L’historien et les mémoires de la Guerre d’Algérie · Nicolas Monod, Lycée Ribeaupierre,...

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Nicolas Monod, Lycée Ribeaupierre, Ribeauvillé Septembre 2014 1 Proposition de cours Nicolas Monod, professeur au Lycée Ribeaupierre de Ribeauvillé L’historien et les mémoires de la Guerre d’Algérie Cette fiche de présentation doit être lue en parallèle avec l’animation PREZI, accessible sur le lien suivant : http://prezi.com/gzfbuytmowqn/france-et-algerie-memoires-paralleles-histoire-partagee/ Terminales L/ES BO spécial du 13 octobre 2011 Terminales S BO spécial du 21 février 2013 Thème 1 : Les rapports des sociétés à leur passé Question : Les mémoires, lecture historique Durée préconisée : 4 à 5 heures « L’Historien et les mémoires de la Guerre d’Algérie » est l’un des deux supports d’étude proposés dans le cadre de la question consacrée à la lecture historique des mémoires en France. Complexe, la question a le mérite de porter l’attention sur les deux notions -essentielles dans notre discipline – que sont l’histoire et la mémoire. Elle permet également de souligner l’importance dans le débat public de ce phénomène de retour du passé, d’un passé encore récent et controversé, que révèlent notamment les récentes polémiques mémorielles. Elle fait donc prendre conscience de la difficulté à produire une histoire à la fois distanciée, apaisée et consensuelle. Cette question exige toutefois de la part des élèves une bonne connaissance de la Guerre d’Algérie, conflit de décolonisation étudié en classe de Premières et dont les acteurs et les enjeux doivent être bien identifiés. Elle peut alors être l’occasion d’un échange constructif entre l’enseignant et ses élèves sur une question qui les intéresse aussi en tant que jeunes citoyens.

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Nicolas Monod, Lycée Ribeaupierre, Ribeauvillé Septembre 2014

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Proposition de cours

Nicolas Monod, professeur au Lycée Ribeaupierre de Ribeauvillé

L’historien et les mémoires de la Guerre d’Algérie

Cette fiche de présentation doit être lue en parallèle avec l’animation PREZI, accessible sur le lien suivant :

http://prezi.com/gzfbuytmowqn/france-et-algerie-memoires-paralleles-histoire-partagee/

Terminales L/ES

BO spécial du 13 octobre 2011

Terminales S

BO spécial du 21 février 2013

Thème 1 : Les rapports des sociétés à leur passé

Question : Les mémoires, lecture historique

Durée préconisée : 4 à 5 heures

« L’Historien et les mémoires de la Guerre d’Algérie » est l’un des deux supports d’étude proposés dans le cadre de la question consacrée à la lecture historique des mémoires en France. Complexe, la question a le mérite de porter l’attention sur les deux notions -essentielles dans notre discipline – que sont l’histoire et la mémoire. Elle permet également de souligner l’importance dans le débat public de ce phénomène de retour du passé, d’un passé encore récent et controversé, que révèlent notamment les récentes polémiques mémorielles. Elle fait donc prendre conscience de la difficulté à produire une histoire à la fois distanciée, apaisée et consensuelle. Cette question exige toutefois de la part des élèves une bonne connaissance de la Guerre d’Algérie, conflit de décolonisation étudié en classe de Premières et dont les acteurs et les enjeux doivent être bien identifiés. Elle peut alors être l’occasion d’un échange constructif entre l’enseignant et ses élèves sur une question qui les intéresse aussi en tant que jeunes citoyens.

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A. Documents distribués aux élèves :

1. « La Guerre d’Algérie, une « boîte à chagrins »

Il s’agit d’un tableau constitué de 8 photographies. L’idée est de rappeler aux élèves, soit dans le cadre d’un cours dialogué, soit par un travail préparatoire à la maison (l’un n’excluant pas l’autre), quels sont les acteurs de la Guerre d’Algérie, éventuellement les drames vécus et les enjeux mémoriels qui du coup se posent.

2. « La Guerre d’Algérie, des tensions mémorielles qui restent vives »

Cette double page sert de principal support documentaire au cours, constitué d’un ensemble d’articles et de deux illustrations portant aussi bien sur l’occultation mémorielle des années 60-80 (les lois d’amnistie) que l’explosion mémorielle des années 90- 2000.

3. Fiche récapitulative Complétée au fur et à mesure, son intérêt est de faciliter la mémorisation des idées principales d’un cours complexe mais intéressant.

B. Problématique

L’Historien et les mémoires de la Guerre d’Algérie

L’historien est celui qui est

engagé dans un travail objectif et distancié de reconstruction problématique (et forcément

incomplète) de ce qui n’est plus (Pierre Nora).

L’Histoire se veut donc

« procédure de vérité » (Hérodote).

La mémoire est un patrimoine mental, constitué d’un ensemble de souvenirs qui nourrissent les représentations et assurent la cohésion des individus dans un groupe. Elle est par nature plurielle, affective, subjective, faillible, sélective, ce qui peut conduire à un affrontement de mémoires antagonistes. (Laurent Wirth).

La Guerre d’Algérie (1954-1962) - appelée en Algérie « Guerre de Libération » - n’a été officiellement reconnue comme telle qu’en 1999 par la France. Conflit de décolonisation douloureux, elle est dès 1962 source de mémoires divergentes et de ressentiments d’autant qu’elle a aussi été un conflit algéro - algérien et une quasi guerre civile en France.

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Si la mémoire installe le plus souvent le passé dans le registre du sacré et se pose en absolu, une société démocratique se doit de regarder en face un passé même douloureux, d’où le travail indispensable de l’Historien.

La Guerre d’Algérie est donc à la fois productrice de mémoires concurrentes et parallèles tandis que se construit difficilement une histoire partagée.

C. Plan proposé : Document d’accroche, définition du sujet / problématique I. La Guerre d’Algérie, une « boîte à chagrins »

1. Un conflit qui a divisé des deux côtés de la Méditerranée

2. En France, un conflit qui entraîne longtemps une volonté

d’occultation mémorielle

3. En Algérie, une lutte d’indépendance revisitée

II. La Guerre d’Algérie, entre l’affirmation de mémoires

concurrentes et les prémices d’une histoire apaisée

1. La reconnaissance tardive de la Guerre d’Algérie

accompagne la résurgence de mémoires concurrentes

2. Une tension mémorielle qui reste forte

3. Vers une histoire partagée de la Guerre d’Algérie

D. Démarche des séquences L’enseignant a recours aux documents proposés (qu’il peut également compléter par ceux du manuel de son choix) ainsi qu’au logiciel PREZI pour dynamiser sa présentation et faciliter ainsi le travail de compréhension et de mémorisation par les élèves. Rappel du lien pour l’exemple présenté: http://prezi.com/gzfbuytmowqn/france-et-algerie-memoires-paralleles-histoire-partagee/ Le plan du cours est toutefois écrit au tableau au fur et à mesure.

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1ère heure

2è heure

3è heure

4è heure et éventuellement une

5è heure

A titre indicatif 4 à 5 heures (+ 1 h pour

l’évaluation)

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1ère Heure : Document d’accroche, introduction et problématique.

Commencer par interroger les élèves sur ce qu’ils entendent par « mémoires » et par « histoire ». Le document d’accroche utilisé peut être le court documentaire (1,51’) sur la journée nationale d’hommage aux Harkis célébré le 25 septembre 2011 (source Ministère de la Défense). Les questions qui peuvent être posées , dans un échange à l’oral sont les suivantes :

- qui sont les Harkis et les forces supplétives ?

- pourquoi cette commémoration est considérée comme importante par les Harkis et leurs descendants ?

- Cette cérémonie officielle relève-t-elle de la « mémoire » ou de « l’Histoire » ?

Ce document vidéo permet d’introduire les notions de « mémoires », d’ « histoire » et de rappeler brièvement les spécificités et les enjeux mémoriels de la Guerre d’Algérie.

I. La Guerre d’Algérie, « une boîte à chagrins »

L’expression « boîte à chagrins » a été employée par le Général De Gaulle en 1962 (J. P. Rioux).

1. Un conflit qui a divisé des deux côtés de la Méditerranée L’objectif de cette heure est de rappeler aux élèves , sous forme d’un cours dialogué, la complexité d’un conflit caractérisé par une grande diversité d’acteurs et de drames vécus. Il est souhaitable qu’ils aient au préalable relu leur cours de Première consacré à la question. On a donc recours à un tableau illustré que l’on complète au fur et à mesure. Après avoir identifié les acteurs et les drames vécus, on essaie de préciser, sous forme interrogative, les grands enjeux mémoriels spécifiques à chacun d’eux.

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2è Heure :

I. La Guerre d’Algérie, « une boîte à chagrins »

2. En France, un conflit qui entraîne longtemps une volonté d’occultation mémorielle On a recours à la feuille n°2 L’objectif est de montrer qu’au lendemain du conflit, dans un souci d’apaisement et de réconciliation nationale, et parce que les douleurs et traumatismes (des rapatriés d’Algérie par exemple) sont encore trop vifs, l’Etat organise le dépassement du conflit dans l’oubli officiel, dans l’occultation mémorielle. On prend connaissance du document 1 et on répond à la 1ère question. Suggestion de réponse à la question : 1. Qu’est-ce que l’amnistie ? Comment est-elle justifiée ? Dans quelle mesure l’amnistie facilite l’amnésie collective ?

Capture d’écran, animation Prezi

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L’amnistie suppose en droit pénal l’oubli, l’effacement d’une faute dont l’auteur ne peut par conséquent plus être poursuivi. Les lois d’amnistie, votées entre 1962 et 1982 par le Parlement sont alors justifiées par une volonté de réconciliation nationale. Elles absolvent de toute poursuite tous ceux qui ont participé directement ou non à des crimes, des actes de torture, à des attentats ou des opérations de sédition. Ces lois privent les victimes de tout espoir de réparation. Elles obscurcissent un peu plus le cheminement vers la vérité et contribuent à entretenir une amnésie collective sur cette période, de façon à soulager les troubles de la mémoire nationale. On peut utilement rappeler aux élèves qu’avant même les Accords d’Evian, la Guerre d’Algérie, était déjà, une guerre sans nom, donc sans véritable existence légale ni commémoration possible. Puis, on complète la fiche récapitulative destinée à faciliter le travail de mémorisation par les élèves.

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Cette politique d’occultation mémorielle est renforcée par le silence officiel sur les événements les plus troubles ou les plus scandaleux au regard de l’éthique républicaine, comme les événements du 17 octobre 1961 ou la question de la torture. On peut rappeler à cette occasion le combat des intellectuels (Vidal-Naquet, Alleg…) dès l’époque de la Guerre d’Algérie et évoquer la fameuse interview télévisée du Général Massu accordée en 1971 dans laquelle, il admet à demi mot l’usage de la torture durant le conflit tout en la légitimant et en la minimisant (prétendant même avoir essayé sur lui-même la gégène). Extrait vidéo disponible sur le site de l’INA au lien suivant : http://www.ina.fr/video/I00018236 Cet extrait ne figure pas sur l’animation Prezi, du fait de son poids volumineux

I. La Guerre d’Algérie, « une boîte à chagrins »

3. En Algérie, une lutte d’indépendance revisitée

On passe un peu plus vite sur ce point, nous appuyant sur les deux photos présentes sur la fiche récapitulative et éventuellement sur les documents du manuel. L’enjeu est de rappeler

Capture d’écran, animation Prezi

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l’instauration d’une histoire officielle tronquée servant tant à légitimer le nouveau pouvoir qu’à héroïser le peuple algérien (occultation des violences et des exactions commises par le FLN durant le conflit).

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3è et 4 è heure:

II. La Guerre d’Algérie, entre l’affirmation de mémoires concurrentes et les prémices d’une histoire partagée

1. Une reconnaissance tardive de la guerre qui accompagne la résurgence de mémoires

concurrentes On a recours à nouveau à la feuille 2 (double page) et on répond aux questions 2, 3 et 4.

Capture d’écran, animation Prezi

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Suggestion de réponse aux questions : 2. Comment se manifeste le « retour de la mémoire » à la fin des années 90 ? Qui en sont les acteurs ? A la fin des années 90, le contexte a changé d’autant que les acteurs de la Guerre d’Algérie ont vieilli. Le décalage de plus en plus fort entre la place mémorielle accordée aux années noires de l’occupation et de Vichy et la politique de l’oubli concernant la Guerre d’Algérie devient pour beaucoup insupportable. Le retour de la mémoire se manifeste tant par le haut (loi mémorielle de 1999 votée par le parlement) que par le bas, témoignages, travail mémoriel des associations, publications d’ouvrages par des historiens (Benjamin Stora…), rôle de la presse et des médias. 3. Quelle importance symbolique revêt la loi votée en décembre 1999 ? En juin puis octobre 1999, l’Assemblée Nationale puis le Sénat votent à l’unanimité la loi de reconnaissance officielle de la Guerre d’Algérie. Le langage officiel se met donc enfin en conformité avec le langage courant. Cette loi dite mémorielle a une portée symbolique importante car elle ouvre la voie à une reconnaissance officielle du préjudice subi par l’ensemble des victimes du conflit. Elle est un pas important dans les relations compliquées entre la France et l’Algérie . Elle facilite la recherche historique (accès plus aisé aux archives) et s’accompagne d’un réveil de la mémoire.

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4. La question de la torture est-elle devenue un objet d’histoire apaisé ? Le travail d’investigation de la presse remet en 2000 la question de la torture au premier plan d’autant que les confessions du général Aussaresses sont accablantes. La résurgence de la question de la torture soulève certes des polémiques d’arrière-garde mais témoigne d’un travail d’histoire qui est en marche. Toutefois, elle complique les relations entre la France et l’Algérie ; cette dernière exigeant vainement un acte de repentance publique de la part du gouvernement français. La question est alors au cœur du débat public. On complète la fiche récapitulative.

Libération, 9 mai 2001

Capture d’écran, animation Prezi

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On passe plus vite sur la question du retour de la mémoire en Algérie, secouée alors par la « décennie noire ». On peut s’appuyer sur les documents que proposent les manuels (la plupart des éditeurs consacrent quelques documents à la mémoire de la Guerre d’Algérie en Algérie). La guerre d’Algérie reste certes l’événement fondateur de la nation mais le président Bouteflika, élu en 1999, reprend et élargit l’effort de réhabilitation de l’ensemble des acteurs de la guerre dans sa Charte pour la paix et la réconciliation nationale (2005). On peut compléter la fiche récapitulative.

II. La Guerre d’Algérie, entre l’affirmation de mémoires concurrentes et

les prémices d’une histoire partagée

2. Mais une tension mémorielle qui reste forte On passe aux questions 5 et 6 concernant l’article du Monde sur la date de la commémoration de la Guerre d’Algérie.

Capture d’écran, animation Prezi

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Suggestion de réponses aux questions : 5. Pourquoi commémorer la fin de la Guerre d’Algérie en France est-elle difficile ? La commémoration d’un événement permet de rassembler et constitue une forme de reconnaissance mémorielle. Or devant le cloisonnement des mémoire qui persiste, la question de la commémoration de la Guerre d’Algérie reste polémique. 6. Que révèle la polémique sur la date de la commémoration ? En France, la polémique se cristallise depuis de longues années sur la date. Celle du 19 mars, défendue par la FNACA, la Fédération Nationale des Anciens Combattants d’Algérie, correspondant à la signature des Accords d’Evian, ne fait pas l’unanimité. Elle suscite notamment la vive opposition des associations de Pieds Noirs et de Harkis qui estiment que ce choix contribue à la négation de leurs souffrances (la plupart des victimes Pieds Noirs et Harkis se comptant après cette date tout comme le traumatisme de l’exil). La polémique sur la date de la commémoration est donc emblématique de cette tension mémorielle qui persiste en France. Il faut noter que c’est pourtant cette date du 19 mars qui a été choisi en 2012 par le Parlement français, malgré la vive opposition de ses détracteurs. On peut se reporter au bref extrait vidéo (source France Info) 3 visible sur le lien suivant (et sur l’animation Prezi). http://www.francetvinfo.fr/video-guerre-d-algerie-le-19-mars-sera-journee-nationale-du-souvenir_167149.html On complète la fiche récapitulative.

Capture d’écran, animation Prezi

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II. La Guerre d’Algérie, entre l’affirmation de mémoires concurrentes et les prémices d’une histoire partagée

3. Vers une histoire partagée de la Guerre d’Algérie

On passe aux questions 7 et 8 de la feuille 2, concernant le document 6 et on répond aux questions. Suggestion de réponses aux questions : 7. La recherche historique est-elle facile en Algérie ? D’après Mohammed Harbi, ancien dirigeant du FLN devenu historien, la recherche historique reste laborieuse en Algérie tant l’accès aux archives reste compliquée. Certains historiens pratiquent l’autocensure en éludant des aspects conflictuels. 8. Pourquoi considère-t-il qu’une histoire commune reste prématurée ? A quoi aspire-t-il ? L’écriture d’une histoire commune reste prématurée pour l’historien algérien, notamment en raison des difficultés d’accès aux archives de ce côté-ci de la Méditerranée. En revanche, il considère possible l’écriture d’une histoire partagée à condition de dépasser les affrontements, les émotions ainsi que les pressions des groupes mémoriels. Cette histoire partagée est nécessaire pour promouvoir une véritable politique de réconciliation. En s’appuyant sur les photographies de la fiche récapitulative, on peut revenir sur les voyages des présidents Sarkozy et Hollande en Algérie tant en 2007 qu’en 2012. La guerre d’Algérie reste une pomme de discorde entre les deux Etats. Si la France refuse de faire acte de repentance, le président Hollande reconnaît officiellement en décembre 2012, les souffrances infligées à l’Algérie par la colonisation. Les progrès sont donc réels mais restent lents. L’Histoire, qui est mise à distance des faits grâce à une analyse critique et objective des sources, s’écrit à pas comptés. Elle seule pourtant peut permettre de sortir du cloisonnement des mémoires et du discours concurrentiel de victimisation. On peut ainsi conclure en complétant la fiche récapitulative après avoir rapidement commenté les deux illustrations.

(capture d’écran, logiciel Prezi)

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La fiche récapitulative complète (capture d’écran, logiciel Prezi). Au final ce cours suscite le vif intérêt des élèves et peut donner lieu à des échanges constructifs. Surtout, il leur permet de bien distinguer les différences entre mémoires et histoire ; thèmes susceptibles d’être abordés également en cours de philosophie.

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PROPOSITION D’EVALUATION

(avec corrigé)

Une Guerre d’Algérie entre mémoires et Histoire

Consigne : Après avoir présenté ce document, montrez qu’il rend compte de l’existence de mémoires concurrentes de la Guerre d’Algérie et de la difficulté à construire une histoire objective et partagée. Cinquante ans après, la guerre d’Algérie n’est pas encore entrée dans l’histoire. Dès que l’on évoque ce sujet, les passions reviennent, à coups de comptabilités macabres, de stèles, d’invectives et d’anathèmes. Les camps s’affrontent ou s’ignorent. Si la guerre d’Algérie a dressé une barrière entre l’Algérie et la France encore plus infranchissable que la Méditerranée, celle des mémoires parallèles et du ressentiment, des volontés d’apaisement existent sur les deux rives. Il n’y a pas une mais des guerres d’Algérie. Un appelé, un officier parachutiste, un militant du MNA, un militant de la Fédération de France du FLN, un maquisard de l’ALN, un enfant algérien, un juif d’Algérie, un pied-noir rapatrié, un activiste de l’OAS, un harki racontent chacun une histoire différente. Et pourtant, il y a bien eu une seule guerre en Algérie. On ne l’appelle comme ça officiellement que depuis 1999. Et ce fut une « sale guerre ». Elle a opposé une poignée de nationalistes à l’Etat français (…). Quand commémorer la fin de la guerre d’Algérie ? Encore faut-il savoir quelle date choisir… Celle des accords d’Evian, le 18 mars 1962, paraîtrait raisonnable. Côté français et côté algérien, c’est celle du cessez-le-feu qui intervient le lendemain. Mais cette date ne marque pas malheureusement la fin des hostilités, et c’est bien le problème. Suivront la folie meurtrière de l’OAS, la crise du FLN, l’exode dramatique des pieds-noirs et le massacre honteux des harkis abandonnés par la métropole (…). Alors, comment commémorer la fin de la guerre d’Algérie ? Si on se prend à rêver en cette année du cinquantenaire du cessez-le-feu en Algérie, on aurait aimé une « paix des braves », comme aurait dit le général de Gaulle. Une visite officielle du président de la République française à Alger marquée par une poignée de main avec son homologue algérien devant des vétérans des deux camps, des colloques, des échanges d’archives, pourquoi pas un monument franco-algérien à Alger et un autre à Paris, et ensuite, au 14-Juillet, un défilé des troupes algériennes aux côtés de leurs anciens adversaires français sur les Champs-Élysées ? La guerre des mémoires aurait fait place au temps de l’histoire. Mais soyons patients, le temps de la guérison approche.

Michel Lefebvre, éditorial du numéro Hors Série du Monde, paru en février 2012 sur la Guerre d’Algérie

Lexique des sigles : MNA : Mouvement National algérien, fondé par Messali Hadj, mouvement nationaliste modéré, victime de la lutte fratricide mené par le FLN. FLN : Front de Libération Nationale, principal mouvement nationaliste algérien, à partir de novembre 1954, déterminé à arracher l’indépendance par la violence. ALN : Armée de Libération Nationale, branche armée du FLN. OAS : Organisation de l’Armée Secrète, mouvement créé en 1961, clandestin et terroriste, partisan de l’Algérie française.

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Corrigé

A l’occasion du cinquantième anniversaire des Accords d’Evian (mars 1962), le journal Le Monde sortait un numéro hors série intitulé « Guerre d’Algérie,mémoires parallèles », dont l’éditorial était signé par Michel Lefebvre. Evénement à bien des égards traumatique, la Guerre d’Algérie (1954-1962), reconnue tardivement comme telle par la France (1999) s’est inscrite dans le contexte de décolonisation. Source de mémoires divergentes et de ressentiment entre les deux pays, elle a aussi été un conflit algéro-algérien et une quasi guerre civile en France. Ainsi, le journaliste du Monde entend montrer l’importance dans le débat public du retour du passé, d’un passé qui reste controversé et qui est devenu un enjeu de mémoires. Un passé enfin dont le passage à l’histoire, d’une histoire à la fois distanciée et consensuelle, reste délicate. Dès la première phrase, l’auteur entre dans le vif du sujet. Cinquante ans après son terme (l’indépendance dans la douleur de l’Algérie), la guerre d’Algérie n’est, selon lui, pas entrée dans l’Histoire. Elle reste autrement dit un objet de polémiques mémorielles. Il est vrai qu’à la ligne 6, il précise qu’il n’y a pas eu « une » mais plusieurs « guerres ». Par cette phrase étonnante, Michel Lefebvre entend rappeler la diversité des acteurs et des victimes de ce conflit qui fut somme toute douloureux aussi bien pour les vainqueurs (les Algériens, victimes de la répression mais aussi des luttes fratricides entre le FLN et le MNA, les mouvements nationalistes), que pour les vaincus (les Pieds Noirs, contraints à un exil traumatiques ou encore les Harkis, ces soldats supplétifs de l’armée française, considérés par les uns comme des traîtres et par les autres, à partir de 1962 comme des étrangers). Tous ont ainsi vécu une histoire spécifique, ont des souvenirs, voire des traumatismes qui peuvent être contradictoires. Tous sont en quête d’une véritable reconnaissance mémorielle et porteurs de clivages qui transcendent les frontières. D’ailleurs, l’éditorialiste rappelle que le conflit a été une « sale guerre » (ligne 9). La Guerre d’Algérie s’est en effet accompagnée d’un déchaînement de violences et d’exactions perpétrées tant du côté français (exécutions sommaires, pratique de la torture couverte par les autorités militaires et civiles, terrorisme de l’OAS…) que du côté algérien (assassinats, règlements de compte, attentats, massacres commis par le FLN ou l’ALN). Dans ce conflit dissymétrique, des crimes de guerre ont bien été commis et d’innombrables victimes innocentes sont à déplorer. Dans ces conditions, les mémoires, de la guerre d’Algérie, cet ensemble de souvenirs qui nourrissent les représentations et assurent la cohésion d’un groupe restent plurielles et souvent contradictoires. D’ailleurs, dès le premier paragraphe, l’auteur insiste sur les passions encore vives qu’alimentent polémiques, invectives et anathèmes réciproques. En effet, en France, aux années d’occultation mémorielles, renforcées par les lois d’amnistie (années

Nature du document et

auteur

contextualisation

Intérêt du document et

annonce (implicite) du

plan

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60-80) on a assisté à partir des années 90 à un retour mémoriel qui reste vif aujourd’hui tandis qu’en Algérie la vision tronquée et héroïsée du passé est désormais de plus en plus battue en brèche par une société avide de liberté d’expression et d’opinion. Aujourd’hui encore, ces passions s’expriment en France et en Algérie tantôt par les polémiques sur la date de commémoration ou par l’insistance diplomatique de l’Algérie pour réclamer une repentance officielle du gouvernement français pour les crimes du passé (occultant par là même ceux perpétrés alors par le FLN). Parce que les mémoires sont à la fois différentes et cloisonnées, difficilement conciliables entre elles, l’auteur considère donc que la guerre d’Algérie n’est pas encore « entrée dans l’Histoire ». La démarche historique suppose en effet un rapport distancié, objectif et apaisé au passé, si douloureux soit-il. Toutefois, avec le temps et le passage des générations, la guerre des mémoires a tendance à s’estomper, tandis que s’amorce, non sans difficulté, une histoire partagée. Si la tendance est lente, elle est cependant irréversible. Ce document a ainsi montré l’importance du passé dans la construction identitaire d’un pays, l’importance des mémoires parallèles et la difficulté à produire une Histoire, par nature, distanciée et critique.

Conclusion : on revient sur

l’intérêt général du document.