Les mutations du secteur agricole bamiléké (Cameroun ...
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Les mutations du secteur agricole bamiléké (Cameroun)étudiées à travers ses acteurs : Une analyse à partir des
localités de Fokoué et de GalimGuillaume Hensel Fongang Fouepe
To cite this version:Guillaume Hensel Fongang Fouepe. Les mutations du secteur agricole bamiléké (Cameroun) étudiéesà travers ses acteurs : Une analyse à partir des localités de Fokoué et de Galim. Humanities and SocialSciences. AgroParisTech, 2008. English. �NNT : 2008AGPT0062�. �pastel-00004919�
0
N° /__/__/__/__/__/__/__/__/__/__/
T H È SE
pour obtenir le grade de Docteur de
l’Institut des Sciences et Industries du Vivant et de l’Environnement (AgroParisTech)
(Ex Institut National Agronomique Paris – Grignon)
Spécialité : Sociologie
présentée par : FONGANG FOUEPE Guillaume Hensel
soutenue le 21 octobre 2008
Jury :
M. Jean Paul BILLAUD, Sociologue, Directeur de recherche au CNRS, Directeur du laboratoire LADYSS, rapporteur .
M. Yves GUILLERMOU, Anthropologue et socio-économiste, Maître de Conférences
habilité à diriger des recherches, Université de Toulouse III, rapporteur .
M. Bruno LEMERY, Sociologue, Professeur, Directeur du laboratoire LISTO,
ENESAD Dijon, Président . M. André KAMGA, Habilité à diriger des recherches en géographie, Faculté
d’agronomie, Université de Dschang, membre . M. Denis PESCHE, Sociologue, Chercheur au CIRAD Montpellier, membre .
M. Jean VINCENT, Sociologue, professeur émérite, AgroParisTech, Directeur de thèse, membre .
Les mutations du secteur agricole bamiléké (Cameroun) étudiées à travers ses acteurs :
Une analyse à partir des localités de Fokoué et de Galim
1
Table des matières1
Page
Résumé 6 Introduction Générale 8
Partie I Problématique et objet de recherche 12
Introduction de la partie I 13
Chapitre I Questionnement au centre de notre recherche 14
Chapitre II Un cadre d’analyse surtout basé sur la notion de dispositif 53
Chapitre III Les hautes terres bamiléké et les politiques agricoles
Camerounaises 80
Conclusion de la partie I 96
Partie II La recomposition du paysage d’acteurs du secteur
agricole bamiléké 97
Introduction de la partie II 98 Chapitre IV Jusqu’à la crise en 1985, un dispositif à trois acteurs 102 Chapitre V Nouveaux acteurs du secteur agricole bamiléké 119
et déclin de l’UCCAO Chapitre VI Les dispositifs du secteur agricole bamiléké 158
Conclusion de la partie II 174 1 Un sommaire plus détaillé figure à la fin du document
2
Partie III Les secteurs agricoles de Galim et de Fokoué : contextes et acteurs 177
Introduction de la partie III 178
Chapitre VII Galim et Fokoué : la diversité des contextes agraires
locaux en pays Bamiléké 181
Chapitre VIII Les dispositifs agricoles de l’Etat à Fokoué et à Galim 226 Chapitre IX Les partenaires non-étatiques du secteur agricole
à Galim et à Fokoué 254 Chapitre X Les organisations d’agriculteurs et les attentes des membres 279 Chapitre XI Les nouveaux leaders agricoles : des petits notables ruraux 298
Conclusion de la partie III 315
Conclusion générale 319 Bibliographie 330 Annexes 347 Liste des abréviations 404
3
DEDICACE
A ROSINE, mon épouse. La réalisation de cette thèse aura rythmé une période
de notre vie. J’ai pu compter sur ton soutien et savourer la joie de t’avoir comme
épouse. Cette thèse est aussi le fruit des sacrifices que tu as consentis.
A mes filles OLIVIA, TATIANA et PAOLINA . Pour cette thèse, ma présence
auprès de vous n’a pas été possible tout le temps. Je vous dois tout et vous dédie ce
travail en paiement partiel de ma dette. La perspective de terminer cette thèse et de
vous retrouver a été une source incomparable de courage et de force.
A mes parents, mes frères et mes sœurs pour leurs soutiens. Ils ont été très
déterminants pour la force et le courage dont j’avais besoin.
A mon oncle NGUETSA Pascal. Son amour et son soutien me sont restés un
asile et une arme sûrs. Il a fait de la réalisation de cette thèse un enjeu personnel. Toute
ma reconnaissance.
4
REMERCIEMENTS
Le projet de réaliser cette thèse n’aurait pu se concrétiser du seul fait de ma
volonté et de mon engagement. Il l’a été par le concours de beaucoup de personnes et
de structures que je ne pourrai pas toutes citer ici.
Le premier est mon directeur, le professeur Jean VINCENT. Sa disponibilité,
ses orientations et sa bienveillance ont été capitales. Il a pris chaque fois le temps
nécessaire pour lire mes textes et me donner des conseils utiles. Il aura eu la délicate
tâche d’accompagner un travail de recherche scientifique réalisé par un ingénieur
praticien.
J’exprime ma reconnaissance aux membres du jury qui ont accepté de participer
à l’évaluation de ce travail : Messieurs Jean Paul BILLAUD, Yves GUILLERMOU,
Bruno LEMERY, André KAMGA, Denis PESCHE.
Je pense particulièrement à Monsieur Bernard NJONGA, Secrétaire Général du
SAILD et à ses collaborateurs : Hozier Nana CHIMI et Déo Ntima NYONKURU qui
m’ont apporté le soutien nécessaire en m’accordant des périodes de congé de
formation.
Je remercie la coopération française : le SCAC a participé au financement de
cette thèse. Le CIRAD m’a toujours offert sa collaboration et son soutien. Je pense
particulièrement à Jean François POULAIN, Jean Louis REBOUL, Michel HAVARD,
Olivier MIKOLASECK, Jean Marie KALMS, Jacques MARZIN, Eduardo CHIA,
Patrick CARON, Olivier DAVID et Philippe PEDELAHORE.
Mes séjours au LADYSS et à l’INRA-SAD ont été très précieux pour
approfondir ma démarche scientifique. Merci à Jean Paul BILLAUD, à André TORRE
et à Jean Christophe PAOLI.
5
Ma reconnaissance va aussi à SOS Faim, EED, ICCO, Inter réseaux
développement rural, CTA, Union Africaine, FAO, NEPAD, AFDI, SOC
International, GTZ, CODAS CARITAS, ATOL. Vous m’avez fait confiance pour des
collaborations : missions d’expertise, études, groupes de travail, etc. Elles furent
d’excellentes occasions enrichissantes pour les réflexions qui sous-tendent cette thèse.
Mes remerciements aux nombreuses personnes qui nous ont reçus pour les
enquêtes : agriculteurs, organisations paysannes, ONG, commerçants, responsables des
programmes et services du ministère camerounais de l’agriculture, etc.
Je suis particulièrement reconnaissant au Docteur André KAMGA pour son
soutien moral, son appui logistique et ses conseils très utiles.
Merci au Professeur Martin KUETE de l’université de Dschang, responsable du
Centre de Recherche et d’Etudes sur les Hautes Terres et au Docteur Athanase
BOPDA. Ils m’ont assuré que les mutations sociales de l’agriculture bamiléké méritent
l’investissement d’une thèse et m’ont donné des conseils très utiles.
Mes remerciements aux familles MELOU, ZONOU, BALOU, KUEPIE,
KOUGANG, JOUNDA pour les précieux soutiens et les sacrifices consentis.
L’amitié, les encouragements et les conseils de nombreuses personnes m’ont été très
utiles. Que soient cités ici : Pr. Anaclet FOMETHE, Pr. J. ONGLA, Pr. Ajaga NJI, Pr. F.
TCHALA-ABINA, Pr. MANJELI, Pr. J. P. PROD’HOMME, Pr. TCHOUAMO, Dr. Njoya
ABOUBAKAR, Dr. P. M. METANGMO, Dr. YANKAM Rabelais, Dr. Zac TCHOUNDJEU,
Dr NDOUM NBEYO’O, Dr. ONGUENE Nérée, Dr. HATCHEU Emile, Pasteur Jean Blaise
KENGMOGNE, Eudeline MELET, Samuel TANGOU, Ephrem MBUGUELIZER, J-J
GRODENT, Martin NZEGANG, Flaubert DJATENG, Jeanot MINLA, Bernard HUBERT,
Pascale FOUJOLS, Cécile VINCENT, Yves KOUDJOU, Augustin WAMBO, , Catherine
LAURENT, Samuel DIFFOUO, Olive TATIO, Alain SOURABIE, Arnaud TOKO, Hervé
SIEWE, Célestin KAFFO, Chrétien NGOUANET, Henry NGAPOUT, Amandine TEFANG,
Samuel NGUESSAM, Rosine TCHATCHOUA, Osée KOUAYEP et M. DELAGNEUX
6
Résumé
Les mutations du secteur agricole bamiléké (Ouest-Cameroun) ont été très
importantes depuis le milieu des années 80, marqué par la chute des prix du café, alors
principale production du pays Bamiléké, et la crise économique au Cameroun.
La première partie présente le contexte de la recherche et définit la
méthodologie suivie en particulier la question centrale, les hypothèses et les méthodes
de collecte des données : plus de 200 enquêtes auprès des différents types d'acteurs et
en particulier 75 questionnaires et 40 entretiens auprès d'agriculteurs de Fokoué et de
Galim. Quatre types de dispositifs sont étudiés au niveau régional dans la deuxième
partie et au niveau de Fokoué et de Galim dans la troisième partie qui s’intéresse
aussi particulièrement aux agriculteurs de ces deux localités.
Ces mutations ont touché tous les acteurs de ce secteur agricole : les
agriculteurs qui ont été obligés de se reconvertir vers d'autres productions pour
certains (maraîchage) ou d’intensifier celles déjà existantes pour d’autres (maïs,
haricot, etc.) ; un certain nombre d’entre eux ont été amenés à se regrouper dans des
organisations paysannes, les groupes d'initiative commune (GIC) qui sont 5 500 dans
la région. L'Union Centrale des Coopératives Agricoles de l'Ouest (UCCAO), qui est
depuis longtemps l’alliée de l’Etat et du parti au pouvoir, est en très fort déclin et a
perdu le monopole de l’exportation du café. Au contraire, les commerçants d'intrants
(300 points de vente environ dans la région) et de produits agricoles ont pris une
importance considérable. A partir de 1992, les organisations non gouvernementales
(ONG) se sont aussi développées. Depuis 2003, l'État, avec les services du ministère
de l'Agriculture et les programmes-projets de développement agricole, reprend une
certaine place.
Dans cette thèse, le concept de dispositif (Foucault, Moisdon, Maugeri, RIDT-
INRA) est l'outil principal d'analyse de ce secteur agricole. Un dispositif est un
ensemble hétérogène de composantes humaines, matérielles, non humaines et
immatérielles qui sont liées entre elles et sont en interaction entre elles et avec des
facteurs de l'environnement du dispositif, ces processus conduisant à des changements
observables.
7
Les services rendus aux agriculteurs, c'est-à-dire des apports identifiables
bénéficiant à un ou plusieurs acteurs du secteur et contribuant au développement
agricole, sont les objectifs réels ou affichés des différents partenaires des agriculteurs
et de leurs organisations. Dans le pays Bamiléké, cette recherche a permis de
distinguer quatre types de dispositifs (ceux des commerçants, des ONG, de l’Etat et
de l’UCCAO) ne coopérant pas entre eux et structurés le plus souvent en filières
depuis le niveau régional jusqu'aux agriculteurs, mais reliés à des acteurs au niveau
national et international. Ainsi, les dispositifs organisés par les commerçants
d'intrants agricoles comprennent chacun une firme internationale agrochimique, un
importateur camerounais, des grossistes, des détaillants et des petits revendeurs
locaux. Les dispositifs d’intermédiation, soit par les ONG, soit par l'État (via les
services du ministère de l’Agriculture), vont des bailleurs de fonds internationaux aux
GIC et à leurs adhérents agriculteurs. L’UCCAO collectait/collecte pour l’export à
travers ses coopératives départementales et leurs magasins locaux.
Les dispositifs fortement influencés par les bailleurs de fond étrangers (ceux de
l'État et ceux des ONG) sont des dispositifs de contrainte et de sélection et offrent des
financements, du matériel et bien d’autres appuis. Ils ne touchent qu'un nombre très
limité d'agriculteurs à travers les organisations paysannes. Les dispositifs promus par
les commerçants d'intrants sont des outils d'expansion du marché et diffusent des
conseils techniques auprès des agriculteurs clients. Ils touchent le plus grand nombre
d’agriculteurs et ont la particularité d’être en contact avec les agriculteurs individuels.
Mais la logique du profit et de la concurrence influence souvent les conseils donnés.
Les services offerts aux agriculteurs du pays Bamiléké sont donc surtout ceux
des commerçants privés. Les services de commercialisation ou de transformation des
produits agricoles, de financement et d’assurance manquent le plus souvent. Presque
aucune coordination n'existe entre les dispositifs ou à l'intérieur de ceux-ci
Mots clé : Crise, dispositif, agriculteur, acteur, secteur agricole, services à
l’agriculture, pays Bamiléké, Cameroun
8
INTRODUCTION GENERALE « Le problème le plus aigu pour les hommes de notre temps, c’est la tension entre le global et le local et comment elle s’exprime. Dans nos démocraties modernes, nous avons l’impression que les dirigeants pensent global et que les citoyens pensent local, […]. Comment instaurer une dialectique dynamique entre global et local ? Cela reste à définir. »
Jacques Delors.2
L’objet de cette thèse : les acteurs de l’agriculture en pays Bamiléké
Cette thèse porte sur les acteurs de l’agriculture bamiléké. Le pays Bamiléké est
situé dans l’Ouest Cameroun3, une région de hautes terres4 d’Afrique Centrale.
L’agriculture bamiléké, construite autour de la caféiculture depuis les années 20, a subi
une crise historique due à la chute des prix payés aux producteurs de café au milieu
des années 805. Il s’en est suivi de profondes mutations de son secteur agricole qui
sont le sujet de cette thèse. En devenant la culture principale de la région pendant près
60 ans, la caféiculture, alors principale source de revenus des populations, s’est
imposée comme un élément déterminant de la vie de la région, conditionnant son
développement économique et agissant sur les rapports sociaux et sur les
différenciations sociales au sein des populations. Elle a de ce fait façonné un contexte
agricole particulier.
Le concept de dispositif, la notion de service à l’agriculture, les concepts de
différenciation sociale, de capital social, de système agraire et de système de
production utilisés dans cette thèse nous fournissent des bases théoriques pour saisir
2 Cité par Y. Brunsvick et A. Danzin, Naissance d’une civilisation : le choc de la mondialisation, Paris, édition UNESCO, 1998. 3 L’Ouest Cameroun fait ici référence à la province de l’Ouest au Cameroun. C’est l’une des dix provinces que compte le Cameroun. Elle est peuplée de bamiléké, de bamoun et de mbô. 4 L’altitude moyenne de la région est estimée à 1400m (Dongmo, 1981). En fait, seulement sept des huit départements de la province de l’Ouest- Cameroun sont en pays bamiléké. 5 Dans le département de la Menoua situé en pays Bamiléké, après avoir été globalement en augmentation, le prix payé aux producteurs du café arabica chute de 515 f cfa en 84/85 à 250 f cfa en 89/90.
9
les transformations en cours, notamment les interactions entres acteurs et les logiques
les sous tendant, les stratégies adaptatives des agriculteurs et les profils-type qui se
dégagent, les changements au niveau de l’agriculture pratiquée, les mutations sociales,
la recomposition du paysage d’acteurs6 du secteur agricole et plus particulièrement de
leurs rôles et de leurs stratégies.
Pour être féconde et permettre une meilleure compréhension de notre objet de
recherche, notre démarche, tout en s’inscrivant prioritairement dans le champ
sociologique, s’appuie sur l’agronomie et recourt aux sciences connexes : l’économie,
les sciences de gestion et l’agriculture comparée.
Un plan en trois parties
La présentation de cette thèse s’articule autour des parties suivantes :
- L’introduction générale présente l’objet de la thèse et précise l’idée directrice.
- La première partie porte sur la problématique de la recherche et le contexte de
l’agriculture bamiléké. Dans un premier temps, nous retraçons d’abord la genèse du
questionnement au centre de cette recherche, dégageons la problématique et précisons
la démarche méthodologique (ch.1). Ensuite sont explicitées les bases théoriques sur
lesquelles s’appuie notre argumentation (ch. 2). Puis nous présentons le contexte
agricole camerounais et les principales évolutions des stratégies de développement
agricole au Cameroun (ch.3).
- La deuxième partie traite du paysage d’acteurs de l’agriculture à l’échelle
régionale du pays Bamiléké. Dans une optique d’analyse de son évolution, un premier
chapitre est consacré à la période 1920-1985 avec la prédominance des coopératives
caféières (ch.4). Puis, pour les années 1985-2007, est analysée la recomposition de ce
paysage d’acteurs, notamment comment la crise caféière et les autres évolutions
socioéconomiques ont conduit à l’émergence de nouveaux protagonistes et à la
modification des rôles de ceux qui existaient déjà (ch.5). Enfin le cadre conceptuel de
dispositif nous permet de situer cette modification du paysage d’acteurs dans une
6 Cette expression sera justifiée plus loin. (cf.p.). Mais déjà le terme acteur renvoie ici aux personnes ou structures, individuelles ou collectives. Ramené au secteur agricole bamiléké, il se référera plus à celles menant des activités dont l’objectif est prioritairement le développement agricole.
10
perspective plus théorique notamment en terme d’émiettement du dispositif d’acteurs
initial par segmentation avec de nouveaux types d’interactions entre acteurs en
présence sous l’influence des évolutions socioéconomiques. (ch. 6). Tout au long de
cette partie, les questions de services offerts, des stratégies et des interactions entre ces
acteurs occupent une place de choix.
- La troisième partie concerne Galim et Fokoué. Dans un premier temps sont
présentés les contextes historiques et agricoles de ces deux localités. Nous y abordons
notamment les productions agricoles qui se sont développées suite à la crise caféière,
les mutations sociales au niveau des exploitations agricoles ainsi que de la vie sociale
locale (ch. 7).
Ensuite nous traitons du paysage d’acteurs du secteur agricole bamiléké à
l’échelle locale de ces deux arrondissements. Les stratégies d’intervention des acteurs,
leurs envergures, les services offerts, les partenariats à l’œuvre sont le coeur de notre
analyse. Dans un premier temps, nous nous intéressons aux Programmes et services de
l’Etat (ch.8). Ensuite sont abordées les ONG et associations analogues (ch.9). Puis sont
étudiées les organisations paysannes (ch.10). Enfin sont présentés les commerçants et
l’UCCAO (ch.11). Les caractéristiques du paysage d’acteurs à l’échelle régionale du
pays Bamiléké, notamment les dispositifs en présence, servent de base à cette partie et
permettent de montrer comment les interactions et les enjeux repérés à l’échelle
régionale agissent au niveau local.
- Enfin la conclusion générale revisite les principaux résultats en les confrontant
aux hypothèses initiales et en les intégrant dans le cadre conceptuel des dispositifs
pour dégager les principales tendances de l’évolution du secteur agricole de la région
et mettre en relief les principaux acteurs et enjeux. Elle rappelle les limites de cette
recherche et les pistes qu’elle propose. Elle aborde aussi plus largement une réflexion
sur les perspectives de développement socioéconomique en pays bamiléké rural.
L’idée directrice : les mutations récentes du secteur agricole bamiléké
Le secteur agricole en pays Bamiléké connaît de profondes mutations suite au
déclin de la caféiculture dans la région au milieu des années 80 et aux mutations
11
socioéconomiques intervenues à partir de la même période. Le paysage d’acteurs du
secteur agricole en pays Bamiléké, autrefois centré sur l’Union Centrale des
Coopératives Agricoles de l’Ouest Cameroun avec un fort contrôle de l’Etat, s’est
modifié. Le dispositif initial à trois acteurs (Etat, Coopérative et Notables-Planteurs)
contrôlé par l’Etat, a connu une segmentation en plusieurs dispositifs et on assiste
aujourd’hui à un contexte pluri-acteurs où se dessinent quatre dispositifs tenus
respectivement par l’Etat, les ONG, les sociétés commerciales, l’UCCAO et ses
coopératives membres7. Les logiques de ces acteurs sont surtout déterminées par le
contexte de marché libéralisé et par l’aide publique internationale au développement.
L’agriculture pratiquée dans la région a par ailleurs connu de profondes
transformations. Le caféier n’y occupe plus une place centrale. De nouveaux systèmes
de production ont émergé (maraîchage, maïs, bananier plantain, etc), mais sont
incapables de procurer les revenus décents et la sécurisation qu’offraient la
caféiculture.
Dans ce contexte de changement, on note de profondes mutations sociales ainsi
qu’une différenciation dans les réponses paysannes à la crise caféière. Cette
différenciation tient à des différences dans leurs capacités individuelles, ce que nous
qualifions de capital composite8 alliant savoir-faire technique, capital économique,
ouverture d’esprit, niveau d’éducation, force physique, potentialités de
l’environnement. Il s’en dégage des profils-types d’agriculteurs.
7 Toutefois, notons que depuis que depuis 2004, le Programme des Nations Unies pour le Développement dispose d’une représentation régionale à Bafoussam. Celle-ci couvre les provinces de l’Ouest et du Nord Ouest (cf. partie II). 8 Nous reviendrons sur cette notion de capital composite dans la suite de cette thèse.
12
PARTIE I
PROBLEMATIQUE ET OBJET DE RECHERCHE
13
Introduction de la partie I
Cette partie porte sur la problématique de la thèse et sur la conduite de la
recherche proprement dite.
Le premier chapitre présente le processus ayant conduit à la définition de notre
thématique de recherche : nos interrogations en tant qu’étudiant impliqué dans des
initiatives de développement agricole, nos préoccupations au cours de notre expérience
de jeune ingénieur, le renforcement de nos aptitudes à l’analyse scientifique lors de
notre formation à la recherche. Il précise ensuite la problématique et les hypothèses de
notre thèse et présente enfin la méthodologie suivie.
Le deuxième chapitre porte sur le cadre d’analyse et les bases théoriques. Nous
présentons dans un premier temps le concept de dispositif comme principal concept
utilisé. Ensuite sont exposées les autres bases théoriques et notions mobilisées :
services à l’agriculture, système agraire et système de production.
Le troisième chapitre traite du pays Bamiléké. Nous y présentons la région ainsi
que la zone d’étude. Un aperçu de l’évolution des politiques et stratégies de
développement agricole au Cameroun permet de mieux cerner le contexte plus global
ayant présidé aux évolutions de l’agriculture bamiléké.
14
Chapitre I
Questionnement au centre de notre recherche
« L’ignorance savante est donc celle dont les savants ont conscience. Elle se présente à eux comme une question à résoudre, comme une énigme posée par le savoir antérieur, et donc par la science elle-même. En ce sens elle fait partie de la démarche scientifique normale ; elle est une étape de la recherche, l’antichambre de la découverte. »
Jean Fourastié9.
Dans ce chapitre, nous définissons la question au centre de cette recherche. Tout
d’abord nous décrivons la genèse de notre projet. Après avoir précisé la thèse, ou
plutôt l’hypothèse soutenue, nous présentons les objectifs que nous nous assignons.
Ensuite sont élaborés les principaux éléments méthodologiques.
9 Jean Fourastié, Les conditions de l’esprit scientifique. Editions Gallimard, Collection Idées, 1966.
15
I- D’une curiosité scientifique en situation professionnelle à un projet de
thèse de doctorat
Cette section décrit les principales expériences qui ont jalonné notre parcours
d’étudiant et de jeune professionnel d‘abord en développement agricole et rural, puis
en sociologie. Les questions qu’elles nous ont posées éclairent cet itinéraire et les
motivations de notre thème de thèse qui relève de notre domaine principal d’étude, la
sociologie des dynamiques de développement.
1- Genèse et construction du questionnement de la thèse
a) Entre l’amphithéâtre et le milieu rural, une prise de conscience des réalités :
1993-1999
Au cours de mes dernières années de formation d’ingénieur agronome, j’ai
participé à la création d’une association de développement dont j’assumais ensuite la
coordination : le Cercle d’Appui au Développement Rural (CADER)10. Cette
expérience me permit de me confronter aux réalités du monde agricole, « le terrain »,
loin des théories et des conditions artificielles que savent nous créer les amphithéâtres
d’université. Ce fût donc une découverte des réalités : celles des agriculteurs et de
leurs environnements. Ces contacts contribuèrent à éveiller la curiosité du futur
ingénieur, alors familiarisé avec les théories sur les innovations [(Rogers, 1983)11 et
les autres auteurs sur l’innovation] et qui s’était donc construit l’image d’une
agriculture qui avait seulement besoin d’adopter les innovations disponibles pour
augmenter la production et accroître ainsi les revenus des ruraux afin d’améliorer leurs
conditions de vie.
Une des premières conclusions à laquelle j’ai dû aboutir était que le
développement agricole ne saurait se réduire à une question d’innovations techniques à
10 Dossier de légalisation déposé en 1996 à la préfecture de la Ménoua (Ouest Cameroun) à Dschang sous la loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 portant liberté d’association, restructuration. Et nouvelle légalisation sous le numéro N°019/RDA/F35/BAPP du 29 avril 2003 sous la dénomination Agro Sans Frontière Cameroun. 11 En effet Rogers (1983,5) définit la diffusion comme « le processus par lequel l’innovation est communiquée dans le temps à travers certains canaux entre les membres d’un système social ». L’auteur soutient que « lorsque les nouvelles idées sont inventées, diffusées et adoptées ou rejetées, entraînant certaines conséquences, le changement social a lieu » (p. 6).
16
développer par les agronomes et que les agriculteurs12 seraient prêts à adopter compte
tenu de leur rentabilité. Mais cette adoption des innovations se révélait être un
processus très complexe au niveau du paysan, faisant intervenir plusieurs autres
facteurs (le coût d’opportunité, le statut social, le risque, etc) et ne pouvant donc se
réduire à un calcul technico-économique ou à une simple analyse comparative des
avantages et des inconvénients. Le développement agricole est aussi une question
d’accès des ruraux aux ressources financières, un problème de disponibilité du foncier
et de sa sécurisation, etc. Par ailleurs, la famille et l’exploitation agricole constituent
deux entités souvent confondues, aux frontières difficilement cernables, ce qui fait que
des priorités non agricoles (santé, école, dépenses de sociabilité, etc.) prennent très
souvent le dessus. C’est pourquoi, dans certains contextes, si on veut obtenir des
améliorations en terme de développement agricole, les questions des infrastructures
rurales se révèlent être les premières que l’on doit traiter.
b) Dans des villages soumis aux effets de la crise économique et du déclin de la
caféiculture : 1999-2003
En 1999, les études d’ingénieur terminées, un poste me fut proposé dans une
Organisation Non Gouvernementale (ONG)13 d’appui au développement, poste basé
dans la zone de l’Ouest-Cameroun. Les réalités locales ont continué à se révéler à moi.
A partir de 1984/1985, le Cameroun a connu une des périodes marquantes de son
histoire socioéconomique et politique avec le début violent de la crise économique, la
libéralisation du secteur agricole, le désengagement de l’Etat. Après 1990, ce fut
l’entrée dans « l’ère de la démocratie » avec la naissance d’autres partis politiques et,
en 199414, la dévaluation du franc CFA par rapport au franc français.
Plongé dans l’action, je suis donc témoin d’un environnement qui se décompose
et se recompose, ou plutôt qui se recompose en se décomposant (Kuete, 2000). En
effet, d’un coté :
- le pouvoir d’achat des paysans baisse et leurs conditions de vie se dégradent ;
12 Dans cette partie, les termes agriculteur, paysan, exploitant agricole, producteur agricole, sont considérés comme synonyme mais nous y reviendrons dans la suite de cette thèse, notamment dans la partie III. 13 SAILD, Service d’Appui aux Initiatives Locales de Développement, ONG de droit suisse dont l’action porte sur le développement agricole au Cameroun et dans la sous-région de l’Afrique Centrale. 14 Cette dévaluation fut prononcée le 14 janvier 1994. Jusqu’à cette date, un franc français valait 50 francs CFA, avec la nouvelle parité, un franc français vaut 100 francs CFA.
17
- le « dieu café » (Fongang, 2004) autour duquel s’est construite toute la vie de
la région cède sa place à une diversification culturale balbutiante, notamment avec les
activités vivrières marchandes qui se développent.
Dans le même temps :
- l’Union Centrale des Coopératives Agricoles de l’Ouest Cameroun (UCCAO)
amorce son déclin alors qu’il s’agit de l’important regroupement des coopératives
construites autour de la caféiculture et de l’outil principal de développement agricole
et socioéconomique de la région que l’Etat avait mis en place pour s’occuper de
l’encadrement des paysans ;
- de nouveaux acteurs voient le jour du coté de l’encadrement agricole (ONG,
coopératives, bureaux d’études, comités de développement villageois, organisations
paysannes, projets non gouvernementaux, etc) ;
- le secteur agricole local (achat d’intrants agricoles, commercialisation des
productions, etc.) est dans un marché concurrentiel et doit désormais s’habituer à cette
libéralisation.
Ma curiosité va se nourrir de faits nouveaux dans ce contexte en mouvement et
en particulier des difficultés d’émergence d’organisations paysannes face à la réticence
de certains paysans et à leurs calculs utilitaristes. Ceci m’a particulièrement surpris
car, pendant les vacances académiques de 1997, j’ai cultivé du haricot commun
(Phaseolus vulgaris, plus précisément son cultivar GLP 19015), nouvellement introduit
au Cameroun. En tout, j’avais semé près de 2 hectares16. L’espoir que j’avais eu de
dégager des bénéfices pour financer partiellement l’année académique suivante dût
s’envoler à l’épreuve des réalités : charges élevées de transport des intrants agricoles
vers l’exploitation, coût de la main d’œuvre, production trop faible pour pouvoir
négocier de bons prix de vente, fortes fluctuations des prix sur le marché, etc. Dès lors,
la nécessité de regroupement des paysans afin de diminuer les coûts de production et
constituer une offre significative est devenue pour moi la première action nécessaire
pour toute stratégie de développement agricole de la région et que des paysans soient
15 GLP : G pour Grain, L pour Legume, P pour Program; 190 est la lignée. En français, Programme de Recherche sur les Légumineuses à Grain 16 Dans la région, chaque paysan moyen sème autour de 0,25 ha.
18
réticents à se mettre en groupe me paraissait paradoxal.
J’ai aussi assisté à l’émergence de plusieurs structures d’encadrement agricole.
La diversité des rôles joués, des activités menées (animation rurale, appui à la
constitution des groupes, élaboration de projets agricoles, etc.) contrastait pour moi
avec l’image de l’agronome-vulgarisateur de techniques de production.
Il était aussi surprenant de se rendre compte de l’ingéniosité de certains paysans
qui mettaient en oeuvre des innovations en réponse aux nouveaux défis, aux nouvelles
contraintes, et cela sans l’aide de l’encadrement agricole. Certains agriculteurs
développaient des stratégies qui leur permettaient de mieux vivre dans ce nouveau
contexte alors que d’autres n’y parvenaient pas, assistant impuissants à l’effondrement
de leurs exploitations et à la ruine de leurs familles. Mais, au fond, qu’est ce qui
permettait aux premiers cités de s’en sortir ? La réponse devenait de moins en moins
évidente à mesure que l’on s’attardait sur la question. Pourtant, cette réponse aurait été
la formule magique à laquelle se seraient ralliés tous les autres !
Des initiatives fusaient de toute part, parfois c’était comme si tout était en train
de se reconstruire, mais à des moments on avait le sentiment que rien ne bougeait :
« tout change pour que tout reste pareil » serait-on tenté d’emprunter à Janin (1996).
Un des faits marquants fut ainsi la mise sur le marché de produits phytosanitaires
frelatés par des nouveaux vendeurs d’intrants agricoles prenant la place des anciennes
coopératives.
Dans mon esprit se construisait un puzzle représentant le secteur agricole : une
diversité d’acteurs, une diversité de rôles et de fonctions, une multitude de relations et
de manques de relations, des jeux d’acteurs, de nouvelles offres de services, etc. : je
pris donc la décision de m’engager dans la compréhension de cette « nébuleuse » en
mutation.
c) A la recherche d’outils d’analyse en 2004 : le DEA, l’INRA et la Corse
Conscient de mes limites pour l’étude scientifique de cette situation, j’ai donc
laissé un poste de responsable régional d’ONG17 pour aller faire l’apprentissage de la
démarche scientifique en sociologie et me doter d’outils d’analyse et de réflexion. En
17 Chef d’antenne du SAILD dans l’Ouest-Cameroun
19
2003-2004, ma première année de formation doctorale a consisté en la préparation
d’un Diplôme d’Etudes Approfondies de sociologie rurale organisé en co-habilitation
par l’Université de Paris X et l’Institut National Agronomique Paris-Grignon. Cette
formation me familiarisa avec les stratégies d’acteurs et les dynamiques des actions
collectives. En particulier, j’ai étudié les acteurs du dispositif agri-environnemental en
Corse, une région insulaire française, dans le cadre de la réalisation de mon mémoire
de DEA dont le sujet était : Dynamiques des Dispositifs Territoriaux : le cas du
dispositif agri-environnemental en Corse (Fongang, 2004)18. Ma démarche fût nourrie
par les acquis du réseau RIDT de l’INRA SAD19 qui m’accueillait en stage. Le concept
de dispositif territorial, alors en émergence au sein de cette équipe, se révéla fécond
pour comprendre une dynamique multi-acteurs engagée autour d’un projet cadré par
des directives nationales et européennes. Mes recherches bibliographiques sur ce terme
de dispositif m’ont familiarisé avec les conceptualisations développées par différents
auteurs à ce sujet : Foucault (1975), Mormont (1996), Moisdon (1997), Lémery
(1999), Maugéri (2001), etc. (cf.p.56). C’est donc inspiré par ces travaux que j’ai eu
recours à ce concept de dispositif pour comprendre les mutations en cours de
l’agriculture bamiléké.
Cependant, bien sûr, les dynamiques à comprendre dans l’Ouest-Cameroun sont
en grande partie différentes de celles étudiées en Corse. Par exemple, on n’y a pas à
faire à des injonctions de politique publique demandant d’instituer des cadres, ou
mieux, des dispositifs de concertation. Les phénomènes à l’oeuvre semblent diverses
dans leurs origines et leurs natures. Si le mot dispositif renvoie dans le cas corse à
quelque chose de durable, ici on trouve des acteurs ou des groupes d’acteurs en
interaction sans que des cadres institutionnels stabilisés soient présents et bien que des
initiatives collectives (organisations paysannes, naissances d’ONG, etc.) tentent de se
construire. Il nous a donc semblé nécessaire d’adapter le concept de dispositif au
contexte bamiléké. Nous en faisons une présentation dans le chapitre 2 (cf.p.64)
concernant les bases théoriques de notre recherche.
18 Ce mémoire a reçu le Prix Docteur Antoine LEANDRI du jeune chercheur édition 2007, prix décerné par l’Accademia Corsa dont le jury de sélection est composé d’universitaires. 19 Réseaux, Interactions et Dispositifs Territoriaux du département des Sciences pour l’Action et le Développement de l’Institut National de la Recherche Agronomique, un organisme français de recherche.
20
Mon travail en Corse, région avec des tendances autonomistes, fut aussi
l’occasion de me rendre compte de certains aspects concrets d’un processus de
décentralisation administrative. Auparavant, je ne me rendais pas encore compte des
implications d’une telle évolution que plusieurs auteurs et institutions internationales
de développement20 présentent comme une solution pour la lutte contre la pauvreté en
Afrique (Benicourt, 2001 ; Nji, 2004) après plusieurs décennies dites de
développement, mais sans véritables avancées. J’ai alors pu me rendre compte des
effets d’un processus de décentralisation sur les interactions au sein du dispositif agri
environnemental – et donc entre acteurs du secteur agricole. Aussi, dans ce contexte de
transfert de compétences et de ressources à la collectivité territoriale, mon mémoire se
demandait en conclusion si la dynamique du dispositif agri-environnemental n’avait
pas pour enjeu principal, le contrôle du pouvoir dans la gestion des questions agricoles
de la région : « Dans le cas étudié, le pouvoir serait, peut-être à l’insu même de
certains acteurs, l’enjeu principal qui moule et façonne le dispositif » (Fongang,
2004). Ceci conforta chez moi l’idée de Muller (2006) qui conçoit les politiques
publiques comme configurations d’acteurs et soutient que lorsqu’on veut comprendre
le processus qui conduit à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une politique, il est
« …indispensable "d’ouvrir la boite noire", ce qui signifie identifier les acteurs qui
participent au policy making pour analyser leurs stratégies et comprendre les ressorts
de leurs comportements ».
Ceci me sensibilisa à la nécessité d’intégrer dans la compréhension de
l’évolution d’un secteur comme le secteur agricole les enjeux que présentent des
processus apparemment sans lien avec lui comme celui de la décentralisation alors que
le processus de décentralisation administrative en cours au Cameroun est présenté par
l’Etat comme une priorité21.
Les préoccupations à la base de notre projet de thèse se résumaient alors à :
1- étudier l’évolution de l’agriculture de l’Ouest-Cameroun (pays bamiléké et le
département du Noun) ;
20 Programme des Nation Unies pour le Développement, Banque Mondiale, etc. 21 La loi N°2004/017 du 22 Juillet 2004 dite d’orientation de la décentralisation fixe les règles générales applicables en matière de décentralisation territoriale. Elle fait suite à la loi N°96/06 du 18 Janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 Juin 1972 et qui traite, en son titre 10, des collectivités locales décentralisées.
21
2- repérer les déterminants des différences d’initiatives entre agriculteurs ;
3- analyser la dynamique de recomposition du « paysage d’acteurs » du secteur
agricole de l’Ouest Cameroun.
4- identifier les enjeux que présente le processus de décentralisation dans les
mutations en cours.
2- Une thèse relevant d’une sociologie des dynamiques de
développement
Les interrogations suscitées par notre expérience professionnelle et nourries par
notre modeste parcours scientifique interpellent quant à la nécessité d’une réflexion
plus large sur les processus à l’oeuvre dans les transformations sociales dites de
développement dans les pays du Sud. Dans plusieurs de ces pays, la recherche
agronomique, héritière des modèles productivistes22 développées par une agriculture
coloniale d’exportation, reste encore largement centrée sur des questions « technico-
techniques », visant le plus souvent l’augmentation de la production, l’amélioration
variétale, la réduction des pressions parasitaires, les techniques de production, etc. Les
dimensions sociologiques ont été dans un premier temps abordées dans une optique de
compréhension des facteurs facilitant ou non les acquis techniques du projet
productiviste en question. Par ailleurs, dans ces régions, les sciences sociales se sont
surtout focalisées sur les études des moeurs, de la culture, des identités et des visions
du monde. Ceci concerne notamment l’anthropologie et la sociologie que nous
pouvons qualifier de culturelles.
A ce jour, la complexité de la question de la pauvreté en milieu rural africain
reste une énigme et témoigne d’un échec des décennies dites de développement,
depuis les indépendances jusqu’aux années 80. Cependant, pour les actions visant une
amélioration des conditions de vie dans le milieu rural africain, notre conviction est
que les sciences sociales, notamment la sociologie, ont un éclairage à fournir dans la
compréhension des mécanismes qui entretiennent la pauvreté d’une part et de ceux
pouvant permettre leur éradication d’autre part. Nos recherches s’inscrivent donc dans 22 Cette expression ne renvoie pas au modèle productiviste d’après guerre de l’agriculture française. Il s’agit plutôt ici du projet d’une agriculture d’exportation en direction des métropoles, projet porté par l’objectif de produire plus pour l’exportation, selon des itinéraires techniques auxquels on soumet les planteurs. Ce qu’illustrait des formulations d’objectifs du genre « opération 100 000 tonnes de cacao ».
22
le cadre du projet d’une sociologie des dynamiques de développement. Nos travaux
actuels et ultérieurs nous permettront, nous l’espérons, de contribuer à sa construction
et aussi d’en préciser les lignes de démarcation d’avec les autres courants
sociologiques.
Mais indiquons ici quelques jalons. Cette sociologie situe le développement
agricole dans un contexte plus global dépassant l’agriculteur, le vulgarisateur, le
conseiller, l’animateur, et la technique ou son résultat. La question agricole doit être
appréhendée dans un cadre local plus englobant. Le développement, qu’il soit agricole
ou rural, est conçu ici comme un processus de transformation sociale et sociétal, c'est-
à-dire de la société comme de ses éléments. Le concept de dynamique de
développement renvoie, pour nous, dans un premier temps aux interactions entre
acteurs ou groupes d’acteurs mobilisés à l’occasion d’un processus de développement.
Dans un deuxième temps il concerne les initiatives mobilisant ces acteurs. Il inclut
aussi les composantes non humaines, qu’elles soient matérielles ou non. Il suggère
aussi que soient pris en compte, tout en les distinguant, les contextes local et global.
La thèse qui fait l’objet du présent travail est inscrite dans cette optique et est
appliquée à une question précise : les transformations du secteur agricole en pays
Bamiléké.
Notre expérience professionnelle a ainsi été à l’origine de questionnements à la
base du projet scientifique que constitue cette thèse. Celui-ci va être mieux précisé
dans la section suivante notamment en terme de problématique, d’objectifs et
d’hypothèses.
23
II- Problématique, objectifs et hypothèses
« L’essence de la découverte
scientifique ne tient pas seulement à la nouveauté d’une observation mais aussi au fait d’établir un rapport solide entre le déjà connu et ce qui était jusqu’alors inconnu. Car c’est grâce à ce processus que l’on parvient le plus sûrement à la compréhension véritable et au progrès réel. »
Selye23.
Cette section présente quatre points : la question centrale de cette thèse, les
objectifs qu’elle poursuit, les hypothèses qui en découlent et les résultats attendus.
1) La question au centre de cette thèse
a) Le contexte de cette question
Depuis plusieurs décennies, le développement agricole et rural est la
préoccupation des pays d’Afrique subsaharienne. Dufumier (1986) note que, pour les
pays en développement, la place importante du secteur agricole se justifie par le fait
que l’agriculture :
- fournit des produits agroalimentaires et des matières premières agricoles ;
- peut contribuer à apporter une grande quantité de capitaux aux autres
secteurs de l’économie ;
- constitue un réservoir de main d’œuvre ;
- dispose d’une importante population qui constitue un marché potentiel pour
les biens industriels.
Cette importance n’occulte toutefois en rien les défis auxquels est confrontée
l’agriculture contemporaine : assurer les besoins alimentaires d’une population
mondiale dont l’accroissement est estimée à trois milliards d’ici 2050, limiter ses
effets négatifs sur l’environnement, contribuer à la réduction de la pauvreté (Griffon,
2006 ; Banque Mondiale 2007).
23 Selye H., Du rêve à la découverte, Montréal, Les Editions La Presse, 1973.
24
Au Cameroun, depuis l’indépendance en 1960, le secteur agricole est considéré
comme le fondement de l’économie et la base de sa croissance (Engola, 1984).
L’économie agricole camerounaise a été bâtie sur des cultures d’exportation. Dans
chaque région, l’Etat a promu une culture adaptée du point de vue agro écologique et
destinée à l’exportation. Jusqu’au milieu des années 80, la stratégie de développement
du secteur agricole est dite « interventionniste ». Dans plusieurs régions du pays, l’Etat
avait mis en place des missions et des sociétés de développement ainsi que des
coopératives agricoles qui étaient chargées de desservir les zones rurales en moyens
nécessaires pour la production agricole et de mettre en place des infrastructures pour la
commercialisation et pour améliorer les conditions de vie en milieu rural de manière à
limiter ainsi l’exode rural des jeunes.
Dans ce cadre, l’agriculture du pays bamiléké, région de hautes terres de
l’Ouest-Cameroun, s’est construite autour de la caféiculture, le café arabica
précisément. Ce dernier, introduit par le colonisateur vers 1920 (Dongmo, 1981), était
devenu la base de l’économie de la région. En 1959, à partir des coopératives locales,
l’Etat a mis en place l’Union Centrale des Coopératives Agricoles de l’Ouest
Cameroun, UCCAO (Champaud, 1969 ; Courade et al, 1991) qui avait la charge de
l’encadrement des planteurs de caféiers, principalement le pilotage technique,
l’approvisionnement en intrants agricoles et la commercialisation.
Au milieu des années 80, l’économie camerounaise entre dans une phase de
récession due principalement à la baisse des prix mondiaux des principaux produits
d’exportation : café, cacao et pétrole. La plupart des structures de développement
créées par l’Etat font faillite. Dans l’Ouest Cameroun, l’UCCAO, qui tirait donc ses
ressources de la vente du café arabica, connaît des problèmes financiers et ses activités
d’encadrement se ralentissent. L’Etat adopte une politique dite de désengagement24 des
activités assumées auparavant en faveur du monde rural : fourniture d’intrants
agricoles, conseils techniques, commercialisation. Le secteur agricole connaît alors
une libéralisation sur fond d’abandon du soutien des fonds publics.
24 Ce terme désengagement employé par l’Etat peut être discuté mais nous ne nous y étendrons pas. Il suppose en soi un engagement initial. La question peut être celle de savoir en quoi l’Etat s’était-il engagé auparavant. Ne s’était-il pas plutôt accroché à une « vache à lait » qui lui apportait des ressources (prélèvements sur les recettes d’exportation) et dont il va se retirer par la suite ? Jusqu’à ce retrait, l’action de l’Etat (subventions, prises en charge des agents techniques, etc.) ne bénéficiait-elle pas des ressources générées par le secteur agricole ?
25
L’une des hypothèses avancées par l’Etat était qu’émergeraient alors des
structures privées à même de prendre en charge au moins certains des services
nécessaires. Le cadre juridique fut revu pour soutenir l’émergence de ces nouvelles
structures. Ainsi, la loi n° 90/053 du 19 décembre 1990, portant liberté d’association,
facilite la création de structures de développement, d’associations et d’Organisations
Non Gouvernementale (ONG)25. La loi N° 92/006 du 14 août 1992, relative aux
sociétés coopératives et aux groupes d’initiative commune (GIC), et le décret N°
92/455/PM du 23 novembre 1992 permettent aux agriculteurs de s’organiser
facilement. Et surtout, ceci contribue à mettre fin au monopole que détenait l’UCCAO
pour ces questions dans l’Ouest-Cameroun.
La période postérieure à la crise économique est marquée par plusieurs
changements qui affectent les acteurs du secteur agricole dans l’Ouest-Cameroun :
-l’effondrement de l’économie caféière a amenée les paysans à diversifier
progressivement leurs productions (Janin, 1996 ; Kamga, 2002). On assiste à
l’arrachage de caféiers (Foko, 1999 ; Kamga, 2002). Plusieurs autres cultures se
développent et sont destinées à la commercialisation sur le plan national et régional de
l’Afrique Centrale : tomate, pomme de terre, maïs, bananier plantain, haricot commun,
etc. (Hatcheu Tchawé, 2000 ; 2006).
- les structures d’encadrement agricole qui étaient presque le monopole de
l’UCCAO et des services du ministère de l’agriculture se diversifient : Organisations
Non Gouvernementales, organisations paysannes, bureaux d’études, coopératives,
projets et programmes gouvernementaux et non gouvernementaux, etc. (Guillermou et
Kamga, 2004 ; Guillermou, 2005).
- de nouveaux agents économiques voient le jour et occupent les segments du
marché libérés par l’Etat : vendeurs de produits agricoles, vendeurs d’intrants
agricoles, structures d’épargne et de crédit, etc.
25 Cette loi de 1990 sur les associations sera suivie par celle n° 99/014 du 22 décembre 1999 régissant les organisations non gouvernementales au Cameroun (ONG).Elle définit une ONG « comme association déclarée ou une association étrangère autorisée conformément à la législation en vigueur et agréée par l’administration en vue de participer à l’exécution des missions d’intérêt général » (BEDI, 2008). Parmi les avantages du statut d’ONG par rapport à celui d’association, il y a la possibilité d’obtention de dons, legs et autres financements ainsi que l’obtention d’une rémunération de ses services. Mais dans la pratique les associations ont toujours reçu des dons, legs et financements et obtenu des rémunérations de services.
26
- avec la libéralisation, les paysans doivent affronter eux-mêmes le marché pour
l’achat d’intrants agricoles, la commercialisation de leurs produits, la recherche des
financements, etc.
- au niveau local, on assiste à une multitude d’initiatives de développement
portées par des instances locales de développement dans un contexte national marqué
par le processus de décentralisation qui postule le transfert des compétences, des
ressources et des responsabilités aux collectivités territoriales.
Au total, Kuete (2000), déjà cité, parle d’une recomposition sur fond de
décomposition de la vie sociale sur les hautes terres de l’Ouest-Cameroun.
En résumé, jusqu’au milieu des années 80 dans l’Ouest Cameroun, le caféier est
la principale culture pratiquée dans la région. L ’UCCAO, les services du ministère de
l’agriculture et les leaders paysans ont constitué les trois principaux acteurs en
présence. Avec la crise caféière, la crise économique et ses implications, les
exploitations agricoles développent des stratégies d’adaptation, de nouveaux acteurs
émergent et les anciens se transforment, les relations entre les parties prenantes
évoluent.
b) Le question
Dans ce contexte de mutations, la question centrale de notre recherche est de
savoir comment les acteurs du secteur agricole en pays Bamiléké ont évolué suite
aux crises des années 80 et 90 et dans un contexte de décentralisation.
Telles sont les préoccupations qui font l’objet de cette thèse et qui portent sur
des thèmes qui sont très peu abordés dans les écrits existants ou de manière parcellaire,
l’agriculture bamiléké ayant été le plus souvent étudiée sur le plan agronomique.
2) Les objectifs poursuivis
Le but de notre travail est d’analyser les mutations du secteur agricole en pays
bamiléké, notamment sur le plan des acteurs en présence et avec une attention aux
productions agricoles.
Pour mieux atteindre cet objectif, nous allons le décliner en objectifs
spécifiques qui systématisent la question posée ci-dessus. Il s’agit d’analyser :
27
1- les dynamiques de recomposition du secteur agricole et leurs
déterminants en identifiant les acteurs et leurs rôles, et en étudiant les interactions
entre eux d’abord aux niveaux régional (du pays bamiléké) et local (des villages) ;
2- les relations entre les agriculteurs et les fournisseurs de services
nécessaires à l’activité agricole (l’encadrement agricole par exemple) d’une part et
entre les agriculteurs et l’Etat d’autre part ;
3- le rôle des organisations paysannes et de leurs leaders dans le
développement agricole et au niveau du lien avec le reste de la société ;
4- les réactions des agriculteurs dans leur gestion de la crise caféière en
accordant une attention particulière d’une part aux bases qui fondent les stratégies des
agriculteurs lorsqu’ils se trouvent interpellés par la nécessité de changer, et d’autre
part aux différences de capacités d’adaptation au nouveau contexte. Plus globalement
sera abordée l’évolution des différenciations sociales entre les agriculteurs ;
5- les changements intervenus au niveau de l’agriculture pratiquée dans la
région.
Les trois premiers objectifs spécifiques concernent les acteurs du secteur
agricole y compris les agriculteurs, le quatrième porte particulièrement sur les
agriculteurs ; le dernier traite des productions agricoles.
28
3) Les hypothèses de notre recherche
« Dans les pays en développement, un plan d'action dynamique mettant l'agriculture au service du développement pourrait apporter beaucoup à l'immense population de ruraux, estimée à 900 millions de personnes, qui vit avec moins d'un dollar par jour et exerce en majorité une activité agricole » .
Robert B. Zoellick26
La Banque Mondiale, dans son « Rapport sur le développement dans le monde
2008 » rendu public le 19 octobre 2007, étonne le lecteur qui, jusque là, s’était habitué
aux déclarations relatives aux plans d’ajustement structurel des années 80. Le titre à lui
seul inaugure une rupture, du moins dans le discours : « L’agriculture au service du
développement ». Le rapport recommande de placer ce secteur au centre des efforts
pour pouvoir atteindre l'objectif consistant à réduire de moitié d'ici 2015 la proportion
de la population vivant dans une extrême pauvreté et souffrant de la faim. La Banque
affirme : « Nous devons accorder plus d'importance à l'agriculture à tous les niveaux.
Sur le plan international, les pays doivent adopter des réformes indispensables,
notamment pour diminuer les subventions27 génératrices de distorsions et ouvrir les
marchés, et les organisations de la société civile, en particulier les associations de
producteurs agricoles, doivent être davantage impliquées dans l'élaboration des
politiques agricoles. » (Banque Mondiale, 2007).
Ce rapport souligne par ailleurs que si 75 % de la population pauvre mondiale
vit dans les espaces ruraux, seulement 4 % de l'aide publique au développement va à
l'agriculture dans les pays en développement. En Afrique subsaharienne, une région
fortement tributaire de l'agriculture pour sa croissance comme le souligne le rapport,
les dépenses publiques consacrées à l'agriculture ne représentent que 4 % des dépenses
publiques totales 28 alors que la charge fiscale reste relativement lourde dans ce
26 Président du Groupe de la Banque mondiale in « Rapport sur le développement dans le monde 2008 », Banque Mondiale, 2007. 27 Aux producteurs du Nord. 28 Les résultats d’une récente mission que nous ont confié en mai 2008 l’Union Africaine et le Secréterait du NEPAD (Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique), ont révélé que les dépenses publiques
29
secteur. Qu’une des principales institutions internationales de développement en arrive
à ce constat, c’est bien que l’agriculture dans des régions telles que l’Afrique
subsaharienne connaît des situations qui sont loin de permettre l’amélioration des
conditions de vie des ruraux.
Dans le cadre de notre recherche et en nous limitant au pays Bamiléké dans
l’Ouest Cameroun, notre hypothèse générale est que depuis la crise caféière du milieu
des années 80, le secteur agricole (ses acteurs et son agriculture) de cette région, en
particulier son paysage d’acteurs, a connu de profondes transformations. Les
interactions entre acteurs du secteur agricole, les rôles et stratégies de ceux-ci, les
différenciations sociales entre agriculteurs et les systèmes agraires connaissent des
changements importants. Cette hypothèse générale peut se décliner en hypothèses
secondaires suivantes :
Hypothèse 1 : Le trio « Etat - UCCAO et ses coopératives – Notables Planteurs » qui
dominait le paysage d’acteurs du secteur agricole en pays Bamiléké s’est effondré et
l’Etat n’est plus le seul leader de ce secteur.
Hypothèse 2 : La recherche de financements internationaux détermine les stratégies
des acteurs (agriculteurs, services de l’Etat, commerçants, organisations paysannes,
organismes d’appui) conduisant à une redéfinition de leurs rôles.
Hypothèse 3 : La différenciation sociale entre les agriculteurs a changé et intègre
d’autres éléments que la taille de l’exploitation et la hiérarchie sociale : les types de
systèmes de productions développés, les ressources financières mobilisables, les
profils des agriculteurs.
Hypothèse 4 : Les organisations paysannes formelles et légalisées (GIC) sont les
éléments clés de la stratégie d’intervention des organismes d’appui au développement
agricole et constituent selon eux les interlocuteurs des agriculteurs.
Hypothèse 5: Les actions des organisations paysannes (OP) portent essentiellement
sur les productions agricoles et pastorales et ne s’inscrivent pas dans des dynamiques
locales de développement.
agricoles annuelles au Cameroun représentent moins de 3% du total des dépenses publiques annuelles pour la période 2001/2002 à 2008.
30
Hypothèse 6: Suite à la chute des prix du café, les agriculteurs ont développé de
nouvelles productions et il existe de nouveaux systèmes de production stabilisés.
Les trois premières sont celles qui seront approfondies dans cette thèse.
4) Résultats attendus Les trois résultats suivants peuvent être envisagés :
- Sur le plan théorique, le concept de dispositif va être mobilisé pour l’analyse de
la dynamique des interactions entre parties prenantes. Il est attendu de ce point de vue
des conclusions sur la capacité de ce concept à aider à comprendre un contexte
agricole notamment pour ce qui est des acteurs impliqués. Les enjeux au coeur de ces
interactions ainsi que les logiques déterminant les stratégies de ces acteurs seront
mieux appréhendés.
- Sur le plan opérationnel, les acteurs actuels du secteur agricole bamiléké vont
être inventoriés. Leurs activités et leurs stratégies d’interventions seront mieux
connues.
- Cette recherche privilégie les approches monographiques comparées,
notamment pour les deux localités de Fokoué et de Galim, basées sur des observations
directes et de nombreux entretiens avec des agriculteurs et avec les autres partenaires
du secteur agricole bamiléké. Cette méthode permet de contourner en partie le manque
de données statistiques et de comprendre les situations étudiées de façon beaucoup
plus nuancée et approfondie qu’en se basant seulement sur des questionnaires.
- Les données réunies à Fokoué et à Galim constituent la base d’un observatoire
durable de deux agricultures locales dans la mesure où des coordonnées
géographiques ont été relevées et où nos interviewés pourront l’être à nouveau
régulièrement dans les années futures. Par exemple, des visites pourraient y être
organisées dans un but pédagogique (dans le cadre de la formation des ingénieurs
agronomes) pour étudier des cas d’agriculteurs, d’exploitations et/ou des paysages
agraires.
31
- Tentant un début de synthèse sur les agriculteurs et sur les services qui leur sont
fournis dans le pays Bamiléké, un tel travail pourrait être utile aux chercheurs, aux
développeurs, aux secteur privé commercial de distribution d’intrants et aux étudiants.
En effet, comme on le verra dans les chapitres suivants, il existe peu de travaux sur le
sujet et ceux qui existent sont soit anciens, soit surtout agronomiques et le plus souvent
consacrés à un aspect très partiel des problèmes du secteur agricole de l’Ouest-
Cameroun.
Partant des questionnements suscités pendant nos premières années d’activité
professionnelle, nous avons circonscrit notre préoccupation scientifique pour retenir
comme thème de notre thèse l’analyse des mutations du secteur agricole bamiléké
suite aux crises des années 80 et 90. Dans la section suivante, nous présentons la
méthodologie de recherche appliquée à ce thème.
32
III- Méthodologie et champ d’investigation
« Une hypothèse forte cimente les analyses particulières, sur des thèmes précis, des sociologues traitant du monde rural : c'est qu'il existe des liens étroits entre les différents aspects de la vie sociale du monde rural, que ces aspects soient du ressort de différentes spécialités de la sociologie ou du ressort d'autres sciences sociales, l'économie, la géographie, l'ethnologie, et l'histoire, bien sûr et qu'il faut donc veiller à considérer tous ces aspects ensemble pour comprendre les évolutions et en donner une interprétation véritablement sociologique. D'où la quête constante de transversalité au sein de la sociologie et d'interdisciplinarité avec les autres sciences sociales du monde rural. »
Marcel Jollivet29.
Cette section explicite les modalités de déroulement de notre recherche en
présentant la démarche méthodologique mobilisée et le champ d’investigation retenu.
Nous allons aborder les principes méthodologiques, l’organisation de la recherche, la
zone d’étude, les méthodes de collecte et d’analyse des données. Enfin, nous
délimiterons notre champ d’étude.
1) Principes méthodologiques
Les mutations que connaît l’agriculture en pays Bamiléké peuvent être
analysées par différentes disciplines. La géographie pourrait analyser les relations
entre l’activité humaine et le milieu naturel ou la distribution spatiale de l’activité
agricole30 , l’agronomie s’intéresser aux questions de fertilité des sols ou d’évolution
des pratiques culturales, l’économie approfondir l’importance et la compétitivité des 29 In Marcel JOLLIVET, « La « vocation actuelle » de la sociologie rurale », Ruralia, 1997-01, [En ligne], mis en ligne le 1 janvier 2003. URL : http://ruralia.revues.org/document6.html. Consulté le 04 mars 2008. 30 Serge Morin (1993) note d’ailleurs une approche centrée sur l’interaction « homme – milieu » de la part de ce qu’il appelle l’école camerounaise de géographie constitué autour du doyen Dongmo. Cette approche, axée au départ dans une optique d’aménagement, connaît aujourd’hui des évolutions en s’orientant vers le développement et en prenant en compte les données et les contraintes du milieu et celles du contexte socioéconomique. In Espace tropicaux n°12.
33
filières émergeantes, le droit aborder les questions foncières, l’histoire sociale décrire
la vie paysanne actuelle.
Il s’agit pour nous d’étudier prioritairement ces mutations en recourant à la
sociologie, avec en particulier le concept de dispositif accordant une place importante
aux acteurs en présence, à leurs rôles et stratégies et à leurs interactions, aux courants
de pensée dominants. Ce concept prend aussi en compte l’importance des composantes
non humaines (par exemple les déterminants macroéconomiques et autres enjeux du
contexte global, les cultures pratiquées, les procédures, les techniques ou modes
d’exploitation agricole, les textes juridiques). Il suggère aussi de s’intéresser à leurs
évolutions et de comprendre l’impact qu’elles auraient sur les acteurs et l’évolution du
milieu agricole dans son ensemble. Toutefois, nous allons aussi recourir à d’autres
démarches complémentaires, notamment l’agriculture comparée, l’économie et les
sciences de gestion pour traiter des aspects tels que les évolutions des systèmes de
production, celles des services aux agriculteurs et les coordinations entre
organisations.
2) Organisation de la recherche
Cette recherche s’est déroulée en trois principales phases :
1. Une phase de recherche bibliographique
2. Une phase d’enquêtes sur le terrain
3. Une phase d’analyse et de rédaction.
a) La phase de recherche bibliographique
Il s’agissait pour nous d’inventorier les travaux existants en lien avec notre
problématique afin de savoir ce qui a déjà été fait et de mieux cerner notre contribution
sur le sujet. Ces recherches bibliographiques ont principalement concerné :
a) l’agriculture en pays Bamiléké et ses acteurs (y compris les organisations
paysannes)
b) les stratégies de développement agricole au Cameroun ;
c) le concept de dispositif ;
d) les concepts de différenciation sociale et de capital social ;
34
e) la notion de services à l’agriculture ;
f) les concepts de système agraire et de système de production.
Cette phase s’est déroulée au Cameroun et en France. Au Cameroun, elle a été
conduite auprès des :
- services du ministère de l’agriculture, du ministère de l’élevage, du ministère de
l’économie et des finances, du ministère de l’administration territoriale ;
- structures de développement agricole intervenant dans la province de l’Ouest ;
- bibliothèques de l’université de Dschang.
En France, ces travaux bibliographiques ont été réalisés au sein des bibliothèques
et des laboratoires de recherche suivants :
- l’UFR de Sociologie et la Bibliothèque d’AgroParisTech (ex-Institut National
Agronomique Paris-Grignon) ;
- la Maison des Sciences de l’Homme ;
- la bibliothèque de la Cité Internationale Universitaire de Paris ;
- le CIRAD31 à Montpellier ;
- la bibliothèque de l’Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie de Montpellier ;
- le département SAD de l’INRA, particulièrement le réseau RIDT (déjà cité).
b) Une phase d’enquêtes sur le terrain
La période de terrain portait essentiellement sur des enquêtes auprès d’acteurs
du secteur agricole dans la province de l’Ouest-Cameroun, mais aussi sur une série
d’interviews au niveau national.
Les démarches d’enquête utilisées sont l’entretien32 et le questionnaire. Ces
enquêtes sont la base principale de notre recherche et concernent d’abord des
agriculteurs de Fokoué et de Galim ainsi que leurs organisations paysannes ; des
responsables de deux autres catégories de structure ont été interviewés, à savoir des
31 Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement. 32 La méthodologie d’entretien a été inspirée des orientations méthodologiques de Daunais (1984) ; Demazière et Dubar (2004) ; Blanchet et Gotman (2005).
35
organismes d’appui, d’autres acteurs d’amont et d’aval (commerçants de produits
agricoles ou d’intrants agricoles).
Au niveau national, les entretiens ont été réalisés :
- au ministère de l’agriculture à Yaoundé (cellule de politique agricole,
coordinations de certains programmes et projets)
- au ministère de l’élevage, des pêches et industries animales (secrétariat
général, Direction des affaires générales, coordination de certains projets)
- au ministère des finances (Direction générale du budget, Institut national de la
Statistique)
- auprès de certains organismes d’appui au développement agricole au
Cameroun [World Agroforestry Centre (ICRAF), Institut de Recherche Agricole pour
le Développement (IRAD), Centre d’Accompagnement de Nouvelles Alternatives de
Développement Local (CANADEL), Service d’Appui aux Initiatives Locales de
Développement (SAILD), Service Allemand de Développement (DED), Concertation
Nationale des Organisations paysannes du Cameroun (CNOPCAM), Plateforme
nationale des organisations paysannes du Cameroun].
Au niveau de la province de l’Ouest Cameroun, les enquêtes ont concerné :
1- Les agriculteurs.
Deux types d’enquêtes ont été réalisés auprès d’eux.
- La première portait sur l’agriculture de chacune des localités étudiées
(Galim et Fokoué)33. Elle portait sur le contexte agroécologique local et ses limites
territoriales, l’histoire agraire de la localité, la crise du café, les stratégies d’adaptation.
Les enquêtés étaient des agriculteurs âgés et des leaders paysans ayant une bonne
connaissance du contexte local. Dans chaque localité, un entretien initial avec un
groupe de paysans (leaders de groupes, personnes ressources) et des agent de
l’agriculture a permis d’avoir les premières informations sur la localité et d’identifier
ces agriculteurs ressources. Nous avons retenu avec les participants dix informateurs
33 Le choix de ces deux arrondissements est justifié à la page 46.
36
clé pour chaque localité. Un guide d’entretien a servi de base aux rencontres avec ces
informateurs.
- La deuxième concernait l’agriculteur, sa famille et son exploitation
agricole. Des agriculteurs de Fokoué et de Galim ont d’abord été enquêtés au moyen
d’un questionnaire. Par la suite, des entretiens approfondis au moyen d’un guide
d’entretien ont concerné une partie de ces agriculteurs.
Le choix des personnes à enquêter n’était pas aisé. Il n’existe pas de liste des
agriculteurs ou des exploitations agricoles. Lorsque nous avons voulu nous baser sur
les agents locaux du service de l’agriculture, ils nous amenaient toujours chez des
agriculteurs avec qui ils étaient régulièrement en contact et très souvent, dans leurs
choix transparaissait le souci de nous faire rencontrer ceux qu’ils appellent « les vrais
agriculteurs » (fréquemment ceux qui font de nouvelles productions ou ont un niveau
d’activité relativement important), malgré les éléments de diversité sur lesquels nous
les sensibilisions. Lorsque nous nous sommes adressés à des agriculteurs, et souvent
les premières personnes disponibles étaient des leaders, ils évitaient de nous conduire
vers ce que certains d’entre eux appelaient « les paysans qui n’ont même pas une
activité » ou « les paysans qui ne savent même pas ce qu’ils font ».
Finalement, pour choisir les agriculteurs à enquêter, nous avons tenu d’abord
une réunion avec des personnes ressources de chaque localité. Cette réunion a permis
de situer les limites territoriales de la localité sur une carte qui servait de support aux
échanges, en repérant à chaque fois les villages limitrophes. L’entretien collectif a
porté sur les éléments de diversité sur les plans de l’histoire agraire, du relief, des sols,
de la prédominance de la caféiculture dans les années 70. Une telle approche découle
des définitions des systèmes agraires qui relèvent l’interaction entre ces différentes
dimensions (Deffontaines, 1973 ; Reboul, 1976 ; Vissac, 1979 ; Mazoyer, 1986)34.
Ceci a permis d’opérer un zonage.
A Galim, deux critères principaux de différentiation des zones nous ont paru
pertinents au regard de notre préoccupation portant sur les mutations suite à la crise
caféière et les stratégies paysannes : l’installation de migrants et la pratique de la
caféiculture dans les années 70. Deux secteurs d’enquête ont alors été retenus :
34 Ces définitions sont présentées à la page 74.
37
* Kieneghang (couvrant le lieu dit village pilote de Galim) qui a connu
l’installation de migrants et est une zone de culture du maraîchage depuis longtemps
avec par endroits une pratique presque imposée de la caféiculture dans le passé,
* Bati qui n’a pas connu une opération d’installation de migrants et a été une
zone de caféiculture.
La carte 1 ci-après localise ces zones d’enquêtes.
Carte 1: Localisation des zones d’enquêtes avec les agriculteurs à Galim
A Fokoué, deux critères principaux ont guidé le choix des secteurs d’enquêtes :
l’altitude et le relief. C’est une zone qui a été consacrée à la caféiculture avec deux
variétés : l’arabica en haute altitude et le robusta en basse altitude. Par ailleurs, les sols
apparemment peu favorables à l’agriculture et le relief fortement haché (fait de vallée
séparées par des collines) y détermine le choix des zones de production des cultures
maraîchères. Les zones d’enquête retenues ont été :
Source : Carte topographique de Bafoussam : 1/200000
L’ARRONDISSEMENT DE GALIM
38
* Fokoué Centre, en haute altitude où était cultivé le café robusta et avec un
faible développement du maraîchage,
* Mangueson, en haute altitude, au creux d’une vallée avec un développement
récent du maraîchage,
* Ndoundé, en basse altitude, zone de plaine adaptée au café robusta.
La carte 2 ci-après localise ces zones d’enquête.
Carte 2: Localisation des zones d’enquêtes avec les agriculteurs à Fokoué
Dans chaque zone, nous avons choisi au hasard un agriculteur et tout autour de
lui, nous avons rencontré 15 agriculteurs proches. Au total, nous avons donc réalisé
des enquêtes auprès de 45 agriculteurs à Fokoué et 30 à Galim. Il s’agissait d’une
première enquête au moyen d’un questionnaire. Ensuite, parmi ces enquêtés, nous en
avons rencontrés à nouveau 20 de Fokoué et 20 de Galim pour des entretiens. Ont été
retenues pour ces entretiens des personnes qui se sont révélées représentatives des
39
catégories décelées lors des premières enquêtes et qui se prêtaient mieux à un
approfondissement de notre thématique.
2- Les organisations paysannes
Les informations recherchées portaient sur leur genèse, leurs activités, les
services rendus aux membres et ceux reçus des autres structures de développement
agricole, et enfin sur leurs stratégies. Des données quantitatives ont été aussi obtenues
(nombre de membres à la création et au moment de l’enquête, date de création,
budgets, etc). Un guide d’entretien a été conçu à cet effet. Comme nous le précisons
dans la suite de cette thèse, le fichier disponible au niveau du service en charge de la
légalisation des organisations paysannes ne donne pour chacune que sa dénomination
et sa localité de rattachement (pour certains le nom du quartier, pour d’autres le nom
du village, de l’arrondissement ou du chef lieu du département) et donc peu de
coordonnées permettant de les repérer. L’exploitation de ce fichier s’est donc avérée
peu pratique, fastidieuse et très limitée.
Par ailleurs, il n’existe pas un service chargé du suivi des activités des
organisations paysannes (OP). L’inventaire des organisations paysannes s’est donc
appuyé en grande partie sur leur « reconnaissance sociale ». Les acteurs du secteur
agricole de chaque localité (service local du ministère de l’agriculture, ONG,
Projets/Programmes, leaders locaux) ont été rencontrés. Chacun nous a communiqué
les noms d’OP qu’il connaissait. Nous avons établi une liste provisoire. En rencontrant
les premières OP identifiées, celles-ci nous ont permis de compléter la liste initiale. De
plus, au cours des enquêtes auprès des agriculteurs, des noms d’OP ont été évoqués et
ont complété à nouveau la liste. Au total, nous avons répertorié 44 organisations
paysannes à Fokoué et 35 à Galim. Elles ont été toutes interviewées. Toutefois, il en
est ressorti une diversité quant à la richesse des informations obtenues. Alors que
certains entretiens ne duraient qu’une trentaine de minutes, d’autres prenaient environ
1h30mn. Pour chaque organisation paysanne, nous rencontrions l’un des principaux
responsables : délégué du GIC, secrétaire ou trésorier.
40
3- Les responsables d’organisations paysannes
Etaient d’abord concernés les délégués35 de Groupes d’Initiative Commune
(GIC). A la différence des enquêtes sur les organisations paysannes, celles-ci portaient
sur le leader. Lorsque le délégué n’était pas disponible, nous rencontrions d’autres
responsables (secrétaire, trésorier, etc). Ces enquêtes ont concerné 45 leaders à Fokoué
et 28 à Galim.
A Fokoué, nous avons du rencontrer deux responsables d’une même
organisation paysanne car le délégué est revenu quand nous avions déjà interviewé le
secrétaire, mais il a insisté pour être aussi interviewé, ce qui enrichissait notre base de
données. A Galim, certains leaders n’ont pas été disponibles pour des entretiens, ne
voulant pas parler d’eux-même. 28 sur les 35 envisagés ont été rencontrés.
Un guide d’entretien a été utilisé et portait sur les activités antérieures, les
séjours hors du village, comment le responsable est arrivé à son poste, ses rôles et
responsabilités, les difficultés rencontrées et quelques autres caractéristiques de
l’enquêté.
4- Les organismes d’appui au développement agricole
Les enquêtes auprès des organismes d’appui au développement agricole de la
province de l’Ouest ont permis de comprendre leur genèse, leurs moyens, leurs
objectifs et stratégies d’interventions, les services offerts au monde agricole. Dans
cette recherche, nous entendons par organisme d’appui toute structure dont l’action
consiste à fournir des services nécessaires à l’activité agricole. Il peut s’agir
d’organisme de financement, d’appui technique, de formation, de commercialisation,
etc. Leur particularité est de ne pas s’inscrire, du moins au niveau des objectifs
déclarés, dans une logique de recherche de profit au sens du marché classique.
A l’échelle du pays Bamiléké, 34 organismes d’appui ont été interviewés au
moyen d’un guide d’entretien. Nous avons retenu ceux d’envergure régionale en
faisant le choix de considérer comme tels ceux intervenant dans au moins deux des 7
départements qui constituent le pays Bamiléké.
35 Principal responsable supposé être élu
41
5- Les agents du ministère de l’agriculture et du développement rural
Au niveau régional, nous avons eu des entretiens avec 12 responsables de la
délégation provinciale de l’agriculture et du développent rural pour l’Ouest (délégué
provincial, sous-délégué provincial, chefs de service).
Au niveau départemental, ces entretiens ont concerné deux responsables de
chaque délégation départementale : superviseur régional du Programme National de
Vulgarisation Agricole (PNVRA) et responsable de la structuration paysanne.
A Galim et à Fokoué, des entretiens individuels ont eu lieu avec les délégués
d’arrondissement de l’agriculture, et trois chefs de postes de chaque arrondissement,
ces derniers étant en même temps agent de vulgarisation de zone au sein du PNVRA.
En plus, nous avons eu au moins deux entretiens collectifs avec les agents de chaque
arrondissement.
6- Les autres acteurs d’amont et d’aval
Les acteurs en amont rencontrés sont les personnes ou structures intervenant
dans la fourniture d’intrants nécessaires à la production agricole. Nous les appelons
distributeurs d’intrants agricoles. Sur la base d’entretiens exploratoires nous les avons
classés ainsi :
- les importateurs
- les grossistes
- les revendeurs
- les détaillants
Le pays Bamiléké est couvert par six importateurs. Seuls trois ont accepté de
nous recevoir.
Le pays Bamiléké compte quatre grossistes dont trois installés à Bafoussam et
un à Mbouda. Celui de Mbouda n’a pas voulu être interviewé en nous renvoyant
plusieurs fois à plus tard. Nous avons rencontré les trois grossistes à Bafoussam qui
étaient disponibles. En dehors des propriétaires, aucun employé n’acceptait de se livrer
à un entretien, toute recherche d’informations était très suspecte dans ce secteur
d’activité qui redoute les services des impôts auquel on communique des informations
qui ne sont pas forcement bonnes.
42
Le département des Bamboutos dont relève Galim compte trois revendeurs que
nous n’avons pas pu rencontrer. Celui de la Menoua en compte cinq, nous en avons
rencontré deux.
D’après nos enquêtes, les grossistes de la province de l’Ouest (pays Bamiléké et
pays Bamoun) s’appuient sur environ 300 points de vente. Nous n’avons pu disposer
de la liste des détaillants. Nous avons interviewé un détaillant à Galim. Ce nombre est
faible, mais les enquêtes réalisées auprès des distributeurs rencontrés ont été très riches
en informations sur l’ensemble de ce secteur d’activité. En effet, les acteurs rencontrés
sont connectés à un réseau dense de distributeurs et nous ont donné des informations
sur ceux-ci. Par ailleurs, certaines personnes interviewées dans ce secteur y exercent
depuis 1993. Celles-ci ont travaillé dans plusieurs structures et disposent donc
d’informations sur l’ensemble du secteur.
Pour les acteurs en aval, nous nous sommes intéressés aux commerçants de
denrées agricoles. Nous en avons choisi au hasard deux à Fokoué et deux à Galim. Et
nous sommes allés aussi dans ces localités pendant des jours dits « jour du marché ».
Ce sont les premiers commerçants disponibles qui ont été rencontrés. Une des
difficultés avec cette catégorie d’acteurs est qu’après deux minutes d’entretiens,
lorsqu’ils ne perçoivent pas une opportunité de marché à votre niveau, ils se
débarrassent de vous sans ménagement. De plus, ils ne semblent pas être habitués à de
tels exercices.
Chez ces acteurs d’amont et d’aval, il a été question de comprendre leurs
débuts, leurs objectifs, leurs moyens, leurs stratégies, et les services offerts.
Toutes ces enquêtes se sont déroulées de 2004 à 2007 avec quelques-unes
complémentaires en 2008. La première étape a concerné les structures de
développement agricole de la province de l’Ouest-Cameroun. Ceci nous a permis une
bonne caractérisation de ce secteur. Nous avons ensuite mené des enquêtes
exploratoires auprès des paysans et des organisations paysannes afin de mieux les
connaître et d’affiner notre question de recherche. Des enquêtes plus approfondies ont
été menées à Fokoué et à Galim. Nous avons sollicité des enquêtes complémentaires
43
lorsque cela s’avérait nécessaire. Au cours de la rédaction à Paris, quelques données
supplémentaires ont été obtenues auprès de certains enquêtés par téléphone et par
message électronique.
Les bases de données disponibles auprès des structures suivantes ont été
consultées :
- Institut National de la Statistique à Yaoundé
- Service national des coopératives et GIC
- Service provincial des coopératives et GIC de l’Ouest
- Sections départementales des statistiques agricoles de la Menoua et des
Bamboutos.
Des étudiants avancés (Bac+5) et de jeunes ingénieurs de la Faculté
d’Agronomie de l’Université de Dschang (Ouest-Cameroun) ont contribué à ces
nombreuses enquêtes à mes côtés.
3- Une phase d’analyse et de rédaction
Les entretiens ont été enregistrés chaque fois que notre interlocuteur l’acceptait.
Nous avons utilisé des dictaphones à cassette et des enregistreurs électroniques. Nous
effectuions aussi des prises de notes complémentaires. Lorsqu’il n’était pas possible
d’enregistrer, nous nous en remettions à nos prises de notes tout en étant conscients du
caractère sélectif de celles-ci. Nous avons retranscrit chaque entretien et procédé
ensuite à des analyses thématiques.
Les questionnaires ont été dépouillés et les données introduites dans le logiciel
SPSS36 et Excel. Des statistiques descriptives ont ensuite été réalisées.
Les nombreuses enquêtes (75 agriculteurs, 79 organisations paysannes, 73
leaders d’OP, 34 organismes d’appui, 10 personnes ressource, 6 distributeurs
d’intrants agricoles, soit 277 en tout) ont généré beaucoup de données constituant une
base importante en volume et utile pour l’analyse et la compréhension de plusieurs
aspects de l’agriculture bamiléké. Cette ampleur découle de notre ambition initiale qui
était de saisir les mutations de l’agriculture bamiléké sur plusieurs de ses dimensions.
36 Statistical Package for Social Sciences
44
Mais avec le temps, entre 2004 et 2007, notre thèse de recherche s’est affinée et nous
avons décidé d’accorder une place plus importante à l’analyse sociologique
proprement dite37. Nous n’avons finalement intégré dans la rédaction de cette thèse
que les données faisant sens et cohérence avec notre interrogation de recherche finale
et notre posture de sociologue. Les autres données constituent une ressource
importante à valoriser pour les axes de recherche envisagés dans le cadre de notre
projet scientifique à moyen terme concernant une contribution à une sociologie des
dynamiques de développement (cf. p. 21).
L’analyse des données, qui s’appuie sur les bases théoriques mobilisées, nous a
permis d’élaborer notre thèse et, in fine, de nous prononcer sur les hypothèses de
recherche retenues.
3- Justification du choix de la zone d’étude
Dans cette section, après avoir évoqué les raisons qui nous ont amené à retenir
deux niveaux d’analyse à savoir le pays Bamiléké et deux de ses arrondissements,
nous présentons le processus qui a permis de retenir Galim et Fokoué comme localités
d’enquêtes plus approfondies menées auprès des agriculteurs et des organisations
paysannes. Enfin, nous faisons une présentation des arrondissements de Galim et de
Fokoué.
a) Deux niveaux d’investigation : le pays Bamiléké et des arrondissements
L’objet de notre recherche est le secteur agricole bamiléké. Avec une posture de
sociologue et des bases d’agronomie et d’économie, notre objectif est d’en analyser les
récentes mutations. Dans la province de l’Ouest-Cameroun, le pays Bamiléké couvre
sept de ses huit départements à savoir : les Bamboutos, les Hauts-Plateaux, le Haut-
Nkam, le Koung-Khi, la Ménoua, la Mifi, le Ndé. Seul le département du Noun ne fait
pas partie du pays Bamiléké.
37 Signalons que nous avons été entre temps recruté comme enseignant-chercheur au département de Vulgarisation Agricole et Sociologie Rurale de la faculté d’Agronomie et de Sciences Agricoles de l’Université de Dschang au Cameroun. Sur le plan scientifique, ceci renforce notre engagement dans le champ disciplinaire de la sociologie.
45
Sur le plan géographique, nous allons décliné notre analyse à deux niveaux : au
niveau du pays Bamiléké pour essayer de saisir les principales mutations du secteur
agricole, notamment les acteurs, leurs stratégies et rôles ; ensuite au niveau de deux
arrondissements (correspondant à des communes rurales) pour des enquêtes auprès des
agriculteurs et des organisations paysannes.
Le pays Bamiléké, territoire situé dans la province de l’Ouest Cameroun
Malgré les divergences qui subsistent chez certains auteurs au sujet des limites
du pays bamiléké, on note une unanimité sur la partie de la province de l’Ouest
Cameroun incluse dans le pays bamiléké. Les bamiléké de l’Ouest-Cameroun se
caractérisent par un contexte socio-culturel empreint de culture francophone et
influencé par la longue pratique de la caféiculture sous l’encadrement de l’UCCAO et
de ses coopératives.
En effet, des années 1920 jusqu’en 1985 environ, le caféier a été la principale
culture de la région et les caféiculteurs bamiléké de la province de l’Ouest Cameroun
ont la particularité d’avoir été chacun membre d’une des Coopératives appartenant à
l’Union Centrale des Coopérative Agricoles de l’Ouest Cameroun (UCCAO). Avec
une intervention forte de l’Etat, l’UCCAO et ses coopératives membres ont été jusqu’à
la crise caféière des années 1980 les principaux outils de développement agricole et
rural de l’Ouest Cameroun, déterminant à ce titre la vie économique, sociale et
politique de la province. Par son développement, cette caféiculture a favorisé un
contexte social particulier : polygamie, hégémonie de l’homme comme chef de famille
et d’exploitation, forte démographie, etc.
Par ailleurs, sur le plan linguistique et culturel, les bamiléké de l’Ouest-
Cameroun appartiennent à la partie dite francophone du Cameroun, celle qui fut
soumise à la colonisation française. Les autres bamiléké38 sont installés dans la partie
anglophone, celle ayant été sous colonisation britannique. Les bamiléké de l’Ouest-
Cameroun sont de ce fait plus proches de la culture francophone, les autres étant
proches de celle dite anglophone.
38 Ceux installés dans les provinces du Sud Ouest et du Nord Ouest
46
Dans le cadre de cette recherche, nous avons choisi de nous limiter à la région
bamiléké située dans la province de l’Ouest-Cameroun. Sur le plan de la méthode, ce
choix permet d’éliminer les effets qui seraient dus, d’une part, à une différenciation
dans le mode de pratique antérieure de la caféiculture et, d’autre part, aux éléments
culturels issus du passé colonial. Toutefois, il reste que la zone ainsi choisie n’est pas
pour autant homogène, comme nous allons le voir avec les deux localités de Fokoué et
de Galim.
Fokoué (dans la Ménoua) et Galim (dans les Bamboutos)
Au regard du temps imparti pour ce travail de thèse d’environ trois ans, nous ne
pouvions pas prétendre couvrir tous les villages du pays bamiléké. Nous avons décidé
de nous intéresser à deux de ses sept départements : les Bamboutos et la Menoua en
raison du fait qu’ils étaient les deux premiers départements en quantité de café produit
et donc qui se prêtaient le mieux à une analyse des mutations intervenues suite à la
crise caféière. Le tableau ci-après présente les quantités de café produites par chaque
département en 1980 et illustre ainsi notre argumentation.
Tableau 1 : Quantité de café arabica produite par département du pays Bamiléké (campagne agricole 1979/1980)
Mifi Haut Plateau Koung -Khi Département Bamboutos Menoua
Ancien département de la Mifi
Ndé
Production en tonnes
4 077 5 249 4 288 165
Source : Données de l’Annuaire des statistiques agricoles du Cameroun 1979/1980
Dans chaque département retenu, nous avons fait le choix de nous limiter à une
localité restreinte afin de mieux saisir à cette échelle-là les dynamiques paysannes en
émergence. En effet, les paysans ont tendance à entrer en coopération ou en contact
avec les autres paysans proches d’eux qu’ils rencontrent régulièrement et avec lesquels
ils ont des occasions d’échanges. De plus, le développement agricole se trouvant en
lien étroit avec le développement rural, le niveau local où les populations sont
mobilisées pour des actions de développement mérite d’être mieux investigué
47
lorsqu’on se situe dans une perspective d’analyse des dynamiques de développement.
Par ailleurs, la problématique des services à l’agriculture suggère que dans une zone
limitée, nous puissions bien identifier les acteurs en présence et analyser les services
offerts. Enfin, saisir les changements au niveau des exploitations agricoles,
appréhender les stratégies des agriculteurs, analyser le rôle ou mieux l’action des
acteurs du secteur agricole exigent, si l’on veut éviter des généralisations fragiles, de
rencontrer les agriculteurs, de visiter les exploitations agricoles, d’appréhender les
contextes locaux.
Nous avons donc choisi de travailler au niveau de l’arrondissement. Le choix de
ce niveau vise à épouser les contours de la commune (correspondant à
l’arrondissement au Cameroun), ce qui permet d’appréhender les fonctionnements
administratifs existants. De plus, la commune est appelée à être un des échelons où se
transféreront les compétences et les ressources et s’assumeront des responsabilités
dans le cadre du processus de décentralisation administrative en cours au Cameroun.
Le choix de mener des enquêtes au niveau des villages (sous ensemble de
l’arrondissement) portait en soi une contrainte : celle de devoir choisir quelques cas
parmi les nombreux villages du pays bamiléké qui couvre sept des huit départements
de la province de l’Ouest-Cameroun. Eu égard à la durée d’une thèse de doctorat et
aux moyens limités dont nous disposions39, nous avons fait le choix, après avoir
exploré plusieurs possibilités, de nous limiter à deux communes. Dans un premier
temps, nous envisagions de nous limiter à une seule. Cependant au cours de nos visites
exploratoires sur le terrain, nous avons constaté une hétérogénéité significative entre
les diverses zones rurales visitées : hétérogénéité sur le plan du micro-relief, sur le
plan de la situation géographique par rapport aux marchés, sur le plan
socioéconomique, etc. C’est pourquoi, choisir deux communes nous a semblé
permettre de porter un regard sur des zones contrastées et de prendre ainsi du recul par
rapport à certaines spécificités locales : Galim dans le département des Bamboutos et
Fokoué dans le département de la Menoua ont été retenus.
39 Cette thèse faut il le rappeler, n’ayant bénéficié d’aucune bourse pour la réalisation des travaux de terrain.
48
Le choix de Galim
Galim fût la première zone choisie. Notre choix fût orienté par le fait que Galim
est réputée comme une localité de forte production agricole de l’Ouest-Cameroun. On
y a d’ailleurs noté depuis la crise caféière un développement remarquable du
maraîchage (tomate, aubergine, pastèque, etc) et du vivrier marchand (maïs et haricot).
Par ailleurs, les enquêtes que nous avions antérieurement menées en 2004 /2005
auprès des organismes du secteur agricole de l’Ouest Cameroun nous avaient révélé
que Galim faisait partie des rares zones concernées par les interventions de plusieurs
organismes d’appui. La localité est aussi connue pour être l’une des premières où le
mouvement des organisations paysannes au Cameroun a pris naissance (Prod’homme,
1993; Njonga et Dikongué, 1996; Fongang, 1998). Fort de ce constat, nous avons fait
le choix de nous intéresser à Galim en faisant aussi l’hypothèse que ce serait a priori
un endroit où, suite à la crise caféière, les paysans auraient développé des réactions
riches d’enseignement pour les autres localités.
Le choix de Fokoué
La deuxième zone choisie est Fokoué pour trois raisons. La première est que
Fokoué contraste avec Galim pour les éléments ci-dessus évoqués : développement
récent des organisations paysannes, intervention de peu d’organismes du secteur
agricole40. La deuxième raison est que, après avoir choisi Galim, nous avons fait des
visites exploratoires dans plusieurs localités : Foreké, Bafou, Santchou et bien sûr
Fokoué. Bafou se trouve être une zone qui, comme Galim, a connu un développement
des cultures maraîchères notamment de la pomme de terre, ce qui ne contraste pas en
ce point avec Galim et n’est certes pas représentatif du pays bamiléké. Santchou
bénéficie de la proximité de l’axe routier Dschang-Douala ; c’est une zone de basse
altitude où prédominent le café robusta et le cacao ; il est peuplé majoritairement de
Mbô et les bamiléké qu’on y trouve sont issus de migrations récentes. Foréké se trouve
très proche du centre ville de Dschang et est traversée par le nouvel axe bitumé
Dschang-Melong, situation exceptionnelle pouvant avoir des conséquences du fait de
40 Lors des visites exploratoires, GTZ Cameroun (coopération allemande au Cameroun) est le seul organisme d’appui dont les paysans ont évoqué une action dans la zone en dehors de l’intervention des chercheurs en pisciculture.
49
la proximité du marché urbain. Par ailleurs Foreké est un des foyers anciens du
mouvement paysans camerounais41 et de la production maraîchère (tomate, piment
etc). Ceci ne contrastait pas avec Galim.
La troisième raison pour retenir Fokoué est une question d’opportunité. Une
équipe de chercheurs en pisciculture travaillant dans cette zone nous a suggéré de
venir à Fokoué afin de les aider à mieux appréhender le contexte des exploitations
agricoles de la localité. Depuis le début de leur intervention en 2002, ces chercheurs
s’étaient polarisés sur les étangs piscicoles et ressentaient désormais le besoin de
mieux comprendre le contexte local au sein duquel cette activité se développe. Cette
proposition nous arrangeait du fait qu’ainsi notre introduction dans la localité était
facilitée et que nous bénéficions aussi des moyens de déplacement qu’utilisait cette
équipe. Toutefois, dans nos approches d’investigation sur le terrain, il a fallu prendre
des précautions pour que notre relation avec cette équipe de chercheurs ne biaise pas la
perception que les agriculteurs aient de nous et donc la qualité de nos entretiens.
4- Présentation de Fokoué et Galim
Sur le plan administratif, les localités de Galim et de Fokoué sont des
arrondissements. Elles correspondent chacune à une commune rurale42 dont les limites
géographiques sont celles des arrondissements correspondants.
Sur le plan territorial, l’organisation traditionnelle du pays Bamiléké est basée
sur la chefferie. Celle-ci regroupe l’ensemble de la population d’une étendue
géographique soumise à un chef. Ce dernier en est le chef sur les plans politique,
spirituel et juridique. Il administre à travers des organisations locales (Loung), des
sous-chefs (Fô Tchô) et des notables locaux (Nkem, Sofô, etc). Les chefferies n’ont
pas toutes la même importance et à l’origine celle-ci est fonction de la puissance
magico-religieuse du chef et de l’effectif de la population. Chacune des plus
importantes regroupe quelques-unes moins importantes et qui sont donc des sous
41 Comme Galim, Foréké connut un développement précoce du mouvement paysan notamment par la création de l’Union des groupes agricoles et pastoraux pour l'autopromotion de la Menoua, UGAPAM (Fongang, 1999). 42 Selon la loi 74/23 du 5 décembre 1974, la commune est « urbaine » ou « rurale » selon que son ressort territorial se réduit à une « agglomération urbanisée » ou qu’il « s’étend à la fois sur des agglomérations urbanisées ou non et sur des zones rurales »3.
50
chefferies vis-à-vis d’elles et leur sont soumises. L’administration coloniale, et plus
tard celle d’aujourd’hui, ont utilisé ces chefs en tant qu’auxiliaires de cette
administration et elles ont opéré un regroupement et une catégorisation des chefferies.
Nous en avons de 1er degré, 2eme degré et 3eme degré. Celles de 1er dégré sont les
plus importantes. Chaque arrondissement est constitué d’un ensemble de groupements
de villages, chaque village correspondant à une chefferie. Le village comporte
plusieurs quartiers.
a) Galim
L’arrondissement de Galim compte quatre groupements de villages :
Bamendjing, Bati, Bagam et Bamenyam. Chacun de ces groupements de villages
correspond à une chefferie. Cet arrondissement couvre une superficie totale d’environ
513 km² pour une population totale d’environ 40 000 habitants. Le relief est quelque
peu diversifié. Il est constitué de montagnes de faibles pentes vers Bamenyam. On
observe aussi des plateaux, des vallées et des plaines dans les autres villages. Les
altitudes moyennes varient entre 1000 m pour les villages localisés en zone de basse
altitude et 1300 m pour Bamenyam situé donc à une altitude relativement plus élevée.
Galim dispose d’une délégation d’arrondissement relevant du Ministère de
l’agriculture et du développement rural. Cette délégation a opéré un découpage en six
zones couvertes chacune par un chef de poste agricole. Ces zones sont : Mefoung,
Bamendjing, Bagam chefferie, Kiéneghang, Bati et Bamenyam. Cette subdivision est
fonction de la superficie (donc des distances) et du nombre d’habitants. Selon les
déclarations des services de l’agriculture de Galim, en juin 2007, cet arrondissement
comptait 18 314 actifs agricoles et 6 476 exploitations agricoles (familles agricoles).
b) Fokoué
L’arrondissement de Fokoué est situé dans le département de la Menoua. Il
couvre 203 km2. Il est constitué de 5 groupements de village : Fokoué, Fomopéa,
Fontsa-Toula, Fotomena, Bamegwou. Le relief est très accidenté avec une altitude
allant d’environ 1400 m en haute altitude à un peu moins de 1000 m en basse altitude.
En juin 2007, Fokoué comptait environ 10 192 actifs agricoles et 2813 exploitants
51
agricoles sa délégation de l’agriculture. Fokoué compte 4 postes agricoles situés à
Bamegwou, Fotomena, Fontsa Toula et Fomopea.
Conclusion
En résumé, le point de départ de cette thèse est constitué des questionnements
suscités par les observations faites en temps que jeune agronome en pays Bamiléké
(Cameroun), région de hautes terres qui fut principalement consacrée à la culture du
café arabica jusqu’au milieu des années 1980. Cette région a connu d'importants
changements à partir de 1985 : chute des prix payés aux planteurs de café, méfaits de
la crise économique que traverse le Cameroun, évolutions sociopolitiques. Cette thèse
porte sur les mutations de ce secteur agricole du pays Bamiléké.
Sur le plan du développement, les évolutions socio-économiques qu'a connues
le Cameroun dans les années 80 et 90, ainsi que les orientations de principaux bailleurs
de fonds internationaux ont eu des conséquences significatives sur le plan agricole, et
les implications de ces conséquences au niveau du secteur agricole Bamiléké sont
l’objet de cette thèse.
Dans ce contexte de changements et de mutations, la question centrale de notre
recherche est de savoir comment les acteurs du secteur agricole en pays Bamiléké ont
évolué suite aux crises des années 80 et 90.
Parmi les hypothèses étudiées dans cette thèse, citons en particulier l’hypothèse
que la recherche de financements internationaux détermine les stratégies des acteurs
(agriculteurs, organisations paysannes, services de l’Etat, commerçants, organismes
d’appui) conduisant à une redéfinition de leurs rôles.
Les résultats attendus de cette recherche sont surtout de montrer la pertinence et
les limites du concept de dispositif dans l'analyse du milieu agricole Bamiléké,
d’affiner la connaissance des acteurs de ce milieu, tout en préparant de nouvelles pistes
de recherche, et de créer un observatoire durable des agriculteurs de Fokoué et de
Galim.
A côté de travaux bibliographiques, cette recherche sociologique, privilégie les
enquêtes (au nombre de 177 dont 102 entretiens), d’abord à Fokoué et à Galim auprès
52
d'agriculteurs, des organisations paysannes de ces localités et de leurs responsables,
des organismes d’appui au développement, des techniciens du ministère de
l’agriculture et des « détaillants » locaux, mais aussi, au niveau régional ou national,
auprès des organismes d'appui au développement agricole, des commerçants d'amont
et d'aval, des cadres du ministère de l’agriculture et de responsables de l’UCCAO.
Fokoué et Galim sont deux arrondissements (ou communes, unités territoriales de base
au Cameroun) et Fokoué a une population de 16 000 habitants et 1800 familles
agricoles tandis que Galim compte 40 000 habitants et 6400 familles agricoles.
Le chapitre suivant prolonge celui-ci en présentant les principaux concepts
utilisés.
53
Chapitre II
Un cadre d’analyse surtout basé sur la notion de dispositif
« Le concept n’est pas la réalité elle-même mais une structure mentale réunissant certaines caractéristiques constantes de la réalités ».
Jacques Chevrier43
Ce chapitre traite du cadre conceptuel de notre analyse et des bases théoriques
mobilisées. Dans la première section, nous présentons d’abord comment nous sommes
arrivés au choix de ce cadre d’analyse : celui de dispositif comme aide à l’éclairage
des mutations du secteur agricole bamiléké et de ses composantes. Puis un autre
concept proche, celui de dynamique de concertation, est aussi introduit.
Dans la deuxième section, nous exposons les autres bases théoriques et les
notions mobilisées. Celle de service à l'agriculture aidera à mieux comprendre les
interventions des organismes d'appui. Les concepts de système agraire et de système
de production serviront à appréhender les mutations de l’agriculture respectivement au
niveau local et à celui de l’exploitation agricole.
Sans en avoir fait une présentation préalable dans ce chapitre, nous ferons aussi
appel tout au long de cette thèse aux concepts de différenciation sociale et de capital
social dans l’analyse de la diversité des profils d’agriculteurs et des réponses de ces
derniers à la crise caféière, ainsi que dans l’analyse des stratégies d’acteurs.
43 Chevrier J : La spécification de la problématique. In Gauthier B. (sld), Recherche sociale : de la problématique à la collecte des données. Québec, Presses de l’Université du Québec, 1984.
54
I- Le concept de dispositif comme cadre principal de notre
analyse
Cette section expose notre cadre d’analyse. Dans un premier temps, est précisée
la place de celui-ci dans une démarche scientifique de traitement d’une question de
recherche. Ensuite, nous présentons comment nous sommes arrivés au choix du
concept de dispositif comme cadre général de notre démarche.
1- Cadre d’analyse et choix du concept de dispositif
a) Des données empiriques au traitement de notre question de recherche.
Nos recherches bibliographiques, nos enquêtes de terrain et les observations
faites ont permis de réunir des informations porteuses d’une valeur heuristique pour
notre analyse. Cependant aussi intéressantes soient-elles, ces données, prises comme
telles, ne pouvaient permettre une compréhension du phénomène étudié et le
traitement de la question au centre de notre recherche.
Dans cette section, les interrogations auxquelles nous souhaitons répondre
sont : comment se faire une représentation conceptuelle de notre objet de recherche et
saisir les différentes dimensions qui nous intéressent ? Plus précisément, comment
nous représenter d’une manière abstraite le secteur agricole bamiléké et ses
composantes et les inscrire dans une perspective d’analyse ? C’est pour répondre à ces
préoccupations que nous avons entrepris de nous doter d’un cadre théorique et de
concepts opératoires permettant de saisir les dimensions de l’agriculture bamiléké
concernées par notre recherche. Il s’agit d’outils intellectuels permettant de donner
sens aux données collectées en les intégrant dans un schéma théorique de l’objet réel
étudié.
Rappelons que les mutations de l’agriculture bamiléké qui nous intéressent
portent en priorité sur la recomposition du paysage d’acteurs : les acteurs et leurs rôles,
en particulier les agriculteurs et leurs organisations, les organismes d'appui et leurs
interventions, les commerçants d’intrants et de produits agricoles. Sont aussi abordées
dans cette recherche la vie sociale locale ainsi que les productions agricoles. Il était
55
donc nécessaire de situer notre analyse dans un cadre théorique suffisamment
englobant pour saisir un tel objet de recherche complexe, avec toutes ses composantes
dans leurs interactions.
Le choix de notre cadre théorique ne part pas pour autant de rien. Il s’appuie en
partie sur nos travaux antérieurs et sur nos recherches bibliographiques récentes.
L’exposé de notre choix du dispositif comme concept central va servir à le justifier et à
situer notre positionnement théorique.
b) Le choix d’explorer le concept de dispositif
Comme nous l’avons indiqué dans la présentation de la genèse du
questionnement de cette thèse, les transformations intervenues dans l’agriculture
bamiléké, du moins celles dont j’ai été témoin durant ma période d’activité
professionnelle dans la région (1996-2003), sont restées une préoccupation, un objet
de curiosité et un objectif de compréhension pour moi. Ayant décidé de suivre une
formation à la recherche afin de m’outiller pour une meilleure analyse de ce contexte
agricole en mutation, la recherche d’un cadre d’analyse était devenu un de mes
objectifs depuis la réalisation de mon DEA en 2003/2004.
Lors de mes premières lectures, le concept de système d’action m’était apparu
comme pouvant m’aider à analyser le « paysage d’acteurs » du secteur agricole de
l’Ouest Cameroun. Je l’avais donc retenu comme piste à explorer. Mais, avec le temps,
je m’étais aperçu qu’une analyse de ces acteurs sans la prise en compte d'autres aspects
comme l’agriculture elle-même, les facteurs externes au contexte local, risquait ne pas
être féconde. En effet Crozier et Friedberg (1977) développent le concept de système
d’action concret défini comme « un ensemble humain structuré qui coordonne les
actions de ses participants par des mécanismes de jeux relativement stables et qui
maintien sa structure, c'est-à-dire la stabilité de ses jeux et les rapports entre ceux-ci,
par des mécanismes de régulation qui constituent d’autres jeux ». Or, dans le contexte
de l’Ouest Cameroun, il me paraissait que le déclin de caféiculture était un des
déterminants majeurs des stratégies de certains acteurs comme l’importante
coopérative caféière, sans que ce déclin n’ait été le résultat d’un jeu préalable d’acteurs
à cette échelle de l’Ouest Cameroun. Aussi, j’étais curieux de me familiariser avec
56
d’autres concepts ayant été utilisés dans l’analyse de dynamique pluri-acteurs à
l’échelle d’une région donnée, celle-ci pouvant avoir des spécificités par rapport à une
organisation.
La préparation de mon mémoire de DEA fût l’occasion de contribuer à un
travail de recherche bibliographique sur la notion de dispositif en vue d’enrichir le
concept de dispositif territorial alors en construction au sein du réseau RIDT de
l’INRA SAD. C’est au cours de ce travail que j’ai réalisé la capacité opératoire de ce
concept de dispositif pour une analyse des dynamiques engageant plusieurs acteurs ou
groupes d’acteurs, en particulier du fait de sa particulière capacité à prendre en compte
des interactions avec les composantes non humaines de l’ensemble étudié, fussent-
elles matérielles ou non.
Cependant, dans la perspective d’une analyse telle qu’envisagée dans cette
thèse, il m’a semblé important d’adapter cette notion de dispositif pour construire un
cadre d’analyse plus global à l’échelle d’une région, ce concept devant permettre de
saisir les dynamiques à l'œuvre dans le secteur agricole et donc ne pas être centré
uniquement sur certains acteurs de la région comme l’est le concept de dispositif
territorial. Ce concept s’appliquait plus à l’analyse de dynamiques territoriales cadrées
par des directives et liées aux questions environnementales. Tous les acteurs concernés
étant invités à faire partie d'un cadre formel, clairement identifiable et connu44.
2- Le dispositif : une notion récurrente45
Une bibliométrie sur le mot dispositif dans la littérature francophone nous a
permis de constater que ce mot fait l’objet d’une utilisation dans différents secteurs
d’activité. Son emploi est fréquent dans le secteur militaire, en médecine, dans
l’expérimentation, dans les domaines du droit, de la police, de l’art, de l’éducation, de
l’industrie, de la psychosociologie, etc. Son usage quotidien montre toutefois un
dénominateur commun aux différents sens qu’on lui donne. Il désigne couramment
l’interface entre une certaine intentionnalité et son effectivité ou matérialité. Il peut
44 Toutefois, il était apparu que les entrées et sorties d’acteurs modifiaient le dispositif. 45 Cette section s’appuie en partie sur les recherches bibliographiques faites lors de la réalisation de mon mémoire de DEA, ainsi que sur les résultats de l’analyse du diapositif CTE/CAD en Corse.
57
aussi décrire la manière dont sont disposées les pièces, les organes d’un appareil, le
mécanisme lui-même. C’est le cas des dispositifs de sécurité, de commande, d’accord,
de régulation. Plus généralement, un dispositif est un ensemble de moyens disposés
conformément à un plan. On retrouve ici les dispositifs d’attaque, de défense, etc.
Henry Bertaud du Chazaud (1996) relève comme synonyme du mot dispositif :
« agencement, composition, configuration, arrangement, mécanisme ». Ainsi, parler
de dispositif, c’est faire allusion à des éléments ou à des moyens, à la manière dont ils
sont articulés, au but sous-tendant leur mise en place.
Le mot dispositif a fait l’objet de conceptualisation par plusieurs auteurs. Quels
sens lui ont-ils donné ? Quels usages en ont-ils fait ? Tels sont les aspects développés
ci-dessous. En partant des approches théoriques et conceptuelles du dispositif chez
plusieurs auteurs, nous allons donc relever ses différentes significations. Nous serons
aussi attentifs aux changements éventuels de ces types de dispositifs proposés par ces
auteurs, ceci en rapport avec la question des mutations au centre de nos
préoccupations.
a) Foucault et le dispositif
Michel Foucault est l’un des premiers auteurs francophones ayant fait référence
au concept de dispositif. Dans Surveiller et Punir (1975), il évoque le dispositif pénal
et en analyse les mutations. Ce dispositif, moyen de répression, sert à l’administration
des peines. L’autre dispositif évoqué par Foucault (idem) est le dispositif
panoptique qu’il définit ainsi : « C’est un type d’implantation des corps dans l’espace,
de distribution des individus les uns par rapport aux autres, d’organisation
hiérarchique, de disposition des centres et des canaux de pouvoir, de définition de ses
instruments et de ses modes d’intervention, qu’on peut mettre en œuvre dans les
hôpitaux, les ateliers, les écoles, les prisons. ». Il vise à induire chez les individus un
état conscient et permanent de visibilité pour les contraindre à une certaine conduite.
Ce dispositif est du registre des technologies politiques.
Foucault (ibidem) évoque aussi le dispositif disciplinaire mis en place vers la
fin du 17eme siècle afin d’éradiquer la peste. Ce dispositif est une série de
prescriptions qui fixent à l’individu les conduites à observer avec déploiement d’une
58
administration chargée de veiller au respect des mesures. C’est un ensemble de
techniques et d’institutions qui se donnent pour tâche de mesurer, de contrôler et de
corriger les anormaux. Ce type de dispositif est conçu comme moyen pour gérer les
crises et « les déviances » telles que la peste, le vagabondage, la révolte.
b) Les sciences de gestion et le dispositif
Maugeri (2001) font référence au dispositif dans l’analyse sociologique des
interactions ayant pour objet l’entreprise dont la gestion est, selon eux, une
construction sociale. Ils inscrivent leurs analyses dans le courant de ce qu’ils appellent
la sociologie de la gestion et de ses dispositifs qui doit « rendre manifestes des
rouages et des dynamiques qui conditionnent à l’insu des acteurs le cours de leurs
activités et dote chaque entreprise, chaque organisation, en même temps que de
principes de fonctionnement, d’un faisceau évanescent, impalpable, et pourtant
entêtant, d’obligations et de contraintes ». Dans une entreprise, la mise en place d’un
dispositif tire son fondement de la nécessité de développer des outils permettant à
l’entreprise de s’adapter et de faire face aux défis qu’imposent les transformations
socio-économiques du contexte.
Ce dispositif est du registre des technologies gestionnaires. Maugeri (2001) le
définissent comme «un ensemble de technologies et de procédures formalisées et
interdépendantes destinées à coordonner des opérations de gestion- qu’il s’agissent du
travail, des produits, des méthodes, des personnels- à partir d’une vision unifiée de la
performance organisationnelle ». Un dispositif de gestion, c’est « tout ensemble
d’individus, de règles, procédures et technologies, coordonné et interagissant, visant
l’organisation et la mobilisation de la force de travail à travers la mise en scène de
l’information ». Un dispositif de gestion recoupe plusieurs dimensions, c’est « un objet
hybride composé d’un « squelette » matériel, constitué par les « inscriptions » diverses
qui lui donnent vie et forme (textes, documentations, normes, machines, logiciels,
etc.) ; autour du squelette et organisé -« informé » - en grande partie grâce à lui, on
trouve les membres de l’organisation, apportant leurs ressources physiques, mais
aussi et surtout leurs ressources cognitives ».
59
c) La sociologie des sciences et le dispositif
Callon et al (2001) développent la notion de forum hybride que nous trouvons
proche de celle de dispositif. Les forum hybrides se justifieraient par la nécessité de
redéfinir les modalités des prises de décisions jusque là faites par les décideurs
uniquement sur la base d’avis d’experts et donc sur le seul savoir scientifique. Les
populations sont de plus en plus préoccupées par la sécurité et l’avenir. Le savoir
scientifique, chasse gardée des experts et considéré comme savoir absolu, ne rassure
plus les populations confrontées à des problèmes de sécurité et hantées par des
interrogations sur l’avenir. La science ne sait plus se prononcer avec exactitude et de
manière rassurante sur des sujets tels que le prion (virus de la vache folle), les déchets
radioactifs, les organismes génétiquement modifiés, les gaz à effets de serres, le virus
du SIDA, toutes questions objets de cauchemars pour les gens. Or, comme le
soulignent Callon et al (ibidem), « on pensait que pour prendre les décisions il
suffisait de s’appuyer sur des connaissances indiscutables et voilà qu’il faut prendre
des décisions (nul ne saurait y échapper) alors qu’on est plongé dans les incertitudes
les plus profondes ».
Des dispositifs de prise de décision sont donc mis en place dans le domaine des
politiques publiques, précisément dans le processus d’exploration des choix possibles.
Callon et al (ibidem) perçoivent le forum hybride comme un dispositif d’aide à la
décision dans des situations d’incertitude et de risque, comme un espace public régi
par la démocratie technique et où se côtoient experts, politiques, scientifiques et
citoyens dans le but de l’exploration des états du monde possibles et de leur
caractérisation : « [...] espaces ouverts où des groupes peuvent se mobiliser pour
débattre de choix techniques qui engagent le collectif [...]. Ces groupes engagés et les
porte-parole qui prétendent les représenter sont hétérogènes [...]. Les questions
abordées et les problèmes soulevés s’inscrivent dans des [...] registres variés [...] ».
d) L’agri-environnement et le dispositif
C’est dans l’analyse des mesures agri-environnementales en Europe que
Mormont (1996) évoque et conçoit les dispositifs comme moyens de mise en œuvre de
celles-ci. Les dispositifs sont alors des moyens de traduction opérationnelle des
60
politiques publiques dans le domaine agri-environnemental. L’auteur définit les
dispositifs comme «des arrangements institutionnels qui mettent en relation des
représentations, des normes, des pratiques et des acteurs ». Il met en relief l’objectif
de régulation qui sous-tend la mise en place d’un dispositif et note ceci : « un dispositif
de régulation se construit donc comme un réarrangement des faits, des relations et des
représentations ou plus exactement, c’est une manière de relier les données naturelles,
des techniques, des relations et des représentations de manière telle que les
incertitudes peuvent être déplacées et réduites ».
Billaud (1986) analyse des conflits entre les acteurs impliqués dans
l’aménagement du Marais Poitevin et il fait implicitement allusion aux dispositifs. Le
pouvoir dominant et les rapports de force dans le marais Poitevin sont soumis à la «loi
du milieu» qui veut que ce soit celui qui l’aménage et l’entretient qui conserve son
hégémonie. Le dispositif tire ici son fondement du processus conflictuel de la gestion
des ressources et il devrait être un outil de gestion des conflits. Selon l’auteur, il y a
nécessité de mettre en place des mécanismes sociaux d’adaptation au milieu, suite à sa
dynamique induite par l’action anthropique et aux nouvelles sollicitations dont il fait
l’objet. Le dispositif serait donc une structure permettant l’expression institutionnelle
de tous et dotée de mécanismes permettant une gestion du système de pouvoir pour
une société où les usages sociaux de l’espace se diversifient. C’est un outil de gestion
de la diversité, de régulation du système d’accès et de pouvoir.
Lémery (1999) utilise le concept de dispositif de développement dans le cadre
de ce qu’il appelle la sociologie des pratiques de développement en agriculture. Selon
lui, le développement n’est pas le simple produit de l’évolution des sciences et des
techniques ou de l’expansion de l’économie de marché. Le changement n’est pas que
le résultat d’une adaptation des acteurs à un environnement « mouvant ». En matière
de changement en agriculture, il considère l’existence de deux mondes : le monde des
prescripteurs46 et le monde des agriculteurs. Le monde des prescripteurs est à l’origine
46 Recherche agronomique, expertise en matière d’agriculture, administrations, industries agroalimentaires, distribution, « consommateurs », associations de protection de l’environnement, etc.
61
d’injonctions ciblées de changement, le monde des agriculteurs est celui qui est visé
par ces injonctions. Dans des situations où ce sont les fins même qu’il convient de
poursuivre et où les critères d’appréciation de ce qui vaut et de ce qui ne vaut pas pour
les atteindre se trouvent en question, il y a nécessité de rencontre des deux mondes
pour la définition d’un cadre de référence et pour la conduite des activités. Les
dispositifs de développement, nés donc de la rencontre de ces deux mondes, tirent
ainsi leur fondement du souci de produire des normes pour l’action. Il s’agit d’un
« espace de rencontres spécifique, mobilisant certains acteurs seulement (des
« représentants » des deux mondes47 précédemment définis) entre lesquels va
s’élaborer, se débattre et se négocier une certaine vision des problèmes qui
« comptent » et qui sont à traiter et une certaine conception de la manière dont il
convient de les traiter ». C’est ce qu’il appelle « dispositif de développement ».
Le réseau RIDT développe le concept de dispositif territorial, concept
analytique pour la compréhension des dynamiques actuelles de désectorisation des
politiques publiques. Ces dynamiques s'inscrivent dans les logiques de bonne
gouvernance, de décentralisation, d'implication de la société civile dans la définition et
la mise en œuvre des politiques publiques. Ainsi « les dispositifs territoriaux
permettent la distribution des aides publiques, les conventions d'accord, la production
des outils de connaissance du territoire, des cartes et autres connaissances » (RIDT,
2004). Le programme RIDT retient comme principales caractéristiques des dispositifs
territoriaux : la diversité d’acteurs ; les différences d’intention des acteurs ; le caractère
temporaire, délibératif et inédit ; le rôle de production, la territorialité. Le dispositif
territorial renvoie ainsi à « toute dynamique impliquant les acteurs appartenant à un
même territoire, engagés dans un processus de définition à leur échelle de politiques
ou de choix concernant le présent et/ou l’avenir du territoire (ce processus peut être
cadré par des directives nationales ou globales, ou bien émergeant de la base). Ces
politiques et choix visent in fine la préservation et/ou l’amélioration des conditions de
vie des populations présentes et futures du territoire » (Fongang, 2004).
47 « Monde de prescripteurs et monde des professionnels agricoles concernés ».
62
3- Potentialités et valeur heuristique du concept de dispositif
On note chez nos auteurs une diversité de situations pour lesquelles ils
recourent au concept de dispositif. Foucault l’utilise dans l’analyse de la société et de
ses organisations comme enfermement de l’individu. Les dispositifs sont ici des
moyens de contraintes. Derrière eux, il y a des personnes qui les ont mis en place et
s’en servent pour atteindre des objectifs. Dans ces cas-là, ce concept permet de saisir le
mécanisme de contrainte encore appelé technologie politique, les éléments physiques
constitutifs de l’arsenal mobilisé et enfin les objectifs visés.
Chez Maugeri, les dispositifs sont des moyens pour l’entreprise de façonner les
individus. Ce sont en même temps des moyens pour s’adapter ou s’ajuster par rapport
aux transformations socio-économiques. Le concept de dispositif a ici la particularité
de mettre en exergue les processus cognitifs à l’œuvre dans les dispositifs et surtout les
dimensions non physiques du dispositif. Avec des composantes telles que les
procédures, les normes, les grands courants de pensée, etc. Le concept de dispositif
permet aussi de relier tous ces éléments dans l’analyse et de saisir l’impact du
changement que subit l’un d’eux sur la dynamique d’ensemble.
Callon et al., à travers les forums hybrides, soulignent les sorties et entrées
d’acteurs, mettent en évidence la question non moins pertinente de la légitimité de la
représentativité pour ce qui est des porte-parole des groupes.
Les dispositifs dont parle Mormont semblent des moyens pour amener les gens
à se conformer à des manières de faire, que ce qu’il convient de faire soit connu à
l’avance ou non. L’auteur souligne un aspect très important à savoir les
représentations, les normes et les pratiques à l’œuvre dans un dispositif. Lémery
développe le concept de dispositif dans un contexte où l’agriculture fait face à une
forte demande sociale et relève l’incertitude dans laquelle se trouvent les acteurs.
L’analyse de Billaud éclaire une des dimensions du dispositif, à savoir un mécanisme
d'adaptation sociale à de nouvelles situations.
La base commune aux contenus donnés à cette notion est l’hétérogénéité de ses
composantes : composantes humaines (acteurs, groupes d’acteurs, etc.), composantes
matérielles (machines, ressources naturelles, etc.), composantes non humaines et non
matérielles (idéologies, représentations, règles, etc.).
63
Chez ces auteurs, la dynamique des dispositifs est le processus d’interaction
entre leurs différentes composantes en association avec des facteurs de
l’environnement extérieur. Et donc un dénominateur commun aux dispositifs serait les
processus à l’œuvre résultant d’une interaction dynamique entre les composantes du
dispositif d’une part, et entre le dispositif et l’environnement extérieur à lui d’autre
part. Ces processus à l’œuvre dans les dispositifs produisent trois principaux types de
changements : les changements forcés ou normalisation, les changements non désirés,
les changements désirés.
Par ailleurs, chaque dispositif évoqué résulte de composantes hétérogènes
fondues dans une association dotée d’un caractère dynamique. Plusieurs facteurs
peuvent contribuer à cette dynamique. Nous pouvons citer :
-les idéologies et les grands courants de pensée,
-les jeux de positionnement entre acteurs ou groupes d’acteurs,
-la dynamique des ressources naturelles,
-la volonté politique,
-les moyens.
4- Apports du concept de dispositif à l’analyse des dynamiques sociales
D’un point de vue épistémologique, le concept de dispositif propose un modèle
explicatif des déterminants des dynamiques sociales, qu’elles aient pour lieu,
l’entreprise, la société ou tout autre secteur d’activité. Il permet de circonscrire un
contexte social donné et d’analyser dans sa complexité les interactions entre ses
composantes. Il conduit à percevoir les dynamiques sociales comme n’étant pas
constituées uniquement de systèmes humains, ce qui rendrait leurs dynamiques
essentiellement tributaires des actions des acteurs. Il amène à considérer les
composantes non humaines, notamment les composantes matérielles, idéologiques et
les procédures à l’œuvre dans les dynamiques sociales en question.
D’un point de vue méthodologique, il oblige à ne pas se limiter au discours des
acteurs en reconnaissant une dimension inconsciente pour ces acteurs des processus à
l’œuvre. Il accorde une part importante à l’observation des autres facteurs externes au
64
contexte social étudié. En circonscrivant une dynamique donné, il permet dans une
perspective historique de suivre les différentes phases d’évolution, de repérer les
ruptures (renégociations des objectifs, apparitions de nouveaux acteurs, changements
des composantes du dispositif) et de saisir ainsi les mutations. Il se démarque des
approches qui font de la dynamique sociale uniquement le fait d’interactions entre
acteurs, négligeant ainsi les autres déterminants.
Il peut permettre l’analyse d’une dynamique sociale en mettant en exergue les
acteurs (les sorties et les entrées), les éléments et moyens mobilisés, les relations à
l’œuvre et les effets qu’ils concourent à produire. Le dispositif comme cadre d’analyse
permet d’appréhender les logiques des acteurs et les tensions entre ces derniers.
La suite répond aux deux questions suivantes : en quoi le concept de dispositif
ainsi présenté nous sera-t-il utile dans l’éclairage des mutations en cours du secteur
agricole bamiléké ? Comment l’adapter au cas de notre recherche ?
5- Le concept de dispositif dans cette recherche : choix et présentation
Le secteur agricole bamiléké qui est l’objet de notre recherche est constitué à la
fois des acteurs (individuels ou collectifs), de l’agriculture elle-même au sens des
productions et techniques mobilisées, du contexte physique (relief, sol, etc) et bien
d’autres dimensions non humaines et non matérielles (par exemple les options
politiques de l’Etat Camerounais en matière de développement agricole de la région).
Pour l’analyse des mutations de ce secteur agricole, le concept de dispositif nous
semble approprié dans la mesure où il prend en compte le caractère multidimensionnel
d’une telle réalité et les interactions en jeu. Dans le contexte qui est celui de notre
recherche, nous entendons par dispositif un ensemble hétérogène et interrelié de
composantes humaines (acteurs, groupe d'acteurs), de composantes matérielles
(ressources naturelles, machines, …) et de composantes non humaines et immatérielles
(idéologies, représentations, règles, ressources financières, etc.). Ces différentes
composantes sont en interaction entre elles et avec des facteurs de l'environnement du
dispositif, ces processus d'interaction conduisent à des changements observables.
65
La dynamique d’un dispositif peut ainsi être due à une ou plusieurs de ses
composantes, à la modification des interactions ou des liens entre composantes, ou
aussi à l’influence d’un facteur externe.
Un tel choix indique que nous concevons le secteur agricole comme constitué
d’une diversité de composantes : humaines et non humaines, matérielles et
immatérielles. A l’aide de ce concept de dispositif, l’analyse des différentes
interactions entres acteurs en présence va nous permettre d’identifier les principaux
dispositifs et de les caractériser. Pour ce qui est du cas du secteur agricole Bamiléké,
nous pouvons déjà relever comme composantes humaines, les acteurs individuels
(caféiculteurs, ouvriers agricoles, etc.), les acteurs collectifs organisés (par exemple,
l’UCCAO et ses coopératives membres) ou institutionnels (comme les services du
ministère de l’agriculture), etc. Comme composantes non humaines, on peut citer la
terre, les cultures développées, les options politiques, les courants de pensée dominants
(« non à la subvention », « l’épargne d’abord, le crédit ensuite ») ainsi que les
procédures, par exemple celles relatives à la vente de la production, à l’organisation de
l’encadrement agricole, à la gestion des partenariats (contractualisation par exemple).
Par ailleurs, le choix d’un tel concept indique qu’en partant de la caféiculture,
nous pouvons analyser le paysage d’acteurs de la période pendant laquelle elle a
occupé une place importante en pays Bamiléké. Puis, pour sa période de déclin, nous
pourrons ensuite étudier les changements qui affectent tout ou partie de ce paysage
d’acteurs. Le(s) dispositif(s) identifié(s) à l’époque de la caféiculture serviront de base
à l’analyse des changements qui les ont affecté(s). Ainsi nous pourrons, pour la
période post caféiculture, identifier les dispositifs caractérisant le nouveau paysage
d’acteurs.
En nous référant à ce cadre conceptuel, nos questionnements peuvent être
déclinés de la manière suivante :
Au sein du secteur agricole du pays Bamiléké, comment le paysage d’acteurs
prévalant jusqu’à la chute de la caféiculture en 1985 se trouve-t-il modifié par celle-ci
et par les autres évolutions socio-économiques des années 80 et 90 ? Et sous
l’influence de quels facteurs principaux ?48
48 Ceci correspond à notre question centrale. (cf. p. 26)
66
6- Accorder une attention aux dynamiques de concertation
Une attention particulière à l’émergence de nouveaux acteurs est une nouvelle
donne consacrée par la libéralisation et le désengagement de l’Etat, affirmée dans les
options politiques camerounaises en matière d’agriculture dans les années 80-90.
Aussi, le processus de décentralisation en cours au Cameroun prévoit la mise en place
de conseils régionaux au niveau des régions qui correspondront aux provinces
actuelles. Dans cette perspective et pour explorer les enjeux que de tels processus
représentent pour le secteur agricole, nous accorderons dans nos analyses une place
aux dynamiques de concertation. Cette préoccupation découle des observations faite
dans le cas de la Corse où le processus de décentralisation implique un transfert de
compétence à la Collectivité Territoriale de Corse et le traitement des questions
agricoles de la région faisant intervenir des processus de concertation. Il s’agit de tout
processus impliquant des acteurs ou des groupes d’acteurs amenés à coopérer autour
de questions ou d’enjeux pouvant affecter les activités de chacun d’eux ou bien en lien
avec leurs performances dans l’atteinte d’un objectif global auquel chacun concourt à
travers tout ou partie de ses activités. Les dynamiques de concertation ainsi définies
s’inspirent des dispositifs territoriaux (RIDT), et se rapprochent de plusieurs autres
concepts tels que : dispositif (Foucault, Maugeri, Moidson, Lémery, etc., cf. section I,
p. 56) ; système d’action concret (Crozier et Friedberg, 1977)49 ; champ (Bourdieu,
2000)50; organisation (Friedberg, 1992), réseau (Mercklé, 2004)51. Cependant certaines
spécificités nous semblent propres aux dynamiques de concertation :
- L’existence d’une dynamique de concertation suppose la présence d’au moins
deux acteurs jouissant chacun d’une autonomie réelle, c’est-à-dire la non soumission
ou la non inféodation d’un acteur vis à vis des autres. C’est d’ailleurs cette autonomie
qui donne tout le sens à la concertation, car l’autonomie ou encore la liberté de prendre 49Ces auteurs centrent leur analyses sur les relations de pouvoir entre acteurs et les règles implicites qui gouvernent leurs interactions : « jeux ». Chez ces auteurs, « un système d’action concret est un ensemble humain structuré qui coordonne les actions de ses participants par des mécanismes de jeux relativement stables et qui maintient sa structure, c'est-à-dire la stabilité de ses jeux et les rapports entre ceux-ci, par des mécanismes de régulation qui constituent d’autres jeux » (Crozier et Friedberg, 1977). 50Nous reviendrons sur cette notion de champ dans la partie II relative à l’analyse du paysage d’acteurs à l’échelle du pays Bamiléké. 51Mercklé (2004) définit un réseau social comme constitué d’un ensemble d’unités sociales et des relations que ces unités sociales entretiennent les unes avec les autres, directement, ou indirectement, à travers des chaînes de longueurs variables. […]. Les relations entre les éléments désignent des formes d’interactions sociales qui peuvent être elles aussi de nature extrêmement diverses…. »
67
des décisions présume qu’il peut y avoir des accords ou des ententes, des désaccords
ou des mésententes, des conflits, des entrées et des sorties de la dynamique de
concertation.
- Des questions ou des enjeux sont en débat au cœur des dynamiques de
concertation. Les acteurs concernés par une telle dynamique se réunissent pour trouver
des solutions à ces questions, solutions issues de concertations. Ce peut être des enjeux
par rapport auxquels il s’agit d’avoir des accords qui permettent à tous, sinon à la
majorité, de subir le moins d’effets négatifs, d’optimiser au mieux les performances
individuelles ou bien de permettre une meilleure atteinte de l’objectif global.
- Un objectif global existe auquel chacun peut concourir.
- Son caractère peut être formel ou informel, institutionnalisé ou non, stabilisé
ou non, structuré ou non, discret ou visible.
- L’existence de représentants ou porte-parole. Traitant généralement d’enjeux
ou de questions qui concernent un nombre important de personnes, les dynamiques de
concertation suscitent la présence de ces représentants parce que tous les participants
ne peuvent pas être physiquement présents. Ces porte-parole sont des personnes ou des
groupes de personnes, mandatées ou non, qui parlent ou sont supposées parler au nom
des personnes non physiquement présentes et qui défendent ou sont supposées
défendre les intérêts de ces absents. De ce point de vue, la question des processus
aboutissant à cette qualité de représentant revêt une place importante dans l’analyse
des dynamiques de concertation. Il s’agit de comprendre comment ces délégués sont
choisis ou mandatés ou bien se constituent comme tels.
Le concept de dispositif présenté dans cette section servira de base à l’analyse
des interactions entre les acteurs du secteur agricole bamiléké. Toutefois, pour
comprendre les autres dimensions de l’agriculture Bamiléké concernées par cette
étude, nous allons aussi recourir à d’autres bases théoriques dont la présentation fait
l’objet de la section suivante.
68
II- Les autres concepts et notions mobilisés
Cette section aborde la notion de services à l’agriculture. Ensuite nous
présentons les concepts de système agraire et de système de production.
1- Notion de services à l’agriculture
a) Le rôle des organismes de développement agricole : la nécessité d’un
outil d’analyse
Lorsqu’on en vient à évoquer les missions des organismes de développement
agricole de l’Ouest Cameroun, on est frappé par la récurrence des mots « appui » et
« accompagnement ». Ces deux mots, malheureusement, se révèlent peu féconds dans
une perspective de compréhension et d’analyse des rôles effectivement joués par ces
organismes et des processus d’interactions avec les agriculteurs partenaires52. Ces
termes assez globaux traduisent plus le fait d’avoir les agriculteurs ou leurs
organisations à la fois comme partenaires et comme bénéficiaires des activités menées.
Au cours de nos entretiens, lorsque nous échangions avec les agriculteurs au
sujet de leurs relations avec les organismes de développement agricole, ils exprimaient
plusieurs attentes vis-à-vis de ces derniers : soit ils formulaient directement ces
attentes, soit ils évoquaient des besoins ou des difficultés rencontrées à partir desquels
on pouvait facilement décliner des attentes. Par exemple, certains agriculteurs
rencontrés souhaitaient la facilitation de l’accès aux intrants agricoles par les
organismes de développement agricole. Pour certains, il s’agissait d’une question de
proximité, c'est-à-dire avoir ces intrants tout proches dans les villages pour pouvoir les
acheminer facilement dans les exploitations agricoles. Pour d’autres, il était plutôt
question d’un manque de moyens financiers pour acheter les intrants disponibles sur le
marché, certaines difficultés évoquées faisant implicitement référence à des attentes.
C’est le cas par exemple de « la difficulté de financement » mentionnée par des
agriculteurs. Ces derniers attendaient des organismes de développement agricole qu’ils
52 Ceci n’exclut pas le fait que ces termes se démarquent du rôle de relayeur de savoir-faire technique autrefois reconnus aux vulgarisateurs. Ceci constitue une innovation sur laquelle nous reviendrons dans nos analyses pour en saisir la signification et la portée. Mais il ne traduit pas ici la facilitation telle que défini par Billaud (2006) et présentée dans la suite de cette section.
69
puissent mettre en place des systèmes ou des structures de financement accessibles
permettant par exemple de disposer de ressources financières en début de campagne
agricole. Ce constat rejoignait d’ailleurs nos travaux antérieurs dans l’Ouest Cameroun
sur les réactions paysannes aux propositions de structuration de leur milieu (Fongang,
1998). En effet, il était apparu que les principales attentes des paysans vis-à-vis des
organismes de développement agricole (y compris les organisations paysannes)
étaient :
- la commercialisation des produits
- le financement des activités agricoles
- l’encadrement technique
- la formation
Par ailleurs, si les mots « appui » ou « accompagnement » sont beaucoup
évoqués par les organismes dits « d’appui » pour parler de leurs rôles, chez un certain
nombre d’agriculteurs, il signifie un don de moyens financiers53.
Comment pouvoir donc saisir le rôle des organismes du secteur agricole ?
Comment comprendre leurs interactions avec les agriculteurs, analyser les processus à
l’œuvre ainsi que leurs dynamiques ? Pour y répondre, nous avons donc fait le choix
de recourir à la notion de services à l’agriculture.
b) La notion de services à l’agriculture : signification et usage
Pour cerner précisément l’apport des organismes de développement agricole,
nous considérons le développement agricole comme des processus d’amélioration
qualitative et quantitative de la production agricole destinée à satisfaire des besoins
sociaux (alimentation, lutte contre la famine, etc) ou financiers (accès) à des marchés
compétitifs. Ces processus pouvant être conditionnés par l’accès à de meilleurs
moyens de production, par le renforcement des capacités des agriculteurs, une
meilleure gestion technique de la production agricole, etc. Au cours de tels processus,
il y a des interactions impliquant les acteurs du secteur agricole entre eux et parfois
d’autres partenaires en dehors. Les organismes de développement agricole sont
mobilisés à l’occasion de ces processus.
53 Cf. l’exemple des pisciculteurs à Fokoué (Partie III).
70
Parmi les synonymes du mot service figurent les mots « intervention »,
« contribution », « bénéfice » (Henri Bertaud Du Chazaud, 1996). Le Petit Larousse
Illustré (2006) définit le service comme « un travail déterminé effectué », « ce que l’on
fait pour être utile ». Dans un processus de développement agricole et en rapport avec
l’action des organismes de développement agricole, la notion de service pourrait aider
à préciser le travail qu’ils effectuent, ce qu’ils font effectivement pour contribuer au
processus de développement agricole auquel ils participent. Selon d’autres auteurs
(Nguyen et Renard, 1999 ; Wampfler, 2003), les services à l’agriculture renvoient à
des domaines aussi diversifiés que le développement et la vulgarisation de nouvelles
techniques agricoles, la production et la vente d’intrants agricoles, la collecte et la
commercialisation de la production, le financement des campagnes agricoles et de
l’équipement, et la formation professionnelle. Cette définition reprend les services à
l’agriculture énumérés par Carney (1998) ou par Griffon et Hilmi (1998) :
- La production des semences, de fertilisants et de pesticides ;
- La commercialisation des intrants et de l’équipement agricole ;
- Les services vétérinaires et les services de prévention des maladies touchant les
végétaux ;
- La collecte et la commercialisation de la production ;
- Les services de financement et d’assurance ;
- La recherche ;
- La vulgarisation, la formation professionnelle, le conseil de gestion et les services
d’information ;
- La régulation et l’établissement des réglementations.
Hill (1977) et Gadrey (1992) ont proposé des définitions formalisées des
services basées sur la reconnaissance du rôle essentiel de l’utilisateur. Gadrey (1994)
définit une « relation de service » qui implique un acte de service réalisé au travers
d’interactions directes entre le prestataire et le client et un processus de modification
d’une réalité. Mercoiret (1994) assimile la notion de service à l’appui aux producteurs
ruraux et en dégage quatre composantes permanentes, à savoir : la planification locale,
le diagnostic, l’expérimentation en milieu paysan et le suivi évaluation. Pour cet
71
auteur, l’appui naît en réponse à trois préoccupations permanentes dans tous les
programmes d’appui aux producteurs : la formation des producteurs (l’information, la
formation technique, la formation à la gestion), l’organisation des producteurs et la
négociation des contrats entre acteurs. Dans la même optique, sept axes d’approche du
développement rural permettent une meilleure analyse de la notion d’appui aux
producteurs ruraux, à savoir : la vulgarisation et le conseil d’exploitation, la gestion
des ressources naturelles, la gestion des produits, la gestion des équipements collectifs,
le financement du développement local, le développement au féminin et le secteur non
agricole (commerce, production des biens et services).
Ainsi, les services à l’agriculture viennent en réponse aux problèmes ou aux
besoins du monde agricole, à savoir : un besoin énorme et constant d’information, une
aspiration renouvelée à la formation, une implication dans la gestion de l’encadrement
et de l’aide aux activités du secteur agricole et à la sécurité alimentaire jugée
inexistante ou insuffisante, un manque ressenti de promotion et de valorisation, une
attente de meilleures conditions de vie et de sécurité, un besoin de protection contre
l’instrumentalisation et la manipulation du monde agricole (Bopda et al., 1998).
L’analyse des services passe donc par l’étude des besoins qui peut être articulée autour
des questions suivantes : qui a besoin du service ? Comment et sous quelle forme offrir
le(s) service(s) ? Quel(s) service(s) proposer ? (Mercoiret, 1994 ; Marzin, 2004). Il
s’agit également de s’intéresser au contenu technique, au suivi des coûts et à la
définition des profils et des besoins des producteurs.
Parmi les acteurs de développement agricole figure l’Etat intervenant à travers
ses diverses composantes. Son intervention peut être considérée comme résultant de
l’arbitrage entre le libéralisme aveugle et le dirigisme autoritaire. Dans cette
perspective, son intervention en matière de développement agricole devrait lui
permettre de prendre en charge des activités socialement rentables ou relevant de la
souveraineté alimentaire et qui ne peuvent être laissées à l’initiative privée ou locale
(Centre Universitaire de Dschang, 1984). De ce point de vue, on aurait donc des
services financièrement rentables pour l’initiative privée et d’autre qui ne le seraient
pas. L’une des questions qui peut donc se poser est celle de savoir à qui reviendraient
des services non rentables pour le privé en situation de désengagement de l’Etat. La
72
même source indiquait qu’au niveau de la production agricole, on notait une absence
de participation des paysans à la décision. Enfin, elle invitait à ne pas intervenir dans
les domaines où l’agriculteur serait lui-même efficace. Cette invitation évoque ainsi les
questions de pertinence et d’opportunité des interventions, ou mieux, des services
offerts.
Labarthe (2006) considère le conseil agricole comme une relation de service. Il
analyse la mutation des dispositifs de conseil suite aux restrictions budgétaires et au
souci de facturer certains services à l’agriculteur dans les contextes allemand,
néerlandais et français. Il observe que cette privation peut conduire à exclure certains
agriculteurs de l’accès à des connaissances stratégiques. De même, on peut craindre,
suite au désengagement de l’Etat dans les pays africains, que bien des agriculteurs ne
puissent accéder à des services essentiels dont les coûts seraient hors de leur portée.
Lémery (2006) étudie le conseil agricole, expression qui désigne les méthodes
de vulgarisation employées en France depuis 1959. Pour cet auteur, cette démarche se
trouve affectée par les évolutions du développement agricole « qui ne saurait plus être
assimilé à un simple appareil au service d’une politique entièrement prédéfinie ». En
effet les nouveaux défis qui s’imposent au développement agricole54 ont profondément
affecté la fonction de conseil qui consistait en un relais de savoir-faire et de politiques
entièrement prédéfinis. Lémery parle d’un appel au dépassement du modèle
diffusionniste par celui d’accompagnement. L’agriculture est appelée à s’adapter en
répondant aux nouvelles demandes sans que soit connu ce à quoi il faut s’adapter. Le
conseil est donc fortement influencé par ce contexte d’incertitude et Lémery évoque
des approches de conseil allant plus dans le sens de l’accompagnement que de la
prescription. L’auteur décrit plusieurs types de fonctions du conseil qui correspondent
à certains des services à l’agriculture : le conseil juridique, le conseil financier, le
conseil en matière d’informatique, le conseil technique et technico-économique, le
« conseil global » ou « conseil stratégique ».
Billaud (2006) analyse ce qu’il appelle la « facilitation » à propos de la mise en
place de la directive habitat. Selon lui, « la facilitation consiste à construire des
interactions cadrées au profits d’agents en situation d’interdépendance ». Il s’agit
54 Cf. les limites du modèle productiviste, en particulier pour les questions environnementales et sociales.
73
d’un travail réflexif, une « réflexion prospective » dit l’auteur, entrant dans le registre
de l’anticipation. Or, au Cameroun comme dans plusieurs pays, l’intervention de l’Etat
en agriculture a très souvent porté sur la vulgarisation comme moyen de faire adopter
par des producteurs des techniques mises au point par la recherche agronomique, à
l’aide d’un dispositif d’encadrement organisé à différentes échelles géographiques
(Mercoiret, 1994). La facilitation va-t-elle occuper désormais une place dans le travail
des services de vulgarisation dans le nouveau contexte où ce qu’il convient de faire, de
développer comme système de production, est à inventer ? Est-elle une variante de ce
que les organismes de développement agricole appellent « accompagnement » ou
« appui » ?
Très souvent, relevons le, l’encadrement agricole camerounais était resté dans le
prolongement de l’héritage colonial et était centré sur des objectifs quantitatifs de
production des cultures d’exportation. Cet encadrement assurait en général une offre
de services intégrée. Toutefois, vers les années 90, il a subi l’influence des
changements socioéconomiques, notamment la libéralisation et le désengagement de
l’Etat. Ce nouveau contexte de libéralisation exige des producteurs ruraux qu’ils
s’organisent afin de mettre en place certains services dont ils ont besoin et de négocier
avec les autres acteurs privés. Or, dans le même temps, pour faire face à la
concurrence régionale et internationale, ils doivent améliorer les performances
technico-économiques de leur système de production. En quoi et comment cette
reconsidération de l’environnement socioéconomique a-t-elle entraîné une
recomposition des services à l’agriculture ? Telles sont nos préoccupations à ce sujet et
en lien avec notre problématique.
Dans le cadre de cette recherche, nous entendons par services à l’agriculture
tout apport identifiable d’un acteur du secteur agricole, ou bien de tout partenaire
extérieur, bénéfique à un ou plusieurs autres acteurs du secteur (paysans, leurs
organisations, etc), ayant in fine un impact significatif sur les objectifs du bénéficiaire
et partant sur l’amélioration des performances globales du processus de
développement agricole. Cet apport peut être relié à un besoin ou un manque exprimé
ou non par le bénéficiaire.
74
2- Les concepts de système agraire et de système de production
L’une des dimensions de l’agriculture bamiléké concernée par cette recherche
est l’agriculture elle-même au sens de l’art de mobiliser et de combiner des facteurs de
production dans le cadre d’un objectif fixé. Il peut s’agir directement de productions
(végétales ou animales) ou bien indirectement de biens sociaux (paysages ou d’autres
aménités). La question qui nous préoccupe, en lien avec la dynamique de l’agriculture
bamiléké telle que définie ci-dessus, est d’étudier les principales productions (cultures
ou élevages) ayant pris la place du caféier au sein des exploitations agricoles de la
région en se basant sur le fait déjà vérifié que le caféier y a perdu sa primauté. Dans la
même perspective, nous nous interrogeons sur les implications ou enjeux d’un tel
changement pour les ressources telles que la main d’oeuvre, la terre, le capital, etc.
Enfin, la rentabilité financière des exploitations actuellement observées sera aussi prise
en compte.
Pour cette analyse, nous allons recourir aux concepts de système agraire et de
système de production. Ne faisant pas une étude strictement agronomique portant par
exemple sur les techniques culturales et les luttes phytosanitaires, notre orientation est
limitée quant à l’usage de ces concepts. Il s’agit de nous en servir pour analyser dans
une perspective historique les principales transformations qui se sont produites dans
l’agriculture locale étudiée. Aussi, nous utiliserons le concept de système agraire pour
saisir le contexte local conditionnant les choix des paysans et l’évolution de
l’agriculture : le relief, les sols, la végétation, le peuplement humain, etc. Ensuite, en
nous situant au niveau de l’agriculteur et de son système de production, il sera
question d’appréhender les principales productions qui ont émergé, d’analyser leurs
performances économiques en lien avec la capacité pour les familles paysannes à en
vivre.
Mais avant, que devons nous entendre par système agraire ? Que signifie
systèmes de production ?
a) Le concept de système agraire
Deffontaines (1973) situe l’analyse de l’évolution passée et de la situation
actuelle de l’agriculture d’une région comme une étape importante du diagnostic pour
75
des choix d’orientations futures. La compréhension d’une agriculture à une telle
échelle exige que soient prises en compte toutes les composantes de celle-ci et aussi
celles de son environnement qui influencent les choix. En effet, si dans une
exploitation l’agriculture peut être saisie comme un ensemble de productions et de
moyens de productions nécessaires, à l’échelle d’une région donnée, elle est composée
d’un ensemble d’exploitations agricoles dont la différenciation suggère de prendre en
compte, pour toute perspective d’analyse, les facteurs de leur milieu environnant. Il
s’agit des éléments significatifs qui président aux choix et aux décisions finales de
l’agriculteur, conditionnant l’évolution de son exploitation et opérant une
différenciation de trajectoire avec les autres. D’ailleurs, dans une telle perspective,
Deffontaines et Osty (1977) écrivent : « […] il existe des espaces dans lesquelles les
relations des exploitations entre elles et avec l’environnement présentent des
caractéristiques particulières et s’organisent en systèmes que nous appelons systèmes
agraires ». Ce concept de système dépasse ainsi l’exploitation et se situe à l’échelle
d’une zone géographique plus vaste et ces auteurs constatent une interaction entre les
caractéristiques de l’environnement et celles des exploitations agricoles.
Traitant du système agraire, Vissac (1979) le conçoit comme « l’expression
spatiale de l’association des productions et techniques mises en œuvre par une société
en vue de satisfaire ses besoins. Il exprime en particulier l’interaction entre le système
bio-écologique représenté par le milieu et un système socio-culturel, à travers des
pratiques issues notamment de l’acquis technique ». Cette définition donne une place
importante à la société locale comme opérateur des choix techniques. Ainsi, le système
agraire résulte bien de choix faits par des hommes en prenant en compte les réalités de
l’exploitation et de l’environnement. La diversité des systèmes agraires serait donc due
à la fois à la diversité bioécologique des territoires et aux différences socioculturelles
des hommes. Dans un même environnement socioculturel, on pourrait ainsi noter une
différenciation de systèmes agraires en fonction de leur localisation géographique.
Mazoyer (1986) situe le concept de système agraire dans le cadre de l’analyse
des changements de processus de production agricole et des formes d’exploitation à
une échelle spatiale et temporelle plus vaste. Il le définit comme « un mode
d’exploitation du milieu historiquement constitué et durable, un système de forces de
76
production adapté aux conditions bioclimatiques d’un espace donné et répondant aux
conditions et aux besoins du moment ». Cette conception met en avant le poids de
l’histoire dans la détermination des caractéristiques d’un système agraire : à un
moment donné, celui-ci est une condensation historique de modes d’exploitation du
milieu par des sociétés humaines. De ce point de vue, la compréhension des systèmes
agraires nécessite une perspective historique pour décrypter les adaptations
successives des modes d’exploitation dans le temps.
Reboul (1976), quant à lui, accorde une primauté au système économique et
social. Il conçoit les systèmes agraires comme des « manifestations géographiques du
système économique et social global dans la mise en valeur, à des fins agricoles ou
forestières du sol ». De ce point de vue, le système agraire est déterminé par le
système économique et social et il est ainsi fonction du type d’appropriation du sol, du
caractère marchand ou non de l’économie, etc.
Si chez ces auteurs, un consensus existe selon lequel le système agraire est
l’expression spatiale du mode de mise en valeur des terres, ils divergent sur les
facteurs qu’ils considèrent comme étant déterminants : le contexte socioculturel, le
système économique et social, les caractéristiques bioécologiques du milieu, les
besoins sociaux, etc. Par ailleurs, si le système agraire fait référence à un objet réel
observable chez des auteurs comme Deffontaines (1973), il est conceptualisé chez
d’autres comme un moyen de compréhension d’une agriculture localisée.
Dans cette dernière perspective, Mazoyer et Roudart (2002) précisent qu’un
système agraire est un outil « intellectuel qui permet d’appréhender la complexité de
chaque forme d’agriculture et de rendre compte, à grands traits, des transformations
historiques et de la différenciation géographique des agricultures humaines ». C’est
bien ainsi que nous situons notre recours au concept de système agraire dans cette
recherche. Faisant une analyse d’une agriculture régionale, celle-ci inclut dans notre
compréhension le contexte social et culturel, le système économique et social, les
conditions biophysiques locales, les acteurs du secteur agricole et leurs configurations.
Une telle conception se rapproche selon nous de celle de Mazoyer et Roudart (2002)
pour qui l’agriculture est composée d’un écosystème cultivé et d’un système social
productif. Ce dernier, encore appelé par les auteurs système technique, économique et
77
social, est composé des moyens humains, des équipements et instruments de travail,
des moyens vivants à savoir les plantes et les animaux domestiques.
b) Le concept de système de production
Le concept de système de production sera utilisé pour rendre compte des
évolutions de l’agriculture à l’échelle de l’exploitation agricole. Cette dernière
mobilise des moyens (main d’œuvre, terre, capital, intrants, etc.) pour atteindre des
objectifs de production devant permettre de satisfaire les objectifs de l’unité de
production. Dans les cas étudiés, il s’agit bien souvent de la satisfaction des besoins
familiaux et de la recherche de revenu. Selon Devienne et Wybrecht (2002), l’étude
des systèmes de production permet de « formuler des hypothèses quant aux
perspectives d’évolution des exploitations, d’identifier et de hiérarchiser les problèmes
rencontrés par les agriculteurs pour mettre en lumière les conditions auxquelles ils
pourraient modifier leurs pratiques ».
Reboul (1976) définit le système de production comme « un mode de
combinaison entre terre, forces et moyens de travail à des fins de production végétales
et/ou animales, commun à un ensemble d’exploitations ». Il s’agit donc d’une méthode
de caractérisation d’exploitations agricoles d’une région donnée, méthode qui se base
sur une différenciation en fonction de la manière dont celles-ci combinent les moyens
de production.
Selon Jouve (1984), l’exploitation agricole comprend plusieurs composantes :
les moyens de productions disponibles, le système de gestion, le système technique de
production, les objectifs du chef d’exploitation, et les productions végétales et
animales. Ces composantes sont en interaction avec les contraintes et les possibilités
physiques de l’exploitation, celles de l’environnement socioéconomique et celles du
groupe familial. Pour cet auteur, l’évolution de l’exploitation agricole est le fait non
seulement des moyens mobilisés et des systèmes qui déterminent la manière de les
utiliser, mais elle prend également en compte d’autres facteurs qui lui sont extérieurs
et qui concourent à déterminer son évolution.
Pour Dufumier (1985), qui s’inscrit dans la suite des analyses de Sebillotte
(1976), le terme système invite à comprendre les relations entre les différents éléments
78
qui composent le système de production. L’auteur considère que celui-ci est composé
de systèmes de culture et de systèmes d’élevage. Chez ces deux auteurs, un système de
culture se définit par l’évolution de son peuplement végétal, les itinéraires techniques,
la reproduction de la fertilité. Le système d’élevage, quant à lui, se caractérise par le
type de troupeau, la variation d’effectif, les processus de sélection, de reproduction,
d’alimentation, d’hygiène, etc.
Finalement, dans le cadre de notre recherche, nous retiendrons la définition que
donnent Cochet et al (2002) : « Le système de production peut donc être défini comme
la combinaison dans l’espace et dans le temps des ressources disponibles de
l’exploitation agricole et des productions animales et végétales. Il constitue une
combinaison organisée, plus ou moins cohérente, de divers sous-systèmes : systèmes
de culture, systèmes d’élevage et systèmes de transformation. »
Conclusion
Ce chapitre nous a permis de nous doter d’un cadre d'analyse et des bases
théoriques, en particulier grâce au concept de dispositif et à la notion de services à
l'agriculture, mais aussi avec celles de dynamiques de concertation, de système agraire
et de système de production.
Dans la première partie du chapitre, ce concept de dispositif est étudié chez une
dizaine d'auteurs qui en donnent des interprétations diversifiées, mais presque toutes
semblent présenter une base commune qui nous sert de définition. Un dispositif est un
ensemble hétérogène de composantes humaines (acteurs, groupe d'acteurs), de
composantes matérielles (ressources naturelles, machines, …) et de composantes non
humaines et immatérielles (idéologies, représentations, règles, ressources financières,
etc.). Ces composantes sont en interaction entre elles et avec des facteurs de
l'environnement du dispositif, ces processus d'interaction produisant des changements
observables.
Les dispositifs peuvent donner lieu ou non à des dynamiques de concertation
interne ou externe qui sont constitués par tous les processus impliquant des acteurs
individuels et collectifs amenés à tenter de coopérer autour de questions ou d’enjeux
79
pouvant affecter leurs activités en vue d'atteindre un objectif global auquel chacun
concourt.
La question des services aux agriculteurs est au cœur de notre sujet et, comme
nous venons de le voir, ces services sont constitués des apports identifiables d’un
acteur du secteur agricole, ou bien de tout partenaire extérieur, bénéfique à un ou
plusieurs autres acteurs du secteur (paysans, organisations d’agriculteurs, etc.) et
contribuant ainsi au développement agricole.
Nous utiliserons le concept de système agraire pour saisir le contexte local
conditionnant les choix des paysans et l’évolution de l’agriculture. Selon une
conception proche de celle de Mazoyer et Roudart (2002), le système agraire d’une
région inclut pour nous le contexte social et culturel, le système économique et social,
les conditions biophysiques locales, les acteurs du secteur agricole et leurs
configurations.
La notion de système de production sera utilisée pour rendre compte des
évolutions de l’agriculture à l’échelle de l’exploitation agricole et en se basant sur la
définition que donnent Cochet et al (2002) : « Le système de production peut donc être
défini comme la combinaison dans l’espace et dans le temps des ressources
disponibles de l’exploitation agricole et des productions animales et végétales ».
80
Chapitre III
Les hautes terres bamiléké et les politiques agricoles
camerounaises
Ce chapitre traite du pays Bamiléké et son contexte. Il présente ainsi la région
concernée par cette recherche. Par ailleurs, le concept de dispositif qui sert de cadre
d’analyse de notre recherche indique, comme nous l’avons vu précédemment, un lien
entre le dispositif ou certaines de ses composantes et le contexte plus global au sein
duquel il se trouve (courants de pensée, acteurs en interaction avec le dispositif, autres
dispositifs, etc). Ainsi est-il donc pertinent de comprendre le contexte camerounais au
sein duquel se trouve le pays Bamiléké. En effet, celui-ci fait partie du Cameroun et
son agriculture dépend, comme nous allons le voir, des stratégies de développement
agricole décidées au niveau national et très généralement mises en oeuvre à partir de
là. Dès lors, analyser les mutations du secteur agricole bamiléké nécessite de bien
saisir les stratégies de développement national sous l’emprise desquelles son
agriculture et ses acteurs évoluent.
Comme nous allons le montrer, le secteur agricole continue d’avoir un rôle
socioéconomique important au Cameroun. Jusqu’en 1985, l’intervention de l’Etat était
assez forte à travers la création d’agro-industries et de Projets/Missions de
développement chargés de promouvoir des cultures spécifiques par région du pays et
d’assurer le développement des régions ainsi couvertes. A partir de 1987, la crise
économique qu’a connue le Cameroun va entraîner la privatisation et dans certains cas
la fermeture de ces structures sur lesquelles s’appuyait le développement agricole du
pays.
Dans un premier temps, nous localisons le Cameroun et présentons ses
principales caractéristiques. Nous y situons le pays Bamiléké francophone, notre zone
d’étude. Ensuite un bref historique du développement économique du Cameroun
permet de relever les principales stratégies de développement agricole depuis
l’indépendance du pays en 1960 jusqu’à nos jours, et en ressort ainsi au niveau
national les facteurs influençant l’évolution du secteur agricole bamiléké.
81
I- Le Cameroun : Localisation et caractéristiques générales
1- Localisation
Pays d'Afrique subsaharienne, le Cameroun est situé en Afrique centrale. Il
couvre une superficie de 475 402 km² (INS, 2003). Il fait la jonction entre l'Afrique
équatoriale au Sud et l'Afrique tropicale au Nord. Il constitue aussi une transition entre
l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique Centrale. La carte ci-dessous localise le Cameroun au
sein du continent africain en le situant par rapport aux autres pays.
Carte 3 : Localisation du Cameroun au sein du contient africain
Source : Adaptation de l’auteur à partir de wikipedia (2008)
2- Populations
En 1987, la population camerounaise était de 10 493 655 habitants dont 50,8 %
de femmes d’après le recensement général de la population et de l'habitat (rgph) de
82
cette année-là.55. Cet effectif résultait d’un accroissement au taux moyen annuel de
2,9% entre 1976 et 1987. 37,3% de la population camerounaise vivait en milieu urbain
en 1987, contre 62,7 % en milieu rural (2eme rgph, Cameroun/FNUAP, 1987). En
2006, le Cameroun compterait 16,7 millions d’habitants. Sa population rurale
représenterait alors 45 % de la population totale (Banque Mondiale, 2007). Ceci révèle
tout à la fois un rapide processus d’urbanisation et un probable exode rural ou plutôt
une préférence pour la ville comme lieu de résidence. Cette situation suscite d’ailleurs
des interrogations sur la possibilité pour les populations de vivre en milieu rural et d’y
trouver des ressources nécessaires.
Par ailleurs, l’indice numérique de pauvreté national était de 40,2 % en 2001
avec un pourcentage élevé en milieu rural de l’ordre de 49,9 % contre 22,1 % en
milieu urbain (FAO, 2006). La pauvreté est ainsi plus rurale qu’urbaine au Cameroun.
Cette situation interpelle d’autant plus que 40 % de la population camerounaise, c'est-
à-dire un peu moins de la moitié de la population, vit en deçà du seuil de pauvreté
(Banque Mondiale, 2007). Ces pauvres se trouvent donc majoritairement en milieu
rural. Cette situation suscite une curiosité quant à la compréhension des processus
socioéconomiques affectant ou déterminant les transformations sociales et les
conditions de vie en milieu rural camerounais. Les activités économiques en milieu
rural méritent ainsi d’être davantage étudiées.
A ce jour, dans la population active occupée au Cameroun, on compte 66 %
d’agriculteurs, d’éleveurs, de chasseurs et de pêcheurs (Gouvernement camerounais,
2008). Quoique les villes comptent désormais un peu plus d’habitants que le milieu
rural, la proportion de la population active occupée est plus grande en milieu rural
qu’en ville. Ce pourcentage considérable révèle le poids significatif du secteur agricole
55 Le Cameroun a réalisé le troisième recensement général de la population et de l'habitat en 2005. Les résultats de cette opération ne sont pas encore rendus officiels à ce jour, le coût de cette opération ayant été d’environ 8,5 milliards de F CFA. Seuls les résultats du recensement général de la population et de l'habitat réalisé en 1987 sont officiels. Ce sont ces résultats qui servent très souvent de base pour les estimations et projections démographiques. Cependant, de l’avis des démographes, ces données devraient normalement être utilisées pour des estimations sur une période maximale de 10 ans, c'est-à-dire de 1987 à 1997. En effet, au delà de cet intervalle de temps, plusieurs facteurs sont susceptibles de modifier considérablement le taux de croissance de la population.
83
comme « gros employeur »56. Il démontre la nécessité de se préoccuper du devenir de
ce secteur d’activité et surtout des personnes qui y sont engagées, et ce dans un
contexte soumis à des changements socioéconomiques importants.
En 2008, la population camerounaise est estimée à 18 467 692 habitants
donnant ainsi une densité de 38,8 habitants au km2 (Statistiques mondiales, 2008), les
projections prévoient une population de 20 millions d’habitants en 2010. Toutefois les
densités connaissent une forte disparité régionale, par exemple la région du Nkam,
dans la province du littoral, a des densités inférieures à 14 habitants au km2 alors que
des régions telles que le pays Bamiléké et les monts Mandara dans le Nord connaissent
de fortes densités de l’ordre de 100 habitants au km2. Ce considérable accroissement
de la population pose la question de la sécurité alimentaire à moyen et à long terme
d’une population toujours en augmentation57.
Le Cameroun compte cinq groupes ethniques (Bantous, Semi Bantous,
Soudanais, Hamites, Sémites). Les bamiléké font partie des Semi Bantous. Avec cette
diversité ethnique, le Cameroun compte au total plus de 230 dialectes ou langues
locales (EDS, 2004).
3- Organisation administrative et territoriale
L’organisation administrative du Cameroun comprend : la province, le
département, l’arrondissement, le district. Le Cameroun comptait en 2006 : 10
provinces, 50 départements, 270 arrondissements et 54 districts (INS, 2006). Il est
aussi organisé sur le plan territorial en communes. Le processus de décentralisation
administrative au Cameroun prévoit plusieurs échelons de collectivité territoriale
(région et commune), mais à ce jour, seules les communes existent. La mise en place
des régions est espérée dans un avenir assez proche et les conseils régionaux devraient
donc être créés. La province de l’Ouest, constituée du pays Bamiléké et du pays
56 Que cette proportion de la population soit occupée par ces activités est un fait, mais ceci ne doit certes pas occulter la question de savoir si ces emplois permettent à cette population d’obtenir des ressources minimales pour une vie décente. 57 John May, démographe « Afrique » à la Banque mondiale, estime que la croissance démographique forte actuellement observée en Afrique va se poursuivre au cours du XXI eme siècle (avec actuellement un taux d’accroissement annuel de l’ordre 2,5 %, la population du continent noir a été multipliée par 7 au XX eme siècle). Jean Pierre Guengant, Directeur de recherche à l’IRD, précise que l’impact démographique du SIDA y a été surévalué et qu’aucun de ses pays ne va voir sa population diminuer. (Source : Journal Le Monde, Dimanche 16-Lundi 17 décembre 2007, Article « Afrique : le grand rattrapage démographique »).
84
Bamoun aura un conseil régional. La carte ci-après présente les principales provinces
du Cameroun et localise le pays Bamiléké.
Carte 4 : Carte du Cameroun avec la localisation des provinces et du pays Bamiléké
Il existe au Cameroun des communes urbaines et des communes rurales selon
que la zone couverte est rurale ou urbaine. On comptait 305 communes rurales en
2005 (wikipedia, 2008). Ces communes correspondent très souvent aux
arrondissements.
Toutefois, cette organisation administrative et cette structuration territoriale se
sont opérés dans un contexte antérieurement caractérisé par un découpage en
chefferies. A l'origine, ces chefferies traditionnelles étaient des micros Etats ou des
Etats vassaux datant de la période précoloniale. Elles ont des spécificités sur le plan de
leurs organisations et leurs fonctionnements dépendent de chaque contexte
socioculturel local. Par exemple, on retrouvera les lamidats dans le Nord (avec les
lamido à la tête), les chefferies (avec les Fô à la tête) dans l’Ouest (cf. p 49), les
Kingdom (avec les Fon à la tête) dans le Nord Ouest anglophone, le Sultanat (avec le
Sultan à la tête) dans le pays Bamoun.
85
Sur le plan politique, le Cameroun a renoué avec le multipartisme en février
1991, suite à une série de revendications populaires en 1990 pour la démocratie et la
liberté. Il y’a à ce jour plus de 180 partis politiques dont moins d’une dizaine occupent
le devant de la scène politique en étant représentés à l'Assemblée nationale.
4- Diversité agroécologique
Qualifié d’ « Afrique en miniature », le Cameroun est caractérisé par une forte
diversité agroécologique. On y distingue :
1- Les hauts plateaux de l’Ouest (Province de l’Ouest et du Nord ouest) avec une
altitude moyenne supérieure à 1100 m. C’est ici que se situe le pays Bamiléké.
C’est un contexte favorable à la caféiculture et au maraîchage.
2- La zone soudano-sahélien (Provinces de l’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême-
Nord) qui est une région de savanes et de steppes. Les principales productions
agropastorales sont : l’élevage bovin, la culture du coton, de l’oignon, du mil,
de la pomme de terre, de l’igname blanche et de l’arachide.
3- La zone de hautes savanes guinéennes.
4- La zone de forêts humides à pluviométrie monomodale en région maritime
(zone côtière).
5- La zone de forêts humides à pluviométrie bimodale en région équatoriale
(Centre, Sud, Est).
86
II- Le pays Bamiléké dans l'Ouest Cameroun
La province de l’Ouest Cameroun est la moins vaste des dix provinces du
Cameroun. Elle couvre une superficie de 13 982 km2. Elle compte 8 départements, à
savoir : Les Bamboutos, le Haut Nkam, Les Hauts Plateux, Le Koung Khi, la Menoua,
La Mifi, le Ndé, Le Noun. Cette province compte au total 33 arrondissements et quatre
districts. Le département du Noun qui constitue le pays Bamoun occupe à lui seul 55%
de la superficie de la province. Les autres départements couvrent le reste de la
province et constituent le pays Bamiléké francophone (cf. Carte 4 : Carte du Cameroun
avec la localisation des provinces et du pays Bamiléké, p.84)
L’Ouest Cameroun est constitué de hauts plateaux entourés de plaines
périphériques. Une chaîne de massifs domine le relief avec en particulier le Mont
Bamboutos qui culmine à 2 700 m.
Le climat est de type tropical humide avec deux saisons, une saison pluvieuse
qui va de Mars à Octobre et une saison sèche qui couvre le reste de l’année. La
végétation est globalement dominée par une savane herbeuse au sommet des collines,
des raphias et des forêts –galeries dans les bas-fonds.
L’Ouest Cameroun est caractérisé par une démographie en forte évolution : son
taux d’urbanisation qui était de 22,4 % en 1976 s’élevait à 39,6 % en 1996 avec une
projection de 50 % en 2010.
Au rang des contraintes de cette région, il y a la petite taille des exploitations
agricoles, l’exode rural et le lessivage des sols, trop sollicités pour la production
agricole. Un des enjeux sur le plan agricole est l’augmentation de la productivité
agricole dans le cadre d’un développement durable (PNUD, 2000).
Dans le cadre de cette thèse, Galim et Fokoué (Cf. p.44) ont fait l’objet
d’enquêtes approfondies auprès d’agriculteurs et sont situées respectivement dans les
départements des Bamboutos et de la Menoua (Carte 4 : Carte du Cameroun avec la
localisation des provinces et du pays Bamiléké, p.84) à 110 km de distance. Le
département des Bamboutos compte 4 arrondissements dont Galim, celui de la
Menoua en compte 5 parmi lesquels Fokoué.
87
III- L’évolution des stratégies de développement agricole au Cameroun
Cette section analyse l’évolution des stratégies de développement agricole au
Cameroun de 1960 à nos jours.
L’agriculture reste une composante importante de l’économie camerounaise. La
valeur ajoutée de l’agriculture en pourcentage du PIB était de 22 % en 2000, 20 % en
2005 et 2006 (Banque Mondiale, 2008). Malgré cette variation dans le temps, cette
valeur ajoutée est restée un peu supérieure au 1/5 du PIB. Par ailleurs, comme nous
l’avons relevé plus haut, le secteur rural camerounais compte encore près de la moitié
de la population camerounaise (45%). En 2010, estime la FAO (2008), 47,38% de la
population totale économiquement active le sera en agriculture. En ayant une
contribution significative à l’économie nationale, le secteur agricole occupe ainsi près
de la moitié de la population active camerounaise et joue donc un rôle
socioéconomique considérable.
Le Cameroun a accédé à l’indépendance politique en 1960. Depuis cette date,
l’histoire économique du Cameroun a connu deux phases importantes : une période
généralement dite faste, qui va jusqu’en 1985, une période de crise économique depuis
1985 avec un début de relance à partir de 1995 où le taux de croissance redevient
positif.
1- La période faste post indépendance (1960-1985)
L’une des caractéristiques majeures de l’économie camerounaise pendant cette
période est le taux de croissance annuel moyen du Produit Intérieur Brut (PIB)58 de
l’ordre de 7% en termes réels. En effet, alors que ce PIB était de 3 146 millions dollars
américains en 1965, il est de 6 339 millions dollars américains en 1980. Cet
accroissement du PIB est le fait d’une économie exportatrice de matières premières
agricoles et de pétrole. Par exemple, alors qu’il exportait 93 600 tonnes de cacao et
48 800 tonnes de café en 1965, le Cameroun en exporte respectivement 110 620
tonnes et 92 460 tonnes en 1975 (FAO, 2008)59.
58 Voir FMI ou INS (Institut National de la Statistique, Cameroun) 59 Selon la même source, en 2000, la Cameroun a exporté 88 970 tonnes de café et 106 660 tonnes de cacao.
88
La politique économique de cette période est fondée sur la planification et le
cadre de cette approche fût des plans quinquennaux. Il s’agissait donc d’objectifs de
développement que se fixait l’Etat sur une période de cinq ans. Le Cameroun a connu
cinq plans quinquennaux successifs de 1961 à 1991. Le 6eme Plan quinquennal sera
abandonné après deux années d’exécution (1986 et 1987) du fait des difficultés
financières de l’Etat et de la mise en place du Plan d’Ajustement Structurel avec le
FMI.
Durant la période des Plans Quinquennaux, c'est-à-dire de 1960 à 1987, la
stratégie de développement agricole est caractérisée par une forte intervention de
l’Etat. En effet, dans le prolongement de l’administration coloniale, l’Etat camerounais
s’est investi dans la promotion des cultures d’exportation. Ces principales cultures
sont : la cacao, le café arabica et robusta, le caoutchouc naturel, le coton graine, la
banane d’exportation, l’huile de palme, le thé. Pour le jeune Etat indépendant, ces
cultures sont sources de devises60 et procurent d’importantes recettes comme en
témoigne l’évolution du PIB du pays. L’intervention de l’Etat se fait par une
généralisation du recours aux organismes publics et parapublics pour assurer le
développement de certaines régions du pays. Il s’est agi de la création d’agro-
industries et de projets/missions de développement. Dans le premier cas, ce sont des
entreprises agricoles publiques ou parapubliques exploitant des superficies sur
lesquelles une main d’oeuvre salariée est mobilisée (Annexe 10). L’entreprise est
gérée par des cadres nommés par l’Etat et dispose d’une main d’oeuvre qualifiée
constituée de techniciens.
Dans le pays Bamiléké, on relève seulement la présence de quelques
exploitations de thé de la société Cameroon Development Corporation (CDC).
Plusieurs de ces agro-industries sont situées dans les provinces du Littoral et du Sud
Ouest. On peut penser que l’implantation de ces sociétés prenait en compte les
exigences agro-écologiques des cultures et la proximité du port de Douala (ville
portuaire et capitale de la province du littoral) pour l’évacuation de la production et
l’acheminement des matières premières. Par ailleurs, avec des densités de populations
60 Pendant cette période, les produits agricoles d’exportation représentaient plus de 50% de la valeur des exportations du pays.
89
élevées, le pays Bamiléké et son relief de montagnes n’était sans doute pas l’endroit
idéal pour disposer de suffisamment de terres pour les agro-industries.
Un autre mode d’intervention fut celui des Projets ou Missions de
développement. Dans une région donnée, l’Etat créait un projet chargé de promouvoir
une culture d’exportation adaptée au contexte local et d’assurer le développement de la
région. Les paysans étaient alors mobilisés pour cultiver sur leurs propres parcelles,
mais avec l’encadrement de l’équipe technique du projet. Cet encadrement portait sur
différents aspects : l’approvisionnement en intrants, le financement, l’encadrement
technique, la commercialisation. Ce fut le cas par exemple pour la SODECAO (cacao),
la SODECOTON (coton). La particularité du pays Bamiléké et de toute la province de
l’Ouest fut l’existence de l’Union Centrale des Coopératives Agricoles de l’Ouest
Cameroun sur laquelle l’Etat s’est s’appuyé dans le cadre de cette stratégie.
L’Etat a mené des actions de promotion des cultures vivrières dans les années
70 dans le but d’assurer l’approvisionnement des villes. Ici aussi, l’Etat est intervenu
par la création de missions et de sociétés de développement. Nous pouvons citer la
MIDEVIV 61 chargée d’améliorer la qualité du matériel végétal des cultures vivrières,
la SODERIM, la SEMRY, l’UNVDA62.
Durant cette période, les cultures d’exportation étaient devenues les principales
sources de revenu des populations dans les zones où elles étaient promues. Dans
l’Ouest Cameroun où la plupart des paysans étaient planteurs de café, les revenus issus
de la vente du café représentaient plus de 50 % des revenus monétaires annuels de ces
planteurs (Recensement agricole, 1984).
2- A partir de 1985, la crise économique
A partir de 1985, 25 ans après l’indépendance politique du Cameroun, la
stratégie s’est révélée inefficace et à la limite destructrice pour l’économie nationale.
Les entreprises ainsi créées ont fonctionné suivant des logiques administratives, sans
souci de rentabilité. Elles se sont constituées en réservoir de clientélisme politique. 61 Mission de Développement des Cultures Vivrières, crée en 1973. 62 SEMRY : Société d’Exploitation et de Modernisation de la riziculture de Yagoua crée en 1972; SODERIM : Société de Développement de la Riziculture de la plaine de Mbo crée en 1973; UNVDA : Upper Noun Valley Development Authority créée en 1970,
90
Plusieurs d’entre elles ont enregistré des performances économiques désastreuses (cf.
annexe 12)
A partir de 1985, l’économie camerounaise entre donc dans une phase de
récession. Son PIB, qui avait atteint 9 903 millions de dollars américains en 1985, fut
de 8 792 millions de dollars américains en 1990 (Perspectives Monde, 2008). En effet,
les cours mondiaux des produits agricoles d’exportation notamment le café, le cacao et
le coton ont connu de fortes baisses63 et le dollar a aussi été déprécié par rapport au f
cfa64 conduisant à une perte sur la valeur des recettes pétrolières. L’économie
camerounaise a enregistré des taux de croissance annuel de -2,14 en 1987 contre 6,77
% en 1986 (Perspectives Monde, 2008). Ce taux a été d’ailleurs négatif de 1987 à
1994.
a) Le Cameroun sous Ajustement Structurel
Avec une économie en crise, le Cameroun croule sous le poids d’importantes
dettes. La dette totale de l’Etat, qui représentait 35,5% de son PIB en 1990, est de
70,57 % du PIB en 1993 et atteint 154,08 % en 1994 (Perspectives Monde, 2008). Le
Cameroun fut mis sous Ajustement Structurel à partir de 1988 par les institutions de
Bretton Wood. Il s’agit d’un programme d’austérité consistant en la réduction des
dépenses publiques et donc en une révision du rôle de l’Etat. Les logiques de sa
stratégie future furent la libéralisation et le désengagement. L’Etat s’est orienté vers la
création d’un cadre stratégique pour l’initiative privée, la prise de mesures de
privatisation en vue de réduire les gaspillages et de promouvoir une gestion plus
efficiente. Il opéra deux baisses des salaires de la fonction publique : une première fois
en janvier 1993, une deuxième fois en novembre 199365.
Sur le plan agricole, la mise sous ajustement structurel a conduit au retrait de
l’Etat de la plupart des services qu’il assumait avant. De nouvelles options ont fait
63 Le cours moyen mondial du café arabica qui était de 1953 f cfa / kg en 1985 baisse à 782 f cfa en 1987. Celui du Cacao qui était de 1039 f cfa / kg en 1985 baisse à 760 f cfa le kg en 1986. Le cours moyen mondial du café robusta qui était de 1094 f cfa / kg en 1986 sera de 651 f cfa / kg en 1987. 64 La valeur du dollar est passée de 235 f cfa en 1980 à 470 f cfa en 1980/1985 et est retombée ensuite à 265 f cfa en 1991. 65 Epargnées lors de la première baisse, les forces armées et la police ont été concernées par la deuxième.
91
l’objet de la nouvelle politique agricole élaborée en 1990. Les principales orientations
formulées par le gouvernement et contenues dans les documents officiels sont :
-la responsabilisation plus accrue des producteurs
-la diversification de la production
-la privatisation progressive des activités de développement de l’agriculture.
Ces orientations interviennent ainsi dans un contexte d’incapacité financière de
l’Etat à poursuivre sa logique interventionniste.
On peut donc se demander si l’appel à responsabilisation des agriculteurs n’est
pas plutôt une manière pour l’Etat de demander aux agriculteurs de se débrouiller pour
s’assumer notamment en organisant ou en recherchant par eux-mêmes les services
dont ils ont besoin, en cette période de crise. N’est-ce pas un abandon de la prise en
charge des services aux agriculteurs que l’Etat n’a plus les moyens d’assurer ?
Jusqu’en 1985, avec les cours mondiaux relativement élevés des produits
d’exportation, l’Etat intervenait fortement dans les filières agricoles d’exportation
(encadrement technique, subvention, commercialisation, etc.). En 1976, il avait
d’ailleurs mis en place l’Office National de Commercialisation des Produits de Base
(ONCPB) à travers lequel des prélèvements constituaient des fonds lui permettant,
entre autre actions, d’intervenir dans le secteur agricole. Vers 1990, l’ONCPB se
désengage de certaines opérations de commercialisation66.
b) L’initiative Pays Pauvre Très Endetté (PPTE) et la remise de la dette (de
1996 à nos jours)
En 1996, la Banque Mondiale et le Fond monétaire international ont engagé
l’initiative « Pays Pauvre Très Endetté » dont le but est d’alléger les dettes des pays
confrontés à une charge de remboursement excessive. Il s’agit d’une action concertée
mobilisant la communauté internationale, y compris les institutions multilatérales et
les autorités nationales, afin de ramener ces dettes à un niveau supportable.
66 En 1990, le passif de l’ONCPB dépassait 100 milliards de f cfa alors qu’en 1985, il présentait des réserves de stabilisation de 200 milliards de f cfa (ONDOA MANGA, 2006).
92
A partir de 1999, le FMI et la Banque mondiale ont mis en place le dispositif
DSRP (Document de stratégie de Réduction de la Pauvreté) obligeant les
gouvernements des pays devant faire l’objet d’allégements de la dette à définir des
programmes macro-économiques, structurels et sociaux dont la mise en œuvre devait
permettre de promouvoir la croissance et de réduire la pauvreté. Cette disposition
s’inscrit ainsi dans la logique des Objectifs du Millénaire pour le Développement
arrêtés par les Nations Unies en septembre 2000. Ce DSRP, élaboré par pays, constitue
après approbation le cadre de l’action gouvernementale et un repère pour les
financements internationaux.
En raison de sa situation d’endettement, le Cameroun a été concerné par
l’initiative PPTE. Sa politique de développement a été définie dans le cadre du DSRP
adopté en avril 2003 par les autorités camerounaises et approuvé par le FMI et la
Banque Mondiale en juillet de la même année. Ce DSRP a une composante DSDSR
(Document de Stratégie de Développement du Secteur Rural) qui définit le cadre de
l’action de l’Etat en matière de développement agricole et rural. L’Etat camerounais
lui a assigné un objectif de croissance soutenue, durable et équitable à travers quatre
axes d’intervention qui sont :
- accroître l’offre des produits alimentaires
- créer des revenus équitablement distribués
- assurer la compétitivité des produits
- valoriser les ressources naturelles
Les principaux axes directeurs d’intervention contenus dans ce DRSP sont :
- moderniser l’appareil de production
- restructurer le cadre institutionnel
- construire un environnement incitatif
- gérer durablement les ressources naturelles
La modernisation de l’appareil de production est conçue d’une part en terme
d’amélioration de la productivité des exploitations agricoles par une intensification
raisonnée et d’autre part par l’accroissement des performances des filières. On peut
93
toutefois se demander comment des exploitations familiales à équipements
rudimentaires vont pouvoir soutenir la compétition dans un environnement désormais
globalisé où de tels agriculteurs vont être en concurrence avec des agriculteurs
modernes et très équipés d’autres régions du monde. Quelles dispositions de politique
agricole vont protéger ces agriculteurs par rapport au marché mondial avec des
produits à bas prix en provenance de grands pays producteurs ?
Par ailleurs, le DSDSR prévoit la poursuite du désengagement de l’Etat des
services à l’agriculture avec prise en charge de ceux-ci par le privé.
Sur le plan opérationnel, cette stratégie se traduit au niveau du ministère de
l’agriculture par l’élaboration et la mise en place de grands projets par filière agricole,
encore en cours actuellement (Cf.). C’est le cas par exemple du programme maïs ou du
programme de relance de la filière plantain.
Ce sont des projets dont l’étude de faisabilité est centralisée par des experts des
services centraux du ministère de l’agriculture, et comme nous le verrons par la suite,
les niveaux provinciaux ont juste un rôle d’intermédiation dans la réalisation à travers
certains cadres des services provinciaux et départementaux du ministère de
l’agriculture qui sont désignés comme représentants et très souvent appelés « points
focaux provinciaux et départementaux ». De tels projets risquent de coûter chers pour
de faibles résultats, comme les « éléphants blancs » (cf. note 16, p.112) de la période
post indépendance. D’importantes proportions des ressources de ces projets sont
affectées à leur fonctionnement, l’appui direct aux producteurs étant très souvent
marginalisé alors que ceux-ci ne disposent que d’outils rudimentaires et de très peu de
ressources financières pour leurs activités. A titre d’illustration, en 2005, sur un budget
total de 26 501 300 000 f cfa (40 398 323 euros), 23 451 300 000 f cfa (357 489 320
euros) soit 88,5 % sont affectés au fonctionnement et seulement 3 050 000 000 f cfa
(4 649 390 euros) à l’investissement (Budget du ministère de l’agriculture).
94
Les chefs d’Etat africains avaient pourtant pris l’engagement de consacrer plus
de ressources au financement de l’agriculture67 lors de leurs assises à Maputo en 2002.
Cet engagement, baptisé « Déclaration de Maputo », devait se traduire par une
affectation d’au moins 10 % du budget publique à l’agriculture. Or l’évaluation faite
en Mai 2008 (Fongang, 2008), montre que, depuis 2002, l’Etat camerounais a consacré
moins de 3% de son budget annuel à l’agriculture tel que l’atteste le tableau ci-après :
Tableau 2: Dépenses publiques agricoles effectives du Cameroun de 2001/2002 à 200668
Année budgétaire 2001/2002 200369 2004 2005 2006
Totale dépenses de
l’Etat (en milliards
de F CFA)
1 386, 7 1 378, 2 1 345, 1 1 476, 1 1 529, 1
Pourcentage affecté
à l’agriculture 70
2,30 3,58 2,91 2,18 2,37
Source : Fongang (Rapport sur l’évolution des dépenses agricoles au Cameroun, NEPAD-Union Africaine-FAO, 2008)
Conclusion
Ainsi, la stratégie de développement agricole au Cameroun a changé en
fonction de l’évolution globale de l’économie nationale. La période faste d’après
l’indépendance « 1960-1985 » a été celle d’une forte intervention de l’Etat à travers
des entreprises agricoles publiques et parapubliques, des Missions et Projets de
développement. L’action de l’Etat a privilégié les cultures d’exportation introduites
par l’administration coloniale. Celles-ci ont apporté d’importantes devises avec une
contribution significative au PIB. L’encadrement agricole était organisé et assuré par
l’Etat à travers le déploiement d’équipes techniques. Les agriculteurs avaient dès lors 67 Il est vrai que les dépenses agricoles globales peuvent s’accroître sans que ceci ne traduise forcement une augmentation des investissements productifs ayant un réel effet sur la production et les revenus des agriculteurs. 68 Les données intègrent les ressources PPTE (Pays Pauvre Très Endetté). -Les dépenses sont celles ayant fait objet de règlements. -Pour 2003, la loi de règlement nous fournit uniquement pour chaque ministère les dépenses récurrentes, les investissements et les ressources PPTE sont données sur le plan global. Nous avons estimé les dépenses sur la base des prévisions en investissements et en ressources PPTE, en leur appliquant le taux de réalisation pour le total des investissements et le taux de réalisation pour le total des ressources PPTE. Ceci reste donc une estimation assez approximative. 69 A partir de 2003, l’exercice budgétaire va de janvier à décembre. 70 L’agriculture désigne ici : les productions végétales, les productions animales, la pêche et la forêt.
95
un rôle et surtout une responsabilité relativement réduite car les services à l’agriculture
relevaient des structures mises en place par l’Etat : approvisionnement, financement,
commercialisation.
Avec la crise économique à partir du milieu des années 80, l’Etat a été
confronté à l’obligation de réduire ses dépenses en se trouvant dans une situation
d’endettement insupportable. Il a revu son rôle au niveau général de l’économie avec
comme principales orientations : la libéralisation, la privatisation et le désengagement.
Au niveau agricole, l’Etat se retire de la plupart des services autrefois assumés
(encadrement technique, financement, commercialisation, etc) et encourage
l’émergence d’acteurs privés et de dynamiques paysannes pour assurer désormais ces
activités.
Le Cameroun a désormais pour cadre de référence en matière de politique
publique le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) qui contient
une composante Document de Stratégie de Développement du Secteur Rural (DSDSR)
situant son action en matière agricole dans le cadre de l’initiative PPTE de la Banque
mondiale et du Fonds Monétaire International. En retrait depuis le début de la crise
économique, l’Etat camerounais va toutefois initier de grands projets à partir de 2000 :
programme Maïs, projet de protection du verger café cacao, programme de relance de
la filière plantain, etc.
Cette évolution révèle donc comment le contexte international, notamment la
baisse des cours mondiaux, la dépréciation du dollar américain, l’intervention des
institutions de Breton Wood déterminent l’évolution du contexte national et en
deviennent un des principaux régulateurs. Le secteur agricole à l’échelle d’une région
du pays s’en trouve influencé particulièrement par les évolutions de prix et donc de
volume de production des produits agricoles, notamment ceux destinés à l’exportation,
et aussi à travers les changements de stratégie de développement agricole et leurs
retombées pour les différents acteurs du développement agricole.
Quelles sont donc les conséquences pour les composantes d’un tel dispositif,
notamment les agriculteurs et les autres partenaires du développement agricole ? Que
deviennent les agriculteurs engagés dans les cultures d’exportation désormais sans
mesures de protection et dans un marché libre et concurrentiel ? Quelles alternatives
96
pour les paysans bamiléké confrontés à l’effondrement des prix du café ? Et, dans un
tel contexte de marché, quel mode de prise en charge des services assurés autrefois à
travers l’encadrement de l’Etat, par qui et à quel coût ?
Conclusion de la partie I
Le pays Bamiléké, composé de sept départements de l’Ouest Cameroun,
présente aujourd'hui une agriculture assez diversifiée après qu'elle ait été très orientée
vers le café jusqu'aux environs de 1985.
En centrant cette thèse sur la question suivante : comment les acteurs du secteur
agricole bamiléké ont évolué suite aux crises des années 80 et 90, et en se basant sur la
notion de dispositif, cette recherche dispose d'un cadre conceptuel pour décrire et
analyser la situation et les rapports des acteurs de ce secteur agricole.
Pour explorer cette question, un travail bibliographique et surtout 100 entretiens
et 75 questionnaires ont été réalisés auprès des différentes catégories d'acteurs au
niveau national, régional et surtout local à Fokoué et à Galim. Il s'agit de deux
arrondissements (ou communes, unités territoriales de base au Cameroun) dans
lesquels une centaine d'enquêtes ont été réalisées. Fokoué a une population de 17 000
habitants et 3 000 familles agricoles tandis que Galim compte 30 000 habitants et
6400 familles agricoles.
97
PARTIE II
LA RECOMPOSITION DU PAYSAGE D’ACTEURS DU
SECTEUR AGRICOLE BAMILEKE
98
Introduction
Cette partie porte sur les acteurs du secteur agricole du pays Bamiléké. Notre
choix de traiter de cette partie avant celles relatives aux agriculteurs et aux productions
agricoles découle de notre option théorique à savoir le choix du concept de dispositif
comme cadre de notre analyse. En effet, celui-ci postule une influence de facteurs plus
globaux sur les situations locales. La connaissance du contexte permet de mieux
comprendre des facteurs susceptibles d’intervenir à l’échelle locale. Ainsi, comme
nous l’avons vu précédemment (Partie I), les stratégies de développement agricole au
Cameroun sont jusqu’ici le fait de structures centrales se déployant ensuite aux
échelons inférieurs sous diverses modalités. Observons aussi que ce contexte régional
est un cadre explicatif dont un certain nombre d’aspects est approfondi dans cette
thèse, mais dont d’autres ne le sont pas. Ces derniers représentent des thèmes de
recherche pour des travaux ultérieurs (s’inscrivant ainsi dans notre projet scientifique)
qui peuvent trouver ici un certain cadre de cohérence et d’interprétation.
La notion de paysage d’acteurs71 est utilisée pour représenter les protagonistes
du secteur agricole dans le contexte géographique du pays Bamiléké. Cette notion
s’apparente à celle de champ au sens de Bourdieu (2002)72, en ce sens qu’elle fait
référence à des acteurs relevant d’un même secteur, mais ici aussi d’un même espace
géographique. A la différence des observations de Bourdieu sur les champs, et au
niveau d’analyse auquel nous nous situons, nous n’anticipons pas sur les
comportements des acteurs, par exemple en terme de concurrence ou de compétition.
La notion de paysage d’acteurs renvoie simplement à des acteurs (individuels ou
collectifs) d’un secteur d’activité dans un contexte géographique délimité et pouvant
potentiellement être en interaction les uns avec les autres. Ce paysage d’acteurs est
considéré comme structuré par les interactions entre ceux-ci, notamment les types de
relation entre eux, l’absence de relation en étant une variante. Dans la suite de ce texte,
71 Cette notion n’apparaît pas dans la bibliographie consultée, mais son introduction nous parait utile pour designer une « série » d’acteurs sans préjuger des relations qu’ils entretiennent. Cf. les différences que Jean-Paul Sartre établit entre la « série », une juxtaposition d’individus, et le groupe caractérisé par des interactions et un objectif commun. J.P. Sartre, 1960, Critique de la raison dialectique, Gallimard, Paris (p. 306-307) 72 Dans l’ouvrage Questions de sociologie (Bourdieu, 2002), le chapitre intitulé « Quelques propriétés des champs » est un texte qui fut exposé par l’auteur à l’Ecole normale supérieure en novembre 1976.
99
nous utiliserons le terme de partenariat pour designer aussi ces relations. La notion
même de paysage d’acteurs ainsi conçue implique sa caractérisation sur la base des
types d’interaction ou de partenariat entre acteurs considérés.
Jusqu’aux environs de 1985, trois acteurs principaux dominent le secteur
agricole bamiléké dans un dispositif marqué par une forte intervention de l’Etat,
régulateur de celui-ci et qui est composé de cet Etat, de l’UCCAO73, et des « notables
planteurs »74. Cet ensemble est fondé sur une relation d’intérêt, de complicité, de
domination et d’exploitation, tenue par l’Etat qui exerce des prélèvements sur les
revenus des planteurs et une forte main mise sur la coopérative, (Ch.4).
A partir du milieu des années 80, le dit dispositif va subir les conséquences d’un
contexte macroéconomique soumis à des changements importants, en particulier, la
crise de la filière café, l’ouverture des marchés, la libéralisation de la
commercialisation des intrants et produits agricoles, le retrait de l’Etat. On a à faire à
un nouveau paysage d’acteurs caractérisé par une segmentation du dispositif antérieur
et l’entrée en scène de nouveaux acteurs. Nous présentons alors ceux-ci et analysons
leurs rôles ainsi que les interactions qui caractérisent désormais le secteur agricole
bamiléké (Ch. 5).
Le chapitre 6 traite des quatre types de dispositif promus respectivement par
l’UCCAO, les commerçants d’intrants et de produits agricoles, le secteur associatif
(ONG et associations) et l’Etat. Il analyse les relations entre ces dispositifs.
La conclusion de cette partie esquisse une synthèse des évolutions passées, des
rapports de pouvoir, des enjeux et des perspectives des dynamiques à l’œuvre au sein
du secteur agricole bamiléké, et ceci à l’échelle régionale.
Cette partie s’appuie à la fois sur la bibliographie existante, sur les enquêtes
conduites pour cette thèse de 2005 à 2008 et sur notre expérience professionnelle des
années 1996 – 2008.
Plusieurs publications existent sur la caféiculture camerounaise pour la période
1920-1980 dont certaines concernent l’UCCAO (cf. chapitre 1 ci-dessous). Mais,
73 Union Centrale des Coopératives Agricoles de l’Ouest Cameroun. 74 Ou plutôt des notables parmi ces planteurs. L’emploi du terme notable se rapproche ici de celui qu’en fait Mendras (1995), mais dans un contexte tout à fait différent de la France. Il fait ici référence au rôle de médiation joué par certains planteurs entre l’Etat-parti et les paysans devenus presque tous planteurs de café.
100
depuis 1990, à l’exception des publications de Guillermou (2003, 2005, 2007), très peu
d’études publiées traitent des dynamiques associatives paysannes du pays Bamiléké
considérées dans le contexte plus global des acteurs du secteur agricole de la région. Et
nous serons donc amenés à nous appuyer sur des données résultant de nos entretiens et
de certaines sources statistiques.
Le secteur commercial agricole du pays Bamiléké, né du désengagement de
l’Etat et de la libéralisation, est très peu connu. Aucune étude ou recherche ne le
concerne sauf celle de Hatcheu (2006) qui l’aborde en traitant du marché et des
marchands de vivres à Douala. Nos enquêtes, assez limitées et pionnières dans une
certaine mesure, sont donc sujettes à des limites méthodologiques et d’organisation.
Cependant leurs résultats donnent une idée de l’importance capitale de ce secteur et
tentent d’en décrypter les mécanismes et le positionnement dans le contexte plus
global du secteur agricole.
L’action des ONG et des OP75 est celle qui est la moins mal connue, en
particulier grâce aux travaux de Prod’homme (1993) et du réseau GAO76, de Njonga et
Dikongué Matam (1996), de Fongang (1998), de Guillermou (2003, 2007), de
Guillermou et Kamga (2004), de Fongang et al (2008). C’est aussi à leur sujet que nos
enquêtes et nos connaissances sont les plus approfondies. Mais nous pensons avoir
montré que leur importance qualitative et quantitative est beaucoup plus limitée qu’on
ne le croit souvent. Notre travail est aussi de ce point de vue une des premières bases
d’évaluation de ce qui a été le plus souvent traité dans la littérature du seul point de
vue d’une innovation dont il s’agissait de présenter l’émergence et de décrire les
composantes.
Les structures et l’action de l’État par rapport à l’agriculture recouvrent deux
domaines distincts : celui des services permanents du ministère de l’agriculture et du
développement rural (et aussi certains de ceux du ministère en charge de l’élevage, du
ministère du Commerce et du ministère de l’administration territoriale) et par ailleurs
les structures particulières des grands projets des années 2000. Nous nous sommes
75 Rappelons que nous désignons ainsi les organisations paysannes. 76 Le réseau GAO, fut crée en 1987. C’était un réseau d’échange et de réflexion sur les organisations paysannes en Afrique subsaharienne. Nous pensons ici à l’un de ses textes que nous considérons comme un des principaux sur les OP en Afrique sub-saharienne : Les organisations paysannes et rurales : des acteurs du développement rural en Afrique sub-saharienne, Pesche D. et Diagne D., 1995, Réseau GAO, Paris, 84 p.
101
appuyés sur les travaux de Tchala Abina et al (1994), Kamga (2008) relatives aux
structures de vulgarisation agricole mises en place avant les années 2000. Les grands
projets démarrés à partir des années 2000 n’ont encore fait l’objet d’aucune analyse
publiée et nous en esquissons certains aspects en nous appuyant sur des enquêtes
approfondies que nous avons conduit auprès des coordinations de ces projets à
Yaoundé, de leurs représentations régionales dans la province de l’Ouest Cameroun et
de leurs organisations paysannes partenaires.
102
Chapitre IV
Jusqu’à la crise en 1985, un dispositif à trois acteurs
Comme nous le verrons par la suite (Partie III), en 1920, l’agriculture bamiléké
est dominée par le petit élevage et par l’agriculture vivrière. Ce petit élevage concerne
principalement la chèvre, le porc et le poulet local. Il est réalisé essentiellement par les
hommes. L’agriculture vivrière est pratiquée par les femmes et concerne l’arachide, le
maïs, le macabo, etc. La culture du caféier a été introduite dans la région à partir de
1920 et a connu un succès remarquable.
Ce chapitre porte sur le paysage d’acteurs du secteur agricole du pays Bamiléké
avant la crise du milieu des années 80. Nous montrons comment la période de
prospérité de la filière du café à partir des années 1920 et surtout après 1950, a suscité
des dynamiques coopératives de plus en plus importantes qui vont conduire à la
création, en 1958, de l’Union des Coopératives de Café Arabica de l’Ouest
(UCCAO)77, seule organisation des agriculteurs de la région jusque vers 1990. Celle-ci
était chargée non seulement de toute cette filière, mais aussi du développement rural
de la région (section 1).
Cette prospérité a permis à l’Etat camerounais d’établir un dispositif Etat –
UCCAO – « notables planteurs », dispositif qui était sous l’emprise de l’Etat et
fonctionnait comme un système. La dynamique coopérative s’est appuyée sur la
structuration sociale que la caféiculture a contribué à perpétuer et même à renforcer en
servant les intérêts du parti-Etat, reposant sur la base d’une alliance entre le pouvoir
politique, la bureaucratie et « des notables locaux » (section 2).
Mais dès le milieu des années 1980, la chute des prix du café entraîne une crise
de la filière à tous ses niveaux : national, UCCAO, coopératives départementales
(section 3).
.
77 De nos jours, UCCAO veut dire Union Centrale des Coopératives Agricoles de l’Ouest Cameroun.
103
I- L’UCCAO organise les agriculteurs Bamiléké et obtient une
mission de développement régional
Il nous parait important de distinguer deux périodes contrastées : jusque vers
1950, la culture du café est réservée aux européens et aux notables ruraux camerounais
qui étaient alliés du pouvoir colonial. Comme on le verra, ce fut un moyen de
promotion économique et sociale de ces privilégiés, occasionnant ainsi des
revendications de libéralisation de la caféiculture par et pour les autres agriculteurs.
Pendant les années 1950, ces revendications vont bénéficier des contestations
politiques pour l’indépendance et alors la culture du café deviendra possible pour tous
ceux qui avaient la terre et la main d’œuvre pour en faire. C’est aussi à cette période
que les coopératives caféières se réorganisent et sont conduites à créer l’UCCAO en
1958.
1- Jusqu’aux années 1950, la caféiculture conforte les inégalités
Vers 1920, les essais de l’agronome français Marcel Lagarde montrent que la
région est propice à la culture du caféier arabica. A partir de 1923, celle-ci est d’abord
pratiquée par des exploitants européens dans la localité de Dschang (Kamga, 2002) et
sa diffusion est hautement contrôlée par l’administration coloniale. Grangeret (1994)
observe en effet que, en 1952, sur une production totale de 1966 tonnes de café
arabica, 1308 tonnes, soit encore environ 66%, provenaient des exploitations détenues
par des européens.
Le café ainsi cultivé faisait l’objet d’importants enjeux économiques, sociaux et
politiques. En effet, son expansion devint remarquable après la deuxième guerre
mondiale avec la période de croissance généralisée des années 1950-1970 et, comme
on va le voir, il se révéla être à la fois une source d’enrichissement et un levier
insoupçonné de renforcement des inégalités sociales.
Pour les « indigènes », il fallait obtenir une autorisation administrative pour
pratiquer cette culture. Le contrôle était assez rigoureux et les contrevenants
sévèrement punis, comme le décrit Dongmo (1981) : « Avant d’accorder l’autorisation
de créer une plantation, les autorités envoyaient un moniteur de culture sur le terrain
104
proposé pour s’assurer qu’il était de bonne qualité. On veillait à ce que le nombre de
plants autorisé ne soit pas dépassé ; en cas de fraude, l’excédent était arraché et le
coupable condamné à l’amende ou à l’emprisonnement. Un arrêté du 9 septembre
1935 rendait obligatoire l’entretien des caféiers. Désormais les planteurs dont les
plantations seraient trouvées envahies par les mauvaises herbes ou portant des
cultures vivrières, seraient fouettés, soumis à l’amende ou même jusqu’à la prison ».
Un enquêté âgé nous le confirme en ces termes : « j’ai vu des gens arrêtés,
bastonnés et payer des amendes pour avoir associer une autre culture dans les
parcelles de caféiers ». De plus, Champaud (1969) ajoute que « l’administration
coloniale avait jusqu’alors freiné l’extension de cette culture par crainte de voir le
pays Bamiléké, déjà très peuplé, souffrir de disette si l’on plantait du café dans les
zones réservées aux cultures vivrières ». L’accès à la culture du café est donc sélectif.
Tous nos enquêtés parlent du caractère discriminatoire de cette sélection que
l’administration coloniale utilisait pour servir ses alliés. En effet, l’autorisation de
pratiquer la caféiculture était donnée aux personnes qui soutenaient l’administration
coloniale : « Bien entendu pour obtenir les faveurs de cette administration et pratiquer
la caféiculture, il fallait donc lui faire allégeance », explique un enquêté.
Cette caféiculture a servi à perpétuer l’hégémonie des chefs et des notables,
propriétaires de l’essentiel des terres devenues source d’enrichissement avec
l’économie caféière, principale voie d’intégration de la région dans l’économie
marchande. En effet, la culture du café arabica est exigeante en main d’œuvre
notamment pour la récolte, le lavage après dépulpage, le séchage et le tri. Un nombre
élevé d’épouses et d’enfants permettait de disposer d’une main d’œuvre conséquente
que nourrissait l’agriculture vivrière pratiquée par les femmes. Comme nous l’avons
indiqué par ailleurs, dans les ménages polygamiques en pays Bamiléké, chaque femme
et ses enfants constituent une espèce de micro-famille au sein de la grande famille et
s’organisent pour se prendre en charge avec souvent une faible contribution du mari
(Fongang, 1998). Ceci encourageait d’une certaine façon l’homme à avoir plusieurs
femmes et des enfants qui lui servaient de main d’œuvre pour une culture dont il gérait
les revenus.
105
Pour ces producteurs privilégiés, les revenus issus du café permettaient de
scolariser les enfants qui de ce fait pouvaient plus tard faire partie de l’administration
coloniale, acquérant ainsi aux yeux de la communauté le statut privilégié que donnait
l’appartenance à cette bureaucratie par rapport au reste de la société d’alors.
Les revenus de la caféiculture permettaient aussi d’améliorer l’habitat et les
moyens d’existence. En particulier, à travers les revenus procurés par le café, il était
possible de doter de nouvelles femmes et d’acquérir de nouvelles terres. Par ailleurs,
les revenus du café donnaient aussi la possibilité de faire des dons aux chefs, d’obtenir
leurs faveurs et de maintenir ainsi sa promotion sociale ou d’en gravir de nouvelles
étapes.
Les nombreux paysans exclus étaient mécontents de ne pouvoir accéder à la
culture du café. En particulier, dans les années 1950, sont apparues des revendications
pour la libéralisation de la culture du café. Ces mouvements trouvaient pour catalyseur
les revendications d’indépendance politique78 du Cameroun. Ainsi, même sans
autorisation, la culture du café prenait des proportions considérables. Un enquêté
responsable technique dans l’une des coopératives membre de l’UCCAO précise
d’ailleurs : « Même comme on arrêtait les gens pour les bastonner ou les mettre en
prison, les plantations ne faisaient qu’augmenter ». Ceci est d’ailleurs confirmé par les
statistiques montrant l’évolution considérable des superficies en caféiers de la
province. En 1958, c'est-à-dire deux ans avant l’indépendance du Cameroun, on
comptait 43.956.800 caféiers contre 4.410.886 en 1941 (Dongmo, 1981), soit près de
dix fois plus.
2- La naissance des coopératives caféières et de l’UCCAO
Cette extension de la culture du caféier entraîna avec elle le développement
d’activités de collecte et de vente. En effet, le planteur n’assurait que la récolte, le
dépulpage et le séchage. Deux coopératives de collecte et de vente se mirent en place
en 1932/1933 : la Coopérative Agricole des Planteurs Bamiléké de Café d’Arabie
(CAPBCA) à Dschang et la Coopérative des Planteurs Bamoun du Café d’Arabie 78 Le parti politique KOUMZE, créé par M. DJOUMESSI Mathias (chef du village de Foréké dans l’arrondissement de Dschang), encourageait ce mouvement dans le cadre des luttes d’indépendance politique du Cameroun.
106
(CPBCA) à Foumban (proche du pays Bamiléké). C’étaient « les coopératives des
blancs », comme le dit un enquêté, car elles collectaient et vendaient du café produit à
cette époque-là, comme on l’a vu, en majorité par les exploitants européens. Sur la
lancée des revendications pour la libéralisation de la culture du caféier, une deuxième
coopérative est créée vers 1948 sur l’initiative de syndicalistes : la COOPérative de
COLlecte et de Vente (COOPCOLV). Ces deux courants coopératifs ont co-existé et
connu des adhésions croissantes. Les exploitants européens, devenus minoritaires,
perdirent le contrôle de la CAPBCA et créèrent la COOPAGRO en 1947.
A l’instigation de l’Etat, cinq autres coopératives virent le jour dans les cinq
autres départements de la province de l’Ouest. Par exemple, dans le département des
Bamboutos, la COPCAM (Coopérative des Planteurs de Café Arabica de Mbouda) fut
fondée et elle deviendra plus tard, en 1978, la Coopérative Agricole des Planteurs du
Bamboutos (CAPLABAM). La CAPBCA demeura présente dans son département
d’origine, la Menoua, avec pour chef lieu Dschang.
Le 17 octobre 1958, ces coopératives départementales se sont unies pour créer
l’Union des Coopératives de Café Arabica de l’Ouest, l’UCCAO, qui est chargée de la
vente, chaque coopérative restant autonome et assurant la collecte, l’usinage du café et
l’encadrement des planteurs. En 1961, l’UCCAO obtint de l’Etat, conjointement avec
la COOPAGRO, le monopole de l’exportation du café Arabica.
En 1975, la COOPCOLV et la CAPBCA, qui existaient concomitamment dans
le département de la Menoua, ont fusionné et donné naissance à la Coopérative des
Planteurs de la MENOUA (COPLAME) qui deviendra ensuite la Coopérative Agricole
des Planteurs de la Menoua (CAPLAME). Selon certains enquêtés, l’une des raisons
de la fusion de la COPCOLV et de la CAPBCA était le souci de réduire les charges de
collecte en mutualisant les moyens. Il reste que ceci se réalisa à travers une décision de
l’Etat. Notons qu’en 1975, mis à part la Coopérative du Noun, les six autres
coopératives du pays Bamiléké comptaient 54.703 membres79.
Au total, la caféiculture, à cause des revenus procurés aux producteurs, a été
pratiquée par certains agriculteurs privilégiés de l’Ouest-Cameroun à partir des années
1920. La généralisation de cette culture a eu lieu dans les années 1950 et a alors
79 Total obtenu sur la base des chiffres donnés par Dongmo (1981)
107
bénéficié aussi à de nombreux agriculteurs « moyens » et « petits ». Sa
commercialisation, notamment la collecte, le conditionnement et l’exportation, ont
suscité une dynamique coopérative qui fut d’abord l’œuvre d’exploitants européens et
a donné naissance en 1958 à l’Union des Coopératives de Café Arabica de l’Ouest, la
principale structure coopérative de la région.
3- L’UCCAO : une coopérative avec une mission de développement
régional
Née ainsi du succès remarquable de la caféiculture, l’UCCAO s’est imposée
comme un outil efficace de collecte et de vente de la production caféière de ses
producteurs. Avec les bénéfices générés, elle s’occupait de l’approvisionnement en
engrais, de la formation et de l’encadrement technique de ses membres80. Comme on
l’a vu, les revenus qu’offre la caféiculture, et donc la possibilité d’améliorer ses
conditions de vie et de scolariser les enfants, ont amené une large proportion des
paysans de la région à devenir des planteurs de caféiers et ceci d’autant plus que
l’action de l’UCCAO porta notamment aussi sur l’habitat : les paysans reçurent des
crédits en nature (tôles et ciment) pour améliorer leurs maisons.
L’UCCAO et ses coopératives étendirent le champ de leurs actions et
s’investirent aussi dans le développement socioéconomique de la région. Ces actions
portaient sur la création et l’entretien des pistes rurales, l’électrification villageoise, la
construction d’écoles, etc. En 1975, l’Union des Coopératives de Café Arabica de
l’Ouest changea d’ailleurs de nom pour devenir l’Union Centrale des Coopératives
Agricoles de l’Ouest Cameroun : l’UCCAO et ses coopératives ne se présentaient plus
seulement comme des coopératives de caféiculteurs, mais comme des coopératives
d’agriculteurs81.
L’UCCAO acquit ainsi un rayonnement82 qui lui permit de se voir confier
d’importants projets de développement de la région. En 1978, ce fut le cas du Projet de
Développement Rural de la Province de l’Ouest Cameroun (PDRPO) qui fut cofinancé
80 Certes dans un système mis en place et contrôlé par l’Etat à travers l’office de commercialisation. 81 Ce qui illustre bien ce que relève Rambaud (1976) au sujet du changement de nom : « Les changements de noms signifient toujours des modifications dans les fonctions remplies par un groupe ». 82 Les relations avec l’Etat, autre raison, sont abordées ci-dessous.
108
par la Banque mondiale et le Fonds International de Développement Agricole et dont
la gestion et l’exécution lui furent attribuées par l’Etat camerounais. Ledit projet
comportait plusieurs activités dont le « renforcement et l’équipement d’une Direction
de la Production au sein de l’UCCAO qui se chargera de la vulgarisation, de la lutte
phytosanitaire, de la multiplication des semences, de la formation et enfin des essais et
démonstrations sur le terrain » (UCCAO, 1985). Des activités non agricoles étaient
aussi prévues dont « la construction d’environ 220 points d’eau susceptibles
d’approvisionner 18.000 familles » (UCCAO, 1985). C’est un projet dont le
financement total s’élevait à 25 millions de dollars américains. Voilà donc l’UCCAO
gestionnaire d’un projet de développement régional et de ce fait amenée à créer et
renforcer des services nécessitant un effectif important de personnel avec de lourdes
charges de fonctionnement.
L’UCCAO a ainsi acquis un ancrage régional et un rayonnement certain en
devenant, plus qu’une coopérative de commercialisation du café, une structure de
développement régional. Ceci se fit toutefois dans une relation assez ambiguë avec
l’Etat si bien qu’elle faisait désormais partie d’un dispositif plus englobant : UCCAO-
ETAT-ONCPB, comme nous allons le voir.
L’UCCAO et ses coopératives sont donc l’objet d’une intervention de l'État qui
leur confie une mission de développement régional de l'Ouest Cameroun. Ce faisant,
l’UCCAO acquiert ainsi le statut hybride de coopérative exerçant en plus une mission
de développement. En tant que coopérative, il s'agirait d'une structure gérée par les
producteurs et dont l'objet devrait concerner principalement la collecte et la vente du
café comme ce fut initialement le cas. L'exécution des projets de développement
amène l’UCCAO à se positionner non plus uniquement comme entreprise
commerciale, mais à devenir plutôt une sorte de dépendance de l’Etat. À ce sujet,
l'identité qu'elle se reconnaît et qu’elle renvoie à l’extérieur s’illustre par cette mention
qui figure tous les ans sur les différents calendriers que ses coopératives et elle-même
diffusent : « outil de développement social ».
109
II- L’émergence du dispositif Etat – UCCAO – Notables planteurs
1- L’Etat et le parti contrôlent l’UCCAO via les dirig eants élus et
nommés
Du fait de la législation coopérative, l’Etat exerçait un contrôle sur l’UCCAO.
La loi coopérative n° 73/15 du 07 décembre 1973 confiait à l’Etat les pouvoirs
d’investigation et d’intervention, de contrôle et d’inspection des coopératives, de
nomination et de révocation leurs dirigeants, notamment les directeurs.
Ainsi, le directeur général et ceux des coopératives membres étaient nommés
par l'État et les différentes élections à ses organes de gestion se faisaient en présence
d’autorités administratives. Un phénomène remarquable fut la présence d’hommes
politiques au sein des conseils d’administration. Ils étaient à la fois responsables
locaux du parti - Etat et membres du conseil d’administration de l’UCCAO et de ses
coopératives ; plusieurs d’entre eux furent aussi « propulsés » aux postes de députés.
Par exemple, dans le cas de la CAPLAME, l’une des principales coopératives
membres de l’UCCAO et couvrant le département de la Menoua, la liste des présidents
successifs du conseil d’administration depuis 1960 (cf. annexe) montre que ceux-ci
étaient aussi les principaux responsables politiques locaux : président de section ou de
sous-section du parti au pouvoir, député, maire. Ce double positionnement de ces
responsables assurait un contrôle des coopératives par l’Etat via le parti. Ceci explique
que l’UCCAO « [...] a tout naturellement financé les permanences du parti unique
dans la région » (Courade et al, 1991). Une sorte d’« alliance hégémonique » (Bayard,
1979) s’est développée entre les élites locales recrutées83 au sein des organes
d’administration, les directeurs nommés et le parti-Etat.
Il est vrai que des élections avaient lieu au niveau des centres et des secteurs84
coopératifs, mais sur la base de nos enquêtes, il s’agit en réalité d’opérations de
légitimation des leaders dont le vrai choix échappait aux planteurs. Dans plusieurs cas
que nous avons étudiés, la plupart de ces responsables sont restés très longtemps à 83 Ce fut à travers des processus électoraux dont le caractère démocratique reste discutable. 84 Centre et secteur correspondaient à l’organisation territoriale de la coopérative à l’intérieur du département.
110
leurs postes, plus de 20 ans, et s’employaient seulement à mobiliser les planteurs lors
des élections. Nos enquêtés reprenaient sans se concerter l’expression suivante : « Mon
cher, tant que Mr X ne s’était pas retiré de lui-même, ou par le parti ou bien n’était
pas mort, qui pouvait le remplacer ? C’était eux les barons ». Un enquêté a d’ailleurs
observé : « Les élections à la coopérative étaient comme les primaires pour les
élections du parti. Ceux qui gagnaient à la coopérative étaient presque sûrs qu’ils
allaient se confirmer au niveau du parti ».
L’Etat mit à la disposition de la coopérative des personnels qui reçurent de ce fait des
traitements meilleurs que ceux des agents de la fonction publique. Il s’agissait d’ingénieurs et
de techniciens agricoles intervenant par exemple dans les luttes phytosanitaires. Les effectifs
du personnel s’accrurent et, à la fin des années 70, peu de temps avant la chute des prix du
café, l’UCCAO employait plus de 100 fonctionnaires du ministère de l’agriculture.
Extrait d’un des entretiens individuels avec des cadres de l’UCCAO
« Si la coopérative a pu se développer à l'ouest c'est parce que les bamiléké étaient
coopératifs, ils avaient déjà l’habitude de se regrouper pour la construction des cases.
C’est l’administration coloniale qui cooptait ceux qui lui étaient favorables pour siéger au
conseil d'administration de la coopérative. Mais, par la suite avec la loi de 1973, la
coopérative était organisée en deux niveaux. La base qui était constituée des planteurs
regroupés autour du centre coopératif, dans les villages. Plusieurs centres coopératifs
formaient une section coopérative. De 1975 à 1994, nous avions 59 centres coopératifs et
10 sections coopératives. En réalité, dans ce département, nous avions 57 centres
coopératifs, mais le ministère nous en avait rattaché deux de la zone anglophone.
L’assemblée du centre coopératif élisait les représentants à la section coopérative. C’est au
niveau de la section qu’on cooptait les délégués pour le conseil de d’administration au
niveau du département. Il y avait au total 100 délégués au conseil. La répartition du
nombre de places pour les sections se faisait au prorata de la production de chaque centre
coopératif. Mais de manière forfaitaire chaque section avait droit à un siège, c’est le reste
qui était réparti. Nous avions 25 délégués parmi les 60 qui constituaient le conseil
d'administration l’UCCAO ».
111
2- L’ONCPB : la main invisible de l’Etat
En 1976, l’Etat mit aussi en place l’Office Nationale de Commercialisation des
Produits de Base (ONCPB) chargé d’effectuer des prélèvements sur les recettes
d’exportation et d’assurer en retour une stabilité des prix aux planteurs. Les
prélèvements effectués sur les recettes du café étaient utilisés partiellement pour
assurer cette stabilité des prix aux producteurs, accorder des subventions85 et financer
plusieurs autres projets de l’Etat dont de grandes entreprises parapubliques qui se sont
révélées être des gouffres financiers (cf. Annexe). L’ONCPB était ainsi une « main
invisible » de l’Etat dans le dispositif « Etat – Coopérative – Notables Planteurs ».
3- Le planteur : un engagement coopératif passif
Le paysan bamiléké « ordinaire » se retrouvait producteur d’un café dont il ne
savait ce qu’il devenait une fois livré à la coopérative. Puisque l’encadrement de
l’UCCAO exerçait sa tutelle pour assurer la réussite de la culture, le planteur était
presque un ouvrier sans marge d’initiative sur sa propre parcelle, appliquant les
consignes et n’ayant à se préoccuper ni de la commercialisation de la production, ni
des approvisionnements en intrants agricoles. De plus, le système de leadership
contrôlé par l’Etat et par les leaders locaux maintenait le simple planteur dans la
position d’un coopérateur passif au sens ou sa seule préoccupation était de livrer son
café, d’être payé, de revoir les intrants agricoles et autres matériels de construction. La
vie de la coopérative, sa gestion et son devenir étaient loin de ses préoccupations. Dans
l’objectif de faire de ces planteurs des coopérateurs actifs, des sessions de formations
furent organisées pour expliquer ce qu’est une coopérative et initier certains des
responsables à la gestion coopérative. Mais comme nous le verrons, la crise qu’a
connue l’UCCAO révéla le caractère cérémonial de ces actions. Et, en fait, il n’y a pas
eu de dynamique coopérative de réponse à la crise.
Dans leur large majorité, les planteurs sont ainsi demeurés dans une position de
vendeurs de café à la coopérative et de coopérateurs figurants.
85 Ce terme est tout aussi discutable car en réalité, peut-on parler de subventions lorsqu’il s’agit de ressource provenant de prélèvements sur les recettes de vente des produits agricoles ?
112
4- Des investissements aberrants
C’était aussi l’époque des « éléphants blancs »86, ces très coûteux
investissements entrepris par l’Etat avec les ressources de l’ONCPB, par exemple pour
la création d’entreprises parapubliques qui, comme nous l’avons vu dans la
présentation des stratégies de développement au Cameroun, furent de gouffres
financiers. L’UCCAO, devenu un outil de l’Etat, a énormément investi dans la
construction des entrepôts de collecte et l’achat de camions. Ces dépenses se sont
révélés très importantes, bénéficiant aux « [ ...] consultants, ensembliers et
fournisseurs étrangers, leurs sponsors camerounais et la bureaucratie installée »
(Dessouane et Verre, 1986). Un des investissements les plus remarquables, d’un coût
de plus d’un milliard de francs cfa, fut la construction d’une usine de transformation
du café qui a été « surprise par la crise et n’a pas encore été utilisée à ce jour », note
un de ses responsables. Ces investissements, répétons-le, ne s’inscrivaient pas dans
une stratégie de développement de la coopérative. Tout se passait comme si on était
certain d’une rentrée régulière et croissante des ressources financières et de la quantité
du café à commercialiser et qu’il suffisait de s’assurer de pouvoir vendre de manière à
avoir le plus de marge possible pour la coopérative.
L’une des coopératives de l’UCCAO a même été la seule personne morale du
Cameroun à acheter des actions pour près de 400 millions de francs CFA lors de la
privatisation de la Compagnie Camerounaise de Transport Maritime qui a fait ensuite
faillite. Cette coopérative aurait aussi signé un marché pour la construction de son
siège à hauteur de 800 millions de francs cfa, selon les dénonciations d’un député d’un
parti d’opposition issu du multipartisme des années 90 (Tadonkeng, 2002)87. Cette
même source indique d’ailleurs que la raison avancée par cette coopérative était la
nécessité d’avoir un immeuble de direction digne d’elle.
L’UCCAO, étant ainsi devenue comme une excroissance des structures
étatiques, sa logique de fonctionnement et de gestion a été emportée par les logiques
ambiantes de fonctionnement de ces dernières : pas de souci de rentabilité, allocations 86 Cette expression a été utilisée pour désigner des entreprises de très grandes dimensions mises en place par l’Etat et qui se sont révélées très coûteuses et non rentables (utilisée plus souvent en anglais : « white elephants »). 87 Article paru dans le journal Ouest Echos, 25 mai 2002.
113
souvent fantaisistes des ressources, réflexes de consommation plutôt que de création
de richesse, dépenses énormes de fonctionnement.
114
III Les années 1980 : le système caféicole en crise à tous ses niveaux
Jusqu’à la fin des années 70, l’importante structure coopérative avait ainsi
bénéficié d’un contexte (local, national et international) favorable à l’expansion de la
caféiculture. Mais la décennie 80 va être celle d’une crise tridimensionnelle d’un
système qui ne peut alors résister à l’épreuve des réalités. Du point de vue des
procédures de gestion, il y avait trois niveaux de concentration des fonds : d’abord la
coopérative départementale au niveau de sa direction, ensuite la direction centrale de
l’UCCAO et enfin l’ONCPB qui faisait aussi office de « marketing board »88 au
niveau national.
1- L’ONCPB ruiné par la baisse des cours mondiaux
Le niveau national va être le premier étage du dérèglement du système. Les
années fastes de la caféiculture avaient permis d’accroître les réserves de l’ONCPB. Il
était par ailleurs devenu une caisse permettant de financer des projets de l’Etat, de
payer parfois les salaires des fonctionnaires et enfin de supporter le coût de certains
services rendus aux caféiculteurs89. Mais après plus de quinze années de relative
stabilité, les cours mondiaux de café et les prix « bord champ » payés aux producteurs
vont chuter et connaître une forte volatilité de 1975 à 2005. Or, si une hausse de prix
de café est suivie par une hausse décalée dans le temps de l’offre parce que les
nouveaux plants de café ne sont productifs qu’au bout d’environ 3 ans, la baisse de
l’offre par contre est immédiate dès que les prix baissent du fait de l’abandon ou de la
négligence des plantations par les paysans, l’effet du manque d’engrais ou de
traitements phytosanitaires se faisant sentir aussitôt. Les prix mondiaux du café
s’effondrant à partir de 1976-1977(CEDEAO et al, 2007), les revenus d’exportation du
88 Organisme public de régulation des marchés de produits agricoles ayant existé ou en fonctionnement dans des pays anglophones. 89Un débat d’intellectuels a coutume de s’interroger pour savoir si c’est l’Etat qui finançait les caféiculteurs ou bien le contraire. Un tel débat, de notre point de vue, participe d’une diplomatie de vocabulaire dans laquelle nous n’entrerons pas ici. Mais, les faits sont têtus, l’Etat a puisé dans les réserves de l’ONCPB pour de nombreux projets dits de développement qui ont plutôt servi une logique de « clochardisation » des élites politique et intellectuelle et de soutien révérenciel au pouvoir politique.
115
café qui permettaient d’alimenter l’ONCPB, se sont taris puisque ce sont à la fois les
quantités vendues et les prix de vente qui diminuaient.
2- L’UCCAO et ses coopératives endettées
Le deuxième niveau est celui du dispositif UCCAO. Chaque coopérative
membre livrait du café à l’UCCAO et la vente du café collecté transitait par l’ONCPB.
Le paiement n’était pas automatique, il était différé par rapport au paiement par
l’importateur européen. De plus, une fois le paiement effectué par l’acheteur, l’argent
n’était pas reversé à chaque coopérative, mais crédité sur son compte. Ainsi,
l’UCCAO avait un compte au niveau de l’ONCPB et chaque coopérative membre
avait son compte au niveau de l’UCCAO. Ces deux niveaux supérieurs fonctionnaient
comme des banques. Un ancien responsable le dit en ces termes : « Vous aviez de
l’argent à l’UCCAO, lorsque vous veniez le prendre, on vous limitait le montant
[…] ». La pratique voulait aussi que les coopératives membres viennent demander des
avances au niveau de la direction de l’UCCAO, la logique étant que les comptes
devrait s’équilibrer avec la recette du café vendu.
Au début de la crise, l’ONCPB était endettée vis à vis de l’UCCAO et celle-ci
l’était par rapport à ses coopératives membre. Quelques chiffres : l’UCCAO devait 3
milliards de f cfa (environ 4 573 170 euros) à la CAPLAME et 1,5 milliards de f cfa à
la CAPLAMI tandis que dans le même temps la CAPLANOUN lui doit 3 milliards de
f cfa, la CAPLANDE 600 millions et la CAPLAHN 700 millions de f cfa90. Le
pouvoir déjà évoqué des notables sur les coopératives fait que plusieurs d’entre eux se
retrouvaient avec d’importantes dettes vis-à-vis de celles-ci. Par exemple, nos
entretiens dans l’une des coopératives nous ont révélé que le président du conseil
d’administration avait contracté un emprunt de 14.000.000 de f cfa (environ 21341
euros), le vice-président de ce conseil 9.000.000 de f cfa (environ 13 719 euros) et le
directeur de la coopérative 101.000.000 de f cfa (environ 153963 euros). Ils sont tous
décédés sans que ces dettes soient remboursées.
90 Chiffres obtenus lors des entretiens. On peut par ailleurs se demander comment l’UCCAO est arrivée à donner autant d’argent à la CAPLANOUN. Nous n’avons pas élucidé cette question.
116
3- Les planteurs « finançant » les déficits
Le troisième niveau est celui de la relation planteur - coopérative. La relation de
confiance qui liait le planteur et la coopérative faisait qu’il livrait son café à sa
coopérative et recevait en retour « un bon » qui lui permettait de venir par la suite
récupérer son argent, très souvent en plusieurs paiements. Du fait de la solvabilité
avérée de la coopérative, certains planteurs détenant des bons ne se pressaient pas pour
venir récupérer leur argent. Ainsi sur les 40 planteurs interviewés qui étaient membres
de l’UCCAO, nous en avons rencontré 5 qui avaient des bons de 1975 et qui n’ont
jamais pu entrer en possession de leurs dus malgré plusieurs initiatives depuis 1985:
les coopératives n’avaient plus de ressources pour à la fois acheter le café au comptant
et payer leurs dettes vis-à-vis des planteurs.
Conclusion
Ainsi donc, le mouvement coopératif né de la dynamique endogène des
agriculteurs revendicateurs de la libéralisation de la caféiculture, a été canalisé d’abord
par l’administration coloniale et ensuite par l’Etat dans un cadre « coopératif » unique,
l’Union Centrale des Coopérative de Café Arabica de l’Ouest Cameroun. En 1961,
l’Etat s’est servi du monopole ainsi confié pour la collecte et la commercialisation du
café dans l’Ouest Cameroun pour en faire le seul mouvement paysan agricole de la
région et, dans le même temps, en écarter les commerçants concurrents qui existaient
vers 1960. Par la suite, la législation coopérative de 1973 a permis de mettre l’UCCAO
sous le contrôle de l’Etat. Ce dernier nomme les directeurs et peut les révoquer, il
exerce en outre le contrôle et l’inspection de la coopérative. Ce qui s’ajoute par
ailleurs aux liens existants entre l’Etat et la coopérative à travers les responsables élus
de la coopérative qui sont à la fois responsables locaux du parti unique au pouvoir.
L’action de l’UCCAO et ses coopératives porte alors sur :
- l’approvisionnement en intrants agricoles ;
- l’encadrement technique au sens de la formation aux techniques de fertilisation
et de traitement phytosanitaire, ainsi que la réalisation de certaines luttes
117
phytosanitaires par les techniciens de la coopérative et de la base phytosanitaire
(service de la délégation provinciale de l’agriculture pour l’Ouest) ;
- la commercialisation du café notamment les opérations allant de la collecte à la
livraison à l’acheteur et la recherche des débouchés pour l’exportation ;
- les actions socioéconomiques en particulier la création et l’entretien des pistes
rurales, l’électrification, les adductions d’eau, la construction de bâtiments pour les
écoles et les hôpitaux.
Au milieu des années 80, l’ONCPB, caisse de stabilisation mise en place par
l’Etat pour prélever sur les recettes d’exportation du café, ne peut plus le faire et l’Etat
a puisé dans ses caisses pour financer des « éléphants blancs ». L’UCCAO et ses
coopératives sont affaiblies par une santé financière très mauvaise, sans ressources
pour des actions d’adaptation. Pris globalement, les planteurs ont beaucoup diminué
leur production de café91, ils ne disposent plus ni des fournitures d'engrais, ni des
conseils de la coopérative pour cette culture, surtout leurs revenus ont beaucoup
diminué et, bien sûr, leur confiance à l'égard de la dite coopérative est devenue très
faible. Ils sont dans un système en crise. Les effets n’ont pas été les mêmes pour les
gros planteurs, souvent les notables dont nous avons parlé, et pour les moyens ou les
petits producteurs, mais cette question sera abordée dans les chapitres consacrés aux
agriculteurs de Galim et de Fokoué.
Le discours habituel sur le déclin de l’UCCAO suite à la chute des cours
mondiaux du café induit parfois un lien mécanique entre les deux phénomènes. Une
telle analyse nous semble assez simpliste et réductrice de la dimension de l’UCCAO
comme coopérative et donc comme organisation. En tant que telle, l’une de ses
missions est évidemment la gestion au sens de la capacité de prévision et d’orientation
en cas de situation nouvelle. Penser que la mort éventuelle de la caféiculture implique
automatiquement celle de l’UCCAO serait ignorer que le caféier n’a été d’abord
qu’une culture d’adoption avant de devenir ensuite pour quelques dizaines d’années
une sorte de culture identitaire de la région : l’UCCAO aurait donc pu se redéployer
autrement. Et c’est aussi sous-estimer les fondements endogènes de ce que Dongmo
91 Le Cameroun qui avait une production de 28 303 tonnes de café arabica en 1979/1980 n’en a eu que 10 300 tonnes en 1999/2000. L’Ouest Cameroun est la seule région du pays où se pratique cette culture.
118
(1981) appelle le « dynamisme Bamiléké ». Comme nous le verrons dans le chapitre
suivant, nos entretiens auprès des agriculteurs et des responsables (anciens et actuels)
de l’UCCAO nous invitent à approfondir l’analyse au-delà de la simple énonciation du
facteur « baisse des prix ».
Le dispositif Etat – Coopérative – Notable Planteur a donc connu de profondes
mutations qui font l’objet du chapitre suivant.
119
Chapitre V
Nouveaux acteurs du secteur agricole Bamiléké et déclin de
l’UCCAO
Ce chapitre porte sur la recomposition du paysage d’acteurs du secteur agricole
en pays Bamiléké à partir du milieu des années 1980. Les cours mondiaux du café
diminuant fortement vers 1978 (Annexe courbe évolution des cours mondiaux de café)
et, comme on l’a vu, vers 1985, c’est le cas pour les prix payés aux planteurs bamiléké.
L’Etat favorise désormais l’initiative privée, la loi de 1990 relative aux associations et
celle de 1992 relative aux Groupes d’Initiative Commune et Coopératives ont été des
éléments décisifs facilitant l’émergence de nouveaux partenaires.
Ce chapitre montre que le paysage d’acteurs du secteur agricole bamiléké,
dominé jusqu’en 1990 par le trio Coopérative – Etat – Notables Planteurs avec une
offre intégrée de services fournie exclusivement par l’UCCAO et ses coopératives
membres, a subi de profonds changements lors de la perte du contrôle et du leadership
exclusif de l’Etat. L’UCCAO et ses coopératives, incapables de poursuivre la
fourniture des services aux agriculteurs, continuent leur déclin. Nous étudierons
comment les autres acteurs ont vu le jour en se positionnant chacun sur des services et
des fonctions particuliers et avec des logiques d’intervention influencées par l’aide
internationale au développement, les services nécessaires à l’activité agricole ou la
recherche des bénéfices.
Au début des années 80, l’encadrement des paysans bamiléké est assuré
essentiellement par l’UCCAO qui bénéficiait d’une mise à disposition d’un effectif
important du personnel du ministère de l’agriculture et des avantages92 de la protection
d’une économie régulée. Les difficultés auxquelles l’UCCAO se trouve confrontée
l’amène à arrêter ses interventions dans la plupart de ces domaines pendant que l’Etat
libéralise la commercialisation du café et des intrants agricoles.
92 Notamment la politique des prix garantis aux planteurs et la prévention de fortes fluctuations de ces prix.
120
En 2007, la paysage d’acteurs du Pays Bamiléké est profondément modifié :
l’UCCAO et ses coopératives jouent un rôle marginal (section I), les commerçants
d’intrants et de produits agricoles les ayant largement supplantés (section II), tandis
que les ONG et les associations d’appui au développement connaissant depuis 1993
une grande croissance (section IV) et que l’Etat, après avoir été, effectue un retour
depuis 2000 (section V). Quant aux organisations paysannes, celles-ci sont
nombreuses, plus de 5000 dans la région, mais sont de petite taille et n’ont pas encore
conduit à des dynamiques fédératives paysannes d’envergure régionale (Section VI).
Après la section consacrée au déclin de l’UCCAO, seront donc abordés :
- Les commerçants de l'amont, principalement les vendeurs d’intrants
agricoles, et ceux de l'aval, les commerçants de produits agricoles. L’identité
clairement affichée et réclamée par eux est celui de commerçants et leur objectif est de
vendre et de réaliser des bénéfices.
- Les nouveaux organismes d'appui au développement agricole qui
regroupent les autres fournisseurs de services : vulgarisation, conseil, études de
faisabilité, financement, etc. Il s’agit des ONG et des associations et, dans une
certaine mesure, des structures de microfinance. Ils se distinguent des commerçants
dans la mesure où leurs services ne font pas l’objet d’une prise en charge telle que
dans un marché classique où le consommateur paye. Ils s’affichent plutôt comme des
« bienfaiteurs » même si leurs coûts sont très souvent supportés par quelqu’un d’autre.
- Les projets et programmes du ministère de l’agriculture qui représentent
les nouvelles modalités de l’intervention de l’Etat dans le cadre d’actions nationales
sur des filières agropastorales. Ces programmes sont mis en œuvre au niveau de
chaque région par un petit nombre d’agents du ministère de l’agriculture.
- Les organisations paysannes. Elles sont supposées regrouper les agriculteurs
et être contrôlées par eux. Elles ont divers objectifs et peuvent aussi être impliquées
dans la fourniture de certains services aux agriculteurs. Ces organisations, présentées
comme bénéficiaires par les différents partenaires au développement agricole, font
donc l’objet de la dernière section du chapitre.
121
Le dispositif de l’époque caféière a cédé ainsi la place à un ensemble caractérisé
par la diversité des filières93 à la base des multiples dispositifs qui caractérisent
désormais le secteur agricole bamiléké. Les services offerts et les stratégies des acteurs
en présence seront ensuite analysés ainsi que les partenariats entre eux. Notre analyse
se situe ici au plan régional de l’ensemble du pays Bamiléké, les contextes locaux de
Galim et Fokoué seront traités dans la partie III.
93 Le mot filière est employé pour designer l’ensemble des intervenants liés par des partenariats verticaux. Ces intervenants se situant à différents niveaux : international, national, régional, local (arrondissement et village), micro-local (exploitation agricole).
122
I- Avec la crise caféière, l’UCCAO amorce son déclin Rappelons que l’effondrement des cours mondiaux du café qui commence vers
les années 78 provoqua une crise grave de la filière café au Cameroun avec une baisse
considérable et continue des prix aux producteurs (Losch et al, 1991). Dans le cas par
exemple de la Menoua, l’un des sept départements constituant le pays Bamiléké, le
prix payé aux producteurs de café arabica, après avoir été continuellement en
augmentation jusqu’à 515 f cfa / kg (environ 0,78 euro) en 1984/1985, va ensuite
baisser pour stagner à 475 f cfa / kg (environ 0,72 euro) de 1985/1986 à 1988/1989. Sa
chute sera très grave avec un prix de 250 f cfa / kg (environ 0,38 euros) de 1989/1990
à 1992/1993.
Ce déclin de la filière café intervient dans un contexte de crise économique du
Cameroun, crise officiellement reconnue par l’Etat en 1984. L’Etat est alors mis sous
ajustement structurel et entre dans le processus de désengagement de la plupart des
services de soutien au monde rural. Rappelons qu’une nouvelle législation coopérative
voit le jour en 1992 afin de faciliter la création de nouvelles coopératives. L’espoir est
qu’elles puissent prendre en charge certains services assumés autrefois par l’Etat et par
des structures telles que l’UCCAO : approvisionnement en intrants,
commercialisation, financement, etc. Alors, quelles trajectoires vont suivre
l’UCCAO et ses coopératives ?
1- L’UCCAO et ses coopératives concurrencés par les commerçants
Il est significatif que presque tous les interviewés, responsables techniques de
l’UCCAO ou de ses coopératives membres, placent l’ouverture du marché au premier
rang des accusés à l’origine du déclin des coopératives. En effet, jusque vers 1992,
l’UCCAO avait un monopole conféré par l’Etat pour la commercialisation du café.
Quand ce secteur est libéralisé, il est pris d’assaut par des commerçants privés. Ceux-
ci s’organisent autour d’une filière comprenant quelques gros acheteurs exportateurs,
123
des acheteurs moyens et de petits acheteurs courtiers appelés « coxeurs » qui
sillonnent la région et achètent au comptant le café aux producteurs.
Nous sommes alors en pleine crise économique et les paysans comme les autres
citoyens connaissent la baisse de leurs revenus, la cherté de la vie, et sont dans un
besoin pressant de liquidités surtout que l’Etat se désengage progressivement de
certains services autrefois assurés. Par ailleurs, les paysans se retrouvent dans un
contexte nouveau de marché où ils peuvent vendre directement et au comptant sans
plus aller à la coopérative. Les « coxeurs » vont jusque dans les maisons et les champs
pour négocier l’achat du café. Aussi, comme les coopératives n’apportent plus les
mêmes services supplémentaires qu’auparavant (intrants, matériaux de construction,
crédits, etc.), les producteurs de café préfèrent vendre directement sur le marché plutôt
que de transiter par la coopérative.
Cette situation va progressivement se généraliser du fait que, comme on l’a déjà
vu, les coopératives se révèlent être insolvables vis-à-vis d’un certain nombre de
planteurs qui leur ont livré du café. Un agriculteur de Galim, ancien grand planteur de
café, nous a confié qu’il détient encore des bons de la coopérative datant de 1986 pour
un montant d’environ deux millions de francs f cfa (3050 euros) non encore payé à ce
jour. Il nous a d’ailleurs affirmé : « Si tu as le café maintenant et tu trouves le client
[l’acheteur], vends- le »
Ainsi, l’UCCAO fait désormais face à une concurrence avec des personnes qui
ont véritablement pour métier le commerce, loin des logiques de fonctionnement
étatique, et qui ont bien compris que les paysans ont désormais besoin d’argent
« frais »94. Dans cette situation, l’UCCAO n’a pu être compétitive : lors des entretiens
avec plusieurs de ses responsables techniques rencontrés, n’apparaissent aucun
argument, ni élément de stratégie de nature à rendre l’UCCAO efficace ou à amener
les paysans à lui livrer du café. Simplement, selon ces interviewés, les paysans
« tueraient » leur coopérative en vendant aux « coxeurs », un argument totalement
absent du raisonnement des agriculteurs rencontrés. Ces derniers ne se sentent
94 On peut déplorer que cette libéralisation ait contribué à baisser la qualité du café camerounais sur le marché mondial du fait que, animés par le souci du maximum du profit à tout prix, plusieurs exportateurs ont livré du café de mauvaise qualité (parfois mélangé à du sable ou à des cailloux), différent de l’échantillon proposé lors des négociations.
124
vraiment pas coopérateurs ou copropriétaires de la coopérative parce qu’ils avaient
bien vu que les bénéfices issus du fruit de leur travail avaient été redistribués95 à des
privilégiés au lieu de l’être aux coopérateurs eux-mêmes. D’ailleurs, un jeune chef
traditionnel révolté par cette situation déclare : « Je ne comprends pas comment on
peut nous dire qu’une structure est en difficulté et [alors que] son directeur roule dans
une voiture de 20 millions de f cfa, a plusieurs chauffeurs et des employés à
domicile ».
Dans le raisonnement des responsables techniques ressort aussi l’élément selon
lequel les nouveaux acheteurs privés du café avaient de mauvaises balances pénalisant
les planteurs. Cependant, un tel argument semblait n’avoir plus de sens dans le rapport
nouveau des planteurs au café : on a vu que, pour les paysans, il s’agissait
prioritairement d’avoir de l’argent liquide dont ils avaient tellement besoin avec la
crise économique qui sévissait. Il valait mieux pour eux « un tiens que deux tu auras ».
Extrait d’un des entretiens individuels avec des responsables de l’UCCAO
95 A travers les investissements réalisés avec les fonds de la caisse de stabilisation et le personnel rémunéré par la coopérative.
« Mais la loi de 92 a été pour nous comme un coup de massue. Elle a fait
entrer les amateurs dans le secteur. Ils nous font la concurrence alors que nous
autres nous empruntons de l'argent avec des intérêts importants. Nous avons un
effectif important de personnels. Ils n’ont pas de structure, ni de personnel. C'est
regrettable. Le café était pourtant un pilier pour les grandes réalisations des
planteurs.
Nous étions une coopérative multifonctionnelle. Nous assurions la
commercialisation de la récolte du planteur, nous l’approvisionnions en intrants
agricoles, en matériaux de construction, en produits de première nécessité (huile,
savon, sucre, riz). Nous faisions aussi l’entretien et l’ouverture des pistes rurales.
Nous réalisions l’électrification et l’adduction en eau potable. Nous faisions aussi
la formation et l’éducation des coopérateurs et des agriculteurs. En 2000, nous
avons réalisé seulement 1 128 tonnes, puis 157 tonnes en 2006. La situation ne fait
que s’aggraver ».
125
2- Réduction du personnel : une urgence… et un poids financier
L’UCCAO est donc face à la crise dans la décennie 1980. Va-t-elle pouvoir la
gérer sans elle-même y tomber ? Ou alors la crise va-t-elle plutôt mettre au grand jour
celle, interne, déjà présente au sein de l’UCCAO ? Jusque là, celle-ci tirait
essentiellement ses ressources de l’opération de centralisation de la vente du café
collecté par les coopératives membres. Elle jouissait aussi d’un privilège : le monopole
de la commercialisation du café. La première action entreprise suite à la baisse du
niveau d’activité, c'est-à-dire des quantités de café collectées, fut la réduction du
personnel.
Selon un enquêté, une des six coopératives membres a vu son effectif en
personnel passer de 900 personnes (300 permanents et 600 saisonniers) au début des
années 80 à moins de 50 en fin 2007. Une autre qui avait près de 1000 employés au
début des années 80 n’en avait plus que 63 en fin 2007. L’UCCAO elle-même qui
avait 300 cadres au début des années 80 n’en avait plus que 4 en 200796.
Un des enquêtés s’interroge d’ailleurs sur la rentabilité de ces salariés encore
présents en ces termes : « Ceux qui sont là ne font rien. Nous restons parce que nous
manquons où aller. Il n y a plus d’activités, nous sommes à un an et demi sans salaire,
il n’ y a même pas d’argent pour nous payer si on nous licencie ». Nous avons
d’ailleurs remarqué lors de notre passage dans certaines coopératives que plusieurs
cadres que nous souhaitions rencontrer n’étaient pas présents et que leurs bureaux
avaient l’air abandonnés. Quoique réduit, l’effectif actuel du personnel de cette
coopérative continue d’être une charge financière, hypothéquant toute reprise. Le
montant de dettes vis-à-vis du personnel et les charges salariales augmentent sans que
ce personnel ne soit rentable. Une des coopératives membres, qui a pu obtenir un
crédit de 800 millions de f cfa (1,2 millions d’euros) en 1997, a vu l’essentiel de cette
somme dépensé dans le remboursement des dettes et le paiement des charges de
compression du personnel. En 2000, cette même coopérative devait à la CNPS97 164
96 Ces 4 cadres sont : Le directeur général, le directeur commercial, le directeur de l’informatique, le directeur de la production agricole. 97 Caisse Nationale de Prévoyance Sociale.
126
millions de f cfa (250 000 euros) de charges salariales dont 34 millions de f cfa de
pénalités98.
3- Des relances tentées par les cadres : le cas des poulets de chair
En 2007, quelques initiatives de relance étaient en cours de mise en œuvre ou
de réflexion au sein de l’UCCAO et de ses coopératives. C’est le cas, par exemple, de
l’élevage de poulets de chair déjà démarré dans plusieurs coopératives ou bien de la
relance de la caféiculture encore en projet. Mais il est significatif que les stratégies
développées soient entièrement portées par les cadres techniques. Ceux-ci prennent
plaisir à exposer les difficultés qu’ils vivent, ce qu’ils sont en train de faire ou bien ce
qu’ils auraient souhaité faire sans qu’aucune réflexion venant des coopérateurs ou
concernant leur participation n’apparaisse : dans tous les entretiens n’est mentionné
nulle part cette participation des coopérateurs99 à l’élaboration des initiatives que nous
venons d’évoquer.
L’élevage des poulets de chair en cours en ce moment par plusieurs
coopératives est le fruit d’une stratégie développée par les seuls cadres des
coopératives sur des bases technicistes : dans sa réalisation, le système n’implique pas
les coopérateurs. Les poulets sont élevés dans des bâtiments situés aux sièges de ces
coopératives et en mobilisant des ouvriers salariés. Aucune production ou activité de
coopérateurs n’y est associée à aucun stade : approvisionnement commun,
commercialisation commune alors que certains de ces coopérateurs pratiquent la même
activité.
Le projet de relance de la caféiculture s’appuie sur des éléments qui ne
semblent pas être ceux qui préoccupent le plus les paysans100. Les responsables
exécutifs de la coopérative estiment qu’il n'y a pas encore de productions remplaçant
valablement la caféiculture et prévoient que les paysans mettent en place de petites 98 Cette situation amène à s’interroger sur l’espoir actuel d’une relance de l’UCCAO par un financement de 600 millions de f cfa (914 634 euros) qu’envisagerait le ministère camerounais de l’agriculture selon nos entretiens avec des responsables de l’UCCAO. Ce financement échapperait-il à de telles dépenses pour être affecté à des investissements de relance ? 99 Que ce soit au niveau individuel, au niveau des centres ou sections coopératifs, ou encore au niveau du conseil d’administration central. 100 Aucun de ces responsables de nous a dit avoir réalisé des essais selon ce nouveau schéma de production afin de tester sa viabilité technique et commerciale.
127
parcelles de caféiers auprès des maisons d’habitation. Selon eux, l’effectif réduit d’une
telle caféière (une centaine de plants alors qu’à l’époque antérieure, la moyenne
minimale était de 1000 plants chez les agriculteurs enquêtés) faciliterait l’entretien de
par la proximité et le coût réduit d’intrants à utiliser. Si, dans leurs prévisions, de telles
quantités individuelles permettraient à un effectif important d’agriculteurs d’avoir
assez de café pour un niveau significatif d’activité de la coopérative, il n’est pas acquis
que les paysans vont revenir à la caféiculture du seul fait qu’aucune des cultures
actuellement pratiquées n’a les avantages qu’avait le café (des revenus importants en
une fois, la stabilité et la sécurité des revenus, les services supplémentaires de la
coopérative, etc.). C’est bien parce que le café n’offrait plus ces avantages que sa
culture a été délaissée.
De plus, d’autres cultures ont émergé dans un nouveau contexte où un nouvel
investissement dans la caféiculture est fortement conditionné par les avantages
comparatifs qu’elle procurerait. D’ailleurs, aucun paysan interviewé, membre ou non
d’un organe d’administration de l’UCCAO ou ses coopératives, n’a pu nous dire en
quoi consiste ce projet. Il est juste indiqué que l’Etat envisage de relancer la
caféiculture, ce qui évoque d’ailleurs chez les anciens caféiculteurs les possibilités de
pouvoir encore bénéficier de l’encadrement du temps de la caféiculture, notamment
l’octroi d’engrais.
Le désengagement de l’Etat et la libéralisation ont déstabilisé l’UCCAO. En
effet, celle-ci n’arrive plus à faire le poids face aux commerçants, car les services jadis
rendus aux paysans ont disparu et elle est incapable d’offrir de meilleurs prix. Comme
nous le verrons par la suite, la plupart des producteurs ont changé leurs activités
principales, passant du caféier aux vivriers marchands fortement rentables. Cette
reconversion est d’autant plus aisée que le paysan peut faire deux cycles de production
par an.
128
II- Les commerçants d’intrants et de produits agricoles
Le secteur de l’approvisionnement en intrants agricoles (section 1) a été de plus
en plus pris en charge par des acteurs privés : sociétés commerciales ou simples
vendeurs. Ce secteur est constitué de plusieurs intermédiaires allant des grosses
sociétés importatrices ou fabricatrices d’intrants agricoles aux petits vendeurs (très
souvent appelés détaillants).
La commercialisation des produits agricoles (section 3) a elle aussi connu un
foisonnement d’intervenants : du petit collecteur au niveau des marchés
hebdomadaires des villages (et qui vient parfois jusque dans les champs) aux grossistes
qui exportent vers les autres régions du Cameroun ou à l’extérieur de celui-ci.
1- Les commerçants d’intrants agricoles
Suite à leurs difficultés financières, l’UCCAO et ses coopératives membres ne
parvenaient plus à disposer d’un stock suffisant d’engrais et de produits
phytosanitaires à vendre aux agriculteurs. Elles ont aussi maintenu la logique de la
distribution exclusive à leurs membres. Par exemple, dans le cas de la CAPLAME,
l’une des 6 coopératives de l’UCCAO, après avoir commercialisé plus de 5000 tonnes
de l’engrais 20 10 10 (NPK) et plus de 1900 tonnes d’urée en 1989/1990, elle n’en a
vendu que 110 tonnes de 20 10 10 et 470 tonnes d’urée en 1991/1992. En 2005, elle a
commercialisé 122 tonnes de 20 10 10 et 97 tonnes d’urée.
Dans le nouveau contexte de concurrence avec d’autres acheteurs de café,
l’UCCAO et ses coopératives ont limité les ventes d’intrants aux seuls planteurs qui
leur livraient du café alors que les autres agriculteurs intéressés par les engrais et les
autres intrants agricoles avaient aussi des demandes à satisfaire.
Par ailleurs, la croissance urbaine101 a entraîné une forte augmentation de la
demande en produits vivriers. Douala et Yaoundé sont devenues de grandes villes avec
38,8 % de la population urbaine nationale. Douala qui avait 400 000 habitants en 1976
en compte de nos jours 3 millions (Hatcheu, 2006). La production du café n'étant plus 101 Avec près de 70 % de sa population en milieu rural au début des années 80, le Cameroun compte actuellement 55 % de sa population dans les villes.
129
financièrement intéressante, des agriculteurs se sont orientés vers de nouvelles
spéculations, notamment le vivrier marchand, pour satisfaire la demande urbaine et ils
ont eu de ce fait besoin d'engrais et de produits phytosanitaires.
D’après nos entretiens de 2007, complétés ensuite en début 2008, le secteur de
vente d’intrants agricoles compte environ 600 points de vente dans tout le Cameroun.
Ces vendeurs peuvent être regroupés en quatre catégories:
- les importateurs
- les grossistes
- les revendeurs
- les détaillants
Au Cameroun, on dénombre six importateurs d’intrants qui interviennent
tous en pays Bamiléké. Ils sont répertoriés dans le tableau ci-après en précisant pour
chacun si son activité porte seulement sur les produits de traitement phytosanitaire ou
aussi sur les engrais. Ces importateurs peuvent recevoir des matières actives qui font
ensuite l’objet de formulations et de conditionnements.
Tableau 3: Liste des principaux importateurs d’intrants agricoles au Cameroun
Nom de l’importateur Produits commercialisés
ADER Cameroun Produits phytosanitaires et engrais
AGROCHEM Produits phytosanitaires
FIMEX Produits phytosanitaires
JACO Produits phytosanitaires et aliments pour le bétail
PHYTOGRAINE Produits phytosanitaires
YARA Engrais et un peu de produits phytosanitaires
Les grossistes sont les vendeurs qui s’approvisionnent directement auprès des
importateurs. Le Cameroun compte environ vingt cinq grossistes. Dans toute la
province de l’Ouest, nous en avons dénombré sept dont la liste se trouve dans le
tableau ci-dessous qui précise ceux intervenant en pays Bamiléké.
130
Tableau 4: Liste des grossistes d’intrants agricoles de la Province de l’Ouest Cameroun
Nom du grossiste Lieu d’implantation Observation
AGRO AMOLITE Foumbot Pays Bamoun
ARMOTEC Bafoussam Pays Bamiléké
GIC AMO Foumbot Pays Bamoun
GIC APHM Foumbot Pays Bamoun
PAYSAN PLUS Bafoussam Pays Bamiléké
PHYTOMA Bafoussam Pays Bamiléké
THERMOPLANT Mbouda Pays Bamiléké
D’après nos enquêtes, GIC APHM et THERMOPLANT seraient les seuls
disposant d’une surface financière importante. Les autres fonctionnent sur la base de
crédits auprès de leurs fournisseurs. Un des importateurs le précise en ces termes :
« Dans toute la province de l’Ouest, si GIC APHM et THERMOPLANT frappent le
point sur la table, tout change pour ce qui est des engrais et des pesticides ».
Les grossistes de la province de l’Ouest s’appuient sur environ 310 points de
vente. Ces points de vente sont tenus soit par des revendeurs qui achètent directement
au grossiste, soit par des détaillants qui s’approvisionnent auprès de ces revendeurs.
Les revendeurs sont en général situés dans les chefs-lieux de département. Les
détaillants sont plus directement en contact avec les agriculteurs, même si quelques
agriculteurs s’approvisionnent directement auprès des revendeurs.
Nous avons mené des entretiens auprès de 6 distributeurs : 3 grossistes basés à
Bafoussam, 2 revendeurs basés à Dschang et 1 détaillant basé à Galim.
Parmi ces 5 grossistes et revendeurs interviewés, 4 sont des cadres du ministère
de l’agriculture qui ont trouvé ainsi une activité commerciale complémentaire
intéressante en période de crise économique et de baisse des salaires de la fonction
publique.
Les importateurs ont une stratégie basée sur la construction d'un réseau
d’intermédiaires jusqu'aux petits détaillants auprès desquels les agriculteurs
131
s’approvisionnent. Les zones d’implantation de ces intermédiaires se trouvent être les
principales zones de consommation de leurs produits, ce qui conduit à s’interroger sur
la couverture des autres zones102 qui en fait sont très peu desservies. D’ailleurs, ces
commerçants d’intrants, à l’instar de YARA et FIMEX, affirment ne développer des
réseaux de distributeurs que dans des zones commercialement intéressantes.
Pour la plupart des grossistes, il n'existe pas de points de vente relais mis en
place par eux. Ils sont plutôt en contact avec d’autres vendeurs qui se ravitaillent
auprès d’eux sans avoir une relation contractuelle. Ils se démarquent aussi des
importateurs en ce sens qu’ils n’ont pas de service « Recherche et Développement »
chargé de la vulgarisation et des essais en milieu rural et disposant d’un personnel
apportant des conseils techniques aux revendeurs et aux agriculteurs : le cas de Yara
(cf. extrait n° 2, page suivante) avec ses six techniciens pour l’Ouest Cameroun est
significatif.
Extrait n° 1 de l’entretien avec le directeur des ventes de YARA103, importateur.
102 Il y a donc finalement un accès peu facile aux intrants pour les agriculteurs des zones non couvertes, avec des prix plus élevés, des distances importantes à parcourir, des coûts de transport plus importants. 103 Notons que le directeur des ventes de YARA Cameroun est basé à Bafoussam dans l’Ouest Cameroun, sans nul doute à cause de la contribution importante des ventes dans cette région au chiffre d’affaire de YARA.
« Le système de l'époque était lié à la filière café ici à l’Ouest. La
politique de fertilisation au Cameroun était liée au café, au cacao et au coton.
C'était un système sans concurrence qui a été surpris par la compétition.
C’est la coopérative qui vendait. Sa mort est normale. Avec son système de
gestion, il ne pouvait que mourir. Quand le café mourait, d'autres filières se
sont développées. Si on était resté au café ici à l’Ouest, on serait mort depuis.
Je pense que c'était une grande multinationale norvégienne qui livrait
à la coopérative… »
132
Extrait n° 2 de l’entretien avec le directeur des ventes de YARA
Extrait n° 3 de l’entretien avec le Responsable de YARA Ouest Cameroun
Extrait n° 3 de l’entretien avec le directeur des ventes de YARA
« Tout se passait sur appel d'offres. Par exemple, une structure comme la
SODECOTON lançait un appel d’offre et les grandes firmes entraient en compétition pour
gagner le marché. Mais nous, on a compris qu'on ne pouvait pas vivre sur les appels d'offres,
surtout que, à l’Ouest par exemple, la coopérative était en train de mourir. Comme ces gens
n’avaient pas l’habitude de s'auto évaluer et de bien gérer, leur mort n’était que normale.
L'État avait protégé la distribution des intrants en leur faveur.
La direction de la société YARA est basée à Douala. Mais la province de l'Ouest
réalise près de 80 % du chiffre d'affaires de YARA au Cameroun. YARA importe des matières
premières, fait des formulations qu’il vend.
A l’Ouest, nous avons une équipe de deux permanents et de quatre agents d'appui : un
agent dans la Menoua, un dans le Ndé et deux dans le Noun. Ces agents accompagnent les
distributeurs en matière de conseil technique. Ils font aussi des essais pour convaincre les
distributeurs et les paysans. Nous travaillons aussi avec les radios communautaires pour
donner des conseils aux producteurs et faire la publicité de nos produits.
YARA couvre tout l'Ouest, mais en priorité les zones de forte consommation. YARA ne
vend que les engrais, les fongicides et les herbicides. Les paysans qui veulent les autres
produits, nous, on s’en fout. Ça ne marche pas. Les engrais NPK font environ 60 % de notre
chiffre d'affaire à l'Ouest. L’urée en fait 30 % et les autres engrais 10 %. »
« J'ai eu une très mauvaise expérience avec les ONG. et les GIC. J'ai comme impression
qu'en fait ils ne sont là que pour les subventions. Une ONG m’avait amené à signer un contrat
avec une organisation de producteurs à qui j'avais livré une quantité importante de plus de 2
millions. Ils étaient supposés vendre et me rembourser dans un délai de six mois. C'était en
1997. Ils ont pris plusieurs années pour me rembourser et j’avais même menacé de les amener
en justice. Je pense qu'un secteur comme celui de la vente doit être aux commerçants. Ils ont
envie de vendre et de faire le bénéfice. Les commerçants ne s'amusent pas. Ils font tout pour
que ça marche. Et, en le faisant, ils aident l'agriculteur. »
133
Extrait n° 4 de l’entretien avec le propriétaire de PAYSAN PLUS,
représentant de JACO104
104 JACO est un commerçant grec basé à Yaoundé vendant une gamme variée de produits parmi lesquels les intrants agricoles.
« Je suis ingénieur Agronome. J’étais fonctionnaire mis à la disposition de
la SODECAO (Société de Développement du Cacao, une société de développement
mise en place par l'État dans la province du Centre Sud Cameroun et chargée de
l’encadrement des planteurs de cacao). Lorsque la SODECAO a eu des problèmes
de financement, l'État s'est désengagé. Les fonctionnaires ont été remis à la
disposition de leur administration d'origine. J'ai donc quitté la SODECAO en
1991. L'État a effectué une double baisse de salaire en 1992.
Il y avait des intrants agricoles à vendre au niveau de la base phytosanitaire
(Service du ministère de l’agriculture). Avec les baisses de salaire et en plus la
dévaluation du f CFA par rapport au franc français, il n'y avait plus de moyens, la
vie était chère et dure.
J’ai commencé à cultiver un champ dans la province du Centre. J’avais
garé ma voiture faute de carburant. J’ai alors cultivé du plantain, du macabo et du
maïs. J'ai constaté que les acheteurs qui venaient (Bayam Sellam [expression
locale désignant les commerçants qui vont acheter dans les villages et reviennent
vendre en ville]) de Yaoundé gagnaient plus que moi. Lorsque je vendais par
exemple un sac à 3000 f CFA, ils partaient revendre à Yaoundé en dégageant des
marges de 2000 f CFA. Vraiment en faisant le bilan, je pense qu'on ne fait de
l’agriculture que parce qu'on ne peut pas faire autre chose. D’ailleurs, mon voisin
ne cesse de me remercier, car je l'ai fait sortir du champ pour entrer dans le
commerce. »
134
Extrait n° 5 de l’entretien avec le propriétaire de PAYSAN PLUS,
représentant de JACO105
105 JACO est un commerçant grec basé à Yaoundé vendant une gamme variée de produits parmi lesquels les intrants agricoles.
Alors je commençais à vendre les produits phytosanitaires aux paysans.
J'avais tout fait pour obtenir un crédit de 159 000 f CFA. En 1995, j'ai donc créé
une boutique à Bafia [près de Yaoundé] où je vivais. Et, en 1997, je me suis rendu
à Yaoundé pour rencontrer JACO, un grand commerçant grec, qui vendait les
produits phytosanitaires. J’étais allé faire des achats de 75 000 f CFA. JACO m'a
dit que mon capital était trop petit. Il ne pouvait donc pas me faire des crédits.
J'achetais, j’allais revendre et puis je revenais m’approvisionner chez lui.
En 2000, JACO voulait créer une succursale à l'Ouest Cameroun. Vous
savez, les grecs font trop de calcul : il ne voulait pas supporter les charges
d'installation. J'ai fait une étude de faisabilité et j'ai accepté d'être son
représentant. Selon le contrat, je devais couvrir tout l’Ouest, mais ce n'était pas du
tout facile. Je prenais des échantillons de produits et ceux qui partaient le plus sur
le marché, je repartais les acheter chez JACO.
Mais, par la suite, JACO a fait un découpage en trois secteurs et a confié
d'autres secteurs à d'autres représentants. Je suis le représentant de Bafoussam et
je couvre Bafoussam, Mbouda et Bamenda. Le deuxième représentant est basé à
Foumban. Le troisième représentant est basé dans la Menoua. Ceux qui viennent
acheter chez moi sont généralement des grossistes qui partent revendre à d'autres
revendeurs. Je vends généralement près de 15 tonnes d'engrais par semaine. Mais
ça devient très difficile parce que les prix des engrais ont beaucoup grimpé ces
derniers temps. En début 2006, le sac de 50 kg de 20-10-10 coûtait 10 000 F CFA.
En fin 2006, ce même sac a coûté presque 13 000 fca et cela va encore augmenter.
Les paysans vont beaucoup souffrir.»
135
2- Les commerçants de produits agricoles
Comme nous l'avons noté plus haut, la forte croissance urbaine a été un élément
important entraînant une demande nationale croissante en produits vivriers. Par
ailleurs, dans le contexte des années 80 et 90 marquées par la récession économique,
les conditions de vie se sont détériorées pour de nombreux camerounais. Comme on
l’a vu, les fonctionnaires ont fait face à une double baisse de salaire. Beaucoup
d’entreprises privées et parapubliques ont fait faillite et la fonction publique
camerounaise a mis fin au contrat de certains de ses employés à partir des années
1990.
Kamanda (2006) rapporte que les projections des documents officiels estimaient
à 30 000 le nombre total d’employés de tout le secteur public à licencier suite à la crise
économique. Une nouvelle forme d’expression locale est d’ailleurs apparue pour
dénommer ceux-ci : « les déflatés » (Nzhie Engono, 2006)106. Par ailleurs, les
recrutements de la fonction publique ont été suspendus : les jeunes diplômés doivent
se trouver ou se créer un emploi en dehors de la fonction publique. Les fonctionnaires
cherchent des stratégies alternatives pour pouvoir « arrondir les fins de mois ». Les
« déflatés » doivent trouver des moyens pour faire face aux dépenses quotidiennes.
Selon le ministère de l’économie et des finances, en mai 1994, sur une population
active de 610 000 à Yaoundé, on dénombre 296 000 chômeurs (Kamanda, 2006). Il y a
donc une partie importante de la population camerounaise à la recherche de nouvelles
activités génératrice de revenus.
La demande urbaine en vivriers a donc développé tout un secteur partant de
l’agriculteur jusqu’au consommateur de la ville. Cette chaîne de distribution mobilise
plusieurs intermédiaires notamment ceux qui viennent acheter dans les villages, les
grossistes basés dans les villes du pays Bamiléké et qui y revendent ou acheminent
vers Douala, Yaoundé ou à l’extérieur du pays, les grossistes des grandes villes
comme Douala et Yaoundé qui revendent aux détaillants ou exportent vers les pays
106 L’auteur fait d’ailleurs état de 115 déflatés au ministère de la recherche scientifique et technique en 1998.
136
voisins. Hatcheu (2006) indique que plus de la moitié des grossistes citadins résidant à
Douala sont des néophytes. Parmi ceux-ci, les anciens techniciens du bâtiment
(maçons, électriciens, menuisiers) sont les plus nombreux aussi bien chez les
détaillants que chez les grossistes, ce qui, selon l'auteur, s'ajoute à bien d’autres
éléments pour confirmer que le commerce du vivrier a été un secteur de reconversion,
une partie de la population en quête de revenus occupant les segments de marché
disponibles.
Ces commerçants des produits agricoles sont d’ailleurs devenus des acteurs
importants du choix des productions agricoles parce que la possibilité pour les
agriculteurs de pouvoir introduire leur récolte dans un réseau de commercialisation
valorisant est désormais déterminante. On peut d’ailleurs penser que ces commerçants
ont joué un rôle non négligeable dans la différenciation des principales zones de
production agricole, contribuant à l’intensification de productions marchandes
particulières dans certaines zones et délaissant celles sans potentialités agricoles
intéressantes107. Ainsi, de Mbouda à Galim, on est impressionné par le trafic important
de véhicules transportant du vivrier de Galim pour Mbouda et les autres marchés. Par
contre, de Dschang à Fokoué, on est étonné de voir que ce genre de trafic est presque
inexistant et qu’il s’agit plutôt de petits véhicules pour le transport des personnes (cf.
partie III).
107 Comme certains villages de Fokoué.
137
III- Les ONG et les associations
Cette section aborde d’abord l’ensemble des organismes d’appui à l’agriculture
en Pays Bamiléké, avant de distinguer en particulier parmi elles les ONG (au nombre
de 3) et les associations (au nombre de 15) d’appui au développement étudiées dans
cette section sous deux aspects, d’abord à travers une brève présentation du SAILD, la
plus ancienne et l’une des plus importantes, puis en voyant comment ces organismes
se sont multipliés dans les années 1990 après la loi portant sur la liberté d’association.
1- Les organismes « régionaux » d’appui au développement
En 2007, on constate la présence de 29 nouveaux organismes d’appui au
développement agricole (OA) d’envergure régionale en pays Bamiléké, en plus donc
de l’UCCAO et de la délégation provinciale de l’agriculture et du développement rural
pour l’Ouest (représentant local du ministère de l’agriculture et du développement
rural) qui étaient présents à l’époque de la caféiculture. Nous avons fait un premier
inventaire en 2005 que nous avons ensuite actualisé en 2007. Ils figurent dans le
tableau ci-après qui présente les organismes d’appui au développement agricole du
pays Bamiléké en 2007.
Sur la base de leur statut, nous pouvons regrouper ces organismes d’appui au
développement agricole (OA) d’envergure régionale en quatre principales catégories :
- les ONG et les associations d’appui au développement abordées ici
- les programmes ou projets de l’Etat apparus à partir de 2000 et traités dans la
section suivante,
- les organisations d’agriculteurs, avec l’UCCAO, mais surtout le BINUM qui
regroupe un effectif important d’agriculteurs. Le CCA, coopérative d’épargne
et de crédit, occupe une place marginale dans ce tableau parce qu’elle concerne
surtout des usagers urbains et qu’elle est dirigée par des hommes d’affaires sans
relation étroite avec les agriculteurs.
138
Tableau 5: Les organismes d’appui au développement agricole d’envergure régionale en Pays
Bamiléké
N° Sigle Année de création Statut Implantation108
1 ADEID 1990 Association Bafoussam 2 CIFORD 1990 Association Bafoussam 3 ASDEC 1998 Association Bafoussam 4 OCALUH 1996 Association Bafoussam 5 DK International 1999 Association Bafoussam 6 ORISADE 2000 Association Bafoussam 7 OCADE 1998 Association Bafoussam 8 AFOGREN 1998 Association Mbouda 9 APRIS 1994 Association Bafoussam
10 APADER 1993 Association Bangangté 11 BINUM 1998 Association Bafoussam 12 CADO 2004 Association Bafoussam 13 ROAD 1997 Association Bafoussam 14
CRESAD 1997 Association Bafoussam
15 CIPCRE
1998 ONG Bafoussam
16 PIPAD 2002 ONG Dschang 17 SAILD 1988 ONG Bafoussam 18 DEPADER Avant 1980 Structure étatique Bafoussam 19 PNVRA 1988 Programme étatique Bafoussam 20 PROJET PARI 2004 Projet étatique Bafoussam 21 PROJET GENRE 2000 Projet étatique Bafoussam 22 PAFRA 1992 Programme étatique Bafoussam 23 PAIJA 2000 Programme étatique Bafoussam 24 PRFP 2003 Programme étatique Bafoussam 25 PDPV 2005 Programme étatique Bafoussam 26 PDBF 2003 Programme étatique Bafoussam 27 Projet d’appui à la
protection verger cacao café (PAPVCC)
2003 Programme étatique Bafoussam
28 Programme maïs 2004 Programme étatique Bafoussam 29 Sous programme de
réduction de la pauvreté à la base du PNUD
2005 Programme des Nations unies
Bafoussam
30 UCCAO 1959 Cooperative Bafoussam 31 CCA 1997 Coop. d’épargne et
de crédit Mbouda
108 Localité où se situe le siège ou le bureau régional en pays Bamiléké
139
2- 1988 : le SAILD inaugure précocement la nouvelle ère
Jusqu’en 1985, les seuls organismes d’appui au développement sont la
délégation provinciale du ministère de l’agriculture (DPAO) et l’Union Centrale des
Coopératives Agricoles de l’Ouest Cameroun (UCCAO). Comme nous l’avons montré
pour cette dernière dans le chapitre précédent, celle-ci fait partie du dispositif promu et
contrôlé par l'État.
L’apparition d’autres organismes d’appui au développement agricole est
intervenue dès 1988 avec la création du Service d’Appui aux Initiatives Locales de
Développement (SAILD), une Organisation Non Gouvernementale (ONG) basée au
Cameroun et dont l’intervention concerne plusieurs pays d’Afrique centrale. Sa
création précoce tire son origine de l'existence d'un service d'appui aux initiatives
locales de développement au niveau du diocèse (église catholique) de Sangmelima
dans la province du Sud Cameroun. Certains promoteurs de l’ONG SAILD faisaient
partie du personnel de ce service. Ce service avait pu obtenir de l'évêque du diocèse
l'autorisation de se délocaliser à Yaoundé et de fonctionner comme une structure
autonome pour élargir son rayon d'action et desservir les autres localités du pays.
Le cadre juridique permettant la création d’ONG ou d’associations au
Cameroun n’existant pas avant 1990, les promoteurs de l’ONG SAILD (dont plusieurs
étaient de nationalités étrangères : Italie, Suisse, Pologne, etc.) l’ont légalisé en Suisse
et ont ensuite signé avec le gouvernement camerounais une convention qui leur permit
d’installer au Cameroun leur Secrétariat général et par la suite de créer des antennes
régionales. Quoique qu’intervenant dans l’Ouest Cameroun et notamment en pays
Bamiléké depuis 1988, le SAILD n’y a créé une antenne qu’en 1999. Jusqu’à cette
date, son intervention dans la région se faisait à partir de son Secrétariat général basé à
Yaoundé et de son antenne de Bamenda, ville située dans la province du Nord-Ouest, à
une centaine de kilomètres de Bafoussam.
Dans son antenne de l’Ouest Cameroun, en 2007, le SAILD emploie 4 cadres et
3 employés permanents.
140
3- 1990 : une loi favorise la création d’ONG et d’associations
Le tableau ci-après montre les créations d’Organisations Non
Gouvernementales (ONG) et d’associations dans l’Ouest Cameroun pour chaque
période de 5 ans à partir de 1980.
C’est à partir de 1990 que sont apparues plusieurs ONG et associations dans le
secteur agricole du pays Bamiléké. De 1990 à 1999, nous en avons dénombré 13, mais
rappelons que l’effectif réel de toutes les ONG et associations intervenant dans la
région est bien plus important en raison du fait que nous avons choisi de nous limiter
dans notre inventaire à ceux d’envergure régionale, écartant celles actives au niveau
local et qui ne peuvent être dénombrées.
Tableau 6: Nombre d’ONG et d’associations créées de 1980 à 2007 dans le Pays Bamiléké
Période de 5 années Nombre
Avant 1980 0
De 1980 à 1984 0
De 1985 à 1989 1
De 1990 à 1994 4
De 1995 à 1999 9
De 2000 à 2004 3
A partir de 2005 0
Total en fin 2007 17
Le tableau ci-après donne, pour les ONG et les associations, leur pourcentage
de représentation en terme d’effectifs au sein des organismes d’appui au
développement agricole présents en pays Bamiléké.
Le tableau ci-dessous montre que, sur les 31 organismes d'appui répertoriés, il y
en a 17, soit environ 55 %, qui sont des associations ou des ONG. Dans cette
catégorie, nous avons une organisation paysanne, l’Association de Producteurs pour le
Développement, plus connue sous son surnom légal de BINUM. Elle est enregistrée
141
comme association en juin 1998. A l'exception du SAILD dont la création a déjà été
évoquée, les 15 autres ont été créées à partir de 1990, année de la loi régissant les
associations au Cameroun109.
Tableau 7: Effectif des OA d’envergure régionale du Pays Bamiléké par statut juridique
Statut Effectif
ONG et association d’appui au développement 16
Coopérative agricole 1
Organisation paysanne ayant statut d’association 1
Coopérative d’épargne et de crédit 1
Etat (programmes étatiques ou services du ministère de
l’agriculture)
11
Organisation internationale 1
Total 31
Cette loi permet de constituer des associations et de les faire reconnaître par
l’État. Rappelons que, jusqu'à cette date, la législation camerounaise ne favorisait, ni
ne reconnaissait les associations. Cette interdiction était un des moyens utilisés110 par
l'État (et son parti unique) pour contrôler les mouvements contestataires qui furent
impliqués dans les luttes qui ont ensanglanté le Cameroun et dont un des foyers de
résistance fut le maquis en pays Bamiléké.
Puis, en 1992, intervint la législation relative aux groupes d'initiative commune
et aux coopératives. Celle-ci relève de la stratégie de désengagement de l’Etat
camerounais et d'incitation à l’émergence d’organisations de producteurs pour que ces
derniers se prennent en charge. Pour ce faire, l’Etat encourageait ainsi l’apparition de
structures privées devant aider les agriculteurs voulant créer une telle organisation. Le
processus de légalisation implique qu’un dossier soit constitué et déposé auprès du
service du Ministère de l’agriculture en charge des coopératives et des groupes
d'initiative commune et il existe un seul de ces services par province (le service
109 La loi n° 90/053 du 19 décembre 1990, portant liberté d’association. 110 Comme tout regroupement ou association était interdit, l’Etat pouvait ainsi réprimer toute action collective au motif d’illégalité.
142
Coop. / GIC). L’appui à l’élaboration des textes statutaires, la constitution des dossiers
de légalisation et l’enregistrement du GIC au niveau du service provincial était
rémunéré. Pour chaque GIC légalisé, le prestataire percevait environ 50 000 f CFA
(environ 76 euros). Ceci créa une opportunité pour des personnes ou des structures
disposant de la compétence nécessaire.
Par ailleurs, le contexte était caractérisé sur le plan international par le discrédit
dont souffrait la plupart des Etats des pays sous développés qui sont réputés de
mauvais gestionnaires. Aussi, plusieurs bailleurs de fonds et acteurs de la coopération
internationale privilégiaient des relations directes avec les bénéficiaires ou avec des
intermédiaires privés comme les associations ou les ONG. Ce positionnement comme
intermédiaires devint donc un enjeu fort pour celles-ci. Ce sont ces raisons qui
expliquent principalement le développement de ces associations et des ONG.
Toutefois, relevons que si toutes les associations ainsi créées se font souvent
appeler ONG, ce n’est que la loi n° 99/014 du 22 décembre 1999 qui va régir les ONG,
les distinguer du statut d’association et donc reconnaître juridiquement cette
dénomination. Mais dans la réalité, cette appellation recouvre les ONG effectivement
reconnues comme telles et aussi les associations d’appui au développement111.
111 Une association d’appui au développement est différente d’autres associations comme, par exemple, un parti politique qui est aussi une association mais de nature politique.
143
IV- A partir de 2000, le retour de l’Etat
Onze organismes d’appui au développement agricole relèvent de l'État et
surtout du ministère de l'agriculture (cf. Tableau 5: Les organismes d’appui au
développement agricole d’envergure régionale en Pays Bamiléké, p. 138 ; Tableau 7:
Effectif des OA d’envergure régionale du Pays Bamiléké par statut juridique, p. 141).
Il s'agit de la Délégation provinciale de l'agriculture pour l'Ouest et des 9 projets ou
programmes mis en oeuvre sous le couvert de cette même délégation, mais autonomes
par rapport au dispositif classique de la délégation (sur le plan du budget, de la gestion
et des activités). Jusqu’en 2000, seulement deux de ces programmes existaient, à
savoir le Programme National de Vulgarisation et de Recherche Agricole (PNVRA) et
le projet ASPPA (Appui aux Stratégies Paysannes et à la Professionnalisation de
l’Agriculture) actuellement dénommé Professionnalisation Agricole et Renforcement
Institutionnel (PARI). Les autres projets et programmes ont vu le jour après 2000 et
plusieurs sont financés par les fonds issus de la remise de la dette à travers l’initiative
Pays Pauvre Très Endetté (PPTE) initiée par le FMI et la Banque Mondiale.
Le personnel du ministère de l’agriculture dans l’Ouest Cameroun
La délégation provinciale du ministère de l’agriculture pour l’Ouest dispose
d’un effectif de 721 personnes sur toute la province de l’Ouest dont 7 des 8
départements constitue le pays Bamiléké. Cet effectif comporte :
- 64 ingénieurs agronomes (Bac +5), 117 ingénieurs de travaux agricoles (Bac
+ 3) et 1 ingénieur des techniques du génie rural
- 360 techniciens d’agricultures (Probatoire + 2) et 23 techniciens principaux
du génie rural
- 51 agents techniques d’agriculture
- 3 secrétaires d’administration et 21 contractuels d’administration
144
On constate donc le retour de l’Etat suivant un nouveau mode de déploiement.
Si, dans les années 1970, on assistait à la création des sociétés et missions de
développement, la décennie 2000 est celle de grands programmes ou projets. Chacun
d’eux concerne plusieurs régions agro écologiques du pays, avec la particularité que sa
structure d’exécution (ou coordination) est basée au ministère de l’agriculture à
Yaoundé. Au niveau régional (province et département), n’existent que des
responsables locaux appelés « points focaux ». A l’inverse des Projets et Missions de
développement des années 1970, les activités sont fortement dispersées sur les
territoires avec des impacts très souvent peu significatifs au regard du nombre de
personnes effectivement touchées et de l’effet d’entraînement.
Par exemple, un de ces programmes mis en place après 2000 n’a concerné au
total que 10 groupes de 50 agriculteurs dans toute la province de l’Ouest et il a
essentiellement consisté en des missions de cadres techniques (équipe de coordination
de Yaoundé et responsable provincial) dans toute la région pour identifier ces
agriculteurs. Chacun de ces groupes a seulement reçu un matériel ne valant pas plus de
150 000 f cfa (environ 230 euros). Par ailleurs, pour toute la région, ce programme ne
dispose que d’un seul agent, le responsable local qui est en même temps membre du
L’action du ministère de l’agriculture dans la province de l’Ouest
Cameroun
Depuis 2000, ce sont les programmes et projets nationaux de développement
agricole qui mobilisent quelques agents du ministère qui sont actifs auprès des
agriculteurs.
Avec l’arrêt du financement de la Banque mondiale en 2004, le personnel
n’est plus en réalité en activité. « Ne venez pas demander ce que fait un
fonctionnaire. Il est en fonction, point. Ce n’est pas lui qui doit inventer le travail à
faire. Ce n’est pas son champ. Si on lui donne du travail et des moyens il le fait,
sinon il est en fonction », relève un haut responsable de la délégation qui était gêné
et ne voulait pas aborder avec nous le travail effectivement réalisé par le personnel
de cette délégation.
145
personnel de la délégation provinciale du ministère de l’agriculture et du
développement rural à l’Ouest.
Le PNUD à la recherche des pauvres : Le sous programme de réduction de la
pauvreté à la base
L’un des nouveaux acteurs du secteur agricole bamiléké est le Programme des
Nations Unies pour le Développement (PNUD) qui assure lui-même l’exécution de
son projet. Son action dans la région fait suite à une délocalisation des actions du
PNUD autrefois basé à Yaoundé. Celui-ci met en oeuvre le « sous programme de
réduction de la pauvreté à la base » à travers une convention avec le gouvernement
camerounais qui contribue financièrement et, avec le concours d’autres partenaires, au
développement. Ce programme fait partie de la stratégie de coopération du PNUD qui
s’inscrit dans le cadre de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD). Le financement est assuré par des bailleurs de fonds,
constituant ainsi un « basket fund ». D’après nos entretiens avec les responsables
rencontrés, les principaux financements proviennent actuellement du Fonds du golfe
arabe (Arab Gulf Programme for United Nations Development Organizations), du
Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (The Global
Fund) et des ressources PPTE. Le document de projet signé par le gouvernement
camerounais, le PNUD et l’UNOPS112, fait état d’un budget de 33 275 320 dollars
américains pour la période 2003-2007(Gouvernement camerounais et PNUD, 2002).
Ce programme couvre toutes les provinces du Cameroun à travers quatre
Cellules Régionales. Celle basée à Bafoussam dans la province de l’Ouest Cameroun
couvre les provinces de l’Ouest et du Nord Ouest. Elle fut ouverte le 27 novembre
2005 et le lancement officiel de ses activités eût lieu le 16 mars 2006. Pratiquement,
son action consiste à financer des micro-projets en faveur de paysans organisés en
GIC. Jusqu’en août 2008, environ 70 projets avaient été financés dans l’Ouest et le
Nord Ouest pour un montant de près de 350 millions de francs cfa (533 536 euros).
112 United Nations Office of Project Services (UNOPS).
146
Dans la stratégie d’intervention de ce programme, seuls les groupes de paysans
(GIC) bénéficient de son soutien. Par ailleurs, un dossier de demande doit être déposé
et il est exigé une contribution du groupe ou de ses partenaires. Cette exigence fait que
ce sont les groupes se trouvant déjà dans des réseaux avec des ONG qui peuvent
facilement soumissionner avec une proposition de contrepartie de ces ONG.
Souvent, les groupes de paysans pauvres que vise le programme sont mal placés
pour accéder à ce soutien faute de contribution propre. A titre d’exemple, le groupe de
Fokoué qui a bénéficié du soutien de ce programme produit des semences de pomme
de terre et est par ailleurs bénéficiaire de l’appui du PNDRT financé par le FIDA. Il a
reçu un tracteur coûtant 2 500 000 f cfa (environ 3800 euros) pour lequel il a dû
apporter une contribution. Certes, il ne s’agit pas d’une situation générale, notre travail
n’ayant pas fait une analyse de tous les projets financés par ce programme. Mais c’est
seulement une illustration d’une conséquence de telles démarches qui, tout en
s’adressant aux pauvres, leur sont malheureusement peu accessibles à cause des
procédures de mise en oeuvre. En particulier, il leur est demandé des documents dont
la rédaction n’est pas à la portée de la plupart des groupes paysans à savoir : le canevas
général de la proposition dit« cadre logique », la présentation des liens du projet avec
les autres initiatives de développement ou le plan de développement de la localité.
Cette situation les oblige à recourir à des prestataires.
147
V- Les nombreuses organisations paysannes bamiléké
Comme nous l’avons vu précédemment (cf. section I, p. 122), l’UCCAO
poursuit son déclin avec la chute de la caféiculture. L’Etat a cependant créé un cadre
juridique favorisant l’organisation ou plutôt la réorganisation des agriculteurs. Des
actions ont été aussi initiées par l’Etat pour accompagner ce processus. Qu’en est-il
donc de l’organisation actuelle des agriculteurs en pays Bamiléké ? Tel est l’objet de
cette section qui vise à appréhender la place actuelle des agriculteurs bamiléké dans le
paysage d’acteurs à l’échelle régionale.
1- De l'usage de l'expression organisation paysanne
Plusieurs termes sont employées pour désigner les organisations d’agriculteurs :
organisation paysanne, groupements paysans, organisation professionnelle agricole,
organisation paysanne rurale, etc. Une clarification et un choix s’imposent parce que
ces différentes dénominations ne se référent pas toujours aux mêmes réalités.
En particulier, au Cameroun, certains parlent de plus en plus d’organisations
professionnelles agricoles pour désigner ces regroupements d’agriculteurs. Ceci
constitue à notre avis un abus de langage par rapport à une expression importée qui ne
recouvre pas la même réalité dans son pays de départ, la France, et au Cameroun où
son emploi risquerait de conduire à des malentendus au sujet de réalités qui ne seraient
pas comparables. Nos recherches antérieures, notamment celles relatives à la mise en
place des CTE et CAD en France, nous avait donné l’occasion de connaître les
organisations professionnelles agricoles de ce pays (Fongang et al, 2008)113.
L’expression OPA nous a semblé porteuse de toute une culture à travers laquelle les
agriculteurs français ont pu s’organiser, renforcer leurs capacités et réussir le pari du
projet productiviste d’après guerre. Dès lors, au sortir de plusieurs décennies de
transformations conduisant à des niveaux élevés d’équipement, de technicité,
d’ouverture, de rentabilité, l’expression organisations professionnelles agricoles
renvoie non pas uniquement à un regroupement d’agriculteurs, mais bien plus au
produit d’une certaine histoire, à un chemin parcouru. En devenant une profession
113 Les OPA et le dispositif CTE en Corse, Revue POUR, n° 196/197, mars 2008, p. 313-320.
148
cogestionnaire de l’agriculture avec l’Etat, les agriculteurs ont ainsi pu se constituer en
une force socioéconomique reconnue et pesant dans la gestion des affaires de la nation.
Comment donc transposer une telle terminologie dans le contexte si particulier du
Cameroun où, comme nous le verrons en partie dans la suite de cette thèse, deux
décennies de balbutiement n’ont pas fait émerger une structure collective portée par les
agriculteurs et défendant donc ce secteur d’activité ?
Nous parlerons donc dans cette thèse d’organisation paysanne114 (OP) pour
designer ces structures regroupant des personnes vivant en milieu rural et dont
l’objectif prioritaire porte sur l’amélioration de leurs activités agricoles. Nous ne
parlerons donc pas d’organisation professionnelle agricole (OPA).
2- De 1992 à 2007 : de nombreuses organisations paysannes agricoles
Dans le cadre de ce travail, la nécessité de disposer d’éléments quantifiables
permettant d’apprécier le foisonnement des OP nous a amené à constituer un fichier.
Pour cela, nous avons eu recours au service des coopératives et groupes d’initiative
commune de la province de l’Ouest qui, comme on l’a vu, est le seul service délivrant
les certificats de reconnaissance officielle pour toute la province et donc pour les
départements constituant le pays Bamiléké. Il est à relever qu’une OP peut se faire
reconnaître comme association et dans ce cas être enregistrée plutôt au niveau des
préfectures des départements dans le cadre de la loi sur les partis politiques et les
associations. Une OP peut aussi se faire reconnaître comme groupe d’intérêt
économique (GIE)115 auprès du greffe du tribunal de première instance de sa localité.
Mais, puisque la plupart des partenaires du monde agricole ne reconnaissent que les
GIC et que le statut d’association et celui de GIE ne permettent pas d’accéder aux
avantages dont peuvent bénéficier les GIC, les OP se font rarement reconnaître sous
ces lois116.
114 ou d’organisations paysannes agricoles 115 Loi n° 93/015 du 22 décembre 1993. 116 Au cours des entretiens, les responsables du BINUM, association en cours de mutation vers le statut de coopérative, nous ont révélé qu’il est presque impossible d’accéder à la plupart des partenaires nationaux sans le statut de GIC ou de coopérative. D’ailleurs, leurs différents dossiers adressés aux programmes de l’Etat (en particulier des demandes d’appui pour des infrastructures et des équipements adressées au PNVRA) n’ont pu être
149
Le tableau ci-dessous présente par département les effectifs des OP légalisées
au 30 juin 2007, sur la base des documents que nous avons exploités au niveau du
service provincial des coopératives et GIC pour l’Ouest.
Tableau 8: Effectif de organisations paysannes des départements du pays Bamiléké 1993-2007
Département Date
d’enregis-
trement de la
première OP
Effectif d’OP
légalisées
avant 2000
Effectif d’OP
légalisées
après 2000
Effectif
d’OP au 23
juin 2007
Bamboutos 14/02/94 184 693 877
Haut Nkam 06/01/94 288 447 735
Hauts Plateaux 17/01/94 221 336 557
Koung Khi 11/01/94 123 239 362
Menoua 15/11/93 301 959 1260
Mifi 03/01/94 361 845 1206
Ndé 15/11/93 91 537 628
Total 1569 4056 5625
Les premières organisations ont donc été enregistrées en 1993. À partir de cette
année, on constate un foisonnement d'organisations paysannes atteignant un effectif de
1569 à la fin de l'année 1999. Tous les départements du pays Bamiléké sont concernés
par cette nouvelle dynamique. Certes, il n'y a pas que les agriculteurs qui constituent
des GIC ou des coopératives : plusieurs autres acteurs socioéconomiques ont trouvé
dans ce cadre juridique l’occasion de se faire reconnaître par la loi et de bénéficier des
avantages qu’elle confère, notamment l’exonération d’impôts, la responsabilité des
membres librement fixée par eux dans leurs statuts, etc. Ce qui fait que des non
agriculteurs y ont trouvé un « parapluie fiscal » au point qu’il serait naïf et imprudent
de considérer que les GIC rencontrés, même en milieu rural, sont tous des
regroupements d’agriculteurs. D'ailleurs, les deux premières OP légalisées,
étudiés, en partie pour cette raison. Notons que le BINUM s’est permis de fonctionner sous ce statut parce qu’il dispose d’un réseau de partenaires financiers via le SAILD, promoteur de ce modèle de regroupement.
150
enregistrées le 15/11/93, n’ont pas été créées par des agriculteurs : l’une, basée dans le
département de la Menoua, est le Groupe artisanal pour handicapés moteurs et la
deuxième, du département du Ndé, est le GIC Force de Bangangté dont l'objet est la
fabrication d'outils agricoles. Mais, globalement, les agriculteurs ont constitué la très
grande majorité des OPA ainsi légalisées.
Par rapport aux coopératives, cette prédominance des GIC découle d'une
certaine préférence pour ce type de statut juridique qui se révèle finalement moins
contraignant que le statut de coopérative qui prévoit un regard de l’Etat et exige du
personnel qualifié. Un autre élément déterminant est que seuls les GIC peuvent
bénéficier des appuis fournis par divers organismes de développement agricole. De
plus, au moins jusqu'en 1999, le principal facteur de cette floraison d'OP est l'action
des ONG que renforce le discours international en faveur d’une aide au développement
allant directement aux bénéficiaires.
À partir de 2000, on constate la création d'un effectif encore plus important
d'organisations paysannes. Sur les 5625 OP du pays Bamiléké, 1569, soit 28 %, sont
fondées dans la période allant de 1993 à 1999. Et, de 2000 à juin 2007, 4056 OP, soit
72 %, sont créées. Deux éléments principaux nous semblent expliquer ce fort
accroissement. Tout d'abord, le lancement du programme national de vulgarisation
agricole (PNVA) en 1988. Celui-ci couvre toute l'étendue du territoire camerounais et,
au début, son action au niveau du terrain fut centrée sur le « paysan de contact »
identifié par l'agent vulgarisateur de zone (AVZ). Un groupe de contact était ensuite
créé autour du paysan de contact, lequel groupe donnait naissance à au moins un GIC
car chaque AVZ avait des objectifs en termes de nombre de GIC à légaliser et à
encadrer117. Ainsi, le programme national de vulgarisation, son important personnel et
leurs moyens de déplacement vont contribuer beaucoup à la forte croissance du
nombre des GIC dans le pays Bamiléké à partir de 2000, notamment vers 2002 où le
travail des AVZ fut en grande partie l’accompagnement du processus de légalisation
des OP.
Le deuxième élément à prendre en compte est, qu’à partir de l’année 2000, la
plupart des programmes étatiques financés par les fonds PPTE ou par les bailleurs de
117 Un des AVZ enquêtés nous a rapporté qu’il avait pour objectif de créer et d’encadrer au moins 8 GIC.
151
fonds multilatéraux se mettent en place. Comme déjà indiqué plus haut, ces
programmes portent en général sur l’octroi d’intrants ou de moyens financiers. Et,
pour bénéficier de ces appuis, les paysans doivent constituer des GIC ou des
coopératives, seuls autorisés à faire acte de candidature : la sélection des bénéficiaires
ne porte que sur les dossiers soumis par ces agriculteurs regroupés. La constitution des
GIC devenait donc un enjeu important pour les agriculteurs en quête de ressources
pour leurs activités.
3- Des OP de très faible taille
Le tableau ci-après présente l’effectif moyen d’adhérents par OP au niveau de
chaque département du pays Bamiléké.
Tableau 9: Nombre moyen d’adhérents par OP pour les départements bamiléké en 2007
Département Bamboutos Haut
Nkam
Hauts
Plateaux
Koung
Khi
Menoua Mifi Ndé
Adhérents
par OP
12 11 10 10 11 10 9
Comme nous le montre ce tableau, les OP qui se créent avec la nouvelle
dynamique organisationnelle des agriculteurs bamiléké sont de très petite taille : le
nombre moyen varie de 9 à 12 personnes par OP. De tels effectifs peuvent faciliter une
certaine cohésion, mais ils posent le problème de la viabilité économique de telles
organisations : par exemple, pour mener des activités d'approvisionnement en intrants,
elles ne peuvent pas bénéficier de prix de gros. De même, pour des opérations de
commercialisation, de tels effectifs ne permettent pas de constituer des offres
suffisantes non seulement pour supporter les coûts qu'implique une commercialisation
groupée, mais aussi pour attirer les commerçants et pour négocier de bons prix de
vente.
152
4- Plusieurs niveaux de structuration des OP
Le tableau ci-dessous montre une forte prédominance des GIC qui sont, comme
montré ci-dessus, des regroupements de 10 personnes en moyenne, et qui sont aussi
souvent du même village et/ou de la même famille. Il est prévu que plusieurs GIC
constituent une union de GIC, que plusieurs unions de GIC forment une fédération
d’unions de GIC et des fédérations d’unions de GIC créent une confédération. Ces
différents niveaux de structuration traduisent des niveaux de couverture différents
allant du village au pays en passant par les arrondissements, les départements et les
provinces.
Tableau 10: Effectif des organisations paysannes des départements du pays Bamiléké en
fonction de leur niveau de structuration en juin 2007
Départements du pays Bamiléké Niveau de
structuration
Bambo
utos
Haut
Nkam
Hauts
Plateaux
Koung
Khi
Menoua Mifi Ndé
Total
Fédération
d’Unions
de GIC
1 2 0 0 7 2 0 12
Union de
GIC
16 30 26 2 43 10 11 138
GIC 934 681 521 353 1176 1102 591 5358
Coopérative 13 8 8 3 15 27 13 87
Coopérative
d’épargne
et de crédit
13 14 2 4 18 64 13 128
Union de coop.
0 0 0 0 0 1 0 1
153
Les dynamiques fédératives sont peu nombreuses et réunissent juste quelques
GIC. Les unions de GIC rencontrées sont très souvent le fait de certains GIC d’un
même village amenés à se légaliser en union, souvent du fait de l’intervention de
partenaires au développement sans que cela ne soit le fruit d'un processus de
structuration partant de GIC autonomes qui auraient ensuite eu la volonté de se mettre
ensemble. Il s'agit de personnes qui auraient pu constituer un GIC, mais qui pour
différentes raisons ont opté pour une structuration plus complexe prévoyant des GIC à
l’intérieur de l’union de GIC.
Les coopératives d’épargne et de crédit ont été surtout créées avant 2000. En
effet après la loi le 92, plusieurs acteurs s'y sont engagés en mobilisant de l'épargne et
des parts sociales, et en promettant des crédits aux paysans. Dans la plupart des cas, les
crédits n'ont pas suivi et plusieurs des initiateurs étaient des amateurs, sans maîtrise
des exigences de gestion de pareilles structures dites de microfinance, qui n’ont pas été
viables et ont fait faillite.
L’effectif élevé de coopératives d’épargne et de crédit pour le département de la
Mifi est dû à la ville de Bafoussam, capitale de la province de l’Ouest : ces
coopératives s’y sont installées en raison des activités commerciales de cette ville qui
leur offre ainsi une clientèle. Cette implantation marquée en milieu urbain se retrouve
aussi dans les autres départements. Ceci est un indicateur de ce que le milieu rural
n’offre pas d’activités suffisamment rentables pour que se constitue une clientèle
intéressante pour ces structures d’épargne et de crédit. Par ailleurs, celles-ci y
subissent une forte concurrence de la part des tontines traditionnelles qui offrent des
services sociaux complémentaires à leurs membres (assistance en cas d’événement
heureux ou malheureux, danse traditionnelle).
Nos travaux sur le terrain ont révélé que les autres coopératives agricoles sont,
dans la plupart des cas, des structures de commercialisation de produits ou d’intrants
agricoles ou du moins avaient cela comme objectif. La majorité n’a pu effectivement
fonctionner suivant un modèle de regroupement d’individus : celles qui existent sont
des propriétés individuelles se réfugiant sous le statut de coopérative utilisé comme
parapluie fiscal.
154
5- Très peu d'organisations paysannes d’envergure régionale
Seulement deux organisations paysannes sont d’envergure provinciale :
l’UCCAO et l’Association de Producteurs pour le Développement (plus généralement
connue sous son surnom BINUM118). L’UCCAO est une union de coopérative agricole
dont nous avons déjà parlé (cf. chapitre IV et section I de ce chapitre V)
Le BINUM, quant à lui, a été créé en 1998. Il a le statut d'association119 et est
constitué de plusieurs bases de regroupement appelées zones. En fin 2007, il en
comptait 19 dont 14 en pays Bamiléké et 5 situées hors de la province de l’Ouest
(provinces du centre et du littoral). Chaque zone a aussi le statut d’association. Il
comptait 2712 adhérents en pays Bamiléké au 31 décembre 2007.
Le BINUM fut mis en place suite à la décentralisation du Conseil des
Fédérations Paysannes du Cameroun (CFPC). En effet, en 1992, les principales
organisations paysannes promues par le SAILD depuis 1987 constituèrent une
confédération baptisée CFPC dont le siège était basé à Yaoundé. En plus de l'appui
technique du SAILD, ce CFPC recevait d'importants financements de la Direction du
développement et de la coopération (DDC) du Département Fédéral des affaires
étrangères suisse. En 1994, une évaluation des activités de cette fédération avait
montré une centralisation des activités à Yaoundé. Cette évaluation concluait
notamment que le CFPC était trop éloigné de sa base pour pouvoir être efficace et
rendre des services utiles aux fédérations membres et aux paysans.
Le CFPC engagea donc un processus de régionalisation qui aboutit au niveau de
l'Ouest à la création du CFPC région ouest120 en 1995. Cependant, en 1998, ce CFPC
Région Ouest a connu une mutation sous fond de scission121 pour devenir le BINUM.
Celui-ci bénéficie depuis sa création du soutien financier de S.O.S. Faim Belgique, de
118 BINUM veut dire « coucher du soleil ». 119 Il est en cours de mutation vers le statut de coopérative. 120 Ce CFPC Région Ouest a pris aussi la dénomination de FORPOC BINUM en 1995. Sans approfondir le sujet, notons toutefois que les changements de dénomination sont ici d’importants enjeux stratégiques à travers lesquels se fait la conquête de la légitimité comme interlocuteur de tous les agriculteurs de la région. 121 Juridiquement, la mise en place du BINUM s'est faite par la légalisation d'une nouvelle association. Certains leaders du CFPC Région Ouest, qui s'étaient sentis mis à l'écart de la nouvelle dynamique ou bien qui n’étaient pas d’accord, vont poursuivre pendant quelques années des activités sous le couvert du CFPC Région Ouest toujours juridiquement existante. Mais, en 2000, les difficultés de gestion d'une opération de crédit sous forme d'engrais ont complètement mis fin aux activités du CFPC Région Ouest.
155
S.O.S Luxembourg et du SAILD. Il a aussi bénéficié de la mise en place du projet
"Renforcement des capacités économiques et organisationnelles de trois organisations
paysannes (OP) dans la région des hautes altitudes au Cameroun"122 cofinancé par
l’Union Européenne. Le SAILD était son principal partenaire technique jusque vers
2005.
Mais, comme nous le verrons, le BINUM rassemble des agriculteurs
appartenant à un réseau promu par le SAILD, ayant la même organisation, les mêmes
principes de fonctionnement et menant presque les mêmes types d’activité. Du fait de
l’influence de cette ONG, la création du BINUM ne résulte pas d’une dynamique
fédérative issue d’organisations paysannes à la base indépendantes et autonomes, et
qui se seraient mises ensemble par la suite autour d’intérêts ou d’enjeux communs.
Cette situation constitue un indice de la faiblesse de la construction d'une force
sociale représentative du monde agricole.
Conclusion
Jusqu’en 1985 environ, l’Etat a puisé sur les recettes des produits agricoles
d’exportation à travers la caisse de stabilisation (ONCPB) pour financer ses missions
(projets de développement, entreprises paraétatiques, etc.) et le développement
agricole à travers les subventions et les prix garantis aux planteurs, ce qui lui
permettait de maintenir son contrôle sur l’importante coopérative caféicole du pays
Bamiléké, l’UCCAO.
Mais le dispositif « Etat – Coopérative - Notables Planteurs » s’est s’effondré
sous l’influence de plusieurs facteurs internes et externes :
- La chute des cours mondiaux du café, commencée vers 1978, a conduit à
l’effondrement du système mis en place par l’Etat camerounais au plan national,
notamment les prélèvements sur les exportations de café via l’ONCPB qui est dissoute
122 Contrat de subvention – Actions extérieures de la communauté, N° ONG-PVD/2003/063-696, financement partiel du SAILD, SOS Faim et ICCO pour un budget total de 822 720 euros.
156
en 1991 alors qu’elle doit 1 918 990 146 f cfa (environ 2, 9 millions d’euros)123 à
l’UCCAO au 31 décembre 1991124 .
- Le stratégie de l’Etat camerounais, qui reposait sur l’interventionnisme125,
connaît de profonds changements avec la crise économique, notamment son retrait de
plusieurs activités. Le contexte économique est désormais marqué par la libéralisation.
De nouveaux segments de marché se créent et offrent des opportunités. Emerge alors
un secteur commercial concurrent de l’UCCAO qui, depuis 1961, avait le monopole de
la collecte et de l’exportation du café. Ce secteur comprend les commerçants d’intrants
agricoles et les commerçants de produits agricoles. Parmi ces derniers, les exportateurs
privés de café disposent d’un réseau efficace d’acheteurs qui sillonnent les villages,
paient au comptant, sont plus crédibles pour les planteurs que l’UCCAO, désormais
affaiblie par la crise économique. Le commerce d’intrants agricoles fait intervenir
désormais des distributeurs de plusieurs catégories (importateurs, grossistes,
revendeurs) et s’appuie sur environ 300 points de vente dans toute la province de
l’Ouest.
- Par ailleurs l’Etat se trouve discrédité à la fin des années 80 et plusieurs
bailleurs de fonds internationaux préfèrent faire transiter l’aide internationale au
développement par d’autres intermédiaires pour atteindre les populations bénéficiaires.
Ceci a conduit à la création d’ONG et d’associations d’appui au développement
agricole qui ont pour objectifs l’accompagnement des agriculteurs et de leurs
associations paysannes. On retrouve 16 en pays Bamiléké, toutes créées entre 1990 et
2000. L’action de plusieurs d’entre elles a porté essentiellement sur l’appui aux
processus de légalisation des organisations paysannes
Sur le plan interne, le dispositif Etat - UCCAO - Notables planteurs a affaibli
l’UCCAO qui fonctionne comme une excroissance de l’Etat, entraînant une très
mauvaise gestion de l’UCCAO et de ses coopératives départementales. L’abandon
actuel de la coopérative par les paysans n’est-il pas révélateur de ce que le contexte
123 Source : Rapport d’activité de l’UCCAO, exercice 1994/1995. 124 L’ONCPB a un passif de plus de 100 milliards de f cfa en 1990, alors qu’en 1985 elle avait des réserves de 200 milliards. 125 « Le terme interventionnisme s’applique beaucoup plus à la situation où l’Etat intervient non pas seulement en édictant des réglementations mais aussi et même surtout en s’occupant directement des fonctions de production, de transformation et même des échanges » (Kamajou, 1984).
157
créé par l’Etat avait fait d’eux de coopérateurs passifs, simples bénéficiaires d’un
service de commercialisation et des autres avantages complémentaires ?
Toutefois, à partir de 2000, grâce aux fonds issus de la remise de la dette à
travers l’initiative Pays Pauvre Très Endettés d’une part et à la confiance renouvelée
de certains partenaires bilatéraux et multilatéraux, l’Etat camerounais semble avoir
rompu sans le dire avec l’option de désengagement et se redéploie à nouveau, mais
cette fois avec de grands projets / programmes agricoles centralisés et portant
généralement sur une filière agricole précise (cf. annexe 11), contrairement aux
missions et projets de développement à caractère régional mis en place dans les années
70. Ce retour de l’Etat signifierait-il qu’il a retrouvé une certaine crédibilité ?
Dans le même temps, on observe un ralentissement voire un arrêt, de la création
des ONG et associations : ont-elles pu s’affirmer comme des partenaires crédibles et
efficaces des bailleurs de fonds internationaux ? Ont-elles fait la preuve de leur
capacité à combler le vide laissé par l’Etat ou même de faire mieux ? Comme nous le
constatons dans la suite de cette thèse, cette capacité des ONG reste à prouver car elles
n’assurent qu’une couverture partielle de la région et ne travaillent qu’avec un nombre
limité d’agriculteurs.
Malgré la nouvelle législation suscitant l’émergence de coopératives et autres
formes associatives, aucune autre coopérative n’a vu le jour. En plus de l’UCCAO en
déclin, une seule autre organisation paysanne existe à l’échelle régionale du pays
Bamiléké, le BINUM. Mais, elle a été suscitée et fortement portée par son partenaire
national le SAILD et ses partenaires financiers étrangers (SOS Faim).
158
Chapitre VI
Les dispositifs du secteur agricole bamiléké
Ce chapitre analyse les paysages d’acteurs décrits dans les deux chapitres
précédents. Ici, nous recourons au concept de dispositif pour tenter de saisir les
mutations intervenues dans le secteur agricole bamiléké sur le plan de la recomposition
du paysage d’acteurs. Nous allons partir des interactions entre acteurs en nous référant
à la définition du dispositif que nous adaptons à ce contexte : un ensemble d’acteurs du
secteur agricole en interaction entre eux, ces interactions faisant entrer en jeu des
composantes non humaines qui influencent un ou plusieurs acteurs ou encore avec
lesquelles ils sont au moins en relation. Et la dynamique d’évolution des interactions
entre acteurs se trouve influencée au moins en partie par ces composantes non
humaines. Ainsi, un dispositif peut être repéré par ces interactions qui lient ses
différentes composantes et il se singularise ou se démarque comme entité complexe
isolée au niveau de l’espace social par des absences ou ruptures de liens qui s’opèrent
avec les autres acteurs et composantes de cet espace social considéré. Sur cette base,
nous esquissons dans ce chapitre une caractérisation du paysage d’acteurs en terme de
dispositif avant et après 1985.
159
I- Le paysage d’acteurs avant 1985 : un seul dispositif, un seul leader126
Du temps de la caféiculture, le secteur agricole en pays Bamiléké comprenait
trois principaux acteurs : l’UCCAO, l’Etat et les planteurs en particulier leurs leaders
que nous qualifions de « notables planteurs ». Ces acteurs étaient en interaction et
entretenaient des relations qui faisaient d’eux les partenaires d’un dispositif à cette
échelle régionale. Ceux-ci pouvaient être regroupés en deux catégories :
- Les acteurs institutionnels à savoir l’Etat, l’UCCAO et ses coopératives
membres.
- Les acteurs individuels que sont les planteurs, avec une différenciation basée
sur plusieurs éléments (taille de l’exploitation, force de travail mobilisable, position
dans la hiérarchie sociale locale).
Ces planteurs étaient en interaction avec les deux acteurs précédemment
évoqués suivant deux voies : d’abord en tant qu’individus et alors la relation avec la
coopérative était essentiellement marchande et consistait pour chaque planteur à
vendre sa production de café à la coopérative. Ensuite, en tant que coopérateurs, ce qui
conduisait à un système de représentation propulsant certains d’entre eux, des
notables, comme porte-parole des planteurs.
Les principales interactions structurantes reposent sur un jeu d’acteurs entre
l’Etat, l’UCCAO et les « notables planteurs ».
1- Le contrôle du dispositif par l’Etat
Depuis l’introduction de la caféiculture, l’administration coloniale d’abord et
l’Etat camerounais par la suite, ont utilisé plusieurs stratégies pour contrôler les
planteurs. Rappelons que l’administration coloniale réglementait l’accès à la
caféiculture, c'est-à-dire au statut de planteur. Il s’agissait là d’un recrutement sélectif
des acteurs individuels du dispositif qui ne réunissait que ceux qui lui étaient
favorables. Cette situation se heurta à une réaction de la part de ceux qui étaient à
126Cette section est écrite en utilisant des verbes au passé (imparfait, passé composé) parce que ce que nous décrivons a disparu progressivement. Cependant certaines conduites évoquées ici existent encore actuellement.
160
l’extérieur du dispositif, exigeant la levée de cette procédure sélective et l’entrée de
ces nouveaux acteurs fut réalisée à travers une révolte contre l’une des règles du
dispositif. Ce jeu d’acteurs a abouti à la levée de cette règle restrictive.
L’entrée de nouveaux acteurs avec la libéralisation de la caféiculture entraîna
une autre dynamique du dispositif, notamment la perte du contrôle de ce dispositif par
les exploitants européens suite à l’augmentation de l’effectif des agriculteurs locaux.
Les troubles liés aux luttes d’indépendance vont aussi influencer le cours de ce
dispositif, les plantations des exploitants européens sont saccagées et ceux-ci, en
insécurité, les abandonnent. A partir de la fin des années 50, les acteurs individuels
que sont les agriculteurs ont ainsi été pour l’essentiel les agriculteurs bamiléké
convertis à la caféiculture.
Le mouvement coopératif a été canalisé par l’Etat à la suite de l’administration
coloniale avec la création de coopératives départementales et de l’UCCAO, l’union de
celles-ci. Si on excepte les tontines et les autres formes d’entraides informelles, les
structures associatives paysannes de la région se réduisaient à un seul mouvement
coopératif. Cette extension du dispositif aux autres départements consacre d’ailleurs la
dimension territoriale ou mieux régionale du dispositif.
Ainsi, la dynamique portée par les planteurs revendicateurs se trouva jumelée à
celle impulsée initialement par les exploitants européens. Elle était contrôlée par
l’administration coloniale. Puis, l’Etat camerounais, indépendant en 1960, conféra le
monopole de la commercialisation du café à l’UCCAO. Celui-ci étant la principale
culture marchande, c’était alors la base de l’unique dynamique paysanne agricole
canalisée à travers l’unique mouvement coopératif. En 1973, la législation coopérative
donna à l’Etat les pouvoirs les plus étendus en matière de contrôle et d’inspection de
l’UCCAO. Sous le couvert de cette loi, c’était l’Etat qui nommait les dirigeants et
avait le pouvoir de les révoquer. Le mouvement coopératif en pays Bamiléké était
donc contrôlé par l’Etat à travers des dispositions légales. Ceci a conduit à faire de
l’UCCAO le seul interlocuteur du monde paysan à l’échelle régionale et l’Etat était le
seul acteur du dispositif régional dont l’étendue de l’action au-delà de la région lui
permettait d’être connecté à d’autres acteurs.
161
La viabilité de ce dispositif reposait sur la régulation qu’utilisait
l’administration, d’abord au moyen de la création de la caisse de stabilisation des prix
du café par décret n° 55-1643 de décembre 1955. Celle-ci effectuait des prélèvements
sur les ventes et garantissait un prix de campagne. Ensuite, la création de l’ONCPB en
1976 s’inscrivait dans le prolongement de cette pratique. Cette législation sur les
caisses de stabilisation a mis en place à l’échelle nationale un autre dispositif : ETAT -
ONCPB - Structures spécialisées de commercialisation des produits agricoles127. Cet
autre dispositif se trouvait toujours tenu et contrôlé par l’Etat qui avait ainsi la main
mise sur l’ONCPB, la relation Etat - UCCAO faisant plutôt partie du dispositif
régional Etat – UCCAO – « notables planteurs ». Cet acteur, situé à l’extérieur du
dispositif régional, constituait un outil de l’Etat dont l’action dépassait donc le cadre
régional. L’Etat avait ainsi une position dans le cadre national lui permettant des
actions au niveau régional au moyen de la législation qu’il contrôlait et orientait : sa
position en tant qu’Etat lui permettait (et lui permet toujours) d’appartenir à plusieurs
dispositifs à la fois.
2- Le pouvoir et les ressources financières comme enjeux du dispositif
Les principaux enjeux dans ce dispositif régional étaient l’accès aux ressources
financières et au pouvoir. L’Etat s’assurait à travers l’UCCAO et l’ONCPB le contrôle
de toute la production commercialisée et effectuait des prélèvements sur les revenus
d’exportation. Au niveau régional et local, deux catégories d’acteurs se partageaient le
pouvoir à l’UCCAO et dans ses coopératives, tout en s’épaulant mutuellement : les
notables planteurs « élus » et les dirigeants salariés.
Dans son fonctionnement, l’UCCAO opérait une différenciation parmi les
planteurs : les simples planteurs qui vendaient le café à la coopérative et les planteurs
notables propulsés aux postes électifs à travers des mécanismes de cooptation que les
dirigeants nommés par l’Etat contrôlaient. Ces notables planteurs étaient les
responsables régionaux et locaux du parti unique au pouvoir, constituant ainsi les 127 C’est l’UCCAO pour le café à l’Ouest, la SODECAO pour le cacao dans le Centre Sud, la SODECOTON pour le coton dans la partie septentrionale du pays.
162
piliers sur lesquels s’appuyait le parti-Etat pour son assise politique dans la région.
Pour ces privilégiés, l’enjeu principal était l’accès aux positions importantes et le fait
d’être responsables du parti au pouvoir permettait d’accéder aux fonctions de député
ou de maire, et aussi de participer à la gestion politique du pays. Un enquêté en parle
ainsi : « A cette époque là, le responsable de la section départementale du parti, M. T,
était un tout puissant. Plus puissant d’ailleurs que le préfet du département. Si vous
étiez préfet et vous vous amusiez, M. T vous donnait 48 heures et vous étiez relevé de
vos fonctions ». Par ailleurs, ces positions étaient source d’un capital social très
important, notamment un réseau de contacts et d’influences donnant accès à beaucoup
d’avantages : facilités de crédit, promotions des enfants à travers l’accès aux
formations d’élites et à des carrières professionnelles réservées (par exemple
l’administration et la magistrature).
Ces notables planteurs recevaient donc des traitements de faveur qui scellaient
leur complicité avec les dirigeants, ce qui permettait même à plusieurs d’entre eux de
bénéficier d’importants crédits restés non remboursés. Leur situation d’endettement
permanent les obligeait d’ailleurs à rechercher à tout prix à préserver le dispositif ainsi
installé par un soutien « inconditionnel et sans réserve » du parti-Etat. La gestion des
dirigeants n’était donc en réalité pas contrôlée par ces responsables élus et les conseils
d’administration étaient des cérémonies de plébiscite des rapports, d’allégeance et
d’hommage aux dirigeants : « En votre nom, vous me permettrez de féliciter le
Directeur Général pour les efforts constamment fournis ». Cette expression se
retrouvait dans presque tous les rapports d’activités.
L’UCCAO et ses coopératives étaient des entreprises dirigées par des
techniciens nommés par l’Etat (les directeurs) ou des fonctionnaires mis à disposition.
Comme nous l’avons vu, ils recevaient des traitements privilégiés et constituaient
l’élite bureaucrate en complicité avec l’Etat. La préservation de leur poste était aussi
un enjeu qui les obligeait à une forte complicité avec les notables planteurs et une
implication dans le parti au pouvoir. Ils finançaient la construction des sièges du parti
et en retour, occupaient de hautes fonctions au bureau national du parti et étaient
maintenus à leurs postes au sein de l’UCCAO.
163
3- Un dispositif de technologie politique
Avant 1985, le secteur agricole bamiléké était donc dominé par un seul
dispositif mis en place par l’administration coloniale. C’était alors un dispositif de
sélection contrôlant l’accès des paysans et réglementant la pratique de la caféiculture.
Il se rapprochait du dispositif disciplinaire décrit par Foucault (1975) dans le cadre de
l’éradication de la peste à la fin du 17eme siècle. On peut être tenté de reprendre cet
auteur pour dire qu’il s’agissait de « surveiller et punir », notamment pour ce qui était
des prescriptions relatives à la manière de faire de la caféiculture une monoculture.
Depuis l’indépendance de 1960, l’Etat camerounais a maintenu et façonné ce
dispositif qui lui permettait à la fois de contrôler le mouvement coopératif de la région
et de s’assurer des prélèvements sur les recettes d’exportation. Ce dispositif était donc
une technologie politique dont l'État se servait pour induire une certaine conduite aux
acteurs en présence et assurer son contrôle. Les recettes prélevées étaient réinjectées
en partie dans le secteur agricole sous forme de subventions, ce qui légitimait ainsi la
position de l’Etat comme représentant, garant et gestionnaire de l’intérêt général. Une
autre partie de ces prélèvements était affectée dans d’autres secteurs avec des enjeux
souvent politiques, notamment pour le maintien d’un certain clientélisme politique et
pour l’entretien de la bureaucratie.
Ce dispositif s’est effondré sous l’effet de l’une de ses composantes, non
humaine, avec la baisse de la valeur marchande locale du café suite à la chute de ses
prix sur le marché mondial et le contexte macro-économique dans lequel se trouvait ce
dispositif (crise économique, corruption, discrédit de l'État, etc.). Les dispositifs
subissent ainsi l'influence du contexte dans lequel ils évoluent et ceci confirme que la
compréhension des stratégies d’acteurs d'un secteur agricole comme celui du pays
Bamiléké ne peut être dissociée du contexte macro-économique et de certaines
composantes non humaines en interaction avec les autres composantes humaines du
dispositif.
Le tableau ci-après nous donne une vue synoptique du dispositif d’acteurs du
secteur agricole bamiléké avant 1985.
164
Tableau 11: Le dispositif du secteur agricole bamiléké à l’époque de la caféiculture
Composantes humaines - Etat
- UCCAO
- coopératives départementales
- notables planteurs
- planteurs
Principales interactions
structurant le dispositif
- Etat et UCCAO
- UCCAO et coopératives membres
- coopératives et planteurs
- « parti-Etat » et « notables planteurs »
- Etat-ONCPB
- ONCPB-UCCAO
Composantes
immatérielles
- régulation par les caisses de stabilisation
- contrôle du mouvement coopératif par le monopole
Instruments utilisés - législation mettant en place la caisse de stabilisation
(1955)
- législation conférant le monopole à l’UCCAO pour la
commercialisation (1961)
- législation coopérative (1973)
Facteurs de l’environ-
nement
- contexte politique marqué par le parti unique ou un parti
au pouvoir très fort
- stratégie de l’Etat reposant sur l’interventionnisme
- cours mondiaux du café intéressants
Acteurs hors du dispositif - ONCPB
- Acheteurs du café
Enjeux - Pouvoir
- Positionnement
- Ressources financières
165
II- Après 1985 : Quatre types de dispositifs dominent
L'effondrement du dispositif caféicole a entraîné l'apparition de plusieurs autres
dispositifs (cf. chapitre V) : il n’existe plus un seul dispositif englobant à l’échelle du
pays Bamiléké, Plusieurs autres ont émergé aux cotés de l’Etat128 dans le domaine
agricole. Celui-ci reste présent dans la région par la délégation provinciale de
l’agriculture et du développement rural et par les responsables de ses
programmes/projets nationaux de développement agricole. Mais le contexte est
désormais moins contraignant et moins contrôlé traduisant le passage d’un cadre de
fort interventionnisme et de surveillance par l’Etat à celui d’une économie plus
ouverte, avec en particulier la libéralisation du marché des intrants et des produits
agricoles.
Quatre types principaux de dispositifs peuvent être distingués et caractérisés :
- celui des ONG et des associations d’appui au développement (§1)
- celui des commerçants d’intrants et de produits agricoles (§2)
- celui promu par l’Etat (§3)
- celui, résiduel, de l’UCCAO et de ses coopératives (§4).
1- Le type de dispositif des ONG
Le dispositif porté par les ONG est constitué de plusieurs filières d’acteurs :
- bailleurs de fonds étrangers
- ONG
- organisations paysannes
- paysans.
Des composantes non humaines font partie intégrante de ce dispositif et elles
influencent l’évolution des relations entre acteurs : ce sont en particulier des ressources
financières et matérielles, des rapports d'activité. Les ressources financières et
matérielles vont du bailleur de fonds à l'ONG. Ce dernier en transfère une partie aux
organisations paysannes qui sont supposées les faire parvenir aux paysans.
128 Avant comme après 1985, l’Etat est présent par tout ce qui constitue l’appareil d’état : préfectures, gendarmeries, services de l’agriculture, services de santé, …
166
L’ONG occupe donc une place de leader, notamment parce qu’il assure le lien
entre les deux groupes d’acteurs de la chaîne : paysans (et leurs organisations
paysannes) et bailleurs de fonds. Cette position lui confère d’ailleurs des marges de
manœuvre pour influencer l’évolution des relations dans le sens de ses intérêts. C’est
une chaîne d’intermédiation permettant aux partenaires financiers de l’ONG locale
d’acheminer des ressources reçues de donateurs privés ou d’autres organisations,
comme l’Union Européenne par exemple, aux paysans supposés être les bénéficiaires
finaux. La place de l’ONG locale trouve ici sa justification de l’objectif visant à
acheminer ces ressources par d’autres canaux que l’Etat.
L’enjeu principal pour ces différents acteurs est l’accès et le contrôle de
ressources financières. Pour que ce dispositif tienne, des rapports d'activité doivent
remonter aux bailleurs de fonds. Ils sont supposés rendre compte de l’impact des
activités au niveau des paysans. Ces rapports justifient et crédibilisent la position de
leader de l'ONG vis-à-vis de ses partenaires financiers et conditionnent les
financements futurs et donc la viabilité du dispositif. Mais les activités des ONG et
leurs rapports doivent porter sur des thématiques d’actualité et qui soient « parlantes »
pour les financeurs étrangers (promotion du genre, développement durable,
changement climatique, protection de l’environnement, promotion d’une force sociale
paysanne, etc.). Il faut par ailleurs développer des activités visibles, si petites soient-
elles.
Finalement, toutes les ONG créées ne parviennent pas à se positionner comme
intermédiaire et à occuper une place durable et reconnue (une place de « leader »),
seules celles qui reçoivent des financements réguliers de partenaires étrangers y
parviennent. Les autres, faute de moyens, ne peuvent mettre en œuvre les activités
prévues et ne sont donc pas présentes auprès des agriculteurs.
167
2- Les types de dispositif des commerçants d’intrants et de produits
agricoles
Le type de dispositif tenu par les commerçants d’intrants est aussi composé de
plusieurs filières pour chacun des principaux importateurs:
- les fabricants d’intrants qui sont très généralement à l'étranger (grandes firmes
multinationales agrochimiques)
- les importateurs basés le plus souvent à Douala et qui, pour certains, reçoivent
les matières actives avant de réaliser des formulations et les conditionnements sur
place
- les distributeurs à l'échelle régionale qui jouent le rôle de grossistes
- les revendeurs situés généralement à l’échelle du département
- les détaillants
- les agriculteurs.
Ce dispositif est tenu par deux éléments : les intrants agricoles et les ressources
financières. Le commerçant doit mettre sur le marché des intrants agricoles efficaces et
à des prix compétitifs. L'agriculteur apporte des ressources financières au vendeur et
ces ressources financières remontent par la chaîne d’intermédiaires commerçants
(distributeurs) jusqu'à la multinationale à l'étranger, chacun prélevant sa marge pour le
travail réalisé. Pour que ce dispositif tienne, le commerçant doit fournir des produits de
qualité, il doit assurer un bon conseil pour que les performances techniques attendues
soient réalisées. Les prix doivent être compétitifs du fait de la concurrence et il doit
exister un nombre important d’agriculteurs qui s’approvisionnent et fournissent de ce
fait des ressources financières.
Les commerçants de produits agricoles sont aussi organisés en dispositif et font
partie des filières : les agriculteurs sont en relation avec des acheteurs qui viennent
collecter les produits au niveau local et qui livrent à des commerçants des villes du
pays Bamiléké comme Bafoussam. Ceux-ci revendent soit à des détaillants de la ville,
soit à des grossistes qui acheminent les produits vers les autres grandes agglomérations
du Cameroun, soit vers l'étranger.
168
3- Le type de dispositif promu par l’Etat
Le troisième dispositif est celui basé sur les projets et les programmes de l’Etat.
Ce dernier en est donc le leader et mobilise les principaux acteurs concernés. Sa chaîne
d’acteurs comporte :
- les organisations de coopération bilatérale et multilatérale à travers des fonds
nouvellement négociés (après sa baisse de crédibilité dans les années 80) ou ceux issus
de la remise de la dette (initiative PPTE)
- l’Etat qui négocie et donne une caution morale
- les services de l’Etat chargés des différents Projets/Programmes et leurs prestataires
- les organisations paysannes
- les agriculteurs.
Les OP reçoivent des ressources financières ou des intrants agricoles qui sont
utilisés ensuite par les agriculteurs au niveau des exploitations. Un des problèmes est
que ce statut d’organisation paysanne peut être obtenu par d’autres acteurs intéressés
mais qui ne sont pas agriculteurs. Ce dispositif mobilise aussi un réseau de prestataires
chargés de réaliser certaines tâches pour lesquelles les agents de l’Etat, chargés du
programme ou du projet institutionnel mis en place par l'État au niveau régional, ne
disposent pas de suffisamment de temps ou manquent des compétences ou des
ressources matérielles nécessaires.
Signalons toutefois l’apparition d’un nouveau mode d’intervention des
organisations de coopération internationale à l’instar ici du PNUD dont le personnel se
délocalise et se retrouve dans la mise en œuvre de programmes au niveau régional. Il
est présent dans le pays Bamiléké par son sous-programme de réduction de la pauvreté
à la base. Est-ce un indice qu’il considère l’Etat et des ONG inefficaces comme
intermédiaires ? Ou plutôt, est-ce une conséquence de nouveaux enjeux du dispositif
au sein duquel il se trouve par ailleurs?
Ce dispositif tient grâce à la légitimité de l'État considéré comme le représentant
de l'intérêt général et qui, pour cela, reçoit des ressources financières conséquentes. Il
fait ensuite entrer en compétition des organisations paysannes à travers un jeu d'appel
à candidatures et celles qui sont sélectionnées reçoivent des ressources financières. Et
169
donc, pour que ce dispositif perdure, il faut que l'État conserve sa crédibilité en
proposant des projets suffisamment convaincants aux donateurs internationaux. Au
niveau des résultats obtenus, il doit fournir des éléments prouvant que ces programmes
contribuent de façon significative à la réduction de la pauvreté, notamment par
l’important effectif de paysans bénéficiaires et par l’amélioration de leurs conditions
de vie.
4- Le dispositif résiduel de l’UCCAO et de ses coopératives
L’UCCAO est leader d’un dispositif qui comprend :
- l’UCCAO
- ses coopératives membres
- des « notables planteurs », représentants « élus » de planteurs
- un petit nombre de planteurs.
Le changement capital depuis 1985 est que la « base », c’est à dire les
agriculteurs sur laquelle l’UCCAO et ses coopératives fondaient leur légitimité, s’est
effondrée. La plupart des agriculteurs ne cultivent pas de caféiers ou, s’ils en ont
encore, ils ne livrent plus leur café à l’UCCAO et n’en sont plus membres. Ce n’est
plus du tout comme autrefois quand, avec Nji et Sama (1987), on pouvait
virtuellement assimiler tous les agriculteurs du département de la Menoua à des
planteurs de café et ces auteurs considéraient la liste de la CAPLAME comme étant la
liste des agriculteurs du département.
En juin 2008, la délégation agricole d’arrondissement de Fokoué dit avoir
recensé environ 100 agriculteurs produisant le café dans une localité comptant 3040
exploitants agricoles. Il s’agit là de ceux ayant des caféiers et prêts à s’y réinvestir en
cas d’appuis éventuels de l’Etat pour une relance. Ils ne représentent que de 3% des
exploitants agricoles de Fokoué, une localité où presque tous les agriculteurs étaient
planteurs de café et membres de la CAPLAME, coopérative de l’UCCAO.
Par ailleurs, ce dispositif ne jouit plus de la complicité et des faveurs de l’Etat :
vers 2000, l’UCCAO a introduit un dossier de demande de financement pour les fonds
issus de l’initiative PPTE et ce dossier a été refusé par les autorités ministérielles.
C’est pourquoi, un responsable du ministère de l’agriculture s’interroge sur la
170
légitimité de l’UCCAO ou plutôt de ses dirigeants en ces termes : « Quand je les
entends parler de la relance de l’UCCAO et de tout ce qu’ils envisagent comme
projets, je me demande toujours si ces dirigeants savent qu’ils ne sont que des
techniciens. Ça devrait être aux coopérateurs de proposer la voie à suivre et non à
eux. Ils font tout comme si c’était leur affaire. Et la réalité c’est qu’ils parlent en leurs
noms propres ».
L’UCCAO repose sur ses techniciens qui semblent très nostalgiques, se
définissant comme le seul outil de développement régional sur lequel l’Etat et les
agriculteurs doivent compter. Ils espèrent toujours que l’Etat va leur donner des
ressources pour financer leur relance. En 2008, l’UCCAO organise son 50eme
anniversaire et les propos de ses responsables illustrent notre analyse : « C’est le
premier arrêt pour regarder derrière. Les 50 ans de la vie d’une structure, surtout
d’une coopérative qui, depuis les années 60, était pratiquement le porte-flambeau du
mouvement coopératif en Afrique au Sud du Sahara, de toutes les coopératives qui ont
existé, avant les années 92, il n’y a que l’UCCAO, et dans une moindre mesure, la
NWCA qui, ont résisté à la bourrasque de la crise économique.
50 ans plus tard, nous avons l’obligation de montrer aux yeux du monde que ce
fleuron de l’économie camerounaise depuis 1975 demeure. Il faut que toute la
communauté agricole de l’Ouest et du Cameroun sache qu’elle peut toujours compter,
qu’elle doit compter sur l’UCCAO, pour conduire son développement. A l’heure
actuelle, à notre manière de voir, il n’y a pas encore de structure pour emboîter le pas
et prendre le relais de ce que nous avons déjà réalisé jusqu’à présent. »129. Dans la
partie III, nous verrons ce qui reste de ce dispositif au niveau de Fokoué et de Galim.
129 Propos extraits du journal « Le jour Quotidien », une édition de 2008.
171
Conclusion
Tous ces dispositifs ont en commun le fait que l’agriculteur constitue l’acteur
du bout de la filière. C’est la personne finale à atteindre, le socle sur lequel repose tous
ces types de dispositifs.
Celui tenu par les ONG est caractérisé par un contrôle fort sur les paysans
bénéficiaires qui sont regroupés dans des organisations paysannes. Ces organisations,
créées par ces ONG, constituent une base qui justifie et légitime l’intermédiation par
l’ONG concernée. Chacune de celles-ci est très soucieuse de fidéliser les OP et les
agriculteurs de leur réseau. Des paysans ou une OP sont mal vus s'ils se partagent entre
les réseaux de plusieurs ONG. Ils sont alors considérés comme déloyaux, infidèles à
leurs partenaires.
La relation entre OP et ONG repose sur un rôle important et délicat des leaders
d’OP. Ces leaders peuvent être évincés si leurs conduites ne correspondent plus à ce
que veut l’ONG. L'enjeu pour celle-ci est donc de disposer d'une base de bénéficiaires,
mais aussi de travailler sur une thématique à la mode. Cette situation soulève la
question de l’autonomie des OP : comment les paysans membres peuvent-ils parvenir
à préserver une capacité d’initiative et impulser leurs orientations face à l’intervention
d’ONG qui veulent modeler des OP selon leurs propres priorités ?
Le type de dispositif tenu par les commerçants est lui aussi un dispositif de
conquête des agriculteurs, acheteurs des produits dont la vente constitue l’objectif
final. Cette conquête consiste en des actions d'influence pour proposer des produits
efficaces et à des prix très compétitifs. C'est donc cette efficacité technique ou
financière des produits qui constitue le levier de persuasion et de fidélisation des
agriculteurs dans le réseau de chacun des commerçants. Mais on constate ici une très
forte mobilité des agriculteurs qui jouissent de plus de liberté en raison du fait qu’il
n’y a pas de contrat durable avec ces entreprises commerciales. S’il dispose des
ressources financières nécessaires, un agriculteur peut se mouvoir du réseau d'un
commerçant à celui d’un autre commerçant ou bien se retrouver à la fois dans
plusieurs réseaux commerciaux. L’autonomie relative des paysans à l’égard de ce
dispositif semble reposer sur leur indépendance financière. Un des principaux
déterminants de la dynamique de ce dispositif est l’efficacité technico-économique des
172
intrants mis sur le marché. L’extension de la base de ces dispositifs repose sur un
travail de recherche de marché fait par les réseaux de distribution.
Le type de dispositif contrôlé par l'État et ses programmes est un dispositif un
peu ouvert vis-à-vis des paysans : il n’y a pas de paysans ou d’OP que l’on cherche
forcement à maintenir dans le dispositif. D’ailleurs, les OP doivent se livrer à une
compétition en soumettant des dossiers afin que quelques-unes soient sélectionnées.
Le plus important ici pour l’Etat, leader du dispositif, concerne l'impact en terme de
nombre d’agriculteurs bénéficiaires, mais il ne lui est pas nécessaire de disposer de
bénéficiaires fidèles à mobiliser et à « présenter » pour justifier sa légitimité. Vis-à-vis
des financeurs extérieurs, l’Etat veille à disposer d’éléments de rapport allant dans le
sens des objectifs du millénaire pour le développement et l'un des enjeux principaux
est ici l'argument du nombre de personnes atteintes par l'intervention, ceci en lien avec
la réduction de la pauvreté. Mais, pour bénéficier de ces projets, les paysans doivent
être suffisamment au courant de la démarche à suivre, surmonter toutes les étapes
procédurières ou administratives le plus souvent avec l’aide d’un prestataire (monter
les dossiers, disposer d’un compte bancaire, apporter une contribution financière si
nécessaire, etc.). Il s’agit d’un dispositif de recrutement sélectif.
Nous constatons que les relations des paysans avec leurs partenaires au sein de
ces différents dispositifs varient énormément. De cette diversité de dispositifs - et donc
de caractéristiques - découle une diversité de services et de types d’intervention auprès
des agriculteurs.
Nous présentons dans le tableau ci-après les principaux types de dispositif
caractérisant actuellement le secteur agricole bamiléké
173
Tableau 12: Une vue synoptique des différents types de dispositifs du secteur agricole bamiléké
en 2007
Dispositif 1 Dispositif 2 Dispositif 3 Dispositif 4
Leader Etat Certaines
ONG
- gros
distributeurs :
grossistes
UCCAO
Partenaires
locaux,
régionaux
- OP
- prestataires
(cabinets et
ONG),
agriculteurs,
- OP
- agriculteurs
- représentants
et grossistes
départementaux,
revendeurs,
agriculteurs
-coopératives
départementales
Acteurs
déterminants
à l’échelle
internationale
- organisations
multilatérales
ou bilatérales,
- institutions
financières
internationales
- ONG du Nord,
- structures
d’aide au
développement
- firmes
multinationales,
- gros
exportateurs
- acheteurs
internationaux
- marchés des
matières
premières
agricoles
Ce qui circule - les ressources
financières
- les ressources
matérielles
- les rapports
- les ressources
financières
- les ressources
matérielles,
- les rapports
-les intrants
agricoles,
-les ressources
financières,
- les ressources
financières
- le produit
Ce qui joue :
Les enjeux
Légitimité de
l’Etat, sa
crédibilité,
La visibilité,
l’actualité des
thématiques
abordées
- performances
technico-
économiques
des intrants
- le prix
- la qualité
- les réseaux
commerciaux
Effectifs des
paysans
touchés
peu nombreux
et dispersés
très restreints et
localisés dans
quelques
localités
très nombreux -seulement
quelques
agriculteurs
administrateurs.
174
Conclusion de la partie II
Cette conclusion ne résume pas les transformations du secteur agricole
Bamiléké passé, à partir de 1985 environ, d'un dispositif très directif à trois acteurs
principaux (l'État, l’UCCAO et les planteurs notables) à un paysage complexe
composé de quatre types de dispositifs : ceux des commerçants, ceux des ONG, ceux
de l'État et celui résiduel de l’UCCAO et de ses coopératives. Ceci a été fait très
succinctement dans l’introduction de cette partie et de façon détaillée dans les
chapitres IV et V.
Une comparaison quantitative des quatre types de dispositifs ne sera pas tentée.
Celle-ci ne fait pas partie des objectifs de cette thèse et ce sujet correspondrait à une
nouvelle recherche à part entière. D'abord, les sources statistiques sont rares, ainsi
même le nombre des agriculteurs de la région n'est pas connu. Nos enquêtes ont
permis de réunir des données sur les quatre types de dispositifs. Par exemple, il en
ressort que l’effectif des ingénieurs et des techniciens du ministère de l'agriculture
présents dans le pays Bamiléké est d'un peu plus de 500 avec un budget
d’investissement et de fonctionnement de 400 millions de f cfa (300 000 euros) en
2007. Les principales ONG disposent chacune de 4 (le SAILD-Ouest-Cameroun) à 14
consultants ou spécialistes (DK International) avec des budgets annuels d’environ 10
millions de f cfa à 50 millions de f cfa (le SAILD-Ouest-Cameroun ou CIPCRE-
Ouest-Cameroun). Les écarts entre les moyens par personne pour les personnels
techniques du ministère de l’agriculture (800 000 f cfa ou 1200 euros par personne) et
pour ceux des ONG (jusqu’à 12,5 millions de f cfa ou 19 000 euros par personne) sont
de l’ordre de 1 à 15 et mériteraient une étude approfondie aussi bien des données
chiffrées, des affectations budgétaires que des activités effectives des agents.
Mais nous visons à préciser certaines des caractéristiques des dispositifs étudiés
dans cette partie, notamment en ce qui concerne les leaders à différents niveaux :
Dans chaque dispositif existent des « leaders », c'est-à-dire des organismes ou
des personnes ayant davantage de pouvoir que les autres du fait du niveau de leurs
ressources (en particulier pour leur expertise, pour le contrôle des règles et des moyens
175
notamment financiers.). A ce sujet, à partir de 1985, les positions ont changé pour les
acteurs qui occupaient le devant de la scène : il n'y a plus les « grands maîtres » de tout
un système comme c’était le cas avec les notables planteurs et les dirigeants de
l’UCCAO et de ses coopératives. Les principaux « leaders » sont désormais :
- les ONG et des associations importantes
- les principaux commerçants des intrants et des produits agricoles
- encore les représentants de l’Etat et de ses programmes / projets
Comme nous l’avons vu, chacun de ces leaders est en relation directe ou
indirecte avec des acteurs de tous les niveaux : international avec les partenaires
étrangers, national à Yaoundé ou à Douala, régional, départemental pour chaque ville,
et enfin local au niveau des villages. Ceci traduit un paysage d’acteurs marqué par une
structuration des relations en filières relativement autonomes les unes par rapport aux
autres. Ceci signifie par ailleurs que les stratégies de ces acteurs vont subir l’influence
de leurs interlocuteurs aux différents niveaux : global à l’extérieur du pays ou sur le
plan international, national à l’échelle du pays et local dans les villages. La dynamique
du paysage d’acteurs ainsi considéré ne peut donc se réduire uniquement aux jeux
d’acteurs des protagonistes à l’échelle régionale.
Chacun de ces leaders fait ainsi partie au moins d'un dispositif dont il tente
d’assurer l'évolution et le contrôle à travers une certaine maîtrise des interactions qui
l’impliquent et du jeu des autres acteurs considérés. Ces interactions font intervenir
plusieurs autres facteurs consacrant la diversité des composantes de ces différents
dispositifs. Par ailleurs, tous les leaders du niveau régional du pays bamiléké sont en
lien avec des acteurs de niveau « supérieur », notamment les grandes firmes, les ONG
étrangères, les institutions multilatérales et les institutions financières internationales,
ce qui montre que les dispositifs concernés à l’échelle du pays Bamiléké sont
influencés par ces acteurs de niveau supérieur qui font partie de dispositifs plus
globaux.
Une des particularités du paysage d’acteurs que nous venons de décrire est que
les différents leaders de ces types de dispositifs s’efforcent d'évoluer seuls tout en étant
attentifs à ce que font les autres, mais dans une logique de concurrence. Ainsi, le
manque de cadre, de situation organisée ou de dispositif transversal permettant à ces
176
différents acteurs de se rencontrer est frappant. Au cours des entretiens, ont été
évoquées des participations communes à certains séminaires, mais sans véritable
partenariat. Le plus souvent, les invités à ces rencontres bénéficient ainsi d’une marque
d’amitié de la part des organisateurs et ils viennent toucher des indemnités de perdiem
pour leur acte de présence. Contrairement au cas corse que nous avons étudié en 2004
(Fongang, 2004), il n’existe pas ici un dispositif se situant au niveau régional et
réunissant les acteurs du secteur agricole pour traiter collectivement certaines
questions communes auxquels ceux-ci sont confrontés.
Une caractéristique de l’Etat en tant qu’acteur est de disposer de divers
instruments (très souvent législatifs) et de pouvoir se démultiplier en plusieurs acteurs
(délégations d’agriculture, services centraux du ministère, Etat-parti), ce qui lui permet
de pouvoir mieux influencer et assurer un certain contrôle des dispositifs dont il est
partie prenante ou qu’il contrôle.
Le paysage d’acteurs du secteur agricole du pays Bamiléké a une configuration
déterminée par les stratégies dominantes des institutions internationales. L’époque de
la caféiculture aura été celui de l'interventionnisme et du contrôle de l'État alors que
les dispositifs actuels sont basés sur l'ouverture des marchés, le retrait de l’Etat, la
libéralisation et un environnement concurrentiel. Ceci reflète ainsi l'idéologie
dominante promue par les institutions financières de Brettons Wood dans les années
80 en matière de retrait de l'État, d’ajustement structurel et d'incitation à l'émergence
d'acteurs privés.
La partie suivante, qui s’intéresse aux agriculteurs et aux autres acteurs du
secteur agricole dans les deux localités de Fokoué et de Galim, va permettre d'étudier
plus concrètement et plus précisément les relations entre ces différents acteurs, les
dispositifs présents les concernant et les interactions éventuelles entre eux.
177
PARTIE III
LES SECTEURS AGRICOLES DE GALIM ET DE
FOKOUE :
CONTEXTES ET ACTEURS
178
Introduction
Cette partie porte sur le paysage d’acteurs du secteur agricole à Galim et à
Fokoué. Apres avoir analysé celui-ci à l’échelle de la région Bamiléké (Partie II), nous
nous intéressons ici à deux arrondissements (ou communes130) pour étudier le paysage
d’acteurs au niveau local, dans les villages où vivent les agriculteurs. A l’échelle du
pays Bamiléké, nous avons eu à faire à des acteurs dont l’action a une envergure
relativement importante, mais celle-ci ne nous permettait pas d’aborder ce qui se passe
localement et de comprendre comment les acteurs précédemment répertoriés (cf. Partie
II) interagissent d’une part avec les agriculteurs et d’autre part entre eux au niveau du
village. Par ailleurs, notre travail à l’échelle du pays Bamiléké s’étant limité à des
acteurs d’envergure régionale, une étude locale s’avère a priori complémentaire en ce
sens qu’elle pourra révéler des acteurs non identifiés à l’échelle régionale.
Une telle déclinaison trouve aussi son fondement dans des hypothèses de notre
recherche. Le concept de dispositif qui structure notre démarche invite à une meilleure
compréhension des situations à différentes échelles et envisage d’ailleurs des
variations en fonction du niveau où on se situe. Nous postulons donc que la diversité
des conditions locales du pays Bamiléké interpelle quant au risque d’une
généralisation qui ne tiendrait pas compte des particularités locales. Ceci se trouve
d’ailleurs conforté par les analyses précédentes (partie II) montrant un contexte
régional particulier soumis à des forces et à des enjeux plus globaux qui dépassent le
cadre de la région, indiquant ainsi que l’échelle locale tout en étant différente de celle
globale, se trouve fortement influencée par elle. Aussi, au regard des spécificités
propres (agro-écologiques, historiques, etc.) respectivement de Galim et de Fokoué, il
est intéressant de savoir comment le paysage d’acteurs à l’échelle du pays Bamiléké
influence celui de chacune de ces localités.
Par ailleurs, compte tenu de la diversité des organismes d’appui intervenant
dans la région et de notre préoccupation portant sur les services effectivement reçus
par les agriculteurs bamiléké, il est pertinent de voir qui intervient dans quelle zone,
130 Rappelons que, au Cameroun, la commune désigne l’unité territoriale de base correspondant au territoire de l’unité administrative de base qu’est l’arrondissement.
179
pour quelles raisons, quelles sont les localités couvertes par les organismes d’appui
(OA). Du côté des organisations paysannes, leur effectif considérable au niveau global
du pays Bamiléké suggère d’étudier celles-ci au niveau des villages et de comprendre
comment elles s’insèrent localement dans le paysage d’acteurs du secteur agricole,
comment les paysans s’y retrouvent et comment interagissent-elles avec les
organismes d’appui qui les présentent comme étant les seuls moyens d’entrer en
contact avec les agriculteurs.
Enfin, dans la perspective de la décentralisation à venir, qu’en est-il des
relations entre tous ces organismes du secteur agricole et avec leurs autres
interlocuteurs « naturels » pour le développement local de Galim et de Fokoué : le
député, le conseil municipal, les chefs traditionnels, les responsables religieux, les
entrepreneurs locaux ?
Dans un premier temps (chapitre VII), nous allons présenter les contextes
locaux de Galim et Fokoué. Ces deux localités ont eu des histoires différentes sur le
plan agricole, avec en particulier sur les bonnes terres de Galim des plantations
d’exploitants européens (jusqu’à la fin des années 50), puis les installations de
migrants camerounais par l’Etat et aussi par le Diocèse local de l’église catholique
romaine, en particulier les « pionniers » du lieu dit « Village pilote », qui ont impulsé
une dynamique différente de celle de Fokoué. Sur le plan des productions, Galim a
connu une introduction précoce du maraîchage (dès le début des années 1970) et en est
actuellement une zone de forte production, contrairement à Fokoué où la caféiculture
était la principale activité et où le maraîchage n’a été introduit qu’après la chute de la
caféiculture dans les années 1980.
Puis, pour analyser ce paysage d’acteurs au niveau local, nous allons partir de la
présentation des interventions, de l’organisation et du fonctionnement de certaines de
ces structures. Cette présentation servira à décrypter les relations et les partenariats en
présence. Elle sera faite suivant l’ordre adopté pour les différentes catégories d'acteurs
identifiées dans les chapitres précédents et en tenant compte de la configuration de ce
paysage d’acteurs en terme de types des dispositifs déjà identifiés au niveau régional.
D’abord (chapitre VIII et IX), seront présentés les organismes d'appui au secteur
180
agricole : les dispositifs de l’Etat avec ses Programmes / Projets, ceux des ONG et des
associations, ceux des acteurs du secteur commercial et enfin celui de l’UCCAO. Nous
traiterons ensuite des organisations paysannes agricoles, et enfin nous présenterons les
agriculteurs individuels pour nous interroger sur leur positionnement dans cet
environnement local.
Le chapitre X aborde les nouveaux leaders agricoles, une des principales
mutations sociales locales à partir du début des années 90. Le choix de traiter d’eux ne
suppose pas qu’a priori nous postulons qu’ils aient un rôle très important mais se
justifie plutôt par le fait que les organisations paysannes sont l’élément clé de la
stratégie d’intervention des principaux partenaires au développement agricole, les
leaders en étant les personnes de contact.
181
Chapitre VII
Galim et Fokoué : la diversité des contextes agraires locaux en pays Bamiléké
Ce chapitre présente les contextes agraires de Galim et de Fokoué. En effet,
nous postulons qu’un contexte agraire en mutation ou simplement la recomposition de
son « paysage d’acteurs » ne peut être saisi qu’en appréhendant ses différentes
dimensions dont le milieu physique, les cultures pratiquées, les acteurs du secteur
agricole, ainsi que les interrelations entre ces différentes composantes. C’est pour cette
raison que la compréhension du milieu physique nous semble nécessaire.
Ce chapitre montre que les évolutions agricoles en pays Bamiléké sont
différenciées en raison de la diversité des contextes locaux. Tout d’abord cette
différenciation tient à l’hétérogénéité du relief et de sols et ensuite à l’histoire agricole
de chaque petite région, faisant que dans un contexte de mutations comme celui
suivant la crise caféière, toutes les localités du pays Bamiléké n’avaient pas les même
potentialités, ni les même aptitudes agricoles.
La première section de ce chapitre va présenter la méthode utilisée pour étudier
la diversité agraire de Galim et de Fokoué, puis la variété des reliefs et des sols de ces
deux localités et enfin des éléments de leur histoire agraire.
Dans la deuxième section, les enquêtes réalisées auprès de 75 agriculteurs de
Galim et de Fokoué vont permettre d’étudier ceux-ci, leurs familles, leurs exploitations
et les organisations paysannes auxquelles ils appartiennent.
182
I- La diversité agraire de Galim et de Fokoué
Le premier volet de cette section va présenter la méthode utilisée qui s’appuie
sur certaines phases de la démarche d’analyse des systèmes agraires131 adaptée et
simplifiée à notre recherche et tenant compte des particularités des zones étudiées.
Dans un deuxième volet sera présentée la diversité du relief du pays Bamiléké
en nous appuyant sur Galim et Fokoué. Ne faisant pas œuvre de géographe132, nous
allons coupler ces données du relief aux types de végétation rencontrés. Ce faisant
nous aurons déjà une première idée des productions agricoles de la région.
Enfin (§3) seront présentés Galim et Fokoué sur les plans historique et agraire
en ne retenant que les éléments directement en lien avec notre sujet, ceux-ci étant
extraits d’une synthèse que nous avons produit à la suite de ce travail.
1- La méthode suivie : observations et entretiens
La référence au pays Bamiléké comme zone des hauts plateaux de l’Ouest
pourrait laisser penser que c’est une région aux altitudes relativement égales et par
conséquent présentant un agro-écosystème assez homogène. En fait, lorsqu’on
parcourt la région, on est surpris par la diversité du relief commandant la
différenciation de certaines caractéristiques du milieu. Morin (1988)133 note que
l’apparence ne doit pas cacher les profonds découpages morphologiques de la région.
Ainsi, il distingue :
- l’appareil basalto-trachytique du Bamboutos, édifié sur l’accident bordier de la
cuvette de Mamfé et qui, sur sa partie orientale, s’élève jusqu'à 2740 m,
131 La démarche d’étude des systèmes agraires a fait l’objet d’un travail de systématisation par l’Unité de Formation et de Recherche d’Agriculture comparée d’AgroParisTech. Nous nous en sommes inspirés sur le plan méthodologique, sans toutefois réaliser toutes les étapes prévues, en particulier l’identification de tous les systèmes de cultures et le calcul de leurs performances économiques. 132 Nous ne recourons à des éléments de géographie que dans une perspective d’analyse globale de l’agriculture de la région. 133 MORIN (S.), 1988. Pays et milieux d’altitude sous l’équateur : les Hautes Terres de Ouest. Cameroun, 53 p.
183
- à l’extrémité du pays Bamiléké, plus ancien et moins élevé (1923), le très
ancien appareil de Bangou qui n’a conservé que les vestiges étagés du milieu de
l’édifice originel,
- entre ces deux massifs, de Babadjou à Bandjoun et de Bandjoun à Dschang, le
cœur du pays Bamiléké est une sorte de plaque basaltique reposant sur un socle
granito-gneissique tranché par une vieille surface d’altération.
La tectonique et le volcanisme expliquent donc en partie le relief diversifié de la
région, mouvements repris et remodelés par de violents phénomènes d’érosion. Ainsi,
analyser le contexte agricole invite à la nécessaire prise en compte de l’impact de ce
relief varié sur l’agriculture. Cette prise en compte de la diversité du relief est d’autant
plus indispensable que les manifestations géomorphologiques dynamiques qui ont
marqué l’histoire géologique de la région ont laissé des nombreuses empreintes sur les
compositions des sols. Ce dernier, à l’image du relief, est aussi diversifié par l’apport
de produits volcaniques autour des reliefs tels que le mont Bamboutos et par celui
d’alluvions dans d’immenses bas-fonds comme celui de Maguezon dans
l’arrondissement de Fokoué.
C’est donc fort de ce constat que nous avons entrepris d’observer et de
comprendre le contexte physique des zones étudiées avec en toile de fond le souci
d’analyser leurs potentialités respectives et la diversité des activités agricoles. Un tel
objectif ne s’avérait pas du tout aisé, surtout pour un non-géographe, qui n’est pas
spécialiste ni en géomorphologie, ni en géologie. Nous avons décidé d’avoir recours à
la démarche d’étude des systèmes agraires proposée par Cochet et al (2002),
notamment l’observation et la description des paysages agraires134.
Il est important de relever qu’une telle démarche, pour un non-géographe,
habitué au pays Bamiléké mais n’ayant jamais eu à se pencher sur de tels aspects,
représentait un très intéressant retour réflexif sur notre processus de recherche et donc
134 Nous nous sommes initiés à cette démarche d’abord par nous-même à travers la documentation (Démarche d’étude des systèmes de production de la région de Korhogo-Koulokakaha-Gbonzoro en Cote d’Ivoire. Cochet H., Brochet M., Ouattara Z. et Boussou V., Paris, Les éditions du GRET, 87p.). Dans un deuxième temps, la phase pratique de notre recherche a permis de mieux nous y former. De plus, après cette phase de terrain, nous avons pris part en tant qu’auditeur libre à des séminaires sur l’analyse diagnostic des systèmes agraires dispensées par Hubert COCHET dans le cadre de la formation de Master II Recherche « Mondialisation et Dynamiques rurales comparées » à AgroParisTech, UFR d’Agriculture comparée et Développement agricole.
184
de compréhension de notre objet. Nous avons été étonnés de certaines évidences
(géographiques) et de leurs liens a priori insoupçonnables avec les dynamiques rurales
locales. C’est chemin faisant que nous nous posions la question de savoir quel aurait
pu être cette prise de conscience si nous avions eu au préalable une bonne
connaissance géographique de la région grâce à des documents135. La lecture ultérieure
de textes sur la géographie de la région s’est révélée assez renouvelée après ces
observations. Elle nous a permis de mieux comprendre des aspects auparavant peu
clairs pour nous, contribuant à enrichir un corpus de connaissances explicatives
construit à base d’observations directes et d’entretiens avec des agriculteurs acteurs
des transformations à l’œuvre. Ainsi, cette démarche a mobilisé un autre référentiel de
construction du savoir que celui que nous utilisons d’habitude.
Dès lors, nous ne nous limiterons pas aux généralités sur le pays Bamiléké,
mais nous allons nous arrêter sur les différences entre ces deux localités et ne procéder
à des extensions à l'ensemble du pays Bamiléké qu’à partir du moment où l'objectivité
scientifique et nos données nous le permettront.
De manière opérationnelle, notre démarche a consisté à :
- cerner les limites territoriales et à apprécier sur une carte la diversité des
zones étudiées de manière participative avec des paysans locaux,
- parcourir chaque zone étudiée suivant des trajets permettant de saisir la
diversité locale. Compte tenu de l’étendue de chaque localité étudiée, ce parcours a été
fait à l’aide d’un véhicule roulant à une vitesse assez faible,
- observer les variations de relief sur le parcours. Des arrêts à certains points
relativement hauts ont été faits pour mieux apprécier le relief environnant,
- décrire la végétation. Nous avons noté les principales cultures sur les parcelles
cultivées ainsi que celles en friche en identifiant lorsque c’était possible les espèces
présentes,
- échanger lors de ces parcours avec des paysans individuels ou en groupe sur
les observations faites. Celles-ci nous permettaient déjà de saisir la diversité locale et
ensuite d’expliquer ou plutôt d’émettre des hypothèses explicatives.
135 Certes de telles connaissances sur la géographie de la région existent, mais l’originalité de la démarche utilisée ici est d’allier des approches de géographe et d’agronome et donc, avec une sensibilité différente de celle d’un géographe, fut-il intéressé par des questions agricoles.
185
Comme relevé en introduction à ce chapitre, nous nous limiterons ici aux
principales conclusions extraites de la synthèse de ce travail.
2- Des milieux physiques divers
a) Fokoué : un relief accidenté, et la marginalisation du caféier
L’arrondissement de Fokoué couvre 203 km², soit 20300 ha Il est situé dans la
région Sud du département de la Ménoua, principalement en bordure Sud du plateau
Bamiléké. Sa partie méridionale s'étend jusqu'à la plaine des Mbô avec une partie
importante dominée par un escarpement d'environ 700 m de dénivellation.
La carte ci-après indique les trois principaux trajets que nous avons parcourus
pour l’observation de la région :
Carte 5 : Itinéraires pour l’observation du paysage agraire dans l’arrondissement de Fokoué.
186
- de Fokoué-Centre à Fotchoufeu
- de Fokoué-Centre à Fontsa Toula vers l’Ouest
- de Fokoué-Centre à Ndoundé vers le Sud en passant par Fomopéa à l’Est.
Fokoué a un relief très varié dominé par trois principales zones :
1) Une zone de plateau : une association culturale dominée par le maïs
Cette zone couvre la région au niveau de Fokoué centre. Elle est caractérisée
par une mise en valeur presque totale des parcelles. Le maïs est la principale culture
toujours pratiquée dans une association culturale. Seules quelques parcelles de pomme
de terre rencontrées sont faites en monoculture. Cependant, les parcelles peuvent être
classées en sept groupes en fonction des cultures qu’elles portent :
1- maïs + macabo + bananier plantain
2- maïs + macabo
3- pomme de terre
4- pomme de terre + choux + maïs
Les autres cultures moins fréquentes sont : 1- l’arachide, 2- le haricot et 3- le
café arabica. Ces parcelles sont parsemées d’eucalyptus très visibles. Le caféier est en
voie de disparition, presque absent à l’observation, et les quelques rares parcelles en
comportant sont dominées par le maïs.
On est surpris de voir quelques parcelles bien entretenues de caféiers. Le
propriétaire de la parcelle la mieux entretenue est Monsieur Bernard. Celui-ci est un
retraité qui dit avoir des relations avec un commerçant qui lui fournit des engrais à
crédit, qu’il paye à la vente de la récolte. Au cours de l’entretien, l’intéressé a dit être
un membre du conseil d’administration de la CAPLAME136. Lorsqu’on sait que pour
accéder à ce poste, il faut livrer régulièrement une quantité minimale de café, on
comprend qu’il a tout intérêt à disposer d’une caféière bien entretenue avec une
production conséquente. Toutefois, il est curieux d’entendre l’agriculteur plutôt dire
que son exploitation ne repose que sur le bananier plantain. Lorsqu’on évoque la
rentabilité des cultures, il se dégage de ses propos que le caféier ne devrait plus être
cultivé, ce qui semble contradictoire avec l’entretien qu’il fait sur sa caféière. 136 Coopérative Agricole des Planteurs de la Ménoua, membre de l’UCCAO et couvrant le département de la Ménoua.
187
Seules les caféières se trouvant à proximité des maisons d’habitation sont
entretenues et montrent une bonne croissance, à cause du fumier de cuisine qui y est
régulièrement versé. A mesure que l’on s’éloigne des cases, le caféier est couvert et
ombragé par les autres plantes, notamment le maïs et le bananier. Ces vestiges de
caféiers sont par ailleurs assaillis par la variété rampante du haricot commun et on
dirait que les caféiers sont « étranglés » par les pieds de haricot.
2) Les flancs de collines
Ces collines sont généralement situées sur la descente conduisant vers les
basses altitudes au Sud de Fokoué. Les sols sont rouges et constitués de débris de
granite et de gneiss avec parfois des affleurements grossiers de ces roches, desquelles
découle un sol généralement sableux, peu profond, constamment érodé et par
conséquent peu favorable à l’agriculture. Les densités d’habitation sont parmi les plus
faibles de la région. A l’issue des entretiens avec des personnes rencontrées dans la
région, il se dégage que ces faibles densités de population sont dues :
- à la présence des sols rocheux et très pauvres,
- aux guerres civiles de 1960 lors de l’indépendance politique du Cameroun, la
zone s’étant révélée très dangereuse pour les civils, avec de nombreuses personnes
tuées.
- à la chute des prix du café qui a contraint les jeunes à fuir le village pour aller
en ville en l’absence d’alternatives viables.
On y note une présence relativement élevée des parcelles en friche dominées
par le pennisetum et le tithonia diversifolia. Les parcelles mises en valeur portent
principalement les cultures suivantes :
1- maïs
2- maïs + macabo
3- maïs + plantain
4- pomme de terre
Des eucalyptus sont aussi présents, mais contrairement au plateau de Fokoué-
centre ou on a des parcelles d’eucalyptus, ici, ils sont plantés le long des limites des
parcelles.
188
3) Les vallées
Ici, les parcelles en friche disparaissent peu à peu et tout est presque cultivé. La
présence d’un cours d’eau semble influencer positivement l’activité agricole et fournit
du sable que certains extraient et vendent.
Les principales parcelles cultivées sont plantées de :
1- maïs + bananier plantain + café arabica + café robusta
(ici, il y a un mélange de café)
2- maïs + taro
3- maïs + bananier plantain
4- gombo + choux
5- tomate + aubergine.
Pour les paysans pratiquant encore le café, il s’agit à la fois du café arabica et
du café robusta. Au cours des entretiens, nous apprenons que le caféier est encore
présent du fait de « l’entêtement des personnes âgées » qui le conservent. Certains
d’entre eux estiment qu’il n’y pas de cultures alternatives procurant les avantages du
café et que le maraîchage est pénible et soumis à de fortes fluctuations de prix.
4) Une zone de plaine en basses altitudes
Cette zone présente un relief plat et des altitudes d’environ 900 m. C’est un
milieu propice au café robusta et au cacao. Les densités y sont élevées
comparativement aux zones de colline. Les parcelles sont dominées par les
associations suivantes :
1- maïs +macabo
2- maïs +plantain
3- café robusta + banane plantain
4- café robusta + cacao
5- Café robusta- palmier à huile
Conclusion sur Fokoué
Fokoué est donc une localité avec un relief fortement hétérogène. La majeure
partie de la région, y compris Fokoué Centre, se situe au-dessus de 1500 m d'altitude et
189
culmine à environ 1883 m d'altitude au dessus du mont Néyang (Fomopéa). La
végétation est marquée par une association culturale dans laquelle le maïs et le
bananier plantain sont très présents. Le cafeir arabica y est observé mais sous forme de
vestige.
Une partie de Fokoué se situe en basses altitudes (environ 900 m) où on
retrouve les villages de Bandoum et Ndoundé137, pratiquement sur la plaine des Mbô,
avec une forte présence du café robusta. Alors que le café arabica est presque
abandonné en haute altitude, le café robusta occupe encore ici une place importante
dans les systèmes de production. Un paysan note : « Le robusta a l’avantage de
produire même quand vous le négligez ou ne le fertilisez pas. Pourtant le café arabica
est très sensible à cela. Il suffit de le laisser deux ans sans entretien ou fertilisation et
il disparaît peu à peu de la plantation ».
Dans les vallées, on observe la pratique du maraîchage notamment les tomates
et poivrons. Par ailleurs, des parcelles en monoculture sont présentes sur les collines,
notamment avec des pommes de terre et des choux.
Deux types de sols affleurent dans l'arrondissement de Fokoué :
- les sols développés sur granite et gneiss, qu’on trouve sur les bordures du
plateau et sur les escarpements. Ce sont des sols pauvres en matière organique et
composés surtout de gravillon et de sable. Ils sont peu favorables à l’agriculture,
- Les sols alluviaux qui dominent la région de Bandoum, de Ndoundé et les bas-
fonds où les cours d’eau déposent régulièrement d’épais sédiments arrachés sur le
plateau environnant. Ce sont des sols riches en humus et qui constituent la zone par
excellence du maraîchage.
137 Pour se rendre de Fokoué - centre à Ndoundé, il faut environ deux heures en voiture à cause de la dénivelée, pourtant c’est presque la même distance que de Fokoué - centre à Dschang qui se fait en 45 minutes par le même moyen de locomotion.
190
b) Galim : une plaine fertile avec du maraîchage, du maïs et du haricot
L’arrondissement de Galim couvre une superficie de 51 300 ha. Il est situé au
Nord-Est du plateau Bamiléké et assure la transition, par une légère pente, entre le
plateau Bamiléké et le plateau Bamoun.
Il est nécessaire de relever que le parcours de deux régions différentes et
contrastés, permet de mieux saisir les spécificités et les particularités de chacune
d’elles. Finalement, lors du parcours de l’arrondissement de Galim qui est intervenu
après celui de Fokoué, on se rend plus vite compte des similitudes et des différences,
le regard comparatif suggérant des éléments explicatifs.
La carte ci-dessous présente les trois itinéraires suivis :
- de Kienhegang à Bati et à Bamendjing (du Centre au Sud- Est)
- de Kienhegang à Bamenyam (du Sud-ouest au Nord-ouest)
- de Bagam chefferie à Kienhegang.
Carte 6 : Itinéraires pour l’observation du paysage agraire dans l’arrondissement de Galim
Deux types de relief caractérisent la zone :
191
1) Une zone de plaine
Le relief y est relativement plat avec des sols de couleur noire. Sur le trajet, on
traverse des ruisseaux, donnant ainsi l’impression d’une plaine quadrillée par un
maillage de petit cours d’eau. On peut ainsi présager de sols hydromorphes.
Le maïs domine avec un aspect différent de celui de Fokoué : maïs de grande
taille, à bon développement, avec des techniques culturales différentes (densité, mode
d’association).
De Galim - centre à Kieneghang, on passe progressivement d’une association
dominée par le maïs à des exploitations de monoculture de maïs. Au centre de
Kieneghang, notamment au lieu dit Village pilote, on trouve de vastes étendues de
maïs en monoculture et aussi, la présence de parcelles de maraîchage : aubergine
africaine, gombo, tomate et piment. C’est le lieu où le diocèse local de l’église
catholique a installé des paysans migrants venus d’autres régions du pays Bamiléké, en
particulier des zones surpeuplées de Bangang et de Batcham. Les principales
associations culturales sont :
1- maïs
2- maïs + haricot
3- aubergine africaine + gombo + tomate + piment
4- maïs (+ haricot + macabo + bananier plantain)
Apres le lieu dit Village pilote, on observe à nouveau des associations de
culture dont la diversité augmente progressivement, mais avec une dominance du
maïs.
A Bati, nous sommes à environ 1140 m d’altitude. De Kieneghang à Bati, sur
plus de 10 km de parcours, nous avons observé une seule parcelle en friche. Tout est
donc cultivé sur ce trajet avec comme associations dominantes :
1- maïs + haricot + macabo
2- maïs + banane plantain + café arabica.
Toutes ces parcelles sont parsemées de taro, d’arachide, d’igname, de palmier à
huile. On note sur le trajet quelques parcelles en monoculture, il s’agit principalement
du gombo et de la patate douce.
192
Les densités du peuplement humain sont relativement plus élevées qu’à Fokoué,
les parcelles ayant du caféier s’observent surtout à proximité des cases. A mesure
qu’on s’en éloigne, le caféier est étouffé par le bananier plantain, le maïs et le haricot.
Par ailleurs, quelques eucalyptus se trouvent le long des limites des parcelles.
Ils sont plus grands qu’à Fokoué, mais en plus faible quantité.
De Kieneghang à Bamendjing, on retrouve sur un premier tronçon du trajet des
parcelles de maïs parsemées très faiblement de bananier plantain et de macabo. Il est
remarquable que les proximités des cours d’eau traversés soient entièrement cultivées
et que les forêts de bambou raphia y aient cédé la place aux cultures. A mesure que
l’on avance, on trouve des parcelles en monoculture, principalement du maïs, de la
patate douce, du gombo, du taro, de l’aubergine africaine et de la morelle noire. Ici,
comme à Bati, les activités agricoles se trouvent sur des sols sombres, volcaniques, sur
basaltes, riches en matière organique et ayant de bonnes potentialités agricoles. C’est
sans doute pour cette raison et aussi du fait des fortes densités de population que les
friches sont presque absentes et que les raphias des bordures des cours d’eau et des bas
fonds sont en voie de disparition.
2) Une zone en pente
Cette zone est caractérisée par des altitudes relativement élevées par rapport à la
zone de plaine, mais sans forte variation. Au lieu dit Bamekouperé, à Bagam dans le
Sud Ouest de Galim, l’altitude est d’environ 1313 m ; à Bamenyam au Nord-Ouest de
Galim, elle est d’environ 1430 m.
Le trajet Bagam - Bamenyam révèle une disparité au sein de la localité de
Galim. Contrairement à la zone de plaine, les sols y sont rouges avec du maïs qui est
très rabougri : on a l’impression d’avoir à faire aux parcelles de maïs de Fokoué. Ces
parcelles sont faites d’associations culturales à dominance de maïs. Les principales
associations observées sont :
1- maïs + haricot (+ manioc et arachide)
2- maïs + café ;
Les friches sont très présentes, principalement dominées par le Pennisetum. Ces
zones de relative haute altitude (Bamenyam et Bagam) semblent des points de départ
193
de l’érosion vers les basses terres du Centre et de l’Est de Galim, avec l’action des
cours d’eau qui charrient ainsi les alluvions et les éléments nutritifs vers les basses
terres. Toutefois, on trouve à Bamenyam des parcelles en monoculture de goyavier, de
patate douce, d’aubergine africaine, de gombo et aussi de nombreux plants
d’eucalyptus et des bosquets de pins.
A la limite de Bagam et Bamenyam, on note une absence d’habitations. Les
entretiens avec les populations à Bamenyam nous révèlent que la zone connaît un
grave conflit frontalier entre les deux villages, ce qui a conduit en 2002 à des actes
violents (incendies, tirs d’armes à feu) avec pour conséquences des décès, des maisons
brûlées et des déplacements de populations.
Conclusion sur Galim
Au total, l’arrondissement de Galim est dominé par deux reliefs. D’une part,
une zone de plaine vers le Centre et l'Est, couvrant les villages Kieneghang, Bati et
Bamendjing. Le sol y est couvert de cendres volcaniques et est favorable à
l’agriculture. A Bamendjing, village limitrophe avec le pays Bamoun, se trouve un
barrage hydroélectrique. D’autre part, une zone de colline à faible pente couvertes
d'épaisses couches basaltiques altérées avec des sols rouges ou violets, parfois
cuirassés, surtout dans la partie Ouest à Bamenyam et Bagam. Galim a des vallées de
faible profondeur. Ce relief est un peu perturbé par des sommets comme celui de
Tsoppé au Sud de Kieneghang atteignant 1356 m. La compréhension de cet ensemble
morphologique est donc indissociable de la tectonique et de l'érosion qui ont affecté la
région.
II- Des histoires agricoles un peu particulières
Comme nous l’avons vu, l’agriculture est une construction humaine qui se fait
par adaptation en fonction des contraintes et des opportunités qui se présentent aux
sociétés humaines. Dès lors, comprendre une agriculture à un moment donné nécessite
aussi de recourir à son histoire afin de mieux saisir des faits et des situations actuels
dont le sens et la signification relèvent de processus historiques plutôt que de simples
stratégies dictées par le moment présent.
194
Ce faisant, nous allons montrer dans cette section comment l’agriculture à
Fokoué et à Galim s’est trouvée très influencée par la caféiculture. Ces deux localités
n’ont toutefois pas eu les même histoires par rapport à cette production. Si, à Fokoué,
elle était la seule spéculation commercialisée, à Galim, le maraîchage marchand s’est
aussi développé concomitamment avec la caféiculture. Ainsi, les agricultures des deux
localités ont connu des évolutions différentes.
A) L’agriculture à Fokoué : du vivrier de consommation à l’agriculture
marchande
D’après des entretiens menés auprès d’environ dix personnes ressources de
Fokoué, l’agriculture de la région a connu des transformations significatives au cours
du temps. Celles-ci peuvent être saisies au travers des quatre principales étapes :
a- Avant l’introduction de la culture du caféier (avant 1930)
b- L’introduction et la libéralisation de la culture du caféier (1931-1985)
c- La crise caféière (1985-2000)
d- Après la crise caféière (2001-2006).
1) Avant 1930 : du vivrier de consommation par les femmes, de l’élevage par
les hommes
Avant les années 1930, les principales cultures pratiquées dans la région
étaient : le maïs, l’igname, le macabo, le plantain, la banane, la patate, le haricot
commun noir, le manioc et l’arachide. Ces cultures étaient essentiellement destinées à
la consommation familiale. Les arbres présents dans la région étaient le kolatier et le
palmier à huile.
Les superficies cultivées étaient petites en raison des familles relativement
réduites. Les villageois faisaient uniquement de l’agriculture de subsistance et
utilisaient la main d’œuvre familiale (le mari, le ou les femmes, les enfants). Seuls les
hommes pratiquaient l’élevage de petits ruminants (les chèvres et les moutons) et celui
des porcs. Les femmes, élevaient des poulets de races locales à très petite échelle. Les
chèvres, moutons et porcs étaient gardés dans des enclos et les poulets en divagation.
Les enclos des chèvres et des moutons étaient installés sur des parcelles d’herbe que
195
les animaux broutaient, mais ceux des porcs étaient près des maisons et on les
nourrissait avec des déchets de cuisine, de l’herbe et de la banane. Seuls les chefs et les
notables élevaient des bœufs sur les collines.
Les terres étaient alors plus fertiles qu’aujourd’hui. Pour maintenir cette
fertilité, les agriculteurs pratiquaient la jachère en laissant une parcelle en friche pour
une période allant de 10 à 20 ans. Ils enfouissaient aussi les herbes, les déchets de
cuisine et les déjections d’animaux dans le sol. Les bas fonds n’étaient pas exploités
parce qu’il y avait beaucoup d’herbes et d’arbres et il était dit au village qu’on ne
devait pas cultiver une parcelle proche d’un cours d’eau. En dehors de l’agriculture et
de l’élevage, les villageois faisaient aussi le commerce des animaux et la chasse.
Il n’y avait pas de commerce des produits agricoles en raison de l’absence de
routes et de moyens de transport comme la voiture. Il n’existait que de petites pistes
entre les villages. De plus, les déplacements dans le village et hors du village étaient
restreints parce que certains villageois arrêtaient les gens, surtout les jeunes garçons,
pour les vendre aux autres tribus comme esclaves.
En ce qui concerne les organisations dans le village, il y avait des associations
villageoises telles que le « Montsi » constitué des jeunes qui assuraient la propreté
dans le village, les groupes de danse, les tontines et les groupes d’entraide constitués
des femmes qui travaillaient dans les champs de patate et d’arachide et ceux des
hommes pour la construction des enclos. Certaines existent toujours .
2) 1931-1980 : l’introduction et la libéralisation de la culture du caféier
La culture du caféier a été introduite en 1935 et s’est développée vers les années
1950. Déjà, vers 1920, l’agronome français Marcel LAGARDE avait introduit la
culture du caféier Arabica à Dschang138. Cette culture fut ensuite vulgarisée à Fokoué
en 1939 par les délégués de la coopérative parmi lesquels Colbert TAWAMBA, chef
de Fomopea, un village de Fokoué. A cette époque là, l’accès à la culture du caféier
était sous le contrôle de l’administration coloniale. Cette dernière n’accordait le droit à
la culture du caféier qu’aux chefs, aux notables et aux élites. Ce n’est qu’en 1945 que
138 Cet agronome était basé à Dschang, le chef lieu du département de la Menoua. Fokoué fait partie de ce département. Du centre ville de Dschang à Fokoué Centre, il y a une distance d’environ 25 km.
196
le chef de Foréké139, Mathias JOUMESSI, alors ministre, créa un parti politique appelé
« Koumessi » pour revendiquer la libéralisation de la culture du caféier et permettre
ainsi l’accès de tous les agriculteurs à cette source d’enrichissement. Ensuite la culture
du caféier était donc pratiquée par presque tous dans le village.
Elle était faite en association avec d’autres cultures telles que le maïs, le
macabo, l’arachide, la banane, le plantain et le taro (dont certaines variétés améliorées
introduites par les colons). Ces cultures vivrières étaient faites par les femmes tandis
que le caféier était la culture des hommes. Ces derniers en étaient les propriétaires, les
gestionnaires des revenus des ventes. En plus de la main d’œuvre familiale, les
agriculteurs utilisaient aussi une main d’œuvre rémunérée surtout dans les caféières.
La fertilisation du caféier se faisait d’abord au moyen de l’herbe et des
déjections animales qu’on enfouissait dans le trou avant d’y mettre le plant de caféier.
Dans les années 50, la coopérative introduisit l’utilisation des engrais chimiques et des
produits phytosanitaires pour l’accroissement de la production de café.
La culture du caféier se faisait avec l’encadrement de techniciens envoyés par
l’Etat et alors appelés moniteurs agricoles. Ceux-ci formaient les agriculteurs,
traitaient les parcelles gratuitement et assuraient le suivi technique des plantations.
C’est à cette époque qu’il a été déconseillé d’associer le caféier avec des cultures
vivrières parce que cela diminuait la production caféière : « ces cultures consommaient
une partie de l’engrais réservé au caféier et ses racines étaient blessées lors du
sarclage et du buttage des autres cultures », remarque un enquêté. C’est ainsi qu’en
1980, on trouvait beaucoup de parcelles de caféiers en monoculture.
En 1950, Lagarde a introduit l’eucalyptus pour le bois de chauffage. Ces
eucalyptus étaient surtout plantés par les notables en bordure des routes mais, du fait
de l’utilité de cet arbre, des parcelles ont été créées sur les collines. En 1965, Lagarde
introduisit aussi d’autres arbres fruitiers (avocatier, manguier, safoutier).
Pendant cette période, les superficies cultivées ont augmenté car il y avait un
marché pour le café et les planteurs avaient ainsi une motivation. Dans le même temps,
la taille des ménages s’est aussi accrue et il a fallu plus de terre pour cultiver le vivrier.
L’exploitation des bas fonds a été initiée par les colons et ceci a permis à certains
139 Foréké est un des villages du département de la Menoua dont fait partie l’arrondissement de Fokoué.
197
paysans de faire plusieurs campagnes agricoles par an grâce aux techniques de
canalisation de l’eau pour arroser les cultures en saison sèche.
En 1960, l’élevage n’était plus seulement l’affaire des hommes mais aussi celle
des femmes, en particulier pour celles devenues veuves suite au décès de leurs époux
pendant les guerres de l’indépendance peu avant 1960140. Ces veuves ont eu non
seulement à garder les troupeaux laissés par leurs époux mais aussi à augmenter leur
taille pour la vente et les rites traditionnels. En 1965, de nouvelles races d’animaux
(porc, chèvre et bœuf) ont été introduites par Lagarde. L’élevage des races améliorées
de porc (Large white et Land race) a alors été adopté à Fokoué en 1965 par FONJE
Joseph qui, en 1970, introduisit l’utilisation de la provende141 pour l’alimentation des
porcs. Ce mode d’alimentation les faisait grandir assez vite et plusieurs autres
agriculteurs se sont donc engagés dans l’élevage des porcs. Cependant, en 1978, la
peste porcine a décimé les élevages. Malgré le soutien donné par le gouvernement
camerounais en 1980, cet élevage a connu un ralentissement.
La pisciculture a été introduite à Fokoué dans les années 1948. Après
l’indépendance, les efforts de vulgarisation ont baissé et beaucoup d’étangs ont été
abandonnés. C’est en 1980 que le corps de la paix a développé à nouveau la
pisciculture.
Les agriculteurs vendaient surtout le café à la coopérative, la Coopérative
Indigène des Planteurs Bamiléké de Caféiers Arabica (CIPBCA) créée en 1932. Celle-
ci leur accordait des crédits sous forme de produits phytosanitaires et d’engrais. La
coopérative faisait aussi des dons de matériels. La culture du caféier était l’affaire des
hommes, mais les femmes et les enfants constituaient la main d’œuvre pour la récolte,
le dépulpage et le séchage des grains. Ces activités occupaient les jeunes et
contribuaient à les retenir au village. Ils partaient en ville seulement pour les études et
retournaient travailler aux champs pendant les vacances.
Pendant cette période, les prix variaient d’année en année. Un enquêté
explique : « Avant les années 1950, un kilogramme de café se vendait à 233 f cfa, de
1950 à 1958 le kilogramme valait 600 f cfa et en 1960, le prix est monté à 800 f cfa/kg.
140 Des guerres eurent lieu dans la région peu avant l’indépendance politique du pays en 1960. Ces guerres sont généralement connues sous l’appellation du « maquis ». Il y eut beaucoup de morts. 141 Aliments du bétail sous forme de tourteaux.
198
De 1958 à 1960, pendant la guerre, plusieurs planteurs avaient détruit leurs
plantations. En 1970, le prix était encore élevé (800 f cfa / kg), mais il a baissé à 400 f
cfa / kg en 1980 : ce fut le début du déclin de la culture du café dans la région ».
3) 1981 - 2000 : chute des prix de vente du café et déclin de la caféiculture
Pour les enquêtés, ce fut une période très difficile car tous les agriculteurs
faisaient essentiellement du café. Le prix de ce café a chuté de 400 f cfa /kg en 1980 à
200 f cfa/kg en 1989 tandis que le prix des engrais a subi une hausse de 1600 f cfa/sac
en 1980 à 10000 f cfa /sac après 1990. Suite à tous ces évènements, les planteurs ont
abandonné leurs plantations, plusieurs ont même arraché ou brûlé les plants de caféiers
parce qu’ils n’avaient plus assez de moyens pour acheter les engrais devenus trop
chers. Ceci a entraîné une baisse de la productivité caféière et par-là une baisse des
revenus qui ne parvenaient plus à satisfaire les besoins des populations.
Il fallait donc trouver un moyen pour pallier ces problèmes. Les paysans se sont
donc lancés dans la diversification et l’intensification des cultures (vivrières et
maraîchères), mais ils n’en maîtrisaient pas bien les itinéraires techniques.
Les espaces non exploités ont augmenté au détriment des superficies cultivées
notamment parce que des gens, surtout les jeunes, ont migré vers les villes (Dschang,
Douala, Yaoundé et Bafoussam) pour chercher du travail ou vers les plaines aux sols
fertiles pour les cultures vivrières et maraîchères. Les paysans ont également arrêté de
construire les enclos pour les chèvres à cause de la diminution des cheptels.
4) Depuis 2000, des tentatives de pratique du maraîchage
Depuis 2000, les paysans de la région mettent l’accent sur les cultures vivrières
(bananes, plantain, mais, haricot et pomme de terre) et les cultures maraîchères
(tomate, piment, chou, poivron et haricot vert) qui deviennent les principales sources
de revenu pour la famille. Cet intérêt pour les cultures vivrières et maraîchères est dû
au fait que ces cultures ne sont pas seulement consommées et vendues, mais ont aussi
un cycle de production très court par rapport au café et rapportent également plus que
le café qui a perdu de sa valeur et est donc devenu une culture annexe. Comme les
199
planteurs ne prêtent plus beaucoup d’attention à cette culture, la récolte est le plus
souvent mauvaise pour ceux qui en ont encore.
La coopérative caféière, la CAPLAME, n’est plus très active car les agents ne
vont plus payer le café chez les planteurs du fait de la baisse de production. Quand les
prix du café ont commencé à baisser, les producteurs qui apportaient leur production à
la coopérative ne recevaient pas immédiatement l’argent de leur livraison. Or, les
acheteurs ambulants appelés « coxeurs » achetaient à domicile ou au champ et
payaient dès la livraison du café.
Par ailleurs étant donné qu’il n’y avait pas encore de traitement ni de vaccin
contre la peste porcine, cette maladie continuait à réduire le nombre de porcs dans le
village. Et actuellement les porcs ne sont pas bien nourris suite à la hausse du prix de
leurs aliments (4500 f cfa /sac).
Comme on le verra en détail dans le chapitre X, les groupes de contact initiés
par le ministère de l’agriculture sont devenus ensuite les organisations paysannes (OP)
qui se sont structurées en 2002 en Groupes d’Initiative Commune (GIC) et les
microprojets ont été alors introduits. La fonction de vulgarisateur était
progressivement orientée vers celle de conseiller facilitateur (accompagnement des
planteurs dans l’exécution de leurs microprojets et donc avec identification du service
agricole à fournir). Certains projets et programmes du Ministère de l’Agriculture et du
Développement Rural (MINADER) sont mis en oeuvre dans la région. En dehors du
MINADER, d’autres acteurs interviennent tels que les promoteurs privés qui financent
les campagnes de pomme de terre sous forme de crédits et la coopération allemande
(GTZ) qui travaille avec quelques agriculteurs sur la protection intégrée des cultures et
le calcul des marges brutes.
B) Galim, une pratique ancienne de l’agriculture vivrière marchande
Sur la base des entretiens avec des personnes ressources de la région, nous
pouvons aussi retenir 4 phases principales dans l’histoire de l’agriculture de la région :
a- Avant 1968 : introduction de la caféiculture par les exploitants européens
200
b- De 1968 à 1980 : vulgarisation du caféier, installation des « pionniers »
et introduction des cultures maraîchers
c- Dès 1981 à 2000 : recul du caféier et intensification du vivrier marchand.
d- Depuis 2000 ans à nos jours : intensification du maïs et du haricot, recul
du caféier et balbutiement du maraîchage
1) Avant 1968 : Introduction de la caféiculture par les exploitants européens
L’introduction du caféier dans la région de Galim fût l’œuvre des colons
français. Ces derniers avaient créé pour eux-mêmes des plantations de caféiers dans
lesquelles ils embauchaient des nationaux pour travailler. On parle très souvent dans la
régions des plantations de CHANAS Jean. La plupart des plantations coloniales étaient
situées pour la plus part dans la région allant de Galim - Centre à Bamendjing. Cette
zone possède les sols les plus fertiles de l’arrondissement. Vers les années 50, lors des
troubles liés à l’indépendance du Cameroun, les plantations appartenant aux
européens, installées sur les sols fertiles de Galim furent détruites par les clandestins.
Ce fut le cas pour les plantations de CHANAS Jean. Ce dernier fut contraint
d’abandonner ses plantations. Celles-ci, d’une superficie de 107 hectares, furent
confiées à la Société Agricole et Industrielle du Cameroun (SIAC).
2) De 1968 à 1980 : vulgarisation du caféier, installation des « pionniers » et
introduction des cultures maraîchers
Au lendemain de l’indépendance du pays intervenue en 1960, les autochtones et
plus particulièrement les anciens employés des plantations des colons blancs, qui
avaient ainsi acquis une certaine expérience dans la culture du caféier, s’investirent
dans la création de leurs propres plantations. Dans la même période, l’Etat
Camerounais créa en 1965 le Service Civique National de Participation au
Développement, organisme chargé de recruter et de former les désœuvrés des grandes
villes désireux de pratiquer l’agriculture. De jeunes agriculteurs furent ainsi installés
dans des zones de Galim appelées « les lotissements ». Dans ces « lotissements »,
chaque paysan installé dispose de 4 hectares avec la consigne d’en consacrer la moitié
201
à la culture pure du caféier, le reste devant servir à la subsistance de la famille par des
productions vivrières. Ces paysans étaient appelées les « assujettis ».
Dans ces année là (vers 1969), le diocèse de Bafoussam de l’église catholique
organisa aussi une opération d’installation de jeunes orphelins dans le quartier du
appelé Village pilote, à Kieneghang. Là, chaque paysan installé recevait 3 ha de terres
dont le tiers était obligatoirement consacré à la culture pure du caféier, un deuxième
tiers aux cultures maraîchères (tomates, aubergine africaine, piment, etc.) et le reste
aux cultures vivrières pour la consommation familiale (maïs, banane plantain, macabo,
taro, haricot). Pendant la même période, l'Eglise Evangélique du Cameroun a formé
des jeunes paysans au lieu-dit « Ferme pilote », dans un centre de formation où
séjournent de jeunes gens pour des formations agropastorales. Des productions y
étaient réalisées, mais pour le compte du centre, propriété de l'Eglise Evangélique du
Cameroun.
Dans ces années-là, les hommes s'occupaient particulièrement de la culture de
rente (caféier) et de l'élevage (porc, chèvre, poules) qui rapportaient l’essentiel des
revenus des ménages. Mais quelques-uns d’entre eux, particulièrement les
« pionniers » du « village pilote » et les paysans formés par l’Eglise évangélique à la
Ferme école de Bagam, s’investissaient dans les cultures maraîchères, notamment à
Kieneghang et à Mevobo dans le groupement Bagam (groupement de villages). Les
femmes, quant à elles, s'occupaient des champs de cultures vivrières avec des
associations de maïs, arachide, haricot, patate, macabo, taro, pistache, plantain. En
plus de cela, les femmes et les enfants aidaient les hommes (chefs d’exploitation) dans
leurs parcelles de caféiers pour divers travaux : entretiens, traitements phytosanitaires,
épandage d'engrais, cueillette, transport, dépulpage, séchage, tri, conditionnement.
202
Extrait n° 1 :le village pilote et l’agriculture de Galim racontés par un migrant
installé depuis 1970
« Je suis installé dans ce village depuis 1970, j’avais alors 19 ans. Mon
père était mort en 1956. J’étais en classe de 5eme. Ma maman ne pouvait pas
payer ma pension qui coûtait 11 500 f cfa. Je suis allé à l'hôpital Ad Lucem de
Mbouda, j’étais apprenti en maçonnerie. Mais j’avais l'intention de devenir plus
tard infirmier. En 1970, l’ingénieur italien qui travaillait avec nous à l'hôpital est
allé en congé et n’est plus revenu. Je ne savais plus où aller car je comptais
beaucoup sur son soutien. À la mort de mon père en 1956, mes grands frères
avaient pris tout le terrain et je n'avais qu’un lot pour me construire. Il n'y avait
pas de terrain pour pratiquer l'agriculture. C’est pourquoi, j’ai contacté le prêtre
pour venir ici. J'avais fait ma demande le 5 juillet1970.
A l'arrivée au village pilote, chaque nouveau subissait une formation dans
un champ communautaire pendant 18 mois. Il recevait 700 f cfa par semaine
comme ration et était en observation. Au champ communautaire, on cultivait la
tomate, la salade, le haricot vert.
Lorsque j'ai quitté le champ communautaire, j'ai reçu alors 3 hectares de
terrain. Je cultivais la tomate et les condiments verts comme le céleri, le
concombre. C’est en 1978 que j’ai commencé à cultiver le café. Le ministre Ketcha
était venu vers 1975 et nous avait dit que le terrain de quelqu’un était là où il avait
mis le caféier, donc si vous n’aviez pas le café sur une parcelle, on pouvait vous
l’arracher un jour. Le sous-préfet avait institué une pépinière communautaire de
caféiers et chacun devait y aller. On punissait ceux qui laissaient la pépinière de
café pour aller dans le champ communautaire. Finalement, sur les trois hectares,
chaque pionnier était obligé de cultiver le café sur une partie. J’avais cultivé le
café sur 1 ha, le maïs sur 2 ha et les cultures maraîchères sur environ 1500 m².
Mais ma principale culture était le maraîchage même comme je faisais le café.
C’était aussi une bonne chose de faire le café pour pouvoir acheter les engrais à la
coopérative. Beaucoup de personnes prenaient les engrais et en utilisaient une
partie pour faire les cultures maraîchères ».
203
3) Des années 80 à 2007 : recul du caféier au profit du vivrier marchand 142
La fin des années 80 est marquée par le déclin de la caféiculture suite au retrait
de l'État des principales fonctions d'appui au secteur rural. A Galim, les hommes qui
étaient jusque là principalement engagés dans la culture du caféier et dans une moindre
mesure dans le maraîchage s’investirent de plus en plus dans la culture du maïs et
progressivement, à partir de 1990, vers celle du haricot. Plusieurs agriculteurs
procédèrent à une forte taille des caféiers et d'autre à leur suppression radicale au profit
du maïs, du haricot et de la banane plantain. Ces cultures génèrent dorénavant plus de
revenus que le caféier. L'élevage connut des difficultés à cause des maladies qui
décimaient régulièrement les troupeaux et faisaient de l’activité un investissement très
risqué. Des mesures répressives furent adoptées par les populations vis-à-vis des
animaux laissés en divagation et qui détruisaient les cultures. A partir de 1993, les bas-
fonds ont été de plus en plus convoités et exploités par les jeunes hommes en quête de
bonnes terres irriguées pour les cultures maraîchères.
Cette période fut aussi marquée par la généralisation de l’utilisation des engrais
chimiques. Dans le même temps, on observa une mise en valeur permanente des sols et
une diminution de la pratique de la jachère, ces sols semblent épuisés du point de vue
de la fertilité. On peut relever aussi la généralisation de l’utilisation des herbicides et la
pratique du labour à plat.
Extrait n° 2 : Le village pilote et l’agriculture de Galim racontés par un migrant
142 Vivrier marchand renvoie au vivrier traditionnellement cultivé pour la consommation (maïs, haricot, macabo, etc.), mais qui fait actuellement l’objet de commercialisation.
« Quand les prix du café ont chuté, comme beaucoup de gens j'ai commencé
à enlever une ligne sur trois [de caféiers] ainsi que les plants qui gênaient mon
maïs. Mais après, je les ai laissés sans récolter et la saison sèche suivante je les ai
brûlés.
Avant, j'avais près de 1500 pieds de café, il n y a plus que quelques plants.
Je suis sûr qu'ils n'atteignent plus 150 pieds »
204
Extrait n° 3 : Le village pilote et l’agriculture de Galim racontés par un migrant
En 1990, j'ai ralenti la production du maraîchage. A l'époque, un
commerçant venait acheter notre récolte. C’était « Fokou », l’homme d’affaires
qui a maintenant la société Fokou. Lorsque nous cultivions, il venait ici prendre
notre production pour aller livrer au restaurant de l’université de Yaoundé. Il
revenait ensuite nous payer. Il nous a abandonné pour faire les affaires. Il y’avait
aussi un blanc qui venait.
Quand ils sont partis, il y a des gens qui vulgarisaient un nouveau maïs. Je
crois que c’était le « pionnier hybride Z 290 ». Lorsqu'on nous a formé, nous
avons compris qu'on pouvait réussir sa vie en cultivant le maïs. Surtout que nous
commencions déjà à avoir beaucoup de maladies sur les cultures maraîchères. Ca
faisait plus de 30 ans qu’on cultivait les même parcelles. Notre sol était infesté.
Actuellement mon exploitation est basée essentiellement sur le maïs et le
haricot. En 2006, j’ai récolté 12 tonnes de maïs que j’ai vendu à 100 f cfa le
kilogramme. J'ai récolté 1,7 t de haricot que j’ai vendu à 250 f cfa le kilogramme.
Je fais toujours le maraîchage. Mais ce n'est pas une culture sur laquelle on peut
encore compter. Les prix varient beaucoup. Je fais du maraîchage pendant quatre
mois généralement en saison sèche. Je peux avoir 250 000 f cfa, mais au compte-
gouttes. Tu récoltes aujourd’hui pour 10 000 f cfa, la semaine prochaine encore
10 000 f cfa. Tu ne peux rien faire avec ».
205
III- Les agriculteurs, leurs exploitations et leurs OP
Cette section a pour but de fournir des éléments de réponses aux questions
suivantes : qui sont les agriculteurs de Galim et Fokoué ? Quelles sont leurs
principales caractéristiques ? ( §1) Quels types d’exploitation agricole ont-ils ? (§2) A
quelles organisations paysannes adhérent-ils ? (§3) Répondre à ces questions de
manière précise est assez difficile dans un contexte où n’existent pas de statistiques
agricoles et pour un effectif assez important d’agriculteurs (3000 exploitations
agricoles à Fokoué et plus de 6000 à Galim). De même, prétendre à une
représentativité d’un travail fait sur un échantillon de la population s’avère tout aussi
risqué, car il est difficile de réunir les conditions pour une bonne représentative de
l’échantillon. Dans le cadre de cette section nous nous appuyons sur les enquêtes
conduites auprès des 75 agriculteurs interviewés. Ainsi, les conclusions découlant de
nos tentatives de synthèse formulent plus des tendances d’évolution et des hypothèses
que des travaux ultérieurs permettraient d’approfondir.
1- Des agriculteurs plutôt âgés
a) Des enquêtés âgés, surtout à Fokoué
A Fokoué, l'âge des enquêtés varie de 28 ans à 80 ans avec une moyenne de 53
ans. 55 % d’entre eux ont plus de 50 ans, et 6 % seulement ont moins de 35 ans.
À Galim, l’âge des enquêtés varie de 19 ans à 80 ans avec une moyenne de 47
ans. 54 % des enquêtés ont plus de 55 ans alors que 25 % ont moins de 35 ans.
Comme l'indiquent ces résultats, il est en fait apparu une proportion plus
importante des enquêtés de moins de 35 ans à Galim qu’à Fokoué, ce qui correspond à
la tendance observée dans ces deux localités. De l'avis de certains enquêtés de Fokoué,
depuis la chute de l'agriculture et l'absence d'alternatives viables, les jeunes ont quitté
le village et n'y reviennent plus qu’à l'occasion des cérémonies, l'activité agricole n'y
étant pas rentable du fait des potentialités agricoles peu favorables de la région.
A Galim, nous avons rencontré plusieurs jeunes de moins de 35 ans qui étaient
revenus au village dans le but de se constituer un capital à travers des cultures
maraîchères (tomate, gombo, aubergine, piment) dont le cycle de production est assez
206
court (environ trois mois) et qui procurent donc assez vite des revenus
comparativement au maïs, par exemple, dont le cycle de production est d’environ 6
mois au minimum (à partir des semis jusqu’à la récolte). Ces jeunes ont l'intention de
repartir ensuite en ville pour faire du commerce avec les revenus générés.
Sur environ sept jeunes enquêtés qui ont moins de 35 ans, un seul d'entre eux
envisage de rester au village durant toute sa vie. Tous les autres ont en projet de
repartir très prochainement en ville dès qu'ils auront dégagé assez de ressources leur
permettant de constituer un fonds de commerce. Le seul jeune interviewé qui envisage
de rester au village a 25 ans. Il ressort de l’entretien qu’il a passé toute sa jeunesse au
village et il pense qu'il lui serait très difficile de mener une activité en ville, contexte
qu'il ne connaît pas.
Extrait n°4 : Un jeune agriculteur qui espère repartir du village
« J'ai vécu pendant longtemps à Messamena dans la province de l'Est. C'est là bas
que j'ai fait mes études pendant près de 15 ans. Je suis revenu ici au village pour
faire la classe de première au lycée de Galim. Avec la crise c'était très difficile de
continuer à rester chez mon tuteur à l'Est [...]. Après la classe de première je
voulais aller faire l'école technique d'agriculture à Bafang. Mon père m'a demandé
de commencer d'abord des activités. Je me suis alors lancé dans le maraîchage.
Après un an d'activité j'ai eu beaucoup de réussite et d'argent sur le maraîchage.
J'ai du coup refusé de partir à l'école technique à Bafang, de peur de perdre mes
projets. J'avais fait de la tomate (10mx27m), le gombo (2mx27m) et du poivron
(10mx27m). C'était sur le terrain de mon père. Cette année là, j'ai eu des bénéfices
de 450 000 f cfa. Du coup j’ai abandonné l'idée de faire encore la formation
d'agent technique d’agriculture [...]. Je rêve de repartir à l'Est pour faire le
commerce. Mon ami intime est là-bas et réussit très bien avec le commerce. Il m'a
dit que si j'ai un peu d'argent il va m'aider. Il m'a dit que l'agriculture ne fait pas
tourner l'argent comme le commerce, il y a aussi beaucoup de risques et je vais
vite vieillir. Dès que j'aurai suffisamment d'argent je vais le retrouver à l'Est. »
207
Portrait n°1 : un agriculteur de 63 ans à Galim
Comme indiqué ci-dessus, un peu plus de 50 % des enquêtés ont plus de 55 ans,
ce qui indique un vieillissement de la population agricole car il faut le rappeler, la
plupart des agriculteurs rencontrés au niveau du « Village Pilote », par exemple, se
sont installés lorsqu'ils avaient environ 20 ans, vers les années 1970. Or les jeunes
semblent quitter le village ou projettent de le faire. Dans le même temps, ceux en
activité prennent de l’âge, ce qui a des répercutions sur leurs activités notamment en
Monsieur FFF a 63 ans, il est marié polygame de trois femmes. Il a 30
personnes à sa charge. C'est un simple habitant du village comme le fut son père. Il
est un « ancien combattant » qui participa aux opération de répression pendant les
années 60. Mais juste après les années 60, il avait décidé de s'installer comme
agriculteur. Il dispose de 8 hectares qu'il cultive avec ses femmes et ses enfants.
Depuis le début des années 80, il a abandonné la culture du café alors qu'il
disposait avant de 5000 plants. « La coopérative est tombée, tu livres le café et on
ne te paie pas ». Actuellement, son exploitation est dominée par une association
culturale composée de maïs, haricot commun, macabo, taro. Son exploitation
agricole est organisée en parcelles, chaque femme et certains des garçons majeurs
disposent chacun d’une parcelle. Lui-même dispose de sa parcelle.
Monsieur FFF ne connaît pas la quantité de ses productions car il récolte et
vend cancéreux comme il vend de temps en temps et ne peut donc pas évaluer. Il
pense qu’il sera très difficile pour ses enfants de disposer d'un terrain pour cultiver.
« Nous prions Dieu que celui qui trouve le travail paye son lot pour se construit et
achète le terrain pour que sa femme cultive ».
L'exploitation de M. FFF dispose du matériel suivant : quatre machettes,
dix houes, un pulvérisateur, un porte tout. Il rêve de se payer une moto. « Je ne sais
pas si je suis agriculteur, producteur, paysan ou planteur. Tout ce que je sais c’est
que je cultive mon maïs et le jour du marché je vends un peu ».
208
terme d’orientation vers des activités peu risquées comme la culture du maïs au lieu du
maraîchage.
b) Les trois quart des enquêtés sont des hommes
27 % des enquêtés à Galim sont des femmes, celles-ci représentent 35 % des
enquêtés à Fokoué. Ces proportions sont toutefois loin de traduire le pourcentage de
femmes dans la population rurale mais se justifient par le fait que peu de femmes sont
disposées à parler d'elles et de l'exploitation très souvent placée sous le contrôle du
mari. Certaines femmes ont souhaité que ce soit leur mari qui soit enquêté. Toutefois à
Fokoué nous avons noté un pourcentage élevé de femmes chefs d'exploitation. Il
s'agissait en général de veuves ayant d'ailleurs plus de 50 ans. À l'analyse il apparaît
que leurs époux avaient été tués lors des troubles des années 1960. Plusieurs d'entre
elles ont donc été obligées de reprendre le statut de chef d'exploitation ce qui confirme
les éléments ressortis dans l'analyse de l'histoire agraire de la région rappelant que
Fokoué a eu la particularité de connaître une forte répression du « maquis » du fait que
son relief de montagne et sa végétation de forêt constituaient un refuge pour des
rebelles recherchés.
c) 18 % de notables traditionnels
82 % des enquêtés de Fokoué sont de simples agriculteurs du village, alors que
18 % sont des notables143. Dans cette dernière catégorie, nous avons un chef de village
et une reine (femme de chef). A Galim, 75 % des enquêtés sont de simples habitants
et 25 % sont des notables. Nous n' y avons pas eu dans cette catégorie de chef
traditionnel.
d) Un niveau d'instruction limité
A Galim, 50 % des enquêtés ont fait au moins l’école primaire mais sans
obtenir le CEPE (certificat d'études primaires élémentaires). 43,5 % ont été à l’école
secondaire et ont atteint le niveau de 3eme au plus et sans obtention du BEPC (brevet
d’études du premier cycle). Seulement 12,5 % ont fait le secondaire et ont pu obtenir
143 Il s’agit ici d’un terme utilisé pour designer localement des personnes ayant un statut social élevé et qui participent auprès du chef du village à l’administration locale.
209
le BEPC. Un seul d'entre eux a le baccalauréat. Celui-ci est enseignant vacataire dans
une des écoles du village.
A Fokoué, 65 % des enquêtés ont au plus fait l'école primaire et sans obtention
du CEPE. 30 % ont au plus le niveau de la classe de troisième mais sans BEPC.
Seulement 5 % d'entre ont été au « secondaire » et ont obtenu le BEPC. Un seul a le
baccalauréat, c’est celui qui est chef de village.
Nous constatons ainsi qu’environ un peu plus de la moitié des enquêtés ont fait
au plus l'école primaire sans obtenir le CEPE. On peut donc imaginer que, en lien avec
les exigences relevées au niveau du partenariat avec les organismes d'appui, plusieurs
des agriculteurs de Fokoué et de Galim ne disposent pas d'un niveau suffisant pour
pouvoir lire, comprendre la plupart des textes et surtout produire les documents exigés.
Ce qui peut justifier, comme nous le constatons par ailleurs, le recours à des
prestataires privés. Ceci constitue un facteur limitant pour la plupart des agriculteurs à
pouvoir jouer le rôle de leader ou de responsable de groupe qui, comme nous allons le
voir, est un intermédiaire entre le monde rural et les partenaires extérieurs, et doit
disposer de compétences pour communiquer, lire les textes, les comprendre et les
expliquer. Il se dégage ainsi que, sur la base du niveau d’instruction, seulement une
certaine catégorie de la population dispose des aptitudes permettant d’exercer de telles
fonctions.
e) Agriculteurs de père en fils
A Galim, 83 % des enquêtés son fils d'agriculteurs (pratique de l’agriculture
et/ou de l’élevage). Pour les autres, les trois principales professions du père sont :
mécanicien, vigneron ou cordonnier.
A Fokoué, 88 % des enquêtés sont fils d'agriculteurs, 8 % sont fils de
commerçants et les autres sont fils d’artisan ou de vigneron.
Nous constatons ainsi que la plupart de nos enquêtés sont fils d'agriculteurs. On
aurait pu s'attendre à ce que plusieurs des personnes revenues de la ville, suite à la
crise économique, soient des fils de citadins non-agriculteurs. Mais il semblerait que
les personnes qui sont retournés dans les villages étaient à l'origine fils d'agriculteurs et
avaient ainsi eu l'occasion de se familiariser à l’agriculture et de se rendre compte que
210
l'activité agricole pouvait être une activité de reconversion. Surtout pour plusieurs de
nos enquêtés, la possibilité de disposer de la terre semble avoir été un facteur capital
de leur choix de s’investir dans l’agriculture.
f) Davantage d’activités secondaires non agricoles à Fokoué
95 % des enquêtés de Fokoué ont pour activité principale l'agriculture. Les 5 %
restants ont pour activité principale soit l'enseignement, la maçonnerie ou bien sont des
fonctionnaires affectés à Fokoué. Parmi ceux ayant pour activité principale
l’agriculture, 36 déclarent avoir une deuxième activité non agricole. Ces activités sont
: le commerce, l'enseignement, la maçonnerie et l'artisanat.
A Galim, tous les enquêtés ont pour activité principale l'agriculture. 32 %
d'entre eux ont une deuxième activité. Pour 58 %, cette deuxième activité est le
commerce. Pour les autres, il s’agit soit de l'enseignement, de la maçonnerie ou de la
menuiserie.
Sans être en mesure de nous prononcer si c'est à la suite de la crise économique
que ces activités secondaires ont été développées, nous pouvons toutefois relever que
dans le contexte des mutations des années 80 et 90, certains agriculteurs se trouvent
ainsi pluriactifs avec une deuxième activité non agricole. On peut ainsi penser que face
aux changements intervenus, ils n'auront pas tous les mêmes capacités de réaction ou
d'adaptation que les agriculteurs n’ayant qu’une seule activité.
g) Les enfants garçons et l’installation en agriculture
Étant dans une zone à grande densité de population et réputée pour la contrainte
foncière, nous nous sommes intéressés aux ressources foncières de nos enquêtés et aux
possibilités pour leurs enfants de pouvoir en disposer à l’avenir pour s’installer comme
agriculteurs au cas où ils le souhaiteraient ou seraient obligés de le faire. Un tel intérêt
découle du fait que dans la pratique, chez les bamiléké, le patrimoine foncier
appartient au mari, chef de famille, qui le distribue ensuite à ses enfants garçon.
A Galim, nos enquêtés ont en moyenne 5 enfants garçons. 22 % d'entre eux ont
moins de deux enfants garçons, 54 % en ont entre 3 et 5 tandis que 24 % ont plus de 5
fils.
211
A Fokoué, les personnes enquêtées ont en moyenne 4 enfants garçons. 38 %
d'entre eux ont au plus 2 garçons, 40 % ont entre 3 et 5 garçons, 22 % ont plus de 5
enfants garçons.
Ces effectifs se rapprochent de ceux des familles d'origine de nos enquêtés. A
Fokoué comme à Galim, nos enquêtés avaient en moyenne 6 frères garçons, et la
plupart d'entre eux sont agriculteurs grâce à l’héritage ou aux dons de parcelles reçus
de leurs parents. Avec une moyenne de 4 enfants garçons, on peut s'interroger sur la
possibilité pour les enfants garçons de nos enquêtés de pouvoir disposer des terres en
quantité suffisante pour s’installer comme agriculteur.
Il ressort des enquêtes que l’effectif moyen d’enfants garçons à Galim est de
quatre par enquêté, cette moyenne est de cinq enfants garçons à Fokoué. Avec les
superficies totales disponibles d'environ 4 ha par famille, une projection purement
théorique conduirait à une moyenne de 1 ha pour chacun des enfants garçons, ce qui
ferait que, de la génération actuelle à la prochaine, on passerait d’agriculteurs
disposant en moyenne de 4 ha à des fils disposant d’environ 1ha. Ce calcul illustre
bien qu’il soit difficile aux enquêtés de disposer suffisamment de terres pour aider
leurs enfants à s’installer comme agriculteurs.
À ce sujet, nous avons constaté des différences de vision entre les enquêtés de
Fokoué et ceux de Galim. Ceux de Fokoué estiment que leurs enfants n’accepteront
pas de s'installer dans une région aux potentialités agricoles si limitées, ce qui
confirme bien la tendance actuellement observée concernant la très faible proportion
de jeunes agriculteurs à Fokoué. Par contre, certains enquêtés de Galim, habitant une
zone aux terres fertiles et où l’activité agricole a connu un développement
remarquable, pensent que certains de leurs enfants pourraient être amenés à devenir
agriculteurs, ils redoutent plutôt la pression démographique qui réduit les superficies
des parcelles disponibles. A ce sujet ces propos d’un enquêté de Galim sont assez
révélateurs de ces enjeux fonciers :
« Nous étions huit enfants à mon père. Nous avions quatre soeurs. Deux des
garçons sont morts. Mon autre frère et moi, nous avions droit aux terres de notre père.
[…] Finalement j'ai eu environ 2 ha J'ai acheté de moi-même 1 ha Cela fait en tout 3
ha […] Aujourd'hui, Dieu m'a donné cinq garçons. Je fais beaucoup d’efforts pour les
212
envoyer à l'école. Celui qui s'amuse risque de beaucoup souffrir. Je ne pourrai leur
partager que de petits lots pour se construire une maison d’habitation. Je ne pourrais
pas leur donner des terres pour faire l’agriculture. L'enfant qui n'a pas la chance de
réussir à l’école, je vais plutôt l'aider à avoir un petit fond pour le commerce. C'est
très difficile de gagner sa vie en faisant l'agriculture. Les temps ont beaucoup changé.
Ce n'est plus comme à l'époque. Celui qui veut faire l’agriculture doit acheter lui-
même les terres pour ça. »
2- L’exploitation et ses productions
1) Des exploitations d’une superficie moyenne d’environ 4 ha
Globalement, la superficie totale moyenne des exploitations à Fokoué est de 4,5
ha par personne enquêtée et à Galim, elle est de 4 ha. A Fokoué, la superficie totale
varie de 0,5 à 15 ha par personne enquêtée. 23 % des enquêtés ne connaissent pas les
superficies de leurs exploitations, pourtant tous ceux de Galim connaissent les leurs.
Chez ceux connaissant la superficie de leur exploitation à Fokoué, 40 % ont plus de 5
ha.
Cette situation illustre à notre avis les différences de potentialités agricoles
entre Galim et Fokoué et traduisent bien la forte pression sur les terres riches au niveau
de Galim. Dans les cas rencontrés, le niveau de vie n’est pas directement relié à la
superficie utile de l’exploitation, elle dépend aussi beaucoup du nombre d’individus
que comporte la famille (cf. avoir 30 personnes à nourrir avec 8 hectares de terre, ou
en avoir 10 avec 5 hectares), de la fertilité des sols et des cultures pratiquées (cf. cas
particulier du maraîchage).
2) En moyenne, 2 ou 3 parcelles de terre par exploitation agricole
A Fokoué comme à Galim, le nombre de parcelles par exploitation varie de 1 à
6 avec une moyenne de 3 parcelles à Galim et de 2 à Fokoué.
À Galim, 42 % des enquêtés ont entre 2 et 3 parcelles. À Fokoué, 33 % se
retrouvent dans cette catégorie. Toutefois le nombre de personnes ayant plus de trois
213
parcelles est de 50 % à Fokoué contre 33 % à Galim. Cette situation montre un
émiettement des parcelles de l'exploitation agricole.
Portrait n°2 : un jeune agriculteur de 27 ans à Galim
3) Des exploitations transmises par héritage et / ou par don
Pour 45 % des enquêtés, il s’agit de l’héritage de personnes ayant succédé à leur
parent décédé. Pour 26 % il s’agit de dons faits par des membres de la famille (le père
ou le grand-père) ou par le chef du village.
Les autres modes d’acquisition, mais moins importants, sont l’achat et le
défrichage de la forêt.
Oscar a 27 ans. Il fait partie des jeunes agriculteurs de Galim. Oscar a
obtenu son certificat d'études primaires et élémentaires et a arrêté les études. Il est
célibataire, mais il a à charge deux de ses frères qui sont en 3eme et en 2nd.
Oscar a décidé de s'installer comme agriculteur à la suite du décès de son
père. Celui-ci était agriculteur - maraîcher. Oscar a hérité d'une petite parcelle de
1350 m². C'était en 2001. Il dispose d'une deuxième parcelle obtenue par location.
Oscar est le seul qui travaille dans son exploitation. Mais, occasionnellement, il
peut recourir à la main-d'oeuvre salariée. Il dispose de deux machettes, d’une houe
et d’un pulvérisateur.
Oscar cultive le gombo et la tomate. En 2006, il a cultivé 2500 pieds de
tomates, 3500 pieds de poivrons, 3000 pieds de gombo. « Quand j'étais déjà
grand, mon père lui-même avait déjà abandonné le café. Je n'ai pas de terre pour
planter »
Pour Oscar, la campagne agricole est bonne lorsqu'il n'a pas eu d'échec et
qu'il a vendu à un bon prix. Oscar compte beaucoup sur l'agriculture qui lui a déjà
permis de payer un lot d'une valeur de 250 000 f cfa (environ 381 euros). « Je
compte rester dans l'agriculture. Si je fais le commerce, je ne vais pas réussir. Je
n'ai jamais essayé ».
214
4) Le conflit des terres des pionniers du village pilote
Notons toutefois qu’à Galim, les pionniers installés ont reçu leurs parcelles
initiales de l’Eglise, selon eux sous forme de dons mais qui prévoyaient des
contributions annuelles à verser à l’Eglise. Cependant, pour non respect de cet
engagements, ces parcelles font actuellement l’objet d’un grave conflit entre ces
pionniers et le diocèse de Bafoussam (église catholique). A notre passage, en juin
2008, l’expulsion des pionniers de ces parcelles était juridiquement acquise au profit
du diocèse. Nous n’avons pas encore eu le temps d’approfondir cette question, mais
déjà, une synthèse d’éléments y relatifs se trouve en annexe (p. 382).
5) Des acquisition de parcelles par héritage, achat ou location
A Fokoué, la moyenne des superficies acquises après l’installation est de 5,50
ha. Celle-ci varie en 2,5 ha à 6 ha par exploitation.
Pour les parcelles acquises dans un deuxième temps par les enquêtés, les
principaux modes d’acquisition sont :
- l’héritage pour 53% des enquêtés concernés,
- l’achat pour 43% des enquêtés.
Les modes d’acquisition des parcelles acquises en troisième position sont :
- l’achat pour 42% des enquêtés concernés,
- l’héritage pour 31% des enquêtés concernés.
En observant que les parcelles acquises dans un troisième temps sont
d’acquisition récente, on peut noter que l’achat comme mode d’acquisition des terres
devient peu à peu courant à Fokoué alors que les parcelles principales acquises il y a
plusieurs années l’étaient plus par des dons ou par l’héritage.
A Galim, la moyenne des superficies des parcelles principales est de 2 ha alors
que la superficie moyenne des parcelles acquises en deuxième temps est de 1,3 ha, ce
qui illustre bien la tendance à la rareté de parcelles non mises en valeur et une forte
pression foncière. Ceci traduit le fait que contrairement aux parcelles principales
acquises par les enquêtés au début de leur activité, les parcelles acquises par la suite, et
tout récemment, sont de taille relativement réduite.
215
Les 3eme et 4eme parcelles sont acquises à Galim par achat ou par location, les
dons sont absents pour l’acquisition de ces parcelles. La location comme moyen
d’accès à des parcelles à mettre en valeur traduit bien le fait qu’à Galim non seulement
les terres disponibles sont rares mais que, sans doute, l’activité agricole permet de
pouvoir supporter les charges d’une telle location.
3- Les productions agricoles
1) Une tendance confirmée à la diversification culturale
Suite à la crise économique, plusieurs travaux ont montré une tendance à la
diversification des productions au sein des exploitations agricoles. Environ plus de 25
ans après le début de la crise caféière, cette tendance se maintient, toutefois les
stratégies adaptatives des agriculteurs ont conduit à certaines options sur ce plan.
Tous les enquêtés de Galim ont au moins deux principales cultures, 84 %
déclarent avoir une troisième culture, 60 % une quatrième et 20 % seulement une
cinquième. Il s'agit bien entendu des principales cultures sur lesquelles les agriculteurs
s'investissent le plus et comptent dessus pour assurer des revenus à leur exploitation.
A Fokoué, par contre, tous nos enquêtés ont chacun au moins cinq productions
principales, certains allant même jusqu'à 8, voire même 10 cultures. Ceci dénote le fait
qu’ici les agriculteurs n’ont pas encore, pour la plupart d’entre eux, trouvé les cultures
sur lesquelles leurs investissements seraient les plus rentables.
A ce sujet, remarquons que Galim et Fokoué se différencient pour ce qui est des
techniques de production utilisées : comme nous l'avons relevé lors des observations
faites sur les paysages agraires, les techniques de production sont plus avancées à
Galim qu’à Fokoué. Par exemple, l'aspect des plants rabougris de maïs à Fokoué
traduit des techniques de production encore très traditionnelles alors qu’à Galim,
l'utilisation des semences améliorées, d'engrais chimiques et des herbicides pour le
désherbage est systématique pour presque tous les enquêtés, avec une différence entre
les pionniers du village pilote qui en utilisent plus que les autochtones de Galim.
216
2) Les productions pratiquées à Galim
a) Une prédominance du trio : maïs, haricot et maraîchage
Les enquêtés nous ont fait la liste des principales productions de leurs
exploitations en les classant par ordre de priorité décroissante. A Galim, les
productions citées en premier sont le maïs, le haricot, le maraîchage et le bananier
plantain :
62,5 % des agriculteurs de Galim ont pour principale production le maïs
9,5 % pour principale production le maraîchage et toutes les autres productions
dont le bananier plantain et le haricot.
En deuxième rang, nous avons le haricot, le maraîchage, le maïs, la pomme de
terre, le porc et le bananier plantain : 43 % des enquêtés ont évoqué le haricot, 16 % le
maraîchage.
Comme principale production relevée en troisième lieu, sont cités le haricot et
le maraîchage, mais aussi l'élevage du porc, la vigne, la culture des tubercules telles
que tarot et macabo.
Ainsi donc il se dégage que le maïs, le haricot et le maraîchage sont les
principales productions des enquêtés de Galim.
b) Le maïs moins rentable, mais préféré au maraîchage
La plupart de nos enquêtés qui pratiquent les cultures maraîchères en plus du
maïs classent celui-ci comme plus important que le maraîchage. Pour eux, les cultures
maraîchères sont très risquées et très exigeantes. Elles connaissent de fortes
fluctuations de prix empêchant souvent de réussir ses prévisions de recette,
hypothéquant les projets de l’agriculteur et de sa famille. Par ailleurs, les maladies sont
devenues assez courantes et présentent dans certains cas des résistances aux produits
utilisés, ce qui fait qu’il n'est toujours pas sûr que l'investissement consenti dans les
cultures maraîchères soit rentabilisé.
D'ailleurs, à Galim, il y a un changement notable des cultures maraîchères
pratiquées. Dans les années 70, les principales cultures maraîchères étaient la tomate,
le poivron, le choux et l'aubergine africaine. Nos enquêtés disent que celles-ci ont été
217
sujettes à des attaques redoutables à partir des années 80 amenant beaucoup de
maraîchers à s'orienter vers la culture du gombo et du piment qui constituent en ce
moment les principales cultures maraîchères de la région.
La place accordée au maïs semble se justifier par un certain nombre d'avantages que
procure cette production. Tous les enquêtés estiment que, pour le moment, le maïs est
une des rares cultures sur laquelle on peut compter pour un revenu assuré. Ils
considèrent en fait que les cultures maraîchères récoltées toutes les semaines doivent
être vendues au risque de se détériorer, le producteur ayant ainsi des recettes
hebdomadaires de ventes qui sont très vite utilisées pour les urgences de l’exploitation
et de la famille.
Au contraire, la récolte du maïs intervenant vers le mois de juillet, toute la
production peut être stockée et vendue en une fois vers le mois de septembre et
permettre ainsi de réaliser des projets importants comme le paiement de la scolarité
des enfants. Certains enquêtés considèrent d'ailleurs que, sur ce plan, le maïs se
rapproche de ce qu’était autrefois le café qui permettait d'avoir en une seule période
assez d'argent pour pouvoir réaliser ses projets. C'est pourquoi, lorsque nos enquêtés
parlent des revenus procurés par les différentes productions de leurs exploitations,
globalement les cultures maraîchères viennent en premier bien qu’elles soient
considérées comme moins importantes que le maïs.
c) Le haricot, meilleur allié de la culture du maïs
La culture du maïs, généralement pratiquée dans la région en une seule
campagne c'est-à-dire de mars à environ août, semble à elle seule ne pas rentabiliser
suffisamment les investissements consentis : achat de fientes de poules, achat d'engrais
chimiques, préparation du sol. La culture du haricot réalisée peu de temps avant la
récolte du maïs s'est avérée peu exigeante en investissements supplémentaires et
permet ainsi de mieux rentabiliser ceux consentis lors de la culture du maïs. Les tiges
de maïs sont fauchées à hauteur de poitrine et du haricot grimpant peut être
directement semé sans nécessiter une préparation du sol. Aucune fumure n’est utilisée
et la récolte intervenant en saison sèche, n’implique pas des coûts liés au séchage :
218
Extrait n° 5 : un agriculteur de Galim raconte l’évolution de son système de
culture
2) Fokoué : la difficile succession au café
Les principales productions évoquées par les enquêtés de Fokoué, sont le maïs,
le bananier plantain, le café, la pomme de terre, la tomate, le haricot. Environ 60 % des
enquêtés mentionnent la culture du café comme une source principale de revenu. Il
s'agit en général de ceux vivant à Ndoundé en basse altitude où le café robusta, qui
était la principale culture, n'a pas connu le même sort que le café arabica en haute
altitude. Ces agriculteurs disent avoir eu de grosses difficultés à évacuer les récoltes de
cultures maraîchères qui ont été essayées dans la région. Comme nous l'avons vu dans
la présentation du contexte naturel, Ndoundé est une zone fortement enclavée exigeant
de franchir un escarpement d'environ 700 m de dénivelée. Et, la route y est très peu
« Lorsque je suis arrivé ici en 1972, je pratiquais les cultures maraîchères
comme tout le monde : la tomate, l’aubergine, le poivron et le haricot vert. Deux
ans après, je me suis aussi lancé dans la culture du café parce qu'on était
encouragé par le ministère. C'était aussi un bon moyen pour avoir les engrais à la
coopérative et cultiver son maraîchage. De plus, les prix du café ont chuté et les
prix des engrais ont augmenté, j'ai décidé de me lancer dans le maïs et le haricot.
J'ai presque arrêté le maraîchage parce que je commence aussi à vieillir. Je
ne peux plus porter le pulvérisateur et faire le traitement comme avant. Le maïs est
moins fatigant. Lorsque je récolte mon maïs, je le garde quelque part, c'est une
marchandise, je sais aussi que c'est de l'argent que j'ai gardé. Lorsque j'ai un
problème sérieux, je prends une quantité que je vends et j'ai assez d'argent en une
fois. Mais quand vous faites le maraîchage, toutes les semaines vous vendez et
l’argent file. Vous ne pouvez rien faire avec. C'est difficile le maraîchage, surtout
quand on vieillit. Il faut une culture pour la retraite, ce n'est plus le maraîchage. »
219
praticable : aller de Fokoué à Ndoundé demande 1h 30mn en voiture pour un trajet de
moins de 30km. Ceci a donc été un handicap pour les cultures maraîchères qui étaient
envisagées comme alternative au café. Le café robusta, le cacao, y sont restés des
productions majeures en association avec du maïs et du macabo.
En haute altitude, les principales productions sont le maïs, la tomate, la pomme
de terre et le haricot. Mais comme dit ci-dessus, le haricot et le maïs y sont cultivés
dans une association culturale très variée : on y retrouve du macabo, du bananier
plantain, de l’igname,etc.
Comme deuxième production mentionnée par les agriculteurs, nous avons le
maïs et le bananier évoqués respectivement par 36 % et 34 % d'agriculteurs. Viennent
ensuite la pomme de terre, le haricot, le manioc, le chou et la tomate évoqués chacun
par environ 4 % des enquêtés. On constate donc une très faible proportion des
agriculteurs engagés dans les cultures maraîchères, ce qui tranche avec le cas de
Galim. Ceci trouve sans doute son explication dans l'introduction précoce du
maraîchage à Galim où les agriculteurs ont eu le temps de développer des acquis
considérables sur le plan technique et commercial.
Si, à Galim, aucun agriculteur n’a mentionné le café arabica comme culture
principale, à Fokoué, il est mentionné en haute altitude par quelques agriculteurs. Par
ailleurs, à Fokoué, les hommes semblent plus orientés vers le bananier plantain et le
café, les femmes cultivant une association de maïs, haricot, igname, macabo, etc. On
note toutefois quelques producteurs de pomme de terre et de tomate. La pomme de
terre y connaît un développement suite à la production de semences par le GIC Ferme
agropastorale de Fokoué, dont le délégué, Mr. Ejuitikong, est un semencier
expérimenté. La tomate y est cultivée par les jeunes, surtout au niveau des bas fonds
comme Mangueson.
220
3- Partenaires agricoles et organisations paysannes144
a) Les partenaires du développement agricole à Galim
30 % des enquêtés de Galim mentionnent être ou avoir été en contact avec des
partenaires du développement agricole. Les principaux partenaires au développement
évoqués sont : le chef de poste (il y a 7 chefs de poste à Galim), le SAILD, le CIPCRE,
le BINUM, le HPI et la Délégation provinciale de l’agriculture.
Parmi ces 30%, la moitié dit être en contact avec le chef de poste agricole qui
est très souvent Agent de Vulgarisation de Zone (AVZ) dans le cadre du PNVRA. Au
sujet de ce qu'ils font avec le chef de poste, deux expressions sont récurrentes : « il
vient juste voir et partir », « il fait des annotations et repart ». Ceci se comprend
lorsqu'on sait que ces chefs de poste, en même temps AVZ, ont été habitués à un
système rigoureux de collecte d’informations pour des besoins de rédaction de
rapports et d’évaluations dans le cadre du PNVRA. Ils sont par ailleurs représentants
locaux des services de l’Etat, leaders d’un dispositif pour lequel il y a constamment
besoin d’éléments probants pour les rapports et les négociations avec les partenaires
financiers. La collecte de données est donc capitale. C’est par ailleurs le principal
élément qui justifie l’activité de l’AVZ. Comme aucun d’eux ne veut être
officiellement responsable du manque de moyens pour travailler, chacun s’arrange
pour fournir les rapports prévus. On croirait que ces chefs de poste qui sont les
techniciens les plus en contact avec les agriculteurs seraient ceux qui interviennent le
plus auprès d’eux, mais ils sont pris par d’autres enjeux du dispositif dont ils relèvent.
Les agriculteurs mentionnant la délégation provinciale sont des producteurs de
semences de maïs : ils invitent souvent le service provincial de contrôle de qualité afin
d’obtenir l’attestation de production de qualité et de pouvoir vendre leurs semences.
Mais certains de ces agriculteurs déplorent le fait de devoir souvent contribuer aux
frais de déplacement de ce service.
Il est curieux que le CIPCRE et le SAILD soient évoqués au passé. Les
agriculteurs concernés disent avoir participé à des formations, des ateliers de réflexion
et des initiatives de vente groupée du maïs. Et même si les entretiens avec les
144 Ce sujet est longuement évoqué dans le chapitre X
221
responsables du SAILD et du CIPCRE parlent de leurs interventions à Galim, celles-ci
ont connu un relâchement considérable selon les agriculteurs. Ceci semble se justifier
en partie par les échecs des différentes initiatives de commercialisation du maïs. Aussi,
comme nous l’avons vu dans la partie II, les nouvelles thématiques qui guident l’action
des ONG comme le SAILD et le CIPCRE ne sont plus forcements axées sur l’appui à
la création d’organisations paysannes ou sur le développement agricole (cf. les
mutuelles de santé).
Le BINUM est évoqué par les enquêtés pour les opérations de
commercialisation de maïs réussies en 2003 et 2004 avec le SAILD, et pour les crédits
octroyés aux agriculteurs suite au fonds de garantie obtenu grâce à SOS Faim
Belgique. Mais le BINUM est davantage perçu par les agriculteurs comme une
organisation à laquelle on adhère pour bénéficier de services que comme une initiative
portée par eux.
Le HPI, Heifer Project International, est une ONG américaine ayant une
antenne au Cameroun, basée à Bamenda dans le Nord Ouest, à environ 100 km de
Galim. Elle fournit des porcs selon l’approche « take and give ». Le groupe bénéficie
gratuitement d’une truie et, lorsqu’elle met bas, il remet des porcelets à d’autres
groupes. Le HPI mène aussi des activités concernant l’élevage d’abeilles pour la
production du miel.
Deux autres organismes sont évoqués comme ayant travaillé dans la région,
mais il y a longtemps. Il s'agit du projet ASPPA du ministère de l’agriculture dont les
activités portaient sur les formations en gestion, l’appui à la structuration et les
stratégies de commercialisation du maïs. NACEC R est une structure de microfinance
(épargne et de crédit) qui a fait faillite en emportant avec elle les épargnes
d’agriculteurs. Ces derniers avaient été incités à épargner pour obtenir ensuite des
crédits, ce qui fut rarement le cas malgré les ouvertures de compte et les épargnes. Les
conditions étaient difficilement accessibles. Des personnes enquêtées ont signalé que
plusieurs autres structures de micro finance ont fait pareil.
222
b) Appartenance aux organisations paysannes
A Galim, 30 % des agriculteurs enquêtés, soit 10 personnes, sont adhérents à
des organisations paysannes. Les deux principales sont :
- BINUM auquel appartiennent 50 % des enquêtés membres d’organisations
paysannes
- GIC JAKI (Jeunes agriculteurs de Kieneghang) qui concerne 13 % des
enquêtés membres d’organisations paysannes
Les autres groupes évoqués chacun par 6 % (soit deux personnes) des enquêtés
membres d’organisations paysannes sont : Groupe d’entraide des producteurs de
Galim , GIC PROMINAT, Kenzem femmes, UGIC Baban, GIC YODANOU,
Madzong Kwanno.
Les raisons qui ont amené les enquêtés à faire partie de ces organisations sont :
- participer aux ventes groupées de maïs
- obtenir des plants et apprendre à cultiver le bananier plantain selon les
techniques modernes
- obtenir des financements
- accéder à la location de la motopompe.
A Fokoué, 30 % des enquêtés, soit 15 personnes, sont membres d’organisations
paysannes. Ces organisations sont au nombre de 12 dont 10 GIC : GIC AGRIEND
Jeune dame Fomopea centre, GIC MAVIB, GIC POUBOMG, GIC ESSAME, GIC
femme Manguezong, GIC hommes manguezong, GIC JAM, GIC FAB, Jeunes
femmes cultivatrice de Fontsa, GIC ferme agropastorale de Fokoué, GIC PATO.
La principale raison d’adhésion ici est l’espoir d’obtenir des dons financiers ou
matériels.
223
Portrait n°3 : un groupe de jeunes producteurs
Conclusion
L’arrondissement de Galim couvre environ 51 000 hectares, les terres des
villages Bamendjing, Kieneghang et Bati sont particulièrement favorables à
l’agriculture et celles de Bamenyam et Bagam chefferie le sont moins.
La caféiculture fut introduite à Galim par les exploitants européens et, après
l’indépendance, ce fut des autochtones qui continuèrent de développer cette culture
jusqu’à la crise des années 1980. Cependant, dans les années 1960, des agriculteurs ont
Ce groupe a été créé en mai 2007 et comptait alors 20 membres. Ce fut suite
à la sensibilisation faite par un agent de l’antenne régionale du Programme national
de Développement des Racines et Tubercules (PNDRT) pour l’Ouest et le Nord
Ouest. Cet agent est originaire du village Bamendjing. L’objectif du groupe était
donc de faire la production des semences de pomme de terre. Ce groupe est le
deuxième groupe créé à l’initiative du PNDRT, le premier étant un groupe dont
l’action porte sur la production du manioc. L’activité du groupe consiste
essentiellement en un champ communautaire de production de semences de
pomme de terre. Ce champ a été mis en place grâce aux ressources fournies par le
PNDRT, estimées à environ 500.000 f cfa, à savoir : les semences : 280 kg, les
produits phytosanitaires, le pulvérisateur et : 2 sacs d’engrais, soit 100 Kg.
Ce GIC qui avait 20 membres au départ, se retrouve à ce jour avec
seulement 9 membres. Selon le délégué, les personnes qui se sont retirées pensaient
qu’il s’agissait uniquement d’un lieu pour recevoir les appuis et n’étaient pas
préparées à fournir des efforts comme par exemple participer aux opérations
culturales. Plusieurs ont jugé les travaux pénibles. Par ailleurs, certains ont été
découragés par d’autres dans le village, ceux-ci leur faisaient comprendre qu’un
investissement dans le groupe était un perte de temps.
224
été installés par l’Etat et aussi par l’église catholique. C’est ainsi que les cultures
maraîchères ont démarré. De1981 à 2000, les caféiers ont beaucoup reculé et le vivrier
marchand a été intensifié. Depuis 2000, le maïs et le haricot deviennent dominants et
le maraîchage recule principalement à cause des maladies.
Les agriculteurs enquêtés ont un âge moyen de 47 ans, environ 50% ont fait au
moins l’école primaire. Les exploitations ont une surface moyenne de 4 hectares, en
général sans friches.
Les ONG y mènent des activités de sensibilisation à l’organisation auprès des
agriculteurs depuis 1988, ce qui est exceptionnel et a conduit à la création précoce
d’organisations paysannes. Ici comme à Fokoué, 30 % des enquêtés se déclarent
membres d’une OP, ce qui est particulièrement élevé.
L’arrondissement de Fokoué couvre environ 20 000 hectares avec un relief
accidenté et des sols moins favorables à l’agriculture que ceux de Galim. Quatre zones
sont à distinguer :
- le plateau, autour de Fokoué centre, qui est cultivé surtout en maïs et avec de
nombreuses cultures secondaires
- les flancs des collines aux reliefs escarpés et aux sols pauvres avec surtout des
friches. C’est une zone peu peuplée à cause de son aridité et des conséquences des
guerres civiles de 1960
- les vallées avec surtout du maïs et du maraîchage
- la plaine de basse altitude aux sols et au climat favorable au café robusta et au
cacao (ave le village enquêté de Ndounde).
Fokoué a été une zone de caféiculture dont l’histoire est typique de l’histoire
régionale avec l’extension de la culture du caféier à partir de 1931 et jusqu’à la crise
des années 1980 qui s’est prolongée dans les années 1990. C’est surtout depuis 2000
que le maïs, les cultures maraîchères et vivrières se sont développées (cf. le rôle d’un
« immigrant de retour » qui s’est impliqué dans la production de semences de pommes
de terre).
Les agriculteurs enquêtés ont un âge moyen de 53 ans. Les exploitations ont une
surface moyenne de 4,5 hectares et très souvent avec des friches. Les jeunes
225
agriculteurs sont rares à Fokoué en raison de la faible rentabilité de l’activité agricole
sur ces terrains souvent difficiles.
Les organisations paysannes y apparaissent à partir de 2003 grâce à l’action des
agents de vulgarisation du ministère de l’agriculture dans le cadre des programmes de
l’État. Aucune ONG n’intervient dans cet arrondissement, le PRP pisciculture étant un
cas très particulier.
226
Chapitre VIII
Les dispositifs agricoles de l’Etat à Fokoué et à Galim Plusieurs projets et programmes mis en place sous le couvert de l'État
interviennent à Galim et à Fokoué. Sept projets sont mentionnés par nos interviewés à
Fokoué et cinq à Galim.
Les projets les plus souvent cités dans les deux zones sont :
1. Le PNVRA, Programme National de Vulgarisation et de Recherche Agricole
2. Le PRFP, Programme de Relance de la Filière Bananier Plantain
3. Le PNDRT, Programme National de Développement des Racines et Tubercules
4. Le programme maïs
En plus de ces projets et programmes, les services du ministère de l’agriculture
sont présents depuis très longtemps par les délégations d’arrondissement de
l’agriculture de Galim et de Fokoué.
De par sa très grande couverture du territoire national145 et d’importants moyens
financiers et matériels qui ont été mobilisés, le Programme National de Vulgarisation
et Recherche Agricole (PNVRA) peut être considéré comme le premier et le plus
important programme mis en place par l'État après l’affirmation de son option de
désengagement suite à la crise du milieu des années 80. Aussi nous allons procéder
d’abord à sa présentation (section I) avant de décrire un autre programme (section II),
le PNDRT, Programme National de Développement des Racines et Tubercules,
typique des nouveaux projets par filière et présent à Fokoué et à Galim.
Puis, nous dégagerons aussi les principales caractéristiques de ces
programmes(section III). Ce qui nous permettra de rendre compte de la manière dont
le dispositif promu par l’Etat se déploie sur le terrain, les acteurs de ce dispositif à ce
145 Apres la revue à mi-parcours en 1995, ce programme fut par la suite étendu à toutes les provinces à partir de 1996.
227
niveau des villages, les interactions avec les agriculteurs et éventuellement les autres
acteurs de développement agricole.
Toutefois, le tableau ci-après donne la liste des services et projets de l’Etat
présents à Fokoué et à Galim.
Tableau 13: Liste des services et projets de l’Etat mentionné par les enquêtés
Fokoué Galim
DAA DAA PNVRA PNVRA PRFP PRFP PNDRT PNDRT Programme maïs Programme maïs Programme de Développement des Palmerais villageoises
ASPPA
Projet réorientation de la stratégie phytosanitaire
Programme de Valorisation des Bas Fonds
DAA : Délégation d’Arrondissement de l’Agriculture
ASPPA : Appui aux Stratégies Paysannes et à la Professionnalisation de l’Agriculture
228
I- Le dispositif principal de l’Etat à partir de 1988 : le PNVRA
1- L’organisation globale et locale du programme
Le PNVRA, Programme National de Vulgarisation et de Recherche Agricole, a
effectivement démarré en 1988 sur financement de la Banque Mondiale. Son approche
était alors basée sur la méthode dite de "Formation et Visites" ("Training and Visit
System" ou "T&V System") développée par Daniel Benor146 en Turquie, au début des
années 70 (Benor et Harisson, 1977). Cette approche a pour caractéristiques
essentielles : la rigueur des calendriers de visites, la régularité des formations, une
liaison forte entre Recherche et Vulgarisation, l'obligation des démonstrations et de
quantification des résultats, la concertation, la remise en cause permanente des
résultats par le trio Chercheur-Paysan-Vulgarisateur.
Le cadre institutionnel de sa mise en oeuvre au Cameroun fut le ministère de
l'agriculture à travers ses services traditionnels. Toutefois, avec les conventions
signées en 1996 avec le ministère de la recherche scientifique et le ministère de
l’élevage, ceux-ci se sont impliqués dans la gestion et la mise en œuvre opérationnelle
du programme. Sur le plan organisationnel, nous avons :
1- une coordination nationale au niveau de la Direction de la production agricole du
ministère de l’agriculture,
2- une supervision provinciale au sein de la délégation provinciale de l’agriculture ou
de celle de l’élevage,
3- une supervision régionale au sein de la délégation départementale de l’agriculture
ou de celle de l’élevage,
4- une supervision du secteur au niveau de la délégation d’arrondissement de
l’agriculture ou de celle l’élevage,
5- un Agent de Vulgarisation de Zone (AVZ) au niveau de chacune des zones
constituant un secteur.
146 Daniel Benor a développé l’approche « Training and Visits » qui a ensuite été promue par la Banque Mondiale.
229
Il existe par ailleurs des techniciens spécialisés pour des filières agropastorales
ou pour des thématiques transversales comme la structuration paysanne ou la
commercialisation, ceux-ci sont généralement basés au niveau provincial et
interviennent dans les départements et les secteurs. Des personnels du ministère de
l’élevage ou de celui de l’agriculture sont affectés aux postes indiqués ci-dessus dans
l’organisation institutionnelle du programme. Le ministère de la recherche dispose
d’un correspondant et d’une équipe de chercheurs qui sont déployés en fonction des
sollicitations venant du PNVRA.
Les agents du PNVRA, basés à Galim et à Fokoué, et donc en contact
permanent avec les agriculteurs, sont les AVZ et les superviseurs de Secteur.
L'arrondissement de Fokoué compte 3040 exploitants agricoles147, le service
d'arrondissement de l'agriculture dispose d'un effectif de 8 personnes à savoir le
délégué d'arrondissement, un chef de bureau basé au niveau de la délégation et 6 chef
de postes agricoles. Parmi ces derniers, quatre sont impliqués dans le PNVRA et y
occupent les fonctions d’AVZ148. Le délégué d’arrondissement de l’agriculture
(Ministère de l’agriculture) en est le superviseur de secteur.
Galim compte 6 242 exploitants agricoles. Le PNVRA y dispose d’un
superviseur de secteur du PNVRA qui est le délégué d’arrondissement de l’élevage
(Ministère de l’élevage) et de 7 AVZ.
Les AVZ sont en général des techniciens d’agriculture, des techniciens
d’élevage, des agents techniques d’agriculture ou des agents techniques de l’élevage.
Un technicien a une formation de niveau Probatoire149 + 2 années de formation, et un
agent technique une formation de niveau BEPC + 3 années de formation.
147 Chiffre obtenu auprès du délégué d’arrondissement de l’agriculture. Ce chiffre est issu du comptage fait par chacun des chefs de postes que compte l’arrondissement. L’exploitant renvoie plus au chef de famille agricole, la femme n’étant comptée que lorsqu’elle est exploitante agricole célibataire ou veuve. 148 Selon le découpage du PNVRA, le secteur de Fokoué s’étend au-delà de l’arrondissement de Fokoué et compte au total sept AVZ. 149 Equivalant à un an avant le baccalauréat.
230
2- Une évolution du PNVRA rythmée par des adaptations de
stratégies
La mise en oeuvre du PNVRA a connu plusieurs changements depuis 1988. Des
changements de dénomination sont intervenus autour du noyau stable de « programme
national de vulgarisation agricole» :
- de 1988 à 1992, PNVFA (Programme National de Vulgarisation et de
Formation Agricole),
- de 1992 à 1999, PNVA (Programme National de Vulgarisation Agricole)
- de 1999 à nos jours, PNVRA (Programme National de Vulgarisation et de
Recherche Agricole).
En plus de ces changements d’intitulés ont eu lieu des évolutions importantes au
niveau des stratégies d'intervention, notamment en termes de types d'actions menées et
de partenaires.
3- Un dispositif orienté sur des paysans atypiques : « les paysans
de contact »
Lors de son lancement, le lien entre le PNVFA et le milieu rural, notamment les
agriculteurs, se fait à travers la relation entre l'AVZ et le « Paysan de Contact » qu'il
choisit. Ces paysans de contact sont supposés être des leaders d'opinion à même de
diffuser les résultats d'expérimentation auprès d'autres agriculteurs de leur voisinage.
Mais, comme le note l’AGCD – Coopération belge (1994), dans la mise en oeuvre de
cette approche, l'AVZ doit arbitrer entre le choix des personnes novatrices facilement
décelables et le choix des leaders d’opinion, ce qui normalement prend du temps et est
une opération complexe.
Mais, de nos échanges avec les AVZ, il ressort que plusieurs facteurs ont guidé
leur choix et qu’ils se sont orientés vers :
- des agriculteurs déjà novateurs et donc considérés comme ouverts et disposant
d’un minimum d’acquis les prédisposant à accepter des innovations et à pouvoir les
gérer,
- des agriculteurs ayant des exploitations qui pouvaient faire l’objet d’une
bonne visibilité lors des missions de suivi des supérieurs hiérarchiques,
231
- des agriculteurs disposant d’aptitudes à la collecte des données pour des fins
de quantifications des résultats si chères à l’approche « Training and Visit ».
Toutes ces caractéristiques ne correspondent souvent pas à l’idée du paysan de
contact dans la version originale de cette approche qui voit en lui un leader d’opinion
qui contribuerait à diffuser les résultats des expérimentations dans son environnement.
C'est donc au niveau de ce « Paysan de Contact » que l’AVZ procède à une
série de démonstrations sur les nouvelles techniques de production. Intervenant dans
ces zones suite à l’effondrement de la caféiculture et dans un contexte de recherche de
nouveaux repères par les paysans en terme de productions à développer, l'intervention
initiale de l’AVZ a consisté en l'expérimentation d'une série de productions au niveau
de l'Unité de Démonstration chez le « Paysan de Contact ». Ces expérimentations sont
soutenues par les multiples formations de quinzaine auxquelles participent l’AVZ au
niveau du secteur (généralement à la Délégation d’arrondissement de
l’agriculture). « Tout était programmé et on devait respecter à la lettre. On repartait
dans les villages démontrer ce qui a été appris à la réunion de quinzaine », précise un
AVZ. L’AVZ mobilise donc des paysans de la localité intéressés à suivre
l’expérimentation. Mais relevons le, le choix de ce paysan de contact suppose que le
paysan en question soit prêt à se rendre disponible. C’est autour de lui que sont créés
ensuite les groupes de contact réunissant le paysan de contact et les autres paysans
motivés.
4- Un dispositif de vulgarisation très différent de celui de
l’UCCAO
L’approche d'encadrement ainsi promue par le PNVRA présente quelques
différences fondamentales avec celle qui fut mise en œuvre à l’époque de la
caféiculture :
- la première concerne la sélection ou plutôt l'exclusion de certains paysans.
Alors que l'encadrement des coopératives s'adressait à tous les planteurs (presque tous
les paysans étant devenus cultivateurs de café pour des raisons principalement
économiques), l'approche de vulgarisation du PNVRA ne s'adressait directement au
232
départ qu’à des agriculteurs à la fois volontaires et choisis par l’AVZ et ensuite à ceux
regroupés au sein des groupes de contact.
- la deuxième est que l'action initiale du PNVRA se limite essentiellement à des
formations techniques. Aux agriculteurs mobilisés est exposée une diversité de
productions possibles et chacune selon des techniques de production supposées les
plus modernes et les mieux adaptées à son contexte150.
- la troisième caractéristique est qu’il revient à l’agriculteur le choix de ce qu’il
doit produire au sein de son exploitation. Il a ainsi la responsabilité du choix et de
l’organisation technique des productions de son exploitation (les productions à faire,
les associations, les successions, etc.). C’est donc à lui que revient le choix du système
de production à développer. Or du temps de la caféiculture qui représentait la
principale source de revenu, l’orientation était donnée par la coopérative en termes de
techniques de production, d’utilisation des intrants fournies, etc. Les techniques de
production étaient standardisées à l’amont et uniformisées. Un responsable du
ministère de l’agriculture le relève ainsi : « C’était une méthode directive, on
demandait à l’agriculteur seulement d’être obéissant. Le but n’était pas de le rendre
capable de, mais de faire qu’il exécute quelque chose de précis. »
5- De 2000 à 2004, des élargissements du dispositif et le lien avec
les GIC
Vers 2001, l’une des évolutions dans la mise en œuvre du PNVRA va consister
à élargir l’objet d’intérêt de l’AVZ. Elle va être qualifiée d’approche système. Celle-ci
fut expérimentée dans certaines zones d’intervention comme Galim. L’intervention de
l’AVZ ne porte pas uniquement sur la promotion des filières prises de manière
distincte comme dans l’approche filière, mais sur une exploitation agricole considérée
dans sa globalité, notamment comme système d’exploitation : « On s’intéresse donc à
tout ce que fait l’agriculteur, on prend en compte tout ce qu’il produit » précise un
superviseur régional. Les interventions à ce moment-là concernent :
- l’identification des contraintes au niveau de l’exploitation 150 Relevons toutefois qu’il s’agissait aussi pour les techniciens du PNVRA d’une phase cruciale de formation car certaines techniques enseignées par le PNVRA n’avaient pas encore été éprouvées. C’est d’ailleurs grâce à ce processus démonstrations et essais par les paysans que certaines techniques de production vont être progressivement systématisées et stabilisées.
233
- l’identification des besoins au niveau de l’ensemble de l’exploitation
- l’appui à l’amélioration des performances de l’exploitation (fabrication du
fumier à base du compostage, amélioration des techniques pour les
différentes productions, etc.).
Toujours vers 2001, une des activités principales du programme fut
l’accompagnement du processus de légalisation de ces groupes de contact en GIC. Ce
sont ces groupes de contact légalisés en GIC qui sont ensuite devenus les partenaires
locaux du PNVRA151, et donc, d’une certaine manière, les représentants des
agriculteurs pour le dispositif promu par l’Etat. A partir de 2001, le travail de l’AVZ a
donc quitté progressivement le « Paysan de Contact » et « l’Unité de Démonstration »
pour porter sur les GIC ainsi légalisés. Avec ces groupes, le travail portait soit sur des
filières précises développées par les membres (ce qui fut appelé « approche filière »),
soit sur l’ensemble des productions des exploitations en considérant ces dernières
comme un système (ce qui fut appelé « approche système »).
Une conséquence de cette trajectoire évolutive dans le travail de l’AVZ est que,
dans la plupart des cas, ceux-ci ont pour partenaires les GIC qui ont émergé des
groupes de contact. A partir de l’année 2004, la stratégie d’intervention avec ces GIC a
consisté à appuyer les projets de ces groupes. Suivant cette approche connue sous
l’appellation « appui aux microprojets », et qui est donc celle actuellement pratiquée,
l’AVZ procède à l’accompagnement du groupe dans la réalisation de son projet à
travers :
- l’identification du projet
- l’estimation des moyens de mise en œuvre
- l’élaboration du compte d’exploitation prévisionnel
- l’élaboration du plan de mise en œuvre opérationnel
- l’élaboration du plan de financement
Pendant la campagne agricole, le travail de l’AVZ consiste donc au suivi de la
mise en oeuvre de ce projet. Il s’agit de visites à différentes étapes d'exécution pour
rappeler au groupe ce qu'il y a lieu de faire, des appuis à la réalisation d'activités
151 En 1993, la province de l’Ouest Cameroun comptait 271 AVZ, 2 166 agriculteurs de contact et 21 166 groupes de contact.
234
prévues, par exemple des contacts pour l’approvisionnement en intrants, le montage de
dossiers pour la recherche de financements, la diffusion d'informations sur les
productions à commercialiser, etc. Ces propos d’un des superviseurs départementaux
rencontrés illustrent cet approche : « Non, nous ne travaillons plus avec les individus,
c’est dépassé. Nous ne sommes plus là pour courir derrière chaque paysan. L’AVZ
travaille avec des groupes de producteurs et sur des projets ».
Vers 2003, le PNVRA a aussi connu un élargissement des services offerts : en
plus des formations techniques, a été mis en place un volet d’appui aux GIC en
infrastructures et équipements. Pour en bénéficier, il fallait être une organisation
paysanne ayant une reconnaissance officielle, c'est-à-dire un GIC, soumettre un projet
selon les indications du PNVRA, celui-ci devant faire l'objet d'une sélection au niveau
d'un comité paritaire départemental et ensuite provincial.
Mais ces appuis en infrastructures et en équipements ont fait l’objet de
beaucoup de dérives, notamment en termes de détournement d’aides destinées aux
agriculteurs ; un agriculteur enquêté s’en indigne ainsi : « Vous voyez, ceux qui sont
supposés nous encadrer, c’est eux qui mangent sur notre dos. On a licencié
dernièrement la plupart des délégués provinciaux qui ont géré l’appui aux
agriculteurs. On nous dit par exemple qu’un délégué produisait des factures pour
justifier des fonds alors que rien n’avait été fourni aux paysans. Ce que je sais, c’est
que l’agriculteur est un éternel malheureux, il n'y a personne pour le défendre ».
Dans le cadre de l’approche ne consistant qu’à travailler avec les GIC, une des
actions principales consiste en une aide à l'élaboration des comptes d'exploitation
prévisionnels pour les projets. Mais, selon nos constats sur place en 2008, celle-ci est
mise à mal par une forte augmentation des prix des engrais. Un des superviseurs
départementaux du PNVRA que nous avons rencontré en parle ainsi : «Actuellement,
on ne sait plus quoi faire. Les AVZ, les paysans et moi-même sommes embarrassés. Il
n’y a plus un compte d'exploitation prévisionnel qui tienne. Dès que vous introduisez
les prix actuels d'engrais, le résultat est négatif. Comment continuer à encourager les
paysans à s'engager dans des productions s’ils vont perdre alors que nous leur avons
235
enseigné de toujours faire un compte d’exploitation avant de s’engager dans une
activité, pour éviter de perdre»152.
Le PNVRA, important programme mis en place par l'État à la fin des années 80,
est progressivement parti d'une approche centrée sur des filières prises séparément,
autour de paysans de contact, vers un accompagnement de groupes d'agriculteurs sur
des projets collectifs. Ce programme a connu plusieurs changements de dénominations
révélatrices des changements des stratégies et des dispositifs institutionnels de mise en
oeuvre. D'un point de vue sociologique, une telle évolution a impliqué une exclusion
des paysans individuels et des groupes de paysans se situant hors du réseau des AVZ.
Ceci s’inscrit d’ailleurs dans le prolongement des observations que faisaient
Tchouamo et Steele (1997) en constatant qu’après cinq années de réalisation,
seulement 30 % de l’échantillon des agriculteurs enquêtés par eux dans
l’arrondissement de Mbouda, du département des Bamboutos dont fait partie
l’arrondissement de Galim, déclaraient avoir des contacts avec l’AVZ. Les autres 70 %
disaient n’avoir aucun lien avec l’AVZ et n’étaient donc pas concernés par le système
de « Training and Visit »
6- Depuis 2004, peu de moyens et d’activités
Si la période de lancement du PNVFA a connu une très forte mobilisation en
terme de ressources humaines, matérielles et financières et en permettant de ce fait un
important déploiement des agents sur le terrain, force est de reconnaître que, en 2007,
lorsqu'on parcourt Galim et Fokoué et que l'on discute avec les agriculteurs et les
agents locaux du ministère de l'agriculture, il en ressort que ce programme connaît un
fort ralentissement de ses activités. Devrait-on d’ailleurs continuer à l’appeler
PNVRA ? Ne devrait-on pas lui donner un autre nom pour traduire ce qu’il est devenu
et représente maintenant ? En effet, le financement de la Banque mondiale, principal
promoteur de ce programme, est arrivé à son terme en fin 2004, le Gouvernement
camerounais s’étant engagé à poursuivre le projet sur ses ressources propres. Depuis
152 Le sac d’urée, un des engrais les plus consommés par les agriculteurs, est passé d’environ 9 000 f cfa en 2005 à 18 000 f cfa en juin 2008. On nous apprend d’ailleurs par téléphone qu’il serait de 25 000 f cfa en août 2008.
236
2005 et encore actuellement, le PNVRA fonctionne sur la base du budget de l’Etat et
connaît de sérieux problèmes :
- la faiblesse des moyens par rapport à la stratégie d’intervention
- la diminution et l’irrégularité des primes financières versées aux agents
concernés
- la diminution des formations
- l’absence d’appuis en infrastructures et en équipements
- le vieillissement du matériel roulant
- la démotivation du personnel
Au cours de la période d'intense activité due au financement de la Banque
mondiale, le personnel de ce programme avait un traitement financier complémentaire
qui était une source de motivation pour la plupart des agents concernés. Lorsqu'on
prend le cas de l'agent de vulgarisation de zone (AVZ), maillon essentiel de la mise en
œuvre à travers ses contacts avec les agriculteurs, celui-ci réalisait 16 jours de visites
par mois et avait quatre jours de réunion par mois. Pour cela et en plus de son salaire,
il recevait 30 000 f cfa par mois de compensations financières pour ses frais
d’entretien de la moto et 2 000 francs cfa par jour de réunion. Pour certains AVZ dont
le salaire net mensuel était d’environ 60 000 f cfa (environ 91,5 euros), il s’agissait
ainsi d’une augmentation de près de 56 % de leur revenu mensuel.
Le complément de revenu s’élève actuellement à une somme variable et
forfaitaire. A Fokoué, il a été estimé à 8 333 f cfa par mois (100 000 f cfa par an), soit
environ 25 % de ce que percevait l’AVZ par le passé. Par ailleurs, le paiement transite
actuellement par le ministère des finances, ce qui semble mal vu par les agents
impliqués, comme le signale un superviseur de secteur du PNVRA : « Maintenant, le
paiement de ces primes qui se faisait en espèces et presque tous les mois est prévu de
se faire plutôt de manière semestrielle. Nous sommes en juin 2008, les primes du
premier semestre ne sont pas encore payées. Et on dit que ça passera par le ministère
des finances. Ca va arriver quand ? Et qui peut être encore motivé pour faire un tel
travail ?». À ce sujet, nous avons rencontré des AVZ très pessimistes quant au
fonctionnement du PNVRA sur la base des ressources de l’Etat et à travers le circuit
du ministère des finances.
237
Un autre problème est que ce programme ne dispose plus de moyens permettant
effectivement de remplir ses missions. Dans l'arrondissement de Fokoué, rappelons
qu’il y a quatre AVZ, le délégué d’arrondissement étant le superviseur de secteur.
Même s'il reste prévu que chacun d’eux doit effectuer 16 jours de terrain par mois, le
superviseur de secteur reconnaît que ce rythme a considérablement baissé. D'ailleurs, il
nous affirme que lui-même ne fait pas plus de 10 jours de visites par mois. Il l’exprime
en ces termes : « Comment voulez-vous que je me déplace alors que je n’ai même pas
encore reçu les moyens financiers nécessaires. A la réunion de quinzaine, l'autre jour,
je me suis retrouvé seul avec deux AVZ, les autres ne viennent pas et ils vous disent
qu’ils ont oublié la date. Pensez-vous que si le traitement était toujours normal, un
AVZ pourrait oublier une réunion de quinzaine ? C’était inimaginable et impensable
lorsque tout fonctionnait bien ».
Un autre aspect à considérer est celui des ressources matérielles. Dans
l’arrondissement de Fokoué, seulement deux agents du PNVRA (un AVZ et le
délégué) ont bénéficié d'une dotation de moto en 2007. Les autres agents disposent de
motos défectueuses et non opérationnelles, acquises en 1994 dans le cadre du
lancement du programme.
Par ailleurs, le budget annuel de fonctionnement de ces agents au titre de
délégué d'arrondissement ou de chef de poste s'élèvent respectivement à 503 100 f cfa
(environ 770 euros) pour le chef de poste et 784 000 f cfa (environ 1 190 euros) pour
le délégué d'arrondissement. Selon nos entretiens, il faut déduire de ces montants
environ 20 % pour les taxes. De plus, les achats de fournitures se font selon des
mécanismes à travers lesquels le fournisseur perçoit 30 % du montant lors de la
transaction. Il resterait donc en fait 50 % de ces budgets si nous supposons que les
circuits hiérarchiques au sein du ministère de l'agriculture ou au niveau des autorités
administratives n’occasionnent aucune autre sortie financière, ce qui serait rare d’après
les déclarations des agents rencontrés. Ce budget est supposé couvrir les frais de
fourniture de matériel de bureau et de carburant pour les déplacements. Le service de
l’agriculture de l’arrondissement de Fokoué dispose donc en théorie d’un budget de
4 302 600 f cfa (environ 6 560 euros) dont la moitié au plus, soit 2 151 300 f CFA
(environ 3 280 euros), est effectivement disponible.
238
Les ratios sont donc : un agent de suivi pour 500 exploitants agricoles, un
montant d’environ 710 f cfa (environ 1,1 euros) pour l’encadrement annuel d’un
exploitant agricole, une moto pour suivre 3000 exploitants agricoles. Certes, il s’agit
bien d’une caricature, mais qui a valeur d’indicateur et révèle ce qui se passe
concrètement sur le terrain, loin des déclarations officielles, des politiques affichées et
surtout de la place que les pouvoirs publics prétendent réserver au secteur agricole153.
Nous constatons ainsi que le Programme National de Vulgarisation et de Recherche
Agricole, actuellement conduit par les services traditionnels du ministère de
l'agriculture et du ministère de l’élevage sur financement du budget de l’Etat,
fonctionne au ralenti et ne correspond plus du tout à ce qu'il était. L’une des
particularités de l’approche « Training and Visit » est de pouvoir dynamiser l’appareil
de vulgarisation par des contacts permanents entre les agents de vulgarisation de zone
et les agriculteurs, ainsi que par des formations régulières des agents de ce service. Ce
qui n’est plus le cas. Il y a aussi derrière ce constat la question de l’évaluation de tels
programmes d’encadrement des agriculteurs dont les ressources peuvent susciter une
forte motivation et donc une activité intense des agents et peut-être ne pas forcement
avoir un impact significatif au niveau des agriculteurs et de leurs exploitations.
7- Les acteurs-clé locaux : le délégué d’agriculture154, l'AVZ et le
GIC
Globalement, les projets du ministère de l'agriculture interviennent à travers des
appuis aux agriculteurs sous forme soit matérielle, soit financière. La procédure
utilisée par tous ces programmes comporte un appel à candidatures qui exige donc la
constitution d'un dossier. Il faut absolument être un GIC pour faire une demande. Dans
la plupart des cas, ce sont les AVZ qui disposent des formulaires qui leur sont transmis
par le délégué d’arrondissement. Par ailleurs, doit être mentionné dans le dossier de
demande le nom de l’encadreur de base qui doit être un AVZ devant assurer le suivi du
projet et remonter donc les informations au niveau départemental en cas
d’aboutissement. Par ailleurs, c'est normalement l'AVZ qui est chargé d'acheminer le
153 Cf. la déclaration de Maputo en 2003. 154 Le délégué d’agriculture est un fonctionnaire, chef de la délégation d’arrondissement du ministère de l’Agriculture. Le délégué d’un GIC est le président de ce GIC.
239
dossier de candidature via le délégué d'arrondissement au point focal du projet basé à
la délégation départementale. Toutefois, il nous a été signalé que certains délégués de
GIC préfèrent aller eux-mêmes déposer leurs dossiers au niveau départemental. Leur
expérience leur aurait montré l’importance d’avoir un contact direct avec le point focal
départemental du projet pour lequel ils font une demande, ce contact leur permettant
de sensibiliser le responsable local (« point focal ») sur le bien fondé de leur projet et
de veiller à ce que le dossier soit porté en comité de sélection. Le dispositif promu par
l’Etat dispose ainsi au niveau des villages d’acteurs relais permanents : l’AVZ et le
délégué d’agriculture. Ce dispositif sélectionne certains agriculteurs correspondant à
ses critères et suivant une procédure précise : paysans de contact, groupe de contact et
ensuite GIC partenaire. La stratégie de l’Etat a connu des changements dans le temps,
résultant ainsi des interactions entre l’Etat et ses partenaires.
Avec ce programme, plusieurs approches nécessaires ont été appliquées et
étaient différentes de celles du temps de l’UCCAO qui associaient les injonctions et la
distribution des intrants prescrits alors que les nouvelles méthodes ne donnaient que
des conseils.
Un bilan de ce dispositif sera fait dans la section III après l’étude d’un
programme typique des projets par filière mis en place depuis quelques années par
l’Etat.
240
Portrait n° 4 : Du projet ASPPA au projet PARI, changement des priorités
d‘intervention
Le projet ASPPA (Appui aux Stratégies Paysannes et à la professionnalisation de
l’Agriculture) fut mis en place vers la fin des années 90. Même s’il est encore évoqué
dans nos interviews, il est déjà terminé en 2005. Il a donné suite au projet PARI
(Professionnalisation Agricole et Renforcement Institutionnel) qui peut être considéré
comme sa nouvelle phase.
Le projet ASPPA avait pour mission l'accompagnement des organisations
paysannes, principalement leur renforcement. Il avait mobilisé plusieurs prestataires et
ses activités portaient en particulier sur :
1. La structuration des filières agropastorales
2. Les formations en gestion
3. L’accompagnement d’activités telles que les ventes groupées
A Galim, son action fut axée sur la filière maïs, en particulier l’appui au
regroupement des GIC producteurs de maïs et l’accompagnement des ventes groupées.
A Fokoué, ce projet n’est pas évoqué par les interviewés, sans doute en raison de la
création trop tardive d’OP qui auraient pu bénéficier de ces actions de renforcement.
Par ailleurs, des activités structurantes étaient possible autour de filières
agropastorales comme le vivier marchand déjà cultivé à Galim alors que Fokoué se
remettait difficilement d’une caféiculture en déclin.
Tout comme le projet ASPPA, le projet PARI, démarré en 2006 , est surtout
financé par la coopération française et le changement de dénomination s’est aussi traduit
par un nouveau champ prioritaire d’intervention. Son action porte sur la mise en place
d’une plate forme d’organisations paysannes sensé représenter les agriculteurs et être
l’interlocuteur des partenaires du développement agricole. Ce projet PARI n’est pas
mentionné par les interviewés sauf par certains leaders. Ceci s’explique en partie par le
fait que l’action du projet PARI se situe plus au niveau national et provincial sans
répercutions visibles au niveau local pour les agriculteurs. Et ces deux leaders qui
évoquent le projet PARI participent à des réunions au niveau national et provincial.
241
II- Le Programme National de Développement des Racines et
Tubercules (PNDRT) et les divergences d’acteurs à Fokoué
Dans cette section, le PNDRT est d’abord présenté globalement et dans sa
démarche à Galim et à Fokoué. Puis sera étudié un exemple assez révélateur des
relations entre des responsables du projet et un agriculteur particulièrement
entreprenant.
1- PNDRT à Galim et à Fokoué : des visées différentes
Le PNDRT intervient à la fois à Galim et à Fokoué. C’est un projet qui s’inscrit
dans le cadre d'une des applications de la nouvelle stratégie de développement rural du
Cameroun contenu dans le DSRP155 (cf. partie I, Chapitre 3). Il a un coût total de 21,7
millions de dollars américains dont 13,1 millions de dollars de prêt du FIDA. Sa durée
va de 2004 à 2013. Le PNDRT a pour but de contribuer à l'augmentation de la
production de racines et de tubercules en utilisant des techniques susceptibles d'être
largement adoptées par les paysans pauvres dans les domaines du traitement après
récolte et de la transformation. Les principales productions concernées sont la pomme
de terre et le manioc.
A Galim, le PNDRT a incité les agriculteurs à se regrouper en GIC et à
s'investir dans ces productions de pomme de terre et de manioc. La plupart des
organisations paysannes partenaires du PNDRT sont de création récente (vers 2005-
2006) suite à une sensibilisation à s'investir dans ces productions présentées comme
des sources intéressantes de revenus. Par contre à Fokoué, la promotion de la culture
de la pomme de terre a débuté avant la mise en place du PNDRT à travers les activités
du GIC Ferme agropastorale de Fokoué dont le délégué est un multiplicateur
expérimenté des semences de pomme de terre et l’un des principaux fournisseurs de
semences pour la production des pommes de terre au niveau national.
155 Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté
242
Le PNDRT a soutenu la production des semences de pomme de terre à travers
ce groupe par des appuis financiers et matériels. Par ailleurs, il a signé un contrat avec
ce GIC pour qu’il lui livre les semences ainsi produites aux groupes partenaires du
PNDRT dans diverses régions du Cameroun. De plus, son délégué a été prestataire du
PNDRT en 2007 pour la formation et le suivi de la production des semences de
pomme de terre par les autres groupes partenaires du PNDRT. Ces éléments autorisent
à penser que si, à Galim, l’action du PNDRT visait à inciter les agriculteurs à s’investir
dans la pomme de terre pour en constituer un bassin de production, son action à
Fokoué participait d’une stratégie différente, très « intéressée » : il s’est agi d’une
alliance stratégique avec le délégué du GIC partenaire afin de se servir de son
expertise. Pour le PNDRT, il fallait s’assurer une production de semences de pomme
de terre et mobiliser le savoir-faire du délégué du GIC pour la formation des autres
agriculteurs et d’un ingénieur.
2- Le PNDRT à Fokoué : la complexité des relations entre le
partenaire extérieur et un leader paysan
En signant le contrat avec le délégué du GIC Ferme agropastorale pour la
formation des autres groupes producteurs, le PNDRT voulait sans nul doute disposer
d’un savoir-faire avéré pour une production si délicate et coûteuse, le seul bagage
théorique d’agronome était insuffisant. Au cours de notre entretien, ce délégué a
évoqué pour s’en indigner une évolution assez complexe de son partenariat avec le
PNDRT. Il pense en effet avoir été utilisé pour le lancement du PNDRT et plus
précisément comme un tremplin pour la formation de l’ingénieur de ce programme qui
n’en avait pas l’expertise au départ. Il déplore le fait qu'en 2008 son contrat n'ait plus
été renouvelé pour la formation et le suivi des producteurs. Ces actions sont
actuellement effectuées par l’ingénieur du PNDRT avec lequel il réalisait ces missions
en 2007.
A ce sujet, il dit : « Au départ, cet ingénieur qui ne connaissait pas grand-chose
et que je formais donc au cours de nos descentes avait mis sur sa carte de visite
« ingénieur agronome » avec pour spécialisation les productions animales je crois,
mais, depuis cette année, on me dit qu’il a imprimé de nouvelles cartes de visite avec
243
la mention « ingénieur agronome polyvalent ». Il veut donc dire qu’il a pris une année
pour m’exploiter et se former et qu’il est donc capable de faire tout ce que je faisais
avec lui. Si je comprends bien, ils m’ont donc utilisé pour lancer leur programme.
Mais ils se trompent, cette production de semence là est plus délicate qu’ils ne le
pensent ».
Ces propos illustrent une relation partenariale assez complexe entre les
responsables d’un projet et les agriculteurs. Ces responsables peuvent instrumentaliser
tel agriculteur pour « réussir » leurs objectifs tout en « utilisant » ce dernier. Un des
délégués de GIC rencontré à Galim décrivait une situation distincte mais du même
type : des responsables de projets ou d’ONG, qui arrivent nouvellement dans un
village, entretiennent de bonnes relations avec des responsables de GIC au tout début
de leurs démarches. Les leaders paysans qui les aident ainsi à connaître le village et à
entrer en contact avec les populations sont bien choyés et parfois des promesses leur
sont faites pour d’éventuels appuis. Mais, dès que ces responsables parviennent à se
débrouiller seuls, ces leaders ne sont plus considérés et c’est à peine s’ils revoient les
responsables de ces projets.
244
III- Des dispositifs centralisés et non coordonnés
1- Un relais par les AVZ et une absence d’équipe locale
Comme nous l’avons relevé dans la présentation du contexte régional, il
n'existe, à proprement parler, pas d’équipe locale chargée de la mise en oeuvre locale
de ces programmes. Il s’agit de projets élaborés au niveau central du ministère de
l'agriculture où sont basées les équipes dirigeantes. Des agents déjà en activité au
niveau des délégations provinciales et départementales sont désignés pour chacun de
ces projets comme « point focal ». On peut s’interroger sur la pertinence d’une telle
approche à l’heure où, dans ses déclarations, l’Etat affirme des options politiques en
faveur de la décentralisation administrative. Quelle place donnée à l’échelon
provincial ou départemental dans la conception de ces projets ? La plupart du
personnel rencontré au niveau des provinces ou des villages dit que ces projets sont
conçus à Yaoundé et qu’on ne les sollicite que lors de la phase d’exécution : « Vous
restez, on vient vous dire qu’il y a un nouveau projet et vous devez exécuter ».
Rappelons toutefois que l’implication dans la mise en œuvre de ces projets est devenue
un enjeu important de recherche de positionnement pour le personnel du Ministère de
l’agriculture et du développement rural (MINADER) car ce sont ces projets qui
disposent de moyens pour travailler et permettent de faire de multiples réunions ou
visites sur le terrain donnant droit à des avantages financiers qui permettent aux
fonctionnaires du ministère de l’agriculture d’arrondir les fin de mois.
Dans les villages, aucun des projets actuellement mis en œuvre ne dispose d’un
personnel propre à lui. L’AVZ est le relais local et qui est donc chargé de recruter les
agriculteurs, et rien que ceux constitués en GIC, pour faire partie du dispositif.
245
Extrait n° 6 : Entretien avec le Point focal, responsable provincial du Programme
de relance de la Filière Plantain
« Nous nous intéressons particulièrement aux groupes d’agriculteurs parce
que nous estimons qu’à l'avenir nous pourrons organiser avec eux des opérations
de collecte et de commercialisation du bananier plantain, ce qui nous épargne
aussi de faire tout le travail d'organisation et de structuration des agriculteurs qui
est un véritable casse-tête.
Lorsqu’une organisation paysanne est déclarée bénéficiaire du programme,
elle doit aller vers le chef de poste de son village et recevoir des conseils sur les
normes techniques en matière de préparation du terrain. Le chef de poste fait
ensuite une visite du champ pour vérifier que tout a été bien fait. Si c’est le cas, il
donne un « papillon » qui atteste que le groupe a effectivement fait les travaux
préliminaires. Ceci est très important pour nous, car cela oblige les agriculteurs à
aller vers le chef de poste. Apres l’obtention de ce « papillon », le chef de poste
informe le point focal départemental qui délivre à son tour un « bon
d’enlèvement » en indiquant la pépinière où le groupe d’agriculteurs doit aller
récupérer les plants.
La procédure de demande pour les agriculteurs consiste donc à remplir une
fiche d'identification qui est obtenue au niveau des services du ministère de
l'agriculture, à adresser une demande non timbrée, à fournir des attestations de
propriété et d’accessibilité, à fournir une caution morale à signer par le chef du
village, à produire un plan de situation et une photocopie de la carte nationale
d'identité. Le chef de poste reçoit les demandes de sa localité et fait un premier
classement à son niveau. La sélection provinciale est envoyée au niveau national.
En termes de ressources en personnel, nous mobilisons 44 personnes à
savoir le point focal provincial, 8 points focaux départementaux, 33 points focaux
dans les arrondissements, un chauffeur et une secrétaire. Seuls ces deux derniers
ont été recrutés et sont donc sous contrat à durée déterminée. Les autres sont des
agents du ministère qui étaient déjà à leurs postes ».
246
2- Des projets par filière et ne visant pas un développement régional
Une autre caractéristique de ces projets mis en place par l'État est, qu'à l'inverse
des anciens projets et missions de développement des années 70 et 80, ils s'inscrivent
dans une perspective de développement des filières et non de développement régional.
Dans le cas des anciens projets, il s'agissait de contribuer à l'amélioration significative
du niveau de vie des populations d’une région. Dans chacune d’elles, une ou plusieurs
cultures faisaient l’objet d’importants moyens pour leur développement, l’ancrage
local étant important et un effectif significatif de la population étant touché. Des
infrastructures sociales étaient aussi réalisées : électrification, adduction d’eau,
entretien routier, etc. Comme on vient de le voir, avec les projets développés par l'État
à partir des années 2000, il n'est plus question d'un projet visant le développement
d'une région particulière, mais il s'agit en général de projets portant chacun sur une
filière agropastorale : maïs, racine et tubercule, bananier plantain, palmier à huile, etc.,
et concernant un nombre limité de GIC dispersés sur le territoire national.
3- Un dénominateur commun : la procédure d’appel à soumission de
demande
Une autre caractéristique importante de la plupart de ces projets concerne la
manière par laquelle ces projets entrent en contact avec le milieu rural. Ces projets se
mettent en œuvre à travers des appels d’offre invitant les paysans à constituer des
dossiers qui sont soumis pour étude et sélection. Ces demandes doivent parvenir aux
points focaux départementaux et ensuite provinciaux. Tous ces projets exigent que les
paysans soient constitués en groupes en tant qu’organisation paysanne légalisée et
disposant donc d'un certificat d’inscription. Notons d'ailleurs que l'une des dérives de
cette pratique consiste pour certains projets ou certaines commissions de sélection à ne
considérer comme organisations paysannes agricoles que celles ayant le statut de
groupes d’initiative commune (GIC), d’union de GIC ou de fédération d’unions de
GIC. Cette procédure met ainsi à l'écart toutes les organisations paysannes agricoles
ayant un statut soit d'association, de coopérative, de groupe d’intérêt économique ou
de syndicat. Cette procédure exige par ailleurs que les groupes soient informés des
différents appels à soumission de demande. Or, l’information passe très souvent par le
247
délégué d’arrondissement et les chefs de postes (AVZ pour la plupart). Les GIC
promus par ces derniers, très souvent ceux issus des groupes de contact mis en place
avec le PNVRA, sont privilégiés de ce point de vue. Une autre voie consiste pour les
délégués de GIC à se rendre au niveau des délégations départementales ou provinciales
ce qui est le cas généralement pour les délégués de GIC assez mobiles et à la recherche
de financements et qui vont de ce fait régulièrement dans ces services de l’agriculture.
4- Des impacts de faible envergure
Six projets de l'État interviennent dans la zone de Fokoué : le Programme maïs,
le Programme de Relance de la filière Bananier Plantain, le Programme de
Développement des Racines et Tubercules, le Programme de valorisation des Bas
fonds, le Programme de Développement des Palmerais Villageoises, le PNVRA, le
programme de Réorientation de la Stratégie Phytosanitaire. Le Programme d’appui à
l’installation des jeunes agriculteurs n’a pu y être effectif car l’un des préalables pour
le lancement n’a pas été possible à savoir, trouver 20 à 30 ha sur une même parcelle,
disponibles et non occupés pour y installer de jeunes agriculteurs156.
Il ressort des entretiens, que pour ce qui est du Programme maïs, à ce jour, trois
groupes en ont bénéficié pour des montants de 350 000 f cfa pour un des groupes et
300 000 f cfa pour chacun des deux autres. La règle dans ce programme est le
financement d'un montant de 150 000 f cfa pour un ha. Le PNDRT a financé deux
groupes dans la localité, à savoir le GIC Femmes catholiques qui a reçu deux fois 200
kg de semences de base de pomme de terre avec des intrants. L’objectif est ainsi de
produire des semences à distribuer aux membres pour la production de la pomme de
terre de consommation. Le PRFP a distribué au total 2475 plants de bananiers en 2007
et les demandes de 2008 sont encore en étude. Ces plants ont été distribués à environ
20 agriculteurs. De 2005 à 2007, le programme de développement des palmeraies
villageoises a financé 6 agriculteurs, chacun ayant reçu 450 plants157. Le programme
de développement des bas-fonds a financé à ce jour trois GIC, le premier a reçu une
156 On peut s’interroger sur la conception d’un tel projet qui exige d’avoir jusqu’à 30 ha libres, en continu, dans une région comme l’Ouest Cameroun connue pour ses fortes densités. Il s’agit bien là de l’illustration d’une conception centralisée à Yaoundé. 157 Un AVZ nous a signalé la détérioration d’une quantité importante de ces plants lors du transport.
248
motopompe, les deux autres ont bénéficié chacun d’un montant de 1 418 300 f cfa. La
situation globale de ces appuis peut être résumée dans le tableau ci-après :
Tableau 14 : Les appuis reçus par les agriculteurs de Fokoué de la part des programmes et projets de l’Etat entre 2005 et 2007
Programme ou
Projet
Quantités Nombre
d’agriculteurs
bénéficiaires
Montant estimatif
de l’appui en f cfa
Mais 3 GIC 60 950 000
Bananier Plantain 2475 rejets 20 495 000
Palmerais
villageoises
450 plants 5 675 000
Bas fonds 2 GIC 20 3 136 600
PNDRT
Racine et tubercule
600 kg de semences
de base + intrants
40 1 500 000
Total 145 6 756 600
Ce tableau montre que, globalement pour la zone de Fokoué qui compte 3040
exploitations agricoles, les programmes de l'État en ont touché directement 145 soit
4,5 % du total, avec des aides équivalentes à moins de 7 000 000 de f cfa (environ
10 700 euros). Cette situation soulève notamment la question de savoir qui prend en
charge l'appui des autres agriculteurs de Fokoué alors que cette localité ne connaît pas
d’intervention d’ONG. Comment l'État peut-il avec une telle stratégie justifier sa
position de garant de l'intérêt général et le principe de l’égalité de tous les citoyens en
droit et en devoir ? S'agit-il donc plutôt de subventions destinées à des personnes
privilégiées ou d’une mission publique d’intérêt général ?
Nous avons par ailleurs constaté une absence de synergie entre ces programmes.
Ces actions isolées par filière dénotent une absence de prise en compte des
exploitations elles-mêmes alors qu’elles constituent un système de production ou
mieux un système d’activités.
249
Tous les appuis reçus par Fokoué donnent un ratio d’environ 2 200 f cfa par
agriculteur sur trois ans si on considère que Fokoué représente 3040 agriculteurs. Ceci
pose la question de l'affectation des ressources publiques consenties au secteur
agricole et illustre ainsi la structure du budget du ministère de l’agriculture
majoritairement affecté au fonctionnement. A ce sujet l’ACDIC (2006) montre que
89,2 % du budget du MINADER, qui était de 28,056 milliards de f CFA en 2004,
représentaient des dépenses de fonctionnement.
5- Des appuis n’arrivant pas en totalité aux agriculteurs
Il ressort des entretiens réalisés que les appuis auxquels les agriculteurs ont
droit suite à la procédure de sélection leur arrivent seulement en partie pour certains
projets. Les agriculteurs nous ont cité le cas du projet bananier plantain pour lequel les
agriculteurs sélectionnés sont supposés recevoir les rejets et le Mocap, un produit
phytosanitaire. Mais tous les agriculteurs bénéficiaires n’ont reçu que les rejets et ont
payé le coût du transport pour l’acheminement de ces rejets des pépinières de
production à Fokoué158. C’est aussi le cas du programme de développement des
palmerais villageoises pour lequel les bénéficiaires devaient recevoir des engrais en
plus des plants de palmier à huile. Il n’est malheureusement pas prévu de dispositif
pouvant permettre à ces agriculteurs de se plaindre, car même les agents locaux du
ministère de l’agriculture évoquent cette carence. On peut donc bien s’autoriser à faire
le lien avec les détournements d’intrants et la mauvaise gestion déploré par un
agriculteur rencontré. Un rapprochement peut être fait avec l’acte du ministre de
l’agriculture qui a relevé vers 2005 certains délégués provinciaux de leurs fonctions
pour mauvaise gestion et détournements.
L'une des pratiques relevées par les enquêtés est la préférence de certains
projets pour l’octroi de matériels. Très souvent dans ces cas là, la procédure d'achat
gérée par les agents du projet se fait selon des voies frauduleuses notamment avec des
surfacturations qui font que finalement les ressources affectées aux paysans s’en
trouvent diminuées. Un paysan remarque : « Ce qui est vraiment amusant dans ces
affaires même de dons, c’est que quand tu te bats pour obtenir un appui, tu te rends
158 Une des pépinières d’approvisionnement se trouvait dans le Noun, à plus de 150 km de Fokoué.
250
compte que le pulvérisateur que toi-même tu achètes à 35 000 f cfa est déclaré avoir
une valeur de 60 000 f cfa. Est-ce qu’on ne peut pas me donner de l’argent pour
acheter moi-même ? Mais nous avons compris que les agents du projet organisent tout
cela pour se mettre de l’argent dans les poches ».
6- Des leaders de GIC à la recherche direct d’appuis
Comme nous l’avons signalé plus haut, l’accès aux aides de ces projets exige de
pouvoir franchir des étapes : être au courant de l’information, constituer le dossier de
candidature, effectuer des démarches pour que le dossier soit retenu (rencontre du
point focal, vérifier que son dossier est présélectionné et étudié, être en contact avec
des personnes des commissions de sélection, etc.). Il ressort de nos enquêtes que
certains GIC et leurs leaders sont expérimentés dans la recherche d’appuis des projets.
On a ainsi certains groupes qui reçoivent plusieurs appuis alors que la majorité n’en a
jamais eu. C’est le cas par exemple du GIC Femmes catholiques à Fokoué qui a reçu
une motopompe du PNDRT et a été aussi financé par le programme de développement
des bas fonds. Le délégué d’arrondissement nous a d’ailleurs indiqué que le délégué
départemental s’en était rendu compte comme lui et en faisait la remarque. On peut
retenir comme facteur facilitant l’accès à l’aide des projets et programme de l’Etat :
- le contact avec l’AVZ pour être informé des appels à candidature et avoir
accès à la constitution du dossier. Dans certains cas, ceci est remplacé ou complété par
la mobilité des leaders qui ont l’occasion de se rendre aux délégations provinciales ou
départementales pour accéder à l’information
- la capacité à monter le dossier. Il s’agit en général de pouvoir disposer
d’environ 20 000 f cfa159 pour payer les frais et prestations de l’AVZ qui le fait.
- l’acheminement du dossier au niveau du point focal par un réseau fiable.
Comme déjà remarqué, certains leaders préfèrent d’ailleurs ne pas emprunter la voie
officielle via l’AVZ, mais récupèrent le dossier pour le porter au point focal
départemental. 159 Rappelons que dans la pratique le leader se retrouve soit obligé de mobiliser seul les moyens ou d’utiliser toute ruse possible pour convaincre quelques personnes du groupe de contribuer. Au cas où le projet est financé, ce sont les personnes ayant contribué qui se trouvent être privilégiés ou bien qui réclament cette position. Lorsque le projet n'est pas sélectionné, le leader se trouve généralement en très grosses difficultés et la cohésion du GIC s’effrite, hypothéquant le renouvellement de telles initiatives.
251
Mais il est aussi apparu le cas de certains GIC vers lesquels les responsables des
programmes vont en leur proposant des financements et du matériel. Il s’agit de GIC
que nous pouvons qualifier de « GIC Vitrines » et que les projets et programmes
présentent ensuite dans le cadre des résultats de leurs activités. Ce sont des GIC
connaissant une réussite et que certains programmes veulent mettre à leur compte ou
tiennent à présenter comme résultant de leurs actions d’appui. On constate par
exemple que le GIC Ferme agropastorale à Fokoué a été recherché par le PNDRT et
qu’il a été aussi été financé par le PNUD dans le cadre de son sous-programme de
réduction de la pauvreté à la base.
Conclusion
Il ressort de ce qui précède que l’intervention des programmes de l’Etat porte
essentiellement sur l’octroi de dons en matériel ou en ressources financières. Quelques
aspects techniques sont abordés par certains programmes, c’est le cas du Programme
de Relance de la Filière Bananier Plantain PRFP pour les formations en techniques de
multiplication rapide de rejets de bananier plantain, ainsi que la mise à disposition de
fiches techniques. Mais globalement, il s’agit d’une approche ayant un impact très
limité à quelques paysans réunis en groupes.
Compte tenu de leur faible importance comparativement aux besoins des
agriculteurs, ces appuis n’augmentent guère significativement la production des
exploitations concernées et n’assurent pas leur viabilité. En effet un producteur de
maïs qui reçoit 150 000 F CFA pour la production d’un ha de maïs dont le coût est
d’environ 500 000 f cfa n’obtient pas forcement de ce fait un résultat lui assurant la
reproductibilité de son exploitation. Cependant, pour certains projets comme le
PNDRT, les semences rendues disponibles aux membres du groupe pour la production
de la pomme de consommation peuvent avoir un impact vraiment positif pour ces
producteurs parce que l’attribution de ces semences réduit de manière significative les
coûts de production (achat des semences et traitement phytosanitaire).
Le dispositif promu par l’Etat que nous avons décrit à l’échelle du pays
Bamiléké possède des ramifications au niveau départemental (par les points focaux des
252
programmes) et au niveau de l’arrondissement par les AVZ. A ce niveau local, les GIC
impliqués appartiennent très souvent aux réseaux des AVZ, c’est à dire des GIC
promus par eux suite à la mise en œuvre du PNVRA. Si les GIC font finalement partie
du dispositif, leur particularité est de ne pas y être individuellement de manière
permanente. C’est un dispositif qui sélectionne les agriculteurs et ne fidélise pas ceux
qui ont été déjà sélectionnés une fois. Ils ont accès de manière ponctuelle au dispositif
et celui-ci semble avoir intérêt à ne pas les garder, mais plutôt à faciliter leur sortie et
l’entrée de nouveaux.
Au contraire, comme nous le verrons pour les ONG, celles-ci restreignent plutôt
leurs actions à un groupe de producteurs pendant un temps long et, comme à Galim,
ces ONG ont chacun un même partenaire depuis le début de leur intervention dans la
zone. Ces GIC partenaires sont comme un capital que l’on entretient, transforme à sa
volonté et au gré de l’évolution des enjeux du dispositif afin de pouvoir s’en servir
pour saisir les opportunités permettant de s’assurer les financements.
Les AVZ jouent un rôle clé dans les dispositifs de l’Etat en assurant le lien avec
la paysannerie. Comme nous venons de le voir, ils jouent une fonction déterminante
dans la sélection des GIC bénéficiaires. A travers leurs suivis, ils renvoient
l’information sur les activités du groupe bénéficiaire, ce qui est capital pour les
rapports parce que cela sert à négocier avec les partenaires financiers ou à justifier le
bien fondé du projet. Ceci semble s’expliquer par l’obligation de justifier un réel
impact, ne serait-ce que sur un effectif limité d’agriculteurs. Du coup, les efforts
d’appuis sont concentrés sur un groupe de privilégiés afin de produire quelques
résultats visibles.
Par ailleurs, nous avons vu le rôle capital des composantes non humaines avec
le cas des procédures. Ces procédures de constitution de dossier opèrent la sélection
des paysans bénéficiaires de l’appui de l’Etat. Elles se révèlent être un facteur discret
d’exclusion de la plupart d’agriculteurs.
Au total, la dynamique de tels dispositif se trouve déterminé par les ressources
financières et les options de ceux qui les fournissent. La limitation de la durée du
projet et les évaluations sont ici les instruments de ces financeurs. Le PNVRA s’est
mis en place grâce aux ressources de la Banque mondiale et selon les approches
253
promues par elle, notamment le dispositif « Training and Visit » développé par Benor.
On constate que la fin du financement de la Banque mondiale signe la fin du système
initié. Même si l’appellation reste la même, le contenu n’est plus le même. Le rôle de
l’AVZ ne correspond plus du tout à ce qu’il était et les interventions initiales du
programme sont presque arrêtées dans la pratique.
254
Chapitre IX
Les partenaires non-étatiques du secteur agricole à Galim et à Fokoué
En plus des services de l’Etat et des projets promus par celui-ci, sont présents à
Fokoué et à Galim des organismes d’appui au développement agricole d’initiative non
étatique. Il s’agit de ceux qui sont positionnés entre les bailleurs de fonds extérieurs et
les agriculteurs comme nouveaux partenaires crédibles pour le développement agricole
à partir de la fin des années 80 : les ONG et les autres projets d’initiative non
gouvernementale. On trouve aussi de nouveaux acteurs du marché occupant l’espace
créé par le processus de libéralisation de la commercialisation des intrants et des
produits agricoles.
Comme nous allons le voir, les ONG n’interviennent qu’à Galim et depuis
longtemps en raison de ses particularités historiques et agricoles. A Fokoué, on ne
retrouve que le projet de recherche en partenariat sur la pisciculture comme partenaire
non étatique et dont l’intervention n’y est effective que depuis 2003.
255
I- Une présence ancienne d’ONG à Galim : le SAILD et le CIPCRE
Galim et Fokoué n’ont pas connu la même histoire pour ce qui est de
l’intervention des ONG. Alors que Galim fut une zone dans laquelle elles se sont
implantées très tôt dès 1988, certaines ONG n’ont commencé à visiter Fokoué que vers
1994 et n’y sont jamais revenus de façon durable.
Compte tenu des enjeux relatifs aux dispositifs promus par les ONG tels qu’ils
sont apparus dans la partie II, on peut penser que, comme le note un des tous premiers
leaders des OPA à Galim, cette zone était propice à ces ONG pour toute une série de
raisons : notamment les opérations d’installation de migrants qui avait prédisposé les
agriculteurs de la zone à des tentatives de regroupement, l’introduction précoce du
vivrier marchand qui faisait qu’avec le déclin du café les agriculteurs locaux avaient
entrepris d’autres productions pouvant servir de base à des activités de sensibilisation
et de structuration permettant de constituer un partenariat local, représentant les
agriculteurs pour les intervenants extérieurs.
La localité de Fokoué, plus ordinaire, ne présente pas les mêmes particularités
parce qu’elle fut essentiellement consacrée à la caféiculture et le passage d’au moins
une ONG vers 1994 n’aurait pas permis d’identifier des opportunités pour y
développer des activités pouvant faire émerger des organisations paysannes présentant
de l’intérêt pour les ONG et les dispositifs promus par elles.
1- L’action des ONG : des interventions pour peu d’agriculteurs
À Galim, se trouvent deux principales ONG assurant un encadrement
permanent : le SAILD et le CIPCRE. Le SAILD ne travaille qu’avec le BINUM
regroupé en deux associations : le BINUM160 de Galim et celui de Bati161 qui comptent
respectivement 365 et 206 personnes membres à la date du 1er août 2008. Le CIPCRE
160 BINUM est le Surnom de l’organisation paysanne dénommée Association de Producteurs pour le développement. Il signifie l’Ouest (le coucher du soleil) en dialectes bamiléké. 161A son lancement en 1988, le BINUM n’avait qu’une base de regroupement dans la localité. C’est avec l’accroissement de l’effectif des membres résident à Bati qu’une deuxième zone y fut créée. Mais il ressort des entretiens qu’en plus de l’effectif, plusieurs autres raisons entraient en jeu : une volonté de leadership de la part de certains agriculteurs de Bati qui voulaient se soustraire à la suprématie de Galim, les avantages que conférait le statut de zone (par exemple un fonds local de crédit autogéré avec l’aménagement d’un local conséquent)
256
ne travaille qu’avec Madzon Kwanon162, une Union de GIC comptant environ 300
paysans repartis en 21 GIC. Or l’arrondissement de Galim compte quatre groupements
de villages, à savoir Bamendjing, Bati, Bagam et Bamenyam, avec une population
totale d’environ 40 000 habitants, dont 18 314 actifs agricoles163 et 6 242 exploitations
agricoles164. Le CIPCRE et le SAILD y travaillent donc directement avec environ 4,5
% de la population active agricole165. Ce pourcentage est d’ailleurs à prendre avec
beaucoup de précaution, car très souvent l’effectif des membres concerne les
personnes enregistrées dont très peu sont actives, c'est-à-dire contribuant réellement
aux activités de l'organisation (participations aux réunions, aux formations et visites
techniques d’exploitations agricoles ; accès aux bénéfices des services de
l'organisation : accès aux crédits, participations aux ventes groupées.)
Par ailleurs, l'adhésion à ces organisations a un coût que les paysans ne peuvent
pas tous consentir à payer en l'absence de retours sur investissements concrets. Pour
être membre du BINUM, il faut verser des frais d’adhésion de 10 000 f cfa (environ 15
euros), soit environ 22,5 dollars américains dans une zone rurale où plus de la moitié
de la population vit en deçà du seuil de la pauvreté, c'est-à-dire dispose de moins d’un
dollar par personne et par jour166. Annuellement, il faut payer une cotisation de 3000 f
cfa.
Lors des entretiens, les responsables du BINUM ont parlé des difficultés à
obtenir des membres le paiement des cotisations annuelles. La plupart juge ne pas
bénéficier de réels avantages justifiant le renouvellement de l’adhésion. On constate
que dans la plupart des zones du BINUM, seuls les paysans bénéficiant de services
concrets, notamment le crédit ou la participation à des ventes groupées avantageuses,
payent la cotisation de l’année en question.
D’ailleurs, il est remarquable qu’avant les ventes groupées de 2002 et de 2003,
le BINUM de Galim comptait environ 100 membres. Cet effectif est passé à 138 en
162 Madzong est une expression bamiléké qui signifie un regroupement de personnes appartenant à un même clan, par exemple clan des jeunes. 163 Source : délégation d’arrondissement de l’agriculture de Galim ; elle est estimée à 21 525 par le PNVRA. 164 Source : supervision régionale du PNVRA pour le département des Bamboutos. 165 Ce pourcentage est calculé sur la base des actifs agricoles car plusieurs personnes de la même exploitation agricole (le mari, les épouses et les enfants) peuvent faire partie d’un même GIC. 166 En termes absolus, le seuil de pauvreté se réfère au coût total des ressources essentielles qu’en moyenne un adulte consomme en un an. Il s’agit de l’évaluation qui est faite de la dépense minimale pour assurer un niveau de vie tolérable. La Banque mondiale utilise le seuil normatif d’un dollar par personne et par jour.
257
2002 avec la vente groupée au HCR167, à 203 en 2003 avec une deuxième vente
groupée au PAM168, 314 en 2004. Les agriculteurs qui ont adhéré au BINUM durant
cette période ont évoqué deux principales raisons de leur adhésion : l’espoir de
participer aux ventes groupées de maïs et celui d’obtenir des crédits pour l’achat
d’intrants agricole. En effet, comme nous le verrons par la suite, les agriculteurs
participant à ces ventes groupées obtenaient un prix de vente supérieur de 50% par
rapport au prix au kg auquel vendaient les autres agriculteurs sur le marché ordinaire.
De plus, à cette époque là, le BINUM bénéficia du soutien de son partenaire SOS Faim
Belgique concernant une couverture du risque pour une opération de garantie qui lui
permit d’obtenir des ressources pour financer la campagne agricole et la rentrée
scolaire de ses adhérents. Ces éléments furent donc attractifs pour les nouveaux
membres.
Avec l’absence de vente groupée en 2004, il n’y a eu que 42 nouvelles
adhésions faisant passer l’effectif à 356 en 2005, effectif qui théoriquement se situe à
365 en 2008. Parmi les enquêtés membres du BINUM, 80 % ont adhéré après 2004 et
pour les deux principales raisons évoquées ci-dessus.
2- Des stratégies d’intervention en perpétuelle révision
Au cours des enquêtes, beaucoup d’agriculteurs, notamment ceux de Galim,
évoquaient au passé les organismes tels que le SAILD et le CIPCRE. En effet, il
apparaît que ces organisations, qui ont eu des interventions permanentes et une
présence régulière au tout début des années 90, connaissent des relâchements depuis
quelques années. Ceci s’accompagne d’ailleurs de changements importants de leurs
stratégies d’intervention. Dans le cas du SAILD, le travail de sensibilisation et de
mobilisation qui fut son credo initial impliquait des visites régulières dans la zone sous
forme de réunions. Par la suite, le travail du SAILD a consisté à faire émerger à partir
de ces regroupements de paysans des activités structurantes pouvant avoir des effets
positifs sur l’exploitation agricole et les conditions de vie des paysans, et qui soient
167 Haut Commissariat des Réfugiés 168 Programme Alimentaire Mondial
258
porteuses d’une visibilité : production, commercialisation (ventes groupées), caisses
d’épargne et de crédit, magasins d’approvisionnement en intrants agricoles.
Ainsi la zone de Galim a connu de fortes interventions en termes de formation à
la production, notamment pour le maraîchage et le maïs, de mise en place du
BINUMTONTINE (caisse d’épargne et de crédit) de Galim, de création du
BINUMAGASIN (magasin de ventes d’intrants agricoles) de Galim. Selon des
entretiens avec les responsables du SAILD et avec les leaders du BINUM, ceci
correspondait aussi à une exigence de la part des agriculteurs soucieux de voir se
développer à travers leur organisation des services susceptibles d’avoir un impact
pratique sur leurs activités. Dans le même temps vis-à-vis des bailleurs de fond
étrangers il fallait, au-delà des discours, des réalisations concrètes qui améliorent les
performances des exploitations agricoles et apportent un changement dans la vie des
agriculteurs.
Depuis 2004, le SAILD et le BINUM sont entrés dans un processus dit
d’autonomisation consistant en une réduction des interventions du SAILD, une plus
grande responsabilité de la part du BINUM appelé à assumer la plupart des activités
réalisées jusque là par le SAILD, une relation plus directe entre le BINUM et son
principal partenaire financier, SOS Faim. Cette évolution a entraîné d’importants
changements dans le fonctionnement et l’organisation du BINUM :
- une équipe de paysans élus qui effectue des visites de suivi autrefois faites par
les techniciens du SAILD,
- le président du BINUM qui perçoit désormais un salaire et qui a quitté son
village de résidence pour installer à Bafoussam où il fait office de coordonnateur des
activités aux cotés de l’ancien coordonnateur, un agent du BINUM devenu comptable,
- le relâchement du suivi et du contrôle par le SAILD d’activités comme la
caisse d’épargne et de crédit passées désormais sous le contrôle des paysans. Une
équipe de membres du BINUM, dont une dame de Galim, constitue un comité d’une
dizaine de personnes régulièrement impliqué dans les visites avec les techniciens du
SAILD, avec pour objectifs qu’ils aient à terme les capacités de pouvoir suivre eux-
mêmes des activités de leur association.
259
A ce sujet, plusieurs paysans de Galim nous ont dit être inquiets du devenir et
surtout de la gestion de la caisse d’épargne et de crédit en l’absence de l’oeil externe
des techniciens du SAILD. Certains d’entre eux estiment que le comité local de
gestion de la caisse de Galim, constitué de paysans, n’est pas outillé pour contrôler le
caissier qui serait en train de se servir de la trésorerie disponible à des fins privées. Ils
ont évoqué les investissements personnels réalisés en ce moment par ce caissier (achat
d’une moto-taxi, ouverture d’une cabine téléphonique, etc.). Par ailleurs, ils relèvent
que des crédits sont octroyés en ne respectant plus les procédures. En approchant
certains responsables locaux du BINUM, nous avons été surpris d’une part par
l’indifférence de certains vis-à-vis de ce problème, estimant que le BINUM central et
le SAILD devraient venir réaliser le suivi, et d’autre part par l’incapacité des autres
quant à la compréhension des outils de gestion de la caisse, préalable à un suivi de leur
part169.
Du coté du SAILD, les responsables soutiennent que l’option d’autonomisation
et de désengagement du SAILD est irréversible et estiment que les difficultés actuelles
du BINUM sont le passage obligé pour une responsabilisation et une prise en main
effective de l’organisation par ses membres. Ainsi, comme l’Etat dans un autre
contexte et à une autre période, le SAILD serait en situation de désengagement de
certains services autrefois assurés en faveur du BINUM. Toutefois, il ne s’agit pas
d’un retrait du SAILD de la localité, mais d’un changement de thématique prioritaire
qui porte maintenant sur les mutuelles de santé à Galim comme dans les autres zones
traditionnelles d’intervention de l’ONG.
Par ailleurs, selon les responsables du SAILD, le travail d’appui aux
organisations paysannes serait très laborieux et complexe du fait des leaders à gérer et
d’autres facteurs humains imprévisibles : « les gens vous disent qu’ils veulent des
crédits en début de campagne pour rembourser à la récolte. Lorsqu’ils vendent leurs
récoltes, personne ne vient rembourser, pourtant ils ont pris des engagements. Vous
vous retrouvez en difficulté avec les bailleurs de fonds qui ont soutenu l’opération.
169 Avec de tels indices, il est à craindre une montée en puissance du pouvoir et du contrôle des techniciens, employés de l’OP. Il serait d’ailleurs intéressant d’être attentif à l’évolution du BINUM pour voir ce que devient une telle structure, qui a été fortement orientée et soutenue par les partenaires extérieurs, lorsque ceux-ci se retirent : quels jeux de pouvoir ? Quelle recomposition au niveau du mode d’organisation et des activités menées ?
260
Travailler avec les organisations paysannes est très difficile ». La nouvelle priorité des
responsables du SAILD sur les mutuelles de santé dans la région peut aussi être
interprété comme une conséquence de la dynamique du dispositif au sein duquel il se
trouve : le contexte de l’aide internationale au développement devient de plus en plus
exigeant et pour les ONG du Nord qui financent des ONG. tels que le SAILD ou le
CIPCRE, il devient de plus en plus difficile d’accéder aux ressources publiques d’aide
au développement. Ceci exige de proposer des projets novateurs, pertinents et de
présenter des priorités en matière de lutte contre la pauvreté. Le thème des mutuelles
de santé semble de ce point de vue novateur dans le contexte camerounais et permet
d’accéder à des réseaux où il est possible de mobiliser davantage de financements. La
mutuelle de santé de Galim a 3 ans d’existence et compte 289 adhérents avec un
effectif total de 1267 bénéficiaires. Au 30 mars 2008, elle a collecté 2 298 305 f CFA,
a eu 167 cas de prise en charge pour un coût de 925 395 f cfa.
C’est d’ailleurs aussi le cas lorsqu’on écoute aujourd’hui le CIPCRE170 sur le
thème du changement climatique qui peut paraître être une sorte de « discours sur la
lune » dans un tel contexte de pauvreté où les paysans ont besoin d’actions et
d’activités en lien avec leurs préoccupations quotidiennes de survie. Selon les
responsables du CIPCRE, il est impératif qu’un projet produise des résultats
suffisamment concrets et convaincants pour témoigner de l’impact réel des activités
menées et espérer de nouveaux financements, mais ceci dans un temps assez court (2 à
3 ans) pour pouvoir renégocier d’autres financements.
Comme nous l’avons déjà constaté au sujet des dispositifs promus par les ONG
au niveau régional, les résultas des réalisations auprès des bénéficiaires sont un enjeu
important conditionnant la pérennité des financements. Le basculement du SAILD
vers l’appui aux mutuelles de santé correspond donc à une réaction adaptative face à la
difficulté de pouvoir obtenir à nouveau des financements pour l’aide aux organisations
paysannes. C’est d’ailleurs ici l’occasion de revenir sur le terme de désengagement
d’abord utilisé par l’Etat, ensuite employé ici par le SAILD et comme nous le verrons
par la suite par le Projet de Recherche en Partenariat sur la pisciculture à Fokoué : ce
terme masque plutôt un retrait chaque fois que le partenaire se trouve confronté à des
170 Cercle International Pour la Promotion et la Création.
261
difficultés et est obligé de cesser le partenariat. Ce mot semble une expression élégante
et voilée pour masquer « l’abandon de la vache à lait qui a tari ».
Extrait n° 7 : Entretien avec un des responsables du SAILD PROMUS :
Le SAILD et l’appui aux mutuelles de santé à Galim.
« Le nouveau programme du SAILD intervenant à Galim est le PROMUS (Promotion des
Mutuelles de santé). Il y intervient depuis juin 2005 dans le cadre d'un partenariat avec le projet
AWARE-RH (Action for West Africa Region – Reproductive Health) de l'USAID (agence des Etats
Unies d’Amérique pour le développement international basé à Accra au Ghana). Le PROMUS
aide les communautés à créer par elles-mêmes des petites assurances à base communautaire, que
nous appelons mutuelles de santé. L'appui technique du SAILD concerne :
- Les études de faisabilité (offre et demande de soins dans la localité, analyses socioéconomiques,
facteurs du milieu susceptibles de favoriser une bonne réussite d'une mutuelle de santé, montage
organisationnel : que faut-il cotiser et quelle organisation doit être mise en place pour favoriser la
réussite et la durabilité de la mutuelle,... ?)
- La conception participative d'une stratégie de sensibilisation et de mobilisation sociale autour
du projet en vue de l’obtention des adhésions et des contributions de la population au projet
- L’appui à l'organisation et à la tenue des assemblées générales constitutives
- La formation des responsables élus
- La conception et les fournitures d'outils de gestion aux mutuelles
- L’appui à la négociation de conventions (contrats) avec les formations sanitaires
- L’appui à l'aménagement des sièges des mutuelles et à l'acquisition de matériel de bureau
- La mise en place d'un système de suivi-évaluation des mutuelles (suivi interne par les organes
concernés, suivi par les animateurs sur le terrain et suivi par la direction de SAILD Promus à
travers un tableau de bord régulièrement rempli sur le terrain)
- Le suivi, l’appui et le conseil aux mutuelles (formations additionnelles des responsables, études
complémentaires si nécessaires, voyages d'échanges, appui à la vie associative des mutuelles,
appui à l'amélioration des relations entre mutuelles de santé et formations sanitaires, appuis à la
communication sur les mutuelles).
262
II- La recherche en quête de nouveaux repères
Le projet REPARAC (REnforcement des PArtenariats dans la Recherche
Agronomique au Cameroun) a son siège à la direction générale de l’Institut de
Recherche Agronomique pour le Développement à Yaoundé. Il est financé
majoritairement par le Fonds de Solidarité Prioritaire (FSP) du Gouvernement Français
(Ministère des Affaires Étrangères et Européennes) et aussi par une contrepartie du
gouvernement camerounais. Ce projet a débuté en juin 2005 pour une durée de 3 ans.
Son budget global est de 1,6 millions euros, soit 1,049 milliards de f cfa. Sa stratégie
d'intervention est basée sur la promotion (susciter et accompagner) des publics visés,
sur la constitution d'équipes de recherche regroupant des chercheurs de plusieurs
institutions (de recherche ou non) et les autres partenaires du développement agricole :
on parle de projet de Recherche en Partenariat (P.R.P.). C'est le cas par exemple du
P.R.P. Pisciculture intervenant à Fokoué, des P.R.P. Innovation, Commercialisation,
Maïs présents dans la région de Galim.
De l'avis des responsables du REPARAC, celui-ci s'inscrit dans une nouvelle
stratégie de recherche devant associer de manière active les partenaires de la recherche
(chercheurs, ONG et paysans) et définir des thématiques de recherche correspondant à
une demande sociale. Cependant cette nouvelle initiative intervient dans une période
pendant laquelle la recherche agronomique au Cameroun, comme dans plusieurs pays
de l’Afrique au sud du Sahara, traverse une crise liée à son histoire. En effet, cette
recherche était essentiellement axée sur les cultures d'exportation dont plusieurs se
sont effondrées à partir des années 80. Par ailleurs, elle s'est longtemps développée
suivant une stratégie correspondant au schéma de vulgarisation « Top Down » : un
vulgarisateur chargé de dire aux paysans ce qu'ils doivent faire et n'attend d’eux qu'une
obéissance scrupuleuse aux prescriptions données. Avec le déclin de plusieurs filières
d'exportation et la crise économique, ces systèmes de recherche connaissent une
double crise : une crise financière parce qu'il n'existe plus suffisamment de moyens
pour travailler, une crise de crédibilité liée au questionnement sur leur contribution au
processus de développement agricole : quelles offres de services en accompagnement
au développement agricole de ces pays ? De ce point de vue, la mise en place du projet
263
REPARAC peut être considérée comme une nouvelle approche en quête de nouveaux
repères.
1- Fokoué comme zone d’intervention : un choix stratégique
A Fokoué, le P.R.P. Pisciculture est le seul intervenant de la catégorie des
acteurs non étatiques. Son intervention porte sur les innovations piscicoles et mobilise
plusieurs partenaires de la recherche : l'Université de Dschang, l’IRAD et le CIRAD.
Selon l’un des chercheurs promoteurs, ce P.R.P., c'est « une intention de recherche
issue de la volonté de trois chercheurs appartenant à ces trois institutions et qui
travaillaient sur la pisciculture ». Ce projet prend ses origines dans le P.C.P. Grand
Sud Cameroun171, une initiative visant à regrouper les structures de recherche
agronomiques du Sud Cameroun qui se fit sur l’initiative du CIRAD vers 2002. Au
départ, ce PRP avait trois possibilités de choix en terme de zone d’intervention :
Yaoundé, Bokito et Foreké. Mais finalement c’est Fokoué et Santchou, deux localités
proches de Foréké, qui furent choisies, et cela pour plusieurs raisons :
- il existe déjà beaucoup d'acteurs de la pisciculture au niveau de Yaoundé et
certains des promoteurs du PRP pisciculture y auraient eu une « double casquette » et
se seraient retrouvés en difficulté, car leurs différentes structures de rattachement n’ont
pas les mêmes stratégies d’intervention, ce qui présageait un risque de conflit.
- La zone de Bokito s'est avérée peu favorable à la pisciculture à cause des
étiages sévères.
C'est ainsi que la zone de Foreké, située dans la Menoua et qui avait déjà des
pisciculteurs, a été retenue au terme d’un processus de choix réfléchi. A Foreké, les
actions initiales furent étendues à Fokoué et Santchou dans un souci d'une couverture
large de la zone, l'une des ambitions de ce PRP étant, comme nous le verrons, de
s’étendre à l’ensemble de la province de l'Ouest.
C’est dans les localités de Fokoué et Santchou qu’il y eut finalement des
initiatives de structuration correspondant aux exigences du PRP Pisciculture. Et donc
ici, comme pour la plupart des ONG et programmes, il y a la volonté d’avoir des
groupements paysans partenaires selon un mode d’organisation qui satisfasse les 171 PCP veut dire Pôle de compétence en partenariat.
264
exigences du partenaire extérieur. Car, il faut le relever, il existait déjà auparavant des
organisations paysannes à Fokoué et celle qui est finalement partenaire du PRP
Pisciculture s’est mise en place en 2005 à la suite du diagnostic réalisé par des
responsables du PRP. Il s’agit du COPIFOPEM : Collectif des Pisciculteurs Intensifs
de Fokoué et de Penka-Michel dans la Menoua. Cette dénomination reprend l’idée du
groupement de producteurs et la thématique pisciculture intensive telle qu'affirmée
dans l'intention initiale des chercheurs du PRP pisciculture qui se trouve par ailleurs
être une déclinaison de la thématique de l’ATP172 Syros du CIRAD à Montpellier,
institution à laquelle appartient l’un des chercheurs. Il y a aussi dans le nom de ce
groupe l’affichage de l’extension spatiale correspondant à celle du projet de recherche.
2- La contractualisation comme moyen de négociation
Dans le partenariat entre les chercheurs et l’organisation paysanne, des accords
devaient avoir lieu sur les objectifs à poursuivre et sur certaines modalités de
l’intervention. Il ressort des entretiens que pendant que les chercheurs compilent les
résultats atteints et parlent de la fin du projet sur fond de désengagement, de fortes
interrogations subsistent chez les pisciculteurs au sujet de certaines de leurs attentes
qui ne sont toujours pas satisfaites. En effet, si, pour les chercheurs, l’objectif était de
construire un modèle de pisciculture viable, chez les pisciculteurs, obtenir des
subventions matérielles ou financières était et reste une priorité. Cet état de fait est
reconnu par les chercheurs qui considèrent toutefois que les règles du jeu étaient fixées
à l’avance à travers le contrat signé entre eux et les pisciculteurs, lequel contrat
stipulait clairement qu’il n’y aurait pas de subvention.
Toutefois, une question demeure quant au statut de ce document pour les
pisciculteurs : Ont-ils eu connaissance du contenu ? Connaissent-ils les implications de
tels engagements contractuels173 ? Les entretiens avec les pisciculteurs montrent que ce
contrat constituait pour eux une des conditions principales pour le démarrage du
partenariat et qu’ils l’ont signé pour remplir une formalité, espérant qu’au cours de la
172 Action Thématique Programmée. 173 Notons que cette pratique devient courante de la part de plusieurs partenaires au développement. Mais, dans la plupart des cas, c’est un outil conçu par eux soit pour se protéger ou orienter le partenariat dans le sens de leurs intérêts sans que les paysans, souvent illettrés, ne sachent vraiment de quoi il s’agit.
265
mise en œuvre du projet il apparaîtrait clairement aux chercheurs qu’ils ont besoin de
soutiens matériels et financiers ou encore qu’il y aurait moyen de revenir sur les
termes du contrat. Encore faut-il préciser qu’en dehors du délégué du COPIFOPEM
qui semblait imprégné du contenu de ce contrat, les autres pisciculteurs savaient son
existence mais n’avaient qu’une connaissance vague du contenu dont ils n’étaient pas
en mesure de parler.
On constate ainsi le rôle clé d’un outil comme le contrat dans un tel partenariat.
Il devient un outil aux mains du partenaire qui le maîtrise permettant à celui-ci
d’imposer ses points de vue comme règle du jeu auquel doit se soumettre l’autre
partie. Dans ce cas précis, les procédures de financement étant maîtrisées uniquement
par les chercheurs, on comprend bien que les partenaires paysans en face soient
obligés de céder et d’accepter la tutelle des chercheurs.
On constate le rôle déterminant de composantes non humaines telles que les
procédures de contractualisation peu connues des paysans et qui sont mobilisées par
les chercheurs comme moyen de façonner et orienter le dispositif dans le sens de leurs
intérêts. Aussi la position des chercheurs qui sont en lien avec les financeurs, alors que
les paysans ne les connaissent même pas, fait que ces chercheurs ont le contrôle des
ressources financières et des marges de manœuvre en terme de d’orientation de leurs
affectations.
3- La difficile co-construction d’objectifs communs
L'une des questions fondamentales dans le partenariat entre les responsables du
projet et les pisciculteurs est bien celui d'un décalage d'intérêt ou d'objectif. Pour les
chercheurs, le but est de faire de la recherche pour développer des modèles de
pisciculture viable. Cependant, pour les paysans engagés dans ce partenariat, l'accord
obtenu lors de la contractualisation du partenariat, qui stipulait bien clairement qu’il
s’agissait de faire de la recherche et non du « développement », n'allait pas dans le
sens de leurs attentes. Les pisciculteurs rencontrés estiment qu’un travail de recherche
ne profite d'abord qu’aux chercheurs qui, en réalisant des visites sur le terrain,
perçoivent des frais de mission et des perdiem que les agriculteurs, présentés comme
bénéficiaires, ne reçoivent pas. Lors de nos entretiens, le principal responsable du
266
COPIFOPEM nous a rappelé qu'il connaissait le montant du budget du PRP
Pisciculture qui, selon ses déclarations, s’élève à des dizaines de millions et que les
pisciculteurs étaient toujours en attente de ce qui arriverait à leur niveau : « Oui, nous
travaillons depuis deux ans avec les chercheurs du PRP Pisciculture. On a fait des
choses intéressantes et je crois que les résultats sont là pour les chercheurs, mais nous
on attend encore, on ne sait pas ce qui va se passer, on espère seulement que nous
n’allons pas être lésés financièrement ».
Cette situation pose le problème du caractère opérationnel d'une telle démarche
de recherche dans un contexte de pauvreté où les paysans ont d'abord besoin de
ressources financières pour pouvoir acheter les intrants de production et où les
chercheurs, aux prises avec les exigences des bailleurs de fonds, doivent développer
des approches n’allant pas forcement dans le sens des attentes des agriculteurs.
Comment les mobiliser dans une telle démarche de recherche dont les bénéfices directs
pour l'agriculteur engagé peuvent difficilement s'évaluer en termes de retour
financier ? Car si l'objectif est de produire des connaissances pratiquement utilisables,
il est clair que même les agriculteurs qui ne se sont pas engagés dans la démarche
partenariale accèderont aux résultats de la recherche. La question est donc bien celle
de la prise en charge ou bien de la compensation de l'investissement fait par les
agriculteurs qui dans de tels projets sont affichés comme bénéficiaires et ne perçoivent
aucune retombée financière. Ne doit-on pas aussi considérer que les chercheurs sont
les bénéficiaires dans la mesure où ils disposent ainsi d’un cadre pour faire leur
recherche et que les frais de mission et les perdiem perçus ne l’auraient pas été sans la
participation des agriculteurs impliqués ? Ce cas illustre bien la complexité d’un
processus d’accord ou de compromis au sein de dispositifs de ce genre dès lors que les
acteurs concernés n’ont pas les mêmes priorités ou encore ne vivent pas dans les
mêmes mondes174.
174 Cf. la conclusion générale.
267
4- Des groupes d’acteurs aux statuts et aux implications différents
Dans le cadre du PRP pisciculture, deux principaux groupes d’acteurs sont en
présence et se qualifient eux-mêmes de collectifs : les chercheurs et les pisciculteurs.
Le recours à de telles catégories masque toutefois des différences importantes des
positions et des engagements individuels.
Les trois chercheurs proviennent de trois institutions : l’université de Dschang,
l’IRAD et le CIRAD. Le chercheur de l’IRAD réside à environ 150 km de Fokoué, à
Foumban, où se trouve une station de l’IRAD. Le chercheur de l’université de
Dschang vit à Dschang et y est enseignant. Le chercheur du CIRAD réside à Dschang
et consacre l’essentiel de son temps au PRP pisciculture. Seul ce dernier est un
français et arrivé à Dschang pour la mise en œuvre du PRP Pisciculture.
Du coté des pisciculteurs, nous avons le délégué, les autres responsables et les
pisciculteurs simple membres. Le délégué, leader charismatique, dit lui-même être un
ancien entrepreneur qui résidait avant en ville et a dû retourner au village après que
son entreprise ait fait faillite. Il fait partie des rares pisciculteurs dont l’étang piscicole
se trouve très loin de sa résidence.
Observons que ces agriculteurs - pisciculteurs considèrent cette activité comme
étant assez marginale parce qu’elle ne fait pas partie des occupations
traditionnellement reconnues et que le poisson obtenu a peu de valeur économique et
symbolique. L’accroissement de leurs connaissances en pisciculture et les
améliorations de leurs élevages comptent peu à leurs yeux.
5- Le PRP Pisciculture, un dispositif promu par les chercheurs
Le PRP pisciculture mobilise plusieurs partenaires individuels et collectifs :
- les chercheurs
- l’ONG CIFORD175, prestataire sur les questions d’animation de
développement
- les pisciculteurs (leaders, groupes et individus)
175 Centre d’information, de formation et de recherche pour le développement.
268
- des étudiants de l’université de Dschang qui réalisent dans ce cadre leur
mémoire de fin d’études.
Ces différents partenaires se trouvent liés à travers leurs objectifs ou attentes
personnelles qui s’inscrivent dans la mise en œuvre du PRP. Comme nous l’avons
signalé ci-dessus, ces objectifs sont différents en fonction des acteurs et leur
participation au projet implique des processus de négociation qui ont recours à des
procédures dont se servent certains acteurs pour orienter l’évolution du dispositif dans
le sens de leurs intérêts. Nous constatons aussi que ce projet dépend d’autres
dispositifs se situant à un échelon supérieur, notamment l’IRAD à Yaoundé, et le
CIRAD à Montpellier. Ces liens impliquent de ce fait d’autres enjeux pour le projet,
notamment financiers, et des exigences de résultats devant aller dans le sens des
financeurs : approche partenariale, construction des innovations.
De part sa nature, la dynamique de ce projet correspond à un dispositif au sens
d’un ensemble inter-relié de composantes humaines et non humaines. Ce dispositif est
promu par les chercheurs, notamment l’IRAD et le CIRAD en tant qu’instituts de
recherche, mais aussi et surtout avec une forte implication du chercheur CIRAD
installé à Dschang. Un synoptique de ce dispositif est résumé dans le tableau ci-dessus
qui reprend les principaux acteurs mobilisés, leurs attentes et les résultats obtenus de
par leur participation au PRP Pisciculture.
Le tableau ci-après présente les parties prenantes et résument les principales
attentes.
269
Tableau 15: Les parties prenantes et leurs attentes du PRP Pisciculture
Partenaires Attentes prioritaires Capital de négociation 176 Résultats/Retombées
Institution de
recherche
(IRAD, Université,
CIRAD)
- Mettre en œuvre une
approche originale
- Se crédibiliser dans
l’obtention de financements
- Produire des connaissances
« actionnables »
- Crédibilité
- Stratégies novatrices axées sur la
réduction de la pauvreté
- Contrôle sur les ressources
financières
- Meilleure visibilité
- Affichage
- Plus de pouvoir de négociation
dans la recherche des
financements
Chercheur - Publier
- Développer la recherche
- Recevoir des perdiem
-Changer de grade
- Expertise scientifique - Publications
- Changements de grade
- Meilleure reconnaissance
professionnelle
- Insertion dans les réseaux
d’expertise
ONG CIFOR - Réaliser des prestations
rémunérées
- Expertise en matière de
développement (animation,
sensibilisation, formation, -suivis,
mobilisation des paysans, etc.)
- Meilleurs résultats financiers
- Des acquis pour négocier et
obtenir de nouveaux contrats
Pisciculteur - Obtenir des soutiens
financiers et matériels
- Améliorer l’activité pour la
rentabiliser
- Statut de pisciculteur - Nouvelles compétences sur la
pisciculture
- Quelques essais d’améliorations
non coûteuses
Leader de
l’organisation des
pisciculteurs
- Contrôler la gestion des
ressources
- Statut de médiateur - Compétences en plus
- Pas de retour sur investis.
- Leadership effrité177
Groupe des
pisciculteurs
- Soutiens financiers ou
matériels
- Compétences en plus
Pas de retour sur investis.
- Conflits178
Etudiants - Avoir des facilités
logistiques et des indemnités
financières
- Réaliser leur mémoire
- Force de travail - Obtention de diplôme
- Bonne référence pour recherche
emploi ou poursuite des études
176 dans la dynamique partenariale 177 Celui-ci n’est pas incontournable par la suite, n’a pas un contrôle absolu sur le groupe. 178 Effritement de la cohésion, soupçons de détournements.
270
6- De la durabilité de telles initiatives
Selon les déclarations des chercheurs impliqués, l’intervention du PRP
pisciculture dans la région de Fokoué est en train de se terminer : cette fin
d'intervention était prévue pour septembre 2008, mais le programme va probablement
connaître une extension jusque vers fin 2009. Le terme utilisé par les chercheurs est
celui de désengagement même si les pisciculteurs attendent toujours les vraies
retombées du projet. Cette fin prochaine de l’intervention du PRP pisciculture soulève
la question du devenir des activités développées à Fokoué.
La mise en oeuvre de ce projet a mobilisé des visites de terrain de chercheurs de
l'université Dschang, des chercheurs de l’IRAD, des étudiants de l'université de
Dschang, de l’ONG CIFORD qui intervenait comme prestataire rémunéré par le PRP
pisciculture et enfin des paysans considérés comme bénéficiaires. En dehors des
pisciculteurs, les autres acteurs avaient besoin de ressources financières pour
intervenir : pour les chercheurs, c’était des moyens de déplacement et des frais de
mission, pour les étudiants c’était des moyens de déplacement et d'indemnités
mensuelles, pour le CIFORD des honoraires. Rappelons qu’avec la fin de cette
intervention, c’est aussi le départ du chercheur du CIRAD qui était basé à Dschang et a
été l’acteur clé de la négociation des différents financements.
Un des chercheurs s’interroge sur la viabilité de ce type d’approche partenariale
en ces termes : « La question est bien de savoir si quelqu’un venant encore à Fokoué
avec notre discours serait même écouté ». En tout cas, il semble difficile d’envisager
l’engagement des paysans dans de telles initiatives qui se sont révélées infructueuses
pour eux selon leurs déclarations et qui n’ont pas pris en compte leurs attentes
prioritaires.
Le choix de l’activité pisciculture semble aussi très contestable dans la mesure
où c’est un type de production qui intéresse très peu les agriculteurs de la région,
même ceux qui se sont portés volontaires parce que ceux-ci ne semblent pas l’avoir
fait par intérêt pour l’élevage de poisson, mais dans l’espoir de subsides.
Après le désengagement de l'État, voici de nouveau les agriculteurs face au
désengagement de projets qui étaient présentés comme devant combler le vide laissé
271
par l’Etat. Par ailleurs, le PRP Pisciculture montre un changement des priorités
orientées désormais vers la mise en place d’une plate forme provinciale des
pisciculteurs. Est-ce une évolution normale ou plutôt une réponse aux injonctions de
dispositifs « macro » au sein duquel se trouve le leader, notamment le chercheur du
CIRAD ? L'affichage d'un rayonnement régional ou d’une dynamique régionale serait-
elle plus prisée actuellement par les bailleurs de fonds internationaux ?
7- Conclusion sur le dispositif promu par le PRP Pisciculture
Compte tenu des enjeux auxquels la recherche agricole se trouve confrontée, à
savoir participer efficacement à la lutte contre la pauvreté, on peut s’interroger sur la
capacité de projets tel le PRP Pisciculture à contribuer significativement et dans un
délai de temps humainement acceptable à la réduction de la pauvreté. Pendant deux
ans et demi, les responsables de ce projet ont travaillé dans la région de Fokoué (l’une
de ses deux régions d’intervention) avec 12 pisciculteurs bénéficiaires directs. On peut
s'interroger sur la pertinence, le coût et l’impact d'un tel projet, Surtout lorsqu'on sait
que les 12 pisciculteurs, en fin de projet, attendent toujours les « vraies retombées ». Il
s’agit de résultats qui n'ont pas été prévues par le projet mais qui constituent pour eux
la priorité de toute intervention de développement agricole dans le contexte actuel :
octroi de financements et de ressources matérielles pour développer la production et
dégager ainsi des revenus de survie (rappelons que près de 40 % de la population
rurale camerounaise vit en deçà du seuil de pauvreté). Leurs attentes prioritaires se
trouvent être ainsi en décalage avec ce que la recherche considère comme les
principaux résultats du projet, notamment :
- la systématisation de certaines pratiques, par exemple savoir qu’il faut un porc
de 30 kg 179pour 100 m2 d’étang.
- la formation des étudiants pendant les trois ans (masters, mémoires
d’ingénieur)
- la participation aux enseignements de pisciculture à la Faculté d’Agronomie et
de Sciences Agricoles de l’Université de Dschang 179 Pour l’élevage au-dessus de l’étang dans une construction sur pilotis avec utilisation des déjections.
272
- la formation de jeunes chercheurs de l’IRAD qui ont ainsi l’occasion de
s’initier à la recherche en s’impliquant dans des activités du PRD pisciculture.
8- Au-delà du cas du PRP Pisciculture, des questions
La mise en oeuvre du PRP Pisciculture soulève plusieurs problèmes qui
dépassent son cadre spécifique et concernent les approches de recherche en partenariat.
Comment définir des thématiques de recherche en se basant sur une demande sociale
incarnée par des acteurs tels que les paysans ? Tchala Abina (1984), déjà cité, analysait
les projets et les missions de développement des décennies 60 et il notait comme trait
caractéristique l’absence de participation des populations concernées dans le vrai sens
du terme. N’assiste-t-on pas ici à une même situation que voile le terme de
partenariat ? En effet, comment peut-on être partenaire ou effectivement participer
dans un processus pour lequel on n'a aucun contrôle sur les ressources financières qui
en constituent l'un des principaux enjeux ? Si la recherche est une entreprise publique
contribuant à produire des biens collectifs et publics, on se demande quelle rationalité
justifierait que 12 pisciculteurs, c'est-à-dire 12 agriculteurs de Fokoué, s’investissent
sans retour d'investissement dans une telle démarche. En tant qu'acteur dans un tel
dispositif de recherche en partenariat, leurs contributions ne méritent-elles pas une
attention en termes de prise en charge ? Au nom de quoi des agriculteurs sacrifieraient-
ils leur temps et des ressources physiques, matérielles et même financières pour la
production d'un bien collectif auquel tous les autres paysans auront accès sans les
indemniser en quoi que ce soit ?
Il y a derrière la situation que révèle la mise en œuvre du PRP Pisciculture à
Fokoué la question du financement de l’agriculture qui reste pour les paysans un
handicap les empêchant de développer des activités génératrices de revenus. Par
ailleurs, d’un point de vue politique publique, se pose la question d’un cadre qui
permettrait aux parties prenantes du développement agricole d’échanger, de décider de
ce qui doit être fait et de faire une allocation des ressources disponibles. C’est au sein
d’un tel cadre que les agriculteurs pourraient s’exprimer, comprendre les rouages et
avoir une influence sur la mise en œuvre.
273
III- L’importance des dispositifs du privé commercial
Les commerçants des produits et d’intrants agricoles figurent parmi les acteurs
du secteur agricole à Galim et à Fokoué.
Les principales sociétés évoquées par les interviewés sont YARA, FIMEX et
JACO qui sont des sociétés mettant sur le marché des intrants pour les productions
végétales. Celles distribuant les intrants d’élevage ne sont pas citées et d’ailleurs sont
peu connues des agriculteurs rencontrés. Ceci correspond bien à la situation de Galim
et de Fokoué qui ne sont pas de fortes zones d’élevage amélioré mobilisant des intrants
externes à l’exploitation familiale.
Les agriculteurs parlent des grandes sociétés commerciales, mais mentionnent
qu’elles viennent seulement de temps en temps et repartent. Le statut qui leur est
attribué est d’abord celui de vulgarisateur de nouveaux intrants agricoles. Dans un
premier temps, elles ne sont pas perçues comme des commerçants. Les agriculteurs
relient leur présence dans la zone aux essais faits par leurs agents technico-
commerciaux : test de désherbage au moyen d’un herbicide sur une parcelle proche de
la route, test d’efficacité d'un « engrais filière »180 dans une parcelle facilement visible
par un grand nombre d’agriculteurs, etc.
Au niveau local, ce sont les petits détaillants qui font la vente des d’intrants
agricoles et sont bien sûr perçus comme des commerçants, même si certains d’entre
eux ont revêtu le statut de Groupe d'initiative commune (GIC) pour échapper à
plusieurs taxes. Il s'agit de boutiques ouvertes sur la place du marché du village et
vendant soit uniquement les intrants agricoles, soit associant ceux-ci à la vente de
produits de première nécessité tels que savon, huile, etc. Certaines de ces boutiques
n’ouvrent qu’à un certain moment de la journée, par exemple le soir lorsque les
agriculteurs sont revenus des champs. D’autres n’ouvrent encore que pendant certains
jours de la semaine.
Une des particularités de ces vendeurs est qu’ils commercialisent les produits de
plusieurs sociétés parfois concurrentes. Ceci semble s’expliquer par le fait qu'un
contrat d'exclusivité avec une seule société ne leur permettrait pas de vendre
180 Engrais spécifique à une culture.
274
suffisamment pour pouvoir supporter les charges de leurs activités (location, frais de
déplacements pour faire des achats en ville, indemnité du vendeur, etc.). Et puisque
nous sommes dans un secteur privé commercial fonctionnant suivant la logique
utilitariste du résultat économique, les distributeurs n'entendent pas supporter un
éventuel déficit au niveau du revendeur. Si, au niveau des départements ou bien de la
région, certains distributeurs ont des contrats d'exclusivité, ceci tient à la logique
marchande qui domine ce secteur. Ils se voient contraints de développer une stratégie
de distribution et de s’investir dans la vulgarisation de la marque en question afin de
réaliser un bon chiffre d’affaires tout en risquant de ne pouvoir couvrir ses charges. Ce
type de contrat lui offre certes des avantages par rapport à son fournisseur, par
exemple des lignes de crédit.
Ces vendeurs au niveau des villages sont des relais permanents des informations
et des conseils techniques relatifs à l'utilisation des intrants agricoles. Leur souci
premier est de réaliser le maximum de ventes. Ainsi, pour un produit donné, ils
s'appesantissent sur les avantages ou les particularités tels qu’ils sont présentés par la
société de distribution ou encore ils s'appuient sur le feed back d'informations de la
part de ceux qui ont utilisé le produit. Dans certains cas, ils sont eux-mêmes
agriculteurs et ont eu à tester plusieurs de ces intrants. Mais, comme note un des
maraîchers, lors des entretiens : « ils nous disent ce qu’ils disent, mais c'est le champ
qui détermine quels produits il faut utiliser. Nous jugeons chaque produit à partir de
son efficacité ». Toutefois un des avantages dans cette relation de proximité entre
l'agriculteur et le vendeur local est que ce dernier, voulant préserver une position
privilégiée dans le village par rapport à son réseau de clients, fait un maximum
d'efforts pour disposer de produits efficaces, peu coûteux, qui assureront ainsi une
bonne rotation de son stock. Cette situation a pour avantage de résoudre en partie la
question des produits frelatés qui étaient très souvent vendus par les commerçants
ambulants après la libéralisation de la commercialisation des intrants agricoles dans les
années 90.
Les agriculteurs rencontrés, notamment les maraîchers qui utilisent
fréquemment les intrants agricoles et en particulier les produits phytosanitaires, disent
avoir pour principale source de conseils techniques le vendeur auprès duquel ils
275
s’approvisionnent en intrants agricoles. Ces vendeurs jouent ainsi un rôle capital dans
le conseil technique et dans le développement des techniques de production. Lors
d'une sortie de terrain que nous avons réalisée en juin 2008 avec des étudiants
ingénieurs de la Faculté d'Agronomie et des sciences Agricoles de l’Université de
Dschang, nous avons observé la place des vendeurs d’intrants en matière de conseil
technique aux agriculteurs. En effet, dans la localité de Baranka du village Bafou,
éloigné des centres urbains, les entretiens avec les agriculteurs ont aussi montré que le
vendeur d’intrants est la principale source d’informations en techniques de production
agricole.
Au total, ceci semble inviter à une meilleure prise en considération de la place
des acteurs du circuit de distribution des intrants agricoles dans le conseil aux
agriculteurs. Peut-être qu'à l'insu de tous, ils seraient des vulgarisateurs efficaces et les
intermédiaires les plus en contact avec les agriculteurs.
276
IV- Recomposition du paysage d’acteurs et développement des
innovations
Après l'époque de la caféiculture où on avait affaire à une culture dont les innovations
et le « paquet technologique » étaient développés à partir d’une seule structure qui était
l’UCCAO, la recomposition du paysage d'acteurs a entraîné de profondes mutations
dans la manière dont les innovations se développent et se diffusent. Il existe désormais
une diversité de sources d'innovation et de technologie. Dans le domaine des intrants,
on a constaté une diversité d’acteurs commerciaux en concurrence. De même,
plusieurs sources de connaissances techniques coexistent : les voyages d’échanges et
les formations techniques notamment avec les ONG, les programmes de l'État, les
services de vulgarisation. Ce sont des occasions permettant de proposer aux paysans
de nouvelles choses à faire (par exemple la pisciculture, la production améliorée du
maïs, la production améliorée du bananier plantain, etc.). Comme nous l’avons
constaté, chacun de ces acteurs du conseil agricole ne développe qu’un thème
particulier.
Au contact d’une nouvelle technologie, qu'elle soit matérielle ou immatérielle,
le paysan l’éprouve par l'expérimentation. Il peut en résulter soit le rejet, soit
l’adoption. Mais dans le dernier cas il s’agit d’une adaptation mettant en jeu
l’expérience et les acquis du paysan. Dans le cas de l'adoption ou mieux de l'adaptation
d'une nouvelle technologie, celle-ci fait ensuite l’objet de diffusion entre paysans.
Plusieurs cadres sociaux permettent cela, notamment la circulation des informations
(par la radio, les journaux tels que « La Voix Du Paysan », etc.), l’observation, les
échanges entre paysans, les rencontres de formation. En imitant les voisins ou les
parents, les autres paysans vont ainsi contribuer à la diffusion de la nouveauté
technologique en question. La mise en commun des différents innovations autour
d'une production donnée (par exemple le maïs ou l'élevage de poulets) conduit à de
nouvelles manières de conduire cette production.
Les manières de faire sont donc soumises à de perpétuels changements grâce
aux contributions de divers intervenants. Si nous prenons le cas du maïs à Galim, il est
difficile d’attribuer son développement ou son amélioration à un acteur particulier.
277
Plusieurs sont évoqués par les paysans enquêtés : l’IRAD à travers les semences
améliorées (mise à disposition de semences et formation à leur production locale), le
SAILD à travers les nouvelles techniques de production (densité, fertilisation, maïs
suivi du haricot, les voyages d'échanges, etc.). Le CIPCRE est évoqué pour ses essais
de fertilisation et sa contribution à la commercialisation. Le projet ASPPA est
mentionné pour les formations en organisation et gestion des producteurs de maïs. Les
commerçants sont cités à propos des conseils donnés au sujet des intrants vendus.
L’organisation paysanne BINUM est nommée pour le suivi technique à travers son
système d’animateurs endogènes, les initiatives de commercialisation, les crédits pour
la production du maïs.
Toutefois, dans le jeu des acteurs en présence et au regard des enjeux auxquels
sont confrontés les différents leaders des dispositifs développés dans les chapitres
précédents, on note un souci et une volonté des organismes d’appui de vouloir mettre
chacun à son actif les innovations en cours. Le PRP Pisciculture estime que les
évolutions de la pisciculture dans la région de Fokoué sont le fruit de son travail alors
que, lors des entretiens, les paysans évoquent, en plus du PRP Pisciculture, les
activités menées initialement avec les volontaires du Corps de la paix américain et le
Programme National de Vulgarisation Agricole. Autre exemple : le SAILD voudrait
mettre à son actif le développement de la production du maïs à travers ses
interventions intenses des années 2000 à 2003.
Ainsi donc, on observe une construction locale des innovations suite à une
appropriation critique d'apports d'acteurs externes à travers un réseau local
d'adaptation, d'échanges et de diffusion.
278
Conclusion
Si les acteurs les plus présents pendant la décennie 90, à savoir les ONG, ne
sont pas actifs à Fokoué, on constate que les agents des programmes et des projets de
l'État interviennent dans les deux zones. Ceci s’explique en partie par le fait que les
programmes de l'État s'appuient sur les ressources humaines et matérielles déjà
existantes du ministère de l'agriculture, notamment les AVZ qui sont dans les villages
et qui disposent souvent de motos. Du fait que ce ministère a ses services dans toutes
les régions du Cameroun, les responsables de ses programmes peuvent envisager une
intervention dans n’importe quelle localité et ceci à moindre coût. Cependant, certains
des programmes de l’Etat consistent en des actions ponctuelles sur une année.
Au contraire, les interventions des ONG, comme nous l’avons vu
précédemment, ont la forme de séries d'activités permanentes sur une période
relativement longue auprès de certains groupes d’agriculteurs, très généralement un
seul dans une même localité. Ces ONG doivent donc faire des choix très stratégiques
pour ce qui est des zones d’intervention, notamment en lien avec la possibilité d’avoir
un répondant local (par exemple un leader paysan, un groupe) et d’y mener des
activités dont les thématiques et les résultats permettent d’assurer le renouvellement
des financements. Du fait que les ONG doivent mobiliser tous les moyens nécessaires
pour leurs interventions (personnel, ressources matérielles et financières), les localités
couvertes par elles sont donc limitées.
279
Chapitre X
Les organisations d’agriculteurs et les attentes des membres
L’existence d’un effectif très nombreux d’organisations paysannes (OP) tel que
nous l’avons vu à l’échelle du pays Bamiléké a été non sans problème quant à notre
souci de les inventorier toutes au niveau de Galim et de Fokoué. En effet, en se basant
sur le fichier des OP que nous avons reconstitué sur la base des archives du service
provincial des coopératives et GIC de la province de l’Ouest, nous nous sommes
heurtés à la difficulté de ne pouvoir exactement repérer toutes les OP de Galim. En
fait, sur ces archives, la dénomination de la localité de ressort de chaque OP n’est pas
uniformisée : tantôt ce sont des noms de quartiers qu’il est difficile de rattacher à tel ou
tel arrondissement, tantôt ce sont des noms d’arrondissements. Pour plus de 5000 OP
de la province de l’Ouest, il s’est avéré trop fastidieux et coûteux en temps de devoir
faire des recherches pour rattacher la dénomination de la localité de chacune d’elles à
un arrondissement.
D’ailleurs, lorsque nous avons relevé les OP portant comme localité de
rattachement le nom de l’arrondissement de Galim ou de Fokoué, les premières visites
n’ont pas été fructueuses en terme de repérage des organisations recherchées : certains
groupes sont légalisés sans avoir une existence au niveau local. D’autres sont le seul
fait du délégué qui aurait collecté des cartes d’identité d’individus pour des fins de
légalisation sans que cette OP ne fonctionne vraiment. Nous avons donc fait le choix
de nous baser sur la reconnaissance sociale locale des OP pour les répertorier : nous ne
retenons que les OP existant sur place et reconnues comme telles par les agriculteurs
enquêtés et les partenaires du développement agricole (agents de l’Etat, ONG, Projets,
etc.).
Lorsque nous avons voulu nous référer aux services de l’agriculture, nous nous
sommes rendus compte que les délégations d’arrondissement ne disposaient que des
listes des OP avec lesquelles travaillent ses agents ( les AVZ), celles pour lesquelles
280
certains de ces agents réalisent des prestations privées, les OP qui leur font allégeance
et maintiennent avec eux des liens en perspective d’éventuels appuis provenant des
projets du ministère de l’agriculture. Une telle approche aurait donc écarté d’emblée
une partie de ces structures.
Nous avons donc répertorié les OP au niveau local en interrogeant les acteurs
du secteur agricole : ONG, Service de l’agriculture, les premiers leaders d’OP
identifiées. Nous avons ensuite reconstitué par effet boule de neige la liste pour chaque
localité. Cette liste a été complétée lors des entretiens avec les agriculteurs en groupe
ou individuellement. Notre support d’enquête prévoyait en effet une question relative
aux OP d’appartenance de l’agriculteur enquêté.
Notre répertoire ne prétend donc pas être exhaustif pour les raisons ci-dessus
évoquées et qui résulte de l’option méthodologique prise. Nous sommes donc
conscients que certaines OP auraient pu échapper à notre inventaire. D’ailleurs, l’une
des difficultés fut que certaines OP anciennes ne fonctionnent plus et sont évoquées au
passé par leurs membres fondateurs. Finalement, nous avons répertorié 35 OP à Galim
et 44 à Fokoué.
Ce chapitre est surtout consacré aux organisations paysannes et en particulier
aux GIC, les groupes d’initiative collective (section I), mais sera aussi abordée très
brièvement la question des agriculteurs qui n’appartiennent pas à une organisation
paysanne, mais qui font souvent partie de groupes traditionnels d’entraide (section II).
Enfin, un court volet sera consacré à ce qui subsiste de la coopération caféicole (celle
dépendant de l’UCCAO) au niveau de Galim et de Fokoué (section III) : il s’agit bien
d’une organisation d’agriculteurs.
281
I- Les organisations paysannes agricoles
Dans cette section, sont d’abord étudiées les OP promues par les ONG (SAILD
et CIPCRE), puis celles fondées par des paysans, ensuite celles suscitées par les
programmes de l’Etat. Enfin sera proposé un bilan des apports des OP pour leurs
membres.
1- Les OP : une réalité ancienne à Galim
Le tableau ci-dessous présente les effectifs d’OP de Galim et de Fokoué en
fonction de la date de création par période de cinq ans à partir de 1985. Comme on
peut le constater, les OP sont une réalité ancienne à Galim. Nous constatons que 55 %
d'OP de Galim, soit 20, ont été créées dans la période de 1900 à 2000 alors que 80 %
d'OP de Fokoué, soit 35, ont été fondées après 2000. En effet, l'émergence précoce
d'OP à Galim résulte de l'action d’ONG, à savoir le SAILD et le CIPCRE, qui ont
commencé des actions de sensibilisation au regroupement avant même les années 90
pour le SAILD.
Tableau 16 : Effectif d’OP de Fokoué et de Galim par date de création
Période Nombre d’OP de Fokoué Nombre d’OP de Galim
1985-1989 0 2
1990-1994 1 10
1995-1999 8 8
2000-2004 16 6
2005-2007 19 9
Total 44 35
Comme nous l’avons vu plus haut, aucune ONG n’intervient à Fokoué. La
création d’OP qui y a été active à partir de 2000 s’inscrit dans le cadre de la
dynamique des programmes de l'État avec donc des possibilités d’aides matérielles et
financières. Remarquons à Fokoué l’action d’une « élite femme » de la localité,
résidant à Yaoundé, qui a incité des femmes à se regrouper en promettant qu'elles
obtiendraient ainsi des financements des projets de l'État.
282
Le faible nombre d’OP créées à Galim à partir de 2000 s'explique par le fait
que, pour la plupart des leaders rencontrés, il n'y a pas eu de retour sur investissement
avec les organisations paysannes apparues auparavant. Très souvent, les espoirs
suscités par les sensibilisations initiales des partenaires ne se sont jamais réalisés et, en
plus, les personnes qui s'investissent dans la vie de l'organisation y consacrent
beaucoup de temps et de ressources financières sans que ceux-ci soient compensés. On
peut penser que, comme Galim a connu très tôt l'émergence du mouvement paysan, ses
habitants ne sont pas fortement enclins à créer des OP en réponse aux actions de
sensibilisation alors qu’à Fokoué les leaders paysans et les membres d’OP seraient
portés à faire confiance à de telles promesses faute d’expérience suffisante.
2 - Les dispositifs d’acteurs à la base d’une différenciation locale des OP
En se basant sur les données recueillies sur les organisations paysannes à savoir
les données quantitatives sur leurs caractéristiques, celle issue des entretiens
approfondis avec leurs leaders et avec leurs membres et enfin celles découlant de nos
observations, il nous est apparu pertinent de choisir une typologie basée sur le
partenaire promoteur ou encore mieux sur le dispositif au sein duquel s'insère ce
partenaire. Il ressort de cette tentative de typologie quatre principale catégories d'OP :
les OP promues par les ONG, les OP d'initiative endogène, les OP promues par les
projets et programmes de l'État et les OP promues par les élites de la communauté.
A- Les OP promues par les ONG
Dans ce volet, est surtout abordé le cas du BINUM, créé à partir de l’UGAPAB
(Union des groupements agropastoraux des Bamboutos), et qui est une OP ancienne et
assez largement présente à Galim. Puis sera évoqué une autre OP de Galim Madzong
Kwannon, partenaire de l’ONG CIPCRE.
283
1- L’histoire de la dépendance du BINUM à l’égard du SAILD
Il s'agit ici des OP dont la création fait suite à l'initiative d'une ONG et avec
laquelle elles entretiennent un partenariat de longue durée. Les OP de cette catégorie
sont le BINUM, suscité par le SAILD, et Madzong Kwannon, promu par le CIPCRE.
Leur émergence se situe respectivement en 1988 et en 1990. Il s’agissait d’une période
de fort discrédit et de retrait pour l’Etat, avec une préférence d’intervention à travers
les ONG pour certains acteurs de l’aide internationale au Développement et avec
réaménagement de la législation relative aux organisations paysannes. On peut donc
comprendre que ces ONG recherchaient à se constituer des partenaires du monde rural
pour légitimer leur position d’intermédiaire. Chacune de ces OP fait l'objet depuis sa
création d'un partenariat avec l’ONG promotrice. Les leaders nous ont d’ailleurs
signalé l’absence de dialogue entre les deux ONG concernées.
Il ressort des entretiens que ces deux organisations paysannes, BINUM et
Madzong Kwannon, ont connu tout au long de leur cheminement de profondes
mutations liées aux évolutions du dispositif d’acteurs au sein duquel se trouvent leurs
partenaires respectifs. Le BINUM s’appelait d’abord l’UGAPAB, une union de GIC
mise en place en 1988 avec l'ambition de s'afficher comme étant le regroupement des
agriculteurs de tout le département du Bamboutos, même s'il était clair qu’elle ne
réunissait alors que des paysans de Galim. On peut comprendre que, pour le SAILD, il
s’agissait de présenter un partenaire local ayant une envergure importante pour se
donner une certaine légitimité en tant que représentant significatif des agriculteurs de
la région.
Ensuite, plusieurs mutations sont intervenues dans la vie de l’UGAPAB : sur
l’initiative du SAILD faisant la promotion au niveau national du Conseil de Fédération
Paysanne du Cameroun (CFPC)181, l’UGAPAB en fut un des membres fondateurs et
son président Jean Norbert MELATEGUIA a d'ailleurs été un des principaux
responsables du CFPC au niveau national. Suite aux critiques faites au CFPC,
notamment le reproche d’être un regroupement d'organisations paysannes dont les
leaders étaient tous basés à Yaoundé, loin de la base et que leurs organisations se
181 Le CFPC fut créé le 27 juillet 1991 et réunissait 13 fédérations paysannes.
284
révélaient être dans la plupart des cas des « coquilles vides », l’UGAPAB a subi une
forte influence des stratégies développées par le SAILD. Celui-ci décida donc
d'accompagner le renforcement du CFPC région Ouest (encore appelé FORPOC182
BINUM à partir de 1994). De nouvelles orientations furent prises par rapport aux
organisations paysannes devant faire parti du nouveau CFPC région Ouest, désormais
dénommé Association de Producteurs pour le Développement et ayant pour surnom
BINUM.
Parmi ces orientations, une des principales a été l’adhésion individuelle qui
succéda à l'adhésion en cascade selon laquelle au moins cinq paysans constituaient un
GIC, plusieurs GIC formaient une Union qui adhérait au BINUM et y était représentée
par trois délégués. Avec l’adhésion individuelle, chaque paysan est lui-même membre
du BINUM et plusieurs paysans se retrouvant au niveau de la même zone
géographique constituent une zone BINUM. Cette adhésion individuelle vise à
permettre à chaque membre de jouir pleinement de ses droits d’adhérent et de pouvoir
traiter directement avec la centrale du BINUM sans être obligé de passer par un leader.
A partir de 1997, les membres de l’UGAPAB ont commencé à adhérer
individuellement au BINUM dont la première assemblée générale eut lieu en 1998. A
Galim, les membres de l’UGAPAB ayant adhéré au BINUM ont constitué le BINUM
zone de Galim qui est devenu le seul partenaire du SAILD dans la localité.
L’UGAPAB s’est alors presque effondrée malgré quelques réfractaires qui en
sont restés membres. Cette branche réfractaire était en général constituée des adeptes
des leaders qui n'obtenaient plus les faveurs du SAILD et s’opposaient aux
orientations qu’elle promouvait. Certains de ces leaders estiment d'ailleurs que ces
nouvelles orientations et tout le processus de restructuration du CFPC région Ouest
était fait pour servir les intérêts du SAILD qui en avait besoin pour continuer à
mobiliser des financements auprès de ses partenaires extérieurs. En 1998, lors du
lancement du BINUM, ce BINUM zone de Galim, comme toutes les autres zones du
BINUM, n’avait pas de personnalité juridique. Mais elle a été ensuite légalisée comme
association avant d'adopter à partir de 2004 le statut de société coopérative.
182 Fédération des organisations paysannes de l’Ouest Cameroun.
285
Lorsqu'on fait un lien entre la dynamique d'évolution du BINUM zone de Galim
et celle des autres zones du BINUM, force est de reconnaître que les principales
orientations prises par le BINUM central sont appliquées presque de la même manière
dans toutes les zones du BINUM. Ceci révèle le lien très fort entre le BINUM régional
et ses bases locales qui en sont finalement des émanations et qui reflètent ses
stratégies. Et quand on sait que le SAILD est très fortement intervenu dans les
orientations du BINUM et dans sa mobilisation des moyens financiers et matériels, il
devient dès lors clair que le BINUM Zone de Galim est aussi le produit de ce que veut
le SAILD.
Sur un autre plan, l'évolution du BINUM zone de Galim a aussi été très
influencée au niveau organisationnel et au niveau des activités. L'une des critiques
faites lors du lancement du BINUM en 1998 était l'absence de réels services créés en
faveur des paysans membres des unions de GIC du CFPC national. Le BINUM a donc
développé dès 1998 quatre principaux services aux membres : le BINUMTONTINE,
un système d’épargne et de crédit pour le financement des activités des membres, le
BINUMAGASIN, un réseau de magasins locaux en plus d’un central pour
l'approvisionnement en intrants agricoles, le BINUMFILIERE pour la structuration
des filières agropastorales, l’encadrement technique et le développement des activités
de production, et le BINUMUSIK qui ambitionnait d’être un socle d’activités
socioculturelles et n’a pu malheureusement trouver un répondant local, ni les moyens
pour être effectif au niveau local et est donc resté une fanfare basée à Bafoussam.
Avec ce cas, nous constatons qu’une telle organisation paysanne de cette
catégorie peut beaucoup subir l'influence du dispositif plus large auquel appartient
l’ONG partenaire et dont elle fait d’ailleurs aussi partie. Finalement son organisation,
son fonctionnement et ses activités découlent de l'évolution de la dynamique du
dispositif global et des principales orientations édictées par ses acteurs influents.
286
2- Le CIPCRE et Madzong Kwannon : éléments d’un partenariat depuis 1992
Madzong Kwannon est la seule OPA partenaire du CIPCRE à Galim depuis
1990. De l’avis des responsable du CIPCRE, quoique légalisée le 10 mai 1993, « les
leaders de Madzong Kwannon travaillaient déjà avec le CIPCRE depuis 1990, ce qui a
en réalité catalysé et accompagné la mise en place de Madzong ».
Madzong Kwonnon comptait au départ 300 paysans repartis en 21 GIC. Elle en
compte à ce jour 250 repartis en 21 GIC. La liste ci-dessous montre bien le rôle
prépondérant de l’ONG dans le fonctionnement de l’OP. Parmi les principales activités
initialement menées par le CIPCRE en faveur de Mazong, il y a :
- Construction du siège de l’union
- vulgarisation des technologies agro forestières
- Appui au compostage des ordures ménagères
- Promotion de l’utilisation des pesticides biodégradables
- Appui aux projets agricoles écologiques et rentables (culture maraîchères,
palmier à huile, maïs, apiculture)
- Appui à la production des semences de maïs et à la vente groupée du maïs
- Appui à l’artisanat et aux technologies locales de transformation
- Appui à la production du bananier plantain
- Promotion de la fertilisation organique
- Promotion des plantes médicinales
- Appui à la lutte contre l’érosion des sols
- Appui à la création et la gestion des pépinières et reboisement.
3- Les ONG et les OP : des partenariats qui questionnent
Une interrogation principale est celle du devenir de ces organisations si elles
cessaient de bénéficier de cette intervention forte de la part du partenaire extérieur,
notamment en termes de moyens financiers, de ressources humaines et matérielles, et
d'orientations. Cette question est d'autant plus à considérer que, lors de notre récent
séjour au Cameroun en tout début 2008, le BINUM recevait une mission de SOS-Faim
287
Luxembourg, son principal et presque unique partenaire financier. Au cours de cette
mission, l'évolution des négociations serait allée dans le sens d'un arrêt imminent des
financements, selon nos entretiens avec des responsables élus du BINUM et avec
quelques membres de son personnel technique.
D’ailleurs, son partenaire technique, le SAILD, est en retrait depuis environ
deux ans et dans une position qualifiée par lui-même de désengagement, présentée
comme une stratégie visant le renforcement, la responsabilisation ou mieux
l'autonomisation du BINUM. Nous avons trouvé les responsables élus du BINUM très
embarrassés et désemparés à l'idée d'un arrêt des financements venant en plus du
retrait actuel du SAILD. Il serait en tout cas intéressant de savoir comment va évoluer
une telle dynamique organisationnelle qui plusieurs années durant a été presque sous
perfusion de l'intervention externe (près de 90 % de contribution à son budget). Au
fond, ne serait ce pas là l’occasion pour le BINUM de retrouver une vraie identité
construite et nourrie par ses membres qui pourraient ainsi négocier librement les
partenariats et saisir les opportunités possibles dans le cadre d’une appropriation
normale ? Mais comment une telle association pourra t-elle se remettre des logiques de
fonctionnement construites pendant longtemps et du poids d’une culture associative
insufflée et longtemps entretenue de l’extérieur ? A quel point, les paysans membres
peuvent ils s’identifier à cette organisation ?
B- Les OP fondées par des paysans
Certaines OP sont mises en place par les paysans sans intervention extérieure.
Deux raisons principales sont à la base de la création de telles organisations
paysannes :
- La recherche d'un positionnement de leader par les responsables de ces GIC.
Plusieurs ont été mis en place autour des années 90 à Galim par des leaders paysans
qui estiment avoir été écartés de l’UGAPAB par le SAILD. Ils avaient espoir de
pouvoir ainsi de repositionner, voyant le poste de responsable de GIC comme quelque
chose d'enviable, source de prestige et de rayonnement. Ils ont donc créé des
organisations paysannes, pensant pouvoir ainsi entrer en contact avec des partenaires
288
extérieurs comme le faisaient miroiter les discours autour de l’aide directe. Mais ce fut
une déception pour plusieurs car, finalement, en plus du SAILD, il n’y a eu que le
CIPCRE qui est venu dans la région à partir de 1990 et pour ne travailler qu’avec
Madzong Kwannon183. Par ailleurs nous avons déjà évoqué le cas d’organisations
paysannes qui ne sont en fait que des prétextes à des initiatives commerciales
d’individus.
- On constate aussi que certaines organisations paysannes sont fondées dans
l’espoir de recevoir des aides des programmes et des projets de l’Etat. C’est davantage
le cas à Fokoué avec une forte intervention de ces dispositifs dans la région à partir des
années 2003. Le fait que ce soit plus des OP de Fokoué qui entrent dans cette catégorie
d'organisations paysannes témoigne à notre avis de ce que les leaders y sont encore
très enthousiastes et certains pensent qu'il suffit d'être une organisation paysanne pour
que les partenaires extérieurs se présentent.
C- Les OP suscitées ou renforcées par les projets/programmes de l’Etat
Comme ce fut signalé lors de l'analyse de l'intervention des programmes de
l’État à Fokoué et à Galim, il existe des OP qui se distinguent de toutes les autres par
un partenariat étroit avec les programmes ou les projets de l'État. Ce sont des
organisations paysannes dont le fonctionnement et l'organisation reflètent très souvent
les objectifs et les stratégies d'intervention de ces programmes. A Galim, par exemple,
on observe une forte prépondérance d'organisations paysannes partenaires du PNDRT.
Il est apparu au cours d’un entretien que l'ingénieur chargé du suivi de terrain de ce
projet est originaire de Bamendjing, un village de Galim : on peut penser que son
ancrage local lui permet de pouvoir développer des activités à présenter aux
partenaires financiers ou encore qu'avec ces interventions dans son village, il peut y
acquérir un certain prestige social.
183 Rappelons toutefois que certains leaders de Madzong Kwannon sont des paysans qui se sont désolidarisés de l’UGAPAB.
289
D- Les apports des OP pour leurs membres : un bilan mitigé
1- Des attentes des paysans difficiles à satisfaire
Au-delà de l'existence des organisations paysannes, la question est celle des
services rendus aux membres ou encore de la satisfaction des attentes des paysans. Ces
attentes portent surtout sur la commercialisation de leurs produits et l’obtention de
subventions financières ou matérielles. Celles-ci sont difficilement satisfaites du fait
des difficultés rencontrées dans le développement des activités visant à y répondre. Il
s'ensuit donc un réel problème quant à la viabilité effective de ces organisations. Très
souvent, seuls quelques paysans bénéficiaires de services se sentent encore concernés
et restent actifs par rapport à ces organisations.
Cette situation interroge sur la relation existant entre les organisations
paysannes et les organismes d'appui parce que les espoirs de la mobilisation du début
s’envolent rapidement et conduisent à des frustrations de part et d'autre. Par ailleurs,
les réalisations espérées qui auraient permis de justifier ou de crédibiliser des
interventions et donc de continuer à drainer des financements connaissent souvent des
échecs. Cette situation est, semble-t-il, à l'origine du basculement soit de stratégie, soit
des domaines d'intervention de la part de plusieurs organisations d’appui. Lorsqu'il n’y
a pas de basculement, il s'agit très souvent d'un certain relâchement : l’ONG reste avec
l'organisation paysanne tant que ce lien permet de rechercher encore des financements.
Mais comme nous l’avons vu, les organismes d'appui sont beaucoup plus intéressés
par des activités telles que les ateliers de réflexion alors que les paysans souhaitent des
solutions à leurs problèmes de commercialisation et de financement. Les membres de
ces OP ne refusent toutefois pas les formations et les autres appuis technique, mais ils
espèrent construire à travers eux un partenariat pouvant déboucher sur leurs attentes
prioritaires.
290
2- La commercialisation et le financement : des domaines difficiles
Vers 1990, le SAILD a développé avec l’UGAPAB des activités de
commercialisation des produits agricoles. Un véhicule avait même été acheté pour
transporter les récoltes des paysans sur les marchés éloignés de Yaoundé, de Douala et
dans d'autres villes du Cameroun. Mais cette expérience a connu un échec. De l'avis
des responsables du SAILD, il y eut un réel problème de gestion de la part des paysans
chargés de cette opération pour le compte de leurs organisations paysannes. Par
exemple, disait un interviewé du SAILD, « les personnes envoyées revenaient avec
une longue liste des charges encourues durant le transport et finalement l'opération
revenait presque à perte ou sans avantage significatif. Il était déclaré des montants
élevés versés aux policiers sur la route, ce qui était invérifiable. Par ailleurs, il y avait
des frais de gestion de l’opération [prise en charge des délégués] qui étaient aussi
variables et difficilement contrôlables ». Les responsables paysans disent avoir été
soupçonnés par le SAILD d'être en train de bénéficier de cette opération. Pour l’un
d’eux d’ailleurs, les agents du SAILD estimaient que si les paysans s'engageaient
effectivement dans une telle opération en sacrifiant leurs propres activités, c’est en
raison des avantages perçus et les agriculteurs furent mécontents de ces soupçons. Il y
eut un conflit qui entraîna l'arrêt de l'opération et le SAILD récupéra d'ailleurs le
véhicule pour le revendre.
En 2002, le SAILD obtint du Haut Commissariat des Réfugiés (HCR) un
contrat de livraison de 200 tonnes de maïs et le rétrocéda au BINUM. Les prix offerts
étaient de loin supérieurs à ceux du marché : alors que sur le marché le kilogramme du
maïs coûtait aux environs de 100 f cfa, les paysans qui livraient le maïs dans le cadre
de cette opération percevaient 200 f cfa par kg après les prélèvements de gestion par le
BINUM central et le BINUM de Galim au titre des frais de la collecte et de la
livraison. Ce fut donc une opération assez juteuse pour les agriculteurs. D'ailleurs ces
prix exceptionnels entraînèrent un engouement des paysans de la zone pour adhérer au
BINUM : alors que le BINUM avait moins de 100 membres avant le début de
l'opération, il se retrouva l'année d'après, c'est-à-dire en 2003, avec 203 membres184.
184 Une augmentation de l’effectif de l’ordre de 100 % alors que depuis le lancement du BINUM Galim en 1998, l’effectif initial de 60 membre stagnait à environ 100 membres 4 ans après.
291
S'il est clair qu’un tel succès est un indicateur clair de ce que les paysans sont
plus enclins à adhérer à une OP lorsque ses activités apportent une augmentation
significative à leurs revenus, les années qui suivront ont révélé les limites de ce genre
d’activité. Une deuxième opération de livraison de 1100 tonnes de maïs fut faite en
2003 au Programme Alimentaire Mondiale (PAM). Ce fut toujours avec des prix
exceptionnels (150 f cfa par kg de maïs) qui permirent ainsi aux paysans d'avoir des
bénéfices additionnels significatifs par rapport à ceux qui n'étaient pas engagés dans
l'opération.
Mais, après cette opération, il y eut des tentatives restées sans succès de
renégocier des marchés avec le PAM et le HRC. Finalement, les paysans se
retrouvèrent engagés dans des opérations de commercialisation au prix du marché. Et,
dans les conditions normales de celui-ci, une telle opération ne leur procure aucun
avantage comparatif par rapport aux ventes individuelles, mais elle est même plutôt
porteuse de charges supplémentaires (location du magasin, gardiennage, etc.) et de
risques (attaque par les charançons, perte de poids due à la baisse du taux d’humidité,
etc.).
Cependant, poussés par leur base et espérant dégager des revenus, les leaders
paysans du BINUM de Galim, de concert avec le BINUM central, ont sollicité un prêt
auprès d’une banque commerciale pour une opération de vente de maïs en 2006. Les
paysans furent très enthousiastes à prendre des crédits dès la récolte du maïs en
septembre pour faire face aux dépenses de rentrée scolaire avec l’espoir de vendre leur
production de décembre à février lorsque les prix augmentent. Ce crédit fut obtenu à
travers une opération de garantie soutenue par SOS Faim Belgique. A ce jour, la
plupart des paysans concernés n'a pas pu rembourser : en fin juin 2008, sur un montant
reçu de 30 millions de f cfa, le BINUM de Galim est encore redevable d’un montant
de 11 405 960 f cfa qui est détenu par 94 membres.
D’ailleurs, le BINUM dit être en conflit avec la zone dont les leaders
manifestent leur indifférence vis-à-vis de la centrale et semblent se désolidariser de la
dynamique BINUM. Toutes les interventions du BINUM (missions de suivi, autres
activités) sont suspendues pour le BINUM de Galim. Plusieurs raisons semblent
justifier cette situation. Certains paysans espéraient avoir des financements sous forme
292
de subventions et ne comprennent pas qu’il faille rembourser. Deuxièmement, cette
opération n'a pas été fructueuse comme celles avec le PAM et le HCR, il n’y aurait pas
eu d’avantages significatifs par rapport aux ventes individuelles alors que les crédits
ont un coût en terme d’intérêt à payer par le paysan bénéficiaire. Sur le plan
organisationnel, les leaders de l’organisation disent avoir eu du mal à gérer la
fluctuation des prix du marché, espérant toujours avoir des prix proches de ceux
obtenus avec le PAM et le HCR, mais finalement ils ont constaté que ces prix
s’effondraient continuellement alors que les paysans attendaient des prix plus
importants.
Dans la localité de Fokoué, il ressort des entretiens que certaines organisations
paysannes avaient été promues par une « élite homme d’affaire » qui avait espéré à
travers le financement de la production de la pomme de terre réaliser des bénéfices en
récupérant la récolte pour la vendre à Douala. Les paysans avaient obtenu de lui des
crédits, mais après la vente il a défalqué le coût de ce crédit et les sommes remises aux
paysans faisaient qu’ils percevaient la même chose que s’ils avaient fait des ventes
individuelles au niveau local. L’homme d’affaires a estimé par ailleurs n’avoir pas
réalisé les marges bénéficiaires espérées et l’initiative a été arrêtée.
Ces situations en matière de commercialisation à Fokoué et à Galim sont
courantes au niveau des organisations paysannes. Ainsi, dans le cadre de nos activités
professionnelles, nous avions été invités par la coopération allemande (GTZ) dans le
département du Noun en pays Bamoun pour une mission de suivi-accompagnement
d'une opération de commercialisation groupée du maïs par les paysans de la Fédération
des Unions du Bassin du Noun. À notre arrivée, le maïs stocké dans un magasin n'avait
même pas été inspecté depuis très longtemps et était déjà attaqué par les charançons.
Les responsables des GIC et unions membres de la FEUBANOUN, invités à cette
occasion pour une séance de travail, ne se sentaient plus responsables de la gestion de
ce stock et n’attendaient que le versement par la Fédération des revenus des ventes
correspondant aux prix espérés qui étaient à la base de l’initiative. Or le maïs n’était
pas encore vendu et le président de la FEUBANOUN n’arrivait pas à trouver des
acheteurs à des prix significativement différents de celui payé aux vendeurs
individuels sur les marchés locaux.
293
Malheureusement, l'évolution des prix n'obéit pas mécaniquement aux
prévisions et les fluctuations exigent donc de la part des producteurs de prendre des
décisions de vente sur la base de l’évolution réelle des prix. Or, comment gérer une
telle décision collective en tant que président d'une fédération réunissant près de 300
ou 400 membres lorsque chacun, dans son village, attend des ventes au prix espéré ?
Un des responsables de GIC présent à la réunion exigeait que lui soit retourné le stock
livré par les membres de son GIC parce que ceux-ci n’accepteraient pas que leur maïs
soit vendu dans le cadre de cette opération à un prix qu’ils percevraient par vente
individuelle dans les villages. A qui donc de supporter le coût de l’opération ? Très
souvent, les organisations de producteurs ne poursuivent pas les expériences de
commercialisation sauf lorsque celles-ci sont reliées à des circuits déconnectés du
marché local (les produits d’exportation) et offrent donc des prix nettement supérieurs.
Des difficultés et échecs sont aussi courants en matière de financement basé sur
des crédits. Plusieurs structures de microfinance installés initialement dans les
campagnes ont du se replier dans les villes en raison d’une activité agricole peu
rentable et de paysans peu enclins à y prendre du crédit pour des activités agricoles.
Cette situation ne permettait donc pas à ces structures de faire face à leurs charges.
D’autres initiatives d’épargne et de crédit développées en milieu rural connaissent des
difficultés avec de mauvaises performances, notamment des taux de remboursement
faibles. Par ailleurs, lorsque ces créations se font suivant la logique d’appui ou de
promotion des caisses locales, ceci exige un appui technique (missions de suivi,
contrôle, inspection) et matériel (coffre fort, aménagement) dont le coût est élevé et ne
parviendrait à être couvert localement qu’après une période de 7 à 10 ans, ce qui est
trop long pour des projets habituellement de 2 à 3 ans et qui exigent des résultats
rapidement visibles.
294
II- Les paysans individuels, une part importante des agriculteurs
Le rôle des organisations paysannes dans le processus de développement
agricole a fait l’objet d’importants travaux et n'est plus à démontrer. Mais, dans un
contexte où les conditions du marché et de l'encadrement agricole n'obligent plus tous
les agriculteurs à faire partie d'organisations paysannes, ces dernières ne regroupent
qu’une petite partie des agriculteurs. Ceux-ci y adhèrent suivent une logique utilitariste
de l’intérêt, notamment basée sur ce qu’ils gagnent en retour de leur adhésion ou de
leur implication comme membre.
Par ailleurs, les exemples des OP de Galim et de Fokoué montrent bien que,
même quand elles existent, leur place en milieu rural est loin d'être centrale. De plus,
d’après nos enquêtes et nos analyses, lorsque les paysans disent en être membres, il
s'agit très souvent d'une adhésion passive qui n'a d’effectivité que l'inscription sur la
liste des membres. Seuls ceux qui reçoivent des services concrets de leur organisation
ont tendance à s’y investir.
Il est donc clair que beaucoup d’agriculteurs ne font pas partie des dispositifs
portés par les ONG ou par l’Etat, et qu’ils sont plutôt concernés par le dispositif porté
par le privé commercial. Ceci invite à considérer les OP comme représentants d’une
partie seulement des agriculteurs. Il y a là aussi un signal fort d’être prudent quant aux
stratégies de développement agricole qui ne travaillent qu’avec les organisations
paysannes.
Par ailleurs, la question des groupes d’entraide informels pour les travaux
agricoles été citée en passant et n’a pas pu être approfondie dans ce travail.
295
III- L’UCCAO au niveau local : les reliques de la coopérative caféicole
Lorsqu’on parcourt Galim et Fokoué, on remarque des bâtiments de l’ancienne
coopérative cafeicole, fermés, abandonnés et envahis par les herbes. Ils ne montrent
plus aucun signe de vie alors qu’ils servaient de grands dépôts pour le café et de lieu
de distribution d’intrants agricoles. Il n’y plus d’employés, ni de gardien. Pour les
enquêtés ayant été caféiculteurs, il n y a plus d’espoir, la coopérative est condamnée à
mourir.
Et d’après nos entretiens, seulement trois des agriculteurs rencontrés évoquaient
avoir encore un lien avec la coopérative. Ces trois agriculteurs (un à Galim et deux
autres à Fokoué) sont des délégués au conseil d’administration de la coopérative au
niveau du département. A Fokoué, par exemple, le nombre de délégués est devenu
beaucoup plus faible du fait de la diminution officielle du nombre d’administrateurs de
la coopérative. Par ailleurs, les élections qui auraient du se tenir annuellement pour la
désignation de nouveaux délégués au conseil d’administration ne se sont pas tenues
depuis plus de quatre ans faute de participation locale et d’intervention de l’équipe
centrale de la coopérative.
Ces trois délégués sont des anciens caféiculteurs pour qui la qualité de
d’administrateur élu à la coopérative fut à l’époque quelque chose de prestigieux et on
a l’impression qu’il y a pour eux une joie et une fierté à pouvoir aller siéger à ce qui
fut la « cour des grands » Et la participation aux sessions du conseil d’administration
de la coopérative au niveau départemental ou provincial leur donne droit à des
indemnités de présence. Deux d’entre eux sont responsables de GIC. Au cours des
entretiens, il apparaît que ces GIC ont été mis en place à la suite du programme de
protection du verger de cafetiers qui leur a permis de participer à quelques formations
et surtout de recevoir des produits phytosanitaires et des appareils de traitement. Mais
le ce programme a été mis en place par l’Etat à travers l’un de ses services
provinciaux, la Base phytosanitaire provinciale, sans implication de la coopérative.
Seuls quelques AVZ et délégués d’arrondissent se sont montrés enthousiastes
en disant que l’actuel ministre de l’agriculture envisage de relancer les coopératives.
D’ailleurs, le délégué d’arrondissement de l’agriculture de Fokoué a engagé à la
296
demande de sa hiérarchie le recensement des caféiculteurs de sa zone d’intervention.
En juin 2008, il dit avoir déjà identifié 178 agriculteurs cultivant encore le café.
Ainsi la coopérative cafeicole, qui présente encore des signes de vie au niveau
départemental et provincial avec quelques agents espérant une relance par un éventuel
financement de l’Etat, n’a presque plus d’activité au niveau local. Actuellement, le
dispositif tenu par l’UCCAO subsiste seulement au niveau départemental et provincial.
Conclusion
Il ressort de notre analyse que la nouvelle dynamique organisationnelle des
agriculteurs bamiléké tire son origine de la crise du dispositif Etat-ONCPB-
Coopérative et s’est mise en place sous l’action d’intervenants extérieurs qui avaient
pour la plupart fait miroiter aux agriculteurs des possibilités d’aides financières et
matérielles. Cette structuration se trouve façonnée dans le temps par les principaux
leaders de l’intermédiation entre les financeurs internationaux et les agriculteurs :
l’Etat et les ONG. Chacune de ces structures a une forte emprise sur l’organisation, le
fonctionnement et finalement la viabilité de ses groupes partenaires. Ainsi, les OP
reflètent les stratégies d’intervention et les orientations des dispositifs au sein desquels
se retrouve le partenaire extérieur. Il est d’ailleurs significatif que, malgré l’effectif
pléthorique d’OP, chaque partenaire qui arrive a tendance à en susciter de nouvelles
qui doivent correspondre à ses exigences.
Alors que chaque agriculteur enquêté appartient à au moins un groupe
traditionnel local qui existe depuis des années, on observe une réticence de la plupart
d’entre eux vis-à-vis des OP qu’ils estiment ne généralement pas apporter satisfaction
à leurs attentes. Cette position est différente de celle des leaders et de quelques
paysans de groupes qui parviennent à bénéficier des interventions des partenaires
extérieurs.
Les avantages du cadre juridique régissant les OP, notamment le statut de GIC
ainsi que l’accès à l’aide des partenaires du monde agricole conditionné par ce statut
de GIC, font qu’existent des GIC qui sont en fait des subterfuges que créent certains
297
personnes pour des initiatives purement individuelles. C’est le cas pour certaines
opérations de vente d’intrants agricoles, de commercialisation de produits agricoles, de
production de semences.
Parmi les organismes d’appui travaillant à Galim et à Fokoué, les principaux
interviennent auprès d’organisations paysannes. Il s’agit notamment des ONG et des
principaux programmes et projets de l'État. On constate que seuls les commerçants
d’intrants agricoles et les structures de microfinance vont aussi bien vers les paysans
individuels que vers ceux organisés collectivement. Ceci s’explique par le fait que les
vendeurs d’intrants ont pour principal objectif de réaliser le maximum de chiffre
d’affaire. Il vont donc chercher à toucher le plus grand nombre possible d’agriculteurs
qui ne se retrouvent pas forcement dans les OP. Les structures de microfinance
cherchent à collecter suffisamment d’épargne pour accroître leur enveloppe de crédit
et recherchent aussi le maximum de personnes pouvant prendre du crédit pour réaliser
le plus de bénéfices à travers les intérêts perçus.
Les organismes d’appui dont les financements sont assurés par des fonds
étrangers, notamment la coopération bilatérale ou multilatérale ou encore l'aide
internationale au développement, ne semblent pas tellement chercher à atteindre le
maximum d’agriculteurs comme le font les acteurs du secteur commercial. Ces
organismes d’appui ne se préoccupent des effectifs d’agriculteurs concernés par leurs
actions que pour justifier l'ampleur de l'impact de leurs interventions. Au contraire, les
ressources des acteurs du secteur commercial sont issues des paysans et ils ont intérêt à
en toucher le plus grand nombre pour réaliser les meilleurs résultats financiers.
L'encadrement agricole au sens des conseils techniques, des formations, du
suivi technique régulier, des ateliers de réflexion, et qui est généralement rangé dans
les missions des ONG et des programmes de l'État se met en oeuvre à travers des
dispositifs excluant les paysans individuels. Seuls les paysans en groupe en sont les
bénéficiaires alors que, par rapport au nombre total de paysans, très peu sont engagés
dans ces OP.
298
Chapitre XI
Les nouveaux leaders agricoles : des petits notables ruraux
« Chaque région et chaque époque
a son type de notable, mais
toujours le rôle est celui qui vient
d’être défini, lié à une position
marginale de double
appartenance ».
Mendras185
Ce chapitre traite de certaines mutations intervenues au niveau de la vie sociale
locale en milieu rural du pays Bamiléké. Il s’intéresse à l’émergence de nouveaux
responsables d’organisations paysannes et donc aux changements du leadership du
monde agricole. Suite au déclin de la caféiculture et de la dynamique coopérative, on
assiste à l’apparition de nombreux leaders d’organisations paysannes agricoles qui
deviennent des interlocuteurs des partenaires du monde rural intervenant de l’extérieur
pour les questions agricoles. En lien avec cet émiettement du leadership agricole, les
nouveaux responsables d’organisations paysannes agricoles ne sont pas les
représentants du monde rural comme ce fut le cas pour ceux de l’époque caféière. Ce
leadership rural est occupé par des élites intellectuelles et économiques résidant en
ville et constitue pour eux une ressource importante permettant l’accès à de hautes
fonctions ou à des avantages auprès des administrations publiques.
La première section évoque les anciens collectifs ruraux ou agricoles du pays
Bamiléké, qu’ils soient traditionnels ou ceux du secteur coopératif caféicole
(l’UCCAO). La deuxième section décrit les nouveaux leaders agricoles que sont les
responsables des GIC grâce aux entretiens conduits avec 72 d’entre eux à Galim et à
Fokoué. La troisième section s’interroge sur les fonctions et les résultats de ces
responsables de GIC.
185 Mendras H., Les sociétés paysannes, Editions Gallimard, 1995, p. 151.
299
I- Jusqu’aux années 80, les principaux cadres d’expression du
leadership rural
Avant les années 80, deux principales catégories d’organisations se retrouvaient
en pays Bamiléké : celles issues du mouvement coopératif caféicole et celles issus de
l’organisation sociale locale, notamment les groupes locaux placés sous le contrôle du
chef de village et participant auprès de lui à l’administration ou à la vie du village.
1- Les organisations d’administration et de prestige social
Ces associations (Loung en bamiléké) réunissent un petit nombre de notables
qui aident le chef pour l’administration du village. L’accès à ces organisations se fait
soit par succession de son parent décédé, soit en étant choisi par le chef du village, très
souvent comme récompense à des cadeaux faits à la chefferie. Du temps de la
caféiculture, c’était très souvent des animaux (chèvres, porcs, poulets, etc.) ou des
filles que l’on offrait comme épouses au chef. Les membres étaient très souvent
recrutés au niveau local, résidant donc sur place. De nos jours, des natifs des villages
vivant en ville accèdent à ces organisations. Il s’agit généralement de personnes
disposant de ressources financières, qui font des dons au chef du village (véhicules,
construction pour la chefferie, etc.) ou des réalisations socioéconomiques dans le
village (aménagement des routes, constructions d’écoles ou de dispensaires, etc.).
Devenir membre de ces organisations reste très important pour les individus qui
acquièrent ainsi une promotion sociale, se démarquent des autres, gagnent une
reconnaissance locale et participent à l’administration de la chefferie. Ces promotions
sont accompagnées d’avantages tels que l’administration d’une partie du territoire du
village, l’acquisition de nouvelles terres, des dons de jeunes femmes pour épouses, un
prestige social basé sur un titre honorifique décerné par le chef.
2- Les regroupements basés sur la proximité
Il existe de nombreux groupes socioculturels dont les activités sont la tontine,
les danses traditionnelles, l’assistance en cas d’événements heureux ou malheureux.
Dans une étude des agriculteurs Bamiléké vivant dans la province de l’Ouest
Cameroun et de ceux installés dans la région de Nkondjock (province du littoral), nous
300
avons constaté que chaque paysan appartenait à au moins deux groupes socioculturels.
Ces groupes se constituent sur la base de plusieurs proximités : famille, voisinage, âge,
etc. (Fongang, 1998).
Certaines de ces organisations présentent un rapport avec l’activité agricole par
exemple l’entraide qui consiste à mobiliser les membres du groupe au niveau de
l’exploitation agricole d’un membre pour l’aider dans des opérations culturales :
défrichage, labour, récolte, etc.
3- Le mouvement coopératif de l’UCCAO
Ce mouvement coopératif était structuré du niveau provincial au niveau du
village.
- Au niveau provincial, l’union des coopératives de l’UCCAO avec un conseil
d’administration réunissant des délégués paysans
- Au niveau départemental, la coopérative avec un conseil d’administration
réunissant des délégués paysans
- En deçà du niveau départemental, il y avait des sections, chaque section étant
organisée en secteurs. Des délégués de secteurs siégeaient au niveau de la section qui
élisait à son tour des administrateurs pour le conseil d’administration au niveau
départemental.
Ce sont les planteurs occupant des postes au sein des organes d’administration
de la coopérative qui étaient ainsi les principaux leaders du monde agricole. De telles
positions permettaient d’assumer des responsabilités, notamment de représentation et
de défense d’intérêts au sein de la coopérative, et aussi d’influencer les orientations
des agriculteurs et de leur coopérative. Il s’agissait donc des principaux interlocuteurs
des agriculteurs et les acteurs extérieurs au monde agricole.
A partir des années 90, on assiste à l’apparition de leaders du monde agricole
qui sont les responsables des nouvelles organisations paysannes agricoles : les GIC et
leurs regroupements. Ces responsables ont la dénomination soit de délégué de GIC,
d’Union de GIC, soit de président de Fédération ou de président du Conseil
301
d’Administration de coopérative186. Ces leaders émergent ainsi à coté de ceux du
mouvement coopératif caféicole.
186 Ces terminologies sont prescrites par le législateur et contenue dans les différentes lois.
302
II- Les nouveaux leaders : des paysans aux profils particuliers
A Galim comme à Fokoué, les principales organisationnelles paysannes
agricoles sont les GIC. Il n’a été recensé qu’une seule organisation paysanne agricole
en cours de mutation du statut de GIC vers celui de coopérative : Coopdegal
« BINUM » à Galim. Nos entretiens ont concerné les responsables de GIC et de la
coopérative BINUM en tant que nouveaux leaders du monde agricole. A Galim, nous
avons enquêté 26 leaders dont les responsabilité sont les suivantes : 17 délégués, 5
secrétaires, 1 président, 1 commissaire aux comptes et 2 conseillers. A Fokoué, nous
avons enquêté 46 leaders se répartissant ainsi : 40 délégués, 4 secrétaires et 1
conseiller. Nous présentons ci-dessous les principales caractéristiques de nos enquêtés.
1- Des agriculteurs d’un âge souvent compris entre 40 et 50 ans
A Fokoué, l’âge moyen des leaders rencontrés est de 50 ans, variant de 32 à 73
ans. A Galim, l’âge moyen de ceux-ci est de 46 ans et varie de 21 à 69 ans. Toutefois à
Galim, 36 % des leaders ont moins de 40 ans, et à Fokoué, seulement 15 % ont moins
de 40 ans. Des paysans de tout âge exercent ces fonctions, mais logiquement l’âge
moyen est celui des enquêtés simples agriculteurs dans ces deux localités (cf. chapitre
VII). Et, comme pour ceux-ci, ce n’est qu’à Galim que se trouvent des jeunes.
2- Des hommes plutôt que des femmes
A Galim, sur 28 leaders, 4 soit 14% sont des femmes. A Fokoué, 17 leaders sur
46, soit 37 % sont des femmes. Globalement, les femmes sont nettement moins
représentées que les hommes. Le plus fort pourcentage observé à Fokoué est dû à
l’action d’une « élite femme »187 vivant à Yaoundé et qui a sensibilisé et aidé les
femmes à se réunir en groupes en leur promettant qu’elles auraient ainsi accès à des
aides matérielles et financières.
La faible proportion des femmes dans cette catégorie s’explique par le contexte
socioculturel. Le leader, c’est celui qui a dû mener des campagnes de sensibilisation,
187 « élite », expression locale pour une personne vivant en ville et occupant une position importante soit sur le plan économique, soit sur le plan intellectuel ou sur le plan politique. Cette personne-ci est une femme d’affaires.
303
aller de porte en porte pour solliciter les gens, prendre les cartes d’identité pour les
procédures de légalisation, demander des cotisations pour les coûts188 de légalisation
(déplacements, montage du dossier). Ce genre d’action ne peut facilement être menée
que par les hommes en pays Bamiléké car pour aller dans une autre concession189
parler aux gens, il faut être le responsable de la famille c'est-à-dire l’homme. Dans une
concession, c’est l’homme, en tant que chef de famille (représentant et premier
responsable de la famille) qui est l’interlocuteur des autres familles du village. Ainsi,
les contacts d’une famille se font à travers l’homme qui en dernier lieu prend la
décision. Il n’est pas habituel que ce soit une femme qui aille parler ou rencontrer les
gens dans une autre concession.
Le leadership d’une association exige une forte mobilité à la fois dans le village
et à l’extérieur du village. Une femme ne laissera pas facilement son mari pour aller
régulièrement en ville pour les processus de légalisation ou bien rencontrer les
structures d’appui, potentiels partenaires technique et financiers. Elle risque facilement
d’être soupçonnée d’infidélité190. De plus, si elle le fait ce serait courir le risque que
son mari considère qu’elle dispose d’assez de ressources financières et ne lui vienne
pas en soutien en cas de nécessité. Enfin, la femme est plus encline à affecter ses
ressources financières à la nutrition, les soins de santé et la scolarisation des enfants.
3- Le statut de marié comme indicateur de crédibilité
A Fokoué, sur les 39 leaders rencontrés, 2 sont veufs, 1 divorcé et 1 célibataire.
90 % sont mariés. A Galim, 1 seul des leaders est divorcé. 26 sur les 27 sont mariés.
En fait, pour être écouté et pour que le message soit accepté par les autres paysans, il
est nécessaire d’être considéré comme étant une personne sérieuse ou responsable. Or,
en pays bamiléké, être marié constitue une étape importante que tout homme ou 188 D’après des entretiens avec des courtiers aidant à la légalisation des GIC, il faut en moyenne au minimum de 50 000 FCFA (environ 76 euros, équivalent à 112 $ USA au 13 juillet 2008) alors que, au Cameroun, plus de la moitié des ruraux ont moins d’un dollar par jour, seuil de pauvreté selon la Banque mondiale), hormis les frais de déplacement, pour parvenir à légaliser un GIC. 189 Pour une famille, concession renvoie à la case centrale, à celles des épouses et aux parcelles de terre environnantes 190 Au cours de nos entretiens, il nous a été révélé qu’une femme leader a été soupçonnée d’infidélité par son mari sous la pression d’habitants du village qui lui faisaient remarquer qu’à force de se rendre régulièrement en ville, son épouse était facilement approchable par les autres hommes. D’ailleurs, il lui a été dit que les motifs de participation à des réunions en ville n’étaient que des prétextes. Cette situation a été à l’origine d’une grave crise au sein de l’OP et du village. Plusieurs rencontres ont dû mobiliser des sages du village, des responsables de l’OP et des partenaires techniques basées en ville pour résoudre le problème
304
femme devrait réaliser dans sa vie191. Avec des leaders dont l’âge moyen se situe
autour de 50 ans, le mariage a déjà eu lieu avant d’avoir ses 30 ans. Toute personne
n’étant donc pas mariée à 50 ans n’est pas très considérée par la société et est très peu
écoutée. De plus, elle n’apparaît pas crédible pour pouvoir gérer des ressources
collectives. Les paysans donneraient ainsi difficilement à une telle personne leurs
cartes d’identité pour réaliser les procédures de légalisation, de même que pour des
contributions financières. Par ailleurs, il n’est pas évident pour les jeunes agriculteurs
non mariés de mobiliser les autres, sauf très souvent des jeunes comme eux. Les
stratégies visant à s’appuyer sur les jeunes comme leviers pour le développement
agricole pourraient ainsi se confronter à la difficulté pour ces derniers de bénéficier de
la confiance des autres agriculteurs.
4- Les leaders : des agriculteurs scolarisés
Le tableau ci-dessous présente le niveau de scolarisation des leaders enquêtés.
Tableau 17: Niveau de scolarisation des leaders d’OP à Galim et à Fokoué
Localité de résidence des enquêtés Niveau de scolarisation
Galim Fokoué
N’a jamais été à l’école 0 2
Primaire sans CEPE192 5 1
CEPE 9 23
Secondaire sans BEPC193/ CAP194 7 0
BEPC / CAP 6 10
Supérieur au BEPC/CAP 3 11
Total 32 36
191 En effet, en 1999, il était apparu qu’exercer une activité génératrice de revenus, se marier, construire sa maison, avoir des enfants, faire les funérailles de ses parents, sont des réalisations fondamentales à faire par tout bamiléké pour être considéré comme homme au sens noble du terme (Fongang, 1998). 192 Certificat d’Etudes Primaires et Elémentaires 193 Brevet d’Etudes du Premier Cycle 194 Certificat d’Aptitudes Professionnelles.
305
Comme le montre le tableau ci-dessus, les leaders ont généralement au moins le
Certificat d’Etudes Primaires et Elémentaires, avec une proportion importante (44%)
ayant au moins le Brevet d’Etudes du Premier Cycle ou le Certificat d’Aptitudes
Professionnelles alors que c’est seulement 12,5% des agriculteurs enquêtés à Galim et
7 % de ceux de Fokoué (cf. chap. VII). En effet, le travail de leader exige un minimum
en termes de capacités à pouvoir :
- lire les textes relatifs à la législation, lire les documents produits par les
partenaires potentiels ;
- rédiger les textes de légalisation ou plutôt participer à leur rédaction ;
- communiquer au niveau du village, mais aussi et surtout avec des
partenaires extérieurs, ce qui se fait généralement en français ;
- gérer le GIC avec la lecture et l’écriture de documents divers.
5- Les séjours hors du village, une étape préalable chez tous les leaders
Les entretiens ont révélé que tous les leaders paysans avaient passé une bonne
partie de leur vie en ville. La durée moyenne de la période passée hors du village est
de 10 ans pour les responsables de Galim et de 14 ans pour ceux de Fokoué. Les
principales localités de séjour hors du village sont résumées dans le tableau ci-après.
Tableau 18 : Localités de séjour hors du village pour les leaders enquêtés
Nom de la localité Effectif à
Galim
Effectif à
Fokoué
Total % du nombre total
des leaders
enquêtés.
Douala 11 16 27 35
Yaoundé 2 18 20 28
Bafoussam 8 6 14 19
Mbouda 9 1 10 14
Dschang 0 17 17 24
Autres localités du pays Bamiléké 0 11 11 15
Autres localités du Cameroun hors du
pays Bamiléké
7 24 31 43
Hors du Cameroun : Tunisie 0 1 1 01
306
Nous constatons que les principales localités où les leaders enquêtés ont
séjourné sont :
- Douala (35 % des enquêtés)
- Yaoundé (27%)
- Dschang (24 %)
- Mbouda (14 %)
Douala (à environ 300 km en moyenne des deux localités) et Yaoundé (à
environ 350 km des deux localités) sont respectivement la capitale politique et la
capitale économique du Cameroun et donc les villes les plus peuplées. Yaoundé l’est
plus par les fonctionnaires et Douala par les commerçants et les hommes d’affaires.
Pour Dschang, il s’agit des enquêtés de Fokoué (situé à environ 25 km de
Dschang) et pour Mbouda, ceux de Galim (situé à environ 30 km de Mbouda).
6- Les leaders : des chômeurs ayant quitté la ville
Les principales raisons ayant amené les leaders à retourner au village sont les
suivantes :
Tableau 19: Raisons du retour des enquêtés au village
Raisons de retour Effectif à
Galim
Effectif à
Fokoué
Total
Perte d’emploi / Chômage 13 11 24
Succession du père décédé 2 6 8
Retraite professionnelle de l’enquêté ou de son
conjoint
0 7 7
Maladie de l’enquêté ou d’un parent résident
au village
1 4 5
Recherche des ressources financières à travers
l’agriculture.
4 0 4
Divorce, mariage, décès du conjoint 1 3 4
Autres195 2 2 4
Affectation professionnelle 0 3 3
195 Manque de moyens pour poursuivre les études, chute des prix du café, « pas de raison ».
307
En effet, la vie difficile due à la crise économique des années 80 aurait amené
ces futurs leaders à retourner au village. Nous constatons que les principales raisons
qui ont poussé ces personnes à revenir sont principalement la perte d’emploi ou le
chômage (24 cas), puis loin derrière la succession du père décédé (8 cas) et la retraite
(7 cas).
Les principales occupations de ces leaders lors de leurs séjours antérieurs en
ville étaient : le commerce, la conduite de véhicules ou d’engins, les petits emplois de
bureau.
La perte de l’emploi constitue ainsi la principale cause à l’origine du retour des
leaders. Il s’agit donc de personnes n’ayant pas pu s’établir durablement en ville et qui
ont été obligées de retourner au village où ils disposaient de certaines ressources dont
la terre, le logement, l’environnement familial. Un des enquêtés traduit ainsi la perte
d’emploi due à la faillite de son commerce : « il y a eu naufrage et arrêt de
navigation ».
Certains enquêtés sont retournés au village à la suite de la succession de leur
père à assurer. Il s’agit en principe des hommes. En effet, dans le cadre de la
succession sous le mode du patrilignage uni-selectif, le garçon hérite de tous les biens
de la famille et a la charge de préserver et de gérer son patrimoine. Le plus souvent le
parent décédé avait une famille (des femmes et des enfants) et des biens (champs et
autres activités). La gestion de cet héritage peut obliger à retourner au village surtout
lorsque la nouvelle position d’héritier est meilleure qu’une situation précaire en ville.
Pour les retraités, il s’agirait de personnes revenues au village et qui trouvent
ainsi une nouvelle occupation avec le leadership agricole.
7- Parmi les leaders, des pluriactifs
52% des leaders de Fokoué ont actuellement deux occupations et c’est le cas
pour 25 % des leaders de Galim. En plus de l’agriculture, les autres occupations de ces
leaders sont présentées dans le tableau ci-après :
308
Tableau 20 : Autres occupations des leaders en dehors de l’activité agricole
Occupation Fokoué Galim Total
Commerce 9 3 11
Enseignement 5 1 6
Autres196 5 1 6
Artisan197 4 0 4
En plus de l’agriculture, les autres occupations des leaders enquêtés sont
principalement l’enseignement et le commerce. A Galim, presque tous les leaders ont
l’agriculture pour occupation unique tandis qu’à Fokoué l’agriculture n’est pas la seule
activité principale pour certains de ceux-ci.
Au total, la plupart des leaders sont donc des personnes ayant un niveau de
scolarisation relativement élevé par rapport aux autres agriculteurs ; ils ont passé une
longue période de leur vie hors de leur village où ils résident en ce moment. Ils sont
très souvent retournés au village à cause du chômage et depuis ils se sont reconvertis
dans le secteur agricole qui devient leur nouveau champ d’activité.
196 Extraction de sable, chauffeur de camion ou conducteur de moto taxi, secrétaire d’état civil, guérisseur traditionnel, débiteur et vendeur de bois, agent de santé. 197 Couture, peinture, cordonnerie, menuiserie, photographie
309
III- Le leadership agricole : fonctions et statut social
1- Le leadership, un travail de mobilisation
Sur la base des entretiens avec les leaders, notamment au sujet de la manière
dont ils en sont arrivés à créer des groupes et à en devenir les leaders, il se dégage que
c’est une fonction qui exige des capacités particulières. Le leader doit être
mobilisateur, susciter l’intérêt des autres paysans afin qu’ils se sentent intéressés et
adhèrent au groupe. Le leader agricole doit trouver des arguments convaincants pour
les autres paysans. Très souvent cette obligation les amène à faire miroiter des
promesses aux autres paysans. Un enquêté l’exprime ainsi : « Et comme vous le savez,
l’homme paysan est très dur, il aime voir avant d’accepter. Il faut donc être un bon
flatteur, prêt à leur vendre la peau de la panthère avant même qu’elle ne soit tuée ».
2- La fonction de leader agricole : une intermédiation
La fonction de leader consiste surtout en la représentation d’un groupe de
paysans, en particulier auprès des partenaires extérieurs. De ce fait, c’est lui qui relaie
les préoccupations, les demandes et les positions des paysans. Ainsi, il participe aux
rencontres en leur nom. Par ailleurs, pour les partenaires, il constitue une porte
d’entrée au village, il aide à mobiliser les paysans pour les réunions tenues sur place.
C’est une personne ressource qui, de par son rôle, représente pour ces partenaires, une
précieuse source d’informations sur le village. Il parcourt très régulièrement son
village et a un important réseau de contacts. Ce rôle d’intermédiation suppose un
travail de communication et surtout de connaissance des langages propres aux
différents mondes, celui (et très souvent ceux) des partenaires extérieurs et celui des
agriculteurs du groupe.
3- Le responsables de GIC, un leader du monde agricole
En permettant aux groupes de paysans d’être officiellement reconnus à travers
la législation sur les groupes GIC et les coopératives, le réaménagement législatif de
1992 a fait de ces structures les seules organisations paysannes agricoles reconnues par
la loi. Et donc, le GIC ou la coopérative constituent le seul moyen pour les agriculteurs
d’être reconnus en tant que groupe. Et, leurs principaux partenaires, notamment les
310
services du ministère de l’agriculture, les organismes d’appui au développement
agricole et certains partenaires privés d’amont ou d’aval, n’entrent en contact avec les
agriculteurs que par l’intermédiaire des GIC. Une telle option se trouve notamment
justifiée par le fait que, pour un village de plusieurs milliers d’agriculteurs comme
dans les cas de Fokoué et de Galim, il serait trop fastidieux et coûteux de travailler
avec chaque agriculteur pris individuellement.
De part leurs positions de délégués, les leaders paysans sont donc des
interlocuteurs privilégiés d’intervenants extérieurs importants en particulier pour les
programmes de l’Etat et pour ceux des ONG. A ce titre, ils jouent donc un certain rôle
de notables du monde agricole.
4- Les responsables de GIC : leaders agricoles, mais pas leaders ruraux
En devenant des interlocuteurs pour ces partenaires, les responsables des GIC
jouent ainsi un rôle significatif au niveau des communautés rurales. Du temps de la
caféiculture, les leaders du monde agricole qui étaient administrateurs des coopératives
et qui étaient aussi les dirigeants des organes du parti au pouvoir exerçaient en fait les
rôles de principaux leaders du monde rural. Ils occupaient le devant de la scène
politique. Il s’agissait très souvent de gros planteurs198 dont les quantités importantes
livrées à la coopérative contribuaient à leurs accès aux conseils d’administration. Du
fait des liens qui existaient entre le parti au pouvoir et le mouvement coopératif, ces
caféiculteurs délégués aux conseils d’administration ou responsables locaux de la
coopérative occupaient des postes de responsabilité au niveau des organes du parti.
Ainsi, en étant les représentants des paysans sur le plan agricole, ils l’étaient aussi sur
le plan politique à travers leurs fonctions politiques ou leur rôle dans les choix des élus
politiques : conseillers municipaux, maires et députés. Il s’agissait donc des notables
du monde rural au sens de Mendras (1995), c'est-à-dire assurant le lien entre celui-ci et
la société globale.
Avec les évolutions des années 80 et 90, les leaders agricoles ne sont plus les
leaders locaux sur le plan politique. Ils y occupent certes des positions, mais moindres
que celles qu’occupaient les dirigeants agricoles d’hier. Le leadership politique local 198 Avec le nivellement des techniques de production, c’est la superficie et la main d’œuvre qui deviennent des éléments déterminants des quantités produites.
311
est accaparé par les élites économiques et politiques vivant hors du village. Ces
positions politiques leur servent d’ascenseurs professionnels (accès à de hautes
fonctions de l’Etat ou des entreprises étatiques), permettant de peser dans les
négociations comme par exemple celles des marchés publics au niveau des ministères
pour les hommes d’affaires, de bénéficier d’avantages dont le non paiement de
certaines taxes199.
Ces élites occupent les fonctions de maire ou de député, ils président les
organes de base des partis politiques, très souvent de celui au pouvoir. Les leaders
actuels du monde agricole se trouvent finalement à l’écart avec une position assez
marginale sur le plan politique. Ces propos d’un responsable de GIC illustrent notre
analyse :
« Avant dans ce village, c’est monsieur PP qui était responsable de la sous-
section de l’UNC et après du RDPC200. Il l’a été pendant plusieurs années. C’est à sa
mort que j’ai pris le flambeau […] De son vivant, qui d’autre pouvait oser vouloir son
poste [rires]. C’était des touts puissants. Sachez que le parti politique était très fort et
un responsable de la section départementale pouvait faire affecter un préfet en un clin
d’oeil. Si un préfet s’amusait, il lui donnait 24 h pour le faire partir […].
Comme je vous disais, j’ai tenu le flambeau du parti dans ce village pendant dix
ans. J’étais tenace et il fallait être courageux quand le multipartisme est revenu et que
le parti au pouvoir était en difficulté. J’ai résisté et je tenais toujours le flambeau. Ce
n’est que depuis quelques temps que j’ai passé le flambeau à notre élite, le directeur
général de AA. Vous savez que maintenant ce sont les postes politiques comme ça que
ces gens de la ville cherchent. C’est ça qui leur permet de se maintenir dans les hautes
fonctions ».
Ainsi les leaders agricoles de Galim et de Fokoué occupent des postes
relativement bas sur le plan politique comme nous le montre le tableau suivant :
199 Avec le retour du multipartisme en 1991, les suffrages pour les postes de maires ou de députés deviennent un enjeu important pour le parti au pouvoir et constituent une des bases permettant de garder le pouvoir. De ce fait, les personnes pouvant lui permettre de réunir le maximum de suffrages sont dès lors des personnes-clés et influentes du parti. Une telle position permet en retour d’accéder à de hautes fonctions ou de jouir d’une influence au niveau des administrations du pays et de pouvoir mieux négocier et obtenir des faveurs comme la réduction des taxes, l’accès à certains secteurs comme l’exploitation forestière, etc. 200 La sous section d’alors correspond à l’actuelle section.
312
Tableau 21 : Postes occupés au sein des parti politiques par les enquêtés
Poste au sein des partis politiques Galim Fokoué Total
Simple membre du RDPC 10 13 23
Autre responsabilité (vice président, trésorier, secrétaire)
au sein des organes de base du RDPC
3 12 15
Président sous section RDPC 4 10 15
Simple membre SDF 1 2 3
Président comité de base RDPC 1 1 2
Président section SDF201 0 1 1
Total 19 39 58
La plupart des leaders (74 %) occupent des fonctions au sein des partis
politiques. Il s’agit en général de fonctions mineures, la fonction la plus haute occupée
est celle de président de section, mais il s’agit là d’un parti politique d’opposition, ce
poste ne correspond donc pas à un enjeu puisqu’il ne peut pas servir d’atout,
« d’ascenseur » dans l’administration de l’Etat. La plupart des sous sections du RDPC
(parti au pouvoir) sont devenues des sections depuis environs deux ans. Aucun de ces
leaders agricoles n’est président de section du parti au pouvoir, ni maire, ni député. Le
maire de Fokoué est le directeur général d’une grande entreprise publique et réside à
Yaoundé, le député est un homme d’affaires habitant aussi à Yaoundé. La députée de
Galim est une femme d’affaires dont l’époux est un richissime homme d’affaires bien
connu au Cameroun et dans plusieurs pays d’Afrique. Ce sont ces notables-là qui sont
en lien avec le monde politique extérieur et donc les représentants, les porte-parole de
communautés rurales dont ils sont originaires mais où ils ne résident pas202.
En résumé, les notables agricoles ont un rôle politique bien moindre et leur
position n’est plus une position de rente (financière et de positionnement) comme ce
fût le cas pour ceux de l’époque caféière. Ils jouent les rôles importants de notables du
monde agricole, mais sur un plan général ce sont de « petits notables du monde rural »
201 Social Democratic Front, principal parti politique d’opposition. 202 Nous n’avons pu calculer le pourcentage « d’élites » membres des deux conseils municipaux et vivant à l’extérieur de Galim ou de Fokoué. Mais ils y sont nombreux pour les raisons évoquées.
313
à coté des « grands notables » que sont les élites intellectuelles et économiques
occupant les fonctions politiques du niveau local.
5- La légitimité des leaders : une question complexe
Le rôle de représentants de groupes d’agriculteurs joué par les leaders agricoles
amène à s’interroger sur les processus permettant d’accéder aux postes de responsables
d’organisations paysannes agricoles. En effet, la question de la légitimité des leaders
se pose des lors que l’on se demande dans quelle mesure ils sont mandatés par ceux
qu’ils sont sensés représenter ou encore comment ils incarnent les aspirations, les
intérêts de leur groupes : sont-ils des représentants légitimes de ceux pour qui et au
nom de qui ils sont mandatés ?
Comme cela a été dit, presque tous ces leaders ont passé beaucoup de temps
hors de leur village et dans la plupart des cas dans des grandes villes (Douala et
Yaoundé). Ce séjour peut en avoir éloigné certains des réalités rurales. Sur ce plan, nos
observations révèlent une diversité de cas : des leaders agricoles dont les positions et
les conceptions sont éloignées de celles des agriculteurs, et des leaders portant les
aspirations des agriculteurs dont ils se réclament.
Pour ce qui est des modes d’accès à ces responsabilités, nos enquêtes relèvent
que très souvent les leaders ont été à la base de la création de leurs organisations,
accédant ainsi à leurs fonctions presque par eux-mêmes et tirent leur légitimité de la
reconnaissance par les agriculteurs de leur travail de mobilisation203. A Fokoué, un
seul leader sur les 46 enquêtés dit avoir succédé au leader promoteur. Tous les autres
sont les seuls à leur poste depuis la création de leurs organisations. A Galim, 20
leaders sur les 26 occupent leurs postes depuis la création de leurs organisations. Ce
mode d’accès à leurs postes se démarque d’autres pratiques, en particulier de celle
basée sur la désignation comme c’est le cas pour les chefs traditionnels bamiléké, ou
de celle basée sur l’élection comme le prône la gouvernance démocratique.
203 Ils se situent ainsi entre d’eux mondes et l’apprentissage de l’intermédiation entre ces deux mondes les dotent ainsi de ressources précieuses (maniement des langages, aptitude à communiquer avec les deux mondes, etc) faisant qu’ils soient les plus aptes à assurer le leadership de leurs organisations.
314
Conclusion
Dans des contextes locaux comme Fokoué et Galim, le dispositif agricole
autrefois centré sur l’Etat - Coopérative – Notable Planteur se traduisait par un
leadership local accaparé par l’élite politique locale. Celle-ci se retrouvait aux
fonctions de responsables élus de la coopérative caféière et assurait les liens entre les
agriculteurs et l’ensemble de la société, en particulier le système politique.
Avec les évolutions des années 80 et 90, on assiste à un éclatement du
leadership agricole avec l’apparition de multiples délégués de GIC. Ceci correspond à
une liberté et une pluralité dans l’expression du milieu agricole qui a désormais
beaucoup de leaders et donc de porte - parole. Ces nouveaux leaders sont les
interlocuteurs de plusieurs partenaires au développement agricole, en particulier les
programmes étatiques et les ONG. Mais contrairement aux leaders agricoles de
l’époque caféière qui étaient en même temps responsables au sein du parti politique,
les nouveaux leaders agricoles ne le sont pas.
En étant des médiateurs entre les groupes d’agriculteurs et les partenaires au
développement agricole, ces nouveaux leaders restent ainsi des notables ruraux, mais
de moindre envergure.
315
Conclusion de la partie III
Cette conclusion résume des aspects transversaux aux cinq chapitres de cette
partie en abordant deux thèmes. Le premier, le plus longuement traité, concerne les
quatre dispositifs étudiés dans leurs relations avec les agriculteurs et entre eux. Le
deuxième tente un début de synthèse sur Galim et sur Fokoué.
Les dispositifs les plus importants, ceux des commerçants ?
Les quatre types de dispositifs du secteur agricole du pays Bamiléké sont celui
de l’État, surtout géré par le ministère de l’agriculture avec environ 500 ingénieurs et
techniciens, celui des ONG avec environ 50 cadres permanents, celui des commerçants
qui aurait environ 300 points de vente et celui de l’UCCAO qui annonce 500 salariés
non rémunérés. Les ordres de grandeur concernant ces effectifs doivent être considérés
avec une extrême prudence. Ainsi les agents des délégations du ministère de
l’agriculture se rendent auprès des agriculteurs seulement lorsqu’ils disposent de
moyens de déplacement et éventuellement d’une prime. On a vu que le budget de
fonctionnement d’un salarié d’une ONG serait environ huit fois plus important que
celui d’un agent du ministère de l’agriculture.
Seul le dispositif de l’État connaît une certaine coordination interne au niveau
central204; au contraire, entre les ONG comme entre les différents réseaux de
commerçants, il y a concurrence et aucune coordination. Aucune concertation n’existe
entre les quatre types de dispositif.
Une grande partie des agriculteurs ne sont en relation qu’avec les commerçants
et ne font pas partie d’une organisation paysanne agricole même s’ils sont par ailleurs
membre d’un groupe traditionnel d’entraide. Des informations techniques leur sont
rapportées par des voisins, par les revendeurs d’intrants et souvent par le journal « La
voix du paysan ».
204 Mais absente entre les programmes spécialisés par filière.
316
Les organisations paysannes sont essentiellement composées des 5500 GIC
existant dans la région et dont chacun réunit en moyenne 10 agriculteurs205. Ceci
représenterait environ une proportion très approximative de 20 % des exploitants
agricoles de la région. Les membres participent peu à la vie de leur groupe sauf si
celui-ci leur apporte des solutions avantageuses pour la commercialisation de leurs
produits ou pour le financement de leur exploitation. En effet, ce sont là les deux
préoccupations prioritaires des membres des GIC. Mais plusieurs expériences
finalement malheureuses montrent qu’il s’agit de domaines dans lesquels il est très
difficile pour les GIC et les ONG de réussir des initiatives.
Pour le dispositif de l’État, il convient de distinguer deux catégories : d’abord,
l’ensemble des agents dont la majorité est affectée au PNVRA, Programme National
de Vulgarisation et de Recherche Agricole, qui ne dispose de presque aucun moyen
depuis 2004. D’autre part, depuis quelques années, il y a une minorité du personnel
contribuant aux grands projets nationaux des filières agropastorales qui, très
centralisés, attribuent des aides à certains GIC demandeurs qui sont donc dispersés sur
le territoire. Y aurait-il un retour de l’État avec ces programmes liés à l’initiative PPTE
(Pays Pauvres Très Endettés) à l’inverse des politiques de désengagement des années
1990 ?
Chaque ONG s’est constitué son propre réseau d’OP qu’elle a formatées et avec
lequelles elle établit des relations exclusives qui ne sont pas le fruit d’interactions entre
partenaires locaux, mais sont surtout déterminées par la stratégie de l’ONG elle-même
conditionnée par les priorités des bailleurs de fond internationaux. Certaines ONG,
telles que le SAILD et le CIPCRE, sont amenés à des « repositionnements
stratégiques », c’est-à-dire à des changements de priorités de manière à s’adapter aux
nouveaux thèmes « porteurs » auprès des bailleurs de fond : cf., à Galim, le cas des
mutuelles de santé pour le SAILD s’éloignant ainsi des actions du secteur agricole ; ou
encore, le PRP pisciculture qui se désengage de Fokoué, mais qui crée une plate forme
provinciale de pisciculteurs et étend ses activités dans l’Est Cameroun.
Les filières des distributeurs d’intrants et les réseaux de commercialisation des
produits agricoles sont très importants parce qu’ils assurent les approvisionnements en
205 Ou plutôt 10 actifs agricoles dont plusieurs appartiennent souvent à la même famille.
317
intrants agricoles (en semences, en engrais et en produits phytosanitaires) ainsi que les
débouchés des productions des agriculteurs, mais aussi parce qu’ils constituent les
principales sources d’informations techniques pour la majorité des agriculteurs, pour
ce qui concerne les intrants et surtout en période de « veille » du PNVRA.
La création et le fonctionnement de chaque organisation paysanne repose
essentiellement sur son responsable, son leader, qui exerce au moins les trois fonctions
suivantes : celui d’animateur du groupe, celui de porte-parole avec les partenaires
extérieurs et celui de gestionnaire des activités. Ces leaders sont pris entre deux
mondes : celui des agriculteurs qui se situent dans le monde réel, notamment celui de
l’économie de marché (« celui où on gagne son argent ») et avec des besoins clairs et
concrets et le monde des partenaires extérieurs, celui des organismes d’appui, en
général une ONG ou un projet, (« celui où on trouve de l’argent ») avec des offres
d’aide souvent prédéterminées et inadaptées. Le leader doit aussi arbitrer entre ses
activités personnelles, pour sa famille et pour lui-même, et celles consacrées à son OP,
sauf dans les cas sans doute fréquents où cette dernière sert les intérêts matériels ou
symboliques de son leader.
Galim, une localité agricole en avance sur Fokoué
Nous faisons ici une synthèse de quelques-uns des aspects étudiés sur Galim et
sur Fokoué dans les différents chapitres de cette partie.
Les terres de Galim sont particulièrement favorables à l’agriculture avec des
terres planes et d’accès facile, aux sols riches. Ceci explique la création de plantations
de caféiers par les exploitants européens avant les années 50, puis les installations des
migrants camerounais vers les années 70 et enfin, la venue des ONG qui trouvaient là
des agriculteurs déjà habitués aux activités communautaires initiées par les églises et
qui réalisaient d’autres productions marchandes en plus du café. C’est une ancienne
zone de maraîchage débuté dans les années 70 et qui est devenue un bassin de
production de maïs et de haricot à partir des années 80.
Les ONG sont arrivées très tôt dans l’arrondissement : dès 1988, pour le SAILD
et, en 1990, pour le CIPCRE. Les associations paysannes de Galim sont diversifiées et
deux d’entre elle, le Binum et Madzong Kwannon, affichent plusieurs centaines de
318
membres et certains groupes dissidents ont même cherché à prendre leur indépendance
par rapport à l’une des ONG tutrices, le SAILD. Mais ces OP sont moins nombreuses
qu’à Fokoué, les agriculteurs ayant davantage eu le temps de faire l’expérience des
limites de ces associations.
Fokoué a un relief accidenté et des sols moins favorables à l’agriculture que
ceux de Galim. Ce fut une zone de caféiculture qui n’a commencé le maraîchage que
vers la fin des années 90, en particulier avec la présence d’un agriculteur entreprenant
de Fokoué revenu de la ville suite à la crise et qui s’est impliqué dans la production de
semences de pommes de terre.
Les jeunes agriculteurs sont très rares à Fokoué en raison de la faible rentabilité
de l’activité agricole sur ces terrains accidentés et aux sols peu fertiles. Les
organisations paysannes y apparaissent à partir de 2003 grâce à l’action des agents de
vulgarisation du ministère de l’agriculture dans le cadre des programmes de l’État et
elles sont nombreuses. Aucune ONG n’intervient dans cet arrondissement, le PRP
pisciculture étant un cas très particulier.
319
CONCLUSION GENERALE
Cette conclusion est articulée autour de trois thèmes qui sont complémentaires
des conclusions des parties. Ces thèmes sont :
1- La pertinence du concept de dispositif comme cadre d’analyse
2- Des réflexions sur les dispositifs du secteur agricole bamiléké
3- Les concertations régionales des acteurs du secteur agricole bamiléké
Auparavant, rappelons la question centrale de cette thèse et le concept de
dispositif qui a servi d’outil d’analyse. Cette question est de savoir comment les
acteurs du secteur agricole en pays Bamiléké ont évolué suite aux crises des années 80
et 90 et dans un contexte de décentralisation. Les acteurs du secteur agricole de cette
région de l’Ouest Cameroun que nous avons étudiés sont :
- l’Etat, principalement à travers les services du ministère de l’Agriculture dans la
région (environ 500 ingénieurs et techniciens), ses programmes et ses projets
- les organisations non gouvernementales (ONG)206 qui mobilisent environ 50
cadres permanents dans la région
- les commerçants d’intrants agricoles207 (300 points de vente) et ceux de produits
agricoles.
- l’UCCAO (Union Centrale des sociétés Coopératives Agricoles de l’Ouest
Cameroun) en plein marasme
- les agriculteurs et leurs organisations paysannes, principalement les 5500 groupes
d’initiative commune (GIC) créés depuis 1993.
Un dispositif est constitué d’un ensemble hétérogène de composantes humaines
(acteurs, groupe d'acteurs), de composantes matérielles (ressources naturelles,
machines, etc.) et de composantes non humaines et immatérielles (idéologies,
représentations, règles, ressources financières, etc.). Ces composantes sont en
interaction entre elles et avec des facteurs de l'environnement du dispositif, ces
processus d'interaction produisant des changements observables.
206 Avec les services de l’Etat, ils correspondent aux organismes d’appui au développement. 207 Ce terme désigne les approvisionnements : semences, engrais, produits phytosanitaires,etc.
320
I- Le concept de dispositif comme cadre d’analyse
1- Le concept de dispositif : un outil d’analyse pertinent
Le concept de dispositif s’est avéré très fécond comme outil d’analyse des
mutations du secteur agricole bamiléké. Au début de mes travaux en 2005, et en
m’appuyant sur mon expérience de recherche sur les contrats territoriaux
d’exploitation (CTE ) et les contrats d’agriculture durable (CAD) en Corse en 2004,
j’étais enclin à rechercher des dispositifs formels, labellisés et même stabilisés, comme
ce fut presque le cas pour le dispositif CTE/CAD en Corse. Après mes premières
enquêtes exploratoires dans l’Ouest Cameroun en 2005, je concluais précocement à
l’absence de dispositifs et donc à une absence de pertinence analytique de ce concept
pour le secteur agricole bamiléké. En effet, je recherchais des cadres de concertation
réunissant formellement les acteurs de ce secteur.
Mais, ensuite, les entretiens approfondis avec des représentants de ce secteur,
précisément sur leurs stratégies d’intervention, et les analyses qui ont suivi, ont révélé
des interactions structurant les relations de cet espace social, conduisant à des
ensembles d’interactions relativement autonomes et se démarquant les uns des autres.
Ces travaux ont permis aussi de se rendre compte du rôle d’autres facteurs non
humains qui influencent les stratégies des acteurs de ce secteur et sont donc en lien
avec la dynamique d’évolution de celui-ci. En particulier, il s’agit des options
politiques de l’Etat qui étaient passées du contrôle à la libéralisation, l’ancien contrôle
étant basé sur le monopole confié à l’unique coopérative régionale, l’UCCAO, en
matière de commercialisation du café. Par ailleurs, ont été mis en évidence les liens
entre les membres de ce secteur et d’autres acteurs extérieurs à lui : les ONG du Nord,
les services centraux de l’Etat, les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, les
firmes agrochimiques internationales et leurs partenaires commerciaux au Cameroun.
Le concept de dispositif a alors repris tout son sens comme outil d’analyse dans notre
démarche de recherche.
L’utilisation du concept de dispositif nous a permis de mettre en évidence le
rôle déterminant d’autres composantes non humaines, notamment les règles instituées
et les caractéristiques du contexte, à la fois sur le plan global et sur le plan local : les
321
procédures que doivent suivre les agriculteurs pour accéder aux appuis offerts par
certains partenaires, les ressources financières et matérielles, la diversité du contexte
physique influençant l’évolution des agricultures locales, etc. Cette recherche nous a
aussi permis de constater l’existence de mécanismes sociaux à l’œuvre entre les
acteurs du secteur agricole bamiléké : la constitution de réseaux de paysans clients par
chaque leader de dispositif, la justification de la légitimité et le maintien du rôle
d’intermédiaire, ou encore la désignation des responsables exécutifs de la coopérative
agricole par l’Etat.
Nous avons dégagé quatre grands types de dispositif sur lesquels nous revenons
dans la partie II de cette conclusion : les dispositifs pilotés par l’Etat et ses
programmes, les dispositifs dirigés par les ONG, les dispositifs promus par les
commerçants, le dispositif de l’UCCAO et de ses coopératives.
2- Limites du concept de dispositif
Malgré l’utilité opératoire du concept de dispositif dans une démarche de
recherche sur les dynamiques pluri-acteurs, cette thèse met en évidence certaines
limites de ce concept, du moins tel que nous l’avons utilisé, malgré sa contribution
significative à l’éclairage des dynamiques en cours. Il amène à se centrer plus sur les
interactions et à aborder les résultats des initiatives des acteurs en s’intéressant surtout
au nombre de personnes atteintes par l’action et peu à l’impact réel au niveau des
bénéficiaires, par exemple l’augmentation de revenu induite par la participation d’un
agriculteur à un projet ou les compétences acquises par les agriculteurs suite aux
interactions.
Par ailleurs, ce concept privilégie les déterminants des stratégies d’acteurs
découlant des interactions ou du contexte d’acteurs où ils se trouvent. De ce fait, les
facteurs relevant de dynamiques internes aux organisations, des choix ou des actions
des individus sont peu abordés. Or, on ne peut pas négliger par exemple l’influence
des caractéristiques des ONG (mode d’organisation et de fonctionnement, ressources
humaines et matérielles, etc.) et celles de leurs promoteurs (charisme, créativité,
diplomatie, etc.) sur leurs stratégies. Par ailleurs, ces ONG influencent aussi les
évolutions des politiques des bailleurs de fonds.
322
De plus, la dimension historique de la réalité ne se trouve pas suffisamment
prise en compte par cette approche. Par exemple, la culture et l’histoire des membres
d’une organisation paysanne208 (OP), qui sont également celles de leur communauté
locale, jouent un rôle dans le fonctionnement de cette OP. C’est souvent la culture
propre et l’histoire de ces OP qui leur permettent de constituer des cadres qui offrent
l’occasion aux paysans de communiquer ou de mieux interagir avec l’extérieur et qui
sont des laboratoires insoupçonnés d’initiatives parfois loin d’être celles qui sont
recherchées par les ONG qui les encadrent (cf. par exemple, le cas de paysans de
Galim qui, à partir d’un rassemblement organisé par l’ONG SAILD, initient d’eux-
mêmes des actions sur la production locale de semences de maïs).
Ainsi, certaines de ces organisations font l’objet d’appropriations par les ruraux
et fonctionnent selon une double dynamique, l’une endogène et l’autre construite de
l’extérieur et qui est entretenue et affichée par l’OP pour des raisons stratégiques. A ce
sujet, un aspect important, qui mériterait un approfondissement, serait de comprendre
comment de telles dynamiques (suscitées ou voulues) parviennent à co-construire des
identités sociales hybrides.
II- Des réflexions sur le secteur agricole bamiléké
Le secteur agricole bamiléké est aujourd’hui caractérisé par quatre types de
dispositif : le dispositif promu par l’Etat, celui promu par les ONG et les associations
de développement, celui des commerçants et enfin celui de l’UCCAO. Pour
caractériser ceux-ci de manière synthétique et pour éclairer nos résultats, il paraît
intéressant de revenir sur les deux logiques de base à l’œuvre, celle de l’intermédiation
et celle du marché. Celles-ci peuvent caractériser deux champs dans le sens de
Bourdieu, celui des organismes d’aide au développement basé sur la logique de
l’intermédiation (cf. ce qui suit sur le courtage) et celle des entreprises commerciales
fondées sur la logique du marché. Les dispositifs rencontrés se répartissent alors en
deux catégories avec la concurrence comme trait dominant général (§1). Le champ de
208 Pour organisation paysanne agricole.
323
l’intermédiation suppose des qualités de « courtier » identifiées dans ce travail et que
des auteurs ont bien mis en évidence (§2).
1- Les deux champs de l’intermédiation et du marché
Pour Bourdieu (2002)209, les champs sont « des espaces structurés de position
(ou de postes) […]. Dans tout champ on trouvera une lutte, dont il faut chaque fois
rechercher les formes spécifiques, entre le nouvel entrant qui essaie de faire sauter les
verrous du droit d’entrée et le dominant qui essaie de défendre le monopole et
d’exclure la concurrence». Les jeux d’acteurs que nous avons observés révèlent ainsi
deux catégories de champ : celui des intermédiaires de l'aide au développement et
celui des marchands des « intrants » et des produits agricoles210. Chacun de ces
champs est marqué par la compétition entre les protagonistes qui s’y trouvent.
Dans le pays bamiléké, les dispositifs du champ de l’intermédiation sont ceux
de l’Etat et de ses programmes et projets, ceux des ONG et de certaines OP,
accessoirement ceux de l’UCCAO. L’enjeu est de réussir à faire l’intermédiaire entre
les partenaires financiers du développement et les bénéficiaires, notamment les
paysans. Ces dispositifs fonctionnent selon la logique de l’aide au développement, loin
parfois de l’efficacité et de l’efficience. Les promoteurs de ces dispositifs semblent
surtout guidés par la construction d’éléments probants permettant de mieux justifier
leur position et d’être crédibles auprès des financeurs pour de nouveaux accès à l’aide.
Les dispositifs de marché ou de conquête de marché sont ceux des commerçants
où l’enjeu ici est d’être rentable, de faire des bénéfices en accédant au plus grand
nombre de paysans, ceux-ci ayant alors un statut de clients. Tout en suivant les
logiques du marché, les entreprises concernées ont recours à certaines approches qui
peuvent ressembler à celles de l’autre type de dispositif (encadrement technique sans
frais par exemple) dans la mesure ou elles permettent de mieux réaliser les objectifs
commerciaux. Toutefois ce conseil est influencé par les stratégies de marketing et il
porte seulement sur les produits vendus et pas sur tous les aspects des itinéraires
209 Questions de sociologie, Les Editions de Minuit, pp.113-114. 210 Il s’agirait de « trouver de l’argent » pour les premiers et de « gagner de l’argent » pour les seconds.
324
techniques de production. De plus, chez plusieurs distributeurs, la logique du bénéfice
prend le pas sur ce qui pourrait être appelé une éthique professionnelle.
Le champ selon Bourdieu est notamment caractérisé par le phénomènes de
concurrence qui sont apparus très présents dans nos observations : entre les ONG,
entre celles-ci et l’Etat, entre ces deux catégories et l’UCCAO, existe une forte
compétition, chacun cherchant à préserver son réseau et à assurer la viabilité de son
dispositif. Ainsi, chacun tente d’être le meilleur intermédiaire possible dans la réalité
ou en se présentant comme tel. Entre les commerçants d’intrants, c’est aussi une
situation de concurrence pour la conquête du marché ou la préservation de la clientèle.
L’existence et la survie de chaque acteur dépendent de certaines compétences,
de certaines capacités, qui constituent un « capital » dont la nature n’est pas la même
dans les deux cas : étudions seulement le cas des intermédiaires du développement,
aussi qualifiés de courtiers du développement.
2- Les « capitaux nécessaires » des courtiers du développement Selon Olivier de Sardan et Bierschenk (1993), les courtiers du développement
sont des « acteurs sociaux implantés dans une arène locale qui servent
d'intermédiaires pour drainer (vers l'espace social correspondant à cette arène) des
ressources extérieures relevant de ce qu'on appelle communément « l'aide au
développement » ». Correspondent bien ici à ces courtiers au sens large : les ONG bien
sûr, aussi l'État et ses projets, mais même certaines organisations paysannes et aussi
l’UCCAO et, chacun ayant plus ou moins de succès.
Dans la région étudiée, les dispositifs au sein desquels se trouvent ces nouveaux
courtiers les amènent à devenir des centres de création, de récolte et de transmission
d'informations à travers des rapports, des communications, ceci en se situant entre les
partenaires financiers internationaux et les populations bénéficiaires qui sont dans ce
cas des agriculteurs individuels ou organisés. Ces courtiers se rapprochent bien de ce
que Boissevain (1974) appelle « manipulateur professionnel de personnes et
d'informations qui crée de la communication en vue d'un profit ». Dans les cas que
nous avons étudiés, le profit espéré, ce que nous appelons parfois dans cette thèse
l’enjeu, constitue une ressource de pouvoir que procure l’intermédiation, mais il s’agit
325
aussi des ressources financières ou matérielles. Les différents types de dispositif
promus par les ONG, l'État, l’UCCAO et les organisations paysannes peuvent donc, de
ce point de vue, être considérés comme des dispositifs de courtage dans les milieux
dits du développement.
Afin de réussir son travail d’intermédiation, le courtier dispose d’un capital
composite constitué à la fois d’un capital social, d’un capital culturel, d’un capital
financier et d’un capital technique.
Le capital social correspond à un atout décisif pour les protagonistes des
dispositifs que nous étudions en tant que possibilité de se connecter à des bailleurs de
fonds. Ceci concerne donc aussi bien l’Etat que les ONG, ou même l’UCCAO. A un
autre niveau, les groupes d’agriculteurs sont concernés dans leurs rapports avec leurs
financeurs directs : programmes de l’Etat, opérations des ONG. Ce sont les relations
avec l’agent de vulgarisation de zone (AVZ), les passages réguliers aux services de
l’agriculture, la recherche de l’information utile, etc.
Pour les grandes ONG locales, les relations avec les bailleurs de fonds jouent
sur d’autres registres parmi lesquels l’ancienneté des relations et la communauté des
visions du monde ou des idéologies, la capacité pour les leaders des ONG du Sud
d’entretenir en permanence leurs réseaux et d’être au fait des dernières thématiques
« porteuses ». Les cas des deux principales ONG présentes à Galim et à Fokoué
illustrent bien ces conditions (cf. chapitre X).
Le capital culturel, c’est bien comprendre les langages de ces milieux du
développement, savoir décrypter ce qui importe pour les destinataires de la demande
d’appui (notamment pour les éléments de justification de projets) de manière à rester
en contact avec les agents de ces projets et avoir les « bons » contacts.
Le capital financier repose sur la contribution au coût des projets soumis pour
financement, la crédibilité financière à travers une histoire bancaire témoin de la bonne
gestion passée garantie par l’absence de détournements et le remboursement normal
d’éventuels crédits antérieurement reçus, ainsi qu’à l’existence d’un compte bancaire
326
comme preuve de l’existence de mécanismes modernes de gestion (pour les groupes
d’agriculteurs).
Le capital technique concerne l’expertise nécessaire pour produire les
documents constitutifs du dossier de demande à soumettre. Pour les groupes
d’agriculteurs et pour les petites ONG, ceci requiert des compétences n’existant
souvent pas au sein du groupe et obligeant donc à recourir à des prestataires. Ce capital
technique consiste non seulement en des connaissances de base, mais aussi dans
l’habitude acquise pour l’élaboration de tels documents. Pour les ONG, on peut inclure
dans ce capital technique les réalisations et les investissements passés et réussis,
l'existence des partenaires bénéficiaires qu'ils peuvent présenter et qui sont des actifs
importants à leur compte pour se crédibiliser et se légitimer comme courtiers.
Mais le courtage fait intervenir aussi des capacités à saisir les orientations
nouvelles, les thématiques d'actualité, ce que facilitent les déplacements réguliers de
ces promoteurs entre leurs pays de résidence ou d'activité et l'Europe où ils rencontrent
très régulièrement les bailleurs de fonds. Il est apparu lors des entretiens que ces
dirigeants d’ONG se rendent en Europe au moins une fois par mois en moyenne et ils
ont ainsi l'occasion de saisir assez vite les nouvelles orientations et de pouvoir adapter
leur projets.
Cependant ces courtiers font face à de nouvelles demandes des acteurs en amont
(bailleur de fonds) qui font eux-même partie de dispositifs plus englobants de niveau
international et il serait imprudent de penser que leur position de courtier est acquise
pour longtemps.
Ainsi, les difficultés de l’UCCAO et son déclin montrent que le courtage exige
aussi de ses responsables des capacités à s'adapter et à développer de nouvelles
compétences. Dans le contexte actuel, l’UCCAO peine à se positionner tant au niveau
de l’aide au développement qu’à celui du marché. Même vis-à-vis de l'État, son allié
d'hier, elle n'a pas pu s'intégrer dans le dispositif issu de l'initiative de désendettement
baptisé initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés).
327
III- Les concertations régionales du secteur agricole
Comme déjà évoqué, c’est un thème important et d’actualité que pose fortement
notre constat de l’absence totale de concertation existant entre les différents acteurs ou
dispositifs du secteur agricole bamiléké (§1) et au sujet duquel on s’interroge sur les
capacités d’action de la nouvelle plate forme provinciale des organisations paysannes
(§2).
1- Une absence de dynamique de concertation du secteur agricole
L’analyse du paysage d’acteurs à l’échelle régionale du pays Bamiléké n’a
révélé aucune dynamique collective mobilisant les différents partenaires du
développement agricole, que ce soit au niveau régional ou local. Ceci est très différent
de ce que nous observions en Corse (2004) où on avait à faire à un dispositif territorial
mobilisant les acteurs agricoles sur des questions agri-environnementales à travers des
dynamiques collectives de concertation. Il y existe aussi un office de développement
agricole et rural (ODARC), outil régional de la collectivité territoriale de Corse en
charge des questions de développement agricole.
Les analyses ont révélé des ressources limitées pour le développement agricole
en pays Bamiléké : faibles montants des moyens octroyés aux agriculteurs, rareté des
ONG intervenant sur place, nombreuses zones non couvertes par certains acteurs,
notamment les ONG ou les commerçants d’intrants.
Une dynamique régionale permettrait d’accroître l’efficacité de l’offre globale
de services disponible pour l’agriculture de la région et on pourrait éviter des doubles
emplois, par exemple avec quelques groupes de paysans qui reçoivent des appuis
conséquents alors que bien d’autres ne reçoivent rien. Ceci constituerait aussi un cadre
pour mobiliser la participation des différents acteurs du secteur agricole, notamment
les agriculteurs et leurs organisations dont l’absence de participation a été plusieurs
fois regrettée (Tchala-Abina, 1984).
Par ailleurs, les interventions de développement agricole restent concentrées au
niveau national à Yaoundé et le niveau régional n’est impliqué que par une délégation
328
de certaines activités techniques aux services déconcentrés via les points focaux. Or,
comme le note Nji (2004), une telle approche est préjudiciable pour le développement
agricole et la lutte contre la pauvreté. Les choix sont en effet centralisés entre les
mains de quelques individus basés dans la capitale, loin des agriculteurs à la fois dans
le temps et dans l’espace. Nji (idem) observe aussi qu’une telle approche prive les
communautés rurales et les organisations paysannes du rôle attendu d’elles dans la
conception, la mise en œuvre, le suivi-évaluation des programmes de développement
agricole.
Le secteur agricole du pays Bamiléké et partant celui de la province de l’Ouest,
ne se trouve ainsi pas assez structuré pour son positionnement et sa participation à la
gestion future envisagée à l’échelle de la région de l’Ouest Cameroun prévue par le
processus de décentralisation en cours.
2- Une plate forme des organisations paysannes sans dynamique fédérative
La plate forme provinciale des organisations paysannes est la seule organisation
présentée comme une dynamique fédérative paysanne. Nos entretiens avec ses
responsables montrent que c’est une initiative guidée et contrôlée par le ministère de
l’Agriculture à travers la mise en œuvre du projet PARI211. Mais ces plate formes
régionales n’ont encore aucune activité effective sur le terrain. Selon nos entretiens
avec des responsables provinciaux de cette plate forme, la sensibilisation faite par les
agents du ministre promettait des appuis et présentait cette plate forme comme le cadre
dans lequel l’Etat offrirait désormais des appuis aux agriculteurs. Ainsi, il aurait été dit
que les appuis prévus dans le cadre du programme ACEFA212, en voie de mise en
œuvre par le ministère de l’Agriculture, seraient gérés par les plates formes. Certains
responsables de cette plate forme provinciale nous ont parlé de leur malaise ne sachant
pas quoi répondre face aux réclamations pressantes des bénéficiaires qui se lassent
d’attendre les appuis promis. Le projet de plan d’action de la période février - juillet
2008 prévoit essentiellement des activités au niveau de la centrale provinciale dont on
211 Projet d’Appui au Renforcement Institutionnel. 212 ACEFA : Appui à la Compétitivité des exploitations agricoles. Projet du ministère de l’agriculture dont certains responsables sont déjà nommés et qui est présenté comme devant avoir autant de moyens qu’en a eu le PNVRA au temps du financement par la banque mondiale.
329
voit peu les retombées des activités pour la paysannerie alors qu’il s’agit surtout de
faire exister une équipe centrale.
Cette plate forme n’est donc pas une dynamique portée par une volonté
paysanne de se constituer en force de réflexion, de proposition, d’action ou d’influence
auprès d’autres acteurs (dont l’Etat). Sa mise en place actuelle est contrôlée et presque
conduite par l’Etat. Ne va-t-elle pas plutôt constituer une clientèle de ruraux complices
de l’Etat, lui permettant d’organiser une certaine cogestion du développement agricole
comme ce fut le cas avec l’UCCAO ? C’est en tout cas un mouvement émergent qui ne
pourra s’exprimer et prendre corps que dans le modèle prévu par l’Etat et selon la
vision de celui-ci.
Ainsi, nous disposons des prémisses de tout un programme de recherche pour
compléter et étayer les travaux réalisés pour cette thèse.
330
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Quelques sites web consultés
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- http://faostat.fao.org/
- http://www.statistiques-mondiales.com/
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- http://www.fao.org
347
ANNEXES
348
Liste des annexes
Annexe 0 : Les hypothèses de notre recherche et les résultats obtenus
Annexe 1 : Guide pour la compréhension des contextes locaux
Annexe 2 : Guide d’entretien avec les agents locaux du ministère de l’agriculture
Annexe 3 : Questionnaire destiné aux organisations paysannes
Annexe 4 : Guide d’entretien avec les organisations paysannes
Annexe 5 : Questionnaire pour les leaders d’OP
Annexe 6 : Guide d’entretien avec les responsables et les membres de GIC
Annexe 7 : Questionnaire destiné aux agriculteurs
Annexe 8 : Questionnaire adressé aux acteurs du secteur agricole
Annexe 9 : Guide d’entretien avec les OA d’envergure régionale
Annexe 10 : Quelques agro-industries par spéculation et par province en 1986
Annexe 11 : Principaux programmes et projets nationaux de développement agricole au Cameroun en 2008
Annexe 12 : Déficits courants cumulés de quelques entreprises publiques et parapubliques
Annexe 13 : A propos du conflit entre les pionniers du Village pilote de Galim et le diocèse de Bafoussam (Eglise catholique), Juin 2007.
Annexe 14 : A propos des bamiléké, qui sont-ils ?
Annexe 15 : Lettre d’un leader paysan aux députés de sa localité
Annexe 16 : Liste des présidents successifs du conseil d’administration de la Coopérative Agricole des Planteurs de la Menoua (CAPLAME - UCCAO)
Annexe 17 : Evolution des cours mondiaux et de la production du café Arabica et du café robusta (1960-2005)
Annexe 18 : Dossier à fournir pour la légalisation d’une OP
Annexe 19 : Note de service de la délégation provinciale du ministère de l’Agriculture portant organisation des réunions de la plate forme des organisations professionnelles agropastorales de l’Ouest (APASPO)
Annexe 21 : Listes des OP enquêtées à Fokoué
Annexe 22 : Quelques ONG et leurs ressources : DK International, CIFORD,
CIPCRE, SAILD
349
Liste des photos Photo 1: A Fokoué, les bâtiments abandonnés de la coopérative caféière
(UCCAO)
Photo 2: A Galim, une parcelle de gombo avec des tiges de caféiers brûlés
Photo 3: A Fokoué, un agriculteur portant son pulvérisateur pour effectuer un
traitement phytosanitaire
Photo 4: A Fokoué, une parcelle de pomme de terre récemment introduite en
monoculture
Photo 5: A Fokoué, une parcelle type avec une forte association culturale
Photo 6: A Galim, une agricultrice devant sa parcelle de maïs en monoculture
Photo 7: A Galim, un jeune agriculteur effectuant un travail d’ouvrier temporaire
afin de réunir des ressources financières pour sa propre exploitation.
Photo 8: A Galim, des membres d'une OP en réunion.
Liste des cartes
Carte 5: Localisation des zones d’enquêtes avec les agriculteurs à Galim p. 37
Carte 6: Localisation des zones d’enquêtes avec les agriculteurs à Fokoué p. 38
Carte 7 : Localisation du Cameroun au sein du contient africain p. 81
Carte 8 : Carte du Cameroun avec la localisation des provinces et du pays
Bamiléké p. 84
Carte 5 : Itinéraires suivis pour l’observation des paysages agraires
dans l’arrondissement de Fokoué p. 185
Carte 6 : Itinéraires suivis pour l’observation des paysages agraires
dans l’arrondissement de Galim p. 190
350
Photo 1: A Fokoué, les bâtiments abandonnés de la coopérative
caféière (UCCAO)
Photo 2 : A Galim, une parcelle de gombo avec des t iges de caféiers brûlés
351
Photo 3 : A Fokoué, un agriculteur portant son pulv érisateur pour effectuer
un traitement phytosanitaire
Photo 4: A Fokoué, une parcelle de pomme de terre r écemment introduite en monoculture
352
Photo 5 : A Fokoué, une parcelle type avec une for te association culturale
Photo 6 : A Galim, une agricultrice devant sa parcelle de maïs en monoculture
353
Photo 7 : A Galim, un jeune agriculteur effectuant un travail d’ouvrier temporaire afin de réunir des ressources financières pour sa propre exploitation
Photo 8 : A Galim, des membres d'une OP en réunion
354
Annexe 0 : Les hypothèses de notre thèse et les résultats obtenus
Cette recherche a porté sur les objectifs et les hypothèses initialement définis
dans la partie I (p. 29-30) . Trois hypothèses sont confirmées :
Le trio dominant « Etat - UCCAO et ses coopératives – Notables Planteurs »
s’est effondré et l’Etat n’est plus le seul leader de ce secteur (hypothèse 1).
Les organisations paysannes formelles et légalisées (GIC) sont bien les
éléments clés de la stratégie d’intervention des organismes d’appui au développement
agricole et constituent selon eux les interlocuteurs des agriculteurs (hypothèse 4).
Les actions des organisations paysannes (OP) portent essentiellement sur les
productions agricoles et pastorales et ne s’inscrivent pas dans des dynamiques locales
de développement (hypothèse 5).
Trois hypothèses doivent être nuancées :
Il a été montré que la recherche de financements internationaux détermine les
stratégies de plusieurs acteurs conduisant à une redéfinition de leurs rôles, mais cette
hypothèse n° 2 doit être fortement nuancée, en particulier cet objectif n’est pas du tout
celui des commerçants, ni celui de la majorité des agriculteurs qui recherche
prioritairement à rentabiliser au mieux leurs investissements dans le nouveau contexte
de marché non protégé à travers la maximisation du profit des ventes de leurs récoltes.
Toutefois, comme nous l’avons dit ces agriculteurs prennent en compte les risques de
leurs activités et certaines exigences de leurs familles.
Par contre, c’est la recherche de l’aide au développement et des financements
internationaux qui déterminent les stratégies de l’Etat, des ONG et associations de
développement, de l’UCCAO, de plusieurs organisations paysannes et de leurs leaders.
La différenciation sociale entre les agriculteurs a changé et intègre d’autres
éléments que la taille de l’exploitation et la hiérarchie sociale (hypothèse 3), mais nous
n’avons pas approfondi d’autres aspects de ce thème. Cependant des thèmes à étudier
dans le cadre d’autres travaux apparaissent : les séjours en ville, l’âge conditionnant la
force physique et donc la capacité à faire des cultures rentables comme le maraîchage,
355
le niveau de scolarisation et le capital culturel propulsant certains agriculteurs au rôle
de leader agricole, les réseaux sociaux, les types de systèmes de productions
développés, les ressources financières mobilisables, les profils des agriculteurs, la
capacité à se connecter à des réseaux de commercialisation.
Suite à la chute des prix du café, les agriculteurs ont développé de nouvelles
cultures, mais ils ont surtout intensifié des productions qui existaient déjà : maïs,
haricot, maraîchage213, pomme de terre, bananier plantain. Toutefois il ne semble pas
exister de nouveaux systèmes de production stabilisés, contrairement à l’énoncé de
cette hypothèse n°6. Les agriculteurs sont en général toujours dans des initiatives
d’innovation à la recherche du successeur du café.
213 Correspond à différents légumes : tomate, carotte, poivron,…
356
Annexe 11 : GUIDE POUR LA COMPREHENSION DES CONTEXTES LOCAUX
1) Une réunion avec des informateurs clé + Quelques entretiens individuels complémentaires
2) Entretiens avec des patriarches, des notables, des leaders, les services de l’agriculture, etc.
1-Observation et la description des paysages
Délimitation du terroir
Organisation spatiale
Relief
Espaces mis en valeur
Espaces non mis en valeur
Différents usages (élevage, jachère, culture, bois de chauffage, collecte de l’eau, etc)
Mise en valeur des terres
Différentes végétations
Différents types de sol
Mode d’élevage des animaux
Hydrographie
Habitat (bocage, délimitation des parcelle, etc)
Foncier
2- Histoire des paysages et des transformations de l’agriculture/élevage/sylviculture/etc
Comment a évolué l’agriculture de la localité en fonction des zones agro écologiques
Les principales phases d’évolution de l’agriculture de la région
Les principales cultures (entrée par le café)
L’agriculture pratiquée dans la région
3-Identification et analyse des systèmes de culture et d’élevage
Les principales cultures
Les principales successions
La reproduction de la fertilité
Calendrier cultural
357
4- Les organisations sociales, professionnelles, etc.
Les types d’organisations
L’évolution
Etc
5- Autres
Les activités non agricoles
Les acteurs du secteur agricole
Les migrations
Les conflits
Données sur la population : issues du recensement ou autres sources à préciser
Liste des familles/habitants
358
Annexe 12 : GUIDE D’ENTRETIEN AVEC LES AGENTS LOCAUX DU MINISTERE DE L’AGRICULTURE
(AVZ, chefs de poste et le délégué d’Arrondissement)
1- L’organisation administrative
2- Les groupements de villages, les villages, les quartiers et leurs superficies, l’effectif de
la population
Pour chaque échelon
3- Le nombre d’actifs agricoles
4- Le nombre d’agriculteurs
5- L’effectif de la population
6- Le nombre de GIC et la liste
7- Le nombre d’Unions de GIC
8- Le nombre de fédérations d’Union de GIC
Effectif personnel MINADER et organisation du travail
9- Un mot sur le relief
10- Comment a évolué le système de production suite à la crise caféière
11- Les principales cultures de la région
12- Les systèmes de cultures
13- Les acteurs actuels du secteur agricole (une attention particulière à l’UCCAO)
14- Les nouvelles catégories ou nouveaux types d’agriculteurs
15- Les principales contraintes actuelles pour les agriculteurs
359
Annexe 13 : QUESTIONNAIRE DESTINE AUX ORGANISATIONS PAYSANNES
Ce questionnaire est élaboré dans le cadre d’un travail de recherche scientifique
portant sur les mutations et les nouveaux acteurs de l’agriculture Bamiléké. Les informations
recueillies sont confidentielles et serviront uniquement au travail de recherche en question.
I- INFORMATIONS GÉNÉRALES
1-Date de l’enquête :……………………………………………………………………………
2- Noms et prénoms de l’enquêteur :…………………………………………………………
3- Dénomination de l’OP :……………………………………………………………………
4- Noms et prénoms de l’enquêté :……………………………………………………………
5- Qualité/fonction dans l’OP :……....………………………………………………………….
II- DONNEES SUR L’OP
1- Département : a) Menoua □ b) Bamboutos □
2- Arrondissement : a) Galim □ b) Fokoué □
3- Type d’organisation paysanne : a) GIC □ b) Union de GIC □ c) Fédération de GIC □ d)
Autre à préciser □ ………………………………………………….……………………………
4- Quel est le lieu d’implantation de l’OP (siège social)
a) Groupement de village……………………………………………………………….
b)Village…………………………………………………………………………….......
c)Quartier :…………………………………………………… ………………………...
d) Autres arrondissement (à préciser) :………………………………………………….
5- Quelle espace géographique couvre votre organisation paysanne (par rapport au lieu de
résidence des membres) :
a) Quartier : □………………………………………… b) Villageڤ . …………………………
c) Groupement de villagesڤ …………………………….
d)Arrondissementڤ ………………………….e)Départementڤ …………………………..….
.f)Autres à préciserڤ ……………………………………………………………………..........
6- Date de création du groupe…………………………………………………………………...
7- Nombre de membres à la naissance de
l’OP..............................................................................
8- Dont combien de femmes ……………………………………………………………………
360
9- Nombre de membres de l’OP à ce jour …...............................................................................
10- Dont combien de femmes …………………………………………………………………..
11-Si le nombre de membres à ce jour est différent de celui à la naissance du groupe, donnez
quelques explications……………………………………………………………………………
12- Nombre de membres par tranche d’âge: a) –de 20 ans …………..ڤ b) Entre 21 et 30
ans………..…..….ڤ c) Entre 31 et 40 ans…………..……….ڤ d) Entre 41 et 50 ans
…………..…..e) Entra 51 et 60 ans ………………….f) +de 60 ans……………………..ڤ
13- Quels sont les domaines d’action de votre organisation ?
a) Agriculture (préciser les filières concernées) ڤ
1)…………….……………………2)…..……………………………3)………………………
4)……………………………….5)……………………………………………………………..
b) Élevageڤ
1)…………….……………………2)…..……………………………3)………………………
4)……………………………….5)……………………………………………………………..
c) Autreڤ Préciser 1) ……………………………………….2)……………………………….
3)…………………………………....................4)………………………………………………
14-Votre groupe rend t-il service à des personnes non membres ? a) Ouiڤ b) Nonڤ c) Sans
avisڤ
15- Si oui comment ? ………………………………………………………..…………………
16- Si non pourquoi ?...................................................................................................................
17- Votre groupe bénéficie-t-il d’un partenariat avec des organismes de développement
(ONG, Services de l’Etat, Structure de recherche, Programme ou Projet, etc.) ?
a) Oui ڤ b) Nonڤ
18- Si Oui présentez les.
N° Nom de la
Structure/projet/programme
Services rendus à l’OP Coût Qui
finance ?
361
III- RESSOURCES FINANCIÈRES, MATERIELLES
1- Quelles sont les sources de financement de votre groupe ?
a) Cotisations des membres □
b) Appui extérieur □
c) Autres à préciser………………………………………………………………………
2- Votre groupe bénéficie-t-il d’un financement extérieur ? a) oui □ b) non □
3-Si votre groupe bénéficie d’un financement extérieur, précisez les sources et les montants
autant que possible sur les cinq dernières années:
Année Sources Montant
4- Concernant l’adhésion à votre groupe, quel est son coût financier?
a) 0 FCFAڤ b) –de 5000 FCFAڤ c) Entre 5001 et 10000 FCFA ڤ d) Entre 10 001 et 20000
FCFAڤ e) +de 20000 FCFAڤ
5- Préciser au cas où cela existe des conditions non financières pour adhérer à votre
organisation…………………………………………………………………………………...…
6- Quel est le montant des cotisations annuelles obligatoires ?
a) 0 FCFAڤ b) –de 5000 FCFAڤ c) Entre 5001 et 10000 FCFA ڤ d) Entre 10 001 et 20000
FCFAڤ e) +de 20000 FCFAڤ
7- Votre organisation dispose-t-il d’un compte bancaire en son nom ? a) oui □ b) non □
8- Si oui dans quelles structures financières ? …………………….……………………………
…………………………………………………………………………………………………..
9- Quels sont les biens que possède votre organisation ? (Matériel, terrain, etc)
…………………………………………………………………………………………………..
10- Quelles sont les principaux postes de dépenses pour votre organisation ?
…………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………….
…………………………………………………………………………………………………
11- Combien votre organisation a-t elle dépensé en 2006 ? ………..…………………………
12- D’où provenait l’argent ?........................................................................................................
………………………………………………………………………………………………….
362
13- Montant du budget de votre organisation sur les cinq dernières années ?
Année Montant
14- L’OP dispose t-elle de statuts ? □ oui □ non
15- L’OP dispose t-elle d’un règlement intérieur/ code de gestion ? □ oui □ non
16- L’OP dispose t-elle de rapports financiers ? □ oui □ non
17- L’OP dispose t-elle de rapports d’activités ? □ oui □ non
363
Annexe 14 : GUIDE D’ENTRETIEN AVEC LES ORGANISATIONS PAYSANNES
Ce guide d’entretien est élaboré dans le cadre d’un travail de recherche scientifique
portant sur les mutations et les nouveaux acteurs de l’agriculture Bamiléké. Les informations
recueillies sont confidentielles et serviront uniquement au travail de recherche en question.
On nous a parlé de votre organisation comme étant l’une des principales OP de ce
village, pouvez-vous nous dire comment elle a été créée et nous parler de ses activités ?
I- Naissance de l’organisation
-Initiateurs,
-Motivations
-Facteurs ou circonstances
II- Objectifs de l’organisation
-Objectifs
-Résultats
-Changements
III- Les activités du groupe
-Domaines
-Réalisations concrètes
IV- Les membres
Comment est-ce que les membres de votre OP se sentent-ils par rapport à l’OP ?
Evolution du nombre de membres
Comment voyez vous la participation des membres aux activités de l’OP ?
V- Les services rendus aux membres par l’OP
-Les différents services
-Les éléments de stratégie et de méthodologie
-Le pourcentage de membres touchés
364
VI- Comment voyez-vous la participation de votre OP à l’épanouissement de ses
membres ?
VII- L’appui (encadrement des autres structures)
-Identification de ces structures
-Domaines d’intervention
-Services reçus
-Construction/ négociation de l’offre de service
-Coût, qui paie ?
VIII- Relation avec les autres OP
-Lesquelles
-Domaines de collaboration
-Activités concrètes faites ensemble
IX- Participation au développement de la localité
-Comment voyez-vous le rôle de votre OP dans le développement de votre localité
Implication aux instances / cadres de concertation pour le développement, mairie,
participation aux actions de développement, etc.
-Quels sont les cadres de concertation pour le développement de votre localité
-Leaders présents au conseil municipal (Nombre de leaders de l’OP)
X- Dynamique de concertations paysannes
-Etes vous au courant de la mise en place de la plate forme des OP ?
-Comment voyez-vous l’importance et le rôle de cette plate forme
XI- Le rôle des OP
365
Annexe 15 : QUESTIONNAIRE POUR LES LEADERS D’OP
1) Age…………………………………………………………………………………………… 2) Sexe………………………………………………………………………………………… 3) Niveau scolaire……………………………………………………………………………… 4) Occupations actuelles (le principal et les secondaires)…………………………………….… 5) Profession/ occupation du conjoint………………………………...………………………… 6) Si homme, nombre de femmes : …………………………………………………………..… 7) Formation professionnelle (Métiers appris)………………………………………………..... 8) Activités non agricoles actuellement pratiquées……………………………………………... 9) Principales cultures ou élevages pratiquées……………………………………………......... 10) Dans la vie de l’enquêté, quels séjours hors du village (périodes, lieu de résidence, activités à ce lieu) 11) Raisons du retour au village 12) Superficie totale de son exploitation……………………………………………………… 13) Position dans la hiérarchie sociale locale (chef, notable, autre distinction, simple habitant, etc.) 14) Autres « responsabilités de leader » de l’enquêté dans le village (Parti politique, autres associations, comité de développement, etc.)………………………………………………...... 15) Etes-vous membre du comité de développement de votre village ? ……………………….. 16) Si oui, poste de responsabilité ? ………………………………………………………….. 17) Etes membre du conseil municipal ?...................................................................................... 18) Si oui, depuis combien d’année ?...........................................................................................
366
Annexe 16 : GUIDE D’ENTRETIEN AVEC LES RESPONSABLES ET LES MEMBRES DE GIC
1- Pouvez vous nous dire comment s’est créée votre organisation et comment elle a évolué
jusqu’à présent ? (Initiateurs, motivations, circonstances, etc)
2- Pouvez vous nous parler des objectifs poursuivis par votre GIC?
3- Pouvez vous nous parler des principales réalisations de votre GIC ?
4- Comment voyez-vous la participation des membres par rapport aux activités votre GIC ?
(Les petits, les grands, les femmes, les jeunes, etc)
5- Comment voyez-vous la satisfaction des membres par rapport à l’OP ?
6- Pouvez-vous nous parler des services rendus par l’OP à ses membres ? (Différents services,
les éléments de stratégie et de méthodologie, pourcentage de membres touchés, etc)
7- Comment voyez vous la participation de votre OP à l’épanouissement de ses membres ?
8- Comment voyez vous le rôle de votre OP dans le développement de votre localité ?
Implication aux instances / cadres de concertation pour le développement, mairie,
participation aux actions de développement, etc.
367
Annexe 17 : QUESTIONNAIRE DESTINE AUX AGRICULTEURS
Ce questionnaire s’inscrit dans le cadre d’un travail de recherche visant à comprendre
les changements intervenus dans l’agriculture bamiléké depuis la crise caféière. Il vise à
recueillir les données sur l’agriculture, l’agriculteur et l’environnement de ses activités. Les
données recueillies sont confidentielles et serviront uniquement à un travail de recherche
scientifique.
Votre collaboration est vivement souhaitée. Merci d’avance.
Section A : Informations générales 01 Date enquête .................................................................................................. 02 Nom enquêteur ............................................................................................... 04 Arrondissement / Commune / District .............................................................. 05 Groupement de village ..................................................................................... 06 Village .............................................................................................................. 07 Quartier ............................................................................................................
Section B : Informations sur l’enquêté(e) 01 Nom / Prénom ......................................................................................................................................... 02 Sexe 1. Masculin ; 2. Féminin 03 Age : ......................................................................... 04 Contact téléphonique.......................................................................................... 05 Statut matrimonial : 1. Célibataire ; 2. Marié ; 3. Divorcé ; 4. Veuf ; 5. Autres à préciser ........................... 06 Si marié(e), Nbre de femmes……. 07 Nombre de personnes à charge………………………………………………………………………………… 08 Niveau de scolarisation : 1. Jamais scolarisé ; 2. primaire ; 3. secondaire sans BEPC ou CAP ; 4. Secondaire
avec BEPC ou CAP ; 5. Secondaire avec Baccalauréat ; 6. Supérieure 7. Formation professionnelle/Apprentissage(préciser le métier appris)…………………………………….. 8. Autre …………………..
09 Religion : 1. catholique ; 2. protestant ; 3. animiste ; 4. aucune religion ; 5. autre …..................
10 Ethnie : 1 bamiléké ; 2 Autre à préciser……………............................................................... 11 Etes vous dans votre Village d’origine ? 1. Oui 2. Non 12 Sinon comment vous êtes vous retrouvé ici ? ………………………………………………………………...
……………………………………………………………………………………………………………………….. ………………………………….................................................................................................................... ………………………………………………………………………………………………………………………..
13 Statut social de l’enquêté (e) : 1. Chef ou sous chef ; 2. Notable ; 3. Simple habitant ; 4. Autre à préciser………………………………………………………………………………………………………………
14 Profession du père de l’enquêté(e) :…………………………………………………………………………….. 15 Statut social du père de l’enquêté(e) 1. Chef ou sous chef ; 2. Notable ; 3. Simple habitant ; 4. Autre à
préciser………………………………………………………………………………………………………………. 16 Statut de la famille d'origine (nbre de femmes): ....................................................................................... 17 Nombre de frères: ..................................................................................................................................... 18 Profession de la mère de l’enquêté(e)…………………………………………………………………………… 19 Activité principale de l’enquêté (e) 1. Agriculture ; 2. artisanat ; 3.commerce 4. fonctionnariat 5. autre … 20 Activités secondaires
1. Agriculture ; 2. artisanat ; 3.commerce 4. fonctionnariat 5. autre …...............
368
21 Nombre d'enfants garçons: ...................................................................................................................... 22 Nombre d’enfants à l’école ou en formation :………………………………………. 23 Budget annuel frais de scolarité ou de formation :………………………………… 24 Avez-vous vécu pendant une période hors du village ? (1.oui 2. non)
25 Si oui à 16, quelles sont les périodes passées hors du village ?
1- De …………à ………… durée :………, lieux :…………………............................................................ Occupation………………….…………………………………………………………………………………… 2- De …………à ………… durée :………, lieux :…………………............................................................ Occupation………………….…………………………………………………………………………………… 3- De …………à ………… durée :………, lieux :…………………............................................................ Occupation………………….……………………………………………………………………………………
26 Si oui quelle a été la raison de votre retour au village ? 1. Retraite ; 2. Perte d’emploi ; 3. Succession ; 4. Autres à préciser………………………………………………………………………………………………...
27 Si oui date d’installation au village…………………………………………………......................................... Quand avez-vous débuté l’activité agricole ? ………………………………………………………………….. 28 Si oui comptez vous repartir du village ? 1. oui ; 2. non 29 Pourquoi ? …………………………………………………………………………… 30 Etes vous responsable d’un GIC/Union de GIC/Groupe ou association traditionnelle ? 1. oui ; 2. non 31 Si oui préciser la dénomination et le
poste :…………………………………………………………………………………..................................... Pour les anciens, comment ont-ils vécu et géré la crise ? Interprétation de la crise et
stratégie déployée ?
Pour les jeunes, en se lançant quelle a été leur stratégie ?
Section C : Foncier, matériel et finances Foncier
1- Combien de parcelles de terre disposez-vous actuellement ?...........
Pour ceux ayant fait du café, y a-t-il eu augmentation depuis la crise caféière :
Existence des parcelles pour l’homme et des parcelles pour la femme ? Evolution de la gestion des parcelles.
2- Comment les avez-vous obtenus ?
N° de la
parcelle
Date d’ acquisition
Mode d’acquisition 1=Héritage ; 2=don ; 3=achat ; 4=métayage ; 5=location ; 6=autre
Superficie Raison d’acquisition Fertilité de la parcelle
369
3- Superficie totale de votre exploitation ? …………………………… 4- Y a-t-il du terrain que vous louez ou prêtez à d’autres paysans ? 1. Oui ;
2.Non 5- Si oui, pourquoi ?............................................................................ 6- Y a t- il du terrain non encore mis en valeur dans votre exploitation ? 1. oui ;
2. Non
7- Si oui, pourquoi ? ………...
8- Avez-vous eu un conflit foncier ces cinq dernières années ? 1. Oui ; 2. Non
9- Si oui, de quelle nature : 1 mauvais achat/vente ; 2. partage de l’héritage ; 3.
limites avec le voisin ; 4. Autres à préciser :……………………………………
Comment voyez vous la possibilité pour vos enfants de pouvoir aussi disposer des
terres pour l’exploitation agricole ? Y a-t-il toujours un partage systématique ? Si oui
comment et avec quelles évolutions ?
10- Quelle est la main d’œuvre dont vous disposez ? N° Type de main d’oeuvre Quantité Coût Main d’œuvre familiale Main d’œuvre salariée régulière Main d’œuvre salariée
occasionnelle
11- Quel matériel disposez vous dans votre exploitation ?
Nom Date
d’acquisition Coût Mode
d’acquisition Source de financement
Génération revenu
Système de production
12- Quelles sont les cultures / élevages (y inclus la pisciculture) de votre exploitation ? (Par ordre d’importance décroissante à la contribution des revenus)
N° Nom de la culture/l’élevage
Date d’introduction
Raison de l’introduction Type de main d’oeuvre, sexe
Quelle était la situation avant ou à la crise du caféier ?
370
Organisation actuelle entre homme et femme et situation d’avant, Gestion du revenu et des responsabilités
13- Production réalisée en 2006
Nom de la culture/l’élevage
Surface/effectif Finance Qté recoltée
mode de commercialisation
Prix de vente
% de contribution aux revenus
14- Succession des cultures Année 2006 N° parcelle
Jan Fev
Mars
Avril Mai Juin Juillet Aout Sept Oct Nov Déc
Gestion de la fertilité 12- Comment faites vous pour assurer l’amélioration/maintien de la fertilité de vos sols ? Situation d’avant ? ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 13- Utilisez vous de la fumure organique ? 1. oui ; 2. non (Et comparaison à la situation d’avant) 14- Type de fumure utilisée.
N° de parcelle et culture Type de fumure Provenance Coût
15- Pratiquez vous la jachère ? 1. Oui ; 2. Non. Sinon pourquoi ?........................................................................................................ ………………………………………………………………………………………………… 16- Présence des arbres (fruitiers, palmier, bois d’œuvre)
Noms locaux des arbres
Utilité / utilisation
Qui les a planté ? Date de plantation
Localisation Vente en 2006 Quantité Prix unitaire
371
Comment voyez-vous la place actuelle du café dans votre exploitation, son avenir ? Évolution de la superficie ? CAPLABAM Comment faire pour s’en sortir en tant qu’agriculteur dans le contexte actuel ? Section D : Partenaires 1- Etes-vous membre d’une Organisation Paysanne à caractère agricole 1) Oui 2) Non 2- Si oui :................................................................................
Nom Activité Poste occupé Date d’entrée dans l’OP
3- Sinon pourquoi ? ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 4- Appartenance aux autres organisations/associations/comité de dev du village.
Nom Activités Poste occupé Date d’entrée
5-Quelles sont les structures ou personnes avec qui vous collaborez dans le cadre de vos activités agricoles (de la préparation de la campagne à la vente des récoltes)?
Structure/personne Lieu d’implantation Domaine de collaboration
Situation et analyse des besoins et offres de service OA intervenant dans la région Pluri activité de l’exploitation : situation et évolution
372
Annexe 18 : QUESTIONNAIRE ADRESSE AUX ACTEURS DU SECTEUR AGRICOLE
Ce questionnaire vise à appréhender l’action des acteurs qui participent au
développement agricole/rural dans la province de l’Ouest en essayant de faire une analyse des
services offerts, de comprendre les stratégies d’intervention ainsi que l’impact réel de ces
services sur l’agriculteur et son exploitation.
1- Département : a) Menoua □ b) Bamboutos □
2- Arrondissement : a) Galim □ b) Fokoué □
3- Siège social :
a) Les acteurs de Galim : - Galim □
- Autres arrondissements des Bamboutos □ Préciser………….
- Mbouda □
- Autres départements de la province, préciser………….……….
- Bafoussam □
- Yaoundé □
- Autre lieu à préciser □ préciser………………………………
b) Les acteurs de Fokoué : - Fokoué □
- Autre arrondissement de la Menoua □ Préciser………………
- Dschang □
-Autre département de la province□ préciser…………………...
- Bafoussam □
- Yaoundé □
- Autre ville □ préciser…………………………………………..
4- Nature de l’organisme d’appui :
a) Projet/Programme étatique □
b) ONG□
c) Bureau d’étude □
d) Structure de recherche □
e) Projet de coopération (à préciser)……………………………………………………
f) Autre □ préciser…………………………………..………………………………….
5- Date de création de la structure.………………………….………………………………….
6- Date de début d’intervention dans la zone d’enquête
373
7- Statut juridique actuel : a) ONG □ b) Association □ c) Bureau d’études
□ d) Autre à préciser……...………………………………………………………………….
8- Votre statut juridique a-t-il changé depuis la création ? a) non □ b) oui □
9- Si oui, quel était votre statut au départ ? a) ONG □ b) Association □ c) Bureau
d’études □ d) Autre à préciser…………………………………………………………………
10- Si oui pourquoi ?....................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
11- Où est basée votre équipe intervenant dans cette zone ? à) Fokoué □ b) Galim □ c)
Dschang □ d) Mbouda □ e)Bafoussam f) Yaoundé g)Autre □
Préciser…………………………………………………………………….
12- Personnel de l’équipe intervenant dans la zone :
profil nombre Personnel
minader ou non
13-Moyen de locomotion mis à contribution pour les interventions :
Type Quantité Propriétaire
Véhicule
Moto
Vélo
Transport en
commun
Autres à préciser
14- Matériel de bureau :
a) Ordinateur □ b) Imprimante □ c) Photocopie □ d) Machine mécanique à écrire □
Autre □ préciser……………………………………….…………………………………………
15- Financement de la structure d’encadrement paysan :
Budget sur 5 ans Montants Sources % d’évolution
2006 -
-
2005 -
-
374
2004 -
-
2003 -
-
2002 -
-
16- Structure du budget :
Charge Montant % sur le budget total
Charge de fonctionnement
Charge de déplacement
Charge de subvention
Charge de crédit
Autre ………………………………
17- Avec quel type de partenaires locaux travaillez-vous ?
a) GIC □
b) Agriculteurs membres de groupes □
c) Tout agriculteur □
d) Autre □ précisez……………………………………………………………………...
18- Nature du programme d’activité
a) Annuel □ b) biannuel □ quinquenal□ Autre □ Préciser………………………………
19- Domaine d’intervention : a) Agriculture □ b) Élevage □ c) Pisciculture □ d)
Agriculture/Élevage □ e) Autre □ Préciser……………………………………………...............
20- Quelles sont les principales activités menées :
-…………………………………………………………………………………………..
21- En dehors du secteur agricole, quelles autres activités menez-vous ?
a) Entretien routier □ b) Education □ c) Santé □ d) Eau □ e) Autre □
précisez………………………………………………………………………………………….
22- Qui décide des activités à mener ? a) les paysans □ les bailleurs de fonds□ la structure elle
même□ Autre □ précisez………………………………………………………………………
23- qui supporte les coûts de vos activités
Activités Financiers Montant de financement
-
375
24- Elément de la stratégie par activité
Activités Eléments de stratégie
25- Nombre de partenaires bénéficiaire de vos activités :
a) En terme de GIC………………………………………………………………………
b) En terme d’agriculteurs……………………………………………………………….
26- Mode d’intervention a) Prestation □ b) Appuis subventionnels □ c) Les deux □
27- Si subvention : qui subventionne ?.........................................................................................
…………………………………………………………………………………………………..
28- Si prestation ; qui paye : Paysans □ Autre □ Préciser………………………........................
…………………………………………………………………………………………………...
29- Existe-t-il un rapport d’activité ?
a) Oui □ b) Non □
30- Si Oui qui rédige ?..................................................................................................................
31- Au regard des activités que vous menez et du taux de pénétration de votre structure en
milieu rural, pensez-vous que votre structure puisse véritablement porter le développement
dans votre zone d’intervention ?
376
Annexe 19 : GUIDE D’ENTRETIEN AVEC LES OA D’ENVERGURE REGIONALE
Introduction
Se présenter, rappeler la confidentialité, préciser le thème et évoquer l’intérêt.
Consigne initiale
Votre organisme à travers ses multiples actions en faveur du développement
agricole, se présente comme étant l’un des acteurs clé du développement agricole dans
la province de l’ouest. Pouvez vous nous présenter votre structure et nous entretenir au
sujet de sa création et de ses activités ?
Déclinaison thématique
Présentation des objectifs –Missions -Vision--Bénéficiaires –Objectifs –
contraintes Stratégies et méthodes -Domaine d’intervention--Population cible ou
Bénéficiaire -Activités à ce jour -Envergure -Partenaires -Sources de financement -
Zone d’intervention.
Quelques caractéristiques de l’organisme
377
Annexe 20 : QUELQUES AGRO-INDUSTRIES PAR SPECULATION ET PAR PROVINCE EN 1986
Spéculation Société Province d’implantation Banane d’exportation OCB
CDC Littoral South West
Riz SEMRY SODERIM UNDVA
Extrême-Nord Ouest North West
Huile de palme SOCAPALM CDC PAMOL
Littoral South West et Littoral South West
Sucre de canne CAMSUCO Centre Caoutchouc HEVECAM
CDC Sud South West
Thé CDC South West North West Ouest
Maïs SODEBLE Adamaoua Source: Adapté de MINAGRI (1991)
378
Annexe 11 : PRINCIPAUX PROGRAMMES ET PROJETS NATIONAUX D E DEVELOPPEMENT AGRICOLE AU CAMEROUN EN 2008
N° NOM DU PROJET, PROGRAMME OU
INSTITUTION
FINANCEMENT OU
OBSERVATION
1 Office Céréalier Banque Islamique de
Développement (BID)
2 Programme d’Amélioration du Revenu Familial Rural
(PARFAR)
Bank Africain de
Développement (BAD)
3 Projet Téléfood FAO (Donateur Privés)
4 Programme National de Vulgarisation et de Recherche
Agricole (PNVRA)
Etat/PPTE
5 Projet de Conservation des Eaux, Sols et Arbres (ESA) AFD
6 Programme National de développement des Racines et
Tubercules (PNDRT)
Fonds Internationale de
Développement Agricole
(FIDA)
7 Projets Route de Noun Etat
8 Grassfields Participatory and Decentralised Rural
Developement Project
BAD
9 Rumpi Participatory and Decentralised Rural
Developement Project
BAD
10 Projet de développement de l’élevage dans le sud
Ouest
BAD / BADEA
11 Projet de développement de l’élevage
12
Projet d’appui au développement communautaire
(PADC)
FIDA
13 Programme spécial de sécurité alimentaire (PSSA) FAO
14 Programme de développement du bassin agricole du
Moungo Nkam
Union Européenne
15 Projet Eau Sol Arbre (ESA) Agence française de
Développement (AFD)
379
16 Professionnalisation Agricole et renforcement
institutionnel (PARI)
AFD
17 Projet semencier CACAO/CAFE BIP
18 Réorientation de la stratégie phytosanitaire GTZ
19 Projet champignon d’Obala BIP
20 Projet d’Appui a la protection au verger
CACOA/CAFE
P PTE
21 Projet de Lutte contre les grand Fléaux Vivriers PPTE
22 Projet de Relance de la Riziculture dans la Vallée du
Logone
PPTE
23 Projet de crédit décentralisé PPTE
24 Programme du Développement des palmeraies
Villageoises (PDPV)
PPTE
25 Programme de Relance de la Filière Plantain (PRFP) PPTE
26 Programme de Valorisation du Bas Fonds PPTE
27 Projet d’Appui au Développement de la Filière Mais PPTE
28 Projet d’Appui a la Tabaculture de l’Est PPTE
29 Projet d’Appui a MC2/ADAT PPTE
30 Programmes de compétitivité des exploitations
familiales agro-pastorales (ACEFA)
CD2 en cours
31 Appui a la maîtrise d’ouvrage des administrations du
secteur Rural (MINADER MINEPIA)
CD2 en cour
32 Rénovation et développement de la formation
professionnelle
CD2 en cour
33 Projet de multiplication des semences améliorée du riz
34 Projet d’appui au développement durable des cultures
pérennes
35 Projet de développement de la filière de Nièbé
36 Changement de comportement en matière de santé de
reproduction
380
37 Programme de reforme du sous-secteur engrais
38 Projet palmier dattier
39 Projet de maintenance des semences pré-base et
multiplication des semences de base- IRAD
PPTE
40 Projet d’appui à la production et à la
commercialisation des cultures pérennes - IITA
(PAP2CP)
USAID
41 Projet de Renforcement des Partenariats dans la
Recherche Agronomique au Cameroun- IRAD
Ambassade de France
42 Programme National du Développement Participatif
(PNDP)
CD2
43 Projet d’Appui aux OP pour la Multiplication et la
diffusion des variétés précoces de Maïs, de Sorgho et
de Mil dans les provinces du Nord et l’Extrême Nord
44 Projet d’Appui aux producteurs d’Oignon
45 Elaboration, Suivi Evaluation des Politiques et
Programmes Agricoles (ESEPPA)
46 Projet Séchoir à Cacao dans la Province du Sud-ouest
et du Département du Mungo (PSC)
Union Européenne
47 Programme d’Appui à l’Installation des jeunes
Agriculteurs (PAIJA)
Source : Guillaume FONGANG
381
Annexe 12 : DEFICITS COURANTS CUMULES DE QUELQUES ENTREPRISES PUBLIQUES ET PARAPUBLIQUES
Entreprises Déficits courants
cumulés- juin 1987
Dettes cumulées au 30
06 88
CDC (thé) 3 900 38 250
HEVECAM (hévéa) 800 36 500
SEMRY (riz) 6 500 18 735
SODECOTON (coton) 16 400 74 000
SODERIM (riz) 440 620
Source : Mission de réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic
382
Annexe 13 :
A PROPOS DU CONFLIT ENTRE LES PIONNIERS DU VILLAGE PILOTE
DE GALIM ET LE DIOCESE DE BAFOUSSAM (EGLISE CATHOLIQUE),
JUIN 2007.
Par Guillaume FONGANG
Suite aux actes de vandalisme des années 50, un des exploitants européens
installés à Galim, Mr CHANAS Jean, abandonna ses exploitations d’environ 107
hectares qui furent ensuite confiées à la Société Agricole et Industrielle du Cameroun
(SIAC) le 08 octobre 1954 et celui-ci obtint un titre foncier sur ce terrain en février
1956.
La SIAC fut liquidée et son directeur céda à son tour ce terrain au père Léonard
Van Zijl, doyen de Mbouda (église catholique, avec un protocole de vente à hauteur de
4.500.000 f cfa payable en quatre tranches, accord intervenu en 1971. Le père Léonard
décida d’installer sur ce terrain des désœuvrés issus des régions surpeuplées du
département des Bamboutos avec qui il devrait honorer le protocole de vente en
exploitant ledit terrain à des fins agricoles.
Dès 1971, le père Léonard, lance un appel vers les régions les plus peuplées, et
recrute les jeunes désœuvrés des familles pauvres et les installe sur ce terrain. C’est
ainsi que jusqu’en 1975, 30 jeunes pionniers âgés de 18 à 20 ans venus principalement
des villages Batcham et Bagang sont installés sur le terrain. Chacun reçoit un lot de 3
hectares de terrain.
Au moment de son installation, chaque jeune agriculteur s’engageait à respecter
formellement le règlement intérieur ainsi que les statuts du village pilote de Galim.
Les statuts élaborés prévoyaient :
- en son article 2 qu’il était interdit aux pionniers de louer ou de partager la
parcelle reçu, en son article 8 que les jeunes désœuvrés vivant dans le village pilote de
Galim sont appelé à signer dès leur recrutement un contrat de remboursement des frais
de leur installation. Ce contrat de remboursement devrait servir au préalable comme
contribution provisoire de la parcelle de trois que chacun occupait,
383
- en son article 13, les modalités de remboursement des sommes dues. Chaque
pionnier devrait donc payer au diocèse de Bafoussam 50 000 f cfa par an à compter du
01/01/1984 sur une période de 17 et 20 ans.
Au regard de l’ampleur de projet et de l’intervention des organismes d’appui
internationaux, l’initiateur du projet Père Léonard Van Zijl, alors serviteur de l’église
catholique, trouva opportun de développer le projet sous la tutelle de l’église
catholique. C’est ainsi le diocèse de Bafoussam auquel appartenait la région synodale
de Mbouda forma une commission chargée de gérer et de conduire le projet. C’est
auprès de cette commission que les pionniers étaient appelés à s’acquitter de leur frais
d’installation.
La mutation du titre foncier avait été faite au nom de l’église catholique, par
acte notarié.
Ce qui est à l’origine du conflit entre le diocèse local de l’église catholique et
les pionniers est l’article 13 des statuts du village pilote de Galim selon lequel, chaque
pionnier devrait payer une somme de 50 000 f cfa par an à compter du 1er janvier
1984. En effet, nombreux sont les pionniers qui n’avaient honoré qu’à deux tranches
de payement. Au regard de cette situation, l’église a eu le temps d’observer, et c’est
finalement 8 ans après le non respect du contrat par les pionniers qu’une lettre de mise
en demeure a donc été individuellement adressée aux pionniers par l’Evêque de
Bafoussam, président du comité de direction d’administration du projet en date du
26/08/92 qui invite les pionniers à s’acquitter de la totalité de leur dette vis-à-vis du
Diocèse d’un montant de 9 797 000 f cfa avant 15/11/92.
La non réaction des pionniers conduisît l’Evêque à convoquer une rencontre
avec les pionniers à Bafoussam le 26/02/93 au cours de laquelle il prononça la
suspension de tous les pionniers conformément à l’article 14 du règlement intérieur du
village pilote de Galim. En effet, selon cet article, il était convenu que, pour étendre le
projet, et permettre aux autres de s’installer, chaque pionnier ne respectant pas les
clauses des statuts du règlement intérieur recevrait des avertissements allant du blâme
à l’exclusion. Face à cette position de l’Evêque, les pionniers réagissent en formulant
une lettre d’excuse auprès de l’Evêque, mais cette lettre ne changeât pas grand chose à
384
la décision de l’Evêque qui décida en définitive de porter l’affaire auprès du tribunal
de grande instance de Mbouda. Et ce fut le début d’un conflit juridique
Pour l’église catholique, le soubassement sa légitimité sur le terrain est le titre
foncier n° 137/Bamboutos du 10/12/76 suite à la cession de ce bien immeuble par son
propriétaire CHANAS Jean. Pour les pionniers, la section 2 du projet intégré de Galim
rédigé en 1975 prévoyait que « en pratique, la première partie du plan prévoit
l’installation de 30 jeunes pionniers sur une plantation de 3 ha cédée avec titre de
propriété par le propriétaire actuel à titre gratuit. » Ils s’appuient également sur les
engagements pris auprès du père Léonard, initiateur du projet au moment de leur
installation.
Lorsque nous réalisions les dernières enquêtes à Galim en juin 2007, les
pionniers avaient reçu une lettre du tribunal leur demandant de quitter le terrain. Ceux-
ci ont annoncé une marche de protestation dans la ville de Mbouda, marche qui n »eut
pas lieu suite à l’intervention du préfet des Bamboutos et du chef du groupement
Bagam qui ont promis de rencontrer l’église tout en rappelant aux pionniers que
l’église avait un acte juridique de propriété inattaquable, le titre foncier.
385
Annexe 14 : A PROPOS DES BAMILEKE, QUI SONT-ILS ?
Par Guillaume FONGANG
Les bamiléké sont des semi bantous. Les découvertes archéologiques révèlent
une présence ancienne de l’homme sur le territoire Bamiléké214 qui jadis était une
forêt. Les principales études sur le peuplement de la région reconnaissent
l’établissement de populations Bamiléké sur les hautes terres de l’Ouest-Cameroun
sous l’effet de pressions de mouvements migratoires venues des territoires voisins215
(Tardits 1960 ; Mohamadou,1971 ; Barbier 1973 ; Gomshi, 1972 ; Dongmo,1981 ). Le
mouvement migratoire le plus souvent évoqué est lié à la pression exercée par les
Bamouns (groupe ethnique frontalier au pays Bamiléké peuplant la partie Nord de la
province de l’Ouest Cameroun) suite à leur refoulement par les Fulbés, peuple
conquérant du Nord-Cameroun. D’autres mouvements migratoires ont été signalés,
notamment ceux issus de la pression des Mbôs venant de la forêt du Sud, du côté Sud-
Ouest du plateau Bamiléké (Dongmo, 1981). Les premières chefferies bamiléké dont
celle de Baleng se seraient installées au XVI eme siècle ; les plus récentes se sont
établies à la fin du XIX eme et au début du XX eme siècle. Outre ces pressions par des
populations voisines, les mouvements migratoires d’installation des bamiléké auraient
été influencés par d’autres facteurs .
L’occupation du territoire Bamiléké s’est faite à travers une dynamique de
conquête et d’installation de chefferies sous fond de marquage territorial. En effet,
l’organisation sociale locale Bamilékée repose sur la chefferie. Celle-ci regroupe dans
un espace géographique continu et délimité216 un ensemble de familles soumis à un
chef appelé « Fo »217. Ces chefferies sont variables par la superficie, le nombre
214 Il s’agit de paysans individuels 215 Il est vrai qu’en remontant le fil de ces mouvements migratoires, certaines sources disent que les Bamilékés seraient venus d’Egypte. 216 Certes, malgré la localisation indiscutable, les limites sont très souvent l’objet de conflits, certaines chefferies voulant empiéter sur le territoire des chefferies voisines. 217 De nos jours, la plupart des chefs, Bamiléké se font appeler Roi. Ainsi au lieu de « Fo » des XY, on parle plutôt de Roi des XY. Une telle tendance semble motivée par le souci pour les « Fo » de se démarquer des sous-chefs désormais appelés chefs ainsi que de l’uniformisation de la notion de chefferie par l’administration sur le territoire national. Ceci participerait aussi d’un souci d’affirmer la prééminence de leur autorité dans un environnement où celle-ci semble limitée par l’autorité administrative qui a fait des « Fo » ses auxiliaires.
386
d'habitants et parfois le dialecte parlé. En 1960, on dénombre 113 chefferies dans le
pays Bamiléké. Leur extension et l’implantation de nouvelles ont procédé de plusieurs
phénomènes :
- des princes qui n’ont pas hérité de leur père et qui organisent la conquête
d’autres zones et y fondent leurs chefferies avec leurs partisans ;
- des peuples envahis ou chassés qui se sont établis ailleurs ;
- des chasseurs qui se sont installés dans des zones riches en gibier ;
- des mouvements sécessionnistes portés par un notable rebelle, par exemple le
mécontentement d’un frère du nouveau chef n’ayant pas succédé à son père.
Plusieurs chefs auraient été des chasseurs conquérants. Barbier (332) rapporte
que Bakassa, Bandoumkassa et Bana ont été fondés par les trois fils d’un chasseur vers
le milieu du XVII eme siècle. Plusieurs voies auraient permis aux chefs de construire
et d’asseoir leur autorité et partant établir leur chefferie. Dans le cas des territoires
vierges, le fondateur, très souvent chasseur à la recherche de gibier, était rejoint par
d’autres personnes et y organisait sa chefferie. Pour les territoires conquis, Dongmo
(1981) relève que c’est généralement par la ruse et par ses largesses que le chef
parvenait à obtenir la reconnaissance des populations ou des autres chefs déjà installés
et finissait par en faire des soumis, à se constituer une armée pour asseoir son autorité
et défendre son territoire.
La chefferie, principale institution politique locale, couvre tout le territoire
Bamiléké. Son mode d’organisation relativement homogène perdure depuis le XVI
eme siècle, malgré certaines évolutions. De nos jours, elle « cohabite » avec l’autorité
administrative créée au début par l’administration coloniale. C’est une institution
reconnue par cette administration postcoloniale qui a d’ailleurs procédé à une
hiérarchisation en chefferies de premier degré, de second degré et de troisième degré.
Les chefferies de deuxième et de troisième degré correspondent aux chefferies
Bamilékés originelles, celles de troisième degré correspondent plutôt à des sous-
chefferies dépendant d’une chefferie de premier ou de deuxième degré. Ces dernières
Relevons toutefois que certains chefs, en particulier le Chef Bamendjou qui a aujourd’hui à plus de 50 ans de règne, insistent sur la préservation de l’appellation « Fo » au lieu de Roi.
387
sont plutôt rangées par l’administration sous le vocable de groupements de chefferies,
l’appartenance à la catégorie « premier » ou « deuxième » degré est décidée par
l’administration et tient compte de plusieurs facteurs dont la superficie et l’effectif de
la population.
La chefferie et le chef : deux institutions centrales du pays Bamiléké
D’un point de vue sociologique, le pays Bamiléké se trouve spatialement
identifié et localisé par les caractéristiques socioculturelles de sa population qui se
démarque ainsi des populations environnantes : la chefferie et le fort pouvoir du chef,
un esprit commerçant, un tissu social autour des associations.
La chefferie en pays Bamiléké est avant tout un territoire localisé regroupant
des familles. Elle est constituée de plusieurs familles qui constituent l’unité sociale de
base Chaque famille est fondée par le mariage d’un homme qui prend une ou
plusieurs femmes pour épouses. Celles-ci et les enfants issus des mariages constituent
la famille placée sous l’autorité de l’homme, chef de famille. La famille ainsi fondée
dispose d’un espace de terre qui est sa propriété et dont la gestion est assurée par le
chef de famille. La famille est perpétuée de génération en génération à travers le
système de succession basé sur l’ « héritier principal », un enfant garçon qui prend la
succession du père à son décès et devient chef de famille. Il reçoit ainsi la propriété du
patrimoine familial (dont la terre) et en même temps assume les responsabilités du
défunt (s’occupe des enfants en bas âge, des veuves, etc.).
Chaque Bamiléké appartient à une chefferie dont il se réclame et auquel il
s’identifie218. Il réside sur le territoire de celui-ci. La chefferie est placée sous l’autorité
du « Fo ». Chaque chefferie est autonome et dispose de son administration. Dongmo
(1981) parle d’ailleurs d’un Etat. Après le décès d’un chef, un de ses enfants garçons
prend la succession et devient le nouveau chef. Les Bamilékés se caractérisent par leur
218 Dans une récente analyse du processus de réalisation d’un projet collectif dans une chefferie Bamiléké (construction d’un foyer communautaire dans le village Zemla Fomedjing dans la Menoua), nous avons constaté que les populations émigrées s’organisent en communautés au niveau des zones d’installation, une communauté dont l’organisation se rapproche de celle de la chefferie Bamilékée, placée sous la responsabilité d’un chef élu. C’est un cadre d’affirmation de son appartenance à son village d’origine. La mobilisation de ces communautés pour la réalisation du projet collectif en question procède d’ailleurs d’un acte d’affirmation de leur appartenance à une chefferie dont ils défendent le rayonnement.
388
attachement à la chefferie et par leur soumission à son autorité219. Le chef détient les
pouvoirs les plus étendus, il est le chef politique, militaire, judiciaire et religieux. A ce
titre, il est le gestionnaire des terres du village qu’il affecte aux familles220. Les terres
non affectées aux familles sont sa propriété.
Les groupes « organisations locales » : base du tissu social Bamiléké
En pays Bamiléké, le chef administre à travers des « organisations locales » et
des notables qu’ils nomment. Spatialement, chaque chefferie est organisée en quartiers
placés sous le contrôle et l’administration d’un notable ou sous-chef désigné par le
Chef. C’est une société très hiérarchisée. Il existe toutefois de nombreuses
organisations grâce auxquelles le chef organise l’administration de la chefferie et qui
contribuent à cette hiérarchisation.
L’accès à ces organisations se fait par promotion du chef, très souvent sur la
base des dons faits à la chefferie. Au début du XX eme siècle il s’agissait très souvent
des dons sous forme d’animaux (chèvres, porcs, poulets, etc.) et des filles que l’on
offrait comme épouses au chef. Devenir membre de ces organisations était très
important pour les individus qui acquéraient ainsi une promotion, se démarquaient des
autres, gagnaient une reconnaissance locale et participaient à l’administration de la
chefferie. Ces promotions étaient accompagnées d’avantages tels que l’administration
d’une partie du territoire de la chefferie et donc des terres, l’acquisition de nouvelles
terres, des dons de jeunes femmes pour épouses.
La société Bamiléké s’en trouvait fortement hiérarchisée et cette hiérarchisation
sociale se trouvait construite par le Chef à travers les promotions données aux
individus (accès à une organisation, acquisition d’une certaine autorité et notoriété).
Cette hiérarchisation se répercute sur l’accès à la propriété des terres et sur le nombre
de femmes. Le Chef et ses notables possèdent les plus grandes superficies. Par ailleurs
dans une société où domine la polygamie, ce sont eux qui détiennent les plus grands
219 Relevons toutefois que qu’avec le temps cette soumission est discutable en bien de cas. On constate ces dernières années qu’avec le multipartisme par exemple, certains chefs se sont rangés dans des partis politiques ne faisant pas l’unanimité au sein de la population et parfois même contestés. Il en découle un effritement considérable mais variable de l’autorité du chef. 220 Une fois affectée, sauf cas de litige, la famille en devient propriétaire et gestionnaire.
389
nombres de femmes. Dans une étude de la chefferie Bamiléké de Bangang Fokam,
Tardits (1960) note que la majorité des hommes ont deux femmes, la taille moyenne
d’une famille est de 7 personnes, celle du chef de 64, celle du chef de quartier 32.
Par ailleurs, existent de nombreux groupes socioculturels dont les activités sont
la tontine, les danses traditionnelles, l’assistance en cas d’événement heureux ou
malheureux. Une étude des Bamilékés vivant dans l’Ouest-Cameroun et de ceux
installés dans la région de Nkondjock a montré que chacun d’eux appartenait à au
moins deux groupes socioculturels. Ces groupes se constituent sur la base de plusieurs
proximités : famille, voisinage, classe d’âge, etc.
En résumé, disons que les Bamilékés se sont établis sur les hautes terres de
l’Ouest à la suite de mouvements migratoires et qu’ils s’y sont illustrés par une
organisation originale en chefferies, institution commune à l’ensemble de la région.
L’occupation spatiale s’y est faite sur fond de marquage de territoire par ces
différentes chefferies. La chefferie Bamiléké connaît une hiérarchisation qui s’opère à
travers une diversité d’organisations traditionnelles dont l’accès est géré par le Chef.
En plus de ces organisations, il existe de nombreux groupes socioculturels qui
quadrillent la vie locale.
390
Annexe 15 : Lettre d’un leader paysan à l’attention des députés de sa localité
391
392
Annexe 16 :
LISTE DES PRESIDENTS SUCCESSIFS DU CONSEIL D’ADMINISTRATION
DE LA COOPERATIVE AGRICOLE DES PLANTEURS DE LA MENOUA
(CAPLAME - UCCAO)
COOPCOLV
Noms et prénoms Période Observations
ZEUTEBEU Stephen 1948-1950 Président du parti Koumze
ACHINGUI Philippe 1950-1950 Ancien Ministre, SG du Koumze
Ancien député Assemblée
LEKEUMO Paul 1950-1961
DJOUMESSI Mathias 1961-1966 Membre fondateur de l’UPC
Président du Koumze
Ministre résident
Ancien député
LEMONGO Albert 1966-1972 Homme politique (UC)
KENFACK Davia 1972-1975 Planteur
CAPBCA
S.M. TAWAMBA
Gobert
1941-1959 Chef supérieur Fomopea
Homme politique
NOMENY Emile 1959-1964 Doyen des huissiers du Cameroun
Homme politique (Koumzé,
UC, UNC, RDPC)
NGUETSOP Paul 1964-1964 Maire de la commune de plein exercice
Doussary
S.M MOMO Jean
Claude
1964-1965 Chef supérieur Foto
NANFACK Paul 1965-1966 Huissier commissaire priseur,
Homme d’affaire
KENFACK Etienne 1968-1968 Planteur et Elite intérieur
393
NOMENY Emile 1968-1968 Doyen des huissiers du Cameroun
Homme politique (Koumzé,
UC, UNC, RDPC)
S.M KANA Paul 1968-1969 Chef supérieur Bafou
Homme politique
Docteur en médecine
TJANE François 1969-1970 Ancien banquier,
Homme politique
TAMANKEU Etienne 1970-1972 Planteur et élite locale
MOUCHILI Isaac 1972-1972 Préfet de la Menoua
ONGOTO Samson 1972-1973 Préfet de la Menoua
DONGO Wenceslas 1972-1975 Préfet de la Menoua
CAPLAME
TEINKELA Jean 1975-1983 Député,
Ancien Président UCCAO
Conseiller municipal
Président de la section
départementale UNC et
ensuite UNDP
DONGSON René 1983-1995 Conseiller municipal
Trésorier section UNC et ensuite
RDPC
TESSO Robert Nagor 1995-2001 Président sous section RDPC
TSAFACK Thomas 2001-2004 Président sous section RDPC
KENFACK Michel 2004-2006 Planteur
ABAO François Depuis 2006 Planteur et conseiller municipal
394
Annexe 17 : EVOLUTION DES COURS MONDIAUX ET PRODUCTION DU CAFE ARABICA ET DU CAFE ROBUSTA (1960-2005)
Sources : Marchés tropicaux et méditerranéens et OCI
395
Annexe 18 : Dossier à fournir pour la légalisation d’une OP
396
Annexe 19 : Note de service de la délégation provinciale du ministère de l’Agriculture portant organisation es réunions de la plate forme des organisations
professionnelles agropastorales de l’Ouest (APASPO)
397
398
Annexe 20 : Liste des organisations paysannes enquêtées à Galim
N° Nom de l’OP 1 GIC YONDA'A NO'O 2 GIC des paysans et éleveurs de Bati 3
GIC des agriculteurs et éleveurs modernes de Bati
4
GIC du groupe d'expérience pour le développement des jeunes de Foulani
5 Union fait la force
6 GIC des producteurs et éleveurs de Kieneghang KENZEM
7 GIC ABEIC 8 GIC cœur sacré 9 GIC BEMOUO
10 GIC des producteurs des cultures vivriers et maraîchères de Medong
11 GIC femmes dynamiques de Mbedong
12 BINUM de Galim
13 GIC des jeunes producteurs de Bamedjing
14 GIC GHUIEGOUDUC 15 GIC pensée à demain 16 BINUM Bati 17 GIC LIOGUEYOUM 18 GIC KENDZEM entre aide
19 GIC des agriculteurs organisés de Galim
20 GIC des paysans modernes actifs
21 GIC des agriculteurs et éleveurs de Galim
22 GIC des agriculteurs vivriers de Ngoya
23 Groupe des producteurs des produits agricoles et éleveurs
24 Jeunesse progressive de Mbaghang 25 UGICAK 26 GIC POUKIENG 27 GIC SAUPEEFAR 28 MADZON KWANNON
399
29 GIC TOUSSI 30 GIC DOBE 31 Association TONTINE TRANGE 32 UGIC PROCAFGAL 33 GIC Expérience 8
34 Union des GIC des agriculteurs de Bati et Bamedjing
35 CHASPOGAL
400
Annexe 21 : Listes des OP enquêtées à Fokoué
N° Nom de l’OP 1 GIC PROVICAOFO 2 GIC AJELAFO 3 Jeunes dames cultivatrices de Fontsa toula 4 LEKOUET-METE 5 GIC FOTOFIE 6 AGRIEND 7 AGRIBA 8 ELEBA 9 GIC JAM 10 GIC JDAZ 11 GIC JAN 12 GIC MAKONG 13 GIC JDAM 14 GIC des femmes agricoles de Doumbouo
15
GIC des Maraîchers et agriculteur de Mangueson GIC MAM
16 GIC FAM 17 GIC FAB
18 GIC AFI 19 GIC MAVIB 20 GIC KWETCHOU
21 GIC LIBAM 22
GIC élevage et agriculture du groupement Bamengwou
23 GIC AEFO 24 GIC AKOPOFO 25 GIC PIF
26 GIC pour les agriculteur pisciculteurs et
éleveurs de Megue 27 GIC CHOUPONG
28 GIC des Agriculteur et Eleveurs de
Bamegheng 29 GIC JDAL 30 GIC AMOFO 31 GIC FAN 32 GIC AFUF 33 GIC AFUFFI 34 GIC AEF\FAPIEF
401
35 GIC FEMAFO 36 GIC TCHOUGLAFO 37 GIC AETOFO 38 GIC de la Paix 39 GIC femme Catholique 40 GIC AMFOC 41 GIC FETSAGRI 42 GIC PROVIFO 43 GIC EMOFO 44 GIC COPIFOPEM
402
Annexe 22 : Quelques ONG et leurs ressources
DK International, CIFORD, CIPCRE, SAILD
A- DK international ,
-Intervient partout où il y a des prestations
-Matériel roulant
-4 véhicules mais personnels pour les membres
-Ressources humaines :
-14 consultants (7 agronomes, 2 nutritionnistes, 3 agroéconomistes, 2 -
environnementalistes, 2 communicateurs)
-3 permanents
-Ressources financières : Chiffre d’affaire d’environ 5 à 10 millions de
f cfa par an
-Matériel informatique : 3 ordinateurs et 1 imprimante
B- CIFORD,
-Intervient partout où il y a des prestations
-Ressources humaines : 8 permanents et des consultants
-3 agronomes
-1 économiste
-1 agroéconomiste
-1sociologue
-1 secrétaire
-1technicien d’agriculture
-Chiffre d’affaire d’environ 30 millions de f cfa par an
-Dispose de deux motos appartenant à l’ONG et d’un véhicule
appartenant à un membre et mobilisable en cas de nécessité
-2 ordinateurs et une imprimante
403
C- CIPCRE : équipe Ouest Cameroun
1 ingénieur agronome
1 ingénieur des eaux et foret
1 cadre de développement rural
1 diplôme en sciences environnementales
2 diplômés en droit
1 journaliste
2 secrétaires- comptables
1 animatrice rurale
2 chauffeurs
Matériel roulant : 3 voitures et 1 moto
6 ordinateurs et 2 imprimantes
Budget 2007 d’environ 350 millions de f cfa pour tout le Cameroun
(Direction nationale basée à Bafoussam, Direction générale basée à
Bafoussam, antenne du Nord Ouest basé à Bamenda) et toutes les
activités (agricoles et non agricoles
SAILD antenne de l’Ouest Cameroun
-1 conseiller en développement
-2 ingénieurs agronomes
-1 licencié en sciences économiques
-1 secrétaire comptable
-2 chauffeurs
-2 véhicules
-4 ordinateurs et 1 imprimante
-Budget 2007 d’environ 350 millions de f cfa pour son antenne Ouest,
activités en milieu rural, production d’articles et distribution du journal
La voix du Paysan.
404
Liste des abréviations
1- ACDIC : Association Citoyenne de Défense des Intérêts Collectifs
2- ACEFA : Appui à la Compétitivité des Exploitations Familiales
Agropastorales
3- ADEID : Action pour un Développement Equitable et Durable
4- AFDI : Agriculteurs Français et Développement International
5- AFOGREN : Association pour la Formation et la Gestion des Ressources
Naturelles
6- AGCD : Administration Générale de la Coopération au Développement -
Belgique
7- AgroParisTech : Institut des sciences et industries du vivant et de
l’environnement
8- APADER : Association Pour la Promotion des Actions de Développement
Endogène et Rural
9- APASPO : Plate forme des organisations professionnelles agropastorales de
l’Ouest
10- APRIS : Association Pour la Promotion de la Recherche de l’Indispensable
à la Saisie
11- ASDEC : Action stratégique pour un Développement Endogène et Global
12- ASPPA : Appui aux Stratégies Paysannes et à la professionnalisation de
l’Agriculture
13- ATOL : Service d’information et de gestion des connaissances dans la
coopération internationale (association sans but lucratif)
14- ATP : Action Thématique Programmée
15- AVZ : Agent de Vulgarisation de Zone
16- AWARE-RH : Action for West Africa Region – Reproductive Health
17- BAPP: Bureau des Associations et Partis Politiques
18- BEDI : Bureau d’Etudes pour le Développement Intégré
19- BEPC : Brevet d’études du premier cycle
405
20- BINUM : est le Surnom de l’organisation paysanne dénommée Association
de Producteurs pour le développement. Il signifie l’Ouest (le
coucher du soleil) en dialectes bamiléké
21- C2D : Contrat de Désendettement Développement
22- CAD : Contrat d’Agriculture Durable
23- CADER : Cercle d’Appui au Développement Rural
24- CADO : Collectif des Organismes d’Accompagnement pour le
Développement de la province de l’Ouest
25- CAMSUCO : Cameroon Sugar Compagny
26- CANADEL : Centre d’Accompagnement de Nouvelles Alternatives de
Développement Local
27- CAP : Certificat d’Aptitudes Professionnelles
28- CAPBCA : Coopérative Agricole des Planteurs Bamiléké de Café d’Arabie
29- CAPLABAM : Coopérative Agricole des Planteurs des Bamboutos
30- CAPLAME : Coopérative Agricole des Planteurs de la Menoua
31- CCA : Crédit Communautaire d’Afrique
32- CDC : Cameroon Development Corporation
33- CEDEAO : Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest
34- CEPE : Certificat d'Etudes Primaires Elémentaires
35- CFPC : Conseil des Fédérations Paysannes du Cameroun
36- CIFORD : Centre d’Information, de Formation et de Recherche pour le
Développement
37- CIPBCA : Coopérative Indigène des Planteurs Bamiléké de Caféiers Arabica
38- CIPCRE : Cercle International pour la Promotion de la Création
39- CIRAD: Centre de coopération internationale en recherche agronomique
pour le développement
40- CIROP : Conception des Innovations et Rôle du Partenariat
41- CNOPCAM : Concertation Nationale des Organisations Paysannes du
Cameroun
42- CNPS : Caisse Nationale de Prévoyance Sociale
43- CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique
406
44- CODAS CARITAS Bafoussam : Comité Diocésain de Développement des
Activités Sociales (diocèse de Bafoussam, Cameroun)
45- COOPAGRO : Coopérative des planteurs agricoles du Noun
46- COOPCOLV : COOPérative de COLlecte et de Vente
47- COPCAM : Coopérative des Planteurs de Café Arabica de Mbouda
48- COPIFOPEM : Collectif des Pisciculteurs Intensifs de Fokoué et de Penka-
Michel dans la Menoua
49- COPLAME : Coopérative des Planteurs de la MENOUA
50- CPBCA : Coopérative des Planteurs Bamoun du Café d’Arabie
51- CRESAD : Cercle de Réflexion des ONG de la L’Ouest province la
Recherche
52- CTA : Centre Technique de Coopération Agricole et Rurale
53- CTE : Contrat Territorial d'Exploitation
54- DAA : Délégation d’Arrondissement de l’Agriculture
de la province de l’Ouest
55- DEA: Diplôme d'Etudes Approfondies
56- DED : Deutsche Entwicklungsdienst (Service de Développement
Allemand)
57- DEPADER: Délégation Provinciale de l’Agriculture et du développement
Rural
des Synergies d’Action de Développement
58- DK International : Developpment Knowledge International
59- DPAO: Délégation Provinciale de l’Agriculture pour l’Ouest (Cameroun)
60- DSDSR : Document de Stratégie du Développement du Secteur Rural
61- DSRP : Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté
62- EDS : Enquête Démographique et Sociale
63- EED : Evangelischer Entwicklungsdienst, veut dire en français Le
Service des Eglises Evangéliques en Allemagne pour le
Développement
64- ENESAD : Etablissement National d'Enseignement Supérieur Agronomique
de Dijon
407
65- f cfa : franc de la communauté financière d'Afrique
66- FAO : Food and Agriculture Organisation
67- FIDA : Fonds International de Développement Agricole
68- FMI : Fond Monétaire International
69- FNUAP : Fonds des Nations Unies pour la population
70- FORPOC : Fédération des Organisations Paysannes de l’Ouest Cameroun
71- GAO : Groupements Associations villageoises Organisations paysannes
72- GIC : Groupe d’Initiative Commune
73- GIE : Groupe d’Intérêt Economique
74- GLP : Grain Legume Program
75- GRET : Groupe de Recherche et d’Echanges Technologiques
76- GTZ : Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit, veut dire
en français Coopération Technique Allemande
77- Ha : Hectare
78- HEVECAM : Hévéa du Cameroun
79- HPI : Heifer Project International
80- HRC : Haut Commissariat aux Réfugiés
81- ICCO: Organisation inter-églises de coopération au développement
(Pays-Bas)
82- ICRAF : World Agroforestry Centre (ancien Centre International pour la
Recherche en Agroforesterie)
83- INRA : Institut National de la Recherche Agronomique
84- INRA SAD: Département de recherche Sciences pour l’Action et le
Développement de l’Institut National de la Recherche
Agronomique
85- INS : Institut National de la Statistique (Cameroun)
86- IRAD : Institut National de Recherche Agronomique pour le
Développement (Cameroun)
87- IRD : Institut de Recherche pour le Développement
88- Km² : kilomètre carré
89- LADYSS : Laboratoire Dynamiques Sociales et Recomposition des Espaces
408
90- LISTO : Laboratoire de recherche sur les innovations sociotechniques et
organisationnelles en agriculture (Dijon)
Local et de la Communication.
91- M : Mètre
92- MIDEVIV: Mission de Développement des Cultures Vivrières
93- MINADER : Ministère de l’Agriculture et de Développement Rural
(Cameroun)
94- MINAGRI : Ministère de l’Agriculture (Cameroun)
95- NEPAD : Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique
96- NPK: N=Azote ; P=Phosphate ; K=Potasse
97- NWCA : North-West Cooperatives Association
98- OA : Organisme d’Appui
99- OCADE : Organisation Chrétienne pour l’Action et le Développement.
100- OCB : Organisation Camerounaise de la Banane
101- ODARC : Office du Développement Agricole et Rurale de Corse
102- OIC : Organisation Internationale du Café
103- OKALUH : Organisation Sociale d’Appui Aux Processus de Développement
104- ONCPB : Office National de Commercialisation des Produits de Base
105- ONG : Organisation Non Gouvernementale
106- OP : Organisation Paysanne
107- OPA : Organisation Professionnelle Agricole
108- OROSADE : Organisation Internationale pour la Santé et le Développement
109- PAFRA : Programme d’Appui à la Foresterie Rurale et à l’Agroforesterie
110- PAIJA : Programme d’Appui à l’Installation des Jeunes Agriculteurs
111- PAM : Programme Alimentaire Mondial
112- PAPVCC : Projet d’Appui à la Protection du Verger Cacao Café
113- PARI : Professionnalisation Agricole et Renforcement Institutionnel
114- PDBF : Programme de Développement des Bas Fonds
115- PDPV : Programme de Développement des Palmeraies Villageoises
116- PDRPO : Projet de développement rural des plateaux de l’Ouest
(Cameroun)
409
117- PIB : Produit Intérieur Brut
118- PIPAD : Projet Intégré pour la Promotion de l’Auto-Développement.
119- PM : Premier ministre
120- PNB: Produit national brut
121- PNDRT : Programme National de Développement des Racines et
Tubercules
122- PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement
123- PNVA: Programme National de Vulgarisation Agricole
124- PNVFA : Programme National de Vulgarisation et de Formation Recherche
Agricole
125- PNVRA: Programme National de Vulgarisation et de Recherche Agricole
126- PPTE : Pays Pauvres Très Endettés
127- PRFP : Programme de Relance de la Filière Bananier Plantain
128- PROMUS : Promotion des mutuelles de santé
129- PRP : Projet de Recherche en Partenariat
130- RDPC: Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais
131- REPARAC: Renforcement des partenariats dans la recherche agronomique au
Cameroun
132- RGPH : Recensement Général de la Population et de l’ Habitat
133- RIDT: Réseaux, Interactions et Dispositifs Territoriaux
134- ROAD : Regroupement des ONG et Association de Développement
135- SAILD : Service d'Appui aux Initiatives Locales de Développement
136- SCAC : Service de Coopération et d’Action Culturelle
137- SDF : Social Democratic Front
138- SEMRY : Société d’Exploitation et de Modernisation de la riziculture de
Yagoua
139- SG : Secrétaire Général
140- SIAC : Société Agricole et Industrielle du Cameroun
141- SIDA : Syndrome Immuno Déficience Acquise
142- SOC : Science Outil Culture
143- SOCAPLAM : Société camerounaise des palmeraies
410
144- SODEBLE : Société de développement du blé
145- SODECAO : Société de développement du Cacao
146- SODECOTON :Société de Développement de Coton du Cameroun
147- SODERIM : Société de Développement de la Riziculture de la plaine de Mbô
148- SOS Faim : ONG de développement belge et luxembourgeoise
149- SPC : Société des Provendéries du Cameroun
150- T : Tonne
151- UA : Union Africaine
152- UC: Union Camerounaise
153- UCCAO : Union Centrale des Coopérative Agricoles de l’Ouest
154- UFR : Unité de Formation et de Recherche
155- UGAPAB : Union des Groupements et Associations Paysans pour
l’Autopromotion des Bamboutos
156- UGIC : Union des Groupes d’Initiatives Communes
157- UNC : Union Nationale Camerounaise
158- UNDP: Union Nationale pour le Développement et le Progrès
159- UNDVA : Upper Noun Valley Development Authority
160- UNOPS: United Nations Office for Projects Services
161- UPC: Union des Populations du Cameroun
162- USAID: United States Agency for International Development
163- ZAPI Est: Zones d’Action prioritaires Intégrées
411
Sommaire détaillé
Résumé ................................................................................................................................. 6
INTRODUCTION GENERALE ....................................................................................... 8 L’objet de cette thèse : les acteurs de l’agriculture en pays Bamiléké .................... 8 Un plan en trois parties ............................................................................................ 9 L’idée directrice : les mutations récentes du secteur agricole bamiléké ............... 10
PARTIE .....................................................I 12 PROBLEMATIQUE ET OBJET DE RECHERCHE 12
Introduction de la partie .................................................................................................I 13
Chapitre ............................................................................................................................I 14
Questionnement au centre de notre recherche ............................................................... 14
I- D’une curiosité scientifique en situation professionnelle à un projet de thèse de doctorat ............................................................................................................. 15 II- Problématique, objectifs et hypothèses ...................................................... 23 III- Méthodologie et champ d’investigation .................................................. 32
Chapitre II ......................................................................................................................... 53 Un cadre d’analyse surtout basé sur la notion de dispositif ..........................................53 I- .................................. Le concept de dispositif comme cadre principal de notre analyse .............................................................................................................................................. 54
II- Les autres concepts et notions mobilisés ..................................................... 68
Chapitre III ........................................................................................................................ 80 Les hautes terres bamiléké et les politiques agricoles camerounaises.......................... 80
I- Le Cameroun : Localisation et caractéristiques générales .......................... 81 II- Le pays Bamiléké dans l'Ouest Cameroun .................................................. 86 III- L’évolution des stratégies de développement agricole au Cameroun ......... 87
Conclusion de la partie I ................................................................................................... 96
PARTIE II ...........................................................................................97
LA RECOMPOSITION DU PAYSAGE D’ACTEURS DU SECTEUR AGRICOLE BAMILEKE ...............................................97
Introduction ....................................................................................................................... 98
Chapitre IV ...................................................................................................................... 102 Jusqu’à la crise en 1985, un dispositif à trois acteurs .................................................. 102
I- L’UCCAO organise les agriculteurs Bamiléké et obtient une mission de développement régional ...................................................................................... 103 II- L’émergence du dispositif Etat – UCCAO – Notables planteurs ............. 109
412
III Les années 1980 : le système caféicole en crise à tous ses niveaux .......... 114 Conclusion ........................................................................................................... 116
Chapitre................................................................................................................................ V........................................................................................................................................... 119 Nouveaux acteurs du secteur agricole Bamiléké et déclin de ...................................... 119 l’UCCAO .......................................................................................................................... 119
II- Les commerçants d’intrants et de produits agricoles ................................ 128 III- Les ONG et les associations ...................................................................... 137 IV- A partir de 2000, le retour de l’Etat .......................................................... 143 V- Les nombreuses organisations paysannes bamiléké .................................. 147 Conclusion ........................................................................................................... 155
Chapitre VI ...................................................................................................................... 158
I- Le paysage d’acteurs avant 1985 : un seul dispositif, un seul leader ........ 159 II- Après 1985 : Quatre types de dispositifs dominent................................... 165 Conclusion ........................................................................................................... 171
Conclusion de la partie II .................................................................................... 174
PARTIE III ............................................................................................. LES SECTEURS AGRICOLES DE GALIM ET DE FOKOUE :
CONTEXTES ET ACTEURS ..........................................................177
Introduction ..................................................................................................................... 178
Chapitre VII ..................................................................................................................... 181 Galim et Fokoué : la diversité des contextes agraires locaux en pays Bamiléké ....... 181
I- La diversité agraire de Galim et de Fokoué .............................................. 182 II- Des histoires agricoles un peu particulières .............................................. 193 III- Les agriculteurs, leurs exploitations et leurs OP ....................................... 205 Conclusion ........................................................................................................... 223
Chapitre VIII ................................................................................................................... 226 Les dispositifs agricoles de l’Etat à Fokoué et à Galim ............................................... 226
I- Le dispositif principal de l’Etat à partir de 1988 : le PNVRA .................. 228 II- Le Programme National de Développement des Racines et Tubercules (PNDRT) et les divergences d’acteurs à Fokoué.............................. 241 III- Des dispositifs centralisés et non coordonnés ........................................... 244 Conclusion ........................................................................................................... 251
Chapitre IX ...................................................................................................................... 254 Les partenaires non-étatiques du secteur agricole à Galim et à Fokoué .................... 254
I- Une présence ancienne d’ONG à Galim : le SAILD et le CIPCRE .......... 255 II- La recherche en quête de nouveaux repères .............................................. 262 III- L’importance des dispositifs du privé commercial ................................... 273
Chapitre X ........................................................................................................................ 279 Les organisations d’agriculteurs et les attentes des membres ..................................... 279
413
I- Les organisations paysannes agricoles ...................................................... 281 II- Les paysans individuels, une part importante des agriculteurs ................. 294 III- L’UCCAO au niveau local : les reliques de la coopérative caféicole ..... 295 Conclusion ........................................................................................................... 296
Chapitre XI ...................................................................................................................... 298 Les nouveaux leaders agricoles : des petits notables ruraux....................................... 298
I- Jusqu’aux années 80, les principaux cadres d’expression du leadership rural 299
II- Les nouveaux leaders : des paysans aux profils particuliers ..................... 302 III- Le leadership agricole : fonctions et statut social ................................. 309
Conclusion de la partie III.............................................................................................. 315
CONCLUSION GENERALE ........................................................................................ 319
I- Le concept de dispositif comme cadre d’analyse ...................................... 320 1- Le concept de dispositif : un outil d’analyse pertinent .............................. 320 2- Limites du concept de dispositif ................................................................ 321 II- Des réflexions sur le secteur agricole bamiléké ........................................ 322 1- Les deux champs de l’intermédiation et du marché .................................. 323 2- Les « capitaux nécessaires » des courtiers du développement .................. 324 III- Les concertations régionales du secteur agricole ...................................... 327 1- Une absence de dynamique de concertation du secteur agricole .............. 327
BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................... 330 ANNEXE 347 Liste des abréviations 404
0
Résumé
Les mutations du secteur agricole bamiléké (Ouest-Cameroun) ont été très importantes depuis le milieu des années 80, marqué par la chute des prix du café, alors principale production du pays Bamiléké, et par la crise économique au Cameroun.
Dans cette thèse, le concept de dispositif (Foucault, Moisdon, Maugeri, RIDT-INRA) est l'outil principal d'analyse de ce secteur agricole. Un dispositif est un ensemble hétérogène de composantes humaines, matérielles, non humaines et immatérielles qui sont liées entre elles et sont en interaction entre elles et avec des facteurs de l'environnement du dispositif, ces processus conduisant à des changements observables.
Dans le pays Bamiléké, cette recherche a permis de distinguer et d’étudier quatre types de dispositifs (ceux des commerçants, des ONG, de l’Etat et de l’Union Centrale des Coopératives Agricoles de l’Ouest Cameroun « UCCAO ») ne coopérant pas entre eux et structurés le plus souvent en filières depuis le niveau régional jusqu'aux agriculteurs, et dépendant aussi d’acteurs au niveau national et international. Ainsi, les dispositifs organisés par les commerçants d'intrants agricoles comprennent chacun une firme internationale agrochimique, un importateur camerounais, des grossistes, des détaillants et des petits revendeurs locaux. Les dispositifs d’intermédiation, soit par les ONG, soit par l'État (via les services du ministère de l’Agriculture et les projets/programmes nationaux), vont des bailleurs de fonds internationaux aux groupes d’initiative commune (GIC) et à leurs adhérents agriculteurs. L’UCCAO collectait/collecte pour l’export à travers ses coopératives départementales et leurs magasins locaux.
Ces dispositifs fortement influencés par les bailleurs de fonds étrangers (ceux de l'État et ceux des ONG) sont des dispositifs de contrainte et de sélection et offrent des financements, du matériel et bien d’autres appuis. Ils ne touchent qu'un nombre très limité d'agriculteurs à travers les organisations paysannes et la recherche des financements internationaux constitue le principal déterminant des stratégies des acteurs impliqués. Les dispositifs promus par les commerçants d'intrants sont des outils d'expansion du marché et diffusent des conseils techniques auprès des agriculteurs clients. Ils touchent le plus grand nombre d’agriculteurs et ont la particularité d’être en contact avec les agriculteurs individuels. Mais la logique du profit et de la concurrence influence souvent les conseils donnés. Mots clé : Crise, dispositif, agriculteur, acteur, secteur agricole, services à l’agriculture, pays Bamiléké, Cameroun
Summary
Changes in the Bamiléké agricultural sector (West Cameroon) have been very important since the mid 80s, marked by a fall in the prices of coffee, by then the main production of the Bamiléké region, and next by the economic crises in Cameroon.
In this thesis, the concept of dispositive (Foucault, Moisdon, Maugeri, RIDT-INRA) is the main tool for the analysis of this agricultural sector. A dispositive is a heterogeneous whole that is made up of human, material, non human and immaterial components which are linked to one another and interact with one another and with external factors of the dispositive and these processes leading to observable changes.
This research in the Bamiléké country enables us to distinguish and study four types of dispositive : that of traders, NGOs, the state and the UCCAO (Central Union of Agricultural Cooperatives of West Cameroon). Those four do not cooperate amongst themselves and are often structured into chains from the regional level to the level of the farmers and are also dependent on actors at national and international levels. As such, dispositives organized by agricultural input traders each include an international agrochemical firm, a cameroonian importer, wholesalers, retailers and small local hawkers or retailers. The intermediation dispositives, be it NGOs or by the state (through the services of the Ministry of Agriculture and national projects/programmes), go from international donors to common initiative groups (CIG) and their members. UCCAO used to collect/collects for export through its divisional cooperatives and local warehouses.
These dispositives are highly influenced by foreign donors (those of the state and those of NGOs), they are also selection and constraint dispositives and offer funding, equipment and other types of support. These concern only a limited number of farmers through their peasant organizations and the search for international funding is a principal determinant of the strategies of the actors involved. The set ups promoted by input traders are tools for market expansion and diffusion of technical advice to their customer farmers. They reach out to a large number of farmers and have the particularity that they are very close to individual farmers. However, the logic of profit and competition often influences the advice that is given. Key words: Crisis, dispositive, farmer, actor, agricultural sector, services to agriculture, Bamiléké country, Cameroon.