Les montagnes russes...pentes verglacées, les français innovent en remplaçant la couche de glace...

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LES MONTAGNES RUSSES y Maxime Duménil, Sciences et Techniques au Carré – SciTech² Véritables œuvres d’art alliant nouvelles technologies et sensations fortes, les montagnes russes du 21 e  siècle sont le fruit d’une évolution constante, rendue possible grâce à l’ingéniosité d’inventeurs et d’innovateurs qui n’ont jamais eu froid aux yeux… en somme, des ingénieurs ! Mais pourquoi parle-t-on de montagnes russes ? Pourquoi chaque parc d’attraction dispose-t-il de son train de la mine ? Le premier volet de cet article tentera de répondre à ces questions via un petit historique qui nous conduira des premières attractions exploitant les pentes verglacées de Russie aux rollers-coasters d’aujourd’hui. Nous partirons ensuite à la découverte du rôle essentiel joué par les ingénieurs dans la conception et la construction d’une attraction moderne. Pour terminer, Philippe Daen, ingénieur civil issu de notre Faculté polytechnique de Mons, nous livrera son précieux témoignage sur son parcours et les challenges qu’il relève au sein du parc d’attraction le plus connu du pays ! FICHE PÉDAGOGIQUE N°6 Fiche pédagogique issue du Polytech News n°53 | 1 Les pentes peuvent culminer à une hauteur de 25 mètres et s’étendre sur une longueur de 30 mètres. Certaines sont tellement larges qu’elles permettent à plusieurs personnes de descendre simultanément. D’après certains historiens, les paniers auraient alors été peu à peu remplacés par des chariots munis de roues afin de profiter des pentes glissantes toute l’année ! Le concept de pente glissante apparait en France à la fin du 18 e siècle. Le climat étant peu favorable aux pentes verglacées, les français innovent en remplaçant la couche de glace par de la cire mais les résultats sont peu probants. En 1804, les luges laissent place à des chariots munis de roues et la cire est remplacée par des rails de chemin de fer. Cependant, la sécu- rité n’est pas assurée, les accidents sont fréquents. Paradoxalement, le danger attise la curiosité du public et augmente même l’affluence sur ces attractions ! Quoi qu’il en soit, l’ajout de roues sur le véhicule de glisse marque une avancée technologique essentielle. Vers 1815, deux coasters sont construits à Paris : les Montagnes russes de Belleville et les Promenades aériennes. Les deux bénéficient pour la première fois de voitures reliées à la voie par un ingénieux dispositif : les essieux de chaque wagon glissent dans une rainure creusée tout le long de la voie, sur les côtés. Ce système est l’équivalent de la configuration dite « en guidage maintenu » utilisée de nos jours sur la quasi-totalité des montagnes russes. Dans le jargon, on parle de « up stop wheel ». La montagne russe moderne est née, l’innovation est en marche ! Objectif : fournir au public de plus en plus de sensations tout en garantissant une sécurité optimale. Aux Etats-Unis, en 1827, un entrepreneur d’une com- pagnie minière construit une voie ferrée qui permet d’acheminer rapidement jusqu’à la ville voisine située en contrebat ses wagons remplis de charbon. Des mules tirent alors les wagons sur les 14 km de voie, jusqu’en haut de la colline, puis les wagons, redes- cendent en roue libre avec le charbon, les mules et un convoyeur courageux chargé d’actionner les freins. On remplace peu à peu les mules par des moteurs à vapeur qui permettent au train de remonter la coline plusieurs fois par jour. On voit alors apparaître une évolution technique majeure, qui révolutionne la sécu- rité : une roue dentée empêchant le convoi de revenir en arrière ! Encore utilisé aujourd’hui, ce système est à l’origine du bruit de cliquetis si caractéristique de la remontée des wagons d’une montagne russe. Très vite, des passagers payent 50 cents pour effectuer la descente infernale à près de 160 km/h ! L’attraction perdure jusqu’en 1929, date à laquelle elle ferme en raison du contexte économique. Le premier looping, symbole des montagnes russes modernes, apparaît aux alentours de 1845 à Paris : Pour la plupart des historiens, l’histoire des montages russes commence au 16 e  siècle… en Russie. Ces habitants s’adonnent aux plaisirs de la glisse. Là où Dame Nature n’offre pas de collines propices à ces jeux d’hiver, les habitants n’hésitent pas à construire des pentes s’appuyant sur des structures en bois qu’ils recouvrent d’une couche de verglas. Début des années 1700, Saint-Pétersbourg vient d’être créée et déjà, on voit apparaitre des pentes artificielles – reposant sur des fondations de bois – un peu partout. Recouvertes d’une fine couche de glace obtenue en pulvérisant de l’eau, ces structures forment de véritables toboggans glacés. Les ama- teurs les plus téméraires grimpent au sommet de ces constructions grâce à des escaliers vertigineux pour ensuite embarquer dans des paniers en osier et se laisser glisser sur une pente inclinée de parfois plus de 50° ! Ils escaladent alors les escaliers d’un second toboggan positionné tête-bêche pour se lancer à l’assaut de la descente suivante ! FIGURE 1 : Tableau de Benjamin Patterson datant de 1788 nous montrant Catherine 2 (1729 –1796) devant les pentes verglacées aux alentours de Saint-Pétersbourg. Source : Sphinx Fine Art, galerie d’art londonienne. FIGURE 2 : Les Promenades aériennes dans le jardin Beaujon à Paris représentant la venue de sa Majesté, le 2 août 1817. Source : lithographie, 1817, collection de l’université de Brown. HISTORIQUE : LES MONTAGNES RUSSES, UNE AFFAIRE D’INNOVATION !

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Les montagnes russesy Maxime Duménil, Sciences et Techniques au Carré – SciTech²

véritables œuvres d’art alliant nouvelles technologies et sensations fortes, les montagnes russes du 21e siècle sont le fruit d’une évolution constante, rendue possible grâce à l’ingéniosité d’inventeurs et d’innovateurs qui n’ont jamais eu froid aux yeux… en somme, des ingénieurs !

Mais pourquoi parle-t-on de montagnes russes ? pourquoi chaque parc d’attraction dispose-t-il de son train de la mine ? Le premier volet de cet article tentera de répondre à ces questions via un petit historique qui nous conduira des premières attractions exploitant les pentes verglacées de Russie aux rollers-coasters d’aujourd’hui.

Nous partirons ensuite à la découverte du rôle essentiel joué par les ingénieurs dans la conception et la construction d’une attraction moderne.

pour terminer, philippe daen, ingénieur civil issu de notre Faculté polytechnique de Mons, nous livrera son précieux témoignage sur son parcours et les challenges qu’il relève au sein du parc d’attraction le plus connu du pays !

FICHe PédAgogIque n°6

fiche pédagogique issue du Po ly t e ch News n°53 | 1

Les pentes peuvent culminer à une hauteur de 25  mètres et s’étendre sur une longueur de 30 mètres. Certaines sont tellement larges qu’elles permettent à plusieurs personnes de descendre simultanément. D’après certains historiens, les paniers auraient alors été peu à peu remplacés par des chariots munis de roues afin de profiter des pentes glissantes toute l’année !

Le concept de pente glissante apparait en France à la fin du 18e siècle. Le climat étant peu favorable aux pentes verglacées, les français innovent en remplaçant la couche de glace par de la cire mais les résultats sont peu probants. En 1804, les luges laissent place à des chariots munis de roues et la cire est remplacée par des rails de chemin de fer. Cependant, la sécu-rité n’est pas assurée, les accidents sont fréquents. Paradoxalement, le danger attise la curiosité du public et augmente même l’affluence sur ces attractions ! Quoi qu’il en soit, l’ajout de roues sur le véhicule de glisse marque une avancée technologique essentielle.

Vers 1815, deux coasters sont construits à Paris : les Montagnes russes de Belleville et les Promenades aériennes. Les deux bénéficient pour la première fois de voitures reliées à la voie par un ingénieux dispositif : les essieux de chaque wagon glissent dans une rainure creusée tout le long de la voie, sur les côtés.

Ce système est l’équivalent de la configuration dite « en guidage maintenu » utilisée de nos jours sur la quasi-totalité des montagnes russes. Dans le jargon, on parle de « up stop wheel ».

La montagne russe moderne est née, l’innovation est en marche ! Objectif : fournir au public de plus en plus de sensations tout en garantissant une sécurité optimale.

Aux Etats-unis, en 1827, un entrepreneur d’une com-pagnie minière construit une voie ferrée qui permet d’acheminer rapidement jusqu’à la ville voisine située en contrebat ses wagons remplis de charbon. Des mules tirent alors les wagons sur les 14 km de voie, jusqu’en haut de la colline, puis les wagons, redes-cendent en roue libre avec le charbon, les mules et un convoyeur courageux chargé d’actionner les freins.

On remplace peu à peu les mules par des moteurs à vapeur qui permettent au train de remonter la coline plusieurs fois par jour. On voit alors apparaître une évolution technique majeure, qui révolutionne la sécu-rité : une roue dentée empêchant le convoi de revenir en arrière ! Encore utilisé aujourd’hui, ce système est à l’origine du bruit de cliquetis si caractéristique de la remontée des wagons d’une montagne russe. Très vite, des passagers payent 50 cents pour effectuer la descente infernale à près de 160 km/h ! L’attraction perdure jusqu’en 1929, date à laquelle elle ferme en raison du contexte économique.

Le premier looping, symbole des montagnes russes modernes, apparaît aux alentours de 1845 à Paris :

Pour la plupart des historiens, l’histoire des montages russes commence au 16e siècle… en Russie. Ces habitants s’adonnent aux plaisirs de la glisse. Là où Dame Nature n’offre pas de collines propices à ces jeux d’hiver, les habitants n’hésitent pas à construire des pentes s’appuyant sur des structures en bois qu’ils recouvrent d’une couche de verglas.

Début des années 1700, Saint-Pétersbourg vient d’être créée et déjà, on voit apparaitre des pentes artificielles – reposant sur des fondations de bois – un peu partout. Recouvertes d’une fine couche de glace obtenue en pulvérisant de l’eau, ces structures forment de véritables toboggans glacés. Les ama-teurs les plus téméraires grimpent au sommet de ces constructions grâce à des escaliers vertigineux pour ensuite embarquer dans des paniers en osier et se laisser glisser sur une pente inclinée de parfois plus de 50° ! Ils escaladent alors les escaliers d’un second toboggan positionné tête-bêche pour se lancer à l’assaut de la descente suivante !

Figure 1 : Tableau de Benjamin Patterson datant de 1788 nous montrant Catherine 2 (1729 –1796) devant les pentes verglacées aux alentours de Saint-Pétersbourg. Source : Sphinx Fine Art, galerie d’art londonienne.

Figure 2 : Les Promenades aériennes dans le jardin Beaujon à Paris représentant la venue de sa Majesté, le 2 août 1817. Source : lithographie, 1817, collection de l’université de Brown.

histoRique : Les MoNtagNes Russes, uNe aFFaiRe d’iNNovatioN !

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Les ingénieurs doivent sans cesse faire preuve de créativité, en imaginant de nouvelles méthodes de lancement, de nouvelles formes de vrilles et de looping ou encore des positions inédites pour étonner et ravir les passagers.

pour attaquer cette boucle de 4 m de diamètre, les wagons dévalent une pente présentant un dénivelé de 13 m. Cette attraction d’un genre nouveau – qui porte le nom de Chemin de fer centrifuge – fonc-tionnera durant plus de 20 ans !

Le ryhtme de l’évolution technique des coasters s’accélère de plus en plus. En 1884, Charles Alcoke invente la première montagne russe qui forme un circuit fermé ! En 1885, Philip Hinkle, invente quant à lui le concept de lift : le wagon est dans un pre-mier temps tracté au sommet de la montagne russe à l’aide d’une chaîne ou d’un câble, avant d’être libéré. Les deux inventions combinées permettent alors de concevoir des montagnes russes bien plus hautes et qui effectuent un circuit complet, tout bénéfice pour les sensations !

La même année, LaMarcus Thompson ajoute des décors à ces montagnes russes : les chemins de fer scéniques, précurseurs de nos attractions actuelles, viennent de voir le jour !

À la même époque, Coney Island devient, aux Etats-unis, le lieu emblématique de l’innovation dans le domaine des rollers-coasters. Il s’agit certaine-ment du lieu de naissance des parcs d’attractions modernes et des montagnes russes modernes dont raffolle aujourd’hui tant de monde ! Cependant, à l’époque rien n’est vraiment planifié au niveau de l’aménagement du lieu : on construit sans penser à l’agencement des différents manèges.

Bientôt, on voit arriver le premier parc d’attrac-tion planifié dès avant sa construction : tout est dessiné et imaginé avant que les premiers rails ne soient posés et que la première attraction ne sorte de terre. Les coasters sont désormais séparés par des aires de pique-nique et des zones réservées aux enfants. L’aménagement est également pensé afin que le bruit ne dérange pas les visiteurs. Les allées sont bordées d’arbres et de décorations, etc.

Début 1900, les loopings évoluent et deviennent elliptiques. Cette nouvelle forme réduit le nombre de « g » que les passagers subissent ! Les derniers loopings circulaires pouvaient produire une accé-lération de 12 g sur les passagers, ce qui fut fatal pour un certain nombre d’entre eux.

Rappelons que, dans ce contexte, « g » représente l’unité accélération correspondant à la valeur conventionnelle de l’accélération de la pesanteur à la surface de la Terre (9,81 m/s²).

Lorsque l’on dit que dans une attraction, on est écrasé sur notre siège par 4 g, cela signifie que notre corps subit une accélération (a) de 4 * 9.81 m/s² : nous sommes alors plaqués contre les sièges par une force (F = m * a) égale à quatre fois notre poids !

Autour des années 20, le nombre de coasters explose littéralement aux Etats-unis. On en compte presque 2000, alors qu’aujourd’hui, on n’en dénombre pas plus de 650 ! Des centaines de brevets sont dépo-sés, portant essentiellement sur des dispositifs qui garantissent la sécurité des passagers.

Enfin, en 1926, la montagne russe moderne, telle que nous la connaissons aujourd’hui, voit le jour : des descentes raides, des moments où l’on sent son corps décoller, de spectaculaires virages inclinés qui renforcent les sensations tout en améliorant le confort, et surtout … une barre de sécurité qui retient le passager sur son siège ! Le cyclone, construit à Coney Island, vient de révolutionner le monde des montagnes russes !

Depuis cette époque, les innovations ne cessent de se succéder : toujours plus vite, toujours plus haut, pour toujours plus de sensations !

Les iNgéNieuRs et Les MoNtagNes Russes

Les ingénieurs sont omniprésents dans le secteur des montagnes russes, que ce soit dans les parcs d’attractions eux-mêmes ou dans les entreprises qui conçoivent et construisent les rollers-coasters comme Bolliger & Mabillard ou Intamin en Suisse, Vekoma au Pays-Bas ou encore Mack Rides en Allemagne. Ces ingénieurs et leurs équipes doivent principalement faire face à quatre défis importants.

Premier casse-tête à résoudre : comment insérer des attractions de plus en plus grandes dans des parcs déjà existants ?

Second problème, celui de l’environnement dans lequel l’attraction doit être installée. On ne construit par un roller-coster au Japon comme on le ferait chez nous : le Pays du Soleil levant est fréquemment le siège de tremblements de terre, qui peuvent être violents, et il faut en tenir compte ! De même, le choix des matériaux à utiliser dépend de la région où est installée l’attraction : l’acier utilisé dans des pays froids et secs ne sera pas le même que celui utilisé dans des pays chauds et humides !

Troisième défi : parvenir à offrir aux passagers des sensations maximales tout en leur garantissant un niveau de sécurité extrêmement élevé.

Et enfin, les ingénieurs doivent sans cesse faire preuve de créativité, en imaginant de nouvelles méthodes de lancement, de nouvelles formes de vrilles et de looping ou encore des positions inédites pour étonner et ravir les passagers.

Concrètement, lorsqu’un parc d’attraction décide de se doter d’une nouvelle attraction, il en définit le cahier des charges. À qui l’attraction est-elle destinée  ? Aux enfants  ? Aus adolescents  ?

Aux familles ? Quelle sera la taille minimum des personnes qui pourront y accéder ? Veut-on un coaster, un manège tournant, une attraction aqua-tique, … ? Quel type de propulsion envisage-t-on, un système de lancement électromagnétique ou une remontée mécanique ? Et, nerf de la guerre… quel budget le parc est-il prêt à y investir ?

Les ingénieurs sont au cœur de ce processus de décision !

Figure 5 : Le cyclone à Coney Island. Source : http://amusingthezillion.com/

Figure 6 : Modèle 3D d’un rail de mon-tagne russe. Chaque pièce est modélisée pour obtenir le parcours complet ! Source : grabcad comunity (communauté de design sur autocad)

Ensuite, le parc contacte plusieurs sociétés spé-cialisées dans la construction d’attractions afin de prendre connaissance de leurs différentes pro-positions et choisir avec laquelle collaborer. S’en suit alors toute une série d’échanges pour affiner les caractéristiques fixées au début du processus.

une montagne russe virtuelleLa société retenue crée alors un modèle virtuel de la montagne russe. Pour y parvenir, les ingénieurs et leurs équipes passent des heures à dessiner, modifier, simuler, ajuster le concept imaginé. Les logiciels utilisés sont devenus tellement perfor-mants qu’il est même désormais possible de prévoir non seulement toutes les forces qui agissent sur la structure, mais aussi de prévoir toutes les accé-lérations qui seront à l’origine des sensations que vont ressentir les passagers !

Lorsque le modèle 3D est validé, les plans de construction sont alors générés. Ils conditionneront toute la suite du processus.

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Pour la sécurité et le confort des passagers, les différents segments de voie doivent parfaitement s’agencer.

L’ordre de grandeur de la précision requise est inférieur à 2 mm.

Le train du roller-coasterParallèlement au développement de la structure, d’autres équipes travaillent sur le train en lui-même. Après la phase de modélisation 3D des wagons, un prototypage est effectué. Concrètement, on réalise un modèle réel, souvent en mousse dure, qui donne un résultat rapide et bon marché.

Ce modèle est utilisé afin d’évaluer les qualités techniques et ergonomiques du train. Il permet par exemple de vérifier que les passagers disposeront de suffisamment de place pour les jambes.

On vérifie aussi ce que l’on appelle le dégagement : de vrais passagers sont invités à s’asseoir et à allonger les bras le plus possible dans tous les sens. On prend alors des mesures et on les compare au modèle informatique : assis dans un wagon en mouvement, on passe souvent très près des éléments de la structure du coaster. C’est tout bénéfice pour les sensations… mais il faut impé-rativement éviter tout contact ! Si le dégagement n’est pas suffisant, la disposition de la montagne russe sera alors modifiée.

Des tests sont aussi effectués pour vérifier qu’une personne assise dans le siège est correctement maintenue, dans un confort suffisant.

Le rôle de l’ingénieur est donc aussi de vérifier que toutes ces normes essentielles soient bien respec-tées et que les passagers ne courent aucun risque !

La constructionPour construire les différents segments de voie qui forment les lignes droites mais aussi les vrilles, les loopings, les creux et les bosses de la montagne russe, de longs tubes rectilignes en acier sont chauffés, déformés, refroidis, soudés… Ces seg-ments respectent scrupuleusement les modèles 3D.

En moyenne, un segment de voie atteint une dizaine de mètres. S’ils étaient plus grands, leur transport de l’usine jusqu’au parc d’attraction pourrait poser problème. Mais avant d’être transporté, le profil de chaque segment est vérifié : la plus petite variation pourrait provoquer de graves soucis d’assemblage ! Chaque soudure doit aussi être passée à la loupe : des fissures pourraient fragiliser toute la structure et mettre la vie des passagers en danger. Ce travail de précision est réalisé par des équipes techniques encadrées par des ingénieurs spécialisés dans le suivi de la qualité.

réponde bien au cahier des charges, qu’elle respecte bien toutes les normes de sécurité et d’accélération, que tous les piliers sont bien stables, même après des centaines de passages quotidiens du train, …

un problème délicat auquel doivent faire face les ingénieurs est celui de l’alimentation électrique de l’attraction : certains coasters consomment en quelques secondes l’équivalent en énergie de toutes les autres attractions du parc ! Il faut donc prévoir des dispositifs électriques spécifiques, eux aussi conçus par des équipes de techniciens et d’ingénieurs !

D’autres équipes mettent en place tout le système informatique qui gère l’attraction et qui collecte en temps réel des informations relevées par des centaines de capteurs. Par exemple, il ne faudrait pas qu’un train puisse démarrer si les systèmes de sécurité qui retiennent les passagers ne sont pas fermés. Tout comme les attractions, ces systèmes informatiques sont souvent réalisés sur mesure. Des ingénieurs spécialisés en technologie de l’information interviennent dans la conception de ces programmes si particuliers !

Et enfin, le grand jour arrive, celui où pour la première fois, l’attraction va fonctionner avec de vrais passagers !

Les MoNtagNes Russes, uNe aFFaiRe de ReCoRds !

Kingda Ka est un circuit de montagnes russes en métal situé au parc Six Flags Great Adventure dans

Figure 8 : Placement d’un segment de voie. Source : Seaworld, San Diego

Figure 7 : Un des principes de réalisation d’un pieu foré en béton armé  : 1. Mise en station de la foreuse. 2. Forage d’une forme cylindrique plus ou moins profonde. 3. Mise en place d’une cage d’armatures. 4. Coulage du béton. Source : Wikipédia

Sur le terrain, les travaux vont de l’avant. L’attraction va peser plusieurs dizaines de tonnes : il faut donc renforcer le sol pour être certain qu’il pourra sup-porter une aussi grande charge ! Des pieux en béton armé sont ainsi implantés judicieusement dans le sol, afin de pouvoir soutenir toute l’attraction. Soit on recourt à des pieux forés en creusant une forme cylindrique dans le sol et en la remplissant de béton. Soit on enfonce directement dans le sol un pilier préfabriqué en béton, soit on fait appel à d’autres techniques. Les ingénieurs choisissent celle qui est la plus adaptée à la nature du terrain.

Les piliers qui portent le coaster sont alors placés sur ces pieux. Ils soutiennent les différents seg-ments de voies qui arrivent directement l’usine.

Des grues de différentes tailles sont utilisées tout au long de l’avancement du chantier. Les équipes de construction sont coordonnées à la fois par des ingénieurs de l’entreprise qui a imaginé le coaster et par ceux du parc d’attraction lui-même.

Pour la sécurité et le confort des passagers, les différents segments de voie doivent parfaitement s’agencer. L’ordre de grandeur de la précision requise est inférieur à 2 mm ! Au-delà de ce seuil, l’usine doit se remettre au travail ! En effet, un trop grand écart entre deux segments de voie provoque des vibrations trop importantes qui pourraient s’avérer incommo-dantes, voire dangereuses pour les passagers.

Lorsque le parcours est complètement construit, le train complet est installé sur la voie. Les premiers tests peuvent commencer. Objectif : vérifier que l’attraction

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le New Jersey, aux États-unis. Il détient à la fois le record de la plus haute montagne russe métallique (139 m de haut) et de la plus haute chute (127 m). En comparaison, la plus haute montagne russe en bois ne culmine qu’à 63 m de haut.

Le Formula Rossa est un parcours de montagnes russes lancées, situées à Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis. Il a décroché le record mondial de vitesse avec une vitesse de pointe de 240 km/h ! Les éléments du train ont le profil d’une formule 1 !

Steel Dragon 2000 est un roller-coaster construit à Nagashima au Japon. Avec ses 2479 m de voie, c’est le plus long parcours de montagnes russes en acier au monde !

phiLippe daeNe, uN iNgéNieuR daNs uN paRC d’attRaCtioN.

Propos recueillis auprès de Philippe Daene, ingénieur diplômé de la Faculté Polytechnique de l’uMONS et Directeur du développement et de la qualité à Walibi Belgium.

« Avant Walibi, j’ai un peu roulé ma bosse dans tous les secteurs… Je suis passé par la chimie, le papier, le verre et l’industrie pharmaceu-tique… À ma sortie de la Faculté Polytechnique, j’ai commencé chez Solvay en tant qu’ingénieur de production. Ensuite, je suis devenu Directeur technique aux papeteries de Virginal où j’ai travaillé pendant presque 10 ans. Puis, j’ai été engagé aux glaceries Saint-Gobain toujours en tant que Directeur technique. Enfin, je suis passé chez GSK en tant que Responsable maintenance. Depuis 2012, je suis Directeur technique en charge de la maintenance à Walibi… mais depuis mon entrée, mon rôle a bien évolué ! »

Ce parcours illustre à merveille la richesse de la formation d’ingénieur civil, qui lui permet d’œuvrer et de résoudre des problèmes dans des secteurs a priori des plus différents ! Certains ingénieurs se plaisent ainsi à changer d’employeur tous les cinq ans : autrement dit, si un ingénieur veut relever de nouveaux défis, il lui est très facile de passer d’un emploi à un autre !

« Actuellement, je suis Directeur du développe-ment et de la qualité à Walibi. Concrètement, cela signifie que je me charge des investissements et des projets majeurs au sein du parc ! Cela com-prend, bien entendu, la toute nouvelle attraction prévue pour le printemps 2016. Elle s’appellera le PULSAR, un véritable concentré des techno-logies de pointe au niveau d’un roller-coaster ! Nous l’avons développée en collaboration avec le célèbre constructeur allemand Mack Rides. Cette attraction est, actuellement, une première mon-diale ! Comme nous n’avions pas la possibilité de prélever l’énergie nécessaire à chaque lancement sur le réseau électrique déjà extrêmement sollicité par les autres attractions, nous avons prévu un système de stockage de l’énergie pour la libérer en un seul coup lors des lancements successifs. En effet, le train passera 3 fois par la gare où le système de lancement l’accélèrera de plus en plus. Nous allons ainsi disposer d’une installation électrique dont les éléments principaux, des super-condensateurs, seront utilisés pour la première fois dans le domaine des attractions en Europe. Travailler sur cette attraction est vraiment très impressionnant. »

La prochaine fois que vous irez vous amuser dans les montagnes russes, ayez une petite pensée pour ces équipes d’ingénieurs et de techniciens

qui ont imaginé et construit la merveille technolo-gique qui va vous mettre sens dessus dessous… en toute sécurité !

« Ce travail me permet, à la fois, d’être autonome, d’aborder une grande variété de disciplines et sur-tout d’être créatif. Je trouve que cette créativité est essentielle aux ingénieurs et elle est bien utile dans mon cas pour susciter un maximum de surprise et de sensations à nos visiteurs. »

Modélisation informatique, mécanique et usinage de haut vol, résistance des matériaux, alimentation électrique, étude des sols, gestion d’équipe,… une montagne russe est finalement le fruit de la créativité polytechnique.

Ingénieur, vous avez dit ingénieur ? Et à quand la réalisation de votre propre attraction ?

Figure 9 : Kingda Ka nous écrasant littéralement avec ces 139 m de haut ! Source : Wikipédia

Figure 11 : Le steel dragon 2000 (en rouge), la plus longue montagne russe du monde. Source : Wikipédia

Figure 10 : Le formula Rossa. Pour atteindre cette vitesse, l’aérodynamisme des éléments du train a tout particulièrement été étudié et adapté ! Source : Wikipédia

Une montagne russe est finalement le fruit de la créativité polytechnique.