Les Tableaux de Bord Du Capital Intelectuel

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  1 LES TABLEAUX DE BORD DU CAPITAL INTELLECTUEL WEG MAN N Gré go ry Univ e rsité d e B o urgo gne , I AE , L EG-F a rgo, UMR CNR S 511 8 [email protected]  Af nor E d ition s , VI-10-12, avril 2009 Cet article a  pour objectif de présenter et d’analyser les tabl eaux de bord du capital i ntellectuel qui constituent un modèle alternatif au Balanc ed Scorecard. Dans une première partie, nous retraçons les origines et les fondements des tableaux de bord du capital intellectuel. Puis dans une seconde partie, nous décrivons les différentes façons d’appréhender le capital intellectuel  pour dans une troisième partie analyser des exemples de tableaux de bord du capital intellectuel. 1 Les origines et les fondements des tableaux de bord du capital intellectuel 1.1Les origines des tableaux de bord du capital intellectuel L’émergence de modèles de tableaux de bord fondés sur le capital intellectuel (tableaux de  bord du capital intellectuel, désormais TBCI) principalement dans les pays scandinaves s’explique par  les spécificités de leur modèle économique et social. Ce modèle se caractérise  par une importance toute particulière accordée à la protection sociale et économique des  populations de ces pays. Cette sensibilité pour les questions sociales explique l’émergence dans le domaine de la recherche en management des travaux pionniers d’Hermanson au milieu des années 1960. C’est à l’occasion de ces travaux que fut utilisée pour la première fois l’expression « comptabilité des actifs humains ». A la suite de ces travaux, apparurent des développements à partir des années 1970 sur la mise en place d’une comptabilité des ressources humaines (Flamholtz, 1985).     h   a    l      0    0    5    8    4    7    7    7  ,   v   e   r   s    i   o   n    1   -    1    1    A   p   r    2    0    1    1 Manuscrit auteur, publié dans "in Bouton O. Et Chernet D. (dir.), Indicateurs et tableaux de bord (2009) 13 p."

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    LES TABLEAUX DE BORD DU CAPITAL INTELLECTUEL

    WEGMANN Grgory

    Universit de Bourgogne, IAE, LEG-Fargo, UMR CNRS 5118

    [email protected]

    Afnor Editions, VI-10-12, avril 2009

    Cet article a pour objectif de prsenter et danalyser les tableaux de bord du capital intellectuel qui constituent un modle alternatif au Balanced Scorecard. Dans une premire partie, nous

    retraons les origines et les fondements des tableaux de bord du capital intellectuel. Puis dans

    une seconde partie, nous dcrivons les diffrentes faons dapprhender le capital intellectuel pour dans une troisime partie analyser des exemples de tableaux de bord du capital

    intellectuel.

    1 Les origines et les fondements des tableaux de bord du capital intellectuel

    1.1Les origines des tableaux de bord du capital intellectuel

    Lmergence de modles de tableaux de bord fonds sur le capital intellectuel (tableaux de bord du capital intellectuel, dsormais TBCI) principalement dans les pays scandinaves

    sexplique par les spcificits de leur modle conomique et social. Ce modle se caractrise par une importance toute particulire accorde la protection sociale et conomique des

    populations de ces pays. Cette sensibilit pour les questions sociales explique lmergence dans le domaine de la recherche en management des travaux pionniers dHermanson au milieu des annes 1960. Cest loccasion de ces travaux que fut utilise pour la premire fois lexpression comptabilit des actifs humains . A la suite de ces travaux, apparurent des dveloppements partir des annes 1970 sur la mise en place dune comptabilit des ressources humaines (Flamholtz, 1985).

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    1Manuscrit auteur, publi dans "in Bouton O. Et Chernet D. (dir.), Indicateurs et tableaux de bord (2009) 13 p."

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    La comptabilit des ressources humaines na cependant pas connu un succs massif dans les entreprises scandinaves. La plupart du temps, les expriences se limitaient un compte de

    rsultat identique au compte de rsultat traditionnel, avec en plus une dcomposition analytique

    plus pousse des cots de personnel, ainsi quun rapport des ressources humaines contenant des informations qualitatives. Dautres projets ont merg dans la ligne des dveloppements sur la comptabilit des ressources humaines comme le Bilan des Intangibles , ou encore la

    matrice des ressources. Ces projets ont intgr les limites tant thoriques que pratiques de la

    comptabilit des ressources humaines en proposant des indicateurs non financiers. Pour

    mesurer la satisfaction des clients, la Poste de Sude labora en 1989 un baromtre de

    satisfaction des clients sudois. Cette mesure est lanctre de lindice de satisfaction des clients (ACSI) regroupant 190 entreprises amricaines et publi par la revue Fortune.

    Lavnement des TBCI est ainsi le fruit combin dune histoire spcifique aux pays scandinaves, mais aussi de linfluence des volutions managriales anglo-saxonnes (et en particulier du Balanced Scorecard).

    1.2 Les fondements des tableaux de bord du capital intellectuel Les promoteurs des TBCI sappuient sur une argumentation trois niveaux pour justifier la pertinence de leur modle :

    - un niveau conomique avec notamment les dveloppements relatifs aux thories du capital

    humain et de la croissance endogne,

    - un niveau organisationnel avec le thme de la chane de valeur virtuelle ,

    - et un niveau stratgique avec la thorie des ressources.

    Le poids croissant des actifs intangibles (brevets, recherche et dveloppement, clientle, .) dans les entreprises des pays les plus avancs indique que le capital humain et organisationnel

    (intangible) devient un facteur de plus en plus prpondrant de la croissance dune conomie. Do le rle majeur de linvestissement en ducation et en formation sur la comptitivit dune nation (thorie du capital humain). De mme, des conomistes comme Romer, Lucas ou Barro

    ont propos d endogniser le progrs technique qui dpend des efforts de recherche et dducation de la collectivit et daccorder un rle majeur au capital intellectuel susceptible de gnrer une croissance auto-entretenue (thorie de la croissance endogne. Il reste que le

    facteur organisationnel savre tre le grand absent des modles de croissance endognes (le Japon par exemple tmoignait dans les annes 1990 de faiblesses en matire de dpenses

    dinvestissement immatriel mais dune grande force dans le domaine de lorganisation et de la mise en cohrence des facteurs).

    Prenant conscience du rle croissant des ressources immatrielles et des stocks et flux de

    connaissances et de comptences comme ressources principales, Martory et Pierrat (1996) nous

    expliquent que la chane de valeur virtuelle a pour objet le management du capital intellectuel,

    ce dernier ayant pour origine le capital humain et pour finalit la production de produits et

    services, en passant par la gestion du capital structurel de lentreprise. Un des objectifs de ce management consiste valoriser le capital humain et tenter den transformer une partie en capital structurel (par le biais notamment des banques de donnes et des systmes

    dinformation). Cette chane de valeur ne consiste pas, comme pour celle dveloppe par Porter (1985), dissocier des activits principales des activits de soutien mais distinguer les

    activits fondes sur du capital humain de celles fondes sur du capital structurel. Les

    concepteurs de TBCI sappuient sur cette approche de la chane de valeur. Prenant conscience de lincertitude croissante de lenvironnement et donc dune perte de pertinence des dmarches stratgiques classiques fondes notamment sur ladaptation, les TBCI reposent aussi sur une approche par les Ressources (Wernfelt, 1984) et les Comptences

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    Centrales de la stratgie (Hamel et Prahalad, 1995). La RBV (Resource-based View pour

    approche fonde sur les ressources et les comptences, voir Arrgle, 1996) trouve son origine

    conomique dans les travaux de Ricardo loccasion desquels ont t dveloppes les notions de Rente et de Quasi-rente. La Rente ricardienne consiste en la possession et lutilisation dun actif stratgique rare dont loffre est limite et qui ne peut pas tre facilement imit, chang, substitu ou cr sur un march. La RBV sinscrit dans le cadre plus large des thories volutionnistes qui postulent que la dimension structurante de la performance des entreprises

    nest pas leur position concurrentielle, mais la gestion de lvolution de leurs procds techniques et de leurs processus organisationnels. Elle aboutit donc recentrer la rflexion

    stratgique au cur de lentreprise en tentant didentifier ses ressources rares et plus spcifiquement ses comptences humaines et organisationnelles, cest--dire son capital intellectuel. Les lments du capital intellectuel sont alors perus comme des ressources

    stratgiques de premier ordre, susceptibles de procurer aux entreprises un avantage

    concurrentiel dterminant. Hall (1993) distingue la catgorie des ressources intangibles qui

    dpendent des employs de lentreprise de celles qui en sont indpendantes. Ensuite, Hall associe chacune de ces catgories des capacits fondes sur les comptences et des capacits

    fondes sur des actifs. Cette typologie a des similitudes avec celle la base du navigateur de

    Skandia et plus gnralement de la plupart des versions de TBCI (voir plus loin).

    2 Les diffrentes approches pour apprhender le capital intellectuel 2.1 Des rflexions thoriques

    De nombreux chercheurs et praticiens proposent des typologies sur les actifs immatriels ou

    intangibles. Bounfour (1998) a dvelopp une synthse des diffrentes approches possibles

    pour apprhender ces actifs. Parmi ces diffrentes contributions, plusieurs sont issues dun programme de recherche intitul MERITUM (Measuring Intangibles to Understand and

    Improve Innovation Management, Mesurer les intangibles pour comprendre et perfectionner

    linnovation en management). Ce programme de recherche consistait en un rseau de 30 chercheurs rpartis dans 9 universits ou coles situes au Danemark, en Finlande, en France

    (HEC), en Norvge, en Espagne et en Sude. LOCDE a propos de dfinir la notion dinvestissement intangible. Ses travaux ont abouti distinguer des investissements physiques des investissements intangibles en technologie (recherche et dveloppement, licences, brevets,

    design, process, dessins,..), des investissements intangibles de soutien (formation, structure de

    linformation et structure organisationnelle) et des investissements intangibles relatifs au march (exploration, organisation,..).

    En synthse, la plupart des travaux relatifs une classification des actifs intangibles et du

    capital intellectuel aboutissent des propositions sous la forme de dichotomies : actifs ou

    lments appartenant ou nappartenant pas de manire lgale lentreprise, actifs acquis lextrieur ou actifs produits par lentreprise et enfin, actifs dpendant des hommes ou ne dpendant pas des acteurs de lorganisation. Cest cette dernire dichotomie qui sest avre la plus pertinente, ou tout au moins la plus instrumentalise.

    Johanson (p. 17, 1999) a propos un travail qui permet de comparer de faon concrte la

    diffrence entre le concept dactif intangible et celui dactivit en utilisant lexemple dune socit de conseil. Le tableau ci-dessous montre que cest bien en terme dactivit que lentreprise doit raisonner pour btir un instrument de pilotage du capital intellectuel. Le plus souvent, les activits ainsi dfinies sont plus pertinentes du point de vue du pilotage stratgique

    dune organisation que les actifs intangibles.

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    Actifs intangibles et activits leur correspondant

    (Johanson, 1999)

    Actifs Activits

    Capital humain Savoirs individuels Programmes de formation

    Capital structurel - connaissance de nouveaux

    produits,

    - modles pour projets spcifiques,

    - banque dexpriences, - flexibilit main duvre, - flexibilit main duvre, - flexibilit main duvre,

    - connaissances sur leur

    dveloppement,

    - dveloppement de logiciels,

    - dveloppement de logiciels,

    - recrutement,

    - cration dquipes, - taux de rotation des postes

    Capital de march - rseaux,

    - image

    - participation des activits

    sociales,

    - fournir aux clients un

    travail professionnel

    2.2 Aux instrumentations de gestion

    Cest la fin des annes 1990 que des spcialistes scandinaves en grande majorit, mais aussi Anglo-Saxons ont inscrit ces rflexions sur les lments intangibles dans le cadre dune instrumentation de gestion.

    Brooking (1996), chercheuse et consultante amricaine, propose une typologie quaternaire en

    distinguant les actifs de march, des actifs centrs sur lhumain (expertise collective, leadership, comptences entrepreneuriales,..), des actifs de la proprit intellectuelle (savoir-

    faire, copyrights, labels,..) et des actifs d infrastructure (gestion du risque, existence dun systme de vidoconfrence,..) Cette classification a t critique, notamment par les

    chercheurs scandinaves dans le sens o les catgories proposes par Brooking ne se situent pas

    des niveaux dagrgation quivalents. Certains considrent par exemple quil nest pas pertinent de faire figurer la catgorie centre sur lhumain au mme niveau que la catgorie centre sur les actifs de la proprit intellectuelle, cette dernire catgorie apparaissant

    davantage comme une sous-catgorie dun ensemble actifs organisationnels ou structurels. Diffremment Rennie (1999), une universitaire canadienne, propose de distinguer deux

    catgories de capital intellectuel selon le niveau dincertitude associ aux bnfices futurs. Cette conception sinspire dune dfinition des actifs intangibles propose par lInstitut Canadien des Comptables Agrs qui considre un lment intangible comme un actif lorsque

    les bnfices futurs ont une probabilit raisonnable de survenir, auquel cas il convient de

    capitaliser les cots gnrant cet lment. Sur cette base, Rennie (1999) propose de distinguer

    les actifs intellectuels rels des actifs intellectuels potentiels. Si ces dveloppements nont pas directement engendr de propositions instrumentales pertinentes, nous verrons en revanche

    quils nous permettront daffiner lanalyse de la typologie qui va suivre.

    Haanes et Lowendahl (1997) proposent de distinguer les ressources tangibles des ressources

    intangibles et parmi ces dernires, les ressources de comptences des ressources relationnelles.

    Parmi les ressources de comptences, ils distinguent :

    - les comptences individuelles : savoirs et capacits individuelles (talents et aptitudes),

    - des comptences collectives : bases de donnes et capacits collectives (talents et culture).

    Parmi les ressources relationnelles, ils distinguent :

    - les ressources relationnelles individuelles : rputation, loyaut, relationnel individuel,

    - des ressources relationnelles collectives : rputation, loyaut et relationnel collectif.

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    La Confdration Danoise des Syndicats sest galement penche sur la question en proposant de distinguer :

    - les personnes : motivations, culture, ducation et formation et dveloppement,

    - des marchs : clients et fournisseurs, marchs financiers, march du travail, march de la

    connaissance,

    - des systmes : mthodes, technologies, brevets et organisation.

    Des travaux pousss ont galement t observs en Autriche, luniversit Karl Franzens. Un groupe de chercheurs a labor une typologie du capital intellectuel qui distingue les lments

    organisationnels, structurels et managriaux des lments intellectuels, sociaux et motionnels.

    Cette typologie renvoie aux travaux sudois qui distinguent le capital humain du capital

    structurel. Ces travaux autrichiens ont donn lieu llaboration de mesures synthtiques du capital intellectuel (la VAIC, valeur ajoute du capital intellectuel notamment).

    Deux typologies ont eu des effets particulirement significatifs sur linstrumentation des entreprises.

    Sveiby (1997), chercheur et consultant sudois install en Australie, souvent prsent comme

    le pionnier de la rflexion sur le capital intellectuel, a t lorigine dune classification ternaire du capital intellectuel qui distingue le capital clients et relationnel, du capital

    organisationnel et du capital humain. Le modle issu de cette rflexion a t intitul la

    plateforme de la valeur . Sveiby (p. 78, 1997) a notamment particip llaboration de tableaux de bord centrs sur le capital intellectuel Celemi, la Banque Morgan, WM Data

    et PLS-Consult. Cette classification a notamment t retenue par les groupes de recherche

    scandinave du MERITUM qui ont galement montr le lien qui existe entre cette classification

    et la typologie des ressources intangibles propose par Hall (1993). Ces travaux du MERITUM

    insistent galement sur la ncessit dadopter une approche dynamique de ce type de classification en apprhendant en particulier les interactions et les changes qui existent entre

    les trois formes de capital retenues (humain, structurel et relationnel).

    La typologie propose par Roos et al. (1997) est associe linstrument le plus connu, le navigateur de Skandia. Cette typologie est dite binaire ou dichotomique puisquelle distingue le capital intellectuel pensant , du capital intellectuel non-pensant , cest--dire le capital humain du capital structurel. La nuance par rapport la typologie prsente juste avant est que

    le capital structurel regroupe le capital organisationnel et le capital clients et relationnel.

    Edvinsson, ancien manager du capital intellectuel Skandia explique en substance que le

    capital structurel est ce quil reste dans lentreprise une fois que les employs sont rentrs chez eux le soir. Aussi, cette typologie a tendance accorder un peu plus dimportance la dimension humaine qui constitue lun des deux piliers du capital intellectuel de lentreprise. La figure juste aprs propose une description de la typologie labore par Roos et al. (1997).

    Le capital humain correspond aux ressources qui dpendent des employs et des capacits

    fondes sur les comptences. Le capital structurel correspond quant lui aux ressources

    indpendantes des employs et de capacits fondes sur des actifs.

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    Larbre du capital intellectuel (adapt de Roos et al., 1997)

    Valeur

    totale

    Capital Capital

    financier intellectuel

    Capital Capital Capital Capital

    montaire montaire humain structurel

    Comptences Attitudes Agilit Relations/ Organisation Renouvellement

    intellectuelle partenaires & dveloppement

    Comme on lobserve sur ce schma, le capital humain se dcompose en trois critres gnriques de performance qui se dcomposent leur tour en indicateurs stratgiques. Ces trois

    critres gnriques sont les suivants.

    - La comptence des employs dont les indicateurs stratgiques sont les savoirs et les savoir-

    faire. De faon plus prcise, la notion de comptence peut galement tre analyse en terme de

    comptence commerciale (capacit collaborer avec les clients et les partenaires externes), de

    comptence professionnelle (habilet exploiter le capital structurel) et de comptence sociale

    (habilet travailler ensemble).

    - Lattitude des employs dont les indicateurs stratgiques sont la motivation, le comportement et la conduite.

    - Et leur agilit intellectuelle dont les indicateurs stratgiques sont linnovation, limitation, ladaptation et la mise en forme. Il en est de mme du capital structurel qui se dcompose galement en trois critres gnriques

    de performance. Ces trois critres gnriques sont les suivants.

    - Les relations avec les parties prenantes de lentreprise dont les indicateurs stratgiques sont la gestion des relations avec les clients, les fournisseurs, les actionnaires, les allis et toutes les

    autres parties prenantes.

    - Lorganisation dont les indicateurs stratgiques sont linfrastructure, les processus et la culture.

    - Et le renouvellement et le dveloppement dont les indicateurs stratgiques sont les nouveaux

    produits, la formation, les dpenses de recherche et dveloppement, et les nouveaux brevets et

    nouvelles licences.

    En synthse, le tableau ci-dessous, reprenant des lments dvelopps dans la premire partie,

    propose une chronologie de lmergence des TBCI dans les pays scandinaves.

    Chronologie de lmergence des TBCI dans les pays scandinaves

    1960 s. - les spcificits conomiques et sociales des pays scandinaves : sociale

    dmocratie avant lheure (rle de ltat providence), philosophie de la coopration

    1965- 1970

    s.

    - premiers dveloppements scandinaves autour de la comptabilit sociale

    1977 s. - les dveloppements en comptabilit des ressources humaines se poursuivent

    (1977, Bilan Social en France),

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    - des applications limites

    1981-

    1989 ;

    1986-1987

    - groupes de travail autour du concept de capital intellectuel,

    - Konrad group en Sude dirig par Sveiby

    1989 s.

    - proposition Konrad group : The Invisible Balance Sheet,

    - autre proposition : The Resource Matrix

    1990 s. - Profit and Loss account model utilis,

    - poursuite des travaux du Konrad Group et dautres sur une approche plus qualitative

    1992

    1994 s.

    - influence conjointe du BSC et du Konrad group expliquant lapparition dun modle comme le navigateur,

    -premires publications et autres modles comme The Intangible Assets Monitor

    3 Prsentation de modles de tableaux de bord du capital intellectuel et analyse critique

    3.1 Du navigateur de Skandia

    Lexprience pilote par Leif Edvinsson (Edvinsson et Malone, 1997) Skandia AFS, et qui sest prolonge dans lensemble du groupe dassurances sudois Skandia, constitue le cas le plus connu de mise en place dun tableau de bord centr sur le capital intellectuel. Ds les annes 1980, le CEO (Chief Executive Officer) de Skandia, Bjrn Wolrath cherchait

    une faon de mesurer les actifs intangibles de son entreprise. Cest en septembre 1991 que Skandia AFS recruta Leif Edvinsson en tant que directeur de la nouvelle fonction

    management du capital intellectuel . La mission dEdvinsson tait de construire un instrument de mesure du capital intellectuel qui puisse constituer un supplment aux comptes

    sociaux. Le premier rapport du capital intellectuel comme supplment au rapport de gestion

    annuel date de 1994. Depuis, Edvinsson a t contact par quelques 500 entreprises intresses

    par le modle du navigateur. En 1998, le navigateur a t adapt lensemble du groupe Skandia et a complt budgets. En octobre 1998, un systme intranet appel le Dolphin System

    (le systme dauphin) a t mis au point pour lensemble du groupe et permet au navigateur de fonctionner de faon interactive. La figure ci-dessous reprsente le schma gnrique du

    navigateur tel que le propose Skandia dans ses documents de gestion, en complment des

    comptes sociaux traditionnels (p. 68, 1997). Le tableau qui suit propose quelques indicateurs

    reprsentatifs du navigateur.

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    Le navigateur de Skandia (Edvinsson et Malone, p. 68, 1997)

    FINANCIAL

    FOCUS

    HUMAN FOCUS

    RENEWAL and DEVELOPMENT FOCUS

    PROCESS

    FOCUS CUSTOMER

    FOCUS

    T

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    Illustration : quelques indicateurs du navigateur

    (adapt dEdvinsson et Malone, 1997) Dimension

    humaine

    Dimension

    financire

    Dimension

    clients

    Dimension

    renouvellement

    Dimension

    processus

    indices de

    motivation, de

    leadership,

    dempowerment

    (revenus, valeur

    de march,

    VA)/employ

    part de march opportunits

    dinnover poids de

    ladministratif

    turnover revenus nets,

    valeur de

    march, retour

    sur actifs

    indice de

    satisfaction

    temps et

    investissements

    pour la formation

    poids des TI

    proportion de

    managers, de

    femmes

    investissements

    en TI, revenus

    de nouvelles

    oprations

    clients lis aux

    TI

    part des dpenses

    de R & D

    poids des

    dysfonctionneme

    nts

    employs

    matrisant les

    TI, tltravail

    temps consacr

    par les salaris

    aux clients

    fidlit des

    clients

    dpenses de

    marketing

    nombre de

    contrats par

    employ

    Le tableau ci-dessous prsente les donnes pour 1994, 1995 et 1996 du navigateur de

    SkandiaLink, filiale de Skandia ddie lassurance vie en Sude.

    Le Navigateur de SkandiaLink

    Indicateurs 1996 1995 1994

    Dimension financire Primes brutes accordes (MSEK)

    Rsultat oprationnel (MSEK)

    Volume des actifs grer (MSEK)

    2,413

    179

    9,202

    2,087

    176

    5,699

    1,874

    132

    3,670

    Dimension clients Nombre de contrats

    Taux de rsiliation

    182,900

    1.7

    153,100

    1.5

    115,000

    1.0

    Dimension humaine Nombre demploys Indice du capital humain (valeur maximum = 1)

    % demploys avec un niveau dducation secondaire ou suprieur

    % demploys avec 3 ans ou plus danciennet

    45

    426

    73

    92

    48

    493

    73

    88

    51

    534

    74

    62

    Dimension processus Dpenses administratives / primes brutes accordes

    (%)

    Dpenses TI / dpenses administratives (%)

    4.1

    26.3

    5.0

    27.1

    4.5

    28.0

    Dimension renouvellement et dveloppement Nombre de contrats par employ

    Fonds changs via Telelink (%)

    4,064

    50

    3,180

    40

    2,253

    22

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    3.2 Aux autres tableaux de bord du capital intellectuel

    Si le navigateur constitue le modle de TBCI le plus connu, lengouement pour ce type de tableau de bord fait que beaucoup dautres entreprises lont adopt. La somme des expriences accumules dans diffrents pays europens nous permet aussi destimer quil existe un courant managrial dominante europenne, centr sur le pilotage par la valorisation et le management

    des actifs intangibles, au mme titre quil existe un courant managrial dominante anglo-saxonne centr sur le pilotage par la valorisation des actionnaires et des clients.

    Les travaux pionniers de Karl-Erik Sveiby se sont concrtiss de faon directe par la mise en

    place dun TBCI, The Intangible Assets Monitor dans lentreprise de conseil sudoise Celemi. Cette socit joue de plus un rle majeur dans la diffusion des TBCI puisque lactivit de conseil de Sveiby consiste proposer des mthodes de management du capital intellectuel, et

    en particulier promouvoir le modle de TBCI expriment Celemi, fond sur la typologie

    ternaire du capital intellectuel. Le TBCI de Celemi comprend donc trois axes stratgiques :

    - laxe clients, - laxe humain, - et laxe organisation. Mais si lon tudie plus en dtail les indicateurs gnriques figurant dans ce TBCI de Celemi, on se rend compte alors que laccent est plus particulirement mis sur les dimensions clients et humaines de la performance. Comme mesures dployes, nous pouvons citer par exemple le

    niveau de turn-over du personnel administratif, la proportion de personnel administratif, les

    revenus procurs par les nouveaux produits et les revenus procurs par les relations avec les

    clients. Les tableaux juste aprs prsentent le modle gnrique de lIntangible Assets Monitor (le moniteur des actifs intangibles), TBCI de Celemi, puis le TBSCI pour les exercices 1995-

    1996.

    Le Moniteur des Actifs Intangibles de Celemi

    (Sveiby, 1997)

    Nos clients Notre organisation Nos employs

    croissance du CA clients influenant les

    processus

    exprience professionnelle

    image de marque revenus de nouveaux produits comptences en rapport

    avec les clients

    revenus par client part de la R & D proportion dexperts

    satisfaction des clients part des investissements

    intangibles

    VA par expert et par

    employ

    fidlit des clients proportion de personnel

    administratif

    indice de satisfaction des

    employs

    part dans le CA des clients

    importants

    revenus gnrs par le

    personnel administratif

    turnover des experts,

    exprience

    turnover du personnel

    administratif

    ge moyen des employs

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    Rapport annuel de Celemi

    (site internet : http ://www.Celemi.com)

    Nos Clients

    (structure externe)

    Notre organisation

    (structure interne)

    Nos employs

    (comptences)

    Croissance/volution Croissance du revenu 44%

    Satisfaction des clients 40%

    Croissance / volution Investissements TI 11%

    Organisation pour clients 44%

    R et D produits 18%

    Invest. Total 33%

    Croissance / volution Exprience prof. - 25%

    Comptences clients 43%

    Comptences experts 43%

    Niveau dducation 0%

    Efficience Echange produits 4%

    Efficience Personnel administratif 4%

    Ventes / pers. adm. 20%

    Efficience VA / expert - 13%

    VA / employ 13%

    Stabilit Renouvellement cdes 66%

    5 plus gros clients 41%

    Stabilit Turnover pers. adm. 0%

    Pers. adm. senior 3%

    Rookie ratio 64%

    Stabilit Turnover experts 10%

    Experts seniors 79%

    Age moyen - 12%

    Celemi a aussi pour rle de diffuser les mthodes de management du capital intellectuel et

    notamment dans les pays scandinaves au sein dentreprises comme Ikea, les deux plus grandes banques de Sude, Freningsbanken et Sparebanken, ABB Corporate Research, Helsingin

    Puhelin, Kone Hissit, Merita-Nordbanken, Metsliitto, ... Pour ABB par exemple, les

    consultants de Celemi insistent sur limportance dimpliquer lensemble du personnel dans la conception de la stratgie et de crer un langage commun. A cette fin, un outil de simulation

    intitul Tango est utilis. Mais Celemi a aussi des clients en Angleterre (ICL, SmithKline

    Beecham, 3M et Cap Gemini), en Belgique, au Luxembourg et en Allemagne

    (DaimlerChrysler et Schering-Plough notamment), aux Etats-Unis (3 M) et en Ocanie. Deux autres initiatives scandinaves ont galement eu un impact important sur le

    dveloppement des TBCI. Il sagit premirement dun projet initi par le Danish Trade and Industry Development Council (le conseil de dveloppement industriel et commercial danois)

    runissant 3 entreprises danoises (PLS Consult, Ramboll, deux socits de conseil et

    Sparekassen Nordjylland, une institution financire) et 7 entreprises sudoises (Consultus et

    WM Data, socits de conseil, Skandia, Telia, ABB, the Swedish Civil Aviation et Sparbanken

    Sverige). Deuximement, il sagit dun projet intitul MERITUM (Measuring Intangibles to Understand and Improve Innovation Management, mesurer les intangibles pour comprendre et

    amliorer le management de linnovation) support financirement par la Commission Europenne et auquel ont particip neuf universits et centres de recherche rpartis dans six

    pays europens. Les chercheurs du MERITUM insistent sur la ncessit de dfinir clairement

    la dmarche dlaboration dun TBCI et cest pourquoi ils proposent un modle de dfinition des indicateurs du capital intellectuel en fonction dobjectifs stratgiques prcis. Voici par exemple la dfinition dindicateurs relatifs un objectif de part de march.

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    Modle de construction des indicateurs du capital intellectuel

    (Johanson, p. 19, 2001)

    Objectif Amliorer la part de marchstratgique

    Intangibles Maintenir et retenir Capacits Approche

    critiques les employs cls innovatrices clients

    Ressources Employs Brevet Loyaut des

    intangibles hautement forms d'invention clients

    crer et dvelopper

    Invest. intangibles Activits de Activits de Marketing

    pour accrotre les formation R & D direct

    ressources

    Invest. intangibles Enqutes sur les Analyse du Enqute sur

    pour valuer les employs retour/ R & D les clients

    rsultats

    Conclusion et prolongements

    En France, plusieurs entreprises ont dployes des TBCI. Parmi elles, citons GPS, TLF,

    Syscom et Grandvision, cette dernire ayant publi rgulirement pendant plusieurs annes un

    TBCI en complment de son rapport annuel.

    Aujourdhui, dautres approches semblent cependant avoir pris le relais. Il sagit notamment : - dapproches managriales fondes sur la RSE (responsabilit sociale de lentreprise), qui consistent prendre en compte toutes les parties prenantes de lentreprise, - Et du management environnemental ou durable travers le dploiement de normes daudit et de reporting : ISO 14001, SD21000, GRI Global Reporting Initiative

    (http://www.globalreporting.org), Accounting 1000, Sur les aspects environnementaux, Naro et Noguera (2008) prsentent la mise en place dun tableau de bord centr sur les aspects environnementaux au sein dune socits agroalimentaire. Des associations sont trs dynamiques sur ces questions comme par exemple lORSE (Observatoire sur la Responsabilit Socitale des Entreprises : http://www.orse.org). Le point

    commun avec les TBCI est que ces approches aboutissent tablir des indicateurs centrs sur

    les aspects immatriels (humains, organisationnels, environnementaux, ) des entreprises. Aujourdhui, beaucoup dentre elles prsentent un rapport environnemental ou socital au sens plus large. Par exemple Carrefour (http://www.carrefour.com/cdc/commerce-responsable/),

    dans son rapport annuel, indique que le groupe ...a cr un outil de management, dnomm

    Carrefour Attitude et que le systme dinformation qui laccompagne permet dvaluer la dmarche de progrs grce 22 indicateurs clefs de performance De mme, Michelin a labor un Systme de Management Environnemental (SMEM :

    http://www.michelin.com/corporate/front/templates/affich.jsp?codeRubrique=89&lang=FR).Or

    ange, un rapport de responsabilit dentreprise (http://www.orange.com/fr_FR/responsabilite/) qui regroupe des tableaux de bord de performance conomique au sens large, sociale, socitale

    et environnementale. Suez publie un rapport dactivit et de dveloppement durable (http://www.archives-suez.com/fr/finance/rapport-annuel/2007/rapport-activites-2007/rapport

    dactiviteetdeveloppement-durable/) et Renault un systme de management de lenvironnement bas sur la norme ISO 14001 (http://www.renault.com/fr/Groupe/developpement-

    durable/environnement/Pages/management-de-l-environnement.aspx).

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    La question qui se pose est de savoir si cela sinscrit uniquement dans une logique de communication ou si cela alimente le systme global de pilotage de ces entreprises.

    Rfrences -

    Arrgle J.L., Analyse Resource Based et identification des actifs stratgiques , Revue

    Franaise de Gestion, p. 25-36, mars-avril-mai, 1996.

    Bounfour A., Le Management des Ressources Immatrielles, Dunod, Paris, 1998.

    Brooking A., Intellectual Capital, International Thompson Business Press, London, 1996.

    Edvinsson L. et Malone M., Intellectual Capital, Realizing your company's true value by

    finding its hidden brainpower, HarperBusiness, New York, 1997.

    Flamholtz E., Human resource accountin : [advances in concepts, methods, and applications,.

    2nd edition San Francisco, Jossey-Bass, 1985.

    Hall R., A framework linking intangible resources and capabilities to sustainable competitive

    advantage , Strategic Management Journal, p. 607-618, vol. 14, 1993.

    Hamel G. et Prahalad C.K., La conqute du futur, InterEditions, Paris, 1995.

    Johanson U., Mobilising change: characteristics of intangibles proposed by 11 swedish firms

    , International Symposium, Measuring and reporting intellectual capital: experience, issues,

    and prospects, 9-10 June, Amsterdam, 1999. Haanes, K. and Lowendahl, B. (1997) The unit of activity: towards an alternative to the theories of the firm, in Strategy, Structure and Style, Ed Thomas, H. et al, John Wiley & Sons Ltd.

    Martory B. et Pierrat Ch., La Gestion de lImmatriel, Nathan, Paris, 1996. Naro Grald, Florence Nogura (2008), Lintgration du dveloppement durable dans le pilotage stratgique de lentreprise : enjeux et perspectives des Sustainability Balanced Scorecards , Revue de lOrganisation Responsable, n 1, mai, pp. 24-38. Rennie M. (1999), "Accounting for knowledge assets: do we need a new financial statement?",

    International Journal of Technology Management, Vol. 18 No.5, pp.648-59.

    Roos J. et al., Intellectual Capital, Mac Millan Business, London, 1997.

    Sveiby K.E., The New Organizational Wealth, Managing and Measuring Knowledge-based

    Assets, Benett-Koehler, San Francisco, 1997.

    Wernfelt B., A resource-based view of the firm , Strategic Management Journal, vol. 5, p.

    171-180, 1984.

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