Les quatre bonheurs de Michel Guermonprez

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Les quatre bonheurs de Michel Guermonprez Bernard Poitevin Homéopathe, allergologue, rédacteur en chef de La Revue d'Homéopathie, 625, avenue de la Mer, 83230 Bormes-les-Mimosas, France Disponible en ligne sur SciVerse ScienceDirect le 2 mai 2013 Une petite encyclopédie du bonheur 1 écrite par un auteur de tempérament (s), bien connu de nous tous, le docteur Michel Guermonprez, confrère pour lequel l'ensemble de la communauté homéopathique a une estime profes- sionnelle quasi unanime et largement justiée. Dans cet ouvrage, notre confrère nous surprend, avec bonheur le plus souvent comme nous le verrons, en proposant aux lecteurs de trouver le bonheur selon leur tempérament. Idée très simple à première vue, mais peut-être aussi très intéressante dans un monde abru- tissant, relayant en boucle des informa- tions impersonnelles, souvent erronées et/ou mal vériées, inconsciemment angoissantes (car nous n'avons aucune prise sur elles), et qui sont enrobées de la proposition d'un bonheur confortable, formaté, standardisé, aseptisé. Alors, quittons ces autoroutes de l'anonymat, et prenons avec l'auteur ce chemin du bonheur individualisé qu'il nous pro- pose : « Ce plus. . . vous concerne lec- teur, vous et personne d'autre, car il s'agit de votre bonheur à nul autre pareil, celui qui vous est destiné par votre nature, qui vous convient parce que vous êtes, vous, unique et incomparable. » Bonheur individuel qui est « du domaine de l'ineffable, de l'indi- cible », et qu'il nous faut découvrir à tra- vers un chemin philosophique que nous propose Michel Guermonprez. Avant d'entrer dans le vif du sujet avec les quatre bonheurs, une petite introduc- tion nous rappelle l'importance des petits bonheurs pour tous : « Une toute première leçon de bonheur, c'est d'apprendre à apprécier ces microbon- heurs insigniants. » Nous rappelant que proter de chaque instant avec attention, c'est déjà un embryon de sagesse, l'auteur souligne que ceci est possible pour tous, qu'il s'agisse de l'épi- curien en nous qui sourit à la vie, du stoïcien qui se satisfait de l'ordre des choses, du contemplatif, qui dégustant une bière, croit boire un nuage, ou du sceptique critique, qui se réjouit de sa propre futilité. « Savoir jouir des petits bonheurs, c'est prendre le temps de l'attention ». Et si la collection des petits bonheurs embellit le quotidien, il faut, pour faire plus selon l'auteur, accepter au minimum un petit travail sur soi. Ceci commence par un petit chapitre sur les techniques du bonheur et ses rapports avec la science. Parmi les diverses approches, toutes intéressantes, nous retiendrons le rôle de la nouvelle psy- chologie, annoncée par Fromm, Frankl, Maslow, Seligman, qui considère comme essentiel de percevoir ce qu'il y a de gratiant et de joyeux plutôt que de se concentrer sur les difcultés : elle propose de développer la culture de l'amour à recevoir et à donner, celle du sens à donner aux actions, de la responsabilisation, l'entraînement à la résilience face aux aléas de l'existence. Si Maslow met en bas de la pyramide les besoins élémentaires de nourriture et de boisson (que nous réserve la lutte pour l'eau dans l'avenir ?), il met en haut de cette même pyramide le besoin de réa- liser une œuvre, et ne parle pas direc- tement du bonheur, « car il réserve l'ineffable à l'homme mystique » selon Michel Guermonprez, pour qui Maslow, ce père de la psychologie humaniste, s'il est actuellement largement dépassé, n'est pas contredit. L'auteur décrit aussi quelques courants de pensée fondamen- taux, tel celui des eudémonismes grecs, rejoints par la morale kantienne, pour lequel le bonheur réside dans la pratique de la sagesse et le culte des vertus per- sonnelles et civiques. Ce courant de « l'honnête homme » est largement battu en brèche dans le monde moderne. D'autres courants sont plus valorisés aujourd'hui : celui de l'hédonisme vul- gaire, pour lequel le bonheur, c'est le plaisir, et dont on peut souhaiter qu'il ne fasse pas trop de victimes autour de lui ; celui de l'épicurisme, plus léger, pour lequel la suppression de la souffrance suft au bonheur ; enn, le messianisme, pour lequel le bonheur est imposé ou fortement suggéré par la collectivité. Mais nous n'avons pas encore pris le chemin des quatre grands bonheurs, chapitre pour lequel l'auteur nous livre la exion suivante : « Suivez votre pente naturelle, mais suivez-la en pleine cons- cience. » Pour Michel Guermonprez, le choix raisonné d'une voie vers plus de bonheur est fonction de deux variables : les options de voies de bonheur disponibles : il y a parmi les voies proposées de la sagesse par la philo- sophie et les sciences cognitives, qua- tre modèles dont l'Antiquité et l'Orient ancien offrent la description minutieuse ; les traits de caractère, les tempéra- ments au nombre de quatre également. Selon l'auteur, « l'expérience et la logique montrent qu'une seule voie convient à chaque caractère. Une combinaison de voies s'offre aux carac- tères complexes, ce qui laisse une place raisonnable et une porte ouverte à la liberté ». On voyait mal l'auteur enfer- mer le chemin du bonheur dans le cadre Adresse e-mail : [email protected] La Revue d'Homéopathie 2013;4:7477 Profession 74 http://dx.doi.org/10.1016/j.revhom.2013.03.007

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Adresse e-mail :[email protected]

La Revue d'Homéopathie 2013;4:74–77Profession

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Les quatre bonheurs de MichelGuermonprez

Bernard Poitevin

Homéopathe, allergologue, rédacteur en chef de La Revue d'Homéopathie, 625,avenue de la Mer, 83230 Bormes-les-Mimosas, France

Disponible en ligne sur SciVerse ScienceDirect le 2 mai 2013

Une petite encyclopédie du bonheur1

écrite par un auteur de tempérament(s), bien connu de nous tous, le docteurMichel Guermonprez, confrère pourlequel l'ensemble de la communautéhoméopathique a une estime profes-sionnelle quasi unanime et largementjustifiée.Dans cet ouvrage, notre confrère noussurprend, avec bonheur le plus souventcomme nous le verrons, en proposantaux lecteurs de trouver le bonheur selonleur tempérament. Idée très simpleà première vue, mais peut-être aussitrès intéressante dans un monde abru-tissant, relayant en boucle des informa-tions impersonnelles, souvent erronéeset/ou mal vérifiées, inconsciemmentangoissantes (car nous n'avons aucuneprise sur elles), et qui sont enrobées dela proposition d'un bonheur confortable,formaté, standardisé, aseptisé. Alors,quittons ces autoroutes de l'anonymat,et prenons avec l'auteur ce chemin dubonheur individualisé qu'il nous pro-pose : « Ce plus. . . vous concerne lec-teur, vous et personne d'autre, car ils'agit de votre bonheur à nul autre pareil,celui qui vous est destiné par votrenature, qui vous convient parce quevous êtes, vous, unique et

incomparable. » Bonheur individuel quiest « du domaine de l'ineffable, de l'indi-cible », et qu'il nous faut découvrir à tra-vers un chemin philosophique que nouspropose Michel Guermonprez.Avant d'entrer dans le vif du sujet avecles quatre bonheurs, une petite introduc-tion nous rappelle l'importance despetits bonheurs pour tous : « Unetoute première leçon de bonheur, c'estd'apprendre à apprécier ces microbon-heurs insignifiants. » Nous rappelantque profiter de chaque instant avecattention, c'est déjà un embryon desagesse, l'auteur souligne que ceci estpossible pour tous, qu'il s'agisse de l'épi-curien en nous qui sourit à la vie, dustoïcien qui se satisfait de l'ordre deschoses, du contemplatif, qui dégustantune bière, croit boire un nuage, ou dusceptique critique, qui se réjouit de sapropre futilité. « Savoir jouir des petitsbonheurs, c'est prendre le temps del'attention ». Et si la collection des petitsbonheurs embellit le quotidien, il faut,pour faire plus selon l'auteur, accepterau minimum un petit travail sur soi. Cecicommence par un petit chapitre sur lestechniques du bonheur et ses rapportsavec la science. Parmi les diversesapproches, toutes intéressantes, nousretiendrons le rôle de la nouvelle psy-chologie, annoncée par Fromm, Frankl,Maslow, Seligman, qui considèrecomme essentiel de percevoir ce qu'ily a de gratifiant et de joyeux plutôt quede se concentrer sur les difficultés : ellepropose de développer la culture del'amour à recevoir et à donner, celledu sens à donner aux actions, de laresponsabilisation, l'entraînement à larésilience face aux aléas de l'existence.Si Maslow met en bas de la pyramide lesbesoins élémentaires de nourriture et deboisson (que nous réserve la lutte pourl'eau dans l'avenir ?), il met en haut decette même pyramide le besoin de réa-liser une œuvre, et ne parle pas direc-tement du bonheur, « car il réserve

l'ineffable à l'homme mystique » selonMichel Guermonprez, pour qui Maslow,ce père de la psychologie humaniste, s'ilest actuellement largement dépassé,n'est pas contredit. L'auteur décrit aussiquelques courants de pensée fondamen-taux, tel celui des eudémonismes grecs,rejoints par la morale kantienne, pourlequel le bonheur réside dans la pratiquede la sagesse et le culte des vertus per-sonnelles et civiques. Ce courant de« l'honnête homme » est largement battuen brèche dans le monde moderne.D'autres courants sont plus valorisésaujourd'hui : celui de l'hédonisme vul-gaire, pour lequel le bonheur, c'est leplaisir, et dont on peut souhaiter qu'il nefasse pas trop de victimes autour de lui ;celui de l'épicurisme, plus léger, pourlequel la suppression de la souffrancesuffit au bonheur ; enfin, le messianisme,pour lequel le bonheur est imposé oufortement suggéré par la collectivité.Mais nous n'avons pas encore pris lechemin des quatre grands bonheurs,chapitre pour lequel l'auteur nous livre laréflexion suivante : « Suivez votre pentenaturelle, mais suivez-la en pleine cons-cience. » Pour Michel Guermonprez, lechoix raisonné d'une voie vers plus debonheur est fonction de deux variables :� les options de voies de bonheurdisponibles : il y a parmi les voiesproposées de la sagesse par la philo-sophie et les sciences cognitives, qua-tre modèles dont l'Antiquité et l'Orientancien offrent la descriptionminutieuse ;

� les traits de caractère, les tempéra-ments au nombre de quatreégalement.

Selon l'auteur, « l'expérience et lalogique montrent qu'une seule voieconvient à chaque caractère. Unecombinaison de voies s'offre aux carac-tères complexes, ce qui laisse une placeraisonnable et une porte ouverte à laliberté ». On voyait mal l'auteur enfer-mer le chemin du bonheur dans le cadre

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rigide d'un déterminisme trop étroit.Nous vous laissons le bonheur (qui semérite ici comme toujours), de découvrirces quatre voies :� la voie stoïque de la rigueur et de laplanification, de l'observation desprincipes et du respect des lois etdes règlements, voie empruntée parles tempéraments bilieux ;

� la voie épicurienne, de l'optimisme etde l'action, qui peut se manifester defaçon variable, de la valorisation dessatisfactions morales et compassion-nelles à la jouissance sans retenue niregard altruiste. Elle est la voie destempéraments sanguins, et valoriseplaisir et passion ;

� la voie contemplative de la récepti-vité et de l'acceptation, non réservéeexclusivement aux religieux et médi-tatifs, et qui est selon l'auteur, « aussigénéreuse et positivement socialeque les deux autres malgré l'appa-rence de la passivité et de l'inaction ».Les personnes de tempérament lym-phatique, à l'attitude contemplative,empruntent ce chemin ;

� la voie cynique, celle de l'attitudecritique et de la liberté, avec pourrègle un certain scepticisme, etl'adaptation sans cesse remise encause en fonction des circonstances.Cette voie, qui est la plus actuelle,serait la plus répandue parmi ceuxqui ne se sont jamais posé de ques-tions sur l'orientation et la finalité deleur vie. Le tempérament nerveuxemprunte cette voie de l'intelligencecritique.

Le lecteur se dit très vite que cette der-nière voie est bien en partie un peu cellede tout le monde aujourd'hui, sauf si onest un vrai bilieux, enfermé dans la cita-delle de Bercy (voilà une Bastille à pren-dre !), un vrai contemplatif, libre dans unmonastère, ou un véritable affamé deplaisir enchaîné à la jet-set. MichelGuermonprez nous répond en décrivantdes variantes de tempérament : à côtédes quatre types de base, correspon-dant à une prédominance forte, il y asix types binaires que l'auteur retientdans ces analyses. On peut trouverdes types ternaires et même un typequaternaire, à l'équilibre des quatre tem-péraments, et que l'on pourrait qualifierselon les cas de parfait ou. . . d'insipide.Michel Guermonprez nous demande denous mettre au travail, à travers ladécouverte successive des bilieux,stoïciens et rigoureux, des sanguins,épicuriens et optimistes, des lymphati-ques contemplatifs et réceptifs, des

nerveux, socratiques, cyniques etsceptiques.Ce travail sera fait avec bonheur par desmédecins homéopathes, passionnésd'humanité, de façon non exclusive ausein du corps médical certes, mais avecune marque encore forte et présente. Cechemin parcouru, vous accéderez à lamaison du bonheur, bien intéressanteà découvrir, et qui peut faire rêver,comme la maison bleue de Maxime leForestier. Construite « sur le modèle denotre contenu mental, de notre psy-chisme conscient et inconscient, sansoublier l'émotivité et le domaine desrelations », cette maison est pluscomplexe que celle de San Francisco.Il nous faut commencer par la cave,celle gérée par l'hérédité et l'inconscient,et où le bonheur ne dépend que de lacapacité à subir. On ne passe pas sa vieà la cave, et l'accès aux soubasse-ments nous met déjà un peu dans lalumière. Nous nous découvrirons, nouset peut-être nos patients, à travers notrefaçon de manger, boire et dormir, à tra-vers notre part de chance et de beauté,beauté dont la contrepartie fréquem-ment retrouvée serait celle de la vulné-rabilité et de la fragilité émotionnelle. Àvous d'observer. Dans ces soubasse-ments, on retrouve la santé et les méde-cines. Allez, ne gâchons pas notreplaisir : on lit ici avec un grand bonheurces pages de notre ami médecin, qui abeaucoup appris à beaucoup d'entrenous et qui résume ici sa très longueexpérience. Nous vous livrons quelquescitations. À propos des malades guérissans traitement : « Sans tomber dansune position intenable de soutien auxgourous illuminés et vénaux et de cri-tique négative d'une médecine scienti-fique qui fait chaque jour ses preuves,on aimerait qu'une place plus grande etune attitude plus honnête et modestesoient adoptées face à ce qui sort dela norme et du consensus général. Parexemple, se guérir soi-même, sansmédicament, sans rien ni personne.Ce qui est la voie naturelle de la guéri-son. » Qui dit mieux ? À propos del'importance des signes psychiques ouabstraits : « Homéopathie et acupunc-ture : les signes mentaux et les signespsychiques sont considérés commeégaux en importance et absolument cor-rélés, interdépendants, et équivalents.Le choix thérapeutique dépend del'ensemble. » Tous les lecteurs, en par-ticulier ceux qui survalorisent le psy-chisme, ne seront pas d'accord avecces lignes. Nous le sommes sans

réserve : l'homéopathie repose surune approche phénoménologique dessymptômes du patient. C'est ainsi. Àpropos de la place des médecines dif-férentes en général : « Tous cesmoyens sont moins efficaces à l'encon-tre des maladies les plus graves que lamédecine conventionnelle, mais ilsprennent en charge la personnehumaine, votre malheur à vous et pasun autre, et quelquefois, ils ridiculisent lagrande médecine classique qui ne leurpardonne pas. » Parfois, heureuse-ment, il existe des confrères classiques,intelligents et tolérants, qui pardonnentet même souscrivent. Vous découvrirezle parcours de santé de vos bilieux, san-guins, lymphatiques et nerveux. Vousémettrez quelques réserves ou nuancespeut-être, telle celle suscitée chez nouspar cette réflexion sur les maladies auto-immunes, liées à l'égoïsme selonl'auteur, et également liées, selon notreexpérience, à une tendance autodes-tructrice, l'un n'excluant pas l'autre.Dans le même esprit, nous relèveronsla dernière phrase : « Et il est logique etefficace que les praticiens de l'analyseprescrivent des médications de la partieet que ceux de la synthèse traitentl'ensemble. Donc, antibiotiques plusacupuncture et homéopathie, ons'adresse à la maladie et on traite lemalade. Un vrai bonheur de l'indécision.Tout de même, de temps en temps, ilvaut mieux choisir. Mais on déborde icidu cœur de cet ouvrage. » Pas si sûr,car cette réflexion de l'auteur rejointcelle sur l'importance des nerveux etdes cyniques dans notre société. Lemédecin, homéopathe ou non, doitapprécier le tempérament de sonpatient, savoir reconnaître l'impatient,le revendicateur, et se garder des ris-ques juridiques, qui, au-delà du patientavec lequel une solide relation de confi-ance est souvent établie, peut provenird'un entourage mesquin et calculateur.L'hésitation et le mélange des genres,à propos duquel Michel Guermonprezémet une juste réserve de principe, sontsouvent aujourd'hui un parcours obligédu médecin pour se protéger juridique-ment. Nous connaissons tous cettecomplexité actuelle : restons vigilantset prévoyants.Montons plus haut, accédons au belétage, celui auquel, selon l'auteur, onvit et où on reçoit ses amis, celui del'amour, « bonheur à risque », du sexe,de plus en plus dissocié du précédent, etcelui de l'amitié qui suppose la récipro-cité et l'égalité donc la justice. Cette

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Un livre à mettre entre toutes les mains !« La grande affaire et la seule qu'on doive avoir, c'est de vivre heureux »,ainsi débute le nouvel ouvrage de notre ami Michel Guermonprez : Lesquatre bonheurs, précis philosophique de bien-vivre. Cette interpellationest d'autant plus d'actualité que nous, professionnels de santé, devonsprendre en charge notre développement professionnel continu, le fameuxet légal DPC.Michel Guermonprez, nous propose, lui, un essai de développement per-sonnel. La Revue d'Homéopathie a publié son message homéopathique,donné lors du congrès de printemps de la Fédération nationale des sociétésmédicales homéopathiques de France, à Villeneuve-d'Ascq, dans le Nord, oùil a exercé avec brio la médecine homéopathique de 1948 à 1994. Disciplebrillant de Léon Vannier, il devient l'un des piliers du Centre homéopathiquede France qu'il présidera. Son sens pédagogique l'a incité à créer le Centred'étude homéopathique du Nord de la France, la Société de perfectionnementen homéopathie et à initier l'enseignement universitaire de l'homéopathie à lafaculté de médecine et de pharmacie de Lille.Connu pour ses multiples communications de qualité, il l'est également pourles ouvrages de référence : Matière médicale homéopathique (1985) ;Homéopathie, principes, clinique, techniques (2006) ; Les tempéraments,typologie et types sensibles (2008).Loin de rompre avec son expérience médicale, il en a assimilé le messagehahnemannien d'observation critique et d'érudition et il trace dans cet ouv-rage un panorama des personnalités et des caractères, retrouvant les dia-thèses, les constitutions, les tempéraments. Il construit « la maison dubonheur » dans laquelle de la cave, comprenez l'inconscient et l'hérédité,jusqu'au grenier, toutes les questions abordées sont sérieuses, existen-tielles : du repas à l'estime de soi. . . Avec un style agréable, plein de légèretéet d'humour, il nous promène de questions en réponses ; les citations,extraites d'une bibliographie indispensable, agrémentent le texte sans l'alour-dir. Ainsi l'auteur nous fait réfléchir sur notre chemin personnel du bonheurauquel tout un chacun aspire. Dans notre époque troublée, où les repèressont bouleversés, c'est un livre à mettre dans toutes les mains.

Alain Sarembaud, directeur de la rédaction de La Revue d'Homéopathie.

B. PoitevinProfession

exigence de durée de l'amitié est difficilepour les nerveux : « Ils ne savent pasque, si on peut vivre sans amis, c'estalors sans doute sans bonheur. » Quoide plus vrai ? Famille et enfants, sontnaturellement à ce bel étage. Vousdécouvrirez de beaux passages, maisnous livrons quelques extraits del'auteur qui cite d'abord Kant : « Par lemariage la femme devient libre, par luil'homme perd sa liberté. » Discussionsen perspective. Plus loin, on souscrità cette vérité selon laquelle « la libertéa un prix, le désordre une sanction, lafantaisie ses incertitudes. . . La solitudeest paradoxalement la conclusion del'agitation désordonnée, des amourséphémères, des cellules de vie dislo-quées ». L'étude du couple dévaluéest suivie de celle du couronnementde l'enfant-roi. Vous découvrirezcomment chaque tempéraments'adapte à cette évolution. L'analysede la fortune et du succès, du travailet du temps libre, du sport et de la culturese font toujours au bel étage. Quelquesbeaux passages sur la nature : « Il fau-dra s'adapter, apprendre à consommermoins et mieux, savoir respirer et lâcherprise, comprendre que la nature n'estpas le terrain de jeu et le garde-mangerdes humains, mais le substrat de sasurvie, accepter une réduction généraleet définitive des avantages de la civilisa-tion que nous avons crue avancée. » Etce petit goût des paradoxes et descontrastes, à propos de la culture :« Car l'honnête homme assimilel'essentiel, comprend l'esprit, intègreles grandes lignes et devient ainsi lui-même un élément de la culture à trans-mettre. » Beau programme, suivi immé-diatement de ce commentaire :« Remarquons toutefois que la culturene protège pas de la bêtise, même si ellel'organise. » Plaisant et déstabilisateur,on reconnaît l'auteur. Ensuite, on sou-scrit pleinement à ce propos : « Uneconnaissance supplémentaire, la maî-trise d'un nouveau savoir est sourcede joie, de contentement, de plusd'estime de soi, donc de bonheur. » Jeme souviens d'un repas au début desannées 90, avec Pierre Thuillier, histo-rien des sciences écrivant pour le jour-nal La Recherche. À l'orée de sa retraite,il nous avait confié son bonheurd'apprendre chaque matin à jouer dupiano, Bach en particulier. L'humanitéet la modestie de cet homme cultivéétaient dans l'esprit de ce que décritMichel Guermonprez. Bach, nous yreviendrons. À ce bel étage figurent

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aussi nos croyances, religion et athé-isme. Vous aimerez peut-être cette cita-tion de Romain Rolland sur ce« sentiment océanique qui correspondà un éveil de la conscience », et qui pourFreud, sceptique et athée (en appa-rence) correspondait à une régressionarchaïque narcissique. Vous choisirez,selon votre tempérament peut-être.L'auteur s'interroge sur « quelque chosequi participe au plus fort de notre deve-nir ». On préférera ceci aux citations deMichel Onfray.Que ce bel étage est dense : liberté etsécurité y côtoient l'égoïsme, l'altruismeet la bonté. La bonté a ses incarnations :Jean Valjean joué par Lino Ventura dansLes misérables. On laisse la majuscule.Suit une analyse très pertinente des der-niers habitants de cet étage, l'estime desoi et l'humilité. On y apprend que lesefforts ne favorisent guère le bonheuret que deux philosophies s'opposent(ou se complètent) : « Ego renforcé et

critère positif pour l'Occident. Ego pour-chassé et progrès vers la sagesse pourl'Orient. Avec dans les deux sens de soli-des arguments. » À lire avec attention.Les maisons ont souvent un grenier. Ony va rarement. Dommage, car s'il est lelieu du surmoi qui sanctionne et récom-pense, il contient aussi selon l'auteur« un bric-à-brac de valeurs négligéesqui permet parfois de redresser la barreet apporte avec le contentement de soi,un peu de bonheur perdu ». Suiventquelques mots sur le mal et le malheurque vous découvrirez avant d'explorer lacomplexité des six tempéraments binai-res, complétée d'un aperçu de morpho-psychologie, de conseils, méthodes etrecettes. Quelques pages pour mieux seconnaître précédent un texte de20 questions, que vous aurez peut-êtreenvie de modifier un peu, avant la des-cription d'un bonheur tranquille et d'unpetit chapitre essentiel consacré à ren-forcer les points forts.

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Vous l'avez compris, nous avons aimécet ouvrage, profond et modeste, etnous vous le conseillons fortement, pourvous et vos patients éclairés. Laissonsla parole à Michel Guermonprez : « Etque les échecs et les inévitables contra-dictions de cet ouvrage, la modestie desconseils et le caractère schématiquedes exemples ne vous écartent pasd'un effort, qui comme tous les efforts,vous procurera quelques instants debonheur. » On pourrait s'arrêter là, maisnous savons que l'auteur n'aime pasque l'on soit totalement d'accord aveclui. Il apprécie la contradiction positive.Aussi c'est sur Bach que nous finirons,la musique de Bach destinée, page 274,au bonheur des bilieux, à côté de Fer-nand Léger, du cubisme, du style métal,des Champs-Élysées et même desradars. Bach à côté des radars. Unpeu provocateur ! Dans Le moulin etla rivière, Gilles Cantagrel, spécialistede Bach, nous rappelle que le Bachde Leipzig a 38 ans et est un hommevigoureux, en pleine force de l'âge. Cet

homme a écrit de magnifiques cantatesprofanes (liées au mariage, au café, à lachasse, au vent), écrit aussi de multiplesdanses et sa musique est égalementpleine de force, d'énergie, de lumière.C'est que Bach aimait vivre, qu'il y avaitdu sanguin en lui et dans sa musique, etil n'est pas certain que ses nombreuxenfants (20) ne soient pas autant le fruitde la passion épicurienne que celui dudevoir bilieux. Bach contemplatif égale-ment, comme en témoigne une magni-fique interprétation d'Anne Queffélec aupiano, dans un disque intitulé Contem-plations. Bach intellectuel, s'appuyantsur la symbolique des nombres, trans-crivant de nombreuses œuvres et étantégalement adapté par des chanteursafricains (Lambarena), et de nombreuxjazzmen. Et Bach pour les bilieux aussi,comme l'illustrent les danses pour vio-loncelles transcrites pour alto, alternantavec des poèmes de Rainer Maria Rilkelus par Laurent Terzieff (2010). Bilieuxcertes, mais magnifique surtout, et onrejoint ici Schweitzer, disant de Bach :

« C'est un penseur mystique. » Noussommes revenus au début : Bach, au-delà de la pyramide de Maslow, donnantaccès à l'ineffable. Dans tous les cas, il aproduit une musique s'adaptant à tousles tempéraments, comme le livre deMichel Guermonprez, que ce petit pas-sage contradictoire nous permet doncde laisser en (très) bonne compagnie.Achetez cette petite encyclopédie dubonheur. Dans une époque tourmentée,privée de repères, ce livre propose uncheminement vers un bonheur adaptéà chacun, avec beaucoup de culture etde tolérance. Livre précieux donc. Mercisincère à l'auteur, notre confrère.

Déclaration d'intérêtsLes auteurs déclarent ne pas avoir de conflitsd'intérêts en relation avec cet article.

1Guermonprez M. Les quatre bonheurs. Précisphilosophique du bien-vivre. Paris: Ellébore Éditions,2012, 204 pages, 19,90 s.

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