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N°311 Terre Sauvage 77 76 Terre Sauvage N°311 LES GARDIENS DE LA NATURE LES GARDIENS DE LA NATURE Protéger la vie. C’est l’objectif commun de nombreux programmes de conservation des espèces. De Birmanie à la Grèce, de l’Indonésie à la Chine, des Fidji au Bélize, des hommes se mobilisent et mettent en œuvre des projets… exemplaires. PAR JEAN-BAPTISTE POUCHAIN - ILLUSTRATIONS HEÏDI JACQUEMOUD L’acmopyle des îles Fidji AUPRÈS DE MON ARBRE « L’acmopyle des îles Fidji incarne l’un des problèmes majeurs de la protection de la nature aux Fidji : le manque de connaissance et de valorisation des espèces », regrette Dick Watling, administrateur de l’association NatureFiji-MareqetiViti (NF-MV). Relique du super- continent Gondwana, ce petit conifère, dont la présence aux Fidji demeure inexpliquée, est connu depuis 1927, mais n’a fait l’objet d’aucun plan de conservation. Moins de 100 arbres sont désormais recensés sur l’île de Viti Levu. NF-MV a décidé de briser cette inertie en travaillant avec les propriétaires fonciers de deux sites abritant des populations d’acmopyles. « Une équipe de quatre propriétaires confir- mera l’identité de chaque nouvel arbre et s’accordera sur un suivi du site et l’identification de nouvelles populations. » Après deux mois, les lieux seront revisités par un scientifique de NF-MV qui décrira, photographiera et enregistrera les coordonnées GPS des trouvailles. « Ce processus sera enseigné aux propriétaires afin qu’ils deviennent autonomes avant le terme du projet, précise Dick Watling. Nous essayons d’instiller un sens de la responsabilité et du gardiennage en nous assurant que les propriétaires comprennent bien l’importance de l’espèce en termes de conservation. » www.naturefiji.org Le jaguar DES FÉLINS, UN HABITAT Quand un homme se plaît à raconter une histoire, c’est bientôt l’histoire qui se met à le raconter. Une telle aura mythique entoure la vie du zoologiste américain Alan Rabinowitz. Tout est affaire de voix : celle qu’un jeune garçon atteint de bégaiement persistant implorait de retrouver devant un vieux jaguar de zoo ; celle que le félin ne possédait pas et dont le jeune garçon s’est promis de se faire le porte-parole. Depuis, Alan Rabinowitz a guéri et a créé l’association Panthera, ne souhaitant pas attendre que son animal fétiche soit en danger d’extinc- tion pour le protéger. Ayant découvert que le plus grand félin des Amériques était aussi le seul au monde à ne pas avoir de sous-espèce, c’est-à-dire à n’avoir connu aucune fragmentation de populations, il a fondé le « Corridor du jaguar », un projet transnational dont le but est de créer un continuum d’habitats protégés, afin qu’un jaguar du Mexique puisse continuer à mélanger ses gènes avec un jaguar d’Argentine. Désormais, tout est affaire de voie : celle que les félins, avec l’aide de 13 gouvernements et des populations locales, doivent continuer à trouver au milieu de la forêt ou d’un ranch. www.panthera.org Le gibbon Houlock oriental FORÊTS CONNECTÉES D e l’autre côté de la rivière Chindwin, au Myanmar (Birmanie), le gibbon Houlock oriental berce la forêt de ses vocalises depuis des temps immémoriaux. Le pays renferme 99,90 % de sa population totale, autrefois répandue jusqu’en Chine. « L’espèce est de plus en plus menacée par la fragmentation de son habitat », explique Fernando Potess, cofondateur de la People Resources and Conservation Foundation, qui a engagé en 2007 un plan de sauvetage afin de réduire les dommages infligés à la forêt par l’agriculture traditionnelle et les conflits armés. Le travail s’effectue principalement au sein de la communauté de Ker Shor Ter, dans l’État Karen. « Nous travaillons avec les gens d’ici pour maintenir de larges couloirs d’habitats propices aux gibbons et établir des connexions avec les autres forêts », précise Fernando. Gestion des forêts en accord avec les régulations ancestrales, substitution du bois de construction par d’autres matériaux et suivis des gibbons sont autant d’initiatives qui impliquent fortement les communautés locales. En effet, portées par une culture interdisant de chasser les primates et vénérant la beauté de leur chant, qui mieux qu’elles peuvent s’en faire les gardiennes ? www.prcfoundation.org L’okapi UN DRÔLE DE ZÈBRE ! C et okapi a les rayures d’un zèbre sur les pattes, mais est pourtant plus proche de la girafe. Découvert en 1901, ce mammifère est endémique de la jungle Ituri, en République démocratique du Congo. Sa population, désormais estimée à 10 000 individus, a chuté de 50 % en quinze ans, victime des pièges posés par les braconniers à l’intention d’autres animaux et de la destruction de son habitat par la déforestation et l’orpaillage illégal. Depuis 1987, l’Okapi Conservation Project (OCP), en partenariat avec l’Institut congolais pour la conservation de la nature, mène jusqu’à 20 patrouilles dissuasives par mois au sein de la Réserve de faune à okapis (RFO). L’OCP promeut également des méthodes d’agroforesterie durables, enseignant aux populations locales des alternatives à la culture sur brûlis, destructrice pour l’environnement. Mais, dans un pays où la situation politico-militaire impacte profondément la protection de la nature, la route est semée d’embûches. Après les gorilles du parc national des Virunga, ce sont les okapis d’Ituri qui ont fait les frais de combats armés : en juin 2012, des braconniers ont massacré six gardes et 14 okapis captifs au siège de la RFO. La mort du chef des rebelles, tué par l’armée congolaise en avril dernier, augure de meilleurs jours pour l’okapi. http://okapiconservation.org L’ibis chauve LE CORRIDOR POUR MIGRER, C’EST PAR ICI ! L’Égypte des pharaons en a fait son oiseau sacré, La Mecque des fidèles, son pèlerin exemplaire, et l’Europe d’aujourd’hui, son grand défi. Si le Maroc protège ses 450 individus sauvages, mais sédentaires, à Souss-Massa-Drâa et si la Syrie s’est découvert une petite colonie migratrice au sort désormais incertain, c’est en Europe, où l’ibis chauve n’existe plus depuis quatre cents ans, que l’association Förderverein Waldrappteam a initié le programme de réintroduction « Reason for Hope ». Grâce à des juvéniles élevés en captivité et des mesures anti-chasse extensives dans les pays concernés, l’objectif est de développer un corridor migratoire qui assurera la survie de l’espèce. Des colonies reproductrices ont été établies en Allemagne et en Autriche, et des migrations assistées par l’homme permettront de retrouver trois populations autonomes d’ici 2019. Ainsi, en août dernier, 14 ibis accompagnés de 16 per- sonnes ont migré avec succès jusqu’à leur station d’hivernage en Toscane. Et Johannes Fritz, le directeur du projet, de préciser : « On doit la tournure fantastique de la migration aux mères adoptives Corinna et Anne. Elles ont fait leur travail avec joie et bâti une relation forte avec tous les oiseaux. » http://waldrapp.eu/index.php/en EN DANGER CRITIQUE CR EN DANGER CRITIQUE CR QUASI MENACÉE NT VULNÉRABLE VU LYNN M. STONE/NPL FöRDERVEREIN WALDRAPPTEAM WENZEL/NFMV WALTING/NFMV EN DANGER EN

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les gardiens de la nature

les gardiens de la natureProtéger la vie. C’est l’objectif commun de nombreux programmes de conservation des espèces. de Birmanie à la grèce, de l’indonésie à la Chine, des Fidji au Bélize, des hommes se mobilisent et mettent en œuvre des projets… exemplaires.par jean-baptiste pouchain - illustrations heïdi jacquemoud

L’acmopyle des îles Fidji

auprès de mon arbre« L’acmopyle des îles Fidji incarne l’un des problèmes majeurs de la protection de la nature aux Fidji : le manque de connaissance et de valorisation des espèces », regrette Dick Watling, administrateur de l’association NatureFiji-MareqetiViti (NF-MV). Relique du super-continent Gondwana, ce petit conifère, dont la présence aux Fidji demeure inexpliquée, est connu depuis 1927, mais n’a fait l’objet d’aucun plan de conservation. Moins de 100 arbres sont désormais recensés sur l’île de Viti Levu. NF-MV a décidé de briser cette inertie en travaillant avec les propriétaires fonciers de deux sites abritant des populations d’acmopyles. « Une équipe de quatre propriétaires confir-mera l’identité de chaque nouvel arbre et s’accordera sur un suivi du site et l’identification de nouvelles populations. » Après deux mois, les lieux seront revisités par un scientifique de NF-MV qui décrira, photographiera et enregistrera les coordonnées GPS des trouvailles. « Ce processus sera enseigné aux propriétaires afin qu’ils deviennent autonomes avant le terme du projet, précise Dick Watling. Nous essayons d’instiller un sens de la responsabilité et du gardiennage en nous assurant que les propriétaires comprennent bien l’importance de l’espèce en termes de conservation. » www.naturefiji.org

Le jaguar

des félins, un habitatQuand un homme se plaît à raconter une histoire, c’est bientôt l’histoire qui se met à le raconter. Une telle aura mythique entoure la vie du zoologiste américain Alan Rabinowitz. Tout est affaire de voix : celle qu’un jeune garçon atteint de bégaiement persistant implorait de retrouver devant un vieux jaguar de zoo ; celle que le félin ne possédait pas et dont le jeune garçon s’est promis de se faire le porte-parole. Depuis, Alan Rabinowitz a guéri et a créé l’association Panthera, ne souhaitant pas attendre que son animal fétiche soit en danger d’extinc-tion pour le protéger. Ayant découvert que le plus grand félin des Amériques était aussi le seul au monde à ne pas avoir de sous-espèce, c’est-à-dire à n’avoir connu aucune fragmentation de populations, il a fondé le « Corridor du jaguar », un projet transnational dont le but est de créer un continuum d’habitats protégés, afin qu’un jaguar du Mexique puisse continuer à mélanger ses gènes avec un jaguar d’Argentine. Désormais, tout est affaire de voie : celle que les félins, avec l’aide de 13 gouvernements et des populations locales, doivent continuer à trouver au milieu de la forêt ou d’un ranch. www.panthera.org

Le gibbon Houlock orientalforêts connectées

De l’autre côté de la rivière Chindwin, au Myanmar (Birmanie), le gibbon Houlock oriental

berce la forêt de ses vocalises depuis des temps immémoriaux. Le pays renferme 99,90 % de sa population totale, autrefois répandue jusqu’en Chine. « L’espèce est de plus en plus menacée par la fragmentation de son habitat », explique Fernando Potess, cofondateur de la People Resources and Conservation Foundation, qui a engagé en 2007 un plan de sauvetage afin de réduire les dommages infligés à la forêt par l’agriculture traditionnelle et les conflits armés. Le travail s’effectue principalement au sein de la communauté de Ker Shor Ter, dans l’État Karen. « Nous travaillons avec les gens d’ici pour maintenir de larges couloirs d’habitats propices aux gibbons et établir des connexions avec les autres forêts », précise Fernando. Gestion des forêts en accord avec les régulations ancestrales, substitution du bois de construction par d’autres matériaux et suivis des gibbons sont autant d’initiatives qui impliquent fortement les communautés locales. En effet, portées par une culture interdisant de chasser les primates et vénérant la beauté de leur chant, qui mieux qu’elles peuvent s’en faire les gardiennes ? www.prcfoundation.org

L’okapiun drôle de zèbre !

Cet okapi a les rayures d’un zèbre sur les pattes, mais est pourtant plus proche de la girafe.

Découvert en 1901, ce mammifère est endémique de la jungle Ituri, en République démocratique du Congo. Sa population, désormais estimée à 10 000 individus, a chuté de 50 % en quinze ans, victime des pièges posés par les braconniers à l’intention d’autres animaux et de la destruction de son habitat par la déforestation et l’orpaillage illégal. Depuis 1987, l’Okapi Conservation Project (OCP), en partenariat avec l’Institut congolais pour la conservation de la nature, mène jusqu’à 20 patrouilles dissuasives par mois au sein de la Réserve de faune à okapis (RFO). L’OCP promeut également des méthodes d’agroforesterie durables, enseignant aux populations locales des alternatives à la culture sur brûlis, destructrice pour l’environnement. Mais, dans un pays où la situation politico-militaire impacte profondément la protection de la nature, la route est semée d’embûches. Après les gorilles du parc national des Virunga, ce sont les okapis d’Ituri qui ont fait les frais de combats armés : en juin 2012, des braconniers ont massacré six gardes et 14 okapis captifs au siège de la RFO. La mort du chef des rebelles, tué par l’armée congolaise en avril dernier, augure de meilleurs jours pour l’okapi.http://okapiconservation.org

L’ibis chauve

le corridor pour migrer, c’est par ici !L’Égypte des pharaons en a fait son oiseau sacré, La Mecque des fidèles, son pèlerin exemplaire, et l’Europe d’aujourd’hui, son grand défi. Si le Maroc protège ses 450 individus sauvages, mais sédentaires, à Souss-Massa-Drâa et si la Syrie s’est découvert une petite colonie migratrice au sort désormais incertain, c’est en Europe, où l’ibis chauve n’existe plus depuis quatre cents ans, que l’association Förderverein Waldrappteam a initié le programme de réintroduction « Reason for Hope ». Grâce à des juvéniles élevés en captivité et des mesures anti-chasse extensives dans les pays concernés, l’objectif est de développer un corridor migratoire qui assurera la survie de l’espèce. Des colonies reproductrices ont été établies en Allemagne et en Autriche, et des migrations assistées par l’homme permettront de retrouver trois populations autonomes d’ici 2019. Ainsi, en août dernier, 14 ibis accompagnés de 16 per-sonnes ont migré avec succès jusqu’à leur station d’hivernage en Toscane. Et Johannes Fritz, le directeur du projet, de préciser : « On doit la tournure fantastique de la migration aux mères adoptives Corinna et Anne. Elles ont fait leur travail avec joie et bâti une relation forte avec tous les oiseaux. »http://waldrapp.eu/index.php/en

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les gardiens de la nature

La tortue caouanne passer la bague... à la nageoire !« Je n’oublierai pas la première fois où j’ai vu une tortue caouanne donner la vie. Il faisait nuit, on attendait qu’elle ait fini de pondre pour la baguer, couché auprès d’elle. Sa carapace préhistorique était dorée par la pleine lune, et je n’imaginais pas qui que ce soit pouvant blesser un si bel animal. » Pourtant, si Freya Cohen est devenue chef de camp pour Archelon, la Société de protection des tortues marines de Grèce, c’est bien parce que le rituel de ponte millénaire des tortues caouannes est désormais menacé par les activités de pêche et le développement incontrôlé du littoral grec. Dans un contexte de pays en crise, les construc-tions illégales se multiplient sur l’habitat protégé des tortues, et leurs interactions avec l’homme s’avèrent souvent fatales. Depuis plus de trente ans, les nombreux volontaires internationaux d’Archelon identifient, protègent et suivent les nids jusqu’aux éclosions. Leur travail porte ses fruits, puisque les femelles caouannes émergent de plus en plus nombreuses chaque été. Reste à implanter une activité écotouristique qui bénéficierait à la fois aux tortues et aux locaux. « Ces sites sont la propriété de tous, résume Freya, et ils nous récompenseront bien plus au long terme qu’un développement immobilier éphémère ! » www.archelon.gr

Le poisson-scieamis des poissons-sciesLe long des côtes d’Afrique de l’Ouest, les poissons-scies, semblables aux requins par leur squelette cartilagineux, sont menacés par les activités de pêche et le com-merce illégal. Aussi sont-ils l’objet d’un programme de conservation « AfricaSaw ». Armelle Jung, chef de projet scientifique à l’association Des requins et des hommes, témoigne : « Le cœur de notre projet est de travailler avec les Africains. Nous avons créé un réseau d’alerte entre plusieurs pays (Sénégal, Sierra Leone, Guinée-Bissau...) pour réagir rapidement en cas de capture de poisson-scie. Il fonctionne grâce à des relais locaux – un chef de village, un responsable pêche –, qui communiquent beaucoup pour garder le lien après une intervention, et affichent ainsi leur communauté comme “amie des poissons-scies”. C’est le maintien de cette énergie, ainsi que plusieurs projets d’éducation, qui appellent une prise de conscience. Dans un petit village du sud de la Sierra Leone, je me souviens de pêcheurs ayant décidé de remettre à l’eau un poisson-scie après un débat long et houleux. C’était un témoignage fort de la part de ces gens qui ont pourtant d’autres préoccupations quoti-diennes. À terme, on espère les voir prendre en main la gestion raisonnée de leurs ressources halieutiques. » http://desrequinsetdeshommes.org

Zamia prasina la cultivée vient en aide à la sauvage

C’est comme si pour vivre heureux Zamia prasina avait voulu vivre caché. Non content

d’être endémique des monts Maya, au sud-ouest du Bélize (Amérique centrale), ce cycas – en passe d’être renommé « Zamia decumbens » après une confusion taxonomique –, ne pousse qu’au fond des dolines, des dépressions formées par l’affaissement de la roche souterraine. Ironie du sort, c’est la rareté de cette plante, qu’on prendrait pour une fougère croisée de palmier, qui l’a rendue précieuse aux yeux des collectionneurs. Ses populations, décimées par une exploitation commerciale non durable, ne comptent plus qu’une centaine d’individus sur 10 kilomètres carrés de forêt. Le Montgomery Botanical Center (MBC), à travers des expéditions cofinancées par SOS (Save Our Species), rapporte de précieuses graines de cycas sauvages aux États-unis à des fins d’horticulture. « Des collections ex situ sont nécessaires afin de compléter les populations de cycas sauvages, explique Tracy Magellan, gestionnaire de sensibilisation au MBC. une grande disponibilité de cycas cultivés en pépinières démotivera les collectionneurs de plantes sauvages. » Avec un plan de propagation de 1 000 graines et plus de 50 % de germination fructueuse, Zamia prasina semble avoir de beau jour devant lui.www.montgomerybotanical.org

La raie mantal’écotourisme à la rescousse

A près les soupes d’ailerons de requins, plus nocives que médicinales, la mode est

désormais à l’utilisation pseudo-thérapeutique des branchies de raies manta. Il y a plusieurs années, des écologistes des associations WildAid et Shark Savers ont remonté la piste de ce commerce illégal jusqu’aux marchés de fruits de mer séchés de Guangzhou, au sud de la Chine : 99 % des branchies y sont vendues comme base de préparation pour des tonifiants. Afin d’enrayer le déclin des populations de raies manta que la demande en branchies engendre en motivant une surpêche globale de l’espèce, les deux associations ont créé le programme « Manta Ray of Hope ». Outre l’implantation des mesures de protection légale des raies et une campagne de sensibilisation en Chine, il promeut les activités d’écotourisme liées à l’espèce telle que la plongée sous-marine. « Ce commerce est en train de déposséder les économies locales de l’une des créatures les plus charismatiques des océans, qui pourrait leur attirer des millions de dollars chaque année », assure le chef d’équipe Shawn Heinrichs. Avec 11 millions de dollars générés par an, contre un potentiel 100 millions de dollars en activités écotouristiques, le trafic mortuaire de la raie manta semble en effet ne pas tenir la route.www.mantarayofhope.com

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La pomme de Niedzwetsky

un pépin pris en chargeLes forêts fruitières d’Asie centrale : un paradis (presque) perdu ? C’est qu’elles contiennent aussi leur fruit défendu : la pomme de Niedzwetsky, l’ancêtre sauvage de nos variétés de culture. Robin Loveridge, agent de la Global Trees Campaign (GTC), programme mondial de conser-vation des arbres menacés crée par Fauna & Flora International, est parti en juin 2014 au Kirghizistan, dans la réserve de Sary-Chelek, afin de superviser la protection de la dernière population de pommiers de Niedzwetsky : « Chaque printemps, les jeunes plantes qui pointent leurs premières pousses sont mangées par les troupeaux. Une population silencieuse est en train de s’écrouler. » Afin de parer cette absence de régénération qui, combinée à une fragmentation des populations, a réduit l’espèce à 117 individus, GTC forme les communautés locales et les services d’État à identifier et gérer les pommiers à travers un pâturage extensif, tout en développant des pépinières pour renforcer les populations sauvages avec des arbres cultivés. Ainsi, la survie de l’espèce augurerait d’une « diversité génétique et d’une potentielle résis-tance aux maladies qui menacent les variétés domestiques de pomme ». http://globaltrees.org

Le rhinocéros de Java une garde rapprochéeAu sein du parc national indonésien d’Ujung Kulon, Pak Sorhim et Pak Tisno sont membres des Rhino Protection Units (RPU). Ces équipes de quatre gardes opèrent depuis vingt ans à l’initiative de l’International Rhino Foundation et de l’association Yayasan Badak Indonesia afin de protéger la dernière population de rhinocéros de Java, estimée à 44 individus sauvages. « Nous patrouillons la forêt et sensibilisons les communautés vivant autour », explique Pak Sorhim. En effet, l’espèce est convoitée par les braconniers pour ses cornes, revendues sur le marché chinois. « En plus d’empêcher les perturbations humaines, nous identifions les aires de vie du rhinocéros et l’état de son habitat », ajoute Pak Tisno, chef d’une RPU depuis 2007. Ce suivi de l’espèce, mené à partir de fèces et de traces, vise notamment à empêcher la prolifération d’espèces invasives au détriment de l’herbe dont l’animal se nourrit. « Une bonne collaboration entre le Parc et les communautés doit permettre d’améliorer la vie des villageois », souligne Pak Sorhim, soucieux de leur offrir la clé de leur propre « mieux-vivre ». Quant à l’improbable rencontre avec un rhinocéros, Pak Tisno la résume simplement : « Je les ai vus deux fois en trente ans, et c’était juste incroyable ! » www.badak.or.id/home

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les gardiens de la nature

Le mégapode maléo patrouilles gagnantes

Marcy Summers dirige l’Alliance for Tompotika Conservation (AITo), créée en 2006 dans le

but de protéger le mégapode maléo, un oiseau endémique de Célèbes, en Indonésie. Menacée par la collecte illégale de l’œuf unique que les femelles pondent sur une plage près du village de Taima, dans la province de Tompotika, l’espèce n’a cessé de voir sa population s’agrandir depuis le début des patrouilles instaurées par AlTo avec la communauté locale. « Nous avons prouvé que si les hommes changent leur comportement envers la nature, cela peut être mutuellement bénéfique. » Plus rentable que la revente d’œufs, la protection de la plage a aussi rendu tangible la conséquence de leurs actes aux Indonésiens. « La partie la plus dure, c’est de changer les mentalités... Ça prend du temps. Mais, de plus en plus, les villageois parlent avec fierté de leur héritage naturel ! » D’après Marcy, cette invitation au changement est lancée par les mégapodes maléos eux-mêmes, qui, après avoir enterré leur œuf regagnent la forêt sans se retourner, laissant le futur bébé livré à lui-même. « C’est l’ultime acte de confiance. Ils comptent sur le monde pour se montrer clément avec leur enfant. En tant qu’Homme, cela m’inspire l’envie de ne pas trahir cette confiance. » www.tompotika.org

La grenouille de Corroboree les œufs d’or

D epuis quelques années, nombre d’amphibiens dans le monde sont décimés par un champignon

infectieux, le chytride. La grenouille de Corroboree, endémique des zones humides du parc national Kosciuszko, dans l’État australien des Nouvelles-Galles du Sud, ne fait pas exception. Seulement six mâles ont été recensés en janvier 2014. Grâce à un projet de conservation, on espère que cet amphibien aux spectaculaires couleurs jaune et noire connaîtra un futur meilleur. « Mais le défi est plus large, il faut faire face à un agent pathogène qui menace globalement toutes les grenouilles », indique David Hunter, agent à l’Office de l’environnement et de l’héritage, qui espère que le plan de sauvegarde essaimera ailleurs. quatre zoos et parcs australiens gèrent la reproduction en captivité, dans des conditions reproduisant celles de l’habitat naturel de la grenouille de Corroboree. Puis les œufs sont réintroduits dans des mares artificielles au parc national Kosciuszko. « Elles sont légèrement surélevées, ce qui permet d’exclure la présence de Crinia signifera, l’amphibien vecteur du chytride », explique David. Et ça marche : 60 % des œufs éclosent et plusieurs individus atteignent leur maturité et réussissent à s’accoupler. www.corroboreefrog.com.au

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Le gris du Timneh

pas de cage pour la voix ! « L’intelligence du gris du Timneh est à la fois la raison de sa survie et de sa perte. » Les anciens de l’archipel des Bijagós, en Guinée-Bissau, ont raconté à Mohamed Henriques, biolo-giste à la World Parrot Trust (WPT), comment ce perroquet endémique d’Afrique de l’Ouest a décliné en trente ans, victime de sa faculté à imiter les mots humains qui l’a rendu populaire comme animal de compagnie en Europe. Mais la création d’aires protégées, tel que le parc national marin de João Vieira-Poilão, et l’avènement d’actions de conservation ont commencé à décourager les chasseurs de perroquets. « On en a eu la preuve cette année, quand nous avons réussi à récupérer et réintroduire un oisillon qui avait été braconné », se félicite Mohamed. Afin de préserver la colonie reproductrice des îles João Vieira et Meio, la WPT a fait le pari audacieux de recruter six chasseurs de perroquets pour aider à recenser les populations. « L’idée n’est pas seulement de leur offrir une alternative économique, mais d’éveiller leur conscience aux conséquences de la disparition du gris du Timneh. » Grâce à leurs connaissances, ils sont devenus de précieux collabora-teurs du projet, et un espoir pour cet oiseau qui, aux yeux de Mohamed, incarne le vrai sens de la liberté. www.parrots.org

Le phoque moine de Méditerranée

souriez, vous êtes filmésChassé à outrance par le passé, le phoque moine de Méditerranée est l’un des mammifères marins les plus menacés, avec environ 500 ani-maux répartis entre la mer Égée et la côte nord-africaine. La Fondation espagnole CBD-Habitat a initié un programme de conservation de l’espèce en Mauritanie, dans la réserve Côtes des phoques. « Dans la péninsule du cap Blanc, nous protégeons près de la moitié de la population mondiale, souligne la biologiste Mercedes Muñoz Cañas, et la seule qui préserve sa structure de colonie originale. En somme, nous protégeons son plus gros espoir de survie. » Les phoques souf-

frant de perturbations humaines dans leurs trois grottes de repos et de reproduction, les techniciens du programme utilisent des caméras de surveillance et, plus rarement, y descendent en rappel pour en contrôler l’activité. Ils travaillent aussi avec les habi-tants de la ville voisine de Nouadhibou afin de prévenir toute activité de pêche intrusive. Leurs efforts ont permis de doubler l’effectif de la colonie en quatorze ans, et les phoques, assure Mercedes, les en remercient à leur façon : « C’est incroyable quand, en pleine escalade, on sent soudain quelque chose tirer la corde et que l’on découvre, en bas, un bébé phoque jouant en toute insouciance avec ! »http://mediterraneanmonkseal.org

L’écrevisse à pattes blanchestoutes aux abris !Rares sont les organismes dévoués à la protection des espèces « ingrates », tels que les invertébrés. Pourtant, ils sont « la clé pour maintenir un environnement sain »,

assure Joanne Gilvear, agent de conservation à Buglife. L’association, dont le mot d’ordre est : « Protéger les petites choses qui dirigent le monde », ambi-tionne de sauver l’écrevisse à pattes blanches en Angleterre du Sud-Ouest. Les populations de cette espèce bio-indicatrice intolérante à la pollution ont chuté de moitié depuis les années 1970, principalement à cause d’une « peste » véhiculée par une espèce invasive, l’écrevisse de Californie. Afin de contrer cette maladie, Buglife et plusieurs partenaires ont initié le « South West Crayfish Partnership », visant notamment à établir des sites Arcs. « Ce sont des refuges sûrs et dénués d’écrevisses invasives pour les populations autochtones en danger », explique Joanne. Les agents, après avoir capturé des écrevisses à pattes blanches, les transfèrent dans ces sites isolés où leur évolution est rigou-reusement contrôlée. Douze sites Arcs ont ainsi été créés, et Buglife, à travers une méthode de science participative, encourage chacun à en identifier de nouveaux grâce à des tableaux de critères téléchargeables sur son site internet. www.buglife.org.uk/uk-crayfish

Le cuivré de la bistorte on rentre à la maisonTout papillon se doit de posséder un nom alambiqué. Celui du cuivré de la bistorte dit pourtant élégamment sa vive couleur et la plante dont il dépend. Petit insecte relique de la dernière glaciation, ses populations en déclin et de plus en plus frag-mentées se concentrent majoritai-rement dans les fonds de vallées des Ardennes et de la Lorraine belges. En 2009, la Région wallone a mis en place un programme de conservation sur une durée de cinq ans, coordonné par l’association Natagora et doté de financements européens. À travers la restauration de 110 hectares de terrains, dont 40 hectares de sites achetés et de nombreux sites Natura 2000, les travaux ont rétabli le cadre de vie propice à ce papillon : un réseau de prairies humides où pousse la bistorte, la plante nécessaire à sa reproduction. Par exemple, de nombreuses coupes sélectives et des aménagements de clairières ont été effectués dans le bassin de la Semois, auparavant envahi par les épicéas, qui ont permis le retour de la bistorte après deux ans. Le projet s’est vu accorder un an d’action supplémentaire, afin de superviser la gestion raisonnée des sites rouverts, recolonisés avec succès par le cuivré malgré la forte pluvio-sité des deux derniers printemps et une baisse continuelle de ses effectifs. www.life-papillons.eu

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