Les musulmans américains

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Les musulmans américains

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  • Les musulmans amricains

  • Couverture : reproduit avec laimable autorisation de la revue Azizah, Azizahmagazine.com. 2e de couverture : avec laimable autorisation de Three Leaf Concepts. Pages 23, de gauche droite, 1re range : NARA ; Muslim Youth Camp of California, photo de Samia El-Moslimany ; AP Images ; AP Images ; Ann Johansson/Corbis ; Bill Pugliano/Getty Images ; AP Images ; Ernesto Burciaga/Alamy ; Tous droits rservs, Inner-City Muslim Action Network (IMAN) ; AP Images. 2e range : avec laimable autorisation de Three Leaf Concepts ; Ridwan Adhami pour Islamic Relief USA 20112014 ; avec laimable autorisation de Sameers Eats ; Grant Hochstein/The New York Times/Redux Pictures ; AP Images ; avec laimable autorisation du Zaytuna College ; Muslim Youth Camp of California, photo de Samia El-Moslimany ; Michael Newman/PhotoEdit ; Tous droits rservs, Inner-City Muslim Action Network (IMAN) ; Shutterstock, Inc. 3e range : avec laimable autorisation de Samier Mansur, photo de Michael P. Miriello ; reproduit avec laimable autorisation de la revue Azizah, Azizahmagazine.com. ; Shutterstock, Inc. ; Janette Beckman/Getty Images ; Muslim Youth Camp of California, photo de Samia El-Moslimany ; Shutterstock, Inc. ; Muslim Youth Camp of California, photo de Samia El-Moslimany ; Tous droits rservs, Inner-City Muslim Action Network (IMAN) ; AP Images ; AP Images. 4e range : Christian Science Monitor/Getty Images ; avec laimable autorisation de www.hassanhakmoun.com ; photo dAnn States ; Shutterstock, Inc. ; Frank Polich/Reuters/Corbis ; AP Images ; photo dAnn States ; avec laimable autorisation de Three Leaf Concepts ; AP Images ; avec laimable autorisation de la Zakat Foundation of America. 5e range : Bibliothque du Congrs, Division des gravures et des photographies ; Shutterstock, Inc. ; avec laimable autorisation de Three Leaf Concepts ; AP Images ; Ridwan Adhami pour Islamic Relief USA 20112014 ; Muslim Youth Camp of California, photo de Samia El-Moslimany ; avec laimable autorisation de Light Rain Records, photo de Ruby Duncan ; AP Images ; avec laimable autorisation de Skidmore, Owings & Merrill/ SOM ; Shutterstock, Inc.

    Chapitre 1 : Qui sont les musulmans amricains ?Page 4 : DreamPictures/Blend Images/Corbis. 6 : Bibliothque du Congrs, Division des gravures et des photographies. 8 : Bill Pugliano/Getty Images. 9 : (dans le sens des aiguilles dune montre partir du haut gauche) AP Images/J. Scott Applewhite ; Robert Nickelsberg/Getty Images ; Ann Hermes/Christian Science Monitor/Getty Images ; AP Images ; Justin Sullivan/Getty Images ; AP Images/J. Scott Applewhite. 10 : AP Images/Lawrence Jackson. 11 : Jewel Samad/AFP/Getty Images. 12 : Bibliothque du Congrs, Division des livres rares et des collections spciales. 14 : Bibliothque du Congrs, Division des gravures et des photographies. 15 : North Wind Picture Archives. 16 : (de gauche droite) William J. Clinton Presidential Archives, National Archives and Records Administra-

    tion ; Maison-Blanche ; Time & Life Pictures/Getty Images. 17 : timbre de lAd 2013 United States Postal Service. Tous droits rservs. Reproduit par autorisation spciale. 18 : National Archives and Records Administration. 20 : collection de photographies, Miriam and Ira D. Wallach Division of Art, Prints and Photographs, The New York Public Library, Astor, Lenox and Tilden Foundations. 21 : (dans le sens des aiguilles dune montre partir du haut gauche) Faris & Yamna Naff Arab American Collection, Archives Center, National Museum of American History, Smithsonian Institution ; California State Parks, Image #231-18-13 ; Faris & Yamna Naff Arab American Collection, Archives Center, National Museum of American History, Smithsonian Institution ; avec laimable autorisation du Minot Daily News, ND. 22 : AP Images. 24 : (de gauche droite) Jim West/PhotoEdit ; Michael Ventura/PhotoEdit ; Michael Newman/PhotoEdit ; Tom Williams/CQ Roll Call/Getty Images. 25 : Robert Nickelsberg/Getty Images. 26 : Jeff Greenberg/PhotoEdit. 27 : (de gauche droite) AP Images ; The Star-Ledger/Andy Mills/The Image Works. Chapitre 2 : O trouve-t-on les musulmans amricains ?Page 28 : Robert Nickelsberg/Getty Images. 30 : Ernesto Burciaga/Alamy. 32 : (de gauche droite) avec laimable autorisation de Light Rain Records, photo de Kirk Murray ; Katie Orlinsky/The New York Times/Redux Pictures ; AP Images. 33 : (de gauche droite) AP Images ; Phil Moore/AFP/Getty Images ; James Leynse/Corbis. 35 : (dans le sens des aiguilles dune montre partir du haut) Anisa Mehdi ; AP Images/Jenni Girtman ; AP Images/Marcio Jose Sanchez ; Robyn Lee pour Serious Eats. 37 : (dans le sens des aiguilles dune montre partir du haut) vitopalmisano.com ; Tannen Maury/epa/Corbis ; AP Images ; AP Images ; Frank Polich/Reuters/Corbis. 38 (3) : Tous droits rservs, Inner-City Muslim Action Network (IMAN). 39 : avec laimable autorisation de lInterfaith Youth Core. 41 : photo dAnn States. 42 : (de gauche droite) avec laimable autorisation de Skidmore, Owings & Merrill/ SOM ; avec laimable autorisation de www.hassanhakmoun.com. 43 : (de gauche droite) AP Images ; AP Images. 44 : Bill Baptist/NBAE via Getty Images. 45 : Janette Beckman/Getty Images.

    Chapitre 3 : Comment les musulmans amricains vivent-ils leur religion ?Page 46 : AP Images. 48 : Mark Ralston/AFP/Getty Images. 50 : AP Images/Damian Dovarganes. 51 : (dans le sens des aiguilles dune montre partir du haut gauche) Stan Honda/AFP/Getty Images ; Michael Freeman/Corbis ; Washington Post/Getty Images ; AP Images. 52 : (de gauche droite) avec laimable autorisation de la Zakat Foundation of America ; Justin Sullivan/Getty Images ; Ridwan Adhami pour Islamic Relief USA 2 0112 014. 53 : AP Images/The Herald-Sun, Bernard Thomas. 54 : Tous droits rservs, Inner-City Muslim Action Network (IMAN). 56 : Tous droits rservs, Inner-City Muslim Action Network (IMAN). 57 (3) : Tous droits rservs,

    Inner-City Muslim Action Network (IMAN). 58 : Shutterstock, Inc. 60 : Michael Newman/PhotoEdit. 61 : (de haut en bas) Jewel Samad/AFP/Getty Images ; Washington Post/Getty Images. 62 : AP Images. 64 : (de gauche droite) AP Images ; AP Images ; Art Directors & TRIP/Alamy. 65 : AP Images. 67 : Ann Hermes/Christian Science Monitor/Getty Images. 68 : AP Images. 69 : Mary Calvert/MCT/Getty Images. 71 : avec laimable autorisation du Zaytuna College. 72 : (de gauche droite) Muslim Youth Camp of California, photo de Samia El-Moslimany ; avec laimable autorisation de Sameers Eats. 73 : avec laimable autorisation de Shaheed Amanullah ; Gareth Cattermole/Getty Images pour DIFF. 74 : Ridwan Adhami pour Islamic Relief USA 20112014. 75 : (dans le sens des aiguilles dune montre partir du haut gauche) avec laimable autorisation de la Zakat Foundation of America ; Jim West/age fotostock ; Ridwan Adhami pour Islamic Relief USA 20112014.

    Chapitre 4 : Que font les musulmans amricains ? Page 76 : Grant Hochstein/The New York Times/Redux Pictures. 78 : Maha Alkhateeb 2007, Mahaalkhateeb.com. 80 : (de gauche droite) Melanie Stetson Freeman/Christian Science Monitor/Getty Images ; AP Images/Rebuilding Together, Amy Sussman ; AP Images. 81 : avec laimable autorisation de lIslamic Networks Group. 82 : AP Images/Jason DeCrow. 83 : (dans le sens des aiguilles dune montre partir du haut gauche) AP Images/Al Goldis ; Ann Johansson/Corbis ; photo de Reed Young ; avec laimable autorisation de Samier Mansur, photo de Michael P. Miriello. 85 : AP Images. 86 : (de gauche droite) AP Images ; avec laimable autorisation de Keith Ellison ; AP Images. 87 : Tom Williams/CQ Roll Call/Getty Images. 89 : Carlos Ortiz/The New York Times/Redux Pictures. 90 : (de gauche droite) National Aeronautics and Space Administration ; Michael Loccisano/Getty Images. 91 : (de gauche droite) photo de Steve Rohrbach ; avec laimable autorisation de Maryam Eskandari, photo dIgor Capibaribe. 93 (3) : AP Images. 95 : avec laimable autorisation de Barry Danielian/Tariqah Records, photo de Clark Gayton. 96 : avec laimable autorisation de Three Leaf Concepts.

    Chapitre 5 : Vous voulez en savoir plus ?Page 98 : (de haut en bas) avec laimable autorisation de Shahed Amanullah ; Anisa Mehdi ; avec laimable autorisation de Masood Cajee ; avec laimable autorisation de G. Willow Wilson ; avec laimable autorisation de Cihan Kaan. 99 : (de haut en bas) avec laimable autorisation de Samier Mansur, photo de Michael P. Miriello ; avec laimable autorisation de Precious Rasheeda Muhammad ; avec laimable autorisation de Dalia Mogahed ; Tous droits rservs, Inner-City Muslim Action Network (IMAN). AP Images/J. Scott Applewhite. 4e de couverture : Shutterstock, Inc.

    c r d i t s p h o t o g r a p h i q u e s

    [

  • Bureau international de l information

    Dpartement dEtat , Etats-Unis dAmrique

    Ambassade des Etats-Unis dAmrique

  • Les musulmans amricains habitent les villes,

    les bourgades et les zones rurales de

    tout le pays. O vivent-ils ?{ }

  • { }?Qui sont les musulmans amricains ?

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    l u n i t d a n s l a d i v e r s i t : l i d e n t i t a m r i c a i n e

    Il y a quelques annes, alors que jeffectuais des recherches dans la salle de lecture principale de la Bibliothque du Congrs Washington, je fis une courte pause pour mtirer. Comme je levais les yeux vers les riches peintures du dme, prs de 50 mtres au-dessus de moi, les muscles de mon cou se dtendirent et mes yeux scarquillrent dtonnement.

    Les peintures du dme central de la bibliothque reprsentaient douze hommes et femmes ails, symbolisant les poques et les influences ayant contribu lavan-cement de la civilisation. Parmi ces lumires de lhistoire, un per-sonnage couleur bronze tait assis dans une attitude de profonde mditation avec un instrument scientifique. A ct de lui, une plaque annonait linfluence quil reprsentait : lIslam.

    Lhommage rendu par la plus grande bibliothque du monde, quelques pas du Capitole, aux ralisations intellectuelles des musulmans avec celles dautres groupes confirme un prin-cipe central de lidentit amricaine : non seulement les Etats-Unis sont une nation ne de la diversit, mais ils prosprent grce elle. Et cest le fruit non du hasard, mais de la volont.

    Les Pres fondateurs des Etats-Unis avaient reconnu que lalliance prcaire des Etats constituant la jeune nation ne survi-vrait que si elle russissait unifier ses groupes religieux et eth-niques disparates, concurrents et, parfois, en conflit en les incorporant dans une identit nationale nouvelle et commune. Faute de solutions ingnieuses et intgratrices, la nation fragile risquait de seffondrer facilement du fait de dsaccords partisans. Les Pres fondateurs adoptrent une solution crative en conce-vant une constitution qui plaait au-dessus de tout le droit indivi-duel la libert de pense et de culte. Il tait tout simplement logique quun pays fond sur la promesse de la libert commence tout dabord par la libert dans le cur et lesprit des individus.

    par Samier Mansur

    Ci-contre : le dme de la salle

    de lecture de la Bibliothque

    du Congrs Washington

    reprsente diverses influences

    importantes sur la civilisation,

    notamment lIslam. Page

    prcdente : une jeune

    musulmane sapprte jouer

    au football Dallas (Texas).

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    ]

    Ci-dessus : lIslamic Center

    of America de Dearborn

    (Michigan). Ci-contre, de haut

    en bas et de gauche droite :

    groupe de jeunes devant la

    South Asia Youth Action, dans

    le quartier new-yorkais du

    Queens ; invits la Maison-

    Blanche lors dun iftar ; vendeuse dans sa boutique de

    textile de Brooklyn, New

    York ; cours darabe au Zaytuna

    College en Californie ; forum

    sur la sant organis par le

    Muslim Center de Detroit.

    La vie des Etats-Unis sest ouverte par lhistoire de la libert religieuse. Cest une histoire qui continue aujourdhui faonner le pays.

    Il y a prs de deux cent cinquante ans, le concept tait rvolution-naire et reprsentait une entreprise risque sans prcdent lpoque moderne. Mais, rtrospectivement, il nest pas surprenant que la garan-tie juridique de la libert de pense et de culte donne par la Constitution ait entran lessor dune socit diversifie et dynamique sur le plan religieux. En outre, si les rcits du processus qui a fait de peuples dispa-rates une nation amricaine ne sont pas toujours exempts de conflits et de tragdies, lhistoire actuelle des Etats-Unis poursuit sans relche le dploiement de lunit dans la diversit.

    Grce leur ouverture fondamentale, les Etats-Unis daujourdhui comptent parmi les pays les plus diversifis au monde sur les plans cultu-rel et religieux, telle enseigne que, dans trente ans, leurs populations minoritaires seront plus nombreuses que la majorit. Se sachant labri de discriminations institutionnalises, les citoyens amricains sont libres de pratiquer leur religion, de faire entendre leur point de vue et de tirer parti de leur nergie cratrice pour poursuivre leurs aspirations person-nelles. Rsultat, ils vivent dans une foire aux ides dynamique, o ils ont tous le droit de sexprimer, pourvu quils respectent les droits dautrui.

    Comme la plupart des aspects de la vie amricaine, la foi religieuse est, aux Etats-Unis, anime dun esprit dintgration et de respect mutuel. Pendant le mois du ramadan, par exemple, les mosques ouvrent gn-ralement leurs portes aux voisins dautres confessions pour quils parti-

    cipent la rupture du jene au coucher du soleil. Il y a deux ans, jai eu le plaisir de participer, dans lune des plus anciennes synagogues de Washington, un dner diftar auquel taient convis des dirigeants et des pratiquants de toutes les principales traditions confessionnelles. Des scnes semblables sont dsormais courantes travers les Etats-Unis, la

  • Ci-dessus : Keith Ellison, (au centre), reprsentant au Congrs, sentretient avec dautres lus au Capitole, Washington.

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    population se runissant pour partager et clbrer, dans son caractre diversifi et collectif, lexprience de ce que signifie lappartenance la nation amricaine.

    Les musulmans amricains jouent un rle actif dans le tissu social et conomique de leurs localits. Ils font partie des catgories sociales les plus cultives et les plus aises du pays, et sont reprsents tous les niveaux de la socit enseignants, mdecins, juristes, ingnieurs, lus des fonctions publiques majeures. En fait, le jour mme o jai contem-pl le dme de la Bibliothque du Congrs, jai dcouvert quun autre trsor y tait conserv. Lorsque le premier musulman amricain lu au Congrs, Keith Ellison, a prt serment en 2007, il la fait sur un coran qui avait appartenu Thomas Jefferson. Ce coran, qui porte les initiales TJ inscrites la main, est expos dans la bibliothque, ct de lexemplaire de lAncien Testament de Jefferson.

    La vie des Etats-Unis sest ouverte par lhistoire de la libert reli-gieuse. Depuis les alles du pouvoir jusquaux archives de la nation, cest une histoire qui na cess de se raffirmer et qui continue aujourdhui faonner le pays.

    Dans un monde o de nombreux pays doivent sadapter la di-versit croissante entrane par les trois forces de la mondialisation, de la technologie et du voyage, lexprience des Etats-Unis et la construction de lidentit amricaine offrent un enseignement celui-l mme qui sexprime dans la devise latine figurant sur le sceau des Etats-Unis et qui rsume le principe central de lidentit amricaine :

    E Pluribus Unum, lunit nat de la pluralit. |Ci-dessus : le reprsentant

    Keith Ellison prte serment sur

    un coran ayant appartenu

    Thomas Jefferson. Ci-contre :

    les musulmans sont venus au

    Muslim Community Center de

    Silver Spring (Maryland) pour

    les prires de lAd el-Adha.

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    l i s l a m e t l e s t a t s - u n i s

    Les Pres fondateurs des Etats-Unis connaissaient lIslam et, ds le dbut de la rpublique, entretenaient de solides relations avec les dirigeants de pays musulmans. Certains des premiers traits conclus entre les Etats-Unis et des puissances trangres le furent avec des pays musulmans, notamment le Maroc, la Tripolitaine ottomane et Tunis.

    La libert religieuse est lun des piliers de la Constitution amricaine et de la Dclaration des droits (Bill of Rights), qui dfinissent les droits des citoyens et lorgani-sation des pouvoirs publics aux Etats-Unis.

    Thomas Jefferson et James Madison prnaient rsolument la libert religieuse et voulaient encourager une dmocratie flo-rissante et diversifie. Une disposition de la Constitution appuie cet objectif et prcise qu aucune profession de foi religieuse ne sera exige comme condition daptitude aux fonctions publiques. Cependant, les dlgus la Convention constituante de 1787 craignaient que cela ne suffise pas empcher ltablissement dune religion dEtat.

    Le Congrs, nouvellement constitu, adopta les dix premiers amendements la Constitution, sous le nom de Dclaration des droits, afin de clarifier certaines questions. Le premier amende-ment traitera de la libert religieuse en ces termes : Le Congrs ne fera aucune loi qui touche ltablissement ou interdise le libre exercice dune religion. Madison, qui avait promu cet amende-ment au sein du Congrs, prsenta la Dclaration des droits le 8 juin 1789, en indiquant son opposition une religion dEtat. Il dclara : Nul ne verra ses droits civiques limits du fait de ses croyances ou de sa confession religieuses, aucune religion natio-nale ne sera tablie et aucune atteinte ne sera porte, daucune manire et sous aucun prtexte, lintgralit et lgalit de la libert de conscience.

    Ci-contre : page de titre de

    ldition de 1765 du Coran

    ayant appartenu Thomas

    Jefferson, troisime prsident

    des Etats-Unis.

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    La plupart des Amricains taient daccord la Dclaration des droits fut ratifie, la majorit des deux tiers requise, par les deux chambres du Congrs en septembre 1789, puis par les trois quarts des Etats en dcembre 1791.

    Le premier amendement tablit la sparation de lEglise et de lEtat. Cest dans une lettre de Thomas Jefferson aux baptistes de Danbury (mi-norit religieuse du Connecticut), en 1802, que la formule surgit : Avec vous, je crois que la religion est un domaine qui concerne exclusivement lhomme et son Dieu, quil ne doit rendre compte personne dautre de sa foi ou de son culte et que les pouvoirs lgitimes de lEtat ne sexercent que sur des actions, non sur des opinions. Je considre avec une souve-raine vnration lacte par lequel le peuple amricain dans son ensemble a dclar que le corps lgislatif ne ferait aucune loi qui touche ltablis-sement ou interdise le libre exercice dune religion, rigeant ainsi un mur de sparation entre lEglise et lEtat. Son interprtation et sa formu-lation ont rsist lpreuve du temps et de nombreuses dlibrations de la Cour suprme.

    Premires relations avec des pays musulmansEn 1777, avant mme linvestiture du prsident George Washington, le Maroc reconnut les Etats-Unis en tant que pays indpendant et, en 1786, il signa lun des premiers traits avec les Etats-Unis. Les relations avec le Maroc sont florissantes depuis plus de 225 ans.

    Dans une lettre lenvoy du sultan du Maroc finalisant le Trait de paix et damiti entre les Etats-Unis et le Maroc, John Adams et Thomas Jefferson utilisrent les dates du calendrier musulman hidjri, alors quils auraient pu utiliser les dates du calendrier grgorien. Ils termineront ainsi leur lettre : Puisse la providence du Dieu tout-puissant unique, dont le royaume est le seul vritable, protger votre Excellence.

    En 1797, le prsident John Adams signa avec le bey de Tunis un trait disposant qu aucun prtexte, fond sur des opinions religieuses, ne devra jamais mettre fin lharmonie rgnant entre les deux pays .

    Respect mutuel et rsolution de problmesLes prsidents successifs des Etats-Unis ont conserv des liens solides avec le monde musulman. Pendant toute sa carrire, dabord snateur, puis sixime prsident amricain et enfin membre de la Chambre des reprsentants, John Quincy Adams se fit le champion des droits des es-claves, notamment des musulmans africains. Il contribua lmancipation dAbdul Rahman Ibrahim Ibn Sori et le reut la Maison-Blanche, consi-

    Ci-dessus : Abdul Rahman Sori

    fut mancip avec laide de

    John Quincy Adams, sixime

    prsident des Etats-Unis.

    La question de la libert religieuse aux Etats-Unis a t traite dans la Dclaration des droits, ratifie par les deux chambres du Congrs en septembre 1789.

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    Ci-dessus : John Adams, aussi

    bien titre dambassadeur

    que de second prsident des

    Etats-Unis, a sign des traits

    avec le Maroc et dautres pays

    musulmans.

    gnant ces vnements dans son journal. Par ailleurs, dans le procs United States c. Libellants and Claimants of the Schooner Amistad, il dfendit avec succs les prisonniers dAfrique occidentale dont faisaient partie, selon les chercheurs, des musulmans qui staient mutins bord du navire ngrier lAmistad, au large de la cte de Long Island (Etat de New York).

    Les preuves damiti du prsident Millard Fillmore lgard de lEmpire ottoman incitrent le sultan offrir un bloc de marbre comm-moratif pour le Washington Monument portant linscription : Afin daider perptuer lamiti existant entre les deux pays, le nom dAbdul Medjid Khan figure sur le Washington Monument. Lhommage est visible 60 mtres de hauteur, lintrieur du monument.

    Une lettre condamnant lesclavage, rdige par le gnral de di-vision tunisien Hussein et communique au secrtaire dEtat William Seward par le consul amricain en poste Tunis, avait produit une si forte impression sur le prsident Abraham Lincoln quil la fit rimprimer dans son intgralit et lui assura une large diffusion. Hussein y dcrivait labolition de lesclavage en Tunisie et les indications du Coran sur la question. Largement dbattue dans la presse amricaine, la lettre reut les loges des abolitionnistes amricains. Lesclavage sera aboli aux Etats-Unis en 1865.

    Le xxe sicle vit les prsidents amricains et les dirigeants musul-mans changer des marques de courtoisie et dhospitalit, mesure que ces relations se dveloppaient. Le prsident Dwight Eisenhower pronona en 1957 le premier discours connu dun prsident des Etats-Unis dans une mosque amricaine lors de linauguration du Centre islamique super-

    ]En 1777 le Maroc reconnut les Etats-Unis en tant que pays indpendant et signa lun des premiers traits avec les Etats-Unis.

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    bement conu de Washington. A cette occasion, sa femme et lui se d-chaussrent, ce qui fit la une du New York Times. Lors de linauguration de la nouvelle mosque, Eisenhower dclara quelle tait la bienvenue en ajoutant : LAmrique souhaitait lutter de toutes ses forces en faveur de votre droit disposer ici de votre propre lieu de culte, conformment votre conscience.

    Le prsident Barack Obama a soulign limportance des relations des Etats-Unis avec le monde musulman dans des discours prononcs dans le pays et ltranger. En 2009, au Caire, il a notamment dclar : LAmrique et lIslam ne sexcluent pas et nont pas besoin dtre en concurrence. En fait, ils se recoupent et partagent des principes communs. Quil ny ait aucun doute, poursuivit-il, lislam fait partie de

    lAmrique. |

    LAmrique et lIslam ne sexcluent pas [...], ils se recoupent et partagent des principes communs. [...]Quil ny ait aucun doute : lislam fait partie de lAmrique. [

    1957 Le prsident Dwight Eisenhower prononce le premier discours connu dun prsident des Etats-Unis dans une mosque amricaine.

    Le prsident Barack Obama,Le Caire, Egypte

    2009

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    Ci-contre, de gauche droite :

    le prsident Bill Clinton

    et la premire dame, Hillary

    Clinton, visitent la Grande

    Mosque de Dakar, au Sngal,

    en 1998 ; le prsident Barack

    Obama sadresse aux tudiants

    de luniversit du Caire en

    2009 ; le prsident Dwight

    Eisenhower prend la parole

    lors de linauguration du

    Centre islamique de

    Washington, en 1957.

    1969

    1974

    1980

    1981

    1993

    2009

    2013 Timbre amricain commmorant lAd. La premire dition date de 2001.

    Le prsident Richard Nixon invite Ali Abdul Kander, directeur du Centre islamique de Washington, son investiture. Par la suite, il offrira au Centre une lampe de mosque en verre, en signe damiti et de respect.

    Gerald Ford est le premier prsident des Etats-Unis adresser ses vux tous les Amricains de confession musulmane loccasion de lAd el-Fitr : Depuis prs de deux cents ans, notre nation puise sa force dans la diversit de son peuple et de ses croyances, fait-il remarquer. Cest une force que votre propre hritage religieux a considrablement consolide. Aprs lui, la plupart des prsidents ont suivi cette pratique.

    Le prsident Jimmy Carter voquait souvent le respect des Amricains pour le monde musulman. En 1980, lors dune runion avec des lettrs musulmans, il dclare : Les Etats-Unis nont pas de diffrend avec les peuples de lIslam, ils entretiennent de longue date des liens avec lislam et prouvent un grand respect pour les principes de cette confession.

    Le prsident Ronald Reagan nomme le premier ambassadeur musulman, Robert Dickson Crane, aux Emirats arabes unis, ainsi que Shirin Tahir-Kheli au Conseil national de scurit. Shirin Tahir-Kheli y sigera galement sous les prsidences de George H. W. Bush et de George W. Bush, lesquels reconnurent la compatibilit des valeurs de lislam et des valeurs amricaines.

    Le prsident Bill Clinton invite le dirigeant musulman afro-amricain W. D. Mohammed intervenir aux deux services de prire interconfessionnels lors de son investiture, en 1993 et 1997. Il nommera des musulmans des fonctions publiques importantes et accueillera la premire clbration de lAd la Maison-Blanche.

    Le prsident Barack Obama annonce Un nouveau dpart avec le monde musulman lors de son discours luniversit du Caire en juin.

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    l i m m i g r a t i o n m u s u l m a n e

    Je suis venu Chicago en 1912 avec mon frre. A lpoque, nous y avions dj un oncle et un cousin. Ils nous trouvrent une chambre meuble dans la 18e rue et, ds le lendemain de notre arrive, nous nous sommes mis au travail. [...] Nous portions une valise contenant des nappes en lin, des serviettes de table, de petits tapis, des mouchoirs et des articles similaires.

    Limmigration musulmane aux Etats-Unis dbuta la fin du xixe sicle, en provenance de rgions soumises la tutelle de lEmpire ottoman et comprenant notamment des contres formant aujourdhui le Liban, les Territoires palestiniens, la Syrie et la Turquie. La plupart de ces immigrants stablirent dans de grands centres urbains comme New York, Chicago et Detroit. Selon la chercheuse Alixa Naff, ils se lancrent frquem-ment dans le colportage, et cette activit professionnelle les conduisit aux Dakotas du Nord et du Sud, ainsi que dans les zones rurales de lIowa, du Michigan et de lIllinois.

    Dans son ouvrage Becoming American: The Early Arab Immigrant Experience, Alixa Naff cite un reportage de 1967 sur les musulmans originaires de Damas qui sinstallrent vers 1902 prs de Crookston (Minnesota) :

    Au dbut, ces pionniers musulmans colportaient pied leurs articles travers le Dakota du Nord, mais avaient recours au cheval et la carriole quand ils en avaient les moyens. Certains des marchands qui avaient le mieux russi taient mme en mesure dacheter des voitures.

    Ils aimaient le Dakota du Nord et, comme lindique Alixa Naff, se regroupaient dans trois endroits la rgion de Stanley-Ross, Rolla-Dunseith et Glenfield-Binford. [] Puis, aprs avoir conomis et emprunt suffisamment dargent et appris les

    Ci-dessus : un des premiers rcits dimmigrants musulmans tir de louvrage dAlixa Naff, Becoming American.

    Ci-contre : immigrants bord

    dun ferry les conduisant au

    poste dimmigration dEllis

    Island, New York, en 1920.

  • 20 ]

    Ci-dessus : nouveaux

    immigrants Ellis Island vers

    1910. Ci-contre, de gauche

    droite et de haut en bas :

    chrtiens et musulmans

    posent ensemble Cedar

    Rapids (Iowa) en 1926 ;

    arrive dimmigrants

    au poste dimmigration

    dAngel Island (Californie) vers

    1925 ; colporteur vendant ses

    produits un colon du Dakota

    du Nord vers 1910.

    rudiments de la langue, ils devenaient colons ou tenaient de petites bou-tiques. Ross, dans le Dakota du Nord, vit la construction, en 1929, de la premire mosque amricaine connue.

    Alixa Naff cite lun des premiers immigrants dans la rgion de Chicago : Je suis venu Chicago en 1912 avec mon frre. A lpoque, nous y avions dj un oncle et un cousin. Ils nous trouvrent une chambre meuble dans la 18e rue et, ds le lendemain de notre arrive, nous nous sommes mis au travail. Dans cette rue, les Arabes avaient alors deux magasins de mercerie en gros dans lesquels, pour notre colportage, nous achetions nos marchandises. Nous portions une valise contenant des nappes en lin, des serviettes de table, de petits tapis, des mouchoirs et des articles similaires.

    Entre-temps, sur la cte pacifique de lAmrique du Nord, les im-migrants dAsie du Sud commenaient arriver aux Etats-Unis en passant par le Canada ou par le poste dimmigration dAngel Island, dans la baie de San Francisco. Qualifis d hindous , il sagissait surtout, en fait, de sikhs du Pendjab et de musulmans venus de lInde. Ces derniers repr-sentaient environ 10 12 % des premiers immigrants, selon la chercheuse Karen Isaksen Leonard, qui a crit de nombreux ouvrages sur les Am-ricains originaires dAsie du Sud. Des hommes jeunes tentaient leur chance en travaillant dans des fermes, dans la construction de chemins de fer ou dans des scieries jusqu ce quils puissent acheter ou louer un lopin de terre. La minorit qui en avait les moyens allait luniversit, de prfrence luniversit de Californie Berkeley.

    Aprs labrogation, en 1965, des lois limitant limmigration asia-tique aux Etats-Unis, qui ouvrit nouveau la porte aux populations de pays essentiellement musulmans, limmigration musulmane connut un regain. Par la suite, la lgislation fut encore assouplie, afin de permettre aux familles de rejoindre leurs parents dj installs aux Etats-Unis. Dautres lois encouragrent les candidats possdant des qualifications professionnelles immigrer. Ceux qui saisirent loccasion daccder la citoyennet amricaine furent suffisamment nombreux pour que lon trouve aujourdhui des musulmans amricains sur tout le territoire des

    Etats-Unis et dans tous les corps de mtier. |

    Vers 1912

  • 1929 Ross (Dakota du Nord) : premire mosque amricaine connue.

  • 23 ]

    l e s m u s u l m a n s a m r i c a i n s : d i v e r s , a p p r c i s , e s s e n t i e l s

    Jai emmnag avec ma famille Pittsburgh, en Pennsylvanie, en septembre 2001, le lendemain des terribles attaques du 11 septembre. Comme le reste de la nation, nous tions horrifis et indigns par ces vies innocentes perdues. Nous avions galement peur, car nous ne savions pas comment nos nouveaux voisins allaient percevoir et traiter les musulmans que nous tions.

    Nombre de musulmans amricains craignaient des reprsailles violentes leur encontre. Cette semaine-l, plusieurs dirigeants de la communaut musulmane avaient averti que la prire du vendredi pourrait tre la cible de violences, suggrant mme aux fidles de sabstenir dy aller.

    Mon mari et moi avons dcid de faire passer notre foi avant nos craintes et de nous rendre la prire du vendredi dans notre nouvelle ville.

    Au lieu de nous trouver en butte lhostilit de la population, nous avons constat que la moiti des gens prsents la mosque ce jour-l taient des Amricains dautres confessions, venus ma-nifester leur soutien et leur solidarit.

    Cette histoire tmoigne du courage et de la sympathie des Amricains moyens qui ont opt, non pour les prjugs, mais pour le pluralisme.

    Nombre dentre eux avaient t incits se rendre notre mosque par les dirigeants de leur propre confession, qui travail-laient avec la communaut musulmane depuis des annes. Des femmes dautres croyances ont propos daccompagner les mu-sulmanes lorsquelles sortaient, au cas o elles subiraient des harclements cause de leur foulard (hidjab).

    Cet exemple de coopration interreligieuse en un moment tragique tait galement le fruit des efforts entrepris par les mu-

    par Dalia Mogahed

    Ci-contre : au mmorial

    et muse national du

    11-Septembre, New York,

    Khudeza Begum dcalque le

    nom de son neveu, Nural

    Miah, mort dans lattentat avec

    sa femme, Shakila Yasmin.

  • 24 ]

    sulmans amricains travers tout le pays, de leur ouverture lgard des fidles dautres confessions et de leur apport au progrs de la socit dans son ensemble.

    Les musulmans amricains nont gure de mal se sentir relati-vement laise dans cette diversit. Les Etats-Unis sont lun des pays au monde jouir de la plus grande diversit ethnique, et les musulmans

    amricains constituent la communaut religieuse la plus htrogne du pays sur le plan ethnique. Je me rappelle quune amie gyptienne, venue me rendre visite lors de lAd, avait fait remarquer pendant la prire quelle navait vu pareille diversit qu La Mecque.

    Si aucun groupe racial nest majoritaire parmi les musulmans amricains, ce ne sont ni les Arabo-Amricains ni les musulmans du sous-continent qui forment le groupe le plus nombreux, mais les Afro- Amricains. Beaucoup de musulmans afro-amricains ont adopt lislam lge adulte, mais ils sont encore plus nombreux avoir des parents, voire des grands-parents, musulmans. Certains dentre eux sont les des-cendants de musulmans Africains rduits lesclavage et envoys en Amrique il y a des sicles.

    Aujourdhui, les musulmans amricains font partie des commu-nauts religieuses les plus cultives, les plus entreprenantes et les plus travailleuses des Etats-Unis. Ils sont plus souvent que lAmricain moyen titulaires dun diplme suprieur et propritaires dune affaire. Ils sont en moyenne plus jeunes que les fidles dautres groupes confessionnels,

    Ci-dessus, de gauche droite :

    chrtiens et musulmans

    assistent une veille

    interconfessionnelle

    Dearborn (Michigan) ;

    le Centre islamique de

    Washington ; une famille

    malaisienne prpare le repas

    de lAd el-Fitr Los Angeles ;

    la communaut musulmane

    des Ahmadis de Washington

    accueille une campagne

    annuelle de don du sang.

    Des mdecins amricains musulmans ont donn bnvolement de leur temps dans des dispensaires pour soigner des patients non assurs. De jeunes musulmans amricains ont distribu des repas aux sans-abri et aid la reconstruction de logements. Dautres ont nettoy des parcs et des autoroutes.[

  • 25 ]

    35 ans contre 54 ans, voire davantage ailleurs. Cela signifie quils ont de meilleures perspectives professionnelles et de plus grandes chances de contribuer lessor de lconomie amricaine en tant que travailleurs et crateurs demplois. On trouve des mdecins et des ingnieurs, mais aussi des juristes, enseignants, policiers, ralisateurs ou des lus.

    Les musulmans amricains ne se bornent pas contribuer la construction du pays par leur activit professionnelle. Ils consacrent b-nvolement du temps et de largent laide aux plus dmunis dAmrique. Jen ai t le tmoin direct lorsque, en 2009, jai fait partie de lAdvisory Council on Faith-Based and Neighborhood Partnerships du prsident Barack Obama.

    Lorsque le prsident a demand la nation de se rendre utile la collectivit, les Amricains musulmans ont rpondu lappel avec en-thousiasme. La campagne Muslim Serve avait pour objectif dassurer mille journes de service pendant lt 2009 et de raliser au moins 25 % des projets en coopration avec dautres communauts religieuses. Le message invitant servir Dieu en aidant son prochain a t entendu dans les sermons du vendredi et sur Facebook, lors de confrences massive-ment suivies et dans des conversations prives. Des mdecins amricains musulmans ont donn bnvolement de leur temps dans des dispensaires pour soigner des patients non assurs. De jeunes musulmans amricains ont distribu des repas aux sans-abri et aid la reconstruction de loge-ments. Dautres ont nettoy des parcs et des autoroutes, tandis que des fondations musulmanes amricaines fournissaient des livres des coles sous-quipes des rserves amrindiennes. La campagne de lt en

    Les musulmans amricains

    sont rpartis dans tout le

    pays, de lAlaska Hawa, de

    la cte est la cte ouest.

    Ci-dessus : des lycens

    bavardent la librairie

    Bluestockings de New York.

    Les musulmans amricains constituent la communaut religieuse la plus htrogne du pays sur le plan ethnique.

    2 100 congrgations musulmanes runissant 2,6 millions de

    fidles ont t rpertories dans

    592 comts du pays. Source : Etude 2010 sur les congrgations religieuses amricaines et leurs fidles[

  • 26 ]

    Ci-dessus : une jeune bnvole

    distribue de leau lors dune

    comptition organise par

    Special Olympics Miami

    Beach (Floride). Ci-contre,

    de gauche droite : des

    adolescents lisent un tract la

    mosque de la Fondation

    islamique de Villa Park

    (Illinois) ; bnvoles travaillant

    pour les sans-abri New

    Brunswick (New Jersey).

    question sest traduite par plus de 3 000 jours dactivits dintrt gnral pilotes par des musulmans, dont plus de 90 % effectues en coopration avec une autre communaut religieuse. Jai remis personnellement le rapport consignant ces ralisations au prsident Barack Obama, qui a flicit la communaut pour sa contribution notre pays dans un discours prononc lors de liftar traditionnellement organis chaque anne la Maison-Blanche.

    De louragan Katrina, en 2005, la tornade qui a dvast lOklahoma en 2013, les Amricains musulmans ont fait don de dizaines de millions de dollars pour secourir les victimes et de milliers dheures de bnvolat pour acheminer le matriel ncessaire et reconstruire les maisons et les entreprises.

    Cela signifie-t-il quaux Etats-Unis, la communaut musulmane du pays nest confronte aucun dfi ? Non, bien sr. Comme bien dautres, elle est parfois en butte aux prjugs et la discrimination.

    Les musulmans amricains cooprent avec ceux de leurs conci-toyens qui partagent leurs principes dans la lutte contre les ides reues, grce au dialogue et aux activits interconfessionnelles. Les actions de sensibilisation passent galement par la mobilisation des journalistes, ainsi que des cinastes et des ralisateurs de tlvision. Des programmes de formation sont aussi conus pour les forces de lordre, les enseignants et les responsables politiques.

    Lorsquils semploient faire voluer leur pays en laidant avan-cer dans le sens dune intgration de tous ses habitants, les musulmans amricains renforcent une tradition amricaine sculaire, lhabitude dopter pour le progrs aux dpens des prjugs. Cest cette tradition qui

    La plupart des musulmans amricains affirment sidentifier fortement tant leur pays qu leur foi et, comme leurs compatriotes, ne voient pas de contradiction cette dualit. ]

  • 27 ]

    a libr les esclaves, donn aux femmes et aux minorits ethniques le droit de vote et sur laquelle se sont appuys les dirigeants des droits ci-viques pour faire progresser lAmrique dans le respect de ses engage-ments. Cest cette tradition que de trs nombreux groupes ethniques ont fait appel pour se faire accepter dans la socit amricaine.

    Pratiquement tous les groupes dimmigrants italiens, polonais, juifs, chinois, japonais ou hispaniques ont d affronter des dfis au dpart. Autrefois, les catholiques ont souffert de discriminations et ont t souponns de double allgeance, mais un Amricain catholique dori-gine irlandaise, John F. Kennedy, a accd la prsidence du pays. Le mariage interracial dont est issu Barack Obama tait, sa naissance, illgal dans de nombreux Etats, y compris en Virginie. Il nen est pas moins devenu prsident des Etats-Unis, en partie parce quil a t le premier dmocrate remporter la Virginie depuis des dcennies. Ce processus de croissance et de renouveau se poursuit aujourdhui.

    [ ans = lge moyen des musulmans amricains35 A linstar des autres Amricains, les musulmans du pays ap-prouvent certaines dcisions de politique nationale ou internationale de leur gouvernement et en contestent dautres. Et comme dautres Amri-cains, pour exprimer leur approbation et leur dsaccord, les citoyens musulmans crivent des tribunes libres dans les journaux, interviennent dans les missions dinformation et sexpriment publiquement dans les universits et les groupes de rflexion. Ils adhrent des organisations uvrant au changement et en crent de nouvelles.

    Malgr certaines difficults, ils croient, dans leur grande majorit, la promesse de justice et dgalit de lAmrique. La plupart des mu-sulmans amricains dclarent avoir confiance dans lhonntet des lec-tions et dans le systme judiciaire. Ils affirment aussi sidentifier fortement tant leur pays qu leur foi et, comme leurs compatriotes, ne voient pas

    de contradiction cette dualit. |

  • { }?O trouve-t-on les musulmans amricains ?

  • 31 ]

    l e s m u s u l m a n s a m r i c a i n s e n r i c h i s s e n t l e b r a s s a g e c u l t u r e l

    Un jour, les voisins de Nasr Eddin Hodja le voient jeter des cuilleres de yaourt dans un lac. Que fais-tu, Nasr Eddin ? , lui demandent-ils. Je jette juste des yaourts dans le lac pour commencer une nouvelle culture , rpond le vieil homme. A quoi bon ? On a limpression que tu gaspilles simplement de bons yaourts ! , rtorquent les voisins.

    Cest haram de gaspiller de la nourriture ! , scrie un voisin plus hostile. Etre qualifi de pcheur ne perturbe pas Nasr Eddin Hodja, qui dclare : Jai lintention de transformer en yaourt la totalit du lac. Mais cest seulement partir de lait, disent les voisins, que lon peut faire du yaourt. De plus, regarde la taille du lac ! Je sais, je sais, rpond Nasr Eddin Hodja. Mais supposez que a marche ! I I I F a b l e t u r q u e

    Dans cette histoire, le hros populaire turc Nasr Eddin Hodja se montre positif, accueillant et ouvert limprvu, des qualits autant valorises aux Etats-Unis que dans la socit o il vivait. Comme tous les immigrants de cultures diffrentes, les musulmans amricains apportent une part de leur culture au lac .

    Aujourdhui, ce lac, au sens littral du terme, pourrait tre lun des Grands Lacs proches de Dearborn (Michigan), o de nom-breux musulmans se sont profondment enracins il y a un sicle. Ce pourrait tre les eaux de Myrtle Beach (Caroline du Sud), prs de lune des plus anciennes communauts soufies dAmrique du Nord, ou nimporte quel lieu o les musulmans enrichissent la socit amricaine par leur engagement, leur participation et leur dsir dapporter une contribution au pays qui leur offre la chance de poursuivre leurs rves.

    Les musulmans des Etats-Unis ne sont pas homognes. Sils prsentent une pluralit ethnique, ils sont galement divers quant leur talent, leur exprience et leurs traditions religieuses. Lesprit

    par Cihan Kaan

    Ci-contre : la mosque

    et la madrasa Dar Al-Islam

    dAbiquiu (Nouveau-Mexique),

    conues par larchitecte

    gyptien Hassan Fathy,

    voquent larchitecture

    traditionnelle du Sud-Ouest

    amricain. Lun des objectifs

    de Dar Al-Islam consiste

    instruire les musulmans

    comme les non-musulmans

    sur lislam. Page prcdente :

    ces tudiants de la Bronx High

    School of Science viennent

    dobtenir leur diplme.

  • 32 ]

    sportif du boxeur afro-amricain Muhammad Ali ou les conseils mdicaux du docteur Mehmet Oz, chirurgien cardiaque turco-amricain et prsen-tateur dune mission de tlvision, sont caractristiques du concours apport quotidiennement au pays par dautres musulmans. Dans les dserts de lArizona, des gurisseurs soufis soignent les Amrindiens vivant dans les rserves. Dans les comedy clubs, lIrano-Amricain Maz Jobrani et le Palestino-Italo-Amricain Dean Obeidallah, pass de la profession de juriste celle dhumoriste, provoquent le rire en voquant des questions ethniques, religieuses et culturelles.

    Les musulmans amricains embrassent diffrents courants de lis-lam, dont les principaux, le sunnisme et le chiisme, ainsi que lahmadisme et le soufisme. Ces dernires tendances, bien que juges extrieures lislam orthodoxe, en suivent de nombreux principes.

    On trouve les meilleurs exemples de laction de ces courants dans les programmes de sensibilisation interconfessionnels de la communaut

    Ci-dessus, de gauche droite :

    Kareem Salama est musicien

    de country, pop et rock ;

    le docteur Mehmet Oz,

    chirurgien cardiaque New

    York, anime une mission

    tlvise diffusion nationale ;

    Khadijah Rashid, scnariste et

    productrice, a cr Muslimah

    Movies pour mettre en scne

    des histoires musulmanes

    amricaines.

    basketteur et entraneur

    Dr Mehmet Oz chirurgien et animateur de tlvision

    Kareem Salama chanteur country

    Negin Farsad humoriste, ralisatrice, crivain

    Ariana Delawari artiste multimdia

    Dean Obeidallah humoriste et producteur

    Cold Crush Brothers artistes hip-hop[

    Hakeem Olajuwon

  • 33 ]

    travers tout le pays. Les dbats entre dirigeants religieux et notables ainsi que les collaborations entre artistes et penseurs de toutes confessions favorisent la comprhension mutuelle et forgent lunit qui est au cur du modle amricain.

    Il y a quelques annes, dans le cadre dune initiative de ce genre, lInterfaith Church de New York a runi des dirigeants religieux et des intervenants culturels de premier plan pour une discussion et une cl-bration intercommunautaires. Parmi les participants figuraient des per-sonnalits musulmanes comme les As-Salaam Brothers (devenus par la suite les Cold Crush Brothers), pionniers du hip-hop ; limam Feisal Abdul Rauf de la Cordoba Initiative (organisation interconfessionnelle) et plu-sieurs imams locaux. Des ralisateurs et des enseignants novateurs taient galement prsents. Il sagit dacteurs cratifs de la culture amricaine,

    qui peuvent ne pas afficher leur foi musulmane, mais qui nen demeurent pas moins pratiquants. Magnat du monde des affaires et cofondateur du label de hip-hop Def Jam, Russell Simmons tait galement venu appor-ter son soutien. Quand louverture se pratique de tous cts, jai vu des interactions de ce genre gnrer une comprhension, un respect et des bnfices mutuels indits.

    Les musulmans innovent dans les arts. Citons lexemple de Negin Farsad, humoriste et ralisatrice impertinente, qui est lune des vedettes du documentaire The Muslims Are Coming.

    En Californie, des artistes musulmans comme Liza Garza com-posent de la posie et crent des bijoux, tandis que lartiste multimdia amricano-afghane Ariana Delawari rend hommage son hritage dans sa musique et ses documentaires. Elle a ainsi enregistr son album Lion of Panjshir en Afghanistan avec trois matres afghans dinstruments tra-ditionnels : tabla, rebab et dilruba. Quant au chanteur Kareem Salama,

    Ci-dessus, de gauche droite :

    les humoristes Maysoon Zayid

    ( gauche) et Dean Obeidallah

    ont cofond lArab-American

    Comedy Festival ; Ariana

    Delawari, chanteuse et artiste

    multimdia, se produit dans

    le monde entier ; Russell

    Simmons, homme daffaires

    voluant dans le milieu

    du hip-hop, qui nest pas

    musulman, encourage

    le dialogue interreligieux

    et la tolrance.

  • 34 ]

    qui est n et a grandi dans lOklahoma, il mle sans difficult la sagesse des enseignements islamiques anciens et le genre narratif au cur de la musique country.

    Ci-contre, de haut en bas et de

    gauche droite : la ralisatrice

    Anisa Mehdi, installe dans le

    New Jersey, ici en reprage

    La Mecque en 2003, a t

    la premire Amricaine filmer

    le hadj pour la tlvision ; les

    Hallal Guys, clbres

    restaurateurs ambulants,

    attirent une foule de

    New-Yorkais affams ;

    le consultant en marketing

    Tarek El-Messidi a fond

    CelebrateMercy pour informer

    le public sur lislam ; Omar

    Hamoui, fondateur dAdMob,

    est investisseur de capital-

    risque chez Sequoia Capital

    dans la Silicon Valley

    (Californie).

    ]Les musulmans des Etats-Unis ne sont pas homognes. Sils prsentent une pluralit ethnique, ils sont galement divers quant leur talent,

    leur exprience et leurs traditions religieuses.

    Ouverture sur l imprvuDans la fable sur Nasr Eddin Hodja, ce sont ses bonnes intentions, sa vision positive et son ouverture des expriences nouvelles qui comptent. Ces qualits sont encore importantes aujourdhui. Les immigrants arrivs par vagues successives aux Etats-Unis, et dont beaucoup taient musul-mans, ont pris pied dans leur nouveau pays en ouvrant des commerces, lesquels apportent les valeurs et les traditions culturelles qui leur sont propres la culture amricaine.

    Les immigrants dous de lesprit dentreprise commencent souvent dans le secteur de lalimentation. Les ingrdients dune comprhension mutuelle sont servis dans les soupes aux lentilles corail du petit restaurant turc local ou dans un kebab afghan de la Silicon Valley californienne. La prolifration des restaurateurs ambulants halal New York, des choppes de falafels et des bars chicha dans de petites villes du pays montrent avec quel apptit les Amricains adoptent lalimentation et les coutumes des pays musulmans, comme ils lont fait avec de nombreuses autres cultures dimmigrants.

    Mais la contribution des musulmans amricains au brassage cultu-rel du pays ne se limite pas la restauration. Ils sont galement philan-thropes, artistes, ralisateurs et crivains. Ils lancent des plates-formes de rseaux sociaux novatrices. Ils travaillent dans les sciences et ldu-cation. Ils grent, dune cte lautre, des entreprises employant des milliers de personnes. Ce sont aussi des soldats qui dfendent courageu-sement leur pays. Ils sont positifs, accueillants et ouverts limprvu. Ce

    sont des Amricains. |

  • 36 ]

    [ ]CHICAGO

    A Chicago, troisime agglomration des Etats-Unis, les musulmans refltent la diversit de leur communaut lchelle nationale. Ils ont cr ensemble un rseau dynamique et croissant de mosques et dinstitutions civiques.

    Fuyant linstabilit politique qui conduisit la Premire Guerre mondiale, les musulmans du Sud-Est de lEurope comp-trent au nombre des premiers fidles de lislam stablir Chicago. Dix ans aprs, des coreligionnaires syriens et palesti-niens la recherche de perspectives conomiques les rejoi-gnirent. Leur nombre saccrut avec lapparition dun phnomne de conversion des habitants de souche au dbut des annes 1920. En outre, la rforme de la politique amricaine dimmigra-tion en 1965 gnra une nouvelle vague dimmigration musul-mane en provenance dAsie du Sud. Aujourdhui, la commu-naut musulmane de Chicago est lune des plus grandes et des plus diversifies des Etats-Unis.

    Lagglomration de Chicago compte prs de 9,7 millions dhabitants, dont plus de 300 000 musulmans. Parmi eux figurent des immigrants de toutes les classes dge venus dAfrique, du Moyen-Orient et dAsie du Sud, ainsi que des croyants et des convertis ns aux Etats-Unis.

    Il nexiste aucun autre lieu au monde o des musulmans issus de diffrentes rgions du globe se sont rassembls et ont cr une communaut possdant une aussi riche diversit , af-

    Ci-contre, de haut en bas et de

    gauche droite : nombre de

    clbres gratte-ciel de Chicago

    ont t conus par Fazlur

    Rahman Khan ; un homme lit

    le Coran ; le dme de la

    Muslim Association de Greater

    Rockford (Illinois) ; partage

    dun repas au Downtown

    Islamic Center de Chicago ; une

    jeune femme dans la salle de

    prire de lIslamic Foundation

    Villa Park (Illinois).

    La ville de Chicago compte aujourdhui 94 mosques.

  • 300 000musulmansvivent dans la rgion de Chicago.

    ]

  • 38 ]

    firme le docteur Mohammed Kaiseruddin, qui prside le Council of Islamic Organizations du Grand Chicago. Mais la communaut musulmane de la ville ne doit pas sa diversit sa seule composition ethnique. De nom-breuses branches de lislam sy sont enracines. Les croyances chiites, soufies et sunnites y sont toutes reprsentes, et les points de vue vont du conservatisme aux ides progressistes.

    Au-del des mosquesAvant 1960, Chicago comptait cinq mosques. On en totalise aujourdhui 94, rparties dans lagglomration, et prs de 20 % dentre elles ont t construites aprs 2001. Ldification dun aussi grand nombre de mosques au cours de la dernire dcennie tmoigne de lessor, de la richesse et de lengagement civique de la communaut musulmane.

    Les musulmans de Chicago ne se sont pas limits la construction de mosques. Ils ont tabli des communauts et des associations civiques dynamiques. Ainsi, lInner-City Muslim Action Network (IMAN) sattaque aux dures ralits de la vie urbaine. Fonde en 1995 par lAmricain dorigine palestinienne Rami Nashashibi, cette association but non lucratif sest dveloppe et assure aujourdhui des services allant dun dispensaire gratuit de qualit un espace artistique ddi aux manifes-tations interculturelles. Le festival de lIMAN, Takin It to the Streets, ras-semble des artistes et des musiciens multiethniques ainsi que des dizaines de milliers de spectateurs pour clbrer la diversit culturelle.

    Laventure de lIMAN montre la vitalit des identits et des valeurs musulmanes aux Etats-Unis.

    Il nexiste aucun autre lieu au monde o des musulmans issus de diffrentes rgions du globe ont cr une communaut possdant une aussi riche diversit. [

  • 39 ]

    Les arts sont devenus pour nous un facteur clef, car ils humanisent nos histoires respectives, les relient et [] rvlent aux uns et aux autres les possibilits que pourrait offrir un monde meilleur , a dclar Rami Nashashibi la Chautauqua Institution (Etat de New York).

    Laventure de lIMAN est totalement incroyable et montre la vita-lit des identits et des valeurs musulmanes aux Etats-Unis , estime Scott Alexander, matre de confrences spcialiste de lislam la Catholic Theological Union de Chicago. Il ajoute que les histoires semblables celles de lIMAN se comptent par milliers dans tout le pays.

    LInterfaith Youth Core (IFYC) de Chicago en propose un autre exemple. Grce au travail bnvole, il transforme des tudiants en res-ponsables interreligieux. Prenant part des projets tels que la construc-tion de logements pour rsidents faibles revenus par lintermdiaire de Habitat for Humanity (organisation chrtienne but non lucratif implan-te aux Etats-Unis), les tudiants tablissent des relations srieuses avec des camarades de confessions diverses et approfondissent leur compr-hension et leur apprciation de toutes les cultures religieuses.

    Je travaille avec une catgorie trs particulire de musulmans, dclare Eboo Patel, fondateur de lIFYC, et nous pensons que le meilleur atout de lAmrique, cest de nous permettre davoir une influence positive, car cest une nation qui fait bon accueil aux initiatives de ses citoyens.

    Appels la prire en dehors de ChicagoLa communaut musulmane dynamique de Chicago fait entendre et respecter sa voix bien au-del des rives du lac Michigan. Depuis 1988, la fondation Sound Vision, implante Chicago, produit des lettres dinfor-mation, des documentaires et des missions radiophoniques qui, dans plus de 28 pays dont le Canada et les Etats-Unis, aident les musulmans trouver des solutions pour pratiquer leur foi dans un contexte occidental.

    Sound Vision assure aussi la diffusion de la seule mission musul-mane quotidienne des Etats-Unis, Radio Islam. Selon le Royal Islamic Strategic Studies Centre de Jordanie, Radio Islam constitue non seule-ment une source de soutien pour les musulmans, mais aussi un lien du-catif important avec les non-musulmans du Grand Chicago .

    Le prsident de Sound Vision, limam Abdul Malik Mujahid, prside le conseil dadministration du Council for a Parliament of the Worlds Religions, lune des principales organisations interreligieuses du monde. A Chicago, dit-il, jai vu comment le dialogue interreligieux a conduit les glises, les mosques et les synagogues uvrer ensemble pour promouvoir de vritables changements civiques. |

    Ci-dessus : Eboo Patel,

    fondateur de lInterfaith Youth

    Core. Ci-contre, de gauche

    droite : Rami Nashashibi,

    directeur de lInner-City

    Muslim Action Network

    (IMAN) ; lexpression cratrice

    rgne au Community Caf de

    lIMAN ; des jeunes travaillent

    dans le jardin de lIMAN.

  • 40 ]

    *Portraits

    Dune part, les musulmanes dAmrique jouissent du patrimoine national de la libert de parole et de mouvement et dun hritage intellectuel de rflexion critique. Dautre part, elles bnficient, du ct islamique, dun hritage dautonomie et de spiritualit , explique Tayyibah Taylor, cofondatrice et rdactrice en chef du magazine Azizah, destin aux musulmanes am-ricaines et rdig par elles. Tayyibah Taylor a fond Azizah avec Marlina Nina Soerakoesoemah, son associe et directrice de la cration. Le duo, qui a lanc son premier numro en 2000, peut senorgueillir au-jourdhui dun tirage de 40 000 exemplaires.

    Rdig, dit et conu intgralement par des musulmanes, Azizah permet aux Amricaines de cette confession de sexprimer en toute libert. Pour Tayyibah Taylor, originaire de Trinidad, et Marlina Soerakoesoemah, dIndonsie, le respect de la diversit de pense de leur communaut est indispensable pour que le magazine remplisse sa mission. Tayyibah Taylor vit Atlanta et Marlina Soerakoesoemah Redmond, dans lEtat de Washington.

    Nous estimons que, pour assurer une vritable tribune aux mu-sulmanes, il faut en reflter la pluralit, souligne Tayyibah Taylor. Nous en sommes au stade de la constitution dinstitutions sociales, et les mdias accompagnent ce processus.

    Le magazine Azizah a t couronn en 2010, 2012 et 2013 dun Folio Eddie Award pour son excellence rdactionnelle. |

    Tayyibah Taylorrdactrice en chef dun magazine

    Tayyibah Taylor

  • 42 ]

    Hassan Hakmoun

    Fazlur Khan

    Fazlur Rahman Khan ingnieur en gnie civil

    De la Mosque bleue lAlhambra, lIslam est rput pour ses ralisations dans larchitecture et le gnie civil. Mais nombreux sont ceux qui ignorent que les gratte-ciel les plus clbres de Chicago sont luvre dun ingnieur musulman, Fazlur Khan, dont une rue porte le nom.

    N en 1929 Dacca, dans la rgion qui deviendra plus tard le Bangladesh, Fazlur Khan arrive aux Etats-Unis en 1952 comme boursier Fulbright pour tudier luniversit de lIllinois Urbana-Champaign. Il y obtient des masters en mcanique applique et gnie civil, puis un doctorat dans cette dernire spcialit.

    En 1955, Fazlur Khan entre chez Skidmore, Owings & Merrill, prestigieux cabinet darchitectes de Chicago. Du Brunswick Building (37 tages) aux appartements DeWitt Chestnut (43 tages) en passant par le John Hancock Center (100 tages) et la tour Willis (auparavant Sears, 110 tages), Fazlur Khan met au point, entre architectes et ingnieurs, des collaborations qui ouvriront de nouvelles voies dans ce domaine dactivit. A bien des gards, Chicago est son monument, la reprsentation concrte de son talent, au moment o, avec ses gratte-ciel, il sest hiss de nouveaux sommets.

    Au nombre de ses ralisations internationales, citons, en Arabie saoudite, luniversit King Abdulaziz et le terminal Hajj laroport international King Abdulaziz, pour lequel il reut le prix darchitecture Aga Khan.

    Fazlur Khan est mort en 1982, mais son hritage sincarne dans des gratte-ciel rcents, notamment le Burj Khalifa de Duba, actuellement la plus haute tour du monde.

    Hassan Hakmoun musicien

    Il y a six cents ans, des descendants desclaves dAfrique de lOuest importrent la musique gnaoua au Maroc. Mlant des rythmes dAfrique de lOuest et des mlodies dAfrique du Nord, cette musique est joue pour ses vertus thrapeutiques.

    Cest une musique totalement proche de Dieu , affirme Hassan Hakmoun, musicien amricain dorigine marocaine, que lon a qualifi dambassadeur de la culture gnaoua.

    Vivant Los Angeles, Hassan Hakmoun a tendu la notorit de la musique gnaoua. Aprs avoir migr aux Etats-Unis en 1987, il a commenc travailler avec des musiciens comme Miles Davis et Peter Gabriel. Ces collaborations ont apport son style des lments de jazz, de reggae, de rock et de funk. Daprs lui, cette fusion de rythmes, de musique et de chant semble plaire tous.

    Hassan Hakmoun a enregistr cinq albums. Quand il ne travaille pas sur sa propre musique, il ouvre des perspectives dautres artistes. Ainsi, en 1999, il a contribu la cration du Festival Gnaoua au Maroc. Evnement gratuit, ce festival de musiques du monde est lune des plus importantes manifestations musicales de la plante.

    Hassan Hakmoun attribue son succs louverture des Etats-Unis des ides et des artistes nouveaux. LAmrique, dit-il, est le pays le meilleur pour apprendre une multitude de choses sur la vie, les religions et le respect.