Les contractions pr´eposition + d´eterminant en allemand et...

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Projet Formes faibles, volume Pr´ epositions Les contractions pr´ eposition + eterminant en allemand et en fran¸cais 1 Patricia Cabredo Hofherr CNRS UMR 7023/ Univ.Paris 8 [email protected] Table des mati` eres 1 Introduction 2 2 Les donn´ ees 3 2.1 Les donn´ ees du francais ................... 4 2.2 Les donn´ ees de l’allemand .................. 6 2.3 Contrastes entre le fran¸ cais et l’allemand .......... 17 3 L’analyse 18 3.1 Arguments contre une analyse phonologique ou purement syntaxique ........................... 19 3.2 L’analyse propos´ ee ...................... 21 3.3 Les formes contract´ ees et la th´ eorie de l’interface entre morphologie et syntaxe .................... 30 3.4 Conclusion .......................... 34 4 Appendice 35 1 Remerciements : Olivier, Gilles, Jesse, Sabrina, Gerhard. 1

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Projet Formes faibles, volume Prepositions

Les contractions preposition +determinant en allemand et en francais1

Patricia Cabredo Hofherr

CNRS UMR 7023/ Univ.Paris 8

[email protected]

Table des matieres

1 Introduction 2

2 Les donnees 3

2.1 Les donnees du francais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

2.2 Les donnees de l’allemand . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

2.3 Contrastes entre le francais et l’allemand . . . . . . . . . . 17

3 L’analyse 18

3.1 Arguments contre une analyse phonologique ou purement

syntaxique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

3.2 L’analyse proposee . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

3.3 Les formes contractees et la theorie de l’interface entre

morphologie et syntaxe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

3.4 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

4 Appendice 35

1Remerciements : Olivier, Gilles, Jesse, Sabrina, Gerhard.

1

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1 Introduction

Dans ce qui suit, j’examinerai les contractions de prepositions

+ determinants en francais et en allemand, exemplifiees dans les

exemples suivants2 :

(1) a. la maison du pere

b. la maison de la mere

(2) a. diedet.fs

Reisevoyage

zuma+det.ms.dat

Mondlune

(allemand)

le voyage a la lune

b. diedet.fs

Reisevoyage

zua

dendet.pl.dat

SeychellenSeychelles

le voyage aux Seychelles

Les paires minimales ci-dessus montrent que des suites d’une

preposition suivie d’un determinant defini (exemples (1/2a)) corres-

pondent a des formes contractees pour certaines combinaisons va-

leurs de nombre, genre et cas sur le determinant (exemples (1/2b)).

J’admets ici l’hypothese selon laquelle la preposition et le determinant

defini dans les structures sans contraction occupent deux terminaux

en syntaxe3.

La question se pose alors se savoir a quel niveau la contraction

entre preposition et determinant a lieu, et en particulier, quelle

structure syntaxique on doit attribuer aux exemples avec une forme

contractee.

2Dans les gloses, j’utilise les abbreviations suivantes : det(erminant), dat(if),acc(usatif), gen(itif), nom(inatif), ms= masculin singulier, fs= feminin singu-lier, ntr= neutre, pl(uriel).

3Cette hypothese est explicitement rejetee pour le francais dans Miller 1992et Miller et al. 1997 qui proposent une analyse de certaines combinaisons P+Den termes d’affixes phrastiques sur le GN.

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Afin de repondre a cette question, je commence par une descrip-

tion des proprietes morphologiques, syntaxiques et semantiques des

contractions en allemand et en francais (section 2). Il s’avere que

les contractions du francais se distinguent des contractions de l’al-

lemand sur deux proprietes cruciales : (i) le caractere obligatoire de

la contraction, et (ii) l’interaction des formes contractees avec a la

coordination.

Dans la section 3, je propose une analyse du contraste entre le

francais et l’allemand qui traite les contractions francaises comme

des prepositions flechies, prenant comme complement un groupe

nominal depourvu de determinant (NP), tandis que les contractions

de l’allemand sont analysees comme le resultat d’un processus post-

syntaxique, qui opere sous adjacence lineaire.

2 Les donnees

Dans les exemples (1) et (2) ci-dessus nous avons vu qu’aussi

bien l’allemand que le francais possede des formes contractees qui

correspondent a une sequence d’une preposition suivie par un article

defini.

Dans ce qui suit, j’examinerai les proprietes morphologiques et

syntaxiques des contractions de prepositions avec un article defini

en allemand et en francais.

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2.1 Les donnees du francais

En francais, je considererai les contractions observees avec les

prepositions a et de4 : pour chaque preposition, il existe deux formes

contractees au / aux et du / des, l’une pour le masculin singulier

et l’autre pour le pluriel.

Or, la distribution des formes contractees ne depend pas unique-

ment des valeurs de genre et nombre : en effet, la contraction entre

preposition et l’article defini interagit avec l’elision de la voyelle de

l’article. La distribution des formes contractees depend donc de la

distribution des formes de l’article : les contractions ont obligatoire-

ment lieu pour les prepositions a et de avec l’article defini masculin

singulier le et l’article pluriel les (exemples 2.1a/b)) la contraction

n’a pas lieu pour le feminin singulier la (ex (2.1c)) ainsi que pour

l’article singulier elide l’ devant nom (ou adjectif) commencant avec

voyelle (ex ( 2.1d)).

Tableau 1 Interaction entre contraction et l’elision

4Je laisserai de cote l’alternance entre en et a dans les PPs locatifs les nomspropres accompagnes par un article l’Inde/ en Inde vs le Canada / au Canadavs les Philippines / aux Philippines. Ces alternances sont analysees comme unecontraction entre P et D dans Zwicky (1987), mais voir Miller et al. (1997)pour une critique de cette approche.

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Nom a de

Fem C-initial femme a la femme de la femme

Fem V-initial aurore a l’aurore de l’aurore

Masc V-initial homme a l’homme de l’homme

Masc C-initial garcon au garcon du garcon

Pl hommes aux hommes [oz] des hommes [dez]

garcons aux garcons [o] des garcons [de]

aurores aux aurores [oz] des aurores [dez]

femmes aux femmes [o] des femmes [de]

Une deuxieme propriete importante de la contraction en francais

est son caractere obligatoire : si la forme contractee est possible, la

suite non-contractee P+D est impossible :

(3) a. le pere du garcon / *le pere de le garcon

b. il parle au garcon / *il parle a le garcon

Finalement, les contractions entre preposition et determinant donnent

lieu a des effets a distance dans des coordinations. En effet, comme

le montrent les exemples suivants, dus a (Miller, 1992), la possibi-

lite d’avoir une forme contractee avec le deuxieme NP dans une

conjonction influence la grammaticalite d’une coordination de deux

NPs sous une preposition :

(4) J’ai parle5

a. a la mere et la fille

b. *au pere et la mere

5L’omission de l’article defini dans le deuxieme conjoint est egalement im-possible :

(i) * au pere et fils

5

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c. *a le pere et la mere

d. *a la fille et le garcon

e. a la fille et l’autre garcon

L’exemple (4d) montre que la contraction entre determinant et

preposition ne peut pas etre traitee comme un simple phenomene

de surface. Comme le soulignent Abeille et al. (2003, 142-143), le

fait que la preposition et le determinant auraient ete contractes s’ils

avaient ete adjacents, bloque la combinaison entre une preposition

et un article contractant dans le deuxieme conjoint.

L’exemple (4b) montre que la coordination de deux GN sous

une contraction est degradee :6 je reviendrai sur cet exemple dans

la section 3.

Dans la discussion ci-dessus nous avons vu que les contrac-

tions entre preposition et determinant en francais interagissent avec

l’elision de la voyelle de l’article, et donc avec les proprietes phono-

logiques de leurs complements, qu’elles sont obligatoires et qu’elles

produisent des effets a distance dans des coordinations de deux NPs

sous une meme preposition.

Dans la section qui suit nous verrons que les contractions de

l’allemand se comportent de maniere tout a fait differente.

2.2 Les donnees de l’allemand

En allemand, les formes contractees preposition + article existent

pour un nombre limite de prepositions (an ”a”, bei ”pres de, chez”,

6Les jugements de grammaticalite sont relatifs : certains locuteurs n’ac-ceptent pas l’omission de la preposition dans le deuxieme conjoint pour lesprepositions faibles a, de, en, d’autres locuteurs permettent l’omission de lapreposition dans le deuxieme conjoint dans les cas sans contraction P+D seule-ment comme dans (4).

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in ”dans”, von ”de”, um ”autour, afin”, zu ”a, vers”) ; contrairement

au francais, les contractions sont possibles pour des sous-ensembles

des valeurs pour genre/nombre et cas specifiques a chaque preposition :

Tableau2 Les formes contractees de l’allemand standard, suivant

Hartmann (1980)7

Gender/Case Article an auf bei in um vor zu

Masc Dat dem am x beim im x vorm zum

(= Neutr Dat)

Masc Akk den x x – x x x –

Neutr Dat dem am x beim im x vorm zum

(= Masc Dat)

Neutr Akk das ans aufs – ins ums x –

Fem Dat der x x x x x x zur

Fem Akk die x x - x x x –

Pl Dat den x x x x x x x

Pl Akk die x x - x x x –

Comme le montre le tableau, la possibilite d’avoir des formes

contractees varie de maniere idiosyncrasique avec la preposition,

en fonction du genre et du cas. Aucune preposition n’a des formes

contractees pour le determinant pluriel.

Contrairement aux formes contractees preposition + article du

francais, qui bloquent la sequence non-contractee equivalente, les

formes contractees de l’allemand n’excluent pas les formes non-

contractees correspondantes :

7x = contraction serait possible (le cas est compatible avec la preposition)mais n’est pas attestee– = cas est incompatible avec la preposition

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(4) a. PeterP

istest

insdans+ det.acc.ntr

Kinocinema

gegangen.alle

P est alle au cinema (= il est alle voir un film).

b. PeterP

istest

indans+

dasdet.acc.ntr

Kinocinema

gegangen.alle

P est entre au cinema (= un cinema particulier).

(5) a. PeterP

istest

imdans+ det.dat.ntr

Haus.maison

P est dans la maison.

b. PeterP

istest

indans

demdet.dat.ntr

Hausmaison

mitavec

denles

grunenverts

Fensterladen.volants

P dans la maison avec les volants verts.

Cependant, les formes contractees et les sequences non-contractees

correspondantes ne sont pas interchangeables (voir Hartmann (1978,

1980, 1982)). En effet, quand la forme contractee existe, elle n’a

pas la meme semantique que la sequence non-contractee. Comme le

montre Hartmann (1980, p.179-80)8 la forme contractee est utilisee

pour les emplois non-anaphoriques et non-deictiques, concernant en

general des unites uniques soit par connaissance du monde (la lune,

le pape ou des GN generiques le lion), soit par le contexte social (la

pere, la mere, le pretre) ou discursif (dans le contexte d’une maison

par exemple la cuisine, le jardin).

Comme le fait remarquer Schiering (2002, 2005), cette distinc-

tion correspond a la distinction proposee par Lobner (1985) entre

definitude semantique et definitude pragmatique. Cette distinction

est grammaticalisee dans de nombreux dialectes germaniques sous

8La plus grande partie des travaux sur la question est en allemand. Pourune description des donnees de l’allemand en anglais, voir Delisle (1988).

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la forme de deux paradigmes du determinant defini (par exemple en

frison septentrional Nordfriesisch, comme le montre Ebert (1970)

dans son travail fondateur, et en bavarois (Krifka et al. 1995)).

En raison de cette difference semantique la forme contractee est

obligatoire dans certains contextes syntaxiques :

(6) a. avec les noms propres :

amsur+det

Main,Main,

zuma+det

Bodensee,Lac-Constance,

zura+det

ZugspitzeZugspitze (une montagne)

b. avec les superlatifs predicatifs :

Dasdet.ntr

Gedichtpoeme

//

derdet.m

Texttexte

//

diedet.f

Zeileligne

istest

amAM

schonsten.beau.superlatif

c. avec les infinitifs

i. complements prepositionnels

ans essen denken

a+det manger penser

penser a manger

ii. progressifs prepositionnels :

Eril

istest

am/a+ntr.dat/

beimpres+ntr.dat/

Tanzen.danser

Il est en train de danser.

d. dans certaines expressions idiomatiques

aufssur+ntr.dat

Landcampagne

fahrenaller

aller a la campagne

e. avec les noms predicatifs :

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zumzu+det

Arztmedecin

ausbildenformer

”donner une formation de medecin”

Pour les exemples (6a-c) ci-dessus il semble convaincant que les

complements de la preposition sont obligatoirement semantiquement

definis : les noms propres en (6a) et le superlatif en (6b) sont

uniques par leur semantique, les infinitifs en (6c) et le nom en (6d)

sont utilises comme generiques (l’infinitif ne fait pas reference a un

evenement particulier de danser mais au type d’activite danser).

Pour le nom predicatif en (6e) il n’est pas clair pourquoi il n’est

pas clair pourquoi la presence d’un article est requise, mais il s’agit

du type medecin, et par consequent d’un emploi non-deictique ; il

est donc coherent que le seul choix soit la forme contractee.

La contraction est egalement a des contraintes syntaxiques ;

pour que la contraction soit possible, la preposition et le determinant

doivent se trouver dans une relation locale Riemsdijk (1998, 651-

667) : il faut que le determinant soit le determinant du DP complement

de la preposition. En effet, l’allemand permet, d’une part, couram-

ment des relatives reduites entre le determinant et le nom (7a), et

d’autre part, les groupes nominaux pluriels peuvent apparaıtre sans

determinant, meme en position argumentale (7b). Un GN pluriel

peut donc commmencer par un determinant qui fait partie d’une

relative reduite :

(7) a. dieles

[demdet.datm

Konigroi

treufidele

ergebenen]devoues

Dienerservants.nom

les serviteurs fidelement devoues au roi

b. Dienerserviteurs

arbeitetentravaillaient

indans

denles

Feldernchamps

aman+datmsg

Palast.palais

10

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Des serviteurs travaillaient dans tous champs pres du

Palais. (pluriel nu)

(8) [demdet.datm

Konigroi

treufidele

ergebene]devoues

Dienerserviteurs.nom

des serviteurs fidelement devoues au roi

exemple de Riemsdijk (1998, p.655)

Si un groupe nominal sans determinant mais modifie d’une re-

lative reduite apparaıt comme complement d’une preposition qui

permet la contraction, le determinant de la relative reduite ne peut

pas contracter avec la preposition :

(9) a. vonde

demdet.datm

Konigroi

treufidelement

ergebenendevoues

Dienernserviteurs

b. *vomde-det.dat.m

Konigroi

treufidelement

ergebenendevoues

Dienernserviteurs

exemple de Riemsdijk (1998, p.655)

Comme pour le francais, la contraction P+D en allemand n’a

lieu qu’avec le determinant defini ; la contraction est impossible avec

les pronoms relatifs (voir Hinrichs 1986), dont la plupart des formes

sont cependant homophones avec l’article defini :

(10) Dasla

Haus,maison

indans

demlaquelle

//

*imin+ntr.dat

FritzFritz

wohnt,habite

wirdaux.futur

verkauft.vendu

La maison dans laquelle Fritz habite sera vendue.

La contraction est egalement impossible si le nom est modifie

par une relative restrictive9

9Les relatives appositives sont compatibles avec une contraction :

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(11) *Imdans+ntr.dat/

/dans

Indet

demmaison

Haus,qui

dasvendue

verkauftsera

wird,habite

wohnt Fritz.

Dans ce qui suit, j’examine l’interaction entre la coordination et la

contraction des prepositions avec les determinants.

Pour l’allemand, la grammaire traditionnelle reconnaıt que la

contraction des articles avec les prepositions interagit avec la coor-

dination ; le Duden Dosdrowski et al. 1984, 222 preconise que dans

ces cas la preposition doit etre repetee :

(12) a. Wirnous

erkanntenavons-reconnu

sie3fs

ama+det.dat.m

Gangallure

undet

?derdet.dat.f

Haltungport

//

ana

derle

Haltung.port

Nous l’avons reconnue a son allure et a sa facon de se

tenir.

b. ErIl

berichteterapporta

ubersur

diele

Arbeittravail

derdes

Abgeordnetenmembres du parlement

imdans+det.dat.ntr

Plenumassemblee

undet

?denles

Kommissionencomites

//

indans

denles

Kommissionen.comites

(exemples pris de Dosdrowski et al. (1984, 222))

Or, les exemples qu’on trouve dans le corpus Cosmas II de

l’Institut fur Deutsche Sprache10 montrent, que l’interaction entre

(i) FritzFritz

wohnthabite

ampres+ntr.dat

Schloss,chateau,

dasqui

ubrigenspar-ailleurs

geradejuste

renoviertrenove

wird.estF habite pres du chateau, qui par ailleurs est en train d’etre renove.

10Ce corpus est disponible a l’adresse https ://cosmas2.ids-mannheim.de/cosmas2-web/menu.home.do, avec une description des corpus

12

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prepositions contractees et la coordination est plus complexe.

Premierement, la repetition de la preposition a comme effet

une lecture distributive, tandis qu’une coordination sous une seule

preposition donne une lecture collective. Dans l’exemple (13), par

exemple, retourner et faire la fete sont des evenements clairement

disjoints et la preposition est repetee. Dans l’exemple (14), la repetition

de la preposition suggere soit que les institutions europeennes men-

tionnees sont des entites separees du Parlement europeen (14b),

tandis qu’en (14a) les institution europeennes et le Parlement eu-

ropeen forment un tout.

(13) Diela

Ukrainerinucrainienne

denktpense

nichtneg

ansa+det

Heimkehrenrentrer

undet

ansa+det

Feiern.feter

L’ucrainienne ne pense pas a rentrer et a faire la fete.

(= deux activites separees)

(14) a. Indans

zwolfdouze

Komiteescomites

wurdenetaient

Themensujets

diskutiertdiscutes

undet

Resolutionenresolutions

verabschiedet,passes

diequi

ansa+det parlement

Europaparlamenteuropeen

undet

ana

dieles

entsprechendencorrespondantes

europaischeneuropeennes

Institutioneninstitutions

weitergeleitettransmises

werden.sont

(= institutions separees)

b. Indans

zwolfdouze

Komiteescomites

wurdenetaient

Themensujets

diskutiertdiscutes

undet

Resolutionenresolutions

verabschiedet,passes

diequi

ansa+det parlement

sous http ://www.ids-mannheim.de/cosmas2/referenz/korpora.html

13

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Europaparlamenteuropeen

undet

dieles

entsprechendencorrespondantes

europaischeneuropeennes

Institutioneninstitutions

weitergeleitettransmises

werden.sont

(=institutions a l’interieur du Parlement europeen)

Un exemple clair d’une coordination sous une contraction preposition+

article ou la coordination est interpretee comme une coordination

naturelle est fourni par des coordinations avec un deuxieme conjoint

introduit par un possessif co-referent avec le premier conjoint. Dans

ce cas la repetition de la preposition est inappropriee11 :

(15) Schonebeaux

Erinnerungensouvenirs

[ansa+det.ntr.acc

ChristkindChristkind

undet

seineses

Gaben]cadeaux

de beaux souvenirs du Christkind et des cadeaux qu’il ap-

porte

L’exemple ci-dessus montre que l’emploi d’une preposition par-

tagee est necessaire pour des coordinations naturelles, meme si la

preposition est contractee avec le premier determinant.

Nous avons vu que la preposition contenue dans une contrac-

tion peut prendre portee sur une coordination de complements de

la preposition. Inversement, une coordination de prepositions peut

11Notons que pour certains locuteurs francais des coordinations avec undeuxieme GN introduit par un possessif co-referentiel avec le premier conjointsont egalement acceptables (pour des exemples attestes de cette construction,voir l’appendice) :

(i) a. Il s’adresse au president et son cabinet.

b. Il renvoie le probleme au parlement europeen et ses institutions

c. Il s’adresse a la ministre et ses conseilleres.

d. Il renvoie le probleme a la cour de cassation et ses juges

14

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bloquer la contraction d’une preposition avec un determinant expri-

mant la definitude semantique : comme le montre l’exemple (16b),

sans coordination la contraction aurait lieu dans cet exemple.

(16) coordination de deux prepositions sur un determinant semantiquement

defini

a. InDans

diesercette

Ferienwochesemaine

tauchende

Teilnehmervacances

-les

hochstensparticipants

biss’immergent

zu-

denau

Knienplus

-jusqu’aux

ingenoux

den-

Neckardans

einle

undNeckar

erforschenet

dasexplorent

Lebenla

in und aufvie

demdans

Fluss.et sur le fleuve.

b. In dieser Ferienwoche tauchen Teilnehmer - hochstens

bis zu den Knien - in den Neckar ein und erforschen das

Leben im Fluss.

Dans cette semaine de vacances les participants s’im-

mergent - au plus jusqu’aux genoux - dans le Neckar et

explorent la vie dans+det.m.datfleuve.

L’absence de contraction sur la premiere preposition ne peut pas

etre attribue a une restriction morphologique. En effet, il est par-

faitement possible de coordonner des contractions de prepositions

+article, aussi bien entre elles comme dans l’exemple (17a) qu’avec

une sequence P+determinant faible (17b) :

(17) a. coordination de deux contractions P+D :

Wennquand

abercependant

diele

Zeittemps

derdu

Sonnenwendesolstice

kommt,arrive,

drangtpousse

esexpl

diela

ganzeentiere

Bevolkerungpopulation

insau

Freie,dehors,

insau

15

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Grune,vert,

ans und aufsa+det.accet sur+det.acc

Wasser.eau

b. coordination d’une contraction P+D avec une sequence

P+ determinant faible :

Dannalors

standenetaient-du

furpour

dieles

Mannerhommes

einigequelques

Ubungenexcercises

im und auf demdans+det.dat et sur det.dat

Wassereau

anprt

Apres les hommes devaient faire quelques exercises dans

et sur l’eau.

La coordination sous une contraction P+D est en effet toujours

possible avec deux infinitifs, comme dans l’exemple suivant :

(18) a. ok avec infinitifs coordonnes :12

Ama+det

Mittwochmorgenmercredi-matin

ging’sallait-il

ansa+det

Packenfaire-les-valises

undet

Putzen.nettoyer

Le mercredi matin ils commencerent a faire les valises

et a nettoyer. (= une activite complexe)

b. Seit der Eroffnung am 2. Oktober kommen Berliner und

Besucher der Hauptstadt zum Bummeln und Bewun-

dern.

depuis la ouverture au 2 octobre viennent berlinois et

12Quand l’une des activites est exprimee sous forme de nom, comme dansl’exemple suivant, la preposition est repetee :

(i) Am nachsten Tag ging es ans Packen und an den grossen «Heimputz».A98/JAN.06215 St. Galler Tagblatt, 31.01.1998.

16

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visiteurs de la capitale a+det flaner et admirer

Depuis l’ouverture le 2 octobre les berlinois et les visi-

teurs de la capitale viennent pour flaner et admirer.

La liste suivante resume les possibilites de coordination pour les

contractions P+D en allemand :

(18) a. Forme contractee peut introduire coordination de deux

DP (ex 14).

b. Deux formes contractees peuvent etre coordonnees (ex

17a).

c. Une forme contractee peut etre coordonnee avec une

sequence non-contractee (ex 17b).

d. Deux prepositions peuvent etre coordonnees devant un

determinant qui doit contracter avec la premiere preposition

sous adjacence (ex 16a/b).

e. Deux prepositions peuvent etre coordonnees devant un

GN dont le determinant contracte avec la deuxieme preposition

(ex 16c).

2.3 Contrastes entre le francais et l’allemand

Les prepositions contractees en francais et en allemand illustrent

deux cas d’interaction de la contraction avec deux autres compo-

santes de la grammaire : en francais, la contraction interagit avec

la regle d’elision qui est a premier abord conditionnee phonologi-

quement (mais voir Zwicky 1987) tandis qu’en allemand l’interac-

tion est observee avec la composante semantique : les sequences

preposition + determinant qui ont une forme contractee correspon-

dante n’ont que la lecture de definitude pragmatique, tandis que les

17

Page 18: Les contractions pr´eposition + d´eterminant en allemand et …archive.sfl.cnrs.fr/sites/sfl/IMG/pdf/cabredo07prepdet.pdfL’exemple (4b) montre que la coordination de deux GN sous

sequences sans pendant contracte sont ambigues entre definitude

pragmatique et definitude semantique.

En francais, la preposition dans une forme contractee ne peut

pas prendre portee sur un deuxieme conjoint (exemple (4b)), en

allemand, en revanche, la preposition, meme si elle est exprimee

dans une forme portmanteau contractee avec un determinant, peut

prendre portee sur une coordination, a condition que celle-ci soit

interpretee comme une coordination naturelle.

3 L’analyse

Dans ce qui suit, je propose une analyse selon laquelle les contrac-

tions du francais et de l’allemand sont dues a des composantes

differentes de la grammaire. Plus precisement, je propose que les

contractions P+D du francais sont des prepositions flechies appar-

tenant au lexique presyntaxique, et inserees dans la syntaxe en tant

que telles, tandis que les contractions P+D de l’allemand sont dues

a un processus post-syntaxique.

Afin de justifier mon analyse, qui met en jeu l’interface syntaxe-

morphologie, je resume d’abord brievement les arguments qui me

menent a rejeter l’hypothese que la contraction est un processus

phonologique, ainsi que l’hypothese que la contraction est le resultat

un processus syntaxique (mouvement de tete). (section 3.1).

Dans la section 3.2, je developpe mon analyse des contractions

P+D, pour laquelle l’interface entre la syntaxe et la morphologie

joue un role crucial. Cette analyse admet l’hypothese que des objets

morphologiques complexes peuvent etre generes aussi bien avant

la syntaxe (dans le lexique) qu’a l’issue de la syntaxe, suivant la

proposition de Anderson (1992) selon laquelle la morphologie est

18

Page 19: Les contractions pr´eposition + d´eterminant en allemand et …archive.sfl.cnrs.fr/sites/sfl/IMG/pdf/cabredo07prepdet.pdfL’exemple (4b) montre que la coordination de deux GN sous

en fait scindee (la Split morphology hypothesis).

Or, dans les travaux recents, il n’existe pas de consensus sur

le role de la morphologie par rapport a la syntaxe. En particulier,

dans certains modeles, la morphologie en tant que composante qui

gere les mots (simples et complexes) est concue comme une com-

posante pre-syntaxique (e.g. les travaux en HPSG, et le modele

de di Sciullo and Williams (1987), Williams (2007), Stewart and

Stump (2007)), tandis que d’autres travaux placent la morpholo-

gie dans une composante post-syntaxique (la morpologie distribuee,

Halle and Marantz (1993); Embick and Noyer (2007)). Dans la sec-

tion 3.3, je discuterai donc l’analyse proposee ici dans le contexte

de ces approches divergentes a la morphologie.

3.1 Arguments contre une analyse phonologique

ou purement syntaxique

Aussi bien pour l’allemand que pour le francais, il semble clair

que la contraction entre preposition + determinant ne peut pas etre

attribuee a un processus phonologique synchronique.

En francais, il existe des contextes homophones qui ne mettent

pas en jeu un determinant ; dans ces cas la contraction n’a pas lieu :

(19) a. Jean a peur de le mettre. (clitique + infinitif)

b. Jean a peur du maıtre/ * de le maıtre. (article + nom)

En allemand, le fait qu’il existe une difference semantique entre

forme contractee et forme non-contractee suggere deja qu’il ne s’agit

pas d’un phenomene phonologique. Par ailleurs, comme en francais,

il existe des contextes phonologiquement identiques, notamment

avec les pronoms relatifs, qui ne permettent pas l’application de la

19

Page 20: Les contractions pr´eposition + d´eterminant en allemand et …archive.sfl.cnrs.fr/sites/sfl/IMG/pdf/cabredo07prepdet.pdfL’exemple (4b) montre que la coordination de deux GN sous

contraction (voir Hartmann (1980, p.172), Hinrichs (1986)).

La contraction entre preposition et determinant ne peut donc

pas etre analysee comme un phenomene phonologique.

Par ailleurs, une analyse purement syntaxique qui deriverait

la contraction entre preposition et determinant d’un processus de

mouvement de tete, tel qu’illustre dans les exemples suivants, semble

egalement problematique.

(20) Analyse derivant la contraction du mouvement de tete :

a. Mouvement de tete −→forme portmanteau : zum

PP

P

P D DP

D NP

b. Pas de mouvement de tete −→pas de forme portman-

teau : zu dem

PP

P

zu

DP

D

dem

NP

Dans ce type d’analyse le declencheur du mouvement ne peut

etre ni un propriete du determinant (puisque la contraction depend

de la preposition avec laquelle il se combine) ni de la preposition

(puisque la contraction depend des valeurs de cas/nombre/genre du

determinant).

En allemand, par exemple, il faudrait faire l’hypothese qu’avec

la preposition in, un determinant specifie m.acc ne doit pas monter

20

Page 21: Les contractions pr´eposition + d´eterminant en allemand et …archive.sfl.cnrs.fr/sites/sfl/IMG/pdf/cabredo07prepdet.pdfL’exemple (4b) montre que la coordination de deux GN sous

dans la position de la preposition (donnant in den), tandis que le

determinant ntr.acc monterait donnant lieu a la forme ins.

Une analyse qui propose un mouvement syntaxique uniforme

de D a la preposition, est proposee par Riemsdijk (1998, p.661) ;

ce mouvement syntaxique serait suivi, pour certaines combinaisons

de P +D, d’un processus morphophonologique qui reduit l’article

creant ainsi des formes contractees.

Je n’adopte pas cette analyse ici etant donne que les articles

peuvent apparaıtre sans une preposition, la montee du D ne peut

donc pas etre motivee par une deficience du D, et inversement, les

prepositions peuvent se combiner avec des GN sans determinant, il

ne semble donc pas plausible que la preposition declenche le mou-

vement du D.

Etant donne qu’il y a des arguments pour rejeter une analyse

phonologique aussi bien qu’une analyse purement syntaxique des

contractions, dans ce qui suit, je poursuivrai l’hypothese que la

contraction met en jeu l’interaction entre la morphologie (entendue

comme composante qui gere la structure des mots) et la syntaxe.

Dans la section suivante, je propose une analyse du contraste

entre le francais et l’allemand qui traite la contraction comme un

phenomene morphologique.

3.2 L’analyse proposee

Une analyse des contractions P+D doit repondre a deux ques-

tions :

(21) a. Quelle est la structure syntaxique correspondant a une

contraction ?

21

Page 22: Les contractions pr´eposition + d´eterminant en allemand et …archive.sfl.cnrs.fr/sites/sfl/IMG/pdf/cabredo07prepdet.pdfL’exemple (4b) montre que la coordination de deux GN sous

b. Comment et dans quelle composante la contraction a-t-

elle lieu ?

Dans la litterature, on trouve deux types d’analyse des contrac-

tions P+D mettant en jeu l’interface entre morphologie et syntaxe.

La premiere analyse traite les contractions comme des prepositions

flechies. D’apres cette analyse, il s’agit de mots combinant les

traits de la preposition ainsi que les traits de definitude et de

genre/nombre/cas ; syntaxiquement, ces mots occupent une seule

position syntaxique et prennent un NP depourvu de determinant

comme complement (voir Hinrichs (1986) pour l’allemand, Napoli

and Nevis (1987) pour l’italien, Abeille et al. (2003) pour le francais,

Schiering (2005) pour un dialecte de l’allemand, Ruhrdeutsch).

(22) a. Prepositions flechies Pfl :

au = a [+def,+m,+sg]

b. Structure syntaxique : PP = Pfl + N’ (un terminal syn-

taxique)

(where N’ = DP without the D)

PP

Pfl N’

La deuxieme analyse traite les contractions preposition + determinant

comme portmanteaux13, des cas marques d’appariement entre la

structure syntaxique et la structure morphologique, dans lesquels

deux terminaux syntaxiques sont apparies avec un seul objet mor-

phologique (Zwicky 1987, p.215).

13Voir Wescoat (2002, p.8-9) pour une discussion du terme portmanteaux, dua Hockett.

22

Page 23: Les contractions pr´eposition + d´eterminant en allemand et …archive.sfl.cnrs.fr/sites/sfl/IMG/pdf/cabredo07prepdet.pdfL’exemple (4b) montre que la coordination de deux GN sous

(23) a. Portmanteaux Zwicky (1987, p.215) :

(i) au = a [+def,+m,+sg]

(un objet morphologique simple) P

P

a [+DEF, +M, +SG]

(ii) au = [a + ART[+def,+m,+sg]]P

(un objet morphologique complexe) P

P

a

ART [+DEF, +M, +SG]

b. Structure syntaxique : PP = P + [ART [+def] + N’]

(deux terminaux syntaxiques)

PP

P DP

D NP

Afin de choisir entre les deux possibilites, il faut donc savoir si

la contraction P+D occupe une ou deux positions dans la syntaxe.

Pour les contractions du francais, j’adopterai une analyse en

termes de preposition flechie, suivant Abeille et al. (2003). Comme

le font remarquer ces auteurs, une analyse lexicaliste des contrac-

tions permet de rendre compte des effets de la contraction sur la

coordination dans (24b) ci-dessous :

(24) J’ai parle

a. a la mere et la fille

b. *au pere et la mere

c. *a le pere et la mere

23

Page 24: Les contractions pr´eposition + d´eterminant en allemand et …archive.sfl.cnrs.fr/sites/sfl/IMG/pdf/cabredo07prepdet.pdfL’exemple (4b) montre que la coordination de deux GN sous

exclu soit par blocking de a le par au

soit par le trait [+LE] Abeille et al. (2003)

d. *a la fille et le garcon

e. a la fille et l’autre garcon

L’exemple (24b) est exclu parce que la coordination est mal-formee :

la structure [[au pere] et [la mere] ] est exclue comme une coordi-

nation d’une PP avec une NP, tandis que la structure [au [pere] et

[la mere]] est exclue comme une coordination d’un N avec une NP.

Pour l’exemple (24d), je propose que la forme sous-jacente a

la forme de surface en (24d) est mal-formee. Plus precisement, je

propose que la coordination apparente de deux NP disjoints sous

de ou a correspond en effet la coordination deux PP independants

introduits par de ou a suivi de l’effacement phonologique de la

deuxieme preposition sous identite (25a/e). Dans les cas qui in-

cluent une contraction P+D, l’effacement sous identite est impos-

sible (25b/d(ii)) ; etant donne que la sequence a le est independamment

exclue (par blocking), les structures sous-jacentes dans (25c/d(i))

qui pourraient donner lieu a (24c/d) sont mal-formees et l’efface-

ment ne peut pas s’appliquer.

(25) a. a la mere et a la fille −→ a la mere et A la fille

b. au pere et a la mere

−→pas d’effacement possible (pas de a dans PP1 )

−→ * au pere et A la mere

c. *a le pere et a la mere −→ *a le pere et A la mere

exclu parce que a le est independamment impossible

d. i. *a la fille et a le garcon −→*a la fille et A le garcon

ii. a la fille et au garcon

24

Page 25: Les contractions pr´eposition + d´eterminant en allemand et …archive.sfl.cnrs.fr/sites/sfl/IMG/pdf/cabredo07prepdet.pdfL’exemple (4b) montre que la coordination de deux GN sous

−→pas d’effacement possible (pas de a dans PP2 )

−→ * a la fille et AU garcon

e. a la fille et a l’autre garcon −→a la fille et A l’autre

garcon

f. structure sousjacente a (24d) :

Les NP designant la meme entite peuvent etre conjoints sous de

et a :

(26) a. L’ancien champion olympique et nouveau pre-

mier ministre, Jean Dupont, a donne une conference

de presse hier matin.

b. Les journalistes ont pose de nombreuses questions a

l’ancien champion olympique et nouveau pre-

mier ministre.

c. Les reponses de l’ancien champion olympique et

nouveau premier ministre n’ont satisfait personne.

Dans les exemples dans (26), il n’y a pas d’incompatibilite entre

la forme de la sequence preposition+determinant et le deuxieme

conjoint, bien que pour le deuxieme conjoint a initiale consonan-

tique il serait necessaire d’inserer au et du. Si l’impossibilite d’avoir

(24d) etait un effet a distance lie a la presence potentielle d’une

forme contractee dans la structure non-coordonnee, on aurait pu

s’attendre a ce qu’on retrouve les memes effets dans (26b/c).

Je reviens maintenant a l’exemple (24c) : l’analyse ci-dessus

presuppose que la sequence non-contractee correspondant aux contrac-

tions au/ aux, du/ des est independamment exclue.

En effet, je propose que l’impossibilite d’avoir les sequences

P+D avec les formes a les / a le et de les / de le est a attri-

25

Page 26: Les contractions pr´eposition + d´eterminant en allemand et …archive.sfl.cnrs.fr/sites/sfl/IMG/pdf/cabredo07prepdet.pdfL’exemple (4b) montre que la coordination de deux GN sous

buer a un effet de blocking (Aronoff 1976, 41)14. Kiparsky (1982)

montre que le blocking peut etre compris comme une forme mor-

phologique de la Elsewhere condition (proposee pour la phonologie

contemporaine dans Kiparsky (1973)) : des regles plus specifiques

s’appliquent avant des regles a application plus large15. Une excep-

tion lexicale peut alors etre concue comme la forme la plus restreinte

d’une regle ne s’applicant qu’a une liste de lexemes (27a/b).

(27) a. Regle 1 : pour N =woman −→N+pl= women

b. Regle 2 : pour N =ox, child −→N+pl= N+en (oxen,

children)

c. Regle 3 : pour N −→N+pl = N+s (houses, papers, cats)

Le blocking a ete propose pour des formes d’un meme lexeme

qui seraient en competition pour une seule cellule dans le paradigme

du lexeme. Poser (1992) a propose que ce type de blocking peut

egalement etre operatif entre mots et phrases exprimant des pro-

prietes grammaticales (par exemple entre comparatifs synthetiques

et analytiques en anglais) : si un mot existe, il bloque l’expression

phrastique de la meme categorie (smaller vs *more small, ”plus

petit”). Cette idee a ete reprise dans Borjars et al. (1997), Bres-

nan (2001), Hankamer and Mikkelsen (2005) et Stewart and Stump

(2007). Hankamer and Mikkelsen (2005) nomment la forme etendue

du blocking Poser-blocking.

Les donnees de coordination de l’allemand, en revanche, suggerent

que la contraction entre preposition et determinant permet aussi

14Blocking ”the nonoccurrence of one form due to the simple existence ofanother.”

15Ce principe est egalement appele le principe de Panini, le grammairienclassique du sanskrit Stump (2001)

26

Page 27: Les contractions pr´eposition + d´eterminant en allemand et …archive.sfl.cnrs.fr/sites/sfl/IMG/pdf/cabredo07prepdet.pdfL’exemple (4b) montre que la coordination de deux GN sous

bien a la preposition qu’au determinant d’occuper une position syn-

taxique independante. D’une part une contraction P+D peut etre

coordonnee avec un GN introduit par un determinant (28a) ; ceci

montre que le preposition contenue dans la contraction peut prendre

portee sur les deux NP conjoints, et suggere que la preposition

occupe une position syntaxique independante. D’autre part, une

preposition peut etre coordonnee avec une contraction P+D en

deuxieme conjoint (exemple (28b)), ce qui suggere que le determinant

contenu dans la contraction occupe une position externe a la coor-

dination, comparable au cas non-contracte (28c).

(28) a. Indans

zwolfdouze

Komiteescomites

wurdenetaient

Thementhemes

diskutiertdiscutes

undet

Resolutionenresolutions

verabschiedet,passees

diequi

ansa+det

Europaparlamentparlement-europeen

undet

dieles

entsprechendencompetents

europaischeneuropeennes

Institutioneninstitutions

weitergeleitettransmis

werden.etaient

(=institutions a l’interieur du Parlement europeen)

Dans douze comites des sujets (divers) etaient discutes

et des resolutions etaient passees qui etaient transmises

au parlement europeen et aux institutions europeennes

competentes.

b. ErIl

wurdedevint

bereitsdeja

uberregionalau-dela-de-la-region

bekanntconnu

mitavec

geheimnisvollen,mysterieuses,

farbigencolorees

Architektur-Beleuchtungenilluminations-d’architecture

wiecomme

derla

pfalzischenpalatine

”Burgenrote”rougeur-des-chateaux

1998,1998,

derla

Lichtinstallationinstallation

an und imsur et dans+det

Historischenhistorique

27

Page 28: Les contractions pr´eposition + d´eterminant en allemand et …archive.sfl.cnrs.fr/sites/sfl/IMG/pdf/cabredo07prepdet.pdfL’exemple (4b) montre que la coordination de deux GN sous

Museummusee

SpeyerSpeyer

undet

jungstil-y-a-peu

auchaussi

mitavec

demle

magischenmagique

Leuchten,lueur,

indans

daslequel

eril

dasla

Rathausmairie

BielefeldBielefeld

tauchte.plongea.

c. Comparer avec une coordination de deux prepositions

sans contraction :

Diedet

Lichtinstallationinstallation-lumiere

an und insur et dans

derdet

Stadtkirche.eglise-de-la-ville

Je propose d’analyser la contraction comme un phenomene post-

syntaxique, etant donne que la contraction attendue pour une preposition

avec un determinant faible n’a pas lieu si les deux ne sont pas ad-

jacents :

(29) a. in + det.dat.msg faible, non-adjacents :

InDans

diesercette

Ferienwochesemaine-de-vacances

tauchens’immergent

Teilnehmerparticipants

--

hochstens bis zu denau plus jusqu’aux

Kniengenoux

--

indans

denle

NeckarNeckar

einprt

undet

erforschenexplorent

dasla

Lebenvie

in und aufdans et sur

demle

Fluss.fleuve.

b. in + det.dat.msg faible, adjacents :

In dieser Ferienwoche tauchen Teilnehmer - hochstens

bis zu den Knien - in den Neckar ein und erforschen das

Leben im/ #in dem Fluss.

Dans cette semaine de vacances les participants s’im-

28

Page 29: Les contractions pr´eposition + d´eterminant en allemand et …archive.sfl.cnrs.fr/sites/sfl/IMG/pdf/cabredo07prepdet.pdfL’exemple (4b) montre que la coordination de deux GN sous

mergent - au plus jusqu’aux genoux - dans le Neckar et

explorent la vie dans+det.m.dat fleuve.

Je propose donc une analyse qui traite la contraction entre

preposition et determinant faible en allemand comme une contrac-

tion operee sous adjacence apres la syntaxe. Il s’agirait alors d’un

processus comparable a la cliticisation simple, dans la mesure ou

il s’agit d’un processus local qui n’a pas de consequences sur la

syntaxe.

Cette analyse peut etre implementee par le lexical sharing pro-

pose par Wescoat (2002) : la forme contractee est inseree couvrant

deux terminaux syntaxiques qui doivent etre adjacents.

L’effet de complementarite semantique qui est present pour les

combinaisons P+D qui ont un pendant contracte est a attribuer

a un effet de blocking. L’impossibilite d’avoir une lecture faible

pour une sequence P+D non-contractee qui dispose d’une forme

contractee dans le lexique serait alors due au Poser-blocking : les

contractions qui existent ont une lecture particuliere, avec un determinant

faible (definitude semantique), elles bloquent donc l’expression phras-

tique par une sequence P+D dans le meme contexte, donnant une

lecture pragmatique pour les sequences non-contractees P+D comme

un effet de la Elsewhere condition.

La difference entre le francais et l’allemand concernant le blo-

cking des sequences P+D par les formes contractees est alors due

au fait qu’en allemand la contraction a une semantique propre,

correspondant a la definitude semantique du determinant, tandis

que la sequence non-contractee est en principe ambigue entre un

definitude semantique et definitude pragmatique.

29

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3.3 Les formes contractees et la theorie de l’in-

terface entre morphologie et syntaxe

Pour les contractions P+D de l’allemand je suis arrivee a la

conclusion que les contractions occupent deux positions en syntaxe.

L’analyse des contractions P+D touche donc directement a une

question fondamentale pour l’architecture de la grammaire : Quelle

est la relation entre les mots (les entrees du lexique) et la structure

syntaxique dans laquelle ils apparaissent ?

Cette question est reliee a une deuxieme question : quelle est

la relation entre la structure interne des mots et la structure des

phrases dans lesquelles les mots apparaissent, a quel point la struc-

ture idiosyncrasique des mots a-t-elle des consequences pour la syn-

taxe ?

Ces questions ont ete discutees en detail dans un serie de travaux

recents (Ackema and Neeleman (2004, 2007), Embick and Noyer

(2007), Stewart and Stump (2007), Williams (2007)). Stewart and

Stump (2007) proposent un modele lexicaliste qui prevoit l’inser-

tion de mots dans des terminaux syntaxiques ; ce modele envisage

l’insertion de formes periphrastiques, cad l’insertion de deux mots

pour realiser une cellule du paradigme. En revanche, ces auteurs ne

considerent pas le cas symetrique, etudie ici, ou un mot doit etre

apparie avec deux terminaux syntaxiques.

En principe, le fait qu’un mot semble prendre la place de plu-

sieurs terminaux syntaxiques peut etre concu des facons suivantes

au moins, illustrees ici avec la contraction am :

(30) a. Entites phonologiquement nulles :

le mot n’occupe qu’une seule position et les autres po-

sitions sont occupees par des unites phonologiquement

30

Page 31: Les contractions pr´eposition + d´eterminant en allemand et …archive.sfl.cnrs.fr/sites/sfl/IMG/pdf/cabredo07prepdet.pdfL’exemple (4b) montre que la coordination de deux GN sous

nulles.

a. PP

P

∅P

DP

D

am[+D]

NP

b. PP

P

am[+P]

DP

D

∅D

NP

b. Mouvement syntaxique :

le mot est complexe et remplit plusieurs positions par

un mechanisme de mouvement (par ex le mouvement de

tete). PP

P

DP

D

am[+P,+D]

NP

c. Fusion post-syntaxique :

le mot est l’epel d’une sequence de plusieurs terminaux

syntaxiques adjacents (voir l’analyse de Zwicky (1987),

le lexical sharing de ?, la fusion en Morphologie Dis-

tribuee.)

L’analyse proposee dans la section 3.2 correspond au choix (30c) :

un objet morphologique est apparie avec deux terminaux syntaxiques.

La premiere possibilite, en termes d’une preposition ou d’un

determinant nul, ne me semble pas adequate pour le cas des contrac-

tions, etant donne que les hypothetiques elements nuls seraient

contraints a co-apparaıtre dans la structure syntaxique avec la contrac-

tion preposition + determinant, et je ne vois pas d’argument independant

en faveur de telles entites. Dans ces circonstances, une analyse en

termes de preposition ou determinant nuls me semble equivalente

31

Page 32: Les contractions pr´eposition + d´eterminant en allemand et …archive.sfl.cnrs.fr/sites/sfl/IMG/pdf/cabredo07prepdet.pdfL’exemple (4b) montre que la coordination de deux GN sous

a dire qu’il s’agit d’un element complexe en morphologie.

Par ailleurs, le determinant peut prendre portee dans une co-

ordination de deux P an und im Dom, ce qui suggere que c’est le

determinant det.msg qui prend portee ici, et pas un determinant

complexe im qui contiendrait egalement des informations relatives

a la preposition.

Le coordinations de type am N und DET montrent egalement,

que la preposition contenue dans la contraction peut prendre portee

sur un DP introduit par un determinant defini faible, ce qui suggere

que les informations relatives au determinant contenues dans la

contraction ne prennent pas portee.

Pour ces raisons, j’ai ecarte une analyse du type (30a).

Une analyse de type (30b), en termes de mouvement de tete,

serait preferable si cette hypothese permettait d’uniformiser le lieu

d’insertion des prepositions flechies et des portmanteaux P+D. Dans

ce cas, il serait possible d’ecarter l’hypothese que l’insertion lexicale

a lieu avant et apres la syntaxe, admise ici.

J’admets ici l’hypothese, qu’une insertion post-syntaxique est

refletee dans un comportement syntaxique qui correspond a plu-

sieurs positions syntaxiques. La seule facon d’unifier l’insertion des

prepositions flechies et des portmanteaux P+D est alors une inser-

tion presyntaxique. Or, il se pose alors le probleme de distinguer des

complexes P+D qui se comportent comme un terminal syntaxique

des complexes P+D qui subiraient le mouvement de tete.

Une possibilite qui serait a notre disposition est d’attribuer aux

uns le statut de portmanteau simple et aux autres celui de port-

manteau complexe :

32

Page 33: Les contractions pr´eposition + d´eterminant en allemand et …archive.sfl.cnrs.fr/sites/sfl/IMG/pdf/cabredo07prepdet.pdfL’exemple (4b) montre que la coordination de deux GN sous

(31) Hypothese possible :

a. Preposition flechie = objet morphologique simple

= P[+def,+genre,+nombre,+cas] (pas de mouvement)

b. Portmanteau = objet morphologique complexe

= P + D[+genre,+nombre,+cas] (mouvement de tete)

Preposition flechie : P[+def ,+genre,+nombre,+cas]

Portmanteau D+P :

P D

Malheureusement, je ne dispose pas de criteres independants

pour distinguer des objets morphologiques simples des objets mor-

phologiques complexes, et que cette analyse ne ferait pas de predictions

differentes d’une analyse par insertion post-syntaxique. Par ailleurs,

la stipulation necessaire que seuls les objets complexes sont sujets

au mouvement de tete me semble encoder une propriete syntaxique

dans des termes morphologiques.

Pour les raisons exposees ci-dessus, j’ai ete amenee a donner une

analyse des contractions P+D par insertion post-syntaxique.

Or, l’hypothese d’une insertion post-syntaxique n’est pas com-

patible avec des theories lexicalistes qui supposent (i) qu’il existe

une composante independante de la syntaxe qui gere la structure

interne des mots complexes et (ii) que la structure interne des mots

est invisible pour la syntaxe (integrite lexicale).

Dans un cadre theorique comme HPSG, l’Hypothese lexicaliste

fait partie de l’architecture de la theorie. En revanche, pour les

travaux proposees dans le cadre du Programme Minimaliste (sui-

vant des propositions dans Chomsky (1995, 2000) et autres) des

approches radicalement opposees co-existent :

33

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(32) a. Insertion de mots flechis en entree de la syntaxe (avec

verification de traits dans la syntaxe) (Chomsky, 1995).

b. Insertion tardive (Morphologie distribuee) : l’insertion

des formes lexicales se fait apres la syntaxe dans la

composante PF (interface vers la forme phonologique)

(Halle and Marantz (1993), Harley and Noyer (1999),

Embick and Noyer (2007)).

L’hypothese que la morphologie opere aussi bien avant l’inser-

tion des unites lexicales qu’apres le calcul syntaxique a ete proposee

explicitement par Anderson (1986, 1992) (Split morphology).

Dans l’analyse proposee ici, j’ai choisi l’implementation de ?

pour l’insertion post-syntaxique. Cette theorie admet l’insertion

d’une seule unite dans des terminaux syntaxiques sous condition

qu’ceux-ci soient adjacents. Cette hypothese est plus restreinte que

le systeme de deplacements post-syntaxiques (Lowering et Left Dis-

location) propose par Embick and Noyer (2007) : le Lexical sharing

exclut l’insertion sur plusieurs terminaux si ceux-ci ne sont pas ad-

jacents tandis que Lowering peut operer a travers d’adverbes par

exemple.

3.4 Conclusion

Nous avons vu que les contractions P+D de l’allemand et du

francais ont des proprietes clairement differentes : en allemand aussi

bien la preposition que le determinant gardent une independance

syntaxique malgre la forme morphologique qui amalgame les deux.

L’analyse proposee ici rend compte de ce contraste en releguant

les contractions dans les deux langues a deux composantes dis-

tinctes : la composante morphologique presyntaxique pour les contrac-

34

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tions P+D du francais et la composante la composante morpho-

logique postsyntaxique pour les contractions de l’allemand. Plus

precisement, j’ai propose que les contractions P+D du francais sont

des prepositions flechies avec des contraintes de sous-categorisation

particulieres (elles prennent un N’ = ”un DP sans D” comme complement),

tandis que les PP introduites pas des contractions P+D de l’alle-

mand partagent la meme structure syntaxique que les sequences

P+D non-contractees.

En effet, l’analyse de l’allemand proposee ici revient a une ana-

lyse par cliticisation simple dans le sens ou la syntaxe fonctionne

avec deux terminaux syntaxiques pour P et D. Or, contrairement

aux cas standard de cliticisation simple (auxiliaires clitiques de l’an-

glais, par exemple), la forme amalgamee ne peut pas etre derivee

par un processus phonologique : la forme qui est inseree est donc

lexicalement fixee, et dans ce sens suppletive.

4 Appendice

Des exemples attestes avec une coordination sous une preposition :

(33) Les hommes du Nebraska vont tenter leur unique espoir

pour regagner la surface, quant au commandant et ses

hommes, ils tentent toujours de fuir le sanctuaire, pour-

suivis par ce qui pourrait etre un demon particulierement

sadique.

http ://bd-livres.psychovision.net/bds/sanctuaire-3-084.php

(34) Depuis plusieurs lettres ouvertes envoyees au President et

son premier ministre, le PCC a fait fermer son cabinet

d’avocat pour un an.

35

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http ://fr.wikipedia.org/wiki/Politique religieuse de la RPC

(35) Les mannes financieres percus en compensation des presences

militaires etrangeres, servent au President et son entou-

rage pour maintenir la population sous la pression de la

pauvrete et pour financer sa securite omnipresente.

http ://www.arhotabba.com/journee afrique.htm

(36) avec du retard, j’adresse un grand merci au president et

son equipe d’avoir repondu rapidement et efficacement a

cette attente.

http ://rhonealpes-volley.fr/modules/newbbex/viewtopic.php ?topic id=385&forum=5

(37) Un grand merci au Chef et son equipe pour cette soiree

plus que reussie.

http ://www.restomania.be/811.htm

(38) Merci au webmaster et son equipe pour le rajeunisse-

ment de cet outil pour le rendre encore plus convivial, ra-

tionnel et reactif a la hauteur de nos ambitions pour votre

plus grand bien-etre d’utilisation correspondant a vos be-

soins d’informations grandissants de jour en jour.

http ://www.hombourg68.fr/php/index.php (le mot du maire)

(39) Ce dernier organise chez lui une fete de la reconciliation en

presence du President et son epouse.

http ://www.clapnoir.org/fiches films/films/la nuit de la verite.htm

(40) PSI est une organisation de benevoles devoues a apporter un

support social et une aide aux meres et leurs familles.

http ://www.postpartum.net/france.html

(41) Quant aux ministres et leurs responsabilites (les assument-

ils ?) vaste debat.

36

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www.lavoixdunord.fr/forum/archive/index.php/t-267.html

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