemps quitte agrave allonger un peu la cleacute n Mais crsquoest sans compter sur la preacute-sence possible drsquoun nouveau venu lrsquoordina-teur quantique Cet ordinateur nrsquoexiste pas encore Par contre un algorithme rapide de factorisation sur un ordinateur quantique lrsquoalgorithme de Shor existe depuis 1997 Nous allons nous pencher sur lrsquoideacutee de cet algorithme

Christiane Rousseau Universiteacute de Montreacuteal

2 Voir lrsquoarticle laquo Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres raquo de Jean-Marie De Koninck p 8 de ce numeacutero

Comme 1 est le pgcd1 de e et de φ(n) on peut eacutecrire via lrsquoalgo-rithme drsquoEuclide

1 = 10 times 1 456 ndash 633 times 23Donc 1 = 10 times 1 456 ndash (1 456-823) times 23ou encore

1= ndash13 times 1 456 + 823 times 23Comme 823 times 23 =13 times 1 456 + 1 le reste de la division de ed par φ(n) vaut bien 1

1 Voir laquo Algorithmes dans lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

Calculer le reste de la division de me par nEacutecrivons la deacutecomposition de e = 23 en somme de puissances de 2

e = 1 + 2 + 4 + 16

Alors

m e = m m2 m4 m16

On va donc y aller pas agrave pas pour calculer ces puissances et agrave chaque eacutetape on va diviser par n Le reste de la division de m2 par n est 1 126 Remarquons que m4 = (m2)2 Le reste de la division de m4 par n est donc le mecircme que le reste de la division de 1 1262 par n

1 1262 = 823n + 1 388

De mecircme le reste de la division de m8 par n est le mecircme que le reste de la division de 1 3882 par n

1 3882 = 1 253n + 683

Finalement le reste de la division de m16 par n est le mecircme que le reste de la division de 6832 par n

6832 = 303n + 778

On remet le tout ensemble Le reste de la division de m23 par n est le mecircme que le reste de la division de

1 234 1 126 1 388 778

par n qui est bien a = 1 300 Dans la ligne qui preacutecegravede on peut aussi alterner entre faire des

multiplications et diviser les produits partiels par n pour ne pas laisser grossir les expressions Ces calculs sont faciles pour des ordinateurs mecircme quand les nombres sont tregraves grands

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un exemple de fonctionnement du code RSAAline veut pouvoir recevoir des mes-sages secrets de Bernard Elle construit donc un systegraveme agrave cleacute publique pour re-cevoir de tels messages Elle prend les nombres premiers p = 29 et q = 53 La cleacute est n =1 537 Elle aura besoin du nombre

φ(n) = (p ndash 1)(q ndash 1) = 1 456

Elle choisit e relativement premier avec φ(n) par exemple e = 23 Soit d = 823 Il a eacuteteacute construit pour que le reste de la division de ed par φ(n) soit 1 (voir encadreacute ci-contre) Pour ce il fallait connaitre φ(n) et donc la factorisation de n ce qui est difficile pour quelqursquoun ne connaissant pas p et q Aline publie n et e Bernard veut lui envoyer le message

m = 1 234

Pour le crypter il lrsquoeacutelegraveve agrave la puissance e = 23 et le divise par n Ceci lui donne le message crypteacute

a = 1 300

qursquoil envoie agrave Aline Celle-ci utilise d connu drsquoelle seule pour calculer le reste de la divi-sion de ad par n Ce reste est preacuteciseacutement le message m = 1 234

Lrsquoexemple eacutetait avec de petits nombres Mais comment faire les calculs quand les nombres sont gros Il faut se rappeler que ce qui nous inteacuteresse ce ne sont pas les nombres me et

ad mais seulement le reste de leur division par n Alors il ne faut pas laisser grossir les calculs Il faut plutocirct alterner entre prendre des puissances et diviser par n (Voir deacutetails dans lrsquoencadreacute)

Construire de grands nombres premiersLrsquoideacutee est la suivante Si on veut construire un grand nombre premier de 100 chiffres on geacutenegravere au hasard un nombre de 100 chiffres et on laquo teste raquo srsquoil est premier Srsquoil ne lrsquoest pas on recommence avec un autre nombre geacuteneacute-reacute au hasard jusqursquoagrave ce qursquoon tombe sur un nombre premier

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Premiegravere question combien faut-il faire de tests en moyenne Un nombre de 100 chiffres est un nombre de lrsquoordre de 10100 Le theacuteoregraveme des nombres premiers nous dit que si N est grand il y a environ N ln N nombres premiers infeacuterieurs ou eacutegaux agrave N Si on choisit au ha-sard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 la chance qursquoil soit premier est donc drsquoenviron

N1

ln1

ln101

100ln101

230100= = =

On peut faire mieux la moitieacute des nombres sont pairs et parmi les nombres impairs on peut eacuteliminer les multiples de 5 Donc si on choisit au hasard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 qui se termine par 1 3 7 ou 9 on a une chance sur 92 qursquoil soit pre-mier (40 des nombres se terminent par 1 3 7 9 et 410 de 230 donne 92) Ceci signi-fie qursquoen moyenne apregraves 92 tests on a trou-veacute un nombre premier Faire 92 tests est fa-cile pour un ordinateur

Ceci nous amegravene agrave la deuxiegraveme question que signifie laquo tester raquo qursquoun nombre p est pre-mier On a appris agrave le faire en cherchant si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p ce qui revient agrave factoriser partiellement p Mais factoriser est difficile pour un ordinateurhellip

On peut faire mieux Srsquoil est facile de tester si un nombre p est premier crsquoest parce qursquoon peut le faire sans factoriser p Lrsquoideacutee est la suivante Si p nrsquoest pas premier il laisse

ses empreintes partout Dans le test de primaliteacute de Miller-Rabin si p nrsquoest pas pre-mier au moins les trois-quarts des nombres entre 1 et p ont une empreinte de p crsquoest-agrave-dire qursquoils sont des teacutemoins du fait que p nrsquoest pas premier Le test pour deacutecider si un nombre est un teacutemoin est un peu tech-nique (voir encadreacute page ci-contre) Mais ce test est facile pour un ordinateur On choisit au hasard des nombres a1 am le p Si lrsquoun des ai est un teacutemoin on conclut que p nrsquoest pas premier Si aucun des ai nrsquoest un teacutemoin alors p a une tregraves grande chance drsquoecirctre pre-mier Par exemple si m = 100 la chance que p ne soit pas premier sachant que a1 am ne sont pas des teacutemoins est infeacuterieure ou eacutegale agrave 10ndash58 soit tregraves tregraves petite

Peut-on se fier agrave un algorithme probabiliste Les informaticiens le font reacuteguliegraverement degraves qursquoils ont besoin de grands nombres premiers et on nrsquoobserve pas de catas-trophe autour de nous On voit drsquoailleurs qursquoon pourrait transformer cet algorithme probabiliste de primaliteacute en algorithme deacute-terministe il suffirait de tester au moins le quart des nombres a isin 2 p ndash1 Si aucun nrsquoest un teacutemoin alors on peut affir-mer avec certitude que p est premier Mais cet algorithme serait sans inteacuterecirct car il requerrait de regarder si p4 nombres sont des teacutemoins alors que lrsquoalgorithme usuel de factorisation demande de regarder si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p et

pp4

lt degraves que p gt 16

Casser le code RSA sur un ordinateur quantiqueEn 1997 Peter Shor a annonceacute un algo-rithme qui casserait le code RSA sur un ordinateur quantique qui nrsquoexiste pas encorehellip Que signifie cette affirmation Lrsquoalgorithme de Shor est simplement un autre algorithme de factorisation Il fonc-tionnerait sur un de nos ordinateurs mais il serait moins bon que les meilleurs algo-rithmes de factorisation La limite de nos ordinateurs est le paralleacutelisme On ne peut faire qursquoun nombre limiteacute drsquoopeacuterations en parallegravele

DossierApplications

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Quelques avantages de la cryptographie agrave cleacute publique

La cryptographie agrave cleacute publique est tregraves utile quand des milliers de personnes par exemple des clients peuvent vouloir envoyer leur numeacutero de carte de creacutedit agrave une mecircme compagnie

La meacutethode drsquoencryptage est publique et seule la compagnie peut deacutecrypter les messages chiffreacutes

Un autre avantage est que deux interlocuteurs nrsquoont pas besoin drsquoeacutechanger de lrsquoinformation secregravete par exemple une cleacute pour communiquer de maniegravere seacutecuritaire Il suffit que chacun publie son systegraveme de cryptographie agrave cleacute publique

Le systegraveme RSA permet de signer un message pour srsquoassurer qursquoil provient bien de la bonne personne Dans notre exemple pour que Bernard signe son message il faut qursquoil construise son propre sys-tegraveme agrave cleacute publique dont il publie la cleacute nrsquo et la cleacute de cryptage ersquo Il se servira de sa cleacute de deacutecryptage drsquo pour apposer sa signature sur le message

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un ordinateur est composeacute de transistors qui fonctionnent agrave la maniegravere drsquointerrup-teurs en ayant deux positions OUVERT et FERMEacute que lrsquoon peut coder comme des bits drsquoinformation 0 ou 1 Un nombre de 200 chiffres est infeacuterieur agrave 10200 lt 2665 et donc peut srsquoeacutecrire avec 665 bits Tester srsquoil a un diviseur premier infeacuterieur agrave 10100 lt 2333 revient agrave regarder toutes les suites de 333 bits eacutegaux agrave 0 ou 1 Un travail titanesque sauf si lrsquoordinateur a un grand paralleacutelisme Dans un ordinateur quantique les bits drsquoinformation sont des bits quantiques ils peuvent ecirctre dans un eacutetat superposeacute entre 0 et 1 Lrsquoimage que lrsquoon pourrait donner est celle drsquoun sou Une fois lanceacute il tombe sur PILE ou sur FACE Mais avant de le lancer il a probabiliteacute 12 de tomber sur PILE et probabiliteacute 12 de tomber sur FACE On pourrait dire qursquoil est dans un eacutetat superposeacute Le fait que m bits quantiques soient dans un eacutetat superposeacute implique qursquoils peuvent faire simultaneacutement les 2m opeacutera-tions diffeacuterentes correspondant agrave tous les choix de valeurs 0 ou 1 pour chacun des bits Par contre de mecircme que notre sou tombe neacutecessairement sur PILE ou sur FACE degraves qursquoon veut observer un bit quantique il prend neacutecessairement la valeur 0 ou la valeur 1 et donc on ne peut observer le reacutesultat de tous les calculs faits en parallegravele La subtiliteacute de lrsquoalgorithme de Shor vient du fait qursquoon pourra reacutecupeacuterer le reacutesultat du calcul lequel donne une factorisation de p si p nrsquoest pas premier

Le nombre 15 a eacuteteacute factoriseacute sur un ordi-nateur quantique en 2007 et en 2012 on a factoriseacute 143 = 11x13 Les progregraves semblent lents depuis ce temps Le deacutefi technologique de lrsquoordinateur quantique est de maintenir de nombreux bits en eacutetat superposeacute Ce recircve deviendra-t-il reacutealiteacute Mecircme si les progregraves semblent lents les experts y croient de plus en plus

Tester si un nombre est un teacutemoinOn veut tester si p impair est premier Alors on peut eacutecrire p ndash 1 qui est pair comme p ndash 1 = 2sd ougrave d est impair

(Il suffit de diviser p ndash 1 par 2 successive-ment jusqursquoagrave ce que le quotient soir im-pair) Soit a isin 2 p ndash1

Critegravere pour ecirctre teacutemoin Si a est un teacute-moin que p nrsquoest pas premier alors on a simultaneacutement que le reste de la division de ad par p est diffeacuterent de 1 et que les restes de la division de a d2r

par p sont diffeacuterents de p ndash 1 pour tous les r isin 0 s ndash1

Regardons un premier exemple Prenons p = 13 Alors p ndash 1 = 22 3 Ici d = 3 et s = 2 Voyons que p nrsquoa aucun teacutemoin

La premiegravere colonne du tableau agrave gauche donne a la deuxiegraveme colonne donne

le reste de la division de ad = a3 par p et la troisiegraveme colonne le reste de la division de a2d = a6 par p

On voit bien que pour chaque a soit on a un 1 dans le premiegravere colonne ou bien un 1 ou un 12 dans la deuxiegraveme colonne et donc aucun a nrsquoest un teacutemoin de 13 On sait alors que 13 est premier

Refaisons lrsquoexercice avec p = 15 Alors p ndash 1 = 2 7 Comptons combien p a de teacutemoins Ici la deuxiegraveme colonne repreacutesente le reste de la division de ad= a7 par p Tous les a sauf 14 sont des teacutemoins et chacun nous dit que 15 nrsquoest pas premier

Mais bien sucircr apprendre qursquoun nombre a est un teacutemoin que p nrsquoest pas premier ne nous apprend rien de la factorisation de p

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1212121211

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a23456789

1011121314

Le fonctionnement de lrsquoalgorithme de Shor

On veut factoriser un entier n Lrsquoalgo-rithme de Shor cherche un diviseur d de n qui soit diffeacuterent de 1 et de n Ensuite on peut iteacuterer en cherchant un diviseur de lrsquoentier S = nd Voyons qursquoil suffit de trouver un entier r tel que n divise r2 ndash 1 = (r ndash 1)(r + 1) mais n ne divise ni r ndash 1 ni r + 1 Puisque n divise r2 ndash 1 il existe un entier m tel que r2 ndash 1 = mn Soit p un facteur premier de n Alors p divise r ndash 1 ou encore p divise r + 1 Dans le premier cas d est le pgcd de r ndash 1 et n et dans le deuxiegraveme cas celui de r + 1 et n Calculer le pgcd de deux nombres par lrsquoalgorithme drsquoEuclide3 est facile pour un ordinateur Comment construire un tel entier r est un peu technique et nous ne ferons pas les deacutetails

3 Voir laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

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Si la notion de logarithme paraicirct aujourdrsquohui tout agrave fait naturelle sa conceptualisation et sa mise en œuvre au plan pratique au deacutebut

du 17e siegravecle nrsquoont point eacuteteacute une mince affaire Premiers eacutepisodes de cette foisonnante saga

Peu de temps apregraves leur introduction par John Napier (1550-1617) au tout deacutebut du 17e siegravecle les logarithmes se sont rapidement imposeacutes comme un laquo merveilleux raquo1 outil essentiel en astronomie et en navigation deux domaines scientifiques particuliegraverement avanceacutes agrave cette eacutepoque et qui venaient avec leur lot de calculs proprement titanesques Crsquoest dans un tel contexte qursquoil faut entendre le ceacutelegravebre aphorisme ducirc au matheacutematicien physicien et astronome franccedilais Pierre-Simon Laplace2 (1749-1827) qui srsquointeacuteressant dans le cadre drsquoun survol historique de lrsquoastronomie aux travaux de Johannes Kepler (1571-1630) affirmait que la deacutecouverte des logarithmes mdash combineacutee agrave lrsquoarithmeacutetique des Indiens crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecriture des nombres dans un systegraveme positionnel mdash avait pour ainsi dire doubleacute la vie des astronomes (voir encadreacute)

La preacutehistoire des logarithmesIssu entiegraverement de lrsquolaquo esprit humain raquo selon les dires de Laplace le concept de logarithme repose sur une ideacutee somme toute assez na-turelle consideacuterant diverses puissances drsquoun mecircme nombre on porte lrsquoattention sur les exposants de ces puissances Par exemple srsquoagissant des entiers

64 256 1024 et 4096crsquoest-agrave-dire respectivement

43 44 45 et 46on envisage plutocirct les exposants

3 4 5 et 6

Sur la base de ces donneacutees on pourrait conclure immeacutediatement mdash si on dispose drsquoune table de puissances de 4 mdash que

256 times 4 096 = 1 048 576prenant appui sur le fait que

44 times 46 = 44 + 6 = 410

(on applique ici une regravegle de base des exposants qui va de soi lorsque ceux-ci sont des entiers naturels) Il nrsquoest pas eacutetonnant que des telles intuitions aient pu se retrouver il y a fort longtemps

Jeacuterocircme Camireacute-Bernier

Bernard R Hodgson Universiteacute Laval

1 Renvoi agrave lrsquoeacutepithegravete mirifique (archaiumlque de nos jours) utiliseacutee par Napier lui-mecircme Lrsquoex-pression mirifique invention de notre titre est emprunteacutee agrave Jean-Pierre Friedelmeyer (voir le Pour en savoir plus)

2 Alias Pierre-Simon de Laplace Aussi homme politique il fut nommeacute marquis en 1817 (drsquoougrave la particule nobiliaire)

Laplace agrave propos des logarithmeslaquo Il [Kepler] eut dans ses derniegraveres anneacutees lrsquoavantage de voir naicirctre et drsquoemployer la deacutecouverte des logarithmes due agrave Neper baron eacutecossais artifice admirable ajouteacute agrave lrsquoingeacutenieux algorithme des Indiens et qui en reacuteduisant agrave quelques jours le travail de plusieurs mois double si lrsquoon peut ainsi dire la vie des astronomes et leur eacutepargne les erreurs et les deacutegoucircts inseacuteparables des longs calculs invention drsquoautant plus satis-

faisante pour lrsquoesprit humain qursquoil lrsquoa tireacutee en entier de son propre fonds dans les arts lrsquohomme se sert des mateacuteriaux et des forces de la nature pour accroicirctre sa puissance mais ici tout est son ouvrage raquo

Exposition du systegraveme du monde Livre V Chapitre IV

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

Un peu de vocabulaire

Eacutetant donneacute deux reacuteels (positifs) x et y leur moyenne arithmeacutetique

est donneacutee par x y2+ et leur moyenne geacuteomeacutetrique par xy

Ces appellations trouvent leur origine dans les matheacutematiques grecques de lrsquoAntiquiteacute notamment de lrsquoeacutepoque de Pythagore

Lrsquoarithmeacutetique de lrsquoeacutecole pythagoricienne portant sur lrsquoeacutetude des entiers (et des rapports simples drsquoentiers) on voit immeacutediatement pourquoi la premiegravere moyenne est dite laquo arithmeacutetique raquo Quant agrave la moyenne laquo geacuteomeacutetrique raquo elle fait intervenir une opeacuteration qui megravene agrave des grandeurs geacuteneacuteralement au-delagrave du champ des entiers Or le domaine qui eacutetudie les grandeurs par exemple les segments de droite est justement la geacuteomeacutetrie

On peut montrer que dans une suite arithmeacutetique un terme donneacute (agrave partir du deuxiegraveme) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins Et de mecircme mutatis mutandis pour une suite geacuteomeacutetrique (Voir la Section problegravemes)

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Ainsi sur la partie infeacuterieure de la tablette meacutesopotamienne MLC 020783 datant drsquoentre 1900 et 1600 avant notre egravere se trouve le tableau ci-haut (les nombres sont donneacutes ici en notation moderne et non en eacutecriture cu-neacuteiforme) on y reconnaicirct immeacutediatement la liste des premiegraveres puissances de 2 ainsi que les exposants correspondants

Lrsquousage a consacreacute lrsquoexpression suite arith-meacutetique (ou progression arithmeacutetique selon une tournure un brin suranneacutee) pour une liste de nombres qui comme dans la colonne de droite de ce tableau croissent (ou deacutecroissent) reacuteguliegraverement de maniegravere additive

a a + d a + 2d a + nd

a repreacutesentant le premier terme de la suite et d la diffeacuterence entre deux termes conseacute-cutifs mdash crsquoest-agrave-dire de combien lrsquoun de ces termes est plus grand que lrsquoautre4 (Le tableau preacuteceacutedent correspond au cas ougrave a = 1 et d = 1) Lorsque les nombres de la liste sont relieacutes multiplicativement

a ar ar2 arn

on parlera de suite (ou progression) geacuteomeacute-trique la constante r repreacutesentant cette fois le rapport entre deux termes conseacutecutifs mdash crsquoest-agrave-dire combien de fois lrsquoun est plus grand que lrsquoautre4 (Dans la colonne de gauche du tableau on a a = 2 et r = 2) (Voir lrsquoencadreacute Un peu de vocabulaire pour le sens des mots laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo dans un tel contexte)

Selon cette nomenclature la tablette MLC 02078 peut donc srsquointerpreacuteter comme la mise en comparaison de deux suites lrsquoune arithmeacutetique et lrsquoautre geacuteomeacutetrique Ce type de situation se retrouve agrave diverses eacutepoques au fil des acircges Ainsi en est-il question dans un autre document de lrsquoAntiquiteacute LrsquoAreacutenaire traiteacute dans lequel Archimegravede (-287 ndash -212) se donne comme objectif de deacuteterminer le nombre de grains de sable dont le volume serait eacutegal agrave celui du laquo monde raquo5 Parmi les outils dont se sert alors le grand matheacutematicien grec se retrouve la manipulation simultaneacutee drsquoune suite arithmeacutetique et drsquoune suite geacuteomeacutetrique ce qui lrsquoamegravene (en termes modernes) agrave identifier au passage la regravegle drsquoaddition des exposants

bm times bn = bm +n

(voir la Section problegravemes) et donc le prin-cipe de transformation drsquoune multiplication en une addition agrave la base des logarithmes

3 Pour Morgan Library Collection Cette tablette se retrouve dans la collection de lrsquoUniversiteacute Yale aux Eacutetats-Unis

4 Cette faccedilon de parler est utiliseacutee par Euler lorsqursquoil introduit les notions de rapports arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique dans ses Eacuteleacutements drsquoalgegravebre (1774) mdash voir Section troisiegraveme laquo Des rapports amp des propor-tions raquo entre autres les articles 378 398 et 505

5 Une des difficulteacutes auxquelles fait ici face Archimegravede est de reacutealiser cet objectif dans le cadre du systegraveme de numeacuteration grec qui nrsquoeacutetait pas propice pour exprimer aiseacutement de tregraves grands nombres Mais cela est une autre histoirehellip

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Tablette MLC 02078 (1900-1600 avant notre egravere)

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Cette mecircme ideacutee se retrouve plusieurs siegravecles plus tard dans Le Triparty en la science des nombres (1484) du Franccedilais Nicolas Chuquet (1445-1488) Dans la troisiegraveme partie de cet ouvrage Chuquet introduit des regravegles cal-culatoires de nature algeacutebrique Il srsquointeacuteresse alors notamment aux valeurs des puis-sances de 2 depuis 1 jusqursquoagrave 1 048 576 qursquoil aligne en colonnes avec les exposants entiers correspondants (qursquoil appelle laquo deacuteno-minations raquo) de 0 jusqursquoagrave 20 et note que la multiplication de nombres de la premiegravere colonne correspond agrave lrsquoaddition de nombres dans la seconde Il identifie aussi une autre regravegle de base des exposants

b b( )m n mn=(encore une fois exprimeacutee ici en notation moderne) Agrave noter que Chuquet utilise une notation avec indice sureacuteleveacute (comme nous le faisons aujourdrsquohui)6 et qursquoen plus de lrsquoexposant 0 il considegravere des exposants (entiers) neacutegatifs Au milieu du 16e siegravecle lrsquoAllemand Michael Stifel (1487-1567) reprendra les mecircmes thegravemes dans son Arithmetica integra (1544) ougrave il parle expli-citement de la relation entre une progression arithmeacutetique et une progression geacuteomeacutetrique Crsquoest drsquoailleurs agrave Stifel que lrsquoon doit le vocable exposants pour deacutesigner les nombres de la suite arithmeacutetique en jeu

Si quelques-uns des principes servant de fondements agrave la notion de logarithme se per-ccediloivent dans les commentaires qui preacutecegravedent on est encore loin du logarithme en tant que tel Pour qursquoune correspondance entre une suite geacuteomeacutetrique et une suite arithmeacutetique devienne un veacuteritable outil de calcul il faut en effet laquo boucher les trous raquo entre les puissances (entiegraveres) successives Il peut ecirctre inteacuteressant comme le souligne Chuquet de conclure gracircce agrave sa table des puissances de 2 que le produit de 128 et 512 est 65 536 Mais cela ne nous renseigne en rien par exemple sur le produit 345 times 678 On voit mecircme Chuquet dans un appendice au Tripar-ty chercher agrave reacutesoudre des problegravemes dans lesquels un exposant fractionnaire est rechercheacute mdash mais sans deacutevelopper pour autant drsquoapproche systeacutematique agrave cette fin

Certains eacuteleacutements (timides) agrave cet eacutegard se retrouvent il y a fort longtemps Ainsi le tableau numeacuterique ci-contre figure lui aussi sur la tablette MLC 02078 (dans sa partie supeacuterieure) On y voit une progression arith-meacutetique de diffeacuterence frac-tionnaire ecirctre juxtaposeacutee agrave une progression geacuteomeacutetrique agrave savoir des puissances de 16 Mais peu semble avoir eacuteteacute fait pour pousser plus loin de telles asso-ciations jusqursquoagrave lrsquoarriveacutee de Napier

Les logarithmes agrave la NapierTout eacutetudiant est aujourdrsquohui familier avec le fait que le passage drsquoun nombre donneacute agrave son logarithme (selon une certaine base) revient agrave identifier lrsquoexposant dont il faut affecter cette base pour retrouver le nombre en cause Ayant fixeacute un reacuteel b (positif et diffeacuterent de 1) et consideacuterant un reacuteel positif x le logarithme de x dans la base b noteacute logbx est donc par deacutefinition lrsquoexposant (reacuteel) u tel que bu = x Une telle vision il faut le souligner demeure relativement tardive par rapport agrave lrsquointuition originale de logarithme nrsquoeacutetant devenue la norme que pregraves drsquoun siegravecle et demi apregraves les travaux de lrsquoEacutecossais John Napier7 mdash voir lrsquoencadreacute Les traiteacutes de Napier mdash lorsque Leonhard Euler (1707-1783) en a fait la pierre drsquoassise de son traitement de la fonction logarithmique8 dans son Introduc-tio in analysin infinitorum (1748) Acceptant les proprieacuteteacutes de la fonction exponentielle bu pour des reacuteels b et u quelconques on tire im-meacutediatement de cette deacutefinition la proprieacuteteacute de base du logarithme

logb xy = logb x + logb y

ce qui permet de transformer une multi-plication en une addition de mecircme que les eacutegaliteacutes similaires pour le logarithme drsquoun quotient ou drsquoune puissance

DossierHistoire

6 La notation exponentielle aujourdrsquohui usuelle telle a2 ou a3 se reacutepandra apregraves son utilisa-tion par Reneacute Descartes (1596-1650) dans son traiteacute La geacuteomeacutetrie (1637)

7 Voir Andreacute Ross laquo John Napier raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 8-11

8 Cette approche drsquoEuler peut ecirctre vue comme une illustration remarquable de lrsquoim-pact drsquoune bonne notation en vue de clarifier et faciliter la deacutemarche de la penseacutee

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

On observera que lrsquoideacutee drsquoun lien entre deux suites lrsquoune geacuteomeacutetrique et lrsquoautre arithmeacutetique bien que sous-jacente agrave la derniegravere eacutegaliteacute nrsquoest pas pour autant expli-citement mise en eacutevidence dans cette vision moderne (post-euleacuterienne) du logarithme Or agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier introduit ses loga-rithmes lrsquoideacutee de laquo fonction raquo nrsquoest pas dans lrsquoair du temps mdash elle ne surgira de fait que vers la fin du 17e siegravecle dans la mouvance des travaux sur le calcul infiniteacutesimal mdash de sorte que la comparaison de suites (geacuteomeacutetrique et arithmeacutetique) demeure la principale source drsquoinspiration de ses travaux

Une autre mouvance de lrsquoeacutepoque visait agrave se doter drsquooutils permettant de simplifier lrsquoexeacutecution de calculs arithmeacutetiques portant sur de gros nombres Dans un texte preacuteceacute-dent9 nous avons preacutesenteacute entre autres la meacutethode de prosthapheacuteregravese utiliseacutee vers la fin du 16e siegravecle en vue de transformer une multiplication en addition ou une division en soustraction La populariteacute de telles meacutethodes notamment dans les cercles astronomiques a certainement contribueacute agrave convaincre Napier de lrsquoimportance de deacuteve-lopper des outils permettant de raccourcir les calculs y compris dans le cas de lrsquoexponen-tiation ou de lrsquoextraction de racine Il en fait drsquoailleurs mention explicitement dans la preacute-face de son Descriptio Soulignant le caractegravere peacutenible dans la pratique des matheacutematiques de la multiplication division ou extraction de racine carreacutee ou cubique de grands nombres Napier insiste non seulement sur le temps re-quis pour exeacutecuter ces opeacuterations mais aus-si sur les nombreuses erreurs qui peuvent en reacutesulter Agrave la recherche drsquoune meacutethode sucircre et expeacuteditive afin de contourner ces difficul-teacutes il annonce qursquoapregraves lrsquoexamen de plusieurs proceacutedeacutes il en a retenu un qui rencontre ses attentes

laquo Agrave la veacuteriteacute aucun proceacutedeacute nrsquoest plus utile que la meacutethode que jrsquoai trouveacutee Car tous les nombres utiliseacutes dans les multiplica-tions les divisions et les extractions ar-

dues et prolixes de racines sont rejeteacutes des opeacuterations et agrave leur place sont substitueacutes drsquoautres nombres sur lesquels les calculs se font seulement par des additions des soustractions et des divisions par deux et par trois raquo10

La vision geacuteomeacutetrico- cineacutematique de NapierUn troisiegraveme eacuteleacutement sur lequel srsquoappuie Napier dans sa creacuteation des logarithmes est la geacuteomeacutetrie mdash plus preacuteciseacutement la geacuteomeacutetrie du mouvement Il a en effet lrsquoideacutee de comparer le deacuteplacement de deux points lrsquoun bougeant selon une vitesse11 variant de maniegravere telle que les distances parcourues en des intervalles de temps eacutegaux forment une progression geacuteomeacute-trique tandis que lrsquoautre point bougeant agrave vitesse constante deacute-termine des distances en progression arith-meacutetique Le support geacuteomeacutetrique dont se sert alors Napier peut se deacutecrire comme suit

9 Voir laquo Eacutemergence logarithmique tables et calculs raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 2-7

10 Tireacute de la preacuteface du Mirifici logarithmorum canonis descriptio (traduction personnelle)

11 Napier introduit lrsquoideacutee de mouvement degraves la deacutefinition 1 du Descriptio Il utilise explicite-ment le terme laquo vitesse raquo agrave la deacutefinition 5

Les traiteacutes de NapierCrsquoest degraves lrsquoanneacutee 1594 que Na-pier entame les travaux qui lrsquoamegraveneront agrave la notion de loga-rithme En 1614 il fait connaicirctre son invention en publiant un premier traiteacute sur le sujet mdash reacutedigeacute en latin la langue des savants de lrsquoeacutepoque Mirifici lo-garithmorum canonis descrip-tio (crsquoest-agrave-dire Description de la merveilleuse regravegle des loga-rithmes) Il srsquoagit de la premiegravere publication drsquoune table de lo-garithmes qui occupent les 90 derniegraveres pages du traiteacute Cette table est preacuteceacutedeacutee drsquoun texte de 57 pages ougrave Napier explique

ce que sont les logarithmes et comment les utiliser

Un second traiteacute de Napier sur le sujet est un ouvrage reacutedigeacute avant la parution du Descriptio mais publieacute par lrsquoun de ses fils seulement en 1619 deux ans apregraves sa mort Mirifici loga-rithmorum canonis constructio (Construction de la merveilleuse regravegle des logarithmes) Dans un texte drsquoenviron 35 pages (ac-compagneacute drsquoappendices) Na-pier preacutesente la theacuteorie sur la-quelle il srsquoest appuyeacute pour construire sa table

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Eacutetant donneacute un segment AB de longueur deacutetermineacutee il considegravere un point P partant de A avec une vitesse initiale donneacutee et se deacuteplaccedilant vers B en une seacuterie de laquo pas raquo P1 P2 P3 Pn

Napier stipule (Descriptio deacutefinition 2) que la vitesse de deacuteplacement de P le long de AB deacutecroicirct de maniegravere telle que en des temps eacutegaux la longueur de chacun des inter-valles AP1 P1P2 P2P3 P3P4 successivement parcourus par P est proportionnelle agrave la dis-tance seacuteparant P de sa cible B (lorsqursquoil est agrave lrsquoextreacutemiteacute gauche de chaque intervalle)12

APAB

P PP B

P PP B

P PP B

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On tire immeacutediatement de ces eacutegaliteacutes que

P BAB

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P BP B

P BP B

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3

= = = =

(voir la Section problegravemes) de sorte que la suite de segments AB P1B P2B P3B qui correspond aux distances entre les diverses positions de P et lrsquoextreacutemiteacute B forme une suite geacuteomeacutetrique deacutecroissante (Construc-tio article 24) la longueur de chacun drsquoeux est en effet la moyenne geacuteomeacutetrique de ses deux voisins Napier considegravere alors un second point Q se deacuteplaccedilant agrave vitesse constante sur une demi-droite (donc illimiteacutee dans un sens) et de maniegravere telle qursquoau moment ougrave P passe par Pi le point Q est en un point Qi = i (voir la Section problegravemes)

Lrsquoideacutee de Napier est drsquoassocier la suite arith-meacutetique

0 1 2 3 n

correspondant aux positions successives de Q agrave la suite geacuteomeacutetrique deacutetermineacutee par les segments

AB P1B P2B P3B PnB

Mais pour que cette association soit com-plegravete il faut la geacuteneacuteraliser agrave un emplacement quelconque de P sur AB outre les positions laquo discregravetes raquo P1 P2 P3 Voici le tour de passe-passe permettant agrave Napier de contourner cette difficulteacute

Puisque des distances parcourues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est propor-tionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (voir la Section problegravemes) Ainsi quand P est agrave mi-chemin dans son trajet de A vers B sa vitesse a diminueacute de moitieacute par rapport agrave sa vitesse initiale Et quand il est rendu aux deux-tiers de lrsquointervalle AB sa vitesse ne vaut plus que le tiers de celle de deacutepart

Passant agrave une vision laquo lisse raquo mdash et non plus par laquo pas raquo mdash du deacuteplacement de P Napier en vient agrave consideacuterer ce point comme chan-geant laquo continucircment raquo de vitesse13 mdash et non pas de maniegravere abrupte et instantaneacutee en chaque point Pi Pour rester dans les mecircmes conditions que preacuteceacutedemment il suppose donc que P se deacuteplace laquo geacuteomeacute-triquement raquo de A vers B crsquoest-agrave-dire de maniegravere telle que la vitesse de P est toujours proportionnelle agrave la distance qui le seacutepare de B (Constructio article 25)

Les laquo logarithmes agrave la Napier raquo sont main-tenant agrave porteacutee de main Supposant drsquoune part que les deux points P et Q entament leur deacuteplacement agrave la mecircme vitesse le premier selon une vitesse deacutecroissant geacuteomeacutetriquement de A vers B et le second agrave vitesse constante agrave partir de 0 et suppo-sant de plus que le point Q est en y lorsque le point P est agrave une distance x de B alors y est appeleacute par Napier le logarithme de x (On eacutecrira ici par commoditeacute y = Nlog(x))

Crsquoest ainsi que le logarithme du reacuteel x est le reacuteel y deacutetermineacute par la suite arithmeacutetique associeacutee agrave la suite geacuteomeacutetrique correspon-dant agrave x

DossierHistoire

12 On notera au passage que le point P nrsquoat-teint ainsi jamais sa cible B car agrave chaque eacutetape il gruge toujours la mecircme fraction du chemin restant agrave parcourir

13 Napier nrsquoutilise pas explicitement une telle terminologie

0 y

x

Q rarrA

P rarr

B

A

P1 P2 P3 P4 Pn

B

0 1 2 3 4 n

Q1 Q2 Q3 Q4 Qn

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Valeurs numeacuteriques des logarithmes de NapierPlusieurs aspects de la notion de logarithme telle que conccedilue et mise en œuvre par Na-pier peuvent nous sembler un peu eacutetranges aujourdrsquohui On a deacutejagrave insisteacute sur la place qursquoy occupent les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique maintenant absentes du discours sur les logarithmes Une autre par-ticulariteacute est relieacutee aux valeurs numeacuteriques mecircmes deacutetermineacutees par Napier

Une motivation cleacute de Napier eacutetait de construire un outil facilitant les calculs tri-gonomeacutetriques un domaine drsquoapplication des matheacutematiques de toute premiegravere importance agrave son eacutepoque Crsquoest pour cette raison que la table produite par Napier dans son Descriptio repose non pas sur des nombres en geacuteneacuteral mais plutocirct sur le sinus des angles allant de 0deg agrave 90deg chaque degreacute eacutetant diviseacute en 60 minutes Agrave chacune de ces valeurs de sinus (il y en a donc 5 400 en tout) Napier associe son logarithme tel que deacutefini ci-haut

Il faut par ailleurs souligner que la notion de sinus de lrsquoeacutepoque nrsquoest pas tout agrave fait la mecircme qursquoaujourdrsquohui le sinus est alors non pas vu comme un rapport de cocircteacutes dans un triangle mais plutocirct comme la longueur drsquoune demi-corde dans un cercle donneacute Afin de faciliter les calculs il eacutetait drsquousage de travailler avec un cercle de grand rayon de maniegravere agrave eacuteviter lrsquoemploi de fractions et agrave se res-treindre agrave des nombres naturels Or agrave la fin du 16e siegravecle agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier entreprit ses travaux crsquoest sur un cercle de rayon 10 000 000 que srsquoappuyaient certaines des tables trigonomeacutetriques alors en circula-tion14 Crsquoest sans doute lagrave la raison pour laquelle Napier deacutecide de se servir de cette mecircme valeur pour asseoir la construction de sa table logarithmique

Il se dote donc drsquoun segment AB de longueur 107 = 10 000 000 (Constructio article 24) et il suppose que la vitesse initiale de chacun des deux points P et Q est aussi 107 (Constructio articles 25 et 26) Dans le cas de Q cette

vitesse demeure constante alors que pour P elle deacutecroicirct laquo geacuteomeacutetriquement raquo15 Or le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique doit permettre de combler les eacutecarts entre des puissances entiegraveres successives mdash voir agrave ce propos les commentaires plus haut mdash de sorte qursquoil est utile que ce rapport soit un nombre pregraves de 1 Agrave cet effet Napier choisit comme rapport

0999 999 9 11

107= minus

(Constructio articles 14 et 16) Une telle valeur a aussi comme avantage que le calcul de termes successifs de la progression geacuteomeacutetrique peut se ramener agrave une seacuterie de soustractions plutocirct que des multiplica-tions iteacutereacutees par 1 ndash 10ndash7 ce qui a permis agrave Napier de simplifier dans une large mesure la construction de sa table Cette construction demeure neacuteanmoins en pratique un accom-plissement eacutepoustouflant

On observera que les valeurs numeacuteriques des logarithmes creacuteeacutes par Napier sont fort diffeacuterentes de celles que lrsquoon connaicirct aujourdrsquohui Ainsi on a que Nlog(107) = 0 Et Nlog(x) deacutecroicirct lorsque x croicirct De plus il nrsquoest pas question de laquo base raquo dans les propos de Napier (voir agrave ce sujet la Section problegravemes) Mais lrsquoessence du logarithme est bel et bien lagrave

14 De telles tables trigonomeacutetriques ont eacuteteacute construites par Johann Muumlller alias Regio-montanus (1436-1476) et par Georg Joachim de Porris dit Rheticus (1514-1574)

15 Les valeurs choisies par Napier ont pour conseacutequence que la vitesse de P (en tant que nombre) est non seulement proportion-nelle mais est de fait eacutegale agrave la distance de P agrave B (voir la Section problegravemes)

Agrave propos de lrsquoeacutetymologie du mot logarithme

Napier a forgeacute le mot logarithme agrave partir de deux racines grecques drsquousage courant logoς laquo rapport raquo et ariqmoς laquo nombre raquo On peut voir le mot rapport ici comme refleacutetant le rapport commun des termes successifs de la suite geacuteomeacutetrique AB P1B P2B P3B

Au commencement de ses travaux Napier appelait nombres artificiels les valeurs de la suite arithmeacutetique peut-ecirctre pour les opposer aux nombres de la suite geacuteomeacute-trique qui eacutetaient en quelque sorte don-neacutes Mais le terme logarithme srsquoest rapide-ment imposeacute

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Doss

ierA

pplic

atio

ns

Comment ameacuteliorer une solution imparfaite agrave un problegraveme complexe

Et si on srsquoinspirait de la nature pour faire eacutevoluer les solutions

Lrsquoinspiration de la nature En 1859 le naturaliste Charles Darwin a publieacute son ceacutelegravebre ouvrage Lrsquoorigine des espegraveces qui preacutesentait une theacuteorie visant agrave expliquer le pheacutenomegravene de lrsquoeacutevolution Cette theacuteorie reacutevolutionnaire a provoqueacute plusieurs deacutebats agrave lrsquoeacutepoque mais elle est maintenant largement accepteacutee Environ 100 ans plus tard elle a inspireacute le professeur John Holland qui a tenteacute drsquoimpleacutementer artificiellement des systegravemes eacutevolutifs baseacutes sur le proces-sus de seacutelection naturelle Ces travaux ont

ensuite meneacute aux algorithmes geacuteneacutetiques qui sont maintenant utiliseacutes pour obtenir des solutions approcheacutees pour certains problegravemes drsquooptimisation difficiles

Les eacuteleacutements de base drsquoun algorithme geacuteneacutetiqueAfin de comprendre lrsquoanalogie entre le processus de seacutelection naturelle et un algo-rithme geacuteneacutetique rappelons tout drsquoabord les meacutecanismes les plus importants qui sont agrave la base de lrsquoeacutevolution

1 Lrsquoeacutevolution se produit sur des chromo-somes qui repreacutesentent chacun des individus dans une population

2 Le processus de seacutelection naturelle fait en sorte que les chromo-somes les mieux adapteacutes se reproduisent plus souvent et contribuent davantage aux popu- lations futures

3 Lors de la reproduction lrsquoinfor- mation contenue dans les chromosomes des parents est combineacutee et meacutelangeacutee pour produire les chromosomes des enfants (laquo croisement raquo)

4 Le reacutesultat du croisement peut agrave son tour ecirctre modifieacute par des perturbations aleacuteatoires (muta-tions)

Ces meacutecanismes peuvent ecirctre utiliseacutes pour speacutecifier un algorithme geacuteneacutetique tel que celui deacutecrit dans lrsquoencadreacute ci-dessous

Charles Fleurent GIRO

Algorithmes geacuteneacutetiques

Les travaux sur lrsquoeacutevolution des espegraveces vivantes du natura-liste et paleacuteontologue anglais Charles Darwin (1809-1882) ont reacutevolutionneacute la biologie Dans son ouvrage intituleacute LrsquoOrigine des espegraveces paru en 1859 Darwin preacutesente le reacutesultat de ses recherches Darwin eacutetait deacutejagrave ceacutelegravebre au sein de la communauteacute scientifique de son eacutepoque

pour son travail sur le terrain et ses recherches en geacuteologie Ses travaux srsquoinscrivent dans la fouleacutee de ceux du natura-liste franccedilais Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) qui 50 ans plus tocirct avait eacutemis lrsquohypothegravese que toutes les espegraveces vivantes ont eacutevolueacute au cours du temps agrave partir drsquoun seul ou de quelques ancecirctres communs Darwin a soutenu avec Alfred Russel Wallace (1823-1913) que cette eacutevolution eacutetait due au processus dit de la laquo seacutelection naturelle raquo

Comme il naicirct beaucoup plus drsquoindividus de chaque espegravece qursquoil nrsquoen peut survivre et que par conseacutequent il se produit souvent une lutte pour la vie il srsquoensuit que tout ecirctre srsquoil varie mecircme leacutegegraverement drsquoune maniegravere qui lui est profitable dans les conditions complexes et quelque-fois variables de la vie aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi drsquoune faccedilon naturelle En raison du principe dominant de lrsquoheacutereacutediteacute toute varieacuteteacute ainsi choisie aura tendance agrave se multiplier sous sa forme nouvelle et modifieacutee

Charles Darwin 1859 Introduction agrave LrsquoOrigine des espegraveces

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Pour adapter un algorithme geacuteneacutetique agrave un problegraveme drsquooptimisation combinatoire il suf-fit alors de speacutecialiser certaines composantes agrave la structure particuliegravere de ce dernier En geacuteneacuteral les deacutecisions portent sur les aspects suivants

Codage des solutions il faut eacutetablir une correspondance entre les solutions du problegraveme et les chromosomes

Opeacuterateurs geacuteneacutetiques il faut deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation pour les chromosomes

Eacutevaluation des chromosomes la me-sure drsquoadaptation des chromosomes agrave leur environnement est donneacutee par une fonction qui est calculeacutee par un processus plus ou moins complexe

Il existe plusieurs moyens pour mettre en œuvre certains des meacutecanismes importants drsquoun algorithme geacuteneacutetique Par exemple la seacutelection des parents peut srsquoeffectuer de diverses faccedilons Dans une population P = x1 x2 hellip xN ougrave la mesure drsquoadaptation drsquoun individu est eacutevalueacutee par une fonction ƒ lrsquoopeacuterateur classique consiste agrave associer agrave chaque individu xi une probabiliteacute pi drsquoecirctre seacutelectionneacute proportionnelle agrave la valeur de f pour cet individu crsquoest-agrave-dire

pf x

f x( )

( )i

i

jj Psum

=

isin

En pratique on utilise souvent drsquoautres meacute-thodes de seacutelection pouvant se parameacutetrer plus facilement Ainsi dans la seacutelection par tournoi un ensemble drsquoindividus est seacutelec-tionneacute aleacuteatoirement dont les meilleurs eacuteleacute-ments seulement sont retenus Pour choi-sir deux parents on peut donc seacutelectionner aleacuteatoirement 5 individus et ne garder que les deux meilleurs Dans drsquoautres meacutethodes les individus sont ordonneacutes selon leur va-leur pour la fonction ƒ et la seacutelection srsquoeffec-tue aleacuteatoirement selon le rang occupeacute par chaque individu On utilise alors une distri-bution biaiseacutee en faveur des individus en tecircte de liste

Un autre meacutecanisme important est le mode de remplacement des individus de la popula-tion Dans le modegravele original chaque popu-lation de N individus est totalement rempla-ceacutee agrave chaque geacuteneacuteration Drsquoautres strateacutegies laquo eacutelitistes raquo font en sorte drsquoassurer agrave chaque geacuteneacuteration la survie des meilleurs individus de la population Crsquoest le cas entre autres des modegraveles laquo stationnaires raquo ougrave un nombre res-treint drsquoindividus est remplaceacute agrave chaque geacute-neacuteration Dans ce cas on ajoute souvent des meacutecanismes suppleacutementaires empecircchant lrsquoajout drsquoindividus identiques (doublons) dans la population Des implantations plus eacutevo-lueacutees existent eacutegalement pour des architec-tures parallegraveles

Un algorithme geacuteneacutetique 1 Construire une population initiale de N

solutions

2 Eacutevaluer chacun des individus de la population

3 Geacuteneacuterer de nouvelles solutions en seacutelectionnant les parents de faccedilon proportionnelle agrave leur eacutevaluation Appliquer les opeacuterateurs de croisement et de mutation lors de la reproduction

4 Lorsque N nouveaux individus ont eacuteteacute geacuteneacutereacutes ils remplacent alors lrsquoancienne population Les individus de la nouvelle population sont eacutevalueacutes agrave leur tour

5 Si le temps alloueacute nrsquoest pas deacutepasseacute (ou le nombre de geacuteneacuterations maximal nrsquoest pas atteint) retourner agrave lrsquoeacutetape 3

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Repreacutesentation des solutions et opeacuterateurs geacuteneacutetiquesLes premiers algorithmes geacuteneacutetiques utili-saient tous une repreacutesentation binaire ougrave chaque solution s est codeacutee sous la forme drsquoune chaicircne de bits de longueur n ie s[i ] isin 0 1 foralli =1 2 hellip n Pour cette repreacute-sentation lrsquoopeacuterateur de croisement classique agrave un point consiste agrave choisir de faccedilon uniforme une position de coupure aleacuteatoire l isin 1 2 hellip nminus1 Si les parents p1 et p2 ont eacuteteacute seacutelectionneacutes pour la reproduction les solutions enfants e1 et e2 sont alors construites de la faccedilon suivante

e1[i ] = p1[i ] foralli isin1 hellip l e1[i ] = p2[i ] foralli isinl + 1 hellip n e2 [i ] = p2[i ] foralli isin1 hellip l e2 [i ] = p1[i ] foralli isinl + 1 hellip nLorsqursquoon itegravere avec drsquoautres paires de parents on choisit aleacuteatoirement pour chaque paire de parents un nouvel opeacuterateur de croisement agrave un point Lrsquoopeacuterateur agrave un point peut se geacuteneacuteraliser en seacutelectionnant k positions aleacuteatoires plutocirct qursquoune seule Dans ce cas les enfants sont produits en eacutechan-geant lrsquoinformation chromosomique entre les k points de coupure En pratique la valeur k = 2 est couramment utiliseacutee Un autre opeacuterateur tregraves populaire (croisement uni-forme) utilise une chaicircne de bits geacuteneacutereacutee aleacuteatoirement pour engendrer les enfants Pour chaque position le choix aleacuteatoire in-dique quel parent deacuteterminera la valeur des enfants Des exemples des opeacuterateurs de croisement agrave un point agrave deux points et uniforme sont illustreacutes dans les tableaux suivants Des reacutesultats theacuteoriques et empi-riques indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme donne geacuteneacuteralement des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux produits par les deux autres

Opeacuterateur de croisement agrave un point

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 0 1 1

0 1 0 1 0 1 1 0 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement agrave deux points

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 1 0 1

0 1 0 1 0 1 0 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement uniforme

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 1 0 1 1 1 0 0 1

0 1 1 0 1 0 1 0 0

0 0 0 1 0 1 1 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Chaicircnealeacuteatoirede bits

Avec une repreacutesentation binaire on utilise geacuteneacuteralement lrsquoopeacuterateur de mutation clas-sique qui consiste agrave changer aleacuteatoirement un bit pour son compleacutement

Opeacuterateur de mutation classique

Enfant 1 0 0 1 0 1 1 0 1

1 1 0 1 0 1 1 0 0Enfant

Mutationsaleacuteatoires

DossierApplications

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Un exemple le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteennePour certains problegravemes la repreacutesentation binaire des solutions est tout agrave fait intuitive et bien adapteacutee Crsquoest le cas par exemple du problegraveme de satisfaisabiliteacute (SAT) Eacutetant donneacute une expression logique F de n variables boo-leacuteennes x1 x2 hellip xn (voir encadreacute) ce problegraveme fondamental (qui est agrave la base de la theacuteorie de la NP-compleacutetude) consiste agrave trouver une affectation aux variables de faccedilon agrave satisfaire F En eacutetablissant les correspondances faux harr 0 vrai harr 1 on peut repreacutesenter chaque solution par une chaicircne binaire de longueur n et utiliser les opeacuterateurs geacuteneacute-tiques classiques deacutecrits preacuteceacutedemment

Pour eacutevaluer les solutions lrsquoexpression logique F peut ecirctre exprimeacutee comme une conjonction (voir encadreacute) de m clauses

F = Cj j =1

m

Chaque clause est alors deacutefinie par une disjonction de variables booleacuteennes dont certaines sont associeacutees agrave un opeacuterateur de neacutegation (indiqueacute par le symbole ndash ) Pour satisfaire F il faut donc satisfaire toutes ses clauses Pour un algorithme geacuteneacutetique chaque solution peut ecirctre simplement eacuteva-lueacutee par le nombre de clauses qursquoelle satisfait par exemple noteacute par f Si on considegravere par exemple lrsquoexpression suivante pour F

= and or and or or

and or or or

and or or or or

F x x x x x x

x x x x

x x x x x

( ) ( ) ( )

( )

( )

1 1 2 1 2 3

1 2 3 4

1 2 3 4 5

la solution (1 0 1 0 0) satisfait toutes les clauses sauf la premiegravere alors que la solution (0 1 1 0 1) satisfait toutes les clauses et donc lrsquoexpression F

Avec une repreacutesentation des chro-mosomes une fonction drsquoadaptation f et des opeacuterateurs de croisement et de mutation nous avons tous les eacuteleacutements pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique simple pour le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteenne Le processus peut ecirctre illustreacute par le tableau en bas de page avec un opeacuterateur de croisement uniforme repreacutesenteacute par la chaicircne de bits U Dans cet exemple simplifieacute lrsquoalgo-rithme a produit en six geacuteneacuterations une solution qui satisfait lrsquoexpression boo-leacuteenne F (les 5 clauses sont satisfaites pour un individu de la population) Pour une fonction plus complexe comprenant un grand nombre de va-riables on utilise des populations plus importantes et laisse la population eacutevoluer lentement vers des solutions de bonne qualiteacute

Variables booleacuteennes

Opeacuterateurs booleacuteens

Une variable booleacuteenne est une variable qui ne peut prendre que deux valeurs logiques VRAI ou FAUX On peut utiliser 1 et 0 pour repreacutesenter ces deux valeurs

Un opeacuterateur booleacuteen est un opeacuterateur qui sap-plique sur une ou deux variables booleacuteennes

La neacutegation drsquoune variable booleacuteenne x qui est noteacutee x change la valeur de la variable booleacuteenne x

Variable Neacutegation

10

01

x x

La conjonction de deux variables x et y noteacutee x and y prend la valeur 1 si les variables x et y ont toutes deux la valeur 1 Dans les autres cas elle prend la valeur 0

Variables Conjonction

1100

1010

1000

x y x y

La disjonction de deux variables x et y noteacutee x or y prend la valeur 1 si au moins lrsquoune des variables a la valeur 1 Elle prend la valeur 0 si les deux variables ont la valeur 0

Variables Disjonction

1100

1010

1110

x y x y

Geacuteneacuteration

5

(0 0 1 0 0) f = 4(0 0 1 0 1) f = 3(0 0 1 1 1) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

(0 0 1 0 0) f = 4(1 0 1 1 0) f = 4(0 0 1 1 1) f = 4

U = (0 1 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4 (1 0 1 1 0) f = 4

(0 1 1 1 0) f = 5U = (0 0 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

6

Population Enfant Enfant muteacute

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Autres exemplesLes algorithmes geacuteneacutetiques ne sont pas applicables qursquoaux repreacutesentations binaires Par exemple le problegraveme classique du com-mis voyageur (Traveling Salesman Problem ou TSP) consiste agrave identifier une tourneacutee agrave coucirct minimal qui visite chaque ville drsquoun ensemble agrave couvrir Mecircme si une tourneacutee pourrait alors theacuteoriquement ecirctre repreacutesenteacutee par une chaicircne de booleacuteens on preacutefegravere geacuteneacuterale-ment utiliser une repreacutesentation plus directe sous forme de permutation Chaque permu-tation speacutecifie alors lrsquoordre dans lequel sont visiteacutees les villes

On doit alors deacutefinir des opeacuterateurs de mutation et de croisement pour une repreacutesentation sous forme de permutation Pour la muta-

tion un simple eacutechange entre deux villes dans une seacutequence pourra faire lrsquoaffaire Par exemple

Tourneacutee originale (Montreacuteal Rimou- ski Saguenay Val drsquoOr Queacutebec Sher-brooke)

Apregraves mutation (Montreacuteal Rimouski Saguenay Sherbrooke Queacutebec Val drsquoOr) Pour le croisement il est facile de constater que des opeacuterateurs sem-blables agrave ceux deacutecrits preacuteceacutedemment ne pourraient preacuteserver la structure de permutation Plusieurs opeacuterateurs valides ont toutefois eacuteteacute proposeacutes Agrave titre drsquoexemple lrsquoopeacuterateur OX choisit une sous-seacutequence dans la seacutequence drsquoun des parents et place les villes res-tantes dans lrsquoordre deacutefini par lrsquoautre

parent Dans le tableau ci-dessous deux po-sitions sont choisies aleacuteatoirement afin de deacutefinir une sous-seacutequence chez le premier parent (eacutetape 1) Agrave lrsquoeacutetape 2 les villes res-tantes sont placeacutees selon lrsquoordre induit par le deuxiegraveme parent

P1 Mtl Sag Val Queacute Shb RimQueacute Rim Mtl Shb Sag Val

Rim Sag Val Queacute Mtl Shb

Rim Mtl ShbSag Val Queacute

P2

Eacute1Eacute2

Enf

Ss

Une fois la repreacutesentation et les opeacuterateurs de base deacutefinis on peut simplement eacutevaluer chaque tourneacutee par la distance parcourue et tous les eacuteleacutements sont en place pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique pour le problegraveme TSP

Coloration de grapheUn autre problegraveme classique celui de colo-ration de graphe1 est aussi abordable par les algorithmes geacuteneacutetiques

Pour un graphe G = (V E) constitueacute drsquoun en-semble de nœuds V et drsquoarecirctes E un coloriage est une partition de V en k sous-ensembles (couleurs) C1 C2 hellip Ck pour lesquels u v isin Ci rArr (u v) notinE ie que deux nœuds ne peuvent avoir la mecircme couleur srsquoils sont lieacutes par une arecircte Le problegraveme de coloration de graphe consiste agrave trouver un coloriage utilisant un nombre minimal de sous-ensembles Ce type drsquoapproche permet notamment de reacutesoudre agrave coucirct minimum des conflits drsquohoraire En pratique on choisit drsquoabord une valeur-cible pour k et chaque chromosome constitue une partition de V en k sous-ensembles Les so-lutions sont codeacutees sous forme de chaicircnes en liant lrsquoindice de chaque nœud agrave lrsquoun des k sous-ensembles

DossierApplications

1 Voir laquo Le theacuteoregraveme des quatre couleurs raquo Accromath 141 2019

Coloration de grapheEn theacuteorie des graphes la coloration de graphe consiste agrave attribuer une couleur agrave chacun de ses sommets de maniegravere que deux sommets relieacutes par une arecircte soient de couleur diffeacuterente On cherche souvent agrave utiliser le nombre minimal de couleurs appeleacute nombre chromatique

12

34

5

6

7

89Un coloriage imparfait

10

Mtl Rim

SagShb

ValQueacute

2

6 3

4

1

5

Mtl Rim

SagShb

QueacuteVal

2

6 3

4

1

5

Mutation drsquoune tourneacutee

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Par exemple si on associe C1 agrave bleu C2 agrave rouge et C3 agrave vert dans le coloriage im-parfait de la page preacuteceacutedente la partition des nœuds associeacutee agrave cette solution est (1 2 3 2 3 2 1 2 3 1) car les nœuds 1 7 et 10 sont dans C1 les nœuds 2 4 6 et 8 dans C2 et les nœuds 3 5 et 9 dans C3 En deacutefinissant la fonction f comme le nombre de fois ougrave la regravegle du coloriage nrsquoa pas eacuteteacute respecteacutee on obtient f (C1 C2 C3) = 0 + 1 + 1 = 2 car on a 0 arecircte dans C1 1 arecircte dans C2 (entre les nœuds 2 et 4) et 1 dans C3 (entre les nœuds 3 et 5)

De faccedilon geacuteneacuterale le problegraveme de coloriage consiste agrave geacuteneacuterer une partition telle que f (C1 C2 Ck) = 0 avec un k le plus petit possible Avec la repreacutesentation en chaicircne de la partition il est facile de deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation semblables agrave ceux utiliseacutes pour les repreacutesen-tations binaires Les reacutesultats rapporteacutes dans la litteacuterature indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme domine encore ceux agrave un point et agrave deux points

Est-ce que ccedila fonctionne Il nrsquoy a aucun doute que les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent ecirctre utiliseacutes pour traiter des problegravemes drsquooptimisation Leur performance relative varie cependant selon les contextes Lorsqursquoun problegraveme est bien eacutetudieacute il est geacuteneacuteralement preacutefeacuterable drsquoavoir recours agrave des algorithmes speacutecialiseacutes qui peuvent tirer avantage de certaines structures speacutecifiques Pour le problegraveme TSP par exemple des approches baseacutees sur la programmation en nombres entiers peuvent maintenant reacutesoudre de faccedilon optimale des exemplaires de plusieurs dizaines de milliers de villes Il serait donc mal aviseacute drsquoutiliser un algorithme geacuteneacutetique pour reacutesoudre ce problegraveme (agrave moins de vouloir eacutetudier leur comportement ce qui peut ecirctre tout agrave fait leacutegitime et amusant)

Les algorithmes geacuteneacutetiques ont tout de mecircme lrsquoavantage drsquoecirctre simples agrave mettre en place En fait une meacutethode de codage des opeacuterateurs de croisement et de mutation ainsi qursquoune fonction drsquoeacutevaluation sont suf-fisants pour utiliser une approche eacutevolutive On obtient alors une approche robuste qui peut ecirctre tregraves utile si la fonction agrave optimiser est laquo floue raquo (fuzzy) ou si on dispose de peu de temps pour eacutetudier le problegraveme agrave optimiser

Les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent eacutega-lement ecirctre combineacutes agrave drsquoautres approches drsquooptimisation pour donner lieu agrave des meacutethodes hybrides tregraves puissantes souvent parmi les meilleures disponibles On peut par exemple utiliser des opeacuterateurs de mutation plus sophistiqueacutes pour optimiser le reacutesultat de chaque croisement Pour lrsquoalgorithme hybride reacutesultant la composante laquo geacuteneacute-tique raquo vise alors agrave enrichir la recherche en misant sur les eacuteleacutements qui constituent sa force ie lrsquoutilisation drsquoune population diver-sifieacutee qui permet lrsquoaccegraves aux caracteacuteristiques varieacutees de plusieurs individus et au proces-sus de seacutelection (artificielle dans ce cas) afin drsquoorienter lrsquoexploration vers les meilleures reacutegions de lrsquoespace de solutions Crsquoest bien lagrave lrsquoune des leccedilons agrave tirer de lrsquoobservation de la nature

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Rubrique des

Jean-Paul DelahayeUniversiteacute des Sciences et Technologies de Lille

Lrsquoinformation paradoxale

Comme le preacuteceacutedent ce paradoxe est aussi un paradoxe sur lrsquoinformation cacheacutee cependant il neacutecessite une patience bien supeacuterieure pour ecirctre reacutesolu ou lrsquoaide drsquoun ordinateur

On choisit cinq nombres a b c d et e veacuterifiant les relations

1 le a lt b lt c lt d lt e le 10

Autrement dit les cinq nombres sont compris entre 1 et 10 tous diffeacuterents et classeacutes par ordre croissant On indique leur produit P agrave Patricia (qui est brune) leur somme S agrave Sylvie (qui est blonde) la somme de leurs carreacutes

C = a2 + b2 + c2+ d2 + e2

agrave Christian (qui est barbu) et la valeur

V = (a + b + c)(d + e)

agrave Vincent (qui est chauve)

Ils doivent deviner quels sont les nombres a b c d et e

1- Une heure apregraves qursquoon leur a poseacute le problegraveme les quatre personnages qursquoon interroge simultaneacutement reacutepondent tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

2- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

3- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo Etc

23- Une heure apregraves (soit 23 heures apregraves la formulation de lrsquoeacutenonceacute ) les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

Cependant apregraves cette 23egraveme reacuteponse les visages des quatre personnages srsquoeacuteclairent drsquoun large sourire et tous srsquoexclament laquo crsquoest bon maintenant je connais a b c d et e raquo

Vous en savez assez maintenant pour deviner les 5 nombres a b c d e Il semble paradoxal que la reacutepeacutetition 23 fois de la mecircme affirmation drsquoignorance de la part des personnages soit porteuse drsquoune information Pourtant crsquoest le cas Essayez de comprendre pourquoi et ensuite armez-vous de courage la solution est au bout du calcul

Solution du paradoxe preacuteceacutedent

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Solution du paradoxe preacuteceacutedent

Lrsquoinformation paradoxaleIl arrive que lrsquoon pense ne pas disposer drsquoassez drsquoinfor-mations pour reacutesoudre un problegraveme alors qursquoen reacutealiteacute tout est agrave notre disposition Certaines situations sont si extraordinaires qursquoelles apparaissent paradoxales En voici un exemple

Un homme bavarde avec le facteur sur le pas de la porte de sa maison Il lui dit

laquo Crsquoest amusant je viens de remarquer que la somme des acircges de mes trois filles est eacutegale au numeacutero de ma maison dans la rue Je suis sucircr que si je vous apprends que le produit de leur acircge est 36 vous saurez me dire leur acircge respectif raquo

Le facteur reacutefleacutechit un moment et lui reacutepond

laquo Je suis deacutesoleacute mais je ne peux pas trouver raquo

Lrsquohomme srsquoexclame alors laquo Ah oui Jrsquoavais oublieacute de vous dire que lrsquoaicircneacutee est blonde raquo

Quelques secondes apregraves le facteur lui donne la bonne reacuteponse Aussi paradoxal que cela apparaisse vous pouvez deacuteduire de cet eacutechange lrsquoacircge des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte

SolutionLes diffeacuterentes deacutecompositions de 36 en produit de trois entiers et les sommes des facteurs sont donneacutees dans le tableau ci-contre

Le facteur connaicirct la somme des acircges des trois filles car il est sur le pas de la porte Srsquoil ne peut pas trouver leurs acircges respectifs crsquoest que parmi les produits possibles compatibles avec la somme qursquoil connaicirct il y en a deux qui donnent la mecircme somme Crsquoest donc que la somme est 13 Les deux possibiliteacutes sont donc 1-6-6 et 2-2-9 La premiegravere est eacutelimineacutee car deux enfants ne peuvent avoir le mecircme acircge que srsquoils sont jumeaux et alors il nrsquoy a pas drsquoaicircneacutee La solution est donc 2-2-9 Les acircges des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte sont 2 2 et 9 ans

Produits1times1times362times3times63times3times4

1times2times181times3times121times6times61times4times92times2times9

3811102116131413

Sommes

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Algorithmes dans lrsquohistoire1 Deacuteterminer les PGCD des couples

a) 924 3 135 c) 2 530 9 639

b) 83 337

Lrsquoheacuteritage de Fermat1 Appliquer la meacutethode de Fermat pour

factoriser les nombres suivants

a) 493 b) 1247 c) 6 903

2 Supposons qursquoun entier n est le produit de deux nombres premiers p lt q et que q ndash p lt p2 2 Montrer qursquoen utilisant la meacutethode de Fermat ce nombre n peut ecirctre factoriseacute en seulement une eacutetape

Eacutemergence logarithmique1 Soit la suite arithmeacutetique

a nd( ) n+ isin

a) Montrer que chaque terme (agrave lrsquoex- ception du premier) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins

b) Montrer un reacutesultat analogue pour la suite geacuteomeacutetrique

ar( ) nnisin

2 Montrer qursquoen termes modernes le passage de LrsquoAreacutenaire ci-haut porte sur les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacute-trique et sur la regravegle du produit de deux puissances

Tuyau Des nombres laquo continucircment en proportion agrave partir de lrsquouniteacute raquo forment une suite geacuteomeacutetrique dont le premier terme est 1

3 En comparant les deux tables tireacutees de la tablette MLC 02078 (pp 19 et 20) on y voit la suite geacuteomeacutetrique

2 ndash 4 ndash 8 ndash 16 ndash 32 ndash 64

ecirctre associeacutee agrave deux suites arithmeacutetiques Relier directement ces deux suites arith-meacutetiques lrsquoune agrave lrsquoautre

Tuyau On peut y voir du logarithme

4 Soit deux points P1 et P2 sur un segment AB (voir figure) Montrer que

a) si APAB

P PP B

1 1 2

1

= alors P BAB

P BP B

1 2

1

=

b) la reacuteciproque est elle aussi valide

5 La suite de segments AB P1B P2B P3B forme une progression geacuteomeacutetrique deacutecroissante (p 22) On deacutesigne par r le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique (on a donc r lt 1) et par z la longueur du segment AB

a) Interpreacuteter en termes de z et de r les segments AB P1B P2B P3B

b) Exprimer agrave lrsquoaide de z et de r les longueurs des intervalles AP1 P1P2 P2P3 P3P4

c) Appliquer ces reacutesultats aux valeurs numeacuteriques choisies par Napier (voir p 23)

d) Et que dire dans ce contexte de la suite arithmeacutetique deacutetermineacutee par le mouve-ment du point Q (p 22)

6 a) Expliquer lrsquoobservation dans lrsquoencadreacute ci-bas au cœur de la deacutemarche de Napier

b) En conclure que pour Napier la vitesse de P en un point donneacute est eacutegale agrave sa distance de lrsquoextreacutemiteacute B

Tuyau La constante de proportionnaliteacute de la partie a) est 1

7 On veut interpreacuteter ici le modegravele geacuteomeacute-trico-cineacutematique de Napier agrave lrsquoaide du calcul diffeacuterentiel et inteacutegral (moderne) On appelle x(t) la distance seacuteparant P de lrsquoextreacutemiteacute B au temps t et y(t) la position du point Q au temps t

a) Montrer que le deacuteplacement de Q est deacutecrit par lrsquoeacutequation diffeacuterentielle dydt = 107 avec comme condition initiale y(0) = 0

Tuyau La vitesse est la deacuteriveacutee de la distance parcourue par rapport au temps

b) Montrer de mecircme que le deacuteplace-ment de P est deacutecrit par dxdt = ndashx avec x(0) = 107

c) Reacutesoudre ces deux eacutequations diffeacuteren-tielles

d) Montrer comment on pourrait en tirer une notion de laquo base raquo pour les loga-rithmes de Napier1

1 Au plan historique une telle ideacutee de laquo base raquo chez Napier est une pure fabulation

Section problegravemes

Agrave propos de Napier

Puisque des distances parcou-rues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est pro-portionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (p 22)

Archimegravede LrsquoAreacutenaire

Si des nombres sont continucircment en pro- portion agrave partir de lrsquouniteacute et que cer-tains de ces nombres sont multiplieacutes entre eux le produit sera dans la mecircme pro-gression eacuteloigneacute du plus grand des nom- bres multiplieacutes drsquoautant de nombres que le plus petit des nom- bres multiplieacutes lrsquoest de lrsquouniteacute dans la pro-gression et il sera eacuteloigneacute de lrsquouniteacute de la somme moins un des nombres dont les nombres multiplieacutes sont eacuteloigneacutes de lrsquouniteacute

A

P1 P2

B

Pour en s voir plus

Histoire des matheacutematiques

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

bull Le livre Havil Julian John Napier Life Logarithms and Legacy Princeton University Press 2014 est une mine drsquoor pour des informations sur la vie et lrsquoœuvre de Napier

bull Le contexte ayant meneacute agrave la naissance des logarithmes est exposeacute dans Friedelmeyer Jean-Pierre laquo Contexte et raisons drsquoune lsquomirifiquersquo invention raquo In Eacutevelyne Barbin et al Histoires de logarithmes pp 39-72 Ellipses 2006 Le sous-titre de lrsquoarticle drsquoAccromath a eacuteteacute emprunteacute au titre de ce texte

bull Les deux traiteacutes de Napier sur les logarithmes le Mirifici logarithmorum canonis descriptio et le Mirifici logarithmorum canonis constructio peuvent ecirctre trouveacutes facilement (en latin) sur la Toile Une traduction anglaise de ces traiteacutes est accessible agrave partir du site de Ian Bruce sur les matheacutematiques des 17e et 18e siegravecles httpwww17centurymathscom

bull La citation de Laplace se retrouve aux pp 446-447 de Œuvres complegravetes de Laplace Exposition du systegraveme du monde (6e eacutedition) Bachelier Imprimeur-Libraire 1835 (Disponible sur Google Livres)

bull La tablette meacutesopotamienne MLC 02078 est eacutetudieacutee (pp 35-36) dans Neugebauer Otto et Sachs Abraham Mathematical Cuneiform Texts American Schools of Oriental Research 1945

bull Pour plus drsquoinformation sur lrsquoemploi des vocables laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo voir Charbonneau Louis laquo Progression arithmeacutetique et progression geacuteomeacutetrique raquo Bulletin AMQ 23(3) (1983) 4-6

bull Publieacutes en allemand en 1770 les Eacuteleacutements drsquoalgegravebre de Leonhard Euler sont parus en traduction franccedilaise degraves 1774 Cette version est accessible agrave partir du site Gallica de la Bibliothegraveque nationale de France httpsgallicabnffr

bull Lrsquoextrait de LrsquoAreacutenaire mdash voir la Section problegravemes mdash se trouve (p 366) dans Ver Eecke Paul Les œuvres complegravetes drsquoArchimegravede tome 1 Vaillant-Carmanne 1960

Applications des matheacutematiques

Lrsquoheacuteritage de Fermat

bull WB Hart laquo A one line factoring algorithmraquo J Aust Math Soc 92 (2012) no 1 61ndash69

bull RS Lehman laquo Factoring large integers raquo Math Comp 28 (1974) 637ndash646

bull MA Morrison and J Brillhart laquo A method of factoring and the factorization of F 7 raquo Math Comp 29 (1975) 183ndash205

bull C Pomerance laquoThe quadratic sieve factoring algorithm raquo Advances in Cryptology (Paris 1984) 169-182 Lecture Notes in Comput Sci 209 Springer Berlin 1985

Accromath est une publication de lrsquoInstitut des sciences matheacutema-tiques (ISM) et du Centre de recherches matheacutematiques (CRM) La revue srsquoadresse surtout aux eacutetudiantes et eacutetudiants drsquoeacutecole secon-daire et de ceacutegep ainsi qursquoagrave leurs enseignantes et enseignants

LrsquoInstitut des sciences matheacutematiques est une institution unique deacutedieacutee agrave la promotion et agrave la coordination de lrsquoenseignement et de la recherche en sciences matheacutematiques au Queacutebec En reacuteunissant neuf deacutepartements de matheacutematiques des universiteacutes queacutebeacutecoises (Concordia HEC Montreacuteal Universiteacute Laval McGill Universiteacute de Montreacuteal UQAM UQTR Universiteacute de Sherbrooke Bishoprsquos) lrsquoInstitut rassemble un grand bassin drsquoexpertises en recherche et en enseignement des matheacutematiques LrsquoInstitut anime de nombreuses activiteacutes scientifiques dont des seacuteminaires de recherche et des colloques agrave lrsquointention des professeurs et des eacutetudiants avanceacutes ainsi que des confeacuterences de vulgarisation donneacutees dans les ceacutegeps Il offre eacutegalement plusieurs programmes de bourses drsquoexcellence

LrsquoISM est financeacute par le Ministegravere de lrsquoEnseignement supeacuterieur et par ses neuf universiteacutes membres

Le Centre de recherches matheacutematiques est un centre national pour la recherche fondamentale en matheacutematiques et ses applica-tions Les scientifiques du CRM comptent plus drsquoune centaine de membres reacuteguliers et de stagiaires postdoctoraux Lieu privileacutegieacute de rencontre le Centre est lrsquohocircte chaque anneacutee de nombreux visi-teurs et drsquoateliers de recherche internationaux

Les activiteacutes scientifiques du CRM comportent deux volets principaux les projets de recherche qursquoentreprennent ses laboratoires et les activiteacutes theacutematiques organiseacutees agrave lrsquoeacutechelle internationale Ces derniegraveres ouvertes agrave tous les domaines impliquent des chercheurs du CRM et drsquoautres universiteacutes Afin drsquoassurer une meilleure diffusion des reacutesultats de recherches de ses collaborateurs le CRM a lanceacute en 1989 un programme de publications en collaboration avec lrsquoAmerican Mathematical Society et avec Springer

Le CRM est principalement financeacute par le CRSNG (Conseil de recherches en sciences naturelles et en geacutenie du Canada) le FQRNT (Fonds queacutebeacutecois de recherche sur la nature et les technologies) lrsquoUniversiteacute de Montreacuteal et par six autres universiteacutes au Queacutebec et en Ontario

Accromath beacuteneacuteficie de lrsquoappui de la Dotation Serge-Bissonnette du CRM

OR2010

BRONZE2011

BRONZE2014

OR2012

2008

Prix speacutecial de la ministre 2009

Prix Anatole Decerf 2012

Page 12: L’héritage de Pierre de Fermat La factorisation des grands ...

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Il obtient drsquoabord que n = 45 029 et commence ainsi avec

a = 45 029 + 1 = 45 030

comme 45 0302 ndash 2 027 651 281 = 49 619 nrsquoest pas un carreacute parfait il pose ensuite a = 45 031 qui ne produit pas non plus de carreacute parfait et ainsi de suite jusqursquoagrave ce qursquoil pose a = 45 041 qui donne

= minus

= =

b 45 041 2 027 651 281

1 040 400 1 020

2

Fermat conclut alors que n = 2 027 651 281 = 45 0412 ndash 1 0202 = (45 041 ndash 1 020)(45 041 + 1 020) = 44 021 times 46 061

Si on choisit de programmer cette meacutethode avec le logiciel de calcul Python1 on peut eacutecrire ceci (dans le cas particulier n = 2 027 651 281)

ce qui donnera

a = 45 041 et b = 1 020 et

n = 44 021times46 061

La meacutethode de Fermat est-elle reacuteellement efficace La reacuteponse courte est laquo Cela deacutepend de la nature du nombre agrave factoriser raquo2 Afin de donner une reacuteponse preacutecise agrave cette question eacutevaluons le nombre drsquoopeacuterations eacuteleacutementaires neacutecessaires pour exeacutecuter la meacutethode de Fermat Par laquo opeacuteration eacuteleacutementaire raquo on en-tend lrsquoaddition la soustraction la

multiplication la division lrsquoeacuteleacutevation agrave une puissance et lrsquoextraction de la racine carreacutee Une opeacuteration eacuteleacutementaire est aussi parfois appeleacutee une laquo eacutetape raquo On dira drsquoun algo-rithme qursquoil est laquo rapide raquo srsquoil srsquoexeacutecute en peu drsquoeacutetapes

Eacutetant donneacute un entier positif n qui nrsquoest pas un carreacute parfait on dit que les nombres d1 et d2 sont les diviseurs milieux de n si d1 est le plus grand diviseur de n infeacuterieur agrave n et d2 =nd1 On peut alors deacutemontrer que le nombre k drsquoeacutetapes requises pour factoriser n via la meacutethode de Fermat est exactement

k =d1 +d2

2 d1d2

soit essentiellement la diffeacuterence entre la moyenne arithmeacutetique et la moyenne geacuteo-meacutetrique des diviseurs d1 et d2 En effet comme on lrsquoa vu ci-dessus (encadreacute p 9) on a

Exeacutecuter lrsquoalgorithme de Fermat consiste donc agrave chercher le plus petit entier k ge1 tel que

n + k( )2 n est un entiera

Or n + k = a implique que k = a ndash n et cela entraicircne

k =d1 +d2

2 d1d2

Pour quels entiers lrsquoalgorithme de Fermat est-il rapide Le temps drsquoexeacutecution pour factoriser un en-tier n en utilisant lrsquoalgorithme de Fermat sera court si ses diviseurs milieux sont pregraves lrsquoun de lrsquoautre crsquoest-agrave-dire pregraves de n (voir lrsquoencadreacute p 11) En contrepartie si les divi-seurs milieux sont eacuteloigneacutes lrsquoun de lrsquoautre alors exeacutecuter la meacutethode de Fermat peut prendre davantage de temps que la simple veacuterification de la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers (voir lrsquoencadreacute p 12)

DossierApplications

1 Logiciel libre que lrsquoon peut teacuteleacutecharger gratuitement sur Internet

2 Voir Section problegravemes

On doit deacuteterminer a et b tels que

n = a2 ndash b2ougrave n et b sont les cathegravetes drsquoun triangle rectangle drsquohypoteacutenuse a Le cocircteacute b est tel que

b2 = a2 ndash n Lrsquohypoteacutenuse doit ecirctre plus grande que les cathegravetes soit

a gt nOn calcule a2 ndash n pour les entiers plus grands n soit

a = n + 1 a = n + 2

a = n + kLorsque (a2 ndash n) est un car-reacute parfait b2 on a alors

a2 ndash n = b2

drsquoougrave n = a2 ndash b2 = (a ndash b)(a + b)On en conclut que n est fac-torisable puisque (a ndash b) et (a + b) en sont des facteurs

La meacutethode de Fermat en image

aa2 gt n

a gt bb2 = a2 ndash n

n

nCarreacutedrsquoaire n

a + b

a ndash b

a ndash b

a + b

a + b

a

b

b

Rectangle drsquoaire n

import math

n = 2 027 651 281

a=mathfloor(mathsqrt(n))+1

b=mathsqrt(a2-n)

while b =int(b)

a+=1

print (a= d et b= d ---gt n= d x d (int(a)int(b)int(a-b)int(a+b))

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Tirer le maximum de la meacutethode de Fermat Comme on vient de le voir si la distance qui seacutepare les diviseurs milieux drsquoun entier n est grande la meacutethode de Fermat est peu efficace On peut contourner ce problegraveme en veacuterifiant au preacutealable la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers3 Par exemple supposons qursquoon ose srsquoattaquer agrave la factorisation du nombre de 16 chiffres n = 489 + 3 = 1 352 605 460 594 691 Appli-quer naiumlvement la meacutethode de Fermat nous amegravenera sans doute agrave abandonner notre ap-proche une fois rendu agrave quelques millions drsquoeacutetapes Une approche plus senseacutee consiste agrave drsquoabord identifier les possibles petits fac-teurs premiers de n soit en veacuterifiant la divisi-biliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave 10 000 ou 100 000 disons ce qursquoon sera en mesure de reacutealiser tregraves rapidement agrave lrsquoaide drsquoun logiciel de calcul Crsquoest ainsi qursquoon deacute-couvre que notre nombre n est divisible par 3 et 1 249 Le problegraveme se ramegravene alors agrave factoriser le nombre

=times

=nn

3 1 249360 983 576 3531

Appliquer la meacutethode de Fermat agrave ce nou-veau nombre donne

n1 = 587 201 times 614 753

et cela apregraves seulement 157 eacutetapes En ras-semblant nos calculs on obtient finalement que

n = 1 352 605 460 594 691

= 3 times 1 249 times n1

= 3 times 1 249 times 587 201 times 614 753

Dans cet exemple nous avons eacuteteacute chanceux car les deux plus grands facteurs premiers de n eacutetaient proches lrsquoun de lrsquoautre Il va de soi que ce nrsquoest pas toujours le cas Crsquoest pour-quoi si apregraves avoir eacutelimineacute les petits facteurs premiers de n la meacutethode de Fermat prend trop de temps agrave deacutevoiler ses grands facteurs premiers il est rassurant de savoir qursquoil existe drsquoautres avenues

Compliquer le problegraveme pour mieux le simplifier Une autre approche pour factoriser un nombre n est drsquoappliquer la meacutethode de Fermat agrave un nombre plus grand que n lui-mecircme en fait agrave un multiple de n Prenons par exemple le nombre n = 54 641 Comme ce nombre est relativement petit la meacutethode de Fermat trouvera sa factorisation agrave savoir n = 101 times 541 en 87 eacutetapes un nombre neacuteanmoins plutocirct grand compte tenu de la petite taille de n Toutefois si on avait su que lrsquoun des facteurs premiers de n eacutetait approximativement 5 fois son autre facteur premier on aurait pu preacutealablement multiplier n par 5 permet-tant ainsi au nouveau nombre 5n drsquoavoir ses

Algorithme (application rapide) lorsque les diviseurs milieux sont proches

Si les diviseurs milieux d1 lt d2 dun nombre n sont tels que la distance ∆ = d21048576ndash d1 qui les seacutepare satisfait agrave ∆ lt d1 et si k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n il deacutecoule de k =

d1 +d2

2 d1d2 que

kd d

d d

d dd

2( ) 1

21 1

1 11 1

1 11

lt + + minus + +

= + minus + +

Par ailleurs on peut montrer que lineacutegaliteacute

+ gt + minusyy y

1 12 8

2tient pour tout y isin (0 1)

Pour sen convaincre il suffit deacutelever chacun de ses cocircteacutes au carreacute et dutiliser le fait que y lt 1 En posant y = ∆d1 dans lrsquoineacutegaliteacute preacuteceacutedente il deacutecoule alors que

lt + minus + minus

+ = +k d dd d d2

112

18

118

11 11

2

12

2

1

lequel nombre est laquo petit raquo en autant que ∆ ne soit pas trop grand Ainsi pour n = 20 099 = 101 times 199 on obtient que

lttimes

+ ltk98

8 1011 13

2

un nombre deacutetapes relativement petit

3 Plus geacuteneacuteralement pour calculer le plus grand commun diviseur de deux entiers on peut utiliser lrsquoalgorithme drsquoEuclide lequel est tregraves rapide (voir lrsquoarticle laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo p 2 de ce numeacutero)

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DossierApplications

diviseurs milieux essentiellement du mecircme ordre de grandeur de sorte que la meacutethode de Fermat appliqueacutee au nombre 5n aurait reacuteveacuteleacute ses facteurs 505 et 541 en une seule eacutetape Il aurait ensuite suffi de veacuterifier lequel de 505 et de 541 avait laquo heacuteriteacute raquo du facteur artificiel 5 ce qui est bien sucircr tregraves facile agrave faire Voila qui est bien facile lorsqursquoon sait qursquoun des facteurs est proche drsquoun multiple drsquoun autre facteur une information dont on ne dispose malheureusement pas agrave lrsquoavance

Peut-on neacuteanmoins explorer cette approche pour un nombre composeacute arbitraire Lrsquoideacutee serait de consideacuterer le nombre n times r pour un choix approprieacute de r Par exemple si n = pq et r = uv nous aurons nr = pu times qv et si nous sommes chanceux les deux nouveaux diviseurs pu et qv (de nr) seront suffisamment proches lrsquoun de lrsquoautre pour nous permettre drsquoappli-quer lrsquoalgorithme de Fermat avec succegraves En 1974 utilisant un raffinement de cette ideacutee R Sherman Lehman est parvenu agrave montrer que lrsquoon peut en effet acceacuteleacuterer la meacutethode de Fermat et de fait factoriser un entier im-pair n en seulement n13 eacutetapes

Les nombreuses ameacuteliorations de lrsquoideacutee originale de FermatEst-il possible de faire encore mieux Dans les anneacutees 1920 Maurice Kraitchik ameacute-liorait la meacutethode de Fermat et on sait aujourdrsquohui que son approche a constitueacute la base des principales meacutethodes modernes de factorisation des grands nombres Lrsquoideacutee de Kraitchik est la suivante plutocirct que de cher-cher des entiers a et b tels que n = a2 ndash b2 il suffit de trouver des entiers u et v tels que u2 ndash v2 est un multiple de n Par exemple sachant que 1272 ndash 802 est un multiple du nombre n = 1 081 on peut encore une fois profiter de lrsquoidentiteacute

u2 ndash v2 = (u ndash v)(u + v)

Dans notre cas on peut eacutecrire que

1272 ndash 802 = (127 ndash 80)(127 + 80)

= 47 times207

Algorithme (application lente) lorsque les diviseurs milieux sont eacuteloigneacutes

Supposons par exemple que lon cherche agrave factoriser un nombre n de 20 chiffres qui en reacutealiteacute est le produit de deux nombres premiers lun fait de 5 chiffres et lautre de 15 chiffres Il deacutecoule alors de la for-mule

k =d1 +d2

2 d1d2

ougrave k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n par la meacutethode de Fermat qursquoon aura

gt+

minus

gt gt

k n10 10

2

102

ndash10 10

4 14

1410 13

alors quen testant simplement la divi-sibiliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave n lt 1010 cela aurait eacuteteacute au moins mille fois plus rapide

Maurice Kraitchik 1882-1957Matheacutematicien et vulgarisateur scientifique belge Kraitchik sest surtout inteacuteresseacute agrave la theacuteorie des nombres et aux matheacutematiques reacutecreacuteatives

Il est lrsquoauteur de plusieurs ouvrages sur la theacuteorie des nombres reacutedigeacutes entre 1922 et 1930 De 1931 agrave 1939 il a eacutediteacute la revue Sphinx un mensuel consacreacute aux matheacutematiques reacutecreacuteatives Eacutemigreacute aux Etats-Unis lors de la Seconde Guerre mondiale il a enseigneacute agrave la New School for Social Research agrave New York Il srsquoest particuliegraverement inteacuteresseacute au thegraveme geacuteneacuteral des reacutecreacuteations matheacutematiques

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Comme tout facteur premier de n doit obli-gatoirement ecirctre un facteur de 47 ou de 207 et comme 207 = 9 times 23 on peut rapidement conclure que n = 23 times 47 Bien sucircr pour que cette approche soit efficace il faut eacutelaborer des astuces permettant de trouver des multiples du nombre agrave factoriser qui puissent srsquoeacutecrire comme une diffeacuterence de deux carreacutes Or crsquoest preacuteciseacutement ce que plusieurs matheacutematiciens ont reacuteussi agrave faire au cours du vingtiegraveme siegravecle

Ougrave en est-on aujourdrsquohui On a vu qursquoen optimisant la meacutethode origi-nale de Fermat R Sherman Lehman pouvait factoriser un entier n en environ n13 eacutetapes Or dans les anneacutees 1980 en faisant intervenir des outils matheacutematiques plus avanceacutes dont des notions drsquoalgegravebre lineacuteaire Carl Pomerance a davantage peaufineacute la meacutethode originale de Fermat et creacuteeacute une nouvelle meacute-thode de factorisation connue sous le nom de crible quadratique On sait montrer que dans la pratique avec le crible quadratique

il suffit drsquoau plus timese n n(ln ) ln(ln ) eacutetapes pour factoriser un nombre arbitraire n ce qui peut faire une eacutenorme diffeacuterence lorsqursquoil srsquoagit de factoriser de tregraves grands nombres Crsquoest ain-si que le crible quadratique permet de facto-riser un nombre n de 75 chiffres en moins de

=

lt lt

times timese e

e 10 eacutetapes

ln(10 ) ln(ln10 ) 75ln10 ln(75ln10)

299 13

75 75

alors que la meacutethode de Lehman en requiert environ 1025

Et dire que toute cette panoplie de meacutethodes de factorisation ont leur origine dans une ideacutee de Fermat datant de plus de trois siegravecles et demi

Une belle application de la meacutethode de Fermat

On peut montrer que tout entier de la forme 4k4 + 1 peut ecirctre factoriseacutee en utilisant la meacutethode de Fermat en une seule eacutetape

Soit n = 4k4 + 1 On observe drsquoabord que

n 4k 4 +1= = 2k2

En utilisant la meacutethode de Fermat on choisit drsquoabord

a = n + 1 = 2k2 + 1

On veacuterifie ensuite si a2 ndash n est un carreacute parfait Pour y arriver on eacutecrit

a2 ndash n = (2k2 + 1)2 ndash (4k4 + 1)

= 4k4 + 4k2 + 1 ndash 4k4 ndash 1 = 4k2

qui est un carreacute parfait

On peut donc conclure quen posant 4k2 = b2 on a

n = a2 ndash b2 = (2k2 + 1)2 ndash (2k)2

= (2k2 ndash 2k + 1)(2k2 + 2k + 1)

ce qui fournit la factorisation souhaiteacutee

On peut utiliser cette information pour trouver par exemple la factorisation complegravete de n = 258 + 1

En effet commen = 4 times 256 + 1 = 4 times (214)4 + 1

est bien de la forme 4k4 +1 la meacutethode de Fermat devrait nous fournir ses deux diviseurs milieux du premier coup Effective-ment on a

a = n + 1 = 2k2 + 1 = 536 870 913

On a tout de suite

a2 ndash n = 10 73 741 824 = 32 7682 = b2

de sorte que

n = a2 ndash b2

= (53 68 70 913 ndash 32 768)(53 68 70 913 + 32 768)

= 53 68 38 145 times 53 69 03 681

Comme le premier de ces deux facteurs est de toute eacutevidence un multiple de 5 on peut donc conclure que

n = 258 + 1 = 5 times 107 367 629 times 536 903 681

fournissant ainsi la factorisation souhaiteacutee

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ns

Il est facile drsquoemmecircler un fil de pecircche alors qursquoil est tregraves difficile de le deacutemecircler De mecircme certaines opeacuterations sur les nombres

sont faciles dans un sens et difficiles dans lrsquoautre On les appelle opeacuterations agrave sens unique Elles sont utiliseacutees pour la cryptographie

Lorsque vous envoyez votre numeacutero de carte de creacutedit par Internet agrave un site proteacutegeacute le logiciel crypte celui-ci par le code RSA du nom de ses inventeurs Ronald Rivest Adi Shamir et Leonard Adleman

Historiquement les codes secrets ont tous eacuteteacute perceacutes Mais le code RSA publieacute en 1978 reacutesiste encore malgreacute tous les efforts de la communauteacute matheacutematique pour le briser Il repose sur le fait que si on prend deux tregraves grands nombres premiers distincts p et q et qursquoon les multiplie pour obtenir n = pq alors il est hors de porteacutee des ordinateurs actuels2 de reacutecupeacuterer p et q Ainsi on peut se permettre de publier n la cleacute qui sert au cryptage sans crainte que quiconque puisse reacutecupeacuterer p et q qui servent au deacutecryptage Ce proceacutedeacute srsquoappelle la cryptographie agrave cleacute publique parce que la recette de cryptage est publique

Aussi surprenant que cela puisse paraicirctre il est facile pour un ordinateur de fabri-quer de grands nombres premiers Plusieurs algorithmes geacuteneacuterant de grands nombres premiers sont probabilistes Nous allons en preacutesenter un ci-dessous

Dans la cryptographie agrave cleacute publique les mes-sages sont des nombres m infeacuterieurs agrave n On demandera drsquoeacutelever le nombre m agrave une tregraves grande puissance e ougrave e est un nombre qui est eacutegalement public Le message encrypteacute a est le reste de la division de me par n Tou-jours surprenant il est facile pour un or-dinateur de calculer ce reste mecircme si m et e ont chacun 200 chiffres Nous allons voir comment Le deacutecryptage se fait de maniegravere symeacutetrique en calculant le reste de la division de ad par n Mais d est inconnuhellip et pour le calculer il faut connaicirctre p et q et donc factoriser n Donc seul le concepteur qui a choisi p et q peut lire le message

Combien de temps reacutesistera le code RSA Si ce nrsquoeacutetait que des progregraves de la factorisation des entiers et de lrsquoaugmentation de la puis-sance des ordinateurs il pourrait reacutesister en-core longtemps quitte agrave allonger un peu la cleacute n Mais crsquoest sans compter sur la preacute-sence possible drsquoun nouveau venu lrsquoordina-teur quantique Cet ordinateur nrsquoexiste pas encore Par contre un algorithme rapide de factorisation sur un ordinateur quantique lrsquoalgorithme de Shor existe depuis 1997 Nous allons nous pencher sur lrsquoideacutee de cet algorithme

Christiane Rousseau Universiteacute de Montreacuteal

2 Voir lrsquoarticle laquo Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres raquo de Jean-Marie De Koninck p 8 de ce numeacutero

Comme 1 est le pgcd1 de e et de φ(n) on peut eacutecrire via lrsquoalgo-rithme drsquoEuclide

1 = 10 times 1 456 ndash 633 times 23Donc 1 = 10 times 1 456 ndash (1 456-823) times 23ou encore

1= ndash13 times 1 456 + 823 times 23Comme 823 times 23 =13 times 1 456 + 1 le reste de la division de ed par φ(n) vaut bien 1

1 Voir laquo Algorithmes dans lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

Calculer le reste de la division de me par nEacutecrivons la deacutecomposition de e = 23 en somme de puissances de 2

e = 1 + 2 + 4 + 16

Alors

m e = m m2 m4 m16

On va donc y aller pas agrave pas pour calculer ces puissances et agrave chaque eacutetape on va diviser par n Le reste de la division de m2 par n est 1 126 Remarquons que m4 = (m2)2 Le reste de la division de m4 par n est donc le mecircme que le reste de la division de 1 1262 par n

1 1262 = 823n + 1 388

De mecircme le reste de la division de m8 par n est le mecircme que le reste de la division de 1 3882 par n

1 3882 = 1 253n + 683

Finalement le reste de la division de m16 par n est le mecircme que le reste de la division de 6832 par n

6832 = 303n + 778

On remet le tout ensemble Le reste de la division de m23 par n est le mecircme que le reste de la division de

1 234 1 126 1 388 778

par n qui est bien a = 1 300 Dans la ligne qui preacutecegravede on peut aussi alterner entre faire des

multiplications et diviser les produits partiels par n pour ne pas laisser grossir les expressions Ces calculs sont faciles pour des ordinateurs mecircme quand les nombres sont tregraves grands

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un exemple de fonctionnement du code RSAAline veut pouvoir recevoir des mes-sages secrets de Bernard Elle construit donc un systegraveme agrave cleacute publique pour re-cevoir de tels messages Elle prend les nombres premiers p = 29 et q = 53 La cleacute est n =1 537 Elle aura besoin du nombre

φ(n) = (p ndash 1)(q ndash 1) = 1 456

Elle choisit e relativement premier avec φ(n) par exemple e = 23 Soit d = 823 Il a eacuteteacute construit pour que le reste de la division de ed par φ(n) soit 1 (voir encadreacute ci-contre) Pour ce il fallait connaitre φ(n) et donc la factorisation de n ce qui est difficile pour quelqursquoun ne connaissant pas p et q Aline publie n et e Bernard veut lui envoyer le message

m = 1 234

Pour le crypter il lrsquoeacutelegraveve agrave la puissance e = 23 et le divise par n Ceci lui donne le message crypteacute

a = 1 300

qursquoil envoie agrave Aline Celle-ci utilise d connu drsquoelle seule pour calculer le reste de la divi-sion de ad par n Ce reste est preacuteciseacutement le message m = 1 234

Lrsquoexemple eacutetait avec de petits nombres Mais comment faire les calculs quand les nombres sont gros Il faut se rappeler que ce qui nous inteacuteresse ce ne sont pas les nombres me et

ad mais seulement le reste de leur division par n Alors il ne faut pas laisser grossir les calculs Il faut plutocirct alterner entre prendre des puissances et diviser par n (Voir deacutetails dans lrsquoencadreacute)

Construire de grands nombres premiersLrsquoideacutee est la suivante Si on veut construire un grand nombre premier de 100 chiffres on geacutenegravere au hasard un nombre de 100 chiffres et on laquo teste raquo srsquoil est premier Srsquoil ne lrsquoest pas on recommence avec un autre nombre geacuteneacute-reacute au hasard jusqursquoagrave ce qursquoon tombe sur un nombre premier

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Premiegravere question combien faut-il faire de tests en moyenne Un nombre de 100 chiffres est un nombre de lrsquoordre de 10100 Le theacuteoregraveme des nombres premiers nous dit que si N est grand il y a environ N ln N nombres premiers infeacuterieurs ou eacutegaux agrave N Si on choisit au ha-sard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 la chance qursquoil soit premier est donc drsquoenviron

N1

ln1

ln101

100ln101

230100= = =

On peut faire mieux la moitieacute des nombres sont pairs et parmi les nombres impairs on peut eacuteliminer les multiples de 5 Donc si on choisit au hasard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 qui se termine par 1 3 7 ou 9 on a une chance sur 92 qursquoil soit pre-mier (40 des nombres se terminent par 1 3 7 9 et 410 de 230 donne 92) Ceci signi-fie qursquoen moyenne apregraves 92 tests on a trou-veacute un nombre premier Faire 92 tests est fa-cile pour un ordinateur

Ceci nous amegravene agrave la deuxiegraveme question que signifie laquo tester raquo qursquoun nombre p est pre-mier On a appris agrave le faire en cherchant si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p ce qui revient agrave factoriser partiellement p Mais factoriser est difficile pour un ordinateurhellip

On peut faire mieux Srsquoil est facile de tester si un nombre p est premier crsquoest parce qursquoon peut le faire sans factoriser p Lrsquoideacutee est la suivante Si p nrsquoest pas premier il laisse

ses empreintes partout Dans le test de primaliteacute de Miller-Rabin si p nrsquoest pas pre-mier au moins les trois-quarts des nombres entre 1 et p ont une empreinte de p crsquoest-agrave-dire qursquoils sont des teacutemoins du fait que p nrsquoest pas premier Le test pour deacutecider si un nombre est un teacutemoin est un peu tech-nique (voir encadreacute page ci-contre) Mais ce test est facile pour un ordinateur On choisit au hasard des nombres a1 am le p Si lrsquoun des ai est un teacutemoin on conclut que p nrsquoest pas premier Si aucun des ai nrsquoest un teacutemoin alors p a une tregraves grande chance drsquoecirctre pre-mier Par exemple si m = 100 la chance que p ne soit pas premier sachant que a1 am ne sont pas des teacutemoins est infeacuterieure ou eacutegale agrave 10ndash58 soit tregraves tregraves petite

Peut-on se fier agrave un algorithme probabiliste Les informaticiens le font reacuteguliegraverement degraves qursquoils ont besoin de grands nombres premiers et on nrsquoobserve pas de catas-trophe autour de nous On voit drsquoailleurs qursquoon pourrait transformer cet algorithme probabiliste de primaliteacute en algorithme deacute-terministe il suffirait de tester au moins le quart des nombres a isin 2 p ndash1 Si aucun nrsquoest un teacutemoin alors on peut affir-mer avec certitude que p est premier Mais cet algorithme serait sans inteacuterecirct car il requerrait de regarder si p4 nombres sont des teacutemoins alors que lrsquoalgorithme usuel de factorisation demande de regarder si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p et

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lt degraves que p gt 16

Casser le code RSA sur un ordinateur quantiqueEn 1997 Peter Shor a annonceacute un algo-rithme qui casserait le code RSA sur un ordinateur quantique qui nrsquoexiste pas encorehellip Que signifie cette affirmation Lrsquoalgorithme de Shor est simplement un autre algorithme de factorisation Il fonc-tionnerait sur un de nos ordinateurs mais il serait moins bon que les meilleurs algo-rithmes de factorisation La limite de nos ordinateurs est le paralleacutelisme On ne peut faire qursquoun nombre limiteacute drsquoopeacuterations en parallegravele

DossierApplications

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Quelques avantages de la cryptographie agrave cleacute publique

La cryptographie agrave cleacute publique est tregraves utile quand des milliers de personnes par exemple des clients peuvent vouloir envoyer leur numeacutero de carte de creacutedit agrave une mecircme compagnie

La meacutethode drsquoencryptage est publique et seule la compagnie peut deacutecrypter les messages chiffreacutes

Un autre avantage est que deux interlocuteurs nrsquoont pas besoin drsquoeacutechanger de lrsquoinformation secregravete par exemple une cleacute pour communiquer de maniegravere seacutecuritaire Il suffit que chacun publie son systegraveme de cryptographie agrave cleacute publique

Le systegraveme RSA permet de signer un message pour srsquoassurer qursquoil provient bien de la bonne personne Dans notre exemple pour que Bernard signe son message il faut qursquoil construise son propre sys-tegraveme agrave cleacute publique dont il publie la cleacute nrsquo et la cleacute de cryptage ersquo Il se servira de sa cleacute de deacutecryptage drsquo pour apposer sa signature sur le message

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un ordinateur est composeacute de transistors qui fonctionnent agrave la maniegravere drsquointerrup-teurs en ayant deux positions OUVERT et FERMEacute que lrsquoon peut coder comme des bits drsquoinformation 0 ou 1 Un nombre de 200 chiffres est infeacuterieur agrave 10200 lt 2665 et donc peut srsquoeacutecrire avec 665 bits Tester srsquoil a un diviseur premier infeacuterieur agrave 10100 lt 2333 revient agrave regarder toutes les suites de 333 bits eacutegaux agrave 0 ou 1 Un travail titanesque sauf si lrsquoordinateur a un grand paralleacutelisme Dans un ordinateur quantique les bits drsquoinformation sont des bits quantiques ils peuvent ecirctre dans un eacutetat superposeacute entre 0 et 1 Lrsquoimage que lrsquoon pourrait donner est celle drsquoun sou Une fois lanceacute il tombe sur PILE ou sur FACE Mais avant de le lancer il a probabiliteacute 12 de tomber sur PILE et probabiliteacute 12 de tomber sur FACE On pourrait dire qursquoil est dans un eacutetat superposeacute Le fait que m bits quantiques soient dans un eacutetat superposeacute implique qursquoils peuvent faire simultaneacutement les 2m opeacutera-tions diffeacuterentes correspondant agrave tous les choix de valeurs 0 ou 1 pour chacun des bits Par contre de mecircme que notre sou tombe neacutecessairement sur PILE ou sur FACE degraves qursquoon veut observer un bit quantique il prend neacutecessairement la valeur 0 ou la valeur 1 et donc on ne peut observer le reacutesultat de tous les calculs faits en parallegravele La subtiliteacute de lrsquoalgorithme de Shor vient du fait qursquoon pourra reacutecupeacuterer le reacutesultat du calcul lequel donne une factorisation de p si p nrsquoest pas premier

Le nombre 15 a eacuteteacute factoriseacute sur un ordi-nateur quantique en 2007 et en 2012 on a factoriseacute 143 = 11x13 Les progregraves semblent lents depuis ce temps Le deacutefi technologique de lrsquoordinateur quantique est de maintenir de nombreux bits en eacutetat superposeacute Ce recircve deviendra-t-il reacutealiteacute Mecircme si les progregraves semblent lents les experts y croient de plus en plus

Tester si un nombre est un teacutemoinOn veut tester si p impair est premier Alors on peut eacutecrire p ndash 1 qui est pair comme p ndash 1 = 2sd ougrave d est impair

(Il suffit de diviser p ndash 1 par 2 successive-ment jusqursquoagrave ce que le quotient soir im-pair) Soit a isin 2 p ndash1

Critegravere pour ecirctre teacutemoin Si a est un teacute-moin que p nrsquoest pas premier alors on a simultaneacutement que le reste de la division de ad par p est diffeacuterent de 1 et que les restes de la division de a d2r

par p sont diffeacuterents de p ndash 1 pour tous les r isin 0 s ndash1

Regardons un premier exemple Prenons p = 13 Alors p ndash 1 = 22 3 Ici d = 3 et s = 2 Voyons que p nrsquoa aucun teacutemoin

La premiegravere colonne du tableau agrave gauche donne a la deuxiegraveme colonne donne

le reste de la division de ad = a3 par p et la troisiegraveme colonne le reste de la division de a2d = a6 par p

On voit bien que pour chaque a soit on a un 1 dans le premiegravere colonne ou bien un 1 ou un 12 dans la deuxiegraveme colonne et donc aucun a nrsquoest un teacutemoin de 13 On sait alors que 13 est premier

Refaisons lrsquoexercice avec p = 15 Alors p ndash 1 = 2 7 Comptons combien p a de teacutemoins Ici la deuxiegraveme colonne repreacutesente le reste de la division de ad= a7 par p Tous les a sauf 14 sont des teacutemoins et chacun nous dit que 15 nrsquoest pas premier

Mais bien sucircr apprendre qursquoun nombre a est un teacutemoin que p nrsquoest pas premier ne nous apprend rien de la factorisation de p

81

1288551

125

12

1211

1212121211

121

a23456789

101112

812456

1329

101137

14

a23456789

1011121314

Le fonctionnement de lrsquoalgorithme de Shor

On veut factoriser un entier n Lrsquoalgo-rithme de Shor cherche un diviseur d de n qui soit diffeacuterent de 1 et de n Ensuite on peut iteacuterer en cherchant un diviseur de lrsquoentier S = nd Voyons qursquoil suffit de trouver un entier r tel que n divise r2 ndash 1 = (r ndash 1)(r + 1) mais n ne divise ni r ndash 1 ni r + 1 Puisque n divise r2 ndash 1 il existe un entier m tel que r2 ndash 1 = mn Soit p un facteur premier de n Alors p divise r ndash 1 ou encore p divise r + 1 Dans le premier cas d est le pgcd de r ndash 1 et n et dans le deuxiegraveme cas celui de r + 1 et n Calculer le pgcd de deux nombres par lrsquoalgorithme drsquoEuclide3 est facile pour un ordinateur Comment construire un tel entier r est un peu technique et nous ne ferons pas les deacutetails

3 Voir laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

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Si la notion de logarithme paraicirct aujourdrsquohui tout agrave fait naturelle sa conceptualisation et sa mise en œuvre au plan pratique au deacutebut

du 17e siegravecle nrsquoont point eacuteteacute une mince affaire Premiers eacutepisodes de cette foisonnante saga

Peu de temps apregraves leur introduction par John Napier (1550-1617) au tout deacutebut du 17e siegravecle les logarithmes se sont rapidement imposeacutes comme un laquo merveilleux raquo1 outil essentiel en astronomie et en navigation deux domaines scientifiques particuliegraverement avanceacutes agrave cette eacutepoque et qui venaient avec leur lot de calculs proprement titanesques Crsquoest dans un tel contexte qursquoil faut entendre le ceacutelegravebre aphorisme ducirc au matheacutematicien physicien et astronome franccedilais Pierre-Simon Laplace2 (1749-1827) qui srsquointeacuteressant dans le cadre drsquoun survol historique de lrsquoastronomie aux travaux de Johannes Kepler (1571-1630) affirmait que la deacutecouverte des logarithmes mdash combineacutee agrave lrsquoarithmeacutetique des Indiens crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecriture des nombres dans un systegraveme positionnel mdash avait pour ainsi dire doubleacute la vie des astronomes (voir encadreacute)

La preacutehistoire des logarithmesIssu entiegraverement de lrsquolaquo esprit humain raquo selon les dires de Laplace le concept de logarithme repose sur une ideacutee somme toute assez na-turelle consideacuterant diverses puissances drsquoun mecircme nombre on porte lrsquoattention sur les exposants de ces puissances Par exemple srsquoagissant des entiers

64 256 1024 et 4096crsquoest-agrave-dire respectivement

43 44 45 et 46on envisage plutocirct les exposants

3 4 5 et 6

Sur la base de ces donneacutees on pourrait conclure immeacutediatement mdash si on dispose drsquoune table de puissances de 4 mdash que

256 times 4 096 = 1 048 576prenant appui sur le fait que

44 times 46 = 44 + 6 = 410

(on applique ici une regravegle de base des exposants qui va de soi lorsque ceux-ci sont des entiers naturels) Il nrsquoest pas eacutetonnant que des telles intuitions aient pu se retrouver il y a fort longtemps

Jeacuterocircme Camireacute-Bernier

Bernard R Hodgson Universiteacute Laval

1 Renvoi agrave lrsquoeacutepithegravete mirifique (archaiumlque de nos jours) utiliseacutee par Napier lui-mecircme Lrsquoex-pression mirifique invention de notre titre est emprunteacutee agrave Jean-Pierre Friedelmeyer (voir le Pour en savoir plus)

2 Alias Pierre-Simon de Laplace Aussi homme politique il fut nommeacute marquis en 1817 (drsquoougrave la particule nobiliaire)

Laplace agrave propos des logarithmeslaquo Il [Kepler] eut dans ses derniegraveres anneacutees lrsquoavantage de voir naicirctre et drsquoemployer la deacutecouverte des logarithmes due agrave Neper baron eacutecossais artifice admirable ajouteacute agrave lrsquoingeacutenieux algorithme des Indiens et qui en reacuteduisant agrave quelques jours le travail de plusieurs mois double si lrsquoon peut ainsi dire la vie des astronomes et leur eacutepargne les erreurs et les deacutegoucircts inseacuteparables des longs calculs invention drsquoautant plus satis-

faisante pour lrsquoesprit humain qursquoil lrsquoa tireacutee en entier de son propre fonds dans les arts lrsquohomme se sert des mateacuteriaux et des forces de la nature pour accroicirctre sa puissance mais ici tout est son ouvrage raquo

Exposition du systegraveme du monde Livre V Chapitre IV

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

Un peu de vocabulaire

Eacutetant donneacute deux reacuteels (positifs) x et y leur moyenne arithmeacutetique

est donneacutee par x y2+ et leur moyenne geacuteomeacutetrique par xy

Ces appellations trouvent leur origine dans les matheacutematiques grecques de lrsquoAntiquiteacute notamment de lrsquoeacutepoque de Pythagore

Lrsquoarithmeacutetique de lrsquoeacutecole pythagoricienne portant sur lrsquoeacutetude des entiers (et des rapports simples drsquoentiers) on voit immeacutediatement pourquoi la premiegravere moyenne est dite laquo arithmeacutetique raquo Quant agrave la moyenne laquo geacuteomeacutetrique raquo elle fait intervenir une opeacuteration qui megravene agrave des grandeurs geacuteneacuteralement au-delagrave du champ des entiers Or le domaine qui eacutetudie les grandeurs par exemple les segments de droite est justement la geacuteomeacutetrie

On peut montrer que dans une suite arithmeacutetique un terme donneacute (agrave partir du deuxiegraveme) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins Et de mecircme mutatis mutandis pour une suite geacuteomeacutetrique (Voir la Section problegravemes)

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Ainsi sur la partie infeacuterieure de la tablette meacutesopotamienne MLC 020783 datant drsquoentre 1900 et 1600 avant notre egravere se trouve le tableau ci-haut (les nombres sont donneacutes ici en notation moderne et non en eacutecriture cu-neacuteiforme) on y reconnaicirct immeacutediatement la liste des premiegraveres puissances de 2 ainsi que les exposants correspondants

Lrsquousage a consacreacute lrsquoexpression suite arith-meacutetique (ou progression arithmeacutetique selon une tournure un brin suranneacutee) pour une liste de nombres qui comme dans la colonne de droite de ce tableau croissent (ou deacutecroissent) reacuteguliegraverement de maniegravere additive

a a + d a + 2d a + nd

a repreacutesentant le premier terme de la suite et d la diffeacuterence entre deux termes conseacute-cutifs mdash crsquoest-agrave-dire de combien lrsquoun de ces termes est plus grand que lrsquoautre4 (Le tableau preacuteceacutedent correspond au cas ougrave a = 1 et d = 1) Lorsque les nombres de la liste sont relieacutes multiplicativement

a ar ar2 arn

on parlera de suite (ou progression) geacuteomeacute-trique la constante r repreacutesentant cette fois le rapport entre deux termes conseacutecutifs mdash crsquoest-agrave-dire combien de fois lrsquoun est plus grand que lrsquoautre4 (Dans la colonne de gauche du tableau on a a = 2 et r = 2) (Voir lrsquoencadreacute Un peu de vocabulaire pour le sens des mots laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo dans un tel contexte)

Selon cette nomenclature la tablette MLC 02078 peut donc srsquointerpreacuteter comme la mise en comparaison de deux suites lrsquoune arithmeacutetique et lrsquoautre geacuteomeacutetrique Ce type de situation se retrouve agrave diverses eacutepoques au fil des acircges Ainsi en est-il question dans un autre document de lrsquoAntiquiteacute LrsquoAreacutenaire traiteacute dans lequel Archimegravede (-287 ndash -212) se donne comme objectif de deacuteterminer le nombre de grains de sable dont le volume serait eacutegal agrave celui du laquo monde raquo5 Parmi les outils dont se sert alors le grand matheacutematicien grec se retrouve la manipulation simultaneacutee drsquoune suite arithmeacutetique et drsquoune suite geacuteomeacutetrique ce qui lrsquoamegravene (en termes modernes) agrave identifier au passage la regravegle drsquoaddition des exposants

bm times bn = bm +n

(voir la Section problegravemes) et donc le prin-cipe de transformation drsquoune multiplication en une addition agrave la base des logarithmes

3 Pour Morgan Library Collection Cette tablette se retrouve dans la collection de lrsquoUniversiteacute Yale aux Eacutetats-Unis

4 Cette faccedilon de parler est utiliseacutee par Euler lorsqursquoil introduit les notions de rapports arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique dans ses Eacuteleacutements drsquoalgegravebre (1774) mdash voir Section troisiegraveme laquo Des rapports amp des propor-tions raquo entre autres les articles 378 398 et 505

5 Une des difficulteacutes auxquelles fait ici face Archimegravede est de reacutealiser cet objectif dans le cadre du systegraveme de numeacuteration grec qui nrsquoeacutetait pas propice pour exprimer aiseacutement de tregraves grands nombres Mais cela est une autre histoirehellip

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Tablette MLC 02078 (1900-1600 avant notre egravere)

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Cette mecircme ideacutee se retrouve plusieurs siegravecles plus tard dans Le Triparty en la science des nombres (1484) du Franccedilais Nicolas Chuquet (1445-1488) Dans la troisiegraveme partie de cet ouvrage Chuquet introduit des regravegles cal-culatoires de nature algeacutebrique Il srsquointeacuteresse alors notamment aux valeurs des puis-sances de 2 depuis 1 jusqursquoagrave 1 048 576 qursquoil aligne en colonnes avec les exposants entiers correspondants (qursquoil appelle laquo deacuteno-minations raquo) de 0 jusqursquoagrave 20 et note que la multiplication de nombres de la premiegravere colonne correspond agrave lrsquoaddition de nombres dans la seconde Il identifie aussi une autre regravegle de base des exposants

b b( )m n mn=(encore une fois exprimeacutee ici en notation moderne) Agrave noter que Chuquet utilise une notation avec indice sureacuteleveacute (comme nous le faisons aujourdrsquohui)6 et qursquoen plus de lrsquoexposant 0 il considegravere des exposants (entiers) neacutegatifs Au milieu du 16e siegravecle lrsquoAllemand Michael Stifel (1487-1567) reprendra les mecircmes thegravemes dans son Arithmetica integra (1544) ougrave il parle expli-citement de la relation entre une progression arithmeacutetique et une progression geacuteomeacutetrique Crsquoest drsquoailleurs agrave Stifel que lrsquoon doit le vocable exposants pour deacutesigner les nombres de la suite arithmeacutetique en jeu

Si quelques-uns des principes servant de fondements agrave la notion de logarithme se per-ccediloivent dans les commentaires qui preacutecegravedent on est encore loin du logarithme en tant que tel Pour qursquoune correspondance entre une suite geacuteomeacutetrique et une suite arithmeacutetique devienne un veacuteritable outil de calcul il faut en effet laquo boucher les trous raquo entre les puissances (entiegraveres) successives Il peut ecirctre inteacuteressant comme le souligne Chuquet de conclure gracircce agrave sa table des puissances de 2 que le produit de 128 et 512 est 65 536 Mais cela ne nous renseigne en rien par exemple sur le produit 345 times 678 On voit mecircme Chuquet dans un appendice au Tripar-ty chercher agrave reacutesoudre des problegravemes dans lesquels un exposant fractionnaire est rechercheacute mdash mais sans deacutevelopper pour autant drsquoapproche systeacutematique agrave cette fin

Certains eacuteleacutements (timides) agrave cet eacutegard se retrouvent il y a fort longtemps Ainsi le tableau numeacuterique ci-contre figure lui aussi sur la tablette MLC 02078 (dans sa partie supeacuterieure) On y voit une progression arith-meacutetique de diffeacuterence frac-tionnaire ecirctre juxtaposeacutee agrave une progression geacuteomeacutetrique agrave savoir des puissances de 16 Mais peu semble avoir eacuteteacute fait pour pousser plus loin de telles asso-ciations jusqursquoagrave lrsquoarriveacutee de Napier

Les logarithmes agrave la NapierTout eacutetudiant est aujourdrsquohui familier avec le fait que le passage drsquoun nombre donneacute agrave son logarithme (selon une certaine base) revient agrave identifier lrsquoexposant dont il faut affecter cette base pour retrouver le nombre en cause Ayant fixeacute un reacuteel b (positif et diffeacuterent de 1) et consideacuterant un reacuteel positif x le logarithme de x dans la base b noteacute logbx est donc par deacutefinition lrsquoexposant (reacuteel) u tel que bu = x Une telle vision il faut le souligner demeure relativement tardive par rapport agrave lrsquointuition originale de logarithme nrsquoeacutetant devenue la norme que pregraves drsquoun siegravecle et demi apregraves les travaux de lrsquoEacutecossais John Napier7 mdash voir lrsquoencadreacute Les traiteacutes de Napier mdash lorsque Leonhard Euler (1707-1783) en a fait la pierre drsquoassise de son traitement de la fonction logarithmique8 dans son Introduc-tio in analysin infinitorum (1748) Acceptant les proprieacuteteacutes de la fonction exponentielle bu pour des reacuteels b et u quelconques on tire im-meacutediatement de cette deacutefinition la proprieacuteteacute de base du logarithme

logb xy = logb x + logb y

ce qui permet de transformer une multi-plication en une addition de mecircme que les eacutegaliteacutes similaires pour le logarithme drsquoun quotient ou drsquoune puissance

DossierHistoire

6 La notation exponentielle aujourdrsquohui usuelle telle a2 ou a3 se reacutepandra apregraves son utilisa-tion par Reneacute Descartes (1596-1650) dans son traiteacute La geacuteomeacutetrie (1637)

7 Voir Andreacute Ross laquo John Napier raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 8-11

8 Cette approche drsquoEuler peut ecirctre vue comme une illustration remarquable de lrsquoim-pact drsquoune bonne notation en vue de clarifier et faciliter la deacutemarche de la penseacutee

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On observera que lrsquoideacutee drsquoun lien entre deux suites lrsquoune geacuteomeacutetrique et lrsquoautre arithmeacutetique bien que sous-jacente agrave la derniegravere eacutegaliteacute nrsquoest pas pour autant expli-citement mise en eacutevidence dans cette vision moderne (post-euleacuterienne) du logarithme Or agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier introduit ses loga-rithmes lrsquoideacutee de laquo fonction raquo nrsquoest pas dans lrsquoair du temps mdash elle ne surgira de fait que vers la fin du 17e siegravecle dans la mouvance des travaux sur le calcul infiniteacutesimal mdash de sorte que la comparaison de suites (geacuteomeacutetrique et arithmeacutetique) demeure la principale source drsquoinspiration de ses travaux

Une autre mouvance de lrsquoeacutepoque visait agrave se doter drsquooutils permettant de simplifier lrsquoexeacutecution de calculs arithmeacutetiques portant sur de gros nombres Dans un texte preacuteceacute-dent9 nous avons preacutesenteacute entre autres la meacutethode de prosthapheacuteregravese utiliseacutee vers la fin du 16e siegravecle en vue de transformer une multiplication en addition ou une division en soustraction La populariteacute de telles meacutethodes notamment dans les cercles astronomiques a certainement contribueacute agrave convaincre Napier de lrsquoimportance de deacuteve-lopper des outils permettant de raccourcir les calculs y compris dans le cas de lrsquoexponen-tiation ou de lrsquoextraction de racine Il en fait drsquoailleurs mention explicitement dans la preacute-face de son Descriptio Soulignant le caractegravere peacutenible dans la pratique des matheacutematiques de la multiplication division ou extraction de racine carreacutee ou cubique de grands nombres Napier insiste non seulement sur le temps re-quis pour exeacutecuter ces opeacuterations mais aus-si sur les nombreuses erreurs qui peuvent en reacutesulter Agrave la recherche drsquoune meacutethode sucircre et expeacuteditive afin de contourner ces difficul-teacutes il annonce qursquoapregraves lrsquoexamen de plusieurs proceacutedeacutes il en a retenu un qui rencontre ses attentes

laquo Agrave la veacuteriteacute aucun proceacutedeacute nrsquoest plus utile que la meacutethode que jrsquoai trouveacutee Car tous les nombres utiliseacutes dans les multiplica-tions les divisions et les extractions ar-

dues et prolixes de racines sont rejeteacutes des opeacuterations et agrave leur place sont substitueacutes drsquoautres nombres sur lesquels les calculs se font seulement par des additions des soustractions et des divisions par deux et par trois raquo10

La vision geacuteomeacutetrico- cineacutematique de NapierUn troisiegraveme eacuteleacutement sur lequel srsquoappuie Napier dans sa creacuteation des logarithmes est la geacuteomeacutetrie mdash plus preacuteciseacutement la geacuteomeacutetrie du mouvement Il a en effet lrsquoideacutee de comparer le deacuteplacement de deux points lrsquoun bougeant selon une vitesse11 variant de maniegravere telle que les distances parcourues en des intervalles de temps eacutegaux forment une progression geacuteomeacute-trique tandis que lrsquoautre point bougeant agrave vitesse constante deacute-termine des distances en progression arith-meacutetique Le support geacuteomeacutetrique dont se sert alors Napier peut se deacutecrire comme suit

9 Voir laquo Eacutemergence logarithmique tables et calculs raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 2-7

10 Tireacute de la preacuteface du Mirifici logarithmorum canonis descriptio (traduction personnelle)

11 Napier introduit lrsquoideacutee de mouvement degraves la deacutefinition 1 du Descriptio Il utilise explicite-ment le terme laquo vitesse raquo agrave la deacutefinition 5

Les traiteacutes de NapierCrsquoest degraves lrsquoanneacutee 1594 que Na-pier entame les travaux qui lrsquoamegraveneront agrave la notion de loga-rithme En 1614 il fait connaicirctre son invention en publiant un premier traiteacute sur le sujet mdash reacutedigeacute en latin la langue des savants de lrsquoeacutepoque Mirifici lo-garithmorum canonis descrip-tio (crsquoest-agrave-dire Description de la merveilleuse regravegle des loga-rithmes) Il srsquoagit de la premiegravere publication drsquoune table de lo-garithmes qui occupent les 90 derniegraveres pages du traiteacute Cette table est preacuteceacutedeacutee drsquoun texte de 57 pages ougrave Napier explique

ce que sont les logarithmes et comment les utiliser

Un second traiteacute de Napier sur le sujet est un ouvrage reacutedigeacute avant la parution du Descriptio mais publieacute par lrsquoun de ses fils seulement en 1619 deux ans apregraves sa mort Mirifici loga-rithmorum canonis constructio (Construction de la merveilleuse regravegle des logarithmes) Dans un texte drsquoenviron 35 pages (ac-compagneacute drsquoappendices) Na-pier preacutesente la theacuteorie sur la-quelle il srsquoest appuyeacute pour construire sa table

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Eacutetant donneacute un segment AB de longueur deacutetermineacutee il considegravere un point P partant de A avec une vitesse initiale donneacutee et se deacuteplaccedilant vers B en une seacuterie de laquo pas raquo P1 P2 P3 Pn

Napier stipule (Descriptio deacutefinition 2) que la vitesse de deacuteplacement de P le long de AB deacutecroicirct de maniegravere telle que en des temps eacutegaux la longueur de chacun des inter-valles AP1 P1P2 P2P3 P3P4 successivement parcourus par P est proportionnelle agrave la dis-tance seacuteparant P de sa cible B (lorsqursquoil est agrave lrsquoextreacutemiteacute gauche de chaque intervalle)12

APAB

P PP B

P PP B

P PP B

1 1 2

1

2 3

2

3 4

3

= = = =

On tire immeacutediatement de ces eacutegaliteacutes que

P BAB

P BP B

P BP B

P BP B

1 2

1

3

2

4

3

= = = =

(voir la Section problegravemes) de sorte que la suite de segments AB P1B P2B P3B qui correspond aux distances entre les diverses positions de P et lrsquoextreacutemiteacute B forme une suite geacuteomeacutetrique deacutecroissante (Construc-tio article 24) la longueur de chacun drsquoeux est en effet la moyenne geacuteomeacutetrique de ses deux voisins Napier considegravere alors un second point Q se deacuteplaccedilant agrave vitesse constante sur une demi-droite (donc illimiteacutee dans un sens) et de maniegravere telle qursquoau moment ougrave P passe par Pi le point Q est en un point Qi = i (voir la Section problegravemes)

Lrsquoideacutee de Napier est drsquoassocier la suite arith-meacutetique

0 1 2 3 n

correspondant aux positions successives de Q agrave la suite geacuteomeacutetrique deacutetermineacutee par les segments

AB P1B P2B P3B PnB

Mais pour que cette association soit com-plegravete il faut la geacuteneacuteraliser agrave un emplacement quelconque de P sur AB outre les positions laquo discregravetes raquo P1 P2 P3 Voici le tour de passe-passe permettant agrave Napier de contourner cette difficulteacute

Puisque des distances parcourues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est propor-tionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (voir la Section problegravemes) Ainsi quand P est agrave mi-chemin dans son trajet de A vers B sa vitesse a diminueacute de moitieacute par rapport agrave sa vitesse initiale Et quand il est rendu aux deux-tiers de lrsquointervalle AB sa vitesse ne vaut plus que le tiers de celle de deacutepart

Passant agrave une vision laquo lisse raquo mdash et non plus par laquo pas raquo mdash du deacuteplacement de P Napier en vient agrave consideacuterer ce point comme chan-geant laquo continucircment raquo de vitesse13 mdash et non pas de maniegravere abrupte et instantaneacutee en chaque point Pi Pour rester dans les mecircmes conditions que preacuteceacutedemment il suppose donc que P se deacuteplace laquo geacuteomeacute-triquement raquo de A vers B crsquoest-agrave-dire de maniegravere telle que la vitesse de P est toujours proportionnelle agrave la distance qui le seacutepare de B (Constructio article 25)

Les laquo logarithmes agrave la Napier raquo sont main-tenant agrave porteacutee de main Supposant drsquoune part que les deux points P et Q entament leur deacuteplacement agrave la mecircme vitesse le premier selon une vitesse deacutecroissant geacuteomeacutetriquement de A vers B et le second agrave vitesse constante agrave partir de 0 et suppo-sant de plus que le point Q est en y lorsque le point P est agrave une distance x de B alors y est appeleacute par Napier le logarithme de x (On eacutecrira ici par commoditeacute y = Nlog(x))

Crsquoest ainsi que le logarithme du reacuteel x est le reacuteel y deacutetermineacute par la suite arithmeacutetique associeacutee agrave la suite geacuteomeacutetrique correspon-dant agrave x

DossierHistoire

12 On notera au passage que le point P nrsquoat-teint ainsi jamais sa cible B car agrave chaque eacutetape il gruge toujours la mecircme fraction du chemin restant agrave parcourir

13 Napier nrsquoutilise pas explicitement une telle terminologie

0 y

x

Q rarrA

P rarr

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P1 P2 P3 P4 Pn

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Q1 Q2 Q3 Q4 Qn

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Valeurs numeacuteriques des logarithmes de NapierPlusieurs aspects de la notion de logarithme telle que conccedilue et mise en œuvre par Na-pier peuvent nous sembler un peu eacutetranges aujourdrsquohui On a deacutejagrave insisteacute sur la place qursquoy occupent les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique maintenant absentes du discours sur les logarithmes Une autre par-ticulariteacute est relieacutee aux valeurs numeacuteriques mecircmes deacutetermineacutees par Napier

Une motivation cleacute de Napier eacutetait de construire un outil facilitant les calculs tri-gonomeacutetriques un domaine drsquoapplication des matheacutematiques de toute premiegravere importance agrave son eacutepoque Crsquoest pour cette raison que la table produite par Napier dans son Descriptio repose non pas sur des nombres en geacuteneacuteral mais plutocirct sur le sinus des angles allant de 0deg agrave 90deg chaque degreacute eacutetant diviseacute en 60 minutes Agrave chacune de ces valeurs de sinus (il y en a donc 5 400 en tout) Napier associe son logarithme tel que deacutefini ci-haut

Il faut par ailleurs souligner que la notion de sinus de lrsquoeacutepoque nrsquoest pas tout agrave fait la mecircme qursquoaujourdrsquohui le sinus est alors non pas vu comme un rapport de cocircteacutes dans un triangle mais plutocirct comme la longueur drsquoune demi-corde dans un cercle donneacute Afin de faciliter les calculs il eacutetait drsquousage de travailler avec un cercle de grand rayon de maniegravere agrave eacuteviter lrsquoemploi de fractions et agrave se res-treindre agrave des nombres naturels Or agrave la fin du 16e siegravecle agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier entreprit ses travaux crsquoest sur un cercle de rayon 10 000 000 que srsquoappuyaient certaines des tables trigonomeacutetriques alors en circula-tion14 Crsquoest sans doute lagrave la raison pour laquelle Napier deacutecide de se servir de cette mecircme valeur pour asseoir la construction de sa table logarithmique

Il se dote donc drsquoun segment AB de longueur 107 = 10 000 000 (Constructio article 24) et il suppose que la vitesse initiale de chacun des deux points P et Q est aussi 107 (Constructio articles 25 et 26) Dans le cas de Q cette

vitesse demeure constante alors que pour P elle deacutecroicirct laquo geacuteomeacutetriquement raquo15 Or le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique doit permettre de combler les eacutecarts entre des puissances entiegraveres successives mdash voir agrave ce propos les commentaires plus haut mdash de sorte qursquoil est utile que ce rapport soit un nombre pregraves de 1 Agrave cet effet Napier choisit comme rapport

0999 999 9 11

107= minus

(Constructio articles 14 et 16) Une telle valeur a aussi comme avantage que le calcul de termes successifs de la progression geacuteomeacutetrique peut se ramener agrave une seacuterie de soustractions plutocirct que des multiplica-tions iteacutereacutees par 1 ndash 10ndash7 ce qui a permis agrave Napier de simplifier dans une large mesure la construction de sa table Cette construction demeure neacuteanmoins en pratique un accom-plissement eacutepoustouflant

On observera que les valeurs numeacuteriques des logarithmes creacuteeacutes par Napier sont fort diffeacuterentes de celles que lrsquoon connaicirct aujourdrsquohui Ainsi on a que Nlog(107) = 0 Et Nlog(x) deacutecroicirct lorsque x croicirct De plus il nrsquoest pas question de laquo base raquo dans les propos de Napier (voir agrave ce sujet la Section problegravemes) Mais lrsquoessence du logarithme est bel et bien lagrave

14 De telles tables trigonomeacutetriques ont eacuteteacute construites par Johann Muumlller alias Regio-montanus (1436-1476) et par Georg Joachim de Porris dit Rheticus (1514-1574)

15 Les valeurs choisies par Napier ont pour conseacutequence que la vitesse de P (en tant que nombre) est non seulement proportion-nelle mais est de fait eacutegale agrave la distance de P agrave B (voir la Section problegravemes)

Agrave propos de lrsquoeacutetymologie du mot logarithme

Napier a forgeacute le mot logarithme agrave partir de deux racines grecques drsquousage courant logoς laquo rapport raquo et ariqmoς laquo nombre raquo On peut voir le mot rapport ici comme refleacutetant le rapport commun des termes successifs de la suite geacuteomeacutetrique AB P1B P2B P3B

Au commencement de ses travaux Napier appelait nombres artificiels les valeurs de la suite arithmeacutetique peut-ecirctre pour les opposer aux nombres de la suite geacuteomeacute-trique qui eacutetaient en quelque sorte don-neacutes Mais le terme logarithme srsquoest rapide-ment imposeacute

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Comment ameacuteliorer une solution imparfaite agrave un problegraveme complexe

Et si on srsquoinspirait de la nature pour faire eacutevoluer les solutions

Lrsquoinspiration de la nature En 1859 le naturaliste Charles Darwin a publieacute son ceacutelegravebre ouvrage Lrsquoorigine des espegraveces qui preacutesentait une theacuteorie visant agrave expliquer le pheacutenomegravene de lrsquoeacutevolution Cette theacuteorie reacutevolutionnaire a provoqueacute plusieurs deacutebats agrave lrsquoeacutepoque mais elle est maintenant largement accepteacutee Environ 100 ans plus tard elle a inspireacute le professeur John Holland qui a tenteacute drsquoimpleacutementer artificiellement des systegravemes eacutevolutifs baseacutes sur le proces-sus de seacutelection naturelle Ces travaux ont

ensuite meneacute aux algorithmes geacuteneacutetiques qui sont maintenant utiliseacutes pour obtenir des solutions approcheacutees pour certains problegravemes drsquooptimisation difficiles

Les eacuteleacutements de base drsquoun algorithme geacuteneacutetiqueAfin de comprendre lrsquoanalogie entre le processus de seacutelection naturelle et un algo-rithme geacuteneacutetique rappelons tout drsquoabord les meacutecanismes les plus importants qui sont agrave la base de lrsquoeacutevolution

1 Lrsquoeacutevolution se produit sur des chromo-somes qui repreacutesentent chacun des individus dans une population

2 Le processus de seacutelection naturelle fait en sorte que les chromo-somes les mieux adapteacutes se reproduisent plus souvent et contribuent davantage aux popu- lations futures

3 Lors de la reproduction lrsquoinfor- mation contenue dans les chromosomes des parents est combineacutee et meacutelangeacutee pour produire les chromosomes des enfants (laquo croisement raquo)

4 Le reacutesultat du croisement peut agrave son tour ecirctre modifieacute par des perturbations aleacuteatoires (muta-tions)

Ces meacutecanismes peuvent ecirctre utiliseacutes pour speacutecifier un algorithme geacuteneacutetique tel que celui deacutecrit dans lrsquoencadreacute ci-dessous

Charles Fleurent GIRO

Algorithmes geacuteneacutetiques

Les travaux sur lrsquoeacutevolution des espegraveces vivantes du natura-liste et paleacuteontologue anglais Charles Darwin (1809-1882) ont reacutevolutionneacute la biologie Dans son ouvrage intituleacute LrsquoOrigine des espegraveces paru en 1859 Darwin preacutesente le reacutesultat de ses recherches Darwin eacutetait deacutejagrave ceacutelegravebre au sein de la communauteacute scientifique de son eacutepoque

pour son travail sur le terrain et ses recherches en geacuteologie Ses travaux srsquoinscrivent dans la fouleacutee de ceux du natura-liste franccedilais Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) qui 50 ans plus tocirct avait eacutemis lrsquohypothegravese que toutes les espegraveces vivantes ont eacutevolueacute au cours du temps agrave partir drsquoun seul ou de quelques ancecirctres communs Darwin a soutenu avec Alfred Russel Wallace (1823-1913) que cette eacutevolution eacutetait due au processus dit de la laquo seacutelection naturelle raquo

Comme il naicirct beaucoup plus drsquoindividus de chaque espegravece qursquoil nrsquoen peut survivre et que par conseacutequent il se produit souvent une lutte pour la vie il srsquoensuit que tout ecirctre srsquoil varie mecircme leacutegegraverement drsquoune maniegravere qui lui est profitable dans les conditions complexes et quelque-fois variables de la vie aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi drsquoune faccedilon naturelle En raison du principe dominant de lrsquoheacutereacutediteacute toute varieacuteteacute ainsi choisie aura tendance agrave se multiplier sous sa forme nouvelle et modifieacutee

Charles Darwin 1859 Introduction agrave LrsquoOrigine des espegraveces

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Pour adapter un algorithme geacuteneacutetique agrave un problegraveme drsquooptimisation combinatoire il suf-fit alors de speacutecialiser certaines composantes agrave la structure particuliegravere de ce dernier En geacuteneacuteral les deacutecisions portent sur les aspects suivants

Codage des solutions il faut eacutetablir une correspondance entre les solutions du problegraveme et les chromosomes

Opeacuterateurs geacuteneacutetiques il faut deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation pour les chromosomes

Eacutevaluation des chromosomes la me-sure drsquoadaptation des chromosomes agrave leur environnement est donneacutee par une fonction qui est calculeacutee par un processus plus ou moins complexe

Il existe plusieurs moyens pour mettre en œuvre certains des meacutecanismes importants drsquoun algorithme geacuteneacutetique Par exemple la seacutelection des parents peut srsquoeffectuer de diverses faccedilons Dans une population P = x1 x2 hellip xN ougrave la mesure drsquoadaptation drsquoun individu est eacutevalueacutee par une fonction ƒ lrsquoopeacuterateur classique consiste agrave associer agrave chaque individu xi une probabiliteacute pi drsquoecirctre seacutelectionneacute proportionnelle agrave la valeur de f pour cet individu crsquoest-agrave-dire

pf x

f x( )

( )i

i

jj Psum

=

isin

En pratique on utilise souvent drsquoautres meacute-thodes de seacutelection pouvant se parameacutetrer plus facilement Ainsi dans la seacutelection par tournoi un ensemble drsquoindividus est seacutelec-tionneacute aleacuteatoirement dont les meilleurs eacuteleacute-ments seulement sont retenus Pour choi-sir deux parents on peut donc seacutelectionner aleacuteatoirement 5 individus et ne garder que les deux meilleurs Dans drsquoautres meacutethodes les individus sont ordonneacutes selon leur va-leur pour la fonction ƒ et la seacutelection srsquoeffec-tue aleacuteatoirement selon le rang occupeacute par chaque individu On utilise alors une distri-bution biaiseacutee en faveur des individus en tecircte de liste

Un autre meacutecanisme important est le mode de remplacement des individus de la popula-tion Dans le modegravele original chaque popu-lation de N individus est totalement rempla-ceacutee agrave chaque geacuteneacuteration Drsquoautres strateacutegies laquo eacutelitistes raquo font en sorte drsquoassurer agrave chaque geacuteneacuteration la survie des meilleurs individus de la population Crsquoest le cas entre autres des modegraveles laquo stationnaires raquo ougrave un nombre res-treint drsquoindividus est remplaceacute agrave chaque geacute-neacuteration Dans ce cas on ajoute souvent des meacutecanismes suppleacutementaires empecircchant lrsquoajout drsquoindividus identiques (doublons) dans la population Des implantations plus eacutevo-lueacutees existent eacutegalement pour des architec-tures parallegraveles

Un algorithme geacuteneacutetique 1 Construire une population initiale de N

solutions

2 Eacutevaluer chacun des individus de la population

3 Geacuteneacuterer de nouvelles solutions en seacutelectionnant les parents de faccedilon proportionnelle agrave leur eacutevaluation Appliquer les opeacuterateurs de croisement et de mutation lors de la reproduction

4 Lorsque N nouveaux individus ont eacuteteacute geacuteneacutereacutes ils remplacent alors lrsquoancienne population Les individus de la nouvelle population sont eacutevalueacutes agrave leur tour

5 Si le temps alloueacute nrsquoest pas deacutepasseacute (ou le nombre de geacuteneacuterations maximal nrsquoest pas atteint) retourner agrave lrsquoeacutetape 3

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Repreacutesentation des solutions et opeacuterateurs geacuteneacutetiquesLes premiers algorithmes geacuteneacutetiques utili-saient tous une repreacutesentation binaire ougrave chaque solution s est codeacutee sous la forme drsquoune chaicircne de bits de longueur n ie s[i ] isin 0 1 foralli =1 2 hellip n Pour cette repreacute-sentation lrsquoopeacuterateur de croisement classique agrave un point consiste agrave choisir de faccedilon uniforme une position de coupure aleacuteatoire l isin 1 2 hellip nminus1 Si les parents p1 et p2 ont eacuteteacute seacutelectionneacutes pour la reproduction les solutions enfants e1 et e2 sont alors construites de la faccedilon suivante

e1[i ] = p1[i ] foralli isin1 hellip l e1[i ] = p2[i ] foralli isinl + 1 hellip n e2 [i ] = p2[i ] foralli isin1 hellip l e2 [i ] = p1[i ] foralli isinl + 1 hellip nLorsqursquoon itegravere avec drsquoautres paires de parents on choisit aleacuteatoirement pour chaque paire de parents un nouvel opeacuterateur de croisement agrave un point Lrsquoopeacuterateur agrave un point peut se geacuteneacuteraliser en seacutelectionnant k positions aleacuteatoires plutocirct qursquoune seule Dans ce cas les enfants sont produits en eacutechan-geant lrsquoinformation chromosomique entre les k points de coupure En pratique la valeur k = 2 est couramment utiliseacutee Un autre opeacuterateur tregraves populaire (croisement uni-forme) utilise une chaicircne de bits geacuteneacutereacutee aleacuteatoirement pour engendrer les enfants Pour chaque position le choix aleacuteatoire in-dique quel parent deacuteterminera la valeur des enfants Des exemples des opeacuterateurs de croisement agrave un point agrave deux points et uniforme sont illustreacutes dans les tableaux suivants Des reacutesultats theacuteoriques et empi-riques indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme donne geacuteneacuteralement des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux produits par les deux autres

Opeacuterateur de croisement agrave un point

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 0 1 1

0 1 0 1 0 1 1 0 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement agrave deux points

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 1 0 1

0 1 0 1 0 1 0 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement uniforme

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 1 0 1 1 1 0 0 1

0 1 1 0 1 0 1 0 0

0 0 0 1 0 1 1 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Chaicircnealeacuteatoirede bits

Avec une repreacutesentation binaire on utilise geacuteneacuteralement lrsquoopeacuterateur de mutation clas-sique qui consiste agrave changer aleacuteatoirement un bit pour son compleacutement

Opeacuterateur de mutation classique

Enfant 1 0 0 1 0 1 1 0 1

1 1 0 1 0 1 1 0 0Enfant

Mutationsaleacuteatoires

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Un exemple le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteennePour certains problegravemes la repreacutesentation binaire des solutions est tout agrave fait intuitive et bien adapteacutee Crsquoest le cas par exemple du problegraveme de satisfaisabiliteacute (SAT) Eacutetant donneacute une expression logique F de n variables boo-leacuteennes x1 x2 hellip xn (voir encadreacute) ce problegraveme fondamental (qui est agrave la base de la theacuteorie de la NP-compleacutetude) consiste agrave trouver une affectation aux variables de faccedilon agrave satisfaire F En eacutetablissant les correspondances faux harr 0 vrai harr 1 on peut repreacutesenter chaque solution par une chaicircne binaire de longueur n et utiliser les opeacuterateurs geacuteneacute-tiques classiques deacutecrits preacuteceacutedemment

Pour eacutevaluer les solutions lrsquoexpression logique F peut ecirctre exprimeacutee comme une conjonction (voir encadreacute) de m clauses

F = Cj j =1

m

Chaque clause est alors deacutefinie par une disjonction de variables booleacuteennes dont certaines sont associeacutees agrave un opeacuterateur de neacutegation (indiqueacute par le symbole ndash ) Pour satisfaire F il faut donc satisfaire toutes ses clauses Pour un algorithme geacuteneacutetique chaque solution peut ecirctre simplement eacuteva-lueacutee par le nombre de clauses qursquoelle satisfait par exemple noteacute par f Si on considegravere par exemple lrsquoexpression suivante pour F

= and or and or or

and or or or

and or or or or

F x x x x x x

x x x x

x x x x x

( ) ( ) ( )

( )

( )

1 1 2 1 2 3

1 2 3 4

1 2 3 4 5

la solution (1 0 1 0 0) satisfait toutes les clauses sauf la premiegravere alors que la solution (0 1 1 0 1) satisfait toutes les clauses et donc lrsquoexpression F

Avec une repreacutesentation des chro-mosomes une fonction drsquoadaptation f et des opeacuterateurs de croisement et de mutation nous avons tous les eacuteleacutements pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique simple pour le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteenne Le processus peut ecirctre illustreacute par le tableau en bas de page avec un opeacuterateur de croisement uniforme repreacutesenteacute par la chaicircne de bits U Dans cet exemple simplifieacute lrsquoalgo-rithme a produit en six geacuteneacuterations une solution qui satisfait lrsquoexpression boo-leacuteenne F (les 5 clauses sont satisfaites pour un individu de la population) Pour une fonction plus complexe comprenant un grand nombre de va-riables on utilise des populations plus importantes et laisse la population eacutevoluer lentement vers des solutions de bonne qualiteacute

Variables booleacuteennes

Opeacuterateurs booleacuteens

Une variable booleacuteenne est une variable qui ne peut prendre que deux valeurs logiques VRAI ou FAUX On peut utiliser 1 et 0 pour repreacutesenter ces deux valeurs

Un opeacuterateur booleacuteen est un opeacuterateur qui sap-plique sur une ou deux variables booleacuteennes

La neacutegation drsquoune variable booleacuteenne x qui est noteacutee x change la valeur de la variable booleacuteenne x

Variable Neacutegation

10

01

x x

La conjonction de deux variables x et y noteacutee x and y prend la valeur 1 si les variables x et y ont toutes deux la valeur 1 Dans les autres cas elle prend la valeur 0

Variables Conjonction

1100

1010

1000

x y x y

La disjonction de deux variables x et y noteacutee x or y prend la valeur 1 si au moins lrsquoune des variables a la valeur 1 Elle prend la valeur 0 si les deux variables ont la valeur 0

Variables Disjonction

1100

1010

1110

x y x y

Geacuteneacuteration

5

(0 0 1 0 0) f = 4(0 0 1 0 1) f = 3(0 0 1 1 1) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

(0 0 1 0 0) f = 4(1 0 1 1 0) f = 4(0 0 1 1 1) f = 4

U = (0 1 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4 (1 0 1 1 0) f = 4

(0 1 1 1 0) f = 5U = (0 0 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

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Population Enfant Enfant muteacute

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Autres exemplesLes algorithmes geacuteneacutetiques ne sont pas applicables qursquoaux repreacutesentations binaires Par exemple le problegraveme classique du com-mis voyageur (Traveling Salesman Problem ou TSP) consiste agrave identifier une tourneacutee agrave coucirct minimal qui visite chaque ville drsquoun ensemble agrave couvrir Mecircme si une tourneacutee pourrait alors theacuteoriquement ecirctre repreacutesenteacutee par une chaicircne de booleacuteens on preacutefegravere geacuteneacuterale-ment utiliser une repreacutesentation plus directe sous forme de permutation Chaque permu-tation speacutecifie alors lrsquoordre dans lequel sont visiteacutees les villes

On doit alors deacutefinir des opeacuterateurs de mutation et de croisement pour une repreacutesentation sous forme de permutation Pour la muta-

tion un simple eacutechange entre deux villes dans une seacutequence pourra faire lrsquoaffaire Par exemple

Tourneacutee originale (Montreacuteal Rimou- ski Saguenay Val drsquoOr Queacutebec Sher-brooke)

Apregraves mutation (Montreacuteal Rimouski Saguenay Sherbrooke Queacutebec Val drsquoOr) Pour le croisement il est facile de constater que des opeacuterateurs sem-blables agrave ceux deacutecrits preacuteceacutedemment ne pourraient preacuteserver la structure de permutation Plusieurs opeacuterateurs valides ont toutefois eacuteteacute proposeacutes Agrave titre drsquoexemple lrsquoopeacuterateur OX choisit une sous-seacutequence dans la seacutequence drsquoun des parents et place les villes res-tantes dans lrsquoordre deacutefini par lrsquoautre

parent Dans le tableau ci-dessous deux po-sitions sont choisies aleacuteatoirement afin de deacutefinir une sous-seacutequence chez le premier parent (eacutetape 1) Agrave lrsquoeacutetape 2 les villes res-tantes sont placeacutees selon lrsquoordre induit par le deuxiegraveme parent

P1 Mtl Sag Val Queacute Shb RimQueacute Rim Mtl Shb Sag Val

Rim Sag Val Queacute Mtl Shb

Rim Mtl ShbSag Val Queacute

P2

Eacute1Eacute2

Enf

Ss

Une fois la repreacutesentation et les opeacuterateurs de base deacutefinis on peut simplement eacutevaluer chaque tourneacutee par la distance parcourue et tous les eacuteleacutements sont en place pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique pour le problegraveme TSP

Coloration de grapheUn autre problegraveme classique celui de colo-ration de graphe1 est aussi abordable par les algorithmes geacuteneacutetiques

Pour un graphe G = (V E) constitueacute drsquoun en-semble de nœuds V et drsquoarecirctes E un coloriage est une partition de V en k sous-ensembles (couleurs) C1 C2 hellip Ck pour lesquels u v isin Ci rArr (u v) notinE ie que deux nœuds ne peuvent avoir la mecircme couleur srsquoils sont lieacutes par une arecircte Le problegraveme de coloration de graphe consiste agrave trouver un coloriage utilisant un nombre minimal de sous-ensembles Ce type drsquoapproche permet notamment de reacutesoudre agrave coucirct minimum des conflits drsquohoraire En pratique on choisit drsquoabord une valeur-cible pour k et chaque chromosome constitue une partition de V en k sous-ensembles Les so-lutions sont codeacutees sous forme de chaicircnes en liant lrsquoindice de chaque nœud agrave lrsquoun des k sous-ensembles

DossierApplications

1 Voir laquo Le theacuteoregraveme des quatre couleurs raquo Accromath 141 2019

Coloration de grapheEn theacuteorie des graphes la coloration de graphe consiste agrave attribuer une couleur agrave chacun de ses sommets de maniegravere que deux sommets relieacutes par une arecircte soient de couleur diffeacuterente On cherche souvent agrave utiliser le nombre minimal de couleurs appeleacute nombre chromatique

12

34

5

6

7

89Un coloriage imparfait

10

Mtl Rim

SagShb

ValQueacute

2

6 3

4

1

5

Mtl Rim

SagShb

QueacuteVal

2

6 3

4

1

5

Mutation drsquoune tourneacutee

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Par exemple si on associe C1 agrave bleu C2 agrave rouge et C3 agrave vert dans le coloriage im-parfait de la page preacuteceacutedente la partition des nœuds associeacutee agrave cette solution est (1 2 3 2 3 2 1 2 3 1) car les nœuds 1 7 et 10 sont dans C1 les nœuds 2 4 6 et 8 dans C2 et les nœuds 3 5 et 9 dans C3 En deacutefinissant la fonction f comme le nombre de fois ougrave la regravegle du coloriage nrsquoa pas eacuteteacute respecteacutee on obtient f (C1 C2 C3) = 0 + 1 + 1 = 2 car on a 0 arecircte dans C1 1 arecircte dans C2 (entre les nœuds 2 et 4) et 1 dans C3 (entre les nœuds 3 et 5)

De faccedilon geacuteneacuterale le problegraveme de coloriage consiste agrave geacuteneacuterer une partition telle que f (C1 C2 Ck) = 0 avec un k le plus petit possible Avec la repreacutesentation en chaicircne de la partition il est facile de deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation semblables agrave ceux utiliseacutes pour les repreacutesen-tations binaires Les reacutesultats rapporteacutes dans la litteacuterature indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme domine encore ceux agrave un point et agrave deux points

Est-ce que ccedila fonctionne Il nrsquoy a aucun doute que les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent ecirctre utiliseacutes pour traiter des problegravemes drsquooptimisation Leur performance relative varie cependant selon les contextes Lorsqursquoun problegraveme est bien eacutetudieacute il est geacuteneacuteralement preacutefeacuterable drsquoavoir recours agrave des algorithmes speacutecialiseacutes qui peuvent tirer avantage de certaines structures speacutecifiques Pour le problegraveme TSP par exemple des approches baseacutees sur la programmation en nombres entiers peuvent maintenant reacutesoudre de faccedilon optimale des exemplaires de plusieurs dizaines de milliers de villes Il serait donc mal aviseacute drsquoutiliser un algorithme geacuteneacutetique pour reacutesoudre ce problegraveme (agrave moins de vouloir eacutetudier leur comportement ce qui peut ecirctre tout agrave fait leacutegitime et amusant)

Les algorithmes geacuteneacutetiques ont tout de mecircme lrsquoavantage drsquoecirctre simples agrave mettre en place En fait une meacutethode de codage des opeacuterateurs de croisement et de mutation ainsi qursquoune fonction drsquoeacutevaluation sont suf-fisants pour utiliser une approche eacutevolutive On obtient alors une approche robuste qui peut ecirctre tregraves utile si la fonction agrave optimiser est laquo floue raquo (fuzzy) ou si on dispose de peu de temps pour eacutetudier le problegraveme agrave optimiser

Les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent eacutega-lement ecirctre combineacutes agrave drsquoautres approches drsquooptimisation pour donner lieu agrave des meacutethodes hybrides tregraves puissantes souvent parmi les meilleures disponibles On peut par exemple utiliser des opeacuterateurs de mutation plus sophistiqueacutes pour optimiser le reacutesultat de chaque croisement Pour lrsquoalgorithme hybride reacutesultant la composante laquo geacuteneacute-tique raquo vise alors agrave enrichir la recherche en misant sur les eacuteleacutements qui constituent sa force ie lrsquoutilisation drsquoune population diver-sifieacutee qui permet lrsquoaccegraves aux caracteacuteristiques varieacutees de plusieurs individus et au proces-sus de seacutelection (artificielle dans ce cas) afin drsquoorienter lrsquoexploration vers les meilleures reacutegions de lrsquoespace de solutions Crsquoest bien lagrave lrsquoune des leccedilons agrave tirer de lrsquoobservation de la nature

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Rubrique des

Jean-Paul DelahayeUniversiteacute des Sciences et Technologies de Lille

Lrsquoinformation paradoxale

Comme le preacuteceacutedent ce paradoxe est aussi un paradoxe sur lrsquoinformation cacheacutee cependant il neacutecessite une patience bien supeacuterieure pour ecirctre reacutesolu ou lrsquoaide drsquoun ordinateur

On choisit cinq nombres a b c d et e veacuterifiant les relations

1 le a lt b lt c lt d lt e le 10

Autrement dit les cinq nombres sont compris entre 1 et 10 tous diffeacuterents et classeacutes par ordre croissant On indique leur produit P agrave Patricia (qui est brune) leur somme S agrave Sylvie (qui est blonde) la somme de leurs carreacutes

C = a2 + b2 + c2+ d2 + e2

agrave Christian (qui est barbu) et la valeur

V = (a + b + c)(d + e)

agrave Vincent (qui est chauve)

Ils doivent deviner quels sont les nombres a b c d et e

1- Une heure apregraves qursquoon leur a poseacute le problegraveme les quatre personnages qursquoon interroge simultaneacutement reacutepondent tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

2- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

3- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo Etc

23- Une heure apregraves (soit 23 heures apregraves la formulation de lrsquoeacutenonceacute ) les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

Cependant apregraves cette 23egraveme reacuteponse les visages des quatre personnages srsquoeacuteclairent drsquoun large sourire et tous srsquoexclament laquo crsquoest bon maintenant je connais a b c d et e raquo

Vous en savez assez maintenant pour deviner les 5 nombres a b c d e Il semble paradoxal que la reacutepeacutetition 23 fois de la mecircme affirmation drsquoignorance de la part des personnages soit porteuse drsquoune information Pourtant crsquoest le cas Essayez de comprendre pourquoi et ensuite armez-vous de courage la solution est au bout du calcul

Solution du paradoxe preacuteceacutedent

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Solution du paradoxe preacuteceacutedent

Lrsquoinformation paradoxaleIl arrive que lrsquoon pense ne pas disposer drsquoassez drsquoinfor-mations pour reacutesoudre un problegraveme alors qursquoen reacutealiteacute tout est agrave notre disposition Certaines situations sont si extraordinaires qursquoelles apparaissent paradoxales En voici un exemple

Un homme bavarde avec le facteur sur le pas de la porte de sa maison Il lui dit

laquo Crsquoest amusant je viens de remarquer que la somme des acircges de mes trois filles est eacutegale au numeacutero de ma maison dans la rue Je suis sucircr que si je vous apprends que le produit de leur acircge est 36 vous saurez me dire leur acircge respectif raquo

Le facteur reacutefleacutechit un moment et lui reacutepond

laquo Je suis deacutesoleacute mais je ne peux pas trouver raquo

Lrsquohomme srsquoexclame alors laquo Ah oui Jrsquoavais oublieacute de vous dire que lrsquoaicircneacutee est blonde raquo

Quelques secondes apregraves le facteur lui donne la bonne reacuteponse Aussi paradoxal que cela apparaisse vous pouvez deacuteduire de cet eacutechange lrsquoacircge des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte

SolutionLes diffeacuterentes deacutecompositions de 36 en produit de trois entiers et les sommes des facteurs sont donneacutees dans le tableau ci-contre

Le facteur connaicirct la somme des acircges des trois filles car il est sur le pas de la porte Srsquoil ne peut pas trouver leurs acircges respectifs crsquoest que parmi les produits possibles compatibles avec la somme qursquoil connaicirct il y en a deux qui donnent la mecircme somme Crsquoest donc que la somme est 13 Les deux possibiliteacutes sont donc 1-6-6 et 2-2-9 La premiegravere est eacutelimineacutee car deux enfants ne peuvent avoir le mecircme acircge que srsquoils sont jumeaux et alors il nrsquoy a pas drsquoaicircneacutee La solution est donc 2-2-9 Les acircges des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte sont 2 2 et 9 ans

Produits1times1times362times3times63times3times4

1times2times181times3times121times6times61times4times92times2times9

3811102116131413

Sommes

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Algorithmes dans lrsquohistoire1 Deacuteterminer les PGCD des couples

a) 924 3 135 c) 2 530 9 639

b) 83 337

Lrsquoheacuteritage de Fermat1 Appliquer la meacutethode de Fermat pour

factoriser les nombres suivants

a) 493 b) 1247 c) 6 903

2 Supposons qursquoun entier n est le produit de deux nombres premiers p lt q et que q ndash p lt p2 2 Montrer qursquoen utilisant la meacutethode de Fermat ce nombre n peut ecirctre factoriseacute en seulement une eacutetape

Eacutemergence logarithmique1 Soit la suite arithmeacutetique

a nd( ) n+ isin

a) Montrer que chaque terme (agrave lrsquoex- ception du premier) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins

b) Montrer un reacutesultat analogue pour la suite geacuteomeacutetrique

ar( ) nnisin

2 Montrer qursquoen termes modernes le passage de LrsquoAreacutenaire ci-haut porte sur les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacute-trique et sur la regravegle du produit de deux puissances

Tuyau Des nombres laquo continucircment en proportion agrave partir de lrsquouniteacute raquo forment une suite geacuteomeacutetrique dont le premier terme est 1

3 En comparant les deux tables tireacutees de la tablette MLC 02078 (pp 19 et 20) on y voit la suite geacuteomeacutetrique

2 ndash 4 ndash 8 ndash 16 ndash 32 ndash 64

ecirctre associeacutee agrave deux suites arithmeacutetiques Relier directement ces deux suites arith-meacutetiques lrsquoune agrave lrsquoautre

Tuyau On peut y voir du logarithme

4 Soit deux points P1 et P2 sur un segment AB (voir figure) Montrer que

a) si APAB

P PP B

1 1 2

1

= alors P BAB

P BP B

1 2

1

=

b) la reacuteciproque est elle aussi valide

5 La suite de segments AB P1B P2B P3B forme une progression geacuteomeacutetrique deacutecroissante (p 22) On deacutesigne par r le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique (on a donc r lt 1) et par z la longueur du segment AB

a) Interpreacuteter en termes de z et de r les segments AB P1B P2B P3B

b) Exprimer agrave lrsquoaide de z et de r les longueurs des intervalles AP1 P1P2 P2P3 P3P4

c) Appliquer ces reacutesultats aux valeurs numeacuteriques choisies par Napier (voir p 23)

d) Et que dire dans ce contexte de la suite arithmeacutetique deacutetermineacutee par le mouve-ment du point Q (p 22)

6 a) Expliquer lrsquoobservation dans lrsquoencadreacute ci-bas au cœur de la deacutemarche de Napier

b) En conclure que pour Napier la vitesse de P en un point donneacute est eacutegale agrave sa distance de lrsquoextreacutemiteacute B

Tuyau La constante de proportionnaliteacute de la partie a) est 1

7 On veut interpreacuteter ici le modegravele geacuteomeacute-trico-cineacutematique de Napier agrave lrsquoaide du calcul diffeacuterentiel et inteacutegral (moderne) On appelle x(t) la distance seacuteparant P de lrsquoextreacutemiteacute B au temps t et y(t) la position du point Q au temps t

a) Montrer que le deacuteplacement de Q est deacutecrit par lrsquoeacutequation diffeacuterentielle dydt = 107 avec comme condition initiale y(0) = 0

Tuyau La vitesse est la deacuteriveacutee de la distance parcourue par rapport au temps

b) Montrer de mecircme que le deacuteplace-ment de P est deacutecrit par dxdt = ndashx avec x(0) = 107

c) Reacutesoudre ces deux eacutequations diffeacuteren-tielles

d) Montrer comment on pourrait en tirer une notion de laquo base raquo pour les loga-rithmes de Napier1

1 Au plan historique une telle ideacutee de laquo base raquo chez Napier est une pure fabulation

Section problegravemes

Agrave propos de Napier

Puisque des distances parcou-rues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est pro-portionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (p 22)

Archimegravede LrsquoAreacutenaire

Si des nombres sont continucircment en pro- portion agrave partir de lrsquouniteacute et que cer-tains de ces nombres sont multiplieacutes entre eux le produit sera dans la mecircme pro-gression eacuteloigneacute du plus grand des nom- bres multiplieacutes drsquoautant de nombres que le plus petit des nom- bres multiplieacutes lrsquoest de lrsquouniteacute dans la pro-gression et il sera eacuteloigneacute de lrsquouniteacute de la somme moins un des nombres dont les nombres multiplieacutes sont eacuteloigneacutes de lrsquouniteacute

A

P1 P2

B

Pour en s voir plus

Histoire des matheacutematiques

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

bull Le livre Havil Julian John Napier Life Logarithms and Legacy Princeton University Press 2014 est une mine drsquoor pour des informations sur la vie et lrsquoœuvre de Napier

bull Le contexte ayant meneacute agrave la naissance des logarithmes est exposeacute dans Friedelmeyer Jean-Pierre laquo Contexte et raisons drsquoune lsquomirifiquersquo invention raquo In Eacutevelyne Barbin et al Histoires de logarithmes pp 39-72 Ellipses 2006 Le sous-titre de lrsquoarticle drsquoAccromath a eacuteteacute emprunteacute au titre de ce texte

bull Les deux traiteacutes de Napier sur les logarithmes le Mirifici logarithmorum canonis descriptio et le Mirifici logarithmorum canonis constructio peuvent ecirctre trouveacutes facilement (en latin) sur la Toile Une traduction anglaise de ces traiteacutes est accessible agrave partir du site de Ian Bruce sur les matheacutematiques des 17e et 18e siegravecles httpwww17centurymathscom

bull La citation de Laplace se retrouve aux pp 446-447 de Œuvres complegravetes de Laplace Exposition du systegraveme du monde (6e eacutedition) Bachelier Imprimeur-Libraire 1835 (Disponible sur Google Livres)

bull La tablette meacutesopotamienne MLC 02078 est eacutetudieacutee (pp 35-36) dans Neugebauer Otto et Sachs Abraham Mathematical Cuneiform Texts American Schools of Oriental Research 1945

bull Pour plus drsquoinformation sur lrsquoemploi des vocables laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo voir Charbonneau Louis laquo Progression arithmeacutetique et progression geacuteomeacutetrique raquo Bulletin AMQ 23(3) (1983) 4-6

bull Publieacutes en allemand en 1770 les Eacuteleacutements drsquoalgegravebre de Leonhard Euler sont parus en traduction franccedilaise degraves 1774 Cette version est accessible agrave partir du site Gallica de la Bibliothegraveque nationale de France httpsgallicabnffr

bull Lrsquoextrait de LrsquoAreacutenaire mdash voir la Section problegravemes mdash se trouve (p 366) dans Ver Eecke Paul Les œuvres complegravetes drsquoArchimegravede tome 1 Vaillant-Carmanne 1960

Applications des matheacutematiques

Lrsquoheacuteritage de Fermat

bull WB Hart laquo A one line factoring algorithmraquo J Aust Math Soc 92 (2012) no 1 61ndash69

bull RS Lehman laquo Factoring large integers raquo Math Comp 28 (1974) 637ndash646

bull MA Morrison and J Brillhart laquo A method of factoring and the factorization of F 7 raquo Math Comp 29 (1975) 183ndash205

bull C Pomerance laquoThe quadratic sieve factoring algorithm raquo Advances in Cryptology (Paris 1984) 169-182 Lecture Notes in Comput Sci 209 Springer Berlin 1985

Accromath est une publication de lrsquoInstitut des sciences matheacutema-tiques (ISM) et du Centre de recherches matheacutematiques (CRM) La revue srsquoadresse surtout aux eacutetudiantes et eacutetudiants drsquoeacutecole secon-daire et de ceacutegep ainsi qursquoagrave leurs enseignantes et enseignants

LrsquoInstitut des sciences matheacutematiques est une institution unique deacutedieacutee agrave la promotion et agrave la coordination de lrsquoenseignement et de la recherche en sciences matheacutematiques au Queacutebec En reacuteunissant neuf deacutepartements de matheacutematiques des universiteacutes queacutebeacutecoises (Concordia HEC Montreacuteal Universiteacute Laval McGill Universiteacute de Montreacuteal UQAM UQTR Universiteacute de Sherbrooke Bishoprsquos) lrsquoInstitut rassemble un grand bassin drsquoexpertises en recherche et en enseignement des matheacutematiques LrsquoInstitut anime de nombreuses activiteacutes scientifiques dont des seacuteminaires de recherche et des colloques agrave lrsquointention des professeurs et des eacutetudiants avanceacutes ainsi que des confeacuterences de vulgarisation donneacutees dans les ceacutegeps Il offre eacutegalement plusieurs programmes de bourses drsquoexcellence

LrsquoISM est financeacute par le Ministegravere de lrsquoEnseignement supeacuterieur et par ses neuf universiteacutes membres

Le Centre de recherches matheacutematiques est un centre national pour la recherche fondamentale en matheacutematiques et ses applica-tions Les scientifiques du CRM comptent plus drsquoune centaine de membres reacuteguliers et de stagiaires postdoctoraux Lieu privileacutegieacute de rencontre le Centre est lrsquohocircte chaque anneacutee de nombreux visi-teurs et drsquoateliers de recherche internationaux

Les activiteacutes scientifiques du CRM comportent deux volets principaux les projets de recherche qursquoentreprennent ses laboratoires et les activiteacutes theacutematiques organiseacutees agrave lrsquoeacutechelle internationale Ces derniegraveres ouvertes agrave tous les domaines impliquent des chercheurs du CRM et drsquoautres universiteacutes Afin drsquoassurer une meilleure diffusion des reacutesultats de recherches de ses collaborateurs le CRM a lanceacute en 1989 un programme de publications en collaboration avec lrsquoAmerican Mathematical Society et avec Springer

Le CRM est principalement financeacute par le CRSNG (Conseil de recherches en sciences naturelles et en geacutenie du Canada) le FQRNT (Fonds queacutebeacutecois de recherche sur la nature et les technologies) lrsquoUniversiteacute de Montreacuteal et par six autres universiteacutes au Queacutebec et en Ontario

Accromath beacuteneacuteficie de lrsquoappui de la Dotation Serge-Bissonnette du CRM

OR2010

BRONZE2011

BRONZE2014

OR2012

2008

Prix speacutecial de la ministre 2009

Prix Anatole Decerf 2012

Page 13: L’héritage de Pierre de Fermat La factorisation des grands ...

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Tirer le maximum de la meacutethode de Fermat Comme on vient de le voir si la distance qui seacutepare les diviseurs milieux drsquoun entier n est grande la meacutethode de Fermat est peu efficace On peut contourner ce problegraveme en veacuterifiant au preacutealable la divisibiliteacute de n par les petits nombres premiers3 Par exemple supposons qursquoon ose srsquoattaquer agrave la factorisation du nombre de 16 chiffres n = 489 + 3 = 1 352 605 460 594 691 Appli-quer naiumlvement la meacutethode de Fermat nous amegravenera sans doute agrave abandonner notre ap-proche une fois rendu agrave quelques millions drsquoeacutetapes Une approche plus senseacutee consiste agrave drsquoabord identifier les possibles petits fac-teurs premiers de n soit en veacuterifiant la divisi-biliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave 10 000 ou 100 000 disons ce qursquoon sera en mesure de reacutealiser tregraves rapidement agrave lrsquoaide drsquoun logiciel de calcul Crsquoest ainsi qursquoon deacute-couvre que notre nombre n est divisible par 3 et 1 249 Le problegraveme se ramegravene alors agrave factoriser le nombre

=times

=nn

3 1 249360 983 576 3531

Appliquer la meacutethode de Fermat agrave ce nou-veau nombre donne

n1 = 587 201 times 614 753

et cela apregraves seulement 157 eacutetapes En ras-semblant nos calculs on obtient finalement que

n = 1 352 605 460 594 691

= 3 times 1 249 times n1

= 3 times 1 249 times 587 201 times 614 753

Dans cet exemple nous avons eacuteteacute chanceux car les deux plus grands facteurs premiers de n eacutetaient proches lrsquoun de lrsquoautre Il va de soi que ce nrsquoest pas toujours le cas Crsquoest pour-quoi si apregraves avoir eacutelimineacute les petits facteurs premiers de n la meacutethode de Fermat prend trop de temps agrave deacutevoiler ses grands facteurs premiers il est rassurant de savoir qursquoil existe drsquoautres avenues

Compliquer le problegraveme pour mieux le simplifier Une autre approche pour factoriser un nombre n est drsquoappliquer la meacutethode de Fermat agrave un nombre plus grand que n lui-mecircme en fait agrave un multiple de n Prenons par exemple le nombre n = 54 641 Comme ce nombre est relativement petit la meacutethode de Fermat trouvera sa factorisation agrave savoir n = 101 times 541 en 87 eacutetapes un nombre neacuteanmoins plutocirct grand compte tenu de la petite taille de n Toutefois si on avait su que lrsquoun des facteurs premiers de n eacutetait approximativement 5 fois son autre facteur premier on aurait pu preacutealablement multiplier n par 5 permet-tant ainsi au nouveau nombre 5n drsquoavoir ses

Algorithme (application rapide) lorsque les diviseurs milieux sont proches

Si les diviseurs milieux d1 lt d2 dun nombre n sont tels que la distance ∆ = d21048576ndash d1 qui les seacutepare satisfait agrave ∆ lt d1 et si k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n il deacutecoule de k =

d1 +d2

2 d1d2 que

kd d

d d

d dd

2( ) 1

21 1

1 11 1

1 11

lt + + minus + +

= + minus + +

Par ailleurs on peut montrer que lineacutegaliteacute

+ gt + minusyy y

1 12 8

2tient pour tout y isin (0 1)

Pour sen convaincre il suffit deacutelever chacun de ses cocircteacutes au carreacute et dutiliser le fait que y lt 1 En posant y = ∆d1 dans lrsquoineacutegaliteacute preacuteceacutedente il deacutecoule alors que

lt + minus + minus

+ = +k d dd d d2

112

18

118

11 11

2

12

2

1

lequel nombre est laquo petit raquo en autant que ∆ ne soit pas trop grand Ainsi pour n = 20 099 = 101 times 199 on obtient que

lttimes

+ ltk98

8 1011 13

2

un nombre deacutetapes relativement petit

3 Plus geacuteneacuteralement pour calculer le plus grand commun diviseur de deux entiers on peut utiliser lrsquoalgorithme drsquoEuclide lequel est tregraves rapide (voir lrsquoarticle laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo p 2 de ce numeacutero)

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DossierApplications

diviseurs milieux essentiellement du mecircme ordre de grandeur de sorte que la meacutethode de Fermat appliqueacutee au nombre 5n aurait reacuteveacuteleacute ses facteurs 505 et 541 en une seule eacutetape Il aurait ensuite suffi de veacuterifier lequel de 505 et de 541 avait laquo heacuteriteacute raquo du facteur artificiel 5 ce qui est bien sucircr tregraves facile agrave faire Voila qui est bien facile lorsqursquoon sait qursquoun des facteurs est proche drsquoun multiple drsquoun autre facteur une information dont on ne dispose malheureusement pas agrave lrsquoavance

Peut-on neacuteanmoins explorer cette approche pour un nombre composeacute arbitraire Lrsquoideacutee serait de consideacuterer le nombre n times r pour un choix approprieacute de r Par exemple si n = pq et r = uv nous aurons nr = pu times qv et si nous sommes chanceux les deux nouveaux diviseurs pu et qv (de nr) seront suffisamment proches lrsquoun de lrsquoautre pour nous permettre drsquoappli-quer lrsquoalgorithme de Fermat avec succegraves En 1974 utilisant un raffinement de cette ideacutee R Sherman Lehman est parvenu agrave montrer que lrsquoon peut en effet acceacuteleacuterer la meacutethode de Fermat et de fait factoriser un entier im-pair n en seulement n13 eacutetapes

Les nombreuses ameacuteliorations de lrsquoideacutee originale de FermatEst-il possible de faire encore mieux Dans les anneacutees 1920 Maurice Kraitchik ameacute-liorait la meacutethode de Fermat et on sait aujourdrsquohui que son approche a constitueacute la base des principales meacutethodes modernes de factorisation des grands nombres Lrsquoideacutee de Kraitchik est la suivante plutocirct que de cher-cher des entiers a et b tels que n = a2 ndash b2 il suffit de trouver des entiers u et v tels que u2 ndash v2 est un multiple de n Par exemple sachant que 1272 ndash 802 est un multiple du nombre n = 1 081 on peut encore une fois profiter de lrsquoidentiteacute

u2 ndash v2 = (u ndash v)(u + v)

Dans notre cas on peut eacutecrire que

1272 ndash 802 = (127 ndash 80)(127 + 80)

= 47 times207

Algorithme (application lente) lorsque les diviseurs milieux sont eacuteloigneacutes

Supposons par exemple que lon cherche agrave factoriser un nombre n de 20 chiffres qui en reacutealiteacute est le produit de deux nombres premiers lun fait de 5 chiffres et lautre de 15 chiffres Il deacutecoule alors de la for-mule

k =d1 +d2

2 d1d2

ougrave k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n par la meacutethode de Fermat qursquoon aura

gt+

minus

gt gt

k n10 10

2

102

ndash10 10

4 14

1410 13

alors quen testant simplement la divi-sibiliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave n lt 1010 cela aurait eacuteteacute au moins mille fois plus rapide

Maurice Kraitchik 1882-1957Matheacutematicien et vulgarisateur scientifique belge Kraitchik sest surtout inteacuteresseacute agrave la theacuteorie des nombres et aux matheacutematiques reacutecreacuteatives

Il est lrsquoauteur de plusieurs ouvrages sur la theacuteorie des nombres reacutedigeacutes entre 1922 et 1930 De 1931 agrave 1939 il a eacutediteacute la revue Sphinx un mensuel consacreacute aux matheacutematiques reacutecreacuteatives Eacutemigreacute aux Etats-Unis lors de la Seconde Guerre mondiale il a enseigneacute agrave la New School for Social Research agrave New York Il srsquoest particuliegraverement inteacuteresseacute au thegraveme geacuteneacuteral des reacutecreacuteations matheacutematiques

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Comme tout facteur premier de n doit obli-gatoirement ecirctre un facteur de 47 ou de 207 et comme 207 = 9 times 23 on peut rapidement conclure que n = 23 times 47 Bien sucircr pour que cette approche soit efficace il faut eacutelaborer des astuces permettant de trouver des multiples du nombre agrave factoriser qui puissent srsquoeacutecrire comme une diffeacuterence de deux carreacutes Or crsquoest preacuteciseacutement ce que plusieurs matheacutematiciens ont reacuteussi agrave faire au cours du vingtiegraveme siegravecle

Ougrave en est-on aujourdrsquohui On a vu qursquoen optimisant la meacutethode origi-nale de Fermat R Sherman Lehman pouvait factoriser un entier n en environ n13 eacutetapes Or dans les anneacutees 1980 en faisant intervenir des outils matheacutematiques plus avanceacutes dont des notions drsquoalgegravebre lineacuteaire Carl Pomerance a davantage peaufineacute la meacutethode originale de Fermat et creacuteeacute une nouvelle meacute-thode de factorisation connue sous le nom de crible quadratique On sait montrer que dans la pratique avec le crible quadratique

il suffit drsquoau plus timese n n(ln ) ln(ln ) eacutetapes pour factoriser un nombre arbitraire n ce qui peut faire une eacutenorme diffeacuterence lorsqursquoil srsquoagit de factoriser de tregraves grands nombres Crsquoest ain-si que le crible quadratique permet de facto-riser un nombre n de 75 chiffres en moins de

=

lt lt

times timese e

e 10 eacutetapes

ln(10 ) ln(ln10 ) 75ln10 ln(75ln10)

299 13

75 75

alors que la meacutethode de Lehman en requiert environ 1025

Et dire que toute cette panoplie de meacutethodes de factorisation ont leur origine dans une ideacutee de Fermat datant de plus de trois siegravecles et demi

Une belle application de la meacutethode de Fermat

On peut montrer que tout entier de la forme 4k4 + 1 peut ecirctre factoriseacutee en utilisant la meacutethode de Fermat en une seule eacutetape

Soit n = 4k4 + 1 On observe drsquoabord que

n 4k 4 +1= = 2k2

En utilisant la meacutethode de Fermat on choisit drsquoabord

a = n + 1 = 2k2 + 1

On veacuterifie ensuite si a2 ndash n est un carreacute parfait Pour y arriver on eacutecrit

a2 ndash n = (2k2 + 1)2 ndash (4k4 + 1)

= 4k4 + 4k2 + 1 ndash 4k4 ndash 1 = 4k2

qui est un carreacute parfait

On peut donc conclure quen posant 4k2 = b2 on a

n = a2 ndash b2 = (2k2 + 1)2 ndash (2k)2

= (2k2 ndash 2k + 1)(2k2 + 2k + 1)

ce qui fournit la factorisation souhaiteacutee

On peut utiliser cette information pour trouver par exemple la factorisation complegravete de n = 258 + 1

En effet commen = 4 times 256 + 1 = 4 times (214)4 + 1

est bien de la forme 4k4 +1 la meacutethode de Fermat devrait nous fournir ses deux diviseurs milieux du premier coup Effective-ment on a

a = n + 1 = 2k2 + 1 = 536 870 913

On a tout de suite

a2 ndash n = 10 73 741 824 = 32 7682 = b2

de sorte que

n = a2 ndash b2

= (53 68 70 913 ndash 32 768)(53 68 70 913 + 32 768)

= 53 68 38 145 times 53 69 03 681

Comme le premier de ces deux facteurs est de toute eacutevidence un multiple de 5 on peut donc conclure que

n = 258 + 1 = 5 times 107 367 629 times 536 903 681

fournissant ainsi la factorisation souhaiteacutee

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Doss

ierA

pplic

atio

ns

Il est facile drsquoemmecircler un fil de pecircche alors qursquoil est tregraves difficile de le deacutemecircler De mecircme certaines opeacuterations sur les nombres

sont faciles dans un sens et difficiles dans lrsquoautre On les appelle opeacuterations agrave sens unique Elles sont utiliseacutees pour la cryptographie

Lorsque vous envoyez votre numeacutero de carte de creacutedit par Internet agrave un site proteacutegeacute le logiciel crypte celui-ci par le code RSA du nom de ses inventeurs Ronald Rivest Adi Shamir et Leonard Adleman

Historiquement les codes secrets ont tous eacuteteacute perceacutes Mais le code RSA publieacute en 1978 reacutesiste encore malgreacute tous les efforts de la communauteacute matheacutematique pour le briser Il repose sur le fait que si on prend deux tregraves grands nombres premiers distincts p et q et qursquoon les multiplie pour obtenir n = pq alors il est hors de porteacutee des ordinateurs actuels2 de reacutecupeacuterer p et q Ainsi on peut se permettre de publier n la cleacute qui sert au cryptage sans crainte que quiconque puisse reacutecupeacuterer p et q qui servent au deacutecryptage Ce proceacutedeacute srsquoappelle la cryptographie agrave cleacute publique parce que la recette de cryptage est publique

Aussi surprenant que cela puisse paraicirctre il est facile pour un ordinateur de fabri-quer de grands nombres premiers Plusieurs algorithmes geacuteneacuterant de grands nombres premiers sont probabilistes Nous allons en preacutesenter un ci-dessous

Dans la cryptographie agrave cleacute publique les mes-sages sont des nombres m infeacuterieurs agrave n On demandera drsquoeacutelever le nombre m agrave une tregraves grande puissance e ougrave e est un nombre qui est eacutegalement public Le message encrypteacute a est le reste de la division de me par n Tou-jours surprenant il est facile pour un or-dinateur de calculer ce reste mecircme si m et e ont chacun 200 chiffres Nous allons voir comment Le deacutecryptage se fait de maniegravere symeacutetrique en calculant le reste de la division de ad par n Mais d est inconnuhellip et pour le calculer il faut connaicirctre p et q et donc factoriser n Donc seul le concepteur qui a choisi p et q peut lire le message

Combien de temps reacutesistera le code RSA Si ce nrsquoeacutetait que des progregraves de la factorisation des entiers et de lrsquoaugmentation de la puis-sance des ordinateurs il pourrait reacutesister en-core longtemps quitte agrave allonger un peu la cleacute n Mais crsquoest sans compter sur la preacute-sence possible drsquoun nouveau venu lrsquoordina-teur quantique Cet ordinateur nrsquoexiste pas encore Par contre un algorithme rapide de factorisation sur un ordinateur quantique lrsquoalgorithme de Shor existe depuis 1997 Nous allons nous pencher sur lrsquoideacutee de cet algorithme

Christiane Rousseau Universiteacute de Montreacuteal

2 Voir lrsquoarticle laquo Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres raquo de Jean-Marie De Koninck p 8 de ce numeacutero

Comme 1 est le pgcd1 de e et de φ(n) on peut eacutecrire via lrsquoalgo-rithme drsquoEuclide

1 = 10 times 1 456 ndash 633 times 23Donc 1 = 10 times 1 456 ndash (1 456-823) times 23ou encore

1= ndash13 times 1 456 + 823 times 23Comme 823 times 23 =13 times 1 456 + 1 le reste de la division de ed par φ(n) vaut bien 1

1 Voir laquo Algorithmes dans lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

Calculer le reste de la division de me par nEacutecrivons la deacutecomposition de e = 23 en somme de puissances de 2

e = 1 + 2 + 4 + 16

Alors

m e = m m2 m4 m16

On va donc y aller pas agrave pas pour calculer ces puissances et agrave chaque eacutetape on va diviser par n Le reste de la division de m2 par n est 1 126 Remarquons que m4 = (m2)2 Le reste de la division de m4 par n est donc le mecircme que le reste de la division de 1 1262 par n

1 1262 = 823n + 1 388

De mecircme le reste de la division de m8 par n est le mecircme que le reste de la division de 1 3882 par n

1 3882 = 1 253n + 683

Finalement le reste de la division de m16 par n est le mecircme que le reste de la division de 6832 par n

6832 = 303n + 778

On remet le tout ensemble Le reste de la division de m23 par n est le mecircme que le reste de la division de

1 234 1 126 1 388 778

par n qui est bien a = 1 300 Dans la ligne qui preacutecegravede on peut aussi alterner entre faire des

multiplications et diviser les produits partiels par n pour ne pas laisser grossir les expressions Ces calculs sont faciles pour des ordinateurs mecircme quand les nombres sont tregraves grands

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Un exemple de fonctionnement du code RSAAline veut pouvoir recevoir des mes-sages secrets de Bernard Elle construit donc un systegraveme agrave cleacute publique pour re-cevoir de tels messages Elle prend les nombres premiers p = 29 et q = 53 La cleacute est n =1 537 Elle aura besoin du nombre

φ(n) = (p ndash 1)(q ndash 1) = 1 456

Elle choisit e relativement premier avec φ(n) par exemple e = 23 Soit d = 823 Il a eacuteteacute construit pour que le reste de la division de ed par φ(n) soit 1 (voir encadreacute ci-contre) Pour ce il fallait connaitre φ(n) et donc la factorisation de n ce qui est difficile pour quelqursquoun ne connaissant pas p et q Aline publie n et e Bernard veut lui envoyer le message

m = 1 234

Pour le crypter il lrsquoeacutelegraveve agrave la puissance e = 23 et le divise par n Ceci lui donne le message crypteacute

a = 1 300

qursquoil envoie agrave Aline Celle-ci utilise d connu drsquoelle seule pour calculer le reste de la divi-sion de ad par n Ce reste est preacuteciseacutement le message m = 1 234

Lrsquoexemple eacutetait avec de petits nombres Mais comment faire les calculs quand les nombres sont gros Il faut se rappeler que ce qui nous inteacuteresse ce ne sont pas les nombres me et

ad mais seulement le reste de leur division par n Alors il ne faut pas laisser grossir les calculs Il faut plutocirct alterner entre prendre des puissances et diviser par n (Voir deacutetails dans lrsquoencadreacute)

Construire de grands nombres premiersLrsquoideacutee est la suivante Si on veut construire un grand nombre premier de 100 chiffres on geacutenegravere au hasard un nombre de 100 chiffres et on laquo teste raquo srsquoil est premier Srsquoil ne lrsquoest pas on recommence avec un autre nombre geacuteneacute-reacute au hasard jusqursquoagrave ce qursquoon tombe sur un nombre premier

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Premiegravere question combien faut-il faire de tests en moyenne Un nombre de 100 chiffres est un nombre de lrsquoordre de 10100 Le theacuteoregraveme des nombres premiers nous dit que si N est grand il y a environ N ln N nombres premiers infeacuterieurs ou eacutegaux agrave N Si on choisit au ha-sard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 la chance qursquoil soit premier est donc drsquoenviron

N1

ln1

ln101

100ln101

230100= = =

On peut faire mieux la moitieacute des nombres sont pairs et parmi les nombres impairs on peut eacuteliminer les multiples de 5 Donc si on choisit au hasard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 qui se termine par 1 3 7 ou 9 on a une chance sur 92 qursquoil soit pre-mier (40 des nombres se terminent par 1 3 7 9 et 410 de 230 donne 92) Ceci signi-fie qursquoen moyenne apregraves 92 tests on a trou-veacute un nombre premier Faire 92 tests est fa-cile pour un ordinateur

Ceci nous amegravene agrave la deuxiegraveme question que signifie laquo tester raquo qursquoun nombre p est pre-mier On a appris agrave le faire en cherchant si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p ce qui revient agrave factoriser partiellement p Mais factoriser est difficile pour un ordinateurhellip

On peut faire mieux Srsquoil est facile de tester si un nombre p est premier crsquoest parce qursquoon peut le faire sans factoriser p Lrsquoideacutee est la suivante Si p nrsquoest pas premier il laisse

ses empreintes partout Dans le test de primaliteacute de Miller-Rabin si p nrsquoest pas pre-mier au moins les trois-quarts des nombres entre 1 et p ont une empreinte de p crsquoest-agrave-dire qursquoils sont des teacutemoins du fait que p nrsquoest pas premier Le test pour deacutecider si un nombre est un teacutemoin est un peu tech-nique (voir encadreacute page ci-contre) Mais ce test est facile pour un ordinateur On choisit au hasard des nombres a1 am le p Si lrsquoun des ai est un teacutemoin on conclut que p nrsquoest pas premier Si aucun des ai nrsquoest un teacutemoin alors p a une tregraves grande chance drsquoecirctre pre-mier Par exemple si m = 100 la chance que p ne soit pas premier sachant que a1 am ne sont pas des teacutemoins est infeacuterieure ou eacutegale agrave 10ndash58 soit tregraves tregraves petite

Peut-on se fier agrave un algorithme probabiliste Les informaticiens le font reacuteguliegraverement degraves qursquoils ont besoin de grands nombres premiers et on nrsquoobserve pas de catas-trophe autour de nous On voit drsquoailleurs qursquoon pourrait transformer cet algorithme probabiliste de primaliteacute en algorithme deacute-terministe il suffirait de tester au moins le quart des nombres a isin 2 p ndash1 Si aucun nrsquoest un teacutemoin alors on peut affir-mer avec certitude que p est premier Mais cet algorithme serait sans inteacuterecirct car il requerrait de regarder si p4 nombres sont des teacutemoins alors que lrsquoalgorithme usuel de factorisation demande de regarder si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p et

pp4

lt degraves que p gt 16

Casser le code RSA sur un ordinateur quantiqueEn 1997 Peter Shor a annonceacute un algo-rithme qui casserait le code RSA sur un ordinateur quantique qui nrsquoexiste pas encorehellip Que signifie cette affirmation Lrsquoalgorithme de Shor est simplement un autre algorithme de factorisation Il fonc-tionnerait sur un de nos ordinateurs mais il serait moins bon que les meilleurs algo-rithmes de factorisation La limite de nos ordinateurs est le paralleacutelisme On ne peut faire qursquoun nombre limiteacute drsquoopeacuterations en parallegravele

DossierApplications

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Quelques avantages de la cryptographie agrave cleacute publique

La cryptographie agrave cleacute publique est tregraves utile quand des milliers de personnes par exemple des clients peuvent vouloir envoyer leur numeacutero de carte de creacutedit agrave une mecircme compagnie

La meacutethode drsquoencryptage est publique et seule la compagnie peut deacutecrypter les messages chiffreacutes

Un autre avantage est que deux interlocuteurs nrsquoont pas besoin drsquoeacutechanger de lrsquoinformation secregravete par exemple une cleacute pour communiquer de maniegravere seacutecuritaire Il suffit que chacun publie son systegraveme de cryptographie agrave cleacute publique

Le systegraveme RSA permet de signer un message pour srsquoassurer qursquoil provient bien de la bonne personne Dans notre exemple pour que Bernard signe son message il faut qursquoil construise son propre sys-tegraveme agrave cleacute publique dont il publie la cleacute nrsquo et la cleacute de cryptage ersquo Il se servira de sa cleacute de deacutecryptage drsquo pour apposer sa signature sur le message

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un ordinateur est composeacute de transistors qui fonctionnent agrave la maniegravere drsquointerrup-teurs en ayant deux positions OUVERT et FERMEacute que lrsquoon peut coder comme des bits drsquoinformation 0 ou 1 Un nombre de 200 chiffres est infeacuterieur agrave 10200 lt 2665 et donc peut srsquoeacutecrire avec 665 bits Tester srsquoil a un diviseur premier infeacuterieur agrave 10100 lt 2333 revient agrave regarder toutes les suites de 333 bits eacutegaux agrave 0 ou 1 Un travail titanesque sauf si lrsquoordinateur a un grand paralleacutelisme Dans un ordinateur quantique les bits drsquoinformation sont des bits quantiques ils peuvent ecirctre dans un eacutetat superposeacute entre 0 et 1 Lrsquoimage que lrsquoon pourrait donner est celle drsquoun sou Une fois lanceacute il tombe sur PILE ou sur FACE Mais avant de le lancer il a probabiliteacute 12 de tomber sur PILE et probabiliteacute 12 de tomber sur FACE On pourrait dire qursquoil est dans un eacutetat superposeacute Le fait que m bits quantiques soient dans un eacutetat superposeacute implique qursquoils peuvent faire simultaneacutement les 2m opeacutera-tions diffeacuterentes correspondant agrave tous les choix de valeurs 0 ou 1 pour chacun des bits Par contre de mecircme que notre sou tombe neacutecessairement sur PILE ou sur FACE degraves qursquoon veut observer un bit quantique il prend neacutecessairement la valeur 0 ou la valeur 1 et donc on ne peut observer le reacutesultat de tous les calculs faits en parallegravele La subtiliteacute de lrsquoalgorithme de Shor vient du fait qursquoon pourra reacutecupeacuterer le reacutesultat du calcul lequel donne une factorisation de p si p nrsquoest pas premier

Le nombre 15 a eacuteteacute factoriseacute sur un ordi-nateur quantique en 2007 et en 2012 on a factoriseacute 143 = 11x13 Les progregraves semblent lents depuis ce temps Le deacutefi technologique de lrsquoordinateur quantique est de maintenir de nombreux bits en eacutetat superposeacute Ce recircve deviendra-t-il reacutealiteacute Mecircme si les progregraves semblent lents les experts y croient de plus en plus

Tester si un nombre est un teacutemoinOn veut tester si p impair est premier Alors on peut eacutecrire p ndash 1 qui est pair comme p ndash 1 = 2sd ougrave d est impair

(Il suffit de diviser p ndash 1 par 2 successive-ment jusqursquoagrave ce que le quotient soir im-pair) Soit a isin 2 p ndash1

Critegravere pour ecirctre teacutemoin Si a est un teacute-moin que p nrsquoest pas premier alors on a simultaneacutement que le reste de la division de ad par p est diffeacuterent de 1 et que les restes de la division de a d2r

par p sont diffeacuterents de p ndash 1 pour tous les r isin 0 s ndash1

Regardons un premier exemple Prenons p = 13 Alors p ndash 1 = 22 3 Ici d = 3 et s = 2 Voyons que p nrsquoa aucun teacutemoin

La premiegravere colonne du tableau agrave gauche donne a la deuxiegraveme colonne donne

le reste de la division de ad = a3 par p et la troisiegraveme colonne le reste de la division de a2d = a6 par p

On voit bien que pour chaque a soit on a un 1 dans le premiegravere colonne ou bien un 1 ou un 12 dans la deuxiegraveme colonne et donc aucun a nrsquoest un teacutemoin de 13 On sait alors que 13 est premier

Refaisons lrsquoexercice avec p = 15 Alors p ndash 1 = 2 7 Comptons combien p a de teacutemoins Ici la deuxiegraveme colonne repreacutesente le reste de la division de ad= a7 par p Tous les a sauf 14 sont des teacutemoins et chacun nous dit que 15 nrsquoest pas premier

Mais bien sucircr apprendre qursquoun nombre a est un teacutemoin que p nrsquoest pas premier ne nous apprend rien de la factorisation de p

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Le fonctionnement de lrsquoalgorithme de Shor

On veut factoriser un entier n Lrsquoalgo-rithme de Shor cherche un diviseur d de n qui soit diffeacuterent de 1 et de n Ensuite on peut iteacuterer en cherchant un diviseur de lrsquoentier S = nd Voyons qursquoil suffit de trouver un entier r tel que n divise r2 ndash 1 = (r ndash 1)(r + 1) mais n ne divise ni r ndash 1 ni r + 1 Puisque n divise r2 ndash 1 il existe un entier m tel que r2 ndash 1 = mn Soit p un facteur premier de n Alors p divise r ndash 1 ou encore p divise r + 1 Dans le premier cas d est le pgcd de r ndash 1 et n et dans le deuxiegraveme cas celui de r + 1 et n Calculer le pgcd de deux nombres par lrsquoalgorithme drsquoEuclide3 est facile pour un ordinateur Comment construire un tel entier r est un peu technique et nous ne ferons pas les deacutetails

3 Voir laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

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Si la notion de logarithme paraicirct aujourdrsquohui tout agrave fait naturelle sa conceptualisation et sa mise en œuvre au plan pratique au deacutebut

du 17e siegravecle nrsquoont point eacuteteacute une mince affaire Premiers eacutepisodes de cette foisonnante saga

Peu de temps apregraves leur introduction par John Napier (1550-1617) au tout deacutebut du 17e siegravecle les logarithmes se sont rapidement imposeacutes comme un laquo merveilleux raquo1 outil essentiel en astronomie et en navigation deux domaines scientifiques particuliegraverement avanceacutes agrave cette eacutepoque et qui venaient avec leur lot de calculs proprement titanesques Crsquoest dans un tel contexte qursquoil faut entendre le ceacutelegravebre aphorisme ducirc au matheacutematicien physicien et astronome franccedilais Pierre-Simon Laplace2 (1749-1827) qui srsquointeacuteressant dans le cadre drsquoun survol historique de lrsquoastronomie aux travaux de Johannes Kepler (1571-1630) affirmait que la deacutecouverte des logarithmes mdash combineacutee agrave lrsquoarithmeacutetique des Indiens crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecriture des nombres dans un systegraveme positionnel mdash avait pour ainsi dire doubleacute la vie des astronomes (voir encadreacute)

La preacutehistoire des logarithmesIssu entiegraverement de lrsquolaquo esprit humain raquo selon les dires de Laplace le concept de logarithme repose sur une ideacutee somme toute assez na-turelle consideacuterant diverses puissances drsquoun mecircme nombre on porte lrsquoattention sur les exposants de ces puissances Par exemple srsquoagissant des entiers

64 256 1024 et 4096crsquoest-agrave-dire respectivement

43 44 45 et 46on envisage plutocirct les exposants

3 4 5 et 6

Sur la base de ces donneacutees on pourrait conclure immeacutediatement mdash si on dispose drsquoune table de puissances de 4 mdash que

256 times 4 096 = 1 048 576prenant appui sur le fait que

44 times 46 = 44 + 6 = 410

(on applique ici une regravegle de base des exposants qui va de soi lorsque ceux-ci sont des entiers naturels) Il nrsquoest pas eacutetonnant que des telles intuitions aient pu se retrouver il y a fort longtemps

Jeacuterocircme Camireacute-Bernier

Bernard R Hodgson Universiteacute Laval

1 Renvoi agrave lrsquoeacutepithegravete mirifique (archaiumlque de nos jours) utiliseacutee par Napier lui-mecircme Lrsquoex-pression mirifique invention de notre titre est emprunteacutee agrave Jean-Pierre Friedelmeyer (voir le Pour en savoir plus)

2 Alias Pierre-Simon de Laplace Aussi homme politique il fut nommeacute marquis en 1817 (drsquoougrave la particule nobiliaire)

Laplace agrave propos des logarithmeslaquo Il [Kepler] eut dans ses derniegraveres anneacutees lrsquoavantage de voir naicirctre et drsquoemployer la deacutecouverte des logarithmes due agrave Neper baron eacutecossais artifice admirable ajouteacute agrave lrsquoingeacutenieux algorithme des Indiens et qui en reacuteduisant agrave quelques jours le travail de plusieurs mois double si lrsquoon peut ainsi dire la vie des astronomes et leur eacutepargne les erreurs et les deacutegoucircts inseacuteparables des longs calculs invention drsquoautant plus satis-

faisante pour lrsquoesprit humain qursquoil lrsquoa tireacutee en entier de son propre fonds dans les arts lrsquohomme se sert des mateacuteriaux et des forces de la nature pour accroicirctre sa puissance mais ici tout est son ouvrage raquo

Exposition du systegraveme du monde Livre V Chapitre IV

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

Un peu de vocabulaire

Eacutetant donneacute deux reacuteels (positifs) x et y leur moyenne arithmeacutetique

est donneacutee par x y2+ et leur moyenne geacuteomeacutetrique par xy

Ces appellations trouvent leur origine dans les matheacutematiques grecques de lrsquoAntiquiteacute notamment de lrsquoeacutepoque de Pythagore

Lrsquoarithmeacutetique de lrsquoeacutecole pythagoricienne portant sur lrsquoeacutetude des entiers (et des rapports simples drsquoentiers) on voit immeacutediatement pourquoi la premiegravere moyenne est dite laquo arithmeacutetique raquo Quant agrave la moyenne laquo geacuteomeacutetrique raquo elle fait intervenir une opeacuteration qui megravene agrave des grandeurs geacuteneacuteralement au-delagrave du champ des entiers Or le domaine qui eacutetudie les grandeurs par exemple les segments de droite est justement la geacuteomeacutetrie

On peut montrer que dans une suite arithmeacutetique un terme donneacute (agrave partir du deuxiegraveme) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins Et de mecircme mutatis mutandis pour une suite geacuteomeacutetrique (Voir la Section problegravemes)

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Ainsi sur la partie infeacuterieure de la tablette meacutesopotamienne MLC 020783 datant drsquoentre 1900 et 1600 avant notre egravere se trouve le tableau ci-haut (les nombres sont donneacutes ici en notation moderne et non en eacutecriture cu-neacuteiforme) on y reconnaicirct immeacutediatement la liste des premiegraveres puissances de 2 ainsi que les exposants correspondants

Lrsquousage a consacreacute lrsquoexpression suite arith-meacutetique (ou progression arithmeacutetique selon une tournure un brin suranneacutee) pour une liste de nombres qui comme dans la colonne de droite de ce tableau croissent (ou deacutecroissent) reacuteguliegraverement de maniegravere additive

a a + d a + 2d a + nd

a repreacutesentant le premier terme de la suite et d la diffeacuterence entre deux termes conseacute-cutifs mdash crsquoest-agrave-dire de combien lrsquoun de ces termes est plus grand que lrsquoautre4 (Le tableau preacuteceacutedent correspond au cas ougrave a = 1 et d = 1) Lorsque les nombres de la liste sont relieacutes multiplicativement

a ar ar2 arn

on parlera de suite (ou progression) geacuteomeacute-trique la constante r repreacutesentant cette fois le rapport entre deux termes conseacutecutifs mdash crsquoest-agrave-dire combien de fois lrsquoun est plus grand que lrsquoautre4 (Dans la colonne de gauche du tableau on a a = 2 et r = 2) (Voir lrsquoencadreacute Un peu de vocabulaire pour le sens des mots laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo dans un tel contexte)

Selon cette nomenclature la tablette MLC 02078 peut donc srsquointerpreacuteter comme la mise en comparaison de deux suites lrsquoune arithmeacutetique et lrsquoautre geacuteomeacutetrique Ce type de situation se retrouve agrave diverses eacutepoques au fil des acircges Ainsi en est-il question dans un autre document de lrsquoAntiquiteacute LrsquoAreacutenaire traiteacute dans lequel Archimegravede (-287 ndash -212) se donne comme objectif de deacuteterminer le nombre de grains de sable dont le volume serait eacutegal agrave celui du laquo monde raquo5 Parmi les outils dont se sert alors le grand matheacutematicien grec se retrouve la manipulation simultaneacutee drsquoune suite arithmeacutetique et drsquoune suite geacuteomeacutetrique ce qui lrsquoamegravene (en termes modernes) agrave identifier au passage la regravegle drsquoaddition des exposants

bm times bn = bm +n

(voir la Section problegravemes) et donc le prin-cipe de transformation drsquoune multiplication en une addition agrave la base des logarithmes

3 Pour Morgan Library Collection Cette tablette se retrouve dans la collection de lrsquoUniversiteacute Yale aux Eacutetats-Unis

4 Cette faccedilon de parler est utiliseacutee par Euler lorsqursquoil introduit les notions de rapports arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique dans ses Eacuteleacutements drsquoalgegravebre (1774) mdash voir Section troisiegraveme laquo Des rapports amp des propor-tions raquo entre autres les articles 378 398 et 505

5 Une des difficulteacutes auxquelles fait ici face Archimegravede est de reacutealiser cet objectif dans le cadre du systegraveme de numeacuteration grec qui nrsquoeacutetait pas propice pour exprimer aiseacutement de tregraves grands nombres Mais cela est une autre histoirehellip

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Tablette MLC 02078 (1900-1600 avant notre egravere)

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Cette mecircme ideacutee se retrouve plusieurs siegravecles plus tard dans Le Triparty en la science des nombres (1484) du Franccedilais Nicolas Chuquet (1445-1488) Dans la troisiegraveme partie de cet ouvrage Chuquet introduit des regravegles cal-culatoires de nature algeacutebrique Il srsquointeacuteresse alors notamment aux valeurs des puis-sances de 2 depuis 1 jusqursquoagrave 1 048 576 qursquoil aligne en colonnes avec les exposants entiers correspondants (qursquoil appelle laquo deacuteno-minations raquo) de 0 jusqursquoagrave 20 et note que la multiplication de nombres de la premiegravere colonne correspond agrave lrsquoaddition de nombres dans la seconde Il identifie aussi une autre regravegle de base des exposants

b b( )m n mn=(encore une fois exprimeacutee ici en notation moderne) Agrave noter que Chuquet utilise une notation avec indice sureacuteleveacute (comme nous le faisons aujourdrsquohui)6 et qursquoen plus de lrsquoexposant 0 il considegravere des exposants (entiers) neacutegatifs Au milieu du 16e siegravecle lrsquoAllemand Michael Stifel (1487-1567) reprendra les mecircmes thegravemes dans son Arithmetica integra (1544) ougrave il parle expli-citement de la relation entre une progression arithmeacutetique et une progression geacuteomeacutetrique Crsquoest drsquoailleurs agrave Stifel que lrsquoon doit le vocable exposants pour deacutesigner les nombres de la suite arithmeacutetique en jeu

Si quelques-uns des principes servant de fondements agrave la notion de logarithme se per-ccediloivent dans les commentaires qui preacutecegravedent on est encore loin du logarithme en tant que tel Pour qursquoune correspondance entre une suite geacuteomeacutetrique et une suite arithmeacutetique devienne un veacuteritable outil de calcul il faut en effet laquo boucher les trous raquo entre les puissances (entiegraveres) successives Il peut ecirctre inteacuteressant comme le souligne Chuquet de conclure gracircce agrave sa table des puissances de 2 que le produit de 128 et 512 est 65 536 Mais cela ne nous renseigne en rien par exemple sur le produit 345 times 678 On voit mecircme Chuquet dans un appendice au Tripar-ty chercher agrave reacutesoudre des problegravemes dans lesquels un exposant fractionnaire est rechercheacute mdash mais sans deacutevelopper pour autant drsquoapproche systeacutematique agrave cette fin

Certains eacuteleacutements (timides) agrave cet eacutegard se retrouvent il y a fort longtemps Ainsi le tableau numeacuterique ci-contre figure lui aussi sur la tablette MLC 02078 (dans sa partie supeacuterieure) On y voit une progression arith-meacutetique de diffeacuterence frac-tionnaire ecirctre juxtaposeacutee agrave une progression geacuteomeacutetrique agrave savoir des puissances de 16 Mais peu semble avoir eacuteteacute fait pour pousser plus loin de telles asso-ciations jusqursquoagrave lrsquoarriveacutee de Napier

Les logarithmes agrave la NapierTout eacutetudiant est aujourdrsquohui familier avec le fait que le passage drsquoun nombre donneacute agrave son logarithme (selon une certaine base) revient agrave identifier lrsquoexposant dont il faut affecter cette base pour retrouver le nombre en cause Ayant fixeacute un reacuteel b (positif et diffeacuterent de 1) et consideacuterant un reacuteel positif x le logarithme de x dans la base b noteacute logbx est donc par deacutefinition lrsquoexposant (reacuteel) u tel que bu = x Une telle vision il faut le souligner demeure relativement tardive par rapport agrave lrsquointuition originale de logarithme nrsquoeacutetant devenue la norme que pregraves drsquoun siegravecle et demi apregraves les travaux de lrsquoEacutecossais John Napier7 mdash voir lrsquoencadreacute Les traiteacutes de Napier mdash lorsque Leonhard Euler (1707-1783) en a fait la pierre drsquoassise de son traitement de la fonction logarithmique8 dans son Introduc-tio in analysin infinitorum (1748) Acceptant les proprieacuteteacutes de la fonction exponentielle bu pour des reacuteels b et u quelconques on tire im-meacutediatement de cette deacutefinition la proprieacuteteacute de base du logarithme

logb xy = logb x + logb y

ce qui permet de transformer une multi-plication en une addition de mecircme que les eacutegaliteacutes similaires pour le logarithme drsquoun quotient ou drsquoune puissance

DossierHistoire

6 La notation exponentielle aujourdrsquohui usuelle telle a2 ou a3 se reacutepandra apregraves son utilisa-tion par Reneacute Descartes (1596-1650) dans son traiteacute La geacuteomeacutetrie (1637)

7 Voir Andreacute Ross laquo John Napier raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 8-11

8 Cette approche drsquoEuler peut ecirctre vue comme une illustration remarquable de lrsquoim-pact drsquoune bonne notation en vue de clarifier et faciliter la deacutemarche de la penseacutee

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

On observera que lrsquoideacutee drsquoun lien entre deux suites lrsquoune geacuteomeacutetrique et lrsquoautre arithmeacutetique bien que sous-jacente agrave la derniegravere eacutegaliteacute nrsquoest pas pour autant expli-citement mise en eacutevidence dans cette vision moderne (post-euleacuterienne) du logarithme Or agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier introduit ses loga-rithmes lrsquoideacutee de laquo fonction raquo nrsquoest pas dans lrsquoair du temps mdash elle ne surgira de fait que vers la fin du 17e siegravecle dans la mouvance des travaux sur le calcul infiniteacutesimal mdash de sorte que la comparaison de suites (geacuteomeacutetrique et arithmeacutetique) demeure la principale source drsquoinspiration de ses travaux

Une autre mouvance de lrsquoeacutepoque visait agrave se doter drsquooutils permettant de simplifier lrsquoexeacutecution de calculs arithmeacutetiques portant sur de gros nombres Dans un texte preacuteceacute-dent9 nous avons preacutesenteacute entre autres la meacutethode de prosthapheacuteregravese utiliseacutee vers la fin du 16e siegravecle en vue de transformer une multiplication en addition ou une division en soustraction La populariteacute de telles meacutethodes notamment dans les cercles astronomiques a certainement contribueacute agrave convaincre Napier de lrsquoimportance de deacuteve-lopper des outils permettant de raccourcir les calculs y compris dans le cas de lrsquoexponen-tiation ou de lrsquoextraction de racine Il en fait drsquoailleurs mention explicitement dans la preacute-face de son Descriptio Soulignant le caractegravere peacutenible dans la pratique des matheacutematiques de la multiplication division ou extraction de racine carreacutee ou cubique de grands nombres Napier insiste non seulement sur le temps re-quis pour exeacutecuter ces opeacuterations mais aus-si sur les nombreuses erreurs qui peuvent en reacutesulter Agrave la recherche drsquoune meacutethode sucircre et expeacuteditive afin de contourner ces difficul-teacutes il annonce qursquoapregraves lrsquoexamen de plusieurs proceacutedeacutes il en a retenu un qui rencontre ses attentes

laquo Agrave la veacuteriteacute aucun proceacutedeacute nrsquoest plus utile que la meacutethode que jrsquoai trouveacutee Car tous les nombres utiliseacutes dans les multiplica-tions les divisions et les extractions ar-

dues et prolixes de racines sont rejeteacutes des opeacuterations et agrave leur place sont substitueacutes drsquoautres nombres sur lesquels les calculs se font seulement par des additions des soustractions et des divisions par deux et par trois raquo10

La vision geacuteomeacutetrico- cineacutematique de NapierUn troisiegraveme eacuteleacutement sur lequel srsquoappuie Napier dans sa creacuteation des logarithmes est la geacuteomeacutetrie mdash plus preacuteciseacutement la geacuteomeacutetrie du mouvement Il a en effet lrsquoideacutee de comparer le deacuteplacement de deux points lrsquoun bougeant selon une vitesse11 variant de maniegravere telle que les distances parcourues en des intervalles de temps eacutegaux forment une progression geacuteomeacute-trique tandis que lrsquoautre point bougeant agrave vitesse constante deacute-termine des distances en progression arith-meacutetique Le support geacuteomeacutetrique dont se sert alors Napier peut se deacutecrire comme suit

9 Voir laquo Eacutemergence logarithmique tables et calculs raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 2-7

10 Tireacute de la preacuteface du Mirifici logarithmorum canonis descriptio (traduction personnelle)

11 Napier introduit lrsquoideacutee de mouvement degraves la deacutefinition 1 du Descriptio Il utilise explicite-ment le terme laquo vitesse raquo agrave la deacutefinition 5

Les traiteacutes de NapierCrsquoest degraves lrsquoanneacutee 1594 que Na-pier entame les travaux qui lrsquoamegraveneront agrave la notion de loga-rithme En 1614 il fait connaicirctre son invention en publiant un premier traiteacute sur le sujet mdash reacutedigeacute en latin la langue des savants de lrsquoeacutepoque Mirifici lo-garithmorum canonis descrip-tio (crsquoest-agrave-dire Description de la merveilleuse regravegle des loga-rithmes) Il srsquoagit de la premiegravere publication drsquoune table de lo-garithmes qui occupent les 90 derniegraveres pages du traiteacute Cette table est preacuteceacutedeacutee drsquoun texte de 57 pages ougrave Napier explique

ce que sont les logarithmes et comment les utiliser

Un second traiteacute de Napier sur le sujet est un ouvrage reacutedigeacute avant la parution du Descriptio mais publieacute par lrsquoun de ses fils seulement en 1619 deux ans apregraves sa mort Mirifici loga-rithmorum canonis constructio (Construction de la merveilleuse regravegle des logarithmes) Dans un texte drsquoenviron 35 pages (ac-compagneacute drsquoappendices) Na-pier preacutesente la theacuteorie sur la-quelle il srsquoest appuyeacute pour construire sa table

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Eacutetant donneacute un segment AB de longueur deacutetermineacutee il considegravere un point P partant de A avec une vitesse initiale donneacutee et se deacuteplaccedilant vers B en une seacuterie de laquo pas raquo P1 P2 P3 Pn

Napier stipule (Descriptio deacutefinition 2) que la vitesse de deacuteplacement de P le long de AB deacutecroicirct de maniegravere telle que en des temps eacutegaux la longueur de chacun des inter-valles AP1 P1P2 P2P3 P3P4 successivement parcourus par P est proportionnelle agrave la dis-tance seacuteparant P de sa cible B (lorsqursquoil est agrave lrsquoextreacutemiteacute gauche de chaque intervalle)12

APAB

P PP B

P PP B

P PP B

1 1 2

1

2 3

2

3 4

3

= = = =

On tire immeacutediatement de ces eacutegaliteacutes que

P BAB

P BP B

P BP B

P BP B

1 2

1

3

2

4

3

= = = =

(voir la Section problegravemes) de sorte que la suite de segments AB P1B P2B P3B qui correspond aux distances entre les diverses positions de P et lrsquoextreacutemiteacute B forme une suite geacuteomeacutetrique deacutecroissante (Construc-tio article 24) la longueur de chacun drsquoeux est en effet la moyenne geacuteomeacutetrique de ses deux voisins Napier considegravere alors un second point Q se deacuteplaccedilant agrave vitesse constante sur une demi-droite (donc illimiteacutee dans un sens) et de maniegravere telle qursquoau moment ougrave P passe par Pi le point Q est en un point Qi = i (voir la Section problegravemes)

Lrsquoideacutee de Napier est drsquoassocier la suite arith-meacutetique

0 1 2 3 n

correspondant aux positions successives de Q agrave la suite geacuteomeacutetrique deacutetermineacutee par les segments

AB P1B P2B P3B PnB

Mais pour que cette association soit com-plegravete il faut la geacuteneacuteraliser agrave un emplacement quelconque de P sur AB outre les positions laquo discregravetes raquo P1 P2 P3 Voici le tour de passe-passe permettant agrave Napier de contourner cette difficulteacute

Puisque des distances parcourues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est propor-tionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (voir la Section problegravemes) Ainsi quand P est agrave mi-chemin dans son trajet de A vers B sa vitesse a diminueacute de moitieacute par rapport agrave sa vitesse initiale Et quand il est rendu aux deux-tiers de lrsquointervalle AB sa vitesse ne vaut plus que le tiers de celle de deacutepart

Passant agrave une vision laquo lisse raquo mdash et non plus par laquo pas raquo mdash du deacuteplacement de P Napier en vient agrave consideacuterer ce point comme chan-geant laquo continucircment raquo de vitesse13 mdash et non pas de maniegravere abrupte et instantaneacutee en chaque point Pi Pour rester dans les mecircmes conditions que preacuteceacutedemment il suppose donc que P se deacuteplace laquo geacuteomeacute-triquement raquo de A vers B crsquoest-agrave-dire de maniegravere telle que la vitesse de P est toujours proportionnelle agrave la distance qui le seacutepare de B (Constructio article 25)

Les laquo logarithmes agrave la Napier raquo sont main-tenant agrave porteacutee de main Supposant drsquoune part que les deux points P et Q entament leur deacuteplacement agrave la mecircme vitesse le premier selon une vitesse deacutecroissant geacuteomeacutetriquement de A vers B et le second agrave vitesse constante agrave partir de 0 et suppo-sant de plus que le point Q est en y lorsque le point P est agrave une distance x de B alors y est appeleacute par Napier le logarithme de x (On eacutecrira ici par commoditeacute y = Nlog(x))

Crsquoest ainsi que le logarithme du reacuteel x est le reacuteel y deacutetermineacute par la suite arithmeacutetique associeacutee agrave la suite geacuteomeacutetrique correspon-dant agrave x

DossierHistoire

12 On notera au passage que le point P nrsquoat-teint ainsi jamais sa cible B car agrave chaque eacutetape il gruge toujours la mecircme fraction du chemin restant agrave parcourir

13 Napier nrsquoutilise pas explicitement une telle terminologie

0 y

x

Q rarrA

P rarr

B

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P1 P2 P3 P4 Pn

B

0 1 2 3 4 n

Q1 Q2 Q3 Q4 Qn

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Valeurs numeacuteriques des logarithmes de NapierPlusieurs aspects de la notion de logarithme telle que conccedilue et mise en œuvre par Na-pier peuvent nous sembler un peu eacutetranges aujourdrsquohui On a deacutejagrave insisteacute sur la place qursquoy occupent les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique maintenant absentes du discours sur les logarithmes Une autre par-ticulariteacute est relieacutee aux valeurs numeacuteriques mecircmes deacutetermineacutees par Napier

Une motivation cleacute de Napier eacutetait de construire un outil facilitant les calculs tri-gonomeacutetriques un domaine drsquoapplication des matheacutematiques de toute premiegravere importance agrave son eacutepoque Crsquoest pour cette raison que la table produite par Napier dans son Descriptio repose non pas sur des nombres en geacuteneacuteral mais plutocirct sur le sinus des angles allant de 0deg agrave 90deg chaque degreacute eacutetant diviseacute en 60 minutes Agrave chacune de ces valeurs de sinus (il y en a donc 5 400 en tout) Napier associe son logarithme tel que deacutefini ci-haut

Il faut par ailleurs souligner que la notion de sinus de lrsquoeacutepoque nrsquoest pas tout agrave fait la mecircme qursquoaujourdrsquohui le sinus est alors non pas vu comme un rapport de cocircteacutes dans un triangle mais plutocirct comme la longueur drsquoune demi-corde dans un cercle donneacute Afin de faciliter les calculs il eacutetait drsquousage de travailler avec un cercle de grand rayon de maniegravere agrave eacuteviter lrsquoemploi de fractions et agrave se res-treindre agrave des nombres naturels Or agrave la fin du 16e siegravecle agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier entreprit ses travaux crsquoest sur un cercle de rayon 10 000 000 que srsquoappuyaient certaines des tables trigonomeacutetriques alors en circula-tion14 Crsquoest sans doute lagrave la raison pour laquelle Napier deacutecide de se servir de cette mecircme valeur pour asseoir la construction de sa table logarithmique

Il se dote donc drsquoun segment AB de longueur 107 = 10 000 000 (Constructio article 24) et il suppose que la vitesse initiale de chacun des deux points P et Q est aussi 107 (Constructio articles 25 et 26) Dans le cas de Q cette

vitesse demeure constante alors que pour P elle deacutecroicirct laquo geacuteomeacutetriquement raquo15 Or le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique doit permettre de combler les eacutecarts entre des puissances entiegraveres successives mdash voir agrave ce propos les commentaires plus haut mdash de sorte qursquoil est utile que ce rapport soit un nombre pregraves de 1 Agrave cet effet Napier choisit comme rapport

0999 999 9 11

107= minus

(Constructio articles 14 et 16) Une telle valeur a aussi comme avantage que le calcul de termes successifs de la progression geacuteomeacutetrique peut se ramener agrave une seacuterie de soustractions plutocirct que des multiplica-tions iteacutereacutees par 1 ndash 10ndash7 ce qui a permis agrave Napier de simplifier dans une large mesure la construction de sa table Cette construction demeure neacuteanmoins en pratique un accom-plissement eacutepoustouflant

On observera que les valeurs numeacuteriques des logarithmes creacuteeacutes par Napier sont fort diffeacuterentes de celles que lrsquoon connaicirct aujourdrsquohui Ainsi on a que Nlog(107) = 0 Et Nlog(x) deacutecroicirct lorsque x croicirct De plus il nrsquoest pas question de laquo base raquo dans les propos de Napier (voir agrave ce sujet la Section problegravemes) Mais lrsquoessence du logarithme est bel et bien lagrave

14 De telles tables trigonomeacutetriques ont eacuteteacute construites par Johann Muumlller alias Regio-montanus (1436-1476) et par Georg Joachim de Porris dit Rheticus (1514-1574)

15 Les valeurs choisies par Napier ont pour conseacutequence que la vitesse de P (en tant que nombre) est non seulement proportion-nelle mais est de fait eacutegale agrave la distance de P agrave B (voir la Section problegravemes)

Agrave propos de lrsquoeacutetymologie du mot logarithme

Napier a forgeacute le mot logarithme agrave partir de deux racines grecques drsquousage courant logoς laquo rapport raquo et ariqmoς laquo nombre raquo On peut voir le mot rapport ici comme refleacutetant le rapport commun des termes successifs de la suite geacuteomeacutetrique AB P1B P2B P3B

Au commencement de ses travaux Napier appelait nombres artificiels les valeurs de la suite arithmeacutetique peut-ecirctre pour les opposer aux nombres de la suite geacuteomeacute-trique qui eacutetaient en quelque sorte don-neacutes Mais le terme logarithme srsquoest rapide-ment imposeacute

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Doss

ierA

pplic

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Comment ameacuteliorer une solution imparfaite agrave un problegraveme complexe

Et si on srsquoinspirait de la nature pour faire eacutevoluer les solutions

Lrsquoinspiration de la nature En 1859 le naturaliste Charles Darwin a publieacute son ceacutelegravebre ouvrage Lrsquoorigine des espegraveces qui preacutesentait une theacuteorie visant agrave expliquer le pheacutenomegravene de lrsquoeacutevolution Cette theacuteorie reacutevolutionnaire a provoqueacute plusieurs deacutebats agrave lrsquoeacutepoque mais elle est maintenant largement accepteacutee Environ 100 ans plus tard elle a inspireacute le professeur John Holland qui a tenteacute drsquoimpleacutementer artificiellement des systegravemes eacutevolutifs baseacutes sur le proces-sus de seacutelection naturelle Ces travaux ont

ensuite meneacute aux algorithmes geacuteneacutetiques qui sont maintenant utiliseacutes pour obtenir des solutions approcheacutees pour certains problegravemes drsquooptimisation difficiles

Les eacuteleacutements de base drsquoun algorithme geacuteneacutetiqueAfin de comprendre lrsquoanalogie entre le processus de seacutelection naturelle et un algo-rithme geacuteneacutetique rappelons tout drsquoabord les meacutecanismes les plus importants qui sont agrave la base de lrsquoeacutevolution

1 Lrsquoeacutevolution se produit sur des chromo-somes qui repreacutesentent chacun des individus dans une population

2 Le processus de seacutelection naturelle fait en sorte que les chromo-somes les mieux adapteacutes se reproduisent plus souvent et contribuent davantage aux popu- lations futures

3 Lors de la reproduction lrsquoinfor- mation contenue dans les chromosomes des parents est combineacutee et meacutelangeacutee pour produire les chromosomes des enfants (laquo croisement raquo)

4 Le reacutesultat du croisement peut agrave son tour ecirctre modifieacute par des perturbations aleacuteatoires (muta-tions)

Ces meacutecanismes peuvent ecirctre utiliseacutes pour speacutecifier un algorithme geacuteneacutetique tel que celui deacutecrit dans lrsquoencadreacute ci-dessous

Charles Fleurent GIRO

Algorithmes geacuteneacutetiques

Les travaux sur lrsquoeacutevolution des espegraveces vivantes du natura-liste et paleacuteontologue anglais Charles Darwin (1809-1882) ont reacutevolutionneacute la biologie Dans son ouvrage intituleacute LrsquoOrigine des espegraveces paru en 1859 Darwin preacutesente le reacutesultat de ses recherches Darwin eacutetait deacutejagrave ceacutelegravebre au sein de la communauteacute scientifique de son eacutepoque

pour son travail sur le terrain et ses recherches en geacuteologie Ses travaux srsquoinscrivent dans la fouleacutee de ceux du natura-liste franccedilais Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) qui 50 ans plus tocirct avait eacutemis lrsquohypothegravese que toutes les espegraveces vivantes ont eacutevolueacute au cours du temps agrave partir drsquoun seul ou de quelques ancecirctres communs Darwin a soutenu avec Alfred Russel Wallace (1823-1913) que cette eacutevolution eacutetait due au processus dit de la laquo seacutelection naturelle raquo

Comme il naicirct beaucoup plus drsquoindividus de chaque espegravece qursquoil nrsquoen peut survivre et que par conseacutequent il se produit souvent une lutte pour la vie il srsquoensuit que tout ecirctre srsquoil varie mecircme leacutegegraverement drsquoune maniegravere qui lui est profitable dans les conditions complexes et quelque-fois variables de la vie aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi drsquoune faccedilon naturelle En raison du principe dominant de lrsquoheacutereacutediteacute toute varieacuteteacute ainsi choisie aura tendance agrave se multiplier sous sa forme nouvelle et modifieacutee

Charles Darwin 1859 Introduction agrave LrsquoOrigine des espegraveces

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Pour adapter un algorithme geacuteneacutetique agrave un problegraveme drsquooptimisation combinatoire il suf-fit alors de speacutecialiser certaines composantes agrave la structure particuliegravere de ce dernier En geacuteneacuteral les deacutecisions portent sur les aspects suivants

Codage des solutions il faut eacutetablir une correspondance entre les solutions du problegraveme et les chromosomes

Opeacuterateurs geacuteneacutetiques il faut deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation pour les chromosomes

Eacutevaluation des chromosomes la me-sure drsquoadaptation des chromosomes agrave leur environnement est donneacutee par une fonction qui est calculeacutee par un processus plus ou moins complexe

Il existe plusieurs moyens pour mettre en œuvre certains des meacutecanismes importants drsquoun algorithme geacuteneacutetique Par exemple la seacutelection des parents peut srsquoeffectuer de diverses faccedilons Dans une population P = x1 x2 hellip xN ougrave la mesure drsquoadaptation drsquoun individu est eacutevalueacutee par une fonction ƒ lrsquoopeacuterateur classique consiste agrave associer agrave chaque individu xi une probabiliteacute pi drsquoecirctre seacutelectionneacute proportionnelle agrave la valeur de f pour cet individu crsquoest-agrave-dire

pf x

f x( )

( )i

i

jj Psum

=

isin

En pratique on utilise souvent drsquoautres meacute-thodes de seacutelection pouvant se parameacutetrer plus facilement Ainsi dans la seacutelection par tournoi un ensemble drsquoindividus est seacutelec-tionneacute aleacuteatoirement dont les meilleurs eacuteleacute-ments seulement sont retenus Pour choi-sir deux parents on peut donc seacutelectionner aleacuteatoirement 5 individus et ne garder que les deux meilleurs Dans drsquoautres meacutethodes les individus sont ordonneacutes selon leur va-leur pour la fonction ƒ et la seacutelection srsquoeffec-tue aleacuteatoirement selon le rang occupeacute par chaque individu On utilise alors une distri-bution biaiseacutee en faveur des individus en tecircte de liste

Un autre meacutecanisme important est le mode de remplacement des individus de la popula-tion Dans le modegravele original chaque popu-lation de N individus est totalement rempla-ceacutee agrave chaque geacuteneacuteration Drsquoautres strateacutegies laquo eacutelitistes raquo font en sorte drsquoassurer agrave chaque geacuteneacuteration la survie des meilleurs individus de la population Crsquoest le cas entre autres des modegraveles laquo stationnaires raquo ougrave un nombre res-treint drsquoindividus est remplaceacute agrave chaque geacute-neacuteration Dans ce cas on ajoute souvent des meacutecanismes suppleacutementaires empecircchant lrsquoajout drsquoindividus identiques (doublons) dans la population Des implantations plus eacutevo-lueacutees existent eacutegalement pour des architec-tures parallegraveles

Un algorithme geacuteneacutetique 1 Construire une population initiale de N

solutions

2 Eacutevaluer chacun des individus de la population

3 Geacuteneacuterer de nouvelles solutions en seacutelectionnant les parents de faccedilon proportionnelle agrave leur eacutevaluation Appliquer les opeacuterateurs de croisement et de mutation lors de la reproduction

4 Lorsque N nouveaux individus ont eacuteteacute geacuteneacutereacutes ils remplacent alors lrsquoancienne population Les individus de la nouvelle population sont eacutevalueacutes agrave leur tour

5 Si le temps alloueacute nrsquoest pas deacutepasseacute (ou le nombre de geacuteneacuterations maximal nrsquoest pas atteint) retourner agrave lrsquoeacutetape 3

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Repreacutesentation des solutions et opeacuterateurs geacuteneacutetiquesLes premiers algorithmes geacuteneacutetiques utili-saient tous une repreacutesentation binaire ougrave chaque solution s est codeacutee sous la forme drsquoune chaicircne de bits de longueur n ie s[i ] isin 0 1 foralli =1 2 hellip n Pour cette repreacute-sentation lrsquoopeacuterateur de croisement classique agrave un point consiste agrave choisir de faccedilon uniforme une position de coupure aleacuteatoire l isin 1 2 hellip nminus1 Si les parents p1 et p2 ont eacuteteacute seacutelectionneacutes pour la reproduction les solutions enfants e1 et e2 sont alors construites de la faccedilon suivante

e1[i ] = p1[i ] foralli isin1 hellip l e1[i ] = p2[i ] foralli isinl + 1 hellip n e2 [i ] = p2[i ] foralli isin1 hellip l e2 [i ] = p1[i ] foralli isinl + 1 hellip nLorsqursquoon itegravere avec drsquoautres paires de parents on choisit aleacuteatoirement pour chaque paire de parents un nouvel opeacuterateur de croisement agrave un point Lrsquoopeacuterateur agrave un point peut se geacuteneacuteraliser en seacutelectionnant k positions aleacuteatoires plutocirct qursquoune seule Dans ce cas les enfants sont produits en eacutechan-geant lrsquoinformation chromosomique entre les k points de coupure En pratique la valeur k = 2 est couramment utiliseacutee Un autre opeacuterateur tregraves populaire (croisement uni-forme) utilise une chaicircne de bits geacuteneacutereacutee aleacuteatoirement pour engendrer les enfants Pour chaque position le choix aleacuteatoire in-dique quel parent deacuteterminera la valeur des enfants Des exemples des opeacuterateurs de croisement agrave un point agrave deux points et uniforme sont illustreacutes dans les tableaux suivants Des reacutesultats theacuteoriques et empi-riques indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme donne geacuteneacuteralement des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux produits par les deux autres

Opeacuterateur de croisement agrave un point

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 0 1 1

0 1 0 1 0 1 1 0 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement agrave deux points

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 1 0 1

0 1 0 1 0 1 0 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement uniforme

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 1 0 1 1 1 0 0 1

0 1 1 0 1 0 1 0 0

0 0 0 1 0 1 1 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Chaicircnealeacuteatoirede bits

Avec une repreacutesentation binaire on utilise geacuteneacuteralement lrsquoopeacuterateur de mutation clas-sique qui consiste agrave changer aleacuteatoirement un bit pour son compleacutement

Opeacuterateur de mutation classique

Enfant 1 0 0 1 0 1 1 0 1

1 1 0 1 0 1 1 0 0Enfant

Mutationsaleacuteatoires

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Un exemple le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteennePour certains problegravemes la repreacutesentation binaire des solutions est tout agrave fait intuitive et bien adapteacutee Crsquoest le cas par exemple du problegraveme de satisfaisabiliteacute (SAT) Eacutetant donneacute une expression logique F de n variables boo-leacuteennes x1 x2 hellip xn (voir encadreacute) ce problegraveme fondamental (qui est agrave la base de la theacuteorie de la NP-compleacutetude) consiste agrave trouver une affectation aux variables de faccedilon agrave satisfaire F En eacutetablissant les correspondances faux harr 0 vrai harr 1 on peut repreacutesenter chaque solution par une chaicircne binaire de longueur n et utiliser les opeacuterateurs geacuteneacute-tiques classiques deacutecrits preacuteceacutedemment

Pour eacutevaluer les solutions lrsquoexpression logique F peut ecirctre exprimeacutee comme une conjonction (voir encadreacute) de m clauses

F = Cj j =1

m

Chaque clause est alors deacutefinie par une disjonction de variables booleacuteennes dont certaines sont associeacutees agrave un opeacuterateur de neacutegation (indiqueacute par le symbole ndash ) Pour satisfaire F il faut donc satisfaire toutes ses clauses Pour un algorithme geacuteneacutetique chaque solution peut ecirctre simplement eacuteva-lueacutee par le nombre de clauses qursquoelle satisfait par exemple noteacute par f Si on considegravere par exemple lrsquoexpression suivante pour F

= and or and or or

and or or or

and or or or or

F x x x x x x

x x x x

x x x x x

( ) ( ) ( )

( )

( )

1 1 2 1 2 3

1 2 3 4

1 2 3 4 5

la solution (1 0 1 0 0) satisfait toutes les clauses sauf la premiegravere alors que la solution (0 1 1 0 1) satisfait toutes les clauses et donc lrsquoexpression F

Avec une repreacutesentation des chro-mosomes une fonction drsquoadaptation f et des opeacuterateurs de croisement et de mutation nous avons tous les eacuteleacutements pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique simple pour le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteenne Le processus peut ecirctre illustreacute par le tableau en bas de page avec un opeacuterateur de croisement uniforme repreacutesenteacute par la chaicircne de bits U Dans cet exemple simplifieacute lrsquoalgo-rithme a produit en six geacuteneacuterations une solution qui satisfait lrsquoexpression boo-leacuteenne F (les 5 clauses sont satisfaites pour un individu de la population) Pour une fonction plus complexe comprenant un grand nombre de va-riables on utilise des populations plus importantes et laisse la population eacutevoluer lentement vers des solutions de bonne qualiteacute

Variables booleacuteennes

Opeacuterateurs booleacuteens

Une variable booleacuteenne est une variable qui ne peut prendre que deux valeurs logiques VRAI ou FAUX On peut utiliser 1 et 0 pour repreacutesenter ces deux valeurs

Un opeacuterateur booleacuteen est un opeacuterateur qui sap-plique sur une ou deux variables booleacuteennes

La neacutegation drsquoune variable booleacuteenne x qui est noteacutee x change la valeur de la variable booleacuteenne x

Variable Neacutegation

10

01

x x

La conjonction de deux variables x et y noteacutee x and y prend la valeur 1 si les variables x et y ont toutes deux la valeur 1 Dans les autres cas elle prend la valeur 0

Variables Conjonction

1100

1010

1000

x y x y

La disjonction de deux variables x et y noteacutee x or y prend la valeur 1 si au moins lrsquoune des variables a la valeur 1 Elle prend la valeur 0 si les deux variables ont la valeur 0

Variables Disjonction

1100

1010

1110

x y x y

Geacuteneacuteration

5

(0 0 1 0 0) f = 4(0 0 1 0 1) f = 3(0 0 1 1 1) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

(0 0 1 0 0) f = 4(1 0 1 1 0) f = 4(0 0 1 1 1) f = 4

U = (0 1 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4 (1 0 1 1 0) f = 4

(0 1 1 1 0) f = 5U = (0 0 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

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Population Enfant Enfant muteacute

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Autres exemplesLes algorithmes geacuteneacutetiques ne sont pas applicables qursquoaux repreacutesentations binaires Par exemple le problegraveme classique du com-mis voyageur (Traveling Salesman Problem ou TSP) consiste agrave identifier une tourneacutee agrave coucirct minimal qui visite chaque ville drsquoun ensemble agrave couvrir Mecircme si une tourneacutee pourrait alors theacuteoriquement ecirctre repreacutesenteacutee par une chaicircne de booleacuteens on preacutefegravere geacuteneacuterale-ment utiliser une repreacutesentation plus directe sous forme de permutation Chaque permu-tation speacutecifie alors lrsquoordre dans lequel sont visiteacutees les villes

On doit alors deacutefinir des opeacuterateurs de mutation et de croisement pour une repreacutesentation sous forme de permutation Pour la muta-

tion un simple eacutechange entre deux villes dans une seacutequence pourra faire lrsquoaffaire Par exemple

Tourneacutee originale (Montreacuteal Rimou- ski Saguenay Val drsquoOr Queacutebec Sher-brooke)

Apregraves mutation (Montreacuteal Rimouski Saguenay Sherbrooke Queacutebec Val drsquoOr) Pour le croisement il est facile de constater que des opeacuterateurs sem-blables agrave ceux deacutecrits preacuteceacutedemment ne pourraient preacuteserver la structure de permutation Plusieurs opeacuterateurs valides ont toutefois eacuteteacute proposeacutes Agrave titre drsquoexemple lrsquoopeacuterateur OX choisit une sous-seacutequence dans la seacutequence drsquoun des parents et place les villes res-tantes dans lrsquoordre deacutefini par lrsquoautre

parent Dans le tableau ci-dessous deux po-sitions sont choisies aleacuteatoirement afin de deacutefinir une sous-seacutequence chez le premier parent (eacutetape 1) Agrave lrsquoeacutetape 2 les villes res-tantes sont placeacutees selon lrsquoordre induit par le deuxiegraveme parent

P1 Mtl Sag Val Queacute Shb RimQueacute Rim Mtl Shb Sag Val

Rim Sag Val Queacute Mtl Shb

Rim Mtl ShbSag Val Queacute

P2

Eacute1Eacute2

Enf

Ss

Une fois la repreacutesentation et les opeacuterateurs de base deacutefinis on peut simplement eacutevaluer chaque tourneacutee par la distance parcourue et tous les eacuteleacutements sont en place pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique pour le problegraveme TSP

Coloration de grapheUn autre problegraveme classique celui de colo-ration de graphe1 est aussi abordable par les algorithmes geacuteneacutetiques

Pour un graphe G = (V E) constitueacute drsquoun en-semble de nœuds V et drsquoarecirctes E un coloriage est une partition de V en k sous-ensembles (couleurs) C1 C2 hellip Ck pour lesquels u v isin Ci rArr (u v) notinE ie que deux nœuds ne peuvent avoir la mecircme couleur srsquoils sont lieacutes par une arecircte Le problegraveme de coloration de graphe consiste agrave trouver un coloriage utilisant un nombre minimal de sous-ensembles Ce type drsquoapproche permet notamment de reacutesoudre agrave coucirct minimum des conflits drsquohoraire En pratique on choisit drsquoabord une valeur-cible pour k et chaque chromosome constitue une partition de V en k sous-ensembles Les so-lutions sont codeacutees sous forme de chaicircnes en liant lrsquoindice de chaque nœud agrave lrsquoun des k sous-ensembles

DossierApplications

1 Voir laquo Le theacuteoregraveme des quatre couleurs raquo Accromath 141 2019

Coloration de grapheEn theacuteorie des graphes la coloration de graphe consiste agrave attribuer une couleur agrave chacun de ses sommets de maniegravere que deux sommets relieacutes par une arecircte soient de couleur diffeacuterente On cherche souvent agrave utiliser le nombre minimal de couleurs appeleacute nombre chromatique

12

34

5

6

7

89Un coloriage imparfait

10

Mtl Rim

SagShb

ValQueacute

2

6 3

4

1

5

Mtl Rim

SagShb

QueacuteVal

2

6 3

4

1

5

Mutation drsquoune tourneacutee

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Par exemple si on associe C1 agrave bleu C2 agrave rouge et C3 agrave vert dans le coloriage im-parfait de la page preacuteceacutedente la partition des nœuds associeacutee agrave cette solution est (1 2 3 2 3 2 1 2 3 1) car les nœuds 1 7 et 10 sont dans C1 les nœuds 2 4 6 et 8 dans C2 et les nœuds 3 5 et 9 dans C3 En deacutefinissant la fonction f comme le nombre de fois ougrave la regravegle du coloriage nrsquoa pas eacuteteacute respecteacutee on obtient f (C1 C2 C3) = 0 + 1 + 1 = 2 car on a 0 arecircte dans C1 1 arecircte dans C2 (entre les nœuds 2 et 4) et 1 dans C3 (entre les nœuds 3 et 5)

De faccedilon geacuteneacuterale le problegraveme de coloriage consiste agrave geacuteneacuterer une partition telle que f (C1 C2 Ck) = 0 avec un k le plus petit possible Avec la repreacutesentation en chaicircne de la partition il est facile de deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation semblables agrave ceux utiliseacutes pour les repreacutesen-tations binaires Les reacutesultats rapporteacutes dans la litteacuterature indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme domine encore ceux agrave un point et agrave deux points

Est-ce que ccedila fonctionne Il nrsquoy a aucun doute que les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent ecirctre utiliseacutes pour traiter des problegravemes drsquooptimisation Leur performance relative varie cependant selon les contextes Lorsqursquoun problegraveme est bien eacutetudieacute il est geacuteneacuteralement preacutefeacuterable drsquoavoir recours agrave des algorithmes speacutecialiseacutes qui peuvent tirer avantage de certaines structures speacutecifiques Pour le problegraveme TSP par exemple des approches baseacutees sur la programmation en nombres entiers peuvent maintenant reacutesoudre de faccedilon optimale des exemplaires de plusieurs dizaines de milliers de villes Il serait donc mal aviseacute drsquoutiliser un algorithme geacuteneacutetique pour reacutesoudre ce problegraveme (agrave moins de vouloir eacutetudier leur comportement ce qui peut ecirctre tout agrave fait leacutegitime et amusant)

Les algorithmes geacuteneacutetiques ont tout de mecircme lrsquoavantage drsquoecirctre simples agrave mettre en place En fait une meacutethode de codage des opeacuterateurs de croisement et de mutation ainsi qursquoune fonction drsquoeacutevaluation sont suf-fisants pour utiliser une approche eacutevolutive On obtient alors une approche robuste qui peut ecirctre tregraves utile si la fonction agrave optimiser est laquo floue raquo (fuzzy) ou si on dispose de peu de temps pour eacutetudier le problegraveme agrave optimiser

Les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent eacutega-lement ecirctre combineacutes agrave drsquoautres approches drsquooptimisation pour donner lieu agrave des meacutethodes hybrides tregraves puissantes souvent parmi les meilleures disponibles On peut par exemple utiliser des opeacuterateurs de mutation plus sophistiqueacutes pour optimiser le reacutesultat de chaque croisement Pour lrsquoalgorithme hybride reacutesultant la composante laquo geacuteneacute-tique raquo vise alors agrave enrichir la recherche en misant sur les eacuteleacutements qui constituent sa force ie lrsquoutilisation drsquoune population diver-sifieacutee qui permet lrsquoaccegraves aux caracteacuteristiques varieacutees de plusieurs individus et au proces-sus de seacutelection (artificielle dans ce cas) afin drsquoorienter lrsquoexploration vers les meilleures reacutegions de lrsquoespace de solutions Crsquoest bien lagrave lrsquoune des leccedilons agrave tirer de lrsquoobservation de la nature

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Rubrique des

Jean-Paul DelahayeUniversiteacute des Sciences et Technologies de Lille

Lrsquoinformation paradoxale

Comme le preacuteceacutedent ce paradoxe est aussi un paradoxe sur lrsquoinformation cacheacutee cependant il neacutecessite une patience bien supeacuterieure pour ecirctre reacutesolu ou lrsquoaide drsquoun ordinateur

On choisit cinq nombres a b c d et e veacuterifiant les relations

1 le a lt b lt c lt d lt e le 10

Autrement dit les cinq nombres sont compris entre 1 et 10 tous diffeacuterents et classeacutes par ordre croissant On indique leur produit P agrave Patricia (qui est brune) leur somme S agrave Sylvie (qui est blonde) la somme de leurs carreacutes

C = a2 + b2 + c2+ d2 + e2

agrave Christian (qui est barbu) et la valeur

V = (a + b + c)(d + e)

agrave Vincent (qui est chauve)

Ils doivent deviner quels sont les nombres a b c d et e

1- Une heure apregraves qursquoon leur a poseacute le problegraveme les quatre personnages qursquoon interroge simultaneacutement reacutepondent tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

2- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

3- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo Etc

23- Une heure apregraves (soit 23 heures apregraves la formulation de lrsquoeacutenonceacute ) les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

Cependant apregraves cette 23egraveme reacuteponse les visages des quatre personnages srsquoeacuteclairent drsquoun large sourire et tous srsquoexclament laquo crsquoest bon maintenant je connais a b c d et e raquo

Vous en savez assez maintenant pour deviner les 5 nombres a b c d e Il semble paradoxal que la reacutepeacutetition 23 fois de la mecircme affirmation drsquoignorance de la part des personnages soit porteuse drsquoune information Pourtant crsquoest le cas Essayez de comprendre pourquoi et ensuite armez-vous de courage la solution est au bout du calcul

Solution du paradoxe preacuteceacutedent

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Solution du paradoxe preacuteceacutedent

Lrsquoinformation paradoxaleIl arrive que lrsquoon pense ne pas disposer drsquoassez drsquoinfor-mations pour reacutesoudre un problegraveme alors qursquoen reacutealiteacute tout est agrave notre disposition Certaines situations sont si extraordinaires qursquoelles apparaissent paradoxales En voici un exemple

Un homme bavarde avec le facteur sur le pas de la porte de sa maison Il lui dit

laquo Crsquoest amusant je viens de remarquer que la somme des acircges de mes trois filles est eacutegale au numeacutero de ma maison dans la rue Je suis sucircr que si je vous apprends que le produit de leur acircge est 36 vous saurez me dire leur acircge respectif raquo

Le facteur reacutefleacutechit un moment et lui reacutepond

laquo Je suis deacutesoleacute mais je ne peux pas trouver raquo

Lrsquohomme srsquoexclame alors laquo Ah oui Jrsquoavais oublieacute de vous dire que lrsquoaicircneacutee est blonde raquo

Quelques secondes apregraves le facteur lui donne la bonne reacuteponse Aussi paradoxal que cela apparaisse vous pouvez deacuteduire de cet eacutechange lrsquoacircge des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte

SolutionLes diffeacuterentes deacutecompositions de 36 en produit de trois entiers et les sommes des facteurs sont donneacutees dans le tableau ci-contre

Le facteur connaicirct la somme des acircges des trois filles car il est sur le pas de la porte Srsquoil ne peut pas trouver leurs acircges respectifs crsquoest que parmi les produits possibles compatibles avec la somme qursquoil connaicirct il y en a deux qui donnent la mecircme somme Crsquoest donc que la somme est 13 Les deux possibiliteacutes sont donc 1-6-6 et 2-2-9 La premiegravere est eacutelimineacutee car deux enfants ne peuvent avoir le mecircme acircge que srsquoils sont jumeaux et alors il nrsquoy a pas drsquoaicircneacutee La solution est donc 2-2-9 Les acircges des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte sont 2 2 et 9 ans

Produits1times1times362times3times63times3times4

1times2times181times3times121times6times61times4times92times2times9

3811102116131413

Sommes

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Algorithmes dans lrsquohistoire1 Deacuteterminer les PGCD des couples

a) 924 3 135 c) 2 530 9 639

b) 83 337

Lrsquoheacuteritage de Fermat1 Appliquer la meacutethode de Fermat pour

factoriser les nombres suivants

a) 493 b) 1247 c) 6 903

2 Supposons qursquoun entier n est le produit de deux nombres premiers p lt q et que q ndash p lt p2 2 Montrer qursquoen utilisant la meacutethode de Fermat ce nombre n peut ecirctre factoriseacute en seulement une eacutetape

Eacutemergence logarithmique1 Soit la suite arithmeacutetique

a nd( ) n+ isin

a) Montrer que chaque terme (agrave lrsquoex- ception du premier) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins

b) Montrer un reacutesultat analogue pour la suite geacuteomeacutetrique

ar( ) nnisin

2 Montrer qursquoen termes modernes le passage de LrsquoAreacutenaire ci-haut porte sur les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacute-trique et sur la regravegle du produit de deux puissances

Tuyau Des nombres laquo continucircment en proportion agrave partir de lrsquouniteacute raquo forment une suite geacuteomeacutetrique dont le premier terme est 1

3 En comparant les deux tables tireacutees de la tablette MLC 02078 (pp 19 et 20) on y voit la suite geacuteomeacutetrique

2 ndash 4 ndash 8 ndash 16 ndash 32 ndash 64

ecirctre associeacutee agrave deux suites arithmeacutetiques Relier directement ces deux suites arith-meacutetiques lrsquoune agrave lrsquoautre

Tuyau On peut y voir du logarithme

4 Soit deux points P1 et P2 sur un segment AB (voir figure) Montrer que

a) si APAB

P PP B

1 1 2

1

= alors P BAB

P BP B

1 2

1

=

b) la reacuteciproque est elle aussi valide

5 La suite de segments AB P1B P2B P3B forme une progression geacuteomeacutetrique deacutecroissante (p 22) On deacutesigne par r le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique (on a donc r lt 1) et par z la longueur du segment AB

a) Interpreacuteter en termes de z et de r les segments AB P1B P2B P3B

b) Exprimer agrave lrsquoaide de z et de r les longueurs des intervalles AP1 P1P2 P2P3 P3P4

c) Appliquer ces reacutesultats aux valeurs numeacuteriques choisies par Napier (voir p 23)

d) Et que dire dans ce contexte de la suite arithmeacutetique deacutetermineacutee par le mouve-ment du point Q (p 22)

6 a) Expliquer lrsquoobservation dans lrsquoencadreacute ci-bas au cœur de la deacutemarche de Napier

b) En conclure que pour Napier la vitesse de P en un point donneacute est eacutegale agrave sa distance de lrsquoextreacutemiteacute B

Tuyau La constante de proportionnaliteacute de la partie a) est 1

7 On veut interpreacuteter ici le modegravele geacuteomeacute-trico-cineacutematique de Napier agrave lrsquoaide du calcul diffeacuterentiel et inteacutegral (moderne) On appelle x(t) la distance seacuteparant P de lrsquoextreacutemiteacute B au temps t et y(t) la position du point Q au temps t

a) Montrer que le deacuteplacement de Q est deacutecrit par lrsquoeacutequation diffeacuterentielle dydt = 107 avec comme condition initiale y(0) = 0

Tuyau La vitesse est la deacuteriveacutee de la distance parcourue par rapport au temps

b) Montrer de mecircme que le deacuteplace-ment de P est deacutecrit par dxdt = ndashx avec x(0) = 107

c) Reacutesoudre ces deux eacutequations diffeacuteren-tielles

d) Montrer comment on pourrait en tirer une notion de laquo base raquo pour les loga-rithmes de Napier1

1 Au plan historique une telle ideacutee de laquo base raquo chez Napier est une pure fabulation

Section problegravemes

Agrave propos de Napier

Puisque des distances parcou-rues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est pro-portionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (p 22)

Archimegravede LrsquoAreacutenaire

Si des nombres sont continucircment en pro- portion agrave partir de lrsquouniteacute et que cer-tains de ces nombres sont multiplieacutes entre eux le produit sera dans la mecircme pro-gression eacuteloigneacute du plus grand des nom- bres multiplieacutes drsquoautant de nombres que le plus petit des nom- bres multiplieacutes lrsquoest de lrsquouniteacute dans la pro-gression et il sera eacuteloigneacute de lrsquouniteacute de la somme moins un des nombres dont les nombres multiplieacutes sont eacuteloigneacutes de lrsquouniteacute

A

P1 P2

B

Pour en s voir plus

Histoire des matheacutematiques

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

bull Le livre Havil Julian John Napier Life Logarithms and Legacy Princeton University Press 2014 est une mine drsquoor pour des informations sur la vie et lrsquoœuvre de Napier

bull Le contexte ayant meneacute agrave la naissance des logarithmes est exposeacute dans Friedelmeyer Jean-Pierre laquo Contexte et raisons drsquoune lsquomirifiquersquo invention raquo In Eacutevelyne Barbin et al Histoires de logarithmes pp 39-72 Ellipses 2006 Le sous-titre de lrsquoarticle drsquoAccromath a eacuteteacute emprunteacute au titre de ce texte

bull Les deux traiteacutes de Napier sur les logarithmes le Mirifici logarithmorum canonis descriptio et le Mirifici logarithmorum canonis constructio peuvent ecirctre trouveacutes facilement (en latin) sur la Toile Une traduction anglaise de ces traiteacutes est accessible agrave partir du site de Ian Bruce sur les matheacutematiques des 17e et 18e siegravecles httpwww17centurymathscom

bull La citation de Laplace se retrouve aux pp 446-447 de Œuvres complegravetes de Laplace Exposition du systegraveme du monde (6e eacutedition) Bachelier Imprimeur-Libraire 1835 (Disponible sur Google Livres)

bull La tablette meacutesopotamienne MLC 02078 est eacutetudieacutee (pp 35-36) dans Neugebauer Otto et Sachs Abraham Mathematical Cuneiform Texts American Schools of Oriental Research 1945

bull Pour plus drsquoinformation sur lrsquoemploi des vocables laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo voir Charbonneau Louis laquo Progression arithmeacutetique et progression geacuteomeacutetrique raquo Bulletin AMQ 23(3) (1983) 4-6

bull Publieacutes en allemand en 1770 les Eacuteleacutements drsquoalgegravebre de Leonhard Euler sont parus en traduction franccedilaise degraves 1774 Cette version est accessible agrave partir du site Gallica de la Bibliothegraveque nationale de France httpsgallicabnffr

bull Lrsquoextrait de LrsquoAreacutenaire mdash voir la Section problegravemes mdash se trouve (p 366) dans Ver Eecke Paul Les œuvres complegravetes drsquoArchimegravede tome 1 Vaillant-Carmanne 1960

Applications des matheacutematiques

Lrsquoheacuteritage de Fermat

bull WB Hart laquo A one line factoring algorithmraquo J Aust Math Soc 92 (2012) no 1 61ndash69

bull RS Lehman laquo Factoring large integers raquo Math Comp 28 (1974) 637ndash646

bull MA Morrison and J Brillhart laquo A method of factoring and the factorization of F 7 raquo Math Comp 29 (1975) 183ndash205

bull C Pomerance laquoThe quadratic sieve factoring algorithm raquo Advances in Cryptology (Paris 1984) 169-182 Lecture Notes in Comput Sci 209 Springer Berlin 1985

Accromath est une publication de lrsquoInstitut des sciences matheacutema-tiques (ISM) et du Centre de recherches matheacutematiques (CRM) La revue srsquoadresse surtout aux eacutetudiantes et eacutetudiants drsquoeacutecole secon-daire et de ceacutegep ainsi qursquoagrave leurs enseignantes et enseignants

LrsquoInstitut des sciences matheacutematiques est une institution unique deacutedieacutee agrave la promotion et agrave la coordination de lrsquoenseignement et de la recherche en sciences matheacutematiques au Queacutebec En reacuteunissant neuf deacutepartements de matheacutematiques des universiteacutes queacutebeacutecoises (Concordia HEC Montreacuteal Universiteacute Laval McGill Universiteacute de Montreacuteal UQAM UQTR Universiteacute de Sherbrooke Bishoprsquos) lrsquoInstitut rassemble un grand bassin drsquoexpertises en recherche et en enseignement des matheacutematiques LrsquoInstitut anime de nombreuses activiteacutes scientifiques dont des seacuteminaires de recherche et des colloques agrave lrsquointention des professeurs et des eacutetudiants avanceacutes ainsi que des confeacuterences de vulgarisation donneacutees dans les ceacutegeps Il offre eacutegalement plusieurs programmes de bourses drsquoexcellence

LrsquoISM est financeacute par le Ministegravere de lrsquoEnseignement supeacuterieur et par ses neuf universiteacutes membres

Le Centre de recherches matheacutematiques est un centre national pour la recherche fondamentale en matheacutematiques et ses applica-tions Les scientifiques du CRM comptent plus drsquoune centaine de membres reacuteguliers et de stagiaires postdoctoraux Lieu privileacutegieacute de rencontre le Centre est lrsquohocircte chaque anneacutee de nombreux visi-teurs et drsquoateliers de recherche internationaux

Les activiteacutes scientifiques du CRM comportent deux volets principaux les projets de recherche qursquoentreprennent ses laboratoires et les activiteacutes theacutematiques organiseacutees agrave lrsquoeacutechelle internationale Ces derniegraveres ouvertes agrave tous les domaines impliquent des chercheurs du CRM et drsquoautres universiteacutes Afin drsquoassurer une meilleure diffusion des reacutesultats de recherches de ses collaborateurs le CRM a lanceacute en 1989 un programme de publications en collaboration avec lrsquoAmerican Mathematical Society et avec Springer

Le CRM est principalement financeacute par le CRSNG (Conseil de recherches en sciences naturelles et en geacutenie du Canada) le FQRNT (Fonds queacutebeacutecois de recherche sur la nature et les technologies) lrsquoUniversiteacute de Montreacuteal et par six autres universiteacutes au Queacutebec et en Ontario

Accromath beacuteneacuteficie de lrsquoappui de la Dotation Serge-Bissonnette du CRM

OR2010

BRONZE2011

BRONZE2014

OR2012

2008

Prix speacutecial de la ministre 2009

Prix Anatole Decerf 2012

Page 14: L’héritage de Pierre de Fermat La factorisation des grands ...

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DossierApplications

diviseurs milieux essentiellement du mecircme ordre de grandeur de sorte que la meacutethode de Fermat appliqueacutee au nombre 5n aurait reacuteveacuteleacute ses facteurs 505 et 541 en une seule eacutetape Il aurait ensuite suffi de veacuterifier lequel de 505 et de 541 avait laquo heacuteriteacute raquo du facteur artificiel 5 ce qui est bien sucircr tregraves facile agrave faire Voila qui est bien facile lorsqursquoon sait qursquoun des facteurs est proche drsquoun multiple drsquoun autre facteur une information dont on ne dispose malheureusement pas agrave lrsquoavance

Peut-on neacuteanmoins explorer cette approche pour un nombre composeacute arbitraire Lrsquoideacutee serait de consideacuterer le nombre n times r pour un choix approprieacute de r Par exemple si n = pq et r = uv nous aurons nr = pu times qv et si nous sommes chanceux les deux nouveaux diviseurs pu et qv (de nr) seront suffisamment proches lrsquoun de lrsquoautre pour nous permettre drsquoappli-quer lrsquoalgorithme de Fermat avec succegraves En 1974 utilisant un raffinement de cette ideacutee R Sherman Lehman est parvenu agrave montrer que lrsquoon peut en effet acceacuteleacuterer la meacutethode de Fermat et de fait factoriser un entier im-pair n en seulement n13 eacutetapes

Les nombreuses ameacuteliorations de lrsquoideacutee originale de FermatEst-il possible de faire encore mieux Dans les anneacutees 1920 Maurice Kraitchik ameacute-liorait la meacutethode de Fermat et on sait aujourdrsquohui que son approche a constitueacute la base des principales meacutethodes modernes de factorisation des grands nombres Lrsquoideacutee de Kraitchik est la suivante plutocirct que de cher-cher des entiers a et b tels que n = a2 ndash b2 il suffit de trouver des entiers u et v tels que u2 ndash v2 est un multiple de n Par exemple sachant que 1272 ndash 802 est un multiple du nombre n = 1 081 on peut encore une fois profiter de lrsquoidentiteacute

u2 ndash v2 = (u ndash v)(u + v)

Dans notre cas on peut eacutecrire que

1272 ndash 802 = (127 ndash 80)(127 + 80)

= 47 times207

Algorithme (application lente) lorsque les diviseurs milieux sont eacuteloigneacutes

Supposons par exemple que lon cherche agrave factoriser un nombre n de 20 chiffres qui en reacutealiteacute est le produit de deux nombres premiers lun fait de 5 chiffres et lautre de 15 chiffres Il deacutecoule alors de la for-mule

k =d1 +d2

2 d1d2

ougrave k deacutesigne le nombre deacutetapes requises pour factoriser n par la meacutethode de Fermat qursquoon aura

gt+

minus

gt gt

k n10 10

2

102

ndash10 10

4 14

1410 13

alors quen testant simplement la divi-sibiliteacute de n par les nombres premiers infeacuterieurs agrave n lt 1010 cela aurait eacuteteacute au moins mille fois plus rapide

Maurice Kraitchik 1882-1957Matheacutematicien et vulgarisateur scientifique belge Kraitchik sest surtout inteacuteresseacute agrave la theacuteorie des nombres et aux matheacutematiques reacutecreacuteatives

Il est lrsquoauteur de plusieurs ouvrages sur la theacuteorie des nombres reacutedigeacutes entre 1922 et 1930 De 1931 agrave 1939 il a eacutediteacute la revue Sphinx un mensuel consacreacute aux matheacutematiques reacutecreacuteatives Eacutemigreacute aux Etats-Unis lors de la Seconde Guerre mondiale il a enseigneacute agrave la New School for Social Research agrave New York Il srsquoest particuliegraverement inteacuteresseacute au thegraveme geacuteneacuteral des reacutecreacuteations matheacutematiques

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Comme tout facteur premier de n doit obli-gatoirement ecirctre un facteur de 47 ou de 207 et comme 207 = 9 times 23 on peut rapidement conclure que n = 23 times 47 Bien sucircr pour que cette approche soit efficace il faut eacutelaborer des astuces permettant de trouver des multiples du nombre agrave factoriser qui puissent srsquoeacutecrire comme une diffeacuterence de deux carreacutes Or crsquoest preacuteciseacutement ce que plusieurs matheacutematiciens ont reacuteussi agrave faire au cours du vingtiegraveme siegravecle

Ougrave en est-on aujourdrsquohui On a vu qursquoen optimisant la meacutethode origi-nale de Fermat R Sherman Lehman pouvait factoriser un entier n en environ n13 eacutetapes Or dans les anneacutees 1980 en faisant intervenir des outils matheacutematiques plus avanceacutes dont des notions drsquoalgegravebre lineacuteaire Carl Pomerance a davantage peaufineacute la meacutethode originale de Fermat et creacuteeacute une nouvelle meacute-thode de factorisation connue sous le nom de crible quadratique On sait montrer que dans la pratique avec le crible quadratique

il suffit drsquoau plus timese n n(ln ) ln(ln ) eacutetapes pour factoriser un nombre arbitraire n ce qui peut faire une eacutenorme diffeacuterence lorsqursquoil srsquoagit de factoriser de tregraves grands nombres Crsquoest ain-si que le crible quadratique permet de facto-riser un nombre n de 75 chiffres en moins de

=

lt lt

times timese e

e 10 eacutetapes

ln(10 ) ln(ln10 ) 75ln10 ln(75ln10)

299 13

75 75

alors que la meacutethode de Lehman en requiert environ 1025

Et dire que toute cette panoplie de meacutethodes de factorisation ont leur origine dans une ideacutee de Fermat datant de plus de trois siegravecles et demi

Une belle application de la meacutethode de Fermat

On peut montrer que tout entier de la forme 4k4 + 1 peut ecirctre factoriseacutee en utilisant la meacutethode de Fermat en une seule eacutetape

Soit n = 4k4 + 1 On observe drsquoabord que

n 4k 4 +1= = 2k2

En utilisant la meacutethode de Fermat on choisit drsquoabord

a = n + 1 = 2k2 + 1

On veacuterifie ensuite si a2 ndash n est un carreacute parfait Pour y arriver on eacutecrit

a2 ndash n = (2k2 + 1)2 ndash (4k4 + 1)

= 4k4 + 4k2 + 1 ndash 4k4 ndash 1 = 4k2

qui est un carreacute parfait

On peut donc conclure quen posant 4k2 = b2 on a

n = a2 ndash b2 = (2k2 + 1)2 ndash (2k)2

= (2k2 ndash 2k + 1)(2k2 + 2k + 1)

ce qui fournit la factorisation souhaiteacutee

On peut utiliser cette information pour trouver par exemple la factorisation complegravete de n = 258 + 1

En effet commen = 4 times 256 + 1 = 4 times (214)4 + 1

est bien de la forme 4k4 +1 la meacutethode de Fermat devrait nous fournir ses deux diviseurs milieux du premier coup Effective-ment on a

a = n + 1 = 2k2 + 1 = 536 870 913

On a tout de suite

a2 ndash n = 10 73 741 824 = 32 7682 = b2

de sorte que

n = a2 ndash b2

= (53 68 70 913 ndash 32 768)(53 68 70 913 + 32 768)

= 53 68 38 145 times 53 69 03 681

Comme le premier de ces deux facteurs est de toute eacutevidence un multiple de 5 on peut donc conclure que

n = 258 + 1 = 5 times 107 367 629 times 536 903 681

fournissant ainsi la factorisation souhaiteacutee

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Doss

ierA

pplic

atio

ns

Il est facile drsquoemmecircler un fil de pecircche alors qursquoil est tregraves difficile de le deacutemecircler De mecircme certaines opeacuterations sur les nombres

sont faciles dans un sens et difficiles dans lrsquoautre On les appelle opeacuterations agrave sens unique Elles sont utiliseacutees pour la cryptographie

Lorsque vous envoyez votre numeacutero de carte de creacutedit par Internet agrave un site proteacutegeacute le logiciel crypte celui-ci par le code RSA du nom de ses inventeurs Ronald Rivest Adi Shamir et Leonard Adleman

Historiquement les codes secrets ont tous eacuteteacute perceacutes Mais le code RSA publieacute en 1978 reacutesiste encore malgreacute tous les efforts de la communauteacute matheacutematique pour le briser Il repose sur le fait que si on prend deux tregraves grands nombres premiers distincts p et q et qursquoon les multiplie pour obtenir n = pq alors il est hors de porteacutee des ordinateurs actuels2 de reacutecupeacuterer p et q Ainsi on peut se permettre de publier n la cleacute qui sert au cryptage sans crainte que quiconque puisse reacutecupeacuterer p et q qui servent au deacutecryptage Ce proceacutedeacute srsquoappelle la cryptographie agrave cleacute publique parce que la recette de cryptage est publique

Aussi surprenant que cela puisse paraicirctre il est facile pour un ordinateur de fabri-quer de grands nombres premiers Plusieurs algorithmes geacuteneacuterant de grands nombres premiers sont probabilistes Nous allons en preacutesenter un ci-dessous

Dans la cryptographie agrave cleacute publique les mes-sages sont des nombres m infeacuterieurs agrave n On demandera drsquoeacutelever le nombre m agrave une tregraves grande puissance e ougrave e est un nombre qui est eacutegalement public Le message encrypteacute a est le reste de la division de me par n Tou-jours surprenant il est facile pour un or-dinateur de calculer ce reste mecircme si m et e ont chacun 200 chiffres Nous allons voir comment Le deacutecryptage se fait de maniegravere symeacutetrique en calculant le reste de la division de ad par n Mais d est inconnuhellip et pour le calculer il faut connaicirctre p et q et donc factoriser n Donc seul le concepteur qui a choisi p et q peut lire le message

Combien de temps reacutesistera le code RSA Si ce nrsquoeacutetait que des progregraves de la factorisation des entiers et de lrsquoaugmentation de la puis-sance des ordinateurs il pourrait reacutesister en-core longtemps quitte agrave allonger un peu la cleacute n Mais crsquoest sans compter sur la preacute-sence possible drsquoun nouveau venu lrsquoordina-teur quantique Cet ordinateur nrsquoexiste pas encore Par contre un algorithme rapide de factorisation sur un ordinateur quantique lrsquoalgorithme de Shor existe depuis 1997 Nous allons nous pencher sur lrsquoideacutee de cet algorithme

Christiane Rousseau Universiteacute de Montreacuteal

2 Voir lrsquoarticle laquo Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres raquo de Jean-Marie De Koninck p 8 de ce numeacutero

Comme 1 est le pgcd1 de e et de φ(n) on peut eacutecrire via lrsquoalgo-rithme drsquoEuclide

1 = 10 times 1 456 ndash 633 times 23Donc 1 = 10 times 1 456 ndash (1 456-823) times 23ou encore

1= ndash13 times 1 456 + 823 times 23Comme 823 times 23 =13 times 1 456 + 1 le reste de la division de ed par φ(n) vaut bien 1

1 Voir laquo Algorithmes dans lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

Calculer le reste de la division de me par nEacutecrivons la deacutecomposition de e = 23 en somme de puissances de 2

e = 1 + 2 + 4 + 16

Alors

m e = m m2 m4 m16

On va donc y aller pas agrave pas pour calculer ces puissances et agrave chaque eacutetape on va diviser par n Le reste de la division de m2 par n est 1 126 Remarquons que m4 = (m2)2 Le reste de la division de m4 par n est donc le mecircme que le reste de la division de 1 1262 par n

1 1262 = 823n + 1 388

De mecircme le reste de la division de m8 par n est le mecircme que le reste de la division de 1 3882 par n

1 3882 = 1 253n + 683

Finalement le reste de la division de m16 par n est le mecircme que le reste de la division de 6832 par n

6832 = 303n + 778

On remet le tout ensemble Le reste de la division de m23 par n est le mecircme que le reste de la division de

1 234 1 126 1 388 778

par n qui est bien a = 1 300 Dans la ligne qui preacutecegravede on peut aussi alterner entre faire des

multiplications et diviser les produits partiels par n pour ne pas laisser grossir les expressions Ces calculs sont faciles pour des ordinateurs mecircme quand les nombres sont tregraves grands

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un exemple de fonctionnement du code RSAAline veut pouvoir recevoir des mes-sages secrets de Bernard Elle construit donc un systegraveme agrave cleacute publique pour re-cevoir de tels messages Elle prend les nombres premiers p = 29 et q = 53 La cleacute est n =1 537 Elle aura besoin du nombre

φ(n) = (p ndash 1)(q ndash 1) = 1 456

Elle choisit e relativement premier avec φ(n) par exemple e = 23 Soit d = 823 Il a eacuteteacute construit pour que le reste de la division de ed par φ(n) soit 1 (voir encadreacute ci-contre) Pour ce il fallait connaitre φ(n) et donc la factorisation de n ce qui est difficile pour quelqursquoun ne connaissant pas p et q Aline publie n et e Bernard veut lui envoyer le message

m = 1 234

Pour le crypter il lrsquoeacutelegraveve agrave la puissance e = 23 et le divise par n Ceci lui donne le message crypteacute

a = 1 300

qursquoil envoie agrave Aline Celle-ci utilise d connu drsquoelle seule pour calculer le reste de la divi-sion de ad par n Ce reste est preacuteciseacutement le message m = 1 234

Lrsquoexemple eacutetait avec de petits nombres Mais comment faire les calculs quand les nombres sont gros Il faut se rappeler que ce qui nous inteacuteresse ce ne sont pas les nombres me et

ad mais seulement le reste de leur division par n Alors il ne faut pas laisser grossir les calculs Il faut plutocirct alterner entre prendre des puissances et diviser par n (Voir deacutetails dans lrsquoencadreacute)

Construire de grands nombres premiersLrsquoideacutee est la suivante Si on veut construire un grand nombre premier de 100 chiffres on geacutenegravere au hasard un nombre de 100 chiffres et on laquo teste raquo srsquoil est premier Srsquoil ne lrsquoest pas on recommence avec un autre nombre geacuteneacute-reacute au hasard jusqursquoagrave ce qursquoon tombe sur un nombre premier

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Premiegravere question combien faut-il faire de tests en moyenne Un nombre de 100 chiffres est un nombre de lrsquoordre de 10100 Le theacuteoregraveme des nombres premiers nous dit que si N est grand il y a environ N ln N nombres premiers infeacuterieurs ou eacutegaux agrave N Si on choisit au ha-sard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 la chance qursquoil soit premier est donc drsquoenviron

N1

ln1

ln101

100ln101

230100= = =

On peut faire mieux la moitieacute des nombres sont pairs et parmi les nombres impairs on peut eacuteliminer les multiples de 5 Donc si on choisit au hasard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 qui se termine par 1 3 7 ou 9 on a une chance sur 92 qursquoil soit pre-mier (40 des nombres se terminent par 1 3 7 9 et 410 de 230 donne 92) Ceci signi-fie qursquoen moyenne apregraves 92 tests on a trou-veacute un nombre premier Faire 92 tests est fa-cile pour un ordinateur

Ceci nous amegravene agrave la deuxiegraveme question que signifie laquo tester raquo qursquoun nombre p est pre-mier On a appris agrave le faire en cherchant si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p ce qui revient agrave factoriser partiellement p Mais factoriser est difficile pour un ordinateurhellip

On peut faire mieux Srsquoil est facile de tester si un nombre p est premier crsquoest parce qursquoon peut le faire sans factoriser p Lrsquoideacutee est la suivante Si p nrsquoest pas premier il laisse

ses empreintes partout Dans le test de primaliteacute de Miller-Rabin si p nrsquoest pas pre-mier au moins les trois-quarts des nombres entre 1 et p ont une empreinte de p crsquoest-agrave-dire qursquoils sont des teacutemoins du fait que p nrsquoest pas premier Le test pour deacutecider si un nombre est un teacutemoin est un peu tech-nique (voir encadreacute page ci-contre) Mais ce test est facile pour un ordinateur On choisit au hasard des nombres a1 am le p Si lrsquoun des ai est un teacutemoin on conclut que p nrsquoest pas premier Si aucun des ai nrsquoest un teacutemoin alors p a une tregraves grande chance drsquoecirctre pre-mier Par exemple si m = 100 la chance que p ne soit pas premier sachant que a1 am ne sont pas des teacutemoins est infeacuterieure ou eacutegale agrave 10ndash58 soit tregraves tregraves petite

Peut-on se fier agrave un algorithme probabiliste Les informaticiens le font reacuteguliegraverement degraves qursquoils ont besoin de grands nombres premiers et on nrsquoobserve pas de catas-trophe autour de nous On voit drsquoailleurs qursquoon pourrait transformer cet algorithme probabiliste de primaliteacute en algorithme deacute-terministe il suffirait de tester au moins le quart des nombres a isin 2 p ndash1 Si aucun nrsquoest un teacutemoin alors on peut affir-mer avec certitude que p est premier Mais cet algorithme serait sans inteacuterecirct car il requerrait de regarder si p4 nombres sont des teacutemoins alors que lrsquoalgorithme usuel de factorisation demande de regarder si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p et

pp4

lt degraves que p gt 16

Casser le code RSA sur un ordinateur quantiqueEn 1997 Peter Shor a annonceacute un algo-rithme qui casserait le code RSA sur un ordinateur quantique qui nrsquoexiste pas encorehellip Que signifie cette affirmation Lrsquoalgorithme de Shor est simplement un autre algorithme de factorisation Il fonc-tionnerait sur un de nos ordinateurs mais il serait moins bon que les meilleurs algo-rithmes de factorisation La limite de nos ordinateurs est le paralleacutelisme On ne peut faire qursquoun nombre limiteacute drsquoopeacuterations en parallegravele

DossierApplications

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Quelques avantages de la cryptographie agrave cleacute publique

La cryptographie agrave cleacute publique est tregraves utile quand des milliers de personnes par exemple des clients peuvent vouloir envoyer leur numeacutero de carte de creacutedit agrave une mecircme compagnie

La meacutethode drsquoencryptage est publique et seule la compagnie peut deacutecrypter les messages chiffreacutes

Un autre avantage est que deux interlocuteurs nrsquoont pas besoin drsquoeacutechanger de lrsquoinformation secregravete par exemple une cleacute pour communiquer de maniegravere seacutecuritaire Il suffit que chacun publie son systegraveme de cryptographie agrave cleacute publique

Le systegraveme RSA permet de signer un message pour srsquoassurer qursquoil provient bien de la bonne personne Dans notre exemple pour que Bernard signe son message il faut qursquoil construise son propre sys-tegraveme agrave cleacute publique dont il publie la cleacute nrsquo et la cleacute de cryptage ersquo Il se servira de sa cleacute de deacutecryptage drsquo pour apposer sa signature sur le message

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un ordinateur est composeacute de transistors qui fonctionnent agrave la maniegravere drsquointerrup-teurs en ayant deux positions OUVERT et FERMEacute que lrsquoon peut coder comme des bits drsquoinformation 0 ou 1 Un nombre de 200 chiffres est infeacuterieur agrave 10200 lt 2665 et donc peut srsquoeacutecrire avec 665 bits Tester srsquoil a un diviseur premier infeacuterieur agrave 10100 lt 2333 revient agrave regarder toutes les suites de 333 bits eacutegaux agrave 0 ou 1 Un travail titanesque sauf si lrsquoordinateur a un grand paralleacutelisme Dans un ordinateur quantique les bits drsquoinformation sont des bits quantiques ils peuvent ecirctre dans un eacutetat superposeacute entre 0 et 1 Lrsquoimage que lrsquoon pourrait donner est celle drsquoun sou Une fois lanceacute il tombe sur PILE ou sur FACE Mais avant de le lancer il a probabiliteacute 12 de tomber sur PILE et probabiliteacute 12 de tomber sur FACE On pourrait dire qursquoil est dans un eacutetat superposeacute Le fait que m bits quantiques soient dans un eacutetat superposeacute implique qursquoils peuvent faire simultaneacutement les 2m opeacutera-tions diffeacuterentes correspondant agrave tous les choix de valeurs 0 ou 1 pour chacun des bits Par contre de mecircme que notre sou tombe neacutecessairement sur PILE ou sur FACE degraves qursquoon veut observer un bit quantique il prend neacutecessairement la valeur 0 ou la valeur 1 et donc on ne peut observer le reacutesultat de tous les calculs faits en parallegravele La subtiliteacute de lrsquoalgorithme de Shor vient du fait qursquoon pourra reacutecupeacuterer le reacutesultat du calcul lequel donne une factorisation de p si p nrsquoest pas premier

Le nombre 15 a eacuteteacute factoriseacute sur un ordi-nateur quantique en 2007 et en 2012 on a factoriseacute 143 = 11x13 Les progregraves semblent lents depuis ce temps Le deacutefi technologique de lrsquoordinateur quantique est de maintenir de nombreux bits en eacutetat superposeacute Ce recircve deviendra-t-il reacutealiteacute Mecircme si les progregraves semblent lents les experts y croient de plus en plus

Tester si un nombre est un teacutemoinOn veut tester si p impair est premier Alors on peut eacutecrire p ndash 1 qui est pair comme p ndash 1 = 2sd ougrave d est impair

(Il suffit de diviser p ndash 1 par 2 successive-ment jusqursquoagrave ce que le quotient soir im-pair) Soit a isin 2 p ndash1

Critegravere pour ecirctre teacutemoin Si a est un teacute-moin que p nrsquoest pas premier alors on a simultaneacutement que le reste de la division de ad par p est diffeacuterent de 1 et que les restes de la division de a d2r

par p sont diffeacuterents de p ndash 1 pour tous les r isin 0 s ndash1

Regardons un premier exemple Prenons p = 13 Alors p ndash 1 = 22 3 Ici d = 3 et s = 2 Voyons que p nrsquoa aucun teacutemoin

La premiegravere colonne du tableau agrave gauche donne a la deuxiegraveme colonne donne

le reste de la division de ad = a3 par p et la troisiegraveme colonne le reste de la division de a2d = a6 par p

On voit bien que pour chaque a soit on a un 1 dans le premiegravere colonne ou bien un 1 ou un 12 dans la deuxiegraveme colonne et donc aucun a nrsquoest un teacutemoin de 13 On sait alors que 13 est premier

Refaisons lrsquoexercice avec p = 15 Alors p ndash 1 = 2 7 Comptons combien p a de teacutemoins Ici la deuxiegraveme colonne repreacutesente le reste de la division de ad= a7 par p Tous les a sauf 14 sont des teacutemoins et chacun nous dit que 15 nrsquoest pas premier

Mais bien sucircr apprendre qursquoun nombre a est un teacutemoin que p nrsquoest pas premier ne nous apprend rien de la factorisation de p

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1212121211

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1011121314

Le fonctionnement de lrsquoalgorithme de Shor

On veut factoriser un entier n Lrsquoalgo-rithme de Shor cherche un diviseur d de n qui soit diffeacuterent de 1 et de n Ensuite on peut iteacuterer en cherchant un diviseur de lrsquoentier S = nd Voyons qursquoil suffit de trouver un entier r tel que n divise r2 ndash 1 = (r ndash 1)(r + 1) mais n ne divise ni r ndash 1 ni r + 1 Puisque n divise r2 ndash 1 il existe un entier m tel que r2 ndash 1 = mn Soit p un facteur premier de n Alors p divise r ndash 1 ou encore p divise r + 1 Dans le premier cas d est le pgcd de r ndash 1 et n et dans le deuxiegraveme cas celui de r + 1 et n Calculer le pgcd de deux nombres par lrsquoalgorithme drsquoEuclide3 est facile pour un ordinateur Comment construire un tel entier r est un peu technique et nous ne ferons pas les deacutetails

3 Voir laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

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Si la notion de logarithme paraicirct aujourdrsquohui tout agrave fait naturelle sa conceptualisation et sa mise en œuvre au plan pratique au deacutebut

du 17e siegravecle nrsquoont point eacuteteacute une mince affaire Premiers eacutepisodes de cette foisonnante saga

Peu de temps apregraves leur introduction par John Napier (1550-1617) au tout deacutebut du 17e siegravecle les logarithmes se sont rapidement imposeacutes comme un laquo merveilleux raquo1 outil essentiel en astronomie et en navigation deux domaines scientifiques particuliegraverement avanceacutes agrave cette eacutepoque et qui venaient avec leur lot de calculs proprement titanesques Crsquoest dans un tel contexte qursquoil faut entendre le ceacutelegravebre aphorisme ducirc au matheacutematicien physicien et astronome franccedilais Pierre-Simon Laplace2 (1749-1827) qui srsquointeacuteressant dans le cadre drsquoun survol historique de lrsquoastronomie aux travaux de Johannes Kepler (1571-1630) affirmait que la deacutecouverte des logarithmes mdash combineacutee agrave lrsquoarithmeacutetique des Indiens crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecriture des nombres dans un systegraveme positionnel mdash avait pour ainsi dire doubleacute la vie des astronomes (voir encadreacute)

La preacutehistoire des logarithmesIssu entiegraverement de lrsquolaquo esprit humain raquo selon les dires de Laplace le concept de logarithme repose sur une ideacutee somme toute assez na-turelle consideacuterant diverses puissances drsquoun mecircme nombre on porte lrsquoattention sur les exposants de ces puissances Par exemple srsquoagissant des entiers

64 256 1024 et 4096crsquoest-agrave-dire respectivement

43 44 45 et 46on envisage plutocirct les exposants

3 4 5 et 6

Sur la base de ces donneacutees on pourrait conclure immeacutediatement mdash si on dispose drsquoune table de puissances de 4 mdash que

256 times 4 096 = 1 048 576prenant appui sur le fait que

44 times 46 = 44 + 6 = 410

(on applique ici une regravegle de base des exposants qui va de soi lorsque ceux-ci sont des entiers naturels) Il nrsquoest pas eacutetonnant que des telles intuitions aient pu se retrouver il y a fort longtemps

Jeacuterocircme Camireacute-Bernier

Bernard R Hodgson Universiteacute Laval

1 Renvoi agrave lrsquoeacutepithegravete mirifique (archaiumlque de nos jours) utiliseacutee par Napier lui-mecircme Lrsquoex-pression mirifique invention de notre titre est emprunteacutee agrave Jean-Pierre Friedelmeyer (voir le Pour en savoir plus)

2 Alias Pierre-Simon de Laplace Aussi homme politique il fut nommeacute marquis en 1817 (drsquoougrave la particule nobiliaire)

Laplace agrave propos des logarithmeslaquo Il [Kepler] eut dans ses derniegraveres anneacutees lrsquoavantage de voir naicirctre et drsquoemployer la deacutecouverte des logarithmes due agrave Neper baron eacutecossais artifice admirable ajouteacute agrave lrsquoingeacutenieux algorithme des Indiens et qui en reacuteduisant agrave quelques jours le travail de plusieurs mois double si lrsquoon peut ainsi dire la vie des astronomes et leur eacutepargne les erreurs et les deacutegoucircts inseacuteparables des longs calculs invention drsquoautant plus satis-

faisante pour lrsquoesprit humain qursquoil lrsquoa tireacutee en entier de son propre fonds dans les arts lrsquohomme se sert des mateacuteriaux et des forces de la nature pour accroicirctre sa puissance mais ici tout est son ouvrage raquo

Exposition du systegraveme du monde Livre V Chapitre IV

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

Un peu de vocabulaire

Eacutetant donneacute deux reacuteels (positifs) x et y leur moyenne arithmeacutetique

est donneacutee par x y2+ et leur moyenne geacuteomeacutetrique par xy

Ces appellations trouvent leur origine dans les matheacutematiques grecques de lrsquoAntiquiteacute notamment de lrsquoeacutepoque de Pythagore

Lrsquoarithmeacutetique de lrsquoeacutecole pythagoricienne portant sur lrsquoeacutetude des entiers (et des rapports simples drsquoentiers) on voit immeacutediatement pourquoi la premiegravere moyenne est dite laquo arithmeacutetique raquo Quant agrave la moyenne laquo geacuteomeacutetrique raquo elle fait intervenir une opeacuteration qui megravene agrave des grandeurs geacuteneacuteralement au-delagrave du champ des entiers Or le domaine qui eacutetudie les grandeurs par exemple les segments de droite est justement la geacuteomeacutetrie

On peut montrer que dans une suite arithmeacutetique un terme donneacute (agrave partir du deuxiegraveme) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins Et de mecircme mutatis mutandis pour une suite geacuteomeacutetrique (Voir la Section problegravemes)

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Ainsi sur la partie infeacuterieure de la tablette meacutesopotamienne MLC 020783 datant drsquoentre 1900 et 1600 avant notre egravere se trouve le tableau ci-haut (les nombres sont donneacutes ici en notation moderne et non en eacutecriture cu-neacuteiforme) on y reconnaicirct immeacutediatement la liste des premiegraveres puissances de 2 ainsi que les exposants correspondants

Lrsquousage a consacreacute lrsquoexpression suite arith-meacutetique (ou progression arithmeacutetique selon une tournure un brin suranneacutee) pour une liste de nombres qui comme dans la colonne de droite de ce tableau croissent (ou deacutecroissent) reacuteguliegraverement de maniegravere additive

a a + d a + 2d a + nd

a repreacutesentant le premier terme de la suite et d la diffeacuterence entre deux termes conseacute-cutifs mdash crsquoest-agrave-dire de combien lrsquoun de ces termes est plus grand que lrsquoautre4 (Le tableau preacuteceacutedent correspond au cas ougrave a = 1 et d = 1) Lorsque les nombres de la liste sont relieacutes multiplicativement

a ar ar2 arn

on parlera de suite (ou progression) geacuteomeacute-trique la constante r repreacutesentant cette fois le rapport entre deux termes conseacutecutifs mdash crsquoest-agrave-dire combien de fois lrsquoun est plus grand que lrsquoautre4 (Dans la colonne de gauche du tableau on a a = 2 et r = 2) (Voir lrsquoencadreacute Un peu de vocabulaire pour le sens des mots laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo dans un tel contexte)

Selon cette nomenclature la tablette MLC 02078 peut donc srsquointerpreacuteter comme la mise en comparaison de deux suites lrsquoune arithmeacutetique et lrsquoautre geacuteomeacutetrique Ce type de situation se retrouve agrave diverses eacutepoques au fil des acircges Ainsi en est-il question dans un autre document de lrsquoAntiquiteacute LrsquoAreacutenaire traiteacute dans lequel Archimegravede (-287 ndash -212) se donne comme objectif de deacuteterminer le nombre de grains de sable dont le volume serait eacutegal agrave celui du laquo monde raquo5 Parmi les outils dont se sert alors le grand matheacutematicien grec se retrouve la manipulation simultaneacutee drsquoune suite arithmeacutetique et drsquoune suite geacuteomeacutetrique ce qui lrsquoamegravene (en termes modernes) agrave identifier au passage la regravegle drsquoaddition des exposants

bm times bn = bm +n

(voir la Section problegravemes) et donc le prin-cipe de transformation drsquoune multiplication en une addition agrave la base des logarithmes

3 Pour Morgan Library Collection Cette tablette se retrouve dans la collection de lrsquoUniversiteacute Yale aux Eacutetats-Unis

4 Cette faccedilon de parler est utiliseacutee par Euler lorsqursquoil introduit les notions de rapports arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique dans ses Eacuteleacutements drsquoalgegravebre (1774) mdash voir Section troisiegraveme laquo Des rapports amp des propor-tions raquo entre autres les articles 378 398 et 505

5 Une des difficulteacutes auxquelles fait ici face Archimegravede est de reacutealiser cet objectif dans le cadre du systegraveme de numeacuteration grec qui nrsquoeacutetait pas propice pour exprimer aiseacutement de tregraves grands nombres Mais cela est une autre histoirehellip

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Tablette MLC 02078 (1900-1600 avant notre egravere)

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Cette mecircme ideacutee se retrouve plusieurs siegravecles plus tard dans Le Triparty en la science des nombres (1484) du Franccedilais Nicolas Chuquet (1445-1488) Dans la troisiegraveme partie de cet ouvrage Chuquet introduit des regravegles cal-culatoires de nature algeacutebrique Il srsquointeacuteresse alors notamment aux valeurs des puis-sances de 2 depuis 1 jusqursquoagrave 1 048 576 qursquoil aligne en colonnes avec les exposants entiers correspondants (qursquoil appelle laquo deacuteno-minations raquo) de 0 jusqursquoagrave 20 et note que la multiplication de nombres de la premiegravere colonne correspond agrave lrsquoaddition de nombres dans la seconde Il identifie aussi une autre regravegle de base des exposants

b b( )m n mn=(encore une fois exprimeacutee ici en notation moderne) Agrave noter que Chuquet utilise une notation avec indice sureacuteleveacute (comme nous le faisons aujourdrsquohui)6 et qursquoen plus de lrsquoexposant 0 il considegravere des exposants (entiers) neacutegatifs Au milieu du 16e siegravecle lrsquoAllemand Michael Stifel (1487-1567) reprendra les mecircmes thegravemes dans son Arithmetica integra (1544) ougrave il parle expli-citement de la relation entre une progression arithmeacutetique et une progression geacuteomeacutetrique Crsquoest drsquoailleurs agrave Stifel que lrsquoon doit le vocable exposants pour deacutesigner les nombres de la suite arithmeacutetique en jeu

Si quelques-uns des principes servant de fondements agrave la notion de logarithme se per-ccediloivent dans les commentaires qui preacutecegravedent on est encore loin du logarithme en tant que tel Pour qursquoune correspondance entre une suite geacuteomeacutetrique et une suite arithmeacutetique devienne un veacuteritable outil de calcul il faut en effet laquo boucher les trous raquo entre les puissances (entiegraveres) successives Il peut ecirctre inteacuteressant comme le souligne Chuquet de conclure gracircce agrave sa table des puissances de 2 que le produit de 128 et 512 est 65 536 Mais cela ne nous renseigne en rien par exemple sur le produit 345 times 678 On voit mecircme Chuquet dans un appendice au Tripar-ty chercher agrave reacutesoudre des problegravemes dans lesquels un exposant fractionnaire est rechercheacute mdash mais sans deacutevelopper pour autant drsquoapproche systeacutematique agrave cette fin

Certains eacuteleacutements (timides) agrave cet eacutegard se retrouvent il y a fort longtemps Ainsi le tableau numeacuterique ci-contre figure lui aussi sur la tablette MLC 02078 (dans sa partie supeacuterieure) On y voit une progression arith-meacutetique de diffeacuterence frac-tionnaire ecirctre juxtaposeacutee agrave une progression geacuteomeacutetrique agrave savoir des puissances de 16 Mais peu semble avoir eacuteteacute fait pour pousser plus loin de telles asso-ciations jusqursquoagrave lrsquoarriveacutee de Napier

Les logarithmes agrave la NapierTout eacutetudiant est aujourdrsquohui familier avec le fait que le passage drsquoun nombre donneacute agrave son logarithme (selon une certaine base) revient agrave identifier lrsquoexposant dont il faut affecter cette base pour retrouver le nombre en cause Ayant fixeacute un reacuteel b (positif et diffeacuterent de 1) et consideacuterant un reacuteel positif x le logarithme de x dans la base b noteacute logbx est donc par deacutefinition lrsquoexposant (reacuteel) u tel que bu = x Une telle vision il faut le souligner demeure relativement tardive par rapport agrave lrsquointuition originale de logarithme nrsquoeacutetant devenue la norme que pregraves drsquoun siegravecle et demi apregraves les travaux de lrsquoEacutecossais John Napier7 mdash voir lrsquoencadreacute Les traiteacutes de Napier mdash lorsque Leonhard Euler (1707-1783) en a fait la pierre drsquoassise de son traitement de la fonction logarithmique8 dans son Introduc-tio in analysin infinitorum (1748) Acceptant les proprieacuteteacutes de la fonction exponentielle bu pour des reacuteels b et u quelconques on tire im-meacutediatement de cette deacutefinition la proprieacuteteacute de base du logarithme

logb xy = logb x + logb y

ce qui permet de transformer une multi-plication en une addition de mecircme que les eacutegaliteacutes similaires pour le logarithme drsquoun quotient ou drsquoune puissance

DossierHistoire

6 La notation exponentielle aujourdrsquohui usuelle telle a2 ou a3 se reacutepandra apregraves son utilisa-tion par Reneacute Descartes (1596-1650) dans son traiteacute La geacuteomeacutetrie (1637)

7 Voir Andreacute Ross laquo John Napier raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 8-11

8 Cette approche drsquoEuler peut ecirctre vue comme une illustration remarquable de lrsquoim-pact drsquoune bonne notation en vue de clarifier et faciliter la deacutemarche de la penseacutee

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

On observera que lrsquoideacutee drsquoun lien entre deux suites lrsquoune geacuteomeacutetrique et lrsquoautre arithmeacutetique bien que sous-jacente agrave la derniegravere eacutegaliteacute nrsquoest pas pour autant expli-citement mise en eacutevidence dans cette vision moderne (post-euleacuterienne) du logarithme Or agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier introduit ses loga-rithmes lrsquoideacutee de laquo fonction raquo nrsquoest pas dans lrsquoair du temps mdash elle ne surgira de fait que vers la fin du 17e siegravecle dans la mouvance des travaux sur le calcul infiniteacutesimal mdash de sorte que la comparaison de suites (geacuteomeacutetrique et arithmeacutetique) demeure la principale source drsquoinspiration de ses travaux

Une autre mouvance de lrsquoeacutepoque visait agrave se doter drsquooutils permettant de simplifier lrsquoexeacutecution de calculs arithmeacutetiques portant sur de gros nombres Dans un texte preacuteceacute-dent9 nous avons preacutesenteacute entre autres la meacutethode de prosthapheacuteregravese utiliseacutee vers la fin du 16e siegravecle en vue de transformer une multiplication en addition ou une division en soustraction La populariteacute de telles meacutethodes notamment dans les cercles astronomiques a certainement contribueacute agrave convaincre Napier de lrsquoimportance de deacuteve-lopper des outils permettant de raccourcir les calculs y compris dans le cas de lrsquoexponen-tiation ou de lrsquoextraction de racine Il en fait drsquoailleurs mention explicitement dans la preacute-face de son Descriptio Soulignant le caractegravere peacutenible dans la pratique des matheacutematiques de la multiplication division ou extraction de racine carreacutee ou cubique de grands nombres Napier insiste non seulement sur le temps re-quis pour exeacutecuter ces opeacuterations mais aus-si sur les nombreuses erreurs qui peuvent en reacutesulter Agrave la recherche drsquoune meacutethode sucircre et expeacuteditive afin de contourner ces difficul-teacutes il annonce qursquoapregraves lrsquoexamen de plusieurs proceacutedeacutes il en a retenu un qui rencontre ses attentes

laquo Agrave la veacuteriteacute aucun proceacutedeacute nrsquoest plus utile que la meacutethode que jrsquoai trouveacutee Car tous les nombres utiliseacutes dans les multiplica-tions les divisions et les extractions ar-

dues et prolixes de racines sont rejeteacutes des opeacuterations et agrave leur place sont substitueacutes drsquoautres nombres sur lesquels les calculs se font seulement par des additions des soustractions et des divisions par deux et par trois raquo10

La vision geacuteomeacutetrico- cineacutematique de NapierUn troisiegraveme eacuteleacutement sur lequel srsquoappuie Napier dans sa creacuteation des logarithmes est la geacuteomeacutetrie mdash plus preacuteciseacutement la geacuteomeacutetrie du mouvement Il a en effet lrsquoideacutee de comparer le deacuteplacement de deux points lrsquoun bougeant selon une vitesse11 variant de maniegravere telle que les distances parcourues en des intervalles de temps eacutegaux forment une progression geacuteomeacute-trique tandis que lrsquoautre point bougeant agrave vitesse constante deacute-termine des distances en progression arith-meacutetique Le support geacuteomeacutetrique dont se sert alors Napier peut se deacutecrire comme suit

9 Voir laquo Eacutemergence logarithmique tables et calculs raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 2-7

10 Tireacute de la preacuteface du Mirifici logarithmorum canonis descriptio (traduction personnelle)

11 Napier introduit lrsquoideacutee de mouvement degraves la deacutefinition 1 du Descriptio Il utilise explicite-ment le terme laquo vitesse raquo agrave la deacutefinition 5

Les traiteacutes de NapierCrsquoest degraves lrsquoanneacutee 1594 que Na-pier entame les travaux qui lrsquoamegraveneront agrave la notion de loga-rithme En 1614 il fait connaicirctre son invention en publiant un premier traiteacute sur le sujet mdash reacutedigeacute en latin la langue des savants de lrsquoeacutepoque Mirifici lo-garithmorum canonis descrip-tio (crsquoest-agrave-dire Description de la merveilleuse regravegle des loga-rithmes) Il srsquoagit de la premiegravere publication drsquoune table de lo-garithmes qui occupent les 90 derniegraveres pages du traiteacute Cette table est preacuteceacutedeacutee drsquoun texte de 57 pages ougrave Napier explique

ce que sont les logarithmes et comment les utiliser

Un second traiteacute de Napier sur le sujet est un ouvrage reacutedigeacute avant la parution du Descriptio mais publieacute par lrsquoun de ses fils seulement en 1619 deux ans apregraves sa mort Mirifici loga-rithmorum canonis constructio (Construction de la merveilleuse regravegle des logarithmes) Dans un texte drsquoenviron 35 pages (ac-compagneacute drsquoappendices) Na-pier preacutesente la theacuteorie sur la-quelle il srsquoest appuyeacute pour construire sa table

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Eacutetant donneacute un segment AB de longueur deacutetermineacutee il considegravere un point P partant de A avec une vitesse initiale donneacutee et se deacuteplaccedilant vers B en une seacuterie de laquo pas raquo P1 P2 P3 Pn

Napier stipule (Descriptio deacutefinition 2) que la vitesse de deacuteplacement de P le long de AB deacutecroicirct de maniegravere telle que en des temps eacutegaux la longueur de chacun des inter-valles AP1 P1P2 P2P3 P3P4 successivement parcourus par P est proportionnelle agrave la dis-tance seacuteparant P de sa cible B (lorsqursquoil est agrave lrsquoextreacutemiteacute gauche de chaque intervalle)12

APAB

P PP B

P PP B

P PP B

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On tire immeacutediatement de ces eacutegaliteacutes que

P BAB

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P BP B

P BP B

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3

= = = =

(voir la Section problegravemes) de sorte que la suite de segments AB P1B P2B P3B qui correspond aux distances entre les diverses positions de P et lrsquoextreacutemiteacute B forme une suite geacuteomeacutetrique deacutecroissante (Construc-tio article 24) la longueur de chacun drsquoeux est en effet la moyenne geacuteomeacutetrique de ses deux voisins Napier considegravere alors un second point Q se deacuteplaccedilant agrave vitesse constante sur une demi-droite (donc illimiteacutee dans un sens) et de maniegravere telle qursquoau moment ougrave P passe par Pi le point Q est en un point Qi = i (voir la Section problegravemes)

Lrsquoideacutee de Napier est drsquoassocier la suite arith-meacutetique

0 1 2 3 n

correspondant aux positions successives de Q agrave la suite geacuteomeacutetrique deacutetermineacutee par les segments

AB P1B P2B P3B PnB

Mais pour que cette association soit com-plegravete il faut la geacuteneacuteraliser agrave un emplacement quelconque de P sur AB outre les positions laquo discregravetes raquo P1 P2 P3 Voici le tour de passe-passe permettant agrave Napier de contourner cette difficulteacute

Puisque des distances parcourues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est propor-tionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (voir la Section problegravemes) Ainsi quand P est agrave mi-chemin dans son trajet de A vers B sa vitesse a diminueacute de moitieacute par rapport agrave sa vitesse initiale Et quand il est rendu aux deux-tiers de lrsquointervalle AB sa vitesse ne vaut plus que le tiers de celle de deacutepart

Passant agrave une vision laquo lisse raquo mdash et non plus par laquo pas raquo mdash du deacuteplacement de P Napier en vient agrave consideacuterer ce point comme chan-geant laquo continucircment raquo de vitesse13 mdash et non pas de maniegravere abrupte et instantaneacutee en chaque point Pi Pour rester dans les mecircmes conditions que preacuteceacutedemment il suppose donc que P se deacuteplace laquo geacuteomeacute-triquement raquo de A vers B crsquoest-agrave-dire de maniegravere telle que la vitesse de P est toujours proportionnelle agrave la distance qui le seacutepare de B (Constructio article 25)

Les laquo logarithmes agrave la Napier raquo sont main-tenant agrave porteacutee de main Supposant drsquoune part que les deux points P et Q entament leur deacuteplacement agrave la mecircme vitesse le premier selon une vitesse deacutecroissant geacuteomeacutetriquement de A vers B et le second agrave vitesse constante agrave partir de 0 et suppo-sant de plus que le point Q est en y lorsque le point P est agrave une distance x de B alors y est appeleacute par Napier le logarithme de x (On eacutecrira ici par commoditeacute y = Nlog(x))

Crsquoest ainsi que le logarithme du reacuteel x est le reacuteel y deacutetermineacute par la suite arithmeacutetique associeacutee agrave la suite geacuteomeacutetrique correspon-dant agrave x

DossierHistoire

12 On notera au passage que le point P nrsquoat-teint ainsi jamais sa cible B car agrave chaque eacutetape il gruge toujours la mecircme fraction du chemin restant agrave parcourir

13 Napier nrsquoutilise pas explicitement une telle terminologie

0 y

x

Q rarrA

P rarr

B

A

P1 P2 P3 P4 Pn

B

0 1 2 3 4 n

Q1 Q2 Q3 Q4 Qn

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Valeurs numeacuteriques des logarithmes de NapierPlusieurs aspects de la notion de logarithme telle que conccedilue et mise en œuvre par Na-pier peuvent nous sembler un peu eacutetranges aujourdrsquohui On a deacutejagrave insisteacute sur la place qursquoy occupent les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique maintenant absentes du discours sur les logarithmes Une autre par-ticulariteacute est relieacutee aux valeurs numeacuteriques mecircmes deacutetermineacutees par Napier

Une motivation cleacute de Napier eacutetait de construire un outil facilitant les calculs tri-gonomeacutetriques un domaine drsquoapplication des matheacutematiques de toute premiegravere importance agrave son eacutepoque Crsquoest pour cette raison que la table produite par Napier dans son Descriptio repose non pas sur des nombres en geacuteneacuteral mais plutocirct sur le sinus des angles allant de 0deg agrave 90deg chaque degreacute eacutetant diviseacute en 60 minutes Agrave chacune de ces valeurs de sinus (il y en a donc 5 400 en tout) Napier associe son logarithme tel que deacutefini ci-haut

Il faut par ailleurs souligner que la notion de sinus de lrsquoeacutepoque nrsquoest pas tout agrave fait la mecircme qursquoaujourdrsquohui le sinus est alors non pas vu comme un rapport de cocircteacutes dans un triangle mais plutocirct comme la longueur drsquoune demi-corde dans un cercle donneacute Afin de faciliter les calculs il eacutetait drsquousage de travailler avec un cercle de grand rayon de maniegravere agrave eacuteviter lrsquoemploi de fractions et agrave se res-treindre agrave des nombres naturels Or agrave la fin du 16e siegravecle agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier entreprit ses travaux crsquoest sur un cercle de rayon 10 000 000 que srsquoappuyaient certaines des tables trigonomeacutetriques alors en circula-tion14 Crsquoest sans doute lagrave la raison pour laquelle Napier deacutecide de se servir de cette mecircme valeur pour asseoir la construction de sa table logarithmique

Il se dote donc drsquoun segment AB de longueur 107 = 10 000 000 (Constructio article 24) et il suppose que la vitesse initiale de chacun des deux points P et Q est aussi 107 (Constructio articles 25 et 26) Dans le cas de Q cette

vitesse demeure constante alors que pour P elle deacutecroicirct laquo geacuteomeacutetriquement raquo15 Or le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique doit permettre de combler les eacutecarts entre des puissances entiegraveres successives mdash voir agrave ce propos les commentaires plus haut mdash de sorte qursquoil est utile que ce rapport soit un nombre pregraves de 1 Agrave cet effet Napier choisit comme rapport

0999 999 9 11

107= minus

(Constructio articles 14 et 16) Une telle valeur a aussi comme avantage que le calcul de termes successifs de la progression geacuteomeacutetrique peut se ramener agrave une seacuterie de soustractions plutocirct que des multiplica-tions iteacutereacutees par 1 ndash 10ndash7 ce qui a permis agrave Napier de simplifier dans une large mesure la construction de sa table Cette construction demeure neacuteanmoins en pratique un accom-plissement eacutepoustouflant

On observera que les valeurs numeacuteriques des logarithmes creacuteeacutes par Napier sont fort diffeacuterentes de celles que lrsquoon connaicirct aujourdrsquohui Ainsi on a que Nlog(107) = 0 Et Nlog(x) deacutecroicirct lorsque x croicirct De plus il nrsquoest pas question de laquo base raquo dans les propos de Napier (voir agrave ce sujet la Section problegravemes) Mais lrsquoessence du logarithme est bel et bien lagrave

14 De telles tables trigonomeacutetriques ont eacuteteacute construites par Johann Muumlller alias Regio-montanus (1436-1476) et par Georg Joachim de Porris dit Rheticus (1514-1574)

15 Les valeurs choisies par Napier ont pour conseacutequence que la vitesse de P (en tant que nombre) est non seulement proportion-nelle mais est de fait eacutegale agrave la distance de P agrave B (voir la Section problegravemes)

Agrave propos de lrsquoeacutetymologie du mot logarithme

Napier a forgeacute le mot logarithme agrave partir de deux racines grecques drsquousage courant logoς laquo rapport raquo et ariqmoς laquo nombre raquo On peut voir le mot rapport ici comme refleacutetant le rapport commun des termes successifs de la suite geacuteomeacutetrique AB P1B P2B P3B

Au commencement de ses travaux Napier appelait nombres artificiels les valeurs de la suite arithmeacutetique peut-ecirctre pour les opposer aux nombres de la suite geacuteomeacute-trique qui eacutetaient en quelque sorte don-neacutes Mais le terme logarithme srsquoest rapide-ment imposeacute

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Doss

ierA

pplic

atio

ns

Comment ameacuteliorer une solution imparfaite agrave un problegraveme complexe

Et si on srsquoinspirait de la nature pour faire eacutevoluer les solutions

Lrsquoinspiration de la nature En 1859 le naturaliste Charles Darwin a publieacute son ceacutelegravebre ouvrage Lrsquoorigine des espegraveces qui preacutesentait une theacuteorie visant agrave expliquer le pheacutenomegravene de lrsquoeacutevolution Cette theacuteorie reacutevolutionnaire a provoqueacute plusieurs deacutebats agrave lrsquoeacutepoque mais elle est maintenant largement accepteacutee Environ 100 ans plus tard elle a inspireacute le professeur John Holland qui a tenteacute drsquoimpleacutementer artificiellement des systegravemes eacutevolutifs baseacutes sur le proces-sus de seacutelection naturelle Ces travaux ont

ensuite meneacute aux algorithmes geacuteneacutetiques qui sont maintenant utiliseacutes pour obtenir des solutions approcheacutees pour certains problegravemes drsquooptimisation difficiles

Les eacuteleacutements de base drsquoun algorithme geacuteneacutetiqueAfin de comprendre lrsquoanalogie entre le processus de seacutelection naturelle et un algo-rithme geacuteneacutetique rappelons tout drsquoabord les meacutecanismes les plus importants qui sont agrave la base de lrsquoeacutevolution

1 Lrsquoeacutevolution se produit sur des chromo-somes qui repreacutesentent chacun des individus dans une population

2 Le processus de seacutelection naturelle fait en sorte que les chromo-somes les mieux adapteacutes se reproduisent plus souvent et contribuent davantage aux popu- lations futures

3 Lors de la reproduction lrsquoinfor- mation contenue dans les chromosomes des parents est combineacutee et meacutelangeacutee pour produire les chromosomes des enfants (laquo croisement raquo)

4 Le reacutesultat du croisement peut agrave son tour ecirctre modifieacute par des perturbations aleacuteatoires (muta-tions)

Ces meacutecanismes peuvent ecirctre utiliseacutes pour speacutecifier un algorithme geacuteneacutetique tel que celui deacutecrit dans lrsquoencadreacute ci-dessous

Charles Fleurent GIRO

Algorithmes geacuteneacutetiques

Les travaux sur lrsquoeacutevolution des espegraveces vivantes du natura-liste et paleacuteontologue anglais Charles Darwin (1809-1882) ont reacutevolutionneacute la biologie Dans son ouvrage intituleacute LrsquoOrigine des espegraveces paru en 1859 Darwin preacutesente le reacutesultat de ses recherches Darwin eacutetait deacutejagrave ceacutelegravebre au sein de la communauteacute scientifique de son eacutepoque

pour son travail sur le terrain et ses recherches en geacuteologie Ses travaux srsquoinscrivent dans la fouleacutee de ceux du natura-liste franccedilais Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) qui 50 ans plus tocirct avait eacutemis lrsquohypothegravese que toutes les espegraveces vivantes ont eacutevolueacute au cours du temps agrave partir drsquoun seul ou de quelques ancecirctres communs Darwin a soutenu avec Alfred Russel Wallace (1823-1913) que cette eacutevolution eacutetait due au processus dit de la laquo seacutelection naturelle raquo

Comme il naicirct beaucoup plus drsquoindividus de chaque espegravece qursquoil nrsquoen peut survivre et que par conseacutequent il se produit souvent une lutte pour la vie il srsquoensuit que tout ecirctre srsquoil varie mecircme leacutegegraverement drsquoune maniegravere qui lui est profitable dans les conditions complexes et quelque-fois variables de la vie aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi drsquoune faccedilon naturelle En raison du principe dominant de lrsquoheacutereacutediteacute toute varieacuteteacute ainsi choisie aura tendance agrave se multiplier sous sa forme nouvelle et modifieacutee

Charles Darwin 1859 Introduction agrave LrsquoOrigine des espegraveces

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Pour adapter un algorithme geacuteneacutetique agrave un problegraveme drsquooptimisation combinatoire il suf-fit alors de speacutecialiser certaines composantes agrave la structure particuliegravere de ce dernier En geacuteneacuteral les deacutecisions portent sur les aspects suivants

Codage des solutions il faut eacutetablir une correspondance entre les solutions du problegraveme et les chromosomes

Opeacuterateurs geacuteneacutetiques il faut deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation pour les chromosomes

Eacutevaluation des chromosomes la me-sure drsquoadaptation des chromosomes agrave leur environnement est donneacutee par une fonction qui est calculeacutee par un processus plus ou moins complexe

Il existe plusieurs moyens pour mettre en œuvre certains des meacutecanismes importants drsquoun algorithme geacuteneacutetique Par exemple la seacutelection des parents peut srsquoeffectuer de diverses faccedilons Dans une population P = x1 x2 hellip xN ougrave la mesure drsquoadaptation drsquoun individu est eacutevalueacutee par une fonction ƒ lrsquoopeacuterateur classique consiste agrave associer agrave chaque individu xi une probabiliteacute pi drsquoecirctre seacutelectionneacute proportionnelle agrave la valeur de f pour cet individu crsquoest-agrave-dire

pf x

f x( )

( )i

i

jj Psum

=

isin

En pratique on utilise souvent drsquoautres meacute-thodes de seacutelection pouvant se parameacutetrer plus facilement Ainsi dans la seacutelection par tournoi un ensemble drsquoindividus est seacutelec-tionneacute aleacuteatoirement dont les meilleurs eacuteleacute-ments seulement sont retenus Pour choi-sir deux parents on peut donc seacutelectionner aleacuteatoirement 5 individus et ne garder que les deux meilleurs Dans drsquoautres meacutethodes les individus sont ordonneacutes selon leur va-leur pour la fonction ƒ et la seacutelection srsquoeffec-tue aleacuteatoirement selon le rang occupeacute par chaque individu On utilise alors une distri-bution biaiseacutee en faveur des individus en tecircte de liste

Un autre meacutecanisme important est le mode de remplacement des individus de la popula-tion Dans le modegravele original chaque popu-lation de N individus est totalement rempla-ceacutee agrave chaque geacuteneacuteration Drsquoautres strateacutegies laquo eacutelitistes raquo font en sorte drsquoassurer agrave chaque geacuteneacuteration la survie des meilleurs individus de la population Crsquoest le cas entre autres des modegraveles laquo stationnaires raquo ougrave un nombre res-treint drsquoindividus est remplaceacute agrave chaque geacute-neacuteration Dans ce cas on ajoute souvent des meacutecanismes suppleacutementaires empecircchant lrsquoajout drsquoindividus identiques (doublons) dans la population Des implantations plus eacutevo-lueacutees existent eacutegalement pour des architec-tures parallegraveles

Un algorithme geacuteneacutetique 1 Construire une population initiale de N

solutions

2 Eacutevaluer chacun des individus de la population

3 Geacuteneacuterer de nouvelles solutions en seacutelectionnant les parents de faccedilon proportionnelle agrave leur eacutevaluation Appliquer les opeacuterateurs de croisement et de mutation lors de la reproduction

4 Lorsque N nouveaux individus ont eacuteteacute geacuteneacutereacutes ils remplacent alors lrsquoancienne population Les individus de la nouvelle population sont eacutevalueacutes agrave leur tour

5 Si le temps alloueacute nrsquoest pas deacutepasseacute (ou le nombre de geacuteneacuterations maximal nrsquoest pas atteint) retourner agrave lrsquoeacutetape 3

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Repreacutesentation des solutions et opeacuterateurs geacuteneacutetiquesLes premiers algorithmes geacuteneacutetiques utili-saient tous une repreacutesentation binaire ougrave chaque solution s est codeacutee sous la forme drsquoune chaicircne de bits de longueur n ie s[i ] isin 0 1 foralli =1 2 hellip n Pour cette repreacute-sentation lrsquoopeacuterateur de croisement classique agrave un point consiste agrave choisir de faccedilon uniforme une position de coupure aleacuteatoire l isin 1 2 hellip nminus1 Si les parents p1 et p2 ont eacuteteacute seacutelectionneacutes pour la reproduction les solutions enfants e1 et e2 sont alors construites de la faccedilon suivante

e1[i ] = p1[i ] foralli isin1 hellip l e1[i ] = p2[i ] foralli isinl + 1 hellip n e2 [i ] = p2[i ] foralli isin1 hellip l e2 [i ] = p1[i ] foralli isinl + 1 hellip nLorsqursquoon itegravere avec drsquoautres paires de parents on choisit aleacuteatoirement pour chaque paire de parents un nouvel opeacuterateur de croisement agrave un point Lrsquoopeacuterateur agrave un point peut se geacuteneacuteraliser en seacutelectionnant k positions aleacuteatoires plutocirct qursquoune seule Dans ce cas les enfants sont produits en eacutechan-geant lrsquoinformation chromosomique entre les k points de coupure En pratique la valeur k = 2 est couramment utiliseacutee Un autre opeacuterateur tregraves populaire (croisement uni-forme) utilise une chaicircne de bits geacuteneacutereacutee aleacuteatoirement pour engendrer les enfants Pour chaque position le choix aleacuteatoire in-dique quel parent deacuteterminera la valeur des enfants Des exemples des opeacuterateurs de croisement agrave un point agrave deux points et uniforme sont illustreacutes dans les tableaux suivants Des reacutesultats theacuteoriques et empi-riques indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme donne geacuteneacuteralement des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux produits par les deux autres

Opeacuterateur de croisement agrave un point

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 0 1 1

0 1 0 1 0 1 1 0 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement agrave deux points

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 1 0 1

0 1 0 1 0 1 0 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement uniforme

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 1 0 1 1 1 0 0 1

0 1 1 0 1 0 1 0 0

0 0 0 1 0 1 1 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Chaicircnealeacuteatoirede bits

Avec une repreacutesentation binaire on utilise geacuteneacuteralement lrsquoopeacuterateur de mutation clas-sique qui consiste agrave changer aleacuteatoirement un bit pour son compleacutement

Opeacuterateur de mutation classique

Enfant 1 0 0 1 0 1 1 0 1

1 1 0 1 0 1 1 0 0Enfant

Mutationsaleacuteatoires

DossierApplications

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Un exemple le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteennePour certains problegravemes la repreacutesentation binaire des solutions est tout agrave fait intuitive et bien adapteacutee Crsquoest le cas par exemple du problegraveme de satisfaisabiliteacute (SAT) Eacutetant donneacute une expression logique F de n variables boo-leacuteennes x1 x2 hellip xn (voir encadreacute) ce problegraveme fondamental (qui est agrave la base de la theacuteorie de la NP-compleacutetude) consiste agrave trouver une affectation aux variables de faccedilon agrave satisfaire F En eacutetablissant les correspondances faux harr 0 vrai harr 1 on peut repreacutesenter chaque solution par une chaicircne binaire de longueur n et utiliser les opeacuterateurs geacuteneacute-tiques classiques deacutecrits preacuteceacutedemment

Pour eacutevaluer les solutions lrsquoexpression logique F peut ecirctre exprimeacutee comme une conjonction (voir encadreacute) de m clauses

F = Cj j =1

m

Chaque clause est alors deacutefinie par une disjonction de variables booleacuteennes dont certaines sont associeacutees agrave un opeacuterateur de neacutegation (indiqueacute par le symbole ndash ) Pour satisfaire F il faut donc satisfaire toutes ses clauses Pour un algorithme geacuteneacutetique chaque solution peut ecirctre simplement eacuteva-lueacutee par le nombre de clauses qursquoelle satisfait par exemple noteacute par f Si on considegravere par exemple lrsquoexpression suivante pour F

= and or and or or

and or or or

and or or or or

F x x x x x x

x x x x

x x x x x

( ) ( ) ( )

( )

( )

1 1 2 1 2 3

1 2 3 4

1 2 3 4 5

la solution (1 0 1 0 0) satisfait toutes les clauses sauf la premiegravere alors que la solution (0 1 1 0 1) satisfait toutes les clauses et donc lrsquoexpression F

Avec une repreacutesentation des chro-mosomes une fonction drsquoadaptation f et des opeacuterateurs de croisement et de mutation nous avons tous les eacuteleacutements pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique simple pour le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteenne Le processus peut ecirctre illustreacute par le tableau en bas de page avec un opeacuterateur de croisement uniforme repreacutesenteacute par la chaicircne de bits U Dans cet exemple simplifieacute lrsquoalgo-rithme a produit en six geacuteneacuterations une solution qui satisfait lrsquoexpression boo-leacuteenne F (les 5 clauses sont satisfaites pour un individu de la population) Pour une fonction plus complexe comprenant un grand nombre de va-riables on utilise des populations plus importantes et laisse la population eacutevoluer lentement vers des solutions de bonne qualiteacute

Variables booleacuteennes

Opeacuterateurs booleacuteens

Une variable booleacuteenne est une variable qui ne peut prendre que deux valeurs logiques VRAI ou FAUX On peut utiliser 1 et 0 pour repreacutesenter ces deux valeurs

Un opeacuterateur booleacuteen est un opeacuterateur qui sap-plique sur une ou deux variables booleacuteennes

La neacutegation drsquoune variable booleacuteenne x qui est noteacutee x change la valeur de la variable booleacuteenne x

Variable Neacutegation

10

01

x x

La conjonction de deux variables x et y noteacutee x and y prend la valeur 1 si les variables x et y ont toutes deux la valeur 1 Dans les autres cas elle prend la valeur 0

Variables Conjonction

1100

1010

1000

x y x y

La disjonction de deux variables x et y noteacutee x or y prend la valeur 1 si au moins lrsquoune des variables a la valeur 1 Elle prend la valeur 0 si les deux variables ont la valeur 0

Variables Disjonction

1100

1010

1110

x y x y

Geacuteneacuteration

5

(0 0 1 0 0) f = 4(0 0 1 0 1) f = 3(0 0 1 1 1) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

(0 0 1 0 0) f = 4(1 0 1 1 0) f = 4(0 0 1 1 1) f = 4

U = (0 1 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4 (1 0 1 1 0) f = 4

(0 1 1 1 0) f = 5U = (0 0 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

6

Population Enfant Enfant muteacute

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Autres exemplesLes algorithmes geacuteneacutetiques ne sont pas applicables qursquoaux repreacutesentations binaires Par exemple le problegraveme classique du com-mis voyageur (Traveling Salesman Problem ou TSP) consiste agrave identifier une tourneacutee agrave coucirct minimal qui visite chaque ville drsquoun ensemble agrave couvrir Mecircme si une tourneacutee pourrait alors theacuteoriquement ecirctre repreacutesenteacutee par une chaicircne de booleacuteens on preacutefegravere geacuteneacuterale-ment utiliser une repreacutesentation plus directe sous forme de permutation Chaque permu-tation speacutecifie alors lrsquoordre dans lequel sont visiteacutees les villes

On doit alors deacutefinir des opeacuterateurs de mutation et de croisement pour une repreacutesentation sous forme de permutation Pour la muta-

tion un simple eacutechange entre deux villes dans une seacutequence pourra faire lrsquoaffaire Par exemple

Tourneacutee originale (Montreacuteal Rimou- ski Saguenay Val drsquoOr Queacutebec Sher-brooke)

Apregraves mutation (Montreacuteal Rimouski Saguenay Sherbrooke Queacutebec Val drsquoOr) Pour le croisement il est facile de constater que des opeacuterateurs sem-blables agrave ceux deacutecrits preacuteceacutedemment ne pourraient preacuteserver la structure de permutation Plusieurs opeacuterateurs valides ont toutefois eacuteteacute proposeacutes Agrave titre drsquoexemple lrsquoopeacuterateur OX choisit une sous-seacutequence dans la seacutequence drsquoun des parents et place les villes res-tantes dans lrsquoordre deacutefini par lrsquoautre

parent Dans le tableau ci-dessous deux po-sitions sont choisies aleacuteatoirement afin de deacutefinir une sous-seacutequence chez le premier parent (eacutetape 1) Agrave lrsquoeacutetape 2 les villes res-tantes sont placeacutees selon lrsquoordre induit par le deuxiegraveme parent

P1 Mtl Sag Val Queacute Shb RimQueacute Rim Mtl Shb Sag Val

Rim Sag Val Queacute Mtl Shb

Rim Mtl ShbSag Val Queacute

P2

Eacute1Eacute2

Enf

Ss

Une fois la repreacutesentation et les opeacuterateurs de base deacutefinis on peut simplement eacutevaluer chaque tourneacutee par la distance parcourue et tous les eacuteleacutements sont en place pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique pour le problegraveme TSP

Coloration de grapheUn autre problegraveme classique celui de colo-ration de graphe1 est aussi abordable par les algorithmes geacuteneacutetiques

Pour un graphe G = (V E) constitueacute drsquoun en-semble de nœuds V et drsquoarecirctes E un coloriage est une partition de V en k sous-ensembles (couleurs) C1 C2 hellip Ck pour lesquels u v isin Ci rArr (u v) notinE ie que deux nœuds ne peuvent avoir la mecircme couleur srsquoils sont lieacutes par une arecircte Le problegraveme de coloration de graphe consiste agrave trouver un coloriage utilisant un nombre minimal de sous-ensembles Ce type drsquoapproche permet notamment de reacutesoudre agrave coucirct minimum des conflits drsquohoraire En pratique on choisit drsquoabord une valeur-cible pour k et chaque chromosome constitue une partition de V en k sous-ensembles Les so-lutions sont codeacutees sous forme de chaicircnes en liant lrsquoindice de chaque nœud agrave lrsquoun des k sous-ensembles

DossierApplications

1 Voir laquo Le theacuteoregraveme des quatre couleurs raquo Accromath 141 2019

Coloration de grapheEn theacuteorie des graphes la coloration de graphe consiste agrave attribuer une couleur agrave chacun de ses sommets de maniegravere que deux sommets relieacutes par une arecircte soient de couleur diffeacuterente On cherche souvent agrave utiliser le nombre minimal de couleurs appeleacute nombre chromatique

12

34

5

6

7

89Un coloriage imparfait

10

Mtl Rim

SagShb

ValQueacute

2

6 3

4

1

5

Mtl Rim

SagShb

QueacuteVal

2

6 3

4

1

5

Mutation drsquoune tourneacutee

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Par exemple si on associe C1 agrave bleu C2 agrave rouge et C3 agrave vert dans le coloriage im-parfait de la page preacuteceacutedente la partition des nœuds associeacutee agrave cette solution est (1 2 3 2 3 2 1 2 3 1) car les nœuds 1 7 et 10 sont dans C1 les nœuds 2 4 6 et 8 dans C2 et les nœuds 3 5 et 9 dans C3 En deacutefinissant la fonction f comme le nombre de fois ougrave la regravegle du coloriage nrsquoa pas eacuteteacute respecteacutee on obtient f (C1 C2 C3) = 0 + 1 + 1 = 2 car on a 0 arecircte dans C1 1 arecircte dans C2 (entre les nœuds 2 et 4) et 1 dans C3 (entre les nœuds 3 et 5)

De faccedilon geacuteneacuterale le problegraveme de coloriage consiste agrave geacuteneacuterer une partition telle que f (C1 C2 Ck) = 0 avec un k le plus petit possible Avec la repreacutesentation en chaicircne de la partition il est facile de deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation semblables agrave ceux utiliseacutes pour les repreacutesen-tations binaires Les reacutesultats rapporteacutes dans la litteacuterature indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme domine encore ceux agrave un point et agrave deux points

Est-ce que ccedila fonctionne Il nrsquoy a aucun doute que les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent ecirctre utiliseacutes pour traiter des problegravemes drsquooptimisation Leur performance relative varie cependant selon les contextes Lorsqursquoun problegraveme est bien eacutetudieacute il est geacuteneacuteralement preacutefeacuterable drsquoavoir recours agrave des algorithmes speacutecialiseacutes qui peuvent tirer avantage de certaines structures speacutecifiques Pour le problegraveme TSP par exemple des approches baseacutees sur la programmation en nombres entiers peuvent maintenant reacutesoudre de faccedilon optimale des exemplaires de plusieurs dizaines de milliers de villes Il serait donc mal aviseacute drsquoutiliser un algorithme geacuteneacutetique pour reacutesoudre ce problegraveme (agrave moins de vouloir eacutetudier leur comportement ce qui peut ecirctre tout agrave fait leacutegitime et amusant)

Les algorithmes geacuteneacutetiques ont tout de mecircme lrsquoavantage drsquoecirctre simples agrave mettre en place En fait une meacutethode de codage des opeacuterateurs de croisement et de mutation ainsi qursquoune fonction drsquoeacutevaluation sont suf-fisants pour utiliser une approche eacutevolutive On obtient alors une approche robuste qui peut ecirctre tregraves utile si la fonction agrave optimiser est laquo floue raquo (fuzzy) ou si on dispose de peu de temps pour eacutetudier le problegraveme agrave optimiser

Les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent eacutega-lement ecirctre combineacutes agrave drsquoautres approches drsquooptimisation pour donner lieu agrave des meacutethodes hybrides tregraves puissantes souvent parmi les meilleures disponibles On peut par exemple utiliser des opeacuterateurs de mutation plus sophistiqueacutes pour optimiser le reacutesultat de chaque croisement Pour lrsquoalgorithme hybride reacutesultant la composante laquo geacuteneacute-tique raquo vise alors agrave enrichir la recherche en misant sur les eacuteleacutements qui constituent sa force ie lrsquoutilisation drsquoune population diver-sifieacutee qui permet lrsquoaccegraves aux caracteacuteristiques varieacutees de plusieurs individus et au proces-sus de seacutelection (artificielle dans ce cas) afin drsquoorienter lrsquoexploration vers les meilleures reacutegions de lrsquoespace de solutions Crsquoest bien lagrave lrsquoune des leccedilons agrave tirer de lrsquoobservation de la nature

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Rubrique des

Jean-Paul DelahayeUniversiteacute des Sciences et Technologies de Lille

Lrsquoinformation paradoxale

Comme le preacuteceacutedent ce paradoxe est aussi un paradoxe sur lrsquoinformation cacheacutee cependant il neacutecessite une patience bien supeacuterieure pour ecirctre reacutesolu ou lrsquoaide drsquoun ordinateur

On choisit cinq nombres a b c d et e veacuterifiant les relations

1 le a lt b lt c lt d lt e le 10

Autrement dit les cinq nombres sont compris entre 1 et 10 tous diffeacuterents et classeacutes par ordre croissant On indique leur produit P agrave Patricia (qui est brune) leur somme S agrave Sylvie (qui est blonde) la somme de leurs carreacutes

C = a2 + b2 + c2+ d2 + e2

agrave Christian (qui est barbu) et la valeur

V = (a + b + c)(d + e)

agrave Vincent (qui est chauve)

Ils doivent deviner quels sont les nombres a b c d et e

1- Une heure apregraves qursquoon leur a poseacute le problegraveme les quatre personnages qursquoon interroge simultaneacutement reacutepondent tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

2- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

3- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo Etc

23- Une heure apregraves (soit 23 heures apregraves la formulation de lrsquoeacutenonceacute ) les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

Cependant apregraves cette 23egraveme reacuteponse les visages des quatre personnages srsquoeacuteclairent drsquoun large sourire et tous srsquoexclament laquo crsquoest bon maintenant je connais a b c d et e raquo

Vous en savez assez maintenant pour deviner les 5 nombres a b c d e Il semble paradoxal que la reacutepeacutetition 23 fois de la mecircme affirmation drsquoignorance de la part des personnages soit porteuse drsquoune information Pourtant crsquoest le cas Essayez de comprendre pourquoi et ensuite armez-vous de courage la solution est au bout du calcul

Solution du paradoxe preacuteceacutedent

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Solution du paradoxe preacuteceacutedent

Lrsquoinformation paradoxaleIl arrive que lrsquoon pense ne pas disposer drsquoassez drsquoinfor-mations pour reacutesoudre un problegraveme alors qursquoen reacutealiteacute tout est agrave notre disposition Certaines situations sont si extraordinaires qursquoelles apparaissent paradoxales En voici un exemple

Un homme bavarde avec le facteur sur le pas de la porte de sa maison Il lui dit

laquo Crsquoest amusant je viens de remarquer que la somme des acircges de mes trois filles est eacutegale au numeacutero de ma maison dans la rue Je suis sucircr que si je vous apprends que le produit de leur acircge est 36 vous saurez me dire leur acircge respectif raquo

Le facteur reacutefleacutechit un moment et lui reacutepond

laquo Je suis deacutesoleacute mais je ne peux pas trouver raquo

Lrsquohomme srsquoexclame alors laquo Ah oui Jrsquoavais oublieacute de vous dire que lrsquoaicircneacutee est blonde raquo

Quelques secondes apregraves le facteur lui donne la bonne reacuteponse Aussi paradoxal que cela apparaisse vous pouvez deacuteduire de cet eacutechange lrsquoacircge des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte

SolutionLes diffeacuterentes deacutecompositions de 36 en produit de trois entiers et les sommes des facteurs sont donneacutees dans le tableau ci-contre

Le facteur connaicirct la somme des acircges des trois filles car il est sur le pas de la porte Srsquoil ne peut pas trouver leurs acircges respectifs crsquoest que parmi les produits possibles compatibles avec la somme qursquoil connaicirct il y en a deux qui donnent la mecircme somme Crsquoest donc que la somme est 13 Les deux possibiliteacutes sont donc 1-6-6 et 2-2-9 La premiegravere est eacutelimineacutee car deux enfants ne peuvent avoir le mecircme acircge que srsquoils sont jumeaux et alors il nrsquoy a pas drsquoaicircneacutee La solution est donc 2-2-9 Les acircges des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte sont 2 2 et 9 ans

Produits1times1times362times3times63times3times4

1times2times181times3times121times6times61times4times92times2times9

3811102116131413

Sommes

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Algorithmes dans lrsquohistoire1 Deacuteterminer les PGCD des couples

a) 924 3 135 c) 2 530 9 639

b) 83 337

Lrsquoheacuteritage de Fermat1 Appliquer la meacutethode de Fermat pour

factoriser les nombres suivants

a) 493 b) 1247 c) 6 903

2 Supposons qursquoun entier n est le produit de deux nombres premiers p lt q et que q ndash p lt p2 2 Montrer qursquoen utilisant la meacutethode de Fermat ce nombre n peut ecirctre factoriseacute en seulement une eacutetape

Eacutemergence logarithmique1 Soit la suite arithmeacutetique

a nd( ) n+ isin

a) Montrer que chaque terme (agrave lrsquoex- ception du premier) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins

b) Montrer un reacutesultat analogue pour la suite geacuteomeacutetrique

ar( ) nnisin

2 Montrer qursquoen termes modernes le passage de LrsquoAreacutenaire ci-haut porte sur les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacute-trique et sur la regravegle du produit de deux puissances

Tuyau Des nombres laquo continucircment en proportion agrave partir de lrsquouniteacute raquo forment une suite geacuteomeacutetrique dont le premier terme est 1

3 En comparant les deux tables tireacutees de la tablette MLC 02078 (pp 19 et 20) on y voit la suite geacuteomeacutetrique

2 ndash 4 ndash 8 ndash 16 ndash 32 ndash 64

ecirctre associeacutee agrave deux suites arithmeacutetiques Relier directement ces deux suites arith-meacutetiques lrsquoune agrave lrsquoautre

Tuyau On peut y voir du logarithme

4 Soit deux points P1 et P2 sur un segment AB (voir figure) Montrer que

a) si APAB

P PP B

1 1 2

1

= alors P BAB

P BP B

1 2

1

=

b) la reacuteciproque est elle aussi valide

5 La suite de segments AB P1B P2B P3B forme une progression geacuteomeacutetrique deacutecroissante (p 22) On deacutesigne par r le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique (on a donc r lt 1) et par z la longueur du segment AB

a) Interpreacuteter en termes de z et de r les segments AB P1B P2B P3B

b) Exprimer agrave lrsquoaide de z et de r les longueurs des intervalles AP1 P1P2 P2P3 P3P4

c) Appliquer ces reacutesultats aux valeurs numeacuteriques choisies par Napier (voir p 23)

d) Et que dire dans ce contexte de la suite arithmeacutetique deacutetermineacutee par le mouve-ment du point Q (p 22)

6 a) Expliquer lrsquoobservation dans lrsquoencadreacute ci-bas au cœur de la deacutemarche de Napier

b) En conclure que pour Napier la vitesse de P en un point donneacute est eacutegale agrave sa distance de lrsquoextreacutemiteacute B

Tuyau La constante de proportionnaliteacute de la partie a) est 1

7 On veut interpreacuteter ici le modegravele geacuteomeacute-trico-cineacutematique de Napier agrave lrsquoaide du calcul diffeacuterentiel et inteacutegral (moderne) On appelle x(t) la distance seacuteparant P de lrsquoextreacutemiteacute B au temps t et y(t) la position du point Q au temps t

a) Montrer que le deacuteplacement de Q est deacutecrit par lrsquoeacutequation diffeacuterentielle dydt = 107 avec comme condition initiale y(0) = 0

Tuyau La vitesse est la deacuteriveacutee de la distance parcourue par rapport au temps

b) Montrer de mecircme que le deacuteplace-ment de P est deacutecrit par dxdt = ndashx avec x(0) = 107

c) Reacutesoudre ces deux eacutequations diffeacuteren-tielles

d) Montrer comment on pourrait en tirer une notion de laquo base raquo pour les loga-rithmes de Napier1

1 Au plan historique une telle ideacutee de laquo base raquo chez Napier est une pure fabulation

Section problegravemes

Agrave propos de Napier

Puisque des distances parcou-rues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est pro-portionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (p 22)

Archimegravede LrsquoAreacutenaire

Si des nombres sont continucircment en pro- portion agrave partir de lrsquouniteacute et que cer-tains de ces nombres sont multiplieacutes entre eux le produit sera dans la mecircme pro-gression eacuteloigneacute du plus grand des nom- bres multiplieacutes drsquoautant de nombres que le plus petit des nom- bres multiplieacutes lrsquoest de lrsquouniteacute dans la pro-gression et il sera eacuteloigneacute de lrsquouniteacute de la somme moins un des nombres dont les nombres multiplieacutes sont eacuteloigneacutes de lrsquouniteacute

A

P1 P2

B

Pour en s voir plus

Histoire des matheacutematiques

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

bull Le livre Havil Julian John Napier Life Logarithms and Legacy Princeton University Press 2014 est une mine drsquoor pour des informations sur la vie et lrsquoœuvre de Napier

bull Le contexte ayant meneacute agrave la naissance des logarithmes est exposeacute dans Friedelmeyer Jean-Pierre laquo Contexte et raisons drsquoune lsquomirifiquersquo invention raquo In Eacutevelyne Barbin et al Histoires de logarithmes pp 39-72 Ellipses 2006 Le sous-titre de lrsquoarticle drsquoAccromath a eacuteteacute emprunteacute au titre de ce texte

bull Les deux traiteacutes de Napier sur les logarithmes le Mirifici logarithmorum canonis descriptio et le Mirifici logarithmorum canonis constructio peuvent ecirctre trouveacutes facilement (en latin) sur la Toile Une traduction anglaise de ces traiteacutes est accessible agrave partir du site de Ian Bruce sur les matheacutematiques des 17e et 18e siegravecles httpwww17centurymathscom

bull La citation de Laplace se retrouve aux pp 446-447 de Œuvres complegravetes de Laplace Exposition du systegraveme du monde (6e eacutedition) Bachelier Imprimeur-Libraire 1835 (Disponible sur Google Livres)

bull La tablette meacutesopotamienne MLC 02078 est eacutetudieacutee (pp 35-36) dans Neugebauer Otto et Sachs Abraham Mathematical Cuneiform Texts American Schools of Oriental Research 1945

bull Pour plus drsquoinformation sur lrsquoemploi des vocables laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo voir Charbonneau Louis laquo Progression arithmeacutetique et progression geacuteomeacutetrique raquo Bulletin AMQ 23(3) (1983) 4-6

bull Publieacutes en allemand en 1770 les Eacuteleacutements drsquoalgegravebre de Leonhard Euler sont parus en traduction franccedilaise degraves 1774 Cette version est accessible agrave partir du site Gallica de la Bibliothegraveque nationale de France httpsgallicabnffr

bull Lrsquoextrait de LrsquoAreacutenaire mdash voir la Section problegravemes mdash se trouve (p 366) dans Ver Eecke Paul Les œuvres complegravetes drsquoArchimegravede tome 1 Vaillant-Carmanne 1960

Applications des matheacutematiques

Lrsquoheacuteritage de Fermat

bull WB Hart laquo A one line factoring algorithmraquo J Aust Math Soc 92 (2012) no 1 61ndash69

bull RS Lehman laquo Factoring large integers raquo Math Comp 28 (1974) 637ndash646

bull MA Morrison and J Brillhart laquo A method of factoring and the factorization of F 7 raquo Math Comp 29 (1975) 183ndash205

bull C Pomerance laquoThe quadratic sieve factoring algorithm raquo Advances in Cryptology (Paris 1984) 169-182 Lecture Notes in Comput Sci 209 Springer Berlin 1985

Accromath est une publication de lrsquoInstitut des sciences matheacutema-tiques (ISM) et du Centre de recherches matheacutematiques (CRM) La revue srsquoadresse surtout aux eacutetudiantes et eacutetudiants drsquoeacutecole secon-daire et de ceacutegep ainsi qursquoagrave leurs enseignantes et enseignants

LrsquoInstitut des sciences matheacutematiques est une institution unique deacutedieacutee agrave la promotion et agrave la coordination de lrsquoenseignement et de la recherche en sciences matheacutematiques au Queacutebec En reacuteunissant neuf deacutepartements de matheacutematiques des universiteacutes queacutebeacutecoises (Concordia HEC Montreacuteal Universiteacute Laval McGill Universiteacute de Montreacuteal UQAM UQTR Universiteacute de Sherbrooke Bishoprsquos) lrsquoInstitut rassemble un grand bassin drsquoexpertises en recherche et en enseignement des matheacutematiques LrsquoInstitut anime de nombreuses activiteacutes scientifiques dont des seacuteminaires de recherche et des colloques agrave lrsquointention des professeurs et des eacutetudiants avanceacutes ainsi que des confeacuterences de vulgarisation donneacutees dans les ceacutegeps Il offre eacutegalement plusieurs programmes de bourses drsquoexcellence

LrsquoISM est financeacute par le Ministegravere de lrsquoEnseignement supeacuterieur et par ses neuf universiteacutes membres

Le Centre de recherches matheacutematiques est un centre national pour la recherche fondamentale en matheacutematiques et ses applica-tions Les scientifiques du CRM comptent plus drsquoune centaine de membres reacuteguliers et de stagiaires postdoctoraux Lieu privileacutegieacute de rencontre le Centre est lrsquohocircte chaque anneacutee de nombreux visi-teurs et drsquoateliers de recherche internationaux

Les activiteacutes scientifiques du CRM comportent deux volets principaux les projets de recherche qursquoentreprennent ses laboratoires et les activiteacutes theacutematiques organiseacutees agrave lrsquoeacutechelle internationale Ces derniegraveres ouvertes agrave tous les domaines impliquent des chercheurs du CRM et drsquoautres universiteacutes Afin drsquoassurer une meilleure diffusion des reacutesultats de recherches de ses collaborateurs le CRM a lanceacute en 1989 un programme de publications en collaboration avec lrsquoAmerican Mathematical Society et avec Springer

Le CRM est principalement financeacute par le CRSNG (Conseil de recherches en sciences naturelles et en geacutenie du Canada) le FQRNT (Fonds queacutebeacutecois de recherche sur la nature et les technologies) lrsquoUniversiteacute de Montreacuteal et par six autres universiteacutes au Queacutebec et en Ontario

Accromath beacuteneacuteficie de lrsquoappui de la Dotation Serge-Bissonnette du CRM

OR2010

BRONZE2011

BRONZE2014

OR2012

2008

Prix speacutecial de la ministre 2009

Prix Anatole Decerf 2012

Page 15: L’héritage de Pierre de Fermat La factorisation des grands ...

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Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat | Jean-Marie De Koninck bull Universiteacute Laval

Comme tout facteur premier de n doit obli-gatoirement ecirctre un facteur de 47 ou de 207 et comme 207 = 9 times 23 on peut rapidement conclure que n = 23 times 47 Bien sucircr pour que cette approche soit efficace il faut eacutelaborer des astuces permettant de trouver des multiples du nombre agrave factoriser qui puissent srsquoeacutecrire comme une diffeacuterence de deux carreacutes Or crsquoest preacuteciseacutement ce que plusieurs matheacutematiciens ont reacuteussi agrave faire au cours du vingtiegraveme siegravecle

Ougrave en est-on aujourdrsquohui On a vu qursquoen optimisant la meacutethode origi-nale de Fermat R Sherman Lehman pouvait factoriser un entier n en environ n13 eacutetapes Or dans les anneacutees 1980 en faisant intervenir des outils matheacutematiques plus avanceacutes dont des notions drsquoalgegravebre lineacuteaire Carl Pomerance a davantage peaufineacute la meacutethode originale de Fermat et creacuteeacute une nouvelle meacute-thode de factorisation connue sous le nom de crible quadratique On sait montrer que dans la pratique avec le crible quadratique

il suffit drsquoau plus timese n n(ln ) ln(ln ) eacutetapes pour factoriser un nombre arbitraire n ce qui peut faire une eacutenorme diffeacuterence lorsqursquoil srsquoagit de factoriser de tregraves grands nombres Crsquoest ain-si que le crible quadratique permet de facto-riser un nombre n de 75 chiffres en moins de

=

lt lt

times timese e

e 10 eacutetapes

ln(10 ) ln(ln10 ) 75ln10 ln(75ln10)

299 13

75 75

alors que la meacutethode de Lehman en requiert environ 1025

Et dire que toute cette panoplie de meacutethodes de factorisation ont leur origine dans une ideacutee de Fermat datant de plus de trois siegravecles et demi

Une belle application de la meacutethode de Fermat

On peut montrer que tout entier de la forme 4k4 + 1 peut ecirctre factoriseacutee en utilisant la meacutethode de Fermat en une seule eacutetape

Soit n = 4k4 + 1 On observe drsquoabord que

n 4k 4 +1= = 2k2

En utilisant la meacutethode de Fermat on choisit drsquoabord

a = n + 1 = 2k2 + 1

On veacuterifie ensuite si a2 ndash n est un carreacute parfait Pour y arriver on eacutecrit

a2 ndash n = (2k2 + 1)2 ndash (4k4 + 1)

= 4k4 + 4k2 + 1 ndash 4k4 ndash 1 = 4k2

qui est un carreacute parfait

On peut donc conclure quen posant 4k2 = b2 on a

n = a2 ndash b2 = (2k2 + 1)2 ndash (2k)2

= (2k2 ndash 2k + 1)(2k2 + 2k + 1)

ce qui fournit la factorisation souhaiteacutee

On peut utiliser cette information pour trouver par exemple la factorisation complegravete de n = 258 + 1

En effet commen = 4 times 256 + 1 = 4 times (214)4 + 1

est bien de la forme 4k4 +1 la meacutethode de Fermat devrait nous fournir ses deux diviseurs milieux du premier coup Effective-ment on a

a = n + 1 = 2k2 + 1 = 536 870 913

On a tout de suite

a2 ndash n = 10 73 741 824 = 32 7682 = b2

de sorte que

n = a2 ndash b2

= (53 68 70 913 ndash 32 768)(53 68 70 913 + 32 768)

= 53 68 38 145 times 53 69 03 681

Comme le premier de ces deux facteurs est de toute eacutevidence un multiple de 5 on peut donc conclure que

n = 258 + 1 = 5 times 107 367 629 times 536 903 681

fournissant ainsi la factorisation souhaiteacutee

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Doss

ierA

pplic

atio

ns

Il est facile drsquoemmecircler un fil de pecircche alors qursquoil est tregraves difficile de le deacutemecircler De mecircme certaines opeacuterations sur les nombres

sont faciles dans un sens et difficiles dans lrsquoautre On les appelle opeacuterations agrave sens unique Elles sont utiliseacutees pour la cryptographie

Lorsque vous envoyez votre numeacutero de carte de creacutedit par Internet agrave un site proteacutegeacute le logiciel crypte celui-ci par le code RSA du nom de ses inventeurs Ronald Rivest Adi Shamir et Leonard Adleman

Historiquement les codes secrets ont tous eacuteteacute perceacutes Mais le code RSA publieacute en 1978 reacutesiste encore malgreacute tous les efforts de la communauteacute matheacutematique pour le briser Il repose sur le fait que si on prend deux tregraves grands nombres premiers distincts p et q et qursquoon les multiplie pour obtenir n = pq alors il est hors de porteacutee des ordinateurs actuels2 de reacutecupeacuterer p et q Ainsi on peut se permettre de publier n la cleacute qui sert au cryptage sans crainte que quiconque puisse reacutecupeacuterer p et q qui servent au deacutecryptage Ce proceacutedeacute srsquoappelle la cryptographie agrave cleacute publique parce que la recette de cryptage est publique

Aussi surprenant que cela puisse paraicirctre il est facile pour un ordinateur de fabri-quer de grands nombres premiers Plusieurs algorithmes geacuteneacuterant de grands nombres premiers sont probabilistes Nous allons en preacutesenter un ci-dessous

Dans la cryptographie agrave cleacute publique les mes-sages sont des nombres m infeacuterieurs agrave n On demandera drsquoeacutelever le nombre m agrave une tregraves grande puissance e ougrave e est un nombre qui est eacutegalement public Le message encrypteacute a est le reste de la division de me par n Tou-jours surprenant il est facile pour un or-dinateur de calculer ce reste mecircme si m et e ont chacun 200 chiffres Nous allons voir comment Le deacutecryptage se fait de maniegravere symeacutetrique en calculant le reste de la division de ad par n Mais d est inconnuhellip et pour le calculer il faut connaicirctre p et q et donc factoriser n Donc seul le concepteur qui a choisi p et q peut lire le message

Combien de temps reacutesistera le code RSA Si ce nrsquoeacutetait que des progregraves de la factorisation des entiers et de lrsquoaugmentation de la puis-sance des ordinateurs il pourrait reacutesister en-core longtemps quitte agrave allonger un peu la cleacute n Mais crsquoest sans compter sur la preacute-sence possible drsquoun nouveau venu lrsquoordina-teur quantique Cet ordinateur nrsquoexiste pas encore Par contre un algorithme rapide de factorisation sur un ordinateur quantique lrsquoalgorithme de Shor existe depuis 1997 Nous allons nous pencher sur lrsquoideacutee de cet algorithme

Christiane Rousseau Universiteacute de Montreacuteal

2 Voir lrsquoarticle laquo Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres raquo de Jean-Marie De Koninck p 8 de ce numeacutero

Comme 1 est le pgcd1 de e et de φ(n) on peut eacutecrire via lrsquoalgo-rithme drsquoEuclide

1 = 10 times 1 456 ndash 633 times 23Donc 1 = 10 times 1 456 ndash (1 456-823) times 23ou encore

1= ndash13 times 1 456 + 823 times 23Comme 823 times 23 =13 times 1 456 + 1 le reste de la division de ed par φ(n) vaut bien 1

1 Voir laquo Algorithmes dans lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

Calculer le reste de la division de me par nEacutecrivons la deacutecomposition de e = 23 en somme de puissances de 2

e = 1 + 2 + 4 + 16

Alors

m e = m m2 m4 m16

On va donc y aller pas agrave pas pour calculer ces puissances et agrave chaque eacutetape on va diviser par n Le reste de la division de m2 par n est 1 126 Remarquons que m4 = (m2)2 Le reste de la division de m4 par n est donc le mecircme que le reste de la division de 1 1262 par n

1 1262 = 823n + 1 388

De mecircme le reste de la division de m8 par n est le mecircme que le reste de la division de 1 3882 par n

1 3882 = 1 253n + 683

Finalement le reste de la division de m16 par n est le mecircme que le reste de la division de 6832 par n

6832 = 303n + 778

On remet le tout ensemble Le reste de la division de m23 par n est le mecircme que le reste de la division de

1 234 1 126 1 388 778

par n qui est bien a = 1 300 Dans la ligne qui preacutecegravede on peut aussi alterner entre faire des

multiplications et diviser les produits partiels par n pour ne pas laisser grossir les expressions Ces calculs sont faciles pour des ordinateurs mecircme quand les nombres sont tregraves grands

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un exemple de fonctionnement du code RSAAline veut pouvoir recevoir des mes-sages secrets de Bernard Elle construit donc un systegraveme agrave cleacute publique pour re-cevoir de tels messages Elle prend les nombres premiers p = 29 et q = 53 La cleacute est n =1 537 Elle aura besoin du nombre

φ(n) = (p ndash 1)(q ndash 1) = 1 456

Elle choisit e relativement premier avec φ(n) par exemple e = 23 Soit d = 823 Il a eacuteteacute construit pour que le reste de la division de ed par φ(n) soit 1 (voir encadreacute ci-contre) Pour ce il fallait connaitre φ(n) et donc la factorisation de n ce qui est difficile pour quelqursquoun ne connaissant pas p et q Aline publie n et e Bernard veut lui envoyer le message

m = 1 234

Pour le crypter il lrsquoeacutelegraveve agrave la puissance e = 23 et le divise par n Ceci lui donne le message crypteacute

a = 1 300

qursquoil envoie agrave Aline Celle-ci utilise d connu drsquoelle seule pour calculer le reste de la divi-sion de ad par n Ce reste est preacuteciseacutement le message m = 1 234

Lrsquoexemple eacutetait avec de petits nombres Mais comment faire les calculs quand les nombres sont gros Il faut se rappeler que ce qui nous inteacuteresse ce ne sont pas les nombres me et

ad mais seulement le reste de leur division par n Alors il ne faut pas laisser grossir les calculs Il faut plutocirct alterner entre prendre des puissances et diviser par n (Voir deacutetails dans lrsquoencadreacute)

Construire de grands nombres premiersLrsquoideacutee est la suivante Si on veut construire un grand nombre premier de 100 chiffres on geacutenegravere au hasard un nombre de 100 chiffres et on laquo teste raquo srsquoil est premier Srsquoil ne lrsquoest pas on recommence avec un autre nombre geacuteneacute-reacute au hasard jusqursquoagrave ce qursquoon tombe sur un nombre premier

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Premiegravere question combien faut-il faire de tests en moyenne Un nombre de 100 chiffres est un nombre de lrsquoordre de 10100 Le theacuteoregraveme des nombres premiers nous dit que si N est grand il y a environ N ln N nombres premiers infeacuterieurs ou eacutegaux agrave N Si on choisit au ha-sard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 la chance qursquoil soit premier est donc drsquoenviron

N1

ln1

ln101

100ln101

230100= = =

On peut faire mieux la moitieacute des nombres sont pairs et parmi les nombres impairs on peut eacuteliminer les multiples de 5 Donc si on choisit au hasard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 qui se termine par 1 3 7 ou 9 on a une chance sur 92 qursquoil soit pre-mier (40 des nombres se terminent par 1 3 7 9 et 410 de 230 donne 92) Ceci signi-fie qursquoen moyenne apregraves 92 tests on a trou-veacute un nombre premier Faire 92 tests est fa-cile pour un ordinateur

Ceci nous amegravene agrave la deuxiegraveme question que signifie laquo tester raquo qursquoun nombre p est pre-mier On a appris agrave le faire en cherchant si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p ce qui revient agrave factoriser partiellement p Mais factoriser est difficile pour un ordinateurhellip

On peut faire mieux Srsquoil est facile de tester si un nombre p est premier crsquoest parce qursquoon peut le faire sans factoriser p Lrsquoideacutee est la suivante Si p nrsquoest pas premier il laisse

ses empreintes partout Dans le test de primaliteacute de Miller-Rabin si p nrsquoest pas pre-mier au moins les trois-quarts des nombres entre 1 et p ont une empreinte de p crsquoest-agrave-dire qursquoils sont des teacutemoins du fait que p nrsquoest pas premier Le test pour deacutecider si un nombre est un teacutemoin est un peu tech-nique (voir encadreacute page ci-contre) Mais ce test est facile pour un ordinateur On choisit au hasard des nombres a1 am le p Si lrsquoun des ai est un teacutemoin on conclut que p nrsquoest pas premier Si aucun des ai nrsquoest un teacutemoin alors p a une tregraves grande chance drsquoecirctre pre-mier Par exemple si m = 100 la chance que p ne soit pas premier sachant que a1 am ne sont pas des teacutemoins est infeacuterieure ou eacutegale agrave 10ndash58 soit tregraves tregraves petite

Peut-on se fier agrave un algorithme probabiliste Les informaticiens le font reacuteguliegraverement degraves qursquoils ont besoin de grands nombres premiers et on nrsquoobserve pas de catas-trophe autour de nous On voit drsquoailleurs qursquoon pourrait transformer cet algorithme probabiliste de primaliteacute en algorithme deacute-terministe il suffirait de tester au moins le quart des nombres a isin 2 p ndash1 Si aucun nrsquoest un teacutemoin alors on peut affir-mer avec certitude que p est premier Mais cet algorithme serait sans inteacuterecirct car il requerrait de regarder si p4 nombres sont des teacutemoins alors que lrsquoalgorithme usuel de factorisation demande de regarder si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p et

pp4

lt degraves que p gt 16

Casser le code RSA sur un ordinateur quantiqueEn 1997 Peter Shor a annonceacute un algo-rithme qui casserait le code RSA sur un ordinateur quantique qui nrsquoexiste pas encorehellip Que signifie cette affirmation Lrsquoalgorithme de Shor est simplement un autre algorithme de factorisation Il fonc-tionnerait sur un de nos ordinateurs mais il serait moins bon que les meilleurs algo-rithmes de factorisation La limite de nos ordinateurs est le paralleacutelisme On ne peut faire qursquoun nombre limiteacute drsquoopeacuterations en parallegravele

DossierApplications

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Quelques avantages de la cryptographie agrave cleacute publique

La cryptographie agrave cleacute publique est tregraves utile quand des milliers de personnes par exemple des clients peuvent vouloir envoyer leur numeacutero de carte de creacutedit agrave une mecircme compagnie

La meacutethode drsquoencryptage est publique et seule la compagnie peut deacutecrypter les messages chiffreacutes

Un autre avantage est que deux interlocuteurs nrsquoont pas besoin drsquoeacutechanger de lrsquoinformation secregravete par exemple une cleacute pour communiquer de maniegravere seacutecuritaire Il suffit que chacun publie son systegraveme de cryptographie agrave cleacute publique

Le systegraveme RSA permet de signer un message pour srsquoassurer qursquoil provient bien de la bonne personne Dans notre exemple pour que Bernard signe son message il faut qursquoil construise son propre sys-tegraveme agrave cleacute publique dont il publie la cleacute nrsquo et la cleacute de cryptage ersquo Il se servira de sa cleacute de deacutecryptage drsquo pour apposer sa signature sur le message

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un ordinateur est composeacute de transistors qui fonctionnent agrave la maniegravere drsquointerrup-teurs en ayant deux positions OUVERT et FERMEacute que lrsquoon peut coder comme des bits drsquoinformation 0 ou 1 Un nombre de 200 chiffres est infeacuterieur agrave 10200 lt 2665 et donc peut srsquoeacutecrire avec 665 bits Tester srsquoil a un diviseur premier infeacuterieur agrave 10100 lt 2333 revient agrave regarder toutes les suites de 333 bits eacutegaux agrave 0 ou 1 Un travail titanesque sauf si lrsquoordinateur a un grand paralleacutelisme Dans un ordinateur quantique les bits drsquoinformation sont des bits quantiques ils peuvent ecirctre dans un eacutetat superposeacute entre 0 et 1 Lrsquoimage que lrsquoon pourrait donner est celle drsquoun sou Une fois lanceacute il tombe sur PILE ou sur FACE Mais avant de le lancer il a probabiliteacute 12 de tomber sur PILE et probabiliteacute 12 de tomber sur FACE On pourrait dire qursquoil est dans un eacutetat superposeacute Le fait que m bits quantiques soient dans un eacutetat superposeacute implique qursquoils peuvent faire simultaneacutement les 2m opeacutera-tions diffeacuterentes correspondant agrave tous les choix de valeurs 0 ou 1 pour chacun des bits Par contre de mecircme que notre sou tombe neacutecessairement sur PILE ou sur FACE degraves qursquoon veut observer un bit quantique il prend neacutecessairement la valeur 0 ou la valeur 1 et donc on ne peut observer le reacutesultat de tous les calculs faits en parallegravele La subtiliteacute de lrsquoalgorithme de Shor vient du fait qursquoon pourra reacutecupeacuterer le reacutesultat du calcul lequel donne une factorisation de p si p nrsquoest pas premier

Le nombre 15 a eacuteteacute factoriseacute sur un ordi-nateur quantique en 2007 et en 2012 on a factoriseacute 143 = 11x13 Les progregraves semblent lents depuis ce temps Le deacutefi technologique de lrsquoordinateur quantique est de maintenir de nombreux bits en eacutetat superposeacute Ce recircve deviendra-t-il reacutealiteacute Mecircme si les progregraves semblent lents les experts y croient de plus en plus

Tester si un nombre est un teacutemoinOn veut tester si p impair est premier Alors on peut eacutecrire p ndash 1 qui est pair comme p ndash 1 = 2sd ougrave d est impair

(Il suffit de diviser p ndash 1 par 2 successive-ment jusqursquoagrave ce que le quotient soir im-pair) Soit a isin 2 p ndash1

Critegravere pour ecirctre teacutemoin Si a est un teacute-moin que p nrsquoest pas premier alors on a simultaneacutement que le reste de la division de ad par p est diffeacuterent de 1 et que les restes de la division de a d2r

par p sont diffeacuterents de p ndash 1 pour tous les r isin 0 s ndash1

Regardons un premier exemple Prenons p = 13 Alors p ndash 1 = 22 3 Ici d = 3 et s = 2 Voyons que p nrsquoa aucun teacutemoin

La premiegravere colonne du tableau agrave gauche donne a la deuxiegraveme colonne donne

le reste de la division de ad = a3 par p et la troisiegraveme colonne le reste de la division de a2d = a6 par p

On voit bien que pour chaque a soit on a un 1 dans le premiegravere colonne ou bien un 1 ou un 12 dans la deuxiegraveme colonne et donc aucun a nrsquoest un teacutemoin de 13 On sait alors que 13 est premier

Refaisons lrsquoexercice avec p = 15 Alors p ndash 1 = 2 7 Comptons combien p a de teacutemoins Ici la deuxiegraveme colonne repreacutesente le reste de la division de ad= a7 par p Tous les a sauf 14 sont des teacutemoins et chacun nous dit que 15 nrsquoest pas premier

Mais bien sucircr apprendre qursquoun nombre a est un teacutemoin que p nrsquoest pas premier ne nous apprend rien de la factorisation de p

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Le fonctionnement de lrsquoalgorithme de Shor

On veut factoriser un entier n Lrsquoalgo-rithme de Shor cherche un diviseur d de n qui soit diffeacuterent de 1 et de n Ensuite on peut iteacuterer en cherchant un diviseur de lrsquoentier S = nd Voyons qursquoil suffit de trouver un entier r tel que n divise r2 ndash 1 = (r ndash 1)(r + 1) mais n ne divise ni r ndash 1 ni r + 1 Puisque n divise r2 ndash 1 il existe un entier m tel que r2 ndash 1 = mn Soit p un facteur premier de n Alors p divise r ndash 1 ou encore p divise r + 1 Dans le premier cas d est le pgcd de r ndash 1 et n et dans le deuxiegraveme cas celui de r + 1 et n Calculer le pgcd de deux nombres par lrsquoalgorithme drsquoEuclide3 est facile pour un ordinateur Comment construire un tel entier r est un peu technique et nous ne ferons pas les deacutetails

3 Voir laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

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Si la notion de logarithme paraicirct aujourdrsquohui tout agrave fait naturelle sa conceptualisation et sa mise en œuvre au plan pratique au deacutebut

du 17e siegravecle nrsquoont point eacuteteacute une mince affaire Premiers eacutepisodes de cette foisonnante saga

Peu de temps apregraves leur introduction par John Napier (1550-1617) au tout deacutebut du 17e siegravecle les logarithmes se sont rapidement imposeacutes comme un laquo merveilleux raquo1 outil essentiel en astronomie et en navigation deux domaines scientifiques particuliegraverement avanceacutes agrave cette eacutepoque et qui venaient avec leur lot de calculs proprement titanesques Crsquoest dans un tel contexte qursquoil faut entendre le ceacutelegravebre aphorisme ducirc au matheacutematicien physicien et astronome franccedilais Pierre-Simon Laplace2 (1749-1827) qui srsquointeacuteressant dans le cadre drsquoun survol historique de lrsquoastronomie aux travaux de Johannes Kepler (1571-1630) affirmait que la deacutecouverte des logarithmes mdash combineacutee agrave lrsquoarithmeacutetique des Indiens crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecriture des nombres dans un systegraveme positionnel mdash avait pour ainsi dire doubleacute la vie des astronomes (voir encadreacute)

La preacutehistoire des logarithmesIssu entiegraverement de lrsquolaquo esprit humain raquo selon les dires de Laplace le concept de logarithme repose sur une ideacutee somme toute assez na-turelle consideacuterant diverses puissances drsquoun mecircme nombre on porte lrsquoattention sur les exposants de ces puissances Par exemple srsquoagissant des entiers

64 256 1024 et 4096crsquoest-agrave-dire respectivement

43 44 45 et 46on envisage plutocirct les exposants

3 4 5 et 6

Sur la base de ces donneacutees on pourrait conclure immeacutediatement mdash si on dispose drsquoune table de puissances de 4 mdash que

256 times 4 096 = 1 048 576prenant appui sur le fait que

44 times 46 = 44 + 6 = 410

(on applique ici une regravegle de base des exposants qui va de soi lorsque ceux-ci sont des entiers naturels) Il nrsquoest pas eacutetonnant que des telles intuitions aient pu se retrouver il y a fort longtemps

Jeacuterocircme Camireacute-Bernier

Bernard R Hodgson Universiteacute Laval

1 Renvoi agrave lrsquoeacutepithegravete mirifique (archaiumlque de nos jours) utiliseacutee par Napier lui-mecircme Lrsquoex-pression mirifique invention de notre titre est emprunteacutee agrave Jean-Pierre Friedelmeyer (voir le Pour en savoir plus)

2 Alias Pierre-Simon de Laplace Aussi homme politique il fut nommeacute marquis en 1817 (drsquoougrave la particule nobiliaire)

Laplace agrave propos des logarithmeslaquo Il [Kepler] eut dans ses derniegraveres anneacutees lrsquoavantage de voir naicirctre et drsquoemployer la deacutecouverte des logarithmes due agrave Neper baron eacutecossais artifice admirable ajouteacute agrave lrsquoingeacutenieux algorithme des Indiens et qui en reacuteduisant agrave quelques jours le travail de plusieurs mois double si lrsquoon peut ainsi dire la vie des astronomes et leur eacutepargne les erreurs et les deacutegoucircts inseacuteparables des longs calculs invention drsquoautant plus satis-

faisante pour lrsquoesprit humain qursquoil lrsquoa tireacutee en entier de son propre fonds dans les arts lrsquohomme se sert des mateacuteriaux et des forces de la nature pour accroicirctre sa puissance mais ici tout est son ouvrage raquo

Exposition du systegraveme du monde Livre V Chapitre IV

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

Un peu de vocabulaire

Eacutetant donneacute deux reacuteels (positifs) x et y leur moyenne arithmeacutetique

est donneacutee par x y2+ et leur moyenne geacuteomeacutetrique par xy

Ces appellations trouvent leur origine dans les matheacutematiques grecques de lrsquoAntiquiteacute notamment de lrsquoeacutepoque de Pythagore

Lrsquoarithmeacutetique de lrsquoeacutecole pythagoricienne portant sur lrsquoeacutetude des entiers (et des rapports simples drsquoentiers) on voit immeacutediatement pourquoi la premiegravere moyenne est dite laquo arithmeacutetique raquo Quant agrave la moyenne laquo geacuteomeacutetrique raquo elle fait intervenir une opeacuteration qui megravene agrave des grandeurs geacuteneacuteralement au-delagrave du champ des entiers Or le domaine qui eacutetudie les grandeurs par exemple les segments de droite est justement la geacuteomeacutetrie

On peut montrer que dans une suite arithmeacutetique un terme donneacute (agrave partir du deuxiegraveme) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins Et de mecircme mutatis mutandis pour une suite geacuteomeacutetrique (Voir la Section problegravemes)

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Ainsi sur la partie infeacuterieure de la tablette meacutesopotamienne MLC 020783 datant drsquoentre 1900 et 1600 avant notre egravere se trouve le tableau ci-haut (les nombres sont donneacutes ici en notation moderne et non en eacutecriture cu-neacuteiforme) on y reconnaicirct immeacutediatement la liste des premiegraveres puissances de 2 ainsi que les exposants correspondants

Lrsquousage a consacreacute lrsquoexpression suite arith-meacutetique (ou progression arithmeacutetique selon une tournure un brin suranneacutee) pour une liste de nombres qui comme dans la colonne de droite de ce tableau croissent (ou deacutecroissent) reacuteguliegraverement de maniegravere additive

a a + d a + 2d a + nd

a repreacutesentant le premier terme de la suite et d la diffeacuterence entre deux termes conseacute-cutifs mdash crsquoest-agrave-dire de combien lrsquoun de ces termes est plus grand que lrsquoautre4 (Le tableau preacuteceacutedent correspond au cas ougrave a = 1 et d = 1) Lorsque les nombres de la liste sont relieacutes multiplicativement

a ar ar2 arn

on parlera de suite (ou progression) geacuteomeacute-trique la constante r repreacutesentant cette fois le rapport entre deux termes conseacutecutifs mdash crsquoest-agrave-dire combien de fois lrsquoun est plus grand que lrsquoautre4 (Dans la colonne de gauche du tableau on a a = 2 et r = 2) (Voir lrsquoencadreacute Un peu de vocabulaire pour le sens des mots laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo dans un tel contexte)

Selon cette nomenclature la tablette MLC 02078 peut donc srsquointerpreacuteter comme la mise en comparaison de deux suites lrsquoune arithmeacutetique et lrsquoautre geacuteomeacutetrique Ce type de situation se retrouve agrave diverses eacutepoques au fil des acircges Ainsi en est-il question dans un autre document de lrsquoAntiquiteacute LrsquoAreacutenaire traiteacute dans lequel Archimegravede (-287 ndash -212) se donne comme objectif de deacuteterminer le nombre de grains de sable dont le volume serait eacutegal agrave celui du laquo monde raquo5 Parmi les outils dont se sert alors le grand matheacutematicien grec se retrouve la manipulation simultaneacutee drsquoune suite arithmeacutetique et drsquoune suite geacuteomeacutetrique ce qui lrsquoamegravene (en termes modernes) agrave identifier au passage la regravegle drsquoaddition des exposants

bm times bn = bm +n

(voir la Section problegravemes) et donc le prin-cipe de transformation drsquoune multiplication en une addition agrave la base des logarithmes

3 Pour Morgan Library Collection Cette tablette se retrouve dans la collection de lrsquoUniversiteacute Yale aux Eacutetats-Unis

4 Cette faccedilon de parler est utiliseacutee par Euler lorsqursquoil introduit les notions de rapports arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique dans ses Eacuteleacutements drsquoalgegravebre (1774) mdash voir Section troisiegraveme laquo Des rapports amp des propor-tions raquo entre autres les articles 378 398 et 505

5 Une des difficulteacutes auxquelles fait ici face Archimegravede est de reacutealiser cet objectif dans le cadre du systegraveme de numeacuteration grec qui nrsquoeacutetait pas propice pour exprimer aiseacutement de tregraves grands nombres Mais cela est une autre histoirehellip

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Tablette MLC 02078 (1900-1600 avant notre egravere)

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Cette mecircme ideacutee se retrouve plusieurs siegravecles plus tard dans Le Triparty en la science des nombres (1484) du Franccedilais Nicolas Chuquet (1445-1488) Dans la troisiegraveme partie de cet ouvrage Chuquet introduit des regravegles cal-culatoires de nature algeacutebrique Il srsquointeacuteresse alors notamment aux valeurs des puis-sances de 2 depuis 1 jusqursquoagrave 1 048 576 qursquoil aligne en colonnes avec les exposants entiers correspondants (qursquoil appelle laquo deacuteno-minations raquo) de 0 jusqursquoagrave 20 et note que la multiplication de nombres de la premiegravere colonne correspond agrave lrsquoaddition de nombres dans la seconde Il identifie aussi une autre regravegle de base des exposants

b b( )m n mn=(encore une fois exprimeacutee ici en notation moderne) Agrave noter que Chuquet utilise une notation avec indice sureacuteleveacute (comme nous le faisons aujourdrsquohui)6 et qursquoen plus de lrsquoexposant 0 il considegravere des exposants (entiers) neacutegatifs Au milieu du 16e siegravecle lrsquoAllemand Michael Stifel (1487-1567) reprendra les mecircmes thegravemes dans son Arithmetica integra (1544) ougrave il parle expli-citement de la relation entre une progression arithmeacutetique et une progression geacuteomeacutetrique Crsquoest drsquoailleurs agrave Stifel que lrsquoon doit le vocable exposants pour deacutesigner les nombres de la suite arithmeacutetique en jeu

Si quelques-uns des principes servant de fondements agrave la notion de logarithme se per-ccediloivent dans les commentaires qui preacutecegravedent on est encore loin du logarithme en tant que tel Pour qursquoune correspondance entre une suite geacuteomeacutetrique et une suite arithmeacutetique devienne un veacuteritable outil de calcul il faut en effet laquo boucher les trous raquo entre les puissances (entiegraveres) successives Il peut ecirctre inteacuteressant comme le souligne Chuquet de conclure gracircce agrave sa table des puissances de 2 que le produit de 128 et 512 est 65 536 Mais cela ne nous renseigne en rien par exemple sur le produit 345 times 678 On voit mecircme Chuquet dans un appendice au Tripar-ty chercher agrave reacutesoudre des problegravemes dans lesquels un exposant fractionnaire est rechercheacute mdash mais sans deacutevelopper pour autant drsquoapproche systeacutematique agrave cette fin

Certains eacuteleacutements (timides) agrave cet eacutegard se retrouvent il y a fort longtemps Ainsi le tableau numeacuterique ci-contre figure lui aussi sur la tablette MLC 02078 (dans sa partie supeacuterieure) On y voit une progression arith-meacutetique de diffeacuterence frac-tionnaire ecirctre juxtaposeacutee agrave une progression geacuteomeacutetrique agrave savoir des puissances de 16 Mais peu semble avoir eacuteteacute fait pour pousser plus loin de telles asso-ciations jusqursquoagrave lrsquoarriveacutee de Napier

Les logarithmes agrave la NapierTout eacutetudiant est aujourdrsquohui familier avec le fait que le passage drsquoun nombre donneacute agrave son logarithme (selon une certaine base) revient agrave identifier lrsquoexposant dont il faut affecter cette base pour retrouver le nombre en cause Ayant fixeacute un reacuteel b (positif et diffeacuterent de 1) et consideacuterant un reacuteel positif x le logarithme de x dans la base b noteacute logbx est donc par deacutefinition lrsquoexposant (reacuteel) u tel que bu = x Une telle vision il faut le souligner demeure relativement tardive par rapport agrave lrsquointuition originale de logarithme nrsquoeacutetant devenue la norme que pregraves drsquoun siegravecle et demi apregraves les travaux de lrsquoEacutecossais John Napier7 mdash voir lrsquoencadreacute Les traiteacutes de Napier mdash lorsque Leonhard Euler (1707-1783) en a fait la pierre drsquoassise de son traitement de la fonction logarithmique8 dans son Introduc-tio in analysin infinitorum (1748) Acceptant les proprieacuteteacutes de la fonction exponentielle bu pour des reacuteels b et u quelconques on tire im-meacutediatement de cette deacutefinition la proprieacuteteacute de base du logarithme

logb xy = logb x + logb y

ce qui permet de transformer une multi-plication en une addition de mecircme que les eacutegaliteacutes similaires pour le logarithme drsquoun quotient ou drsquoune puissance

DossierHistoire

6 La notation exponentielle aujourdrsquohui usuelle telle a2 ou a3 se reacutepandra apregraves son utilisa-tion par Reneacute Descartes (1596-1650) dans son traiteacute La geacuteomeacutetrie (1637)

7 Voir Andreacute Ross laquo John Napier raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 8-11

8 Cette approche drsquoEuler peut ecirctre vue comme une illustration remarquable de lrsquoim-pact drsquoune bonne notation en vue de clarifier et faciliter la deacutemarche de la penseacutee

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

On observera que lrsquoideacutee drsquoun lien entre deux suites lrsquoune geacuteomeacutetrique et lrsquoautre arithmeacutetique bien que sous-jacente agrave la derniegravere eacutegaliteacute nrsquoest pas pour autant expli-citement mise en eacutevidence dans cette vision moderne (post-euleacuterienne) du logarithme Or agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier introduit ses loga-rithmes lrsquoideacutee de laquo fonction raquo nrsquoest pas dans lrsquoair du temps mdash elle ne surgira de fait que vers la fin du 17e siegravecle dans la mouvance des travaux sur le calcul infiniteacutesimal mdash de sorte que la comparaison de suites (geacuteomeacutetrique et arithmeacutetique) demeure la principale source drsquoinspiration de ses travaux

Une autre mouvance de lrsquoeacutepoque visait agrave se doter drsquooutils permettant de simplifier lrsquoexeacutecution de calculs arithmeacutetiques portant sur de gros nombres Dans un texte preacuteceacute-dent9 nous avons preacutesenteacute entre autres la meacutethode de prosthapheacuteregravese utiliseacutee vers la fin du 16e siegravecle en vue de transformer une multiplication en addition ou une division en soustraction La populariteacute de telles meacutethodes notamment dans les cercles astronomiques a certainement contribueacute agrave convaincre Napier de lrsquoimportance de deacuteve-lopper des outils permettant de raccourcir les calculs y compris dans le cas de lrsquoexponen-tiation ou de lrsquoextraction de racine Il en fait drsquoailleurs mention explicitement dans la preacute-face de son Descriptio Soulignant le caractegravere peacutenible dans la pratique des matheacutematiques de la multiplication division ou extraction de racine carreacutee ou cubique de grands nombres Napier insiste non seulement sur le temps re-quis pour exeacutecuter ces opeacuterations mais aus-si sur les nombreuses erreurs qui peuvent en reacutesulter Agrave la recherche drsquoune meacutethode sucircre et expeacuteditive afin de contourner ces difficul-teacutes il annonce qursquoapregraves lrsquoexamen de plusieurs proceacutedeacutes il en a retenu un qui rencontre ses attentes

laquo Agrave la veacuteriteacute aucun proceacutedeacute nrsquoest plus utile que la meacutethode que jrsquoai trouveacutee Car tous les nombres utiliseacutes dans les multiplica-tions les divisions et les extractions ar-

dues et prolixes de racines sont rejeteacutes des opeacuterations et agrave leur place sont substitueacutes drsquoautres nombres sur lesquels les calculs se font seulement par des additions des soustractions et des divisions par deux et par trois raquo10

La vision geacuteomeacutetrico- cineacutematique de NapierUn troisiegraveme eacuteleacutement sur lequel srsquoappuie Napier dans sa creacuteation des logarithmes est la geacuteomeacutetrie mdash plus preacuteciseacutement la geacuteomeacutetrie du mouvement Il a en effet lrsquoideacutee de comparer le deacuteplacement de deux points lrsquoun bougeant selon une vitesse11 variant de maniegravere telle que les distances parcourues en des intervalles de temps eacutegaux forment une progression geacuteomeacute-trique tandis que lrsquoautre point bougeant agrave vitesse constante deacute-termine des distances en progression arith-meacutetique Le support geacuteomeacutetrique dont se sert alors Napier peut se deacutecrire comme suit

9 Voir laquo Eacutemergence logarithmique tables et calculs raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 2-7

10 Tireacute de la preacuteface du Mirifici logarithmorum canonis descriptio (traduction personnelle)

11 Napier introduit lrsquoideacutee de mouvement degraves la deacutefinition 1 du Descriptio Il utilise explicite-ment le terme laquo vitesse raquo agrave la deacutefinition 5

Les traiteacutes de NapierCrsquoest degraves lrsquoanneacutee 1594 que Na-pier entame les travaux qui lrsquoamegraveneront agrave la notion de loga-rithme En 1614 il fait connaicirctre son invention en publiant un premier traiteacute sur le sujet mdash reacutedigeacute en latin la langue des savants de lrsquoeacutepoque Mirifici lo-garithmorum canonis descrip-tio (crsquoest-agrave-dire Description de la merveilleuse regravegle des loga-rithmes) Il srsquoagit de la premiegravere publication drsquoune table de lo-garithmes qui occupent les 90 derniegraveres pages du traiteacute Cette table est preacuteceacutedeacutee drsquoun texte de 57 pages ougrave Napier explique

ce que sont les logarithmes et comment les utiliser

Un second traiteacute de Napier sur le sujet est un ouvrage reacutedigeacute avant la parution du Descriptio mais publieacute par lrsquoun de ses fils seulement en 1619 deux ans apregraves sa mort Mirifici loga-rithmorum canonis constructio (Construction de la merveilleuse regravegle des logarithmes) Dans un texte drsquoenviron 35 pages (ac-compagneacute drsquoappendices) Na-pier preacutesente la theacuteorie sur la-quelle il srsquoest appuyeacute pour construire sa table

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Eacutetant donneacute un segment AB de longueur deacutetermineacutee il considegravere un point P partant de A avec une vitesse initiale donneacutee et se deacuteplaccedilant vers B en une seacuterie de laquo pas raquo P1 P2 P3 Pn

Napier stipule (Descriptio deacutefinition 2) que la vitesse de deacuteplacement de P le long de AB deacutecroicirct de maniegravere telle que en des temps eacutegaux la longueur de chacun des inter-valles AP1 P1P2 P2P3 P3P4 successivement parcourus par P est proportionnelle agrave la dis-tance seacuteparant P de sa cible B (lorsqursquoil est agrave lrsquoextreacutemiteacute gauche de chaque intervalle)12

APAB

P PP B

P PP B

P PP B

1 1 2

1

2 3

2

3 4

3

= = = =

On tire immeacutediatement de ces eacutegaliteacutes que

P BAB

P BP B

P BP B

P BP B

1 2

1

3

2

4

3

= = = =

(voir la Section problegravemes) de sorte que la suite de segments AB P1B P2B P3B qui correspond aux distances entre les diverses positions de P et lrsquoextreacutemiteacute B forme une suite geacuteomeacutetrique deacutecroissante (Construc-tio article 24) la longueur de chacun drsquoeux est en effet la moyenne geacuteomeacutetrique de ses deux voisins Napier considegravere alors un second point Q se deacuteplaccedilant agrave vitesse constante sur une demi-droite (donc illimiteacutee dans un sens) et de maniegravere telle qursquoau moment ougrave P passe par Pi le point Q est en un point Qi = i (voir la Section problegravemes)

Lrsquoideacutee de Napier est drsquoassocier la suite arith-meacutetique

0 1 2 3 n

correspondant aux positions successives de Q agrave la suite geacuteomeacutetrique deacutetermineacutee par les segments

AB P1B P2B P3B PnB

Mais pour que cette association soit com-plegravete il faut la geacuteneacuteraliser agrave un emplacement quelconque de P sur AB outre les positions laquo discregravetes raquo P1 P2 P3 Voici le tour de passe-passe permettant agrave Napier de contourner cette difficulteacute

Puisque des distances parcourues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est propor-tionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (voir la Section problegravemes) Ainsi quand P est agrave mi-chemin dans son trajet de A vers B sa vitesse a diminueacute de moitieacute par rapport agrave sa vitesse initiale Et quand il est rendu aux deux-tiers de lrsquointervalle AB sa vitesse ne vaut plus que le tiers de celle de deacutepart

Passant agrave une vision laquo lisse raquo mdash et non plus par laquo pas raquo mdash du deacuteplacement de P Napier en vient agrave consideacuterer ce point comme chan-geant laquo continucircment raquo de vitesse13 mdash et non pas de maniegravere abrupte et instantaneacutee en chaque point Pi Pour rester dans les mecircmes conditions que preacuteceacutedemment il suppose donc que P se deacuteplace laquo geacuteomeacute-triquement raquo de A vers B crsquoest-agrave-dire de maniegravere telle que la vitesse de P est toujours proportionnelle agrave la distance qui le seacutepare de B (Constructio article 25)

Les laquo logarithmes agrave la Napier raquo sont main-tenant agrave porteacutee de main Supposant drsquoune part que les deux points P et Q entament leur deacuteplacement agrave la mecircme vitesse le premier selon une vitesse deacutecroissant geacuteomeacutetriquement de A vers B et le second agrave vitesse constante agrave partir de 0 et suppo-sant de plus que le point Q est en y lorsque le point P est agrave une distance x de B alors y est appeleacute par Napier le logarithme de x (On eacutecrira ici par commoditeacute y = Nlog(x))

Crsquoest ainsi que le logarithme du reacuteel x est le reacuteel y deacutetermineacute par la suite arithmeacutetique associeacutee agrave la suite geacuteomeacutetrique correspon-dant agrave x

DossierHistoire

12 On notera au passage que le point P nrsquoat-teint ainsi jamais sa cible B car agrave chaque eacutetape il gruge toujours la mecircme fraction du chemin restant agrave parcourir

13 Napier nrsquoutilise pas explicitement une telle terminologie

0 y

x

Q rarrA

P rarr

B

A

P1 P2 P3 P4 Pn

B

0 1 2 3 4 n

Q1 Q2 Q3 Q4 Qn

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Valeurs numeacuteriques des logarithmes de NapierPlusieurs aspects de la notion de logarithme telle que conccedilue et mise en œuvre par Na-pier peuvent nous sembler un peu eacutetranges aujourdrsquohui On a deacutejagrave insisteacute sur la place qursquoy occupent les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique maintenant absentes du discours sur les logarithmes Une autre par-ticulariteacute est relieacutee aux valeurs numeacuteriques mecircmes deacutetermineacutees par Napier

Une motivation cleacute de Napier eacutetait de construire un outil facilitant les calculs tri-gonomeacutetriques un domaine drsquoapplication des matheacutematiques de toute premiegravere importance agrave son eacutepoque Crsquoest pour cette raison que la table produite par Napier dans son Descriptio repose non pas sur des nombres en geacuteneacuteral mais plutocirct sur le sinus des angles allant de 0deg agrave 90deg chaque degreacute eacutetant diviseacute en 60 minutes Agrave chacune de ces valeurs de sinus (il y en a donc 5 400 en tout) Napier associe son logarithme tel que deacutefini ci-haut

Il faut par ailleurs souligner que la notion de sinus de lrsquoeacutepoque nrsquoest pas tout agrave fait la mecircme qursquoaujourdrsquohui le sinus est alors non pas vu comme un rapport de cocircteacutes dans un triangle mais plutocirct comme la longueur drsquoune demi-corde dans un cercle donneacute Afin de faciliter les calculs il eacutetait drsquousage de travailler avec un cercle de grand rayon de maniegravere agrave eacuteviter lrsquoemploi de fractions et agrave se res-treindre agrave des nombres naturels Or agrave la fin du 16e siegravecle agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier entreprit ses travaux crsquoest sur un cercle de rayon 10 000 000 que srsquoappuyaient certaines des tables trigonomeacutetriques alors en circula-tion14 Crsquoest sans doute lagrave la raison pour laquelle Napier deacutecide de se servir de cette mecircme valeur pour asseoir la construction de sa table logarithmique

Il se dote donc drsquoun segment AB de longueur 107 = 10 000 000 (Constructio article 24) et il suppose que la vitesse initiale de chacun des deux points P et Q est aussi 107 (Constructio articles 25 et 26) Dans le cas de Q cette

vitesse demeure constante alors que pour P elle deacutecroicirct laquo geacuteomeacutetriquement raquo15 Or le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique doit permettre de combler les eacutecarts entre des puissances entiegraveres successives mdash voir agrave ce propos les commentaires plus haut mdash de sorte qursquoil est utile que ce rapport soit un nombre pregraves de 1 Agrave cet effet Napier choisit comme rapport

0999 999 9 11

107= minus

(Constructio articles 14 et 16) Une telle valeur a aussi comme avantage que le calcul de termes successifs de la progression geacuteomeacutetrique peut se ramener agrave une seacuterie de soustractions plutocirct que des multiplica-tions iteacutereacutees par 1 ndash 10ndash7 ce qui a permis agrave Napier de simplifier dans une large mesure la construction de sa table Cette construction demeure neacuteanmoins en pratique un accom-plissement eacutepoustouflant

On observera que les valeurs numeacuteriques des logarithmes creacuteeacutes par Napier sont fort diffeacuterentes de celles que lrsquoon connaicirct aujourdrsquohui Ainsi on a que Nlog(107) = 0 Et Nlog(x) deacutecroicirct lorsque x croicirct De plus il nrsquoest pas question de laquo base raquo dans les propos de Napier (voir agrave ce sujet la Section problegravemes) Mais lrsquoessence du logarithme est bel et bien lagrave

14 De telles tables trigonomeacutetriques ont eacuteteacute construites par Johann Muumlller alias Regio-montanus (1436-1476) et par Georg Joachim de Porris dit Rheticus (1514-1574)

15 Les valeurs choisies par Napier ont pour conseacutequence que la vitesse de P (en tant que nombre) est non seulement proportion-nelle mais est de fait eacutegale agrave la distance de P agrave B (voir la Section problegravemes)

Agrave propos de lrsquoeacutetymologie du mot logarithme

Napier a forgeacute le mot logarithme agrave partir de deux racines grecques drsquousage courant logoς laquo rapport raquo et ariqmoς laquo nombre raquo On peut voir le mot rapport ici comme refleacutetant le rapport commun des termes successifs de la suite geacuteomeacutetrique AB P1B P2B P3B

Au commencement de ses travaux Napier appelait nombres artificiels les valeurs de la suite arithmeacutetique peut-ecirctre pour les opposer aux nombres de la suite geacuteomeacute-trique qui eacutetaient en quelque sorte don-neacutes Mais le terme logarithme srsquoest rapide-ment imposeacute

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Doss

ierA

pplic

atio

ns

Comment ameacuteliorer une solution imparfaite agrave un problegraveme complexe

Et si on srsquoinspirait de la nature pour faire eacutevoluer les solutions

Lrsquoinspiration de la nature En 1859 le naturaliste Charles Darwin a publieacute son ceacutelegravebre ouvrage Lrsquoorigine des espegraveces qui preacutesentait une theacuteorie visant agrave expliquer le pheacutenomegravene de lrsquoeacutevolution Cette theacuteorie reacutevolutionnaire a provoqueacute plusieurs deacutebats agrave lrsquoeacutepoque mais elle est maintenant largement accepteacutee Environ 100 ans plus tard elle a inspireacute le professeur John Holland qui a tenteacute drsquoimpleacutementer artificiellement des systegravemes eacutevolutifs baseacutes sur le proces-sus de seacutelection naturelle Ces travaux ont

ensuite meneacute aux algorithmes geacuteneacutetiques qui sont maintenant utiliseacutes pour obtenir des solutions approcheacutees pour certains problegravemes drsquooptimisation difficiles

Les eacuteleacutements de base drsquoun algorithme geacuteneacutetiqueAfin de comprendre lrsquoanalogie entre le processus de seacutelection naturelle et un algo-rithme geacuteneacutetique rappelons tout drsquoabord les meacutecanismes les plus importants qui sont agrave la base de lrsquoeacutevolution

1 Lrsquoeacutevolution se produit sur des chromo-somes qui repreacutesentent chacun des individus dans une population

2 Le processus de seacutelection naturelle fait en sorte que les chromo-somes les mieux adapteacutes se reproduisent plus souvent et contribuent davantage aux popu- lations futures

3 Lors de la reproduction lrsquoinfor- mation contenue dans les chromosomes des parents est combineacutee et meacutelangeacutee pour produire les chromosomes des enfants (laquo croisement raquo)

4 Le reacutesultat du croisement peut agrave son tour ecirctre modifieacute par des perturbations aleacuteatoires (muta-tions)

Ces meacutecanismes peuvent ecirctre utiliseacutes pour speacutecifier un algorithme geacuteneacutetique tel que celui deacutecrit dans lrsquoencadreacute ci-dessous

Charles Fleurent GIRO

Algorithmes geacuteneacutetiques

Les travaux sur lrsquoeacutevolution des espegraveces vivantes du natura-liste et paleacuteontologue anglais Charles Darwin (1809-1882) ont reacutevolutionneacute la biologie Dans son ouvrage intituleacute LrsquoOrigine des espegraveces paru en 1859 Darwin preacutesente le reacutesultat de ses recherches Darwin eacutetait deacutejagrave ceacutelegravebre au sein de la communauteacute scientifique de son eacutepoque

pour son travail sur le terrain et ses recherches en geacuteologie Ses travaux srsquoinscrivent dans la fouleacutee de ceux du natura-liste franccedilais Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) qui 50 ans plus tocirct avait eacutemis lrsquohypothegravese que toutes les espegraveces vivantes ont eacutevolueacute au cours du temps agrave partir drsquoun seul ou de quelques ancecirctres communs Darwin a soutenu avec Alfred Russel Wallace (1823-1913) que cette eacutevolution eacutetait due au processus dit de la laquo seacutelection naturelle raquo

Comme il naicirct beaucoup plus drsquoindividus de chaque espegravece qursquoil nrsquoen peut survivre et que par conseacutequent il se produit souvent une lutte pour la vie il srsquoensuit que tout ecirctre srsquoil varie mecircme leacutegegraverement drsquoune maniegravere qui lui est profitable dans les conditions complexes et quelque-fois variables de la vie aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi drsquoune faccedilon naturelle En raison du principe dominant de lrsquoheacutereacutediteacute toute varieacuteteacute ainsi choisie aura tendance agrave se multiplier sous sa forme nouvelle et modifieacutee

Charles Darwin 1859 Introduction agrave LrsquoOrigine des espegraveces

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Pour adapter un algorithme geacuteneacutetique agrave un problegraveme drsquooptimisation combinatoire il suf-fit alors de speacutecialiser certaines composantes agrave la structure particuliegravere de ce dernier En geacuteneacuteral les deacutecisions portent sur les aspects suivants

Codage des solutions il faut eacutetablir une correspondance entre les solutions du problegraveme et les chromosomes

Opeacuterateurs geacuteneacutetiques il faut deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation pour les chromosomes

Eacutevaluation des chromosomes la me-sure drsquoadaptation des chromosomes agrave leur environnement est donneacutee par une fonction qui est calculeacutee par un processus plus ou moins complexe

Il existe plusieurs moyens pour mettre en œuvre certains des meacutecanismes importants drsquoun algorithme geacuteneacutetique Par exemple la seacutelection des parents peut srsquoeffectuer de diverses faccedilons Dans une population P = x1 x2 hellip xN ougrave la mesure drsquoadaptation drsquoun individu est eacutevalueacutee par une fonction ƒ lrsquoopeacuterateur classique consiste agrave associer agrave chaque individu xi une probabiliteacute pi drsquoecirctre seacutelectionneacute proportionnelle agrave la valeur de f pour cet individu crsquoest-agrave-dire

pf x

f x( )

( )i

i

jj Psum

=

isin

En pratique on utilise souvent drsquoautres meacute-thodes de seacutelection pouvant se parameacutetrer plus facilement Ainsi dans la seacutelection par tournoi un ensemble drsquoindividus est seacutelec-tionneacute aleacuteatoirement dont les meilleurs eacuteleacute-ments seulement sont retenus Pour choi-sir deux parents on peut donc seacutelectionner aleacuteatoirement 5 individus et ne garder que les deux meilleurs Dans drsquoautres meacutethodes les individus sont ordonneacutes selon leur va-leur pour la fonction ƒ et la seacutelection srsquoeffec-tue aleacuteatoirement selon le rang occupeacute par chaque individu On utilise alors une distri-bution biaiseacutee en faveur des individus en tecircte de liste

Un autre meacutecanisme important est le mode de remplacement des individus de la popula-tion Dans le modegravele original chaque popu-lation de N individus est totalement rempla-ceacutee agrave chaque geacuteneacuteration Drsquoautres strateacutegies laquo eacutelitistes raquo font en sorte drsquoassurer agrave chaque geacuteneacuteration la survie des meilleurs individus de la population Crsquoest le cas entre autres des modegraveles laquo stationnaires raquo ougrave un nombre res-treint drsquoindividus est remplaceacute agrave chaque geacute-neacuteration Dans ce cas on ajoute souvent des meacutecanismes suppleacutementaires empecircchant lrsquoajout drsquoindividus identiques (doublons) dans la population Des implantations plus eacutevo-lueacutees existent eacutegalement pour des architec-tures parallegraveles

Un algorithme geacuteneacutetique 1 Construire une population initiale de N

solutions

2 Eacutevaluer chacun des individus de la population

3 Geacuteneacuterer de nouvelles solutions en seacutelectionnant les parents de faccedilon proportionnelle agrave leur eacutevaluation Appliquer les opeacuterateurs de croisement et de mutation lors de la reproduction

4 Lorsque N nouveaux individus ont eacuteteacute geacuteneacutereacutes ils remplacent alors lrsquoancienne population Les individus de la nouvelle population sont eacutevalueacutes agrave leur tour

5 Si le temps alloueacute nrsquoest pas deacutepasseacute (ou le nombre de geacuteneacuterations maximal nrsquoest pas atteint) retourner agrave lrsquoeacutetape 3

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Repreacutesentation des solutions et opeacuterateurs geacuteneacutetiquesLes premiers algorithmes geacuteneacutetiques utili-saient tous une repreacutesentation binaire ougrave chaque solution s est codeacutee sous la forme drsquoune chaicircne de bits de longueur n ie s[i ] isin 0 1 foralli =1 2 hellip n Pour cette repreacute-sentation lrsquoopeacuterateur de croisement classique agrave un point consiste agrave choisir de faccedilon uniforme une position de coupure aleacuteatoire l isin 1 2 hellip nminus1 Si les parents p1 et p2 ont eacuteteacute seacutelectionneacutes pour la reproduction les solutions enfants e1 et e2 sont alors construites de la faccedilon suivante

e1[i ] = p1[i ] foralli isin1 hellip l e1[i ] = p2[i ] foralli isinl + 1 hellip n e2 [i ] = p2[i ] foralli isin1 hellip l e2 [i ] = p1[i ] foralli isinl + 1 hellip nLorsqursquoon itegravere avec drsquoautres paires de parents on choisit aleacuteatoirement pour chaque paire de parents un nouvel opeacuterateur de croisement agrave un point Lrsquoopeacuterateur agrave un point peut se geacuteneacuteraliser en seacutelectionnant k positions aleacuteatoires plutocirct qursquoune seule Dans ce cas les enfants sont produits en eacutechan-geant lrsquoinformation chromosomique entre les k points de coupure En pratique la valeur k = 2 est couramment utiliseacutee Un autre opeacuterateur tregraves populaire (croisement uni-forme) utilise une chaicircne de bits geacuteneacutereacutee aleacuteatoirement pour engendrer les enfants Pour chaque position le choix aleacuteatoire in-dique quel parent deacuteterminera la valeur des enfants Des exemples des opeacuterateurs de croisement agrave un point agrave deux points et uniforme sont illustreacutes dans les tableaux suivants Des reacutesultats theacuteoriques et empi-riques indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme donne geacuteneacuteralement des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux produits par les deux autres

Opeacuterateur de croisement agrave un point

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 0 1 1

0 1 0 1 0 1 1 0 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement agrave deux points

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 1 0 1

0 1 0 1 0 1 0 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement uniforme

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 1 0 1 1 1 0 0 1

0 1 1 0 1 0 1 0 0

0 0 0 1 0 1 1 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Chaicircnealeacuteatoirede bits

Avec une repreacutesentation binaire on utilise geacuteneacuteralement lrsquoopeacuterateur de mutation clas-sique qui consiste agrave changer aleacuteatoirement un bit pour son compleacutement

Opeacuterateur de mutation classique

Enfant 1 0 0 1 0 1 1 0 1

1 1 0 1 0 1 1 0 0Enfant

Mutationsaleacuteatoires

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Un exemple le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteennePour certains problegravemes la repreacutesentation binaire des solutions est tout agrave fait intuitive et bien adapteacutee Crsquoest le cas par exemple du problegraveme de satisfaisabiliteacute (SAT) Eacutetant donneacute une expression logique F de n variables boo-leacuteennes x1 x2 hellip xn (voir encadreacute) ce problegraveme fondamental (qui est agrave la base de la theacuteorie de la NP-compleacutetude) consiste agrave trouver une affectation aux variables de faccedilon agrave satisfaire F En eacutetablissant les correspondances faux harr 0 vrai harr 1 on peut repreacutesenter chaque solution par une chaicircne binaire de longueur n et utiliser les opeacuterateurs geacuteneacute-tiques classiques deacutecrits preacuteceacutedemment

Pour eacutevaluer les solutions lrsquoexpression logique F peut ecirctre exprimeacutee comme une conjonction (voir encadreacute) de m clauses

F = Cj j =1

m

Chaque clause est alors deacutefinie par une disjonction de variables booleacuteennes dont certaines sont associeacutees agrave un opeacuterateur de neacutegation (indiqueacute par le symbole ndash ) Pour satisfaire F il faut donc satisfaire toutes ses clauses Pour un algorithme geacuteneacutetique chaque solution peut ecirctre simplement eacuteva-lueacutee par le nombre de clauses qursquoelle satisfait par exemple noteacute par f Si on considegravere par exemple lrsquoexpression suivante pour F

= and or and or or

and or or or

and or or or or

F x x x x x x

x x x x

x x x x x

( ) ( ) ( )

( )

( )

1 1 2 1 2 3

1 2 3 4

1 2 3 4 5

la solution (1 0 1 0 0) satisfait toutes les clauses sauf la premiegravere alors que la solution (0 1 1 0 1) satisfait toutes les clauses et donc lrsquoexpression F

Avec une repreacutesentation des chro-mosomes une fonction drsquoadaptation f et des opeacuterateurs de croisement et de mutation nous avons tous les eacuteleacutements pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique simple pour le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteenne Le processus peut ecirctre illustreacute par le tableau en bas de page avec un opeacuterateur de croisement uniforme repreacutesenteacute par la chaicircne de bits U Dans cet exemple simplifieacute lrsquoalgo-rithme a produit en six geacuteneacuterations une solution qui satisfait lrsquoexpression boo-leacuteenne F (les 5 clauses sont satisfaites pour un individu de la population) Pour une fonction plus complexe comprenant un grand nombre de va-riables on utilise des populations plus importantes et laisse la population eacutevoluer lentement vers des solutions de bonne qualiteacute

Variables booleacuteennes

Opeacuterateurs booleacuteens

Une variable booleacuteenne est une variable qui ne peut prendre que deux valeurs logiques VRAI ou FAUX On peut utiliser 1 et 0 pour repreacutesenter ces deux valeurs

Un opeacuterateur booleacuteen est un opeacuterateur qui sap-plique sur une ou deux variables booleacuteennes

La neacutegation drsquoune variable booleacuteenne x qui est noteacutee x change la valeur de la variable booleacuteenne x

Variable Neacutegation

10

01

x x

La conjonction de deux variables x et y noteacutee x and y prend la valeur 1 si les variables x et y ont toutes deux la valeur 1 Dans les autres cas elle prend la valeur 0

Variables Conjonction

1100

1010

1000

x y x y

La disjonction de deux variables x et y noteacutee x or y prend la valeur 1 si au moins lrsquoune des variables a la valeur 1 Elle prend la valeur 0 si les deux variables ont la valeur 0

Variables Disjonction

1100

1010

1110

x y x y

Geacuteneacuteration

5

(0 0 1 0 0) f = 4(0 0 1 0 1) f = 3(0 0 1 1 1) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

(0 0 1 0 0) f = 4(1 0 1 1 0) f = 4(0 0 1 1 1) f = 4

U = (0 1 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4 (1 0 1 1 0) f = 4

(0 1 1 1 0) f = 5U = (0 0 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

6

Population Enfant Enfant muteacute

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Autres exemplesLes algorithmes geacuteneacutetiques ne sont pas applicables qursquoaux repreacutesentations binaires Par exemple le problegraveme classique du com-mis voyageur (Traveling Salesman Problem ou TSP) consiste agrave identifier une tourneacutee agrave coucirct minimal qui visite chaque ville drsquoun ensemble agrave couvrir Mecircme si une tourneacutee pourrait alors theacuteoriquement ecirctre repreacutesenteacutee par une chaicircne de booleacuteens on preacutefegravere geacuteneacuterale-ment utiliser une repreacutesentation plus directe sous forme de permutation Chaque permu-tation speacutecifie alors lrsquoordre dans lequel sont visiteacutees les villes

On doit alors deacutefinir des opeacuterateurs de mutation et de croisement pour une repreacutesentation sous forme de permutation Pour la muta-

tion un simple eacutechange entre deux villes dans une seacutequence pourra faire lrsquoaffaire Par exemple

Tourneacutee originale (Montreacuteal Rimou- ski Saguenay Val drsquoOr Queacutebec Sher-brooke)

Apregraves mutation (Montreacuteal Rimouski Saguenay Sherbrooke Queacutebec Val drsquoOr) Pour le croisement il est facile de constater que des opeacuterateurs sem-blables agrave ceux deacutecrits preacuteceacutedemment ne pourraient preacuteserver la structure de permutation Plusieurs opeacuterateurs valides ont toutefois eacuteteacute proposeacutes Agrave titre drsquoexemple lrsquoopeacuterateur OX choisit une sous-seacutequence dans la seacutequence drsquoun des parents et place les villes res-tantes dans lrsquoordre deacutefini par lrsquoautre

parent Dans le tableau ci-dessous deux po-sitions sont choisies aleacuteatoirement afin de deacutefinir une sous-seacutequence chez le premier parent (eacutetape 1) Agrave lrsquoeacutetape 2 les villes res-tantes sont placeacutees selon lrsquoordre induit par le deuxiegraveme parent

P1 Mtl Sag Val Queacute Shb RimQueacute Rim Mtl Shb Sag Val

Rim Sag Val Queacute Mtl Shb

Rim Mtl ShbSag Val Queacute

P2

Eacute1Eacute2

Enf

Ss

Une fois la repreacutesentation et les opeacuterateurs de base deacutefinis on peut simplement eacutevaluer chaque tourneacutee par la distance parcourue et tous les eacuteleacutements sont en place pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique pour le problegraveme TSP

Coloration de grapheUn autre problegraveme classique celui de colo-ration de graphe1 est aussi abordable par les algorithmes geacuteneacutetiques

Pour un graphe G = (V E) constitueacute drsquoun en-semble de nœuds V et drsquoarecirctes E un coloriage est une partition de V en k sous-ensembles (couleurs) C1 C2 hellip Ck pour lesquels u v isin Ci rArr (u v) notinE ie que deux nœuds ne peuvent avoir la mecircme couleur srsquoils sont lieacutes par une arecircte Le problegraveme de coloration de graphe consiste agrave trouver un coloriage utilisant un nombre minimal de sous-ensembles Ce type drsquoapproche permet notamment de reacutesoudre agrave coucirct minimum des conflits drsquohoraire En pratique on choisit drsquoabord une valeur-cible pour k et chaque chromosome constitue une partition de V en k sous-ensembles Les so-lutions sont codeacutees sous forme de chaicircnes en liant lrsquoindice de chaque nœud agrave lrsquoun des k sous-ensembles

DossierApplications

1 Voir laquo Le theacuteoregraveme des quatre couleurs raquo Accromath 141 2019

Coloration de grapheEn theacuteorie des graphes la coloration de graphe consiste agrave attribuer une couleur agrave chacun de ses sommets de maniegravere que deux sommets relieacutes par une arecircte soient de couleur diffeacuterente On cherche souvent agrave utiliser le nombre minimal de couleurs appeleacute nombre chromatique

12

34

5

6

7

89Un coloriage imparfait

10

Mtl Rim

SagShb

ValQueacute

2

6 3

4

1

5

Mtl Rim

SagShb

QueacuteVal

2

6 3

4

1

5

Mutation drsquoune tourneacutee

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Par exemple si on associe C1 agrave bleu C2 agrave rouge et C3 agrave vert dans le coloriage im-parfait de la page preacuteceacutedente la partition des nœuds associeacutee agrave cette solution est (1 2 3 2 3 2 1 2 3 1) car les nœuds 1 7 et 10 sont dans C1 les nœuds 2 4 6 et 8 dans C2 et les nœuds 3 5 et 9 dans C3 En deacutefinissant la fonction f comme le nombre de fois ougrave la regravegle du coloriage nrsquoa pas eacuteteacute respecteacutee on obtient f (C1 C2 C3) = 0 + 1 + 1 = 2 car on a 0 arecircte dans C1 1 arecircte dans C2 (entre les nœuds 2 et 4) et 1 dans C3 (entre les nœuds 3 et 5)

De faccedilon geacuteneacuterale le problegraveme de coloriage consiste agrave geacuteneacuterer une partition telle que f (C1 C2 Ck) = 0 avec un k le plus petit possible Avec la repreacutesentation en chaicircne de la partition il est facile de deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation semblables agrave ceux utiliseacutes pour les repreacutesen-tations binaires Les reacutesultats rapporteacutes dans la litteacuterature indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme domine encore ceux agrave un point et agrave deux points

Est-ce que ccedila fonctionne Il nrsquoy a aucun doute que les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent ecirctre utiliseacutes pour traiter des problegravemes drsquooptimisation Leur performance relative varie cependant selon les contextes Lorsqursquoun problegraveme est bien eacutetudieacute il est geacuteneacuteralement preacutefeacuterable drsquoavoir recours agrave des algorithmes speacutecialiseacutes qui peuvent tirer avantage de certaines structures speacutecifiques Pour le problegraveme TSP par exemple des approches baseacutees sur la programmation en nombres entiers peuvent maintenant reacutesoudre de faccedilon optimale des exemplaires de plusieurs dizaines de milliers de villes Il serait donc mal aviseacute drsquoutiliser un algorithme geacuteneacutetique pour reacutesoudre ce problegraveme (agrave moins de vouloir eacutetudier leur comportement ce qui peut ecirctre tout agrave fait leacutegitime et amusant)

Les algorithmes geacuteneacutetiques ont tout de mecircme lrsquoavantage drsquoecirctre simples agrave mettre en place En fait une meacutethode de codage des opeacuterateurs de croisement et de mutation ainsi qursquoune fonction drsquoeacutevaluation sont suf-fisants pour utiliser une approche eacutevolutive On obtient alors une approche robuste qui peut ecirctre tregraves utile si la fonction agrave optimiser est laquo floue raquo (fuzzy) ou si on dispose de peu de temps pour eacutetudier le problegraveme agrave optimiser

Les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent eacutega-lement ecirctre combineacutes agrave drsquoautres approches drsquooptimisation pour donner lieu agrave des meacutethodes hybrides tregraves puissantes souvent parmi les meilleures disponibles On peut par exemple utiliser des opeacuterateurs de mutation plus sophistiqueacutes pour optimiser le reacutesultat de chaque croisement Pour lrsquoalgorithme hybride reacutesultant la composante laquo geacuteneacute-tique raquo vise alors agrave enrichir la recherche en misant sur les eacuteleacutements qui constituent sa force ie lrsquoutilisation drsquoune population diver-sifieacutee qui permet lrsquoaccegraves aux caracteacuteristiques varieacutees de plusieurs individus et au proces-sus de seacutelection (artificielle dans ce cas) afin drsquoorienter lrsquoexploration vers les meilleures reacutegions de lrsquoespace de solutions Crsquoest bien lagrave lrsquoune des leccedilons agrave tirer de lrsquoobservation de la nature

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Rubrique des

Jean-Paul DelahayeUniversiteacute des Sciences et Technologies de Lille

Lrsquoinformation paradoxale

Comme le preacuteceacutedent ce paradoxe est aussi un paradoxe sur lrsquoinformation cacheacutee cependant il neacutecessite une patience bien supeacuterieure pour ecirctre reacutesolu ou lrsquoaide drsquoun ordinateur

On choisit cinq nombres a b c d et e veacuterifiant les relations

1 le a lt b lt c lt d lt e le 10

Autrement dit les cinq nombres sont compris entre 1 et 10 tous diffeacuterents et classeacutes par ordre croissant On indique leur produit P agrave Patricia (qui est brune) leur somme S agrave Sylvie (qui est blonde) la somme de leurs carreacutes

C = a2 + b2 + c2+ d2 + e2

agrave Christian (qui est barbu) et la valeur

V = (a + b + c)(d + e)

agrave Vincent (qui est chauve)

Ils doivent deviner quels sont les nombres a b c d et e

1- Une heure apregraves qursquoon leur a poseacute le problegraveme les quatre personnages qursquoon interroge simultaneacutement reacutepondent tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

2- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

3- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo Etc

23- Une heure apregraves (soit 23 heures apregraves la formulation de lrsquoeacutenonceacute ) les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

Cependant apregraves cette 23egraveme reacuteponse les visages des quatre personnages srsquoeacuteclairent drsquoun large sourire et tous srsquoexclament laquo crsquoest bon maintenant je connais a b c d et e raquo

Vous en savez assez maintenant pour deviner les 5 nombres a b c d e Il semble paradoxal que la reacutepeacutetition 23 fois de la mecircme affirmation drsquoignorance de la part des personnages soit porteuse drsquoune information Pourtant crsquoest le cas Essayez de comprendre pourquoi et ensuite armez-vous de courage la solution est au bout du calcul

Solution du paradoxe preacuteceacutedent

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Solution du paradoxe preacuteceacutedent

Lrsquoinformation paradoxaleIl arrive que lrsquoon pense ne pas disposer drsquoassez drsquoinfor-mations pour reacutesoudre un problegraveme alors qursquoen reacutealiteacute tout est agrave notre disposition Certaines situations sont si extraordinaires qursquoelles apparaissent paradoxales En voici un exemple

Un homme bavarde avec le facteur sur le pas de la porte de sa maison Il lui dit

laquo Crsquoest amusant je viens de remarquer que la somme des acircges de mes trois filles est eacutegale au numeacutero de ma maison dans la rue Je suis sucircr que si je vous apprends que le produit de leur acircge est 36 vous saurez me dire leur acircge respectif raquo

Le facteur reacutefleacutechit un moment et lui reacutepond

laquo Je suis deacutesoleacute mais je ne peux pas trouver raquo

Lrsquohomme srsquoexclame alors laquo Ah oui Jrsquoavais oublieacute de vous dire que lrsquoaicircneacutee est blonde raquo

Quelques secondes apregraves le facteur lui donne la bonne reacuteponse Aussi paradoxal que cela apparaisse vous pouvez deacuteduire de cet eacutechange lrsquoacircge des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte

SolutionLes diffeacuterentes deacutecompositions de 36 en produit de trois entiers et les sommes des facteurs sont donneacutees dans le tableau ci-contre

Le facteur connaicirct la somme des acircges des trois filles car il est sur le pas de la porte Srsquoil ne peut pas trouver leurs acircges respectifs crsquoest que parmi les produits possibles compatibles avec la somme qursquoil connaicirct il y en a deux qui donnent la mecircme somme Crsquoest donc que la somme est 13 Les deux possibiliteacutes sont donc 1-6-6 et 2-2-9 La premiegravere est eacutelimineacutee car deux enfants ne peuvent avoir le mecircme acircge que srsquoils sont jumeaux et alors il nrsquoy a pas drsquoaicircneacutee La solution est donc 2-2-9 Les acircges des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte sont 2 2 et 9 ans

Produits1times1times362times3times63times3times4

1times2times181times3times121times6times61times4times92times2times9

3811102116131413

Sommes

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Algorithmes dans lrsquohistoire1 Deacuteterminer les PGCD des couples

a) 924 3 135 c) 2 530 9 639

b) 83 337

Lrsquoheacuteritage de Fermat1 Appliquer la meacutethode de Fermat pour

factoriser les nombres suivants

a) 493 b) 1247 c) 6 903

2 Supposons qursquoun entier n est le produit de deux nombres premiers p lt q et que q ndash p lt p2 2 Montrer qursquoen utilisant la meacutethode de Fermat ce nombre n peut ecirctre factoriseacute en seulement une eacutetape

Eacutemergence logarithmique1 Soit la suite arithmeacutetique

a nd( ) n+ isin

a) Montrer que chaque terme (agrave lrsquoex- ception du premier) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins

b) Montrer un reacutesultat analogue pour la suite geacuteomeacutetrique

ar( ) nnisin

2 Montrer qursquoen termes modernes le passage de LrsquoAreacutenaire ci-haut porte sur les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacute-trique et sur la regravegle du produit de deux puissances

Tuyau Des nombres laquo continucircment en proportion agrave partir de lrsquouniteacute raquo forment une suite geacuteomeacutetrique dont le premier terme est 1

3 En comparant les deux tables tireacutees de la tablette MLC 02078 (pp 19 et 20) on y voit la suite geacuteomeacutetrique

2 ndash 4 ndash 8 ndash 16 ndash 32 ndash 64

ecirctre associeacutee agrave deux suites arithmeacutetiques Relier directement ces deux suites arith-meacutetiques lrsquoune agrave lrsquoautre

Tuyau On peut y voir du logarithme

4 Soit deux points P1 et P2 sur un segment AB (voir figure) Montrer que

a) si APAB

P PP B

1 1 2

1

= alors P BAB

P BP B

1 2

1

=

b) la reacuteciproque est elle aussi valide

5 La suite de segments AB P1B P2B P3B forme une progression geacuteomeacutetrique deacutecroissante (p 22) On deacutesigne par r le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique (on a donc r lt 1) et par z la longueur du segment AB

a) Interpreacuteter en termes de z et de r les segments AB P1B P2B P3B

b) Exprimer agrave lrsquoaide de z et de r les longueurs des intervalles AP1 P1P2 P2P3 P3P4

c) Appliquer ces reacutesultats aux valeurs numeacuteriques choisies par Napier (voir p 23)

d) Et que dire dans ce contexte de la suite arithmeacutetique deacutetermineacutee par le mouve-ment du point Q (p 22)

6 a) Expliquer lrsquoobservation dans lrsquoencadreacute ci-bas au cœur de la deacutemarche de Napier

b) En conclure que pour Napier la vitesse de P en un point donneacute est eacutegale agrave sa distance de lrsquoextreacutemiteacute B

Tuyau La constante de proportionnaliteacute de la partie a) est 1

7 On veut interpreacuteter ici le modegravele geacuteomeacute-trico-cineacutematique de Napier agrave lrsquoaide du calcul diffeacuterentiel et inteacutegral (moderne) On appelle x(t) la distance seacuteparant P de lrsquoextreacutemiteacute B au temps t et y(t) la position du point Q au temps t

a) Montrer que le deacuteplacement de Q est deacutecrit par lrsquoeacutequation diffeacuterentielle dydt = 107 avec comme condition initiale y(0) = 0

Tuyau La vitesse est la deacuteriveacutee de la distance parcourue par rapport au temps

b) Montrer de mecircme que le deacuteplace-ment de P est deacutecrit par dxdt = ndashx avec x(0) = 107

c) Reacutesoudre ces deux eacutequations diffeacuteren-tielles

d) Montrer comment on pourrait en tirer une notion de laquo base raquo pour les loga-rithmes de Napier1

1 Au plan historique une telle ideacutee de laquo base raquo chez Napier est une pure fabulation

Section problegravemes

Agrave propos de Napier

Puisque des distances parcou-rues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est pro-portionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (p 22)

Archimegravede LrsquoAreacutenaire

Si des nombres sont continucircment en pro- portion agrave partir de lrsquouniteacute et que cer-tains de ces nombres sont multiplieacutes entre eux le produit sera dans la mecircme pro-gression eacuteloigneacute du plus grand des nom- bres multiplieacutes drsquoautant de nombres que le plus petit des nom- bres multiplieacutes lrsquoest de lrsquouniteacute dans la pro-gression et il sera eacuteloigneacute de lrsquouniteacute de la somme moins un des nombres dont les nombres multiplieacutes sont eacuteloigneacutes de lrsquouniteacute

A

P1 P2

B

Pour en s voir plus

Histoire des matheacutematiques

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

bull Le livre Havil Julian John Napier Life Logarithms and Legacy Princeton University Press 2014 est une mine drsquoor pour des informations sur la vie et lrsquoœuvre de Napier

bull Le contexte ayant meneacute agrave la naissance des logarithmes est exposeacute dans Friedelmeyer Jean-Pierre laquo Contexte et raisons drsquoune lsquomirifiquersquo invention raquo In Eacutevelyne Barbin et al Histoires de logarithmes pp 39-72 Ellipses 2006 Le sous-titre de lrsquoarticle drsquoAccromath a eacuteteacute emprunteacute au titre de ce texte

bull Les deux traiteacutes de Napier sur les logarithmes le Mirifici logarithmorum canonis descriptio et le Mirifici logarithmorum canonis constructio peuvent ecirctre trouveacutes facilement (en latin) sur la Toile Une traduction anglaise de ces traiteacutes est accessible agrave partir du site de Ian Bruce sur les matheacutematiques des 17e et 18e siegravecles httpwww17centurymathscom

bull La citation de Laplace se retrouve aux pp 446-447 de Œuvres complegravetes de Laplace Exposition du systegraveme du monde (6e eacutedition) Bachelier Imprimeur-Libraire 1835 (Disponible sur Google Livres)

bull La tablette meacutesopotamienne MLC 02078 est eacutetudieacutee (pp 35-36) dans Neugebauer Otto et Sachs Abraham Mathematical Cuneiform Texts American Schools of Oriental Research 1945

bull Pour plus drsquoinformation sur lrsquoemploi des vocables laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo voir Charbonneau Louis laquo Progression arithmeacutetique et progression geacuteomeacutetrique raquo Bulletin AMQ 23(3) (1983) 4-6

bull Publieacutes en allemand en 1770 les Eacuteleacutements drsquoalgegravebre de Leonhard Euler sont parus en traduction franccedilaise degraves 1774 Cette version est accessible agrave partir du site Gallica de la Bibliothegraveque nationale de France httpsgallicabnffr

bull Lrsquoextrait de LrsquoAreacutenaire mdash voir la Section problegravemes mdash se trouve (p 366) dans Ver Eecke Paul Les œuvres complegravetes drsquoArchimegravede tome 1 Vaillant-Carmanne 1960

Applications des matheacutematiques

Lrsquoheacuteritage de Fermat

bull WB Hart laquo A one line factoring algorithmraquo J Aust Math Soc 92 (2012) no 1 61ndash69

bull RS Lehman laquo Factoring large integers raquo Math Comp 28 (1974) 637ndash646

bull MA Morrison and J Brillhart laquo A method of factoring and the factorization of F 7 raquo Math Comp 29 (1975) 183ndash205

bull C Pomerance laquoThe quadratic sieve factoring algorithm raquo Advances in Cryptology (Paris 1984) 169-182 Lecture Notes in Comput Sci 209 Springer Berlin 1985

Accromath est une publication de lrsquoInstitut des sciences matheacutema-tiques (ISM) et du Centre de recherches matheacutematiques (CRM) La revue srsquoadresse surtout aux eacutetudiantes et eacutetudiants drsquoeacutecole secon-daire et de ceacutegep ainsi qursquoagrave leurs enseignantes et enseignants

LrsquoInstitut des sciences matheacutematiques est une institution unique deacutedieacutee agrave la promotion et agrave la coordination de lrsquoenseignement et de la recherche en sciences matheacutematiques au Queacutebec En reacuteunissant neuf deacutepartements de matheacutematiques des universiteacutes queacutebeacutecoises (Concordia HEC Montreacuteal Universiteacute Laval McGill Universiteacute de Montreacuteal UQAM UQTR Universiteacute de Sherbrooke Bishoprsquos) lrsquoInstitut rassemble un grand bassin drsquoexpertises en recherche et en enseignement des matheacutematiques LrsquoInstitut anime de nombreuses activiteacutes scientifiques dont des seacuteminaires de recherche et des colloques agrave lrsquointention des professeurs et des eacutetudiants avanceacutes ainsi que des confeacuterences de vulgarisation donneacutees dans les ceacutegeps Il offre eacutegalement plusieurs programmes de bourses drsquoexcellence

LrsquoISM est financeacute par le Ministegravere de lrsquoEnseignement supeacuterieur et par ses neuf universiteacutes membres

Le Centre de recherches matheacutematiques est un centre national pour la recherche fondamentale en matheacutematiques et ses applica-tions Les scientifiques du CRM comptent plus drsquoune centaine de membres reacuteguliers et de stagiaires postdoctoraux Lieu privileacutegieacute de rencontre le Centre est lrsquohocircte chaque anneacutee de nombreux visi-teurs et drsquoateliers de recherche internationaux

Les activiteacutes scientifiques du CRM comportent deux volets principaux les projets de recherche qursquoentreprennent ses laboratoires et les activiteacutes theacutematiques organiseacutees agrave lrsquoeacutechelle internationale Ces derniegraveres ouvertes agrave tous les domaines impliquent des chercheurs du CRM et drsquoautres universiteacutes Afin drsquoassurer une meilleure diffusion des reacutesultats de recherches de ses collaborateurs le CRM a lanceacute en 1989 un programme de publications en collaboration avec lrsquoAmerican Mathematical Society et avec Springer

Le CRM est principalement financeacute par le CRSNG (Conseil de recherches en sciences naturelles et en geacutenie du Canada) le FQRNT (Fonds queacutebeacutecois de recherche sur la nature et les technologies) lrsquoUniversiteacute de Montreacuteal et par six autres universiteacutes au Queacutebec et en Ontario

Accromath beacuteneacuteficie de lrsquoappui de la Dotation Serge-Bissonnette du CRM

OR2010

BRONZE2011

BRONZE2014

OR2012

2008

Prix speacutecial de la ministre 2009

Prix Anatole Decerf 2012

Page 16: L’héritage de Pierre de Fermat La factorisation des grands ...

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Il est facile drsquoemmecircler un fil de pecircche alors qursquoil est tregraves difficile de le deacutemecircler De mecircme certaines opeacuterations sur les nombres

sont faciles dans un sens et difficiles dans lrsquoautre On les appelle opeacuterations agrave sens unique Elles sont utiliseacutees pour la cryptographie

Lorsque vous envoyez votre numeacutero de carte de creacutedit par Internet agrave un site proteacutegeacute le logiciel crypte celui-ci par le code RSA du nom de ses inventeurs Ronald Rivest Adi Shamir et Leonard Adleman

Historiquement les codes secrets ont tous eacuteteacute perceacutes Mais le code RSA publieacute en 1978 reacutesiste encore malgreacute tous les efforts de la communauteacute matheacutematique pour le briser Il repose sur le fait que si on prend deux tregraves grands nombres premiers distincts p et q et qursquoon les multiplie pour obtenir n = pq alors il est hors de porteacutee des ordinateurs actuels2 de reacutecupeacuterer p et q Ainsi on peut se permettre de publier n la cleacute qui sert au cryptage sans crainte que quiconque puisse reacutecupeacuterer p et q qui servent au deacutecryptage Ce proceacutedeacute srsquoappelle la cryptographie agrave cleacute publique parce que la recette de cryptage est publique

Aussi surprenant que cela puisse paraicirctre il est facile pour un ordinateur de fabri-quer de grands nombres premiers Plusieurs algorithmes geacuteneacuterant de grands nombres premiers sont probabilistes Nous allons en preacutesenter un ci-dessous

Dans la cryptographie agrave cleacute publique les mes-sages sont des nombres m infeacuterieurs agrave n On demandera drsquoeacutelever le nombre m agrave une tregraves grande puissance e ougrave e est un nombre qui est eacutegalement public Le message encrypteacute a est le reste de la division de me par n Tou-jours surprenant il est facile pour un or-dinateur de calculer ce reste mecircme si m et e ont chacun 200 chiffres Nous allons voir comment Le deacutecryptage se fait de maniegravere symeacutetrique en calculant le reste de la division de ad par n Mais d est inconnuhellip et pour le calculer il faut connaicirctre p et q et donc factoriser n Donc seul le concepteur qui a choisi p et q peut lire le message

Combien de temps reacutesistera le code RSA Si ce nrsquoeacutetait que des progregraves de la factorisation des entiers et de lrsquoaugmentation de la puis-sance des ordinateurs il pourrait reacutesister en-core longtemps quitte agrave allonger un peu la cleacute n Mais crsquoest sans compter sur la preacute-sence possible drsquoun nouveau venu lrsquoordina-teur quantique Cet ordinateur nrsquoexiste pas encore Par contre un algorithme rapide de factorisation sur un ordinateur quantique lrsquoalgorithme de Shor existe depuis 1997 Nous allons nous pencher sur lrsquoideacutee de cet algorithme

Christiane Rousseau Universiteacute de Montreacuteal

2 Voir lrsquoarticle laquo Lrsquoheacuteritage de Pierre de Fermat pour la factorisation des grands nombres raquo de Jean-Marie De Koninck p 8 de ce numeacutero

Comme 1 est le pgcd1 de e et de φ(n) on peut eacutecrire via lrsquoalgo-rithme drsquoEuclide

1 = 10 times 1 456 ndash 633 times 23Donc 1 = 10 times 1 456 ndash (1 456-823) times 23ou encore

1= ndash13 times 1 456 + 823 times 23Comme 823 times 23 =13 times 1 456 + 1 le reste de la division de ed par φ(n) vaut bien 1

1 Voir laquo Algorithmes dans lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

Calculer le reste de la division de me par nEacutecrivons la deacutecomposition de e = 23 en somme de puissances de 2

e = 1 + 2 + 4 + 16

Alors

m e = m m2 m4 m16

On va donc y aller pas agrave pas pour calculer ces puissances et agrave chaque eacutetape on va diviser par n Le reste de la division de m2 par n est 1 126 Remarquons que m4 = (m2)2 Le reste de la division de m4 par n est donc le mecircme que le reste de la division de 1 1262 par n

1 1262 = 823n + 1 388

De mecircme le reste de la division de m8 par n est le mecircme que le reste de la division de 1 3882 par n

1 3882 = 1 253n + 683

Finalement le reste de la division de m16 par n est le mecircme que le reste de la division de 6832 par n

6832 = 303n + 778

On remet le tout ensemble Le reste de la division de m23 par n est le mecircme que le reste de la division de

1 234 1 126 1 388 778

par n qui est bien a = 1 300 Dans la ligne qui preacutecegravede on peut aussi alterner entre faire des

multiplications et diviser les produits partiels par n pour ne pas laisser grossir les expressions Ces calculs sont faciles pour des ordinateurs mecircme quand les nombres sont tregraves grands

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un exemple de fonctionnement du code RSAAline veut pouvoir recevoir des mes-sages secrets de Bernard Elle construit donc un systegraveme agrave cleacute publique pour re-cevoir de tels messages Elle prend les nombres premiers p = 29 et q = 53 La cleacute est n =1 537 Elle aura besoin du nombre

φ(n) = (p ndash 1)(q ndash 1) = 1 456

Elle choisit e relativement premier avec φ(n) par exemple e = 23 Soit d = 823 Il a eacuteteacute construit pour que le reste de la division de ed par φ(n) soit 1 (voir encadreacute ci-contre) Pour ce il fallait connaitre φ(n) et donc la factorisation de n ce qui est difficile pour quelqursquoun ne connaissant pas p et q Aline publie n et e Bernard veut lui envoyer le message

m = 1 234

Pour le crypter il lrsquoeacutelegraveve agrave la puissance e = 23 et le divise par n Ceci lui donne le message crypteacute

a = 1 300

qursquoil envoie agrave Aline Celle-ci utilise d connu drsquoelle seule pour calculer le reste de la divi-sion de ad par n Ce reste est preacuteciseacutement le message m = 1 234

Lrsquoexemple eacutetait avec de petits nombres Mais comment faire les calculs quand les nombres sont gros Il faut se rappeler que ce qui nous inteacuteresse ce ne sont pas les nombres me et

ad mais seulement le reste de leur division par n Alors il ne faut pas laisser grossir les calculs Il faut plutocirct alterner entre prendre des puissances et diviser par n (Voir deacutetails dans lrsquoencadreacute)

Construire de grands nombres premiersLrsquoideacutee est la suivante Si on veut construire un grand nombre premier de 100 chiffres on geacutenegravere au hasard un nombre de 100 chiffres et on laquo teste raquo srsquoil est premier Srsquoil ne lrsquoest pas on recommence avec un autre nombre geacuteneacute-reacute au hasard jusqursquoagrave ce qursquoon tombe sur un nombre premier

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Premiegravere question combien faut-il faire de tests en moyenne Un nombre de 100 chiffres est un nombre de lrsquoordre de 10100 Le theacuteoregraveme des nombres premiers nous dit que si N est grand il y a environ N ln N nombres premiers infeacuterieurs ou eacutegaux agrave N Si on choisit au ha-sard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 la chance qursquoil soit premier est donc drsquoenviron

N1

ln1

ln101

100ln101

230100= = =

On peut faire mieux la moitieacute des nombres sont pairs et parmi les nombres impairs on peut eacuteliminer les multiples de 5 Donc si on choisit au hasard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 qui se termine par 1 3 7 ou 9 on a une chance sur 92 qursquoil soit pre-mier (40 des nombres se terminent par 1 3 7 9 et 410 de 230 donne 92) Ceci signi-fie qursquoen moyenne apregraves 92 tests on a trou-veacute un nombre premier Faire 92 tests est fa-cile pour un ordinateur

Ceci nous amegravene agrave la deuxiegraveme question que signifie laquo tester raquo qursquoun nombre p est pre-mier On a appris agrave le faire en cherchant si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p ce qui revient agrave factoriser partiellement p Mais factoriser est difficile pour un ordinateurhellip

On peut faire mieux Srsquoil est facile de tester si un nombre p est premier crsquoest parce qursquoon peut le faire sans factoriser p Lrsquoideacutee est la suivante Si p nrsquoest pas premier il laisse

ses empreintes partout Dans le test de primaliteacute de Miller-Rabin si p nrsquoest pas pre-mier au moins les trois-quarts des nombres entre 1 et p ont une empreinte de p crsquoest-agrave-dire qursquoils sont des teacutemoins du fait que p nrsquoest pas premier Le test pour deacutecider si un nombre est un teacutemoin est un peu tech-nique (voir encadreacute page ci-contre) Mais ce test est facile pour un ordinateur On choisit au hasard des nombres a1 am le p Si lrsquoun des ai est un teacutemoin on conclut que p nrsquoest pas premier Si aucun des ai nrsquoest un teacutemoin alors p a une tregraves grande chance drsquoecirctre pre-mier Par exemple si m = 100 la chance que p ne soit pas premier sachant que a1 am ne sont pas des teacutemoins est infeacuterieure ou eacutegale agrave 10ndash58 soit tregraves tregraves petite

Peut-on se fier agrave un algorithme probabiliste Les informaticiens le font reacuteguliegraverement degraves qursquoils ont besoin de grands nombres premiers et on nrsquoobserve pas de catas-trophe autour de nous On voit drsquoailleurs qursquoon pourrait transformer cet algorithme probabiliste de primaliteacute en algorithme deacute-terministe il suffirait de tester au moins le quart des nombres a isin 2 p ndash1 Si aucun nrsquoest un teacutemoin alors on peut affir-mer avec certitude que p est premier Mais cet algorithme serait sans inteacuterecirct car il requerrait de regarder si p4 nombres sont des teacutemoins alors que lrsquoalgorithme usuel de factorisation demande de regarder si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p et

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lt degraves que p gt 16

Casser le code RSA sur un ordinateur quantiqueEn 1997 Peter Shor a annonceacute un algo-rithme qui casserait le code RSA sur un ordinateur quantique qui nrsquoexiste pas encorehellip Que signifie cette affirmation Lrsquoalgorithme de Shor est simplement un autre algorithme de factorisation Il fonc-tionnerait sur un de nos ordinateurs mais il serait moins bon que les meilleurs algo-rithmes de factorisation La limite de nos ordinateurs est le paralleacutelisme On ne peut faire qursquoun nombre limiteacute drsquoopeacuterations en parallegravele

DossierApplications

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Quelques avantages de la cryptographie agrave cleacute publique

La cryptographie agrave cleacute publique est tregraves utile quand des milliers de personnes par exemple des clients peuvent vouloir envoyer leur numeacutero de carte de creacutedit agrave une mecircme compagnie

La meacutethode drsquoencryptage est publique et seule la compagnie peut deacutecrypter les messages chiffreacutes

Un autre avantage est que deux interlocuteurs nrsquoont pas besoin drsquoeacutechanger de lrsquoinformation secregravete par exemple une cleacute pour communiquer de maniegravere seacutecuritaire Il suffit que chacun publie son systegraveme de cryptographie agrave cleacute publique

Le systegraveme RSA permet de signer un message pour srsquoassurer qursquoil provient bien de la bonne personne Dans notre exemple pour que Bernard signe son message il faut qursquoil construise son propre sys-tegraveme agrave cleacute publique dont il publie la cleacute nrsquo et la cleacute de cryptage ersquo Il se servira de sa cleacute de deacutecryptage drsquo pour apposer sa signature sur le message

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un ordinateur est composeacute de transistors qui fonctionnent agrave la maniegravere drsquointerrup-teurs en ayant deux positions OUVERT et FERMEacute que lrsquoon peut coder comme des bits drsquoinformation 0 ou 1 Un nombre de 200 chiffres est infeacuterieur agrave 10200 lt 2665 et donc peut srsquoeacutecrire avec 665 bits Tester srsquoil a un diviseur premier infeacuterieur agrave 10100 lt 2333 revient agrave regarder toutes les suites de 333 bits eacutegaux agrave 0 ou 1 Un travail titanesque sauf si lrsquoordinateur a un grand paralleacutelisme Dans un ordinateur quantique les bits drsquoinformation sont des bits quantiques ils peuvent ecirctre dans un eacutetat superposeacute entre 0 et 1 Lrsquoimage que lrsquoon pourrait donner est celle drsquoun sou Une fois lanceacute il tombe sur PILE ou sur FACE Mais avant de le lancer il a probabiliteacute 12 de tomber sur PILE et probabiliteacute 12 de tomber sur FACE On pourrait dire qursquoil est dans un eacutetat superposeacute Le fait que m bits quantiques soient dans un eacutetat superposeacute implique qursquoils peuvent faire simultaneacutement les 2m opeacutera-tions diffeacuterentes correspondant agrave tous les choix de valeurs 0 ou 1 pour chacun des bits Par contre de mecircme que notre sou tombe neacutecessairement sur PILE ou sur FACE degraves qursquoon veut observer un bit quantique il prend neacutecessairement la valeur 0 ou la valeur 1 et donc on ne peut observer le reacutesultat de tous les calculs faits en parallegravele La subtiliteacute de lrsquoalgorithme de Shor vient du fait qursquoon pourra reacutecupeacuterer le reacutesultat du calcul lequel donne une factorisation de p si p nrsquoest pas premier

Le nombre 15 a eacuteteacute factoriseacute sur un ordi-nateur quantique en 2007 et en 2012 on a factoriseacute 143 = 11x13 Les progregraves semblent lents depuis ce temps Le deacutefi technologique de lrsquoordinateur quantique est de maintenir de nombreux bits en eacutetat superposeacute Ce recircve deviendra-t-il reacutealiteacute Mecircme si les progregraves semblent lents les experts y croient de plus en plus

Tester si un nombre est un teacutemoinOn veut tester si p impair est premier Alors on peut eacutecrire p ndash 1 qui est pair comme p ndash 1 = 2sd ougrave d est impair

(Il suffit de diviser p ndash 1 par 2 successive-ment jusqursquoagrave ce que le quotient soir im-pair) Soit a isin 2 p ndash1

Critegravere pour ecirctre teacutemoin Si a est un teacute-moin que p nrsquoest pas premier alors on a simultaneacutement que le reste de la division de ad par p est diffeacuterent de 1 et que les restes de la division de a d2r

par p sont diffeacuterents de p ndash 1 pour tous les r isin 0 s ndash1

Regardons un premier exemple Prenons p = 13 Alors p ndash 1 = 22 3 Ici d = 3 et s = 2 Voyons que p nrsquoa aucun teacutemoin

La premiegravere colonne du tableau agrave gauche donne a la deuxiegraveme colonne donne

le reste de la division de ad = a3 par p et la troisiegraveme colonne le reste de la division de a2d = a6 par p

On voit bien que pour chaque a soit on a un 1 dans le premiegravere colonne ou bien un 1 ou un 12 dans la deuxiegraveme colonne et donc aucun a nrsquoest un teacutemoin de 13 On sait alors que 13 est premier

Refaisons lrsquoexercice avec p = 15 Alors p ndash 1 = 2 7 Comptons combien p a de teacutemoins Ici la deuxiegraveme colonne repreacutesente le reste de la division de ad= a7 par p Tous les a sauf 14 sont des teacutemoins et chacun nous dit que 15 nrsquoest pas premier

Mais bien sucircr apprendre qursquoun nombre a est un teacutemoin que p nrsquoest pas premier ne nous apprend rien de la factorisation de p

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Le fonctionnement de lrsquoalgorithme de Shor

On veut factoriser un entier n Lrsquoalgo-rithme de Shor cherche un diviseur d de n qui soit diffeacuterent de 1 et de n Ensuite on peut iteacuterer en cherchant un diviseur de lrsquoentier S = nd Voyons qursquoil suffit de trouver un entier r tel que n divise r2 ndash 1 = (r ndash 1)(r + 1) mais n ne divise ni r ndash 1 ni r + 1 Puisque n divise r2 ndash 1 il existe un entier m tel que r2 ndash 1 = mn Soit p un facteur premier de n Alors p divise r ndash 1 ou encore p divise r + 1 Dans le premier cas d est le pgcd de r ndash 1 et n et dans le deuxiegraveme cas celui de r + 1 et n Calculer le pgcd de deux nombres par lrsquoalgorithme drsquoEuclide3 est facile pour un ordinateur Comment construire un tel entier r est un peu technique et nous ne ferons pas les deacutetails

3 Voir laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

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Si la notion de logarithme paraicirct aujourdrsquohui tout agrave fait naturelle sa conceptualisation et sa mise en œuvre au plan pratique au deacutebut

du 17e siegravecle nrsquoont point eacuteteacute une mince affaire Premiers eacutepisodes de cette foisonnante saga

Peu de temps apregraves leur introduction par John Napier (1550-1617) au tout deacutebut du 17e siegravecle les logarithmes se sont rapidement imposeacutes comme un laquo merveilleux raquo1 outil essentiel en astronomie et en navigation deux domaines scientifiques particuliegraverement avanceacutes agrave cette eacutepoque et qui venaient avec leur lot de calculs proprement titanesques Crsquoest dans un tel contexte qursquoil faut entendre le ceacutelegravebre aphorisme ducirc au matheacutematicien physicien et astronome franccedilais Pierre-Simon Laplace2 (1749-1827) qui srsquointeacuteressant dans le cadre drsquoun survol historique de lrsquoastronomie aux travaux de Johannes Kepler (1571-1630) affirmait que la deacutecouverte des logarithmes mdash combineacutee agrave lrsquoarithmeacutetique des Indiens crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecriture des nombres dans un systegraveme positionnel mdash avait pour ainsi dire doubleacute la vie des astronomes (voir encadreacute)

La preacutehistoire des logarithmesIssu entiegraverement de lrsquolaquo esprit humain raquo selon les dires de Laplace le concept de logarithme repose sur une ideacutee somme toute assez na-turelle consideacuterant diverses puissances drsquoun mecircme nombre on porte lrsquoattention sur les exposants de ces puissances Par exemple srsquoagissant des entiers

64 256 1024 et 4096crsquoest-agrave-dire respectivement

43 44 45 et 46on envisage plutocirct les exposants

3 4 5 et 6

Sur la base de ces donneacutees on pourrait conclure immeacutediatement mdash si on dispose drsquoune table de puissances de 4 mdash que

256 times 4 096 = 1 048 576prenant appui sur le fait que

44 times 46 = 44 + 6 = 410

(on applique ici une regravegle de base des exposants qui va de soi lorsque ceux-ci sont des entiers naturels) Il nrsquoest pas eacutetonnant que des telles intuitions aient pu se retrouver il y a fort longtemps

Jeacuterocircme Camireacute-Bernier

Bernard R Hodgson Universiteacute Laval

1 Renvoi agrave lrsquoeacutepithegravete mirifique (archaiumlque de nos jours) utiliseacutee par Napier lui-mecircme Lrsquoex-pression mirifique invention de notre titre est emprunteacutee agrave Jean-Pierre Friedelmeyer (voir le Pour en savoir plus)

2 Alias Pierre-Simon de Laplace Aussi homme politique il fut nommeacute marquis en 1817 (drsquoougrave la particule nobiliaire)

Laplace agrave propos des logarithmeslaquo Il [Kepler] eut dans ses derniegraveres anneacutees lrsquoavantage de voir naicirctre et drsquoemployer la deacutecouverte des logarithmes due agrave Neper baron eacutecossais artifice admirable ajouteacute agrave lrsquoingeacutenieux algorithme des Indiens et qui en reacuteduisant agrave quelques jours le travail de plusieurs mois double si lrsquoon peut ainsi dire la vie des astronomes et leur eacutepargne les erreurs et les deacutegoucircts inseacuteparables des longs calculs invention drsquoautant plus satis-

faisante pour lrsquoesprit humain qursquoil lrsquoa tireacutee en entier de son propre fonds dans les arts lrsquohomme se sert des mateacuteriaux et des forces de la nature pour accroicirctre sa puissance mais ici tout est son ouvrage raquo

Exposition du systegraveme du monde Livre V Chapitre IV

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

Un peu de vocabulaire

Eacutetant donneacute deux reacuteels (positifs) x et y leur moyenne arithmeacutetique

est donneacutee par x y2+ et leur moyenne geacuteomeacutetrique par xy

Ces appellations trouvent leur origine dans les matheacutematiques grecques de lrsquoAntiquiteacute notamment de lrsquoeacutepoque de Pythagore

Lrsquoarithmeacutetique de lrsquoeacutecole pythagoricienne portant sur lrsquoeacutetude des entiers (et des rapports simples drsquoentiers) on voit immeacutediatement pourquoi la premiegravere moyenne est dite laquo arithmeacutetique raquo Quant agrave la moyenne laquo geacuteomeacutetrique raquo elle fait intervenir une opeacuteration qui megravene agrave des grandeurs geacuteneacuteralement au-delagrave du champ des entiers Or le domaine qui eacutetudie les grandeurs par exemple les segments de droite est justement la geacuteomeacutetrie

On peut montrer que dans une suite arithmeacutetique un terme donneacute (agrave partir du deuxiegraveme) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins Et de mecircme mutatis mutandis pour une suite geacuteomeacutetrique (Voir la Section problegravemes)

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Ainsi sur la partie infeacuterieure de la tablette meacutesopotamienne MLC 020783 datant drsquoentre 1900 et 1600 avant notre egravere se trouve le tableau ci-haut (les nombres sont donneacutes ici en notation moderne et non en eacutecriture cu-neacuteiforme) on y reconnaicirct immeacutediatement la liste des premiegraveres puissances de 2 ainsi que les exposants correspondants

Lrsquousage a consacreacute lrsquoexpression suite arith-meacutetique (ou progression arithmeacutetique selon une tournure un brin suranneacutee) pour une liste de nombres qui comme dans la colonne de droite de ce tableau croissent (ou deacutecroissent) reacuteguliegraverement de maniegravere additive

a a + d a + 2d a + nd

a repreacutesentant le premier terme de la suite et d la diffeacuterence entre deux termes conseacute-cutifs mdash crsquoest-agrave-dire de combien lrsquoun de ces termes est plus grand que lrsquoautre4 (Le tableau preacuteceacutedent correspond au cas ougrave a = 1 et d = 1) Lorsque les nombres de la liste sont relieacutes multiplicativement

a ar ar2 arn

on parlera de suite (ou progression) geacuteomeacute-trique la constante r repreacutesentant cette fois le rapport entre deux termes conseacutecutifs mdash crsquoest-agrave-dire combien de fois lrsquoun est plus grand que lrsquoautre4 (Dans la colonne de gauche du tableau on a a = 2 et r = 2) (Voir lrsquoencadreacute Un peu de vocabulaire pour le sens des mots laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo dans un tel contexte)

Selon cette nomenclature la tablette MLC 02078 peut donc srsquointerpreacuteter comme la mise en comparaison de deux suites lrsquoune arithmeacutetique et lrsquoautre geacuteomeacutetrique Ce type de situation se retrouve agrave diverses eacutepoques au fil des acircges Ainsi en est-il question dans un autre document de lrsquoAntiquiteacute LrsquoAreacutenaire traiteacute dans lequel Archimegravede (-287 ndash -212) se donne comme objectif de deacuteterminer le nombre de grains de sable dont le volume serait eacutegal agrave celui du laquo monde raquo5 Parmi les outils dont se sert alors le grand matheacutematicien grec se retrouve la manipulation simultaneacutee drsquoune suite arithmeacutetique et drsquoune suite geacuteomeacutetrique ce qui lrsquoamegravene (en termes modernes) agrave identifier au passage la regravegle drsquoaddition des exposants

bm times bn = bm +n

(voir la Section problegravemes) et donc le prin-cipe de transformation drsquoune multiplication en une addition agrave la base des logarithmes

3 Pour Morgan Library Collection Cette tablette se retrouve dans la collection de lrsquoUniversiteacute Yale aux Eacutetats-Unis

4 Cette faccedilon de parler est utiliseacutee par Euler lorsqursquoil introduit les notions de rapports arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique dans ses Eacuteleacutements drsquoalgegravebre (1774) mdash voir Section troisiegraveme laquo Des rapports amp des propor-tions raquo entre autres les articles 378 398 et 505

5 Une des difficulteacutes auxquelles fait ici face Archimegravede est de reacutealiser cet objectif dans le cadre du systegraveme de numeacuteration grec qui nrsquoeacutetait pas propice pour exprimer aiseacutement de tregraves grands nombres Mais cela est une autre histoirehellip

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Tablette MLC 02078 (1900-1600 avant notre egravere)

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Cette mecircme ideacutee se retrouve plusieurs siegravecles plus tard dans Le Triparty en la science des nombres (1484) du Franccedilais Nicolas Chuquet (1445-1488) Dans la troisiegraveme partie de cet ouvrage Chuquet introduit des regravegles cal-culatoires de nature algeacutebrique Il srsquointeacuteresse alors notamment aux valeurs des puis-sances de 2 depuis 1 jusqursquoagrave 1 048 576 qursquoil aligne en colonnes avec les exposants entiers correspondants (qursquoil appelle laquo deacuteno-minations raquo) de 0 jusqursquoagrave 20 et note que la multiplication de nombres de la premiegravere colonne correspond agrave lrsquoaddition de nombres dans la seconde Il identifie aussi une autre regravegle de base des exposants

b b( )m n mn=(encore une fois exprimeacutee ici en notation moderne) Agrave noter que Chuquet utilise une notation avec indice sureacuteleveacute (comme nous le faisons aujourdrsquohui)6 et qursquoen plus de lrsquoexposant 0 il considegravere des exposants (entiers) neacutegatifs Au milieu du 16e siegravecle lrsquoAllemand Michael Stifel (1487-1567) reprendra les mecircmes thegravemes dans son Arithmetica integra (1544) ougrave il parle expli-citement de la relation entre une progression arithmeacutetique et une progression geacuteomeacutetrique Crsquoest drsquoailleurs agrave Stifel que lrsquoon doit le vocable exposants pour deacutesigner les nombres de la suite arithmeacutetique en jeu

Si quelques-uns des principes servant de fondements agrave la notion de logarithme se per-ccediloivent dans les commentaires qui preacutecegravedent on est encore loin du logarithme en tant que tel Pour qursquoune correspondance entre une suite geacuteomeacutetrique et une suite arithmeacutetique devienne un veacuteritable outil de calcul il faut en effet laquo boucher les trous raquo entre les puissances (entiegraveres) successives Il peut ecirctre inteacuteressant comme le souligne Chuquet de conclure gracircce agrave sa table des puissances de 2 que le produit de 128 et 512 est 65 536 Mais cela ne nous renseigne en rien par exemple sur le produit 345 times 678 On voit mecircme Chuquet dans un appendice au Tripar-ty chercher agrave reacutesoudre des problegravemes dans lesquels un exposant fractionnaire est rechercheacute mdash mais sans deacutevelopper pour autant drsquoapproche systeacutematique agrave cette fin

Certains eacuteleacutements (timides) agrave cet eacutegard se retrouvent il y a fort longtemps Ainsi le tableau numeacuterique ci-contre figure lui aussi sur la tablette MLC 02078 (dans sa partie supeacuterieure) On y voit une progression arith-meacutetique de diffeacuterence frac-tionnaire ecirctre juxtaposeacutee agrave une progression geacuteomeacutetrique agrave savoir des puissances de 16 Mais peu semble avoir eacuteteacute fait pour pousser plus loin de telles asso-ciations jusqursquoagrave lrsquoarriveacutee de Napier

Les logarithmes agrave la NapierTout eacutetudiant est aujourdrsquohui familier avec le fait que le passage drsquoun nombre donneacute agrave son logarithme (selon une certaine base) revient agrave identifier lrsquoexposant dont il faut affecter cette base pour retrouver le nombre en cause Ayant fixeacute un reacuteel b (positif et diffeacuterent de 1) et consideacuterant un reacuteel positif x le logarithme de x dans la base b noteacute logbx est donc par deacutefinition lrsquoexposant (reacuteel) u tel que bu = x Une telle vision il faut le souligner demeure relativement tardive par rapport agrave lrsquointuition originale de logarithme nrsquoeacutetant devenue la norme que pregraves drsquoun siegravecle et demi apregraves les travaux de lrsquoEacutecossais John Napier7 mdash voir lrsquoencadreacute Les traiteacutes de Napier mdash lorsque Leonhard Euler (1707-1783) en a fait la pierre drsquoassise de son traitement de la fonction logarithmique8 dans son Introduc-tio in analysin infinitorum (1748) Acceptant les proprieacuteteacutes de la fonction exponentielle bu pour des reacuteels b et u quelconques on tire im-meacutediatement de cette deacutefinition la proprieacuteteacute de base du logarithme

logb xy = logb x + logb y

ce qui permet de transformer une multi-plication en une addition de mecircme que les eacutegaliteacutes similaires pour le logarithme drsquoun quotient ou drsquoune puissance

DossierHistoire

6 La notation exponentielle aujourdrsquohui usuelle telle a2 ou a3 se reacutepandra apregraves son utilisa-tion par Reneacute Descartes (1596-1650) dans son traiteacute La geacuteomeacutetrie (1637)

7 Voir Andreacute Ross laquo John Napier raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 8-11

8 Cette approche drsquoEuler peut ecirctre vue comme une illustration remarquable de lrsquoim-pact drsquoune bonne notation en vue de clarifier et faciliter la deacutemarche de la penseacutee

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

On observera que lrsquoideacutee drsquoun lien entre deux suites lrsquoune geacuteomeacutetrique et lrsquoautre arithmeacutetique bien que sous-jacente agrave la derniegravere eacutegaliteacute nrsquoest pas pour autant expli-citement mise en eacutevidence dans cette vision moderne (post-euleacuterienne) du logarithme Or agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier introduit ses loga-rithmes lrsquoideacutee de laquo fonction raquo nrsquoest pas dans lrsquoair du temps mdash elle ne surgira de fait que vers la fin du 17e siegravecle dans la mouvance des travaux sur le calcul infiniteacutesimal mdash de sorte que la comparaison de suites (geacuteomeacutetrique et arithmeacutetique) demeure la principale source drsquoinspiration de ses travaux

Une autre mouvance de lrsquoeacutepoque visait agrave se doter drsquooutils permettant de simplifier lrsquoexeacutecution de calculs arithmeacutetiques portant sur de gros nombres Dans un texte preacuteceacute-dent9 nous avons preacutesenteacute entre autres la meacutethode de prosthapheacuteregravese utiliseacutee vers la fin du 16e siegravecle en vue de transformer une multiplication en addition ou une division en soustraction La populariteacute de telles meacutethodes notamment dans les cercles astronomiques a certainement contribueacute agrave convaincre Napier de lrsquoimportance de deacuteve-lopper des outils permettant de raccourcir les calculs y compris dans le cas de lrsquoexponen-tiation ou de lrsquoextraction de racine Il en fait drsquoailleurs mention explicitement dans la preacute-face de son Descriptio Soulignant le caractegravere peacutenible dans la pratique des matheacutematiques de la multiplication division ou extraction de racine carreacutee ou cubique de grands nombres Napier insiste non seulement sur le temps re-quis pour exeacutecuter ces opeacuterations mais aus-si sur les nombreuses erreurs qui peuvent en reacutesulter Agrave la recherche drsquoune meacutethode sucircre et expeacuteditive afin de contourner ces difficul-teacutes il annonce qursquoapregraves lrsquoexamen de plusieurs proceacutedeacutes il en a retenu un qui rencontre ses attentes

laquo Agrave la veacuteriteacute aucun proceacutedeacute nrsquoest plus utile que la meacutethode que jrsquoai trouveacutee Car tous les nombres utiliseacutes dans les multiplica-tions les divisions et les extractions ar-

dues et prolixes de racines sont rejeteacutes des opeacuterations et agrave leur place sont substitueacutes drsquoautres nombres sur lesquels les calculs se font seulement par des additions des soustractions et des divisions par deux et par trois raquo10

La vision geacuteomeacutetrico- cineacutematique de NapierUn troisiegraveme eacuteleacutement sur lequel srsquoappuie Napier dans sa creacuteation des logarithmes est la geacuteomeacutetrie mdash plus preacuteciseacutement la geacuteomeacutetrie du mouvement Il a en effet lrsquoideacutee de comparer le deacuteplacement de deux points lrsquoun bougeant selon une vitesse11 variant de maniegravere telle que les distances parcourues en des intervalles de temps eacutegaux forment une progression geacuteomeacute-trique tandis que lrsquoautre point bougeant agrave vitesse constante deacute-termine des distances en progression arith-meacutetique Le support geacuteomeacutetrique dont se sert alors Napier peut se deacutecrire comme suit

9 Voir laquo Eacutemergence logarithmique tables et calculs raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 2-7

10 Tireacute de la preacuteface du Mirifici logarithmorum canonis descriptio (traduction personnelle)

11 Napier introduit lrsquoideacutee de mouvement degraves la deacutefinition 1 du Descriptio Il utilise explicite-ment le terme laquo vitesse raquo agrave la deacutefinition 5

Les traiteacutes de NapierCrsquoest degraves lrsquoanneacutee 1594 que Na-pier entame les travaux qui lrsquoamegraveneront agrave la notion de loga-rithme En 1614 il fait connaicirctre son invention en publiant un premier traiteacute sur le sujet mdash reacutedigeacute en latin la langue des savants de lrsquoeacutepoque Mirifici lo-garithmorum canonis descrip-tio (crsquoest-agrave-dire Description de la merveilleuse regravegle des loga-rithmes) Il srsquoagit de la premiegravere publication drsquoune table de lo-garithmes qui occupent les 90 derniegraveres pages du traiteacute Cette table est preacuteceacutedeacutee drsquoun texte de 57 pages ougrave Napier explique

ce que sont les logarithmes et comment les utiliser

Un second traiteacute de Napier sur le sujet est un ouvrage reacutedigeacute avant la parution du Descriptio mais publieacute par lrsquoun de ses fils seulement en 1619 deux ans apregraves sa mort Mirifici loga-rithmorum canonis constructio (Construction de la merveilleuse regravegle des logarithmes) Dans un texte drsquoenviron 35 pages (ac-compagneacute drsquoappendices) Na-pier preacutesente la theacuteorie sur la-quelle il srsquoest appuyeacute pour construire sa table

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Eacutetant donneacute un segment AB de longueur deacutetermineacutee il considegravere un point P partant de A avec une vitesse initiale donneacutee et se deacuteplaccedilant vers B en une seacuterie de laquo pas raquo P1 P2 P3 Pn

Napier stipule (Descriptio deacutefinition 2) que la vitesse de deacuteplacement de P le long de AB deacutecroicirct de maniegravere telle que en des temps eacutegaux la longueur de chacun des inter-valles AP1 P1P2 P2P3 P3P4 successivement parcourus par P est proportionnelle agrave la dis-tance seacuteparant P de sa cible B (lorsqursquoil est agrave lrsquoextreacutemiteacute gauche de chaque intervalle)12

APAB

P PP B

P PP B

P PP B

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On tire immeacutediatement de ces eacutegaliteacutes que

P BAB

P BP B

P BP B

P BP B

1 2

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= = = =

(voir la Section problegravemes) de sorte que la suite de segments AB P1B P2B P3B qui correspond aux distances entre les diverses positions de P et lrsquoextreacutemiteacute B forme une suite geacuteomeacutetrique deacutecroissante (Construc-tio article 24) la longueur de chacun drsquoeux est en effet la moyenne geacuteomeacutetrique de ses deux voisins Napier considegravere alors un second point Q se deacuteplaccedilant agrave vitesse constante sur une demi-droite (donc illimiteacutee dans un sens) et de maniegravere telle qursquoau moment ougrave P passe par Pi le point Q est en un point Qi = i (voir la Section problegravemes)

Lrsquoideacutee de Napier est drsquoassocier la suite arith-meacutetique

0 1 2 3 n

correspondant aux positions successives de Q agrave la suite geacuteomeacutetrique deacutetermineacutee par les segments

AB P1B P2B P3B PnB

Mais pour que cette association soit com-plegravete il faut la geacuteneacuteraliser agrave un emplacement quelconque de P sur AB outre les positions laquo discregravetes raquo P1 P2 P3 Voici le tour de passe-passe permettant agrave Napier de contourner cette difficulteacute

Puisque des distances parcourues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est propor-tionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (voir la Section problegravemes) Ainsi quand P est agrave mi-chemin dans son trajet de A vers B sa vitesse a diminueacute de moitieacute par rapport agrave sa vitesse initiale Et quand il est rendu aux deux-tiers de lrsquointervalle AB sa vitesse ne vaut plus que le tiers de celle de deacutepart

Passant agrave une vision laquo lisse raquo mdash et non plus par laquo pas raquo mdash du deacuteplacement de P Napier en vient agrave consideacuterer ce point comme chan-geant laquo continucircment raquo de vitesse13 mdash et non pas de maniegravere abrupte et instantaneacutee en chaque point Pi Pour rester dans les mecircmes conditions que preacuteceacutedemment il suppose donc que P se deacuteplace laquo geacuteomeacute-triquement raquo de A vers B crsquoest-agrave-dire de maniegravere telle que la vitesse de P est toujours proportionnelle agrave la distance qui le seacutepare de B (Constructio article 25)

Les laquo logarithmes agrave la Napier raquo sont main-tenant agrave porteacutee de main Supposant drsquoune part que les deux points P et Q entament leur deacuteplacement agrave la mecircme vitesse le premier selon une vitesse deacutecroissant geacuteomeacutetriquement de A vers B et le second agrave vitesse constante agrave partir de 0 et suppo-sant de plus que le point Q est en y lorsque le point P est agrave une distance x de B alors y est appeleacute par Napier le logarithme de x (On eacutecrira ici par commoditeacute y = Nlog(x))

Crsquoest ainsi que le logarithme du reacuteel x est le reacuteel y deacutetermineacute par la suite arithmeacutetique associeacutee agrave la suite geacuteomeacutetrique correspon-dant agrave x

DossierHistoire

12 On notera au passage que le point P nrsquoat-teint ainsi jamais sa cible B car agrave chaque eacutetape il gruge toujours la mecircme fraction du chemin restant agrave parcourir

13 Napier nrsquoutilise pas explicitement une telle terminologie

0 y

x

Q rarrA

P rarr

B

A

P1 P2 P3 P4 Pn

B

0 1 2 3 4 n

Q1 Q2 Q3 Q4 Qn

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Valeurs numeacuteriques des logarithmes de NapierPlusieurs aspects de la notion de logarithme telle que conccedilue et mise en œuvre par Na-pier peuvent nous sembler un peu eacutetranges aujourdrsquohui On a deacutejagrave insisteacute sur la place qursquoy occupent les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique maintenant absentes du discours sur les logarithmes Une autre par-ticulariteacute est relieacutee aux valeurs numeacuteriques mecircmes deacutetermineacutees par Napier

Une motivation cleacute de Napier eacutetait de construire un outil facilitant les calculs tri-gonomeacutetriques un domaine drsquoapplication des matheacutematiques de toute premiegravere importance agrave son eacutepoque Crsquoest pour cette raison que la table produite par Napier dans son Descriptio repose non pas sur des nombres en geacuteneacuteral mais plutocirct sur le sinus des angles allant de 0deg agrave 90deg chaque degreacute eacutetant diviseacute en 60 minutes Agrave chacune de ces valeurs de sinus (il y en a donc 5 400 en tout) Napier associe son logarithme tel que deacutefini ci-haut

Il faut par ailleurs souligner que la notion de sinus de lrsquoeacutepoque nrsquoest pas tout agrave fait la mecircme qursquoaujourdrsquohui le sinus est alors non pas vu comme un rapport de cocircteacutes dans un triangle mais plutocirct comme la longueur drsquoune demi-corde dans un cercle donneacute Afin de faciliter les calculs il eacutetait drsquousage de travailler avec un cercle de grand rayon de maniegravere agrave eacuteviter lrsquoemploi de fractions et agrave se res-treindre agrave des nombres naturels Or agrave la fin du 16e siegravecle agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier entreprit ses travaux crsquoest sur un cercle de rayon 10 000 000 que srsquoappuyaient certaines des tables trigonomeacutetriques alors en circula-tion14 Crsquoest sans doute lagrave la raison pour laquelle Napier deacutecide de se servir de cette mecircme valeur pour asseoir la construction de sa table logarithmique

Il se dote donc drsquoun segment AB de longueur 107 = 10 000 000 (Constructio article 24) et il suppose que la vitesse initiale de chacun des deux points P et Q est aussi 107 (Constructio articles 25 et 26) Dans le cas de Q cette

vitesse demeure constante alors que pour P elle deacutecroicirct laquo geacuteomeacutetriquement raquo15 Or le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique doit permettre de combler les eacutecarts entre des puissances entiegraveres successives mdash voir agrave ce propos les commentaires plus haut mdash de sorte qursquoil est utile que ce rapport soit un nombre pregraves de 1 Agrave cet effet Napier choisit comme rapport

0999 999 9 11

107= minus

(Constructio articles 14 et 16) Une telle valeur a aussi comme avantage que le calcul de termes successifs de la progression geacuteomeacutetrique peut se ramener agrave une seacuterie de soustractions plutocirct que des multiplica-tions iteacutereacutees par 1 ndash 10ndash7 ce qui a permis agrave Napier de simplifier dans une large mesure la construction de sa table Cette construction demeure neacuteanmoins en pratique un accom-plissement eacutepoustouflant

On observera que les valeurs numeacuteriques des logarithmes creacuteeacutes par Napier sont fort diffeacuterentes de celles que lrsquoon connaicirct aujourdrsquohui Ainsi on a que Nlog(107) = 0 Et Nlog(x) deacutecroicirct lorsque x croicirct De plus il nrsquoest pas question de laquo base raquo dans les propos de Napier (voir agrave ce sujet la Section problegravemes) Mais lrsquoessence du logarithme est bel et bien lagrave

14 De telles tables trigonomeacutetriques ont eacuteteacute construites par Johann Muumlller alias Regio-montanus (1436-1476) et par Georg Joachim de Porris dit Rheticus (1514-1574)

15 Les valeurs choisies par Napier ont pour conseacutequence que la vitesse de P (en tant que nombre) est non seulement proportion-nelle mais est de fait eacutegale agrave la distance de P agrave B (voir la Section problegravemes)

Agrave propos de lrsquoeacutetymologie du mot logarithme

Napier a forgeacute le mot logarithme agrave partir de deux racines grecques drsquousage courant logoς laquo rapport raquo et ariqmoς laquo nombre raquo On peut voir le mot rapport ici comme refleacutetant le rapport commun des termes successifs de la suite geacuteomeacutetrique AB P1B P2B P3B

Au commencement de ses travaux Napier appelait nombres artificiels les valeurs de la suite arithmeacutetique peut-ecirctre pour les opposer aux nombres de la suite geacuteomeacute-trique qui eacutetaient en quelque sorte don-neacutes Mais le terme logarithme srsquoest rapide-ment imposeacute

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Doss

ierA

pplic

atio

ns

Comment ameacuteliorer une solution imparfaite agrave un problegraveme complexe

Et si on srsquoinspirait de la nature pour faire eacutevoluer les solutions

Lrsquoinspiration de la nature En 1859 le naturaliste Charles Darwin a publieacute son ceacutelegravebre ouvrage Lrsquoorigine des espegraveces qui preacutesentait une theacuteorie visant agrave expliquer le pheacutenomegravene de lrsquoeacutevolution Cette theacuteorie reacutevolutionnaire a provoqueacute plusieurs deacutebats agrave lrsquoeacutepoque mais elle est maintenant largement accepteacutee Environ 100 ans plus tard elle a inspireacute le professeur John Holland qui a tenteacute drsquoimpleacutementer artificiellement des systegravemes eacutevolutifs baseacutes sur le proces-sus de seacutelection naturelle Ces travaux ont

ensuite meneacute aux algorithmes geacuteneacutetiques qui sont maintenant utiliseacutes pour obtenir des solutions approcheacutees pour certains problegravemes drsquooptimisation difficiles

Les eacuteleacutements de base drsquoun algorithme geacuteneacutetiqueAfin de comprendre lrsquoanalogie entre le processus de seacutelection naturelle et un algo-rithme geacuteneacutetique rappelons tout drsquoabord les meacutecanismes les plus importants qui sont agrave la base de lrsquoeacutevolution

1 Lrsquoeacutevolution se produit sur des chromo-somes qui repreacutesentent chacun des individus dans une population

2 Le processus de seacutelection naturelle fait en sorte que les chromo-somes les mieux adapteacutes se reproduisent plus souvent et contribuent davantage aux popu- lations futures

3 Lors de la reproduction lrsquoinfor- mation contenue dans les chromosomes des parents est combineacutee et meacutelangeacutee pour produire les chromosomes des enfants (laquo croisement raquo)

4 Le reacutesultat du croisement peut agrave son tour ecirctre modifieacute par des perturbations aleacuteatoires (muta-tions)

Ces meacutecanismes peuvent ecirctre utiliseacutes pour speacutecifier un algorithme geacuteneacutetique tel que celui deacutecrit dans lrsquoencadreacute ci-dessous

Charles Fleurent GIRO

Algorithmes geacuteneacutetiques

Les travaux sur lrsquoeacutevolution des espegraveces vivantes du natura-liste et paleacuteontologue anglais Charles Darwin (1809-1882) ont reacutevolutionneacute la biologie Dans son ouvrage intituleacute LrsquoOrigine des espegraveces paru en 1859 Darwin preacutesente le reacutesultat de ses recherches Darwin eacutetait deacutejagrave ceacutelegravebre au sein de la communauteacute scientifique de son eacutepoque

pour son travail sur le terrain et ses recherches en geacuteologie Ses travaux srsquoinscrivent dans la fouleacutee de ceux du natura-liste franccedilais Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) qui 50 ans plus tocirct avait eacutemis lrsquohypothegravese que toutes les espegraveces vivantes ont eacutevolueacute au cours du temps agrave partir drsquoun seul ou de quelques ancecirctres communs Darwin a soutenu avec Alfred Russel Wallace (1823-1913) que cette eacutevolution eacutetait due au processus dit de la laquo seacutelection naturelle raquo

Comme il naicirct beaucoup plus drsquoindividus de chaque espegravece qursquoil nrsquoen peut survivre et que par conseacutequent il se produit souvent une lutte pour la vie il srsquoensuit que tout ecirctre srsquoil varie mecircme leacutegegraverement drsquoune maniegravere qui lui est profitable dans les conditions complexes et quelque-fois variables de la vie aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi drsquoune faccedilon naturelle En raison du principe dominant de lrsquoheacutereacutediteacute toute varieacuteteacute ainsi choisie aura tendance agrave se multiplier sous sa forme nouvelle et modifieacutee

Charles Darwin 1859 Introduction agrave LrsquoOrigine des espegraveces

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Pour adapter un algorithme geacuteneacutetique agrave un problegraveme drsquooptimisation combinatoire il suf-fit alors de speacutecialiser certaines composantes agrave la structure particuliegravere de ce dernier En geacuteneacuteral les deacutecisions portent sur les aspects suivants

Codage des solutions il faut eacutetablir une correspondance entre les solutions du problegraveme et les chromosomes

Opeacuterateurs geacuteneacutetiques il faut deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation pour les chromosomes

Eacutevaluation des chromosomes la me-sure drsquoadaptation des chromosomes agrave leur environnement est donneacutee par une fonction qui est calculeacutee par un processus plus ou moins complexe

Il existe plusieurs moyens pour mettre en œuvre certains des meacutecanismes importants drsquoun algorithme geacuteneacutetique Par exemple la seacutelection des parents peut srsquoeffectuer de diverses faccedilons Dans une population P = x1 x2 hellip xN ougrave la mesure drsquoadaptation drsquoun individu est eacutevalueacutee par une fonction ƒ lrsquoopeacuterateur classique consiste agrave associer agrave chaque individu xi une probabiliteacute pi drsquoecirctre seacutelectionneacute proportionnelle agrave la valeur de f pour cet individu crsquoest-agrave-dire

pf x

f x( )

( )i

i

jj Psum

=

isin

En pratique on utilise souvent drsquoautres meacute-thodes de seacutelection pouvant se parameacutetrer plus facilement Ainsi dans la seacutelection par tournoi un ensemble drsquoindividus est seacutelec-tionneacute aleacuteatoirement dont les meilleurs eacuteleacute-ments seulement sont retenus Pour choi-sir deux parents on peut donc seacutelectionner aleacuteatoirement 5 individus et ne garder que les deux meilleurs Dans drsquoautres meacutethodes les individus sont ordonneacutes selon leur va-leur pour la fonction ƒ et la seacutelection srsquoeffec-tue aleacuteatoirement selon le rang occupeacute par chaque individu On utilise alors une distri-bution biaiseacutee en faveur des individus en tecircte de liste

Un autre meacutecanisme important est le mode de remplacement des individus de la popula-tion Dans le modegravele original chaque popu-lation de N individus est totalement rempla-ceacutee agrave chaque geacuteneacuteration Drsquoautres strateacutegies laquo eacutelitistes raquo font en sorte drsquoassurer agrave chaque geacuteneacuteration la survie des meilleurs individus de la population Crsquoest le cas entre autres des modegraveles laquo stationnaires raquo ougrave un nombre res-treint drsquoindividus est remplaceacute agrave chaque geacute-neacuteration Dans ce cas on ajoute souvent des meacutecanismes suppleacutementaires empecircchant lrsquoajout drsquoindividus identiques (doublons) dans la population Des implantations plus eacutevo-lueacutees existent eacutegalement pour des architec-tures parallegraveles

Un algorithme geacuteneacutetique 1 Construire une population initiale de N

solutions

2 Eacutevaluer chacun des individus de la population

3 Geacuteneacuterer de nouvelles solutions en seacutelectionnant les parents de faccedilon proportionnelle agrave leur eacutevaluation Appliquer les opeacuterateurs de croisement et de mutation lors de la reproduction

4 Lorsque N nouveaux individus ont eacuteteacute geacuteneacutereacutes ils remplacent alors lrsquoancienne population Les individus de la nouvelle population sont eacutevalueacutes agrave leur tour

5 Si le temps alloueacute nrsquoest pas deacutepasseacute (ou le nombre de geacuteneacuterations maximal nrsquoest pas atteint) retourner agrave lrsquoeacutetape 3

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Repreacutesentation des solutions et opeacuterateurs geacuteneacutetiquesLes premiers algorithmes geacuteneacutetiques utili-saient tous une repreacutesentation binaire ougrave chaque solution s est codeacutee sous la forme drsquoune chaicircne de bits de longueur n ie s[i ] isin 0 1 foralli =1 2 hellip n Pour cette repreacute-sentation lrsquoopeacuterateur de croisement classique agrave un point consiste agrave choisir de faccedilon uniforme une position de coupure aleacuteatoire l isin 1 2 hellip nminus1 Si les parents p1 et p2 ont eacuteteacute seacutelectionneacutes pour la reproduction les solutions enfants e1 et e2 sont alors construites de la faccedilon suivante

e1[i ] = p1[i ] foralli isin1 hellip l e1[i ] = p2[i ] foralli isinl + 1 hellip n e2 [i ] = p2[i ] foralli isin1 hellip l e2 [i ] = p1[i ] foralli isinl + 1 hellip nLorsqursquoon itegravere avec drsquoautres paires de parents on choisit aleacuteatoirement pour chaque paire de parents un nouvel opeacuterateur de croisement agrave un point Lrsquoopeacuterateur agrave un point peut se geacuteneacuteraliser en seacutelectionnant k positions aleacuteatoires plutocirct qursquoune seule Dans ce cas les enfants sont produits en eacutechan-geant lrsquoinformation chromosomique entre les k points de coupure En pratique la valeur k = 2 est couramment utiliseacutee Un autre opeacuterateur tregraves populaire (croisement uni-forme) utilise une chaicircne de bits geacuteneacutereacutee aleacuteatoirement pour engendrer les enfants Pour chaque position le choix aleacuteatoire in-dique quel parent deacuteterminera la valeur des enfants Des exemples des opeacuterateurs de croisement agrave un point agrave deux points et uniforme sont illustreacutes dans les tableaux suivants Des reacutesultats theacuteoriques et empi-riques indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme donne geacuteneacuteralement des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux produits par les deux autres

Opeacuterateur de croisement agrave un point

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 0 1 1

0 1 0 1 0 1 1 0 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement agrave deux points

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 1 0 1

0 1 0 1 0 1 0 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement uniforme

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 1 0 1 1 1 0 0 1

0 1 1 0 1 0 1 0 0

0 0 0 1 0 1 1 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Chaicircnealeacuteatoirede bits

Avec une repreacutesentation binaire on utilise geacuteneacuteralement lrsquoopeacuterateur de mutation clas-sique qui consiste agrave changer aleacuteatoirement un bit pour son compleacutement

Opeacuterateur de mutation classique

Enfant 1 0 0 1 0 1 1 0 1

1 1 0 1 0 1 1 0 0Enfant

Mutationsaleacuteatoires

DossierApplications

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Un exemple le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteennePour certains problegravemes la repreacutesentation binaire des solutions est tout agrave fait intuitive et bien adapteacutee Crsquoest le cas par exemple du problegraveme de satisfaisabiliteacute (SAT) Eacutetant donneacute une expression logique F de n variables boo-leacuteennes x1 x2 hellip xn (voir encadreacute) ce problegraveme fondamental (qui est agrave la base de la theacuteorie de la NP-compleacutetude) consiste agrave trouver une affectation aux variables de faccedilon agrave satisfaire F En eacutetablissant les correspondances faux harr 0 vrai harr 1 on peut repreacutesenter chaque solution par une chaicircne binaire de longueur n et utiliser les opeacuterateurs geacuteneacute-tiques classiques deacutecrits preacuteceacutedemment

Pour eacutevaluer les solutions lrsquoexpression logique F peut ecirctre exprimeacutee comme une conjonction (voir encadreacute) de m clauses

F = Cj j =1

m

Chaque clause est alors deacutefinie par une disjonction de variables booleacuteennes dont certaines sont associeacutees agrave un opeacuterateur de neacutegation (indiqueacute par le symbole ndash ) Pour satisfaire F il faut donc satisfaire toutes ses clauses Pour un algorithme geacuteneacutetique chaque solution peut ecirctre simplement eacuteva-lueacutee par le nombre de clauses qursquoelle satisfait par exemple noteacute par f Si on considegravere par exemple lrsquoexpression suivante pour F

= and or and or or

and or or or

and or or or or

F x x x x x x

x x x x

x x x x x

( ) ( ) ( )

( )

( )

1 1 2 1 2 3

1 2 3 4

1 2 3 4 5

la solution (1 0 1 0 0) satisfait toutes les clauses sauf la premiegravere alors que la solution (0 1 1 0 1) satisfait toutes les clauses et donc lrsquoexpression F

Avec une repreacutesentation des chro-mosomes une fonction drsquoadaptation f et des opeacuterateurs de croisement et de mutation nous avons tous les eacuteleacutements pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique simple pour le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteenne Le processus peut ecirctre illustreacute par le tableau en bas de page avec un opeacuterateur de croisement uniforme repreacutesenteacute par la chaicircne de bits U Dans cet exemple simplifieacute lrsquoalgo-rithme a produit en six geacuteneacuterations une solution qui satisfait lrsquoexpression boo-leacuteenne F (les 5 clauses sont satisfaites pour un individu de la population) Pour une fonction plus complexe comprenant un grand nombre de va-riables on utilise des populations plus importantes et laisse la population eacutevoluer lentement vers des solutions de bonne qualiteacute

Variables booleacuteennes

Opeacuterateurs booleacuteens

Une variable booleacuteenne est une variable qui ne peut prendre que deux valeurs logiques VRAI ou FAUX On peut utiliser 1 et 0 pour repreacutesenter ces deux valeurs

Un opeacuterateur booleacuteen est un opeacuterateur qui sap-plique sur une ou deux variables booleacuteennes

La neacutegation drsquoune variable booleacuteenne x qui est noteacutee x change la valeur de la variable booleacuteenne x

Variable Neacutegation

10

01

x x

La conjonction de deux variables x et y noteacutee x and y prend la valeur 1 si les variables x et y ont toutes deux la valeur 1 Dans les autres cas elle prend la valeur 0

Variables Conjonction

1100

1010

1000

x y x y

La disjonction de deux variables x et y noteacutee x or y prend la valeur 1 si au moins lrsquoune des variables a la valeur 1 Elle prend la valeur 0 si les deux variables ont la valeur 0

Variables Disjonction

1100

1010

1110

x y x y

Geacuteneacuteration

5

(0 0 1 0 0) f = 4(0 0 1 0 1) f = 3(0 0 1 1 1) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

(0 0 1 0 0) f = 4(1 0 1 1 0) f = 4(0 0 1 1 1) f = 4

U = (0 1 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4 (1 0 1 1 0) f = 4

(0 1 1 1 0) f = 5U = (0 0 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

6

Population Enfant Enfant muteacute

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Autres exemplesLes algorithmes geacuteneacutetiques ne sont pas applicables qursquoaux repreacutesentations binaires Par exemple le problegraveme classique du com-mis voyageur (Traveling Salesman Problem ou TSP) consiste agrave identifier une tourneacutee agrave coucirct minimal qui visite chaque ville drsquoun ensemble agrave couvrir Mecircme si une tourneacutee pourrait alors theacuteoriquement ecirctre repreacutesenteacutee par une chaicircne de booleacuteens on preacutefegravere geacuteneacuterale-ment utiliser une repreacutesentation plus directe sous forme de permutation Chaque permu-tation speacutecifie alors lrsquoordre dans lequel sont visiteacutees les villes

On doit alors deacutefinir des opeacuterateurs de mutation et de croisement pour une repreacutesentation sous forme de permutation Pour la muta-

tion un simple eacutechange entre deux villes dans une seacutequence pourra faire lrsquoaffaire Par exemple

Tourneacutee originale (Montreacuteal Rimou- ski Saguenay Val drsquoOr Queacutebec Sher-brooke)

Apregraves mutation (Montreacuteal Rimouski Saguenay Sherbrooke Queacutebec Val drsquoOr) Pour le croisement il est facile de constater que des opeacuterateurs sem-blables agrave ceux deacutecrits preacuteceacutedemment ne pourraient preacuteserver la structure de permutation Plusieurs opeacuterateurs valides ont toutefois eacuteteacute proposeacutes Agrave titre drsquoexemple lrsquoopeacuterateur OX choisit une sous-seacutequence dans la seacutequence drsquoun des parents et place les villes res-tantes dans lrsquoordre deacutefini par lrsquoautre

parent Dans le tableau ci-dessous deux po-sitions sont choisies aleacuteatoirement afin de deacutefinir une sous-seacutequence chez le premier parent (eacutetape 1) Agrave lrsquoeacutetape 2 les villes res-tantes sont placeacutees selon lrsquoordre induit par le deuxiegraveme parent

P1 Mtl Sag Val Queacute Shb RimQueacute Rim Mtl Shb Sag Val

Rim Sag Val Queacute Mtl Shb

Rim Mtl ShbSag Val Queacute

P2

Eacute1Eacute2

Enf

Ss

Une fois la repreacutesentation et les opeacuterateurs de base deacutefinis on peut simplement eacutevaluer chaque tourneacutee par la distance parcourue et tous les eacuteleacutements sont en place pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique pour le problegraveme TSP

Coloration de grapheUn autre problegraveme classique celui de colo-ration de graphe1 est aussi abordable par les algorithmes geacuteneacutetiques

Pour un graphe G = (V E) constitueacute drsquoun en-semble de nœuds V et drsquoarecirctes E un coloriage est une partition de V en k sous-ensembles (couleurs) C1 C2 hellip Ck pour lesquels u v isin Ci rArr (u v) notinE ie que deux nœuds ne peuvent avoir la mecircme couleur srsquoils sont lieacutes par une arecircte Le problegraveme de coloration de graphe consiste agrave trouver un coloriage utilisant un nombre minimal de sous-ensembles Ce type drsquoapproche permet notamment de reacutesoudre agrave coucirct minimum des conflits drsquohoraire En pratique on choisit drsquoabord une valeur-cible pour k et chaque chromosome constitue une partition de V en k sous-ensembles Les so-lutions sont codeacutees sous forme de chaicircnes en liant lrsquoindice de chaque nœud agrave lrsquoun des k sous-ensembles

DossierApplications

1 Voir laquo Le theacuteoregraveme des quatre couleurs raquo Accromath 141 2019

Coloration de grapheEn theacuteorie des graphes la coloration de graphe consiste agrave attribuer une couleur agrave chacun de ses sommets de maniegravere que deux sommets relieacutes par une arecircte soient de couleur diffeacuterente On cherche souvent agrave utiliser le nombre minimal de couleurs appeleacute nombre chromatique

12

34

5

6

7

89Un coloriage imparfait

10

Mtl Rim

SagShb

ValQueacute

2

6 3

4

1

5

Mtl Rim

SagShb

QueacuteVal

2

6 3

4

1

5

Mutation drsquoune tourneacutee

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Par exemple si on associe C1 agrave bleu C2 agrave rouge et C3 agrave vert dans le coloriage im-parfait de la page preacuteceacutedente la partition des nœuds associeacutee agrave cette solution est (1 2 3 2 3 2 1 2 3 1) car les nœuds 1 7 et 10 sont dans C1 les nœuds 2 4 6 et 8 dans C2 et les nœuds 3 5 et 9 dans C3 En deacutefinissant la fonction f comme le nombre de fois ougrave la regravegle du coloriage nrsquoa pas eacuteteacute respecteacutee on obtient f (C1 C2 C3) = 0 + 1 + 1 = 2 car on a 0 arecircte dans C1 1 arecircte dans C2 (entre les nœuds 2 et 4) et 1 dans C3 (entre les nœuds 3 et 5)

De faccedilon geacuteneacuterale le problegraveme de coloriage consiste agrave geacuteneacuterer une partition telle que f (C1 C2 Ck) = 0 avec un k le plus petit possible Avec la repreacutesentation en chaicircne de la partition il est facile de deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation semblables agrave ceux utiliseacutes pour les repreacutesen-tations binaires Les reacutesultats rapporteacutes dans la litteacuterature indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme domine encore ceux agrave un point et agrave deux points

Est-ce que ccedila fonctionne Il nrsquoy a aucun doute que les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent ecirctre utiliseacutes pour traiter des problegravemes drsquooptimisation Leur performance relative varie cependant selon les contextes Lorsqursquoun problegraveme est bien eacutetudieacute il est geacuteneacuteralement preacutefeacuterable drsquoavoir recours agrave des algorithmes speacutecialiseacutes qui peuvent tirer avantage de certaines structures speacutecifiques Pour le problegraveme TSP par exemple des approches baseacutees sur la programmation en nombres entiers peuvent maintenant reacutesoudre de faccedilon optimale des exemplaires de plusieurs dizaines de milliers de villes Il serait donc mal aviseacute drsquoutiliser un algorithme geacuteneacutetique pour reacutesoudre ce problegraveme (agrave moins de vouloir eacutetudier leur comportement ce qui peut ecirctre tout agrave fait leacutegitime et amusant)

Les algorithmes geacuteneacutetiques ont tout de mecircme lrsquoavantage drsquoecirctre simples agrave mettre en place En fait une meacutethode de codage des opeacuterateurs de croisement et de mutation ainsi qursquoune fonction drsquoeacutevaluation sont suf-fisants pour utiliser une approche eacutevolutive On obtient alors une approche robuste qui peut ecirctre tregraves utile si la fonction agrave optimiser est laquo floue raquo (fuzzy) ou si on dispose de peu de temps pour eacutetudier le problegraveme agrave optimiser

Les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent eacutega-lement ecirctre combineacutes agrave drsquoautres approches drsquooptimisation pour donner lieu agrave des meacutethodes hybrides tregraves puissantes souvent parmi les meilleures disponibles On peut par exemple utiliser des opeacuterateurs de mutation plus sophistiqueacutes pour optimiser le reacutesultat de chaque croisement Pour lrsquoalgorithme hybride reacutesultant la composante laquo geacuteneacute-tique raquo vise alors agrave enrichir la recherche en misant sur les eacuteleacutements qui constituent sa force ie lrsquoutilisation drsquoune population diver-sifieacutee qui permet lrsquoaccegraves aux caracteacuteristiques varieacutees de plusieurs individus et au proces-sus de seacutelection (artificielle dans ce cas) afin drsquoorienter lrsquoexploration vers les meilleures reacutegions de lrsquoespace de solutions Crsquoest bien lagrave lrsquoune des leccedilons agrave tirer de lrsquoobservation de la nature

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Rubrique des

Jean-Paul DelahayeUniversiteacute des Sciences et Technologies de Lille

Lrsquoinformation paradoxale

Comme le preacuteceacutedent ce paradoxe est aussi un paradoxe sur lrsquoinformation cacheacutee cependant il neacutecessite une patience bien supeacuterieure pour ecirctre reacutesolu ou lrsquoaide drsquoun ordinateur

On choisit cinq nombres a b c d et e veacuterifiant les relations

1 le a lt b lt c lt d lt e le 10

Autrement dit les cinq nombres sont compris entre 1 et 10 tous diffeacuterents et classeacutes par ordre croissant On indique leur produit P agrave Patricia (qui est brune) leur somme S agrave Sylvie (qui est blonde) la somme de leurs carreacutes

C = a2 + b2 + c2+ d2 + e2

agrave Christian (qui est barbu) et la valeur

V = (a + b + c)(d + e)

agrave Vincent (qui est chauve)

Ils doivent deviner quels sont les nombres a b c d et e

1- Une heure apregraves qursquoon leur a poseacute le problegraveme les quatre personnages qursquoon interroge simultaneacutement reacutepondent tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

2- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

3- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo Etc

23- Une heure apregraves (soit 23 heures apregraves la formulation de lrsquoeacutenonceacute ) les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

Cependant apregraves cette 23egraveme reacuteponse les visages des quatre personnages srsquoeacuteclairent drsquoun large sourire et tous srsquoexclament laquo crsquoest bon maintenant je connais a b c d et e raquo

Vous en savez assez maintenant pour deviner les 5 nombres a b c d e Il semble paradoxal que la reacutepeacutetition 23 fois de la mecircme affirmation drsquoignorance de la part des personnages soit porteuse drsquoune information Pourtant crsquoest le cas Essayez de comprendre pourquoi et ensuite armez-vous de courage la solution est au bout du calcul

Solution du paradoxe preacuteceacutedent

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Solution du paradoxe preacuteceacutedent

Lrsquoinformation paradoxaleIl arrive que lrsquoon pense ne pas disposer drsquoassez drsquoinfor-mations pour reacutesoudre un problegraveme alors qursquoen reacutealiteacute tout est agrave notre disposition Certaines situations sont si extraordinaires qursquoelles apparaissent paradoxales En voici un exemple

Un homme bavarde avec le facteur sur le pas de la porte de sa maison Il lui dit

laquo Crsquoest amusant je viens de remarquer que la somme des acircges de mes trois filles est eacutegale au numeacutero de ma maison dans la rue Je suis sucircr que si je vous apprends que le produit de leur acircge est 36 vous saurez me dire leur acircge respectif raquo

Le facteur reacutefleacutechit un moment et lui reacutepond

laquo Je suis deacutesoleacute mais je ne peux pas trouver raquo

Lrsquohomme srsquoexclame alors laquo Ah oui Jrsquoavais oublieacute de vous dire que lrsquoaicircneacutee est blonde raquo

Quelques secondes apregraves le facteur lui donne la bonne reacuteponse Aussi paradoxal que cela apparaisse vous pouvez deacuteduire de cet eacutechange lrsquoacircge des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte

SolutionLes diffeacuterentes deacutecompositions de 36 en produit de trois entiers et les sommes des facteurs sont donneacutees dans le tableau ci-contre

Le facteur connaicirct la somme des acircges des trois filles car il est sur le pas de la porte Srsquoil ne peut pas trouver leurs acircges respectifs crsquoest que parmi les produits possibles compatibles avec la somme qursquoil connaicirct il y en a deux qui donnent la mecircme somme Crsquoest donc que la somme est 13 Les deux possibiliteacutes sont donc 1-6-6 et 2-2-9 La premiegravere est eacutelimineacutee car deux enfants ne peuvent avoir le mecircme acircge que srsquoils sont jumeaux et alors il nrsquoy a pas drsquoaicircneacutee La solution est donc 2-2-9 Les acircges des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte sont 2 2 et 9 ans

Produits1times1times362times3times63times3times4

1times2times181times3times121times6times61times4times92times2times9

3811102116131413

Sommes

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Algorithmes dans lrsquohistoire1 Deacuteterminer les PGCD des couples

a) 924 3 135 c) 2 530 9 639

b) 83 337

Lrsquoheacuteritage de Fermat1 Appliquer la meacutethode de Fermat pour

factoriser les nombres suivants

a) 493 b) 1247 c) 6 903

2 Supposons qursquoun entier n est le produit de deux nombres premiers p lt q et que q ndash p lt p2 2 Montrer qursquoen utilisant la meacutethode de Fermat ce nombre n peut ecirctre factoriseacute en seulement une eacutetape

Eacutemergence logarithmique1 Soit la suite arithmeacutetique

a nd( ) n+ isin

a) Montrer que chaque terme (agrave lrsquoex- ception du premier) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins

b) Montrer un reacutesultat analogue pour la suite geacuteomeacutetrique

ar( ) nnisin

2 Montrer qursquoen termes modernes le passage de LrsquoAreacutenaire ci-haut porte sur les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacute-trique et sur la regravegle du produit de deux puissances

Tuyau Des nombres laquo continucircment en proportion agrave partir de lrsquouniteacute raquo forment une suite geacuteomeacutetrique dont le premier terme est 1

3 En comparant les deux tables tireacutees de la tablette MLC 02078 (pp 19 et 20) on y voit la suite geacuteomeacutetrique

2 ndash 4 ndash 8 ndash 16 ndash 32 ndash 64

ecirctre associeacutee agrave deux suites arithmeacutetiques Relier directement ces deux suites arith-meacutetiques lrsquoune agrave lrsquoautre

Tuyau On peut y voir du logarithme

4 Soit deux points P1 et P2 sur un segment AB (voir figure) Montrer que

a) si APAB

P PP B

1 1 2

1

= alors P BAB

P BP B

1 2

1

=

b) la reacuteciproque est elle aussi valide

5 La suite de segments AB P1B P2B P3B forme une progression geacuteomeacutetrique deacutecroissante (p 22) On deacutesigne par r le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique (on a donc r lt 1) et par z la longueur du segment AB

a) Interpreacuteter en termes de z et de r les segments AB P1B P2B P3B

b) Exprimer agrave lrsquoaide de z et de r les longueurs des intervalles AP1 P1P2 P2P3 P3P4

c) Appliquer ces reacutesultats aux valeurs numeacuteriques choisies par Napier (voir p 23)

d) Et que dire dans ce contexte de la suite arithmeacutetique deacutetermineacutee par le mouve-ment du point Q (p 22)

6 a) Expliquer lrsquoobservation dans lrsquoencadreacute ci-bas au cœur de la deacutemarche de Napier

b) En conclure que pour Napier la vitesse de P en un point donneacute est eacutegale agrave sa distance de lrsquoextreacutemiteacute B

Tuyau La constante de proportionnaliteacute de la partie a) est 1

7 On veut interpreacuteter ici le modegravele geacuteomeacute-trico-cineacutematique de Napier agrave lrsquoaide du calcul diffeacuterentiel et inteacutegral (moderne) On appelle x(t) la distance seacuteparant P de lrsquoextreacutemiteacute B au temps t et y(t) la position du point Q au temps t

a) Montrer que le deacuteplacement de Q est deacutecrit par lrsquoeacutequation diffeacuterentielle dydt = 107 avec comme condition initiale y(0) = 0

Tuyau La vitesse est la deacuteriveacutee de la distance parcourue par rapport au temps

b) Montrer de mecircme que le deacuteplace-ment de P est deacutecrit par dxdt = ndashx avec x(0) = 107

c) Reacutesoudre ces deux eacutequations diffeacuteren-tielles

d) Montrer comment on pourrait en tirer une notion de laquo base raquo pour les loga-rithmes de Napier1

1 Au plan historique une telle ideacutee de laquo base raquo chez Napier est une pure fabulation

Section problegravemes

Agrave propos de Napier

Puisque des distances parcou-rues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est pro-portionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (p 22)

Archimegravede LrsquoAreacutenaire

Si des nombres sont continucircment en pro- portion agrave partir de lrsquouniteacute et que cer-tains de ces nombres sont multiplieacutes entre eux le produit sera dans la mecircme pro-gression eacuteloigneacute du plus grand des nom- bres multiplieacutes drsquoautant de nombres que le plus petit des nom- bres multiplieacutes lrsquoest de lrsquouniteacute dans la pro-gression et il sera eacuteloigneacute de lrsquouniteacute de la somme moins un des nombres dont les nombres multiplieacutes sont eacuteloigneacutes de lrsquouniteacute

A

P1 P2

B

Pour en s voir plus

Histoire des matheacutematiques

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

bull Le livre Havil Julian John Napier Life Logarithms and Legacy Princeton University Press 2014 est une mine drsquoor pour des informations sur la vie et lrsquoœuvre de Napier

bull Le contexte ayant meneacute agrave la naissance des logarithmes est exposeacute dans Friedelmeyer Jean-Pierre laquo Contexte et raisons drsquoune lsquomirifiquersquo invention raquo In Eacutevelyne Barbin et al Histoires de logarithmes pp 39-72 Ellipses 2006 Le sous-titre de lrsquoarticle drsquoAccromath a eacuteteacute emprunteacute au titre de ce texte

bull Les deux traiteacutes de Napier sur les logarithmes le Mirifici logarithmorum canonis descriptio et le Mirifici logarithmorum canonis constructio peuvent ecirctre trouveacutes facilement (en latin) sur la Toile Une traduction anglaise de ces traiteacutes est accessible agrave partir du site de Ian Bruce sur les matheacutematiques des 17e et 18e siegravecles httpwww17centurymathscom

bull La citation de Laplace se retrouve aux pp 446-447 de Œuvres complegravetes de Laplace Exposition du systegraveme du monde (6e eacutedition) Bachelier Imprimeur-Libraire 1835 (Disponible sur Google Livres)

bull La tablette meacutesopotamienne MLC 02078 est eacutetudieacutee (pp 35-36) dans Neugebauer Otto et Sachs Abraham Mathematical Cuneiform Texts American Schools of Oriental Research 1945

bull Pour plus drsquoinformation sur lrsquoemploi des vocables laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo voir Charbonneau Louis laquo Progression arithmeacutetique et progression geacuteomeacutetrique raquo Bulletin AMQ 23(3) (1983) 4-6

bull Publieacutes en allemand en 1770 les Eacuteleacutements drsquoalgegravebre de Leonhard Euler sont parus en traduction franccedilaise degraves 1774 Cette version est accessible agrave partir du site Gallica de la Bibliothegraveque nationale de France httpsgallicabnffr

bull Lrsquoextrait de LrsquoAreacutenaire mdash voir la Section problegravemes mdash se trouve (p 366) dans Ver Eecke Paul Les œuvres complegravetes drsquoArchimegravede tome 1 Vaillant-Carmanne 1960

Applications des matheacutematiques

Lrsquoheacuteritage de Fermat

bull WB Hart laquo A one line factoring algorithmraquo J Aust Math Soc 92 (2012) no 1 61ndash69

bull RS Lehman laquo Factoring large integers raquo Math Comp 28 (1974) 637ndash646

bull MA Morrison and J Brillhart laquo A method of factoring and the factorization of F 7 raquo Math Comp 29 (1975) 183ndash205

bull C Pomerance laquoThe quadratic sieve factoring algorithm raquo Advances in Cryptology (Paris 1984) 169-182 Lecture Notes in Comput Sci 209 Springer Berlin 1985

Accromath est une publication de lrsquoInstitut des sciences matheacutema-tiques (ISM) et du Centre de recherches matheacutematiques (CRM) La revue srsquoadresse surtout aux eacutetudiantes et eacutetudiants drsquoeacutecole secon-daire et de ceacutegep ainsi qursquoagrave leurs enseignantes et enseignants

LrsquoInstitut des sciences matheacutematiques est une institution unique deacutedieacutee agrave la promotion et agrave la coordination de lrsquoenseignement et de la recherche en sciences matheacutematiques au Queacutebec En reacuteunissant neuf deacutepartements de matheacutematiques des universiteacutes queacutebeacutecoises (Concordia HEC Montreacuteal Universiteacute Laval McGill Universiteacute de Montreacuteal UQAM UQTR Universiteacute de Sherbrooke Bishoprsquos) lrsquoInstitut rassemble un grand bassin drsquoexpertises en recherche et en enseignement des matheacutematiques LrsquoInstitut anime de nombreuses activiteacutes scientifiques dont des seacuteminaires de recherche et des colloques agrave lrsquointention des professeurs et des eacutetudiants avanceacutes ainsi que des confeacuterences de vulgarisation donneacutees dans les ceacutegeps Il offre eacutegalement plusieurs programmes de bourses drsquoexcellence

LrsquoISM est financeacute par le Ministegravere de lrsquoEnseignement supeacuterieur et par ses neuf universiteacutes membres

Le Centre de recherches matheacutematiques est un centre national pour la recherche fondamentale en matheacutematiques et ses applica-tions Les scientifiques du CRM comptent plus drsquoune centaine de membres reacuteguliers et de stagiaires postdoctoraux Lieu privileacutegieacute de rencontre le Centre est lrsquohocircte chaque anneacutee de nombreux visi-teurs et drsquoateliers de recherche internationaux

Les activiteacutes scientifiques du CRM comportent deux volets principaux les projets de recherche qursquoentreprennent ses laboratoires et les activiteacutes theacutematiques organiseacutees agrave lrsquoeacutechelle internationale Ces derniegraveres ouvertes agrave tous les domaines impliquent des chercheurs du CRM et drsquoautres universiteacutes Afin drsquoassurer une meilleure diffusion des reacutesultats de recherches de ses collaborateurs le CRM a lanceacute en 1989 un programme de publications en collaboration avec lrsquoAmerican Mathematical Society et avec Springer

Le CRM est principalement financeacute par le CRSNG (Conseil de recherches en sciences naturelles et en geacutenie du Canada) le FQRNT (Fonds queacutebeacutecois de recherche sur la nature et les technologies) lrsquoUniversiteacute de Montreacuteal et par six autres universiteacutes au Queacutebec et en Ontario

Accromath beacuteneacuteficie de lrsquoappui de la Dotation Serge-Bissonnette du CRM

OR2010

BRONZE2011

BRONZE2014

OR2012

2008

Prix speacutecial de la ministre 2009

Prix Anatole Decerf 2012

Page 17: L’héritage de Pierre de Fermat La factorisation des grands ...

Calculer le reste de la division de me par nEacutecrivons la deacutecomposition de e = 23 en somme de puissances de 2

e = 1 + 2 + 4 + 16

Alors

m e = m m2 m4 m16

On va donc y aller pas agrave pas pour calculer ces puissances et agrave chaque eacutetape on va diviser par n Le reste de la division de m2 par n est 1 126 Remarquons que m4 = (m2)2 Le reste de la division de m4 par n est donc le mecircme que le reste de la division de 1 1262 par n

1 1262 = 823n + 1 388

De mecircme le reste de la division de m8 par n est le mecircme que le reste de la division de 1 3882 par n

1 3882 = 1 253n + 683

Finalement le reste de la division de m16 par n est le mecircme que le reste de la division de 6832 par n

6832 = 303n + 778

On remet le tout ensemble Le reste de la division de m23 par n est le mecircme que le reste de la division de

1 234 1 126 1 388 778

par n qui est bien a = 1 300 Dans la ligne qui preacutecegravede on peut aussi alterner entre faire des

multiplications et diviser les produits partiels par n pour ne pas laisser grossir les expressions Ces calculs sont faciles pour des ordinateurs mecircme quand les nombres sont tregraves grands

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un exemple de fonctionnement du code RSAAline veut pouvoir recevoir des mes-sages secrets de Bernard Elle construit donc un systegraveme agrave cleacute publique pour re-cevoir de tels messages Elle prend les nombres premiers p = 29 et q = 53 La cleacute est n =1 537 Elle aura besoin du nombre

φ(n) = (p ndash 1)(q ndash 1) = 1 456

Elle choisit e relativement premier avec φ(n) par exemple e = 23 Soit d = 823 Il a eacuteteacute construit pour que le reste de la division de ed par φ(n) soit 1 (voir encadreacute ci-contre) Pour ce il fallait connaitre φ(n) et donc la factorisation de n ce qui est difficile pour quelqursquoun ne connaissant pas p et q Aline publie n et e Bernard veut lui envoyer le message

m = 1 234

Pour le crypter il lrsquoeacutelegraveve agrave la puissance e = 23 et le divise par n Ceci lui donne le message crypteacute

a = 1 300

qursquoil envoie agrave Aline Celle-ci utilise d connu drsquoelle seule pour calculer le reste de la divi-sion de ad par n Ce reste est preacuteciseacutement le message m = 1 234

Lrsquoexemple eacutetait avec de petits nombres Mais comment faire les calculs quand les nombres sont gros Il faut se rappeler que ce qui nous inteacuteresse ce ne sont pas les nombres me et

ad mais seulement le reste de leur division par n Alors il ne faut pas laisser grossir les calculs Il faut plutocirct alterner entre prendre des puissances et diviser par n (Voir deacutetails dans lrsquoencadreacute)

Construire de grands nombres premiersLrsquoideacutee est la suivante Si on veut construire un grand nombre premier de 100 chiffres on geacutenegravere au hasard un nombre de 100 chiffres et on laquo teste raquo srsquoil est premier Srsquoil ne lrsquoest pas on recommence avec un autre nombre geacuteneacute-reacute au hasard jusqursquoagrave ce qursquoon tombe sur un nombre premier

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Premiegravere question combien faut-il faire de tests en moyenne Un nombre de 100 chiffres est un nombre de lrsquoordre de 10100 Le theacuteoregraveme des nombres premiers nous dit que si N est grand il y a environ N ln N nombres premiers infeacuterieurs ou eacutegaux agrave N Si on choisit au ha-sard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 la chance qursquoil soit premier est donc drsquoenviron

N1

ln1

ln101

100ln101

230100= = =

On peut faire mieux la moitieacute des nombres sont pairs et parmi les nombres impairs on peut eacuteliminer les multiples de 5 Donc si on choisit au hasard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 qui se termine par 1 3 7 ou 9 on a une chance sur 92 qursquoil soit pre-mier (40 des nombres se terminent par 1 3 7 9 et 410 de 230 donne 92) Ceci signi-fie qursquoen moyenne apregraves 92 tests on a trou-veacute un nombre premier Faire 92 tests est fa-cile pour un ordinateur

Ceci nous amegravene agrave la deuxiegraveme question que signifie laquo tester raquo qursquoun nombre p est pre-mier On a appris agrave le faire en cherchant si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p ce qui revient agrave factoriser partiellement p Mais factoriser est difficile pour un ordinateurhellip

On peut faire mieux Srsquoil est facile de tester si un nombre p est premier crsquoest parce qursquoon peut le faire sans factoriser p Lrsquoideacutee est la suivante Si p nrsquoest pas premier il laisse

ses empreintes partout Dans le test de primaliteacute de Miller-Rabin si p nrsquoest pas pre-mier au moins les trois-quarts des nombres entre 1 et p ont une empreinte de p crsquoest-agrave-dire qursquoils sont des teacutemoins du fait que p nrsquoest pas premier Le test pour deacutecider si un nombre est un teacutemoin est un peu tech-nique (voir encadreacute page ci-contre) Mais ce test est facile pour un ordinateur On choisit au hasard des nombres a1 am le p Si lrsquoun des ai est un teacutemoin on conclut que p nrsquoest pas premier Si aucun des ai nrsquoest un teacutemoin alors p a une tregraves grande chance drsquoecirctre pre-mier Par exemple si m = 100 la chance que p ne soit pas premier sachant que a1 am ne sont pas des teacutemoins est infeacuterieure ou eacutegale agrave 10ndash58 soit tregraves tregraves petite

Peut-on se fier agrave un algorithme probabiliste Les informaticiens le font reacuteguliegraverement degraves qursquoils ont besoin de grands nombres premiers et on nrsquoobserve pas de catas-trophe autour de nous On voit drsquoailleurs qursquoon pourrait transformer cet algorithme probabiliste de primaliteacute en algorithme deacute-terministe il suffirait de tester au moins le quart des nombres a isin 2 p ndash1 Si aucun nrsquoest un teacutemoin alors on peut affir-mer avec certitude que p est premier Mais cet algorithme serait sans inteacuterecirct car il requerrait de regarder si p4 nombres sont des teacutemoins alors que lrsquoalgorithme usuel de factorisation demande de regarder si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p et

pp4

lt degraves que p gt 16

Casser le code RSA sur un ordinateur quantiqueEn 1997 Peter Shor a annonceacute un algo-rithme qui casserait le code RSA sur un ordinateur quantique qui nrsquoexiste pas encorehellip Que signifie cette affirmation Lrsquoalgorithme de Shor est simplement un autre algorithme de factorisation Il fonc-tionnerait sur un de nos ordinateurs mais il serait moins bon que les meilleurs algo-rithmes de factorisation La limite de nos ordinateurs est le paralleacutelisme On ne peut faire qursquoun nombre limiteacute drsquoopeacuterations en parallegravele

DossierApplications

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Quelques avantages de la cryptographie agrave cleacute publique

La cryptographie agrave cleacute publique est tregraves utile quand des milliers de personnes par exemple des clients peuvent vouloir envoyer leur numeacutero de carte de creacutedit agrave une mecircme compagnie

La meacutethode drsquoencryptage est publique et seule la compagnie peut deacutecrypter les messages chiffreacutes

Un autre avantage est que deux interlocuteurs nrsquoont pas besoin drsquoeacutechanger de lrsquoinformation secregravete par exemple une cleacute pour communiquer de maniegravere seacutecuritaire Il suffit que chacun publie son systegraveme de cryptographie agrave cleacute publique

Le systegraveme RSA permet de signer un message pour srsquoassurer qursquoil provient bien de la bonne personne Dans notre exemple pour que Bernard signe son message il faut qursquoil construise son propre sys-tegraveme agrave cleacute publique dont il publie la cleacute nrsquo et la cleacute de cryptage ersquo Il se servira de sa cleacute de deacutecryptage drsquo pour apposer sa signature sur le message

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un ordinateur est composeacute de transistors qui fonctionnent agrave la maniegravere drsquointerrup-teurs en ayant deux positions OUVERT et FERMEacute que lrsquoon peut coder comme des bits drsquoinformation 0 ou 1 Un nombre de 200 chiffres est infeacuterieur agrave 10200 lt 2665 et donc peut srsquoeacutecrire avec 665 bits Tester srsquoil a un diviseur premier infeacuterieur agrave 10100 lt 2333 revient agrave regarder toutes les suites de 333 bits eacutegaux agrave 0 ou 1 Un travail titanesque sauf si lrsquoordinateur a un grand paralleacutelisme Dans un ordinateur quantique les bits drsquoinformation sont des bits quantiques ils peuvent ecirctre dans un eacutetat superposeacute entre 0 et 1 Lrsquoimage que lrsquoon pourrait donner est celle drsquoun sou Une fois lanceacute il tombe sur PILE ou sur FACE Mais avant de le lancer il a probabiliteacute 12 de tomber sur PILE et probabiliteacute 12 de tomber sur FACE On pourrait dire qursquoil est dans un eacutetat superposeacute Le fait que m bits quantiques soient dans un eacutetat superposeacute implique qursquoils peuvent faire simultaneacutement les 2m opeacutera-tions diffeacuterentes correspondant agrave tous les choix de valeurs 0 ou 1 pour chacun des bits Par contre de mecircme que notre sou tombe neacutecessairement sur PILE ou sur FACE degraves qursquoon veut observer un bit quantique il prend neacutecessairement la valeur 0 ou la valeur 1 et donc on ne peut observer le reacutesultat de tous les calculs faits en parallegravele La subtiliteacute de lrsquoalgorithme de Shor vient du fait qursquoon pourra reacutecupeacuterer le reacutesultat du calcul lequel donne une factorisation de p si p nrsquoest pas premier

Le nombre 15 a eacuteteacute factoriseacute sur un ordi-nateur quantique en 2007 et en 2012 on a factoriseacute 143 = 11x13 Les progregraves semblent lents depuis ce temps Le deacutefi technologique de lrsquoordinateur quantique est de maintenir de nombreux bits en eacutetat superposeacute Ce recircve deviendra-t-il reacutealiteacute Mecircme si les progregraves semblent lents les experts y croient de plus en plus

Tester si un nombre est un teacutemoinOn veut tester si p impair est premier Alors on peut eacutecrire p ndash 1 qui est pair comme p ndash 1 = 2sd ougrave d est impair

(Il suffit de diviser p ndash 1 par 2 successive-ment jusqursquoagrave ce que le quotient soir im-pair) Soit a isin 2 p ndash1

Critegravere pour ecirctre teacutemoin Si a est un teacute-moin que p nrsquoest pas premier alors on a simultaneacutement que le reste de la division de ad par p est diffeacuterent de 1 et que les restes de la division de a d2r

par p sont diffeacuterents de p ndash 1 pour tous les r isin 0 s ndash1

Regardons un premier exemple Prenons p = 13 Alors p ndash 1 = 22 3 Ici d = 3 et s = 2 Voyons que p nrsquoa aucun teacutemoin

La premiegravere colonne du tableau agrave gauche donne a la deuxiegraveme colonne donne

le reste de la division de ad = a3 par p et la troisiegraveme colonne le reste de la division de a2d = a6 par p

On voit bien que pour chaque a soit on a un 1 dans le premiegravere colonne ou bien un 1 ou un 12 dans la deuxiegraveme colonne et donc aucun a nrsquoest un teacutemoin de 13 On sait alors que 13 est premier

Refaisons lrsquoexercice avec p = 15 Alors p ndash 1 = 2 7 Comptons combien p a de teacutemoins Ici la deuxiegraveme colonne repreacutesente le reste de la division de ad= a7 par p Tous les a sauf 14 sont des teacutemoins et chacun nous dit que 15 nrsquoest pas premier

Mais bien sucircr apprendre qursquoun nombre a est un teacutemoin que p nrsquoest pas premier ne nous apprend rien de la factorisation de p

81

1288551

125

12

1211

1212121211

121

a23456789

101112

812456

1329

101137

14

a23456789

1011121314

Le fonctionnement de lrsquoalgorithme de Shor

On veut factoriser un entier n Lrsquoalgo-rithme de Shor cherche un diviseur d de n qui soit diffeacuterent de 1 et de n Ensuite on peut iteacuterer en cherchant un diviseur de lrsquoentier S = nd Voyons qursquoil suffit de trouver un entier r tel que n divise r2 ndash 1 = (r ndash 1)(r + 1) mais n ne divise ni r ndash 1 ni r + 1 Puisque n divise r2 ndash 1 il existe un entier m tel que r2 ndash 1 = mn Soit p un facteur premier de n Alors p divise r ndash 1 ou encore p divise r + 1 Dans le premier cas d est le pgcd de r ndash 1 et n et dans le deuxiegraveme cas celui de r + 1 et n Calculer le pgcd de deux nombres par lrsquoalgorithme drsquoEuclide3 est facile pour un ordinateur Comment construire un tel entier r est un peu technique et nous ne ferons pas les deacutetails

3 Voir laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

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Si la notion de logarithme paraicirct aujourdrsquohui tout agrave fait naturelle sa conceptualisation et sa mise en œuvre au plan pratique au deacutebut

du 17e siegravecle nrsquoont point eacuteteacute une mince affaire Premiers eacutepisodes de cette foisonnante saga

Peu de temps apregraves leur introduction par John Napier (1550-1617) au tout deacutebut du 17e siegravecle les logarithmes se sont rapidement imposeacutes comme un laquo merveilleux raquo1 outil essentiel en astronomie et en navigation deux domaines scientifiques particuliegraverement avanceacutes agrave cette eacutepoque et qui venaient avec leur lot de calculs proprement titanesques Crsquoest dans un tel contexte qursquoil faut entendre le ceacutelegravebre aphorisme ducirc au matheacutematicien physicien et astronome franccedilais Pierre-Simon Laplace2 (1749-1827) qui srsquointeacuteressant dans le cadre drsquoun survol historique de lrsquoastronomie aux travaux de Johannes Kepler (1571-1630) affirmait que la deacutecouverte des logarithmes mdash combineacutee agrave lrsquoarithmeacutetique des Indiens crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecriture des nombres dans un systegraveme positionnel mdash avait pour ainsi dire doubleacute la vie des astronomes (voir encadreacute)

La preacutehistoire des logarithmesIssu entiegraverement de lrsquolaquo esprit humain raquo selon les dires de Laplace le concept de logarithme repose sur une ideacutee somme toute assez na-turelle consideacuterant diverses puissances drsquoun mecircme nombre on porte lrsquoattention sur les exposants de ces puissances Par exemple srsquoagissant des entiers

64 256 1024 et 4096crsquoest-agrave-dire respectivement

43 44 45 et 46on envisage plutocirct les exposants

3 4 5 et 6

Sur la base de ces donneacutees on pourrait conclure immeacutediatement mdash si on dispose drsquoune table de puissances de 4 mdash que

256 times 4 096 = 1 048 576prenant appui sur le fait que

44 times 46 = 44 + 6 = 410

(on applique ici une regravegle de base des exposants qui va de soi lorsque ceux-ci sont des entiers naturels) Il nrsquoest pas eacutetonnant que des telles intuitions aient pu se retrouver il y a fort longtemps

Jeacuterocircme Camireacute-Bernier

Bernard R Hodgson Universiteacute Laval

1 Renvoi agrave lrsquoeacutepithegravete mirifique (archaiumlque de nos jours) utiliseacutee par Napier lui-mecircme Lrsquoex-pression mirifique invention de notre titre est emprunteacutee agrave Jean-Pierre Friedelmeyer (voir le Pour en savoir plus)

2 Alias Pierre-Simon de Laplace Aussi homme politique il fut nommeacute marquis en 1817 (drsquoougrave la particule nobiliaire)

Laplace agrave propos des logarithmeslaquo Il [Kepler] eut dans ses derniegraveres anneacutees lrsquoavantage de voir naicirctre et drsquoemployer la deacutecouverte des logarithmes due agrave Neper baron eacutecossais artifice admirable ajouteacute agrave lrsquoingeacutenieux algorithme des Indiens et qui en reacuteduisant agrave quelques jours le travail de plusieurs mois double si lrsquoon peut ainsi dire la vie des astronomes et leur eacutepargne les erreurs et les deacutegoucircts inseacuteparables des longs calculs invention drsquoautant plus satis-

faisante pour lrsquoesprit humain qursquoil lrsquoa tireacutee en entier de son propre fonds dans les arts lrsquohomme se sert des mateacuteriaux et des forces de la nature pour accroicirctre sa puissance mais ici tout est son ouvrage raquo

Exposition du systegraveme du monde Livre V Chapitre IV

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

Un peu de vocabulaire

Eacutetant donneacute deux reacuteels (positifs) x et y leur moyenne arithmeacutetique

est donneacutee par x y2+ et leur moyenne geacuteomeacutetrique par xy

Ces appellations trouvent leur origine dans les matheacutematiques grecques de lrsquoAntiquiteacute notamment de lrsquoeacutepoque de Pythagore

Lrsquoarithmeacutetique de lrsquoeacutecole pythagoricienne portant sur lrsquoeacutetude des entiers (et des rapports simples drsquoentiers) on voit immeacutediatement pourquoi la premiegravere moyenne est dite laquo arithmeacutetique raquo Quant agrave la moyenne laquo geacuteomeacutetrique raquo elle fait intervenir une opeacuteration qui megravene agrave des grandeurs geacuteneacuteralement au-delagrave du champ des entiers Or le domaine qui eacutetudie les grandeurs par exemple les segments de droite est justement la geacuteomeacutetrie

On peut montrer que dans une suite arithmeacutetique un terme donneacute (agrave partir du deuxiegraveme) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins Et de mecircme mutatis mutandis pour une suite geacuteomeacutetrique (Voir la Section problegravemes)

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Ainsi sur la partie infeacuterieure de la tablette meacutesopotamienne MLC 020783 datant drsquoentre 1900 et 1600 avant notre egravere se trouve le tableau ci-haut (les nombres sont donneacutes ici en notation moderne et non en eacutecriture cu-neacuteiforme) on y reconnaicirct immeacutediatement la liste des premiegraveres puissances de 2 ainsi que les exposants correspondants

Lrsquousage a consacreacute lrsquoexpression suite arith-meacutetique (ou progression arithmeacutetique selon une tournure un brin suranneacutee) pour une liste de nombres qui comme dans la colonne de droite de ce tableau croissent (ou deacutecroissent) reacuteguliegraverement de maniegravere additive

a a + d a + 2d a + nd

a repreacutesentant le premier terme de la suite et d la diffeacuterence entre deux termes conseacute-cutifs mdash crsquoest-agrave-dire de combien lrsquoun de ces termes est plus grand que lrsquoautre4 (Le tableau preacuteceacutedent correspond au cas ougrave a = 1 et d = 1) Lorsque les nombres de la liste sont relieacutes multiplicativement

a ar ar2 arn

on parlera de suite (ou progression) geacuteomeacute-trique la constante r repreacutesentant cette fois le rapport entre deux termes conseacutecutifs mdash crsquoest-agrave-dire combien de fois lrsquoun est plus grand que lrsquoautre4 (Dans la colonne de gauche du tableau on a a = 2 et r = 2) (Voir lrsquoencadreacute Un peu de vocabulaire pour le sens des mots laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo dans un tel contexte)

Selon cette nomenclature la tablette MLC 02078 peut donc srsquointerpreacuteter comme la mise en comparaison de deux suites lrsquoune arithmeacutetique et lrsquoautre geacuteomeacutetrique Ce type de situation se retrouve agrave diverses eacutepoques au fil des acircges Ainsi en est-il question dans un autre document de lrsquoAntiquiteacute LrsquoAreacutenaire traiteacute dans lequel Archimegravede (-287 ndash -212) se donne comme objectif de deacuteterminer le nombre de grains de sable dont le volume serait eacutegal agrave celui du laquo monde raquo5 Parmi les outils dont se sert alors le grand matheacutematicien grec se retrouve la manipulation simultaneacutee drsquoune suite arithmeacutetique et drsquoune suite geacuteomeacutetrique ce qui lrsquoamegravene (en termes modernes) agrave identifier au passage la regravegle drsquoaddition des exposants

bm times bn = bm +n

(voir la Section problegravemes) et donc le prin-cipe de transformation drsquoune multiplication en une addition agrave la base des logarithmes

3 Pour Morgan Library Collection Cette tablette se retrouve dans la collection de lrsquoUniversiteacute Yale aux Eacutetats-Unis

4 Cette faccedilon de parler est utiliseacutee par Euler lorsqursquoil introduit les notions de rapports arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique dans ses Eacuteleacutements drsquoalgegravebre (1774) mdash voir Section troisiegraveme laquo Des rapports amp des propor-tions raquo entre autres les articles 378 398 et 505

5 Une des difficulteacutes auxquelles fait ici face Archimegravede est de reacutealiser cet objectif dans le cadre du systegraveme de numeacuteration grec qui nrsquoeacutetait pas propice pour exprimer aiseacutement de tregraves grands nombres Mais cela est une autre histoirehellip

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Tablette MLC 02078 (1900-1600 avant notre egravere)

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Cette mecircme ideacutee se retrouve plusieurs siegravecles plus tard dans Le Triparty en la science des nombres (1484) du Franccedilais Nicolas Chuquet (1445-1488) Dans la troisiegraveme partie de cet ouvrage Chuquet introduit des regravegles cal-culatoires de nature algeacutebrique Il srsquointeacuteresse alors notamment aux valeurs des puis-sances de 2 depuis 1 jusqursquoagrave 1 048 576 qursquoil aligne en colonnes avec les exposants entiers correspondants (qursquoil appelle laquo deacuteno-minations raquo) de 0 jusqursquoagrave 20 et note que la multiplication de nombres de la premiegravere colonne correspond agrave lrsquoaddition de nombres dans la seconde Il identifie aussi une autre regravegle de base des exposants

b b( )m n mn=(encore une fois exprimeacutee ici en notation moderne) Agrave noter que Chuquet utilise une notation avec indice sureacuteleveacute (comme nous le faisons aujourdrsquohui)6 et qursquoen plus de lrsquoexposant 0 il considegravere des exposants (entiers) neacutegatifs Au milieu du 16e siegravecle lrsquoAllemand Michael Stifel (1487-1567) reprendra les mecircmes thegravemes dans son Arithmetica integra (1544) ougrave il parle expli-citement de la relation entre une progression arithmeacutetique et une progression geacuteomeacutetrique Crsquoest drsquoailleurs agrave Stifel que lrsquoon doit le vocable exposants pour deacutesigner les nombres de la suite arithmeacutetique en jeu

Si quelques-uns des principes servant de fondements agrave la notion de logarithme se per-ccediloivent dans les commentaires qui preacutecegravedent on est encore loin du logarithme en tant que tel Pour qursquoune correspondance entre une suite geacuteomeacutetrique et une suite arithmeacutetique devienne un veacuteritable outil de calcul il faut en effet laquo boucher les trous raquo entre les puissances (entiegraveres) successives Il peut ecirctre inteacuteressant comme le souligne Chuquet de conclure gracircce agrave sa table des puissances de 2 que le produit de 128 et 512 est 65 536 Mais cela ne nous renseigne en rien par exemple sur le produit 345 times 678 On voit mecircme Chuquet dans un appendice au Tripar-ty chercher agrave reacutesoudre des problegravemes dans lesquels un exposant fractionnaire est rechercheacute mdash mais sans deacutevelopper pour autant drsquoapproche systeacutematique agrave cette fin

Certains eacuteleacutements (timides) agrave cet eacutegard se retrouvent il y a fort longtemps Ainsi le tableau numeacuterique ci-contre figure lui aussi sur la tablette MLC 02078 (dans sa partie supeacuterieure) On y voit une progression arith-meacutetique de diffeacuterence frac-tionnaire ecirctre juxtaposeacutee agrave une progression geacuteomeacutetrique agrave savoir des puissances de 16 Mais peu semble avoir eacuteteacute fait pour pousser plus loin de telles asso-ciations jusqursquoagrave lrsquoarriveacutee de Napier

Les logarithmes agrave la NapierTout eacutetudiant est aujourdrsquohui familier avec le fait que le passage drsquoun nombre donneacute agrave son logarithme (selon une certaine base) revient agrave identifier lrsquoexposant dont il faut affecter cette base pour retrouver le nombre en cause Ayant fixeacute un reacuteel b (positif et diffeacuterent de 1) et consideacuterant un reacuteel positif x le logarithme de x dans la base b noteacute logbx est donc par deacutefinition lrsquoexposant (reacuteel) u tel que bu = x Une telle vision il faut le souligner demeure relativement tardive par rapport agrave lrsquointuition originale de logarithme nrsquoeacutetant devenue la norme que pregraves drsquoun siegravecle et demi apregraves les travaux de lrsquoEacutecossais John Napier7 mdash voir lrsquoencadreacute Les traiteacutes de Napier mdash lorsque Leonhard Euler (1707-1783) en a fait la pierre drsquoassise de son traitement de la fonction logarithmique8 dans son Introduc-tio in analysin infinitorum (1748) Acceptant les proprieacuteteacutes de la fonction exponentielle bu pour des reacuteels b et u quelconques on tire im-meacutediatement de cette deacutefinition la proprieacuteteacute de base du logarithme

logb xy = logb x + logb y

ce qui permet de transformer une multi-plication en une addition de mecircme que les eacutegaliteacutes similaires pour le logarithme drsquoun quotient ou drsquoune puissance

DossierHistoire

6 La notation exponentielle aujourdrsquohui usuelle telle a2 ou a3 se reacutepandra apregraves son utilisa-tion par Reneacute Descartes (1596-1650) dans son traiteacute La geacuteomeacutetrie (1637)

7 Voir Andreacute Ross laquo John Napier raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 8-11

8 Cette approche drsquoEuler peut ecirctre vue comme une illustration remarquable de lrsquoim-pact drsquoune bonne notation en vue de clarifier et faciliter la deacutemarche de la penseacutee

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

On observera que lrsquoideacutee drsquoun lien entre deux suites lrsquoune geacuteomeacutetrique et lrsquoautre arithmeacutetique bien que sous-jacente agrave la derniegravere eacutegaliteacute nrsquoest pas pour autant expli-citement mise en eacutevidence dans cette vision moderne (post-euleacuterienne) du logarithme Or agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier introduit ses loga-rithmes lrsquoideacutee de laquo fonction raquo nrsquoest pas dans lrsquoair du temps mdash elle ne surgira de fait que vers la fin du 17e siegravecle dans la mouvance des travaux sur le calcul infiniteacutesimal mdash de sorte que la comparaison de suites (geacuteomeacutetrique et arithmeacutetique) demeure la principale source drsquoinspiration de ses travaux

Une autre mouvance de lrsquoeacutepoque visait agrave se doter drsquooutils permettant de simplifier lrsquoexeacutecution de calculs arithmeacutetiques portant sur de gros nombres Dans un texte preacuteceacute-dent9 nous avons preacutesenteacute entre autres la meacutethode de prosthapheacuteregravese utiliseacutee vers la fin du 16e siegravecle en vue de transformer une multiplication en addition ou une division en soustraction La populariteacute de telles meacutethodes notamment dans les cercles astronomiques a certainement contribueacute agrave convaincre Napier de lrsquoimportance de deacuteve-lopper des outils permettant de raccourcir les calculs y compris dans le cas de lrsquoexponen-tiation ou de lrsquoextraction de racine Il en fait drsquoailleurs mention explicitement dans la preacute-face de son Descriptio Soulignant le caractegravere peacutenible dans la pratique des matheacutematiques de la multiplication division ou extraction de racine carreacutee ou cubique de grands nombres Napier insiste non seulement sur le temps re-quis pour exeacutecuter ces opeacuterations mais aus-si sur les nombreuses erreurs qui peuvent en reacutesulter Agrave la recherche drsquoune meacutethode sucircre et expeacuteditive afin de contourner ces difficul-teacutes il annonce qursquoapregraves lrsquoexamen de plusieurs proceacutedeacutes il en a retenu un qui rencontre ses attentes

laquo Agrave la veacuteriteacute aucun proceacutedeacute nrsquoest plus utile que la meacutethode que jrsquoai trouveacutee Car tous les nombres utiliseacutes dans les multiplica-tions les divisions et les extractions ar-

dues et prolixes de racines sont rejeteacutes des opeacuterations et agrave leur place sont substitueacutes drsquoautres nombres sur lesquels les calculs se font seulement par des additions des soustractions et des divisions par deux et par trois raquo10

La vision geacuteomeacutetrico- cineacutematique de NapierUn troisiegraveme eacuteleacutement sur lequel srsquoappuie Napier dans sa creacuteation des logarithmes est la geacuteomeacutetrie mdash plus preacuteciseacutement la geacuteomeacutetrie du mouvement Il a en effet lrsquoideacutee de comparer le deacuteplacement de deux points lrsquoun bougeant selon une vitesse11 variant de maniegravere telle que les distances parcourues en des intervalles de temps eacutegaux forment une progression geacuteomeacute-trique tandis que lrsquoautre point bougeant agrave vitesse constante deacute-termine des distances en progression arith-meacutetique Le support geacuteomeacutetrique dont se sert alors Napier peut se deacutecrire comme suit

9 Voir laquo Eacutemergence logarithmique tables et calculs raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 2-7

10 Tireacute de la preacuteface du Mirifici logarithmorum canonis descriptio (traduction personnelle)

11 Napier introduit lrsquoideacutee de mouvement degraves la deacutefinition 1 du Descriptio Il utilise explicite-ment le terme laquo vitesse raquo agrave la deacutefinition 5

Les traiteacutes de NapierCrsquoest degraves lrsquoanneacutee 1594 que Na-pier entame les travaux qui lrsquoamegraveneront agrave la notion de loga-rithme En 1614 il fait connaicirctre son invention en publiant un premier traiteacute sur le sujet mdash reacutedigeacute en latin la langue des savants de lrsquoeacutepoque Mirifici lo-garithmorum canonis descrip-tio (crsquoest-agrave-dire Description de la merveilleuse regravegle des loga-rithmes) Il srsquoagit de la premiegravere publication drsquoune table de lo-garithmes qui occupent les 90 derniegraveres pages du traiteacute Cette table est preacuteceacutedeacutee drsquoun texte de 57 pages ougrave Napier explique

ce que sont les logarithmes et comment les utiliser

Un second traiteacute de Napier sur le sujet est un ouvrage reacutedigeacute avant la parution du Descriptio mais publieacute par lrsquoun de ses fils seulement en 1619 deux ans apregraves sa mort Mirifici loga-rithmorum canonis constructio (Construction de la merveilleuse regravegle des logarithmes) Dans un texte drsquoenviron 35 pages (ac-compagneacute drsquoappendices) Na-pier preacutesente la theacuteorie sur la-quelle il srsquoest appuyeacute pour construire sa table

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Eacutetant donneacute un segment AB de longueur deacutetermineacutee il considegravere un point P partant de A avec une vitesse initiale donneacutee et se deacuteplaccedilant vers B en une seacuterie de laquo pas raquo P1 P2 P3 Pn

Napier stipule (Descriptio deacutefinition 2) que la vitesse de deacuteplacement de P le long de AB deacutecroicirct de maniegravere telle que en des temps eacutegaux la longueur de chacun des inter-valles AP1 P1P2 P2P3 P3P4 successivement parcourus par P est proportionnelle agrave la dis-tance seacuteparant P de sa cible B (lorsqursquoil est agrave lrsquoextreacutemiteacute gauche de chaque intervalle)12

APAB

P PP B

P PP B

P PP B

1 1 2

1

2 3

2

3 4

3

= = = =

On tire immeacutediatement de ces eacutegaliteacutes que

P BAB

P BP B

P BP B

P BP B

1 2

1

3

2

4

3

= = = =

(voir la Section problegravemes) de sorte que la suite de segments AB P1B P2B P3B qui correspond aux distances entre les diverses positions de P et lrsquoextreacutemiteacute B forme une suite geacuteomeacutetrique deacutecroissante (Construc-tio article 24) la longueur de chacun drsquoeux est en effet la moyenne geacuteomeacutetrique de ses deux voisins Napier considegravere alors un second point Q se deacuteplaccedilant agrave vitesse constante sur une demi-droite (donc illimiteacutee dans un sens) et de maniegravere telle qursquoau moment ougrave P passe par Pi le point Q est en un point Qi = i (voir la Section problegravemes)

Lrsquoideacutee de Napier est drsquoassocier la suite arith-meacutetique

0 1 2 3 n

correspondant aux positions successives de Q agrave la suite geacuteomeacutetrique deacutetermineacutee par les segments

AB P1B P2B P3B PnB

Mais pour que cette association soit com-plegravete il faut la geacuteneacuteraliser agrave un emplacement quelconque de P sur AB outre les positions laquo discregravetes raquo P1 P2 P3 Voici le tour de passe-passe permettant agrave Napier de contourner cette difficulteacute

Puisque des distances parcourues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est propor-tionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (voir la Section problegravemes) Ainsi quand P est agrave mi-chemin dans son trajet de A vers B sa vitesse a diminueacute de moitieacute par rapport agrave sa vitesse initiale Et quand il est rendu aux deux-tiers de lrsquointervalle AB sa vitesse ne vaut plus que le tiers de celle de deacutepart

Passant agrave une vision laquo lisse raquo mdash et non plus par laquo pas raquo mdash du deacuteplacement de P Napier en vient agrave consideacuterer ce point comme chan-geant laquo continucircment raquo de vitesse13 mdash et non pas de maniegravere abrupte et instantaneacutee en chaque point Pi Pour rester dans les mecircmes conditions que preacuteceacutedemment il suppose donc que P se deacuteplace laquo geacuteomeacute-triquement raquo de A vers B crsquoest-agrave-dire de maniegravere telle que la vitesse de P est toujours proportionnelle agrave la distance qui le seacutepare de B (Constructio article 25)

Les laquo logarithmes agrave la Napier raquo sont main-tenant agrave porteacutee de main Supposant drsquoune part que les deux points P et Q entament leur deacuteplacement agrave la mecircme vitesse le premier selon une vitesse deacutecroissant geacuteomeacutetriquement de A vers B et le second agrave vitesse constante agrave partir de 0 et suppo-sant de plus que le point Q est en y lorsque le point P est agrave une distance x de B alors y est appeleacute par Napier le logarithme de x (On eacutecrira ici par commoditeacute y = Nlog(x))

Crsquoest ainsi que le logarithme du reacuteel x est le reacuteel y deacutetermineacute par la suite arithmeacutetique associeacutee agrave la suite geacuteomeacutetrique correspon-dant agrave x

DossierHistoire

12 On notera au passage que le point P nrsquoat-teint ainsi jamais sa cible B car agrave chaque eacutetape il gruge toujours la mecircme fraction du chemin restant agrave parcourir

13 Napier nrsquoutilise pas explicitement une telle terminologie

0 y

x

Q rarrA

P rarr

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P1 P2 P3 P4 Pn

B

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Q1 Q2 Q3 Q4 Qn

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Valeurs numeacuteriques des logarithmes de NapierPlusieurs aspects de la notion de logarithme telle que conccedilue et mise en œuvre par Na-pier peuvent nous sembler un peu eacutetranges aujourdrsquohui On a deacutejagrave insisteacute sur la place qursquoy occupent les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique maintenant absentes du discours sur les logarithmes Une autre par-ticulariteacute est relieacutee aux valeurs numeacuteriques mecircmes deacutetermineacutees par Napier

Une motivation cleacute de Napier eacutetait de construire un outil facilitant les calculs tri-gonomeacutetriques un domaine drsquoapplication des matheacutematiques de toute premiegravere importance agrave son eacutepoque Crsquoest pour cette raison que la table produite par Napier dans son Descriptio repose non pas sur des nombres en geacuteneacuteral mais plutocirct sur le sinus des angles allant de 0deg agrave 90deg chaque degreacute eacutetant diviseacute en 60 minutes Agrave chacune de ces valeurs de sinus (il y en a donc 5 400 en tout) Napier associe son logarithme tel que deacutefini ci-haut

Il faut par ailleurs souligner que la notion de sinus de lrsquoeacutepoque nrsquoest pas tout agrave fait la mecircme qursquoaujourdrsquohui le sinus est alors non pas vu comme un rapport de cocircteacutes dans un triangle mais plutocirct comme la longueur drsquoune demi-corde dans un cercle donneacute Afin de faciliter les calculs il eacutetait drsquousage de travailler avec un cercle de grand rayon de maniegravere agrave eacuteviter lrsquoemploi de fractions et agrave se res-treindre agrave des nombres naturels Or agrave la fin du 16e siegravecle agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier entreprit ses travaux crsquoest sur un cercle de rayon 10 000 000 que srsquoappuyaient certaines des tables trigonomeacutetriques alors en circula-tion14 Crsquoest sans doute lagrave la raison pour laquelle Napier deacutecide de se servir de cette mecircme valeur pour asseoir la construction de sa table logarithmique

Il se dote donc drsquoun segment AB de longueur 107 = 10 000 000 (Constructio article 24) et il suppose que la vitesse initiale de chacun des deux points P et Q est aussi 107 (Constructio articles 25 et 26) Dans le cas de Q cette

vitesse demeure constante alors que pour P elle deacutecroicirct laquo geacuteomeacutetriquement raquo15 Or le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique doit permettre de combler les eacutecarts entre des puissances entiegraveres successives mdash voir agrave ce propos les commentaires plus haut mdash de sorte qursquoil est utile que ce rapport soit un nombre pregraves de 1 Agrave cet effet Napier choisit comme rapport

0999 999 9 11

107= minus

(Constructio articles 14 et 16) Une telle valeur a aussi comme avantage que le calcul de termes successifs de la progression geacuteomeacutetrique peut se ramener agrave une seacuterie de soustractions plutocirct que des multiplica-tions iteacutereacutees par 1 ndash 10ndash7 ce qui a permis agrave Napier de simplifier dans une large mesure la construction de sa table Cette construction demeure neacuteanmoins en pratique un accom-plissement eacutepoustouflant

On observera que les valeurs numeacuteriques des logarithmes creacuteeacutes par Napier sont fort diffeacuterentes de celles que lrsquoon connaicirct aujourdrsquohui Ainsi on a que Nlog(107) = 0 Et Nlog(x) deacutecroicirct lorsque x croicirct De plus il nrsquoest pas question de laquo base raquo dans les propos de Napier (voir agrave ce sujet la Section problegravemes) Mais lrsquoessence du logarithme est bel et bien lagrave

14 De telles tables trigonomeacutetriques ont eacuteteacute construites par Johann Muumlller alias Regio-montanus (1436-1476) et par Georg Joachim de Porris dit Rheticus (1514-1574)

15 Les valeurs choisies par Napier ont pour conseacutequence que la vitesse de P (en tant que nombre) est non seulement proportion-nelle mais est de fait eacutegale agrave la distance de P agrave B (voir la Section problegravemes)

Agrave propos de lrsquoeacutetymologie du mot logarithme

Napier a forgeacute le mot logarithme agrave partir de deux racines grecques drsquousage courant logoς laquo rapport raquo et ariqmoς laquo nombre raquo On peut voir le mot rapport ici comme refleacutetant le rapport commun des termes successifs de la suite geacuteomeacutetrique AB P1B P2B P3B

Au commencement de ses travaux Napier appelait nombres artificiels les valeurs de la suite arithmeacutetique peut-ecirctre pour les opposer aux nombres de la suite geacuteomeacute-trique qui eacutetaient en quelque sorte don-neacutes Mais le terme logarithme srsquoest rapide-ment imposeacute

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Comment ameacuteliorer une solution imparfaite agrave un problegraveme complexe

Et si on srsquoinspirait de la nature pour faire eacutevoluer les solutions

Lrsquoinspiration de la nature En 1859 le naturaliste Charles Darwin a publieacute son ceacutelegravebre ouvrage Lrsquoorigine des espegraveces qui preacutesentait une theacuteorie visant agrave expliquer le pheacutenomegravene de lrsquoeacutevolution Cette theacuteorie reacutevolutionnaire a provoqueacute plusieurs deacutebats agrave lrsquoeacutepoque mais elle est maintenant largement accepteacutee Environ 100 ans plus tard elle a inspireacute le professeur John Holland qui a tenteacute drsquoimpleacutementer artificiellement des systegravemes eacutevolutifs baseacutes sur le proces-sus de seacutelection naturelle Ces travaux ont

ensuite meneacute aux algorithmes geacuteneacutetiques qui sont maintenant utiliseacutes pour obtenir des solutions approcheacutees pour certains problegravemes drsquooptimisation difficiles

Les eacuteleacutements de base drsquoun algorithme geacuteneacutetiqueAfin de comprendre lrsquoanalogie entre le processus de seacutelection naturelle et un algo-rithme geacuteneacutetique rappelons tout drsquoabord les meacutecanismes les plus importants qui sont agrave la base de lrsquoeacutevolution

1 Lrsquoeacutevolution se produit sur des chromo-somes qui repreacutesentent chacun des individus dans une population

2 Le processus de seacutelection naturelle fait en sorte que les chromo-somes les mieux adapteacutes se reproduisent plus souvent et contribuent davantage aux popu- lations futures

3 Lors de la reproduction lrsquoinfor- mation contenue dans les chromosomes des parents est combineacutee et meacutelangeacutee pour produire les chromosomes des enfants (laquo croisement raquo)

4 Le reacutesultat du croisement peut agrave son tour ecirctre modifieacute par des perturbations aleacuteatoires (muta-tions)

Ces meacutecanismes peuvent ecirctre utiliseacutes pour speacutecifier un algorithme geacuteneacutetique tel que celui deacutecrit dans lrsquoencadreacute ci-dessous

Charles Fleurent GIRO

Algorithmes geacuteneacutetiques

Les travaux sur lrsquoeacutevolution des espegraveces vivantes du natura-liste et paleacuteontologue anglais Charles Darwin (1809-1882) ont reacutevolutionneacute la biologie Dans son ouvrage intituleacute LrsquoOrigine des espegraveces paru en 1859 Darwin preacutesente le reacutesultat de ses recherches Darwin eacutetait deacutejagrave ceacutelegravebre au sein de la communauteacute scientifique de son eacutepoque

pour son travail sur le terrain et ses recherches en geacuteologie Ses travaux srsquoinscrivent dans la fouleacutee de ceux du natura-liste franccedilais Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) qui 50 ans plus tocirct avait eacutemis lrsquohypothegravese que toutes les espegraveces vivantes ont eacutevolueacute au cours du temps agrave partir drsquoun seul ou de quelques ancecirctres communs Darwin a soutenu avec Alfred Russel Wallace (1823-1913) que cette eacutevolution eacutetait due au processus dit de la laquo seacutelection naturelle raquo

Comme il naicirct beaucoup plus drsquoindividus de chaque espegravece qursquoil nrsquoen peut survivre et que par conseacutequent il se produit souvent une lutte pour la vie il srsquoensuit que tout ecirctre srsquoil varie mecircme leacutegegraverement drsquoune maniegravere qui lui est profitable dans les conditions complexes et quelque-fois variables de la vie aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi drsquoune faccedilon naturelle En raison du principe dominant de lrsquoheacutereacutediteacute toute varieacuteteacute ainsi choisie aura tendance agrave se multiplier sous sa forme nouvelle et modifieacutee

Charles Darwin 1859 Introduction agrave LrsquoOrigine des espegraveces

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Pour adapter un algorithme geacuteneacutetique agrave un problegraveme drsquooptimisation combinatoire il suf-fit alors de speacutecialiser certaines composantes agrave la structure particuliegravere de ce dernier En geacuteneacuteral les deacutecisions portent sur les aspects suivants

Codage des solutions il faut eacutetablir une correspondance entre les solutions du problegraveme et les chromosomes

Opeacuterateurs geacuteneacutetiques il faut deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation pour les chromosomes

Eacutevaluation des chromosomes la me-sure drsquoadaptation des chromosomes agrave leur environnement est donneacutee par une fonction qui est calculeacutee par un processus plus ou moins complexe

Il existe plusieurs moyens pour mettre en œuvre certains des meacutecanismes importants drsquoun algorithme geacuteneacutetique Par exemple la seacutelection des parents peut srsquoeffectuer de diverses faccedilons Dans une population P = x1 x2 hellip xN ougrave la mesure drsquoadaptation drsquoun individu est eacutevalueacutee par une fonction ƒ lrsquoopeacuterateur classique consiste agrave associer agrave chaque individu xi une probabiliteacute pi drsquoecirctre seacutelectionneacute proportionnelle agrave la valeur de f pour cet individu crsquoest-agrave-dire

pf x

f x( )

( )i

i

jj Psum

=

isin

En pratique on utilise souvent drsquoautres meacute-thodes de seacutelection pouvant se parameacutetrer plus facilement Ainsi dans la seacutelection par tournoi un ensemble drsquoindividus est seacutelec-tionneacute aleacuteatoirement dont les meilleurs eacuteleacute-ments seulement sont retenus Pour choi-sir deux parents on peut donc seacutelectionner aleacuteatoirement 5 individus et ne garder que les deux meilleurs Dans drsquoautres meacutethodes les individus sont ordonneacutes selon leur va-leur pour la fonction ƒ et la seacutelection srsquoeffec-tue aleacuteatoirement selon le rang occupeacute par chaque individu On utilise alors une distri-bution biaiseacutee en faveur des individus en tecircte de liste

Un autre meacutecanisme important est le mode de remplacement des individus de la popula-tion Dans le modegravele original chaque popu-lation de N individus est totalement rempla-ceacutee agrave chaque geacuteneacuteration Drsquoautres strateacutegies laquo eacutelitistes raquo font en sorte drsquoassurer agrave chaque geacuteneacuteration la survie des meilleurs individus de la population Crsquoest le cas entre autres des modegraveles laquo stationnaires raquo ougrave un nombre res-treint drsquoindividus est remplaceacute agrave chaque geacute-neacuteration Dans ce cas on ajoute souvent des meacutecanismes suppleacutementaires empecircchant lrsquoajout drsquoindividus identiques (doublons) dans la population Des implantations plus eacutevo-lueacutees existent eacutegalement pour des architec-tures parallegraveles

Un algorithme geacuteneacutetique 1 Construire une population initiale de N

solutions

2 Eacutevaluer chacun des individus de la population

3 Geacuteneacuterer de nouvelles solutions en seacutelectionnant les parents de faccedilon proportionnelle agrave leur eacutevaluation Appliquer les opeacuterateurs de croisement et de mutation lors de la reproduction

4 Lorsque N nouveaux individus ont eacuteteacute geacuteneacutereacutes ils remplacent alors lrsquoancienne population Les individus de la nouvelle population sont eacutevalueacutes agrave leur tour

5 Si le temps alloueacute nrsquoest pas deacutepasseacute (ou le nombre de geacuteneacuterations maximal nrsquoest pas atteint) retourner agrave lrsquoeacutetape 3

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Repreacutesentation des solutions et opeacuterateurs geacuteneacutetiquesLes premiers algorithmes geacuteneacutetiques utili-saient tous une repreacutesentation binaire ougrave chaque solution s est codeacutee sous la forme drsquoune chaicircne de bits de longueur n ie s[i ] isin 0 1 foralli =1 2 hellip n Pour cette repreacute-sentation lrsquoopeacuterateur de croisement classique agrave un point consiste agrave choisir de faccedilon uniforme une position de coupure aleacuteatoire l isin 1 2 hellip nminus1 Si les parents p1 et p2 ont eacuteteacute seacutelectionneacutes pour la reproduction les solutions enfants e1 et e2 sont alors construites de la faccedilon suivante

e1[i ] = p1[i ] foralli isin1 hellip l e1[i ] = p2[i ] foralli isinl + 1 hellip n e2 [i ] = p2[i ] foralli isin1 hellip l e2 [i ] = p1[i ] foralli isinl + 1 hellip nLorsqursquoon itegravere avec drsquoautres paires de parents on choisit aleacuteatoirement pour chaque paire de parents un nouvel opeacuterateur de croisement agrave un point Lrsquoopeacuterateur agrave un point peut se geacuteneacuteraliser en seacutelectionnant k positions aleacuteatoires plutocirct qursquoune seule Dans ce cas les enfants sont produits en eacutechan-geant lrsquoinformation chromosomique entre les k points de coupure En pratique la valeur k = 2 est couramment utiliseacutee Un autre opeacuterateur tregraves populaire (croisement uni-forme) utilise une chaicircne de bits geacuteneacutereacutee aleacuteatoirement pour engendrer les enfants Pour chaque position le choix aleacuteatoire in-dique quel parent deacuteterminera la valeur des enfants Des exemples des opeacuterateurs de croisement agrave un point agrave deux points et uniforme sont illustreacutes dans les tableaux suivants Des reacutesultats theacuteoriques et empi-riques indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme donne geacuteneacuteralement des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux produits par les deux autres

Opeacuterateur de croisement agrave un point

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 0 1 1

0 1 0 1 0 1 1 0 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement agrave deux points

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 1 0 1

0 1 0 1 0 1 0 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement uniforme

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 1 0 1 1 1 0 0 1

0 1 1 0 1 0 1 0 0

0 0 0 1 0 1 1 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Chaicircnealeacuteatoirede bits

Avec une repreacutesentation binaire on utilise geacuteneacuteralement lrsquoopeacuterateur de mutation clas-sique qui consiste agrave changer aleacuteatoirement un bit pour son compleacutement

Opeacuterateur de mutation classique

Enfant 1 0 0 1 0 1 1 0 1

1 1 0 1 0 1 1 0 0Enfant

Mutationsaleacuteatoires

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Un exemple le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteennePour certains problegravemes la repreacutesentation binaire des solutions est tout agrave fait intuitive et bien adapteacutee Crsquoest le cas par exemple du problegraveme de satisfaisabiliteacute (SAT) Eacutetant donneacute une expression logique F de n variables boo-leacuteennes x1 x2 hellip xn (voir encadreacute) ce problegraveme fondamental (qui est agrave la base de la theacuteorie de la NP-compleacutetude) consiste agrave trouver une affectation aux variables de faccedilon agrave satisfaire F En eacutetablissant les correspondances faux harr 0 vrai harr 1 on peut repreacutesenter chaque solution par une chaicircne binaire de longueur n et utiliser les opeacuterateurs geacuteneacute-tiques classiques deacutecrits preacuteceacutedemment

Pour eacutevaluer les solutions lrsquoexpression logique F peut ecirctre exprimeacutee comme une conjonction (voir encadreacute) de m clauses

F = Cj j =1

m

Chaque clause est alors deacutefinie par une disjonction de variables booleacuteennes dont certaines sont associeacutees agrave un opeacuterateur de neacutegation (indiqueacute par le symbole ndash ) Pour satisfaire F il faut donc satisfaire toutes ses clauses Pour un algorithme geacuteneacutetique chaque solution peut ecirctre simplement eacuteva-lueacutee par le nombre de clauses qursquoelle satisfait par exemple noteacute par f Si on considegravere par exemple lrsquoexpression suivante pour F

= and or and or or

and or or or

and or or or or

F x x x x x x

x x x x

x x x x x

( ) ( ) ( )

( )

( )

1 1 2 1 2 3

1 2 3 4

1 2 3 4 5

la solution (1 0 1 0 0) satisfait toutes les clauses sauf la premiegravere alors que la solution (0 1 1 0 1) satisfait toutes les clauses et donc lrsquoexpression F

Avec une repreacutesentation des chro-mosomes une fonction drsquoadaptation f et des opeacuterateurs de croisement et de mutation nous avons tous les eacuteleacutements pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique simple pour le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteenne Le processus peut ecirctre illustreacute par le tableau en bas de page avec un opeacuterateur de croisement uniforme repreacutesenteacute par la chaicircne de bits U Dans cet exemple simplifieacute lrsquoalgo-rithme a produit en six geacuteneacuterations une solution qui satisfait lrsquoexpression boo-leacuteenne F (les 5 clauses sont satisfaites pour un individu de la population) Pour une fonction plus complexe comprenant un grand nombre de va-riables on utilise des populations plus importantes et laisse la population eacutevoluer lentement vers des solutions de bonne qualiteacute

Variables booleacuteennes

Opeacuterateurs booleacuteens

Une variable booleacuteenne est une variable qui ne peut prendre que deux valeurs logiques VRAI ou FAUX On peut utiliser 1 et 0 pour repreacutesenter ces deux valeurs

Un opeacuterateur booleacuteen est un opeacuterateur qui sap-plique sur une ou deux variables booleacuteennes

La neacutegation drsquoune variable booleacuteenne x qui est noteacutee x change la valeur de la variable booleacuteenne x

Variable Neacutegation

10

01

x x

La conjonction de deux variables x et y noteacutee x and y prend la valeur 1 si les variables x et y ont toutes deux la valeur 1 Dans les autres cas elle prend la valeur 0

Variables Conjonction

1100

1010

1000

x y x y

La disjonction de deux variables x et y noteacutee x or y prend la valeur 1 si au moins lrsquoune des variables a la valeur 1 Elle prend la valeur 0 si les deux variables ont la valeur 0

Variables Disjonction

1100

1010

1110

x y x y

Geacuteneacuteration

5

(0 0 1 0 0) f = 4(0 0 1 0 1) f = 3(0 0 1 1 1) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

(0 0 1 0 0) f = 4(1 0 1 1 0) f = 4(0 0 1 1 1) f = 4

U = (0 1 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4 (1 0 1 1 0) f = 4

(0 1 1 1 0) f = 5U = (0 0 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

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Population Enfant Enfant muteacute

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Autres exemplesLes algorithmes geacuteneacutetiques ne sont pas applicables qursquoaux repreacutesentations binaires Par exemple le problegraveme classique du com-mis voyageur (Traveling Salesman Problem ou TSP) consiste agrave identifier une tourneacutee agrave coucirct minimal qui visite chaque ville drsquoun ensemble agrave couvrir Mecircme si une tourneacutee pourrait alors theacuteoriquement ecirctre repreacutesenteacutee par une chaicircne de booleacuteens on preacutefegravere geacuteneacuterale-ment utiliser une repreacutesentation plus directe sous forme de permutation Chaque permu-tation speacutecifie alors lrsquoordre dans lequel sont visiteacutees les villes

On doit alors deacutefinir des opeacuterateurs de mutation et de croisement pour une repreacutesentation sous forme de permutation Pour la muta-

tion un simple eacutechange entre deux villes dans une seacutequence pourra faire lrsquoaffaire Par exemple

Tourneacutee originale (Montreacuteal Rimou- ski Saguenay Val drsquoOr Queacutebec Sher-brooke)

Apregraves mutation (Montreacuteal Rimouski Saguenay Sherbrooke Queacutebec Val drsquoOr) Pour le croisement il est facile de constater que des opeacuterateurs sem-blables agrave ceux deacutecrits preacuteceacutedemment ne pourraient preacuteserver la structure de permutation Plusieurs opeacuterateurs valides ont toutefois eacuteteacute proposeacutes Agrave titre drsquoexemple lrsquoopeacuterateur OX choisit une sous-seacutequence dans la seacutequence drsquoun des parents et place les villes res-tantes dans lrsquoordre deacutefini par lrsquoautre

parent Dans le tableau ci-dessous deux po-sitions sont choisies aleacuteatoirement afin de deacutefinir une sous-seacutequence chez le premier parent (eacutetape 1) Agrave lrsquoeacutetape 2 les villes res-tantes sont placeacutees selon lrsquoordre induit par le deuxiegraveme parent

P1 Mtl Sag Val Queacute Shb RimQueacute Rim Mtl Shb Sag Val

Rim Sag Val Queacute Mtl Shb

Rim Mtl ShbSag Val Queacute

P2

Eacute1Eacute2

Enf

Ss

Une fois la repreacutesentation et les opeacuterateurs de base deacutefinis on peut simplement eacutevaluer chaque tourneacutee par la distance parcourue et tous les eacuteleacutements sont en place pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique pour le problegraveme TSP

Coloration de grapheUn autre problegraveme classique celui de colo-ration de graphe1 est aussi abordable par les algorithmes geacuteneacutetiques

Pour un graphe G = (V E) constitueacute drsquoun en-semble de nœuds V et drsquoarecirctes E un coloriage est une partition de V en k sous-ensembles (couleurs) C1 C2 hellip Ck pour lesquels u v isin Ci rArr (u v) notinE ie que deux nœuds ne peuvent avoir la mecircme couleur srsquoils sont lieacutes par une arecircte Le problegraveme de coloration de graphe consiste agrave trouver un coloriage utilisant un nombre minimal de sous-ensembles Ce type drsquoapproche permet notamment de reacutesoudre agrave coucirct minimum des conflits drsquohoraire En pratique on choisit drsquoabord une valeur-cible pour k et chaque chromosome constitue une partition de V en k sous-ensembles Les so-lutions sont codeacutees sous forme de chaicircnes en liant lrsquoindice de chaque nœud agrave lrsquoun des k sous-ensembles

DossierApplications

1 Voir laquo Le theacuteoregraveme des quatre couleurs raquo Accromath 141 2019

Coloration de grapheEn theacuteorie des graphes la coloration de graphe consiste agrave attribuer une couleur agrave chacun de ses sommets de maniegravere que deux sommets relieacutes par une arecircte soient de couleur diffeacuterente On cherche souvent agrave utiliser le nombre minimal de couleurs appeleacute nombre chromatique

12

34

5

6

7

89Un coloriage imparfait

10

Mtl Rim

SagShb

ValQueacute

2

6 3

4

1

5

Mtl Rim

SagShb

QueacuteVal

2

6 3

4

1

5

Mutation drsquoune tourneacutee

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Par exemple si on associe C1 agrave bleu C2 agrave rouge et C3 agrave vert dans le coloriage im-parfait de la page preacuteceacutedente la partition des nœuds associeacutee agrave cette solution est (1 2 3 2 3 2 1 2 3 1) car les nœuds 1 7 et 10 sont dans C1 les nœuds 2 4 6 et 8 dans C2 et les nœuds 3 5 et 9 dans C3 En deacutefinissant la fonction f comme le nombre de fois ougrave la regravegle du coloriage nrsquoa pas eacuteteacute respecteacutee on obtient f (C1 C2 C3) = 0 + 1 + 1 = 2 car on a 0 arecircte dans C1 1 arecircte dans C2 (entre les nœuds 2 et 4) et 1 dans C3 (entre les nœuds 3 et 5)

De faccedilon geacuteneacuterale le problegraveme de coloriage consiste agrave geacuteneacuterer une partition telle que f (C1 C2 Ck) = 0 avec un k le plus petit possible Avec la repreacutesentation en chaicircne de la partition il est facile de deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation semblables agrave ceux utiliseacutes pour les repreacutesen-tations binaires Les reacutesultats rapporteacutes dans la litteacuterature indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme domine encore ceux agrave un point et agrave deux points

Est-ce que ccedila fonctionne Il nrsquoy a aucun doute que les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent ecirctre utiliseacutes pour traiter des problegravemes drsquooptimisation Leur performance relative varie cependant selon les contextes Lorsqursquoun problegraveme est bien eacutetudieacute il est geacuteneacuteralement preacutefeacuterable drsquoavoir recours agrave des algorithmes speacutecialiseacutes qui peuvent tirer avantage de certaines structures speacutecifiques Pour le problegraveme TSP par exemple des approches baseacutees sur la programmation en nombres entiers peuvent maintenant reacutesoudre de faccedilon optimale des exemplaires de plusieurs dizaines de milliers de villes Il serait donc mal aviseacute drsquoutiliser un algorithme geacuteneacutetique pour reacutesoudre ce problegraveme (agrave moins de vouloir eacutetudier leur comportement ce qui peut ecirctre tout agrave fait leacutegitime et amusant)

Les algorithmes geacuteneacutetiques ont tout de mecircme lrsquoavantage drsquoecirctre simples agrave mettre en place En fait une meacutethode de codage des opeacuterateurs de croisement et de mutation ainsi qursquoune fonction drsquoeacutevaluation sont suf-fisants pour utiliser une approche eacutevolutive On obtient alors une approche robuste qui peut ecirctre tregraves utile si la fonction agrave optimiser est laquo floue raquo (fuzzy) ou si on dispose de peu de temps pour eacutetudier le problegraveme agrave optimiser

Les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent eacutega-lement ecirctre combineacutes agrave drsquoautres approches drsquooptimisation pour donner lieu agrave des meacutethodes hybrides tregraves puissantes souvent parmi les meilleures disponibles On peut par exemple utiliser des opeacuterateurs de mutation plus sophistiqueacutes pour optimiser le reacutesultat de chaque croisement Pour lrsquoalgorithme hybride reacutesultant la composante laquo geacuteneacute-tique raquo vise alors agrave enrichir la recherche en misant sur les eacuteleacutements qui constituent sa force ie lrsquoutilisation drsquoune population diver-sifieacutee qui permet lrsquoaccegraves aux caracteacuteristiques varieacutees de plusieurs individus et au proces-sus de seacutelection (artificielle dans ce cas) afin drsquoorienter lrsquoexploration vers les meilleures reacutegions de lrsquoespace de solutions Crsquoest bien lagrave lrsquoune des leccedilons agrave tirer de lrsquoobservation de la nature

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Rubrique des

Jean-Paul DelahayeUniversiteacute des Sciences et Technologies de Lille

Lrsquoinformation paradoxale

Comme le preacuteceacutedent ce paradoxe est aussi un paradoxe sur lrsquoinformation cacheacutee cependant il neacutecessite une patience bien supeacuterieure pour ecirctre reacutesolu ou lrsquoaide drsquoun ordinateur

On choisit cinq nombres a b c d et e veacuterifiant les relations

1 le a lt b lt c lt d lt e le 10

Autrement dit les cinq nombres sont compris entre 1 et 10 tous diffeacuterents et classeacutes par ordre croissant On indique leur produit P agrave Patricia (qui est brune) leur somme S agrave Sylvie (qui est blonde) la somme de leurs carreacutes

C = a2 + b2 + c2+ d2 + e2

agrave Christian (qui est barbu) et la valeur

V = (a + b + c)(d + e)

agrave Vincent (qui est chauve)

Ils doivent deviner quels sont les nombres a b c d et e

1- Une heure apregraves qursquoon leur a poseacute le problegraveme les quatre personnages qursquoon interroge simultaneacutement reacutepondent tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

2- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

3- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo Etc

23- Une heure apregraves (soit 23 heures apregraves la formulation de lrsquoeacutenonceacute ) les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

Cependant apregraves cette 23egraveme reacuteponse les visages des quatre personnages srsquoeacuteclairent drsquoun large sourire et tous srsquoexclament laquo crsquoest bon maintenant je connais a b c d et e raquo

Vous en savez assez maintenant pour deviner les 5 nombres a b c d e Il semble paradoxal que la reacutepeacutetition 23 fois de la mecircme affirmation drsquoignorance de la part des personnages soit porteuse drsquoune information Pourtant crsquoest le cas Essayez de comprendre pourquoi et ensuite armez-vous de courage la solution est au bout du calcul

Solution du paradoxe preacuteceacutedent

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Solution du paradoxe preacuteceacutedent

Lrsquoinformation paradoxaleIl arrive que lrsquoon pense ne pas disposer drsquoassez drsquoinfor-mations pour reacutesoudre un problegraveme alors qursquoen reacutealiteacute tout est agrave notre disposition Certaines situations sont si extraordinaires qursquoelles apparaissent paradoxales En voici un exemple

Un homme bavarde avec le facteur sur le pas de la porte de sa maison Il lui dit

laquo Crsquoest amusant je viens de remarquer que la somme des acircges de mes trois filles est eacutegale au numeacutero de ma maison dans la rue Je suis sucircr que si je vous apprends que le produit de leur acircge est 36 vous saurez me dire leur acircge respectif raquo

Le facteur reacutefleacutechit un moment et lui reacutepond

laquo Je suis deacutesoleacute mais je ne peux pas trouver raquo

Lrsquohomme srsquoexclame alors laquo Ah oui Jrsquoavais oublieacute de vous dire que lrsquoaicircneacutee est blonde raquo

Quelques secondes apregraves le facteur lui donne la bonne reacuteponse Aussi paradoxal que cela apparaisse vous pouvez deacuteduire de cet eacutechange lrsquoacircge des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte

SolutionLes diffeacuterentes deacutecompositions de 36 en produit de trois entiers et les sommes des facteurs sont donneacutees dans le tableau ci-contre

Le facteur connaicirct la somme des acircges des trois filles car il est sur le pas de la porte Srsquoil ne peut pas trouver leurs acircges respectifs crsquoest que parmi les produits possibles compatibles avec la somme qursquoil connaicirct il y en a deux qui donnent la mecircme somme Crsquoest donc que la somme est 13 Les deux possibiliteacutes sont donc 1-6-6 et 2-2-9 La premiegravere est eacutelimineacutee car deux enfants ne peuvent avoir le mecircme acircge que srsquoils sont jumeaux et alors il nrsquoy a pas drsquoaicircneacutee La solution est donc 2-2-9 Les acircges des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte sont 2 2 et 9 ans

Produits1times1times362times3times63times3times4

1times2times181times3times121times6times61times4times92times2times9

3811102116131413

Sommes

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Algorithmes dans lrsquohistoire1 Deacuteterminer les PGCD des couples

a) 924 3 135 c) 2 530 9 639

b) 83 337

Lrsquoheacuteritage de Fermat1 Appliquer la meacutethode de Fermat pour

factoriser les nombres suivants

a) 493 b) 1247 c) 6 903

2 Supposons qursquoun entier n est le produit de deux nombres premiers p lt q et que q ndash p lt p2 2 Montrer qursquoen utilisant la meacutethode de Fermat ce nombre n peut ecirctre factoriseacute en seulement une eacutetape

Eacutemergence logarithmique1 Soit la suite arithmeacutetique

a nd( ) n+ isin

a) Montrer que chaque terme (agrave lrsquoex- ception du premier) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins

b) Montrer un reacutesultat analogue pour la suite geacuteomeacutetrique

ar( ) nnisin

2 Montrer qursquoen termes modernes le passage de LrsquoAreacutenaire ci-haut porte sur les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacute-trique et sur la regravegle du produit de deux puissances

Tuyau Des nombres laquo continucircment en proportion agrave partir de lrsquouniteacute raquo forment une suite geacuteomeacutetrique dont le premier terme est 1

3 En comparant les deux tables tireacutees de la tablette MLC 02078 (pp 19 et 20) on y voit la suite geacuteomeacutetrique

2 ndash 4 ndash 8 ndash 16 ndash 32 ndash 64

ecirctre associeacutee agrave deux suites arithmeacutetiques Relier directement ces deux suites arith-meacutetiques lrsquoune agrave lrsquoautre

Tuyau On peut y voir du logarithme

4 Soit deux points P1 et P2 sur un segment AB (voir figure) Montrer que

a) si APAB

P PP B

1 1 2

1

= alors P BAB

P BP B

1 2

1

=

b) la reacuteciproque est elle aussi valide

5 La suite de segments AB P1B P2B P3B forme une progression geacuteomeacutetrique deacutecroissante (p 22) On deacutesigne par r le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique (on a donc r lt 1) et par z la longueur du segment AB

a) Interpreacuteter en termes de z et de r les segments AB P1B P2B P3B

b) Exprimer agrave lrsquoaide de z et de r les longueurs des intervalles AP1 P1P2 P2P3 P3P4

c) Appliquer ces reacutesultats aux valeurs numeacuteriques choisies par Napier (voir p 23)

d) Et que dire dans ce contexte de la suite arithmeacutetique deacutetermineacutee par le mouve-ment du point Q (p 22)

6 a) Expliquer lrsquoobservation dans lrsquoencadreacute ci-bas au cœur de la deacutemarche de Napier

b) En conclure que pour Napier la vitesse de P en un point donneacute est eacutegale agrave sa distance de lrsquoextreacutemiteacute B

Tuyau La constante de proportionnaliteacute de la partie a) est 1

7 On veut interpreacuteter ici le modegravele geacuteomeacute-trico-cineacutematique de Napier agrave lrsquoaide du calcul diffeacuterentiel et inteacutegral (moderne) On appelle x(t) la distance seacuteparant P de lrsquoextreacutemiteacute B au temps t et y(t) la position du point Q au temps t

a) Montrer que le deacuteplacement de Q est deacutecrit par lrsquoeacutequation diffeacuterentielle dydt = 107 avec comme condition initiale y(0) = 0

Tuyau La vitesse est la deacuteriveacutee de la distance parcourue par rapport au temps

b) Montrer de mecircme que le deacuteplace-ment de P est deacutecrit par dxdt = ndashx avec x(0) = 107

c) Reacutesoudre ces deux eacutequations diffeacuteren-tielles

d) Montrer comment on pourrait en tirer une notion de laquo base raquo pour les loga-rithmes de Napier1

1 Au plan historique une telle ideacutee de laquo base raquo chez Napier est une pure fabulation

Section problegravemes

Agrave propos de Napier

Puisque des distances parcou-rues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est pro-portionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (p 22)

Archimegravede LrsquoAreacutenaire

Si des nombres sont continucircment en pro- portion agrave partir de lrsquouniteacute et que cer-tains de ces nombres sont multiplieacutes entre eux le produit sera dans la mecircme pro-gression eacuteloigneacute du plus grand des nom- bres multiplieacutes drsquoautant de nombres que le plus petit des nom- bres multiplieacutes lrsquoest de lrsquouniteacute dans la pro-gression et il sera eacuteloigneacute de lrsquouniteacute de la somme moins un des nombres dont les nombres multiplieacutes sont eacuteloigneacutes de lrsquouniteacute

A

P1 P2

B

Pour en s voir plus

Histoire des matheacutematiques

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

bull Le livre Havil Julian John Napier Life Logarithms and Legacy Princeton University Press 2014 est une mine drsquoor pour des informations sur la vie et lrsquoœuvre de Napier

bull Le contexte ayant meneacute agrave la naissance des logarithmes est exposeacute dans Friedelmeyer Jean-Pierre laquo Contexte et raisons drsquoune lsquomirifiquersquo invention raquo In Eacutevelyne Barbin et al Histoires de logarithmes pp 39-72 Ellipses 2006 Le sous-titre de lrsquoarticle drsquoAccromath a eacuteteacute emprunteacute au titre de ce texte

bull Les deux traiteacutes de Napier sur les logarithmes le Mirifici logarithmorum canonis descriptio et le Mirifici logarithmorum canonis constructio peuvent ecirctre trouveacutes facilement (en latin) sur la Toile Une traduction anglaise de ces traiteacutes est accessible agrave partir du site de Ian Bruce sur les matheacutematiques des 17e et 18e siegravecles httpwww17centurymathscom

bull La citation de Laplace se retrouve aux pp 446-447 de Œuvres complegravetes de Laplace Exposition du systegraveme du monde (6e eacutedition) Bachelier Imprimeur-Libraire 1835 (Disponible sur Google Livres)

bull La tablette meacutesopotamienne MLC 02078 est eacutetudieacutee (pp 35-36) dans Neugebauer Otto et Sachs Abraham Mathematical Cuneiform Texts American Schools of Oriental Research 1945

bull Pour plus drsquoinformation sur lrsquoemploi des vocables laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo voir Charbonneau Louis laquo Progression arithmeacutetique et progression geacuteomeacutetrique raquo Bulletin AMQ 23(3) (1983) 4-6

bull Publieacutes en allemand en 1770 les Eacuteleacutements drsquoalgegravebre de Leonhard Euler sont parus en traduction franccedilaise degraves 1774 Cette version est accessible agrave partir du site Gallica de la Bibliothegraveque nationale de France httpsgallicabnffr

bull Lrsquoextrait de LrsquoAreacutenaire mdash voir la Section problegravemes mdash se trouve (p 366) dans Ver Eecke Paul Les œuvres complegravetes drsquoArchimegravede tome 1 Vaillant-Carmanne 1960

Applications des matheacutematiques

Lrsquoheacuteritage de Fermat

bull WB Hart laquo A one line factoring algorithmraquo J Aust Math Soc 92 (2012) no 1 61ndash69

bull RS Lehman laquo Factoring large integers raquo Math Comp 28 (1974) 637ndash646

bull MA Morrison and J Brillhart laquo A method of factoring and the factorization of F 7 raquo Math Comp 29 (1975) 183ndash205

bull C Pomerance laquoThe quadratic sieve factoring algorithm raquo Advances in Cryptology (Paris 1984) 169-182 Lecture Notes in Comput Sci 209 Springer Berlin 1985

Accromath est une publication de lrsquoInstitut des sciences matheacutema-tiques (ISM) et du Centre de recherches matheacutematiques (CRM) La revue srsquoadresse surtout aux eacutetudiantes et eacutetudiants drsquoeacutecole secon-daire et de ceacutegep ainsi qursquoagrave leurs enseignantes et enseignants

LrsquoInstitut des sciences matheacutematiques est une institution unique deacutedieacutee agrave la promotion et agrave la coordination de lrsquoenseignement et de la recherche en sciences matheacutematiques au Queacutebec En reacuteunissant neuf deacutepartements de matheacutematiques des universiteacutes queacutebeacutecoises (Concordia HEC Montreacuteal Universiteacute Laval McGill Universiteacute de Montreacuteal UQAM UQTR Universiteacute de Sherbrooke Bishoprsquos) lrsquoInstitut rassemble un grand bassin drsquoexpertises en recherche et en enseignement des matheacutematiques LrsquoInstitut anime de nombreuses activiteacutes scientifiques dont des seacuteminaires de recherche et des colloques agrave lrsquointention des professeurs et des eacutetudiants avanceacutes ainsi que des confeacuterences de vulgarisation donneacutees dans les ceacutegeps Il offre eacutegalement plusieurs programmes de bourses drsquoexcellence

LrsquoISM est financeacute par le Ministegravere de lrsquoEnseignement supeacuterieur et par ses neuf universiteacutes membres

Le Centre de recherches matheacutematiques est un centre national pour la recherche fondamentale en matheacutematiques et ses applica-tions Les scientifiques du CRM comptent plus drsquoune centaine de membres reacuteguliers et de stagiaires postdoctoraux Lieu privileacutegieacute de rencontre le Centre est lrsquohocircte chaque anneacutee de nombreux visi-teurs et drsquoateliers de recherche internationaux

Les activiteacutes scientifiques du CRM comportent deux volets principaux les projets de recherche qursquoentreprennent ses laboratoires et les activiteacutes theacutematiques organiseacutees agrave lrsquoeacutechelle internationale Ces derniegraveres ouvertes agrave tous les domaines impliquent des chercheurs du CRM et drsquoautres universiteacutes Afin drsquoassurer une meilleure diffusion des reacutesultats de recherches de ses collaborateurs le CRM a lanceacute en 1989 un programme de publications en collaboration avec lrsquoAmerican Mathematical Society et avec Springer

Le CRM est principalement financeacute par le CRSNG (Conseil de recherches en sciences naturelles et en geacutenie du Canada) le FQRNT (Fonds queacutebeacutecois de recherche sur la nature et les technologies) lrsquoUniversiteacute de Montreacuteal et par six autres universiteacutes au Queacutebec et en Ontario

Accromath beacuteneacuteficie de lrsquoappui de la Dotation Serge-Bissonnette du CRM

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BRONZE2014

OR2012

2008

Prix speacutecial de la ministre 2009

Prix Anatole Decerf 2012

Page 18: L’héritage de Pierre de Fermat La factorisation des grands ...

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Premiegravere question combien faut-il faire de tests en moyenne Un nombre de 100 chiffres est un nombre de lrsquoordre de 10100 Le theacuteoregraveme des nombres premiers nous dit que si N est grand il y a environ N ln N nombres premiers infeacuterieurs ou eacutegaux agrave N Si on choisit au ha-sard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 la chance qursquoil soit premier est donc drsquoenviron

N1

ln1

ln101

100ln101

230100= = =

On peut faire mieux la moitieacute des nombres sont pairs et parmi les nombres impairs on peut eacuteliminer les multiples de 5 Donc si on choisit au hasard un nombre infeacuterieur ou eacutegal agrave N = 10100 qui se termine par 1 3 7 ou 9 on a une chance sur 92 qursquoil soit pre-mier (40 des nombres se terminent par 1 3 7 9 et 410 de 230 donne 92) Ceci signi-fie qursquoen moyenne apregraves 92 tests on a trou-veacute un nombre premier Faire 92 tests est fa-cile pour un ordinateur

Ceci nous amegravene agrave la deuxiegraveme question que signifie laquo tester raquo qursquoun nombre p est pre-mier On a appris agrave le faire en cherchant si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p ce qui revient agrave factoriser partiellement p Mais factoriser est difficile pour un ordinateurhellip

On peut faire mieux Srsquoil est facile de tester si un nombre p est premier crsquoest parce qursquoon peut le faire sans factoriser p Lrsquoideacutee est la suivante Si p nrsquoest pas premier il laisse

ses empreintes partout Dans le test de primaliteacute de Miller-Rabin si p nrsquoest pas pre-mier au moins les trois-quarts des nombres entre 1 et p ont une empreinte de p crsquoest-agrave-dire qursquoils sont des teacutemoins du fait que p nrsquoest pas premier Le test pour deacutecider si un nombre est un teacutemoin est un peu tech-nique (voir encadreacute page ci-contre) Mais ce test est facile pour un ordinateur On choisit au hasard des nombres a1 am le p Si lrsquoun des ai est un teacutemoin on conclut que p nrsquoest pas premier Si aucun des ai nrsquoest un teacutemoin alors p a une tregraves grande chance drsquoecirctre pre-mier Par exemple si m = 100 la chance que p ne soit pas premier sachant que a1 am ne sont pas des teacutemoins est infeacuterieure ou eacutegale agrave 10ndash58 soit tregraves tregraves petite

Peut-on se fier agrave un algorithme probabiliste Les informaticiens le font reacuteguliegraverement degraves qursquoils ont besoin de grands nombres premiers et on nrsquoobserve pas de catas-trophe autour de nous On voit drsquoailleurs qursquoon pourrait transformer cet algorithme probabiliste de primaliteacute en algorithme deacute-terministe il suffirait de tester au moins le quart des nombres a isin 2 p ndash1 Si aucun nrsquoest un teacutemoin alors on peut affir-mer avec certitude que p est premier Mais cet algorithme serait sans inteacuterecirct car il requerrait de regarder si p4 nombres sont des teacutemoins alors que lrsquoalgorithme usuel de factorisation demande de regarder si p a un facteur premier infeacuterieur ou eacutegal agrave p et

pp4

lt degraves que p gt 16

Casser le code RSA sur un ordinateur quantiqueEn 1997 Peter Shor a annonceacute un algo-rithme qui casserait le code RSA sur un ordinateur quantique qui nrsquoexiste pas encorehellip Que signifie cette affirmation Lrsquoalgorithme de Shor est simplement un autre algorithme de factorisation Il fonc-tionnerait sur un de nos ordinateurs mais il serait moins bon que les meilleurs algo-rithmes de factorisation La limite de nos ordinateurs est le paralleacutelisme On ne peut faire qursquoun nombre limiteacute drsquoopeacuterations en parallegravele

DossierApplications

4 Il est inteacuteressant de noter que la meacutethode eacutegyptienne peut ecirctre vue en termes modernes comme revenant agrave eacutecrire le mul-tiplicateur en base deux (mecircme si leur sys-tegraveme de numeacuteration nrsquoeacutetait pas un systegraveme positionnel comme le nocirctre)

Quelques avantages de la cryptographie agrave cleacute publique

La cryptographie agrave cleacute publique est tregraves utile quand des milliers de personnes par exemple des clients peuvent vouloir envoyer leur numeacutero de carte de creacutedit agrave une mecircme compagnie

La meacutethode drsquoencryptage est publique et seule la compagnie peut deacutecrypter les messages chiffreacutes

Un autre avantage est que deux interlocuteurs nrsquoont pas besoin drsquoeacutechanger de lrsquoinformation secregravete par exemple une cleacute pour communiquer de maniegravere seacutecuritaire Il suffit que chacun publie son systegraveme de cryptographie agrave cleacute publique

Le systegraveme RSA permet de signer un message pour srsquoassurer qursquoil provient bien de la bonne personne Dans notre exemple pour que Bernard signe son message il faut qursquoil construise son propre sys-tegraveme agrave cleacute publique dont il publie la cleacute nrsquo et la cleacute de cryptage ersquo Il se servira de sa cleacute de deacutecryptage drsquo pour apposer sa signature sur le message

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Facile difficile | Christiane Rousseau bull Universiteacute de Montreacuteal

Un ordinateur est composeacute de transistors qui fonctionnent agrave la maniegravere drsquointerrup-teurs en ayant deux positions OUVERT et FERMEacute que lrsquoon peut coder comme des bits drsquoinformation 0 ou 1 Un nombre de 200 chiffres est infeacuterieur agrave 10200 lt 2665 et donc peut srsquoeacutecrire avec 665 bits Tester srsquoil a un diviseur premier infeacuterieur agrave 10100 lt 2333 revient agrave regarder toutes les suites de 333 bits eacutegaux agrave 0 ou 1 Un travail titanesque sauf si lrsquoordinateur a un grand paralleacutelisme Dans un ordinateur quantique les bits drsquoinformation sont des bits quantiques ils peuvent ecirctre dans un eacutetat superposeacute entre 0 et 1 Lrsquoimage que lrsquoon pourrait donner est celle drsquoun sou Une fois lanceacute il tombe sur PILE ou sur FACE Mais avant de le lancer il a probabiliteacute 12 de tomber sur PILE et probabiliteacute 12 de tomber sur FACE On pourrait dire qursquoil est dans un eacutetat superposeacute Le fait que m bits quantiques soient dans un eacutetat superposeacute implique qursquoils peuvent faire simultaneacutement les 2m opeacutera-tions diffeacuterentes correspondant agrave tous les choix de valeurs 0 ou 1 pour chacun des bits Par contre de mecircme que notre sou tombe neacutecessairement sur PILE ou sur FACE degraves qursquoon veut observer un bit quantique il prend neacutecessairement la valeur 0 ou la valeur 1 et donc on ne peut observer le reacutesultat de tous les calculs faits en parallegravele La subtiliteacute de lrsquoalgorithme de Shor vient du fait qursquoon pourra reacutecupeacuterer le reacutesultat du calcul lequel donne une factorisation de p si p nrsquoest pas premier

Le nombre 15 a eacuteteacute factoriseacute sur un ordi-nateur quantique en 2007 et en 2012 on a factoriseacute 143 = 11x13 Les progregraves semblent lents depuis ce temps Le deacutefi technologique de lrsquoordinateur quantique est de maintenir de nombreux bits en eacutetat superposeacute Ce recircve deviendra-t-il reacutealiteacute Mecircme si les progregraves semblent lents les experts y croient de plus en plus

Tester si un nombre est un teacutemoinOn veut tester si p impair est premier Alors on peut eacutecrire p ndash 1 qui est pair comme p ndash 1 = 2sd ougrave d est impair

(Il suffit de diviser p ndash 1 par 2 successive-ment jusqursquoagrave ce que le quotient soir im-pair) Soit a isin 2 p ndash1

Critegravere pour ecirctre teacutemoin Si a est un teacute-moin que p nrsquoest pas premier alors on a simultaneacutement que le reste de la division de ad par p est diffeacuterent de 1 et que les restes de la division de a d2r

par p sont diffeacuterents de p ndash 1 pour tous les r isin 0 s ndash1

Regardons un premier exemple Prenons p = 13 Alors p ndash 1 = 22 3 Ici d = 3 et s = 2 Voyons que p nrsquoa aucun teacutemoin

La premiegravere colonne du tableau agrave gauche donne a la deuxiegraveme colonne donne

le reste de la division de ad = a3 par p et la troisiegraveme colonne le reste de la division de a2d = a6 par p

On voit bien que pour chaque a soit on a un 1 dans le premiegravere colonne ou bien un 1 ou un 12 dans la deuxiegraveme colonne et donc aucun a nrsquoest un teacutemoin de 13 On sait alors que 13 est premier

Refaisons lrsquoexercice avec p = 15 Alors p ndash 1 = 2 7 Comptons combien p a de teacutemoins Ici la deuxiegraveme colonne repreacutesente le reste de la division de ad= a7 par p Tous les a sauf 14 sont des teacutemoins et chacun nous dit que 15 nrsquoest pas premier

Mais bien sucircr apprendre qursquoun nombre a est un teacutemoin que p nrsquoest pas premier ne nous apprend rien de la factorisation de p

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Le fonctionnement de lrsquoalgorithme de Shor

On veut factoriser un entier n Lrsquoalgo-rithme de Shor cherche un diviseur d de n qui soit diffeacuterent de 1 et de n Ensuite on peut iteacuterer en cherchant un diviseur de lrsquoentier S = nd Voyons qursquoil suffit de trouver un entier r tel que n divise r2 ndash 1 = (r ndash 1)(r + 1) mais n ne divise ni r ndash 1 ni r + 1 Puisque n divise r2 ndash 1 il existe un entier m tel que r2 ndash 1 = mn Soit p un facteur premier de n Alors p divise r ndash 1 ou encore p divise r + 1 Dans le premier cas d est le pgcd de r ndash 1 et n et dans le deuxiegraveme cas celui de r + 1 et n Calculer le pgcd de deux nombres par lrsquoalgorithme drsquoEuclide3 est facile pour un ordinateur Comment construire un tel entier r est un peu technique et nous ne ferons pas les deacutetails

3 Voir laquo Algorithmes au cours de lrsquohistoire raquo par Andreacute Ross p 2 de ce numeacutero

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Si la notion de logarithme paraicirct aujourdrsquohui tout agrave fait naturelle sa conceptualisation et sa mise en œuvre au plan pratique au deacutebut

du 17e siegravecle nrsquoont point eacuteteacute une mince affaire Premiers eacutepisodes de cette foisonnante saga

Peu de temps apregraves leur introduction par John Napier (1550-1617) au tout deacutebut du 17e siegravecle les logarithmes se sont rapidement imposeacutes comme un laquo merveilleux raquo1 outil essentiel en astronomie et en navigation deux domaines scientifiques particuliegraverement avanceacutes agrave cette eacutepoque et qui venaient avec leur lot de calculs proprement titanesques Crsquoest dans un tel contexte qursquoil faut entendre le ceacutelegravebre aphorisme ducirc au matheacutematicien physicien et astronome franccedilais Pierre-Simon Laplace2 (1749-1827) qui srsquointeacuteressant dans le cadre drsquoun survol historique de lrsquoastronomie aux travaux de Johannes Kepler (1571-1630) affirmait que la deacutecouverte des logarithmes mdash combineacutee agrave lrsquoarithmeacutetique des Indiens crsquoest-agrave-dire lrsquoeacutecriture des nombres dans un systegraveme positionnel mdash avait pour ainsi dire doubleacute la vie des astronomes (voir encadreacute)

La preacutehistoire des logarithmesIssu entiegraverement de lrsquolaquo esprit humain raquo selon les dires de Laplace le concept de logarithme repose sur une ideacutee somme toute assez na-turelle consideacuterant diverses puissances drsquoun mecircme nombre on porte lrsquoattention sur les exposants de ces puissances Par exemple srsquoagissant des entiers

64 256 1024 et 4096crsquoest-agrave-dire respectivement

43 44 45 et 46on envisage plutocirct les exposants

3 4 5 et 6

Sur la base de ces donneacutees on pourrait conclure immeacutediatement mdash si on dispose drsquoune table de puissances de 4 mdash que

256 times 4 096 = 1 048 576prenant appui sur le fait que

44 times 46 = 44 + 6 = 410

(on applique ici une regravegle de base des exposants qui va de soi lorsque ceux-ci sont des entiers naturels) Il nrsquoest pas eacutetonnant que des telles intuitions aient pu se retrouver il y a fort longtemps

Jeacuterocircme Camireacute-Bernier

Bernard R Hodgson Universiteacute Laval

1 Renvoi agrave lrsquoeacutepithegravete mirifique (archaiumlque de nos jours) utiliseacutee par Napier lui-mecircme Lrsquoex-pression mirifique invention de notre titre est emprunteacutee agrave Jean-Pierre Friedelmeyer (voir le Pour en savoir plus)

2 Alias Pierre-Simon de Laplace Aussi homme politique il fut nommeacute marquis en 1817 (drsquoougrave la particule nobiliaire)

Laplace agrave propos des logarithmeslaquo Il [Kepler] eut dans ses derniegraveres anneacutees lrsquoavantage de voir naicirctre et drsquoemployer la deacutecouverte des logarithmes due agrave Neper baron eacutecossais artifice admirable ajouteacute agrave lrsquoingeacutenieux algorithme des Indiens et qui en reacuteduisant agrave quelques jours le travail de plusieurs mois double si lrsquoon peut ainsi dire la vie des astronomes et leur eacutepargne les erreurs et les deacutegoucircts inseacuteparables des longs calculs invention drsquoautant plus satis-

faisante pour lrsquoesprit humain qursquoil lrsquoa tireacutee en entier de son propre fonds dans les arts lrsquohomme se sert des mateacuteriaux et des forces de la nature pour accroicirctre sa puissance mais ici tout est son ouvrage raquo

Exposition du systegraveme du monde Livre V Chapitre IV

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

Un peu de vocabulaire

Eacutetant donneacute deux reacuteels (positifs) x et y leur moyenne arithmeacutetique

est donneacutee par x y2+ et leur moyenne geacuteomeacutetrique par xy

Ces appellations trouvent leur origine dans les matheacutematiques grecques de lrsquoAntiquiteacute notamment de lrsquoeacutepoque de Pythagore

Lrsquoarithmeacutetique de lrsquoeacutecole pythagoricienne portant sur lrsquoeacutetude des entiers (et des rapports simples drsquoentiers) on voit immeacutediatement pourquoi la premiegravere moyenne est dite laquo arithmeacutetique raquo Quant agrave la moyenne laquo geacuteomeacutetrique raquo elle fait intervenir une opeacuteration qui megravene agrave des grandeurs geacuteneacuteralement au-delagrave du champ des entiers Or le domaine qui eacutetudie les grandeurs par exemple les segments de droite est justement la geacuteomeacutetrie

On peut montrer que dans une suite arithmeacutetique un terme donneacute (agrave partir du deuxiegraveme) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins Et de mecircme mutatis mutandis pour une suite geacuteomeacutetrique (Voir la Section problegravemes)

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Ainsi sur la partie infeacuterieure de la tablette meacutesopotamienne MLC 020783 datant drsquoentre 1900 et 1600 avant notre egravere se trouve le tableau ci-haut (les nombres sont donneacutes ici en notation moderne et non en eacutecriture cu-neacuteiforme) on y reconnaicirct immeacutediatement la liste des premiegraveres puissances de 2 ainsi que les exposants correspondants

Lrsquousage a consacreacute lrsquoexpression suite arith-meacutetique (ou progression arithmeacutetique selon une tournure un brin suranneacutee) pour une liste de nombres qui comme dans la colonne de droite de ce tableau croissent (ou deacutecroissent) reacuteguliegraverement de maniegravere additive

a a + d a + 2d a + nd

a repreacutesentant le premier terme de la suite et d la diffeacuterence entre deux termes conseacute-cutifs mdash crsquoest-agrave-dire de combien lrsquoun de ces termes est plus grand que lrsquoautre4 (Le tableau preacuteceacutedent correspond au cas ougrave a = 1 et d = 1) Lorsque les nombres de la liste sont relieacutes multiplicativement

a ar ar2 arn

on parlera de suite (ou progression) geacuteomeacute-trique la constante r repreacutesentant cette fois le rapport entre deux termes conseacutecutifs mdash crsquoest-agrave-dire combien de fois lrsquoun est plus grand que lrsquoautre4 (Dans la colonne de gauche du tableau on a a = 2 et r = 2) (Voir lrsquoencadreacute Un peu de vocabulaire pour le sens des mots laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo dans un tel contexte)

Selon cette nomenclature la tablette MLC 02078 peut donc srsquointerpreacuteter comme la mise en comparaison de deux suites lrsquoune arithmeacutetique et lrsquoautre geacuteomeacutetrique Ce type de situation se retrouve agrave diverses eacutepoques au fil des acircges Ainsi en est-il question dans un autre document de lrsquoAntiquiteacute LrsquoAreacutenaire traiteacute dans lequel Archimegravede (-287 ndash -212) se donne comme objectif de deacuteterminer le nombre de grains de sable dont le volume serait eacutegal agrave celui du laquo monde raquo5 Parmi les outils dont se sert alors le grand matheacutematicien grec se retrouve la manipulation simultaneacutee drsquoune suite arithmeacutetique et drsquoune suite geacuteomeacutetrique ce qui lrsquoamegravene (en termes modernes) agrave identifier au passage la regravegle drsquoaddition des exposants

bm times bn = bm +n

(voir la Section problegravemes) et donc le prin-cipe de transformation drsquoune multiplication en une addition agrave la base des logarithmes

3 Pour Morgan Library Collection Cette tablette se retrouve dans la collection de lrsquoUniversiteacute Yale aux Eacutetats-Unis

4 Cette faccedilon de parler est utiliseacutee par Euler lorsqursquoil introduit les notions de rapports arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique dans ses Eacuteleacutements drsquoalgegravebre (1774) mdash voir Section troisiegraveme laquo Des rapports amp des propor-tions raquo entre autres les articles 378 398 et 505

5 Une des difficulteacutes auxquelles fait ici face Archimegravede est de reacutealiser cet objectif dans le cadre du systegraveme de numeacuteration grec qui nrsquoeacutetait pas propice pour exprimer aiseacutement de tregraves grands nombres Mais cela est une autre histoirehellip

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Tablette MLC 02078 (1900-1600 avant notre egravere)

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Cette mecircme ideacutee se retrouve plusieurs siegravecles plus tard dans Le Triparty en la science des nombres (1484) du Franccedilais Nicolas Chuquet (1445-1488) Dans la troisiegraveme partie de cet ouvrage Chuquet introduit des regravegles cal-culatoires de nature algeacutebrique Il srsquointeacuteresse alors notamment aux valeurs des puis-sances de 2 depuis 1 jusqursquoagrave 1 048 576 qursquoil aligne en colonnes avec les exposants entiers correspondants (qursquoil appelle laquo deacuteno-minations raquo) de 0 jusqursquoagrave 20 et note que la multiplication de nombres de la premiegravere colonne correspond agrave lrsquoaddition de nombres dans la seconde Il identifie aussi une autre regravegle de base des exposants

b b( )m n mn=(encore une fois exprimeacutee ici en notation moderne) Agrave noter que Chuquet utilise une notation avec indice sureacuteleveacute (comme nous le faisons aujourdrsquohui)6 et qursquoen plus de lrsquoexposant 0 il considegravere des exposants (entiers) neacutegatifs Au milieu du 16e siegravecle lrsquoAllemand Michael Stifel (1487-1567) reprendra les mecircmes thegravemes dans son Arithmetica integra (1544) ougrave il parle expli-citement de la relation entre une progression arithmeacutetique et une progression geacuteomeacutetrique Crsquoest drsquoailleurs agrave Stifel que lrsquoon doit le vocable exposants pour deacutesigner les nombres de la suite arithmeacutetique en jeu

Si quelques-uns des principes servant de fondements agrave la notion de logarithme se per-ccediloivent dans les commentaires qui preacutecegravedent on est encore loin du logarithme en tant que tel Pour qursquoune correspondance entre une suite geacuteomeacutetrique et une suite arithmeacutetique devienne un veacuteritable outil de calcul il faut en effet laquo boucher les trous raquo entre les puissances (entiegraveres) successives Il peut ecirctre inteacuteressant comme le souligne Chuquet de conclure gracircce agrave sa table des puissances de 2 que le produit de 128 et 512 est 65 536 Mais cela ne nous renseigne en rien par exemple sur le produit 345 times 678 On voit mecircme Chuquet dans un appendice au Tripar-ty chercher agrave reacutesoudre des problegravemes dans lesquels un exposant fractionnaire est rechercheacute mdash mais sans deacutevelopper pour autant drsquoapproche systeacutematique agrave cette fin

Certains eacuteleacutements (timides) agrave cet eacutegard se retrouvent il y a fort longtemps Ainsi le tableau numeacuterique ci-contre figure lui aussi sur la tablette MLC 02078 (dans sa partie supeacuterieure) On y voit une progression arith-meacutetique de diffeacuterence frac-tionnaire ecirctre juxtaposeacutee agrave une progression geacuteomeacutetrique agrave savoir des puissances de 16 Mais peu semble avoir eacuteteacute fait pour pousser plus loin de telles asso-ciations jusqursquoagrave lrsquoarriveacutee de Napier

Les logarithmes agrave la NapierTout eacutetudiant est aujourdrsquohui familier avec le fait que le passage drsquoun nombre donneacute agrave son logarithme (selon une certaine base) revient agrave identifier lrsquoexposant dont il faut affecter cette base pour retrouver le nombre en cause Ayant fixeacute un reacuteel b (positif et diffeacuterent de 1) et consideacuterant un reacuteel positif x le logarithme de x dans la base b noteacute logbx est donc par deacutefinition lrsquoexposant (reacuteel) u tel que bu = x Une telle vision il faut le souligner demeure relativement tardive par rapport agrave lrsquointuition originale de logarithme nrsquoeacutetant devenue la norme que pregraves drsquoun siegravecle et demi apregraves les travaux de lrsquoEacutecossais John Napier7 mdash voir lrsquoencadreacute Les traiteacutes de Napier mdash lorsque Leonhard Euler (1707-1783) en a fait la pierre drsquoassise de son traitement de la fonction logarithmique8 dans son Introduc-tio in analysin infinitorum (1748) Acceptant les proprieacuteteacutes de la fonction exponentielle bu pour des reacuteels b et u quelconques on tire im-meacutediatement de cette deacutefinition la proprieacuteteacute de base du logarithme

logb xy = logb x + logb y

ce qui permet de transformer une multi-plication en une addition de mecircme que les eacutegaliteacutes similaires pour le logarithme drsquoun quotient ou drsquoune puissance

DossierHistoire

6 La notation exponentielle aujourdrsquohui usuelle telle a2 ou a3 se reacutepandra apregraves son utilisa-tion par Reneacute Descartes (1596-1650) dans son traiteacute La geacuteomeacutetrie (1637)

7 Voir Andreacute Ross laquo John Napier raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 8-11

8 Cette approche drsquoEuler peut ecirctre vue comme une illustration remarquable de lrsquoim-pact drsquoune bonne notation en vue de clarifier et faciliter la deacutemarche de la penseacutee

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

On observera que lrsquoideacutee drsquoun lien entre deux suites lrsquoune geacuteomeacutetrique et lrsquoautre arithmeacutetique bien que sous-jacente agrave la derniegravere eacutegaliteacute nrsquoest pas pour autant expli-citement mise en eacutevidence dans cette vision moderne (post-euleacuterienne) du logarithme Or agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier introduit ses loga-rithmes lrsquoideacutee de laquo fonction raquo nrsquoest pas dans lrsquoair du temps mdash elle ne surgira de fait que vers la fin du 17e siegravecle dans la mouvance des travaux sur le calcul infiniteacutesimal mdash de sorte que la comparaison de suites (geacuteomeacutetrique et arithmeacutetique) demeure la principale source drsquoinspiration de ses travaux

Une autre mouvance de lrsquoeacutepoque visait agrave se doter drsquooutils permettant de simplifier lrsquoexeacutecution de calculs arithmeacutetiques portant sur de gros nombres Dans un texte preacuteceacute-dent9 nous avons preacutesenteacute entre autres la meacutethode de prosthapheacuteregravese utiliseacutee vers la fin du 16e siegravecle en vue de transformer une multiplication en addition ou une division en soustraction La populariteacute de telles meacutethodes notamment dans les cercles astronomiques a certainement contribueacute agrave convaincre Napier de lrsquoimportance de deacuteve-lopper des outils permettant de raccourcir les calculs y compris dans le cas de lrsquoexponen-tiation ou de lrsquoextraction de racine Il en fait drsquoailleurs mention explicitement dans la preacute-face de son Descriptio Soulignant le caractegravere peacutenible dans la pratique des matheacutematiques de la multiplication division ou extraction de racine carreacutee ou cubique de grands nombres Napier insiste non seulement sur le temps re-quis pour exeacutecuter ces opeacuterations mais aus-si sur les nombreuses erreurs qui peuvent en reacutesulter Agrave la recherche drsquoune meacutethode sucircre et expeacuteditive afin de contourner ces difficul-teacutes il annonce qursquoapregraves lrsquoexamen de plusieurs proceacutedeacutes il en a retenu un qui rencontre ses attentes

laquo Agrave la veacuteriteacute aucun proceacutedeacute nrsquoest plus utile que la meacutethode que jrsquoai trouveacutee Car tous les nombres utiliseacutes dans les multiplica-tions les divisions et les extractions ar-

dues et prolixes de racines sont rejeteacutes des opeacuterations et agrave leur place sont substitueacutes drsquoautres nombres sur lesquels les calculs se font seulement par des additions des soustractions et des divisions par deux et par trois raquo10

La vision geacuteomeacutetrico- cineacutematique de NapierUn troisiegraveme eacuteleacutement sur lequel srsquoappuie Napier dans sa creacuteation des logarithmes est la geacuteomeacutetrie mdash plus preacuteciseacutement la geacuteomeacutetrie du mouvement Il a en effet lrsquoideacutee de comparer le deacuteplacement de deux points lrsquoun bougeant selon une vitesse11 variant de maniegravere telle que les distances parcourues en des intervalles de temps eacutegaux forment une progression geacuteomeacute-trique tandis que lrsquoautre point bougeant agrave vitesse constante deacute-termine des distances en progression arith-meacutetique Le support geacuteomeacutetrique dont se sert alors Napier peut se deacutecrire comme suit

9 Voir laquo Eacutemergence logarithmique tables et calculs raquo Accromath vol 14 hiver-printemps 2019 pp 2-7

10 Tireacute de la preacuteface du Mirifici logarithmorum canonis descriptio (traduction personnelle)

11 Napier introduit lrsquoideacutee de mouvement degraves la deacutefinition 1 du Descriptio Il utilise explicite-ment le terme laquo vitesse raquo agrave la deacutefinition 5

Les traiteacutes de NapierCrsquoest degraves lrsquoanneacutee 1594 que Na-pier entame les travaux qui lrsquoamegraveneront agrave la notion de loga-rithme En 1614 il fait connaicirctre son invention en publiant un premier traiteacute sur le sujet mdash reacutedigeacute en latin la langue des savants de lrsquoeacutepoque Mirifici lo-garithmorum canonis descrip-tio (crsquoest-agrave-dire Description de la merveilleuse regravegle des loga-rithmes) Il srsquoagit de la premiegravere publication drsquoune table de lo-garithmes qui occupent les 90 derniegraveres pages du traiteacute Cette table est preacuteceacutedeacutee drsquoun texte de 57 pages ougrave Napier explique

ce que sont les logarithmes et comment les utiliser

Un second traiteacute de Napier sur le sujet est un ouvrage reacutedigeacute avant la parution du Descriptio mais publieacute par lrsquoun de ses fils seulement en 1619 deux ans apregraves sa mort Mirifici loga-rithmorum canonis constructio (Construction de la merveilleuse regravegle des logarithmes) Dans un texte drsquoenviron 35 pages (ac-compagneacute drsquoappendices) Na-pier preacutesente la theacuteorie sur la-quelle il srsquoest appuyeacute pour construire sa table

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Eacutetant donneacute un segment AB de longueur deacutetermineacutee il considegravere un point P partant de A avec une vitesse initiale donneacutee et se deacuteplaccedilant vers B en une seacuterie de laquo pas raquo P1 P2 P3 Pn

Napier stipule (Descriptio deacutefinition 2) que la vitesse de deacuteplacement de P le long de AB deacutecroicirct de maniegravere telle que en des temps eacutegaux la longueur de chacun des inter-valles AP1 P1P2 P2P3 P3P4 successivement parcourus par P est proportionnelle agrave la dis-tance seacuteparant P de sa cible B (lorsqursquoil est agrave lrsquoextreacutemiteacute gauche de chaque intervalle)12

APAB

P PP B

P PP B

P PP B

1 1 2

1

2 3

2

3 4

3

= = = =

On tire immeacutediatement de ces eacutegaliteacutes que

P BAB

P BP B

P BP B

P BP B

1 2

1

3

2

4

3

= = = =

(voir la Section problegravemes) de sorte que la suite de segments AB P1B P2B P3B qui correspond aux distances entre les diverses positions de P et lrsquoextreacutemiteacute B forme une suite geacuteomeacutetrique deacutecroissante (Construc-tio article 24) la longueur de chacun drsquoeux est en effet la moyenne geacuteomeacutetrique de ses deux voisins Napier considegravere alors un second point Q se deacuteplaccedilant agrave vitesse constante sur une demi-droite (donc illimiteacutee dans un sens) et de maniegravere telle qursquoau moment ougrave P passe par Pi le point Q est en un point Qi = i (voir la Section problegravemes)

Lrsquoideacutee de Napier est drsquoassocier la suite arith-meacutetique

0 1 2 3 n

correspondant aux positions successives de Q agrave la suite geacuteomeacutetrique deacutetermineacutee par les segments

AB P1B P2B P3B PnB

Mais pour que cette association soit com-plegravete il faut la geacuteneacuteraliser agrave un emplacement quelconque de P sur AB outre les positions laquo discregravetes raquo P1 P2 P3 Voici le tour de passe-passe permettant agrave Napier de contourner cette difficulteacute

Puisque des distances parcourues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est propor-tionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (voir la Section problegravemes) Ainsi quand P est agrave mi-chemin dans son trajet de A vers B sa vitesse a diminueacute de moitieacute par rapport agrave sa vitesse initiale Et quand il est rendu aux deux-tiers de lrsquointervalle AB sa vitesse ne vaut plus que le tiers de celle de deacutepart

Passant agrave une vision laquo lisse raquo mdash et non plus par laquo pas raquo mdash du deacuteplacement de P Napier en vient agrave consideacuterer ce point comme chan-geant laquo continucircment raquo de vitesse13 mdash et non pas de maniegravere abrupte et instantaneacutee en chaque point Pi Pour rester dans les mecircmes conditions que preacuteceacutedemment il suppose donc que P se deacuteplace laquo geacuteomeacute-triquement raquo de A vers B crsquoest-agrave-dire de maniegravere telle que la vitesse de P est toujours proportionnelle agrave la distance qui le seacutepare de B (Constructio article 25)

Les laquo logarithmes agrave la Napier raquo sont main-tenant agrave porteacutee de main Supposant drsquoune part que les deux points P et Q entament leur deacuteplacement agrave la mecircme vitesse le premier selon une vitesse deacutecroissant geacuteomeacutetriquement de A vers B et le second agrave vitesse constante agrave partir de 0 et suppo-sant de plus que le point Q est en y lorsque le point P est agrave une distance x de B alors y est appeleacute par Napier le logarithme de x (On eacutecrira ici par commoditeacute y = Nlog(x))

Crsquoest ainsi que le logarithme du reacuteel x est le reacuteel y deacutetermineacute par la suite arithmeacutetique associeacutee agrave la suite geacuteomeacutetrique correspon-dant agrave x

DossierHistoire

12 On notera au passage que le point P nrsquoat-teint ainsi jamais sa cible B car agrave chaque eacutetape il gruge toujours la mecircme fraction du chemin restant agrave parcourir

13 Napier nrsquoutilise pas explicitement une telle terminologie

0 y

x

Q rarrA

P rarr

B

A

P1 P2 P3 P4 Pn

B

0 1 2 3 4 n

Q1 Q2 Q3 Q4 Qn

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Eacutemergence logarithmique | Jeacuterocircme Camireacute-Bernier Bernard R Hodgson bull Universiteacute Laval

Valeurs numeacuteriques des logarithmes de NapierPlusieurs aspects de la notion de logarithme telle que conccedilue et mise en œuvre par Na-pier peuvent nous sembler un peu eacutetranges aujourdrsquohui On a deacutejagrave insisteacute sur la place qursquoy occupent les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacutetrique maintenant absentes du discours sur les logarithmes Une autre par-ticulariteacute est relieacutee aux valeurs numeacuteriques mecircmes deacutetermineacutees par Napier

Une motivation cleacute de Napier eacutetait de construire un outil facilitant les calculs tri-gonomeacutetriques un domaine drsquoapplication des matheacutematiques de toute premiegravere importance agrave son eacutepoque Crsquoest pour cette raison que la table produite par Napier dans son Descriptio repose non pas sur des nombres en geacuteneacuteral mais plutocirct sur le sinus des angles allant de 0deg agrave 90deg chaque degreacute eacutetant diviseacute en 60 minutes Agrave chacune de ces valeurs de sinus (il y en a donc 5 400 en tout) Napier associe son logarithme tel que deacutefini ci-haut

Il faut par ailleurs souligner que la notion de sinus de lrsquoeacutepoque nrsquoest pas tout agrave fait la mecircme qursquoaujourdrsquohui le sinus est alors non pas vu comme un rapport de cocircteacutes dans un triangle mais plutocirct comme la longueur drsquoune demi-corde dans un cercle donneacute Afin de faciliter les calculs il eacutetait drsquousage de travailler avec un cercle de grand rayon de maniegravere agrave eacuteviter lrsquoemploi de fractions et agrave se res-treindre agrave des nombres naturels Or agrave la fin du 16e siegravecle agrave lrsquoeacutepoque ougrave Napier entreprit ses travaux crsquoest sur un cercle de rayon 10 000 000 que srsquoappuyaient certaines des tables trigonomeacutetriques alors en circula-tion14 Crsquoest sans doute lagrave la raison pour laquelle Napier deacutecide de se servir de cette mecircme valeur pour asseoir la construction de sa table logarithmique

Il se dote donc drsquoun segment AB de longueur 107 = 10 000 000 (Constructio article 24) et il suppose que la vitesse initiale de chacun des deux points P et Q est aussi 107 (Constructio articles 25 et 26) Dans le cas de Q cette

vitesse demeure constante alors que pour P elle deacutecroicirct laquo geacuteomeacutetriquement raquo15 Or le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique doit permettre de combler les eacutecarts entre des puissances entiegraveres successives mdash voir agrave ce propos les commentaires plus haut mdash de sorte qursquoil est utile que ce rapport soit un nombre pregraves de 1 Agrave cet effet Napier choisit comme rapport

0999 999 9 11

107= minus

(Constructio articles 14 et 16) Une telle valeur a aussi comme avantage que le calcul de termes successifs de la progression geacuteomeacutetrique peut se ramener agrave une seacuterie de soustractions plutocirct que des multiplica-tions iteacutereacutees par 1 ndash 10ndash7 ce qui a permis agrave Napier de simplifier dans une large mesure la construction de sa table Cette construction demeure neacuteanmoins en pratique un accom-plissement eacutepoustouflant

On observera que les valeurs numeacuteriques des logarithmes creacuteeacutes par Napier sont fort diffeacuterentes de celles que lrsquoon connaicirct aujourdrsquohui Ainsi on a que Nlog(107) = 0 Et Nlog(x) deacutecroicirct lorsque x croicirct De plus il nrsquoest pas question de laquo base raquo dans les propos de Napier (voir agrave ce sujet la Section problegravemes) Mais lrsquoessence du logarithme est bel et bien lagrave

14 De telles tables trigonomeacutetriques ont eacuteteacute construites par Johann Muumlller alias Regio-montanus (1436-1476) et par Georg Joachim de Porris dit Rheticus (1514-1574)

15 Les valeurs choisies par Napier ont pour conseacutequence que la vitesse de P (en tant que nombre) est non seulement proportion-nelle mais est de fait eacutegale agrave la distance de P agrave B (voir la Section problegravemes)

Agrave propos de lrsquoeacutetymologie du mot logarithme

Napier a forgeacute le mot logarithme agrave partir de deux racines grecques drsquousage courant logoς laquo rapport raquo et ariqmoς laquo nombre raquo On peut voir le mot rapport ici comme refleacutetant le rapport commun des termes successifs de la suite geacuteomeacutetrique AB P1B P2B P3B

Au commencement de ses travaux Napier appelait nombres artificiels les valeurs de la suite arithmeacutetique peut-ecirctre pour les opposer aux nombres de la suite geacuteomeacute-trique qui eacutetaient en quelque sorte don-neacutes Mais le terme logarithme srsquoest rapide-ment imposeacute

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Doss

ierA

pplic

atio

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Comment ameacuteliorer une solution imparfaite agrave un problegraveme complexe

Et si on srsquoinspirait de la nature pour faire eacutevoluer les solutions

Lrsquoinspiration de la nature En 1859 le naturaliste Charles Darwin a publieacute son ceacutelegravebre ouvrage Lrsquoorigine des espegraveces qui preacutesentait une theacuteorie visant agrave expliquer le pheacutenomegravene de lrsquoeacutevolution Cette theacuteorie reacutevolutionnaire a provoqueacute plusieurs deacutebats agrave lrsquoeacutepoque mais elle est maintenant largement accepteacutee Environ 100 ans plus tard elle a inspireacute le professeur John Holland qui a tenteacute drsquoimpleacutementer artificiellement des systegravemes eacutevolutifs baseacutes sur le proces-sus de seacutelection naturelle Ces travaux ont

ensuite meneacute aux algorithmes geacuteneacutetiques qui sont maintenant utiliseacutes pour obtenir des solutions approcheacutees pour certains problegravemes drsquooptimisation difficiles

Les eacuteleacutements de base drsquoun algorithme geacuteneacutetiqueAfin de comprendre lrsquoanalogie entre le processus de seacutelection naturelle et un algo-rithme geacuteneacutetique rappelons tout drsquoabord les meacutecanismes les plus importants qui sont agrave la base de lrsquoeacutevolution

1 Lrsquoeacutevolution se produit sur des chromo-somes qui repreacutesentent chacun des individus dans une population

2 Le processus de seacutelection naturelle fait en sorte que les chromo-somes les mieux adapteacutes se reproduisent plus souvent et contribuent davantage aux popu- lations futures

3 Lors de la reproduction lrsquoinfor- mation contenue dans les chromosomes des parents est combineacutee et meacutelangeacutee pour produire les chromosomes des enfants (laquo croisement raquo)

4 Le reacutesultat du croisement peut agrave son tour ecirctre modifieacute par des perturbations aleacuteatoires (muta-tions)

Ces meacutecanismes peuvent ecirctre utiliseacutes pour speacutecifier un algorithme geacuteneacutetique tel que celui deacutecrit dans lrsquoencadreacute ci-dessous

Charles Fleurent GIRO

Algorithmes geacuteneacutetiques

Les travaux sur lrsquoeacutevolution des espegraveces vivantes du natura-liste et paleacuteontologue anglais Charles Darwin (1809-1882) ont reacutevolutionneacute la biologie Dans son ouvrage intituleacute LrsquoOrigine des espegraveces paru en 1859 Darwin preacutesente le reacutesultat de ses recherches Darwin eacutetait deacutejagrave ceacutelegravebre au sein de la communauteacute scientifique de son eacutepoque

pour son travail sur le terrain et ses recherches en geacuteologie Ses travaux srsquoinscrivent dans la fouleacutee de ceux du natura-liste franccedilais Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) qui 50 ans plus tocirct avait eacutemis lrsquohypothegravese que toutes les espegraveces vivantes ont eacutevolueacute au cours du temps agrave partir drsquoun seul ou de quelques ancecirctres communs Darwin a soutenu avec Alfred Russel Wallace (1823-1913) que cette eacutevolution eacutetait due au processus dit de la laquo seacutelection naturelle raquo

Comme il naicirct beaucoup plus drsquoindividus de chaque espegravece qursquoil nrsquoen peut survivre et que par conseacutequent il se produit souvent une lutte pour la vie il srsquoensuit que tout ecirctre srsquoil varie mecircme leacutegegraverement drsquoune maniegravere qui lui est profitable dans les conditions complexes et quelque-fois variables de la vie aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi drsquoune faccedilon naturelle En raison du principe dominant de lrsquoheacutereacutediteacute toute varieacuteteacute ainsi choisie aura tendance agrave se multiplier sous sa forme nouvelle et modifieacutee

Charles Darwin 1859 Introduction agrave LrsquoOrigine des espegraveces

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Pour adapter un algorithme geacuteneacutetique agrave un problegraveme drsquooptimisation combinatoire il suf-fit alors de speacutecialiser certaines composantes agrave la structure particuliegravere de ce dernier En geacuteneacuteral les deacutecisions portent sur les aspects suivants

Codage des solutions il faut eacutetablir une correspondance entre les solutions du problegraveme et les chromosomes

Opeacuterateurs geacuteneacutetiques il faut deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation pour les chromosomes

Eacutevaluation des chromosomes la me-sure drsquoadaptation des chromosomes agrave leur environnement est donneacutee par une fonction qui est calculeacutee par un processus plus ou moins complexe

Il existe plusieurs moyens pour mettre en œuvre certains des meacutecanismes importants drsquoun algorithme geacuteneacutetique Par exemple la seacutelection des parents peut srsquoeffectuer de diverses faccedilons Dans une population P = x1 x2 hellip xN ougrave la mesure drsquoadaptation drsquoun individu est eacutevalueacutee par une fonction ƒ lrsquoopeacuterateur classique consiste agrave associer agrave chaque individu xi une probabiliteacute pi drsquoecirctre seacutelectionneacute proportionnelle agrave la valeur de f pour cet individu crsquoest-agrave-dire

pf x

f x( )

( )i

i

jj Psum

=

isin

En pratique on utilise souvent drsquoautres meacute-thodes de seacutelection pouvant se parameacutetrer plus facilement Ainsi dans la seacutelection par tournoi un ensemble drsquoindividus est seacutelec-tionneacute aleacuteatoirement dont les meilleurs eacuteleacute-ments seulement sont retenus Pour choi-sir deux parents on peut donc seacutelectionner aleacuteatoirement 5 individus et ne garder que les deux meilleurs Dans drsquoautres meacutethodes les individus sont ordonneacutes selon leur va-leur pour la fonction ƒ et la seacutelection srsquoeffec-tue aleacuteatoirement selon le rang occupeacute par chaque individu On utilise alors une distri-bution biaiseacutee en faveur des individus en tecircte de liste

Un autre meacutecanisme important est le mode de remplacement des individus de la popula-tion Dans le modegravele original chaque popu-lation de N individus est totalement rempla-ceacutee agrave chaque geacuteneacuteration Drsquoautres strateacutegies laquo eacutelitistes raquo font en sorte drsquoassurer agrave chaque geacuteneacuteration la survie des meilleurs individus de la population Crsquoest le cas entre autres des modegraveles laquo stationnaires raquo ougrave un nombre res-treint drsquoindividus est remplaceacute agrave chaque geacute-neacuteration Dans ce cas on ajoute souvent des meacutecanismes suppleacutementaires empecircchant lrsquoajout drsquoindividus identiques (doublons) dans la population Des implantations plus eacutevo-lueacutees existent eacutegalement pour des architec-tures parallegraveles

Un algorithme geacuteneacutetique 1 Construire une population initiale de N

solutions

2 Eacutevaluer chacun des individus de la population

3 Geacuteneacuterer de nouvelles solutions en seacutelectionnant les parents de faccedilon proportionnelle agrave leur eacutevaluation Appliquer les opeacuterateurs de croisement et de mutation lors de la reproduction

4 Lorsque N nouveaux individus ont eacuteteacute geacuteneacutereacutes ils remplacent alors lrsquoancienne population Les individus de la nouvelle population sont eacutevalueacutes agrave leur tour

5 Si le temps alloueacute nrsquoest pas deacutepasseacute (ou le nombre de geacuteneacuterations maximal nrsquoest pas atteint) retourner agrave lrsquoeacutetape 3

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Repreacutesentation des solutions et opeacuterateurs geacuteneacutetiquesLes premiers algorithmes geacuteneacutetiques utili-saient tous une repreacutesentation binaire ougrave chaque solution s est codeacutee sous la forme drsquoune chaicircne de bits de longueur n ie s[i ] isin 0 1 foralli =1 2 hellip n Pour cette repreacute-sentation lrsquoopeacuterateur de croisement classique agrave un point consiste agrave choisir de faccedilon uniforme une position de coupure aleacuteatoire l isin 1 2 hellip nminus1 Si les parents p1 et p2 ont eacuteteacute seacutelectionneacutes pour la reproduction les solutions enfants e1 et e2 sont alors construites de la faccedilon suivante

e1[i ] = p1[i ] foralli isin1 hellip l e1[i ] = p2[i ] foralli isinl + 1 hellip n e2 [i ] = p2[i ] foralli isin1 hellip l e2 [i ] = p1[i ] foralli isinl + 1 hellip nLorsqursquoon itegravere avec drsquoautres paires de parents on choisit aleacuteatoirement pour chaque paire de parents un nouvel opeacuterateur de croisement agrave un point Lrsquoopeacuterateur agrave un point peut se geacuteneacuteraliser en seacutelectionnant k positions aleacuteatoires plutocirct qursquoune seule Dans ce cas les enfants sont produits en eacutechan-geant lrsquoinformation chromosomique entre les k points de coupure En pratique la valeur k = 2 est couramment utiliseacutee Un autre opeacuterateur tregraves populaire (croisement uni-forme) utilise une chaicircne de bits geacuteneacutereacutee aleacuteatoirement pour engendrer les enfants Pour chaque position le choix aleacuteatoire in-dique quel parent deacuteterminera la valeur des enfants Des exemples des opeacuterateurs de croisement agrave un point agrave deux points et uniforme sont illustreacutes dans les tableaux suivants Des reacutesultats theacuteoriques et empi-riques indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme donne geacuteneacuteralement des reacutesultats supeacuterieurs agrave ceux produits par les deux autres

Opeacuterateur de croisement agrave un point

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 0 1 1

0 1 0 1 0 1 1 0 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement agrave deux points

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 0 0 1 1 1 1 0 1

0 1 0 1 0 1 0 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Positionaleacuteatoire

Opeacuterateur de croisement uniforme

Parent 1 1 0 0 1 0 1 1 0 1

0 1 0 1 1 1 0 1 1

1 1 0 1 1 1 0 0 1

0 1 1 0 1 0 1 0 0

0 0 0 1 0 1 1 1 1

Parent 2

Enfant 1Enfant 2

Chaicircnealeacuteatoirede bits

Avec une repreacutesentation binaire on utilise geacuteneacuteralement lrsquoopeacuterateur de mutation clas-sique qui consiste agrave changer aleacuteatoirement un bit pour son compleacutement

Opeacuterateur de mutation classique

Enfant 1 0 0 1 0 1 1 0 1

1 1 0 1 0 1 1 0 0Enfant

Mutationsaleacuteatoires

DossierApplications

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Un exemple le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteennePour certains problegravemes la repreacutesentation binaire des solutions est tout agrave fait intuitive et bien adapteacutee Crsquoest le cas par exemple du problegraveme de satisfaisabiliteacute (SAT) Eacutetant donneacute une expression logique F de n variables boo-leacuteennes x1 x2 hellip xn (voir encadreacute) ce problegraveme fondamental (qui est agrave la base de la theacuteorie de la NP-compleacutetude) consiste agrave trouver une affectation aux variables de faccedilon agrave satisfaire F En eacutetablissant les correspondances faux harr 0 vrai harr 1 on peut repreacutesenter chaque solution par une chaicircne binaire de longueur n et utiliser les opeacuterateurs geacuteneacute-tiques classiques deacutecrits preacuteceacutedemment

Pour eacutevaluer les solutions lrsquoexpression logique F peut ecirctre exprimeacutee comme une conjonction (voir encadreacute) de m clauses

F = Cj j =1

m

Chaque clause est alors deacutefinie par une disjonction de variables booleacuteennes dont certaines sont associeacutees agrave un opeacuterateur de neacutegation (indiqueacute par le symbole ndash ) Pour satisfaire F il faut donc satisfaire toutes ses clauses Pour un algorithme geacuteneacutetique chaque solution peut ecirctre simplement eacuteva-lueacutee par le nombre de clauses qursquoelle satisfait par exemple noteacute par f Si on considegravere par exemple lrsquoexpression suivante pour F

= and or and or or

and or or or

and or or or or

F x x x x x x

x x x x

x x x x x

( ) ( ) ( )

( )

( )

1 1 2 1 2 3

1 2 3 4

1 2 3 4 5

la solution (1 0 1 0 0) satisfait toutes les clauses sauf la premiegravere alors que la solution (0 1 1 0 1) satisfait toutes les clauses et donc lrsquoexpression F

Avec une repreacutesentation des chro-mosomes une fonction drsquoadaptation f et des opeacuterateurs de croisement et de mutation nous avons tous les eacuteleacutements pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique simple pour le problegraveme de satisfaisabiliteacute booleacuteenne Le processus peut ecirctre illustreacute par le tableau en bas de page avec un opeacuterateur de croisement uniforme repreacutesenteacute par la chaicircne de bits U Dans cet exemple simplifieacute lrsquoalgo-rithme a produit en six geacuteneacuterations une solution qui satisfait lrsquoexpression boo-leacuteenne F (les 5 clauses sont satisfaites pour un individu de la population) Pour une fonction plus complexe comprenant un grand nombre de va-riables on utilise des populations plus importantes et laisse la population eacutevoluer lentement vers des solutions de bonne qualiteacute

Variables booleacuteennes

Opeacuterateurs booleacuteens

Une variable booleacuteenne est une variable qui ne peut prendre que deux valeurs logiques VRAI ou FAUX On peut utiliser 1 et 0 pour repreacutesenter ces deux valeurs

Un opeacuterateur booleacuteen est un opeacuterateur qui sap-plique sur une ou deux variables booleacuteennes

La neacutegation drsquoune variable booleacuteenne x qui est noteacutee x change la valeur de la variable booleacuteenne x

Variable Neacutegation

10

01

x x

La conjonction de deux variables x et y noteacutee x and y prend la valeur 1 si les variables x et y ont toutes deux la valeur 1 Dans les autres cas elle prend la valeur 0

Variables Conjonction

1100

1010

1000

x y x y

La disjonction de deux variables x et y noteacutee x or y prend la valeur 1 si au moins lrsquoune des variables a la valeur 1 Elle prend la valeur 0 si les deux variables ont la valeur 0

Variables Disjonction

1100

1010

1110

x y x y

Geacuteneacuteration

5

(0 0 1 0 0) f = 4(0 0 1 0 1) f = 3(0 0 1 1 1) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

(0 0 1 0 0) f = 4(1 0 1 1 0) f = 4(0 0 1 1 1) f = 4

U = (0 1 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4 (1 0 1 1 0) f = 4

(0 1 1 1 0) f = 5U = (0 0 1 1 0)

(0 0 1 1 0) f = 4

(1 1 1 0 0) f = 4

6

Population Enfant Enfant muteacute

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Autres exemplesLes algorithmes geacuteneacutetiques ne sont pas applicables qursquoaux repreacutesentations binaires Par exemple le problegraveme classique du com-mis voyageur (Traveling Salesman Problem ou TSP) consiste agrave identifier une tourneacutee agrave coucirct minimal qui visite chaque ville drsquoun ensemble agrave couvrir Mecircme si une tourneacutee pourrait alors theacuteoriquement ecirctre repreacutesenteacutee par une chaicircne de booleacuteens on preacutefegravere geacuteneacuterale-ment utiliser une repreacutesentation plus directe sous forme de permutation Chaque permu-tation speacutecifie alors lrsquoordre dans lequel sont visiteacutees les villes

On doit alors deacutefinir des opeacuterateurs de mutation et de croisement pour une repreacutesentation sous forme de permutation Pour la muta-

tion un simple eacutechange entre deux villes dans une seacutequence pourra faire lrsquoaffaire Par exemple

Tourneacutee originale (Montreacuteal Rimou- ski Saguenay Val drsquoOr Queacutebec Sher-brooke)

Apregraves mutation (Montreacuteal Rimouski Saguenay Sherbrooke Queacutebec Val drsquoOr) Pour le croisement il est facile de constater que des opeacuterateurs sem-blables agrave ceux deacutecrits preacuteceacutedemment ne pourraient preacuteserver la structure de permutation Plusieurs opeacuterateurs valides ont toutefois eacuteteacute proposeacutes Agrave titre drsquoexemple lrsquoopeacuterateur OX choisit une sous-seacutequence dans la seacutequence drsquoun des parents et place les villes res-tantes dans lrsquoordre deacutefini par lrsquoautre

parent Dans le tableau ci-dessous deux po-sitions sont choisies aleacuteatoirement afin de deacutefinir une sous-seacutequence chez le premier parent (eacutetape 1) Agrave lrsquoeacutetape 2 les villes res-tantes sont placeacutees selon lrsquoordre induit par le deuxiegraveme parent

P1 Mtl Sag Val Queacute Shb RimQueacute Rim Mtl Shb Sag Val

Rim Sag Val Queacute Mtl Shb

Rim Mtl ShbSag Val Queacute

P2

Eacute1Eacute2

Enf

Ss

Une fois la repreacutesentation et les opeacuterateurs de base deacutefinis on peut simplement eacutevaluer chaque tourneacutee par la distance parcourue et tous les eacuteleacutements sont en place pour impleacutementer un algorithme geacuteneacutetique pour le problegraveme TSP

Coloration de grapheUn autre problegraveme classique celui de colo-ration de graphe1 est aussi abordable par les algorithmes geacuteneacutetiques

Pour un graphe G = (V E) constitueacute drsquoun en-semble de nœuds V et drsquoarecirctes E un coloriage est une partition de V en k sous-ensembles (couleurs) C1 C2 hellip Ck pour lesquels u v isin Ci rArr (u v) notinE ie que deux nœuds ne peuvent avoir la mecircme couleur srsquoils sont lieacutes par une arecircte Le problegraveme de coloration de graphe consiste agrave trouver un coloriage utilisant un nombre minimal de sous-ensembles Ce type drsquoapproche permet notamment de reacutesoudre agrave coucirct minimum des conflits drsquohoraire En pratique on choisit drsquoabord une valeur-cible pour k et chaque chromosome constitue une partition de V en k sous-ensembles Les so-lutions sont codeacutees sous forme de chaicircnes en liant lrsquoindice de chaque nœud agrave lrsquoun des k sous-ensembles

DossierApplications

1 Voir laquo Le theacuteoregraveme des quatre couleurs raquo Accromath 141 2019

Coloration de grapheEn theacuteorie des graphes la coloration de graphe consiste agrave attribuer une couleur agrave chacun de ses sommets de maniegravere que deux sommets relieacutes par une arecircte soient de couleur diffeacuterente On cherche souvent agrave utiliser le nombre minimal de couleurs appeleacute nombre chromatique

12

34

5

6

7

89Un coloriage imparfait

10

Mtl Rim

SagShb

ValQueacute

2

6 3

4

1

5

Mtl Rim

SagShb

QueacuteVal

2

6 3

4

1

5

Mutation drsquoune tourneacutee

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Algorithmes geacuteneacutetiques | Charles Fleurent bull GIRO

Par exemple si on associe C1 agrave bleu C2 agrave rouge et C3 agrave vert dans le coloriage im-parfait de la page preacuteceacutedente la partition des nœuds associeacutee agrave cette solution est (1 2 3 2 3 2 1 2 3 1) car les nœuds 1 7 et 10 sont dans C1 les nœuds 2 4 6 et 8 dans C2 et les nœuds 3 5 et 9 dans C3 En deacutefinissant la fonction f comme le nombre de fois ougrave la regravegle du coloriage nrsquoa pas eacuteteacute respecteacutee on obtient f (C1 C2 C3) = 0 + 1 + 1 = 2 car on a 0 arecircte dans C1 1 arecircte dans C2 (entre les nœuds 2 et 4) et 1 dans C3 (entre les nœuds 3 et 5)

De faccedilon geacuteneacuterale le problegraveme de coloriage consiste agrave geacuteneacuterer une partition telle que f (C1 C2 Ck) = 0 avec un k le plus petit possible Avec la repreacutesentation en chaicircne de la partition il est facile de deacutefinir des opeacuterateurs de croisement et de mutation semblables agrave ceux utiliseacutes pour les repreacutesen-tations binaires Les reacutesultats rapporteacutes dans la litteacuterature indiquent que lrsquoopeacuterateur de croisement uniforme domine encore ceux agrave un point et agrave deux points

Est-ce que ccedila fonctionne Il nrsquoy a aucun doute que les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent ecirctre utiliseacutes pour traiter des problegravemes drsquooptimisation Leur performance relative varie cependant selon les contextes Lorsqursquoun problegraveme est bien eacutetudieacute il est geacuteneacuteralement preacutefeacuterable drsquoavoir recours agrave des algorithmes speacutecialiseacutes qui peuvent tirer avantage de certaines structures speacutecifiques Pour le problegraveme TSP par exemple des approches baseacutees sur la programmation en nombres entiers peuvent maintenant reacutesoudre de faccedilon optimale des exemplaires de plusieurs dizaines de milliers de villes Il serait donc mal aviseacute drsquoutiliser un algorithme geacuteneacutetique pour reacutesoudre ce problegraveme (agrave moins de vouloir eacutetudier leur comportement ce qui peut ecirctre tout agrave fait leacutegitime et amusant)

Les algorithmes geacuteneacutetiques ont tout de mecircme lrsquoavantage drsquoecirctre simples agrave mettre en place En fait une meacutethode de codage des opeacuterateurs de croisement et de mutation ainsi qursquoune fonction drsquoeacutevaluation sont suf-fisants pour utiliser une approche eacutevolutive On obtient alors une approche robuste qui peut ecirctre tregraves utile si la fonction agrave optimiser est laquo floue raquo (fuzzy) ou si on dispose de peu de temps pour eacutetudier le problegraveme agrave optimiser

Les algorithmes geacuteneacutetiques peuvent eacutega-lement ecirctre combineacutes agrave drsquoautres approches drsquooptimisation pour donner lieu agrave des meacutethodes hybrides tregraves puissantes souvent parmi les meilleures disponibles On peut par exemple utiliser des opeacuterateurs de mutation plus sophistiqueacutes pour optimiser le reacutesultat de chaque croisement Pour lrsquoalgorithme hybride reacutesultant la composante laquo geacuteneacute-tique raquo vise alors agrave enrichir la recherche en misant sur les eacuteleacutements qui constituent sa force ie lrsquoutilisation drsquoune population diver-sifieacutee qui permet lrsquoaccegraves aux caracteacuteristiques varieacutees de plusieurs individus et au proces-sus de seacutelection (artificielle dans ce cas) afin drsquoorienter lrsquoexploration vers les meilleures reacutegions de lrsquoespace de solutions Crsquoest bien lagrave lrsquoune des leccedilons agrave tirer de lrsquoobservation de la nature

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Rubrique des

Jean-Paul DelahayeUniversiteacute des Sciences et Technologies de Lille

Lrsquoinformation paradoxale

Comme le preacuteceacutedent ce paradoxe est aussi un paradoxe sur lrsquoinformation cacheacutee cependant il neacutecessite une patience bien supeacuterieure pour ecirctre reacutesolu ou lrsquoaide drsquoun ordinateur

On choisit cinq nombres a b c d et e veacuterifiant les relations

1 le a lt b lt c lt d lt e le 10

Autrement dit les cinq nombres sont compris entre 1 et 10 tous diffeacuterents et classeacutes par ordre croissant On indique leur produit P agrave Patricia (qui est brune) leur somme S agrave Sylvie (qui est blonde) la somme de leurs carreacutes

C = a2 + b2 + c2+ d2 + e2

agrave Christian (qui est barbu) et la valeur

V = (a + b + c)(d + e)

agrave Vincent (qui est chauve)

Ils doivent deviner quels sont les nombres a b c d et e

1- Une heure apregraves qursquoon leur a poseacute le problegraveme les quatre personnages qursquoon interroge simultaneacutement reacutepondent tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

2- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

3- Une heure apregraves les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble

laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo Etc

23- Une heure apregraves (soit 23 heures apregraves la formulation de lrsquoeacutenonceacute ) les quatre personnages qursquoon interroge agrave nouveau reacutepondent encore tous ensemble laquo je ne connais pas les nombres a b c d et e raquo

Cependant apregraves cette 23egraveme reacuteponse les visages des quatre personnages srsquoeacuteclairent drsquoun large sourire et tous srsquoexclament laquo crsquoest bon maintenant je connais a b c d et e raquo

Vous en savez assez maintenant pour deviner les 5 nombres a b c d e Il semble paradoxal que la reacutepeacutetition 23 fois de la mecircme affirmation drsquoignorance de la part des personnages soit porteuse drsquoune information Pourtant crsquoest le cas Essayez de comprendre pourquoi et ensuite armez-vous de courage la solution est au bout du calcul

Solution du paradoxe preacuteceacutedent

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Solution du paradoxe preacuteceacutedent

Lrsquoinformation paradoxaleIl arrive que lrsquoon pense ne pas disposer drsquoassez drsquoinfor-mations pour reacutesoudre un problegraveme alors qursquoen reacutealiteacute tout est agrave notre disposition Certaines situations sont si extraordinaires qursquoelles apparaissent paradoxales En voici un exemple

Un homme bavarde avec le facteur sur le pas de la porte de sa maison Il lui dit

laquo Crsquoest amusant je viens de remarquer que la somme des acircges de mes trois filles est eacutegale au numeacutero de ma maison dans la rue Je suis sucircr que si je vous apprends que le produit de leur acircge est 36 vous saurez me dire leur acircge respectif raquo

Le facteur reacutefleacutechit un moment et lui reacutepond

laquo Je suis deacutesoleacute mais je ne peux pas trouver raquo

Lrsquohomme srsquoexclame alors laquo Ah oui Jrsquoavais oublieacute de vous dire que lrsquoaicircneacutee est blonde raquo

Quelques secondes apregraves le facteur lui donne la bonne reacuteponse Aussi paradoxal que cela apparaisse vous pouvez deacuteduire de cet eacutechange lrsquoacircge des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte

SolutionLes diffeacuterentes deacutecompositions de 36 en produit de trois entiers et les sommes des facteurs sont donneacutees dans le tableau ci-contre

Le facteur connaicirct la somme des acircges des trois filles car il est sur le pas de la porte Srsquoil ne peut pas trouver leurs acircges respectifs crsquoest que parmi les produits possibles compatibles avec la somme qursquoil connaicirct il y en a deux qui donnent la mecircme somme Crsquoest donc que la somme est 13 Les deux possibiliteacutes sont donc 1-6-6 et 2-2-9 La premiegravere est eacutelimineacutee car deux enfants ne peuvent avoir le mecircme acircge que srsquoils sont jumeaux et alors il nrsquoy a pas drsquoaicircneacutee La solution est donc 2-2-9 Les acircges des filles de lrsquohomme sur le pas de sa porte sont 2 2 et 9 ans

Produits1times1times362times3times63times3times4

1times2times181times3times121times6times61times4times92times2times9

3811102116131413

Sommes

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Algorithmes dans lrsquohistoire1 Deacuteterminer les PGCD des couples

a) 924 3 135 c) 2 530 9 639

b) 83 337

Lrsquoheacuteritage de Fermat1 Appliquer la meacutethode de Fermat pour

factoriser les nombres suivants

a) 493 b) 1247 c) 6 903

2 Supposons qursquoun entier n est le produit de deux nombres premiers p lt q et que q ndash p lt p2 2 Montrer qursquoen utilisant la meacutethode de Fermat ce nombre n peut ecirctre factoriseacute en seulement une eacutetape

Eacutemergence logarithmique1 Soit la suite arithmeacutetique

a nd( ) n+ isin

a) Montrer que chaque terme (agrave lrsquoex- ception du premier) est la moyenne arithmeacutetique de ses deux voisins

b) Montrer un reacutesultat analogue pour la suite geacuteomeacutetrique

ar( ) nnisin

2 Montrer qursquoen termes modernes le passage de LrsquoAreacutenaire ci-haut porte sur les notions de suites arithmeacutetique et geacuteomeacute-trique et sur la regravegle du produit de deux puissances

Tuyau Des nombres laquo continucircment en proportion agrave partir de lrsquouniteacute raquo forment une suite geacuteomeacutetrique dont le premier terme est 1

3 En comparant les deux tables tireacutees de la tablette MLC 02078 (pp 19 et 20) on y voit la suite geacuteomeacutetrique

2 ndash 4 ndash 8 ndash 16 ndash 32 ndash 64

ecirctre associeacutee agrave deux suites arithmeacutetiques Relier directement ces deux suites arith-meacutetiques lrsquoune agrave lrsquoautre

Tuyau On peut y voir du logarithme

4 Soit deux points P1 et P2 sur un segment AB (voir figure) Montrer que

a) si APAB

P PP B

1 1 2

1

= alors P BAB

P BP B

1 2

1

=

b) la reacuteciproque est elle aussi valide

5 La suite de segments AB P1B P2B P3B forme une progression geacuteomeacutetrique deacutecroissante (p 22) On deacutesigne par r le rapport de cette suite geacuteomeacutetrique (on a donc r lt 1) et par z la longueur du segment AB

a) Interpreacuteter en termes de z et de r les segments AB P1B P2B P3B

b) Exprimer agrave lrsquoaide de z et de r les longueurs des intervalles AP1 P1P2 P2P3 P3P4

c) Appliquer ces reacutesultats aux valeurs numeacuteriques choisies par Napier (voir p 23)

d) Et que dire dans ce contexte de la suite arithmeacutetique deacutetermineacutee par le mouve-ment du point Q (p 22)

6 a) Expliquer lrsquoobservation dans lrsquoencadreacute ci-bas au cœur de la deacutemarche de Napier

b) En conclure que pour Napier la vitesse de P en un point donneacute est eacutegale agrave sa distance de lrsquoextreacutemiteacute B

Tuyau La constante de proportionnaliteacute de la partie a) est 1

7 On veut interpreacuteter ici le modegravele geacuteomeacute-trico-cineacutematique de Napier agrave lrsquoaide du calcul diffeacuterentiel et inteacutegral (moderne) On appelle x(t) la distance seacuteparant P de lrsquoextreacutemiteacute B au temps t et y(t) la position du point Q au temps t

a) Montrer que le deacuteplacement de Q est deacutecrit par lrsquoeacutequation diffeacuterentielle dydt = 107 avec comme condition initiale y(0) = 0

Tuyau La vitesse est la deacuteriveacutee de la distance parcourue par rapport au temps

b) Montrer de mecircme que le deacuteplace-ment de P est deacutecrit par dxdt = ndashx avec x(0) = 107

c) Reacutesoudre ces deux eacutequations diffeacuteren-tielles

d) Montrer comment on pourrait en tirer une notion de laquo base raquo pour les loga-rithmes de Napier1

1 Au plan historique une telle ideacutee de laquo base raquo chez Napier est une pure fabulation

Section problegravemes

Agrave propos de Napier

Puisque des distances parcou-rues dans des temps eacutegaux sont dans le mecircme rapport que les vitesses il srsquoensuit que la vitesse du point P sur chaque intervalle est pro-portionnelle agrave la distance de lrsquoextreacutemiteacute gauche de cet intervalle au point B (p 22)

Archimegravede LrsquoAreacutenaire

Si des nombres sont continucircment en pro- portion agrave partir de lrsquouniteacute et que cer-tains de ces nombres sont multiplieacutes entre eux le produit sera dans la mecircme pro-gression eacuteloigneacute du plus grand des nom- bres multiplieacutes drsquoautant de nombres que le plus petit des nom- bres multiplieacutes lrsquoest de lrsquouniteacute dans la pro-gression et il sera eacuteloigneacute de lrsquouniteacute de la somme moins un des nombres dont les nombres multiplieacutes sont eacuteloigneacutes de lrsquouniteacute

A

P1 P2

B

Pour en s voir plus

Histoire des matheacutematiques

Eacutemergence logarithmique la laquo mirifique raquo invention de Napier

bull Le livre Havil Julian John Napier Life Logarithms and Legacy Princeton University Press 2014 est une mine drsquoor pour des informations sur la vie et lrsquoœuvre de Napier

bull Le contexte ayant meneacute agrave la naissance des logarithmes est exposeacute dans Friedelmeyer Jean-Pierre laquo Contexte et raisons drsquoune lsquomirifiquersquo invention raquo In Eacutevelyne Barbin et al Histoires de logarithmes pp 39-72 Ellipses 2006 Le sous-titre de lrsquoarticle drsquoAccromath a eacuteteacute emprunteacute au titre de ce texte

bull Les deux traiteacutes de Napier sur les logarithmes le Mirifici logarithmorum canonis descriptio et le Mirifici logarithmorum canonis constructio peuvent ecirctre trouveacutes facilement (en latin) sur la Toile Une traduction anglaise de ces traiteacutes est accessible agrave partir du site de Ian Bruce sur les matheacutematiques des 17e et 18e siegravecles httpwww17centurymathscom

bull La citation de Laplace se retrouve aux pp 446-447 de Œuvres complegravetes de Laplace Exposition du systegraveme du monde (6e eacutedition) Bachelier Imprimeur-Libraire 1835 (Disponible sur Google Livres)

bull La tablette meacutesopotamienne MLC 02078 est eacutetudieacutee (pp 35-36) dans Neugebauer Otto et Sachs Abraham Mathematical Cuneiform Texts American Schools of Oriental Research 1945

bull Pour plus drsquoinformation sur lrsquoemploi des vocables laquo arithmeacutetique raquo et laquo geacuteomeacutetrique raquo voir Charbonneau Louis laquo Progression arithmeacutetique et progression geacuteomeacutetrique raquo Bulletin AMQ 23(3) (1983) 4-6

bull Publieacutes en allemand en 1770 les Eacuteleacutements drsquoalgegravebre de Leonhard Euler sont parus en traduction franccedilaise degraves 1774 Cette version est accessible agrave partir du site Gallica de la Bibliothegraveque nationale de France httpsgallicabnffr

bull Lrsquoextrait de LrsquoAreacutenaire mdash voir la Section problegravemes mdash se trouve (p 366) dans Ver Eecke Paul Les œuvres complegravetes drsquoArchimegravede tome 1 Vaillant-Carmanne 1960

Applications des matheacutematiques

Lrsquoheacuteritage de Fermat

bull WB Hart laquo A one line factoring algorithmraquo J Aust Math Soc 92 (2012) no 1 61ndash69

bull RS Lehman laquo Factoring large integers raquo Math Comp 28 (1974) 637ndash646

bull MA Morrison and J Brillhart laquo A method of factoring and the factorization of F 7 raquo Math Comp 29 (1975) 183ndash205

bull C Pomerance laquoThe quadratic sieve factoring algorithm raquo Advances in Cryptology (Paris 1984) 169-182 Lecture Notes in Comput Sci 209 Springer Berlin 1985

Accromath est une publication de lrsquoInstitut des sciences matheacutema-tiques (ISM) et du Centre de recherches matheacutematiques (CRM) La revue srsquoadresse surtout aux eacutetudiantes et eacutetudiants drsquoeacutecole secon-daire et de ceacutegep ainsi qursquoagrave leurs enseignantes et enseignants

LrsquoInstitut des sciences matheacutematiques est une institution unique deacutedieacutee agrave la promotion et agrave la coordination de lrsquoenseignement et de la recherche en sciences matheacutematiques au Queacutebec En reacuteunissant neuf deacutepartements de matheacutematiques des universiteacutes queacutebeacutecoises (Concordia HEC Montreacuteal Universiteacute Laval McGill Universiteacute de Montreacuteal UQAM UQTR Universiteacute de Sherbrooke Bishoprsquos) lrsquoInstitut rassemble un grand bassin drsquoexpertises en recherche et en enseignement des matheacutematiques LrsquoInstitut anime de nombreuses activiteacutes scientifiques dont des seacuteminaires de recherche et des colloques agrave lrsquointention des professeurs et des eacutetudiants avanceacutes ainsi que des confeacuterences de vulgarisation donneacutees dans les ceacutegeps Il offre eacutegalement plusieurs programmes de bourses drsquoexcellence

LrsquoISM est financeacute par le Ministegravere de lrsquoEnseignement supeacuterieur et par ses neuf universiteacutes membres

Le Centre de recherches matheacutematiques est un centre national pour la recherche fondamentale en matheacutematiques et ses applica-tions Les scientifiques du CRM comptent plus drsquoune centaine de membres reacuteguliers et de stagiaires postdoctoraux Lieu privileacutegieacute de rencontre le Centre est lrsquohocircte chaque anneacutee de nombreux visi-teurs et drsquoateliers de recherche internationaux

Les activiteacutes scientifiques du CRM comportent deux volets principaux les projets de recherche qursquoentreprennent ses laboratoires et les activiteacutes theacutematiques organiseacutees agrave lrsquoeacutechelle internationale Ces derniegraveres ouvertes agrave tous les domaines impliquent des chercheurs du CRM et drsquoautres universiteacutes Afin drsquoassurer une meilleure diffusion des reacutesultats de recherches de ses collaborateurs le CRM a lanceacute en 1989 un programme de publications en collaboration avec lrsquoAmerican Mathematical Society et avec Springer

Le CRM est principalement financeacute par le CRSNG (Conseil de recherches en sciences naturelles et en geacutenie du Canada) le FQRNT (Fonds queacutebeacutecois de recherche sur la nature et les technologies) lrsquoUniversiteacute de Montreacuteal et par six autres universiteacutes au Queacutebec et en Ontario

Accromath beacuteneacuteficie de lrsquoappui de la Dotation Serge-Bissonnette du CRM

OR2010

BRONZE2011

BRONZE2014

OR2012

2008

Prix speacutecial de la ministre 2009

Prix Anatole Decerf 2012

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