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L E S V E N I N S Par Gonin Xavier Travail de recherche en Biologie Université de Genève Département des Sciences Décembre 1991

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L E S V E N I N S

Par

Gonin Xavier

Travail de recherche en Biologie

Université de Genève

Département des Sciences

Décembre 1991

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TABLE DES MATIÈRES

1. Introduction ....................................................................................................... 6

2. Généralités ......................................................................................................... 7

a. Les différents appareils à venin ..................................................... 10

b. La composition et les effets des venins ....................................... 12

3. Bref historique ................................................................................................ 13

a. La découverte d’un modèle ........................................................... 13

4. Les différents venins et leurs modes d’action ........................................... 21

a. Les venins de serpents .................................................................... 21

b. Les grenouilles vénéneuses ............................................................ 25

c. Les venins de scorpions ................................................................. 30

d. Les venins de guêpes ....................................................................... 31

e. La tétrodotoxine et l’antamanide .................................................. 32

5. Les toxines du milieu marin ......................................................................... 32

6. Conclusion générale ...................................................................................... 39

7. Annexes ........................................................................................................... 40

a. Le tissu nerveux ............................................................................... 41

b. Les dix animaux les plus venimeux .............................................. 47

c. Les serpents venimeux ................................................................... 48

8. Bibliographie ................................................................................................... 50

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

I. Crânes de colubroïdes 10

II. Crâne de Vipéridés en position d’attaque 10

III. La chaîne nerveuse de la blatte 14

IV. Deux systèmes d’informations sensorielles 16

V. Techniques du Mannitol gap 17

VI. Montage en double oil gap 18

VII. Les effets de diverses molécules 20

VIII. Comparaison de toxines 23

IX. Structure chimique de la bungarotoxine 25

X. Structure tridimensionnelle de la bungarotoxine 25

XI. Répartition géographique des grenouilles du genre Phyllobates 26

XII. Structure chimique de l’histrionicotoxine 29

XIII. Structure de la tétrodotoxine et de la saxitoxine 33

XIV. Structure peptidique de l’antamanide 33

XV. Action de la tétrodotoxine et de la saxitoxine 36

XVI. Comparatif entre toxines marines et terrestres 37

XVII. Structure des principales toxines marines 38

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LEXIQUE

A Acétylcholinestérase. Enzyme dégradant l’acétylcholine ;

Acides cétoniques. Acides ayant la fonction de cétones, nom des corps chimiques

de constitution analogue à celle de l’acétone ;

Alcaloïde. Substance organique (pH < 7) contenant au moins un atome d’azote

dans la molécule ;

Anthozoaire. Cnidaire de la classe des anthozoaires qui comprend les polypes isolés

munis de cloison gastrique (anémone de mer, corail) ;

Anticorps monoclonaux. Anticorps tous identiques servant d’outils de recherche ;

Axonal. Qui vient de l’axone, prolongement du neurone en forme de filament.

C Chélicée. Appendice formant une paire de crochets

Cnidaire. Embranchement composé des différentes classes telles les anthozoaires.

Les cnidaires sont munis de cellules urticantes.

D Décapept de. Protéine composée de dix acides aminés ;

Dépolarisation. Diminution du potentiel de la membrane ;

Diffraction. Phénomène suivant lequel les ondes lumineuses, radioélectriques et

acoustiques peuvent parfois contourner les obstacles.

E Enzymes. Substance chimique soluble, provoquant ou accélérant une réaction.

F Fibrillat on. Contraction rapide et désordonnée des fibres musculaires, et plus

précisément du cœur.

G Ganglion. Renflement arrondi (ou furiforme) que présentent les vaisseaux

lymphatiques et certains nerfs.

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H Homéostasie. Faculté propre aux êtres vivants de maintenir l’équilibre de leur

milieu interne et celui de leur apparence (rapports) avec le monde extérieur ;

Hyperpolarisation. Augmentation du potentiel de membrane.

M Métabolites. Nom donné aux substances organiques qui résultent des réactions du

métabolisme ;

Métabolisme. Ensemble des transformations subies dans un organisme vivant par

les substances qu’ils absorbent.

N Neuromédiateur. Voir annexe sur le système nerveux ;

Neurone. Cellule nerveuse spécialisée dans la conduction, qui comprend un corps

cellulaire, de dendrites et d’un prolongement (l’axone) ;

Nucléotide. Constituant fondamental des acides nucléiques (DNA ou RNA).

P Polychète. Ver annelé marin à nombreuses soies latérales ;

Polype. Forme fixée à des cnidaires, composé d’un corps cylindrique à deux parois,

creusé d’une cavité digestive ;

Polypeptide. Substance (molécule) constituée par la combinaison de plusieurs

acides aminés (plus de quatre).

S Sérum. Partie aqueuse du sang, déjà immunisé contre certaines maladies ;

Synapse. En neurologie, région de contact entre deux neurones.

T Tétrodon. Poisson à la peau nue ou garnie d’épines érectiles. Sa peau est toxique ;

Tissu conjonctif. Tissu jouant le rôle de remplissage, de soutient et de protection ;

Toxine. Substance toxique de nature protéique, élaborée par un organisme vivant

auquel elle confère son pouvoir pathogène ;

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Tryptophane. Acide aminé indispensable à l’organisme et dont dérive plusieurs

composés biologiques importants : sérotonine et certains nucléotides.

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C h a p i t r e 1

INTRODUCTION

Les venins ! Voilà un sujet qui fait frémir de nombreuses personnes. Et il y a en

effet de quoi ! Mais pas sous nos latitudes. En effet, dans certaines régions d’Afrique et

d’Asie, la mortalité annuelle due aux morsures de serpents atteints 30'000 décès. Les

envenimations dues aux autres animaux étant d’un ordre de six fois moindre. Mais

dans nos régions, peu d’animaux ont des piqûres mortelles. La mort ne survient que

lors de conditions très précises mais rarement réunies.

Il nous a semblé utile de nous intéresser à ce domaine qui nous était mal

connu : celui de la neurophysiologie. Nous avons en conséquence sélectionné les

sources présentant les plus d’intérêt. C’est pourquoi un certain nombre d’animaux ne

sont pas présents dans cette étude. Il semble d’ailleurs que malgré ces restrictions, le

travail ait pris une importance que nous n’avions pas prévue…

Nous avons divisé ce travail en trois parties principales par commodité. Tout

d’abord les généralités pour situer le problème, puis le sujet proprement dit, « l’action

des venins », puis enfin nous avons essayé grâce à une source providentielle de voir à

quoi cela pouvait servir. Nous avons ensuite établi différentes annexes pouvant

apporter quelques compléments d’informations.

Et maintenant… bon courage !

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C h a p i t r e 2

GÉNÉRALITÉS

Dans la nature existe différents poisons et, parmi eux, les venins. Ces

substances chimiques toxiques sont d’origine végétale ou, plus souvent, animale. Par

venin, l’on entend toutes substances permettant à un animal de se défendre ou

d’attaquer. Dans ce dernier cas, le venin à deux vocations : tout d’abord immobiliser la

proie en agissant sur les nerfs et les muscles et ensuite initier la digestion, raison pour

laquelle on a identifié 26 enzymes dans les quatre grandes familles de serpents. Il faut

cependant se garder de confondre vénéneux – dont la chair est toxique – avec

venimeux – qui possède des glandes à venins !

Voyons d’abord le règne végétal. Il existe que peu de plantes venimeuses, telle

l’ortie (lat. Urtica, famille des Urticacées), alors que la proportion de plantes vénéneuses

est importante. Ce travail se limitera donc au cas les plus connu et les plus important

des venins de nature animale.

Ces substances sont dispersées de plusieurs manières propres aux différents

groupes. Le tableau de la page suivant suivante donne un aperçu de ces différents

groupes et des différents modes. Du tableau, on peut relever que les Oiseaux en sont

absents pour la simple raison que cette arme chimique leur est inutile du fait de leurs

pattes ou de leurs becs. En plus de ce tableau, il existe également des parasites

possédant du venin. Nous ne nous sommes pas intéressés à ce cas, mais il nous a

semblé utile de rappeler ce fait.

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Venins et substances toxiques d’or g ne animale

• Coelentérés : o Genre ou espèce : actinies, méduses, physalie ; o Appareil d’inoculation : nématocystes ; o Substance toxique mise en cause : thalassine, congestion ; o Action pathogène ou toxique, réactions physiopathologiques : prurit, urticaire, vasodilatation

intestinale, troubles nerveux, paralysie, troubles respiratoires, effet paralysant ; o Traitement et prévention des états toxiques : corticoïdes, antihistaminiques, adrénaline en état de

choc.

• Echinodermes : o Genre ou espèce : oursins ; o Appareil d’inoculation : pédicellaires ; o Substance toxique mise en cause : Ø ; o Action pathogène ou toxique, réactions physiopathologique : paralysie, troubles respiratoires ; o Traitement et prévention des états toxiques : assistance ventilatoire.

• Mollusques : o Genre ou espèce : céphalopode, gastropodes (le cône) ; o Appareil d’inoculation : mâchoires cornées (glandes salivaires) ; o Substance toxique mise en cause : Ø ; o Action pathogène ou toxique, réactions physiopathologique : effet paralysant ; o Traitement et prévention des états toxiques : assistance respiratoire.

• Scorpions : o Genre ou espèce : / ; o Appareil d’inoculation : dard caudal ; o Substance toxique mise en cause : Ø ; o Action pathogène ou toxique, réactions physiopathologiques : violente douleur locale, dyspnée,

engourdissement, troubles cardiaques ; o Traitement et prévention des états toxiques : faire saigner, débrider, sérum, réanimation.

• Araignées : o Genre ou espèce : / ; o Appareil d’inoculation : chélicères ; o Substance toxique mise en cause : Ø ; o Action pathogène ou toxique, réactions physiopathologiques : réaction locale nécrotique, anurie ; o Traitement et prévention des états toxiques : traitement cardiaque et neurologique.

• Insectes : o Genre ou espèce : abeille, guêpes ; o Appareil d’inoculation : aiguillon postérieur ; o Substance toxique mise en cause : poison acide, poison alcalin, toxolécithine (phospholipide)

neuroplégique ;

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o Action pathogène ou toxique, réactions physiopathologiques : prurit, choc anaphylactique, œdème ; o Traitement et prévention des états toxiques : extraction de l’aiguillon, adrénaline en cas de choc,

réanimation.

• Poissons sélaciens : o Genre ou espèce : pastenague ; o Appareil d’inoculation : aiguillon caudal ; o Substance toxique mise en cause : Ø ; o Action pathogène ou toxique, réactions physiopathologiques : très vive douleur locale, convulsions ; o Traitement et prévention des états toxiques : Ø.

• Poissons osseux : o Genre ou espèce : vive, synacée ; o Appareil d’inoculation : aiguillon de l’opercule et de la nageoire caudale ; o Substance toxique mise en cause : Ø ; o Action pathogène ou toxique, réactions physiopathologiques : douleur locale vive, paresthésies,

inoculation de germes microbiens ; o Traitement et prévention des états toxiques : lavage au permanganate de potassium ou à

l’hypochlorite (eau de javel).

• Amphibiens : o Genre ou espèce : crapaud, dendrobate ; o Appareil d’inoculation : / o Substance toxique mise en cause : bufoténine, bufotaline, bufotalidine, bufotoxine, principe

hémolytique ; o Action pathogène ou toxique, réactions physiopathologiques : vasoconstriction, polyurie, arrêt du

péristaltisme intestinal (effet expérimental) ; o Traitement et prévention des états toxiques : Ø.

• Serpents protéroglyphes : o Genre ou espèce : cobra ; o Appareil d’inoculation : crochets buccaux, crochets cannelés ; o Substance toxique mise en cause : neurotoxine, substance hémorragique ; o Action pathogène ou toxique, réactions physiopathologiques : œdème local (parfois discret),

vomissements, hoquet, arythmies cardiaques, troubles respiratoires, collapsus ; o Traitement et prévention des états toxiques : faire saigner, débrider, garrot, sérum antivenimeux

« cobra », ventilation assistée.

• Serpents solénoglyphes : o Genre ou espèce : vipères ; o Appareil d’inoculation : crochets buccaux creux ; o Substance toxique mise en cause : neurotoxine, substances hémocoagulantes ; o Action pathogène ou toxique, réactions physiopathologiques : douleur locale très vive, nécrose locale,

douleurs abdominales, collapsus ; o Traitement et prévention des états toxiques : même traitement et sérum antivenimeux différents

suivant les pays et espèces de serpents.

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1. Les différents appareils à venins :

Chaque appareil a été adapté par la nature aux besoins exacts de l’animal qui

l’emploie. Nous commencerons par le cas le plus connu du grand public : les reptiles.

Chez ces derniers, la venimosité est indiquée par la présence de glandes labiales dont

les sécrétions sont bien entendu toxiques. Pour transmettre ces sécrétions. Les reptiles

ont recours à des crochets buccaux disposés sur le maxillaire supérieur. Parmi les

colubridés (parmi lesquels les couleuvres), certains possèdent des dents pleines sans

sillon ni canal et ne peuvent donc pas injecter de venin, s’ils en possèdent. Ils se

contentent de mordre et de laisser couler le venin sur la plaie. Le résultat est moins

efficace qu’en cas d’injection. D’autres ont des crochets situés dans la partie postérieure

du maxillaire. Leur venin sert ainsi principalement à initier la digestion.

Beaucoup plus dangereux sont les protéroglyphes, c'est-à-dire les serpents dont

les crochets sont situés à l’extrémité antérieure du maxillaire. Leurs crochets sont tel

l’aiguille d’une seringue. Leur efficacité est de plus accrue par la présence d’un système

compresseur, le venin est cette fois injecté. Ces serpents sont regroupés dans la famille

des Elapidés comprenant en outre les fameux cobras « cracheurs » capables de projeter

leur venin à plus de deux mètres, en visant les yeux de leur cible. Chez les Vipéridés, le

mode d’injection est encore amélioré. La glande possède toujours un système de

compression mais le crochet – pouvant atteindre quatre centimètres – est articulé. Au

repos, il est horizontal et lors de la piqûre il bascule, pointé vers l’avant. Ces serpents

sont les solénoglyphes. Leur principale différence avec les protéroglyphes réside dans le

fait que grâce aux crochets articulés, ils peuvent piquer au lieu de mordre (cf. figure 1 et

2, page suivante).

Chez les scorpions, l’appareil à venin est situé dans le post-abdomen et le venin

est injecté par le truchement d’un aiguillon acéré.

Voyons maintenant le monde aquatique. Tous les unicellulaires sont venimeux

et dispersent le venin grâce à des soies urticantes du type de celles des chenilles

terrestres. L’usage du venin est donc purement défensif. Les cnidaires (méduses) sont

également venimeux. Ils ont besoins d’armes chimiques contre les prédateurs et pour

paralyser des proies plus évoluées et plus rapides qu’eux.

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Figure 1 : Les crânes de colubroïdes sont munis de différents types d’appareils venimeux. On a représenté en A une couleuvre aglyphe, en B une couleuvre opistoglyphe, en C un serpent protéroglyphe (Elapidés), en D un serpent solénoglyphe (Vipéridés). Légende :ca, os carré ; cv, crochets venimeux ; ept, ectoptétygoïde ; mx, maxillaire ; st, supratemporal ; pt, ptérygoïde.

Figure 2 : en E est représenté un crâne de solénoglyphe (Vipéridés) en position d’attaque. La position du crochet venimeux explique pourquoi la vipère peut piquer l’adversaire pour lui injecter son venin.

Concernant les Poissons, leur appareil est en général constitué d’épines dorsales

agissant comme des seringues. On trouve également des mollusques avec un système

particulier. Ce sont les cônes. Ils projettent un micro harpon enduit de venin sur tout

poissons passant à proximité. Celui-ci paralysé, le cône peut alors le digérer à sa guise.

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Nous arrêtons ici cette présentation, le but de cette partie étant de donner un

aperçu très général ; nous avons donc délibérément omis de parler de certains animaux

tels que guêpes, abeilles, chenilles et bien d’autres. Les modes d’injection peuvent être

l’objet d’un travail entier…

2. La composition et les effets de venins :

La plupart des venins sont composés de protéines. Certaines sont des enzymes

qui provoquent des réactions chimiques et libèrent des produits perturbant divers

mécanismes physiologiques. S’autres sont principalement composés de toxines (c’est le

cas des venins défensifs tels ceux des grenouilles d’Amérique tropicale). La plupart ont

des effets anticoagulants. Ces venins sont des substances très stables, gardant leurs

propriétés jusqu’à des températures avoisinant les 100° C, susceptible d’être conservés

soit à l’état sec et à basse température pour une longue durée, soit plus provisoirement

dans de l’acide éthanoïque. Ils peuvent, entre autre, contenir du zinc, du fer ou du

cuivre.

On peut finalement remarquer que les venins sont actifs dans l’ensemble du

règne animal, des Insectes à l’Homme, démontrant par là l’universalité du monde

vivant. Ceci est dû au fait que le code génétique est valable pour être vivant. Cependant

certains animaux possèdent des facultés de dilater les vaisseaux sanguins, et de

provoquer ainsi des nécroses à leurs victimes. Nous allons surtout nous intéresser à

leur action contre le système neuromusculaire.

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C h a p i t r e 3

BREF HISTORIQUE DE L’ÉTUDE DES VENINS

Depuis de nombreux siècles, l’Homme utilise des substances organiques

naturelles toxiques pour attaquer, se défendre ou, plus pacifiquement, pour soigner.

Déjà en 134 av. J.-C., Attale III Philometor, roi de Pergame, étudiait les actions des

poisons et contrepoisons sur des condamnés à mort. Mais il fallut néanmoins attendre

le XVIIIème siècle pour qu’un florentin, F. Fedi, montre que le liquide s’écoulant des

crochets d’un serpent provoque la mort. En 1737, Geoffroy et Humault, en France,

observent que le sang de divers animaux ne coagule plus après avoir été mordu par une

vipère aspic. Cette observation est cependant mise en cause lorsqu’en Italie, F.

Fontana, observe que le sang d’un lapin tué par une injection de venin de vipère est

coagulé. Il faudra donc attendre la fin du XIXème siècle pour apprendre que la

coagulation dépend de plusieurs facteurs. A cette même époque, en Australie, C.-J.

Mautin montra que deux propriétés pouvaient coexister dans un même venin. Il

parvint à cette conclusion après avoir injecté séparément deux fractions séparées d’un

même venin et avoir observé des réactions différentes.

Notons qu’aujourd’hui encore dans certains pays d’Asie ou d’Afrique, la

médecine traditionnelle obtient de bons résultas avec des substances du genre des

venins. On ne pouvait néanmoins pas comprendre l’action d’un venin au niveau des

nerfs avec exactitude. Cela est désormais possible grâce à l’établissement d’un modèle,

modèle qui va faire l’objet de la partie suivant.

1. La découverte d’un modèle :

Ce modèle dont l’apparition est reportée dans la revue « Pour la Science », juin

1985, a été proposé par J.J. et M. Callec. Il consiste essentiellement en un neurone

géant de la blatte (Periplancta americuna). Il offre plusieurs avantages : tout d’abord, on

peut ainsi tester directement l’effet de diverses molécules par des techniques

d’électrophysiologies. De plus, l’élevage des blattes est aisé et leur utilisation pour de

telles expériences ne pose pas de problèmes d’éthiques.

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Cette blatte possède sept paires de neurones géants (le diamètre de l’axone

étant d’environ 50 µm) reliant le dernier ganglion abdominal aux ganglions cérébroïdes.

Ces neurones reçoivent leurs informations des nerfs arcaux XI et des nerfs paracercaux

X. Les premiers transmettant les informations provenant des mécanorécepteurs des

cerques (les cerques sont deux longs appendices postérieurs sensibles au déplacement

d’air et aux vibrations, cf. figure 3).

Figure 3 : La chaîne nerveuse abdominale de la blatte comporte sept paires de neurones géants identifiés. On a représenté partiellement l’un de ces neurones sur ce schéma. Tous les neurones géants ont leur origine dans le sixième et dernier ganglion abdominal (A6) et possèdent un axone qui se prolonge sans interruption jusqu’en cerveau de l’insecte. Chaque neurone géant comporte un corps cellulaire, toujours situé en position controlatérale, à la périphérie du ganglion, et de nombreuses ramifications dendritiques constituant un enchevêtrement très dense nu sein du ganglion. Les neurones géants recueillent des informations provenant de deux sources sensorielles principal... Les afférences parvenant au ganglion A6 par les nerfs cercaux XI proviennent de plusieurs centaines de mécanorécepteurs répartis sur la face inférieure des cerques; ils établissent de nombreuses synapses avec les neurones géants qu’ils excitent en libérant de l’acétylcholine. Certaines afférences parvenant au ganglion A6 par les nerfs cercaux X proviennent d’autre part de deux organes récepteurs sensibles à l’étirement situés à la base des cerques et exercent une action inhibitrice sur les neurones géants; le neuromédiateur inhibiteur libéré au niveau de ces synapses est l’acide γ-aminobutyrique (GABA). Ces dispositions neuroanatomiques et neurophysiologiques facilitent l’étude des divers aspects de la propagation du message nerveux, notamment la transmission synaptique dans le ganglion A6 et la conduction axonale entre deux ganglions.

Pour leur part, les nerfs paracerquaux transmettent les informations provenant

des récepteurs sensibles à l’étirement et situés à la base des cerques. Au repos, les

neurones ont une différence de potentiel de 70 mV, L’influx nerveux (terme jadis

utilisé pour parler de potentiel d’action) est une dépolarisation brève d’amplitude

d’environ 100 mV, et qui se propage le long de l’axone. Parvenu au bout du neurone,

ce potentiel d’action commande la libération d’un neuromédiateur. Celui-ci traverse la

fente synaptique et va se fixer sur des récepteurs spécifiques entraînant soit une

excitation, soit une inhibition. Ce modèle présente la particularité d’être activé par

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certains nerfs et inhibé par d’autres. Le neuromédiateur excitateur est l’acétylcholine

qui provoque l’ouverture des canaux sodium et potassium, dits « chimico-dépendants ».

De ce fait, les courants d’ions crées – le sodium entre et le potassium sort – produisent

une dépolarisation partielle et locale appelée « potentiel post-synaptique excitateur ».

Cette dépolarisation agit à son tour sur des canaux ioniques « voltage dépendants »,

ainsi nommés car leur ouverture est liée à certaines valeurs du potentiel de membrane.

Ce sont des canaux de deux types : les uns à ouverture rapide pour le sodium, et les

autres à ouverture lente destinés au potassium. Il y a de cette façon propagation du

potentiel d’action lorsque la dépolarisation liée aux courants d’ions est suffisante (cf.

figure 4, page suivante).

La membrane post-synaptique du neurone géant comporte aussi des canaux

spécifiques au chlore inhibant le neurone (Na+ et K+ excitent le neurone). Le

neuromédiateur commandant de tels canaux est l’acide γ-aminobutyrique ou GABA.

Lorsqu’il se lie à ses récepteurs, il provoque une hyperpolarisation qui inhibe le

neurone en fermant les canaux voltage dépendants. Il y a donc là une possibilité de

bloquer les messages nerveux.

Pour étudier les substances constituant les venins, on enregistre à l’aide

d’électrodes extracellulaires les phénomènes électriques ayant lieu dans les régions

synaptiques et axonales. On mesure ainsi soit les variations de potentiel de membrane,

soit les courants d’ions axonaux. Une substance est déclarée neuroactive si elle perturbe

l’un des deux phénomènes. On peut donc déterminer son site, son mécanisme d’action

ainsi que le degré d’activité des molécules composant la substance.

Pour toute substance on emploie trois méthodes successivement. La première,

appelée technique du « Mannitol gap », est la plus simple (cf. figure 5 et 6, pages

suivantes). Elle permet la sélection des substances agissant sur le système nerveux et

permet de caractériser les relations existant entre la concentration du produit à tester et

les effets qui s’ensuivent. L’application de cette technique est l’établissement en

neuropharmacologie, des courbes dose-réponse (courbes montrant la relation entre

cause et effet d’un médicament donné). Néanmoins, cette méthode présente

l’inconvénient de n’enregistrer que l’activité d’un groupe de neurones.

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Figure 4 : Deux systèmes d’informations sensorielles, l’un excitateur et l’autre inhibiteur, convergent sur les neurones géants de la blatte. Ces deux systèmes sont anatomiquement indépendants et se distinguent par la nature du neuromédiateur qu’ils libèrent dans la fente synaptique. L’acétylcholine libérée par les neurones pré-synaptiques du nerf XI se fixe sur des récepteurs spécifiques (cholinergiques) de la membrane post-synaptique et provoque l’ouverture des canaux Ioniques associés à ces récepteurs. Les flux d’ions sodium (Na) et potassium (K) qui les empruntent dépolarisent partiellement et transitoirement la membrane. On appelle potentiel post-synaptique excitateur, le potentiel qui résulte de ces événements; ce potentiel agit à distance sur les canaux ioniques axonaux qui s’ouvrent à leur tour. Comme les canaux sodium s’ouvrent plus vite que les canaux potassium, la cellule peut subir une dépolarisation transitoire de grande amplitude ; c’est un potentiel d’action qui se propage alors dans l’axone. D’autre part, le GABA libéré par les terminaisons pré-synaptiques du nerf X se lie à des récepteurs spécifiques associés à des canaux chlore. L’ouverture de ces canaux permet l’entrée d’ions chlore (Cl-) dans le neurone, ce qui produit une hyperpolarisation transitoire de la membrane que l’on appelle potentiel post-synaptique inhibiteur : il s’oppose en effet à l’ouverture des canaux ioniques et par suite à la formation de potentiels d’action. Toute molécule exogène qui, par ses affinités avec les récepteurs synaptiques ou avec les canaux ioniques membranaires, perturbe le déroulement normal des mécanismes permettant la propagation du message nerveux est une molécule neuroactive.

On utilise donc une seconde méthode, celle de l’oil gap. Elle nécessite la

microdissection d’une portion d’axone et est de ce fait plus délicate. L’avantage est que

cette méthode ne concerne qu’un neurone et rend compte de l’effet sur la membrane

post-synaptique. La dernière méthode est celle du « potentiel imposé » à la membrane.

On peut ainsi se rendre compte de l’affinité de la substance avec des canaux sodium et

potassium. Ce modèle peut servir à étudier non seulement les venins mais aussi à

développer de nouveaux insecticides ou à étudier des substances médicales susceptibles

d’être utilisées pour combattre certaines maladies (par exemple le tétra-éthyl-

ammonium contre la maladie d’Alzheimer provoquant la dégénérescence du système

nerveux).

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Figure 5 : La technique du mannitol gap (a) permet d’étudier la réponse d’un groupe de neurones auquel on applique une molécule neuroactive La préparation neurobiologique, qui se compose d’un cerque, des nerfs cercaux et de la partie distale de la chaîne nerveuse de la blatte, est placée dans une cuve en plexiglas compartimentée. L’un des connectifs inter ganglionnaires A6-A5 est plongé dans une solution isotonique de mannitol, qui sert d’isolant électrique. Le ganglion A6 est baigné par un courant de liquide physiologique oxygéné auquel on peut ajouter une molécule à tester; celle-ci diffuse alors rapidement au sein des structures nerveuses. Dans les conditions normales, on peut utiliser cette préparation pendant plus de 12 heures. Les variations de potentiel électrique enregistrées entre les points A et B résultent de l’action de la substance à tester ou de celle du médiateur naturel (acétylcholine ou GABA) libéré par la stimulation des nerfs cercaux. En l’absence de toute action, la différence -de potentiel entre les points A et B est nulle. On précise les résultats de cette étude par la technique de l’oil gap (b) qui nécessite la microdissection d’un des axones géants (connectif A6-A5) sur une longueur comprise entre un et deux millimètres. Le segment d’axone isolé plonge dans le compartiment rempli d’huile de paraffine cette huile sert d’isolant électrique. Cette seconde technique présente l’avantage d’enregistrer l’activité d’un seul neurone et d’étudier les effets de molécules susceptibles d’interagir avec les récepteurs post-synaptiques. On peut en outre identifier le neurone étudié grâce à l’utilisation de la technique de coloration au chlorure de cobalt.

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Figure 6 : Ce montage en double oil permet l’analyse en potentiel imposé des courants ioniques qui traversent la membrane axonale. La préparation comprenant une portion d’axone géant isolée par microdissection, généralement entre les ganglions A4 et AS, est platée dans une cuve en plexiglas compartimentée. Dans une tubulure centrale, on fait circuler un liquide physiologique contenant la molécule à tester, qui peut entrer en contact avec la membrane axonale par une étroite fenêtre (F). Les deux compartiments latéraux contiennent une solution isotonique de chlorure de potassium, liquide conducteur et dépolarisant qui assure le contact électrique entre les électrodes d’enregistrement et l de l’axone. Le tout est recouvert d’huile de paraffine. Dans cette méthode, on impose un potentiel électrique à la membrane, le plus souvent une dépolarisation. On maintient cette dépolarisation constante malgré les courants d’ions qui s’écoulent par les canaux Ioniques dont la dépolarisation a provoqué l’ouverture. Cette opération est réalisée grâce à un circuit électronique monté en contre-réaction et réglé de telle sorte qu’il compense automatiquement et immédiatement les courants ioniques par des courants électriques de sens contraire. Sur cette figure, les circuits électroniques ont été simplifiés. Le circuit 2, monté en contre-réaction, tient compte des variations de potentiel mesurées par le circuit i et réintroduit dans l’axone un courant compensateur ajusté. Le circuit 3 sert à mesurer les courants membranaires dont on a donné un exemple sur le schéma inférieur. Dans cet exemple, le potentiel de repos est maintenu à -60 mV par rapport au milieu extracellulaire. Une dépolarisation qui fait passer le potentiel de -60 à -20 mV crée un courant d’ions sodium entrant, rapide et transitoire; ce courant d’ions est suivi par un courant d’ions potassium retardé, sortant, qui se maintient pendant la durée de l’impulsion.

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Ce modèle, comme mentionné plus haut, peut servir à augmenter la sélectivité

des insecticides. En effet, chaque animal (ou végétal) possède des moyens de lutte

contre les insectes nuisibles. Il en va ainsi pour l’annélide marin Lumbriconereis heterapoda

produisant la néréistoxine. Grâce au modèle, on a pu démontrer que la toxine bloquait

la transmission synaptique en se fixant sur les canaux ioniques post-synaptiques

chimico-dépendants. En conséquence, on utilise aujourd’hui des dérivées synthétiques

de cette toxine comme insecticide. On peut de même étudier la poudre de pyrèthre

(une plante voisine du chrysanthème). Cette substance à la particularité d’être peu

toxique pour les animaux (et l’Homme) aux doses couramment employées. Le modèle

montra que cette substance, d’où l’on dérive la famille des pyréthrimoides, provoque

une lente dépolarisation de la membrane axonale qui peut bloquer l’influx nerveux. La

technique du potentiel imposé montra en outre que cette substance agit sur les canaux

sodium et potassium des axones. Elle maintient ces canaux en position ouverte, ce qui

mène à une inexcitabilité totale et irréversible.

Ce modèle, comme on le voit, semble promis à une belle carrière tant dans le

domaine de la pharmacologie (cf. figure 7, page suivante), que dans celui de la

recherche en neurophysiologie.

Les parties suivantes vont mentionner l’action de divers venins dans leurs

détails et, bien que cela ne soit pas toujours mentionné, il est possible que le modèle

présenté ci-dessus ait joué un rôle prépondérant…

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Substance Origine Site d’action Mode d’action Effets

Tétrodoxine (TTX) Poisson

Spheroïdes rubrides (Tétrodon)

Canal sodium Bloqueur sélectif Supprime le courant sodium et par conséquent le potentiel d’action.

Saxitoxine (STX) Dinoflagellés Gonyaulax catanella Canal sodium Bloqueur sélectif

Supprime le courant sodium et par conséquent le potentiel d’action.

Tétra-éthyl-ammonium (TEA)

Substance de synthèse Canal potassium Bloqueur sélectif

Supprime le courant potassium, allonge le potentiel d’action, augmente la quantité de médiateur libéré dans la fente synaptique, provoque une légère dépolarisation.

4-amino-pyridine (4-AP)

Substance de synthèse Canal potassium Bloquer sélectif

Supprime le courant potassium, allonge le potentiel d’action, augmente la quantité de médiateur libéré dans la fente synaptique, augmente l’excitabilité neuronale.

α-bungaro-toxine Serpent Bungarus multicinctus

Récepteur cholinergique nicotinique

(site de reconnaissance)

Compétiteur sélectif

Bloque la transmission synaptique au niveau des synapses cholinergiques nicotiniques. Action irréversible.

Amantadine

Substance de synthèse

- antiviral (grippe A) - antiparkinsonien

Récepteur cholinergique

(canal ionique sodium – potassium)

Bloqueur sélectif

Bloque la transmission synaptique au niveau des synapses cholinergiques. Action réversible.

Bicucculine Plante Dicentra cucullaria

Récepteur au gABA (site de

reconnaissance)

Compétiteur sélectif

Bloque la transmission synaptique au niveau des synapses gabaergiques.

Picrotoxine Plante Anamirta cocculus

Récepteur au gABA (canal ionique au

chlore)

Compétiteur sélectif

Bloque la transmission synaptique au niveau des synapses gabaergiques. Action réversible.

Figure 7 : Les effets de diverses molécules neuroactives sur l’axone géant de la blatte sont très variables (a) ces effets peuvent être un blocage complet des potentiels d’action, des modifications plus ou moins profondes de leur amplitude, de leur durée ou de leur forme, comme le montrent ces quelques exemples. Sur le schéma supérieur, on a indiqué le potentiel d’action de contrôle obtenu sous liquide physiologique normal (1); l’aspect du potentiel d’action six minutes après l’application de 4-aminopyridine (2); l’apparition d’un post-potentiel dépolarisant sous l’action d’un pyréthrinoïde, huit minutes après l’application de cisméthrine (3); la diminution d’amplitude du potentiel d’action accompagnée d’une dépolarisation membranaire sous l’action d’un autre pyréthrinoïde, la deltaméthrine ou d’une neurotoxine extraite du venin du scorpion Buthotus judoicus (4); le potentiel d’action en plateau obtenu sous l’action d’une neurotoxine extraite du venin du scorpion Androctonus australis (5); la salve de potentiels d’action déclenchés par d’autres neurotoxines des scorpions Ruthotus judaicus et Androctonus australis (6). Sur le tableau inférieur (b), on a indiqué les outils pharmacologiques utilisés chez la blatte, pour l’étude de la conduction axonale et de la transmission synaptique.

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C h a p i t r e 4

LES DIFFÉRENTS VENINS ET LEURS MODES D’ACTIONS

Nous allons maintenant nous intéresser aux venins de plusieurs animaux

parmi les plus dangereux. On remarquera cependant que les venins d’arachnides sont

absents de cette étude pour la raison que nous ne disposions pas de source traitant de

ces cas particuliers. Nous avons donc préféré nous en tenir aux venins pour lesquels

nous disposions de références détaillées. On remarquera tout de même que dans la

liste des dix animaux les plus dangereux ne figure qu’une seule araignée.

Nous allons donc traiter du cas des serpents, des grenouilles d’Amérique

latine (cas moins connu mais non moindre !...) des scorpions, des guêpes, de certains

poissons et finalement, a titre de comparaison, du cas de l’amanite phalloïde bien

connue pour avoir mis de nombreuses fois une fin prématurée à la vie de certains

mangeurs de champignons invétérés....

N’ayant aucune possibilité de vérification nous avons en conséquence reporté

faiblement et fidèlement les observations et les incertitudes de nos sources. Il faut

encore ajouter une dernière précision: du fait du but commun de tous les venins,

cette étude pourra quelquefois sembler répétitive et redondante quand aux modes

d’actions ou au fonctionnement du système nerveux. Il nous a cependant semblé

intéressant de traiter du plus grand nombre de cas possible.

1. Les venins de serpents :

Ces animaux sont à coup sûr les plus connus, avec les scorpions, pour leur

danger. Parmi les venins des quatre grandes familles de serpents (voir annexes) on a

identifié cinq groupes de toxines. Les premières, les toxines curarisantes, sont

sélectives et s’attaquent au niveau post-synaptique de la jonction musculaire en se

liant au récepteur de l'acétylcholine Elles n’engendrent aucune dépolarisation de la

membrane. Ces toxines provoquent une paralysie flasque des muscles squelettiques et

mènent à la mort par arrêt respiratoire. Elles appartiennent principalement aux

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groupes des Elapidés et des Hydrophiidés. Le deuxième groupe se décompose en

deux classes La première constituée de toxines très toxiques (sic) empêche la

libération de l'acétylcholine et bloquent ainsi la transmission entre le nerf et le

muscle. On trouve cette classe chez certains Elapidés ainsi que chez certains

Vipéridés. On trouve parfois ces toxines coexistant avec celles du premier groupe.

Les toxines de la deuxième classe sont appelées facilitatrices car elles augmentent la

libération du neuromédiateur. Présentes chez les Mambas, elles agissent de concert

avec les toxines du troisième groupe. Celles-ci, nommées fasciculines sont des

inhibitrices de l'acétylcholinestérase (enzyme dégradant l'acétylcholine). De ce fait,

l’action coordonnée des toxines fasciculines et facilitatrices crée une forte

augmentation de la concentration d’acétylcholine provoquant ainsi des tremblements

musculaires puis menant à la paralysie.

Les toxines du quatrième groupe sont des myotoxines. Elles provoquent des

nécroses locales au niveau de la peau mais leur mode d’action est encore mal connu.

On les trouve chez les Elapidés, les Vipéridés et les Crotalidés. Enfin, le dernier

groupe est constitué par les cytotoxines ou cardiotoxines. Elles perturbent la

membrane cellulaire par dépolarisation selon un mécanisme encore inconnu.

Nous allons maintenant traiter du cas des toxines curarisantes plus en détail.

Ces toxines se caractérisent par une forte affinité et électrivité pour le récepteur

cholinergique (cf. annexe). Elles ont ainsi servi à reconnaître et extraire le récepteur

de la membrane selon une technique décrite plus loin. On les sépare en deux classes.

Premièrement les toxines courtes de 6o, 61 ou 62 acides aminés et quatre liaisons

disulfure. Deuxièmement les toxines formées de 66 à 74 acides aminés, dites longues.

Elles possèdent quatre ou cinq liaisons disulfures.

Les séquences de deux toxines peuvent avoir entre-elles un certain nombre de

différences de position. Ceci est le cas de l’érabutoxine du Laticauda semifasciata et de

la toxine α du Naja nigricollis. Les deux toxines diffèrent entre-elles de 17 positions (cf.

figure 8, page suivante). Mais un examen approfondi des toxines curarisantes

connues à l’heure actuelle montre que d’une toxine à l’autre, 25 positions sont

presque toujours occupées par le même acide amine (par exemple, la tyrosine est

toujours en position n° 25 tandis qu’un tryptophane occupe toujours la 29ème

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position). On peut donc dire pour les acides aminés assurant l’existence d’une

fonction qu’ils ont tous une position clé et/ou une structure déterminée. Ils assurent

ainsi une fonction structurale et toxique commune. Aujourd’hui la structure de ce

groupe de toxines est connue précisément grâce à la diffraction aux rayons X par des

cristaux appropriés et grâce aux études spectroscopiques (infrarouges,

fluorescence...). Les études ont pu montrer que toutes ces toxines ont une structure

similaire. Il reste encore maintenant à étudier dans le détail le mode d’action décrit

plus haut.

Figure 8 : Les serpents appartenant aux familles des Elapidés (cobra, mambas) et des Hydrophiidés produisent des venins hautement toxiques. Les toxines curarisantes en constituent fréquemment un élément dominant. Les toxines sont des protéines et, à ce titre, elles se caractérisent par l’enchaînement (ou séquence) des acides aminés constitutifs. Nous voyons ici une reconstitution des séquences en acides aminés d’une toxine curarisante extraite du venin d’un cobra cracheur, le Naja nigricollis (à droite) et d’un serpent de mer le Laticauda semifasciata (à gauche). Ces deux petites protéines possèdent une haute affinité pour le récepteur de l’acétylcholine, situé sur la membrane musculaire. La liaison d’une telle toxine au récepteur entraîne un arrêt de la transmission de l’influx entre le nerf et le muscle, qui se traduit par une paralysie flasque. La mort survient par arrêt respiratoire car le muscle du diaphragme est bloqué. Les positions entourées de grisé sont occupées par les acides aminés qui assurent la fonction curarisante des toxines. Celles qui sont entourées de vert sont occupées par les acides aminés qui assurent la cohésion de l’architecture des molécules de toxines curarisantes.

Mais, contrairement à la croyance populaire, il existe à l’intérieur du corps des

défenses naturelles contre les toxines : ce sont les anticorps. Il est donc possible de

vacciner. Si un sujet a été mordu, on peut lui injecter un sérum. Dès le début de ce

siècle, A. Colmtte se livrait à des expériences sur les chevaux. Après avoir habitué

progressivement l’animal à des venins de cobra, il arrivait à injecter jusqu’à cent fois

la dose pour produire de grandes quantités de sérum. Il avait auparavant démontré la

transmissibilité des propriétés de ce sérum sur des lapins.

Mais voyons comment agissent les anticorps. Pour obtenir la réponse, il fallait

trouver les zones de l’antigène (le corps étranger) où s’opère la liaison avec

l’anticorps. Cette zone est l’épitope. On a utilisé pour cela des anticorps particuliers,

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les anticorps monoclonaux, présentant la particularité d’être disponibles en grandes

quantités. On a séparé la toxine en différentes fractions modifiées sélectivement (on

remplace un acide amine précis et on observe l’effet) et on a testé chaque fraction

avec deux types d’anticorps monoclonaux, les M-alpha1 et les M-alpha2, 3. Les dérivés

ayant une affinité identique à celle de la toxine originale montrent, en fonction des

divers changements, les différentes zones non concernées par l’anticorps. Ainsi on

parvient à trouver l’épitope grâce aux nombreux changements et essais.

Une toxine est finalement neutralisée lorsque l’épitope recouvre la zone où se

trouvent les acides amines commandant la fonction toxique. D’où certains anticorps

monoclonaux sont efficaces et d’autres pas.

On arrive finalement à la conclusion que M-alpha1 et M-alpha2, 3 sont deux

anticorps très utiles pour la préparation de sérums. En effet, M-alpha1 déstabilise le

complexe toxine - récepteur et M-alpha2,3 possède des vertus neutralisatrices valables

contre toutes les toxines curarisantes homologues de l’érabutoxine de Laticauda

semifasciata et de la toxine α de Naja nigricollis.

On voit donc que la recherche dans le domaine des anticorps peut amener à

une meilleure connaissance des venins et des modes de lutte du corps humain. Ces

venins sont également très utiles comme bistouris moléculaires pour disséquer les

systèmes qu’ils perturbent. La carrière de ces substances est donc assurée pour le plus

grand plaisir des éleveurs !!!

Parmi les venins de serpents, il existe une toxine qui supprime l’action des

neurotransmetteurs : la bungatoxine (cf. figure 9 et 10, page suivante). Les

changements de conductance ionique de la membrane post-synaptique neurale ou

musculaire sont dus à l’action de l’acétylcholine (transmetteurs chimiques). Cette

toxine – la bungarotoxine – se lie irréversiblement aux récepteurs post-synaptiques

de l’acétylcholine. Cette toxine se trouve spécialement dans le venin du cobra, des

serpents d’eau et des serpents corails.

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Figure 9 : Schéma de la bungarotoxine sous forme protéique.

Figure 10 : Structure tridimensionnelle de la bungarotoxine.

2. Les grenouilles vénéneuses d’Amérique tropicale :

La plupart des venins de cette étude, sont des poisons de type protéique. Nous

avons donc choisi d’étudier les poisons des grenouilles tropicale parce qu’ils présentent

la particularité d’être non protéique. La vie tropicale très riche en espèces de tous genre

fournit de nombreux spécimens intéressant telles les plantes du genre Strychnos qui

contiennent de la strychnine et des alcaloïdes du curare. De façon similaire, certaines

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espèces d’une famille de grenouilles d’Amérique tropicale sécrètent un venin, à base

d’alcaloïdes, figurant parmi les substances les plus toxiques du règne animal.

Ces grenouilles appartiennent à la famille des Dendrobatidés. Cette famille

comprend plus de cent espèces, réparties en quatre genres. Ces petites grenouilles de

un à cinq centimètres vivent dans des habitats très divers, tels les cours d’eau, plaines,

montagnes ou forêts tropicales. Certaines vivent même dans les arbres (dendron signifie

arbre en grec). Elles ont des mœurs diurnes, pondent à terre, la mère transportant

ensuite les têtards sur son dos jusqu’au cours d’eau le plus proche.

Les venins les plus dangereux de cette famille proviennent de trois espèces de

Phyllobates, que l’on trouve en Colombie (cf. figure 11). Ce venin est infiniment plus

toxique que le curare. Les grenouilles n’ont pas d’organes à venin spécialisés et

sécrètent la substance à travers la peau grâce à des glandes « granuleuses » (ces

dernières semblent être un caractère commun à toutes les grenouilles vénéneuses ou

non).

Figure 11 : La répartition géographique des cinq espèces de grenouilles du genre Phyllobates montre que chaque espèce vit dans une zone spécifique. Les trois espèces qu’on trouve en Colombie occidentale sont, autant qu’on le sache, les seules avec lesquelles les Indiens empoisonnent les fléchettes de leurs sarbacanes. Les deux espèces costaricaines et panaméennes sécrètent les mêmes toxines que les grenouilles colombiennes mais en moindre quantité et elles n’habitent pas les régions où la sarbacane est utilisée comme

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arme par les Indiens.

En Amérique, les Indiens des populations locales se servent de ce venin pour

enduire la pointe des flèches leur servant à chasser. Néanmoins, la récolte n’étant pas

aisée, il est nécessaire de recourir à une technique spéciale : « … ils tirent alors un des

malheureux batraciens de sa prison et lui enfoncent une baguette pointue dans la gorge qu’ils font

ressortir par une des pattes. Sous l’effet de la souffrance, la pauvre grenouille se met à transpirer

abondamment, surtout sur le dos qui se couvre d’écume blanche ; c’est là le plus virulent poison qu’elle

sécrète et l’on y frotte aussitôt la pointe des flèches qui conservent leur puissance meurtrière pendant un

an. Ensuite, sous la substance blanche, une huile jaune apparaît qui est soigneusement récoltés et dont

le pouvoir mortel subsiste durant quatre à six mois… » (Extrait de Voyage en Colombie, C.-S.

Cochrane).Ces venins sont unique au monde, du fait de leur base alcaloïde. En effet,

les alcaloïdes sont courants chez les végétaux et rares chez les animaux. Dans notre cas,

il s’agit d’alcaloïdes de structure cyclique comprenant un atome d’azote et cinq atomes

de carbone. Mais ces alcaloïdes ont été remplacés chez les Phyllobates par des

substances infiniment plus toxiques : les batrachotoxines (batrachos a donné batracien)

et c’est ces toxines qui sont parmi les plus dangereuses du monde.

Le site d’action de la batrachotoxine est associé aux canaux régularisant le flux

d’ions sodium à travers la membrane cellulaire. Or ces canaux ont un rôle fondamental

dans la propagation de l’influx nerveux dans les nerfs et les muscles. Donc l’influx ne

passe plus car la toxine, en empêchant la fermeture des canaux provoque une arrivée

massive de sodium et une dépolarisation. D’où les cellules musculaires restent en un

état contracté en provoquant une arythmie, des fibrillations et finalement un arrêt

cardiaque. C’est grâce à cette toxine que l’on a pu étendre les connaissances médicales

sur les canaux sodium. Les autres toxines sont, nous l’avons dit, moins toxiques et plus

simples. Elles agissent sur les canaux ioniques situés sur une cellule musculaire, à la

plaque motrice (zone située en face de la terminaison du nerf). Un canal de cette sorte

est associé à un récepteur de neurotransmetteur. L’interaction entre ce dernier et son

récepteur provoque l’ouverture d’un canal par lequel passe le sodium et le potassium,

provoquant une dépolarisation. Si celle-ci est assez importante, elle provoque

l’ouverture de canaux complémentaires ce qui entraîne, dans les cellules musculaires,

une libération d’ions calcium assurant la contraction. Ces toxines, en perturbant ce

mécanisme, provoquent la paralysie.

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Il existe une troisième sorte de toxine chez cette famille décidément très

prolifique… c’est la pumiliotoxine B, alcaloïde produit par la grenouille Dendrobates

pumilio. Cette toxine, unique en son genre et encore mal connue, agit sur le transport

des ions calcium (ce fait est encore mal défini). Dans les cellules musculaires, l’influx

nerveux provoque la libération du calcium de son site de stockage. L’interaction qui

s’ensuit avec les protéines intracellulaires provoque la contraction des muscles. Cette

toxine semblerait donc faciliter ce processus et ralentir le retour du calcium dans son

site de stockage. Il s’ensuit une augmentation de la force et de la durée de

concentration du cœur et des muscles squelettiques. Il serait donc possible d’utiliser ces

dérivés synthétiques comme toniques cardiaques et musculaires. Cela demandera de

plus amples recherches…

Nous avons donc vu ici, non pas un exemple d’animal venimeux, mais un

animal vénéneux. Ceci montre bien l’utilisation du venin comme moyen de défense.

De plus, les couleurs passablement voyantes signalent ces animaux à leurs ennemis. Du

fait de leur chair impropre à la consommation, ces animaux ne sont pas inquiétés. Par

un des principes de l’évolution, les prédateurs ont appris que ces grenouilles n’étaient

pas comestibles. Nous allons maintenant étudier une quatrième toxine appartenant à la

famille des Dendrobatidés : l’histrionicotoxine.

Le venin de serpent bloque le site récepteur de l’acétylcholine. C’est une

grenouille colombienne qui fournit la première substance capable d’inhiber

sélectivement la partie du récepteur dans le transfert ionique (l’ionophore). Ce site est

responsable de la reconnaissance et de la translocation des ions. C’est cette toxine

prélevée sur la peau de cette grenouille qui permit à la science de connaître le nombre

de morceaux composants le récepteur de l’acétylcholine. La structure de cette toxine

(cf. figure 12, page suivante) a été établie par analyse aux rayons X de cristaux uniques.

Elle se compose de deux chaînes latérales assez rigides. En fait, l’histrionicotoxine

bloque le passage des ions, son site d’action étant la plaque motrice, et donc les nerfs

ne transmettent plus leurs signaux aux muscles. Le résultat est semblable à celui du

curare.

A partir de cette toxine, il y en a d’autres, beaucoup plus puissantes :

spécialement l’octohydrohistrionicotoxine et la dodécahydrohistrionicotoxine. Ces trois

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toxines inhibent sélectivement le passage des ions (surtout le potassium) en

interagissant avec la partie du récepteur cholinergique (entre autre l’ionophore). De

plus elles possèdent une partie similaire à l’acétylcholine, ce qui lui permet de prendre

facilement sa place sur le récepteur.

Figure 12 : L’histrionicotoxine (à gauche) contient deux chaînes latérales vinyl-acétylène assez rigides. L’octahydrohistrionicotoxine naturelle a une action 20 à 40 fois plus forte : elle contient une double liaison terminale dans chaque chaîne latérale. La dodécahydrohistrionicotoxine synthétique (saturée) contient deux chaînes latérales libres et mobiles. Les astérisques marquent les quatre centres d’asymétrie optique, c’est-à-dire les quatre carbones portant quatre substituant différents (les hydrogènes ont été omis). Ces trois toxines inhibent sélectivement le passage des ions (surtout le potassium) en interagissant avec la partie du récepteur cholinergique nommée modulateur de conductance ionique. (ou ionophore). Il faut noter qu’uns partie de la molécule coïncide avec la structure de l’acétylcholine et peut donc prendre sa place sur un récepteur. La synthèse totale de plusieurs de ces composés a été récemment réalisée (1975).

Ces toxines histrioniques sont les premières substances animales découvertes

contenant une liaison acétylène. Et elles sont plus efficaces en présence d’acétylcholine.

En fait ce sont lors de mélanges de toxines que l’effet est le plus fort. Des

toxines naturelles comme la muscarine (champignon) avec la bungarotoxine peuvent

interagir au niveau des récepteurs cholinergique. Mais le mélange le plus puissant est la

tétrodoxine liée à la perhydrohistrionicotoxine, qui bloque complètement la

conductance du potassium. Ainsi ces toxines s’avèrent indispensables à l’étude des

processus fondamentaux de la neurophysiologie et de la pharmacologie des molécules.

Mais elles ouvrent d’autres débouchés, notamment sur l’étude de perfusions cardiaques

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pour corriger et contrôler des arythmies ou des fibrillations. Depuis 1975, les

scientifiques se tournent vers leur application thérapeutique dans les maladies

nerveuses ou mentales.

3. Les venins de scorpion :

Le venin de scorpion est à la fois complexe et redoutable.Il faut en effet mille

fois moins de venin de scorpion que de venin de vipère pour tuer un Homme ! Dans

la nature, les scorpions s’attaquent surtout aux Arthropodes et aux Insectes. Les seuls

scorpions dont la piqûre est mortelle pour l’homme appartiennent tous au groupe

des Buthoidés. Du fait que les blattes soient parmi les proies des scorpions, il devient

facile d’étudier les.effets grâce au modèle du neurone géant. Jusqu'à présent, on

utilisait pour tester et comparer l’effet des venins la larve de la mouche Sarcophage

falculata. On pouvait ainsi classer les venins selon leur efficacité relative. Mais cela

était encore insuffisant car on ignorait des mécanismes. On a donc appliqué le

modèle au scorpion Buthoide androctonus australis. Ce scorpion d’Afrique du Nord est

l’un des plus toxiques pour l’Homme. On a réussi à isoler et purifier cinq toxines

dans son venin. Trois sont destinés aux Mammifères, une aux Insectes et une aux

Crustacés. On voit ici quelle spécialisation peut atteindre le venin d’un animal n‘ayant

pour ainsi dire plus évolué depuis 35 millions d’années ! De ces cinq polypeptides,

quatre ont une action sur le modèle. Le polypeptide destiné aux Insectes provoque

une lente dépolarisation de la membrane axonale et même à des salves d’influx

nerveux dans le neurone géant. D’où l’on qu’il agirait sur deux type de canaux

sodium. Il ouvrirait des canaux « voltage dépendant » et d’autres canaux moins bien

connus qui restent normalement fermés. La toxine parviendrait donc à démasquer

ces canaux et à augmenter durablement le courant sodium.

L’autre groupe agissant sur le neurone est formé du polypeptide spécifique

aux Crustacés et de deux polypeptides dirigés contre les Mammifères. Ces toxines

provoquent un potentiel d’action de très longue durée dû à un retard dans la

fermeture des canaux sodium. Les deux groupes cités ci-dessus provoquent une

paralysie spastique sur la larve de la mouche : celle-ci se contracte immédiatement

puis se raccourcit et se transforme en s’épaississant.

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Un autre cas étudié a été celui du scorpion Scorolo naurus palmatus. Son venin

est peu dangereux pour l’Homme. Il présente une caractéristique intéressante : on a

isolé et purifié deux polypeptides qui, injecté séparément sont bien moins efficaces

que s’ils sont ensemble. Combinés, ils mènent à un blocage presque complet, mais

irréversible, des canaux sodium et potassium. Ce qui provoque une paralysie flasque

sur la larve de mouche à savoir que celle-ci se relâche et s’allonge complètement.

Malgré cela on ignore encore le mécanisme d’action dans ces détails.

Nous voyons donc que le scorpion malgré son aspect primitif et repoussant

est un animal très spécialisé et fort bien conçu. Néanmoins, comme nous allons

pouvoir le vérifier ci-après, il existe d’autres animaux fort bien pourvus en ce qui

concerne les substances toxiques d’attaque ou de défense.

4. Les venins de guêpes :

En ce qui concerne les guêpes, l’on a surtout étudié le venin des guêpes

solitaires, du groupe des Hyménoptères aculéates, pour la raison que ce venin

paralyse tout en maintenant la proie vivante pendant de longues périodes. On a donc

étudié la guêpe apivore Pilanthus triangulum communément appelée Philanthe. Cette

guêpe injecte son venin dans la masse ganglionnaire thoracique de 1’abeille ouvrière

Apis mellifera. On estime que l’insecte injecte environ 10-8 litre de venin par piqûre.

Cette dernière, produit une paralysie flasque. D’où l’on suppose que la conduction

axonale ou la transmission synoptique étaient bloquées, soit au niveau des jonctions

neuromusculaire.

Jusqu'à l’utilisation du neurone de blatte, les chercheurs avaient montré que le

venin agissait sur la synapse neuromusculaire. Mais ils ignoraient pourquoi la guêpe

injectait la substance dans les ganglions de sa proie. On a depuis isolé autres toxines :

les philantoxines α, β, δ et λ.

La philantoxine α est constituée en majeure partie d'acétylcholine. Elle se fixe

sur les récepteurs cholinergiques - stimulés normalement par ce neuromédiateur - et

ouvre de nombreux canaux. Elle bloque de ce fait la transmission synaptique et

immobilise immédiatement la proie. Mais son action est limitée dans le temps par une

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enzyme, la cholinestérase ganglionnaire, qui dégrade l’acétylcholine.

Quant à la philantoxine λ, elle agit sur le système nerveux central. Elle bloque

lentement soit dans une mesure importante la transmission du ganglion abdominal

du modèle mais ne modifie pas le potentiel de membrane. Elle n'agit pas non plus sur

la conduction de la membrane (axonale). Cette toxine n’est pas détruite.

Les effets des toxines β et δ sont encore très mal connus, mais on pense

qu'elles agissent sur la transmission neuromusculaire.

Comme dans le cas des serpents on voit ici l'extraordinaire génie de la

Nature. Le venin de Philanthe est constitué de deux fractions : la première, la toxine

α, bloque immédiatement toute transmission et la seconde, la toxine δ prend le relais

pour bloquer plus lentement mais irréversiblement tout le système.

Parmi les insectes volants on peut encore signaler que le venin, chez les

Hyménoptères (et en particulier chez les abeilles) n’est présent que chez les femelles,

il sert ainsi soit à paralyser les proies, soit à défendre le nid commun.

5. La tétrodotoxine et l’antamanide :

Maintenant, nous allons étudier les toxines qui bloquent le passage des ions à

travers la membrane du nerf. C’est le cas de la batrachotoxine (déjà vue) et de la

tétrodotoxine. Ces deux toxines permirent d’étudier le passage des ions sodium,

spécialement à travers les membranes nerveuses pré-synaptiques. En effet en bloquant

sélectivement le passage des ions sodium (Na+), elles indiquaient que les ions

potassium (K+) devaient passer par une autre voie.

La tétrodotoxine se trouve dans un poisson - le tétradon - et chez un reptile –

le triton de Californie. Ces animaux sont très résistant à leur venin (1'000 à 30'000 fois

plus que la grenouille colombienne par exemple). Cette toxine est semblable à la

saxitoxine que l’on trouve chez certains Crustacés, qui toutes deux sont solubles dans

l’eau et incapables de pénétrer dans la cavité hydrophobe du canal de sodium. Par cette

observation on déduisit que son action se situait à l’entrée du canal.

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Figure 13 : Structures des deux toxines, celle de la saxitoxine est encore hypothétique.

Maintenant, nous allons nous pencher sur une toxine d’origine végétale, à titre

de comparaison : l’antamanide. Cette toxine tirée d’un champignon vénéneux,

l’Amanite phalloïde, aida beaucoup la recherche. Elle permit de comprendre le

transport des ions à travers les pores de la membrane. L’antamanide est un décapeptide

cyclique qui lie spécifiquement le sodium par coordination. Il joue un rôle d’antagoniste

vis-à-vis de la phalloïde, autre toxine de l’Amanite.

Figure 14 : Structure cyclique du décapeptide de l’Amanite phalloïde, l’antamanide.

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C h a p i t r e 5

LES TOXINES DU MILIEU MARIN

Cette partie du travail a pour but de montrer les possibilités futures des

recherches dans les domaines de la pharmacologie moderne marine et de la

neurophysiologie. Elle traite donc, d’une façon générale, des diverses toxines existant

dans le milieu marin. Ainsi elles ne proviennent pas nécessairement de venins – selon la

définition du début de travail - mais aussi d’autres poisons, c'est-à-dire d’autres liquides

toxiques.

Depuis un certain nombre d’années, le milieu marin, avec ses 500'000 espèces,

soit le ¼ des espèces vivantes répertoriées (Insectes exclus), représente une source

potentielle de composés naturels nouveau, et donc de molécules nouvelles. Cet

accroissement de la recherche en mer est dû au fait qu’environ deux tiers des maladies

actuelles attendent encore un traitement satisfaisant. Ceci est encore accentué du fait de

la découverte du développement de souches résistantes aux antibiotiques, et lié à

l’apparition au bout d’une certaine période d’effets secondaires, sous forme d’autres

maladies graves, conséquence de certains médicaments. Ainsi la recherche de

médicaments nouveaux et mieux adaptés est nécessaire.

Actuellement 40 à 45% des médicaments nouveaux sont d’origine naturelle ou

directement dérivés de molécules de la nature. L’une des techniques utilisées par la

médecine moderne pour lutter contre les maladies est la chimiothérapie, c'est-à-dire la

médication par des substances chimiques. Ce domaine apporte beaucoup à la

neurophysiologie mais implique l’utilisation de molécules actives nouvelles dont les

deux sortes sont la chimie organique et les organismes vivants.

Les organismes marins ont l’avantage d’avoir déjà évolué pendant de

nombreuses années dans un milieu physique et chimique. Cependant de nombreuses

difficultés de pénétration de cet espace par l’Homme sont apparues, d’où le retard de la

chimie et de la pharmacologie (leurs développements). Le principal fil conducteur fut la

découverte de la biotoxicité ; c’est-à-dire d’une relation entre l’action thérapeutique et a

toxicité. En effet, très souvent des substances toxiques, moyennant des

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transformations chimiques ou utilisées à des doses adéquates, peuvent présenter des

activités thérapeutiques : rechercher des molécules actives revient donc à rechercher

des toxines.

Le milieu marin est riche en espèces piquantes et urticantes (donc

venimeuses) et vénéneuses telles les Cnidaires (coraux, hydres, anémones,

méduses.. .), les algues les mollusques, les éponges et les poissons qui possèdent des

substances toxiques et/ou répulsives pour se protéger contre les prédateurs. Ces

substances proviennent de leur métabolisme secondaire. Leur rôle est d’une part celui

de messager chimique, c'est-à-dire qu'elles déterminent les relations des êtres vivants

avec leur milieu; et d'autre part d'aider la survie d’un organisme dans un

environnement hostile; citons par exemple les allonones (venins, toxines,

antibiotiques) émises lors de relations compétitives entre espèces mais également

présente chez les arthropodes (Crustacés) et les invertébrés marins pour décourager

les prédateurs Il faut noter que la plupart des métabolites secondaires isolés

d'éponges, d'algues et de cnidaires sont toxiques pour les poissons et représentent

donc un système de défense chimique comparable celui de certains végétaux

terrestres. La biotoxicité est donc utilisée comme indicateur des propriétés

pharmacologiques générales et a ainsi permis la découverte de molécules nouvelles

remarquables par leur structure et par leurs activités physiologiques : les biotoxines.

Les biotoxines sont parmi les premières molécules marines oui aient été

étudiée chimiquement. Ces substances sont des toxines non protéiniques parmi les

plus virulentes. Leurs structures sont souvent très complexes et ont demandé

beaucoup de temps et de moyens avant d’être déterminées. Elles ne représentent

cependant qu'une fraction des diverses et multiples molécules isolées au cours de ces

dernières années. On en dénombre environ 300 par année et on a remarqué que

certaines de ces structures n’ont d'équivalent chez les animaux terrestres. Il faut

cependant constater plusieurs biotoxines importantes.

La principale est la tétrodotoxine, présente chez les tétrodons, les

salamandres, les grenouilles, et les octopus. C’est une molécule complexe, devenue

une substance extrêmement utile en recherche neurophysiologique à cause de son

action spécifique sur le blocage de la transmission de l’influx nerveux. Elle a ainsi

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permis d'arriver une meilleure connaissance des mécanismes de ce domaine. Elle est

utilisée comme anesthésique local, relaxant musculaire et analgésique dans certains

cas de cancer. Son application est cependant limitée du fait de sa très grande toxicité:

la dose mortelle pour l'Homme est de 18 µg. Une autre substance, la saxitoxine,

provenant d’une algue microscopique, possède les mêmes fonctions. Toutes deux

agissent en empêchant les ions sodium de pénétrer dans la cellule.

Figure 15 : La tétrodotoxine du poisson globe est l’une des toxines les plus violentes que l’on connaisse. Elle bloque la transmission de l’influx nerveux, comme le fait également la saxitoxine isolée d’une algue microscopique. Plus précisément, ces molécules agissent en empêchant les Ions sodium de pénétrer dans la cellule. On sait, en effet, qu’à l’état normal il existe une différence de potentiel entre l’intérieur (chargé négativement) et l’extérieur (chargé positivement) d’une cellule excitable telle que la cellule nerveuse: cette différence, au potentiel de repos, est d’environ 70 mV, ce qui correspond à la phase i de notre schéma. Elle s’explique par une différence de concentration en ions sodium (Na+) et potassium (K+) de chaque côté de la membrane cellulaire. Lorsque cette dernière est excitée la différence de potentiel de part et d’autre de la membrane s’inverse jusqu’à atteindre +40 mV. Cette variation de potentiel est due à un transfert très rapide des ions sodium vers l’intérieur de la cellule (phase 2), suivi d’un transfert en sens inverse des ions potassium (phase 3) qui rétablit la valeur du potentiel initial. La concentration initiale an Na et K de chaque coté de la membrane est ensuite rétablie grâce à un système particulier, la pompe à sodium (phase 4). Lorsqu’elle se propage le long d’une fibre nerveuse, cette variation de potentiel d’action traduit le passage de l’influx nerveux. La saxitoxine et la tétrodotoxine agissent an bloquant sélectivement le transfert des ions Na au travers des membranes des cellules nerveuses, ce qui permet de les utiliser pour l’étude des mécanismes qui régissent la transmission de l’influx nerveux.

La biotoxine la plus étonnante reste cependant la palytoxine, trouvée dans un

organisme toxique: un anthozoaire du genre polype. C’est un mélange de trois

molécules. La découverte de sa structure complète (en 1981) a nécessité vingt ans.

C’est la toxine marine la plus virulente et violente jusqu'à présent, en effet, il surfit de

15 µg pour tuer un homme ! Elle a un puissant effet sur les vaisseaux sanguins, mais

on lui a découvert des propriétés antitumorales.

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Figure 16 : Comparaison de la virulence entre quelques toxines d’origine marine et terrestre. Ces toxines sont des protéines (P) ou non (NP). L’indice utilisé pour tester la virulence est la LD50 (LD pour Letal Dose), c'est-à-dire la dose nécessaire pour 50% des animaux auxquels on injecte la substance. Elle est exprimée en µg de toxine par kilogramme de souris. On voit que les toxines isolées des organismes marins sont parmi les poisons non protéiniques les plus violents. La toxicité du cyanure de potassium, qui n’est pas une substance naturelle, est donnée à titre de comparatif.

En conclusion, le milieu marin, encore relativement peu connu, semble

présenter une solution positive aux recherches en pharmacologie et apporter des

perspectives nouvelles pour le développement de ce domaine. Cependant très peu de

ces substances découvertes récemment ont permis la mise au point de médicaments.

Les causes en sont d’abord les effets thérapeutiques, qui s’avéreront fréquemment

soit insuffisants soit inférieurs à ceux des médicaments déjà existants. Ensuite la mise

sur le marché d’un nouveau médicament est un processus long et nécessitant non

seulement de gros investissement financiers mais aussi une étroite collaboration entre

chimistes, biologistes, pharmacologistes et médecins. Mais il ne faut surtout pas

oublier que les critères d’acceptation tant au niveau expérimental que gouvernemental

sont de plus en plus élevés. On considère que sur 10'000 substances découvertes,

analysées et testées, une seule arrive au stade de commercialisation Il faut donc

compter environ 10 ans et de gros moyens financiers pour arriver a commercialiser

une nouvelle substance. Enfin il faut tenir compte du fait que la pharmacologie

marine est une discipline assez récente, sa rentabilité n’est donc pas immédiate. En

fait il est encore trop tôt pour définir le niveau de l’apport des ressources du milieu

marin. On peut néanmoins dire que la mer apporte, pour le moment, beaucoup plus

sur le plan de la recherche et de l’étude que sur le plan des soins médicaux.

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Figure 17 : Structure des trois principales biotoxines marines. On remarque leur complexité et notamment celle de la palytoxine.

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C h a p i t r e 6

CONCLUSION GÉNÉRALE

Et oui ! C’était long mais ô combien intéressant ! En effet, au cours de ce

travail, nous avons découvert une autre approche du venin, contrairement à la peur que

tout le monde se fait des méchantes créatures (serpents et Insectes divers). C’est

généralement l’apparence extérieure qui crée cette idée négative. En fait, le terme

s’étend bien au-delà de ces préjugés puisque ses applications médicales sont souvent

ignorées, mais représentent de grandes possibilités futures sur le plan de la recherche.

Ce sont surtout les solutions apportées dans le domaine de la recherche du

milieu marin (milieu qui nous est peu connu) qui ouvrent le plus grand débouché

malgré les divers problèmes, et notamment au niveau de la neurophysiologie.

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ANNEXES

1. Le tissu nerveux

2. Les dix animaux les plus venimeux

3. Les serpents venimeux

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Annexe 1

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LE TISSU NERVEUX

1. La structure de la cellule nerveuse :

La cellule nerveuse est appelée neurone. Elle comprend un corps cellulalre et

des prolongements cytoplasmqiues : les dendrites et l’axone. Le corps cellulaire

comporte du cytoplasme, un noyau et une membrane. Les dendrites qui sont ramifiées,

sont des prolongements faits de cytoplasme recouvert par la membrane. Les axones

sont un prolongement plus épais et souvent plus long que les dendrites ; il est unique

bien que parfois subdivisé en Y à son extrémité. Il est constitué de cytoplasme,

recouvert d’une membrane qui est la continuation directe avec celle de la cellule. Il est

revêtu par une gaine faite de deux couches superposées : la myéline (couche épaisse et

grasse, isolante au point de vue électrique) et les cellules de Schwann (cellules vivantes

très plates). Par endroit, la gaine de myéline s’interrompt et les cellules de Schwann

sont en contact direct avec l’axone. A son extrémité. Il est ramifié en filament fins dont

chacun se termine par un bouton arrondi : les synapses. Les synapses sont appliqués

contre les dendrites du neurone suivant ou contre les fibres du muscle intéressé.

2. L’influx nerveux :

La caractéristique des cellules nerveuses est la capacité à recevoir des

excitations particulières et de les transmettre sous forme d’un courant : l’influx

nerveux. Ce ne sont que les extrémités des dendrites qui peuvent recevoir les

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Annexe 1

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excitations. L’influx nerveux qui en résulte ne parcourt le neurone que dans un sens.

Ce sens unique (dendrites - corps cellulaires - axone) distingue l'axone de

conducteurs électriques. Et par le moyen d’une chaîne de neurones situés les uns la

suite des autres, l’influx nerveux peut progresser.

3. Mécanisme de l’influx nerveux :

Dans une fibre nerveuse au repos, on mesure en permanence une différence

de potentiel de 7o mV. On dit que la fibre est polarisée. Cet état électrique s'explique

par la composition chimique du cytoplasme et du milieu extérieur la fibre: il y a une

concentration élevée d’ions potassium l'intérieur de la fibre et une concentration

élevée d’ions sodium l'extérieur. Au moment où l'influx nerveux (très bref) passe

dans la fibre, la différence de potentiel entre l'extérieur et l'intérieur est brusquement

inversée: l'extérieur devient négatif par rapport l'intérieur la fibre se dépolarise. On

mesure une variation de potentiel de 12o mV. Cette dépolarisation gagne la région

voisine de la fibre, pendant que la partie qui s'était dépolarisée reprend son état

normal d’origine. Ainsi se propage tout au long de la fibre, en direction de l’extrémité

de l'axone une onde de dépolarisation (suite d’impulsions) qui est, en fait l’influx

nerveux.

Mais entre les synapses il y un espace minuscule qui est, toutefois, suffisant

pour arrêter l’onde de dépolarisation Le moyen que dispose l’influx pour franchir cet

espace est une substance chimique qui sert de médiateur (messager) la fibre suivante :

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Annexe 1

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l'acétylcholine. Au moment où l'influx arrive au bout de l'axone, celui—ci déclenche

la sécrétion dans la membrane pré-synaptique, qu quelques milliers de molécules

d'acétylcholine qui traversent l'espace inter-synaptique. Puis sur la membrane post-

synaptique ce médiateur se fixerait sur un récepteur formé de deux sites Un site de

reconnaissance (ou récepteur) et un site modulateur de conductance ionique

(ionophore). C’est ainsi que ces molécules d’acétylcholine atteignent les dendrites

voisines. De leur passage naît une nouvelle onde de dépolarisation qui se propage le

long du dendrite, passe par le corps cellulaire du neurone, puis par son axone, et ainsi

de suite.

En A, à l’état de repos, le récepteur a peu d’affinité pour le médiateur, et l’ionophore est fermé. En B, à l’état actif, le récepteur a beaucoup d’affinité pour le médiateur, et l’ionophore ouvert autorise le passage des ions.

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Annexe 1

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Annexe 1

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Annexe 1

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La fonction principale des venins est d’immobiliser rapidement la proie. C’est en séparant et en purifiant les composants de ces venins que l’on a pu en isoler les substances toxiques responsables de la paralysie. Elles agissent en perturbant la transmission entre les nerfs et les muscles. Chaque cellule nerveuse, au moment où elle va commander un muscle, est parcourue, le long de son prolongement principal, l’axone, par un influx nerveux qui ne se transmettra pas directement à l’organe visé. Comment communiquer ce signal à une autre cellule ? C’est par l’intermédiaire de substances chimiques émises en très petite quantité par le nerf au niveau de la jonction neuromusculaire, la synapse, que l’influx nerveux est transmis. La figure ci-dessus montre comment une substance essentielle à cette transmission, l’acétylcholine, est sécrétée dans l’espace synaptique puis se fixe à un récepteur spécifique sur la membrane musculaire dite post-synaptique entraînant une excitation électrique à l’origine du mouvement musculaire. Certaines toxines de venins, les toxines curarisantes miment les molécules d’acétylcholine et de la sorte bloquent les récepteurs sur la membrane musculaire, provoquant la paralysie. Les autres toxines agissent à différents niveaux de la transmission de l’influx nerveux par l’intermédiaire de l’acétylcholine, comme cela est représenté sur le schéma. Parfois plusieurs substances toxiques synergiques coexistent dans un même venin, rendant redoutable son action. L’étude des toxines des venins est très utile à la compréhension des mécanismes subtils qui régissent la transmission de l’influx nerveux.

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Annexe 2

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LES DIX ANIMAUX LES PLUS VENIMEUX

Nous reproduisons ici la liste émise par le WWF et publiée dans le n 848 de la

revue Science & Vie parue en Mai 1988. Ces animaux sont :

- l’araignée rouge du type Anthrax (Australie) ;

- le petit poulpe (18 cm) à cercles bleus (Australie) ;

- la méduse d’Australie (capable de tuer en 30 secondes) ;

- la vipère brune (Australie) ;

- la vipère Taïpan (Australie) ;

- le poisson pierre des mers tropicales ;

- le scorpion ;

- le serpent de mer des mers tropicales ;

- le cobra ;

- le mamba noir.

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Annexe 3

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LES SERPENTS VENIMEUX

Il y a, à peu près 2'500 espèces différentes de serpents répertoriés. Parmi elles,

seules 400 sont réputées dangereuses pour l’Homme de par leur venimosité. On les

classe généralement en quatre grandes familles :

- les Elapidés : cobras, serpents corails, mambas, tous reptiles

essentiellement terrestres ;

- les Hydrophiidés : les serpents de mer ;

- les Viperidés : les vipères ;

- les Crotalidés : les crotales.

A ces quatre familles il convient encore d’ajouter les Colubridés (les couleuvres) dont

les venins sont presque tous moins dangereux pour l’Homme.

Tous ces serpents sont largement distribués sur le globe. On trouve des Elapidés en

Afrique (cobras) et en Amérique (serpents corails), en Asie (cobras), en Australie

(cobras), et les mambas qu’en Afrique. Les Hydrophiidés vivent presque tous dans

l’eau des mers tropicales et équatoriales, de la côte est de l’Afrique à la côte ouest de

l’Amérique, particulièrement dans divers îlots du Pacifique. Les Viperidés abondent en

Europe jusqu’en Asie du sud-est. On en trouve aussi facilement en Afrique. Quant aux

Crotalidés, ils vivent sur tout le continent américain et asiatique.

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BIBLIOGRAPHIE

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