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Module 3 La mondialisation économique et financière Partie 3. L’intégration européenne Chapitre 2. L’Europe économique et monétaire Programme On montrera les réalisations tangibles de l’Europe, d’abord dans le domaine économique (la politique agricole commune…), puis dans le domaine monétaire (système monétaire européen, monnaie unique...). On traitera les problèmes et les débats liés à la monnaie unique. 1. Les politiques européennes dans le cadre de la réalisation du marché unique 1.1 L’instauration du marché unique : vers un espace économique sans frontières intérieures 1.1.1 Les grandes étapes de la construction du marché unique 1.1.1.1 Vers la libéralisation des marchés Document 1 : les grandes étapes de la construction du marché intérieur a - Union douanière. La première étape d'intégration des échanges de marchandises au sein de l'UE a été la création d'une union douanière, dès les traités constitutifs : traité CECA (1951), traité Euratom (1957), traité sur la communauté européenne (1957). La mise en place de l'union douanière a été faite de manière progressive, par gel puis élimination programmée des droits de douane existants et des restrictions quantitatives, et rapprochement du tarif extérieur douanier ; elle a finalement été achevée dès le 1er juillet 1968 ; - L'Acte unique européen (1986) lance la construction d'un véritable marché intégré sur impulsion du rapport Delors (1985). (…) Près de 300 directives ont été adoptées de 1985 à 1992 pour l'élimination des barrières non tarifaires. De nombreux domaines font l'objet d'une harmonisation de la réglementation des législations nationales ou d'une reconnaissance mutuelle entre les États membres. L'Acte unique introduit aussi la politique de cohésion (sociale) dans le corps des Traités. - La relance du marché intérieur à partir de 2010. Le rapport Monti de 2010 envisage une relance du marché intérieur (…) se voulant un nouveau compromis entre l'approfondissement du marché intérieur des produits et des services et, la reprise des chantiers tant fiscaux que sociaux (…). L'Acte pour le marché unique prévoit une série d'actions sur quatre objectifs prioritaires : développement des réseaux, marché du numérique, mobilité des citoyens et économie sociale. 1

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Module 3 La mondialisation économique et financièrePartie 3. L’intégration européenne

Chapitre 2. L’Europe économique et monétaire

Programme On montrera les réalisations tangibles de l’Europe, d’abord dans le domaine économique (la politique agricole commune…), puis dans le domaine monétaire (système monétaire européen, monnaie unique...). On traitera les problèmes et les débats liés à la monnaie unique.

1. Les politiques européennes dans le cadre de la réalisation du marché unique

1.1 L’instauration du marché unique : vers un espace économique sans frontières intérieures

1.1.1 Les grandes étapes de la construction du marché unique

1.1.1.1 Vers la libéralisation des marchés

Document 1 : les grandes étapes de la construction du marché intérieur a

- Union douanière. La première étape d'intégration des échanges de marchandises au sein de l'UE a été la création d'une union douanière, dès les traités constitutifs : traité CECA (1951), traité Euratom (1957), traité sur la communauté européenne (1957). La mise en place de l'union douanière a été faite de manière progressive, par gel puis élimination programmée des droits de douane existants et des restrictions quantitatives, et rapprochement du tarif extérieur douanier ; elle a finalement été achevée dès le 1er juillet 1968 ;

- L'Acte unique européen (1986) lance la construction d'un véritable marché intégré sur impulsion du rapport Delors (1985). (…) Près de 300 directives ont été adoptées de 1985 à 1992 pour l'élimination des barrières non tarifaires. De nombreux domaines font l'objet d'une harmonisation de la réglementation des législations nationales ou d'une reconnaissance mutuelle entre les États membres. L'Acte unique introduit aussi la politique de cohésion (sociale) dans le corps des Traités.

- La relance du marché intérieur à partir de 2010. Le rapport Monti de 2010 envisage une relance du marché intérieur (…) se voulant un nouveau compromis entre l'approfondissement du marché intérieur des produits et des services et, la reprise des chantiers tant fiscaux que sociaux (…). L'Acte pour le marché unique prévoit une série d'actions sur quatre objectifs prioritaires : développement des réseaux, marché du numérique, mobilité des citoyens et économie sociale.

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015a Les termes « marché commun », « marché unique » et « marché intérieur » sont souvent employés de manière interchangeable. Seul ce dernier est utilisé dans les traités. Il désigne en quelque sorte le point d'aboutissement de la construction d'un « espace sans frontières intérieures » (art. 26.2 TFUE) dont le marché commun (principalement la suppression des droits de douanes) en serait une étape.

Document 2 : la suppression des contrôles douaniers des biens et des personnesLes contrôles frontaliers sont considérablement allégés à partir de 1993. Les contrôles administratifs relatifs au passage de marchandises sont abandonnés et remplacés par un système coordonné au niveau européen et un code douanier commun de l’UE. C’est un gain de temps appréciable, car en moyenne 50% des marchandises échangées au sein de la CEE franchissaient au moins deux frontières. Avec la création de l’espace Schengen en 1993, les contrôles automatiques de passeport sont supprimés au sein des Etats membres ayant signé la Convention de Schengen et les restrictions aux permis de résidence sont supprimés pour permettre la libre circulation des travailleurs.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.123

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Document 3 : la diminution des barrières techniques Dès la fin des années 1970, les institutions communautaires s’attaquent aux barrières techniques au commerce qui ont jusqu’alors fragmenté le Marché commun. En 1979, la cour européenne de Justice rend l’arrêt dit « Cassis de Dijon ». (…) La cour affirme que si la fabrication et la commercialisation d’un produit respectent la législation nationale du producteur, ce produit doit être admis sur les autres marchés des Etats membres de la CEE. (…) La Commission s’appuie ensuite sur cet arrêt pour faire consacrer de manière décisive le principe de reconnaissance mutuelle des normes nationales des différents Etats membres. ce n’est pas encore une harmonisation européenne des normes techniques et sanitaires mais cela signifie que les Etats ont moins de marge de manœuvre pour créer des barrières techniques au commerce. (…) La Commission arrive aussi à développer une harmonisation technique européenne dans certaines nouvelles technologies. On assiste ainsi à la création d’institutions européennes qui peuvent émettre des normes techniques européennes (…). Une dernière avancée majeure contre les barrières techniques est réalisée par la ratification de l’Acte unique, qui prévoit que l’unanimité ne soit plus requise pour les décisions du Conseil relatives à l’harmonisation européenne réglementaire et technique. Une simple majorité est désormais suffisante.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.124

Document 4 : la libéralisation des mouvements de capitauxSi le traité de Rome prévoit la libre circulation des capitaux, il dispose que la suppression des restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres doit se faire «dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun». Après les premiers progrès accomplis dans les années 1960, les États membres ont adopté des mesures de sauvegarde qui ont largement freiné le processus. Ainsi, les opérations financières réalisées avec d'autres États membres étaient souvent soumises à des autorisations préalables appelées «contrôles des changes». Cette situation a duré jusqu'au début des années 1990.Reconnaissant qu'il y avait là un obstacle à l'instauration du marché intérieur, le Conseil a adopté en 1988 une directive sur la libéralisation des capitaux qui prévoyait la suppression, pour le milieu des années 1990, de tous les contrôles des changes dans la plupart des pays appliquant encore le mécanisme. L'entrée en vigueur du traité de Maastricht a lancé l'Union économique et monétaire et donné à la liberté des mouvements de capitaux le même statut que les autres libertés du marché intérieur. À partir du 1er janvier 1994, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux et aux paiements entre les États membres, mais aussi celles entre les États membres et les pays tiers, ont été abolies. 

Source : http://ec.europa.eu/finance/capital/overview_fr.htm

Document 5 : la déréglementation des activités de réseau Avant le marché unique certains secteurs, essentiellement de services n’étaient pas concernés par les quatre libertés économiques inscrites dans le traité de Rome et avaient donc conservé une dimension locale. Les activités concernées relevaient fréquemment de monopoles assurant un service public. L’article du traité de Rome interdisant les situations de position dominante avait du reste prévu une exception pour ces entreprises. (…) La Commission a lancé à partir de 1988 une politique de déréglementation-libéralisation, notamment dans les transports, les télécommunications,la distribution d’énergie et la distribution postale. Lorsque dans une industrie les rendements sont croissants, il est souhaitable qu’une entreprise fournisse la totalité du marché. Dans les industries de réseau, ces coûts fixes sont particulièrement élevés en comparaison des coûts variables. (…) Plus l’entreprise produit, plus le coût moyen diminue. (…) Dans la plupart des cas, les monopoles publics étaient intégrés verticalement, assurant à la fois la production et la distribution. Les directives européennes conduisent à redéfinir leur périmètre en séparant les deux fonctions. (…) Ainsi, on peut partager les chemins de fer entre la construction-entretien des voies et la circulation des convois. (…) L’objectif est de permettre la circulation de trains appartenant à plusieurs compagnies concurrentes.

Suppression des frontières dans la circulation des biens (année ?)

Droits de douane et quota : _______________

Normes techniques : ______________

Contrôles administratifs : _____________

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Source : ss la direction de M.Dévoluy et G.Keonig « Les politiques économiques européennes », Points Economie, 2015, p.236

Document 6 : la directive Service 2006-2013La directive service englobe des activités de services non concernées par le processus d’ouverture à la concurrence des activités de réseau (télécom, Poste, transport ferroviaire …), n’ayant pas déjà fait l’objet de directives spécifiques (banques, assurances, …) ou celles n’étant pas expressément exclues (santé, sécurité sociale, …). Sont notamment inclus dans cette directive : les services aux entreprises tels que le conseil en management et gestion, les services de certification et d’essai, de maintenance, d’entretien des bureaux, les services de publicité, les services au recrutement et les services des agents commerciaux. Les services fournis à la fois aux entreprises et aux consommateurs comme les services liés à l’immobilier, à la construction (les architectes notamment), au secteur de la distribution, l’organisation des foires et salons commerciaux, la location de voitures et les agences de voyages. Les services aux consommateurs comme le tourisme, les services de loisir, les centres sportifs et les parcs d’attraction.

Document 7 : les problèmes posés par la libre circulation des servicesLes services représentent environ 70% de la valeur ajoutée communautaire (…). Les services étant difficilement exportables, la liberté de circulation, qui prend ici la forme de la liberté de prestation, doit être complétée par celle de l’installation. En effet, la possibilité de produire sur place se substitue souvent à la vente à distance. Le principe de reconnaissance mutuelle conduit alors à admettre toute prestation conforme à la réglementation du pays d’origine. Comme ce pays pourrait aboutir à un alignement des exigences réglementaires sur celles qui sont les moins contraignantes, il peut être tempéré par une réglementation minimale de l’UE. Lorsque la vente se fait à distance, ou lorsque le siège social du vendeur est situé à l’étranger, il convient de déterminer les règles qui doivent s’appliquer pour garantir au consommateur le respect des engagements pris par les entreprises.

Source : ss la direction de M.Dévoluy et G.Keonig « Les politiques économiques européennes », Points Economie, 2015, p.41

Document 8 : la mise en œuvre des « quatre libertés »Libre circulation

Biens Services Capitaux PersonnesPériode / illustration

1.1.1.2 Vers la modernisation de secteurs stratégiques : le cas de l’agriculture

Document 9 : la PAC, une politique européenne interventionnisteL’intégration des marchés de biens dans l’UE consiste en général à supprimer les tarifs douaniers et les quotas entre les pays membres et à établir la libre circulation des biens et des facteurs de production tout en accroissant la concurrence entre les producteurs. L’intégration des marchés agricoles a cependant été caractérisé par l’adoption de la PAC. (…) La principale raison de la mise en place de la PAC est la pénurie alimentaire qui s’est manifestée durant et après la seconde guerre mondiale. Il s’agit donc d’un choix stratégique qui permet à l’Europe de devenir auto-suffisante pour l’approvisionnement alimentaire. (…) L’adoption de la PAC est également favorisée par les caractéristiques suivantes du secteur agricole dan les années 1950 : un poids élevé dans l’économie et une proportion importante d’exploitations familiales de petite dimension, souvent sans productivité suffisante pour supporter une concurrence sans entraves. Il était essentiel de moderniser l’agriculture en encourageant la spécialisation des fermes et l’adoption de nouvelles techniques. L’intervention des Etats en faveur de l’agriculture était clairement acceptée. Le maintien des politiques agricoles nationales peu homogènes aurait abouti à biaiser les conditions de la concurrence à l’intérieur même du marché commun agricole. Il aurait été trop difficile d’harmoniser des politiques hétérogènes.

Source : ss la direction de M.Dévoluy et G.Keonig « Les politiques économiques européennes », Points Economie, 2015, p.248

Document 10Dans les années 1960, la mise en œuvre de ces solidarités de fait (les politiques européennes menées dans le cadre du marché commun) est essentiellement confiée à deux démarches qui traduisent aussi deux visions de l’intégration européenne. D’un côté, on trouve les politiques communautaires qui résultent de la mise en

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commun de moyens et d’objectifs nationaux : la CECA et la PAC en sont des manifestations. De l’autre côté, il y a l’établissement de règles communes en vue d’un grand marché concurrentiel. La première catégorie de politiques est plutôt mise en œuvre à Bruxelles sous la responsabilité de fonctionnaires français (agriculture), la seconde sous celle de fonctionnaires allemand (concurrence). Si les mise en commun des politiques suppose la détermination de règles communes, elles n’en sont pas moins dissemblables.

Source : ss la direction de M.Dévoluy et G.Keonig « Les politiques économiques européennes », Points Economie, 2015, p.202

1.1.2 Les objectifs recherchés par la dynamique du marché unique

1.1.2.1 Les objectifs de croissance et bien-être

Document 11 : une meilleure allocation des ressourcesLe marché intérieur vise d'abord à l'établissement d'un vaste espace commercial, sans frontières intérieures, au sein duquel la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes est assurée. Du point de vue de la théorie économique, il existe deux principaux arguments qui plaident pour une suppression des barrières aux échanges. Premièrement, l'effet commerce, avec la réduction des barrières tarifaires et non tarifaires, générerait une augmentation de la demande adressée au secteur exportateur, des gains d'efficience et, par conséquent, un accroissement du revenu disponible. Deuxièmement, l’effet pro-concurrentiel, du fait de l’ouverture des marchés, conduirait à des baisses de prix favorables aux consommateurs.Ces deux effets seraient source de gains d’efficience. En effet, selon la théorie des avantages comparatifs, l’accroissement des échanges commerciaux conduit à la spécialisation des économies dans les activités où elles sont relativement les plus productives, ce qui a un impact positif sur l’activité et l’emploi. De plus, la hausse de la concurrence pourrait générer une réduction des rentes de monopole et inciter les entreprises à faire des gains de productivité et à innover pour se maintenir sur le marché ou pour limiter leur perte de marges.

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

Document 12 : conséquences de la disparition des barrières à la circulation des biens, services et des capitaux

Gains d’efficience : avec la même quantité de facteurs, l’économie produit davantage et pour un prix moins élevé

Baisse coûts de transaction

Hausse de la concurrence

Effet de rationalisation

Baisse des prix

Hausse de la demande

Spécialisation

Eco. d’échelle / innovation

Diversification offre

DIPP

Intégration économique : réalisation du marché commun (Traité de Rome)

Marché sans entraves et concurrence non faussée : exemple

Politiques interventionnistes européennes dans secteurs stratégiques : exemple

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Document 13 : l’intérêt du marché commun renforcé par le développement des NTICLa dynamique des systèmes productifs et le progrès technique issus de la révolution numérique posent la question de l'adéquation des structures de production et de régulation européennes. Les nouvelles technologies ont permis l'émergence de nouveaux secteurs bénéficiant d'effets d'échelle et de réseaux importants rendus possibles en particulier par l'économie numérique1. Pour ces secteurs, un grand marché favorise à la fois l'innovation et l'émergence d'acteurs de rang mondial. Un marché unique suffisamment vaste et intégré semble ainsi essentiel au développement des secteurs innovants à l'échelle européenne.

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

Document 14 : les effets attendus de la réalisation du marché uniqueIntégration des marchés des biens et services

Intégration des marchés des capitaux (investissements directs)

Intégration des marchés des capitaux (investissements de portefeuille)

Intégration des marchés des facteurs de production (travail et capital)

Le marché unique doit permettreConséquences

Les conséquences de la création de l’euro

1.1.2.2 Le marché unique : les « solidarités de fait » produisent une union plus étroite entre les peuples européens

Document 15 : la « stratégie des petits pas » A l’automne 2012, la Commission européenne a fêté les vingt années du marché unique en ces termes  : « Au cœur du projet européen depuis sa fondation, le marché commun devenu marché intérieur, tisse, depuis plus de 50 ans, des solidarités entre les femmes et les hommes d’Europe en même temps qu’il ouvre de nouveaux espaces de croissance. La construction du marché unique se poursuit sans cesse et constitue une pièce essentielle du programme européen de croissance ». La commission faisait ainsi référence à la déclaration de Schuman de 1950 qui inspira la création de la CEE et qui comportait la perspective suivante : « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. (…) Ainsi sera réalisée simplement et rapidement la fusion d’intérêts indispensable à l’établissement d’une communauté économique qui introduit le ferment d’une communauté plus large et plus profonde entre des pays longtemps opposés par des divisions sanglantes ».  Au centre de la construction européenne figure donc l’idée que l’intégration économique crée des solidarités de fait qui entraîneront des solidarités plus profondes.

Source : ss la direction de M.Dévoluy et G.Keonig « Les politiques économiques européennes », Points Economie, 2015, p.41

Document 16 : les principes du Traité de Rome (1957) et la « solidarité de fait »http://mjp.univ-perp.fr/europe/1957rome1.htm

Le marché commun / unique / intérieurComment ? - éliminant les barrières qui divisent l'Europe

- suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux,- la loyauté dans la concurrence

Conséquences ? - l'amélioration constante des conditions de vie et d'emploi de leurs peuples- renforcer l'unité de leurs économies et d'en assurer le développement harmonieux en réduisant l'écart entre les différentes régions et le retard des moins favorisés.

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- union sans cesse plus étroite entre les peuples européens

1.1.3 Le rôle de la politique de la concurrence dans le fonctionnement du marché unique

1.1.3.1 Les objectifs de la politique de la concurrence

Document 17 : intégration du marché européen et politique de la concurrence La politique de la concurrence européenne est une politique historiquement fondatrice de la construction européenne. Mise en place dès 1951 dans le cadre de la CECA, elle a été développée comme un instrument de support à l’intégration du marché européen. Le traité de Rome inscrit au nombre des responsabilités de la Communauté européenne « l’établissement d’un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché commun ». Elle vise à préserver les conditions de libre-échange et de libre concurrence réalisées avec le marché commun puis unique. (…) Elle a également le but paradoxal de contrebalancer l’efficacité du marché intérieur à créer des champions européens, qui de part leur taille et leur développement à l’échelle européenne, pourraient acquérir une position commerciale sur le marché leur donnant le pouvoir de fausser la concurrence. Si l’intégration européenne vise à agrandir le marché et permettre aux entreprises les plus performantes de gagner des parts de marché, de réaliser des économies d’échelle et des gains de productivité, elle peut donc aussi amener certaines entreprises à acquérir un pouvoir de marché ou une position dominante capable d’entraver le fonctionnement du marché unique. (…)

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.210-244

Document 18 : le développement de la politique de la concurrence européenne à partir des années 1980

Pour assurer la libre circulation du charbon et de l’acier dans la CECA à des prix les plus bas possible, le traité de 1951 prohibe l’ensemble des pratiques d’entreprise et d’Etat anticoncurrentielles, telles que les cartels ou ententes, les abus de position dominante ou les subventions publiques discriminatoires. L’ensemble de ces règles est repris dans le Traité de Rome qui inscrit donc la politique de la concurrence dans le fonctionnement du marché commun. Les principes fondamentaux qui régissent aujourd’hui la politique de la concurrence européenne sont donc en place dès 1958, à l’exception du contrôle par la Commission européenne des fusions et acquisitions d’entreprises qui viendra s’ajouter en 1989. Si le cadre juridique est en grande partie posé au lancement du marché commun, il ne sera réellement appliqué qu’à partir des années 1980. Les premières décennies du marché commun sont marquées par la réticence des Etats-membres à construire un marché sans entraves : la politique des champions nationaux menée par les différents gouvernements de la CEE implique le maintien de pratiques discriminatoires, comme les aides d’Etat, contraires au droit de la concurrence en vigueur. (…) C’est d’ailleurs, parce que la stratégie des champions nationaux est progressivement abandonnée à la fin des années 1970 et que la réalisation d’un véritable marché intégré devient un objectif clairement assumé qu’il devient impératif de renforcer la politique européenne de la concurrence et une application rigoureuse du droit.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.210-244

Document 19 : champs d’application du droit européen de la concurrenceLe droit européen de la concurrence ne s’applique qu’aux accords et pratiques anticoncurrentiels susceptibles d’affecter le commerce entre Etats membres. Des effets qui ne concernent qu’un seul Etat et n’ont pas d’impact suffisant sur le fonctionnement concurrentiel du marché européen, sortent de la compétence communautaire et entrent dans le champ d’application des droits nationaux de la concurrence. (…) Par contre, le droit européen de la concurrence a une dimension extraterritoriale : en effet, les pratiques et/ou concentrations d’entreprises non européennes peuvent avoir des effets à l’intérieur du marché intérieur à

Création du marché commun = des marchés nationaux au marché unique /dynamique d’intégration des marchés en un seul espace d’échanges

Eliminer les « frontières » entre pays qui empêchent la libre circulation (4 libertés) :

- des biens ;- des services ;- des capitaux ; - des personnes.

La concurrence dans cet espace ne doit pas être faussée par les comportements :

- des entreprises ;- des Etats.

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partir du moment où ces entreprises opèrent et sont mises en concurrence avec d’autres entreprises sur le marché intérieur. Dès lors, le droit européen de la concurrence s’applique également aux entreprises non européennes. (…) Le pouvoir de la Commission est important en matière de concurrence. La Commission a un pouvoir d’application directe des règles qui ne dépend pas des Etats membres. Elle a donc le pouvoir d’investiguer un cas litigieux. (…) Les décisions de la Commission peuvent néanmoins être contestées (…) devant le Cour de Justice de l’UE (CJUE).

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.210-244

1.1.3.2 Les fondements théoriques des politiques de la concurrence

Document 20 : approche néoclassique, relier le nombre d’entreprises présentes sur le marché au pouvoir de marché

Les théories néoclassiques défendent le principe d’une concurrence pure et parfaite comme déterminant de l’allocation optimale des ressources, aussi bien du point de vue du consommateur que du point de vue du producteur. Cinq conditions doivent être réunies pour avoir une CPP :

1) l’atomicité des agents (price-takers) ; 2) la liberté d’entrée sur le marché (aucune barrière : ni juridique, ni financière, ni technique … ;

ni entente entre les firmes) ; 3) les produits sont homogènes ; 4) l’information sur les conditions de marché est parfaite ; 5) la mobilité des facteurs de production.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.210-244

Document 21 : les dilemmes de la politique de la concurrence soulevées par les théories de la concurrence imparfaite

Les théories de la concurrence imparfaite mettent en évidence deux dilemmes majeurs dans le cadre de la mise en place d’une politique de concurrence. D’une part, la recherche d’efficacité (…) dans un cadre concurrentiel peut transformer une structure de marché atomistique en structure de marché concentrée entre les mains d’un petit nombre d’acteurs (pricemakers) susceptibles de fixer le prix au détriment du consommateur (…). D’autre part, une pratique d’entreprise anticoncurrentielle telle que la recherche d’une position de monopole et de faiseur de prix par la différenciation du produit peut néanmoins amener à des innovations qui peuvent être bénéfiques à une meilleur allocation des ressources.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.210-244

Document 22 : le dilemme de la politique de la concurrence (rajouter dans le tableau : faible, diminue, monopole)

Beaucoup d’offreurs Peu d’offreursConséquences Sur le pouvoir de

marché des entreprises ?Sur la capacité à produire des économies d’échelle ?

Sur la capacité à innover et investir des entreprises ?

Conséquences sur la politique de la

concurrence

Il faut empêcher la formation de : ______________

Il faut accepter les situations où le nombre d’entreprises : ___________

Il faut stimuler les innovations et accepter les situations où le nombre d’entreprises est __________

Document 23 : la solution apportée par la théorie des marchés contestablesComment alors intégrer ces contradictions dans la législation et l’application d’un droit à la concurrence ? La théorie des marchés contestables (Baumol, 1982) tente de résoudre les contradictions mises en évidence par les théoriciens de la concurrence imparfaite. On ne parle plus ici de marché concurrentiel mais de marché contestable. Baumol affirment qu’une bonne allocation des ressources dans l’économie ne dépend pas nécessairement de la concurrence effective sur le marché, mais plutôt de la concurrence potentielle, c’est-à-dire de la menace d’une concurrence possible. (…) Une entreprise peut détenir un pouvoir de marché (du fait de la nécessité de gagner des économies d’échelle), elle continuera à afficher des prix raisonnables (proches de ses coûts de production) de peur qu’un concurrent vienne se positionner sur son marché avec des prix plus attractifs. « La menace de concurrence a les mêmes effets que la concurrence effective » (Sloman, 2006).

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Selon cette théorie, le producteur monopoleur peut imposer des prix élevés, non pas parce qu’il est en situation de monopole, mais parce qu’il ne craint pas qu’un concurrent puisse entrer sur le marché et « contester » sa position de monopoleur : L’important, pour assurer la contestabilité du marché est donc de faire en sorte qu’il n’y ait pas de barrière à l’entrée d’un nouveau concurrent pour que le monopoleur continue à se comporter comme s’il était en situation de concurrence effective. (…) Pour qu’une entreprise puisse se sentir libre d’entrer, il faut également qu’en cas d’échec, elle ne craigne pas des frais de sortie qui la fragilisent par la suite. Concrètement, cela veut dire qu’aucune réglementation ne freine ni n’entrave l’accès du marché à toute firme nationale et étrangère. Les frais engagés pour entrer sur le marché (frais d’étude, investissements, publicité) sont faibles ou largement récupérables en cas d’échec.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.210-244

Document 24 : la théorie des marchés contestablesThéorie des marchés contestables

Conséquence de l’absence d’atomicité

La solution pour empêcher que les entreprises abusent de leur

pouvoir de marché ?

D’où vient le pouvoir de marché ?

Monopole donné par la puissance

publique

Coûts d’installation sur

un marché

Monopole obtenu par des économies

d’échelle

Investissements

irrécupérablesIllustrations

Compte tenu des ces facteurs qui réduisent le nombre d’offreurs sur la marché, la question que se pose l’autorité de la concurrence est : le prix proposé par l’offreur fait-il gonfler la rente qu’il tire de sa position

sur le marché ou bien minimise-t-il cette rente ?

Document 25 : Schumpeter et l’approche dynamique de la concurrenceJoseph Schumpeter en soutenant la pertinence de la concurrence comme principe organisateur des interactions économiques, critique une vision trop rigoriste (pure et parfaite) sur le dynamisme innovant des firmes. (…) Sur un marché en CPP, une fois l’innovation lancée sur le marché, l’entrepreneur n’est pas protégé contre l’arrivée de concurrents et contre l’utilisation généralisée de son innovation par la concurrence. La concurrence pure et parfaite détermine donc un écart entre les dépenses engagées par l’entrepreneur au départ et les profits espérés des ressources dans le futur. Pour Schumpeter, l’entrepreneur sera d’autant plus incité à innover qu’il bénéficiera d’un monopole d’exploitation de son innovation pendant une période déterminée qui lui permettra de rentabiliser son investissement de départ. Donc dans la théorie schumpétérienne, la structure de marché favorable à l’innovation est le monopole, car il est le seul moyen de fournir les incitations nécessaires à la R&D. Une barrière à l’entrée comme un brevet ou un droit de la propriété intellectuelle peut institutionnaliser la rente de monopole, mais celle-ci aura une durée provisoire, car à terme une autre innovation sera proposée par une autre entreprise et mettra fin à la rente. Chez Schumpeter, le processus concurrentiel est relancé par la menace que constitue les innovations potentielles en provenance des concurrents. (…)Traduire en politique de la concurrence la théorie schumpétérienne va plus loin que la théorie des marchés contestables puisqu’elle accepte à titre temporaire des barrières à l’entrée du marché et les comportements anticoncurrentiels qui en découlent au nom de l’innovation et des gains technologiques futurs. Même la menace concurrentielle est considérée par Schumpeter comme contre-productive à la recherche d’innovations. (…) La théorie Schumpétérienne admet à titre provisoire les ententes et les abus de position dominante pour financer le « bien être futur ». (…) Les différentes visions théoriques de la concurrence, comme principe organisateur de l’économie, suggèrent que la concurrence appliquée au sens strict peut être porteuse d’effets non optimaux, en particulier pour le développement des entreprises.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.210-244

Document 26 : la théorie schumpéterienneThéorie schumpéterienne

L’absence d’atomicité Stimule ________La solution pour empêcher que les entreprises abusent de leur pouvoir de marché ?

Les brevets ont une durée __________Il y a une course au ____________

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Document 27 : le rôle de la concurrence potentielle dans le fonctionnement des marchés Théorie des marchés

contestablesThéorie schumpétérienne

Il n’y a pas d’atomicité sur le marché mais il y a quand même concurrence car :

1.1.3.3 La mise en œuvre de la politique de la concurrence européenne

Document 28 : les objectifs intermédiaires de la politique de la concurrence dans la réalisation du marché commun ?

On peut distinguer trois grands axes au sein de la politique de la concurrence européenne : - le contrôle des pratiques anticoncurrentielles des entreprises (les cartels et les pratiques abusives

d’entreprises dominantes) ; - le contrôle des fusions ou concentrations d’entreprises, de manière à empêcher l’émergence

d’entreprises (…) en mesure d’entraver une concurrence effective sur le marché européen. - le contrôle des aides publiques (aides qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines

entreprises ou certaines productions) ; Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.210-244

Document 29 : distinguer ententes horizontales et ententes verticales Les entreprises sont contrôlées pour deux grandes pratiques anticoncurrentielles : les ententes et les abus de position dominante. (…) On distingue les ententes horizontales et les ententes verticales. Les premières sont définies comme des accords réalisés entre entreprises, souvent concurrentes, situées à un même niveau de la chaîne de production, par exemple, des producteurs de biens similaires. Les accords verticaux concernent des entreprises opérant à un niveau différent, par exemple entre producteurs, fournisseurs et distributeurs.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.210-244

Document 30 : les ententes toléréesLe régime d’exemptions a été profondément modifié en 2004 pour prendre davantage en compte les effets d’efficacité productive et les gains d’efficacité dynamiques. Au titre des exemptions, les accords entre entreprises, qui permettent d’améliorer la production et la distribution de biens ou contribuent au progrès technique et économique, et à condition que les consommateurs en bénéficient, peuvent être considérés comme bénéfiques. Ainsi, les accords horizontaux, qui sont jugés favorables au développement d’un marché plus compétitif, en favorisant la R&D, l’innovation, une meilleure spécialisation, la mise en place de standards ou en proposant des améliorations environnementales , font l’objet d’exemptions. (…)

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.210-244

Document 31 : coopération en recherche et politique de concurrenceL’Etat peut permettre ou même encourager les entreprises à se regrouper autour de projets de recherche d’un intérêt commun.Dans le cadre d’une coopération, chaque partenaire bénéficie des compétences et des découvertes de tous les autres et les fait bénéficier de ses propres capacités. Il y a donc réciprocité, ce qui réduit la propension de chacun à garder pour lui ses technologies. La coopération entre firmes constitue une infraction à la lettre des politiques de concurrence.Les entreprises trouvent des avantages multiples dans ce type d’opération. Elles réduisent le coût de la recherche, elles peuvent bénéficier des compétences spécifiques de leurs partenaires, elles réduisent le risque en le partageant avec d’autres. Cependant, si la coopération s’étend vers l’aval (développement des produits) alors il s’agit plutôt de collusion : les consommateurs se retrouveront captifs d’un cartel, un monopole collectif, qui imposera notamment des prix plus élevés. C’est pourquoi la coopération est autorisée seulement dans les phases en amont, dites de recherche « précompétitives ».

Source : D.Guellec, Economie de l’innovation, La découverte, 2009, p.108-109

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Document 32 : Google va ouvrir un "centre d'innovation"Le géant américain de l'internet Google a annoncé cet après-midi l'ouverture à Londres en 2011 d'un "centre d'innovation", le premier du genre en Europe, alors que le gouvernement britannique cherche à attirer les entreprises technologiques.Ce centre accueillera des ateliers de formation et de démonstration de produits destinés aux start-up et aux ingénieurs, et permettra au personnel de Google de travailler avec des développeurs locaux. "On n'a rien d'équivalent en Europe", a déclaré un porte-parole de Google.Il sera basé dans l'est de la capitale britannique, une zone en pleine transformation en vue des jeux Olympiques de 2012 et où le Premier ministre britannique David Cameron compte ouvrir un centre dédié aux entreprises technologiques.Trois sociétés américaines, le géant des microprocesseurs Intel, le site de socialisation Facebook et l'équipementier de télécoms Cisco, se sont déjà engagés à s'installer dans ce quartier."On ne va pas simplement soutenir les grosses entreprises d'aujourd'hui, mais aussi soutenir celles de demain", devait dire M. Cameron jeudi à Londres, dans un discours dont l'AFP a obtenu une copie.

Source : Lefigaro.fr /AFP- 04/11/2010

Document 33: l’utilisation de la théorie des marchés contestables dans la politique de la concurrence européenne

Aujourd’hui, la Commission européenne s’appuie largement sur la théorie des marchés contestables. Il s’agit pour elle de ne pas fixer une structure de marché prédéterminée (par exemple une structure atomistique, à l’instar de la théorie de la CPP) mais de pouvoir identifier le niveau de concentration acceptable en fonction de facteurs tels que la structure des coûts (fixes et variables), la différenciation des produits, l’existence de barrières à l’entrée, … (…) La Commission européenne ne contrôle pas si oui ou non une entreprise est en position dominante sur le marché, mais si elle abuse d’une telle position. La Commission européenne n’intervient pas tant qu’une entreprise dominant le marché se comporte comme si elle était sous la menace de la concurrence.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.210-244

Document 34 : le contrôle des concentrations (le marché doit rester contestable)Une concentration d’entreprises par fusion, acquisition ou création d’une entreprises conjointe désigne une opération par laquelle deux ou davantage d’entités économiques indépendantes ne deviennent plus qu’une unité économique. une concentration peut être horizontale, verticale ou conglomérale. (…) Comme dans le cas des ententes, ce sont les fusions horizontales qui focalisent l’attention des autorités de la concurrence. En effet, elles signifient nécessairement une plus grande concentration des parts de marché et risque d’aboutir à une structure de marché non contestable. (…) Entre 1990 et 2009, 4129 fusions ont été notifiées à la Commission. Sur les 4129 cas examinés, 3574 fusions ont été autorisées au premier examen, et seulement 20 ont été refusées depuis 1990, soit moins de 0,5% des notifications.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.210-244

Document 35 : Ryanair & Aer LingusLe 27 juin 2007, la Commission européenne a bloqué le projet de fusion entre les deux compagnies aériennes irlandaises Aer Lingus et Ryanair, au motif que cette opération donnerait naissance à un monopole sur 22 lignes à destination et au départ d’Irlande, conduisant sans doute à des hausses de prix des billets dommageables pour les consommateurs.

Source : D.Guellec, « Economie de l’innovation », La Découverte, 2009

Document 36 : déterminer le risque / la présence d’abus de position dominanteIl ne s’agit pas de condamner une position dominante d’une entreprise mais de condamner les pratiques restrictives et les stratégies d’exclusion des concurrents que pourrait mettre en œuvre l’entreprise en position dominante. En effet, selon la politique de concurrence européenne et en cohérence avec l’édification d’un marché unique et de champions européens, une position peut avoir été conquise par le mérite, en respectant le principe d’une concurrence libre. La Commission pour affirmer l’abus de position dominante, doit d’abord démontrer du caractère dominant de l’entreprise sur le marché. Pour cela, il faut déterminer le marché pertinent, déterminer les parts de marché, évaluer le nombre et la dimension des autres entreprises, les conditions d’entrée dans le secteur pour les concurrents potentiels. Sont considérées comme des abus de

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position dominante les pratiques suivantes : imposer des pratiques tarifaires déloyales ; imposer des prix prédateurs ; pratiquer la discrimination ; imposer des pratiques commerciales déloyales ; limiter la production, les débouchés ou le développement technique.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.210-244

Document 37 : quelques décisions de la commission européenne de la concurrence1985 Azko, multinationale hollandaise présente sur l’ensemble du marché européen des additifs

chimiques a baissé ses prix sélectivement sur le marché anglais pour contrer la tentative de la firme anglaise ECS de pénétrer le marché européen continentale

1991 Tetra pak, leader européen sur le marché du conditionnement aseptique, a vendu à perte ses cartons sur le marché italien dans le but d’éliminer son concurrent local Elopak

2003 Wanadoo a pratiqué des prix prédateurs dans le domaine de l’accès internet haut débit afin de préempter le marché

Source : D.Guellec, « Economie de l’innovation », La Découverte, 2009, p.26-27

Document 38 : l’entente sur le marché des ascenseursLe 21 février 2007, la commission européenne a infligé une amende de 992 millions d’euros à des entreprises ayant mis en œuvre une entente secrète sur le marché de l’installation et de l’entretien des ascenseurs et des escaliers mécaniques en Belgique, en Allemagne, au Luxembourg et aux Pays-Bas : entre 1995 et 2004, ces sociétés ont truqué les appels d’offres, fixé les prix, se sont réparti les marchés et ont échangé des informations commercialement importantes et confidentielles

Source : D.Guellec, « Economie de l’innovation », La Découverte, 2009, p.26-27

Document 39 : les aides publiques toléréesL’autorisation et l’interdiction des aides publiques sont conditionnées à l’appréciation d’une part du coût engendré par la distorsion de concurrence due à l’aide et d’autre part du bénéfice apporté à la communauté. (…) Il est à noter que les aides octroyées aux secteurs des transports, du charbon, de l’agriculture et de la pêche ne sont pas gérées par la Direction générale de la concurrence, mais par des directions en charge de ces industries spécifiques. Il existe de nombreuses exemptions, comme par exemples : les aides à l’investissement et l’emploi en faveur des PME, les aides à la création de petites entreprises par les femmes, les aides pour la protection de l’environnement, les aides sous forme de capital-investissement, les aides à la R&D et à l’innovation, les aides à la formation, les aides en faveur des travailleurs défavorisés ou handicapés, les aides exceptionnelles en cas de catastrophes naturelles …. (…)

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.210-244

Document 40 : objectifs et mise en œuvre de la politique européenne de la concurrenceContrôler les pratiques anti-concurrentielles

Contrôler la concentration et la concurrence « effective » du marché

Contrôler les aides publiques

Pratiques condamnéesExemplePratiques toléréesExemple

1.1.4 La politique industrielle (cf khôlle )

Document 41: les formes des politiques industriellesOn peut définir la politique industrielle comme l’ensemble des mesures étatiques (subventions, taxations, régulation des biens et des facteurs de production) qui modifient l’allocation des ressources obtenues par le libre fonctionnement du marché et qui visent à renforcer la croissance et la compétitivité de l’économie nationale. On distingue deux grands groupes de politique industrielle. Il y a la politique industrielle verticale ou sectorielle destinée à un secteur ou sous-secteur d’activité (biotechnologie, informatique) voire à une entreprise (IBM ou Aérospatiale). C’est celle qui domine largement au cours du 20ième siècle dans le cadre de la politique des champions nationaux. Elle est devenue

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moins ouvertement défendue par les Etats depuis les nombreux échecs des champions nationaux en Europe au cours des années 1970-1980, mais continue d’être appliquée de facto par certains Etats membres. L’autre type est la politique industrielle horizontale qui ne s’adresse pas à un secteur en particulier mais vise à accroître la compétitivité de toutes les entreprises sur le territoire national à travers la création de biens publics générateurs d’externalités positives pour les entreprises (meilleures infrastructures de transport, de communication, d’énergie, meilleure formation du capital humain, efforts à la recherche, simplification des procédures administratives, support technique à l’exportation).

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.246-279

Document 42 : la position de la Commission européenne depuis l’Acte unique En 1990, sous l’impulsion du Commissaire allemand (…), la Commission a élaboré une communication intitulée « la politique industrielle dans un environnement ouvert et concurrentiel » qui prône officiellement une politique industrielle horizontale. Le Commissaire semble rejeter définitivement les politiques industrielles verticales pour générer des champions européens. On insiste surtout sur le rôle de la concurrence et la nécessité de poursuivre l’intégration du marché européen pour améliorer la compétitivité des firmes européennes : « l’objectif même de la politique industrielle est de permettre à la concurrence de jouer. Tout cela est absolument étranger à une politique industrielle interventionniste. Il ne s’agit en aucun cas de fabriquer des champions européens à qui la politique industrielle confierait le soin de damer le pion aux japonais ou aux américains. » Cette position qui soumet la politique industrielle à la politique de la concurrence se maintien jusque dans les années 2000.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.246-279

Document 43Politique industrielle

horizontalePolitique industrielle verticale

DéfinitionObjectifs

1.1.5 La politique agricole commune (cf khôlle) : de l’objectif productiviste à l’objectif d’agriculture durable

Document 44A ses débuts, la Communauté européenne regroupant les six pays fondateurs disposait de 65 millions d’hectares et de 17,5 millions d’agriculteurs pour nourrir 150 millions de personnes, alors que les Etats-Unis avaient plus de 400 millions d’hectares et de 4 millions d’agriculteurs pour 200 millions d’habitants. Cette faible productivité par agriculteur européen explique en grande partie le fait que l’Europe des six n’assurait, à cette époque de 90% de ses besoins alimentaires, une situation préoccupante pour une région qui sortait traumatisée par les restrictions alimentaires de la Seconde guerre mondiale (en France, le rationnement du pain n’a été abrogé, par exemple, qu’en février 1949). L’Europe agricole était, en outre, très hétérogène : alors que la France pouvait être considérée comme un grand producteur, excédentaire dès 1953, la République fédérale d’Allemagne, privée de ses régions agricoles après la scission avec la RDA, était en revanche très déficitaire en produits alimentaires et l’agricultures des autres pays était souvent déséquilibrée. Pour assurer les grands objectifs d’équilibre et de paix que l’Europe s’était fixés, l’agriculture a été considérée comme un secteur stratégique. Afin d’atteindre l’autonomie alimentaire, elle devait donc se structurer et être plus efficace.

Source : J.Y.Letessier, J.Silvano et R.Soin « L’Europe économique et son avenir », Cursus, A.Colin, 2008

Document 45Le traité de Rome va fixer 5 objectifs : « la politique communautaire a pour but :

1) d’accroître la productivité de l’agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu’un emploi optimum des facteurs de production notamment de la main d’œuvre ;

2) d’assurer le niveau de vie équitable à la population active agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l’agriculture ;

3) de stabiliser les marchés ; 4) de garantir la sécurité des approvisionnements ;

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5) de garantir des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs ». Source : J.Y.Letessier, J.Silvano et R.Soin « L’Europe économique et son avenir », Cursus, A.Colin, 2008

Document 46Le premier mérite de la PAC a été d’exister, car, pendant longtemps, elle a été le principal facteur d’intégration économique de la Communauté européenne. Grâce au progrès techniques et agronomiques, mais aussi à l’augmentation des échanges communautaires, la productivité augmente pour tous les types de production. Dans les années 1960-1980, les gains de productivité dans l’agriculture sont supérieurs à ceux de l’industrie. Entre 1970 et 1977, la superficie agricole utilisée diminuait de 4%, la population active agricole de 25% et le nombre d’exploitations de 12%. (…) Le soutien aux prix intérieurs, les subventions aux exportations, les protections contre les importations et l’élargissement du marché lié à l’entrée de nouveaux pays dans la CEE ont fortement stimulé les productions. Selon la Commission de 1968 à 1978 les revenus bruts des agriculteurs européens ont augmenté de 3,9% par an contre 3,4% pour la valeur ajoutée brute de l’ensemble de l’économie. Le système de soutien aux prix a stabilisé les marchés et a eu des effets positifs sur la sécurité des approvisionnements. Elle a ainsi protégé les consommateurs lors de la crise de 1974.

Source : J.Y.Letessier, J.Silvano et R.Soin « L’Europe économique et son avenir », Cursus, A.Colin, 2008

Document 47Les premières modifications de la PAC ont lieu dans les années 1980. En 1984, l’Europe impose des quotas laitiers et une réduction de la production. En quatre ans, elle baissera de plus de 10%, mais la hausse de la productivité est telle que cette mesure est limitée. (…) Une deuxième modification a lieu en 1988 quand « les stabilisateurs automatiques » sont mis en place : on fixe des quantités maximales garanties et leur dépassement entraîne des sanctions sous la forme d’une diminution du prix d’intervention. Ces mesures visant à limiter les capacités de production (…) sont en général mal acceptées et elles ne remettent pas en case le système de prix garantis qui, au contraire, pousse à produire. Une réflexion collective sur ces questions va déboucher en 1992 sur la première grande réforme dite réforme Mac Sharry. (…) L’objectif est donc bien de rapprocher les prix européens des prix mondiaux tout en soutenant de façon directe et découplées les revenus des agriculteurs. (…)Une nouvelle réforme est décidée en juin 2003. La mesure introduit un paiement unique déconnecté de la production et des facteurs de production. (…) La réforme crée désormais un droit, non pas à produire, mais à recevoir une subvention de l’Union et le revenu des agriculteurs va avoir deux origines : l’activité de production et le rôle environnemental.

Source : J.Y.Letessier, J.Silvano et R.Soin « L’Europe économique et son avenir », Cursus, A.Colin, 2008

Document 48 : évolution des objectifs de la PAC Années 1960/1980 Années 1980/1990 Années 1990/2000

Objectifs

1.1.6 La politique régionale : l’objectif de cohésion sociale

Document 49 : réduire les écarts entre région, un objectif du traité de Rome à l’Acte uniqueLes fonds structurels ont eu pour objet de favoriser la convergence économique des États membres. L'objectif de cohésion économique et sociale a été ainsi inscrit dans les Traités par l'Acte unique en 1986 à la suite du livre blanc de Jacques Delors.

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

Document 50 : un objectif renforcé par les élargissements successifs Au moment de la création du Marché commun en 1957, les six Etats membres fondateurs sont tous dotés d’économies industrialisées très avancées au niveau mondial. (…) Le Traité de Rome ne prévoit aucune politique spécifique pour organiser un rattrapage des régions les moins avancées de la CEE. Il considère implicitement que la convergence se fera automatiquement par le biais de la concurrence, consécutivement à la libre circulation des biens et des facteurs de production. (…) Par la suite, les élargissements successifs ont inclus des pays nettement moins avancés comme l’Irlande en 1973, la Grèce en 1981, l’Espagne et le Portugal en 1986. Mais ce sont les élargissements de 2004 et 2007 qui ont accru considérablement le degré d’hétérogénéité entre Etats de l’UE. Le marché unique a alors fonctionné avec des salaires et des niveaux de PIB par habitant variant de 1 à 8 selon les différents Etats membres de l’UE des 27. En 2012, les Nations unies estimaient l’indice de développement humain de la Bulgarie à un niveau très proche de celui de Cuba.

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L’hétérogénéité sur le plan économique et social s’est donc accrue de manière très significative au sein de l’UE au cours des années 2000. De telles disparités au sein d’un marché unique ont entraîné de nombreux bouleversements et des tensions à l’intérieur de l’UE (…).

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.400-465

Document 51 : les premiers instruments de lutte contre les inégalités territoriales La politique régionale et le principe de disposer de transferts financiers visant à favoriser spécifiquement le rattrapage n’apparaissent réellement qu’au début des années 1970. Pourtant dès les années 1960, la Commission déclare qu’elle souhaite « promouvoir un acheminement progressif vers une politique régionale susceptible de réduire les écarts entre les niveaux de développement des diverses régions de la Communauté ». Une Direction Générale de la Politique Régionale est créée en 1967. A la fin des années 1960, la Commission constate qu’ « après douze années de marché commun, les disparités régionales ne sont pas réduites ». Certes, il est déjà possible à cette époque d’effectuer des transferts vers les régions les plus pauvres de manière indirecte par le biais de projets spécifiques de certaines institutions européennes qui sont créées en même temps que le Marché commun. Ainsi la Banque européenne d’investissement offre des prêts pour réaliser des projets d’infrastructures qui peuvent bénéficier aux régions les plus défavorisées. Le Fonds social européen, octroie des fonds pour lutter contre le chômage. Le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) qui vise à financer des projets d’adaptation des structures agricoles et de développement rural cible généralement les régions les plus pauvres comme le sud italien. Toutefois, l’ensemble de ces fonds qui sont transférés vers les régions les plus pauvres ne s’élève qu’à 3% du budget européen en 1970.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.400-465

Document  52 : la création du Feder et de la politique régionaleLa donne change avec l’entrée de la Grande Bretagne en 1973. Elle ne possède qu’un très petit secteur agricole et est donc contributrice nette de la PAC qui consomme plus de 90% du budget européen en 1970, soit environ 0,72% du PIB de la CEE. En soutenant la création d’une politique régionale de cohésion dont ses régions pauvres sont bénéficiaires (Pays de Galles, Irlande du Nord), elle obtiendra 28% du budget de la politique régionale en 1974. Le gouvernement britannique réduit ainsi sa contribution nette au budget de la CEE. Le Fonds Européen de développement régional (FEDER) est accepté en 1974. La politique régionale prend progressivement une part aussi importante que la PAC dans le budget européen, les sommes allouées aux deux politiques grevant 75% du budget européen. Avec les élargissements de 1981 et 1986, les nouveaux Etats membres en deviennent les principaux bénéficiaires. (…) L’Acte unique de 1986 mentionne explicitement la « cohésion économique et sociale » comme objectif. Ce dernier dépasse le cadre de la politique régionale et englobe des problèmes de transports, de développement technologique, d’environnement et de culture. En 1988-1989, la Commission rationalise les différents fonds de cette politique de cohésion sous la dénomination de « fonds structurels ». cette rationalisation essaie de concentrer les ressources sur ce qu’on va appeler « l’objectif de convergence » qui accorde des fonds aux régions les plus pauvres en termes de pib/habitant. (…) Les fonds structurels européens sont un complément et non un substitut aux politiques régionales des Etats membres. Sous la pression des Etats membres méditerranéens, le budget européen alloué aux fonds structurels continue de s’accroître pour atteindre 0,46% du PIB de l’UE au début des années 1990 contre 0,08% à ses débuts. En effet, sous l’impulsion de J.Delors les budgets sont accrus pour obtenir le soutien des Etats membres les moins développés au projet de marché unique. (…) L’accroissement de la politique régionale est un moyen de compenser les pertes potentielles. Il représente environ un tiers du budget européen jusqu’en 2013. Les élargissements de 2004 et 2007 bouleversent encore la clef de répartition des fonds structurels. Les nouveaux Etats membres qui abritent les régions les plus pauvres au sein de l’UE en deviennent les principaux bénéficiaires, et ce au détriment de plusieurs régions de l’ouest de l’UE qui ne sont plus éligibles. (…) Depuis 2000, la politique de cohésion est organisée de façon à favoriser la réalisation des objectifs de la Stratégie de Lisbonne et d’Europe 2020.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.400-465

Document 53 : les différents objectifs et fonds de la politique régionaleL’objectif de « convergence-solidarité entre régions » est le plus important car il absorbe 81,5% du budget de la politique de cohésion entre 2007 et 2013 (soit 283 milliards d’euro). Il touche 99 régions comprenant 170 millions de citoyens de l’UE. A l’aide des instruments financiers, ces aides soutiennent des projets visant à réduire « les disparités régionales en Europe, en aidant les régions dont le PIB par habitant est inférieur à

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75% de la moyenne de l’UE à rattraper les autres » (Commission européenne). Ces projets sont liés aux objectifs de la stratégie de Lisbonne et puis d’Europe 2020 : « amélioration des infrastructures de base, aide aux entreprises, traitement des déchets et des eaux usées, connexion à l’internet à haut débit, formation, création d’emplois ». En France, quatre régions sont concernées par ces aides : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion. L’objectif de « compétitivité régionale et emploi » vise à « créer des emplois en favorisant la compétitivité et en renforçant l’attrait des régions concernées pour les entreprises et les investisseurs ». Cet objectif ne concerne que les régions qui ne sont pas déjà couvertes par l’objectif de convergence. Les montants s’élèves à 16% du budget total (55 milliards). L’objectif de « coopération territoriale européenne » vise à « renforcer la coopération transfrontalière entre pays ou régions, qui n’existerait pas sans l’aide de la politique de cohésion ». il s’agit d’un objectif mineur qui ne mobilise que 2,5% du budget de la politique régionale. Les instruments financiers sont au nombre de trois, le FEDER, le Fonds Sociale européen, et le Fonds de Cohésion. Les trois peuvent être mobilisés pour l’objectif de convergence. Pour l’objectif de « compétitivité régionale et emploi », seuls interviennent le FEDER et le Fonds Sociale Européen. L’objectif de coopération territoriale n’est finançable que par le FEDER.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.469

Document 54 : les objectifs de la politique régionale1960 1970 1980 2000

Politique régionale pour lutter contreInstruments utilisés

Document 55 : les dimensions de la réalisation du marché unique et de l’intégration économique européenne

Réalisation du marché commun/uniqueMarché sans entrave et

concurrence non fausséeSoutien et administration commune de secteurs

stratégiquesRéduction des écarts

entre régions

Les politiques européennes qui produisent des « solidarités de fait » :mettre en œuvre des politiques communes pour l’ensemble des pays membres

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1.2 Les résultats de la mise en œuvre du marché unique 1.2.1 Quel degré d’intégration aujourd’hui ?

1.2.1.1 Une intégration qui progresse Document 56 : une intégration qui progresse

L'étude des différents indicateurs d'intégration des marchés suggère une intégration des marchés des biens et des services qui a progressé au cours des dernières décennies, suite à la création du marché unique. L'indice de convergence des prix de l'OCDE démontre ainsi une tendance à l'intégration sur la période 1995 à 2010 (cf. Graphique 1), principalement tirée par les nouveaux États membres.

Jörg König et Ohr Renate ont par exemple construit un indicateur agrégé d'intégration économique entre les pays en utilisant des indicateurs sur le commerce intra-communautaire, des indicateurs macroéconomiques et des données sur la situation économique. L'intégration économique aurait ainsi progressé dans la quasi-totalité des pays de l'UE entre 1999 et 2010.

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

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Document 57Les échanges intra-communautaires de biens ont largement progressé, passant de 16 % du PIB en 1999 à près de 22 % aujourd'hui et ce malgré la crise de 2009.

La mise en place du marché intérieur a fortement contribué au développement des échanges commerciaux et d'investissements au sein de l'Union européenne, sans que soient mis en évidence des effets significatifs d'éviction des échanges au détriment des états non membres de l'UE10. L'apparition concomitante des émergents dans le commerce mondial a logiquement tiré le commerce européen vers l'extérieur de la zone (« effet globalisation »).Les échanges intra-zone représentent néanmoins encore largement plus de la moitié des échanges commerciaux de l'UE.

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

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1.2.1.2 Une intégration inaboutie dans certains secteurs

Document 58 : il existe toujours un effet frontièreEn revanche, si depuis la fin des années 1970, « l'effet frontière » au sein de l'UE aurait diminué d'un tiers, un tel effet demeure néanmoins significatif dans la plupart des États-membres.

De plus, l'intensité des échanges demeure faible comparée à celle observée aux États-Unis : alors que la population européenne est plus concentrée géographiquement, les échanges de biens entre États américains sont supérieurs de plus de 80 % aux échanges intra-UE. Ainsi, différentes études mettent en exergue que, après exclusion des effets linguistiques et des facteurs géographiques, les agents économiques de l'UE continuent d'avoir un biais domestique 3 à 4 fois supérieur à celui observé aux États-Unis. Ces résultats semblent ainsi suggérer que des gains additionnels significatifs seraient encore à attendre d'un approfondissement du marché intérieur.

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

Document 59 : l’intégration des services L'action de l'UE ces dernières années a permis un certain approfondissement du marché unique des services. La mise en œuvre de la directive Services a permis de réduire, en 2009, de 25 % l'hétérogénéité des réglementations entre États membres15. Cependant, l'intégration du marché des services apparaît encore en net retrait par rapport au marché des biens. Les services représentent 71 % du PIB européen et 67 % de l'emploi en 2011 mais le biais domestique et local y est naturellement beaucoup plus élevé que dans le marché des biens compte tenu de l'importance relativement plus forte de la relation du fournisseur au client dans la vente d'un service. Au niveau européen, l'intégration du marché des services, si elle progresse, est ainsi plus faible et plus progressive que celle du marché des biens. Depuis 1999, la part des échanges de services dans l'UE a progressé lentement, pour atteindre 6 % du PIB en 2013 (contre 4,8 % en 1999). (…) Certains secteurs sembleraient être particulièrement concernés par un tel approfondissement : services professionnels du droit et du chiffre (services juridiques, comptabilité etc.), autres professions réglementées (architecture, ingénierie), commerce de détail et commerce de gros, ou encore l'économie des réseaux.

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(…) Ces secteurs, caractérisés par un niveau de réglementation élevé dans la plupart des États membres, pourraient bénéficier de réformes pro-concurrentielles qui seraient poussées dans le cadre du marché intérieur afin d'en assurer la cohérence. En outre, ces secteurs produisent des services qui sont non seulement des intrants importants pour la plupart des autres secteurs de l'économie mais, dans le cadre d'une imbrication accrue de la production des biens et de services, participent également pleinement à la chaîne de valeur des entreprises. Les gains d'efficience potentiels qui pourraient y être réalisés seraient transmis à l'ensemble de l'économie européenne.

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

Document 60 : l’intégration des industries de réseauxLe développement de l'intégration des réseaux, structurants pour le marché intérieur, représente en particulier un gisement potentiel de croissance économique au sein de l'UE. Outre les bénéfices directement liés au développement du commerce intra-communautaire, une meilleure interconnexion des réseaux de transport et de télécommunication, en rapprochant les individus et les entreprises, est susceptible d'engendrer des externalités positives au sein de l'espace européen (diffusion des connaissances, meilleur appariement sur le marché du travail, etc.). De plus, une interconnexion plus forte du marché de l'énergie permettrait de tirer parti des moyens de production les moins coûteux.L'intégration des industries de réseaux devrait se poursuivre grâce à la suppression de certains monopoles et la levée de certaines barrières administratives. Dans le domaine des transports, plusieurs chantiers d'intégration ont été lancés et doivent être menés à leur terme (projet « ceinture bleue » dans le transport maritime, « 4ème paquet » ferroviaire, projet de « ciel unique européen »). En ce qui concerne l'énergie, au-delà de la transposition du troisième paquet « énergie », des progrès en matière de sécurité d'approvisionnement électrique sont nécessaires. Au final, l'approfondissement du marché intérieur devrait s'appuyer sur le développement de réseaux transeuropéens d'énergie, de télécommunication et de transport.

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

Document 61 : le marché des capitauxLe marché intérieur des capitaux a fortement progressé depuis les 25 dernières années : interdiction des restrictions aux mouvements de capitaux et aux paiements depuis le Traité de Maastricht, création du passeport unique (en 1989 pour les banques, en 1992 pour les assurances), vaste politique d'harmonisation avec le « plan d'action pour les services financiers », lancé à partir de 1999 puis mesures de régulation depuis 2008. L'intégration des marchés financiers européens a ainsi vivement progressé de 1995 à 2008, avant de chuter fortement avec la crise, retombant aux niveaux du milieu des années 1990. C’est ce que montre notamment l’indicateur FINTEC de la BCE pour la zone euro. La crise de 2008 a mis en lumière que l'intégration européenne n'avait pas permis de prévenir la fragmentation des marchés financiers au sein de l'Union.Dans ce contexte, l'objectif premier de la création d'une union des marchés de capitaux (UMC) sera de favoriser le développement de circuits de financement des entreprises complémentaires au secteur bancaire. De manière générale, l'UMC devrait viser à rapprocher les investisseurs d'une gamme plus large de produits financiers et les entreprises de sources plus diversifiées de financement. Cela suppose de diminuer les incertitudes (asymétries d'information, différences de normes) touchant les investissements, en particulier transfrontières, d'inciter au développement des segments de marché aujourd'hui sous-développés par rapport à leur potentiel (titrisation, capital-risque, placement privé, etc.) et de favoriser l'émergence d'acteurs paneuropéens dans la gestion d'actifs ou le capital-risque.Cet agenda semble particulièrement important pour la zone euro : en accroissant la diversification géographique des portefeuilles financiers, l'union des marchés de capitaux permettra un plus grand partage des risques en zone euro, renforçant ainsi sa résilience. La littérature montre ainsi que le partage géographique des risques sur une base privée est un canal d'ajustement très important au sein d'unions monétaires intégrées comme les États-Unis, la France ou le Royaume-Uni. En particulier, de nombreuses études montrent qu'une part substantielle des chocs affectant une région est diffusée (et donc partagée), via les marchés financiers et le canal du crédit.

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

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Document 62 : les personnesConsacrée dès le Traité de Rome, la libre circulation des travailleurs a depuis fait l'objet de nombreuses mesures législatives européennes visant à en assurer l'effectivité. La mobilité du travail doit permettre d'assurer un meilleur appariement entre l'offre et la demande de travail au sein du marché intérieur, ce qui est d'autant plus important pour la zone euro dans la mesure où la mobilité du travail permet de mieux faire face à un choc asymétrique. Une plus grande mobilité des travailleurs favoriserait également la convergence des conditions de travail et des salaires21.Cependant, à ce stade, la mobilité du travail, dans l'UE comme dans la zone euro, demeure relativement faible, notamment en comparaison des Etats-Unis : en 2010, 0,35 % des habitants d'un pays de l'UE-27 habitait dans un autre État au cours de l'année précédente, contre environ 2,4 % aux États-Unis.

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

Document 63 : l’intégration des économies européennes, des résultats inégaux par secteursIntégration des marchés

Des biens Des services Des capitaux Du travail (circulation des personnes)

Elevée / faible ?Freins à l’intégration ?

Document 64 : poursuivre l’approfondissement du marché unique, pour quels gains ?

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 20151.2.2 Mesurer les gains produits par l’intégration croissante des marchés

Document 65 : les gains obtenus par l’approfondissement du marché unique

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

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1.2.3 Les inégalités territoriales ont-elles reculées ?

1.2.3.1 Les écarts entre pays : une convergence nettement remise en cause depuis 2008

Document 66 : une convergence des PIB nationaux / hab. au sein de l’Europe des 15 entre 1960 et 2000 (indice 100 pour UE-15)

1960 1980 2000Allemagne 121,1 115,5 106,4Autriche 95,8 106,2 110,8Belgique 95,6 107,9 111Danemark 119,2 108,2 116,8Espagne 59,1 72,7 82,1Finlande 88,2 96,5 100,9France 106,2 112,9 101,3Grèce 43,6 70 67,1Italie 87,3 101,1 98,9Irlande 62,6 65,5 114,3Luxembourg 176,7 132,9 180Pays-Bas 115,7 108,1 113,4Portugal 40,1 55,4 75,7Royaume-Uni 121,6 95,7 102,3Suède 126 113,7 102,8UE (15) 100 100 100

Source : Commission Européenne

Document 67 : essor de l’échange intra-branche (en % des échanges manufacturiers totaux)1970 1980 1990 2000

Allemagne 70 75 79 82Belgique 77 86 83 90Espagne 43 69 75 82France 53 65 79 91Italie 70 61 67 71

Source : OCDE

Document 68 : le rattrapage puis le décrochage des économies de l’Europe du Sud

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Document 69 : les déséquilibres croissants des comptes extérieurs au sein de la zone euro

Document 70 : les dynamiques de convergence freinées par la limite des modèles de croissanceS’il y a bien convergence entre les différents Etats membres, certains d’entre eux connaissent des ralentissements. On assiste à des phénomènes de croissance en «stop and go ». Il semble que l’ouverture de ces pays périphériques aux IDE et au commerce de l’UE génère une forte période de croissance extensive basée sur la réduction des activités agricoles et sur le transfert d’une main d’œuvre rurale employée de manière peu productive vers des zones urbaines où les IDE génèrent des gains de productivité liés à l’adoption de technologies plus avancées. Le problème mis en avant est la limite d’un tel mode de croissance à long terme. Une fois engendré, les gains de productivité liés à l’adoption de meilleures technologies, reste à trouver le moyen de passer à une croissance plus intensive en technologie qui soit basée sur une amélioration du capital humain. rester cantonné dans des activités d’assemblage industriel et de services peu qualifiés (tourisme, construction, call-centers) peut engendrer à long terme une croissance du PIB plus lente ou plus instable. (…) L’Italie, l’Espagne, l’Irlande ont subi cette expérience et ont connu des périodes de ralentissement, de chômage important ou des réorientations vers des modèles de croissance peu soutenables (libéralisation financière pour l’Irlande, bulles immobilières pour l’Espagne et l’Irlande). Une convergence réelle doit passer par l’acquisition d’une technologie qui permet de continuer à accroître la productivité, de diversifier ses secteurs d’activité et d’accueillir des districts marshalliens qui attirent des investissements productifs à l’instar des régions les plus avancées d’Europe.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.400-465

Document 71 : les effets des politiques d’austérité La crise économique risque de renforcer ces évolutions car la plupart des pays de la périphérie de l’UE sont en général plus touchés par la crise que ceux du Nord-Ouest. Les programmes d’austérité s’accompagnent d’une baisse des transferts de l’Etat. Leurs marchés du travail deviennent plus flexibles. Les baisses de salaires dont la fonction publique et le niveau élevé de chômage fait baisser l’ensemble des salaires. (…) Le gouvernement espagnol a fait baisser le salaire des professeurs d’université et des chercheurs de 12% et en Roumanie de 25%. La population étudiante roumaine a chuté de 907 353 en 2007 à 775 319 en 2009.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.400-465

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Document 72 : la convergence des Etats membres ?

1.2.3.2 Les écarts entre régions : une concentration géographique des activités productives

Document 73 : La polarisation des activités à forte valeur ajoutée dans la « banane bleue »

Convergence entre pays : quel critère ?

Critère du PIB/tête

Période de convergence ?

Période de remise en cause de la convergence ?

Position extérieure des pays membres de la zone euro

A partir de l’entrée dans l’euro ?

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Document 74 : les inégalités entre régionsOn constate généralement une convergence entre les Etats membres au cours de la période 2000-2009 mais une forte disparité subsiste entre les régions. Les chiffres d’Eurostat mettent en évidence une croissance hypertrophiée des capitales et de certaines régions centrales au détriment de régions périphériques. Ainsi, au niveau régional, il n’y a pas de convergence. La hausse fulgurante de la région de Londres Ouest est compensée par le déclin de la région occidentale du Pays de Galles qui tombe au-dessous des 75% de la moyenne du PIB par habitant de l’UE-27 en PPA. Cette tendance est également vraie au sein des PECO, où certaines régions frontalières plus proches du centre attirent des IDE et accueillent des districts marshalliens. C’est le cas par exemple de Timisoara en Roumanie avec des districts créés notamment par les investisseurs italiens. Mais ce sont surtout les capitales qui ont tendances à concentrer les richesses et la croissance. Les disparités entre régions ou sein de chaque Etat membre ont tendance à se renforcer.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.400-465

Document 75 : la concentration des activités industrielles dans certaines régions européennes L’intégration européenne mène logiquement à un accroissement de la spécialisation des activités économiques d’un pays, et à un regroupement des activités complexes. Elle génère des rendements croissants au centre du marché, c’est-à-dire dans le cœur géographique de l’UE. de ce point de vue, le fait que les petits pays de la périphérie de l’UE connaissent les pires difficultés à maintenir une industrie compétitive n’a malheureusement rien d’étonnant » (…). Il convient également de noter le rôle des élargissements des années 2000 qui ont eu tendance à déplacer le centre de l’Europe vers le Nord-Est et ainsi à renforcer la centralité de l’Allemagne. Ces élargissements ont accru la marginalisation des pays du sud de l’Europe. Les nouveaux entrants ont pu développer, au détriment des pays du Sud, des synergies industrielles avec l’Allemagne, et les autres pays industrialisés de l’UE, comme le montre le renforcement de leurs spécialisations industrielles. Pour résumé, il y a bien une polarisation ou plutôt une tendance au renforcement de la polarisation des pays européens (et plus encore des régions européennes), mais surtout de spécialisation des activités économiques. Cette tendance existe depuis longtemps et, de façon prévisible, l’élargissement de l’UE, et son approfondissement (euro) l’ont accentué.

Source : Matthieu Crozet « Les défis de l’hétérogéneité de l’UE » in RCE n°11 juin 2012

Document 76 : l’inefficacité des politiques régionales à faire converger les territoiresLes mécanismes de solidarité actuellement en place au niveau européen - fonds structurels UE, fonds européen d'ajustement à la mondialisation - ne semblent pas adaptés ou être de taille suffisante pour accompagner efficacement un approfondissement du marché intérieur.

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

1.2.4 L’absence de « solidarité de fait » dans certains domaines produit des tensions intra-communautaires : vers de nouveaux champs de coopération/harmonisation des politiques publiques ?

Document 77 : le modèle « irlandais », les Etats membres en concurrence Les gouvernements des nouveaux Etats membres imitant en partie le modèle irlandais, les élargissements de 2004 et 2007 mènent au renforcement de la concurrence fiscale et sociale. Cette concurrence existe déjà (Luxembourg, Belgique, îles anglo-normandes) mais elle s’accélèrent avec les 12 nouveaux Etats membres qui adoptent des taux d’imposition des sociétés très faibles. Le rapport Monti de 2010 met en évidence la

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concurrence fiscale entre Etats membres pour expliquer comment le taux d’imposition moyen de l’impôt sur les sociétés de l’UE-15 est passé de 50% à 30% entre 1980 et 2010, avec une accélération du phénomène depuis 2000. La problématique de la concurrence sociale était également parfaitement prévisible au moment de l’élargissement. Le différentiel de salaire est énorme, (…) bien sûr la productivité du travail y est plus faible, mais le coût unitaire salarial reste plus faible. Par ailleurs, la main d’œuvre ne dispose pas du même niveau de protection sociale sur le plan du marché du travail, la durée du travail y est beaucoup plus élevée, le taux de syndicalisation est y plus faible, le taux de chômage plus élevé. (…) Dans le cadre institutionnel du marché unique qui permet la libre circulation des capitaux et du travail, il est clair que de telles différences permettent aux entreprises de jouer la concurrence entre les travailleurs et entre les Etats sur le plan social et fiscal. On assiste à des délocalisations en masse dans les secteurs manufacturiers et dans certains services. (…) Cette crainte des délocalisations permet à des entreprises de jouer au chantage des fermetures. En 2005, la direction de Bosch France impose à ses salariés d’accroître leur temps de travail de 10% sans compensation salariale sous la menace d’une délocalisation à l’Est. Si l’on adopte une perspective dynamique, il est fondamental d’observer la vitesse de convergence des nouveaux Etats membres vers les Etats de l’UE-15 estimée en termes de productivité et de salaire pour voir combien de temps se poursuivront ces disparités génératrices de tensions intracommunautaires et de concurrence sociale.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.400-465

Document 78 : la question des politiques fiscales et socialesLes disparités fiscales et sociales au sein de l'UE peuvent constituer une source de distorsions majeure dans l'allocation des facteurs productifs et fausser la concurrence, via l'instauration de régimes préférentiels. Une concurrence accrue entre les politiques sociales et fiscales des États membres peut aboutir à une situation dégradée pour l'Europe prise dans son ensemble. Une impulsion donnée à l'intégration des marchés européens devrait ainsi s'accompagner d'instruments susceptibles de freiner la concurrence entre les standards sociaux qu'elle pourrait générer.En particulier, il serait nécessaire de prévenir une concurrence fiscale sous-optimale (notamment une « course vers le bas »). (…) Ainsi, l'approfondissement du marché intérieur devrait s'accompagner d'une coordination accrue en matière fiscale. (…) Par ailleurs, pour empêcher le « dumping social » et garantir l'équité sur les marchés du travail européen, ce processus d'harmonisation pourrait également se traduire par des standards communs de condition d'emploi, en particulier en termes de taux de salaire minimal (par exemple par rapport au salaire médian du pays).

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

Document 79 : l’approfondissement de l’intégration fait des perdantsSi un approfondissement du marché intérieur emporterait des gains à terme au niveau global, une intégration plus poussée devrait générer des coûts d'ajustement, au moins à court terme. Ces coûts d'ajustement seraient plus marqués pour certains groupes d'agents économiques et pourraient nécessiter la mise en place de dispositifs redistributifs au sein des États et entre États membres. Par exemple, une mobilité du travail accrue pourrait avoir des effets déstabilisants pour les pays d'émigration, en affectant leur croissance potentielle (du fait du départ des travailleurs les plus productifs, phénomènes de « brain drain » et de perte de capital humain).Au-delà des coûts d'ajustement de court terme, il ne peut être exclu qu'une plus grande intégration génère des effets d'agglomération qui peuvent avoir des effets positifs sur la productivité mais qui peuvent aussi aggraver la vulnérabilité de certaines économies face aux chocs asymétriques.Enfin, une intégration renforcée peut également conduire à fragiliser les populations les plus vulnérables. La littérature économique souligne en particulier que le progrès technique et le développement de nouveaux secteurs peuvent accroître les inégalités. En effet, les nouvelles technologies tendent à dévaloriser certaines compétences, conduisant à l'apparition de difficultés sociales dans certains secteurs. Dès lors, et dans la mesure en particulier où ces inégalités augmentent la vulnérabilité des régions concernées par ces chocs, ce processus devrait ouvrir la voie à la mise en place de mécanismes de soutien, comme cela a été fait dès l'origine du marché intérieur avec la création des fonds structurels, assurant la convergence des économies.

Source : Trésor-Eco n°156, octobre 2015

Document 80 : en conclusion

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Jusqu’à maintenant, l’UE a maintenu le mythe d’un objectif de convergence. Les politiques mises en œuvre, conformément d’ailleurs aux principes du Traité de Rome, visaient à favoriser la convergence des niveaux de vie et des structures industrielles, pour arriver à un « développement harmonieux ». Or, l’intégration commerciale et monétaire a produit les effets qui sont les siens : elle a renforcé les spécialisations et généré un mouvement de concentration des activités à rendements croissants vers le cœur du marché. Sans compter que le maintien d’une relative dispersion des activités industrielles au niveau européen a un coût en termes de croissance : elle interdit l’émergence de pôles d’activités spécialisés, disposant de la taille critique pour générer des externalités fortes. Cet argument a d’ailleurs conduit l’UE à réorienter des objectifs politiques et à mettre en place les stratégies de Lisbonne et UE2020, où l’objectif de cohésion passe au second plan pour laisser la place à des politiques de croissance et d’emploi pour l’ensemble de l’UE. La question pour l’UE, et plus encore pour la zone euro, n’est alors pas tant de savoir comment forcer l’ensemble à devenir plus homogène que d’apprendre à gérer l’hétérogénéité des situations nationales. Cela passe, effectivement par la mise en place de politiques industrielles (au sens large, ie incluent tous les secteurs des services) ambitieuses, coordonnées, mais aussi plus libres, pour pouvoir s’adapter aux différentes situations nationales. Cela passe surtout par des politiques macroéconomiques coordonnées et le développement des mécanismes de stabilisation : mobilité des travailleurs, portabilités des droits et transferts.L’intégration ayant généré les problèmes actuels liés à la divergence des pays, le choix est aujourd’hui relativement simple : soit ralentir la marche vers le fédéralisme en renonçant à l’intégration de tous les pays sur un pied d’égalité, soit se doter des outils politiques du fédéralisme pour en traiter les maux.

Source : Matthieu Crozet « Les défis de l’hétérogéneité de l’UE » in RCE n°11 juin 2012

Document 81 : l’approfondissement de l’intégration s’accompagne de politiques non coopératives entre pays membres

Document 82 : l’approfondissement de l’intégration soulève de nouveaux enjeux et des nouveaux thèmes de coopération/harmonisation (vers de nouvelles « solidarités de fait » ?)

De nouvelles « solidarités de fait » à mettre en œuvre :

quelles politiques communes demain ?

Les conséquences du marché commun : des enjeux qui portent sur

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Sur les politiques fiscales et sociales

Sur les inégalités territoriales Sur les politiques industrielles

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2. Le fonctionnement de l’Union économique et monétaire

2.1 Les étapes de la construction monétaire européenne : du rapport Werner à l’euro2.1.1 Le premier projet d’UEM (le rapport Werner (1970)) et le serpent monétaire

européen

Document 83 : la fin du système de Bretton Woods pousse les européens à réfléchir à l’intégration monétaire

Jusqu’aux années 1970, le système de Bretton Woods fournit à l’Europe la stabilité monétaire dont elle avait besoin. Stabiliser les monnaies européennes par rapport au dollar les stabiliser les unes par rapport aux autres. Réaliser le marché commun, comme l’Europe l’a fait en 1968, aurait été plus difficile face à des soubresauts des taux de change. Importateurs et exportateurs auraient vu leurs affaires perturbées. Les Etats auraient eu plus de mal à supprimer les barrières commerciales et à établir un tarif douanier commun. (…) On pouvait donc s’attendre à ce que les premiers pas significatifs dans la direction d’une monnaie européenne commune coïncident avec l’agonie de Bretton Woods. (…) En 1968, les troubles du dollar attisèrent les tensions en Europe. La crainte que les Etats-Unis ne dévaluent provoqua un raz de marée de capitaux vers l’Allemagne. Le Deutsch Mark se trouva poussé vers le haut. (…) Avec l’élection du président Nixon (1968) et les politiques de plus en plus unilatérales de son administration (….) les arguments en faveur d’un renforcement de la communauté prirent de la vigueur. (…) En France V.Giscard d’Estaing ministre de l’Economie et des finances sous de Gaulle et Pompidou (…) voyait dans la coopération avec l’Allemagne un moyen de d’affranchir la politique monétaire française des questions de politique intérieure et d’importer la culture de la stabilité allemande. Giscard considérait aussi qu’une monnaie commune européenne était essentielle pour sauvegarder la politique agricole commune, dont les paysans français tiraient de grands avantages. Et il voyait en elle une rivale à part entière du dollar. (…) Publié en octobre 1970, le rapport de la Commission Werner considérait le blocage irrévocable des taux de change comme essentiel pour la préservation du marché commun et pour éviter à l’Europe les déstabilisations monétaires venues des Etats-Unis. Il proposait un système paneuropéen de banques centrales comparable à celui de la Fed. Il soulignait qu’il faudrait coordonner les budgets nationaux des pays cohabitant dans l’union monétaire. Et il insistait sur le caractère désirable d’un système de transferts interétatiques d’aide aux pays faibles analogue au système fédéral d’imposition et de transfert qui assure la péréquation des fonds publics aux Etats-Unis. (…) Mais ne pas préciser exactement qui dicterait la politique monétaire commune de l’Europe, et comment, s’avéra une faiblesse fatale pour le rapport Werner. Cela permit au président de la Bundesbank d’attiser les craintes allemandes de voir la politique monétaire dictée par les politiciens francophones et devenir un moteur d’inflation. En France, on craignait que le pouvoir de décision soit retiré aux politiques, ce qui aurait ruiné les efforts des Français pour reprendre en mains leur destinée monétaire. Bien que les ministres de l’Economie et des finances européens eussent adopté le rapport Werner en mars 1971, ils ne prirent aucune disposition concrète pour l’applique.

Source : Barry Eichengreen « Un privilège exorbitant. Le déclin du dollar et l’avenir du SMI », O.Jacob, 2011, p.102

Document 84 : les perturbations monétaires du système de Bretton Woods conduisent à préparer le passage à la monnaie unique en 1980 (c’est moi qui souligne)

Durant les années 1960, la Commission européenne, bien consciente des problèmes monétaires qui entravent le bon fonctionnement de la politique économique de la CEE, s'interroge sur les moyens susceptibles de rétablir la stabilité monétaire des Six. (…) De la coordination efficace des politiques économique, monétaire et sociale qu'appelle le Conseil en octobre 1969 à l'union économique et monétaire il y a un pas considérable. Celui-ci est néanmoins franchi lors du sommet européen organisé à La Haye, en décembre 1969 (…). Aux termes du communiqué final de la conférence : « Les chefs d'État ou de gouvernement, ainsi que les ministres des affaires étrangères des États membres des Communautés européennes (…) sont d'avis que le processus d'intégration doit aboutir à une Communauté de stabilité et de croissance. Dans ce but, ils sont convenus qu'au sein du Conseil, (…) un plan par étapes sera élaboré au cours de l'année 1970 en vue de la création d'une union économique et monétaire. Le développement de la coopération monétaire devrait s'appuyer sur l'harmonisation des politiques économiques. » (…)

Source : http://www.cvce.eu/

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Document 85 : de la réforme du système de Bretton Woods de 1971 à la création du serpent monétaire européen

Mais comme les chocs monétaires continuaient à irradier à partir des Etats-Unis, il devint urgent de faire quelque chose. Dans les quatre premiers mois de 1971, les investisseurs recommencèrent à s’inquiéter des risques de dévaluation du dollar et transférèrent des fonds vers l’Allemagne. Le 10 mai submergée par les entrées de capitaux, la Bundesbank cessa d’intervenir pour stabiliser le DM, le laissant monter par rapport au dollar. (…) Non la France, à laquelle les investisseurs n’accordaient pas la même confiance. (…) Les français agirent avec irritation. L’Allemagne avait agi unilatéralement et l’appréciation du DM avait une nouvelle fois impliqué indûment la France. (…) Défendre les parités de Bretton Woods avait coûté cher. L’Allemagne et les Pays-bas avaient acheté des dollars avant de laisser flotter leur monnaie. la dévaluation du dollar de décembre 1971 leur occasionna de lourdes pertes. Faute d’un changement visible dans la politique américaine, ils n’avaient pas envie de se laisser prendre une fois de plus. (…) Ils insistèrent donc pour que les dispositions de Bretton Woods, qui limitaient les écarts entre monnaies à 1% en plus ou en moins, laissent place à une fourchette de 2,25%. Cet accord plus souple, tout en allégeant la contrainte de rachat des dollars souleva d’autres problèmes. Si le DM montait de 2,25% tandis que le dollar tombait d’autant, et que le franc français faisait l’inverse, le taux de change DM/FF varierait de 9%, ce qui perturberait la PAC et poserait des problèmes aux industriels allemands. (…) Il fallait faire quelque chose. En mars 1972, les pays européens convinrent de maintenir leurs taux de change bilatéraux dans des marges plus étroites. Le nouveau système était un accord centrée sur le DM auquel participaient les six Etats membres de la CEE, trois candidats à l’adhésion et la Norvège. (…) Mais affirmer une simple intention de maintenir les taux de change à l’intérieur de marges étroites ne suffisait pas. encore fallait-il adapter les politiques monétaires et fiscales. En cas d’attaque des spéculateurs contre une monnaie, les banques centrales devaient soutenir celle-ci. Mais si l’Europe parlait le langage de la coopération aucune de ces conditions préalables n’était en place lors de la création du serpent. Le Danemark et le Royaume-Uni durent se retirer de l’accord presque tout de suite. (…) une fois que le dollar eu commencé à flotter en mars 1973, les membres restants du serpent convinrent de flotter de manière conjointe par rapport à lui. En l’absence d’un accord sur la mise en commun des réserves et plus généralement sur une orientation politique, le système était dirigé par les Allemands. La Bundensbank fixait le niveau des taux d’intérêt et les autres banques suivaient. (…) En 1973, quand les prix des matières premières dérapèrent, la Bundesbank resserra sa politique. La France, qui rechignait à en faire autant, subit des sorties de capitaux, ce qui l’obligea à se retirer du Serpent en 1974. Elle y revint en 1975 , mais se retira à nouveau en 1976.

Source : Barry Eichengreen « Un privilège exorbitant. Le déclin du dollar et l’avenir du SMI », O.Jacob, 2011, p.107

Document 87 : le passage au change flottant pose des problèmes aux membres de la CEELe passage d’un système monétaire international de taux de change fixes à un régime de taux de change flottants entre les grandes puissances économiques mondiales engendre des perturbations importantes au niveau de la CEE. Premièrement, la volatilité des taux de change devenus flottants s’avère très importante et nourrit un risque de change au sein de la CEE entre les différentes Etats membres. Ce risque de change est considéré comme un obstacle au bon fonctionnement du Marché commun. Deuxièmement, les variations de change entre monnaies des pays membres perturbent l’attribution et les calculs relatifs aux budgets et aux transferts financiers des politiques européennes, notamment la politique agricole commune. Le dollar ne peut être la monnaie de référence pour les comptes de la CEE vu son instabilité. Troisièmement, certains Etats membres, notamment la France et l’Allemagne, jugent très coûteux le privilège dont bénéficie le gouvernement américain. Ce dernier n’affichant aucune volonté de se concerter avec les autres grandes économies en matière de politique monétaire, certains gouvernements européens veulent réduire la capacité de seigneuriage en envisageant de créer une autre monnaie de réserve internationale face au dollar.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.478-529

Document 86 : l’hétérogénéité des politiques menées par les Etats membres fait disparaître le serpent monétaire européen

Les Etats membres mènent (…) des politiques macroéconomiques contradictoires. Le gouvernement français (Chirac) poursuit une politique budgétaire expansionniste génératrice d’inflation (qui produit une dépréciation du franc), comme le gouvernement Belge ou Italien, pendant que la Bundesbank allemande et l’Etat néerlandais maintiennent une politique monétaire restrictive qui provoque l’appréciation de leur

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monnaie. De nombreuses monnaies quittent alors le serpent qui reste de facto une zone Deutschmark composée des économies de la CEE voisines de l’Allemagne et dont cette dernière constitue le principal partenaire commercial (Belgique, Danemark, Luxembourg, Pays-Bas).

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.478-529

Document 88 : l’intégration monétaire en Europe durant les années 1970

2.1.2 Le second projet d’UEM : du SME à l’Euro

Document 89 : la politique monétaire allemande devient un modèle suivi par les autres pays Contrairement au premier projet d'Union économique et monétaire (UEM) lancé en 1970, l'idée d'unification économique et monétaire trouve dans les années 1980 un terrain propice à son développement. (…) À partir de 1983, la France conduit une politique du «franc fort» qui favorise la cohérence et la convergence de ses orientations de politique économique et monétaire avec celles de l'Allemagne. Le président français François Mitterrand et le chancelier allemand Helmut Kohl nouent des liens d'amitié qui contribuent à dépasser les clivages et à franchir les blocages conduisant vers l'UEM.

Source : http://www.cvce.eu/

Document 90: la convergence des politiques publiques conduit à renouveller la coopération des politiques de change

La situation évolue à la fin des années 1970. (…) Le gouvernement de R.Barre qui succède à celui de J.Chirac en 1976 se rapproche de la conception allemande en matière de contrôle des dépenses publiques (la France réduit son déficit entre 1976 et 1980) et de lutte contre l’inflation. C’est dans ce contexte que le président de la Commission Jenkins, le président V.Giscard d’Estaing et le Chancelier H.Schmidt soutiennent la création du SME en 1979. Le SME est caractérisé par un engagement politique plus fort que le Serpent monétaire européen puisque les gouvernements considèrent l’unilatéralisme monétaire américain comme durable et dommageable pour la CEE et, que les objectifs français en matière de politique macroéconomique se rapprochent plus de l’Allemagne. Le SME fonctionne de 1979 jusqu’en 1999. Il peut être considéré comme un système de transition centré sur trois éléments : 1) un mécanisme de taux de change ; 2) un mécanisme de crédit entre les banques centrales des Etats membres du SME ; 3) et une nouvelle unité de compte européenne, l’ECU. Le MTC (mécanisme de taux de change) fixe des cours pivots pour chaque devise d’un Etat membre du SME par rapport aux devises des autres Etats membres, mais aussi par rapport à l’ECU. Ces cours pivot ont des marges de fluctuations maximales de 2,25% comme dans le Serpent monétaire européen et on prévoit également des actions concertées des banques centrales concernées. (…) Un Etat du SME ne peut plus dévaluer ou réévaluer sa monnaie de manière unilatérale et a besoin de l’accord de ses partenaires.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.478-529

Document 91 : du projet de SME à son application Dans un discours à l’Institut universitaire de Florence fin 1977, Roy Jenkins plaida pour une relance des négociations sur une union monétaire européenne. En écho au rapport Werner, il proposa d’élargir le budget de la CEE pour qu’elle puisse venir en aide aux pays qui auraient du mal à s’adapter aux rigueurs d’une

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politique monétaire allemande. (…) Les idées de Jenkins offraient une ouverture à H.Schmidt et V.Giscard d’Estaing. (…) Leur projet fut dévoilé en juillet 1978. On fixerait pour les taux de change de nouvelles marges de fluctuations de 2,25% sur le modèle du Serpent. Pour que le système ne soit pas une fois de plus dominé par les Allemands, les marges seraient définies par rapport à un panier de monnaies européennes. Un mécanisme de déclenchement imposerait aux pays à monnaie forte d’assouplir leur politique monétaire tandis que les pays à monnaie faible durciraient la leur. Leurs banques centrales seraient obligées d’intervenir pour maintenir leur monnaie dans la grille. Au bout de deux ans, un Fonds monétaire européen serait créé pour administrer les réserves mises en commun par les membres. A une date future non précisée interviendrait un passage à l’union monétaire. (…) Ces propositions n’étaient pas exactement du goût du gouvernement britannique (…) et ne plaisaient pas non plus à la Bundesbank. (…) Les membres du conseil de la Bundesbank exigèrent l’abandon du mécanisme de déclenchement, exclurent toute nouvelle discussion sur la mise en commun des réserves, refusèrent d’envisager la substitution d’un panier de monnaies au DM en guise de pivot du système. Ils demandèrent à ce qu’il ne soit plus question d’union monétaire. Le gouvernement allemand s’inclina sur les points clés. Le SME entra donc en fonctionnement sans mécanisme déclencheur ni obligations claires d’intervention. Sa composante opérationnelle, le mécanisme de change européen ressemblait au Serpent plus que ses fondateurs n’étaient disposés à le reconnaître. La principale différence était qu’en cas de problèmes de compétitivité les Etats ajusteraient désormais leur monnaie à l’intérieur du mécanisme au lieu d’abandonner celui-ci.

Source : Barry Eichengreen « Un privilège exorbitant. Le déclin du dollar et l’avenir du SMI », O.Jacob, 2011, p.111-112

Document 92 : du projet de Marché unique à la monnaie unique (le triangle des incompatibilités)La liaison entre la réalisation d'un grand marché intérieur européen et l’œuvre d'unification économique et monétaire est une évidence soulignée de longue date. (…) La première moitié des années 1980 sont aussi celles d'une prise de conscience. Les résistances nationales à l'ouverture des marchés n'ont pas permis de réaliser le programme économique quinquennal de 1977. Alors que les Communautés fêtent leur 25ième anniversaire, l'économie européenne connaît un quadruple décrochage par rapport à celles nord-américaine et japonaise. Décrochage économique, avec une reprise modeste. Décrochage financier, en raison d'une insuffisance et d'une inadéquation des moyens de financement de l'activité économique. Décrochage social, avec un taux de chômage qui baisse peu. Et décrochage technologique, avec une présence commerciale et une compétitivité moindre dans les secteurs en pleine croissance comme l'informatique. Ainsi, entre 1982 et 1987, le taux de croissance moyen en Europe passe d'une valeur négative à 2,4 %, tandis qu'il croit de 2,5 % à 6,7 % aux États-Unis. (…) La Commission adopte en 1985 un programme de réalisation d'un grand marché intérieur: le Livre blanc à l'intention du Conseil européen sur l'achèvement du marché intérieur. Les quelques trois cent dix mesures qu'y sont énumérées, sont destinées à stimuler la reprise économique, à garantir les libertés de circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux et à fusionner les marchés nationaux en un marché unique pour le 31 décembre 1992 au plus tard. Ainsi parle-t-on de «l'objectif 92». (…) La réalisation du marché intérieur et la libéralisation croissante des marchés capitaux place sous tension les politiques monétaires nationales, ainsi que le formalise le quadrilatère des incompatibilités développé par Tommaso Padoa-Schioppa, alors directeur général pour les affaires économiques et monétaires à la Commission. (…) Transposition à l'espace européen du triangle des incompatibilités de Robert Mundell, ce théorème souligne l'impossibilité pour un État de satisfaire simultanément les quatre objectifs de politique économique suivant : libération du commerce, mobilité intégrale des capitaux, stabilité des changes et autonomie de la politique monétaire. La pleine réalisation de liberté de circulation des capitaux, y compris de ceux à court terme, accroît l'interconnexion des marchés, renforce le SME et force les États membres à coordonner leurs politiques économiques et monétaires et à libéraliser leurs services financiers, explique ainsi la Commission en mai 1986 dans son programme pour une libération des mouvements de capitaux dans la Communauté. Dès lors que les États membres s'engagent véritablement sur la voie du marché intérieur, il devient évident qu'ils devront reconsidérer l'autonomie de leur politique monétaire. Comme l'écrit Tommaso Padoa-Schioppa en 1988, «[i]n the long run, the only solution to the inconsistency is to complement the internal market with a monetary union.» (…)Deux phénomènes contribuent à délaisser la perspective du renforcement du SME au profit de l'établissement de l'union économique et monétaire: la perspective du marché unique approuvée par le Conseil européen des 28 et 29 juin 1985; les perturbations qui frappent le SME en raison de l'instabilité du dollar tout au long en 1985 et 1986. Cette double circonstance justifie une réforme en profondeur des dispositions relatives à la politique économique de la Communauté. Comme l'explique Jacques Delors à

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l'occasion du Conseil européen des 2 et 3 décembre 1985, «vous n'avez pas besoin d'avoir un doctorat en économie pour comprendre le besoin d'une union monétaire pour établir un marché unique.»

Source : http://www.cvce.eu/

Document 93  : les attaques spéculatives sur les monnaies déstabilisent le SMEDès qu’il existe d’importantes turbulences sur les marchés monétaires internationaux et que les firmes qui opèrent sur les marchés financiers doutent de la capacité des Etats membres de maintenir cette convergence en matière de politique macroéconomique, ces Etats sont alors soumis à des mouvements brusques de capitaux et à des attaques spéculatives contre leurs monnaies. (…) Les plus importantes ont lieu en 1992 et 1993, conséquence de divergences de politiques macroéconomiques entre les Etats membres induites par les conséquences des politiques économiques allemandes poursuivies dans le cadre de la réunification allemande. Cette volatilité des capitaux est très perturbatrice. Le SME est obligé d’élargir ses marges de fluctuations de 2,25% à 15% au cours de l’été 1993 pour limiter les attaques spéculatives, plusieurs Etats membres sont forcés de quitter le SME après des interventions coûteuses de leurs banques centrales sur le marché des changes.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.478-529

Document 94 : l’Acte unique annonce le projet d’UEML'Acte unique européen insère, dans le traité établissant la Communauté économique européenne (CEE), un nouveau chapitre intitulé La coopération en matière de politique économique et monétaire (Union économique et monétaire) et composé d'un article unique l'article 102 A. Ce dernier reconnaît le rôle du système monétaire européen dans le processus de convergence des politiques économiques et monétaires. Il annonce surtout la nécessité d'une réforme des traités «dans la mesure où le développement ultérieur sur le plan de la politique économique et monétaire exige des modifications institutionnelles.» Dans son préambule, l'Acte unique européen rappelle l'engagement des chefs d’État ou de gouvernement à réaliser progressivement l'union économique et monétaire.

Source : http://www.cvce.eu/

Document 95 : le Comité Delors La décision de créer la commission Delors fut prise au printemps 1988. Son rapport, publié un an plus tard (2009), décrivait un passage à trois étapes à l’union monétaire qui n’était pas sans ressembler à celui du rapport Werner vingt ans plus tôt. Mais contrairement à son prédécesseur, le rapport Delors soulignait qu’il était important d’inscrire la stabilité des prix parmi les missions de la nouvelle institution monétaire. Il affirmait explicitement la nécessité d’une banque centrale européenne et d’une mise en commun des réserves des pays participants. Concession au scepticisme thatchérien, il n’insistait pas sur la nécessité d’une intégration politique accompagnant l’intégration monétaire, même si Delors espérait quant à lui que l’intégration politique suivrait. Il ne préconisait ni élargissement substantiel du budget de la CEE, ni système d’impôts et de transferts couvrant l’union tout entière, ni autre menace sur les prérogatives fiscales nationales, de telles propositions ayant conduit à l’échec du rapport Werner. Bien que politiquement opportunes, ces concessions poseraient ultérieurement des problèmes à l’union monétaire. Et ces problèmes s’avéreraient importants pour limiter la capacité de l’euro à rivaliser avec le dollar. La disposition capitale était l’indépendance de la Banque centrale. L’Allemagne y tenait, mais la France s’y était longtemps opposée. (…) Convaincu par Delors des bénéfices qu’apporterait à la France la discipline du mécanisme de change, Mitterrand était conscient des avantages qu’il y avait à mettre la politique monétaire à l’abri de la politique intérieure. Les membres de la commission Delors, relayant la position allemande, convinrent que le passage à l’union monétaire devait nécessairement être précédé par une convergence économique significative, et qu’il fallait donc fixer des conditions préalables à la participation des Etats.

Source : Barry Eichengreen « Un privilège exorbitant. Le déclin du dollar et l’avenir du SMI », O.Jacob, 2011, p.118

Document 96: « one market, one money » Le Conseil européen, réuni à Hanovre les 27 et 28 juin 1988, confirme l'objectif de réalisation progressive de l'union économique et monétaire. Il charge un comité présidé par Jacques Delors, président de la Commission européenne, d'étudier et de proposer les étapes concrètes devant mener à cette union. Le rapport doit être prêt pour le Conseil européen de Madrid, prévu en juin 1989. Ce dernier doit examiner les moyens de parvenir à l'union. (…) Le rapport Delors se concentre sur les étapes concrètes devant conduire à l'UEM. Il ne s'attache pas à justifier l'UEM par une analyse coûts-avantages. Cette étude est en revanche conduite par la Direction générale pour les Affaires économiques et financières de la Commission pendant l'automne et

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l'hiver 1989 et publiée en octobre 1990 sous le titre «One market, one money». L'étude conclut à un impact positif à long terme sur la croissance de l'ordre de 5 % du PIB, à une stabilité des prix accrue, à une coordination plus étroite des politiques économiques et budgétaires. Parmi les autres avantages détaillés, l'union monétaire faciliterait les déplacements des particuliers et les échanges commerciaux en faisant disparaître les coûts de change des devises, supprimerait les risques de change et favoriserait ainsi les investissements.

Source : http://www.cvce.eu/

Document 97 : l’euro et la convergence des économies, le débat « économistes » vs « monétaristes »

La question posée alors est de déterminer si l’intégration monétaire est l’instrument ou le point final de l’intégration économique. Pour les «économistes», l’union monétaire couronne les efforts en termes de convergence des structures économiques; à l’opposé, les «monétaristes» estiment que l’unification monétaire exerce un rôle moteur sur la convergence structurelle, réelle. Pendant les négociations du traité de Maastricht, le premier courant a trouvé audience auprès des autorités politiques allemandes et néerlandaises, et le second dans les milieux français.

Source : http://www.cvce.eu/

Document 98 : les propositions du Comité DelorsL’architecture de l’UEM développée au sein du Comité Delors reflète complètement la position de la Bundesbank et sera la base du Traité de Maastricht. Toutes les principales exigences de l’Allemagne sont satisfaites : les critères de convergence comme condition préalable à la participation de l’UEM ; l’indépendance et le mandat de la BCE ; la création de l’Institut monétaire européen (embryon de la future BCE) ; la procédure et le calendrier pour atteindre l’UEM ; la localisation de la BCE (Francfort) ; le Pacte de stabilité et de croissance ; le refus des transferts financiers entre Etats et la clause de no bail-out. Pour garantir l’irrévocabilité des taux de change, le Comité propose la création d’une nouvelle monnaie unique et d’une Banque centrale européenne supranationale. La politique monétaire, une des deux grandes politiques macroéconomiques, serait alors dévolue au niveau européen supranational.La stabilité des prix serait son objectif primordial qui ne souffrira aucune exception, les autres objectifs (croissance, emploi) lui sont subordonnés et ne peuvent être poursuivis que dans la mesure où ils n’entrent pas en contradiction avec les objectifs de stabilité des prix. Selon le projet du Comité, la BCE disposerait d’un degré d’indépendance sans précédent. En effet, la BCE n’aurait pas de gouvernement fédéral en face d’elle, et ses statuts seraient inscrits dans les Traités qui ne sont modifiables qu’avec l’accord de tous les pays membres de l’UE (y compris hors zone euro). (…) Les conclusions du Comité Delors sont entérinées au sommet de Madrid en 1989.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.478-529

Document 99 : L’intégration monétaire, du SME au Comité Delors

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2.2 La conséquence du passage à la monnaie unique sur la coordination des politiques économiques

2.2.1 La préparation du passage à la monnaie unique et les critères de convergences

Document 100 : les critères de convergence (Traité de Maastricht, article 140)Les critères de convergence doivent permettre d’atteindre les objectifs suivants :

- la réalisation d’un degré élevé de stabilité des prix : un taux d’inflation moyen qui ne dépasse pas de plus de 1,5% celui des trois Etats membres présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix ;

- le critère de convergence des taux d’intérêt : un Etat a un taux d’intérêt nominal moyen à long terme qui n’excède pas 2% de celui des trois Etats membres présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix.

- le respect des marges normales de fluctuations prévues par le mécanisme de taux de change (pendant au moins deux ans), sans dévaluation de la monnaie par rapport à l’euro ;

- le caractère soutenable de la situation des finances publiques : le déficit public ne dépasse pas (sauf cas exceptionnel et temporaire) 3% du Pib ; la dette publique ne dépasse pas 60% du Pib ;

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.478-529

Document 101 : les raisons de la coordination des politiques budgétaires Dans le Traité de Maastricht, l’autre grand outil de politique macroéconomique, la politique budgétaire, reste sous le contrôle exclusif des Etats membres. Des Etats pourraient donc adopter des comportements de free riders. Ils pourraient se lancer dans des dépenses publiques inconsidérées, générant ainsi de l’inflation et faisant remonter les taux d’intérêt de l’ensemble de la zone euro, mais de manière beaucoup plus diluée que s’il s’agissait uniquement de leur propre monnaie (…). Les autres Etats subiraient les effets dilués de cette inflation et de ces hausses de taux d’intérêt engendrées par le comportement du seul free rider alors qu’eux auraient correctement maîtrisé leurs dépenses publiques. Ce risque est clairement identifié par plusieurs membres du Comité Delors. Pour lutter contre ce risque, le gouvernement allemand (…) impose sans difficulté le Pacte de stabilité et de croissance dans le Traité d’Amsterdam de 1997. Celui-ci fixe des amendes aux Etats de la zone euro qui auraient un déficit persistant de plus de 3% du PIB.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.478-529

Document 102 : les critères de convergence nominale Critères de convergence « nominale »

Politique monétaire Politique de change Politique budgétaireObjectif quantifié des critères de MaastrichtQuelle est la signification d’un objectif qui ne serait pas atteint ?

Document 103 : des critères de convergence à leur applicationPuisque la France et l’Allemagne étaient de la partie, il en restait plus qu’à savoir qui s’embarquerait avec elles. Dans le scénario considéré comme le plus probable, on pensait à une poignée de voisins de l’Allemagne, partisans de la stabilité, à l’image des Pays-bas. D’autres pays pourraient s’y ajouter, mais seulement après avoir prouvé qu’ils étaient assez disciplinés pour limiter leur déficit et réduire leur endettement. (…) La décision incomba en fin de compte au petit Luxembourg. Dette faible, politiques stables : ses références étaient impeccables. Mais le Luxembourg était déjà dans une union monétaire avec la Belgique ; le franc belge circulait dans les deux pays. Il aurait donc été absurde de laisser la Belgique à l’écart. Mais si l’on incluait la Belgique, dont le ratio de dette publique par rapport au Pib était élevé, alors on ne pourrait plus invoquer le plafond d’endettement public du traité de Maastricht pour tenir d’autres pays à l’écart. L’union monétaire commença ainsi en 1999 avec neuf membres dont, en plus de la Belgique, l’Irlande, l’Italie, le Portugal et l’Espagne. La Grèce pourtant un cas problématique, n’était pas si différente des pays de la péninsule ibérique, et fut donc admise en 2001.

Source : Barry Eichengreen « Un privilège exorbitant. Le déclin du dollar et l’avenir du SMI », O.Jacob, 2011, p.127

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2.2.2 L’élaboration du policy-mix européen et le consensus de Bruxelles : comment s’articulent la politique monétaire européenne et les politiques budgétaires nationales ?

Document 103 : la division des tâches entre politique monétaire européenne et politiques budgétaires nationales (le consensus de Bruxelles)

La doctrine de la Commission européenne et du Conseil Ecofin peut être comprise de la manière suivante. La politique monétaire unique peut réagir aux évènements qui ont un impact significatif sur la zone euro prise dans son ensemble (on parle de chocs symétriques), mais à condition que ceci ne compromette pas l’objectif de stabilité des prix. (…) La politique budgétaire, qui reste décidée au niveau de chaque Etat membre, réagit quant à elle aux évènements touchant spécifiquement cet Etat (on parle de chocs asymétriques). Pensons à des chocs sectoriels (la crise de la téléphonie mobile en Finlande) ou à certains évènements extra-économiques (sécheresse par ex.). Seule la politique budgétaire peut compenser les chocs asymétriques ; la BCE, qui ne suit que les évolutions de l’ensemble de la zone euro, n’a aucune raison de réagir. La politique budgétaire nationale est alors plus efficace qu’avant l’union monétaire, car elle n’affecte pas significativement les taux d’intérêt, lesquels sont déterminés au niveau de l’ensemble de la zone (…).

Source : A.Bénassy-Quéré et B.Coeuré « Economie de l’euro », La découverte, 2010, p.71-92

Document 104 : rappel, le rôle conjoncturel de la politique budgétaire et des stabilisateurs automatiques

Le rôle de la politique macroéconomique est de stabiliser la demande adressée aux produits nationaux quand celle-ci s’écarte trop, à la hausse ou à la baisse, des capacités de production des entreprises. Cette stabilisation n’a de sens qu’à court terme : une politique prolongée de stimulation de la demande ne se traduirait à terme que par une inflation accrue. Pour élever durablement le niveau d’activité, seules sont efficaces les politiques d’offre : investissement, éducation et formation, mesures d’incitation au retour sur le marché du travail, … Cette conception s’est généralisée dans les pays développés depuis la Seconde guerre mondiale. (…) Quelle est la conséquence de cette doctrine pour les déficits publics ? On admet généralement que l’activité économique est cyclique, c’est-à-dire qu’elle connaît une succession de phase d’expansion et de ralentissement. L’activité s’écarte ainsi successivement à la hausse ou à la baisse de son niveau potentiel (output gap). L’impact de ces fluctuations cycliques sur les déficits publics est double. Le premier impact est mécanique : en période de forte croissance, les recettes fiscales augmentent et les dépenses diminuent (essentiellement celles liées aux dépenses sociales). Le déficit se réduit donc en haut de cycle économique et se creuse en base de cycle. En retour, cette activité exerce un effet stabilisant sur l’activité, même en l’absence de politique budgétaire active : ainsi, en phase haute, la progression des recettes fiscales et la baisse des prestations sociales ralentissent le revenu disponible des ménages et des entreprises, donc la demande de biens et services. On parle de stabilisateurs automatiques. En dehors de cet effet mécanique, l’utilisation active de la politique budgétaire pour stabiliser l’activité peut accentuer l’évolution cyclique du déficit (par exemple, une baisse des impôts soutient la consommation en période de ralentissement) : on parle alors de politiques contracycliques.

Source : A.Bénassy-Quéré et B.Coeuré « Economie de l’euro », La découverte, 2010, p.71-92Questions :

1) remplir tableau : Phase de récession Phase de forte croissance

Recettes fiscales : ______ Dépenses publiques : ________

Recettes fiscales : _________

Dépenses publiques : _______

Déficit budgétaire : ______ Déficit budgétaire : ________Effet multiplicateur Effet multiplicateur

Reprise de l’activité Freinage de l’activité

Document 105 : la politique budgétaire et l’intégration européenneLa politique budgétaire demeure du ressort des gouvernements et des parlements des Etats membres. pour la période 2007-2013, le budget communautaire représente 1,04% du revenu national de l’UE, alors que les budgets publics pèsent plus de 40% du PIB en moyenne. Peut-on en conclure que l’euro n’a rien changé à la politique budgétaire ?

Source : A.Bénassy-Quéré et B.Coeuré « Economie de l’euro », La découverte, 2010, p.71-92

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Document 106 : le policy-mix européen Politique monétaire européenne Politique budgétaire nationale

Objectif conjoncturel

2.2.3 La Banque centrale européenne (BCE)

Document 107 : l’indépendance de la BCEPour effectuer les tâches qui lui ont été assignées, le Traité de Maastricht garantit par son article 130 l’indépendance politique de la BCE : « ni la BCE, ni les banques centrales nationales, ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions ou organes de l’Union européenne, des gouvernements des Etats membres de l’UE ou de tout autre organisme. Les institutions et organes de l’UE ainsi que les gouvernements des Etats membres s’engagent à respecter ce principe et à ne pas chercher à influencer les membres des organes de décision de la BCE ». Une série d’éléments institutionnels sont censés limiter au maximum les interférences entre le pouvoir politique et la BCE. Premièrement, le système de nomination du directoire est censé protéger les membres individuels des pressions politiques éventuelles. Deuxièmement, la BCE dispose de son propre budget (indépendant du budget de l’UE) et des outils nécessaires pour garantir un fonctionnement autonome. Troisièmement, les Traités interdisent formellement à la BCE de prêter aux organes de l’UE ou à n’importe quelle entité nationale. Quatrièmement, la Cour européenne de justice est compétence en cas de litige entre la BCE et les autres organes de l’UE et/ou les Etats membres.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.478-529

Document 108 : les missions de la BCELe premier objectif de la BCE est la stabilité des prix. Les autres objectifs sont secondaires. La BCE doit utiliser différents outils en vue d’assurer la stabilité des prix avant d’autres objectifs comme la croissance et l’emploi ou la croissance des exportations. La politique de change, donc la détermination de la valeur de l’euro par rapport aux autres monnaies, un des facteurs de la compétitivité des produits européens est clairement soumise à l’objectif de stabilité des prix. (…) C’est donc clairement une option monétariste renforcée qui démarque la BCE de la Fed ou de la Banque d’Angleterre. La stabilité des prix n’est pas quantifiée dans les Traités. La BCE a traduit cet objectif de stabilité par une fourchette de croissance de l’indice des prix à la consommation située entre 0% et 2% avec un objectif de tendre vers les 2%.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.478-529

Document 109 : les outils de la BCE pour agir sur la liquiditéUne fois qu’elle a estimé le niveau des pressions inflationnistes, la BCE peut alors faciliter ou non la croissance de la masse monétaire en circulation en jouant sur le coût de l’accès à ses liquidités pour les banques privées de la zone euro. Pour cela, elle dispose de trois outils : les opérations d’open market, les facilités permanentes et les réserves obligatoires. Comme n’importe quelle banque centrale classique, la BCE joue pour la zone euro le rôle de fournisseur de liquidité et de prêteur en dernier ressort pour les banques. Ces dernières peuvent obtenir des liquidités auprès de la BCE sur un horizon d’une semaine ou de trois mois à travers une procédure d’appel d’offre. La BCE fixe un taux et les banques font des offres sur la quantité de liquidités qu’elles souhaitent le taux qu’elles sont prêtes à payer pour les obtenir (au-delà du taux proposé par la BCE). La BCE alloue les liquidités aux banques qui proposent le taux le plus élevé (le taux « repo ») et reçoit en gage des actifs financiers de ces banques comme collatéral de leur dette. La BCE établit une liste des actifs financiers pouvant constituer un collatéral auprès de la BCE. (…)Les banques peuvent en permanence obtenir des facilités de prêt au jour le jour (très court terme) auprès de la BCE. C’est ce que l’on appelle les facilités marginales de prêt qu’elles ne peuvent obtenir qu’à un taux plus élevé que le taux « repo ». Elles peuvent également faire des dépôts auprès de la BCE qui leur accordera un taux inférieur au taux « repo ». Les banques doivent déposer une partie de leurs réserves auprès de l’Eurosystème ; ce sont les réserves obligatoires rémunérées selon le taux « repo ». En les accroissant ou en les diminuant, la BCE peut ainsi augmenter ou réduire (…) la capacité des banques à fournir des prêts à leurs clients.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.478-529

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Document 110 : l’indépendance de la BCE en débatCette volonté d’indépendance est justifiée par des arguments de la théorie macroéconomique, selon lesquels « l’indépendance de la BCE est propice au maintien de la stabilité des prix ». (…) On constate néanmoins, bien que l’indépendance d’une banque centrale n’est pas une condition nécessaire à la stabilité des prix. Les banques centrales américaine et britannique ont également réduit correctement l’inflation tout en étant beaucoup plus dépendantes du pouvoir politique. (…) La question de l’indépendance de la Banque centrale se comprend mieux si on la replace dans le débat théorique et politique qui s’est déroulé à l’époque. Au cours des années 1980, les gouvernements de l’OCDE veulent sortir de la période de stagflation des années 1970. Garantir l’indépendance d’une banque centrale par des solides mécanismes institutionnels est considéré comme un moyen de donner un signal clair aux marchés financiers que les gouvernements ne peuvent plus revenir aux politiques de déficits publics génératrices d’inflation qui affaiblissent le pouvoir d’achat de leur devise et engendrent des dépréciations. (…) A cette époque, les paradigmes des monétaristes et des nouveaux classiques dominent très largement les économistes et la communauté financière, et c’est assez naturellement qu’ils s’imposent aux gouverneurs des banques centrales des Etats membres qui composent en majorité le Comité Delors. (…) Force est de constater que les gouvernements européens et la présidence de la Commission ont poursuivi une politique monétariste plus orthodoxe que les autres pays de l’OCDE. (…) Comme le souligne De Grauwe, le Congrés américain ou le parlement allemand peuvent respectivement remettre en question les statuts de leur banque centrale respective par simple majorité alors que les statuts de la BCE sont inscrits dans le traité de Maastricht et qu’une modification requiert l’unanimité des 27 Etats membres (y compris ceux n’appartenant pas à l’eurosystème). De plus, la BCE n’est soumise qu’à des contrôles politiques très limités. Les délibérations du Conseil des gouverneurs ne sont pas publiées et on ne sait donc pas qui s’est prononcé pour ou contre tels aspects de sa politique monétaire, sauf en cas de démission d’un de ses membres (comme cela a été le cas pour le représentant allemande après la crise de 2010). Elle ne peut recevoir aucune injonction des institutions de l’UE. (…) La BCE doit faire un rapport au Parlement européen quatre fois par an devant la Commission Permanente des Affaires Economiques et Monétaires qui peut lui poser des questions, mais le Parlement ne peut pas sanctionner la BCE à la différence du Congrès américain. La BCE doit toutefois se soumettre aux décisions de la Cour européenne de Justice et au contrôle de la Cour des Comptes européenne.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.478-529

Document 111 : la BCE

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Document 112 : inflation et cible d’inflation dans la zone euro

2.3 Les conséquences du passage à l’UEM sur l’intégration européenne

2.3.1 Un constat : depuis la création de l’euro, on assiste au développement des déséquilibres des balances des paiements des pays de la zone euro

Document 113 : l’essor des déséquilibres au sein de la zone euro

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Document 114 : ces déséquilibres accompagnent une désindustrialisation sévère des pays du Sud

2.3.2 Comment expliquer cette hétérogénéité accrue entre les pays du Nord et ceux du Sud ?

2.3.2.1 Cette hétérogénéité est le résultat d’une intégration plus poussée des économies européennes stimulée par l’euro

Document 114 : l’UEM réduit les coûts de transaction et renforce l’intégration Dans le processus de construction européenne, la constitution du SME (système monétaire européen) a diminué les coûts liés à l’existence de monnaies différentes, puisque les fluctuations des monnaies entre elles étaient limitées, et la création de l’euro les a totalement supprimés. Il était attendu que la monnaie unique favorise les échanges entre les pays de la zone euro, et la progression des échanges a bien été observée. Les importations en provenance des autres pays de la zone euro ont doublé depuis 1999, quand les importations en provenance de pays ayant des niveaux de développement comparables ont stagné (Japon) ou augmenté de 50% avec les pays de l’ALENA. Comme prévu, l’unification monétaire a conduit à une intégration commerciale croissante, les économies de la zone tendant à ne constituer qu’un seul marché. (…) Il était également attendu de l’intégration économique qu’elle entraîne la convergence des fluctuations économiques de la zone, autrement dit la convergence des cycles. Et une fois encore, ce qui était attendu a été observé. Les cycles se sont en effet synchronisés, les périodes de récession et les périodes d’expansion se succédant de manière simultanée pour l’ensemble des économies nationales. (…) Cette synchronisation des cycles confirme la convergence des fluctuations économiques.

Source : Patrick Artus et Isabelle Gravet « La crise de l’euro. Comprendre les causes. En sortir par de nouvelles institutions », A .Colin (2012)

Document 115 : l’intégration renforce la spécialisation des territoiresPour autant, cette convergence des fluctuations économiques ne signifie pas qu’il y ait eu une convergence des structures productives. En effet, l’intégration économique a modifié la spécialisation productive (…) et entraîne une plus grande hétérogénéité des structures productives. (…) L’augmentation des échanges entre pays de la zone euro modifie ainsi la spécialisation productive. En effet, chaque pays modifie sa production, augmentant la production de certains biens qui seront en partie exportés et important les biens qu’il renonce à produire. (…) Pour certains pays, le poids du secteur industriel peut diminuer, le volume des exportations des biens manufacturés baisser et l’emploi industriel peut chuter, si la spécialisation se fait de l’industrie vers les services non échangés. Symétriquement, d’autres pays produisent davantage de biens industriels et augmentent leurs exportations. Le poids dans le PIB de la production manufacturière diminue dans certains pays tandis qu’il progresse dans d’autres régions, les structures productives se différencient, devenant plus hétérogènes. (…) L’essentiel des transformations consécutives à la création de la zone euro ne relève pas d’une spécialisation intra-branche, mais d’une spécialisation inter-branche. La production manufacturière baisse en Espagne, en France, en Grèce, en Italie et au Portugal entre 1999 et 2011.

Source : Patrick Artus et Isabelle Gravet « La crise de l’euro. Comprendre les causes. En sortir par de nouvelles institutions », A .Colin (2012)

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Document 116 : les effets d’agglomération (P.Krugman)

Document 117 : conséquences des élargissements et les phénomènes d’agglomérationL’intégration européenne mène logiquement à un accroissement de la spécialisation des activités économiques d’un pays, et à un regroupement des activités complexes. Elle génère des rendements croissants au centre du marché, c’est-à-dire dans le cœur géographique de l’UE. de ce point de vue, le fait que les petits pays de la périphérie de l’UE connaissent les pires difficultés à maintenir une industrie compétitive n’a malheureusement rien d’étonnant » (…). Il convient également de noter le rôle des élargissements des années 2000 qui ont eu tendance à déplacer le centre de l’Europe vers le Nord-Est et ainsi à renforcer la centralité de l’Allemagne. Ces élargissements ont accru la marginalisation des pays du sud de l’Europe. Les nouveaux entrants ont pu développer, au détriment des pays du Sud, des synergies industrielles avec l’Allemagne, et les autres pays industrialisés de l’UE, comme le montre le renforcement de leurs spécialisations industrielles. Pour résumé, il y a bien une polarisation ou plutôt une tendance au renforcement de la polarisation des pays européens (et plus encore des régions européennes), mais surtout de spécialisation des activités économiques. Cette tendance existe depuis longtemps et, de façon prévisible, l’élargissement de l’UE, et son approfondissement (euro) l’ont accentué.

Source : Matthieu Crozet « Les défis de l’hétérogéneité de l’UE » in RCE n°11 juin 2012

2.3.2.2 Cette hétérogénéité est le résultat d’une situation de rattrapage des pays du Sud qui rend la politique monétaire pro-cyclique et renforce les écarts de demande intérieure

Document 118 : la période de rattrapage des pays du Sud

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Document 119 : se traduit par une demande plus dynamique

document 120 : et une inflation supérieure

Source : Natixis Flash Economie « Comment ont évolué depuis la création de l’euro les policy mix des pays du Nord et du Sud de la zone euro ?», 09 janvier 2014

Document 121 : or, la monnaie unique a permis un lissage des taux d’intérêt

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Document 122 : des écarts de taux d’intérêt réels apparaissent dans la zone euro (taux d’intérêt réel = taux d’intérêt nominal – inflation)

Pays où activité est plus faible Pays où activité est plus forteInflation plus faible/forte Inflation plus faible/forte

Taux d’intérêt réel plus faible/fort Taux d’intérêt réel plus faible/fortFreine/Stimule l’activité économique Freine/Stimule l’activité économique

Document 123 : la monnaie unique renforce l’hétérogénéité en stimulant davantage la demande dans certains pays

Il existe une source inévitable d’hétérogénéité dans une union monétaire qui vient simplement de ce que la politique monétaire est commune. Les taux d’intervention de la Banque centrale sont les mêmes pour tous les pays et jusqu’en 2008, les pays de la zone euro avaient presque les mêmes taux d’intérêt à long terme. (…) On voit bien la force centrifuge que ceci fait apparaître dans l’Union monétaire : les pays où la croissance est inférieure à la moyenne de l’Union (…) sont de plus confrontés à une politique monétaire restrictive, ce qui freine le crédit, fait baisser les prix des actifs , et réduit encore la croissance. Les pays où la croissance est supérieure à la moyenne de l’Union bénéficient de plus d’une politique monétaire expansionniste qui soutient la valeur des prix des actifs (par exemple les prix de l’immobilier) et stimule la croissance. Depuis la récession de 2009, cette dynamique divergente s’est encore aggravée par l’apparition de primes de risque s’ajoutant aux taux d’intérêt des pays en difficulté. (…) Il est donc normal, inévitable que le caractère commun de la politique monétaire et des taux d’intérêt dans une union monétaire accroisse l’hétérogénéité en rendant la politique monétaire expansionniste dans les pays à croissance supérieure à la moyenne et restrictive dans les pays à croissance inférieure à la moyenne. »

Source : Patrick Artus et Isabelle Gravet « La crise de l’euro. Comprendre les causes. En sortir par de nouvelles institutions », A .Colin (2012)

Document 124 : les écarts d’inflation se répercutent sur les coûts salariaux unitaires

Document  125 : au sein des pays du Sud, la position de la Grèce

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Document 126 : le rattrapage économique dans le contexte de la monnaie unique renforce les déséquilibres des balances des paiements

2.3.2.3 L’hétérogénéité est aussi le résultat de politiques économiques divergentes dans certains domaines (donc non coordonnées)

Document 127 : les politiques économiques dans les pays du Nord de la zone euroL’Allemagne a mené des politiques qui ont accompagné la spécialisation productive. (…) La progression limitée du coût du travail et les efforts pour contenir les prélèvements obligatoires ont permis d’améliorer la compétitivité-coût des entreprises (capacité à gagner des parts de marché en raison d’un coût de production stable ou en baisse) et les marges des entreprises. De ce fait, les entreprises allemandes disposent de capacités de financement plus importantes, qu’elles peuvent utiliser pour financer notamment les dépenses de R&D, et logiquement, l’augmentation des budgets de R&D permet de réaliser des innovations. Ces innovations améliorent la qualité de la production et par conséquent la compétitivité hors prix des entreprises allemandes, c’est-à-dire leur capacité à gagner des parts de marché pour des raisons autres que le prix. Les réformes entreprises par le gouvernement allemand ont ainsi accompagné les entreprises allemandes en leur fournissant un environnement répondant à leurs besoins.

Source : Patrick Artus et Isabelle Gravet « La crise de l’euro. Comprendre les causes. En sortir par de nouvelles institutions », A .Colin (2012)

Document 128 : les politiques économiques dans les pays du Sud de la zone euroLes pays du sud de la zone euro ont eux mené des politiques qui ont perturbé la spécialisation productive. (…) Non seulement aucune réforme du marché du travail n’a été entreprise au début de la décennie, mais les salaires ont progressé à un rythme soutenu et les charges pesant sur les salaires n’ont pas diminué. (…) La progression importante des salaires dans le Sud de la zone a inévitablement perturbé la spécialisation productive. En effet dans les pays du Sud de la zone euro, la main d’œuvre est moins qualifiée que celle des pays du nord. Cette différence de qualification aurait du entraîner une spécialisation des pays du Sud dans la production de biens intermédiaires. Cependant, l’augmentation rapide du coût du travail dans les pays du Sud a dissuadé les industriels d’investir dans cette zone pour la production de biens industriels simples. (…) La production de biens intermédiaires à laquelle les pays du Nord de la zone ont renoncé s’est développée dans les pays d’Europe de l’Est.

Source : Patrick Artus et Isabelle Gravet « La crise de l’euro. Comprendre les causes. En sortir par de nouvelles institutions », A .Colin (2012)

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Document 129 : l’absence de contrôle de l’apparition de déséquilibres macroéconomiques

Source : Agnès Bénassy-Quéré « Economie monétaire internationale », Corpus Economie, Economica, 2014, p.18-20

Document 125 : décrire l’hétérogénéité croissante des économies de la zone euroCritères Pays du Nord Pays du Sud

Croissance économiqueInflation taux d’intérêt réelCompétitivité prix des exportationsPlace de l’industrie dans la VAPolitiques économiquesDéséquilibre de la balance des paiements

Document 126 : les sources de l’hétérogénéité croissante des économies de la zone euroConséquences de l’intégration

économique et monétaire : marché unique + monnaie unique + élargissements

Conséquences des écarts de croissance économique entre

pays leaders et pays en rattrapage

Conséquences des politiques intérieures

2.3.2.4 Les failles de la coordination budgétaire

Document 127 : l’hétérogénéité des politiques économiques traduit l’absence de coordination et de supervision budgétaire malgré l’existence du PSC

Les pays de la zone euro ont eu des pratiques budgétaires et fiscales très différentes. Certains pays (Grèce, France) n’ont pas équilibré leurs finances publiques même dans les périodes de croissance durable. D’autres (Portugal, Allemagne) ont périodiquement durci leur politique fiscale pour faire disparaître les déficits publics (avec par exemple la hausse de 3 points de la TVA en Allemagne en 2007). On critique beaucoup aujourd’hui en Allemagne l’accord « Schroder-Chirac » qui a permis à la France et à l’Allemagne de conserver des déficits publics supérieurs au seuil maximum de 3% au début des années 2000. Malgré la mise en place du PSC qui limitait les déficits publics à 3% du PIB, les deux pays au début des années 2000,et jusqu’en 2005, décident de laisser subsister des déficits publics plus élevés, autour de 4% du PIB en France comme en Allemagne. Ultérieurement, la politique budgétaire du gouvernement allemand est devenue beaucoup plus rigoureuse. La Grèce a depuis longtemps mené une politique budgétaire très expansionniste, tandis que l’Espagne avait des excédents budgétaires. Cependant, ces excédents étaient dus à la bulle immobilière et à la bulle de l’endettement et non à un modèle économique solide. Il n’y a donc pas eu de coordination ou de supervision budgétaire sérieuse de 1999 à 2008.

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Source : Patrick Artus et Isabelle Gravet « La crise de l’euro. Comprendre les causes. En sortir par de nouvelles institutions », A .Colin (2012)

Document 128 : des politiques fiscales en concurrenceEn plus de l’absence de coordination budgétaire globale portant sur les déficits publics, il est apparu un défaut majeur de coordination du détail de la politique fiscale, d’où l’apparition dans la zone euro d’une situation de concurrence et non de coordination fiscale. Ceci à aussi contribué à l’augmentation de la « mauvaise hétérogénéité » avec la délocalisation d’activités dues aux biais fiscaux et non aux avantages comparatifs des pays. (…)

Source : Patrick Artus et Isabelle Gravet « La crise de l’euro. Comprendre les causes. En sortir par de nouvelles institutions », A .Colin (2012)

Document 129 : conclusion de l’intégration européenne avec l’UEM, des cycles qui convergent mais des structures économiques qui divergent

Traditionnellement, on exige des pays qui veulent participer à une même union monétaire qu’ils aient des cycles économiques similaires, ce qui exclut la présence de chocs asymétriques. Lorsque l’on regarde les pays de la zone euro, on trouve une forte similitude des cycles. (…) Mais la corrélation des cycles est naturelle entre les pays qui échangent beaucoup entre eux, mais pour autant elle n’exclut pas que les pays puissent différer par leur tendance de croissance ; par leur structure productive ; par leur compétitivité. Ces différences expliquent d’ailleurs les divergences quant au commerce extérieur et à la dette extérieure. Ces divergences structurelles, qui n’empêchent pas une forte corrélation des cycles, rendent difficile, si elles sont présentes, la coexistence de cas pays dans une union monétaire. La zone euro est homogène du point de vue des cycles mais, elle est hétérogène du point de vue de l’effort d’innovation, de la productivité, donc de la croissance de long terme, de la spécialisation de l’économie, donc du commerce extérieur. Seuls cinq pays (Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Autriche, Finlande) composent une zone euro réellement homogène du point de vue structurel.

Source : Patrick Artus et Isabelle Gravet « La crise de l’euro. Comprendre les causes. En sortir par de nouvelles institutions », A .Colin (2012)

Document 130

2.3.2.5 De l’hétérogénéité croissante des économies à la crise des dettes souveraines

Document 131 : la période de rattrapage des économies s’accompagne d’une hausse de l’endettement des ménages et des entreprises

45

Document 132 : la crise de 2007 renforce la hausse du ratio d’endettement public

Document 133 : Un endettement public majoritairement détenu par des non-résidents

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Document 134 : la hausse de l’endettement public provient aussi d’un creusement des déficits publics lors de la crise de 2007-2008

Source : Natixis Flash Economie « Les taux d’intérêts de la zone euro sont encore trop élevés», 10 septembre 2014

Document 135 : l’échéancier grec du remboursement de la dette rend cette dette insoutenable

Document 136 : les doutes sur la capacité de ces Etats à honorer leurs dettes augmentent et les primes de risque augmentent – crise des dettes souveraines éclate

Source : http://www.lafinancepourtous.com/47

Document 137 : de l’endettement extérieur à la crise des dettes souveraines

2.4 Quelle réponse de l’UE et des pays de la zone euro à la crise des dettes souveraines ?

Document 138 : un délai de réaction trop lent 11 février 2010 : les chefs d’Etat et de gouvernement européens publient leur premier communiqué sur la Grèce. Quatre mois se sont écoulés depuis que G.Papandréou a révélé l’état désastreux des finances publiques du pays. (…) G.Papandréou a déjà pris contact D.Strauss-Kahn, directeur général du FMI. (…) Mais il s’est entendu répondre que le FMI ne pouvait pas assister un pays de la zone euro sans l’accord des européens. Or ceux-ci sont divisés : certains, A.Merkel en tête veulent appeler le FMI. D’autres, J.C.Trichet notamment, plaident pour une solution purement européenne. Les décisions des dirigeants européens sont donc attendues avec une grande impatience. Et c’est peu dire qu’elles déçoivent. (…) Pour les marchés financiers, le message est limpide : les Européens minimisent le problème grec parce qu’ils ne sont pas d’accord sur la solution à lui apporter ; ils ne savent pas s’ils veulent fournir une assistance financière à Athènes, ils ne savent pas qui la paiera ni combien, ils ne savent pas s’ils veulent que le FMI intervienne, et donc ils essaient de gagner du temps avec des mots ; C’est l’exacte vérité. (…) C’est finalement au début du mois de mai qu’une réponse est donnée. (…) Les ministres des finances annoncent un programme d’aide à la Grèce de 110 milliards d’assistance. (…) Le 09 mai les dirigeants de la zone euro finissent par annoncer la création d’un mécanisme permanent d’assistance financière destiné à se substituer aux prêts bilatéraux (le Fonds européen de stabilité financière). (…) Sept mois, le temps qui sépare l’annonce du problème de celle d’une tentative de solution, c’est sur l’échelle du temps des Européens, un délai très court. Une renégociation entre Etats sur un des éléments centraux du contrat qui les lie les uns aux autres ne peut se conclure en quelques jours. (…) Mais pour les marchés financiers, c’est un temps presque infini. Assez long en tout cas pour que, de déception en déconvenue, se dissipe le capital de crédibilité dont jouissaient encore les institutions de la zone euro à la fin 2009. Ce hiatus entre le temps des politiques et le temps des marchés marque tous les moments de la crise. (…) Car les politiques ont été confrontés à un défi d’ampleur  : pallier, dans l’urgence et sans préparation, l’absence de tout mécanisme européen de gestion des crises. (…) Dans un contexte de montée des partis populistes et nationalistes en Europe du Nord et en France (…), l’étonnant n’est pas que les dirigeants de la zone euro aient tergiversé avant de venir en aide à leurs partenaires, mais bien plutôt qu’ils aient en définitive fait le choix de la solidarité. Or ils l’ont fait sans ambiguité. (…) A.Merkel a dit non, non, non, et enfin oui. Le reste de l’Europe a suivi.

Source : Jean Pisani-Ferry « Le réveil des démons. La crise de l’euro et comment s’en sortir », Fayard, 2011

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2.4.1 Les politiques d’aide aux pays en difficulté : le cas grec

Document 139 : face à la fragilité des banques, les autorités publiques récupèrent l’essentiel de l’endettement public grec

Source : http://www.les-crises.fr/images/images-diverses/2012/grece-02/detention-dette-grece-2009-2014.jpg

Document 140

Source : le Monde, 7 juillet 2015

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Document 141 : « l’aide européenne »

Document 142 : les plans d’aideLe premier plan (2010) d’aide a donc consisté en une chose très simple : faire passer la dette grecque des mains, ou plutôt des tiroirs caisses, du privé à ceux du public. Le FMI et les Etats de la zone euro prêtent 110 milliards d’euros à la Grèce et la BCE se met à racheter des titres de dette grecque pour éviter que leur prix ne s’effondre. Le premier plan prévoyait que la Grèce reviendrait se financer sur les marchés au premier trimestre 2012. Mais dès 2011, tout le monde voit que c’est impossible, et qu’il faut de nouveau prêter à la Grèce. 

Le deuxième plan d’aide (2011) est scellé le 27 octobre 2011. Il prévoit une nouvelle aide de 130 milliards d’euros, une annulation de 107 milliards d’euros de ce que doit la Grèce aux créanciers privés (banques, fonds, etc.), et une recapitalisation des banques grecques, c'est à dire un don en capital. 

La BCE (achat des titres publics détenus par des SF)

MES (ex FESF)Prêts bilatéraux

Aide des pays de la zone euro dans la respect du

no bail out

La Commission européenne

(transferts courants du budget de l’UE

vers la Grèce)

L’« aide européenne »

Fonds Monétaire international

Qui sont les créanciers « publics » ?

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Le troisième plan (2015) correspond à une aide de 85 milliards d’euros.

Document 143 : une future charge de la dette grecque inférieure à celle de l’Italie ou du PortugalUne spécificité de la dette grecque est son mode atypique de remboursement auprès des créanciers publics européens :

- La BCE, qui en détient 25 milliards d’euros, reverse les intérêts et les plus-values éventuelles au débiteur qui, donc, ne rembourse que le capital ;

- Le mécanisme européen de stabilité (MES) dispense le débiteur d’intérêts jusqu’en 2023. Il devra alors s’acquitter des intérêts de la dette contractée à un taux faible (1,5%), le capital n’étant remboursé qu’en 2045. L’économie pour la Grèce est estimée à 8,5 milliards d’euro par an, soit 4,5% de son PIB ;

- Les prêts bilatéraux (environ 53 milliards d’euros) contractés en 2012 ont désormais une maturité de trente ans avec non-paiements des intérêts jusqu’en 2022. Le taux d’intérêt sur cette dette est d’environ 2% (à comparer avec les 11% prévalant sur les marchés en mars 2015 que la Grèce paierait immédiatement en cas d’émission d’obligations de même maturité ;

- Par conséquent, seuls le FMI et les créanciers privés perçoivent aujourd’hui des intérêts sur la dette. (…) Cette charge ne représente que 2,8% du PIB en 2015 contre 4,7% pour l’Italie et 5% pour le Portugal. Même si cette charge n’apparaît pas comme exorbitante, le FMI estime que pour atteindre le ratio dette/PIB soutenable de 120% en 2022, le surplus primaire doit atteindre 3% du PIB en 2015 et 4% ensuite. Ce qui est supérieur aux prévisions de croissance (entre 2% et 3%). Ce scénario de désendettement est crédible ? la réponse est non.

Source : Cahiers Français « Crise de la zone euro : où en sommes-nous ? » n°387, juillet-août 2015

2.4.2 Des solutions budgétaires intergouvernementales : création du MES et renforcement des règles de finances publiques

Document 144 : La mise en place d’un outil de stabilisation macroéconomique pour les pays en crise : le MSF, un instrument intergouvernemental qui fonctionne hors budget européen

Le budget de l’UE et ses objectifs ont peu été modifiés par la crise des dettes souveraines  ; par contre, des solutions sont apparues pour venir en aide aux pays « au bord de la faillite ».Printemps 2010 : Création en 2010 du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Le FESF peut contracter des emprunts, avec la garantie des États membres de la zone euro, en faveur d’un pays rencontrant des difficultés de solvabilité (crise de la dette publique). Ces interventions (500 milliards d’euros) peuvent être combinées avec celle du Fonds Monétaire International (250 milliards d’euros), un montant total de 750 milliards d’euros pouvant ainsi être mobilisé. Courant 2012 - le FESF est remplacé par une institution financière internationale, le Mécanisme de stabilité financière (MES). Le budget du MES s’élève à 1000 milliards d’euro (janvier 2012). C’est un organisme intergouvernemental :

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- La règle de décision se fait à l’unanimité des 17 pays membres de l’Euro (sauf cas d’urgence / vote à la majorité qualifiée des 85%). Il est prévu, qu’à partir du 1er mars 2013, l’octroi d’une assistance financière dans le cadre du MES soit conditionné à la ratification du « Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire » (Le Pacte budgétaire) qui a été adopté par 25 des pays membres de l’Union européenne le 30 janvier 2012.

- Chaque Etat est responsable à hauteur de sa contribution ; il ne répond pas du total du risque assumé par le MES ;

- Le budget du MES est hors budget européen, et n’est pas présenté au PE ; Aujourd’hui ce budget existe ; il est intergouvernemental ; mais rien n’interdit de penser qu’il puisse servir de base au développement futur d’un budget « fédéral » / décision politique de transferts de souveraineté.

Document 145  : le TSCG, la mise en place d’une « règle d’or » en matière de finances publiquesLe Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’UEM (TSCG) a été signé par 25 pays de l’UE sur 28 le 2 mars 2012 (entrée en vigueur le 1 janvier 2013). Il concerne essentiellement les pays de la zone euro (et non pas tous les pays de l’UE). La crise des dettes souveraines qui touche certains pays de l’UE est en partie un symptôme de l’échec du PSC. De nombreux pays n’ont pas à partir de 2005 suivi le PSC et certains parmi eux n’ont pas durant les périodes de croissance mis à profit la hausse des recettes publiques pour réduire la part du déficit en pourcentage du PIB. L’entrée dans la crise économique s’est donc mécaniquement accompagnée d’une envolée des déficits au delà des 3%. Ce manque de crédibilité des Etats à suivre le PSC a été sanctionné immédiatement par les marchés qui ont fait augmenter les spreads des Etats les plus touchés par la dégradation de leurs finances publiques. Conséquence : un cercle vicieux de la dette publique. L’idée d’une règle d’or renvoie à la notion d’incohérence temporelle des décisions publiques et à ses conséquences en termes de crédibilité. Adopter une règle d’or en l’inscrivant dans la Constitution (ou dans la législation) est un signal adressé aux prêteurs visant à marquer la fin des comportements opportunistes et incohérents. C’est un moyen de se lier les mains à partir de chaque constitution nationale. La signature du Traité intervient dans une période de crise des dettes souveraines, il est présenté comme la condition nécessaire pour la poursuite des aides aux pays en difficulté (le Mécanisme européen de stabilité). Face aux difficultés de coordination rencontrées par le PSC, le Traité cherche à faire respecter à la fois la souveraineté nationale en matière budgétaire et le respect des critères de déficits et de dette. Il s’appuie sur le pouvoir exécutif de la Commission européenne et demande aux Etats d’intégrer dans leur cadre législatif national les critères de finances publiques définis par l’ensemble des Etats membres de la zone euro. Les Etats doivent donc eux-mêmes se « lier les mains ». En terme de critères de finances publique, à la différence du PSC, le Traité de Stabilité met l’accent sur le contrôle de la dimension « structurelle » du déficit. En effet, compte tenu de la conjoncture, l’état des finances publiques peut évoluer, il faut donc pouvoir tenir compte de cette dimension conjoncturelle et observer le déficit sous sa forme structurelle. Les critères de finances publiques dans le TSCG :

- Une dette publique qui ne dépasse pas 60% du pib ;- Un déficit public (au sens de Maastricht) qui ne dépasse pas 3% du pib ;- Un déficit structurel (incluant les investissements et lissés des variations conjoncturelles) ne

dépassant pas 1% du pib (lorsque la dette publique est inférieure à 60% du pib) ou 0,5% du pib (lorsque la dette publique est supérieure à 60% du pib).

Document 146 : la réponse des pays de la zone euro à la crise des dettes souverainesCréation du MES (ex-FESF) TCSG

Réponse intergouvernementale ?

Fonctionnement / Objectif

2.4.3 Le rôle de la Banque centrale européenne depuis 2008 (cf cours Politique Monétaire dans Module 4 Politiques de stabilisation du cycle)

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2.5 Les conséquences des plans d’aide : vers une sortie de crise ?

2.5.1 Les déficits publics et extérieurs se réduisent, mais le ratio d’endettement public ne baisse pas : la Grèce toujours dans l’impasse, pourquoi ?

Document 147 : une comparaison de la croissance Grèce – France – Allemagne

Document 148 : la chute des dépenses publiques fait baisser le PIB et la croissance potentielleExaminons les conséquences des politiques d’austérité infligées à la Grèce depuis mai 2010 par (…) le FMI, la BCE et la Commission européenne sous le nom de troika. Les politiques préconisées couvrent une panoplie de mesures : forte baisse des salaires dans le secteur public (20% à 25%), augmentation des impôts, pressions pour des privatisations massives. Le résultat pour la Grèce a été une baisse de son PIB. La Grèce n’est donc pas en récession, mais en dépression. Il s’ensuit une contraction des recettes fiscales qui empêche le pays de respecter ses engagements. La logique implacable veut que l’on remette une couche d’austérité, avec un résultat peu surprenant. Au lieu de stopper la progression de la dette publique, les plans successifs l’ont fait galoper à un niveau supérieur à 160% du PIB fin 2011. En même temps, la balance courante est restée négative de 10% du PIB, (…) ce qui témoigne d’une dépendance financière de plus en plus grande à l’égard des non-résidents. (…) La politique d’austérité menée actuellement sacrifie la croissance de long terme, et il ne faut pas oublier qu’une période longue de croissance basse et de désendettement a des effets négatifs indirects. Le chômage de longue durée diminue l’employabilité et la qualité de la main d’œuvre. Une baisse durable des flux de capitaux réduit logiquement les taux d’investissements. Enfin, les dépenses d’éducation et de R&D deviennent insignifiantes, ce qui empêche toute progression de la productivité globale des facteurs. En un mot, l’économie s’affaiblit irréversiblement.

Source : Michel Aglietta « Zone euro. Eclatement ou fédération », Michalon, p. 70

Document 149 : le déséquilibre budgétaire se réduit

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Document 149 : les besoins de financement de l’économie se réduisent

Document 150 : les conséquences des plans d’austérité

Document 151 : le ratio d’endettement public ne baisse pas

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Document 152 : synthèse

2.5.2 Les caractéristiques de la construction européenne conduisent nécessairement à des politiques de dévaluation interne aux conséquences économiques et sociales douloureuses

Document 153 : le fonctionnement des zones monétaires La théorie des zones monétaires optimales (ZMO) a été développée à l’origine par Robert Mundell qui a analysé à quelles conditions des Etats pouvaient avoir la même monnaie et donc renoncer à l’outil de politique de change. En effet, un pays membre d’une union monétaire ne peut plus décider unilatéralement de dévaluer et de réévaluer sa monnaie en fonction d’objectifs macroéconomiques internes. (…)Lorsque les différents pays qui composent une union monétaire connaissent une évolution macroéconomique similaire et sont affectés de la même manière par des récessions ou des chocs macroéconomiques (comme l’augmentation des prix de l’énergie ou l’effondrement d’une partie importante de la demande mondiale), cette incapacité de poursuivre une politique de change unilatérale n’est pas coûteuse. En effet, tous les pays ont intérêt à adopter la même politique de change car ils sont dans la même situation. Le problème se pose lorsqu’un choc asymétrique se produit et touche certains pays et pas d’autres au sein d’une même union monétaire. (…) De même un choc symétrique peut avoir des conséquences très différentes (et donc asymétriques) selon les différentes économies nationales d’une UM. La crise financière globale a touché tous les pays de la zone euro, mais avec des effets très différents en Allemagne et en Grèce. Dans ces deux cas, il sera alors difficile aux pays de cette union monétaire de se mettre d’accord sur une politique de change commune. (…) Le coût d’appartenance à une union monétaire se fait alors sentir à cause de cette divergence.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.478-529

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Document 154 : comment se rapprocher des caractéristiques d’une ZMOIl existe cependant, sous certaines conditions, des alternatives à une dévaluation du taux de change nominal pour relancer la croissance d’une économie nationale touchée en cas de récession. Si ces conditions sont remplies, alors un pays ne trouvera pas trop coûteux de renoncer à l’outil de la politique de change et aura intérêt à rester au sein de l’UM pour profiter de ses avantages. Plus la possibilité d’un choc asymétrique est faible, plus la zone monétaire est optimale. Il faut donc identifier les éléments qui favorisent ou non l’occurrence d’un tel choc. Le premier critère est celui de la diversification de l’économie nationale mis en avant par Kennen. Un pays qui dispose d’un large éventail de production de biens et services est moins susceptible d’être affecté par un choc asymétrique qu’un pays monoexportateur comme le sont certains PVD. Le deuxième critère est celui de la synchronisation du cycle des affaires. La croissance d’une économie nationale est soumise à des successions de périodes de récession et de reprise qui forment un cycle des affaires. (…) En cas de parfaite synchronisation, les récessions et reprises se succèdent exactement au même rythme et le choc asymétrique ne pourra pas se produire. Cette synchronisation provient en fait du degré d’interdépendance économique et commerciale entre les deux économies. Deux économies très ouvertes qui commercent beaucoup entre elles auront forcément des cycles d’affaires très synchronisés, les flux économiques importants entre les deux pays diffusant les ralentissements et les reprises de la croissance. c’est notamment le cas des petites économies voisines de l’Allemagne. C’est l’argument développé par Mc Kinnon. La relation entre union monétaire et synchronisation du cycle d’affaires doit être vue de manière dynamique. C’est l’apport de Frankel et Rose qui montrent que l’union monétaire devrait stimuler progressivement le commerce entre ses Etats membres, ce qui accroîtrait l’interdépendance et la synchronisation d’affaires. Une union monétaire peut donc accroître à moyen terme l’optimalité d’une zone monétaire. (…)Si pour certains pays, ces deux critères ne sont pas remplis et la probabilité d’un choc asymétrique reste importante, il faut alors analyser si ces pays disposent d’alternatives à une politique de change, de dévaluation pour contrer ce choc.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.478-529

Document 155 : 3 solutions pour limiter les effets négatifs de chocs asymétriques dans une zone monétaire qui n’est pas optimale

Il est possible de contrer le choc asymétrique par une relance des exportations sans dévaluer le taux de change nominal de la monnaie, mais en s’attaquant au taux de change réel, c’est-à-dire au niveau des prix des facteurs de production de l’économie nationale, ce que l’on appelle une « dévaluation interne ». Pour gagner ainsi de la compétitivité pour les exportations, il faut qu’il soit possible de faire baisser les salaires et les autres coûts de production dans l’économie nationale (énergie, composantes, télécoms, …). Cette flexibilité à la baisse des salaires et des prix n’est jamais totale, car il existe une série de dispositions législatives qui fixent certains prix et salaires. (…) Ce degré de flexibilité peut donc varier considérablement d’un pays à l’autre selon leur législation sociale, leur politique de la concurrence et leur degré d’ouverture commerciale. La mobilité du travail est le critère développé dans la théorie originelle de Mundell. Un pays qui est touché par un choc asymétrique verra son chômage augmenter. Si les travailleurs de ce pays peuvent librement se déplacer dans le pays voisin de l’union monétaire qui n’est pas touché par ce choc, alors une dévaluation n’est pas nécessaire pour résorber le chômage. Ainsi bien qu’aux Etats-Unis, certains Etats n’ont pas de forte

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synchronisation de leurs cycles d’affaires, la forte mobilité de la main d’œuvre entre Etats permet d’absorber plus facilement les chocs asymétriques subis par certains Etats. Est-ce que l’Etat touché par un choc asymétrique peut le contrer par un programme de relance des dépenses publiques ? Un choc a généralement a pour effet de fortement dégrader les finances publiques du fait des stabilisateurs automatiques (allocations de chômage, soutien aux entreprises, pertes de rentrées fiscales liées à la baisse de revenus). Si la dette publique du pays est déjà élevée et que son déficit commercial s’aggrave avec la récession causée par le choc, ce pays pourra difficilement faire financer un programme de relance par les dépenses publiques. En effet, les marchés financiers craindront le risque d’un défaut de paiement ou d’une sortie de l’union monétaire, et d’une dévaluation. Cet Etat devra alors emprunter à des taux prohibitifs, ce qui l’empêchera de résorber le choc par des dépenses publiques. C’est ce qui s’est produit en 2010 pour la Grèce. (…) Il est toutefois possible au sein d’une union monétaire d’envisager des mécanismes de transferts financiers entre les Etats. Les pays qui ne seraient pas touchés par ce choc seraient alors solidaires du ou des pays en récession et leur verseraient des transferts pour leur permettre de contrer le choc par un programme de relance par les dépenses publiques. Ce mécanisme existe déjà à l’intérieur de la plupart des grands pays où certaines régions peuvent subir des chocs asymétriques. C’est l’Etat central (par exemple l’Etat fédéral américain) qui réduit les taxes et augmente les dépenses publiques des régions touchées par un choc asymétrique et il répercutera le coût de ces mesures sur les autres régions du pays. Ce mécanisme suppose donc l’acceptation politique d’une solidarité financière par tous les pays de l’union monétaire. Cette dernière sera d’autant plus difficile à accepter si les chocs asymétriques sont récurrents dans certains Etats membres de l’UM et pas dans d’autres.

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014, p.478-529

Document 156 : la solution de la dévaluation interne, le rééquilibrage de la balance courante passe par une contraction de la demande intérieure

Lorsque les pays sont touchés par la crise de balance des paiements, ils ne peuvent plus financer leurs déficits extérieurs. (…). On doit donc s’attendre à ce que les pays en difficulté doivent faire disparaître le déficit de la balance courante, c’est-à-dire rééquilibrer l’offre et la demande de biens et services exportables, c’est-à-dire en particulier de produits industriels. A long terme ceci peut se faire par des politiques de l’offre qui stimulent la capacité de production, mais à court terme, ceci ne peut se faire que par la baisse de la demande intérieure de produits industriels, c’est-à-dire par la perte de pouvoir d’achat. La récession européenne (on attend une croissance en 2012 de -3% au Portugal, -2% en Espagne en Italie, -5% en Grèce) s’explique fondamentalement par la nécessité de ramener la demande intérieure au niveau de la capacité de production, ce qui exige des politiques budgétaires restrictives, une baisse des salaires réels, et une hausse des taux d’intérêt. Cette nécessité de récession inévitable explique les craintes d’éclatement de la zone euro. »

Source : Patrick Artus et Isabelle Gravet « La crise de l’euro. Comprendre les causes. En sortir par de nouvelles institutions », A .Colin (2012)

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Document 157

Source : Natixis, Flash Economie n°510

Document 158: la construction européenne prive la zone euro d’instruments pour faire face aux chocs asymétriques

Hétérogénéité des économies ?

Mobilité du travail Fédéralisme budgétaire

Caractéristiques de la zone euroQuelle solution reste-t-il dans l’union monétaire pour régler les chocs asymétriques ?

2.5.3 Le projet d’un budget européen fédéral

Document 159 : l’Europe se fera-t-elle dans les crises ? Il est vrai que seuls l’urgence et le danger pouvait contraindre les Européens à répondre à des questions qu’ils avaient jusqu’ici soigneusement évitées. Les plus optimistes y voient la confirmation de la fameuse prédiction de Jean Monnet, le père de l’intégration européenne, selon laquelle cette Europe « se fera dans les crises, et sera la somme des solutions apportées à ces crises ». Mais les pessimistes y voient au contraire la manifestation des incohérences de la zone euro et la révélation des lignes de faille qui la rendent vulnérable. Source : Jean Pisani-Ferry « Le réveil des démons. La crise de l’euro et comment s’en sortir », Fayard, 2011,

p.25

Document 160 : fédéralisme budgétaire et hétérogénéité territorialeJusqu’à maintenant, l’UE a maintenu le mythe d’un objectif de convergence. Les politiques mises en œuvre, conformément d’ailleurs aux principes du Traité de Rome, visaient à favoriser la convergence des niveaux de vie et des structures industrielles, pour arriver à un « développement harmonieux ». Or, l’intégration commerciale et monétaire a produit les effets qui sont les siens : elle a renforcé les spécialisations et généré un mouvement de concentration des activités à rendements croissants vers le cœur du marché. Sans compter que le maintien d’une relative dispersion des activités industrielles au niveau européen a un coût en termes de croissance : elle interdit l’émergence de pôles d’activités spécialisés, disposant de la taille critique pour générer des externalités fortes. Cet argument a d’ailleurs conduit l’UE à réorienter des objectifs politiques et à mettre en place les stratégies de Lisbonne et UE2020, où l’objectif de cohésion passe au second plan pour laisser la place à des politiques de croissance et d’emploi pour l’ensemble de l’UE. La question pour l’UE, et plus encore pour la zone euro, n’est alors pas tant de savoir comment forcer l’ensemble à devenir plus homogène que d’apprendre à gérer l’hétérogénéité des situations nationales. Cela passe, effectivement par la mise en place de politiques industrielles (au sens large, ie incluent tous les secteurs des services) ambitieuses, coordonnées, mais aussi plus libres, pour pouvoir s’adapter aux différentes situations nationales. Cela passe surtout par des politiques macroéconomiques coordonnées et le développement des mécanismes de stabilisation : mobilité des travailleurs, portabilités des droits et transferts.

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L’intégration ayant généré les problèmes actuels liés à la divergence des pays, le choix est aujourd’hui relativement simple : soit ralentir la marche vers le fédéralisme en renonçant à l’intégration de tous les pays sur un pied d’égalité, soit se doter des outils politiques du fédéralisme pour en traiter les maux.

Source : Matthieu Crozet « Les défis de l’hétérogéneité de l’UE » in RCE n°11 juin 2012

Document 161 : le fédéralisme budgétaire, une réponse face au déséquilibre structurel « normal » des balances courantes dans la zone euro

Le problème essentiel pour nous est de rendre compatibles les institutions de la zone euro avec l’hétérogénéité « normale » de long terme. L’hétérogénéité normale des pays résulte de la spécialisation productive qui s’opère en fonction des avantages comparatifs, des dotations en facteur de production. Les pays disposant de beaucoup de main d’œuvre qualifiée, de capital et réalisant beaucoup d’innovation se spécialisent naturellement dans l’industrie et les services exportables haut de gamme. (…) Il faut que les institutions de la zone euro soient compatibles avec cette situation ; or, ce n’est pas le cas ; en l’absence de fédéralisme, c’est-à-dire de transferts de revenus organisés entre les pays, les pays de la zone euro sont condamnés à l’équilibre extérieur de leur balance courante. En effet, s’ils se spécialisent dans les services non exportables, ils ont nécessairement un déficit extérieur. Ce déficit extérieur n’est pas compensé par des transferts de revenus liés au fédéralisme et conduit donc à une dette extérieure insuffisante, d’où une crise de solvabilité et une crise extérieure. Dans une union monétaire sans fédéralisme, les pays sont soumis à la contrainte d’équilibre extérieur, ce qui est incompatible avec le processus normal de spécialisation. Si les institutions restent semblables, c’est-à-dire continuent à imposer l’équilibre extérieur des pays de la zone euro, il n’y aura pas d’autre solution pour ces pays que de comprimer leur demande intérieure et leur pouvoir d’achat jusqu’au point où leur déficit extérieur disparaît. (…) Les déséquilibres imposent le fédéralisme, seul moyen de compenser les déséquilibres de balance courante par des flux de revenus entre pays. Sans cette évolution vers le fédéralisme, il ne peut y avoir qu’éclatement de l’euro, les pays de la zone euro étant pris entre la nécessité d’équilibrer leurs comptes extérieurs et celle de respecter la spécialisation productive conforme à leurs avantages comparatifs et à leurs dotations en facteurs de production. le fédéralisme est sans conteste la seule réponse possible à la crise actuelle. C’est même la condition sine qua non de toute union monétaire.

Source : Patrick Artus et Isabelle Gravet « La crise de l’euro. Comprendre les causes. En sortir par de nouvelles institutions », A .Colin (2012), p.143

Document 162 : le fédéralisme budgétaire aux Etats-Unis

Source : Patrick Artus et Isabelle Gravet « La crise de l’euro. Comprendre les causes. En sortir par de nouvelles institutions », A .Colin (2012), p.143

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Document 163 : arguments économiques et politiques en faveur du fédéralisme budgétaire Les dispositifs de coordination ont été conçus pour prendre acte de l’absence d’un budget fédéral qui accomplirait au niveau communautaire la fonction de stabilisation conjoncturelle. Le choix de ne pas doubler l’euro d’un budget fédéral a été fait en 1990-1991 pour des raisons politiques : l’union monétaire constituait déjà un bond dans la direction du fédéralisme, à la limite de ce que pouvaient accepter des gouvernements et des opinions publiques attachés au maintien de la souveraineté nationale. La marge étroite du « oui » français au Traité de Maastricht (1992) comme la décision de trois pays européens de ne pas rejoindre l’euro, et dans les années 2000, le « non » de plusieurs pays au projet de traité constitutionnel en ont témoigné. Or, la capacité de lever l’impôt, le rôle du Parlement en matière budgétaire sont, comme la monnaie, des attributs essentiels de la souveraineté. Toute évolution en ce sens est donc conditionnée par une évolution des Européens en faveur d’un fédéralisme accru. Ceci étant posé, y a-t-il des arguments économiques en faveur du fédéralisme budgétaire ? Tout dépend du type de redistribution qui serait alors mis en place entre le niveau fédéral et les Etats. Aux Etats-Unis, Sachs et Sala-i-Martin ont estimé que cette redistribution permet d’amortir à hauteur de 30% à 40% l’impact budgétaire des chocs économiques qui affectent les Etats, mais cette évaluation est discutée. En outre, un système de transferts du niveau fédéral vers les Etats pourrait rapidement devenir un système de redistribution permanente concurrent des politiques régionales comme les fonds structurels ou le fonds de cohésion et difficilement acceptable politiquement. En revanche, d’autres motifs que la stabilisation conjoncturelle peuvent conduire à la montée en puissance du budget européen. Dans des marchés de plus en plus intégrés, un nombre croissant de fonctions régaliennes (sécurité, protection du consommateur, autorité de régulation des marchés), sont désormais assurées au niveau communautaire. Dans certains secteurs très intégrés ou comportant une dimension transnationale naturelle (par exemple, les transports) on peut très bien imaginer que le service public soit partiellement financé au niveau européen. Par ailleurs, la crise de 2008-2009 a montré la nécessité de renforcer le fédéralisme dans le domaine de la surveillance financière (…). Enfin, puisque la protection de l’environnement constitue un bien public commun, le principe d’une écotaxe européenne pourrait s’imposer naturellement dans les secteurs non couverts par le marché des droits d’émission, à l’image de la « taxe carbone ».

Source : J.C.Defraigne « Introduction à l’économie européenne », De Boeck, 2014

Document 164: la part du budget fédéral aux Etats-Unis dans le total des impôts

Source : Patrick Artus et Isabelle Gravet “La crise de l’euro. Comprendre les causes. En sortir par de nouvelles institutions », A .Colin (2012), p.143

Document 165 : budget fédéral et policy-mix européen La zone euro doit se doter d’une autorité budgétaire permanente, munie d’outils d’analyse et de surveillance des politiques budgétaires nationales dans le cadre d’une procédure complètement renouvelée d’élaboration des budgets nationaux (…). Cela revient à une souveraineté partagée sur le budget agrégé de la zone euro  ; ce qui permet de dialoguer avec la BCE pour élaborer un policy mix européen. La banque centrale doit avoir une doctrine monétaire renouvelée en prenant explicitement en compte la stabilité financière dans son mandat. Sur cette base, il sera possible d’émettre des eurobonds. L’ensemble de ses transformations politico-institutionnelles doit être tourné vers le seul objectif à long terme qui puisse stopper le déclin de l’Europe  : redresser la croissance potentielle. (…) Il faut à la fois relever la croissance potentielle de l’ensemble de la zone euro et concevoir des politiques industrielles capables de contrecarrer les forces centrifuges qui rendent une partie de la zone euro non compétitive dans l’espace d’une monnaie unique. On peut renoncer à combattre la polarisation qui s’est produite et instituer une union de transferts, comme à l’intérieur de

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certains pays. L’Etat transfère du revenu des zones riches qui ont profité de la polarisation des activités modernes vers les zones défavorisées qui en ont été victimes, solidarité complètement justifiée par la cohésion de la nation. C’est toute la question de l’acceptation du vivre ensemble qui ne s’est pas manifesté jusqu’ici à l’échelle européenne. Si la zone euro doit être le pivot du projet européen, une mise en commun des politiques budgétaires est certes nécessaire pour maîtriser les dérapages financiers, mais aussi des mécanismes de transfert, indispensables pour que l’euro devienne une monnaie complète. »

Source  : Michel Aglietta  «Zone euro. Eclatement ou fédération » Michalon 2012, p.124

Document 166: en résuméDès sa conception en 1997, le Pacte de Stabilité a été fortement débattu par les économistes. De ce débat, mais aussi de l’incapacité de l’Allemagne et de la France à le respecter lors de la crise de 2002-2004, est née la réforme du Pacte en 2005. Parallèlement, des efforts ont été faits pour mieux organiser institutionnellement la coordination des politiques macroéconomiques, grâce en particulier au renforcement de la présidence de l’Eurogroupe. La crise de 2008-2009 a cependant mis en lumière la faiblesse récurrente de ces dispositifs : certains pays, comme la France ou la Grèce, ont abordé la crise avec des finances publiques précaires ; d’autres, comme l’Espagne et l’Irlande ont respecté le PSC mais laissé se développer des déséquilibres macroéconomiques majeurs ; tous, à des degrés divers, ont ignoré le risque macrosystémique résultant des prises de risques excessives au sein du système financier  ; enfin, la zone euro a manqué d’un dispositif pour réagir de manière coordonner à la crise. La crise a ainsi montré l’importance d’une coordination plus étroite des gouvernements. La nécessité de cette coordination ne faisait pas consensus avant la crise. (…) La crise a montré l’importance d’une coordination en amont pour empêcher l’accumulation des déséquilibres macroéconomiques et financiers, mais aussi en aval, pour résorber les déficits budgétaires sans étouffer dans l’œuf la reprise économique ni relancer les anticipations inflationnistes. Parallèlement, la nécessité d’une coordination entre les gouvernements et la BCE est apparue moins essentielle, la BCE ayant finalement montré sa capacité à gérer la crise financière dans le cadre de son mandat et sans attendre les gouvernements. Plus que jamais, la zone euro se caractérise par un modèle hybride entre une coopération entre Etats (pour les questions budgétaires, pour la surveillance prudentielle) et une fédération (pour la monnaie). une solution serait d’aller jusqu’au bout du chemin en rendant contraignante la coordination des politiques budgétaires, soit en introduisant des règles automatiques, soit en allant jusqu’au fédéralisme budgétaire.

Source : A.Bénassy-Quéré et B.Coeuré « Economie de l’euro », La découverte, 2010, p.71-92

Document 167 : le fédéralisme budgétaire, pourquoi faire ?

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