LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET …
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UNIVERSITE D’ANTANANARIVO
DOMAINE DES ARTS, LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
MENTION GEOGRAPHIE
MASTER II
LES REPRESENTATIONS DES POUVOIRS FRANÇAIS ET CHINOIS
DANS LE IIIème ARRONDISSEMENT DE LA COMMUNE URBAINE
D’ANTANANARIVO : ESSAI GEOPOLITIQUE
Mémoire en vue de l’obtention du Diplôme de MASTER
Mention Géographie
Présenté par Ndrianja RATRIMOARIVONY
Membres du jury :
Président : James Superman RAVALISON, Professeur titulaire
Rapporteur : Gabriel RABEARIMANANA, Maître de Conférences
Juge : Ravoniarijaona VOLOLONIRAINY, Maître de Conférences
Soutenu le 21 Décembre 2016
i
REMERCIEMENTS
Malgré le fait que ce mémoire demeure un travail personnel, nous désirons exprimer
toute notre gratitude aux personnes qui ont contribué de près ou de loin à sa réalisation. Aussi,
nous tenons à exprimer tout d’abord nos plus grands remerciements à Mr Gabriel
RABEARIMANANA, notre Directeur de Recherche, pour sa patience, son dévouement et sa
haute bienveillance dans les moments les plus difficiles. Nous voulons également ensuite
remercier le corps des enseignants-chercheurs et le personnel administratif de la mention
Géographie du Domaine des Arts, Lettres et Sciences Humaines qui ont tous sans exception
participé à notre formation d’universitaire, et par leur courage, continuent d’œuvrer dans un
esprit patriotique. Nos vifs remerciements s’adressent par ailleurs aux personnes-ressources qui
ont bien voulu nous accorder une partie de leur précieux temps, en l’occurrence Mme le
Commissaire de Police Aina RANDRIAMBELO, Mr Gil RAZAFINTSALAMA administrateur de la
Chambre de Commerce, Mme Brigitte commerçante du marché artisanale de Pochard, ainsi
que toutes les autres personnalités de l’administration publique, des groupements et des
opérateurs économiques qui, même dans l’anonymat, ont fourni de précieuses informations.
Enfin, et non pas le moindre, ce travail aurait été plus qu’incertain sans le soutien et les
encouragements de nos proches, en particulier notre compagne Rina ANDRIAMAMPANDRY, nos
parents et les membres de notre famille, sans oublier Mr Sebastien RAJOELINA, notre ami de
toujours.
A tous, nous réitérons nos remerciements les plus sincères et nos pensées respectueuses.
ii
SOMMAIRE REMERCIEMENTS ..................................................................................................................................... i
SOMMAIRE .............................................................................................................................................. ii
RESUME ................................................................................................................................................. iii
TABLE DES ILLUSTRATIONS ..................................................................................................................... iv
Liste des croquis ................................................................................................................................. iv
Liste des photos .................................................................................................................................. iv
Liste des figures ................................................................................................................................... v
Liste des tableaux ................................................................................................................................ v
ACRONYMES .......................................................................................................................................... vi
INTRODUCTION ....................................................................................................................................... 1
Première partie : Une démarche déductive, point commun de la géographie, des sciences politiques et
des sciences sociales ............................................................................................................................... 6
Chapitre I Du global au local : une spécialité de la géographie.............................................................. 7
Chapitre II Mobilisation des concepts : Pouvoir, Territoire, représentations ....................................... 14
Chapitre III Les travaux de terrain et les limites de la recherche ......................................................... 22
Deuxième partie : La mondialisation libérale, source des enjeux géopolitiques français et chinois à deux
échelles : l’océan indien et le IIIème arrondissement de la CUA ............................................................. 29
Chapitre IV Les enjeux géopolitiques dans l’Océan Indien : une clé de lecture des dynamiques locales
.......................................................................................................................................................... 30
Chapitre V La dépendance des acteurs économique locaux vis-à-vis des représentations chinoises et
françaises. ......................................................................................................................................... 45
Chapitre VI Le triomphalisme culturel francais, un défi pour le soft power chinois ............................. 61
CONCLUSION ......................................................................................................................................... 77
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES .......................................................................................................... 80
REFERENCES FILMOGRAPHIQUES .......................................................................................................... 85
ANNEXES ............................................................................................................................................... 86
TABLE DES MATIERES ............................................................................................................................ 95
iii
RESUME
L’approche géopolitique multiscalaire permet de tracer les trames de la réflexion sur la mise en
relation des dynamiques et enjeux dans l’Océan Indien et dans le IIIème arrondissement de la Commune
Urbaine d’Antananarivo. A partir d’une démarche déductive, la mobilisation de concepts faisant appel à
la pluridisciplinarité, dégage la matière première de la démonstration empirique relevant de la théorie
relationnelle du Pouvoir, du concept de territoire malgache et des représentations s’y affèrent. Ainsi, les
travaux de terrains sont axés sur deux piliers fondamentaux : le premier étant la spatialisation et la
recherche d’informations quantitatives ; le second pilier constitue, quant à lui, une approche qualitative
pour une analyse des représentations. Le cadre conceptuel de la recherche appréhende par conséquent
la construction du regard scientifique afin de donner un sens aux résultats de la recherche proprement
dite.
L’Océan Indien est un espace où se dispute l’influence des Etats-Unis, de l’Inde et de la Chine,
dans le but d’acquérir, de conserver ou de protéger des positions stratégiques pouvant faire bouger les
rapports de forces. Dans ce contexte, Madagascar représente davantage une priorité géopolitique pour
la France que pour la Chine. Ainsi, à l’échelle locale, au niveau du IIIème arrondissement, les
représentations des banques appartenant aux filiales françaises tissent des rapports de pouvoir
ascendants sur les acteurs économiques locaux. Par contre, les représentations du « pouvoir chinois »
souffrent d’une contestation de certains industriels. Face au succès de la langue française dans les
écoles privées, confirmant l’importance du soft power Français dans l’espace vécu, la stratégie Chinoise
multiplie les campagnes de sensibilisation et de séduction médiatique, reliant l’apprentissage du
mandarin à l’opportunité économique que représente la puissance financière chinoise. L’expansion de
ces pouvoirs sur les territoires malgaches est tantôt acceptée, comme dans le IIIème arrondissement, et
tantôt rejetée, à l’exemple du cas de « l’affaire Soamahamanina » traduisant l’interprétation d’un
dualisme entre les représentations territoriales urbaines et rurales.
Mots clés : multiscalaire, géopolitique, pouvoir, séduction, représentations territoriales, IIIème
arrondissement
iv
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Liste des croquis
Croquis 1-Le IIIème Arrondissement dans la Commune Urbaine d'Antananarivo ........................................ 5
Croquis 2-Militarisation et détroits stratégiques dans l'océan Indien ..................................................... 33
Croquis 3-Les stratégies indienne et chinoise dans l’Océan Indien ......................................................... 38
Croquis 4-Madagascar et les territoires français .................................................................................... 39
Croquis 5-Une île francophone entourée d’anglophones ....................................................................... 43
Croquis 6-Les banques françaises dans le IIIème Arrondissement .......................................................... 47
Croquis 7-Les stations services dans le IIIème arrondissement ............................................................... 51
Croquis 8-La répartition des activités chinoises dans le IIIème arrondissement ...................................... 57
Croquis 9-Le réseau des établissements français à l’étranger ................................................................. 63
Liste des photos
Photo 1-Rassemblement du 2ème RPIMA dans le camp Sega à Juan de Nova ........................................ 40
Photo 2-La puissante société générale dans le IIIème arrondissement, Andraharo................................. 48
Photo 3-La Transnationale TOTAL au coeur du quartier industriel d’Ankorondrano ............................... 50
Photo 4-Les marchands ambulants revendant les produits chinois, Behoririka ....................................... 55
Photo 5-Cérémonie du hissage des drapeaux chinois et malgache du lycée de la congrégation chinoise
de Fenerive Est ...................................................................................................................................... 65
Photo 6-Remise de prix aux étudiants du site d’enseignement de Namakia ........................................... 66
Photo 7-L’institut Confucius et le local de l’ADMC/CRAAM, fruit de la coopération avec l’Union
Européenne et l’Ambassade de France .................................................................................................. 67
Photo 8-L’urbanisation générique: le « savoir-faire chinois conciliant les lieux commerciaux et l’Habitat »
.............................................................................................................................................................. 68
Photo 9-Mission médicale chinoise de Mahitsy...................................................................................... 69
Photo 10-L’imposante « tour orange », siège de la société française Orange Madagascar...................... 76
Photo 11-Le luxueux « immeuble de verre » siège des sociétés françaises Total et Société Générale ..... 76
v
Liste des figures
Figure 1-La dimension relationnelle du Pouvoir dans une structure ....................................................... 15
Figure 2-Les rapports d’ascendance du Pouvoir ..................................................................................... 19
Figure 3-Les grandes étapes de la démarche déductive ......................................................................... 24
Figure 4-Exportations africaines vers la Chine, ventilation par produits, 2007 ........................................ 41
Figure 5-L’ascendance des banques françaises sur les acteurs économiques.......................................... 53
Liste des tableaux
Tableau 1-Le poids commercial des trois détroits stratégiques .............................................................. 34
Tableau 2-Structure et nombre des ecoles prives dans le IIIeme arrondissement................................... 62
Tableau 3-Les discours médiatiques antagonistes de deux quotidiens sur la présence chinoise à
Madagascar ........................................................................................................................................... 71
vi
ACRONYMES
AEFE: Agence pour l’Enseignement Français a l’Etranger
AFD : Agence Française pour le Développement
BCM : Banque Commerciale de Madagascar
BFV-SG: Banky Fampandrosoana ny Varotra-Societe Generale
BFCMM : Banque Financière et Commerciale Malgache Mandroso
BNI : Banque nationale d’investissement
BICM : Banque Industrielle et Commerciale de Madagascar
BMOI: Banque Malgache de l’Océan Indien
BPCE: Banque Populaire et Caisse d’Epargne
BTP : Bâtiments et Travaux Publics
CISCO : Circonscription Scolaire
CUA : Commune Urbaine d’Antananarivo
CNAPS : Caisse National de Prévoyance Sociale
FIVMPAMA : Fivondronan’ny Mpandraharaha Malagasy
GEM : Groupement des Entreprises de Madagascar
IOFHL: Indian Ocean Financial Holdings Limited
OMC : Organisation Mondiale du Commerce
ONEP : Office National de l’Education Prive
OSTIE : Organisation Sanitaire Tananarivienne Inter Entreprises
PME : Petites et Moyennes Entreprises
RN2: Route Nationale 2
RN7: Route Nationale 7
vii
SIM : Syndicat des Industries de Madagascar
SOMAPECHE : Societe Malgache des Peches
ZEE : Zone Economique Exclusive
1
INTRODUCTION
Contexte, choix du sujet et localisation
Devenue aujourd’hui premier fournisseur commercial et grand investisseur minier à
Madagascar, la Chine renforce et développe son influence grandissante, bouleversant
continuellement l’échiquier géopolitique traditionnellement occupé par la France et les pays
occidentaux. La Chinafrique est désormais une réalité dans la Grande Ile et appelle à des
restructurations et des transformations tant sur les politiques de coopération que sur les
champs économiques, sociaux et culturels dans lesquelles évoluent les populations et les
groupements autochtones. Pendant que les grandes entreprises chinoises investissent dans
l’extraction minière à travers plusieurs régions du pays, le IIIème arrondissement de la capitale
Antananarivo voit la concentration et la propagation des activités des petits commerçants
chinois. Parallèlement, on peut y observer depuis plusieurs décennies une présence française
matérialisée tant économiquement par ses multinationales (Société Générale, Total, BPCE…)
que culturellement par le triomphe de la langue française dans les écoles. Ainsi, se démarquant
à partir d’une approche comparative, ce mémoire de MASTER II constitue la suite de nos
recherches effectuées dans le cadre du mémoire de maîtrise qui ont porté sur « les Dimensions
géopolitiques de la présence chinoise dans le grand Antananarivo ». Cependant, le processus de
construction intellectuelle de ce travail ainsi que les résultats des recherches seront les
prémices d’un projet de thèse dont l’objectif sera de déterminer et signifier les tenants et
aboutissants de l’exercice des pouvoirs étrangers se manifestant dans le territoire Tananarivien,
à travers une approche multidisciplinaire centrée sur la géographie, les sciences politiques et
les sciences sociales. En ce sens, l’armature de la démonstration empirique de cette recherche
va reposer sur une démarche multiscalaire et holistique qui consistera à un tissage entre les
dynamiques et enjeux à petite échelle dans l’Océan Indien, et les dynamiques locales dans le
jeu des représentations du IIIèmearrondissement de la Commune urbaine d’Antananarivo. La
dialectique se situera par conséquent sur deux plans : elle sera à la fois économique et
culturelle.
2
Problématique
L’Océan Indien est décrit aujourd’hui par certains centres de recherche comme « le
futur champ de bataille pour la domination mondiale1 ». En effet, en tant qu’espace de transit
entre le monde arabe, Africain et Asiatique et représentant 75% des échanges commerciaux
mondiaux, cet océan s’avère être un enjeu vital pour la Chine afin de garantir
l’approvisionnement en matière première à partir du continent Africain. Cependant, dans une
posture de rivalité et de préservations des intérêts nationaux, plusieurs acteurs
géostratégiques2 dont la France sont présents depuis plusieurs années et jouent un rôle
prépondérant dans une zone caractérisée par la présence massive de plusieurs marines
(Américaine, Indienne, Union Européenne..) responsables de la sécurisation et du rayonnement
des intérêts de leurs pays respectifs. Les territoires français, plus particulièrement, occupent
une place d’importance hautement stratégique dans le canal du Mozambique et aux alentours
de Madagascar, interrogeant a fortiori un statut de pivot géopolitique3 de ce dernier.
Les communautés chinoises et françaises sont les minorités étrangères les plus
importantes dans la grande Ile et les discours des différents ambassadeurs de France et de
Chine rappellent « l’importance de la coopération » entre leurs pays et l’Etat Malgache.
Pourtant, en rapport aux conséquences et enjeux de la mondialisation libérale, les
représentations de la présence française et chinoise poussent la réflexion à une production et à
l’existence d’un « Pouvoir Français » et d’un « Pouvoir chinois » dans l’espace urbain, mais
également dans l’espace public de la ville d’Antananarivo, notamment dans le
IIIèmearrondissement. La définition épistémologique accordée au « Pouvoir » sera amplement
développée dans le chapitre II du mémoire. D’ores et déjà, il sera définit comme une
construction relationnelle et non pas comme une propriété car le Pouvoir s’exerce mais ne se
1 R.KAPLAN,2011, “Monsoon, the Indian ocean and the future of american power”, Random House Trade
Paperback Edition 2. « On entend par acteurs géostratégiques un pays capable de se projeter au delà de ses frontières et soucieuses
du rayonnement de sa puissance ». Z.BRZEZINSKI, 2010, « Le grand échiquier », Pluriel 3 « un pivot géopolitique est un Etat pas forcément ou même pas du tout détenteur de puissance de projection
mais dont la position géographique ou les potentialités en terme de ressource peuvent influer sur les ambitions géopolitiques d’une puissance dans une région », ibid
3
détient pas. L’exercice de ces pouvoirs dans le réel que constitue l’espace du IIIème
arrondissement va contribuer à l’élaboration des discours et des représentations des entités
Française et Chinoise, et inversement. Dans ce paradigme, la corrélation entre la
prépondérance de ces deux acteurs au niveau local et leurs jeux géostratégiques dans l’Océan
Indien peut traduire la preuve d’une rivalité réelle ou hypothétique entre les deux pays. Ainsi, la
problématique suivante est posée :
« Dans quelles mesures les priorités géopolitiques de la France et de la Chine dans l’Océan
Indien conditionnent-elles la typologie des rapports de pouvoir et les représentations que ces
deux pays désirent produire à l’échelle locale, notamment dans le IIIèmearrondissement ? »
De cette question vont partir d’autres pistes corollaires :
Les acteurs économiques locaux conçoivent-ils la possibilité d’un développement en
l’absence hypothétique des pouvoirs Français et Chinois dans le IIIème arrondissement ?
Si le territoire est un espace auquel l’Homme a donné du sens et que le paysage urbain
reflète fortement l’exercice de pouvoirs étrangers, faut-il interroger le concept d’un « territoire
malgache » dans ce même espace?
A partir d’une première observation du paysage et de la lecture de certains ouvrages,
nous retenons l’hypothèse principale suivante en réponse à la problématique :
« Madagascar représente un enjeu beaucoup plus important pour la France que pour
la Chine, dans l’Océan Indien. Aussi, les représentations liées à l’exercice d’un pouvoir
français se manifestent par une prépondérance d’influence via un control sur l’institution
bancaire, les écoles et la distribution d’énergie dans le IIIème arrondissement, lui conférant
une dimension hautement stratégique. Ce dispositif peut, dans un certain cas, être perçu
comme un dispositif d’assujettissement. Par contre, la Grande Ile n’étant pas une priorité
absolue, l’objectif de la stratégie chinoise reste le pragmatisme économique. La réussite
commerciale de la communauté chinoise dans le paysage urbain et l’inondation du marché
par les produits d’importations venant de chine créent une représentation ambigüe, basée
sur une concurrence économique déloyale, mais garante de l’amélioration du pouvoir d’achat
des Tananariviens. »
4
Par ailleurs, des hypothèses secondaires ont été mobilisées. D’une part, « les acteurs
économiques locaux conçoivent la possibilité d’un développement sans le pouvoir chinois mais
estimeront que le pouvoir français, notamment dans le secteur de l’enseignement, est
inéluctable pour atteindre ce développement. La capacité d’influence de la France demeure
donc plus importante que celle de la Chine dans le cadre d’un rapport de force. Cependant, la
puissance économique de cette dernière lui permet de combler de plus en plus ce retard,
notamment à travers la priorisation de la logique marchande sur les barrières
culturelles. »D’autre part, « l’exercice de ces pouvoirs exogènes sur l’espace va réinterroger le
concept de territoire Tananarivien, dans la mesure où l’on assiste à une rupture du patrimoine
paysager liée à une domination économique et une dépendance culturelle.»
Ce travail est composé de deux parties distinctes. La première partie traite de toutes les
grandes étapes qui ont constitué la démarche déductive et mené aux résultats de la recherche.
Les différents courants de pensée et l’élaboration des hypothèses de recherches (chapitre I)
déterminent la cadrature des concepts mobilisés (chapitre II), qui à leur tour servent de socle
scientifique aux travaux de terrain (chapitre III). La deuxième partie est consacrée à la
présentation des résultats de la recherche. Tout d’abord, l’analyse des grands enjeux
géopolitiques dans l’Océan Indien permet la compréhension des positionnements et stratégies
de la politique internationale Française et Chinoise (chapitre IV). Ensuite, à plus grande échelle,
l’accent est mis sur les représentations et dispositifs liés aux dimensions économiques des
pouvoirs français et chinois (chapitre V). Enfin, le dernier chapitre (chapitre VI) porte sur les
difficultés du soft power chinois face au triomphalisme culturel français. Notons que ces deux
derniers chapitres sont fondés sur une approche comparative qui a pour but de dégager la
géopolitique des représentations située dans le IIIème arrondissement.
5
Croquis 1-Le IIIème Arrondissement dans la Commune Urbaine d'Antananarivo
6
Première partie : Une démarche déductive, point commun de la
géographie, des sciences politiques et des sciences sociales
« Casser la hiérarchie habituelle des disciplines »
J.Bert, « Introduction à Michel Foucault »
7
Chapitre I Du global au local : une spécialité de la géographie
Dans le contexte mondial actuel où la transnationalité4 remet en cause la définition des
frontières, où le néolibéralisme triomphant crée une multitude de marchés et de flux à travers
tout le globe, la géographie est plus que jamais une science sollicitée permettant d’une part la
compréhension de phénomènes pluriels à diverses échelles et d’autres parts d’établir les liens
qui les relient entre eux.
1.1. Richesse de l’approche géopolitique
Propre à la géographie, la traduction spatiale apporte des éclaircissements et des
significations à des dynamiques et à des phénomènes apparemment éloignés entre eux, mais
faisant partie intégrante de la stratégie d’un ou de plusieurs acteurs. Le professeur Jack
Dangermond parle de Geoenlightenement à l’heure où certaines universités commençaient à
douter de l’utilité de la géographie. En effet, sous le crédo “what happened here has an impact
there5 », ce professeur argumente le rayonnement de la géographie dans l’appréhension d’un
monde ou l’hyperconnectivité amène à la multiplication des interactions, témoignant de la mise
en place d’un maillage universel complexe. La modernisation des systèmes d’informations
géographiques permet la lecture de données spatiales et d’en déduire des interprétations
pouvant être empiriquement fondées dans un délai plus court.
Ainsi, la mise en relation entre les ambitions géopolitiques dans l’Océan Indien et la
production de Pouvoir dans le IIIème arrondissement n’est permis qu’à travers un regard
géographique. Pourtant, les interactions peuvent conduire à l’apparition d’antagonisme et
4A.APPADURAI, « Apres le colonialisme, les conséquences culturelles de la mondialisation », Editions Payots et
Rivages, Paris, 2005 5En traduction littérale : « ce qui se passe ici a un impact la »
8
d’intérêts divergents qui vont se manifester par la production d’actions dans le réel et de
représentations. La géopolitique, en tant que « la géographie des pouvoirs» prend son essence
dans les rivalités, leurs conséquences et leurs enjeux. Elle établit les relations entre les pouvoirs
et les territoires, ce qui naturellement fait appel à la pluridisciplinarité mais aussi à des nuances
d’approche au sein même de la géopolitique. La présente recherche se base sur les principes de
l’école géopolitique américaine et l’école lacostienne. Dans une logique militaire, l’école de
géopolitique Américaine insiste sur la priorité du contrôle maritime dans la projection de
puissance des acteurs géostratégiques. Cette école nous a permis d’aborder les enjeux
géopolitiques dans l’océan Indien (chapitre IV) avec clarté et de saisir les comportements des
grandes puissances et des puissances émergentes ambitieuses de concurrencer ces dernières.
Yves Lacoste pour sa part, veut dépasser une vision centrée uniquement sur les facteurs
géographiques et propose l’insertion d’autres concepts dans l’analyse géopolitique. Il y ajoute
les concepts de territorialité et de représentations. Etant le point focal de ce travail, les
représentations ont piloté l’observation de l’exercice des pouvoirs exogènes dans le IIIème
arrondissement (chapitres V et VI) car elles constituent des « structures de sentiments
individuelles et collectives6 »reflétant les imaginaires et les perceptions.
Hormis l’influence du fondateur de la revue Hérodote, les orientations d’autres
chercheurs géographes ont également contribué à la construction intellectuelle de ce mémoire.
P.Claval (2011) a éclairé et démontré les défis futurs qui attendent le monde de la recherche
dans le contexte mondial actuel7, en insistant sur le caractère incontournable de la dimension
identitaire. Il affirme que « la globalisation conduit a des réactions souvent violentes
d’affirmation identitaire. Celles-ci sont d’autant plus fortes que les contacts se multiplient. Avec
des voyages plus rapides, plus faciles et meilleurs marché, les migrations internationales
s’intensifient. De nouvelles zones de tensions apparaissent au sein des grandes
agglomérations, où les minorités sont plus nombreuses ; des diasporas s’y organisent. Les
géographes d’hier ne marquaient aucun intérêt pour les questions identitaires. C’est 6ibid
7 Le contexte mondial actuel est malheureusement caractérisé par une expansion prégnante des tensions et des
heurts entre Etats, communautés, groupements religieux…
9
aujourd’hui une de leurs préoccupations essentielles8 » C’est pourquoi les fragmentations par
nationalité entre Chinois, Français et Malgache ont été appuyées au cours de cette recherche.
Par ailleurs, on ne peut oublier l’apport que C.Raffestin a transmis à travers la jonction de la
science géographique avec les théories du Pouvoir d’obédience Foucaldienne et Deleuzienne.
Outre l’intuition nécessaire à la posture du chercheur, la lecture des ouvrages de ces nombreux
auteurs ont grandement participé à l’élaboration des hypothèses de recherche tant essentielles
à la démarche déductive.
1.2. Revues de littérature : vers la construction des hypothèses de recherche
Tout au long de la préparation de ce mémoire, la documentation a été consultée sur
formats papier et numérique au sein des locaux de la bibliothèque du département de
Géographie, de la bibliothèque nationale et dans certaines bibliothèques privées de quelques
particuliers. Obligatoirement, la validité scientifique des ouvrages et des articles trouvés sur
Internet a été suffisamment vérifiée à travers la réputation des sites connus comme
principalement scientifiques tel « www.cairn.info » ou « www.hypergeo.com”. En tout, on peut
les répartir en 30 ouvrages, 22 articles scientifiques, mémoires, périodiques et rapports, 20
articles de journaux ainsi que 5 films documentaires. Une partie du volume empirique
embrigadé par l’ensemble de ces matériaux forme la matière première de la constitution des
hypothèses de recherche.
1.2.1 Les ouvrages et articles les plus constructifs
Dans l’optique où la présente recherche concerne les notions de Pouvoir, de territoire et
de représentations, la bibliographie a été orientée sur plusieurs disciplines allant de la
géographie aux sciences sociales, en passant par les sciences politiques. Les ouvrages de
R.Kaplan et de Z.Brzezinski ont été particulièrement décisifs dans la compréhension du système
8P.CLAVAL, 2011, « Histoire de la Geographie » Presse Universitaire de France
10
d’analyse « acteurs géostratégiques et pivots géopolitiques » afin de déceler les orientations
stratégiques de la Chine et des Etats Unis dans l’océan Indien. Cependant, ces œuvres se
démarquaient par l’absence d’analyse concernant les enjeux pour la France. Ainsi, la revue
Hérodote de 2012, spécialisée sur la Géopolitique de l’Océan Indien, avec son article « La
France et les enjeux stratégiques dans l’Océan Indien », est venue compléter le manque
d’information à ce sujet. Concernant la notion de « pouvoir » qui est naturellement au centre
de ce travail et généreusement développée dans le prochain chapitre, il a fallu explorer,
approfondir et regrouper les réflexions de plusieurs auteurs issus de formations différentes. En
premier lieu, le livre de P.Birnbaum intitulé « le pouvoir politique » a permis d’aborder le
caractère sanctionnant du « Pouvoir » à travers l’article de Laswell et A.Kaplan. Par la suite,
nous avons« l’acteur et le système » de M.Crozier et E.Friedberg qui démonte les mécanismes
de rapport de domination et se rapproche énormément des théories de M. Foucault à propos
de la dimension relationnelle du Pouvoir. Pour finir, l’ouvrage de Simon Lemoine dénommé« le
sujet dans les dispositifs de pouvoir » a été l’un des piliers phare dans l’élaboration des
hypothèses de recherche.
Pour la notion de territoire, les productions d’Y.Pesqueux, de F. Gros et d’A. Moine (voir
bibliographie) ont montré des approches et théories séduisantes. Dans son article « la notion
de territoire », Y. Pesqueux propose un éventail polysémique du terme dans le but de mettre en
évidence les différences selon les champs scientifiques (éthologie, économie, géographie,
anthropologie…).A partir de cette vision globale, le cheminement vers des courants de pensée
liant le territoire au pouvoir semblait plus pertinent. F. Gros par exemple, développe les
conceptions de M.Foucault et G.Deleuze permettant de « penser le Territoire à partir du
pouvoir mais aussi de penser le Pouvoir à partir du Territoire ». A. Moine, en tant que
Géographe, rappelle l’importance de la réappropriation de cette notion utilisée dans ce que
l’on définit comme « l’aménagement du territoire »et les implications de son caractère non
neutre.
11
Mis à part sa contribution inestimable dans la détermination de la typologie
d’échantillonnage, l’article d’A.Pires9 a présenté la méthodologie de recherche de Martel en
guise d’exemple dans l’étude des représentations. En effet, afin de découvrir les
représentations des femmes battues au Canada durant le XXème Siècle, Martel a sélectionné
des articles de presse portant sur son objet de recherche en appliquant le principe de
saturation. Lorsqu’une information devenait répétitive pendant une sous-période donnée, elle
considérait que la collecte de données était suffisante pour identifier les discours et donc les
représentations. Ainsi, s’inspirant de ce modèle, une partie des représentations liées à
l’exercice des Pouvoirs Français et Chinois ont été démasquées à travers les articles de journaux
publiés par deux quotidiens parmi les plus lus dans la capitale10 : l’Express de Madagascar et
Midi Madagasikara. Cependant, dans le but d’éviter une démarche trop réductive et afin de
diminuer les marges d’erreur, les résultats accumulés ont été combinés avec les données de
recherche du mémoire de maîtrise11, dans lequel on peut retrouver les perceptions des
Tananariviens de la présence chinoise grâce à une étude quanti-qualitative.
Enfin, l’ouvrage spécialisé de Carine Pina-Guerassimof s’intitulant « La Chine et sa
nouvelle diaspora, la mobilité au service de la puissance » a été d’une grande importance dans
la compréhension de la politique internationale chinoise axant sur le binôme « migration-
puissance »
1.2.2 Elaboration des hypothèses de recherche : l’identification des représentations
Les représentations sont, par définition, ce qui a été dit et répété. L’élaboration des
hypothèses de recherche s’est appuyée en premier lieu sur des discours officiels de la
diplomatie française. Indéniablement, lorsque la France parle de sa présence à Madagascar, 9A.PIRES, 1997« Echantillonnage et recherche qualitative : essai théorique et méthodologique », , Université
d’Ottawa, 10
Selon les sondages de Médiamétrie menés par l’Observatoire des medias et de la Communication à Madagascar 11
RATRIMOARIVONY, 2012 “les Dimensions Géopolitiques de la présence Chinoise dans le Grand Antananarivo”, Département de Géographie, FLSH, Université d’Antananarivo,
12
hormis son réseau consulaire c’est en premier lieu son influence culturelle, à travers les
établissements scolaires et les organisations culturelles, telles les Alliances Françaises12, qui est
mise en avant. Sur le plan économique, elle se présente comme le premier partenaire
commercial (727millions d’Euros d’échanges en 2015), le premier client (15.2% des
exportations malgaches en 2015) et le deuxième fournisseur (10.3% de part de marche)
derrière la Chine (24.8%). Mais au-delà de ces sphères macro-économiques, le discours officiel
avance « une présence française très importante soutenue par un dense tissu d’entreprises
françaises et des investissements en croissance. Les intérêts français sont anciens et couvrent à
Madagascar des secteurs variés : services financiers (Société générale, BPCE, Allianz),
téléphonie (Orange Camusat), les biens de consommation (Castel, Casino, Canal Sat), la
distribution de carburants et de gaz (Total, Air Liquide), BTP et immobilier, transports (Air
France, Air Austral, Corsair, Bolloré), tourisme et services. Il existe 170 filiales, dont 8
entreprises du CAC 40 (Air Liquide, Bouygues, Lafarge Holcim, Orange, Société générale, Total,
Vinci, Vivendi). Plus d’un millier d’entreprises à capitaux français sont installées à
Madagascar13. » Par conséquent, en couplant ce discours aux observations de terrain, l’exercice
d’un Pouvoir Français dans le IIIème arrondissement a été catégorisé en trois principales
composantes : les écoles, qui, même si elles ne font pas partie du réseau AEFE14, arborent un
attachement particulier à l’enseignement d’expression française ;Puis, le réseau bancaire,
caractérisé par la forte présence de la BFV-Société Générale et de la BMOI-BPCE ; Enfin, la
grande visibilité du géant Total dans le domaine de la distribution de carburants, qui est un
élément certain du paysage urbain de la capitale.
En deuxième lieu, selon les résultats de recherche du mémoire de maîtrise, la présence
chinoise à Antananarivo se résume aux « Commerce et au quartier de Behoririka » (voir annexe
IV) situés dans le IIIème arrondissement. La véracité de ces résultats a été appuyée par les
articles de presse. Pourtant, les scandales médiatiques en rapport avec l’exploitation aurifère
12
« La présence française à Madagascar », site officiel de l’ambassade de France a Madagascar. http://www.ambafrance-mada.org/La-presence-francaise-a-Madagascar 13
« La France et Madagascar », site officiel du ministère français des affaires étrangères . http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/madagascar/la-france-et-madagascar/ 14 Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger
13
de la Société chinoise Jiuxing mines à Soamahamanina, ont aujourd’hui contribué à l’évolution
des représentations de la Chine à Madagascar, focalisant également l’attention sur les
exploitations minières et leurs impacts. Toutefois, en tant que mémoire de MASTER, la
présente recherche ne peut prétendre mesurer toute la portée des conséquences de “l’affaire
Soamahamanina ». Les représentations liées à l’exercice d’un pouvoir chinois dans le IIIeme
arrondissement ont donc été subdivisées en deux composantes : les activités commerciales de
la diaspora chinoise et les produits importées venant de chine.
Le déploiement des activités dans le réel ne peut être neutre, et relève de prés ou de
loin, d’une volonté politique de l’Etat central, malgré l’indépendance des acteurs
(Multinationales, Organisations, simples opérateurs économiques…). L’enjeu majeur pour les
Etats Français et Chinois reste la protection et l’expansion de leurs intérêts (énergétiques,
frontaliers, économiques…). Ce postulat nécessite le développement de leur influence, voire
d’un pouvoir, auprès des autres pays qui constituerait un avantage stratégique dans le jeu des
rapports de force entre puissances. Dans une logique évidente de la démarche déductive, le
fondement empirique de ces hypothèses de recherche doit faire l’objet de processus de
confrontation passant par une épistémologie des concepts mobilisés qui seront utilisés durant
les travaux de terrain.
14
Chapitre II Mobilisation des concepts : Pouvoir, Territoire,
représentations
Dans une analyse géopolitique, le triptyque « Pouvoir-Territoire-Représentations » est,
par métaphore, le centre nerveux du corpus empirique, pouvant être à la fois objet d’étude et
outil d’analyse. Outre les représentations, le caractère polysémique du Pouvoir et du territoire
symbolise la complexité de ces concepts, mais également le grand intérêt du monde
scientifique en général. En ce sens, la définition de ces concepts et leurs utilisations dans ce
travail doivent faire l’objet d’une véritable précision, et être porteuses de significations.
2.1. Le pouvoir, une réalité au-delà de l’influence
2.1.1. Le pouvoir n’existe que dans une relation et dans des structures
Dans son ouvrage intitulé « De la géopolitique aux paysages 15», Yves Lacoste précise
qu’il y a plusieurs formes de pouvoir et qu’ils ne trouvent leurs significations que dans leurs
exercices sur des territoires. En effet, plusieurs chercheurs s’accordent à dire qu’au-delà des
« analyses politiques classiques… le pouvoir n’est pas assimilable à un bien… il s’exerce, et
n’existe qu’en acte16 ». Par conséquent, en rapport aux chapitres V et VI de ce mémoire,
l’objectif est de comprendre les mécanismes de Pouvoir qui s’exercent à travers certaines
particularités de la présence française (banques, écoles et stations-services) et chinoise
(Commerce, produits manufactures, exploitations minières), ainsi que les impacts de leurs
représentations sur les acteurs économiques locaux, ou les individus qui y sont liés peu ou
prou.
15
Y.LACOSTE, 2003 “De la geopolitique aux paysages, Dictionnaire de la geographie”, Armand Colin 16
J.HORTONEDA, 2005/3 “Sécurité,territoire,population et Naissance de la biopolitique de Michel Foucault Contrechamp », EMPAN numeros 59
15
Pour permettre un dispositif de pouvoir, il faut deux entités, au minimum, que l’on va
nommer A et B (voir figure 1). A représentera les composantes de la présence française ou
chinoise et B, les acteurs économiques locaux ainsi que les acteurs estimant avoir des relations
avec les activités de A. Le pouvoir se présente comme « un faisceau ouvert plus ou moins
coordonnée 17 ».Mais le pouvoir que A applique sur B n’est opérationnel que s’il y a
« productions d’effets voulus18 » et doit s’accompagner de précisions, c'est-à-dire dans quels
domaines ce Pouvoir s’exerce-t-il afin de mesurer l’étendue de celui-ci. « Le pouvoir français »
et « le pouvoir chinois » seront définis comme tout flux de pouvoir émanant des entités
françaises et chinoises ou des représentations issues de ces entités.
Figure 1-La dimension relationnelle du Pouvoir dans une structure
A B
P
Structure de jeu
On peut en déduire que l’exercice d’un pouvoir n’existe que dans des structures. Si on
prend comme exemple les sociétés contemporaines, le néolibéralisme est« la structure de
jeu19 » dominante dans laquelle s’inscrivent les dispositifs de Pouvoir. Cette structure de jeu
établit des règles et a pour objectif l’accumulation de capitaux. Cette dernière est conditionnée
par la mobilisation des moyens de production et l’existence de la demande, donc tributaire des
comportements et des représentations de la population. M.Foucault parle ainsi de la
17
ibid 18
P.BIRNBAUM 1975, définition de B.RUSSEL « le pouvoir politique », Dalloz 19M.CROZIER ET E.FRIEDBERG, 1977 “l’acteur et le système”, Edition du Seuil
16
biopolitique ou bio-pouvoir 20 . Par transposition, prenons le discours suivant en guise
d’exemple : « les institutions bancaires telles la BFV-SG ou la BMOI consistent à assurer la
sécurisation de mes richesses ; l’intégration des enfants dans les écoles d’expressions françaises
sont la garantie de réussite scolaire et la distribution de carburant par TOTAL assure le
déplacement de mes proches ou de ma personne ». De même,« les produits d’importations
chinoises constituent l’unique solution pour l’amélioration du pouvoir d’achat de la population,
les commerces chinois créent de l’emploi pour une population victime du chômage… ».Si ces
représentations sont acceptées par B, alors on peut dire que A produit réellement du pouvoir
sur B. Précisons que le sens donné au Pouvoir ici ne constitue pas une image sombre ou
dévalorisante de celui qui l’exerce ou le subit, mais démontre l’existence d’une notion pouvant
être instrumentalisée et qui nous permet de penser ou repenser les relations avec les individus
et les systèmes qui nous entourent.
Cependant, en tant que processus relationnel, et donc imprégné de réciprocité, B peut
également exercer du pouvoir sur A. En tant que structure de jeu, le néolibéralisme peut créer
la concurrence et ainsi laisser le choix à B d’opter pour d’autres solutions. D’un point de vue
économique, ce choix peut par exemple dynamiser le marché et faire baisser les prix de A. Ce
qui implique « la production d’effets voulus » de B sur A. Ainsi, les deux entités produisent du
pouvoir sur l’une et l’autre.
Mais si le pouvoir s’exerce dans les deux sens, comment expliquer alors l’apparition de
rapport de domination, de déséquilibre et l’émergence des notions de « contrôle » ?
20
“Le bio-pouvoir a été à n’en pas douter, un élément indispensable au développement du capitalisme ; celui-ci n’a pu être assuré qu’au prix de l’insertion contrôlée des corps dans l’appareil de production et moyennant un ajustement des phénomènes de population aux processus économiques ». J.HORTONEDA, ibid
17
2.1.2. La maîtrise des incertitudes, des ressources et des dispositifs d’assujettissements crée la dépendance
Les rapports inégalitaires dans les relations de pouvoir peuvent revêtir plusieurs causes,
du fait que les rapports humains s’inscrivent dans des champs inégalitaires. Cette inégalité est
due à deux facteurs : les sources d’incertitude et l’engagement des ressources.
« Les acteurs mobilisent les sources d’incertitudes pertinents qu’ils contrôlent dans une
structure de jeu donné21 ». Les zones d’incertitudes sont des parcelles du réel que l’un des
acteurs maîtrise au détriment de son interlocuteur. L’incertitude laisse place à l’insécurité, à la
méconnaissance des fonctionnements du système et des informations capables d’apporter un
changement au contexte.
Les ressources quant à elles, sont les moyens qui définissent la capacité d’action et
possèdent la faculté de créer des récompenses22 et des sanctions23. Analyser des relations de
pouvoir consisterait à analyser des interactions et/ou des échanges impliquant marchandage et
intégration. Les entités A et B (figure numéro 1) seraient par conséquent en constante
négociation. Celle qui mobilise le plus de ressources et qui maîtrise le plus grand nombre de
zone d’incertitude arrive à créer un déséquilibre et ainsi, arrive à engendrer un rapport de
dépendance. Mais il ne suffit pas de posséder un avantage quantitatif, car seule la pertinence
de ces avantages par rapport à l’objet et au contexte détermine véritablement l’ascendance de
l’un sur l’autre: l’emprise des produits d’importations chinoises sur le marché tananarivien à
travers le seul argument de l’accessibilité du pouvoir d’achat ne suffit pas, dans la mesure où un
autre concurrent peut offrir les mêmes prestations. Cet argument ne peut devenir pertinent
que si les produits chinois détiennent le monopole de cette accessibilité.
21M.CROZIER ET E.FRIEDBERG, ibid 22
P.BIRNBAUM, ibid, « Les récompenses régulières placent les bénéficiaires dans la dépendance de celui qui les accorde et les soumettent a son pouvoir du fait qu’elles font naitre des espoirs qui font que leur suppression prend valeur de punition » 23
Ibid, « la possibilité de recourir à des sanctions si les effets voulus ne se produisent pas. C’est la menace de
sanctions qui différencie le pouvoir de l’influence en général. Ces sanctions peuvent être effectives ou
hypothétiques » P50
18
Une fois que la maîtrise de ces deux facteurs est assurée, il est possible d’assister à
l’émergence d’un dispositif d’assujettissement. Les dispositifs opèrent de façon diffuse,
difficiles à percevoir, mais structurent nos comportements et nos représentations. Simon
Lemoine les décrit comme des « microphysiques des rapports de pouvoirs24 ». Pourtant, ce ne
sont pas forcément des systèmes contrôlés ou manipulés par un acteur donné, mais des
systèmes qui évoluent comme il a été dit ci-dessus dans des structures de jeu. En d’autres
termes, un dispositif d’assujettissement d’un pouvoir Français peut apparaître sans que cela
émane de la volonté de l’Etat français. La première étape dans ce processus consiste à la mise
en place de « répétitions d’actions », c'est-à-dire l’introduction dans « la routine », dans des
cycles. La sensibilité des hommes aux discours qui vont se manifester de manière répétée est
une dimension majeure dans la perception des pouvoirs Français et Chinois. Même si un acteur
estime que la coopération chinoise est fort séduisante, et qu’il la juge nettement plus
avantageuse pour le pays ou pour ses intérêts, la force des discours répétés sur l’impérativité
de la maîtrise de la langue Française à Madagascar va cependant l’assujettir à cette langue et
peut piloter l’ensemble de ses choix. L’assujettissement ne doit pas être confondu avec la
domination car celle-ci insinue une soumission et une subordination. Or, chaque individu a
toujours une marge de manœuvre incluant une marge de liberté.
Néanmoins, « seule une cartographie, permet de dégager les lignes de force du
dispositif. Ce n’est pas tel point qui est assujettissant, ce sont milles points avec lesquels on
aura été en contact milles fois, qui vont de manière souvent lente et imperceptible, conduire
les conduites et même dire les sujets25 ». Ce dispositif n’est donc efficace que s’il s’exerce dans
l’espace vécu. Dans le but de déterminer l’existence hypothétique d’un dispositif
d’assujettissement, il est important de démontrer la répartition spatiale des banques, des
écoles et des stations-services dans le IIIème arrondissement.
24
S.LEMOINE, 2013, « Le sujet dans les dispositifs de pouvoir », Presse Universitaire de Rennes 25 ibid
19
La production de pouvoir sur des territoires et la création de représentations
territoriales à partir d’enjeux de pouvoir traduit l’interconnexion permanente de ces trois
concepts.
Figure 2-Les rapports d’ascendance du Pouvoir
A B
P
Structure de jeu
R
ZI
R
ZI
Notons R et R les ressources que A et B peuvent engager Notons ZI et ZI les zones d incertitude que A et B peuvent contrôler
Si R > R et/ou si ZI > ZI => il y a rapport d ascendance de A sur B et inversement
Rapport d ascendance + « répétition »=> apparition de dispositif d assujettissement
20
2.2. La contextualisation culturelle de la définition du territoire
A l’ère de la mondialisation où un Indien peut devenir chef d’une grande entreprise aux
Etats-Unis, ou encore lorsqu’une multinationale chinoise peut devenir la plus grande unité
créatrice d’emploi dans un pays africain, qu’est ce qui définit le territoire désormais ?
Au regard de l’éthologie (étude du comportement animal), le territoire est un espace
que l’on s’approprie et qui s’avère pour un être vivant, le prolongement de lui-même dans le
but de se protéger de menaces extérieurs. Malheureusement, on ne pourrait se satisfaire de
cette définition car en tant que construits humains tel qu’on le conçoit, ce concept relève de
plusieurs approches, d’une multitude de posture, il est au « centre des représentations que
nous nous faisons de la complexité qui nous entoure26 ».Au-delà du schéma classique ci-
dessous, G Di Méo affirme que « le territoire est souvent abstrait, idéel, vécu et ressenti plus
que visuellement repéré27 ». Le concept relève donc en majeure partie de la subjectivité de
l’individu. Cependant, cet individu en tant qu’être social, fait partie d’un groupe. C’est pour
cette raison que l’on peut également associer le territoire à un projet commun, une volonté de
vivre ensemble malgré la pluralité culturelle des membres du groupe. Cette dimension
témoigne déjà de la complexité d’une approche du « territoire ».
Dans le contexte de cette recherche qui traite d’un territoire malgache, la définition
retenue sera celle de C.Raffestin : « le territoire consiste en une transformation de l’espace par
l’homme influencé par les informations à disposition dans sa culture ». Pour le malgache, le
foyer est l’espace géographique d’où l’on vient, communément appelé « la terre des
ancêtres ». C’est l’héritage qui rappelle l’attachement et l’affection des ancêtres pour leur
descendance et qui doit être transmis aux générations futures. De ce fait, ces dernières doivent
pouvoir jouir des richesses de ce territoire dont la fonction sera d’assurer leur bien-être.
L’aménagement du territoire, les organisations spatiales et les systèmes de valeurs et de
réseaux doivent donc répondre à l’intérêt général des générations actuelles et futures. Nous
26
A.MOINE, 2006/2 “Le territoire comme un système complexe : un concept opératoire pour l’aménagement et la géographie », l’Espace géographique (tome 35), p 98 27ibid
21
posons dès lors la question : les représentations territoriales actuelles dans le IIIème
arrondissement correspondent-elles à cette conception ?
Les pouvoirs dits exogènes (français et chinois) agissent sur ce territoire en corrélation
avec les représentations qu’ils s’en font ; des représentations d’ailleurs d’ordre hétérogènes.
Pour certains ressortissants chinois, le pays est un espace d’accueil dans lequel ils se projettent
dans l’avenir, alors que pour d’autres, ce n’est qu’un espace sur lequel ils voient un moyen
d’accumuler du profit pour ensuite revenir en Chine28. Les grands groupes Français (Société
générale, TOTAL, BPCE…) par contre dans une logique économique de grandes entreprises,
ambitionnent la pérennisation de leurs activités sur ce territoire. Il serait donc tout à fait
normal que, de par la nature de leurs représentations territoriales de l’espace malgache et de
leurs stratégies, les typologies de l’exercice des pouvoirs français et chinois soient
diamétralement différentes.
La mobilisation de ces concepts a été primordiale dans la construction du regard du
chercheur sur l’espace étudié. Ce second chapitre est la matière première des hypothèses
théoriques, de l’élaboration des questionnaires de recherche, de l’identification des
informations et des données nécessaires à la démonstration empirique. La confrontation des
hypothèses de recherche au réel nécessite indubitablement des travaux de terrain.
28
C.PINA-GUERASSIMOFF, 2012, « La Chine et sa nouvelle diaspora, la mobilité au service de la puissance” Editions ellipses
22
Chapitre III Les travaux de terrain et les limites de la recherche
A grande échelle, les travaux de terrain ont été menés à partir d’une approche
dichotomique et comparative. En effet, les pouvoirs français et chinois dans le IIIème
arrondissement revêtent des formes tout à fait différentes bien qu’en tant que voies de
circulation du pouvoir, les points communs des stratégies adoptées étaient la séduction et le
réseau. Les différentes étapes de la démarche déductive sont représentées par la figure n°3
3.1. Spatialisation et informations quantitatives
Selon P.Claval, « la carte permet de détecter les configurations qui n’apparaissent qu’en
changeant d’échelles29 ». Au total, neuf croquis ont été élaborés pour ce mémoire en utilisant
le logiciel Arcgis 10.2. A l’échelle de l’Océan Indien, l’étude s’est uniquement appuyée sur une
documentation (ouvrages, articles…) scientifique30 et nous a permis de confirmer une partie de
notre hypothèse principale sur l’enjeu que représente Madagascar pour la France et pour la
Chine. La complémentarité de plusieurs travaux (R.Kaplan, Revue Hérodote…) a abouti à
l’élaboration des croquis portant sur les grands enjeux géopolitiques dans l’Océan Indien
(croquis numéros 2 et 3). La lecture de ceux-ci démontre rapidement l’importance des points
géographiques stratégiques et des voies d’approvisionnement. L’insertion de données
géoéconomiques n’était pas nécessaire, car la présence des informations d’ordre militaires
illustre suffisamment le souci de sécurisation des grandes puissances sur les zones estimées de
premier ordre.
A l’échelle du IIIème arrondissement, la spatialisation des informations a uniquement été
rendue possible grâce à l’utilisation d’un GPS professionnel (Garmin Etrex 30). Ce travail a servi 29
P.Claval, ibid p42 30 Voir bibliographie
23
à l’élaboration de tous les croquis à partir du numéro 6 jusqu’au numéro 8 et a été réalisé au
cours du mois de Septembre 2016. Pour la majeure partie, les informations spatiales et
quantitatives ont été recueillies auprès des institutions ou des organisations responsables ayant
un lien direct ou indirect avec les activités observées. Ainsi, la liste des banques et des stations-
services a été fournie par les sièges centraux respectifs des sociétés. Néanmoins, toutes les
filiales françaises ont refusé de communiquer les informations d’ordre économiques et
quantitatives car « ce sont des données extrêmement sensibles et stratégiques relevant de
l’intérêt privé» selon les arguments des divers responsables. Pourtant, une dimension
géoéconomique aurait été d’un apport plus que fructueux, dans la mesure où une étude
comparative du nombre de clients par agence aurait non seulement permis d’établir un
classement des banques, mais également de déterminer le poids et les perspectives du marché
bancaire par rapport à la monographie du IIIèmearrondissement. La même problématique
s’impose aux stations distributrices de carburant. Les données recueillies au sein de l’Office
National de l’Education Privée (ONEP) et du CISCO par contre, ont grandement facilité la
spatialisation des écoles mais ont également mis en exergue le rapport entre le nombre des
écoles dites d’expressions françaises et les autres écoles. Par ailleurs, la spatialisation des
activités chinoises (croquis numéros 9) n’a été rendue possible qu’à partir de l’observation du
terrain. L’initiative consistait à construire un croquis comparatif en spatialisant les zones de
polarisation des activités chinoises et celles des activités malgaches. En effet, le centre fiscal du
IIIèmearrondissement a répertorié plus de 7000 sociétés contribuables formelles.
Malheureusement, cette base de données ne comprenait aucune distinction de nationalité
dans la mesure où « une telle catégorisation serait synonyme de discrimination ». Ainsi, les
croquis à l’échelle locale peuvent encore faire l’objet d’amélioration et de précision au cours
d’une prochaine recherche disposant d’un délai plus long.
24
Figure 3-Les grandes étapes de la démarche déductive
25
3.2. Echantillonnage qualitatif pour une étude de représentation
Dans une étude portant sur les représentations, l’approche qualitative semble être plus
déterminante que l’approche quantitative. En effet, une structure quantitative nécessite un
certain pourcentage représentatif (à peu près 10%de la population étudiée) difficile à
atteindre au vu du nombre d’habitants dans le IIIème arrondissement (153.000 habitants31).
Or, il est question ici de percevoir les représentations d’acteurs locaux vis-à-vis de pouvoirs
exogènes. Ainsi, plutôt que de mettre l’accent sur des règles techniques d’échantillonnage,
la sélection se concentrera surtout sur le rapport entre l’échantillon et l’objet. Désormais, il
ne s’agit pas de récolter les perceptions de tous les acteurs économiques ou de toute la
population du IIIème arrondissement. Il sera plutôt question d’appréhender le discours des
représentants des groupements ou des sous-groupes maîtrisant les craintes, les espoirs et le
positionnement des individus qu’ils sont censés représenter.
Le type d’échantillonnage qualitatif retenu a donc été l’échantillonnage par contraste32.
L’objectif est de présenter une mosaïque de cas qui permet de comparer les attitudes des
sous-groupes face à l’exercice des Pouvoirs français et chinois. La comparaison va créer la
répétition des attitudes et de certaines perceptions pouvant tendre vers une relative
généralisation. Les sous-groupes qui ont été approchés sont : le Groupement des
Entreprises Malgaches (GEM), le Syndicat des Industries de Madagascar (SIM), Le
Fivondronan’ny mpandrahara malagasy (FIVMPAMA), Jery sy Paikady ho an’i Madagasikara
(ex jeune patronnat de Madagascar), la Chambre de Commerce et d’industrie
d’Antananarivo, les commerçants du marché artisanal de Pochard et d’Andavamamba,
l’association TAMIFA Madagascar œuvrant dans la promotion du leadership, le corps de la
Police nationale, le centre fiscal du IIIème arrondissement, la Direction Générale des Impôts
et l’Institut Confucius de l’Université d’Antananarivo.
Le choix des enquêtés a été établi par rapport aux nombres d’années d’appartenance et
à la fonction de responsabilité détenue au sein des sous-groupes : les enquêtés devaient
31
D’apres le site officiel de la Commune Urbaine d’Antananarivo source: http://mairie-antananarivo.mg/ 32 A.Pirez,ibid
26
être membre du sous-groupe depuis cinq ans et occuper un poste de décision (élu ou
nommé). Dans une approche qualitative, chaque cas doit avoir un certain volume de
matériel empirique, et, de ce fait, les entretiens ont été menés sous forme de questionnaire
ouvert (voir annexe 1). Ce dernier a été créé à partir de la mobilisation des concepts clés
développés dans le chapitre précédent et peut varier selon l’identité de l’interlocuteur,
c'est-à-dire en fonction de la typologie du lien existant entre les sous-groupes et l’objet de
l’enquête.
Le premier entretien s’est déroulé avec le commissaire Aina Randriambelo, qui était en
2014 Directeur de la Formation de la Police Nationale, et qui avait à l’époque intégré
l’apprentissage du mandarin dans le programme de formation en collaboration avec
l’Institut Confucius. Les autres personnalités qui ont été favorables à une rencontre sont:
Mr Fenohasina Raobelina, chef de service du Système d’Information Fiscal, Mme Zo
Rasendra, Directrice de l’Institut Confucius ; Mr Andrianavalona Olivier, président national
de l’association TAMIFA ; Mr Fredy Rajaonera, Président du SIM ; Mr Gil Razafintsalama,
vice-président de la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Antananarivo. Les autres
personnalités ont préféré garder l’anonymat mais ont donné leur autorisation pour être les
représentants des entités dont elles sont membres. Aussi, nous avons également rencontré
un directeur au sein du Ministère de l’Economie et des Finances ; un directeur du Ministère
du Commerce et de la Consommation ; trois commerçants du marché artisanal de
Pochard et trois autres commerçants du marché artisanal d’Andavamamba. Ce quartier ne
fait certes pas partie de notre zone d’étude, mais il a été estimé qu’une approche
comparative entre des acteurs assez éloignés géographiquement était intéressante, ce pour
enrichir la démonstration empirique. Cependant, inhérent à toute recherche, de
nombreuses difficultés ont été rencontrées au cours de l’élaboration de ces travaux, mais
paradoxalement ont été porteuses de significations.
27
3.3. Les limites de la recherche
Au cours de la recherche, à la vue du mot « géopolitique33 », plusieurs personnalités et
responsables ont fait preuve de beaucoup de méfiance, probablement dû à la méconnaissance
des fondements de l’approche mais aussi à la présence du terme« politique ». Souvent les
responsables demandaient une attestation de recherche où le thème du mémoire était
amplement visible. Ce fut le cas des collègues du Commissaire Aina Randriambelo. En effet,
malgré son intervention, les commissaires des services de la police économique et de la brigade
criminelle nous ont reçu (sans doute par politesse) mais ont refusé de répondre à nos
questions. Par ailleurs, les grands responsables des associations économiques nous ont avoué
que la question française ou chinoise à Madagascar était un sujet sensible, et que, pour des
raisons de « stratégies et de lobbying commercial », les entrepreneurs refuseront de donner
leurs véritables perceptions de ces présences dans le cadre d’un travail publié, malgré un
intérêt très prononcé pour celui-ci34.Paradoxalement, les mêmes personnes ont émis le souhait
d’accéder aux résultats de la présente recherche. Dans une interprétation scient ifique, ces faits
traduisent déjà l’exercice des pouvoirs français et chinois sur les responsables malgaches, dans
la mesure où il y a déjà à ce niveau une peur de sanction hypothétique ou réelle vis-à-vis de
leurs intérêts professionnels et/ou personnels.
Outre le refus d’accès aux informations quantitatives auprès des établissements privées, le
manque substantiel d’études et de recherches critiques portant sur les filiales françaises
soulève plusieurs questionnements. La forte présence économique française est-elle désormais
intégrée au point de ne susciter aucune curiosité intellectuelle de la part du monde
universitaire malgache ? Doit-on reconsidérer cette approche par nationalité au regard d’une
mondialisation libérale où la puissance et la notoriété des transnationales ne reposent plus sur
leurs pays d’origine mais sur leurs capacités à se délocaliser, à se diversifier et à prospérer dans
la durée ? Malgré cette évolution, les firmes continueront à « s’adosser sur la puissance
34
Effectivement, les enquêtés ont porté un grand intérêt au thème mais ont été réticent a réellement développer leurs réponses au cours des entretiens
28
militaire, monétaire, commerciale35 » et les systèmes de réseau « des Etats dominants dont
elles sont originaires ».A l’ère du progrès numérique, la problématique de l’accessibilité et de la
centralisation des recherches et des informations au sein des Universités à Madagascar doit
être dépassée et devrait constituer la priorité des décideurs universitaires. Ce projet permettra
le désenclavement des disciplines et de la réflexion ouvrant la voie à un enrichissement
intellectuel par l’échange, le débat et, peut-être, favoriser l’apparition de nouvelles innovations
et la mobilisation d’énergies créatrices (groupes de recherches estudiantins, périodiques
universitaires numérisés, valorisation de réseau…).
Le défi d’observation et d’interprétations imposait la conciliation du cadre conceptuel, des
hypothèses de recherche et de l’effort d’objectivation du chercheur.
35L.CARROUE, 2014, « géographie de la mondialisation », Edition Armand Colin
29
Deuxième partie : La mondialisation libérale, source des enjeux
géopolitiques français et chinois à deux échelles : l’océan indien et le
IIIème arrondissement de la CUA
« Il me suffit de connaître la géographie d’un pays pour comprendre sa politique
extérieure »
Napoléon Bonaparte
30
Chapitre IV Les enjeux géopolitiques dans l’Océan Indien : une clé de
lecture des dynamiques locales
Ce chapitre se consacre uniquement à l’analyse à petite échelle. Il s’agira de dégager les
enjeux géopolitiques déterminant les priorités des acteurs géostratégiques, notamment celles
de la France et de la Chine. A l’instar de quelques exemples qui seront développés, ces priorités
dictent l’implication d’un acteur à l’échelle locale
4.1. Sécurité, détroits stratégiques et échanges commerciales : une partie Nord
beaucoup plus importante
L’Océan Indien est l’océan le plus nucléarisé des sept mers demeurant au centre des
futures préoccupations géopolitiques du XXIèmesiècle. En tout, on y retrouve 7 puissances
nucléaires dont les Etats-Unis, Israël, la France, la Grande Bretagne, le Pakistan, l’Inde et la
Chine. On y observe également 75% des échanges commerciaux mondiaux composés
essentiellement de ressources stratégiques (pétrole, gaz, charbon, minerais…) et une grande
diversité culturelle issue de la rencontre entre plusieurs civilisations (Islamique, occidentale,
bouddhique, Confucéenne, Hindouiste). Mais au-delà de ces dimensions anthropiques, c’est le
déterminisme physique36 qui va surtout dicter le comportement et les actions des Etats
œuvrant dans cet espace. Le croquis numéro 2 affiche toute la complexité qu’engendre
l’existence des trois détroits (Bab El Mandeb, Ormuz et Malacca) amenant à l’apparition de
rivalités, de compétitions et d’alliances entre plusieurs pays riverains et non riverains de
36
Dans son ouvrage “The Revenge of the geography”, R.Kaplan rappelle l’héritage d’Hérodote et de ses successeurs qui affirmaient que « la carte détermine presque tout en ne laissant qu’une petite marge de liberté aux actions humaines ». Par conséquent, dans le but de maitriser leur destin, les hommes et les Etats devaient dépasser « la fatalité » engendrée par ce déterminisme physique
31
l’Océan Indien. Dans la tradition de l’école géopolitique américaine, c’est la capacité d’une
nation à protéger ses navires marchands qui détermine sa puissance.
La militarisation croissante de cet océan est légitimée par la sécurisation et le contrôle
de ces trois détroits garantissant les modes de vie des sociétés occidentales, mais également
des sociétés d’Asie et d’Afrique consommatrices d’énergies pétrolières. En effet, près de 40 %
des importations mondiales de pétrole provenant du Moyen- Orient, et plus de 80 % du
commerce maritime du pétrole transitant par les détroits de Bab-el-Mandeb, Ormuz et
Malacca. En tant que point de passage reliant l’Océan Indien et le canal de Suez (donc la mer
méditerranée), le détroit de Bab El-Mandeb permet la facilitation des échanges entre l’Europe
et l’Asie. Cependant, la région se distingue par une instabilité omniprésente en raison de la
piraterie au large de la Somalie et du conflit lié au terrorisme au Yémen. Aussi, on y observe
une présence militaire massive de la France, des Etats-Unis et de l’Union Européenne37mais
aussi des flottes Indiennes et Chinoises anti-piraterie. Cette participation plurielle peut être
interprétée de deux façons : d’une part, elle traduit la volonté des puissances industrielles et
des puissances émergentes d’agir en commun dans la protection des voies maritimes favorisant
les échanges commerciaux et ainsi, démontre l’interdépendance des économies Européennes
et Asiatiques. D’autre part, on peut en déduire que les Etats-Unis et les puissances Européennes
ne peuvent plus s’ériger en tant qu’unique « gendarme du monde » et doivent désormais
composer et argumenter avec la montée croissante des puissances chinoise et indienne.
Pourtant, les Etats-Unis restent la superpuissance dominante grâce à ses nombreuses
bases et sa supériorité navale38. L’inflexibilité et le discours belliqueux de l’administration
Américaine vis-à-vis de la question Iranienne prend son essence dans la place importante
37 Une base militaire Française et une autre base Américaine se sont installés à Djibouti. « En effet, le passage par Bab el Mandeb plutôt que par le cap de Bonne Espérance permet un gain de temps de 14 jours sur un voyage entre le golfe Persique et l’Europe et une économie en carburant de 800 000 dollars pour un VLCC (Very Large Crude Carrier) et de 2,7 millions de dollars pour un porte-containers. Au total, la société V-Navy évalue à plus d’un million de dollars le surcoût du passage par le cap de Bonne Espérance pour un VLCC, en comptant l’économie de 500 000 dollars de la redevance de passage par le canal de Suez ».source : site officiel de l’Assemblée Nationale Française. http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i1670.asp 38
Trois flottes Américaines interagissent dans l’Océan Indien dont la Vème flotte qui surveille les abords du Golf Persique.
32
qu’occupe le détroit d’Ormuz dans la géopolitique du Pétrole car 17 millions de barils
traversent ce détroit par jour dont 85% va en direction de l’Asie. Le contrôle de ce dernier
constitue une pression stratégique et avantageuse sur la Chine, dont la croissance économique
est largement dépendante de l’approvisionnement en pétrole provenant du golfe Persique.
C’est d’ailleurs cette réalité qui incite Pékin à se tourner de plus en plus vers le pétrole Africain
tel l’Angola, le Nigeria et le Soudan en guise d’alternative.
33
Croquis 2-Militarisation et détroits stratégiques dans l'océan Indien
34
De surcroit, il est peu probable que l’on assiste à un retrait Américain de la zone en
raison de plusieurs facteurs. En effet, toute éventuelle action des Etats-Unis sur l’Iran ou dans le
Moyen Orient proviendra des bases situées dans l’Océan Indien. Par ailleurs, la protection
d’Israël et les accords de coopération avec les grands producteurs de pétrole comme l’Arabie
Saoudite, qui a joué un rôle important dans l’effondrement de l’URSS, oblige un maintien d’une
force militaire effective.
En outre, le détroit de Malacca reste le point de convergence du commerce maritime
dans l’Océan Indien, faisant transiter les produits pétroliers mais également les biens
manufacturés originaires des grands ateliers de fabrications chinoises. Cette immense
opportunité économique fait de ce passage une zone d’activité de la piraterie, au sein de
laquelle l’intervention occidentale est plus timide. Les pays responsables de la lutte contre la
piraterie sont essentiellement les pays riverains tel la Malaisie, Singapour et la Thaïlande. C’est
aussi le principal point d’accès de l’Océan Indien vers l’Océan Pacifique permettant le
ravitaillement du Japon et de la Chine qui voient en lui le maillon faible de son circuit
d’approvisionnement (nous y reviendront).
Tableau 1-Le poids commercial des trois détroits stratégiques
Nombre de
bateau
Nombre de baril par jour (en
millions)
Part dans le commerce mondial de pétrole en %
Part dans le transport maritime mondial en %
Bab el mandeb
20.000/an 3.8 8 10
Ormuz 50.000/an 17 20 35
Malacca 50.000/an 15.2 16 25
Source : Energy Information Administration américaine, 2013
La nature géoéconomique du réseau s’étirant du Canal de Suez au détroit de Malacca,
en incluant le détroit d’Ormuz, fait de cette route commerciale un enjeu majeur de la
mondialisation libérale et présente l’Inde comme le pivot géopolitique central de la région. Une
35
position guère appréciée par la Chine dont le principal souci reste la sécurisation et la
régularisation de son approvisionnement en matières premières. L’Inde est devenue également
un concurrent non négligeable sur le nouveau marché Africain. L’exposition des navires
marchands chinois à une éventuelle menace Indienne ou autre, pousse l’Etat chinois au
développement de sa marine de guerre, mais aussi à la construction d’un dispositif basé sur un
« soft power » opérationnel et pragmatique. Les principales puissances en activité (Etats-Unis,
Inde, Chine) se livrent dès lors à un concours de projection dans l’espace, dont l’objectif est
l’accroissement des moyens de dissuasion en évitant de recourir à un conflit ouvert.
4.2. Les priorités chinoises face aux rivaux Indiens et Américains
Le circuit d’approvisionnement depuis l’Afrique et le Moyen Orient reste un dilemme
pour la Chine. Comme il a été vu, le parcours est composé de plusieurs détroits contrôlés par
d’autres pays et exposé à l’influence directe du rival Indien. De ce fait, la stratégie chinoise va
reposer sur le principe « des colliers de perles39 ». Un dispositif qui consiste à la construction de
nouvelles bases en bordure des pays localisés le long des voies de communications maritimes.
Ce sont les « emblèmes du succès du soft power chinois 40 » car elles contribuent aux
rapprochements diplomatiques et au renforcement de la coopération avec les pays hébergeurs.
Ces constructions sont à la fois des ports d’accueil pour les navires marchands, des centres de
commerce et d’entreposage, des espaces d’industrialisation et peuvent prétendre à une
vocation militaire en logeant des bâtiments de guerre. On peut y stocker les produits
manufacturés à destination du Moyen Orient, de l’Afrique et de l’Europe mais également les
produits stratégiques (pétrole, gaz et minerais) en partance pour la Chine.
Le croquis numéro 3 expose pour ainsi dire un dualisme entre la stratégie indienne et
chinoise. Le port de Gwadar au Pakistan possède désormais une raffinerie de pétrole et
provoque le mécontentement du gouvernement Indien au regard de trois facteurs. En premier
39
Cette appellation a été attribuée par le cabinet-conseil Booz Allen Hamilton avant d’avoir été vulgarisé et repris par tous les centres de recherches étudiant la stratégie chinoise dans l’Océan Indien. 40 R.KAPLAN, ibid
36
lieu, les relations Indo-pakistanaises revêtent une histoire entachée de conflits et de tensions
(entre hindouisme et islamiste, la région du cashmere…), incluant alors une dimension très
affective. Par la suite, le détroit d’Hormuz représente la même problématique pour l’Inde que
le détroit de Malacca pour la Chine dans la mesure où le positionnement de ce port peut
endiguer l’approvisionnement indien en provenance du golfe persique. Enfin, le « collier de
perle chinois » est considéré comme un encerclement du sous-continent Indien car la Chine se
sert de sa diplomatie pour obtenir des positions stratégiques avec les pays ayant des rapports
difficiles avec l’Inde (Pakistan, Sri Lanka). En guise de réponse, le gouvernement Indien finance
la construction d’une immense base militaire à Karwar d’un montant de 8 milliards de dollars,
ouvrant la voie à une accélération de la militarisation de cette route commerciale et appelle à
une course d’influence dans toutes les autres régions de l’océan Indien. Par ailleurs, le 26
novembre 2015, le gouvernement chinois officialise la signature d’un accord avec le Président
de la République djiboutienne, Ismaïl Omar Guelleh, pour installer sa première base militaire à
l’étranger ainsi qu’une zone franche de 3500ha. On parle dès lors de “smart power » qui est
une combinaison de l’hard power (puissance militaire) et le soft power (puissance économique
et culturelle)
Hormis le Pakistan, le Myanmar est également une priorité de grande ampleur pour la
stratégie chinoise. Très riche en réserves pétrolières, gazières et en uranium, ce pays attire
plusieurs investisseurs, dont les groupes Chevron et Total qui redirigent le gaz vers la Thaïlande.
Dans une même dynamique, l’Inde et la Chine y ont construit les deux plus grands réseaux de
pipelines qui leur permettent d’être moins dépendants des détroits (Ormuz et Malacca). En
effet, le détroit de Malacca oblige les portes conteneurs chinois à passer dans des régions sous
l’influence directe de Taiwan et de la marine Américaine. L’accroissement d’une influence, voire
d’un pouvoir au Myanmar, est un enjeu vital afin d’assurer un accès plus direct à l’océan Indien
et éviter un enclavement en mer de Chine dans le cas où le gouvernement chinois entretient
des relations tendues avec les pays voisins comme le Japon, Taiwan, les Philippines et la
Malaisie, alliés traditionnels des Etats-Unis. Bien que les économies américaines et chinoises
soient interdépendantes, la logique de leadership est un enjeu d’envergure dans le champ des
représentations, et par ricochet, relève des rapports de pouvoir. Comme le souligne R.Kaplan
37
« la relation sino-américaine n’est pas déterminée par le commerce, la dette ou le changement
climatique mais sur le positionnement géographique de la Chine qui lui permet d’influencer
toute l’Asie, l’océan Indien et l’océan Pacifique41 ».
L’ensemble de ces dimensions géopolitiques de la partie Nord de l’Océan Indien en fait
un espace sensible et en proie à de nombreuses incertitudes. Les enjeux chinois y sont
clairement plus importants car 80% du pétrole importé chinois traverse le détroit de Malacca et
sa rivalité avec l’Inde l’incite à se concentrer sur l’axe allant de l’Asie du Sud Est à la corne de
l’Afrique. Cependant, l’orientation de la politique internationale Indienne se tourne de plus en
plus vers la partie Sud-Ouest à travers l’implantation d’une station d’écoute à Madagascar et
des patrouilles de sécurité circulant dans le canal du Mozambique, garantissant
l’acheminement du charbon importé depuis le Mozambique. Parallèlement, New Delhi
raffermit progressivement sa coopération militaire avec la France, très présente dans cette
partie de l’océan42. Une relation aussi étroite peut-elle influer sur les rapports sino-français ?
Bien que la France ne joue pas un rôle de grande importance dans la partie Nord de l’océan
Indien, elle dispose néanmoins d’un atout considérable dans la région dite des Mascareignes et
dans le canal du Mozambique, lieu de passage des tankers pétroliers venant de l’Afrique
occidentale.
41 R.KAPLAN, 2012, “The Revenge of the geography”, Random House
42Lors de son entretien avec la revue Hérodote l’Amiral Jean Dufourq souligne « notre coopération (avec l’Inde) existe au plan stratégique… La cohérence de nos visions et de nos schémas océaniques permet une véritable convergence opérationnelle entre la marine nationale et la marine indienne et se traduit par des opérations de manœuvres conjointes, et par la présentation opérationnelle à nos partenaires indiens de nos dernières acquisitions navales, nos derniers programmes d’équipements, nos dernières tactiques d’emploi ».
38
Croquis 3-Les stratégies indienne et chinoise dans l’Océan Indien
39
4.3. La France, le plus grand territoire maritime dans la partie Sud-Ouest de l’Océan Indien
Croquis 4-Madagascar et les territoires français
40
Les Zones d’Exclusivité Economique (ZEE), qui tracent autour de chacune des
possessions françaises une bande exclusive de 200 miles, font de la France le plus grand
territoire maritime du canal de Mozambique. Cet avantage constitue une préoccupation de
premier ordre pour le Sénat Français43.
La clarification et la stabilisation des frontières des ZEE dans le Sud-Ouest de l’Océan
Indien font l’objet de contestations44.Et, selon le discours officiel, « ceci ne peut qu’affaiblir la
crédibilité de l’Etat (français) en mer et sa capacité à exercer ses responsabilités, notamment
de gestion et de protection des ressources45 » ; Le Sénat craignant la spoliation de richesses
potentielles sur des territoires « sous juridiction françaises », ceci a finalement abouti au
maintien d’une présence militaire46.
Source : www.senat.fr mer et marine-Caroline Britz
43
http://www.senat.fr
44
Les Comores ont autorisé la délivrance de permis d'exploration pétrolière sur une aire de 6 000 km2 empiétant
sur le périmètre théorique de la ZEE de Mayotte. Ibid Il existe également à Madagascar plusieurs mouvements de contestations menés par des associations et des partis politiques pour la restitution des Iles éparses a l’Etat Malgache. 45
ibid 46
Des éléments de la FAZSOI et du RPIMa (régiment de parachutistes d’infanterie de marine) sont installés sur les iles Juan de Nova et Europa
Photo 1-Rassemblement du 2ème RPIMA dans le camp Sega à Juan de Nova
41
Ceci dit, au-delà des potentialités pétrolières et gazières (estimés à plusieurs centaines
de millions d’Euros), les intérêts de la France relèvent surtout du statut du canal de
Mozambique comme étant un point de passage traditionnel pour rejoindre les voies de
communications de la partie Nord de l’océan Indien, et étant l’unique route alternative pour
l’Europe en cas de fermeture du canal de Suez. Cette éventualité ne peut être sous-estimée au
regard de l’instabilité croissante au Maghreb et de la recrudescence des conflits dans le monde
arabe47. De même, l’Angola ainsi que plusieurs pays de l’Afrique occidentale et Madagascar
sont entrés dans la Chinafrique48 et contribuent à l’approvisionnement en matières premières
de la Chine continentale (voir figure 4), faisant du canal un espace d’importance encore plus
stratégique.
Figure 4-Exportations africaines vers la Chine, ventilation par produits, 2007
47
Le président Egyptien Nasser avait déjà fait fermer le canal de suez en 1968 48
Concept qui désigne les relations diplomatiques, économiques et sociales entre la République Populaire de Chine et les Etats Africains. Ce concept peut être opposé à la Françafrique
5%
0,30%
2% 1,50%
11% 0,20%
0,80%
9%
70%
0,20%
A
B
C
D
E
F
G
H
I
J
42
A) Huiles et graisses d’origine animale ou végétale
B) Boissons et tabacs
C) Produits chimiques
D) Articles et transactions, n.c.a
E) Matières brutes non comestibles
F) Produits alimentaires et animaux vivants
G) Machines et matériel de transport
H) Articles manufacturés classés principalement
d’après la matière première
I) Combustibles minéraux, lubrifiants et produits
annexes
J) Articles manufacturés divers
(Source : COMTRADE. La Chine et l’Afrique : Un nouveau partenariat pour le développement ? Edité par : Richard
Schiere, Léonce Ndikumana et Peter Walkenhorst, Groupe de la Banque africaine de développement, 2011)
Le relatif encerclement de Madagascar par des territoires français répond
premièrement à une question symbolique. Pour le monde occidental, la France est la puissance
européenne dans la région Sud-Ouest de l’Océan Indien et de l’Afrique Australe. Cette posture
est garante des intérêts Européens afin d’assurer la sécurisation de l’artère économique reliant
l’Asie et l’Europe. Les orientations politiques et les représentations françaises à Madagascar
deviennent par conséquent de véritables conditionnalités des représentations Européennes
sur la France. Sur le plan culturel, Madagascar est une Ile francophone entourée de pays
anglophone (voir croquis ci-dessous), ce qui fait logiquement de la grande Ile une priorité en
termes d’influence culturelle. Aussi, la production de pouvoir au niveau local s’appuiera
essentiellement sur la construction de représentations hautement significatives au niveau de
deux champs. D’une part, elle consiste à introduire une image des sociétés Françaises (Société
générale, BPCE et TOTAL) comme faisant partie intégrante de la vie économique du citoyen, et
par l’intermédiaire du néolibéralisme, tentera d’établir des dispositifs d’assujettissement via
une répartition spatiale urbaine proéminente. D’autre part, l’éducation est un pouvoir qui
structure les comportements et les schèmes de pensée. La forte attraction des écoles
malgaches pour la langue française reste un outil géopolitique français pour peser dans le
système éducatif et sauvegarder le statut de premier partenaire commercial, car l’absence de
barrières linguistiques facilite la multiplication des échanges.
43
Croquis 5-Une île francophone entourée d’anglophones
44
Au terme de ce chapitre, les dynamiques géopolitiques dans l’océan Indien font du canal
de Mozambique et de Madagascar des espaces porteurs d’enjeux. La France ne manque pas de
rappeler que sa présence est ancienne et continuera de perdurer, car cet espace est
pratiquement sa seule zone de prédominance dans l’océan Indien et faisant alors de
Madagascar une priorité bien plus importante pour la France que pour la Chine. Les priorités
chinoises sont pour l’instant, et pour la plupart, concentrées dans la partie Nord ; ceci est dû,
notamment, à la réalité perplexe que laissent les trois détroits stratégiques, mais aussi à sa
rivalité avec l’Inde. Cependant, fidèle à sa politique internationale concernant la sécurisation et
la stabilisation de son approvisionnement, le canal du Mozambique est également une
préoccupation chinoise, d’autant plus que les intérêts chinois commencent à devenir nombreux
à Madagascar. L’établissement d’une nouvelle génération de migrant revêt un caractère de plus
en plus marquant dans le paysage urbain de la ville d’Antananarivo. Les membres de cette
communauté diasporique sont, selon Carine Pina-guerassimof, « les produits et les acteurs de
l’ascension économique et politique de la Chine sur la scène internationale49 » et commencent
à susciter la curiosité de plus en plus de chercheurs depuis quelques années 50 . Une
géoéconomie du IIIèmearrondissement dégage une dichotomie des activités françaises et
chinoises. Si les activités économiques du pouvoir Français se spécialisent dans le secteur
bancaire et énergétique, les activités économiques du pouvoir chinois se singularisent surtout
par le commerce. Ainsi, la question est de savoir si les acteurs économiques locaux adoptent la
même attitude vis-à-vis de ces pouvoirs ?
49
C.PINA-GUERASSIMOFF, 2012, « La Chine et sa nouvelle diaspora, la mobilité au service de la puissance” Editions ellipses
50 En effet, notons la production d’articles et de mémoires de plus en plus nombreux: Mathieu Pellerin “ les relations sino malgaches” Note de l’Ifri, mars 2011 ; Catherine Fournet Guerin, « Les chinois de Tananarive (Madagascar) : une minorité citadine dans des réseaux multiples à toutes les échelles », Annales de Géographie, mai 2009 et « La nouvelle immigration chinoise à Tananarive », Perspectives chinoises, Juin-Aout 2006 ; Miharinarivo Andrianaivoson, , « Intégration des investissements chinois a Madagascar, le cas des chinois de la ville d’Antananarivo », 2014, mémoire de DEA au département de Géographie de l’Université d’Antananarivo
45
Chapitre V La dépendance des acteurs économique locaux vis-à-vis
des représentations chinoises et françaises.
A partir de la démarche d’échantillonnage par contraste, les travaux de terrains
consistaient à recueillir les perceptions d’un large éventail d’acteurs économiques et placer les
résultats dans une interprétation pouvant dégrossir la typologie des rapports de pouvoir
s’opérant dans le IIIème arrondissement.
5.1. Société générale, BPCE et Total : des géants incontestés
Les rapports de pouvoir n’existent que dans des structures. Si les banques, les
distributeurs de carburant et le commerce détiennent une place importante dans les sociétés
contemporaines, c’est parce que les systèmes qui régissent ces sociétés obéissent à des règles
et des normes qui vont petit à petit, et de manière diffuse à travers la création de besoin,
aboutir à un assujettissement des individus aux institutions et au marché. Lorsqu’un individu
estime avoir le besoin de recourir à un service (bancaire, commercial, transport…), la
satisfaction du dit besoin va se retransformer en demande qui va se renouveler
continuellement au fur et à mesure que les conditions extérieurs l’exigent. Par conséquent, les
rapports de pouvoir se mettent en place, créant une interdépendance entre le client et la
société. Cependant, le secteur bancaire et la distribution d’énergie disposent d’une dimension
hautement plus stratégique que le commerce. Au-delà des services bancaires habituels51, les
informations détenues dans les archives permettent d’avoir une « connaissance détaillée des
manifestations d’activités économique de toute une région52 », des informations personnelles
51 Sécurisation et opérations financières
52 Paul Leuilliot, 1931« Les archives d'une banque contemporaine : ce qu'elles contiennent, ce qu'on en peut
tirer » [article], Annales d'histoire économique et sociale Volume 3 Numéro 11 pp. 368-378
46
sur les modes de vie, les habitudes et la situation financière des clients… en bref, une vue sur le
passé, le présent et les projections probabilistes du futur. La distribution en énergie, par contre,
relève d’un rapport beaucoup plus direct et sanctionnant. En effet, les moyens de transport
dans la ville d’Antananarivo se démarquent par la monopolisation de l’automobilisme53. Par
ailleurs, les centrales électriques censées fournir de l’électricité aux habitants de la ville ne
fonctionnent qu’avec des machines thermiques et nécessitent un besoin important en
carburant. Indubitablement, dans le contexte malgache sanctionné par l’absence de groupe
bancaire endogène et d’une autosuffisance énergétique, la mainmise sur ces secteurs
représente un atout stratégique et la maîtrise de mécanismes de pouvoir sur la société
tananarivienne.
L’enjeu de la démonstration est donc de mesurer le poids des filiales françaises dans le
IIIème arrondissement, afin de déterminer l’étendue de leur pouvoir. La BFV-Société Générale a
été créée en 1998 pour prendre la relève de l’ancienne Banky Fampandrosoana ny Varotra,
créée en 1977, qui est née de la fusion de deux institutions financières de l’époque : la Banque
Financière et Commerciale Malgache Mandroso (BFCMM) et la Banque Commerciale de
Madagascar (BCM), elle-même issue de la Banque de Madagascar. Aujourd’hui, la Société
générale accapare 70% de son capital54. Cette dernière est une ancienne compagnie qui existe
depuis 1864 et occupe aujourd’hui la 3èmeplace dans le classement des banques françaises en
termes de produit net bancaire, après le Crédit Agricole et Bnp Paribas. La BMOI (Banque
malgache de l’Océan Indien), quant à elle, a vu le jour en 1989 en étant la première banque à
capitaux entièrement privés. Premièrement filiale de la Bnp Paribas, elle a été rachetée en 2011
par la Banque populaires et Caisse d’Epargne (4èmesur le classement). Le classement des
entreprises malgaches place la BFV société générale et la BMOI BPCE respectivement à la 3èmeet
4èmeplace des entreprises bancaires présente à Madagascar (voir annexe3).
53 La crise politique de 2002 avait découlé sur une pénurie du carburant dans la capitale malgache figeant toute la vie économique 54Répartition du capital de la BFV-SG selon International Finance Corporation : Société Générale 70.00% ; le
gouvernement malgache : 28.50% et le staff : 1.50%
47
Croquis 6-Les banques françaises dans le IIIème Arrondissement
48
Malheureusement, l’accès aux données quantitatives au sein des agences centrales
nous a été refusé, mais l’approche spatiale peut démasquer une partie de la réalité. Sept
banques sur quinze appartiennent aux groupes de la BFV-SG et de la BMOI-BPCE. Leurs agences
sont disposées de manière répétitive sur l’une des artères de circulation les plus importantes de
la ville permettant de relier la partie Nord et la partie Sud. A partir du quartier d’Ambodiraotra-
Antsakaviro, carrefour ouvrant sur la partie Est et le Sud, ces dernières occupent un segment du
cœur économique à Behoririka ainsi que le quartier d’Antanimena qui ouvre vers les deux
principaux axes du Nord, à savoir les quartiers industriels d’Ankorondrano et d’Andraharo.
Néanmoins, les opérations de rachat de certaines banques ces dernières années
soulèvent plusieurs interrogations. Outre le fait que la BMOI fut cédée d’un grand groupe
français à un autre, la cessation des parts du Crédit Agricole sur la BNI au profit du consortium
Indian Ocean Financial Holdings Limited55 (IOFHL), composé du groupe CIEL et du groupe
Hiridjee, peut être interprétée comme une possible alliance entre le groupe Hiridjee56 et le
56
Le groupe Hiridjee appartient à Hassanein HIRIDJEE, un homme d’affaire issu de la communauté Karana, une communaute d’origine Indo-Pakistanaise soupçonnée de détenir l’ensemble de la macro économie malgache et souvent victime de stigmatisation persistante. En effet, selon certains chercheurs (L.Rabearimanana) cette
Photo 2-La puissante société générale dans le IIIème arrondissement, Andraharo, cliche auteur 2016
49
pouvoir français à Madagascar. En effet, le consortium n’avait aucune expérience dans le
domaine bancaire et concentrait l’essentiel de ses activités dans le textile, la sucrerie, la
téléphonie et l’immobilier. Cette opération a vu naître l’opposition de la Direction Générale du
Trésor qui ne consentait pas à ce que l’une des principales banques du pays soit confiée à des
investisseurs inexpérimentés dans le secteur en question. Pourtant, l’opération a finalement
été approuvée en septembre 2013 par la Banque Centrale57.Cette hypothèse mériterait peut
être une étude exhaustive, mais ne figure pas pour l’instant dans le thème de nos recherches.
En revanche, l’ancienne prédominance des trois plus grands groupes bancaires français dans la
capitale malgache représentait sans aucun doute la démonstration d’un Pouvoir français
capable de mobiliser plus de ressources que les acteurs locaux. En outre, le retrait en 2014 de la
Banque Industrielle et Commerciale de Madagascar (BICM), première banque à capitaux
hongkongaise 58 et malgache, a renforcé le positionnement des filiales françaises. La
Commission de Supervision Bancaire et Financière avait décidé de retirer l’agrément de la
BICM, sapant ainsi le symbole de la présence chinoise dans le milieu bancaire. Ainsi, le collectif
de clients victimes de cette fermeture avait reproché le laxisme du gouvernement59à travers
des manifestations, en déplorant l’absence de volonté politique pour « sauver la banque ». Face
aux nombreuses zones d’ombre qui ont marqué le secteur bancaire ces dernières années, on
peut émettre l’hypothèse de jeu de pouvoirs et de jeu d’acteurs cachés, répondant à des
intérêts particuliers. Toutefois, l’échec de la BICM symbolise malgré tout le retrait d’une entité
chinoise dans un secteur dominé par des entités françaises.
Dans le domaine de l’énergie, TOTAL demeure officiellement le seul acteur du pouvoir
français à Madagascar. Fondé à l’initiative de l’Etat français et dénommée en tant que “
minorité étrangère avec la minorité chinoise aurait bénéficié de l’appui de l’administration coloniale française au cours du XXème siècle dans l’accaparement des principaux comptoirs et circuits commerciaux de la Grande Ile 57 Ces informations nous ont été données par une source au sein de la BNI souhaitant garder l’anonymat et reprit par des quotidiens de la capitale. 58Selon le quotidien Midi Madagascar du 04 Mai 2014, le milliardaire chinois Hu Chi Ming était l’actionnaire majoritaire de la BICM 59R.Edmond, 04 Mai 2014 « Fermeture de la BICM, plus de 20 milliards ariary de dépôts menaces », Midi
Madagasikara
50
Compagnie Française des Pétroles” en 1924, le groupe est devenu actuellement l’un des
leaders de l’industrie énergétique mondial en absorbant les sociétés PetroFina puis Elf
Aquitaine60 en 2000. En apparence sur les traces d’Elf, la société est la première compagnie
pétrolière en Afrique61 prospectant activement en Ouganda, en Côte d'Ivoire, en Afrique du Sud,
au Mozambique, au Kenya, au Congo et même à Madagascar62. Pourtant, « Le classement des 500
premières entreprises de la région Sud-Ouest de l’Océan Indien63 » (annexe 2) avait placé Total à la
3èmeplace des entreprises agissant dans le secteur des hydrocarbures à Madagascar. La compagnie
est devancée par Jovenna (1èreplace) et Galana (2ème place).
60
. Selon Loïc Le Floch-Prigent, PDG d’Elf de 1989 à 1993, Elf était « le moteur de la Francafrique » 61
D’après rfi: http://www.rfi.fr/afrique/20141021-total-premiere-compagnie-petroliere-le-continent-africain-christophe-margerie 62
En effet Total faisait partie des compagnies ayant répondu à l’appel d’offre sur l’exploitation du sable bitumineux des sites de Tsimororo et Bemolanga. 63 L’Eco austral, édition 2015
Photo 3-La Transnationale TOTAL au coeur du quartier industriel d’Ankorondrano, 0ctobre 2016,cliche auteur
51
Croquis 7-Les stations services dans le IIIème arrondissement
52
A partir du croquis ci-dessus, les stations du groupe sont les plus représentées par rapport à
leurs concurrents dans le IIIème arrondissement. Leur répartition spatiale prend, en un sens, la
même disposition que les banques d’obédiences françaises localisées dans le croquis n°6 en
occupant principalement les deux axes du Nord (Andraharo et Ankorondrano) ainsi que les
quartiers du centre (Antanimena et Ambatomitsangana) jusqu'à Antsakaviro. La station Total
d’Ambodivona par contre dispose d’un espace stratégique à proximité de la gare routière des taxis
brousses desservant la Route Nationale 7 (RN7) et la Route Nationale 2 (RN2).
A partir des enquêtes, la dimension économique du Pouvoir français semble à présent
faire partie d’une « normalité » pour la totalité de notre échantillon. Le questionnaire ouvert
(Annexe 1), qui a été utilisé afin d’approfondir les perceptions et les attitudes, a provoqué un
étonnement des individus enquêtés à la question numéro 3 :
« Selon mes hypothèses et d’après le discours officiel de l’ambassade de France, la
présence française à Madagascar se manifeste surtout à travers son influence culturelle et la
présence des grandes filiales. Si on observe le IIIème arrondissement, les entreprises françaises
les plus visibles sont la Société générale (BFV-SG), la BPCE (BMOI-BPCE) et Total. A partir de
votre propre définition du développement, pensez-vous que la présence de ces groupes
répond aux intérêts de la population ? Leur absence hypothétique aurait-elle des
conséquences négatives pour le pays ?
L’échantillon considère les banques françaises comme faisant partie du paysage
économique dont la remise en cause n’avait pas lieu d’être car « ils fournissent des services qui
contribuent à la croissance économique, une méthodologie de travail et un savoir-faire que les
acteurs locaux ne maitrisent pas ».Les représentants des groupements économiques ainsi que
les responsables au sein des ministères de l’économie, du commerce et de la Direction
Générale des Impôts estiment que les investisseurs français ont davantage de moyens
financiers et techniques pour impulser un développement à Madagascar. L’absence de
confiance entre le secteur privé et l’Etat sont, entre autres, les arguments retenus dans la
mesure où « les politiciens nouent souvent des liens douteux avec des opérateurs
économiques, fragilisant le bon esprit d’une concurrence saine » selon un administrateur de la
53
Chambre de Commerce. L’unanimité des réponses s’appuyait essentiellement sur la
démonstration de faiblesse endogène et sur la peur du vide qu’un retrait hypothétique pouvait
poser. Dans l’épistémologie des concepts (chapitre II), les théories relationnelles du Pouvoir
affirmaient l’apparition de rapports inégaux lorsque l’une des deux parties avait la capacité de
mobiliser plus de ressources (la faculté d’octroyer des récompenses et des sanctions) et de
maîtriser le plus de zones d’incertitudes. La peur du vide citée ci-dessus confirme
préalablement la maîtrise de zone d’incertitude du pouvoir Français sur les acteurs
économiques. Cependant, contrairement au secteur bancaire, la concurrence, en cas de retrait
du groupe Total, avait été cite comme une alternative acceptable pour certains enquêtés.
Paradoxalement, la répartition spatiale des stations Total correspond plus ou moins à celle des
banques françaises. Cette différence d’appréciation relève-t-elle d’une divergence de
représentation entre l’institution bancaire et la distribution de carburant ? Ou bien relève-t-elle
d’une plus grande efficacité visuelle des concurrents de Total ? Malgré le questionnement posé,
il est indéniable que les représentations bancaires issues d’un pouvoir Français possèdent un
rapport d’ascendance sur les représentations des acteurs économiques du développement à
Madagascar.
Figure 5-L’ascendance des banques françaises sur les acteurs économiques
54
5.2. Le commerce chinois : bourreau de l’industrialisation locale et sauveur de
la consommation
Dans le 3èmearrondissement, les représentations dominantes sont le commerce, le
quartier de Behoririka, ainsi que les produits manufacturés d’importations chinoises. Ces
discours trouvent leur origine dans le succès des activités des entrepreneurs chinois faisant
partie de la nouvelle branche d’immigration de ces dernières décennies. Interdite jusqu’en
1977, tolérée jusqu’en 1986, l’émigration chinoise a connu une immense évolution grâce au
développement des relations avec l’Afrique, l’Amérique latine et l’Asie. Depuis l’entrée de la
Chine dans l’OMC en 2001, la libre-circulation permet aux citoyens d’obtenir un passeport à
partir d’une simple carte d’identité nationale. La Chine entame une véritable « politique
diasporique64 » qui va déboucher sur la création d’un marché de la mobilité. En effet, ces
émigrés chinois participent pleinement au processus de développement économique de leur
pays en devenant« des agents transnationaux de la puissance chinoise65 ». Malgré le fait que
l’émigration en elle-même soit le résultat de décisions individuelles ou familiales, les migrations
internationales se font à travers des frontières régies par des Etats dont les politiques
diasporiques consistent à les orienter, les utiliser et les optimiser. En premier lieu, ces flux
(d’hommes et de marchandises) transnationaux favorisent les transferts monétaires. En 2009,
l’envoi de fonds des ressortissants chinois d’Outre-mer vers leurs
pays d’origine s’élève à un montant de 34 milliards de dollars. De plus, les activités
commerciales de ces Huaqiao66 redynamisent fortement l’exportation de produits chinois,
profitant tantôt d’une industrie africaine fébrile. Finalement, la privatisation et la fermeture de
certaines sociétés d’Etat situées dans les provinces du Nord de la Chine ont envoyé une
certaine partie des travailleurs au chômage. La migration devient dès lors une réponse à
l’engouffrement social de ces licenciés en offrant une nouvelle opportunité de départ. Les
64
C.PINA-GUERASSIMOFF, ibid 65
ibid 66
C’est l’appellation donnée aux chinois résident temporairement à l’étranger, traduit en français par “Chinois d’Outre-mer”.
55
migrants-commerçants chinois originaire du Zhejiang ou du Fujian67opèrent de façon similaire
dans tous les pays d’Afriques68, se distinguant par une extrême mobilité. Ils commencent par
ouvrir une petite boutique remplie de produits de consommation à très bas prix, pour la plupart
provenant de la ville de Yiwu69. Dans le cas où ce premier projet réussit, les bénéfices sont
réinvestis dans des affaires plus importantes comme la restauration, le commerce d’import-
export ou d’autres activités plus lucratives dans la même ville, ou dans une autre, évitant ainsi
une concurrence féroce entre les membres de la communauté.
Le croquis ci-dessous traduit la propagation spatiale des activités économiques chinoises
dans le IIIème arrondissement à partir du quartier de Behoririka (zone traditionnelle de
concentration des activités commerciales chinoises). Leurs répartitions suivent exactement
celles des banques et des stations-services françaises illustrant sans doute une polarisation du
flux économique se manifestant dans ces axes majeurs de la circulation de la ville
67Les résultats de nos recherches au cours du mémoire de maitrise couplés aux recherches de Miharinarivo Andrianaivoson ont démontré que la plupart des chinois résidents dans le quartier de behoririka sont pour la plupart originaire du Fujian 68 Cette affirmation se base sur l’ensemble de la documentation 69S.MICHEL et M.BEURET, 2009: “c’est dans cette ville que sont fabriques toutes les contre façons et la grande
majorité des produits manufactures chinois. » La Chinafrique, éditions Grasset et Fasquelle, page 58
Photo 4-Les marchands ambulants revendant les produits chinois, Behoririka, octobre 2016, cliche auteur
56
d’Antananarivo. Cette disposition crée une asymétrie spatiale entre la partie Est et la partie
Ouest de l’arrondissement. L’objectif n’est donc pas d’occuper une grande partie de l’espace,
mais d’optimiser l’installation des activités sur des axes de flux pertinents. La nature des
activités dans le quartier de Behoririka est majoritairement tournée vers le petit commerce
que l’on peut séparer en deux catégories : la première se trouve dans les grands bâtiments issus
d’une urbanisation générique et se constitue d’une multitude de magasins formels
commercialisant des articles divers (vestimentaires, matériaux domestiques, jouets…) ;la
seconde demeure les marchands ambulants informels qui vendent les mêmes articles trouvés
dans les magasins symbolisant un contexte biaisé par l’échec des politiques économiques.
L’observation spatiale des activités localisées sur les axes s’étirant vers le Sud et le Nord note
une tendance vers la restauration et les activités de service (hôtellerie, coiffure…)
57
Croquis 8-La répartition des activités chinoises dans le IIIème arrondissement
58
Les perceptions des acteurs économiques de cette présence chinoise se répartissent en
deux champs reposant sur une posture nuancée et sur une posture de rejet. Le dépouillement
des travaux a démontré une variation des représentations selon trois groupes : les concurrents
directs ou indirects (les petits commerçants locaux), le personnel de l’administration (les
responsables des ministères et de la Direction Générale des Impôts) et les représentants des
grands groupements économiques locaux. La question posée fut la suivante (annexe 1) :
« D’après mes recherches, les représentations de la Chine à Antananarivo se résumeraient au
commerce et au quartier de Behoririka. A partir de votre propre vision du développement,
pensez-vous que cette présence réponde aux intérêts de la population ?Leur absence
hypothétique aurait-elle des conséquences négatives pour le pays ? »
Contrairement à certaines hypothèses préétablies, les mécanismes de rejet ne
s’observent pas au niveau des commerçants artisanaux malgaches du marché de Pochard et de
celui d’Andavamamba. Au contraire, les individus qui opèrent dans le milieu des pierres
précieuses et semi-précieuses « se réjouissent de cette présence car les opérateurs chinois
contribuent à la relance du marché dans un contexte biaisé par la faiblesse du pouvoir d’achat
local70 ». Les discours à l’encontre de cette présence chinoise sont surtout argumentés vis-à-vis
de la crainte de la grande faculté de la Chine à reproduire des confections artisanales inédites
et destinées au Tourisme car, pour l’instant, les cibles de cette « invasion chinoise » restent la
population locale. Par ailleurs, les enquêtés reconnaissent « l’utilité » des produits
manufacturés améliorant de façon significative « le pouvoir d’achat » de la population en
général. Un retrait des produits chinois signifie pour cette partie de l’échantillon « un drame
pour les consommateurs et les marchands ambulants, mais ne change aucunement le quotidien
de la majorité des marchands artisanaux ».
Les responsables de l’administration au sein des différents ministères et de la Direction
Générale des Impôts estiment, « en tant que consommateur », que les activités commerciales
chinoises sont indispensables pour les besoins de la population, mais reconnaissent que cette
présence désavantage lourdement le développement industriel local. Selon un responsable à la
70Témoignage d’une commerçante travaillant au marché de pochard depuis 2004
59
Direction Générale des Impôts71, en plus d’un régime fiscal trop élevé pour les entreprises
locales, seuls 10% de la taxe sur les importations de produits sont véritablement perçus par
l’Etat malgache à cause de la trop grande corruption non seulement au sein de son
établissement, mais également au sein de tout l’appareil étatique. Dans ce contexte, « la
puissance financière des ressortissants chinois » ne peut que faciliter l’invasion du marché au
détriment des acteurs économiques locaux mais au bénéfice du « pouvoir d’achat de la
population ». Actuellement une absence hypothétique laisserait place à « une incertitude », car
les administrateurs estiment que l’ensemble des entrepreneurs locaux ne sont pas en mesure
de combler le vide de ce départ.
Dans une vision purement économique, les représentants des groupements
économiques conçoivent que l’importation de produits chinois ne crée pas de la valeur ajoutée
et, par conséquent, ne participe pas au processus de développement du pays, au contraire des
« anciens chinois72 » qui se sont réorientés vers le secteur de l’industrie (Dzama, la famille
Foyin…). Selon un ancien président du FIVMPAMA73« certaines postures de rejet ont été
observées auprès de quelques industriels qui voient dans ce déferlement d’investissements
chinois la mise à mort d’une industrie malgache déjà trop galvaudée par l’instabilité
politique ».Cette présence « n’améliore pas le pouvoir d’achat car ce concept doit concerner
toute la population. Il y a une falsification du terme ». Ainsi, les produits d’importations
chinoises contribuent à « l’amélioration des conditions de vie d’une partie de la population ».
Dans l’esprit du communiqué signé par le GEM, le SIM et le FIVMPAMA (annexe 5), les
enquêtés regrettent le manque de concertation et de franchise de l’Etat, accusant également le
niveau de corruption généralisée, le désengagement pour l’amélioration de la compétitivité et
l’absence de stratégie économique. Cependant, leurs positions ne sont pas favorables à un
protectionnisme, ceci dans le but de respecter les accords de libre-échange signés par
71
Le responsable a préféré garder l’anonymat prétextant un risque de sanction de la part de la hiérarchie. 72
Plusieurs recherches ont attesté que les malgaches font la différence entre les “anciens chinois et leurs descendants” et les « nouveaux chinois ». Les premiers sont bien intégrés dans la société malgache et installés depuis plus d’un siècle tandis que les seconds font partis de la nouvelle vague d’immigration des années 90 et 2000 73
Cet ancien président d’association a également préféré garder l’anonymat étant encore un opérateur économique très influent dans le milieu des affaires
60
Madagascar. En effet, pour la plupart, les grandes entreprises locales travaillent avec les
transnationales et les organismes internationaux présents à Madagascar tel la compagnie Colas,
Orange, l’AFD…
L’exercice des pouvoirs économiques français et chinois s’exprime à travers des activités
différentes, mais se disperse spatialement sur les mêmes axes de circulation. Dans un premier
temps, les résultats ont pu confirmer une hétérogénéité des perceptions selon la nature de la
relation avec les pouvoirs. Cependant dans un deuxième temps, une similitude des postures
face à certaines réalités appelle à engager une réflexion plus profonde sur l’efficacité du
système basé sur le triptyque espace-temps-pouvoir. En effet, le pouvoir économique, en tant
que flux, ne trouve son émancipation que dans des espaces identifiés (polarisation) et ne
prospère que dans le temps. Les activités françaises comme chinoises, en s’implantant depuis
les années 90 et en se concentrant sur des axes communs, sont à présent des producteurs de
micro-pouvoirs intégrés dans le paysage Tananarivien. Pourtant, contrairement au pouvoir
chinois, le pouvoir français ne souffre d’aucune contestation. Est-ce dû au rapport entre le
malgache et l’institution bancaire et énergétique ? La structure de jeu qu’est le néolibéralisme
économique impose des représentations dont l’objectif est l’institutionnalisation de modèle
occidental. Néanmoins, cette question anthropologique ne peut dissimuler la réalité du succès
d’une partie du soft power français dans le IIIème arrondissement, et démontre ainsi
l’engagement et les ressources d’un pouvoir économique français à Madagascar. Ce succès des
représentations économiques ne peut se défaire du rôle que joue l’influence culturelle à travers
l’apanage des écoles locales pour la langue française. A partir d’une approche comparative, le
soft power chinois peut-il rivaliser avec celui de la France ?
61
Chapitre VI Le triomphalisme culturel francais, un défi pour le soft
power chinois
Ce dernier chapitre fait l’analyse du rapport de force culturel indirect et ses
conséquences sur les éventuelles représentations dominantes sur le territoire malgache. Si la
France conserve un avantage historique qui semble perdurer dans le temps, la Chine se sent
dans l’obligation de valoriser l’avancée de son soft power,mobilisant un arsenal médiatique
offensif.
6.1.La langue dans l’éducation : une question géopolitique
Le français reste la langue officielle d’enseignement à Madagascar malgré les tentatives
de réforme entamées dans les années 70. L’intuition intellectuelle sur ce travail avait établi
l’hypothèse d’une emprise des représentations de la langue française sur la population du IIIème
arrondissement. Au regard d’une généralisation difficile à établir quelque soit la méthode
d’echantillonnage, la question était de comprendre dans quelles mesures et pourquoi la langue
française pouvait être une composante d’un dispositif d’assujettissement sur un citoyen
malgache. L’échantillonnage retenu pour cette partie de la recherche a été le même
échantillonnage retenu dans le chapitre IV, mais à partir duquel ont été ajoutées des entrevues
avec la Directrice des écoles BIRD74.
Le réseau AEFE est effectivement le cachet significatif de l’appartenance d’une école au
programme éducatif de l’administration française. Seule une poignée d’écoles présentes dans
la capitale fait partie du réseau. En 2014, les écoles BIRD avaient perdu leur affiliation car elles
74
Les écoles BIRD ne font pas partie du IIIème arrondissement mais il a été estimé que cette école était un modèle de l’effectivité des représentations liées au pouvoir français car elle avait perdu son affiliation au réseau AEFE durant l’année 2014.
62
ne remplissaient pas toutes les conditions (inadéquation des infrastructures,non atteinte du
quota requis d’enseignants issus du ministère de l’éducation française). Selon la Directrice, plus
de la moitié des parents ont ainsi retiré leurs enfants de l’école, le discours des parents se
résumant à « l’impérativité de la reconnaissance des diplômes par les universités françaises ».
Cet assujettissement au Pouvoir français traduit la réussite de la stratégie française à
Madagascar. En observant le croquis ci-dessous, la Grande Ile subit en effet une polarisation du
reseau AEFE dans cette partie occidentale de l’Ocean Indien. Ce positionnement du réseau
AEFE à Madagascar renvoie au croquis numéro 5, illustrant l’identification de la Grande Ile
comme étant un pays francophone encerclé par des pays anglophones. Mais le réseau AEFE ne
peut expliquer ni déterminer à lui seul la prédominance de la langue française dans le système
éducatif malgache. En effet, l’analyse des discours, l’observation spatiale et la recolte
d’informations quantitatives dans le IIIème arrondissement démontre l’exercice d’un Pouvoir
français, matérialisé par un attachement des écoles privées pour l’argument « école
d’expression francaise ». Le tableau ci-dessous montre que 56% des écoles privées dans le
IIIème arrondissement s’identifie comme une école dite « d’expression française ». En tant que
marché, l’éducation obéit aux mêmes lois de l’offre et de la demande. Si plus de la moitié des
écoles dans le IIIème arrondissement arbore cette expression, il est certain que l’enseignement
exclusivement en langue française est un produit recherché activement par les parents
d’élèves.
Tableau 2-Structure et nombre des ecoles prives dans le IIIeme arrondissement
Ecoles dites d'expressions françaises
Ecoles malgaches Ecoles confessionnelles Ecoles anglophones
nombre pourcentage sur le
nombre total nombre
pourcentage sur le nombre total
nombre pourcentage sur le nombre
total nombre
pourcentage sur le nombre
total
58 57.50% 27 26.50% 11 11.00% 5 5.00%
Source : ONEP
63
Croquis 9-Le réseau des établissements d’enseignement français à l’étranger
64
Le rapport de l’échantillon avec les représentations des écoles dites « d’expressions
françaises» affiche, en apparence, un sentiment fataliste. La question numéro 4 (annexe 1) ci-
après est la dernière composante du système de pouvoir français identifié dans le IIIème
arrondissement :
« On observe beaucoup d’écoles qui arborent « l’enseignement d’expression
française» dans le IIIème arrondissement, mais aussi dans l’ensemble de la capitale. La
maîtrise et l’enseignement par cette langue est-elle réellement aujourd’hui un impératif pour
la réussite (selon votre définition) en général des enfants ? Ne peut-on concevoir d’autres
modèles comme un système d’enseignement en malgache ou dans une autre langue ? »
Les enquêtés ont tous reconnu la dépendance actuelle des élèves malgaches par
rapport à la langue française. Les petits commercants locaux ont affirmé que « leur désir est
d’inscrire leurs enfants dans des écoles françaises, car la classification sociale à Madagascar
démontre clairement que les enfants maitrisant parfaitement le français réussissent à
décrocher des emplois prestigieux et bien rémunérés ». Les autres systèmes d’enseignement
« n’ont pas encore fait leurs preuves » aux yeux de ces enquêtés. L’attrait pour la langue
française est par conséquent d’ordre purement économique, et ne relève d’aucun sentiment
affectif. La typologie du Pouvoir qui s’exerce ici ne s’appuie pas sur un dispositif
d’assujettissement tel qu’il est defini dans ce travail, mais dans un esprit de « récompense et de
sanction ». D’une part, l’insertion dans des systèmes d’enseignement français garantit une
récompense, qui est celle d’une ascension sociale et économique. D’autre part, l’exclusion de
ces systèmes laisse présager le signe d’une stagnation, a fortiori d’une reproduction sociale.
Cependant, le reste de l’échantillon a unanimement exprimé sa préférence pour un système
d’enseignement anglophone. Ce penchant peut s’expliquer par le discours qui relate souvent
« la meilleure performance des anciennes colonies britanniques par rapport aux anciennes
colonies françaises » mais également par les opportunités (économiques, académiques,
commerciales…) qui sont effectivement plus nombreuses75. Un échantillonnage sur la base de la
catégorie socio-professionnelle serait sans doute plus pertinent au vu des résultats collectés
75Le nombre de pays ayant l’anglais comme langue officielle est supérieur au nombre de pays francophone.
65
afin de dégager une analyse plus fine. Cependant, la reconnaissance d’une dépendance par
rapport à une entité résume déjà un rapport de pouvoir asymétrique.
Le triomphe de la langue française dans le système éducatif malgache est une réalité
que la Chine veut contourner à partir de quelques micro-projets répartis à travers toute l’Ile.
L’enseignement du mandarin s’appui essentiellement sur la séduction de la puissance
économique chinoise. Le publi-reportage financé par l’Ambassade de Chine en coopération
avec la chaîne de télévision Tvplus qui détient l’un des plus haut taux d’audimat du pays, datant
du 09 Juin 2014, présente plusieurs interviews dans lesquelles des étudiantes de l’Institut
Confucius d’Antananarivo, de l’Université de Tuléar et de Mahajanga admirent la puissance
économique chinoise et voit dans le mandarin une opportunité d’avenir. Le président de
l’Université de Tuléar confirme que « les chinois ont énormément d’investissement à l’exemple
de l’exploitation minière de labradorite a Ampanihy, l’Ilmenite d’Andranobe et ont besoin de
traducteur » en ajoutant que « l’apprentissage de cette langue n’a qu’une seule vocation : le
business ». Pourtant, cette dynamique ne se limite pas au monde universitaire. Les élèves du
lycée de la congrégation chinoise de Tamatave et de Fénérive Est dont “80% sont malgaches et
20% sont metis sino-malgache », s’enorgueillissent de leur maîtrise du mandarin devant la
caméra, en précisant la facilité d’apprentissage de la langue.
Photo 5-Cérémonie du hissage des drapeaux chinois et malgache du lycée de la congrégation chinoise de Fenerive Est
66
Les directeurs de ces écoles affirment que les enseignants sont envoyés par le bureau
des Chinois d’Outre mer et par ailleurs, présentent cette initiative comme étant « un
programme national pour l’enseignement du chinois à Madagascar ».
Photo 6-Remise de prix aux étudiants du site d’enseignement de Namakia
La traduction litérale de la banderole ci-dessus est : « J’apprends la langue chinoise car elle peut
garantir mon avenir ». Cette offensive culturelle,pilotée par le partenariat d’un ensemble
d’organismes (institut Confucius, bureau des Chinois d’Outre mer, Ambassade de Chine…),
exprime la volonté de l’acteur étatique chinois à renforcer et développer un pouvoir à
Madagascar. Désormais, la langue est au cœur d’un choc géopolitique entre la Chine et la
France autant dans le domaine de la formation que dans la coopération (voir photos numéros 7
et 8). Pour l’instant, le français demeure la langue officielle d’enseignement dans le pays, et la
tendance des écoles privées dans le IIIèmearrondissement rappelle l’emprise des représentations
d’un Pouvoir français dans les grandes concentrations urbaines. La stratégie chinoise à l’échelle
nationale semble similaire à la stratégie des colliers de perle dans l’ocean Indien : une
projection multipoint dans l’espace, dans le but d’avoir une influence sur des zones sensibles et
à fortes potentialités économiques.
67
Photo 7-L’institut Confucius et le local de l’ADMC/CRAAM, fruit de la coopération avec l’Union Européenne et l’Ambassade de France, cliche auteur, octobre 2016
6.2.Les représentations médiatiques :un enjeu d’envergure pour la Chine
En tant que « 4èmepouvoir » et constructeur des imaginaires sociales, les médias
façonnent fortement les représentations dominantes. Au cours de l’année 2014,il y eu au total
5 publi reportages s’intitulant « la Chine à Madagascar ». Les émissions76 ont vu l’intervention
direct de l’ancien ambassadeur Yang Min, insistant sur « l’amitié et la coopération fructueuse
entre le peuple chinois et le peuple malgache ». L’objectif central des émissions est la séduction
par une démonstration de la puissance du soft power chinois dans tout Madagascar. Aussi, le
contenu pouvait se subdiviser en trois champs : économique, social et culturel.
Sur le plan économique, le documentaire definit Behoririka comme un « Chinatown ». La
qualification de « Chinatown » est un « bon indicateur car il existe des chinatowns dans tous les
pays développés77 ». Mis à part l’accessibilité des produits chinois78 par rapport aux « produits
Européens et français » jugés trop chers, l’urbanisation générique est aussi vantée car elle
reflète « le savoir faire chinois en conciliant des lieux de commercialisation avec l’Habitat ». En
terme d’infrastructure, les réalisations chinoises, tels le Palais des Sports, la route Nationale 2
76
Notons que les émissions ont été diffusées en malgache avec un sous-titrage en français. Ce qui signifie que les émissions s’adressent directement à tous les malgaches francophones ou non-francophones. 77
Publi reportage du 26 Mai 2014. 78
L’interview d’une commerçante malgache s’approvisionnant à Behoririka pour ravitailler les provinces témoigne de la force de pénétration des produits chinois.
68
« permettant les échanges commerciaux avec le reste du monde79 », le financement et le savoir
faire du géant chinois HUAWEI dans l’installation de poteaux électriques solaires sur la route
reliant la commune d’Ampasika et de Fenoarivo sont le « signe de la volonté de l’Etat chinois à
continuer sa collaboration gagnant-gagnant avec l’Etat malgache ». Les activités des PME
chinoises sont également présentées comme de véritables moteurs économiques régionaux ;
à l’exemple de la SOMAPECHE80 et la société Perle Trade, dans la region Boeny, où les employés
soulignent leurs satisfactions des conditions de travail via une affiliation à la CNAPS et à l’OSTIE.
En ce sens, sur le plan social, une attention particulière est donnée à l’intégration
séculaire des « anciens chinois » et de leurs descendants, rappelant leur attachement à la fois
pour la ville de Tamatave81 et pour la région d’origine82 de leurs ancêtres en Chine. Plusieurs
interviews d’employés malgaches affirment « qu’il n’y a jamais eu de problèmes avec les
79
Publi reportage du 02 Juin 2014.
80La SOMAPECHE est une société en déclin qui a été rachetée par la ZHONGYU GLOBAL SEAFOOD CORP
81
Ville d’arrivée des premiers migrants chinois sur le sol malgache. 82Les « anciens chinois » viennent majoritairement de la ville de Guangzhou
Photo 8-L’urbanisation générique: le « savoir-faire chinois conciliant les lieux commerciaux et l’Habitat », cliché auteur, octobre 2016
69
patrons chinois depuis des décennies ». Par ailleurs, les missions médicales chinoises
apparaissent comme des « leviers de développement de la cause sanitaire83 »à Madagascar. En
effet, la formation des médecins malgaches en acupuncture, la technicité des médecins chinois
et les services paramédicaux participent grandement aux soins des populations de Vatomandry,
Sambava, Ambovombe et de la capitale. Cette mission contribue au « renforcement de la
coopération et des liens d’amitié entre les deux pays ».
Source : Exposition photographique sur l’Amitié Sino-malgache, octobre 2016
Sur le plan culturel, les rites multiséculaires hérités de la civilisation de l’empire du
milieu témoignent de la diversité et d’une richesse culturelle reconnue à travers le monde et à
Madagascar. La danse, l’art du spectacle, la cuisine et les arts martiaux sont valorisés, partagés
et enseignés à travers les différents organismes tel l’insitut Confucius et les écoles de la
congrégation chinoise.
Cependant, l’explosion médiatique de « l’affaire Soamahamanina84 » a visiblement
écorché l’image de la présence chinoise a Madagascar. Si l’activité minière chinoise était
83
Publi-reportage du 16 Juin 2014 84
Soamahamanina est un village dans la région Itasy où la société aurifère chinoise Jiuxing Mines a été confrontée à des manifestations populaires.
Photo 9-Mission médicale chinoise de Mahitsy
70
auparavant un secteur encore peu connu de l’ensemble de la population85, cette affaire est
devenue le symbole d’une stigmatisation chinoise dans l’espace public malgache. Face aux
nombreuses attaques médiatiques, l’ambassade de Chine multiplie les publi-reportages dans la
presse écrite, en entrainant un dualisme flagrant entre les lignes éditoriales de deux quotidiens
de la capitale : le groupe Express de Madagascar et le groupe Midi Madagasikara. Le tableau
numéro 3 fait l’inventaire des titres et des fragments de discours selectionnés au cours de
l’année 2015 et de l’année 2016. Le groupe Midi Madagasikara met en avant le partenariat
sino-malgache, contribuant ainsi à la valorisation des représentations chinoises à Madagascar.
Inversement, le groupe Express de Madagascar attaque directement l’image de la présence
chinoise. La nouvelle ambassadrice, dans une logique de construction de représentation de la
Chine, rappelle les bénéfices de la coopération et de l’aide chinoise, en citant une fois de plus
les réalisations en terme d’infrastructure (le Palais des Sports, la RN2..). Peut-on alors
interpréter ce dualisme comme étant d’une part, les impacts dérivés de la séduction de la
puissance économique chinoise, et d’autre part, la persistance du discours sur la prédation
chinoise en Afrique ? Dans cette optique, le soft power chinois est perçu à travers deux
vitesses à Madagascar.On peut également accorder ce phénomène à l’existence de lobbys aux
intérêts divergents. Neanmoins, les lectorats de ces deux quotidiens sont les catégories socio-
professionnels supérieures, composées de l’élite économique, politique et intellectuelle,dont
les décisions ont des repercussions sur les possiblités de manœuvre des pouvoirs étrangers . Les
représentations à ces niveaux sont,par conséquent, un enjeu fondamental. Les discours ayant
comme objet le territoire, à l’exemple de « l’affaire Soamahamanina », sont impregnés de jeux
de pouvoir où les repères identitaires et culturels s’entremêlent avec les enjeux économiques.
85Ratrimoarivony.N, 2012 “les dimensions geopolitiques de la presence chinoise”
71
Tableau 3-Les discours médiatiques antagonistes de deux quotidiens sur la présence chinoise à Madagascar
Midi Madagascar Express de Madagascar
Date Titre Extrait de discours Date Titre Extrait de discours
3/2/2015 Aménagement du lycée public par les chinois
"Ce changement est du a un partenariat entre le ministère de l'Education et le gouvernement chinois pour faire du lycée d'Ambohidratrimo, la reference"
15/7/2016 Une manifestation populaire reprimée
"dès la matinée, chaque famille des quartiers de la commune Soamahamanina a décidé d'accrocher aux portes, aux vérandas, et aux murs des banderoles pour contester l'exploitation minière de la société chinoise Jiuxing mines"
10/2/2015
Madagascar-Chine, la coopération culturelle renforcée
"collaborations qui se traduiront par le don de matériels au ministère de la Culture"
20/7/2016 Soamahamanina au bord de l'implosion
"Depuis le 21 Juin, le projet d'exploitation minière de la société chinoise Jiuxing mines a fait l'objet d'une contestation virulente de certains habitants de la commune
1/7/2016 Un accord d'une valeur de 50 milliards d'Ariary
"un accord de coopération économique et technique dont le montant de l'aide s'élève a 50 milliards d'Ariary"
19/7/2016 Le pouvoir affiche un visage répressif
"Les scènes jouées par les forces de l'ordre a Soamahamanina, notamment, ont particulièrement choqué l'opinion"
8/7/2016 Les investisseurs chinois en pole position
" les investissements et les aides publiques chinois sont appelés a jouer un rôle prépondérant pour le développement de Madagascar. Malheureusement, étant encore trop attachés a la coopération avec l'occident, surtout la France, les autorités malgaches ne semblent pas vouloir mieux considérer les potentiels des aides chinoises"
21/7/2016 La médiation tombe a l'eau
. "Des habitants de cette localité, des membres de la société civile montent au créneau pour dénoncer l'incapacité du gouvernement et pour revendiquer le départ de la société minière"
72
Midi Madagascar Express de Madagascar
Date Titre Extrait de discours Date Titre Extrait de discours
14/7/2016 Les chinois du CAIF WTO en prospection
"une aubaine en somme pour l'économie malgache et le secteur prive puisque ces investisseurs ne manqueront pas d'apporter un nouveau souffle aux secteurs industriel et commercial malgaches”
21/7/2016 Mesures anti-émeute contre les journalistes
"A Soamahamanina, sur la nationale numéro 1, a quelques encablures de lieu d'implantation du mastodonte chinois"
3/8/2016
Chine-Madagascar, c'est parti pour une intensification des relations
"Cette coopération gagnant-gagnant permettra l'émergence de nombreux projets pour le développement"
Hebdo du 15 au 21
Juillet 2016
La Chine établit son empire a Madagascar
"De plus, les produits made in china inondent le marche malgache depuis quelques années. Enfin, les entrepreneurs et commerçants chinois étant de plus en plus nombreux a Madagascar, quelques quartiers de la capitale, dont Behoririka, sont peu a peu devenus des Chinatowns"
17/82016
Un investisseur chinois spolie de ses droits fondamentaux
"Cette affaire qui met en cause un investisseur chinois risque d'être considérée comme une autre entrave aux initiatives des apporteurs de capitaux venant de la chine
Hebdo du 22 au 28
Juillet 2016
Chinoiseries sur le commerce de bovidés
"Il y a encore un an, 600 bovidés en moyenne s'écoulent dans ce lieu en une journée. Aujourd'hui, a peine 70 individus se vendent. Des chinois achètent directement aux paysans et exportent par la suite en grand nombre"
29/09/2016
Interview du nouvel ambassadeur Yang Xiaorong
"Sans stabilité, il n'y a point de développement… le but de la chine est d'offrir sans aucune condition politique préalable l'aide aux autres pays en développement…Madagascar se trouve sur la route de la soie maritime, la Chine entend bien renforcer le dialogue et la coopération avec Madagascar dans ce cadre"
Hebdo du 22 au 28
Juillet 2016
Soamahamanina, Haro sur les orpilleurs
"un manque de sincérité (du gouvernement), un déficit de franchise, a l'origine des supputations les plus réalistes et vraisemblables. Comme quoi, il s'agit d'un cadeau offert à la coopération chinoise très généreuse ces derniers mois… la grogne ne cesse de monter contre ce qui s'apparente a un péril jaune pour les malgaches... Chez eux (les chinois), ils ont la cite interdite. A soamahamanina, ils ont instaure le site interdit" avec la bienveillance des Forces de l'ordre malgaches"
73
Midi Madagascar Express de Madagascar
Date Titre Extrait de discours Date Titre Extrait de discours
8/10/2016
Les chinois déplorent l'incompréhension de la population
"les nationaux travaillant dans cette entreprise chinoise ont fait remarquer que ces étrangers ont du respect envers les populations locales."
Hebdo du 30 septembre au 6 octobre
Des chinois jusqu'aux tripes
"Insatiable, l’appétit chinois constitue une manne pour les uns, une menace pour les autres… le vampire du milieu part à la conquête du monde… En 1996, l'Etat malgache signe un accord avec la République Populaire de Chine facilitant l'immigration de ressortissants chinois. Aussi, une nouvelle vague jaune arrive à Madagascar... Une nouvelle vague d'investisseurs chinois s'intéressent aux industries extractives à l'instar de WISCO et Mainland. Cette nouvelle vague jaune vient généralement de Hong Kong".
11/10/2016
L'identité culturelle chinoise rayonne dans le monde
"A Madagascar, les relations culturelles sino-malgaches sont au beau fixe… l'ancien ambassadeur a pris quelque 30.000 cliches et a sélectionné les meilleurs pour en faire une exposition, puis un album photo édité en Chine"
74
6.3.Les representations territoriales :Entre instrumentalisation, repère
culturel et enjeu économique
Le territoire en tant qu’espace vécu devient espace identitaire. Les réactions de rejet
dont certains habitants de Soamahamanina ont fait preuve se basaient sur des arguments
diverses dont le nationalisme, la sacralité de la terre, l’environnement, la sinophobie… Malgré
l’instrumentalisation politique de l’événement par les partis de l’opposition, force est de
constater que les manipulations trouvent leurs justifications dans des représentations déjà bien
ancrées et adoptées. Il a été etabli dans la première partie de ce travail que le territoire est le
résultat de l’appropriation culturelle d’un espace par l’Homme. Toutefois, la définition du
Tanindrazana implique aussi une dimension économique, car le bonheur et le bien être d’une
population ne peut se dissocier de l’émancipation des activités économiques. Ainsi, le
croisement du volet culturel et économique est à l’orgine de l’épistemologie du territoire dans
la culture malgache. La transgression de ce territoire par une entité étrangère (tels les chinois)
disposant de ressources (financières, humaines, technologiques…) supérieures sera perçu
comme une menace directe sur cet espace vécu et approprié a fortiori une menace sur les
corps en eux-mêmes. Cependant, cette réflexion ne peut expliquer entièrement la virulence des
propos sinophobes. Peut-on effectivement envisager la propagation de l’image d’une Chine
prédatrice dans l’hinterland malgache ? Ou est-ce la preuve d’une instrumentalisation d’acteur
politique ou de pouvoirs cachés visant à emblêmiser un échec de l’intégration minière chinoise
dans la Grande lle ? Pourtant, le paysage urbain du IIIèmearrondissement traduit nettement
l’exercice de pouvoir étranger accaparant une grande partie du « territoire tananarivien».
Outre la présence chinoise concentrée dans le quartier de Behoririka et ses alentours, les
quartiers d’Andraharo et d’Ankorondrano sont marqués par la puissance économique de la
communauté Indo-Pakistanaise (voir photos ci-dessous), en étroite coopération avec les filiales
françaises (Société Générale, Total, Orange…). Ainsi,la vision du territoire des habitants de
Soamahamanina ne correspond-t-elle pas à la vision des tananariviens ? En effet, contrairement
à l’individu en milieu rural, le citadin n’accorde pas réellement le même attachement à la terre.
La fonction urbaine prend son essence dans la concentration d’une plus grande activité
75
économique et,par conséquent, influe sur les référents culturels et l’appréhension de l’espace
vécu.
Question numero 6 :« Lorsqu’on observe le paysage urbain dans le
IIIèmearrondissement, on peut constater les activités de plusieurs entités étrangères
(francaises, chinoise, Indo-pakistanaise…) détenant une part importante de l’économie
tananarivienne. Les populations bénéficient-elles réellement des impacts de ces activités ?
Peut-on dire que l’espace vécu dans le IIIèmearrondissement est un territoire tananarivien ? »
La totalité de l’échantillon estime que ces activités « ne profitent qu’aux individus
possédant des intérêts communs avec les entités étrangères ». « Le business » étant le premier
facteur de rapprochement des acteurs dans la « société tananarivienne » selon Mr Fenohasina
Raobelina, chef de service du Système d’Information Fiscal de la Direction Générale des Impôts.
On assiste à « une déterritorialisation, car le pouvoir économique est controlé par des entités
étrangeres, ce qui leur permet d’avoir une position avantageuse sur le foncier ». « La loi sur
l’interdiction des étrangers de détenir une propriété foncière est contournée par des
manœuvres subtiles de corruption et de réseaux mafieux se protégeant mutuellement86».
Ainsi, l’échantillon n’observe plus l’espace sous le duo culture-économie mais
uniquement sur l’angle économique. La propriété foncière ne semble être qu’une valeur
marchande et la question posée n’a pu déceler qu’une partie de la problématique. Au final,
c’est le néoliberalisme en tant que structure de jeu qui focalise les représentations et les enjeux
uniquement à la toute puissance du marché.
86 Selon un membre du FIVPAMA
76
Photo 10-L’imposante « tour orange », siège de la société française Orange Madagascar, cliche auteur , octobre 2016
Photo 11-Le luxueux « immeuble de verre » siège des sociétés françaises Total et Société Générale, cliche auteur, octobre 2016
77
CONCLUSION
Madagascar, en tant qu’ancienne colonie, doit demeurer un espace de prédilection pour
la politique internationale de la France dans l’Océan Indien, car cet espace est son unique zone
de véritable influence dans cet océan présenté comme un tournant stratégique de l’ordre
économique mondial. Les enjeux géopolitiques s’exerçant autour des pays en bordure voient
comme principaux acteurs les Etats-Unis, la Chine et l’Inde, symbolisant les perspectives futures
des rapports de force dominants, laissant à l’Europe une place de moins en moins importante.
En ce sens, les priorités de l’Hexagone sont de maintenir et produire des dispositifs de pouvoir
ascendants à Madagascar, qui vont s’articuler d’une part, autour des représentations des filiales
françaises telles la Société générale, la Banque Populaire Caisse d’Epargne et Total, et d’autre
part, autour des représentations de la langue française au sein des établissements scolaires. A
partir des enquêtes menées, l’ensemble des résultats de la recherche démontre un rapport de
pouvoir ascendant des banques françaises et de « la langue de Molière »sur les acteurs
économiques locaux, dans la mesure où ces derniers estiment que le réseau de pouvoir français
peut mobiliser plus de ressources, et surtout, maîtrise des zones d’incertitudes supérieures. Le
retrait de l’unique banque à capitaux chinois peut être également interprété comme une
prédominance des compagnies françaises sur le secteur. La propagation spatiale de ces
représentations dans le IIIème arrondissement se concentre essentiellement sur les axes de
polarisation des activités économiques, devenant ainsi des points de contacts permanents et
réguliers pour la population Tananarivienne. Dès lors, l’apparition de dispositifs
d’assujettissement peut s’exercer sur les individus entrant dans des relations de cycles de
répétitions avec les entités françaises, pour finalement les définir comme des impératifs de
survie et de développement.
Par ailleurs, la Chine, malgré le renouveau de ses relations avec l’Afrique, centralise ses
plus grandes préoccupations sur les pays se trouvant entre l’Asie du Sud Est et la Corne de
l’Afrique, car c’est dans ces régions que circulent 80% de ses importations en pétrole provenant
des pays du golfe persique. Cependant, afin de pouvoir se défaire de l’influence américaine, les
78
échanges avec le continent Africain doivent absolument se développer et, par conséquent,
nécessite la création de rapport de pouvoir, pas forcément ascendant, mais basé sur un
pragmatisme économique pertinent. La logique du discours diplomatique de Pékin sur une
« coopération Sud-Sud et gagnant-gagnant» doit d’ailleurs s’appuyer sur ce partenariat
purement commercial, ne revêtant aucune forme de contrôle, ni d’ascendance.
Malheureusement, la trop grande puissance économique de la Chine lui permet de se projeter
très rapidement dans l’espace avec une capacité d’investissement hors normes, et est donc
perçue comme agressive par les populations non habituées à ce type de démonstration de
puissance. Les cas à l’image de l’affaire Soamahamanina sont un très bon exemple de cette
rupture de perceptions. L’enseignement du mandarin est devenu ainsi une dimension non
négligeable de l’intégration de l’investissement chinois à Madagascar et se positionne
naturellement dans une dynamique de compétition avec la langue française. Pourtant,
certaines perceptions de l’échantillon accusent également la Chine de profiter et d’aggraver la
faiblesse du tissu industriel à travers la déferlante des « agents économiques transnationaux »,
fer de lance de la puissance industrielle et économique chinoise. La posture de victimisation des
pays africains est-elle finalement justifiée ? Dépassant ces contraintes issues du libre-échange,
certains pays d’Afrique dont l’Afrique du Sud, pour éviter la désindustrialisation, imposent des
quotas d’importations. Le Maroc et la Tunisie durcissent les contrôles douaniers et les
conditions d’installations. Le Sénégal a commencé une politique de restriction des visas. Ces
mesures protectionnistes vont certainement réorienter les migrants chinois vers d’autres pays.
Au final, les rapports de pouvoir ne sont-ils pas des systèmes de négociations constamment
ouverts ? Les représentants de l’appareil administratif, tout comme les représentants des
groupements d’entreprises, reconnaissent que la cause de « cette dépendance » est endogène,
et dont l’origine est l’absence de confiance entre le secteur privé et l’Etat, en plus d’une trop
grande corruption des décideurs politiques.
Néanmoins, la similitude de la répartition spatiale des activités chinoises et des activités
françaises dans le IIIème arrondissement démontre une hypercentralisation des activités
marginalisant ainsi la partie Est de l’arrondissement. En conséquence, la dimension des
représentations territoriales dans cet espace est particulièrement économique, témoins de
79
l’importation des modèles occidentaux et des nouvelles ambitions chinoises. Les entités
exogènes produisent du pouvoir sur les territoires, qui vont ainsi reproduire un pouvoir sur ses
habitants à travers la construction de représentations. La géopolitique des représentations est
une réalité imposée par et pour des enjeux à plus petite échelle. Ces structures de sentiments
pilotent les conduites et les comportements, déterminant ainsi le succès ou l’échec des
politiques internationales des nations industrielles, dans la mesure où « les hommes ne
prennent pas leurs décisions en fonction de ce qu’est le monde, mais en raison de l’image qu’ils
s’en font87. »
87 P.Claval Histoire de la geographie
80
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Ouvrages généraux
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5) C.L.STRAUSS,1983, « L’identité », Presse Universitaire de France
6) D.LAMBERT, 2009, »Géopolitique de la Chine », Editions Ellipses
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8) J.F.BERT, 2011 « Introduction à Michel Foucault », La Découverte
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21) Z.BRZEZINSKI, 2010, « Le grand échiquier », Pluriel
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Ouvrages spécifiques
22) LASSERRE F. & GONON E., 2011, « Manuel de Géopolitique. Enjeux de pouvoir sur des territoires
», Editions Armand Colin, Coll. U, Paris, 347 pages
23) J.P.CABESTAN, 2010, « La politique internationale de la Chine », Presses de Sciences Po
24) C.PINA-GUERASSIMOFF, 2012, « La Chine et sa nouvelle diaspora, la mobilité au service
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25) J.J.GABAS et J.R.CHAPONNIERE, 2012, « Le temps de la Chine en Afrique », Editions
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26) S.MICHEL et M.BEURET, 2009, “ la Chinafrique”, Grasset et Fasquelle
27) S.BLANCHY, 1995, « Karana et Banians, les communautés commerçantes d’origine
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28) S.LEMOINE, 2013, « Le sujet dans les dispositifs de pouvoir », Presse Universitaire de
Rennes
29) R.KAPLAN,2011, “Monsoon, the Indian ocean and the future of american power”, Random
House Trade Paperback Edition
30) COMMENTAIRE, Automne 2010, volume 33, numéros 131
Articles, rapports, mémoires
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2) A.MOINE, 2006/2 “Le territoire comme un système complexe : un concept opératoire pour
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4) Conférence ID4D, 8 février 2013 « Les relations Chine-Afrique : impacts pour le continent africain
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5) D.MEIER, 2009, « Territoires et représentations : une introduction », a contrario, numéros 11,
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82
6) Entretien avec l’Amiral Jean Dufourq, 2012, « La France et les enjeux géostratégiques de l’Océan
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page 21 a 29
7) F.GRARE, 2012, « Océan Indien : la quête d’unité », Revue Hérodote, , « Géopolitique de l’Océan
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8) F.GROS, 2014, « Entre pouvoir et territoire : Deleuze, Foucault », Université Paris X, GNU/FDL
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Rapport l’Association IRESA (Initiative pour la Recherche Economique en Afrique), 51 pages
14) M.ANDRIANAIVOSON, 2014, « Intégration des investissements chinois à Madagascar, le cas des
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16) N .RATRIMOARIVONY, 2012 “les Dimensions Géopolitiques de la présence Chinoise dans le
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17) P LEUILLIOT, 1931 « Les archives d'une banque contemporaine : ce qu'elles contiennent, ce
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Editions, 27 pages
83
Périodiques
1) Chinafrique, volume 5, mai 2013
2) Chinafrica, volume 5, April 2013
3) Chinafrica, volume 5, february 2013
Articles de presse :
1) A.RIALINTSALAMA, 2016, « Des Chinois jusqu’aux tripes », L’Hebdo de Madagascar du vendredi 30
septembre au jeudi 06 Octobre 2016
2) E.RANJALAHY, 2016, “Haro sur les orpilleurs”, L’hebdo de Madagascar du vendredi 22 au Jeudi 28
Juillet 2016
3) F.RASOLOMAHERY, 2016, « Une manifestation populaire réprimée », L’express de Madagascar,
vendredi 15 Juillet 2016
4) G.F.RANAIVOSON, 2016, « Le pouvoir affiche un visage repressif », L’express de Madagascar du
Mardi 19 Juillet 2016
5) L. RAFIDIARISOA, 2016, « Soamahamanina, la mediation tombe a l’eau », L’express de Madagascar
du Jeudi 21 Juillet 2016
6) L.RAFIDIARISOA, 2016, « Soamahamanina au bord de l’implosion », L’express de Madagascar du
Mercredi 20 Juillet 2016
7) MAHETSAKA, 2015, « Madagascar-Chine, la coopération culturelle renforcée » Midi Madagasikara
du mardi 10 Fevrier 2015
8) M.IHARILIVA, 2016, « Chinoiseries sur le commerce de bovides », L’hebdo de Madagascar du
vendredi 22 au Jeudi 28 Juillet 2016
9) M.RAHARISOA, 2015, « Aménagement du lycée public d’Ambohidratrimo par les chinois », Midi
Madagasikara du 03 Février 2015
10) Publi-reportage « L’identite culturelle chinoise rayonne dans le monde », Midi Madagasikara du
Mardi 11 Octobre 2016
11) Publi-reportage, 2016, « Interview de l’ambassadeur de Chine Yang Xiaorong », Midi Madagasikara
du Jeudi 29 Septembre 2016
12) R.EDMOND, 2016, « Les investissements chinois en pole position », Midi Madagasikara du vendredi
8 Juillet 2016
84
13) R.EDMOND, 2016, « Les chinois du CAIF WTO en prospection », Midi Madagasikara du 14 Juillet
2016-11-23
14) R.EDMOND, 2016, « Un investisseur chinois spolie de ses droits fondamentaux », Midi Madagasikara
du mercredi 17 Aout 2016
15) R.EDMOND, 2016, « Madagascar-Chine, c’est parti pour une intensification des relations » Midi
Madagasikara du mercredi 03 Aout 2016
16) R.EUGENE, 2016, « Affaire Soamahamanina, vers un dialogue tripartite », Midi Madagasikara du
samedi 23 Juillet 2016
17) R.EUGENE, 2016, « Madagascar-Chine, un accord d’une valeur de 50 milliards d’Ariary », Midi
Madagasikara du vendredi 1er Juillet 2016
18) S.ANDRIAMANANTENA, 2016, « La Chine établit son empire a Madagascar », L’hebdo du vendredi
15 au jeudi 21 Juillet 2016
19) S.ANDRIAMAROHASINA, 2016, « Mesures anti-émeutes contre les journalistes », L’express de
Madagascar du Jeudi 21 Juillet 2016
20) S.A., 2015, « Le mandarin retient l’attention des jeunes », l’Express de Madagascar duMardi 24
Fevrier 2015
85
REFERENCES FILMOGRAPHIQUES
1) « La Chine a Madagascar du 19 Mai 2014 », un film réalisé par l’Ambassade de Chine a
Madagascar en partenariat avec la Tvplus Madagascar
2) « La Chine a Madagascar du 26 Mai 2014 », un film réalisé par l’Ambassade de Chine a
Madagascar en partenariat avec la Tvplus Madagascar
3) « La Chine a Madagascar du 02 Juin 2014 », un film réalisé par l’Ambassade de Chine a
Madagascar en partenariat avec la Tvplus Madagascar
4) « La Chine a Madagascar du 09 Juin 2014 » un film réalisé par l’Ambassade de Chine a
Madagascar en partenariat avec la Tvplus Madagascar
5) « La Chine a Madagascar du 16 Juin 2014 », un film réalisé par l’Ambassade de Chine a
Madagascar en partenariat avec la Tvplus Madagascar
86
ANNEXES Annexe 1 : Questionnaire d’enquête ouvert pour l’échantillonnage qualitatif
1. « D’après mes recherches, les représentations de la chine a Antananarivo se
résumeraient au commerce et au quartier de Behoririka. A partir de votre propre
vision du développement, pensez vous que cette présence répond aux intérêts de la
population ?Leur absence hypothétique aurait elle des conséquences négatives pour
le pays ? »
2. Mis à part les commerces et behoririka, quels sont les autres secteurs ou la Chine agit
fortement selon vous? Peut-on espérer un développement pour Madagascar a travers ses
activités ?
3. « Selon mes hypothèses et d’après le discours officiel de l’ambassade de France, la
présence française a Madagascar se manifeste surtout a travers son influence
culturelle et la présence des grandes filiales. Si on observe le IIIème arrondissement,
les entreprises françaises les plus visibles sont la Société générale (BFV-SG), la BPCE
(BMOI-BPCE) et Total. A partir de votre propre définition du développement, pensez
vous que la présence de ces groupes réponds aux intérêts de la population ?Leur
absence hypothétique aurait elle des conséquences négatives pour le pays ?
4. « On observe beaucoup d’ecoles qui arborent « l’enseignement d’expression
francaise» dans le 3eme arrondissement mais aussi dans l’ensemble de la capitale. La
maitrise et l’enseignement par cette langue est-elle reellement aujourd’hui un
imperatif pour la reussite (selon votre definition) en general des enfants ? Ne peut-on
concevoir d’autres modeles comme un système d’enseignement en malgache ou dans
une autre langue ? »
5. Croyez -vous en une rivalité d’influence entre la France et la Chine à Madagascar ? Selon vous
qui a le plus d’influence ? pourquoi ?
87
6. « Lorsqu’on observe le paysage urbain dans le IIIeme arrondissement, on peut
constater les activites de plusieurs entites etrangeres (Francaises, chinoise, Indo-
pakistanaise…) detenant une part importante de l’economie tananarivienne. Les
populations beneficient elle reellement des impacts de ces activites ? Peut-on dire que
l’espace vecu dans le IIIeme arrondissement est un territoire tananarivien ? »
Annexe 2 :Classement général des Entreprises de l’Océan Indien, source : Eco Austral 2015
88
89
Annexe 3 : LES 100 PREMIERES ENTREPRISES DE MADAGASCAR PAR CHIFFRE D'AFFAIRE
2012DECROISSANT PAR SECTEUR D'ACTIVITE
90
91
92
Annexe IV : Les représentations de la Chine dans le Grand Antananarivo.
Figure n°1 : Question 1 : Quelle est la première image qui vous vient à l’esprit quand on vous
parle de la Chine à Madagascar ?
Autres : domination économique, médiocrité des produits, apport technologique
20%
45%
20%
5% 10%
Classe aisée
Behoririka
Commerce
Autres
Restaurant
Soalala
25%
35%
10%
15%
15%
Classe favorisée
Behoririka
Commerce
Autres
Restaurant
Soalala
25%
45%
25%
5%
Classe moyenne
Behoririka
Commerce
Autres
Restaurant
15%
80%
5%
Classe défavorisée
Behoririka
Commerce
Restaurant
93
Autres : Concurrence déloyale, Conquérant, détruit le pays, Importation, Malin
Source : Mémoire de maitrise, « Les dimensions géopolitiques de la présence chinoise dans le Grand
Antananarivo », 2012, auteur
21%
51%
14%
8% 6%
Ensemble des classes
Behoririka
Commerce
Autres
Restaurant
Soalala
94
Annexe 5 : Communique des grands groupements économiques de Madagascar sur la concurrence
déloyale
95
TABLE DES MATIERES REMERCIEMENTS ..................................................................................................................................... i
SOMMAIRE .............................................................................................................................................. ii
RESUME ................................................................................................................................................. iii
TABLE DES ILLUSTRATIONS ..................................................................................................................... iv
Liste des croquis ................................................................................................................................. iv
Liste des photos .................................................................................................................................. iv
Liste des figures ................................................................................................................................... v
Liste des tableaux ................................................................................................................................ v
ACRONYMES .......................................................................................................................................... vi
INTRODUCTION ....................................................................................................................................... 1
Première partie : Une démarche déductive, point commun de la géographie, des sciences politiques et
des sciences sociales ............................................................................................................................... 6
Chapitre I Du global au local : une spécialité de la géographie.............................................................. 7
1.1. Richesse de l’approche géopolitique ................................................................................... 7
1.2. Revues de littérature : vers la construction des hypothèses de recherche .......................... 9
1.2.1 Les ouvrages et articles les plus constructifs ................................................................. 9
1.2.2 Elaboration des hypothèses de recherche : l’identification des représentations .......... 11
Chapitre II Mobilisation des concepts : Pouvoir, Territoire, représentations ....................................... 14
2.1. Le pouvoir, une réalité au-delà de l’influence .................................................................... 14
2.1.1. Le pouvoir n’existe que dans une relation et dans des structures ................................ 14
2.1.2. La maîtrise des incertitudes, des ressources et des dispositifs d’assujettissements crée
la dépendance ........................................................................................................................... 17
2.2. La contextualisation culturelle de la définition du territoire ............................................. 20
Chapitre III Les travaux de terrain et les limites de la recherche ......................................................... 22
3.1. Spatialisation et informations quantitatives...................................................................... 22
3.2. Echantillonnage qualitatif pour une étude de représentation ........................................... 25
3.3. Les limites de la recherche ................................................................................................. 27
Deuxième partie : La mondialisation libérale, source des enjeux géopolitiques français et chinois à deux
échelles : l’océan indien et le IIIème arrondissement de la CUA ............................................................. 29
Chapitre IV Les enjeux géopolitiques dans l’Océan Indien : une clé de lecture des dynamiques locales
.......................................................................................................................................................... 30
96
4.1. Sécurité, détroits stratégiques et échanges commerciales : une partie Nord beaucoup plus
importante .................................................................................................................................... 30
4.2. Les priorités chinoises face aux rivaux Indiens et Américains ................................................. 35
Chapitre V La dépendance des acteurs économique locaux vis-à-vis des représentations chinoises et
françaises. ......................................................................................................................................... 45
5.1. Société générale, BPCE et Total : des géants incontestés ....................................................... 45
5.2. Le commerce chinois : bourreau de l’industrialisation locale et sauveur de la consommation
...................................................................................................................................................... 54
Chapitre VI Le triomphalisme culturel francais, un défi pour le soft power chinois ............................. 61
6.1.La langue dans l’éducation : une question géopolitique.......................................................... 61
6.2.Les représentations médiatiques :un enjeu d’envergure pour la Chine................................... 67
6.3.Les representations territoriales :Entre instrumentalisation, repère culturel et enjeu
économique .................................................................................................................................. 74
CONCLUSION ......................................................................................................................................... 77
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES .......................................................................................................... 80
REFERENCES FILMOGRAPHIQUES .......................................................................................................... 85
ANNEXES ............................................................................................................................................... 86
TABLE DES MATIERES ............................................................................................................................ 95