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Les passagers du Roissy-‐Express Une Production l’Equipée Conception et direction artistique Gilberte Tsaï
d’après le livre de François Maspero (Editions du Seuil)
Projet Régional Interactif
Production exécutive : Prima donna 01 42 47 05 56 L’équipée est subventionnée par le Ministère de la Culture/DGCA
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SOMMAIRE
FRANÇOIS MASPERO : LA GENESE 3
20 ANS APRES : QUEL VOYAGE ? 7
L'ELABORATION DU SPECTACLE 9
UN PROJET FEDERATEUR 10
CALENDRIER DU PROJET 12
L’EQUIPEE, DIRECTION GILBERTE TSAÏ 14
FRANÇOIS MASPERO : LES PASSAGERS DU ROISSY EXPRESS 16
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Tu peux toujours prendre l’air compétent et professionnel
pour annoncer qu’à Shanghaï il y a deux mètres carrés de
logement par habitant, mais que sais-‐tu de la manière dont on
vit à une demi-‐heure des tours de Notre-‐Dame ? Tu te moques
de tous ces gens qui vont faire un petit tour en Chine et qui en
rapportent un livre, mais toi, que serais-‐tu capable de
rapporter de La Courneuve ou de Bobigny-‐Pablo Picasso où
mènent les métros que tu prends tous les jours dans le pays où
tu vis ? (…) Es-‐tu jamais descendu, rien que pour voir, à Sevran-‐
Beaudottes ou aux Baconnets, ces stations où tu passes si
souvent, depuis tant d’années…
François Maspero
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FRANÇOIS MASPERO : LA GÉNÈSE
En 1990 paraissait aux éditions du Seuil Les passagers du Roissy-‐Express de François
Maspero, avec des photographies de Anaïk Frantz. Singulier et ne ressemblant vraiment à
nul autre, ce livre qui convertissait en aventure le parcours, en sa totalité, de la ligne B du
RER, fut immédiatement remarqué et salué : par son autorité, son humour et sa pudeur, par
sa vérité, il tranchait avec tout ce que l’on avait pu écrire jusque là sur la banlieue.
En effet, de celle-‐ci, l’on se contentait – et l’on se contente toujours, à quelques
exceptions – de ne produire que pseudo-‐analyses reconduisant sempiternellement les
mêmes clichés ou la même imagerie, que ce soit dans une intention bienveillante ou, au
contraire, et c’est le plus fréquent, dans le but d’augmenter encore la mise à l’écart de ceux
qui y vivent.
Loin de tout sentimentalisme comme de toute forme de plaidoyer, le livre,
simplement, avec une honnêteté déconcertante et inhabituelle, parcourait la banlieue,
allant, de station en station, à la rencontre de ceux qui l’habitent ou la traversent ou y
travaillent, de tous ceux, par conséquent, qui la font.
Comme tout un chacun ou presque, François Maspero, utilisait la ligne B du RER,
notamment lorsqu’il allait prendre l’avion à Roissy (la jonction pour Orly à partir d’Antony
n’existait pas encore à l’époque, elle ne fut créée qu’en 1991), et comme beaucoup,
songeur, il se demandait si au fond la véritable densité d’inconnu et les véritables terrae
incognitae n’étaient pas ces rues d’immeubles, de pavillons ou de hangars, ces compositions
inachevées, parfois hagardes et tristes, parfois illuminées, qu’il voyait défiler sous ses yeux
sur le chemin de l’aéroport, que ce soit au sud de Paris, là où la ligne, traversant des espaces
plus cossus, s’infléchit vers la campagne, ou vers le nord, là où elle est pleinement assumée
comme la ligne qui dessert ce que l’on appelle aujourd’hui couramment le neuf trois…
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Les passagers du Roissy Express
Cette rêverie autocritique, un jour d’hiver qu’il était allé voir une amie en transit à Roissy, il
décida de la transformer en quelque chose d’autre et de faire réellement ce voyage, de
franchir le pas et de descendre, non seulement à Sevran-‐Beaudottes mais à toutes les
stations égrenant le parcours de la ligne B du RER. Parlant de lui (comme dans tout le livre) à
la troisième personne, voilà ce qu’il raconte : « Et c’était pendant ce retour, grisaille, pluie,
abandon, dans le wagon vide des heures creuses, qu’il avait eu soudain, comme une
évidence, l’idée de ce voyage, parce qu’il regardait par la fenêtre du RER les formes de la
banlieue, yeux malades de solitude sur le paysage mort de cet après-‐midi d’hiver… »
Et ce monde qui lui apparaissait comme autre, et si distant, et si inconnu, François
Maspero décida donc de s’en approcher. Pour ce faire il décida de s’adjoindre une
compagnie, celle de la photographe Anaïk Frantz, un peu comme on le ferait pour une
expédition lointaine. Mais lointaine, cette errance d’un mois à travers la banlieue le fut,
peut-‐être autant sinon davantage qu’un voyage aux antipodes. Elle aura eu ses surprises, ses
amertumes, ses longueurs, mais aussi ses règles, à commencer par celle qui consistait à ne
jamais rentrer chez soi le soir mais à dormir à l’hôtel, sur place, le long de la ligne.
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Les difficultés que rencontrent en ces parages les voyageurs pour simplement
pouvoir faire cela, dormir à l’hôtel, ne sont que l’un des nombreux éléments qui jalonnent le
récit, ponctué d’abord par quantité de rencontres, autrement dit par quantité de portraits :
l’humanité qui vient là, et qui est celle de ces habitants venus du monde entier peupler les
alentours de la capitale, François Maspero ne l’idéalise pas, il la rencontre, il la décrit, il en
raconte sobrement les destins, et l’émotion n’en est que plus grande. De la gardienne de
l’Hôtel des Trois Canards au facteur géographe d’Aulnay, des souvenirs tragiques de la Cité
de la Muette à Drancy à un jardin ouvrier d’Aubervilliers, de telle famille venue d’Afrique
noire à telle autre maghrébine, d’un repas à une promenade, un extraordinairement dense
feuilleté d’anecdotes et de récits forme la matière du livre – un livre que l’on peut lire
aujourd’hui comme alors, tant l’effet de vérité qu’il produit relève de l’évidence et donne de
plaisir.
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20 ANS APRÈS : QUEL VOYAGE ?
Dès la postface qu’il écrivit en 1993 François Maspero le constatait : « En quatre ans
le décor a changé ». Or aujourd’hui ce livre a été publié il y a vingt-‐deux ans maintenant, et
les changements, cela va de soi, sont à la mesure de cette distance historique : mais si
physiquement, en certains de ses points, par exemple à Saint-‐Denis, avec l’apparition du
Stade de France, à peine en chantier au moment du livre, la banlieue est devenue
méconnaissable, ce n’est pas tant le décor qui a changé que, pour rester dans la métaphore
théâtrale, l’action elle-‐même. Quelque chose d’assombri, semble-‐t-‐il, est venu, et les
discours de l’exclusion, comme les actions qui la renforcent, se sont amplifiés. De terribles
tensions sont apparues, dont la presse fait ses choux gras. Mais à nouveau la question se
pose : qui va y voir, qui fait le voyage, de Roissy à la vallée de Chevreuse, de Sevran à
Antony ? D’où l’idée d’y retourner, et de refaire, plus de vingt ans après, le parcours qui fut
celui du livre. En cherchant à retrouver, au fil d’une enquête serrée, les lieux ou les gens,
pour savoir ce qu’ils sont devenus, et pour évaluer, mais sur pièces, et de façon totalement
vivante, ce qui a pu se maintenir et ce qui a disparu, ce qui s’est implanté et ce qui vient ou
semble venir.
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Non pas un bilan, mais une suite de rencontres et telles qu’elles soient de nature à
reconstituer un chemin, une suite de récits. Pas pour écrire une autre postface, mais pour
tenter à nouveau, sur les pas de François Maspero et d’Anaïk Frantz, d’aller voir de l’autre
côté, de franchir le mur des rumeurs et des clichés, celui des peurs aussi, qui s’est installé.
L’idée est donc celle d’une autre odyssée de banlieue, dans ce que la banlieue, le long
des 60 km de la ligne B du RER, est devenue ou est en train de devenir sous nos yeux qui ne
la voient à nouveau et toujours que depuis le train, en passant, ou via les actualités, et
toujours pour la mauvaise part.
Comme un tel voyage ne s’improvise pas, il ne pourra se faire que sur le long terme,
de station en station, progressivement, en utilisant les relais des êtres et ceux des
institutions susceptibles de le soutenir.
Le point de départ sera l’organisation, dans chaque ville partenaire du projet, d’une
lecture d’extraits du livre de François Maspero par l’acteur Jacques Bonnaffé suivie d’un
échange avec le public dans la perspective de recueillir des témoignages de toute nature,
lors de rencontres, entretiens, échanges de correspondances, enregistrements vocaux ou
simples notations. Ce matériau formera comme un grand cahier de brouillon collectif d’où
pourront naître des formes. Parallèlement, une commande d’écriture sera passée à plusieurs
écrivains chacun choisissant une étape du parcours.
Ce que nous visons, avec ce projet, ce n’est pas d’aboutir à un produit fini et fermé
qui prétendrait avoir fait le tour de la question et celui de la banlieue, c’est au contraire de
faire lever, par des actions ponctuelles ricochant les unes sur les autres, toute une matière
humaine, tout un foisonnement vivant de récits. C’est, au-‐delà des blocages comme des
interdits, et dans le droit fil du voyage exemplaire de François Maspero et Anaïk Frantz,
revenir sur les lieux, les reparcourir et les rendre parlants à nouveau, via rencontres et
retrouvailles.
Gilberte Tsaï
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L’ÉLABORATION DU SPECTACLE Tout du long de la ligne du RER B, des lieux partenaires du projet formeront chacun une étape du spectacle : non seulement un chapitre du spectacle final à venir mais, dans un premier temps, un développement particulier, conçu en plusieurs paliers ou périodes. La démarche envisagée sera à chaque fois comme un chantier en progression : 1ère étape : Lecture sur place d’extraits du livre de François Maspero choisis en fonction du lieu-‐ partenaire. Cette lecture, faite par un comédien, suivie de la présentation du projet par le metteur en scène et son équipe, constituera la première prise de contact avec le public. La question sera posée des changements intervenus ou en devenir, des nouveaux récits à ajouter. Tous ceux qui exprimeront le désir d’apporter leur témoignage seront recontactés par la suite. 2ème étape : Commande d’écriture à des personnalités dans les domaines de la littérature de l’architecture ou de l’environnement. Chacune choisissant sur la ligne la ville qu’elle souhaite explorer et décrire comme l’a fait François Maspero. 3ème étape : Ces textes et les témoignages recueillis permettront d’élaborer pour chaque ville partenaire une proposition artistique qui sera présentée en retour. L’ensemble de ces formes légères constituera une sorte de journal de voyage. Les épisodes de ce journal pourront par la suite être regroupés en un même lieu permettant aux participants et à un public plus large de découvrir l’ensemble du parcours. Un partenariat avec France-‐Culture Par ailleurs, Gilberte Tsaï a réalisé une adaptation du livre de François Maspero en dix épisodes qui sera diffusée au mois d'avril 2013 par France-‐Culture dans le cadre du feuilleton radiophonique.
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UN PROJET FÉDÉRATEUR
Les partenaires du Projet
Partenaires publics Le Ministère de la Culture La RATP, la SNCF et (en cours) le STIF L' Institut Géographique National Collectivités territoriales Communauté d’Agglomération Terres de France (Villepinte, Tremblay en France, Sevran) Ville de Sceaux Ville de Sevran Ville du Bourget Ville de Saint-‐Rémy-‐les-‐Chevreuse En cours : Ville de Mitry Mory Ville de Bures sur Yvette Plaine commune Institutions culturelles Les Tréteaux de France Théâtre de la Commune (Aubervilliers) MC 93 Bobigny Théâtre Jacques Prévert, Aulnay sous Bois En cours : Théâtre Firmin Gémier (Antony) Centre Culturel de Massy Conservatoires de Bagneux et Bourg La Reine
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Les acteurs du projet
(Equipe en cours de constitution)
Conception et direction artistique
Gilberte Tsaï
Lectures Jacques Bonnaffé, Didier Bezace, Thibaut de Montalembert….
commande de textes à Jean Christophe Bailly, Olivier Rolin, Juliette Kahane,
Jean Echenoz, Alexandre Chemetoff, Tanguy Viel, Hanns Zischler, François Bon, Tiphaine Samoyault, Sorour Kazmaï…...
Organisation et contacts Prima donna 01 42 47 05 56
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CALENDRIER
Les Passagers du Roissy Express est un projet au long cours qui se construit sur la durée et en concertation avec ses partenaires. Le calendrier élaboré jusqu’en 2014 subira nécessairement des variations. 2012 Mars à mai Prise de contacts, recherche de documentation
Juin Préparation du montage d’extraits du livre de François Maspero et répétitions. 1ère lecture à la Médiathèque de Sceaux Recueil des premiers témoignages.
Juillet aout Adaptation des Passagers du Roissy express pour France Culture
Octobre/Novembre Préparation du montage d’extraits du livre de François Maspero et répétitions 2ème lecture à la bibliothèque Albert Camus de Sevran-‐Livry Recueil de témoignages Suite des prises de contact
Décembre Préparation du montage d’extraits du livre de François Maspero et répétitions 3ème lecture au Centre Culturel André Malraux du Bourget (1er décembre) Recueil de témoignages
2013 Janvier Préparation du montage d’extraits du livre de François Maspero et répétitions 4ème lecture au Théâtre Jacques Prévert d’Aulnay sous bois Recueil de témoignages
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Février à Juin 2013 5ème lecture par Didier Besace le 28 février au Théâtre d’ Aubervilliers , suite des prises de contact et autres lectures, choix définitif des personnalités et des étapes du voyage. Septembre à décembre Ecriture et construction des premières propositions artistiques 2014 Janvier /juin Suite Ecriture et construction des premières propositions artistiques Premières présentations publiques Septembre décembre Suite présentations publiques Regroupement des épisodes de voyage.
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L’ÉQUIPÉE, DIRECTION GILBERTE TSAÏ Née à Paris, d’un père chinois et d’une mère française, Gilberte Tsaï grandit à Lyon où elle fonde la compagnie Théâtre Tsaï dans les années 1970. Elle travaille ensuite en collaboration avec le Théâtre National de Strasbourg et avec l’Atelier lyrique du Rhin. Au Festival d’Avignon elle participe à la création de Tembouctou (1982) puis présente Voyage en Chine intérieure (1986), spectacle pour vingt comédiens, chanteurs et musiciens chinois, repris à Paris puis en tournée un peu partout dans le monde. En 1987, elle obtient une bourse Villa Médicis hors les murs lui permettant de faire un séjour en Chine. A la fin des années 80, sa carrière s'ouvre à l'international : au Lincoln Center de New York, dans le cadre du bicentenaire de la Révolution Française, elle crée Tales of Exile, d’après Italo Calvino (1989) en collaboration avec la chorégraphe Ruby Shang. Souvent auteure et metteure en scène tout à la fois, Gilberte Tsaï développe un mode de création singulier qui vise la transformation et le métissage de matériaux concrets et souvent non dramatiques en une forme théâtrale et poétique : Tableaux impossibles (1991) qui s'inspire des tableaux rêvés de sept peintres contemporains, La Main verte (1994) spectacle sur les jardins créé en collaboration avec le paysagiste Gilles Clément, Noces de bambou (1998) écrit en collaboration avec Jean-‐Christophe Bailly à partir de récits d’émigration recueillis auprès de la communauté asiatique de la région parisienne mais aussi Song (1999) composé de récits et de chansons retraçant cinquante ans d’histoire contemporaine de la Chine. Entre 1999 et 2008, elle présente Une Nuit à la bibliothèque, de Jean-‐Christophe Bailly à Paris (Festival d’Automne) et en tournée dans plusieurs villes de France et d’Italie (Turin, capitale mondiale du Livre), puis en Russie et en Iran. Directrice du Centre dramatique national de Montreuil de 2000 à 2011, Gilberte Tsaï met en scène La Nuit blanche, montage à partir de textes d’Arlette Farge et de divers écrits du XVIIIème siècle, le triptyque Sur le vif, spectacle accompagné de Ricochets : trois petites formes jouées en appartement. En janvier 2008, elle inaugure la salle du Nouveau Théâtre de Montreuil avec une adaptation de Ce soir on improvise de Luigi Pirandello. Puis, elle met en scène en 2009, Vassa 1910, une adaptation de l’oeuvre de Maxime Gorki. En février 2010 elle crée une pièce inédite en France Le Mystère du bouquet de roses de Manuel Puig, auteur argentin. Enseignante à l’Académie de Limoges en 2009/2010, elle fait la connaissance de la promotion d’élèves comédiens de la séquence 6, qu’elle conduira à présenter Parcours sensible dans les jardins, spectacle déambulatoire de plein air repris au printemps 2011. De cette rencontre naît le projet d’une troupe permanente de jeunes comédiens au Nouveau théâtre de Montreuil, autour de la création du Jeu de l’Ile d’après Marivaux dont la création a eu lieu le 3 février 2011 à Montreuil. L’Equipée est crée en juin 2011. Elle se veut à la fois cellule de création et centre d’initiatives autour de la question du rapport de l’homme à la nature : S’envoler, création 2012, s’inspire du Merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, un conte initiatique et écologique… Les Passagers du Roissy Express est une contribution et un encouragement à regarder et apprendre à aimer des territoires urbains tellement quotidiens qu’on ne les voit plus…
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FRANÇOIS MASPERO : LES PASSAGERS DU ROISSY EXPRESS
Récit d’un voyage entrepris avec la photographe Anaïk Frantz le long de la ligne B du RER, celle qui coupe Paris et traverse l’Ile de France du Nord (Aéroport Charles de Gaulle) au Sud. Voyage à contrainte, ne pas revenir dormir à Paris pourtant si proche, utiliser les transports en commun, dormir dans des hôtels parfois si difficiles à trouver et à habiter. Voyage littéraire aussi, qui prend ses sources dans Danube le livre de Claudio Magris et est traversé par les figures de Rousseau, Nerval, Alexandre Dumas au Nord de la ligne (pays du Valois) auxquels répondent Ronsard, le marquis de Sade, Eric Satie, Charles Péguy ou Chateaubriand au sud. Voyage humain, enfin, puisque le tissu des villes échappe à la rationalité et repose sur les habitants qui occupent l’espace et lui donnent, ou non, âme sous forme de quartiers. “Les voyages ne sont pas faits seulement pour se donner des souvenirs. Ils sont faits pour se donner l’envie de revenir.” « Longtemps, raconte François, l’enfant de la guerre qu’il a été a logé en lui une petite crainte tenace : la hantise, tapie dans un recoin de sa mémoire, que tout puisse à nouveau s’arrêter. Parce qu’il a connu les temps où il n’y avait plus de gaz, plus de chauffage central, plus de lumière, plus d’eau chaude. (...) Et il s’est alarmé quand il a appris que les derniers ânes du Poitou risquaient de disparaître : qui repeuplera, en cas de pénurie automobile, la France en mulets ? Non, il n’a aucun goût pour le rétro, il est convaincu que la machine à laver est une victoire majeure pour l’humanité et il aime écrire sur un ordinateur. Pourtant il s’inquiète de ne pas avoir conservé une vieille planche à laver et il garde sa machine à écrire. Et des crayons. Beaucoup de crayons. » Francois Maspéro est un écrivain au parcours plutôt singulier ; né en 1932, il a d’abord été libraire puis éditeur, un éditeur très engagé à gauche et notamment dans le soutien au tiers monde au travers une maison d’édition qu’il fonde en 1959 qui porte son nom et qui sera un haut lieu des années 60/70. En 1982, François Maspero plaque tout et se lance dans l’écriture. Ce livre est aussi original que son auteur. Maspero et son amie photographe entreprennent un voyage sur les lieux traversés par la ligne B du RER qui relie Roissy à la vallée de Chevreuse. Ils font là un vrai voyage, couchant dans les gites d’étape, questionnant les habitants, prenant des photos, explorant le passé. C’est aussi chaleureux que passionnant. Nous voici partis pour Roissy en France, ce village qui jouxte l’aéroport où les lapins et les chemins de terre aboutissent aux pistes. Nous voici dans ces ensembles immenses comme le paquebot à Aulnay sous bois ou les 4000 à Aubervilliers, une ville dans laquelle un maraîcher propose encore des plans de tomates ; voici l’aéroport du Bourget tout décati, voici Garonor, ou encore ce grand malien de Sevran qui demande poliment de quel droit on le photographie. Tous les voyages ont été faits pour François Maspero, il nous convainc ici qu’heureusement il n’en est rien.