Les conséquences juridiques, économiques et sportives de l...
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UNIVERSITE PAUL CEZANNE - AIX-MARSEILLE III
INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES
MEMOIRE
pour l’obtention du Diplôme
Les conséquences juridiques, économiques et sportives de
l'arrêt Bosman sur le football professionnel européen
Par M. Anthony BERGET
Mémoire réalisé sous la direction de
M. Didier Del Prête
2
UNIVERSITE PAUL CEZANNE - AIX-MARSEILLE III
INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES
MEMOIRE
pour l’obtention du Diplôme
Les conséquences juridiques, économiques et sportives de
l'arrêt Bosman sur le football professionnel européen
Par M. Anthony BERGET
Mémoire réalisé sous la direction de
M. Didier Del Prête
3
L’IEP n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans
ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.
4
Mots-clés :
Football professionnel, clubs, équipes nationales, droit communautaire, exception
sportive, spécificité sportive, droit communautaire, économie du sport, transferts,
équilibre compétitif, éthique du sport, droits télévisés, réformes.
Résumé :
Le football européen a connu au cours des vingt dernières années une
croissance inédite, due à sa libéralisation économique et juridique. La jurisprudence
communautaire, au centre de laquelle se trouve l'arrêt Bosman, a été le principal facteur
de ce mouvement de libéralisation. Il a remis en cause le fonctionnement des
fédérations sportives et provoqué un certain nombre de déséquilibres, notamment le
resserrement de l'élite internationale autour des quelques clubs les plus riches. Afin de
préserver l'éthique sportive et l'intérêt des grandes compétitions, il convient de réformer
ce système, soit en s'inspirant de modèles existant déjà à l'étranger, notamment aux
Etats-Unis, soit en recherchant des solutions originales préservant au mieux les
spécificités de la culture sportive européenne.
5
SOMMAIRE :
Introduction
I- Les aspects juridiques de la libéralisation du football européen : l'arrêt Bosman et ses
suites
A) L'arrêt Bosman : une révolution juridique ?
Section 1 - Un historique de l'avant-Bosman
Section 2 – L'arrêt Bosman
B) Les suites juridiques de l'arrêt Bosman
Section 1 – Les extensions de l'arrêt Bosman
Section 2 - Les limitations apportées à la liberté de circulation des
footballeurs professionnels
II – Le football européen de l'après-Bosman
A) L'arrêt Bosman a bouleversé les équilibres traditionnels du football européen
Section 1 - La remise en en cause des modèles économiques
Section 2- Les atteintes à l'équilibre compétitif
B) Un autre football est-il possible ou quelles nouvelles régulations pour le
football professionnel européen ?
Section 1 - Des réformes inspirées du modèle américain
Section 2 – Quelques pistes originales de réforme du football européen
Conclusion
6
INTRODUCTION
Le football est indiscutablement le sport le plus populaire au monde. Pratiqué par
plusieurs dizaines de millions de licenciés à travers le monde, il est suivi par des
centaines de millions de téléspectateurs. A titre d'exemple, la Coupe du Monde 2006 a
atteint une audience cumulée de 26,29 milliards de personne tandis que la finale
France-Italie réunissait à elle seule 175,1 millions de personnes devant leur petit
écran1. En Europe, où il a été inventé, le football possède une influence culturelle
majeure. La région concentre, à l'exception du Brésil, de l'Argentine et de l'Uruguay,
toutes les grandes nations de ce sport. Les clubs sont, de loin, les meilleurs du monde.
L'Europe dispose en effet des meilleurs championnats et organise, sous l'égide de
l'UEFA (Union of European Football Association), la compétition de référence, à savoir
la Ligue des Champions.
Créée en 1904 et installée à Zurich, la FIFA (Fédération Internationale de
Football Association) a longtemps disposé du monopole de la gestion de ce sport.
Régissant ses aspects sportifs (fixation des règles du jeu, organisation directe ou
indirecte, au travers des fédérations affiliées, des compétitions etc.), elle considérait,
comme l'ensemble du mouvement sportif, qu'elle bénéficiait d'une exception juridique,
c'est à dire que le droit commun ne devait pas s'intéresser à son domaine. Aussi, la
FIFA et l'UEFA, en accord avec les fédérations nationales, ont instauré un certain
nombre de règles régissant les transferts, largement indépendantes des droits
nationaux du travail. Malgré la signature du Traité de Rome en 1957, lequel instaurait la
liberté de circulation des travailleurs au sein des pays membres de la Communauté
Européenne (cf annexe), des quotas nationaux ont continué de s'appliquer aux
footballeurs pendant près de quarante ans.
L'arrêt Bosman est venu remettre en question l'exception sportive. Constatant
que le sport générait une activité économique de plus en plus importante, la Cour de
Justice des Communauté Européennes a considéré que, s'il revenait aux fédérations
sportives de fixer les règles du jeu, le volet économique devait être soumis au droit
1 Chiffres FIFA, http://fr.fifa.com/aboutfifa/marketingtv/factsfigures/tvdata.html
7
communautaire.
Cette jurisprudence a eu l'effet d'une bombe dans les milieux sportifs. Elle a
suscité la désapprobation du mouvement sportif, FIFA en tête, craignant qu'elle ne
provoque des déséquilibres importants. Il est à ce titre indéniable que l'arrêt Bosman a
eu des conséquences majeures sur le football européen. Celles-ci sont de plusieurs
ordres :
des conséquences juridiques avec la fin de l'exception sportive ;
des conséquences économiques, car il a ouvert le marché des contrats des
footballeurs professionnel à la concurrence internationale et a accéléré le
mouvement de libéralisation du football professionnel, entamé quelques années plus
tôt avec l'arrivée des nouveaux diffuseurs télévisés ;
des conséquences sportives puisque la circulation des joueurs dans l'espace
européen a entraîné une recomposition des effectifs des clubs.
Ces trois volets sont cependant indissociables les uns des autres. La distinction
faite par la Cour de Justice des Communautés Européennes entre le sport comme
industrie d'une part, et le sport en tant que jeu encadré par des règles propres de
l'autre, ne reflète pas les interdépendances réelles. L'on peut schématiquement affirmer
que la liberté de circulation des joueurs de football (aspect juridique) a accéléré la
croissance de l'industrie du sport (aspect économique), laquelle a eu un impact sur
l'équilibre compétitif des compétitions (aspect économique).
Les craintes de la FIFA se sont en partie confirmées dans la mesure où la
mutation du mouvement sportif en industrie a provoqué des déséquilibres majeurs.
L'arrêt Bosman a notamment provoqué, à court terme, l'exode de joueurs issus de
championnats économiquement peu compétitifs vers des clubs étrangers. Les clubs
français ont été au premier rang des « victimes » dans la mesure où ils se trouvent
dans l'impossibilité de retenir leurs meilleurs joueurs ainsi que d'en attirer de nouveaux
du même niveau.
L'équité des compétitions, inhérente à l'éthique sportive, est de fait remise en
question. L'élite du football international de clubs s'est considérablement resserrée
depuis 1996 au profit des clubs financièrement puissants. Aussi, il paraît nécessaire,
8
afin que les valeurs essentielles du sport soient préservées de réfléchir à un certain
nombre de réformes du football européen.
Notre réflexion s'articulera autour de deux axes :
dans un premier temps, nous aborderons les aspects juridiques de la libéralisation
du football européen (I). L'arrêt Bosman tient ici une importance centrale, tant dans
les faits que dans les symboles, mais il n'est pas un élément isolé. Aussi nous nous
demanderons d'abord s'il a été une révolution juridique (A) avant de poser la
question de ses suites, notamment jurisprudentielles (B) ;
dans un deuxième temps, nous étudierons la réalité du football de l'après-Bosman
(II). Nous tenterons de démontrer en quoi il a bousculé les équilibres pré-existants
(A) avant de réfléchir à différentes propositions de réformes (B).
En filigrane, nous nous attacherons à prendre en compte les interconnexions
entre les aspects juridiques, économiques et sportifs, montrant notamment en quoi les
deux premiers influencent le troisième.
9
I- Les aspects juridiques de la libéralisation du football
européen : l'arrêt Bosman et ses suites
La libéralisation du football européen est un phénomène complexe qui doit être
vu sur plusieurs aspects. Elle est en effet la résultante de l'évolution des cadres
économique et juridique dans lesquels évoluaient le football. Le volet juridique revêt ici
une importance capitale : si la libéralisation du marché des contrats des footballeurs
professionnels est arrivé dans un contexte de dérégulation globale de l'économie et de
la finance internationale, elle n'aurait été possible sans l'apport décisif du droit
communautaire. L'arrêt Bosman a, en quelque sorte, été la condition nécessaire à la
libéralisation du football, il en a damé les barrières légales dans lesquelles se sont
ensuite engouffrés de nouveaux acteurs de l'économie du sport.
Aussi, il faut tout d'abord s'attacher à déterminer en quoi l'arrêt Bosman a été un
moment décisif pour le droit du sport. Celui-ci s'était longtemps considéré comme le
bénéficiaire d'une exception sportive, l'exemptant des règles de droit communautaire.
Les fédérations internationales, FIFA et UEFA, ont ainsi pu élaborer, en collaboration
avec les fédérations nationales, des règlements sur lesquels elles avaient seules un
droit de regard. C'est à cette situation que la jurisprudence de la Cour de Justice des
Communautés Européennes a mis fin. A cet égard, l'apport de l'arrêt Bosman n'a pas
tant été de révolutionner l'interprétation de la justice communautaire vis à vis des
règlements restreignant la liberté de circulation des sportifs professionnels (celle-ci
ayant été déterminée par les arrêts Walrave & Koch et Donà) que de lui donner
véritablement force de droit, avec l'appui de la Commission Européenne.
L'arrêt Bosman ne doit toutefois pas être vu comme une décision de justice
isolée. Il n'est en fait que le premier acte d'une série d'éléments jurisprudentiels qui ont
donné corps à nouvel ordre juridique du sport européen. Il est donc nécessaire, après
avoir déterminé en quoi l'apport de l'arrêt Bosman a été décisif d'analyser à la fois ses
extensions et les limites que l'on a posées à la libre-circulation des sportifs européens
au sein de l'Union Européenne.
10
A) L'arrêt Bosman : une révolution juridique ?
«L'arrêt Bosman est-il une révolution ? », l'on pourrait penser que la question
relève du détail sémantique. Il est pourtant intéressant de chercher à y répondre. Et
pour cela, il est bien entendu nécessaire de déterminer dans un premier temps les
cadres juridiques régissant l'activité sportive en Europe et, plus précisément, les
règlementations et termes de transfert avant l'arrêt Bosman. Une révolution ne peut en
effet avoir lieu que lorsqu'un système a assez longtemps existé pour pouvoir être
bouleversé.
Ainsi, avant de s'intéresser à l'arrêt Bosman proprement dit (les faits, la
procédure, sa portée), nous dresserons une synthèse historique des régulations lui
ayant pré-existé en matière de transferts.
Section 1 - Un historique de l'avant-Bosman
Les transferts de joueurs d'un club à un autre, au sein de clubs d'une même
fédération nationale ou entre deux clubs issus d'une fédération nationale différente,
sont inhérents au sport professionnel. Leur histoire n'a pas, bien entendu, commencé
avec l'arrêt Bosman. Il est au demeurant impossible de mesurer la portée de l'arrêt
Bosman si l'on ne connaît pas les réglementations qui s'appliquaient auparavant aux
transferts nationaux et internationaux. Aussi, il est nécessaire de dresser ici, un rapide
historique.
Les économistes Jean-Jacques Gouguet et Didier Primault2 distinguent à cet
égard trois périodes structurantes de l'histoire des transferts, qui s'insèrent dans le
processus historique de l'évolution du système économique global :
de la fin du XIXème siècle à 1923, la France connaît une période de libre-circulation
des footballeurs. Celle-ci s'explique par le fait que le professionnalisme n'est pas
2 Jean-Jacques Gouguet et Didier Primault, « Analyse économique du fonctionnement du marché des
transferts dans le football professionnel », in Le Sport Professionnel Après l'Arrêt Bosman : Une
Analyse Economique, Presses Universitaires de Limoges, 2005, pp. 114 et suivantes.
11
encore installé en France. En Angleterre, par contre, la Football League met en
place un système de transferts obligeant, pour chaque mutation, le joueur à recevoir
une autorisation de la ligue et un certificat de transfert de l'employeur ;
De 1925 à 1975, la FIFA et les fédérations nationales mettent en place un
encadrement très strict des transferts nationaux et internationaux ;
de 1975 à nos jours, on constate un long processus d'assouplissement de la
régulation concernant les transferts, bien évidemment accéléré en 1995 par l'arrêt
Bosman.
La première période étant une période de mise en place progressive du
professionnalisme et des fédérations internationales pendant laquelle aucune
réglementation internationale cohérente n'existe, elle ne représente que peu d'intérêt
pour le sujet. Nous nous concentrerons sur l'étude des deux suivantes, en mettant
l'accent sur la régulation des transferts internationaux.
Paragraphe 1 – De 1925 à 1973, le strict encadrement des transferts
Alors qu'il n'existait jusqu'à la fin du XIX ème siècle aucune réglementation
internationale concernant les transferts, la création en 1904 de la FIFA (Fédération
Internationale de Football Association), résultante de l'association des fédérations
nationales, va permettre d'harmoniser les pratiques nationales. Un système de
transferts contraignant est mis en place pendant les premières années du siècle. Ses
trois principes majeurs vont prévaloir jusqu'à la jurisprudence Bosman :
un joueur, même en fin de contrat, n'est pas libre de quitter un club pour en rejoindre
un autre ;
le transfert dans un nouveau club doit par conséquent être autorisé par l'ancien club.
Dans les faits, cela se traduisait la plupart du temps par le versement d'une
indemnité de transfert du nouveau club vers l'ancien club ;
s'il s'agit d'un transfert international, cette obligation est doublée de la production par
la fédération d'origine d'un certificat de transfert à destination de la fédération
d'arrivée.
Afin d'illustrer le caractère très restrictif de cette réglementation, il est intéressant
de se pencher sur un litige de 1949 ayant opposé le club français de Roubaix-Tourcoing
12
au club belge de Mouscron : l'affaire Lombrette3.
Né en 1928 en Belgique, René Lombrette jouait depuis 1944 dans les équipes
de jeunes du CO Roubaix-Tourcoing. Le 24 février 1949 cependant, Henri Delaunay,
secrétaire général de la Fédération Française de Football (FFF) reçoit une lettre en
provenance de la fédération belge signalant que le joueur n'avait jamais reçu de lettre
de sortie en provenance de Mouscron, l'autorisant à s'engager pour un nouveau club.
Le 10 mars 1949, FFF suspend Lombrette à titre provisionnel afin de procéder à un
examen plus approfondi de la situation. Le club de Roubaix-Tourcoing, désirant
conserver son joueur, dénonce l'attitude du club de Mouscron, lequel se serait dans un
premier temps désintéressé du cas de Lombrette jusqu'à se rendre compte qu'il pouvait
tirer de cette affaire un avantage financier. Convaincu par cet argument, Henri Delaunay
écrit donc à son homologue belge, lui demandant de bien vouloir lui communiquer son
autorisation, ce que ce dernier refuse, affirmant que Lombrette n'avait jamais souhaité
retourner jouer dans son club d'origine. Les deux fédérations décident alors de faire
appel à un médiateur désigné par la FIFA, Arthur Drewry, alors vice-président de
l'organisation. Celui-ci, en vertu des règlements de la FIFA, donne raison au club belge
et annule de fait l'affiliation de René Lombrette au CO Roubaix-Tourcoing. La
prometteuse carrière du jeune joueur sera stoppée nette par l'affaire.
Cette affaire souligne l'archaïsme ayant présidé jusque dans les années 70 aux
relations de travail entre les clubs de football professionnels et leurs joueurs. En France
notamment, est mis en place à la fin de la seconde guerre mondiale un contrat liant un
joueur avec son club jusqu'à l'âge de 35 ans, à savoir l'âge moyen auquel un joueur de
football professionnel arrête sa carrière4. Mis en place en 1945, ce contrat ne sera
supprimé qu'en 1969, aux termes d'un accord entre l'UNFP (le syndicat français des
joueurs de football professionnel) et la Ligue de Football Professionnel. La France est
alors le premier pays en Europe à considérer qu'à l'issue de son contrat, un joueur est
libre de s'engager avec le club de son choix sans que son club d'origine ne puisse le
retenir ou réclamer une indemnité compensatoire. Il existait cependant trois limitations à
cet accord :
il ne régissait que les transferts entre clubs affiliés à la FFF. N'étaient donc pas
concernés les transferts internationaux. Les clubs français étaient donc fondés à 3 Pierre Lanfranchi, Matthew Taylor, « Bosman : A Real Revolution », in J.J. Gouguet (2005), op. cit., pp.
96 et suivantes.
4 Ce contrat était d'ailleurs connu sous le nom de “contrat à vie”.
13
réclamer une indemnité de transfert au cas où un joueur en fin de contrat souhaitait
s'engager avec un club étranger, l'inverse étant également valable. Il faudra du reste
attendre l'arrêt Bosman pour qu'un système similaire se généralise à l'ensemble des
pays affiliés à l'UEFA ;
un joueur ayant passé au moins trois ans comme stagiaire dans un club devait signé
son premier contrat professionnel avec le club qui l'avait formé ;
lors du premier transfert du joueur, une indemnité de formation était versée au club
que celui-ci quittait.
Les limitations apportées à la liberté de circulation
Pendant toute cette période et même quelques années après, en l'absence de
tout règlement émanant de l'UEFA ou de la FIFA, les limitations du nombre d'étrangers
autorisés à contracter ou à jouer pour un club étaient laissées à l'appréciation de
chaque fédération nationale. De 1951 à 1961, par exemple, la FFF interdisait la
présence de tout joueur étranger au sein de ses clubs5. De la même manière, à partir
de 1966 et jusqu'à 1980, l'Italie a interdit tous ses clubs d'engager des joueurs
étrangers. L'objectif visé par la fédération italienne était de promouvoir de jeunes
joueurs au sein des équipes professionnelles afin d'améliorer les résultats de l'équipe
nationale, médiocres lors de la Coupe du Monde 1962. Les fédérations sportives
internationales et nationales considéraient alors qu'elles disposaient du monopole de
l'organisation du sport sous tous ses aspects (sportifs et économiques). Le droit
communautaire, interdisant les discriminations en fonction de la nationalité, ne
s'appliquait donc pas au sport : c'est ce qu'on appelle communément l' « exception
sportive ».
Paragraphe 2 – De 1975 à 1995 : L'assouplissement progressif des
règlements en matière de transferts
L'assouplissement des règlementations en matière de transferts entre 1975 et le
début des années 90 se matérialise principalement à travers l'extension relative de la
5 Michel Pautot, Sportifs, transferts et liberté de circulation, Litec, 2001
14
liberté de circulation des joueurs de football au sein des pays membres de l'Union
Européenne. Il est principalement dû à la jurisprudence de la Cour de Justice des
Communautés Européennes sur laquelle s'est ensuite appuyée la Commission
Européenne pour négocier de nouveaux accords avec les fédérations internationales.
1) La jurisprudence de la CJCE : les arrêts Walrave & Koch et Donà
Vingt ans avant son prononcé, deux arrêts de la CJCE préfiguraient partiellement
de ce que serait l'arrêt Bosman.
L'arrêt Walrave & Koch du 12 décembre 1974
L'affaire Walrave & Koch est la première affaire concernant une activité sportive
professionnel que la CJCE a eu à trancher6. Le litige concernait deux entraîneurs
professionnels de cyclisme, MM. Walrave et Koch, de nationalité néerlandaise, qui
souhaitaient entraîner, lors de championnats du monde, des sportifs d'une autre
nationalité. Or, le règlement de l'Union Cycliste Internationale (UCI) comportait une
disposition selon laquelle, lors des championnats du monde de cyclisme « l'entraîneur
doit être de la nationalité du coureur ». MM. Walrave & Koch, considérant qu'une telle
disposition était incompatible avec le Traité de Rome, assignèrent l'UCI, l'Union de
Cyclisme Néerlandaise et la Fédération espagnole de cyclisme, organisatrice de
l'événement, devant le juge national. Celui-ci renvoya l'affaire devant la CJCE, selon le
mécanisme de la question préjudicielle.
La décision des juges du Luxembourg va remettre en cause l'exception sportive
telle qu'elle était conçue par les fédérations sportives internationales. La Cour donne en
effet raison aux requérants, estimant que la disposition du règlement de l'UCI est
contraire aux articles 7, 48 et 59 du traité de Rome. Elle fixe ainsi le cadre général de la
liberté de circulation des sportifs professionnels au sein de l'Union Européenne :
elle considère que le droit communautaire s'applique au sport en tant qu'activité
économique au sens de l'article 2 du Traité de Rome, à savoir celui d'une prestation
6 Ibid.
15
de travail salarié ou d'une prestation de service rémunérée ;
par conséquent, elle interdit aux organismes de droit privé à vocation sportive
(fédérations et clubs) toute discrimination fondée sur la nationalité ;
elle considère toutefois qu'une telle discrimination ne s'applique pas à la
composition des équipes nationales dans la mesure où les compétitions les
engageant intéressent uniquement le sport et sont de fait étrangère à l'activité
économique.
L'arrêt Donà du 14 juillet 1976
Cette seconde affaire est relativement similaire à la première, même si elle
concerne le monde du football. Le litige opposait Mario Mantero, président du club
italien de Rovigo, à Gaetano Donà. M. Mantero avait chargé ce dernier de prospecter à
l'étranger, afin de trouver un joueur susceptible de s'engager dans l'équipe de Rovigo.
Or, à l'époque et comme nous l'avons vu plus haut, la fédération italienne interdit à ses
clubs de compter dans son effectif un joueur étranger. Gaetano Donà va pourtant
passer, à ses frais, une annonce en ce sens dans un journal sportif belge. Ayant changé
entre temps d'avis, M. Mantero décide de refuser toutes les offres en provenance de
Belgique et rembourser M. Donà de ses frais d'annonce. M. Donà va alors saisir le juge
national en dénonçant la non-conformité du règlement de la fédération italienne vis à vis
des articles 7, 48 et 59 du traité de Rome. Le juge national revoit lui aussi l'affaire
devant la CJCE par le mécanisme de la question préjudicielle.
La CJCE donne raison à M. Donà, reprenant les principes qu'elle avait posés
dans l'arrêt Walrave & Koch, à savoir l'application du droit communautaire au sport en
tant qu'activité économique et l'interdiction de toute discrimination fondée sur la
nationalité. Seule manque la référence aux rencontres entre équipes nationales
remplacées par une expression plus floue (« certaines rencontres »).
2) L'action ambiguë de la Commission Européenne
Les décisions de la CJCE ne semblaient donc devoir souffrir que de peu
d'équivoques. Elles définissaient un nouvel ordre juridique régissant les relations entre
le droit européen et les fédérations internationales :
16
toute restriction de la liberté de circulation des footballeurs professionnels issus des
pays membres devenait de fait caduque concernant les compétitions nationales ou
européennes de clubs ;
la FIFA et l'UEFA conservaient le monopole de l'organisation des compétitions
impliquant des équipes nationales, à savoir la Coupe du Monde et les compétitions
régionales telles que le Championnat d'Europe des Nations, la Copa America etc.
Malgré cela, au début des années 80, la situation n'évolue guère. Chaque
championnat européen continue d'imposer des restrictions à l'égard des joueurs
étrangers, ainsi que le montre le tableau ci-dessous, recensant les régulations en
vigueur dans les principaux championnats lors de la saison 1980-19817. Quelques
légères modifications sont toutefois apportées et ont fait parfois certaines distinctions
entre joueurs étrangers communautaires et joueurs étrangers extra-communautaires.
Ainsi en Angleterre, où deux joueurs étrangers par clubs sont autorisés, les joueurs
communautaires n'ont, à partir de 1978, pas besoin d'obtenir le permis de travail
nécessaire aux joueurs extra-communautaires8. La même année, l'UEFA s'engage à
autoriser les clubs à engager autant de joueurs communautaires qu'ils le souhaitent
mais limite par ailleurs le nombre d'étrangers pouvant joueur une rencontre, à deux
joueurs9, vidant sa promesse de sa substance.
Les règlementations concernant les joueurs étrangers dans les grands
championnats européens pour la saison 1980-1981
Belgique 3 joueurs étrangers et un nombre illimité de joueurs disposant d'un
passeport étranger mais ayant évolué en Belgique (ces joueurs étaient
appelés les « footballeurs belges »
Angleterre 2 joueurs étrangers (les Ecossais, Gallois et Nord-Irlandais, bien qu'ils
7 Tableau extrait de l'article de Pierre Lanfranchi et Matthew Taylor, op. cit.,
8 L'obtention de ce permis de travail était réservé à des joueurs ayant obtenu un certain nombre de
sélections nationales dans leur pays respectif. La règle est toujours en vigueur aujourd'hui pour les
joueurs n'entrant pas dans le cadre des jurisprudences Bosman et Malaja.
9 Michel Pautot (2001), op. cit., pp. 24, 25.
17
dépendent chacun de fédérations indépendantes ne sont pas
considérés comme des étrangers). Les étrangers ont besoin d'obtenir un
permis de travail pour évoluer en Angleterre. Ce permis est
automatiquement attribué à tous les ressortissants communautaires.
France 2 joueurs étrangers en première et deuxième divisions.
Allemagne 2 joueurs étrangers en première et deuxième division. Les joueurs
étrangers formés en Allemagne ne sont pas considérés comme des
étrangers.
Grèce 2 joueurs étrangers en première division. Aucun étranger en deuxième
division.
Pays-Bas 3 joueurs étrangers en première division, les joueurs étrangers doivent
obtenir un permis de travail.
Italie 1 joueur étranger en première division. Aucun joueur étranger autorisé
dans les clubs professionnels de divisions inférieures.
Portugal 2 étrangers en première et deuxième divisions.
Ecosse Les règles appliquées sont les mêmes qu'en Angleterre
Espagne 2 joueurs étrangers et 1 oriundo, c'est à dire un joueur étranger n'ayant
jamais évolué pour sa sélection nationale, en première et deuxième
divisions.
Il faut pourtant attendre 1985 pour que la Commission Européenne intervienne.
Peter Sutherland, nouveau président de la Commission, demande alors aux autorités
internationales et nationales du monde de football de mettre fin aux restrictions
apportées à la liberté de circulation des joueurs communautaires10. Son successeur,
Jacques Delors, est pourtant beaucoup plus équivoque en 1988 lorsqu'il invite les
fédérations à s'entendre sur un nombre maximal de joueurs communautaires par club.
En 1991, le vice-président de la nouvelle Commission présidée par le même Jacques
Delors, Martin Bangemann négocie un accord avec l'UEFA. Il est ainsi convenu qu'à
partir du 1er juillet 1992, chaque club issue d'une fédération affiliée à l'UEFA et évoluant
10 P. Lanfranchi, M. Taylor in J.J. Gouguet (2005), op. cit., p. 102
18
en première division de son championnat national pourra aligner trois joueurs étrangers
et deux joueurs étrangers ayant évolué au moins trois ans dans les équipes de jeunes
du club. Cet accord sera immédiatement dénoncée par le Parlement européen qui le
considère comme non-conforme au traité de Rome. Il s'appliquera pourtant jusqu'en
1995, date à laquelle est prononcé l'arrêt Bosman.
Section 2 – L'arrêt Bosman
L'assouplissement des réglementations en matière de transferts, notamment de
transferts internationaux, s'il fut réel, n'a pas pris, dans les années 80, toute la mesure
que lui promettaient les arrêts Walrave et Donà dans la décennie précédente. Aussi,
constatant les atermoiements de la Commission Européenne, c'est la Cour du
Luxembourg qui va tirer elle-même les conséquences de sa propre jurisprudence au
travers de l'arrêt Bosman.
Avant de dégager la portée de l'arrêt Bosman et d'analyser les réactions qu'il
suscita parmi les autorités sportives, il convient d'analyser tout d'abord les faits et la
procédure.
Paragraphe 1 - Les faits et la procédure
1) Les faits
Jean-Marc Bosman est né en 1964 à Liège et a fait toutes ses classes de
footballeur et la première partie de sa carrière dans sa ville natale. Formé au Standard
de Liège, il est alors considéré comme un joueur très talentueux et il est régulièrement
sélectionné dans les catégories de jeunes de l'équipe nationale de Belgique. Moins en
vue chez les professionnels, il est transféré au Royal Football Club de Liège en 1988,
pour un contrat mensuel de 120 000 Francs belges (environ 3 000€) par mois, soit un
contrat modeste, même pour l'époque. Arrivé en mai 1990 au terme de son contrat, il se
voit proposer une prolongation de celui-ci de quatre ans pour un montant mensuel de
19
30 000 Francs belges (environ 500€), soit le minimum autorisé par l'Union Royale Belge
des Sociétés de Football Association (l'URBSF). Jean-Marc Bosman refuse cette
prolongation et, est de fait placé, sur la liste de transferts. Le RCF Liège fixe le montant
du transfert à 11 743 000 BFR (environ 300 000€), soit une somme importante pour un
joueur qui s'est vu proposé une prolongation de contrat à des conditions dérisoires.
Jean-Marc Bosman établit finalement des contacts avec le club français de
l'Union Sportive de Dunkerque, avec lequel il signe un contrat à hauteur de 100 000
BFR par mois (environ 2500€) avec une prime à la signature de 900 000 BFR (22
500€). Un accord avait auparavant été trouvé entre l'US Dunkerque et le RFC de Liège
pour un prêt11 payant (1 200 000 BFR soit environ 30 000€) assorti d'une option d'achat
de 4 800 000€ (120 000€). Les deux contrats sont toutefois assortis d'une condition
résolutoire les rendant caduques dans le cas où L'URBSFA ne délivrait pas le certificat
de transfert avant la date du 2 août 1990. Or, le RCF de Liège, doutant soudainement
de la solvabilité de l'US Dunkerque, demande à la fédération belge de ne pas délivrer
ledit certificat si bien que la condition résolutoire n'est pas remplie et que les deux
contrats ne sont pas effectifs. Le RCF de Liège décide alors d'exclure Jean-Marc
Bosman de son effectif, ce qui le prive de toute compétition pour la saison à venir.
2) La procédure
Jean-Marc Bosman, dans l'impossibilité d'exercer sa profession dépose le 6 août
1990 un premier recours en référé devant le juge national contre le RFC de Liège et
l'URBSFA. Il demande la suspension du système de transfert, à savoir le fait qu'au
terme de son contrat, un joueur n'était pas libre de quitter son club sans l'accord de
celui-ci. Il demande en outre au juge de poser à la Cour de Justice des Communauté
Européennes une question préjudicielle sur la conformité dudit système avec les
articles 48, 85 et 86 du traité de Rome. Le tribunal de première instance donne raison
au demandeur, il suspend le système de transfert et renvoie une question préjudicielle à 11 Le prêt est un transfert temporaire (généralement un an ou six mois) d'un joueur vers un autre club,
les droits du joueurs restant la propriété d'un club prêteur. Le prêt peut-être payant ou gratuit. Le
salaire est généralement assumé en intégralité par le club à qui le joueur est prêté mais une partie du
salaire peut-être assuré par le club prêteur. Un prêt peut-être assorti d'une option d'achat que le club
auquel le joueur est prêté peut lever afin de porter acquéreur des droits de joueurs prêté.
20
la CJCE, devant laquelle Jean-Marc Bosman est convoqué le 11 juillet. Les défendeurs
font appel de la décision.
Le 19 avril, soit quatre jours avant la date prévue de la comparution en appel, est
signé dans l'urgence l'accord Bangemann – UEFA qui institue la règle du « 3+2 » à
compter du 1er juillet. Jean-Marc Bosmann est alors contraint de déposer, dans la nuit
du 22 au 23 avril, quatre recours attaquant l'accord devant la greffe de la CJCE afin de
pouvoir plaider l'affaire le lendemain. Malgré cela, la cour d'appel belge retire sa
question préjudicielle tout en confirmant le jugement de première instance. Entre temps,
Jean-Marc Bosman a trouvé un accord avec le modeste club de deuxième division
français de deuxième division.
Jean-Marc Bosman, peu satisfait de ce jugement, va former en août 1991 un
deuxième recours, cette fois contre l'UEFA, devant le juge national. Il demande à celui-
ci de poser deux questions préjudicielles à la CJCE. Après appel et cassation, les deux
questions préjudicielles arrivent finalement devant la Cour de Luxembourg en 1995 (la
procédure s'étalant au total sur cinq années !). Il s'agit de vérifier la conformité aux
articles 48, 85 et 86 du Traité de Rome :
du système de transfert d'une part ;
de la règle du « 3+2 » d'autre part.
3) La décision de la CJCE
Au terme d'un long arrêt de 147 paragraphe, la Cour statue le 15 décembre 1995
en trois points :
«1) L'article 48 du traité CEE s'oppose à l'application de règles édictées par des
associations sportives, selon lesquelles un joueur professionnel de football ressortissant
d'un État membre, à l'expiration du contrat qui le lie à un club, ne peut être employé par
un club d'un autre État membre que si ce dernier a versé au club d'origine une
indemnité de transfert, de formation ou de promotion.
2) L'article 48 du traité CEE s'oppose à l'application de règles édictées par des
associations sportives selon lesquelles, lors des matches des compétitions qu'elles
organisent, les clubs de football ne peuvent aligner qu'un nombre limité de joueurs
professionnels ressortissant d'autres États membres.
21
3) L'effet direct de l'article 48 du traité CEE ne peut être invoqué à l'appui de
revendications relatives à une indemnité de transfert, de formation ou de promotion qui,
à la date du présent arrêt, est déjà payée ou est encore due en exécution d'une
obligation née avant cette date, exception faite pour les justiciables qui ont, avant cette
date, engagé une action en justice ou soulevé une réclamation équivalente selon le
droit national applicable.»12
Les deux premiers points sont évidemment les plus importants ; le troisième
n'étant en fait, qu'une mesure évitant que des clubs, ayant payé une indemnité de
transfert afin d'acquérir les droits d'un joueur en fin de contrat, n'en réclament le
remboursement. De fait, l'arrêt Bosman :
réaffirme la non-conformité au droit européen de restrictions à la liberté de
circulation des joueurs communautaires à l'intérieur de l'Union et déclare par
conséquent illégal la règle du « 3+2 » en application depuis le 1er juillet 1991.
déclare illégal le système des transferts. Les clubs dont un joueur arrive en fin de
contrat ne sont donc pas légalement fondés à réclamer une indemnité de
transfert au nouveau club.
Paragraphe 2 : La portée juridique de l'arrêt Bosman
Les arrêts Walrave et Donà n'avait eu qu'une influence très limitée sur le sport
professionnel européen. Du fait de la position ambiguë de la Commission Européenne,
les fédérations internationales avaient gardé une latitude suffisante pour maintenir des
règlements restreignant la liberté de circulation des joueurs communautaires. L'arrêt
Bosman aura, lui, des conséquences beaucoup plus rapides et importantes.
Dès le 19 février en effet, l'UEFA prend acte de la décision de la Cour de Justice
des Communautés Européennes en supprimant la règle du « 3+2 ». Elle ne fait plus
mention dans ses règlements à aucune limitation concernant les joueurs
12 Le texte intégral de l'arrêt est disponible sur le site de la Commission Européenne : http://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:61993J0415:FR:HTML
22
communautaires. De fait, elle autorise concrètement les clubs de football appartenant
aux 15 états membres à recruter et à inscrire sur chaque feuille de match de chaque
compétition disputée, autant de joueurs communautaires qu'ils le souhaitent. L'arrêt
Bosman ne limite pas ses effets juridiques au seul football : les fédérations
internationales des autres sports collectifs prennent, à court ou moyen terme, des
dispositions identiques afin de mettre leurs règlements en conformité avec le droit
communautaire.
1) La fin de l'exception sportive ?
En dépit de ce mouvement général de conformation au droit communautaire,
l'arrêt Bosman suscite dès l'origine de nombreuses réticences au sein même du milieu
de football international. L'UEFA avait mis en garde la CJCE contre les conséquences
possibles d'une telle décision : déséquilibres entres compétitions internationales et
compétitions de clubs au profit de ces dernières, danger d'appauvrissement des
compétitions nationales etc. Les deux principales fédérations internationales vont
garder une position constante à l'égard de la jurisprudence européenne. En juin 1999,
le Président de la FIFA, Sepp Blatter, affirmait ainsi que « le football (devait) revenir à la
situation antérieure à l'arrêt Bosman. 13» Il s'agit de restaurer l'exception sportive, c'est
à dire de suspendre l'application du droit communautaire au domaine sportif,
considérant que les spécificités du sport rendent son application néfaste. En mars 2000,
la FIFA et l'UEFA proposent à la Commission et au Conseil des ministres des sports
devant se réunir quelques mois plus tard à Lisbonne de revenir sur l'arrêt Bosman14.
Le point de vue des fédérations internationales était partagé par de nombreuses
personnalités du milieu du football. Avant même le prononcé de l'arrêt Bosman, Franz
Beckenbauer, ancien capitaine de l'équipe d'Allemagne championne du monde en 1974
et futur président du comité d'organisation de la Coupe du Monde 2006, prévenait déjà :
« Le football allemand souffrira de nouveaux textes remplaçant les clauses actuelles qui
limitent dans les clubs le nombre de joueurs ressortissants d'un autre état membre. Ce
sont les joueurs de deuxième ou de troisième classe qui viendront en Allemagne, et ces 13 Le Monde du 2 juin 1999
14 Colin Miège, « Le sport dans l'Union Européenne : entre spécificité et exception ? », site Internet du
Centre d'Etudes Européennes de Strasbourg, 2005, www.cees-europe.fr/fr/etudes/revue9/r9a11.doc
23
joueurs, finalement, nous les avons déjà. Le système en vigueur a fait ses preuves et
on devrait donc le laisser en place. »15 Le « Kaiser » avait identifié les risques d'une
dérégulation du marché du travail : à savoir la concentration des talents dans les
championnats les plus riches et donc un certain resserrement de l'élite du football
européen.
A la même époque, le principe d'une exception sportive avait réuni plusieurs
responsables gouvernementaux européens parmi lesquels la ministre des sports
française, Marie-George Buffet, qui déclarait en mars 1999 : « la France donne le ton,
afin d’obtenir à l’échelle de l’Europe l’exception sportive pour préserver l’éthique et les
valeurs du sport ». Selon elle, « l’application au sport des règles communautaires de
concurrence s’avère incompatible avec la préservation de l’éthique sportive »16 Le
principe d'une exception sportive sera au demeurant repris par un rapport du député
Alain Barrau en date de novembre 199917. Dans sa conclusion, le rapport « affirme la
spécificité du sport du fait de son rôle social, intégrateur, formateur, et considère qu’il
existe une exception sportive, qui doit être prise en compte dans la définition d’une
politique communautaire du sport ». En dépit de ses appuis politiques, la proposition de
l'UEFA et de la FIFA sera refusé par le Conseil des ministres des sports de Lisbonne, à
l'issue duquel Pike Lee, alors porte-parole des clubs de Premiere League anglaise,
déclarait que « toute tentative de retour en arrière sur ce principe (ND l'auteur : le
principe de libre-circulation des joueurs communautaires au sein de l'Union
Européenne) serait à la fois irréaliste et vouée à l'échec). »
2) La position de la Commission Européenne
L'échec de toute tentative de révision de l'arrêt Bosman est principalement dû à
la position de la Commission Européenne qui, contrairement à ce qu'elle avait fait dans
la période ayant suivi les arrêts Walrave et Koch, s'est rangée derrière la jurisprudence
de la CJCE. Elle l'a affirmé en plusieurs occasions.
Le 29 octobre 1996, elle publie tout d'abord un document intitulé « Document
d'informations et remarques sur l'arrêt de la Cour rendu dans l'Affaire Bosman » dans 15 M. Pautot (2001), op.cit., p. 82.
16 C. Miège (2006), op.cit.
17 Rapport d’information N°1966 présenté par Alain Barrau le 25 novembre 1999
24
lequel elle réaffirme l'illégalité des quotas de joueurs communautaires : « L'article 48 du
traité CE, conformément à l'arrêt de la Cour, exclut l'application de règles édictées par
des associations sportives selon lesquelles, lors des matchs des compétitions qu'elles
organisent, les clubs de football ne peuvent aligner qu'un nombre limité de joueurs
professionnels ressortissants d'autres Etats membres ». La Commission ajoute que le
fait de « participer à des compétitions est l'objectif essentiel d'un joueur professionnel.
Une règle restreignant cette participation limite à l'évidence les occasions d'emploi qui
se présentent à un joueur et est incompatible avec l'article 48 »18.
Dans un rapport en date du 1er décembre 1999 intitulé « Rapport dans l'optique
de la sauvegarde des structures sportives actuelles et du maintien de la fonction sociale
du sport dans le cadre communautaire », la Commission réaffirme l'obligation pour les
fédérations sportives et les clubs affiliés de respecter les principes du droit
communautaire, parmi lesquels le principe de libre circulation des travailleurs : « Si le
traité de Rome ne contient pas de disposition spécifique au sport, la Communauté doit
néanmoins veiller à ce que les initiatives des autorités publiques nationales ou des
organisations sportives soient conformes au droit communautaire, y compris le droit de
la concurrence et respectent notamment les principes du marché intérieur (liberté de
circulation des travailleurs salariés, liberté d'établissement et libre prestations de
services etc. »19
En plus de justifier l'arrêt Bosman par sa conformité au droit communautaire, la
Commission Européenne a tenu à défendre son utilité économique, soutenant peu ou
proue qu'il contribuait à l'intérêt général du football européen. A l'occasion du congrès
de l'UEFA du 30 juin 2000, Viviane Reding, alors commissaire européen chargé des
sports déclarait :
« L'arrêt Bosman existe. Il est incontournable. Ceci d'autant plus que l'arrêt
Bosman se fonde sur deux principes fondamentaux inscrits dans les traités européens,
sur des droits de base des citoyens européens : celui de la libre-circulation et celui de la
non-discrimination. La Cour de Justice européenne l'a dit très clairement : ces principes
18 Document d'informations et remarques sur l'arrêt de la Cour rendu dans l'Affaire Bosman, in M. Pautot
(2001), op. cit.
19 Rapport dans l'optique de la sauvegarde des structures sportives actuelles et du maintien de la
fonction sociale du sport dans le cadre communautaire, Commission Européenne in M. Pautot (2001),
op.cit.
25
s'appliquent à tous les citoyens, aussi aux sportifs, aussi aux footballeurs. D'ailleurs, il
serait à mon avis erroné de penser d'une part que l'arrêt serait à l'origine des difficultés
vécues par le sport, et d'autre part qu'une restriction de la libre-circulation pourrait
résoudre tous les problèmes.
Bien au contraire ! Prenons l'exemple du problème de l'écart compétitif entre les
ligues des grands et les ligues des petits pays. Une restriction éventuelle de la libre
circulation n'y résoudrait rien. Les ligues des grands pays ont une base économique
plus forte que les ligues des petits pays parce que les ligues des grands pays peuvent
s'appuyer sur une base de spectateurs plus grande que les ligues des petits pays, ce
qui leur permet d'obtenir des revenus plus élevés. Une restriction éventuelle ne ferait
qu'accroître cet écart. Elle priverait les joueurs issus de petits pays de la chance
d'évoluer et de se perfectionner à l'étranger. En conséquence, elle affaiblirait les
équipes nationales de ces pays et elle priverait les spectateurs d'événements d'une
qualité semblable à celle de l'Euro 2000. »20
Les propos de Madame Reding sur les équipes nationales ne sont pas dénués
de tout fondement. Les spécialistes du football européen ont reconnu de manière quasi-
unanime que l'expérience acquise par les joueurs français dans les championnats
étrangers avaient été utiles à l'Equipe de France dans sa conquête des titres mondiaux
et européens, en 1998 et 2000. Encore faudrait-il nuancer ce propos en observant que
les résultats récents des compétitions internationales ont consacré la victoire des
équipes d'Italie, d'Espagne, de Grèce ou des performances comme celles des Russes.
La majorité des joueurs composant ces quatre sélections évoluaient alors dans le
championnat nationale. Les propos concernant l'équilibre entre grands et petits
championnats interpellent davantage sur la conception que se faisait et que continue à
se faire (cf en deuxième partie les déclaration de M. Spidla) la Commission Européenne
du sport de club. Nous développerons cette idée plus avant en deuxième partie mais le
sport ne peut s'accommoder de l'absence d'incertitude quant à son résultat. Les
règlementations sont là pour équilibrer les compétitions et s'assurer que leurs issues
soient incertaines. Considérer, que les différences économiques entre les petits et
grands championnats sont naturelles, qu'il n'y a aucun moyen de les diminuer, c'est nier
la spécificité du sport. Le fatalisme qui consiste à considérer que les lois du marché
20 Viviane Reding, discours au congrès annuel de la FIFA du 30 juin 2000, in M. Pautot (2001), op. cit.
26
doivent s'appliquer unilatéralement au sport est délétère, il remet en cause l'éthique
fondamentale du mouvement sportif et menace à terme son intégrité.
B) Les suites juridiques de l'arrêt Bosman
L'arrêt Bosman a eu des effets juridiques et un retentissement médiatique
majeurs. Comme l'on pouvait s'y attendre, il n'est pas resté sans suites. Il fut à l'origine
de la création d'un nouveau cadre juridique pour le sport européen. Encore fallait-il
préciser plusieurs points. S'est d'abord posé le cas de la liberté des circulations des
sportifs originaires de pays ayant signé des accords d'association ou de collaboration
avec l'UE. Ce cas a principalement été tranché par un arrêt rendu par le juge
administratif français mais ayant vocation à s'appliquer dans toute l'Europe et qui, s'il
est moins célèbre que l'arrêt Bosman, n'en a pas moins eu des conséquences
importantes sur le football européen : l'arrêt Malaja. La jurisprudence a ensuite dessiné
quelques limites à la libre-circulation des sportifs professionnels concernant les
sélections nationales et les dates imposées pour les transferts de joueurs, période que
les amateurs de sport connaissent sous le nom de mercato.
Section 1 – Les extensions de l'arrêt Bosman
L'on peut identifier deux types d'extension de l'arrêt Bosman, correspondant aux
deux volets de la décision du 15 décembre 1995 :
l'extension de la liberté de circulation aux sportifs originaires d'Etats ayant signé un
accord d'association et de coopération avec l'Union Européenne ;
l'extension pour les sportifs des possibilités de rupture de contrat.
27
Paragraphe 1 – L'extension de la liberté de circulation des sportifs à
des ressortissants n'appartenant pas à l'Espace Economique
Européen
L'extension de la liberté de circulation à des ressortissants d'Etats non-membres
mais ayant signé un accord d'association ou de coopération avec l'Union Européenne a
également une origine jurisprudentielle. Mais contrairement à l'arrêt Bosman, ce sont
les décisions du juge national qui ont déterminé le régime juridique applicable en
l'espèce. C'est le juge administratif français qui a donné l'impulsion au travers de
l'affaire Malaja. Aussi, nous analyserons tout d'abord cette décision avant de nous
intéresser à ses échos dans d'autres Etats.
1) L'arrêt Malaja
Les faits et la procédure interne à la Fédération Française de Basket-Ball
Au cours de l'été 1998, Lilia Malaja, basketteuse professionnelle polonaise
évoluant en France dans le club de Rennes s'engage avec le RC Strasbourg à compter
de la saison 1998-1999. Le règlement de la Fédération Français de Basket-Ball (FFBB)
autorise alors deux joueuses non communautaires, c'est à dire ressortissantes d'un Etat
n'appartenant pas à l'Espace Economique Européen (EEE), par club. Or, le Racing Club
de Strasbourg compte déjà dans ses rangs deux joueuses dans ce cas : la Bulgare
Mariana Ilieva et la Croate Zana Lelas. Afin de pouvoir intégrer Lilia Malaja à son effectif
sportif, le RC Strasbourg va demander à la FFBB, en vertu de l'accord d'association
liant la Pologne à l'Union Européenne, l'autorisation de considérer la joueuse polonaise
comme joueuse communautaire.
L'Union Européenne avait en effet signé un certain nombre d'accords
d'associations et de coopérations avec des Etats n'appartenant pas à l'Espace
Economique Européen. Ces deux types d'accord posent, dans le domaine des
conditions de travail, le principe d'interdiction de la discrimination en raison de la
28
nationalité. Les pays concernés sont alors :
pour les accords d'association : la Turquie, la Pologne, la Hongrie, la Bulgarie, la
République Slovaque, la République Tchèque, la Roumanie, la Lituanie, l'Estonie, la
Lettonie et la Slovénie, soit, à l'exclusion de Chypre et de Malte, les dix autres pays
ayant vocation à intégrer l'Union Europénne en 2004 ou en 2007 ;
pour les accords de coopération : le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, l'Ukraine, la
Fédération de Russie, la Moldavie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Biélorussie, la
Géorgie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan et l'Ouzbékistan.
En l'occurrence, l'article 37 de l'accord d'association entre l'Union Européenne et
la Pologne précise que : « Sous réserve des conditions et des modalités applicables à
chaque Etat membre, les travailleurs de nationalité polonaise légalement employés sur
le territoire d'un Etat membre ne doivent faire l'objet d'aucune discrimination fondée sur
la nationalité, en ce qui concerne les conditions de travail, de rémunération ou de
licenciement, par rapport aux ressortissants dudit Etat membre. »
La procédure de première instance devant le Tribunal administratif
Le 31 août 1998, la FFBB repousse la requête du RC Strasbourg. La joueuse et
le club saisissent alors, ainsi que leur en donnent le droit la loi du 16 juillet 1984 sur le
sport, de saisir la conférence des conciliateurs du Comité Nationale Olympique du Sport
Français (le CNOSF). Un conciliateur est nommé et rend un avis favorable à Lilia
Malaja, estimant que la décision de la FFBB est contraire à l'article 37 de l'accord
d'association entre l'Union Européenne et la Pologne. La fédération décide cependant
de ne pas suivre l'avis du conciliateur. Le 15 octobre 1998, RC Strasbourg et Mlle
Malaja déposent donc deux requêtes devant le tribunal administratif de Strasbourg, la
première demandant un sursis à exécution de la décision de la FFBB (afin que Mlle
Malaja puisse représenter son club en attendant la décision de justice), une autre en
annulation sur le fond.
Malgré l'avis du Commissaire du Gouvernement, favorable à Lilia Malaja, le
tribunal administratif rejette, le 27 janvier 1999, la requête. La joueuse interjette appel,
cette fois sans son club.
La procédure en appel
29
Le 13 janvier 2000, le Commissaire du Gouvernement conclut, comme lors de la
procédure de première instance, à la non conformité de la décision de la FFBB par
rapport à l'accord d'association entre la France et la Pologne. La cour administrative
d'appel de Nancy va cette fois suivre les conclusions du Commissaire du
Gouvernement, déclarant fondée la requête de Lilia Malaja et annulant la décision de la
FFBB en vertu de l'article 37. Elle va, en outre, conformément au même article fixer les
conditions et les modalités d'application de l'accord, à savoir l'obtention d'un contrat de
travail et d'un permis d'un séjour.
Le procédure en cassation devant le Conseil d'Etat
Consciente des conséquences engendrées par une telle décision, la FFBB
décide de se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat. Le 30 décembre 2002, le
Conseil d'Etat, considérant que le règlement de la FFBB établit une discrimination
directement fondée sur la nationalité des joueuses, juge ce dernier contraire à l'article
37 de l'accord d'association. Il décide par conséquent de rejeter le pourvoi de la
Fédération Française de Basket-Ball et de confirmer le jugement de la cour
d'administrative d'appel21.
2) La portée de l'arrêt Malaja
Les répercussions de l'arrêt Malaja au sein des juridictions étrangères
Dès avant la décision du Conseil d'Etat, un certain nombre de décisions
similaires à celle de la cour administrative d'appel de Nancy furent prises à l'étranger22.
Ainsi, en Espagne, trois jugements furent rendus dans le monde du basket-ball et du
football :
le 21 juin 2000, le tribunal de Barcelone juge que le joueur de basket-ball américain
naturalisé turc, Sheron Mills, alors joueur du FC Barcelone, devait être considéré
comme un joueur communautaire en vertu de l'accord d'association existant entre la 21 Conseil d’Etat, 30 décembre 2002, n° 219646, « Fédération française de Basket-Ball », arrêt
consultable sur le site de la revue Actualité Juridique Française, http://www.rajf.org/spip.php?article1482
22 M. Pautot (2001), op. cit., pp. 68 et suivantes.
30
Turquie et l'Union Européenne ;
le 15 novembre 2000, Lilia Malaja, transférée dans le club espagnol du CN Navarra,
obtient du tribunal de Pampelune une décision identique à celle obtenue en France,
l'autorisant à être considérée comme une joueuse communautaire ;
le 28 novembre 2000, le tribunal de Vigo a également assimilé le joueur russe du
Celta Vigo Valéry Karpine à un joueur communautaire.
De la même manière, en Italie, le Milan AC a obtenu, le 1er décembre 2000, que
son joueur star ukrainien (sacré ensuite Ballon d'or en 2005), Andreï Chevtchenko, soit
considéré comme un joueur communautaire.
La confirmation par la CJCE des principes énoncés dans l'arrêt Malaja
La Cour de Justice des Communautés Européennes s'est emparée des principes
énoncés dans l'arrêt Bosman dans deux arrêts successifs.
L'arrêt Kolpak23 du 8 mai 2003 est le premier à confirmer l'arrêt du Conseil d'Etat.
Maros Kolpak, handballeur slovaque évoluait alors dans le club allemand de deuxième
division d'Oestringen. La fédération allemande lui avait attribué une licence A, à savoir
la licence généralement attribuée aux joueurs de handball professionnels non
ressortissants de l'Union Européenne. Or, le règlement de la fédération allemande
prévoyant que seuls deux joueurs titulaires de licence A étant en droit d'être alignés
dans les rencontres de Coupe et de Championnat, Maros Kolpak ne pouvait bénéficier
d'un temps de jeu conséquent. En effet, l'effectif d'Oestringen comptaient déjà plusieurs
joueurs dans ce cas. Maros Kolpak attaqua donc le règlement de la fédération
allemande, réclamant d'être considéré comme un joueur communautaire en vertu de la
clause de non-discrimination dans le traité d'association régissant à l'époque la nature
des rapports entre son pays et l'Union Européenne. La CJCE, considérant que "les
sportifs originaires des pays tiers ayant passé un accord d’association avec l’Union
européenne devaient être traités comme des Européens dès lors que l’individu est
légalement employé sur le territoire ", donna ainsi raison à M. Kolpak, ouvrant la voie à
une application généralisée à toute l'Union Européenne des principes développés par le
juge national français dans l'arrêt Malaja.
23 CJCE, aff. C-438/00, 8 mai 2003, Deutscher handballbund c/ Marios Kolpak
31
L'arrêt Simutenkov24 est venu, en 2005, confirmer l'arrêt Kolpak. Les faits sont
très semblables, même si l'affaire concerne cette fois le domaine du football Igor
Simutenkov est un ancien joueur russe, évoluant au moment des faits dans le club
espagnol du Deportivo Tenerife. Titulaire d'une licence de joueur extra-communautaire,
il souhaite que celle-ci soit convertie en licence de joueur communautaire. Sa demande
est rejetée par la fédération espagnole en vertu d'un règlement issu d'un accord entre
cette dernière et la ligue de football professionnel espagnole. M. Simutenkov attaque
donc ce règlement devant la CJCE, se fondant sur l'accord de coopération entre la
Fédération de Russie et l'Union Européenne en vigueur depuis le 1er décembre 1997.
L'article 23, paragraphe 1 de cet accord prévoit, de façon très classique que :
« Sous réserve des lois, des conditions et des procédures applicables dans chaque Etat
membre, la communauté et ses Etats membres assurent que les ressortissants russes
légalement employés sur le territoire d’un Etat membre ne font l’objet d’aucune
discrimination fondée sur la nationalité, en ce qui concerne les conditions de travail, de
rémunération ou de licenciement, par rapport aux ressortissants dudit Etat membre.»
Sans surprise, le règlement de la fédération espagnole est considéré comme une
discrimination directe à l'égard de M. Simutenkov, interdite par l'accord de coopération.
Le cas des sportifs ressortissants des Etats ayant signé l'accord de
Cotonou
L'accord de Cotonou, signé le 23 juin 2000, est venu remplacer les accords de
Lomé, régissant les relations entre l'Union Européenne et les Etats ACP, à savoir la
plupart des pays africains, caribéens et du pacifique. L'article 13.3 de cet accord prévoit
que :
« chaque Etat membre (ND l'auteur : de l'Union Européenne) accorde aux travailleurs
ressortissants d'un pays ACP exerçant une activité sur son territoire, un traitement
caractérisé par l'absence de toute discrimination fondée sur la nationalité par rapport à
ses propres ressortissants, en ce qui concerne les conditions de travail, de
24 CJCE, aff C-265/03, 12 avril 2005, Simutenkov c/ Real Federacion Espanola de Futbol
32
rémunération et de licenciement. Chaque Etat ACP accorde, en outre, à cet égard un
traitement non discriminatoire comparable aux travailleurs ressortissants des Etats
membres. »
L'article 13.3 de l'accord de Cotonou est donc très similaire aux articles
prévoyant la non-discrimination des ressortissants d'Etats ayant signé un accord
d'association et de coopération avec l'Union Européenne. Il est par conséquent évident
que les sportifs ressortissants des Etats ayant signé l'accord (soit 76 Etats) sont bien
fondés à demander leur assimilation à des ressortissants communautaires. Tout
règlement restreignant leur liberté de circulation, dans la limite des conditions fixées par
chaque Etat membre, paraît donc caduque et prend le risque d'être déclaré non
conforme à l'accord par une juridiction nationale ou européenne.
Les résistances à la jurisprudence Malaja
Les principes de la jurisprudence Malaja ont très vite soulevé l'inquiétude des
responsables sportifs internationaux. L' « espace Malaja » est beaucoup plus large que
l' « espace Bosman », dans la mesure où il inclut plus d'une centaine d'Etats. Les
mêmes problèmes que ceux déjà dégagés lors du prononcé de l'arrêt Bosman ont été
soulevés. Sepp Blatter déclarait ainsi au journal Le Monde en 2003 : "Le pourcentage
de population non-nationale dans les pays membres de l’UE se situe entre 6 et 7% de
la population totale. Au sein des ligues pro de football des cinq grands pays d’Europe, le
pourcentage de joueurs non sélectionnables s’échelonne entre 25 et 55%. (...) Malaja,
c’est la dérégulation sauvage, une forme de "dumping social", la victoire des intérêts
individuels à court terme25". La FIFA et l'UEFA voient en effet d'un mauvais œil la
possibilité pour les clubs européens de recruter à un coût très faible un nombre illimité
de joueurs formés en Afrique, lesquels viendraient prendre la place de joueurs
européens plus chers, affaiblissant de fait le niveau des équipes nationales.
Aussi, les règlements des fédérations ont été moins prompts à prendre en
considération les conséquences de l'arrêt Malaja qu'à l'époque de l'arrêt Bosman. La
fédération italienne par exemple, n'assimile pas encore les ressortissants des Etats
25 Le Monde du 20 janvier 2003
33
ayant signé les accords de Cotonou à des joueurs communautaires.
De la même manière, la commission paritaire de la Ligue nationale de football
avait, dans un premier temps, décidé, le 25 mai 2000, de ne pas appliquer l'arrêt
Malaja, et de maintenir ses quotas de joueurs communautaires, à savoir trois joueurs
hors-EEE et un joueur hors EEE résidant depuis plus de trois ans dans un pays de
l'UE26. De même, le Conseil fédéral de la FFF avait refusé, l'assimilation d'un joueur
russe et d'un joueur marocain du PSG (Igor Yanovski et Talal El-Karkouri) à des joueurs
communautaires.
A compter de la saison de 2002-2003 cependant, la Ligue Nationale de Football
a modifié ses règlements, tenant en partie compte de la jurisprudence Malaja. La
Charte du Football Professionnel 2007/200827, véritable convention collective du
football professionnel français, énonce dans son article 552, ayant pour titre « Joueurs
des pays ayant des accords d'association ou de coopération avec l'UE » :
« La notion " accord d’association ou de coopération avec l’UE " vise les pays
concernés par la jurisprudence " Malaja " 28 et l’accord de Cotonou.
Les clubs peuvent conclure un contrat avec les joueurs ressortissants d’un pays
bénéficiant d’un accord d’association ou de coopération avec l’UE uniquement si ceux-
ci peuvent justifier au moins d’une sélection nationale lors d’un match de compétition
officielle des Confédérations ou FIFA ou trois ans de licence amateur en France.
L’effectif de ces joueurs n’est pas limité. (...) »
Ainsi, la Ligue de Football Professionnel autorise les clubs affiliés à posséder
dans leur effectif un nombre illimité de joueurs « Malaja » à la condition qu'ils aient été 26 M. Pautot (2001), op. cit., p. 67
27 La Charte du Football Professionnel est consultable sur le site de la LFP :
http://www.lfp.fr/reglements/pdf/charte/2008_2009/3.pdf
28 Dix pays bénéficiant auparavant un accord d'association ont, depuis 2004 et 2007, intégré l'Union
Européenne. Le statut des joueurs ressortissants de ces pays est réglée par l'article 551 bis qui
dispose que : « Les clubs peuvent sans limitation contracter avec des joueurs ressortissants des
nouveaux pays membres de l’UE sous réserve du respect des procédures d’admission des joueurs
étrangers visées au paragraphe “Conditions d’entrée et de séjour” de l’annexe générale n° 3 de la
Charte du football professionnel.»
34
sélectionné au moins une fois par l'équipe nationale de leur pays d'origine. Cette
disposition a été prise dans le but de garantir que les joueurs « Malaja » recrutés par
les clubs français le soient avant tout pour leurs performances sportives et non parce
qu'ils sont moins chers. La conformité d'un tel règlement avec les différents accords
d'association est douteuse et il est possible qu'ils soient cassés dans l'éventualité où ils
seraient attaqués devant une juridiction nationale ou européenne.
Paragraphe 2 – La rupture unilatérale du contrat et l'arrêt Webster
L'arrêt Bosman a mis fin au système de transfert tel qu'il avait été règlementé
dans la première partie du XX ème siècle. Depuis la saison 1996-1997 en effet, un
joueur qui arrive en fin de contrat est libre de rejoindre un nouveau club sans l'accord
de son précédent club ni le versement d'une indemnité de transfert à ce dernier. Dans
le prolongement de ce deuxième volet de l'arrêt Bosman, deux règlements de la FIFA
sur les transferts vont venir encadrer en 2001 puis en 2005 venir encadrer la rupture
unilatérale de contrat par le joueur lui-même. Un arrêt récent du Tribunal Arbitrale du
Sport (le TAS) est cependant venu mettre à mal ces règlements.
1) La rupture unilatérale du contrat par le joueur dans le règlement de la FIFA
sur les transferts
Généralités sur les contrats dans le football professionnel
Dans le droit du travail moderne, le contrat de travail à durée déterminée n'est pas le
contrat de droit commun. En France par exemple, le code du travail et son article L122-
1 précise que le CDD ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement
à l'activité normale et permanente de l'entreprise. L'article L122-2 précise qu'il ne peut à
ce titre être conclu que pour l'accomplissement d'une tâche précise et temporaire et
dans les cas prévus par l'article L122-2-1, à savoir des « emplois à caractère saisonnier
ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de
convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au
contrat de travail à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du
35
caractère par nature temporaire de ces emplois. » L’article D.121-2, qui précise les
secteurs d'activités dans lesquels les CDD peuvent être la règle de droit commun parmi
lesquels le sport professionnel.
Le CDD est donc la règle dans le monde du football est le CDI y est considéré
comme une contrainte exorbitante pour les joueurs. Ceci s'explique par le fait que, sur
un marché qui exige une main d'œuvre (le terme est assez paradoxal lorsqu'on parle
d'un sport qui se joue au pied...) extrêmement qualifiée, la demande de talent est forte
tandis que l'offre est rare. Les joueurs sont donc en position de force pour négocier
leurs contrats par rapport au club. Aussi, il est difficile d'appliquer au football le droit
commun concernant la rupture unilatérale des contrats. Dans le Code du travail
français, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant son terme
qu'en cas de fautes graves ou de cas de force majeure (article L-122-3-8)29. Le cas de
méconnaissance de ces dispositions par le salarié ouvre le droit au versement de
dommages et intérêts pour l'employeur. C'est là un des fondements, en droit français,
des indemnités de transferts de joueurs.
Les joueurs de football professionnel talentueux, ont intérêt à provoquer une
rupture du contrat en manifestant leurs velléités de départ dans la mesure où des clubs
de plus en plus riches sont en mesure de payer d'importantes indemnités de transfert.
Les agents de joueurs, qui sont notamment rémunérés par des commissions sur les
transferts de joueurs ont, eux, intérêt à les provoquer. Nicolas Anelka est à l'époque un
exemple emblématique dans la mesure où il a été l'objet, sous l'influence de son agent
(qui n'était autre que son frère), de deux transferts records dépassant les 200M de
Francs (30M€), le premier d'Arsenal au Real Madrid, et le second du Real Madrid au
Paris-Saint-Germain. Le règlement de la FIFA sur les transferts arrive ainsi, en 2001,
dans un contexte d'augmentation du nombre des transferts et des sommes engagées
sur ceux-ci. Alors qu'il n'était dans le passé pas rare de voir des joueurs passer leur
carrière dans le même club, ceci est devenu une exception du fait de la libéralisation du
marché des contrats des footballeurs professionnels. Inquiète des risques que
provoque une telle situation (concentration des talents dans les clubs les plus riches,
ayant les moyens de dépenser des sommes considérables en indemnités de transferts),
29 Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 janvier 2002, dite de modernisation sociale, un contrat
à durée déterminée peut également être rompu dans le cas où le salarié trouve une offre de travail en
contrat à durée indéterminée, mais cela n'intéresse pas vraiment notre sujet.
36
la FIFA va tenter de rétablir une certaine stabilité sur le marché des transferts.
L'article 21 du règlement de la FIFA prévoit une période de stabilité différente
selon l'âge du joueur :
de trois ans pour les joueurs de moins de 28 ans ;
de deux ans pour les joueurs de de 28 ans et plus.
En vertu de l'article 21, lorsqu'un joueur ou son club rompt de manière abusive
son contrat (c'est à dire en l'absence de juste motif ou de juste cause) durant la période
de stabilité, il s'expose à une sanction sportive et au paiement d'indemnités. L'article 22
précise les modalités de calcul de l'indemnité (le critère le plus important étant le
nombre d'années restantes au contrat), tandis que l'article 23 énonce les sanctions
sportives encourues (suspension pouvant aller jusqu'à six mois pour un joueur,
interdiction plus ou moins stricte de recrutement pour un club). L'article 24 prévoit enfin
que la juste cause sera examinée au cas par cas par le Tribunal Arbitral du Sport (un
joueur ayant participé à moins de 10% des matchs de son club est toutefois fondé à se
prévaloir de la juste cause sportive) en cas de litige.
A l'issue de la période de stabilité, un joueur est dans la possibilité de rompre son
contrat en contrepartie du paiement d'une amende dont le montant est négocié de gré à
gré (en pratique, elle est payée plus ou moins indirectement par le nouveau club et
équivaut à une indemnité de transfert).
2) L'arrêt Webster
S'il est pour le moment trop tôt pour faire le bilan de son application, l'arrêt
Webster est semble-t-il en mesure de remettre en cause le règlement de cette situation.
Un analyse rapide des faits et de la portée de cet arrêt est ici nécessaire.
Les faits et la procédure
Andrew Webster, joueur de football britannique de 25 ans, évoluait pour le club
écossais de Hearts of Midlothians auquel il était lié par un contrat arrivant à échéance le
30 juin 2007. Un an auparavant, alors que le contrat n'est plus dans sa période de
stabilité, il décide d'y mettre fin de manière unilatérale et sans cause précise pour de
s'engager pour le club anglais de Wigan. Afin d'obtenir une compensation financière,
37
son ancien club, qui n'a touché aucune indemnité de transfert, porte l'affaire devant la
Chambre de résolution des litiges de la FIFA, puis devant le Tribunal arbitral du sport.
Dans son arrêt en date du 31 janvier 2008, ce dernier somme le club de Wigan
de payer à Hearts of Midlothian la somme de 200 000€, soit « le solde de la
rémunération due au joueur selon le contrat de travail, au moment de la date de
résiliation », alors que son ancien club espérait tirer de l'opération la somme de 5,3M€.
Autrement dit, le TAS, estimant que Hearts of Midlothian avait depuis longtemps amorti
son investissement, remet en cause la négociation de gré à gré de l'amende payée par
le joueur rompant unilatéralement son contrat à l'issue de la période de stabilité.
La portée de l'arrêt Webster
L'arrêt Webster risque d'avoir un retentissement conséquent sur le marché des
transferts du football européen. En effet, il remet en cause la signature de longs
contrats dans la mesure où l'investissement consenti en indemnités de transferts
risquerait de ne pas être rentabilisé à terme par la revente du contrat du joueur. Celui-ci,
à l'issue de la période de stabilité, pourra quitter le club en payant une amende
correspondant aux mois de salaires restant à payer, amende qui sera d'autant plus
facilement financée par le futur club qu'elle sera inférieure à une indemnité de transfert
traditionnelle.
Quelles pourront être les réponses des clubs face à cette nouvelle configuration
?
Les clubs seront incités à vendre leurs joueurs avant l'issue de la période de
stabilité, c'est à dire au bout de la deuxième année pour les joueurs de moins de 28
ans ou après la première année pour les joueurs de plus de 28 ans.
On peut imaginer que les clubs tiers inciteront les joueurs à ne pas renouveler leur
contrat avec leur club en échange de la promesse d'un recrutement futur. Au total,
l'arrêt Webster risque d'avoir l'effet contraire à celui recherché par les règlements
FIFA de 2001 et 2005, à savoir une stabilité permettant au club de développer une
politique sportive sur le moyen ou le long terme.
Ce sont les joueurs et leurs agents qui risquent d'être les grands bénéficiaires de
38
l'arrêt Webster. En devenant des salariés de droit commun alors même qu'ils
bénéficient d'émoluments largement supérieurs à la moyenne et qu'ils évoluent sur un
marché sur lesquels ils sont en position de force, ils se verront reconnaître la possibilité
de démissionner presque quand bon leur semble. Aussi, l'on est en droit, à l'instar de
Sepp Blatter, de se demander s'il ne s'agit pas «(d')une victoire à la Pyrrhus pour les
joueurs et leurs agents, qui rêvent de pouvoir rompre les contrats avant qu'ils n'arrivent
à leur terme ». Les joueurs, ajoute-t-il « pourront calculer le montant de la
compensation qu'ils devront verser s'ils veulent rompre leur contrat » disposant de fait
de libertés exorbitantes.
Au final les clubs les plus faibles financièrement se trouveront dans une situation
encore plus difficile qu'aujourd'hui : comment constituer une équipe compétitive en ne
gardant des joueurs performants qu'un ou deux ans alors que les automatismes sont un
facteur important dans un sport collectif ?
Section 2 - Les limitations apportées à la liberté de circulation
des footballeurs professionnels
Les limitations à la liberté de circulation, confirmées par la jurisprudence après le
prononcé de l'arrêt Bosman sont de deux ordres. Elles concernent :
d'une part la non-application de la liberté de circulation aux matchs et compétitions
impliquant des équipes nationales ;
d'autre part les périodes autorisées de transferts, couramment appelées mercato
dans le milieu du football.
Paragraphe 1 – Les limitations à la liberté de circulation concernant
les compétitions entre équipes nationales
1) La nationalité sportive selon la FIFA
Les rencontres entre équipes nationales ont été, dès l'origine du football, le
39
sommet des compétitions. Inventée en 1930, la Coupe du Monde reste aujourd'hui
l'épreuve de référence de ce sport. Elle draine un engouement médiatique et populaire
inédit dans le football de clubs et dépasse de loin la sphère des connaisseurs. Aussi,
les fédérations internationales, FIFA en tête, ont mis un point d'honneur constant à ne
pas les dénaturer. Le fait de sélectionner des joueurs sur le critère de leur nationalité
est un élément d'identification très fort pour le public, il fallait donc, pour protéger
l'intérêt de celui-ci, œuvrer à la conservation de ce principe.
Dès 1964, est voté un règlement (actuellement l'article 3.5 des règlements de la
FIFA) empêchant les joueurs d'évoluer sous le maillot de plusieurs équipes nationales
successives au cours de leur carrière. Il s'agissait, par la création d'une nationalité
sportive unique30, d'éviter que les joueurs monnaient leur talent auprès de fédérations
nationales désireuses de renforcer leur équipe. Joueur majeur de l'histoire du sport,
Alfredo Di Stefano avait notamment pu, durant sa carrière, porter le maillot de trois
sélections différentes (l'Argentine, la Colombie et l'Espagne).
Cette règle est toutefois loin d'être générale dans le sport de haut-niveau. Ainsi,
la Charte Olympique précise qu' « un concurrent qui a représenté un pays aux Jeux
Olympiques, à des Jeux continentaux ou régionaux ou à des championnats mondiaux
ou régionaux reconnus par la FI compétente et qui a changé de nationalité ou acquis
une nouvelle nationalité peut participer aux Jeux Olympiques pour y représenter son
nouveau pays à condition qu’un délai d’au moins trois ans se soit écoulé depuis que le
concurrent a représenté son ancien pays pour la dernière fois.31 ». Une disposition
récente a même assoupli ce délai : il peut désormais être raccourci par la Commission
Executive du CIO en cas d'accord entre les comités nationaux olympiques de deux
pays concernés et la fédération internationale du sport en question. Le handball
reconnaît une règle similaire en acceptant qu'un joueur ayant déjà porté les couleurs
d'une équipe nationale soit sélectionné, après un délai de trois ans, dans une autre 30 Il convient ici de noter que les critères universelles de sélection ne sont pas nécessairement liés à la
citoyenneté. Peut-ainsi être sélectionné au sein d'une équipe nationale :
1. le joueur dont le père ou la mère est originaire du pays où le il veut être sélectionné ;
2. le joueur dont l'un des grand-pères ou l'une des grand-mères est originaire du pays où il veut être
sélectionné ;
3. le joueur lui-même né dans le pays où il veut être sélectionné ;
4. le joueur ayant passé les deux dernières années dans le pays où il veut être sélectionné.
31 Texte d'application du règlement 42 de la Charte Olympique, Comité Internationale Olympique, texte
entier consultable sur internet http://multimedia.olympic.org/pdf/fr_report_122.pdf
40
équipe. Le joueur doit bien sûr avoir été naturalisé ou disposer d'une double-nationalté.
Talant Dujshebaev, élu meilleur handballeur de l'année en 1994 et en 1996, a ainsi
successivement évolué pour l'URSS puis la CEI, jusqu'aux Jeux Olympique de
Barcelone) et pour l'Espagne (à partir de 1995).
La règle de la FIFA a d'ailleurs été quelque peu assouplie concernant les joueurs
ayant été sélectionnés dans les équipes nationales de jeunes. Une sélection dans une
équipe nationale d'une catégorie d'âge inférieure (espoirs, moins de vingt ans)
déterminait auparavant la nationalité sportive du joueur. Depuis 2004, un joueur
sélectionné chez les jeunes pour un pays peut changer de nationalité sportive jusqu'à
ses 21 ans, à condition de répondre aux critères de sélection d'un autre pays. Ainsi le
franco-malien, Frédéric Kanouté, sélectionné en Equipe de France espoirs en 1999, a
ensuite intégré l'équipe A du Mali, renonçant de fait à une éventuelle sélection en
Equipe de France A.
2) La protection des équipes nationales par la jurisprudence sportive
La jurisprudence européenne va très tôt prendre en considération la spécificité
essentielle des équipes nationales. Elle va, à cet égard, restreindre l'application de la
libre-circulation des sportifs professionnels.
L'arrêt Walrave ménageait déjà une exception au principe de liberté de
circulation des sportifs concernant les rencontres entre équipes nationales (à savoir les
matchs amicaux, les matchs qualificatifs pour les grandes compétitions internationales,
le Championnat d'Europe des Nations, la Coupe du Monde etc.), considérant que
celles-ci étaient exclues du champ de l'économie et concernaient uniquement le sport.
L'arrêt Donà était cependant moins clair à ce propos, se contentant d'évoquer
« certaines rencontres » en lieu et place des rencontres entre équipes nationales.
L'arrêt Bosman, dans ses points 127 et 133, confirme les principes énoncées
dans l'arrêt Walrave, consacrant de fait la protection des équipes nationales :
« 127 - A cet égard, il y a lieu de rappeler que dans l'arrêt Donà, précité, points 14 et
15, la Cour a reconnu que les dispositions du traité en matière de libre circulation des
personnes ne s'opposent pas à des réglementations ou pratiques excluant les joueurs
41
étrangers de certaines rencontres pour des motifs non économiques, tenant au
caractère et au cadre spécifiques de ces rencontres et intéressant donc uniquement le
sport en tant que tel, comme il en est des matches entre équipes nationales de
différents pays. Elle a cependant souligné que cette restriction du champ d'application
des dispositions en cause doit rester limitée à son objet propre. »
« 133 - Deuxièmement, il convient d'observer que, si les équipes nationales doivent être
composées de joueurs ayant la nationalité du pays concerné, ces joueurs ne doivent
pas nécessairement être qualifiés pour des clubs de ce pays. D'ailleurs, en vertu des
réglementations des associations sportives, les clubs qui emploient des joueurs
étrangers sont tenus de leur permettre de participer à certaines rencontres au sein de
l'équipe nationale de leur pays. »
Paragraphe 2 – Les limitations à l'arrêt Bosman concernant les
périodes de transfert : l'arrêt Lehtonen32
Les périodes limitées de transfert trouvent leur justification sportive dans le fait
de préserver, tout au long d'une compétition, l'intégrité des équipes engagées afin de
maintenir les forces en présence. Si ces limitations n'existaient pas, il serait facile pour
les clubs les plus riches d'acheter les hommes en forme et les révélations d'un
championnat s'étalant sur neuf mois. Traditionnellement, la période des transferts se
déroulait pendant la trêve de l'inter-saison. En dehors de cette période, les clubs ne
pouvaient plus acquérir qu'un seul joueur, le « joker ». Pendant des années, seuls les
clubs italiens disposaient d'une deuxième période de transferts : le mercato d'hiver qui
se tenait durant la trêve. A la fin des années 90, ce marché hivernal s'est généralisé à
toute l'Europe. D'abord limités au recrutement de trois joueurs maximum durant cette
deuxième période, les clubs sont désormais libres de recruter, de vendre ou de prêter
autant de joueurs qu'ils le souhaitent.
A première vue, il semble évident que les périodes de transfert constituent une
limitation au principe de la liberté de circulation des sportifs. La CJCE va pourtant en
justifier l'existence à travers l'arrêt Lehtonen. Nous analyserons donc dans un premier
32 CJCE, aff. C-176/96, 13 avril 2000, « Lehtonen c/ ASBL ».
42
les faits et la procédure avant de nous concentrer sur la décision et sa portée.
1) Les faits
Jyri Lehtonen est un ancien basketteur finlandais. Au cours de la saison 1995-
1996, il évoluait dans son championnat national. Celui-ci se terminant plus tôt que les
principaux championnats européens, il décide de chercher un employeur à l'issue de la
saison et s'engage avec le club belge des Castors de Namur-Braine afin de disputer les
phases finales du championnat. Le 29 mars 1996, l'ancien club de M. Lehtonen fait
parvenir une lettre de sortie aux Castors qui, le lendemain, envoient à leur tour une
lettre annonçant l'accord à la fédération belge (FRBSB). Or, les règlements de la
FRBSB avaient fixé, pour la saison 1995-1996, trois délais de transferts distincts :
les transferts entre clubs belges ne pouvaient s'opérer qu'entre le 15 avril et le 15
mai 1995, soit pendant l'inter-saison ;
les joueurs européens pouvaient s'engager avec un club belge jusqu'au 28 février
1996 ;
les joueurs non-européens pouvaient s'engager avec un club belges jusqu'au 31
mars 1996.
La FRBSB envoie, le 5 avril, une lettre rappelant aux Castors de Namur qu'il est
nécessaire, pour que M. Lehtonen puisse évoluer dans le championnat belge, qu'il
reçoive une licence de la Fédération Internationale de Basket-Ball Association (FIBA).
La fédération précise que si M. Lehtonen était aligné sans cette autorisation, son
nouveau club s'exposerait à des sanctions sportives. Les Castors de Braine vont
cependant faire jouer, dès le lendemain, leur nouveau joueur lors d'une rencontre de
championnat contre le club de Quaregnon. Le lendemain, ils reçoivent une lettre de la
FIBA, laquelle, au motif que le délai de transfert applicable à M. Lehtonen avait expiré le
28 février, refuse d'enregistrer le transfert.
Mettant en application le règlement, la FRBSB sanctionne les Castors de Namur
: le match contre Quaregnon est déclaré perdu par forfait. Jyri Lehtonen et son club,
considérant que le règlement de limitation des transferts de la FRBSB est contraire au
principe de libre circulation des travailleurs, décident de saisir en référé le Tribunal de
Première Instance des Communauté Européennes. Ils demandent l'annulation de la
décision de la FRBSB et l'interdiction sous astreinte de prendre d'autres sanctions à
43
l'encontre du club si M. Lehtonen devait à nouveau participer à une rencontre sous ses
nouvelles couleurs. Le Tribunal de Première Instance décide de poser une question
préjudicielle à la CJCE.
2) Décision et portée
Dans son arrêt du 13 avril 2000, la CJCE énonce que :
« L'article 48 du traité CE (devenu après modification, article 39 CE) s'oppose à
l'application de règles édictées dans un Etat membre par des associations sportives qui
interdisent à un club de basket-ball, lors des matchs de championnat national, d'aligner
des joueurs en provenance d'autres Etats membres qui ont été transférés après une
date déterminée lorsque cette date est antérieure à celle qui s'applique aux transferts
de joueurs en provenance de certains pays tiers, à moins que des raisons objectives,
intéressant uniquement le sport en tant que tel ou tenant à des différences existant
entre la situation des joueurs provenant d'une fédération appartenant à la zone
européenne et celle des joueurs provenant d'une fédération n'appartenant pas à la dite
zone, ne justifient pas une telle différence de traitement. »
Autrement dit, la CJCE considère que la fixation de délais de transfert différents
en fonction de la nationalité des joueurs est conforme au traité CE dans la mesure où :
elle a pour objectif d'éviter que la compétition soit faussée ;
elle ne va pas au délà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (principe
de proportionnalité).
Ce faisant, la Cour du Luxembourg justifie l'existence de périodes de transfert
dans le sport professionnel afin de préserver la régularité des compétitions. Elle laisse
aux fédérations sportives le soin de déterminer l'étendue de ces périodes.
44
II – Le football européen de l'après-Bosman
Dire que le football européen des années 1990-2000 n'a plus rien à voir avec son
« ancêtre » des années 80 relève de l'évidence. A tel point qu'il n'est pas exagéré de
considérer que celui-ci a vécu une véritable révolution. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard
si les observateurs de longue date de ce sport ont constaté les conséquences de cette
révolution jusqu'au terrain : si le jeu semble plus rapide, si les joueurs paraissent mieux
préparés physiquement, c'est parce les enjeux que mobilisent le football professionnel
moderne sont beaucoup plus importants qu'ils ne l'étaient il y a vingt ans. Les sommes
engagées par les investisseurs (propriétaires de clubs, groupes de télévisions etc.) sont
sans commune mesure. La visibilité du football dans le monde a explosé du fait de
l'évolution des technologies de l'information : la quasi-totalité des matchs professionnels
sont aujourd'hui accessibles partout dans le monde, par la télévision satellite ou par
Internet (le « streaming » aujourd'hui illégal n'en est qu'à ses prémisses et les vidéos
des plus belles actions sont parmi les plus consultées sur Daily Motion ou YouTube).
Aussi, le football est devenu un vecteur de communication majeur pour les plus grandes
marques (il n'y a qu'à voir les multiples contrats publicitaires signés par les grands
joueurs, Zinedine Zidane en tête), mais aussi pour la classe politique. Les supporters
sont autant d'électeurs qu'il faut flatter lors des campagnes électorales, par exemple par
la promesse de rénovation d'un stade. Le pouvoir symbolique d'une grande victoire, s'il
a pu être exagéré comme en 1998 (certains médias ont vu dans le triomphe des Bleus,
celui de la France « black-blanc-beur »), n'en est pas moins réel. Des études ont même
pu prouver qu'elles avaient un impact sur le moral des ménages et l'économie
nationale.
Le rôle de l'arrêt Bosman est important dans cette révolution. Il serait pourtant
erroné d'affirmer qu'il en est la seule cause. Nous nous attacherons donc à démontrer
que la jurisprudence de la CJCE a joué un rôle de catalyseur dans les changements du
football mondial. Autrement dit, nous défendrons l'idée que l'arrêt Bosman, qui s'inscrit
dans un contexte global de croissance économique du football, a accéléré le
mouvement de libéralisation et de dérégulation de ce marché spécifique.
Un bouleversement aussi radical ne va pas cependant sans causer des
45
déséquilibres et ceux provoqués par l'arrêt Bosman sont majeurs. Il faut en cela avouer
qu'ils ont été largement sous-estimés par les instances européennes. La libéralisation
du marché des footballeurs professionnels a notamment provoqué un resserrement de
l'élite autour de quelques clubs issus des championnats les plus puissants. Alors que
les années 80 et le début des années 90 avaient marqué une certaine ouverture des
compétitions européennes à de nouveaux clubs et à de nouveaux pays, les années
2000 ont fait de la principale compétition européenne, un club de plus en plus fermé.
Cette évolution nous semble aller à l'encontre du principe de l'incertitude sportive et
donc de l'éthique du mouvement sportif. Aussi, nous développerons, dans un deuxième
temps, quelques pistes de réformes susceptibles de compenser ces déséquilibres.
A) L'arrêt Bosman a bouleversé les équilibres traditionnels
du football européen
Depuis la création de la FIFA et de l'UEFA, le football européen étaient régi sous
tous ses aspects par les règlements des fédérations internationales. Les restrictions à
la liberté de circulation permettaient à chaque championnat de garder la plupart de ses
meilleurs éléments et ainsi de préserver les chances de clubs issus de championnat
économiquement faibles de bien figurer dans les compétitions européennes. L'arrêt
Bosman a marqué l'entrée de plain-pied du sport dans la sphère de l'économie de
marché.
Les clubs ont été dans l'obligation de s'adapter à ce nouveau contexte. Ils ont dû
faire évoluer leurs modèles économiques afin de devenir de véritables entreprises, dont
certaines sont même entrées en bourse. Les logiques sportive et économique sont
différentes. Tandis que l'objectif de l'entreprise est de faire du profit, celui d'un club de
football est, a priori, de remporter des titres. Tandis que l'actionnaire aime la sécurité, le
club de football est soumis aux aléas des résultats sportifs. Il est pourtant impossible,
dans le football professionnel moderne, de séparer ces deux aspects : la puissance
économique et financière des clubs détermine, au moins en partie, les résultats sportifs.
Il convient donc de déterminer l'impact de la libéralisation du marché sur les différentes
compétitions.
46
Section 1 - La remise en en cause des modèles économiques
Jusqu'au milieu des années 80 le rôle du sport dans l'économie était négligeable.
Les salaires des joueurs de l'AS Saint-Etienne, finaliste de la Coupe d'Europe des
Clubs Champions en 1976, n'excédaient, par exemple pas de beaucoup, ceux d'un
cadre supérieur. Les compétitions sportives étaient rarement diffusées à la télévision et
la publicité n'avait pas l'impact qu'elle a aujourd'hui. Depuis vingt, les clubs de football
européens ont dû faire face à des mutations économiques d'envergure. Le sport est
devenu une industrie globale dont le football est le fer de lance. Les clubs européens
ont dû évoluer de manière à profiter de cette croissance économique. Le marché des
joueurs n'étant plus restreint par le droit, ils sont également entrés dans une ère de
concurrence internationale.
Paragraphe 1 – Une croissance économique sans précédent
L'arrêt Bosman est arrivé à un moment particulier de l'histoire du football
européen. Il s'inscrit en effet dans le contexte d'une croissance économique sans
précédent dans l'histoire du mouvement sportif. Celle-ci a pour origine principale
l'explosion des droits télévisés. L'augmentation de la visibilité de football professionnel a
logiquement attiré de nouveaux types d'investisseurs, intéressés par les perspectives
de développement du marché : richissimes propriétaires étrangers, grandes marques
etc. Ce changement de configuration du marché s'est logiquement traduit par
l'adaptation des clubs de football professionnel, qui ont fait évoluer leur modèle
économique pour mieux en profiter, ou mieux y résister.
1) L'explosion des droits télévisuels
L'augmentation considérable des droits télévisés a été, dans les années 90, le
principal facteur de croissance économique du football professionnel européen. De
1991 à 2006, ils ont, en moyenne, été multipliés par 30 dans les grands championnats
47
européens, ainsi que le montre le tableau ci-dessous.
Cette hausse impressionnante s'explique par l'accroissement du rôle de la
télévision dans l'économie des médias. Ainsi que l'explique l'économiste Jean-François
Bourg33, la fin, en Europe, du monopole public de la télévision et l'apparition de
nouveaux acteurs privés a bouleversé les rapports entre la télévision et le football. En
France notamment, la privatisation de TF1, l'apparition de bouquets thématiques (câble
et satellite), du paiement à la demande et de Canal, + ouvrent le marché à la
concurrence. Les nouvelles chaînes à péage ont besoin d'un nouveau produit d'appel
pour convaincre des clients de souscrire un abonnement : le football sera celui-ci. Ainsi
le succès de Canal + a principalement été attribué à la diffusion régulière de nombreux
matchs du championnat de Division 1.
Face à la perspective d'une nouvelle manne s'offrant à eux, les clubs français ont
décidé de se coaliser afin de peser sur la négociation alors qu'ils avaient pour habitude
de négocier individuellement leurs droits34. En quelques années, l'on passe ainsi d'une
33 Site Internet Le Mensuel de l'Université, entrevue avec Jean-François Bourg, 16 janvier 2008,
http://www.lemensuel.net/2008/01/16/droits-du-foot-la-fin-des-vingt-glorieuses.
34 Cette entorse au droit de la concurrence européenne est cautionnée par la Commission européenne
de manière à favoriser une meilleure répartition des revenus télévisés et, de fait, de favoriser
48
situation de monopsone de la télévision publique à une situation de monopole des
droits télévisés par la Ligue Nationale de Football, laquelle bénéficie de la concurrence
des demandeurs. En 2004, lors de la procédure d'attribution des droits télévisés, la
concurrence fait rage entre les deux bouquets satellites, Canal + d'un côté, et TPS
(propriété de TF1 et M6) de l'autre. Ceci permet de quasiment doubler les sommes
versées aux clubs de L1 et de L2.
La structure du budget des clubs va considérablement évoluer du fait de
l'apparition de la manne télévisuelle. En même temps que les budgets explosent, la part
provenant des contrats passés avec les diffuseurs augmente. Frédéric Bolotny peut
ainsi affirmer que « le téléspectateur a supplanté le spectateur »35, à savoir que les
droits télévisés sont, dans les années 90, devenus la principale source de financement
des clubs, prenant la place de la billetterie. Les clubs ont développé une « télé-
dépendance », d'autant plus remarquable en France où 60% des revenus des clubs de
L1 proviennent des recettes télévisuelles.
Le cycle de maturité du football en tant que produit télévisuel
Depuis 2005 cependant, le football professionnel européen est confronté au
plafonnement des droits télévisés. Aussi peut-on affirmer que le produit « football » a
atteint sa maturité. Le marché a quelque peu changé : en France, la fusion des deux
bouquets satellites a longtemps fait craindre une baisse substantielle des revenus
télévisés lors de la re-négociation des contrats pour la période 2008-2011. Seule
l'arrivée de l'opérateur téléphonique Orange, lequel souhaitait étoffer son offre de
télévision par Internet d'une offre Ligue 1, a permis de compenser la baisse d'un tiers
de l'offre initiale de Canal +. En Angleterre, les droits télévisés stagnent, certes a un
niveau extrêmement élevés, depuis 2001. Au niveau européen, les audiences de la
Ligue des Champions tendent à se tasser depuis 1999.
2) Le football européen vers l'industrie des loisirs ?
l'équilibre compétitif.
35 Frédéric Bolotny, «Donnée de cadrage sur le football en Europe», in J.J. Gouguet, op. cit., pp. 31 et
suivantes.
49
Face au plafonnement des droits télévisés, les clubs européens sont dans
l'obligation de trouver de nouveaux moyens de financement. Il s'agit de diversifier ses
revenus de manière à ne pas trop souffrir d'une éventuelle baisse des revenus
télévisés. A cet égard, Frédéric Bolotny36 note que « les clubs à vocation européenne
évoluent de plus en plus vers l'industrie des loisirs » alors qu'ils avaient, dans les
années 90, calé leur modèle économique sur l'industrie des médias. Comparant les
revenus de Walt Disney à ceux de Manchester United, il constate une même diminution
des revenus provenant de l'activité originelle (ventes de places de cinéma dans un cas,
ventes de billets pour assister à un match de l'autre) au profit d'activités dérivées :
marketing etc. Les grands clubs vont donc chercher à valoriser leur image, notamment
à l'étranger. En plus de conclure des contrats de diffusion en Asie ou en Amérique37, les
clubs recrutent des joueurs non plus seulement du fait de leur qualité sportive mais en
raison de leur potentiel marketing. L'investissement consenti par le Real Madrid à
l'arrivée de joueurs comme Zidane et Beckham a certes été important, mais il a été en
partie rentabilisé par l'augmentation des ventes de maillots. Plus récemment (et plus
modestement), l'arrivée du joueur japonais Daisuke Matsui à Saint-Etienne a été
favorisée par Konica Minolta, le sponsor « maillot » du club forezien. Le joueur est un
vecteur de communication au Japon, à la fois pour le club (vente de produits dérivés,
contrats télévisés etc.) et pour la marque japonaise.
De la même manière, alors que, dans les années 90, les revenus de billetterie
avaient été dépassés par les revenus télévisuels comme la première source de
financement des clubs professionnels, le stade est en train de redevenir un important
outil de valorisation. Il devient important pour un club de devenir propriétaire de son
stade. Celui-ci est tout d'abord un actif tangible dont la possession est une assurance
pour les investisseurs et les banques prêteuses. Surtout, un stade peut devenir une
nouvelle source de revenus pour les clubs :
il leur permet de mener leur propre politique tarifaire en ciblant des publics différents.
En Angleterre par exemple, la majorité des recettes au guichet proviennent des
loges, louées pour des sommes considérables à de grandes entreprises ;
il peut être loué afin d'organiser des événements extra-sportifs : concerts,
conférences etc. ; 36 Ibid.
37 Les revenus télévisés de la Premiere League à l'étranger s'élèvent à 800M€ par an et sont à eux seuls
supérieurs à la somme des revenus télévisés domestiques et à l'étranger du football français !
50
aménagé, le stade devient un centre de loisirs : beaucoup de stades comportent
désormais leurs propres hôtels, restaurants, centres commerciaux, plusieurs
boutiques du clubs etc. ;
un contrat de « naming » peut-être conclu avec une entreprise afin que, moyennant
une importante rémunération annuelle, le stade prenne le nom de la marque
pendant une période donnée (par exemple, l'Allianz Arena à Munich du nom du
célèbre assureur).
L'on a vu ainsi se multiplier ces dernières années les projets de stades privés.
Arsenal a déménagé de Highbury à l'Emirates Stadium. En France, les projets se sont
nombreux : OL Land à Lyon, le MMA Stadium au Mans, les projets de grands stades à
Lille, Nice ou Strasbourg etc.
Paragraphe 2 – Les conséquences de la dérégulation du marché du
travail dans le football professionnel
L'arrêt Bosman et ses suites s'inscrivent donc dans le contexte historique d'un
développement sans précédent du football. Pour reprendre une formule de l'économiste
Didier Primault, s'il « ne constitue pas une condition suffisante à la libéralisation de
l'économie du sport professionnel, (il) en était une condition nécessaire et, (il) fut, de ce
fait, décisif38 ». Aussi, il faut considérer que l'arrêt Bosman a été un facteur important de
l'évolution du football professionnel moderne, le catalyseur de transformations initées
antérieurement. Il trouve une place centrale dans une logique plus large que lui-même.
A court terme, la jurisprudence de la CJCE a eu deux effets majeurs : d'une part
l'accroissement de la mobilité internationale des joueurs professionnels, d'autre part,
l'inflation des salaires et du prix des transferts, univoque et exponentielle jusqu'en 2001
puis moins rapide ensuite. Ces deux effets sont bien sûr liés dans la mesure où c'est
l'ouverture des frontières aux joueurs communautaires puis, plus tard, à des joueurs de
plus de 130 pays, qui a permis de renforcer la concurrence internationale entre clubs et
a, de fait, exercé une pression vers le haut sur les salaires et le prix des transferts.
38 Didier Primault, in J.J. Gouguet (2005), op. cit.
51
1) L'accroissement de la mobilité internationale des joueurs professionnels
Le phénomène de mobilité internationale des joueurs professionnels n'est pas
nouveau. Ainsi, parmi les plus fameux joueurs européens ayant été transférés dans un
club européen étranger avant l'arrêt Bosman, l'on trouve bien sûr Raymond Kopa au
Real Madrid à la fin des années 50, Kevin Keegan à Hambourg au début des années
80, Michel Platini à la Juventus un peu plus tard dans la décennie ou encore le fameux
trio néerlandais Gullit, Van Basten, Rijkaard, colonne vertébrale du grand Milan du
tournant des années 80 et 90. Les règlements UEFA du début des années 90
permettaient, on l'a vu, à trois joueurs étrangers (plus deux joueurs étrangers formés
localement) de figurer dans les effectifs de chaque club appartenant à une fédération
affiliée à l'UEFA. Ce qui est en revanche nouveau avec l'arrêt Bosman, c'est l'ampleur
de cette mobilité.
Ainsi l'on peut faire la distinction entre d'une part les pays d'émigration et d'autre
part les pays d'immigration :
parmi les pays d'émigration, on trouve la France, les Pays-Bas, la Belgique, le
Portugal, les pays de l'Est etc. La plupart de ces pays ont une assez grande tradition
de football pour former des joueurs susceptibles d'intéresser les grands clubs mais
n'ont pas un pouvoir d'attraction suffisant pour attirer des joueurs étrangers de
premier plan ou retenir leurs meilleurs joueurs. Cela est principalement dû à leur
petite taille (Belgique, Pays-Bas), la faiblesse générale de leur championnat (pays
de l'Est) ou à des conditions fiscales qui empêchent les clubs de s'aligner sur les
salaires proposés par les pays d'immigration (la France). Pour les pays d'émigration,
l'arrêt Bosman a été un facteur d'appauvrissement : le départ des principaux talents
nationaux, effectif dès 1996 (cf tableau des joueurs français évoluant à l'étranger sur
lequel l'année 1996 marque une importante accélération), n'a pu être compensé par
l'arrivée de joueurs étrangers de même qualité. Le modèle de fonctionnement d'un
grand nombre de clubs issus des pays d'émigration, fondé sur la formation de
jeunes joueurs au sein d'écoles de football, a été de fait mis en question. A quoi bon
former des jeunes si ceux-ci doivent quitter le club après un ou deux ans en équipe
52
professionnelle ? Dans ces conditions, la formation ne s'insère plus dans un projet
sportif à long terme, mais devient avant tout une source de revenus. On ne forme
plus pour renforcer son équipe mais pour sa survie économique.
parmi les pays d'émigration, l'on retrouve sans surprise les trois grands
championnats européens à savoir l'Angleterre, l'Italie et l'Espagne. L'Italie dominait
le football de club de l'avant Bosman. L'Angleterre se relevait alors d'une interdiction
de participer à toute compétition européenne depuis cinq ans suite au drame du
Heysel. Les trois pays réunissaient, et continuent de réunir, des conditions
attractives pour les joueurs étrangers. Une pression fiscale moins élevée que chez
leurs concurrents français ou allemands tout d'abord, qui permet aux clubs de
proposer de conditions salariales avantageuses. L'Espagne notamment, offre même
un statut particulier aux sportifs professionnels étrangers évoluant dans le
championnat national par rapport au contribuable lambda. Ces trois pays disposent
ensuite d'une culture du football très largement ancrée dans la population. Evoluent
dans ces championnats des clubs renommés, maintes fois titrés, dont le prestige est
en mesure d'attirer n'importe quel joueur étranger. En plus d'avantages financiers,
les pays d'émigration proposent aux joueurs étrangers un véritable challenge sportif
et donc des perspectives de progression individuelle : la possibilité de jouer au sein
d'un championnat stimulant et éventuellement de jouer les premiers rôles dans les
compétitions européennes dans le but, par exemple, de se faire remarquer par le
sélectionneur national.
Aussi, l'arrêt Bosman a très largement participé d'une internationalisation du
53
football européen de clubs.
2) L'inflation des salaires et du prix des transferts
L'inflation des salaires est générale depuis 1996. La libéralisation du marché a
eu un effet important. Elle a tout d'abord ouvert un marché de joueurs très talentueux
sur lesquels les clubs européens sont entrés en concurrence, faisant logiquement
monter les enchères. L'on remarque que cette inflation est plus ou moins importante en
fonction des pays considérés :
elle est très importante chez les pays d'immigration. Ceux-ci ont profité de leur
compétitivité fiscale et économique pour proposer des salaires élevés aux meilleurs
joueurs des championnats structurellement plus faibles ;
elle est également significative mais moins importante au sein des pays
d'émigration. Les clubs issus des championnats plus faibles économiquement ont eu
tendance à augmenter les salaires de leurs joueurs stars afin de les retenir, sans
pouvoir pour autant concurrencer les clubs étrangers.
Aujourd'hui, le rapport des salaires moyens des joueurs du championnat anglais
et français est de 3/1. Lorsqu'un joueur de Premiere League gagne en moyenne 130
000€ par mois, un joueur français en touche 40 000€. La libéralisation n'en est pas la
seule raison de cette inflation : elle tient également à l'explosion des droits télévisés, à
l'arrivée de sponsors permettant aux joueurs stars de valoriser leur image etc.
L'inflation des transferts est moins univoque. Elle a tout d'abord connu une
véritable explosion entre 1996 et 2001. La majorité des plus gros transferts de l'Histoire
ont été réalisés durant cette période (Zidane et Figo au Real Madrid, Veron et Vieiri à la
Lazio de Rome, Rio Ferdinand à Manchester United et même Nicolas Anelka au PSG).
Elle s'est ensuite considérablement ralentie : les montants des transferts avaient atteint
des prix records, difficilement supportables, même pour les clubs les plus fortunés.
D'importantes dépenses se sont transformées en véritable fiasco, incitant les
investisseurs à contrôler leurs dépenses. En France, François Pinault, président du FC
Rennes, avait investi 210 millions de francs sur deux joueurs alors inconnus : le
Brésilien Lucas et l'Argentin Turdo. Ces deux recrues ne sont pas parvenues à
54
s'imposer sur les pelouses de Première Division et ont provoqué une perte sèche pour
le club. A partir de 2003, l'arrivée d'investisseurs étrangers dans le football anglais a
relancé la folie des transferts, mais celle-ci s'est alors localisée outre-manche. Chelsea
a notamment dépensé des sommes considérables pour bâtir une équipe compétitive,
recrutant systématiquement, au moins jusqu'en 2006, des joueurs bien au-dessus de
leur prix de marché. Aujourd'hui, Manchester City est dans le même cas. Ces deux
clubs ont pu se permettre ce genre de folies dans la mesure où ils disposaient de
solides garanties financières en la personne de leurs propriétaires respectifs.
Section 2- Les atteintes à l'équilibre compétitif
Il est communément admis que l'essence de la compétition sportive, réside en la
mise en scène d'une compétition dont l'issue est a priori incertaine.39 Une épreuve
sportive dont les résultats sont prévus à l'avance, dont le déroulement est scénarisé, ne
peut donc se targuer d'être une compétition. C'est notamment le cas du catch américain
qui, pour réclamer une condition physique d'athlète, n'en demeure pas moins un
spectacle.
Les économistes du sport se sont très tôt intéressés au corollaire de
l'incertitude du résultat : l'équilibre compétitif. Dès 1956, Simon Rottenberg notait que
« la nature de l'industrie (était) telle que les compétiteurs (devaient) de « taille » à peu
près équivalente afin qu'ils aient tous une chance de l'emporter ; cela semble être un
attribut propre au sport professionnel de compétition ».40 Dans le sport professionnel,
l'équilibre paraît être une nécessité éthique d'une part, le principe d'équité entre les
différents protagonistes étant consubstantiel à la notion même de sport, économique
d'autre part. En effet, les économistes reconnaissent généralement que plus la
compétition est équilibrée, plus elle dégage un intérêt en mesure d'attirer les
spectateurs et téléspectateurs, plus grands sont les revenus qu'elle est susceptible
39 Colin Miège, op.cit., p.6
40 Simon Rottenberg, « The Baseball Players’ Labor Market », Journal of Political
Economy, juin 1956, p. 64, notre traduction
55
d'engendrer.41 En ce sens, l'équilibre compétitif serait un bien commun, c'est à dire qu'il
profiterait économiquement à tous les acteurs du sport professionnel : les propriétaires
bien sûr, mais aussi les diffuseurs des compétitions ou les joueurs qui se partagent la
même part d'un plus gros revenu etc.
L'impact de l'arrêt Bosman sur l'équilibre compétitif n'est pas nécessairement
évident à mesurer. L'on ne peut raisonner toute chose étant égale par ailleurs : la
libéralisation du marché des contrats n'est qu'un des facteurs de l'évolution du football
européen ces dernières années. Toutefois, l'inversion de certaines tendances,
notamment en ce qui concerne les compétitions européennes (resserrement de l'élite
autour de quelques clubs issus de quelques pays), est assez significative pour que l'on
puisse faire le bilan d'un avant et d'un après Bosman.
Paragraphe 1 - L'impact de l'arrêt Bosman sur les compétitions
nationales et européennes
1) L'impact de l'arrêt Bosman sur les compétitions nationale
L'évolution de l'équilibre compétitif des différentes compétitions internationales
après l'arrêt Bosman n'est pas univoque.
En Allemagne, l'équilibre compétitif est traditionnellement bien respecté. S'il est vrai
que le Bayern Munich domine globalement le football allemand de l'avant et de
l'après Bosman, il n'en reste pas moins que le championnat est régulièrement
équilibré, permettant à diverses équipes de s'illustrer.
En France et au moins dans un premier temps, l'arrêt Bosman a paradoxalement
contribué à l'amélioration de l'équilibre compétitif de la principale compétition
nationale, à savoir le championnat de L1. Cela n'a toutefois été rendu possible que
par l'exode massif de la plupart des meilleurs joueurs français, non-remplacés par
41 Jean-François Bourg et Jean François Gouguet, Economie politique du sport professionnel, Vuibert,
2006, p. 187, Vuibert, décembre 2006.
56
des joueurs étrangers de niveau équivalent. L'arrêt Bosman a entraîné un véritable
nivellement par le bas du championnat de France de Ligue 1, caractérisé, comme
nous allons le voir, par la baisse de performances des clubs français sur le plan
européen.
Cette tendance, forte dans les premières années ayant suivi l'arrêt Bosman puisque
de 1997 à 2001, la Ligue a connu quatre champions différents (Monaco deux fois,
Lens, Bordeaux et Nantes) sans qu'aucun club ne parvienne à conserver son titre,
est aujourd'hui remise en cause par la domination sans partage de l'Olympique
Lyonnais.
Dans les trois principaux championnats européens, à savoir en Espagne, en
Angleterre et en Italie, à l'équilibre compétitif traditionnellement faible, l'arrêt Bosman
a pérennisé cet état de fait et, dans le cas des deux derniers pays cités, l'a même
renforcé. Les titres nationaux sont, dans ces trois pays, trustés depuis l'origine par
un petit nombre de clubs historiques. En Espagne, le FC Barcelone (18 titres) et le
Real Madrid (31 titres) réunissent à eux seuls 49 des 77 Liga attribuées dans
l'Histoire. En Italie, la Juventus, le Milan AC et l'Inter Milan ont remporté 60 éditions
du scudetto contre 45 pour tous les autres clubs réunis. En Angleterre, si la
tendance est un peu moins marquée, le championnat étant le plus vieux en Europe,
Liverpool, Manchester United et Arsenal ont raflé à eux seuls 48 titres. Grâce à
l'arrivée de Roman Abrahmovitch à sa tête, le Chelsea FC a pu rompre l'hégémonie
des Reds et des Gunners (aucun titre n'a échappé à Manchester United ou Arsenal
entre 1995 et 2005) et former ce groupe de quatre équipes connu sous le nom de
Big Four.
En ouvrant les frontières du marché européen, l'arrêt Bosman a entraîné une
concentration des talents vers ce gotha de clubs, dont la notoriété, tant auprès des
joueurs, des supporters, des investisseurs ou des sponsors, était déjà bien établie
avant 1995. Possédant non plus seulement les meilleurs joueurs nationaux, mais
également les meilleurs joueurs internationaux, les grands clubs des trois principaux
championnats ont pu asseoir leur domination domestique et s'assurer d'une
qualification quasi-systématique pour la rémunératrice Ligue des Champions
(versement de droits télévisés, primes à la victoire etc.), ce qui renforce encore plus
la mainmise financière de ces clubs sur leurs championnats nationaux etc.
57
2) L'impact de l'arrêt Bosman sur les compétitions européennes
Si l'arrêt Bosman a eu des effets ambivalents sur l'équilibre compétitif des
différentes compétitions nationales, le constat est plus net concernant les compétitions
européennes dans la mesure où il a contribué à un resserrement de l'élite.
L'observation empirique des résultats de la principale compétition européenne, à
savoir la Ligue des Champions (ancienne Coupe d'Europe des Clubs Champions),
permet de constater un resserrement du football européenne autour d'une élite de
quelques clubs riches.
Sur la période allant de 1997 à 2008, à savoir de la première saison de l'entrée
en vigueur effective pour les clubs de la jurisprudence Bosman à la dernière édition de
la Ligue des Champions, l'on remarque, par rapport à la période allant de 1986 à 1997,
un resserrement à la fois du nombre de vainqueurs différents de la C1 et du nombre de
pays d'origine des dits clubs. (cf tableau)
58
Si, à la fin des années 80 et dans la première partie des années 90, plusieurs
nouveaux clubs (Steaua Bucarest, PSV Eindohven, FC Porto, Olympique de Marseille,
Etoile Rouge de Belgrade, FC Barcelone) et trois nouveaux pays (Roumanie, France,
Yougoslavie) avaient pu remporté leur première C1, la période post-Bosman est
marquée par un resserrement de l'élite européenne, favorisée en outre par les deux
changements de formule successifs de la compétition pendant la période, permettant
aux pays les mieux classés à l'indice UEFA de qualifier deux (1997) puis jusqu'à quatre
clubs (1999), ceux-ci ne pouvant se rencontrer entre eux qu'à partir des quarts de
finale.
Ainsi a-t-on pu observer en 2003 la présence de trois clubs italiens en demi-
finale (Milan AC, Inter Milan et Juventus Turin) puis, en 2007 et 2008, la présence de
trois clubs anglais (Manchester United, Chelsea et Liverpool dans les deux cas),
concrétisan en termes sportifs la domination économique de la Premiere League,
manifeste depuis l'afflux d'investisseurs étrangers.
Avant l'arrêt Bosman Après l'arrêt Bosman
1985 Juventus de Turin 1997 Borussia Dortmund
1986 Steaua Bucarest 1998 Real Madrid Jusqu'à 2 clubs qualifiés par pays
1987 FC Porto 1999 Manchester United
1988 PSV Eindohven 2000 Real Madrid Jusqu'à 4 clubs qualifiés par pays
1989 Milan AC 2001 Bayern de Munich
1990 Milan AC 2002 Real Madrid
1991 Etoile Rouge de Belgrade 2003 Milan AC
1992 FC Barcelone 2004 FC Porto
1993 Olympique de Marseille 2005 Liverpool FC
1994 Milan AC 2006 FC Barcelone
1995 Ajax d'Amsterdam 2007 Milan AC
1996 Juventus de Turin 2008 Manchester United
Par pays
Italie 5 Espagne 4
Pays-Bas 2 Angleterre 3
Portugal 1 Allemagne 2
Roumanie 1 Italie 2
Yougoslavie 1 Portugal 1
Espagne 1
France 1
Par clubs
Milan AC 3 Real Madrid 3
Juventus Turin 2 Milan AC 2
Ajax Amsterdam 1 Manchester United 2
PSV Eindohven 1 Borussia Dortmund 1
FC Porto 1 Bayern Munich 1
Steaua Bucarest 1 FC Liverpool 1
Etoile Rouge de Belgrade 1 FC Barcelone 1
FC Barcelone 1 FC Porto 1
Olympique de Marseille 1
Palmarès de la LDC avant et après l'arrêt Bosman (source UEFA)
59
Paragraphe 2 – La corrélation entre puissance financière et résultats
sportifs
1) Il existe un lien entre résultats et richesse...
La corrélation entre puissance financière et résultats sportifs est difficile à
mesurer. A première vue, il paraît évident que l'on ne peut expliquer les résultats d'une
compétition sportive de clubs par la seule surface financière des clubs la disputant. Si la
corrélation était automatique et univoque, l'on observerait une correspondance
systématique entre les classements annuels des clubs les plus riches, réalisés par des
cabinets d'audits, et le palmarès des grandes compétitions nationales et européennes.
Mais si la réussite sportive d'un club professionnel ne dépend pas exclusivement de ses
moyens financiers, diverses études convergent jusqu'à dessiner une tendance lourde :
la richesse d'un club ne garantit pas nécessairement son succès aux échelles nationale
et européenne mais elle est devenue un préalable indispensable pour prétendre jouer
les premiers rôles.
Dans le contexte d'un marché libéralisé, où la circulation des joueurs
professionnels est largement garantie par le droit européen, la concurrence
internationale quant à le recherche des talents s'est considérablement accrue. L'on a vu
précédemment que la libéralisation du marché avait provoqué une importante inflation
des salaires et des montants des transferts entre clubs. Ainsi, la puissance financière
est devenue un facteur décisif dans l'allocation des talents. Les clubs les plus riches
disposent d'un avantage d'autant plus décisif dans l'acquisition des meilleurs joueurs
que les entraves à l'arrivée en masse de joueurs étrangers sont levées.
A court terme, la libéralisation du marché des footballeurs professionnels de haut
niveau a entraîné une concentration des talents dans les clubs ayant la trésorerie
nécessaire au paiement d'importantes indemnités de transferts et salaires. Le Real
Madrid de Florentino Perez est certainement l'étendard de cette tendance avec sa
politique de recrutement de « galacticos », à savoir les arrivées successives entre l'été
2000 et l'été 2003 de Luis Figo, Zinedine Zidane, Ronaldo (tous trois Ballon d'or) et
David Beckham, dans le but de constituer une équipe de stars capables à la fois de
60
collectionner les succès sur les terrains et de servir de produit d'appel à la « marque
Real Madrid ». L'arrivée à Chelsea de Roman Abrahmovitch a marqué le début d'une
vague de nouveaux investisseurs dans le championnat anglais qui, reprenant des clubs
alors considérés comme des seconds ou troisièmes couteaux, ont bâti à grands renforts
de pétrodollars, des équipes de vedettes. Parmi les transferts les plus emblématiques
réalisés par les Blues, on peut noter les arrivées de Claude Makélélé (en provenance
justement du Real Madrid), des Argentin Crespo et Veron, du Ghanéen Michael Essien
(36M€ en provenance de l'Olympique Lyonnais), de l'Ivoirien Didier Drogba ou encore
de l'Ukrainien du Milan AC et ballon d'or, Andrei Chevtchenko. Ces opérations
spectaculaires sur le marché des transferts ont permis à Chelsea de rafler en deux
titres en deux ans, soit deux fois plus que dans toute l'histoire précédente du club...
2) ... mais ce lien n'est pas nécessaire et mérite d'être nuancé
Des nuances demeurent toutefois à apporter. Les exemples ne manquent pas de
clubs riches ou nouvellement riches n'ayant pas obtenu de résultats sportifs à la
hauteur des investissements sportifs réalisés (cf résultats Real Madrid, Manchester City,
Newcastle, Tottenham etc.)
61
Source Ineum Consulting in Rapport Besson « Accroître la compétitivité du football professionnel
français », novembre 2008.
Ce schéma, issu du rapport annuel sur l'état du football professionnel français de
la société Ineum Consulting met en rapport le chiffre d'affaires et l'indice UEFA
(classement par club en fonction des performances réalisés dans les compétitions
continentales sur les cinq dernières saisons).
L'on doit tout d'abord noter que le classement par chiffre d'affaires,
traditionnellement employé pour classer la richesse des clubs européens, s'il est
significatif des clubs ayant les revenus les plus importants, ne reflète pas
nécessairement les dépenses réalisées sur le marché des transferts ou la masse
salariale. En l'absence de contrôle de gestion européen, certains clubs étrangers,
notamment anglais, laissent courir une dette importante qui, en France, conduirait ces
clubs à la relégation administrative. En outre, il faudrait relativiser la richesse des clubs
en termes de pouvoir d'achat puisque, selon les fiscalités nationales (celles-ci étant plus
élevées en France ou en Allemagne qu'en Espagne ou en Italie) le coût d'un même
salaire net sera plus ou moins élevé pour un club. Ainsi, il n'est pas certain qu'un club
français comme l'Olympique Lyonnais, classé treizième club le plus riche du monde en
62
termes de revenus par les experts de Deloitte & Touche42 dispose du treizième plus
important pouvoir d'achat européen.
En dépit des réserves que l'on peut apporter à ce type de classements par
revenus (méthodologie employée, différence des résultats obtenus etc.), il est
indéniable qu'ils permettent de dresser un portrait réaliste des rapports de force entre
clubs européens. Ce schéma est donc utile pour nuancer le rôle de la puissance
financière sur les résultats sportifs et amène à quelques observations.
Une corrélation parfaite entre revenus et classement UEFA impliquerait que
chaque club de situe sur la droite dessinée en pointillés, du plus riche au moins riche.
Or, l'on observe un certain éparpillement autour de cette droite.
Au dessus de la droite, on observe des clubs dont les importants revenus ne
sont pas répercutés par des résultats sportifs en conséquence. Parmi ceux-ci, on
retrouve le Real Madrid, club le plus riche du monde qui a échoué de manière répétée
en quarts puis en huitièmes de finale de la Ligue des Champions ces cinq dernières
années. La Juventus, club italien au plus hauts revenus, paie ici sa relégation en Serie
B suite à une affaire de corruption, l'ayant privée de compétitions européennes pendant
deux ans. La place des clubs anglais doit être relativisée dans la mesure où le
classement ne prend pas en compte les résultats de la saison 2007-2008, alors même
que Manchester United et Chelsea se sont affrontés en finale de la Ligue des
Champions.
En dessous de la droite, on retrouve les clubs dont les résultats sportifs sont
supérieurs à leur richesse. Parmi eux, le FC Séville, double vainqueur de la Coupe de
l'UEFA (2006, 2007), le FC Porto, vainqueur, à la surprise générale, de la Ligue des
Champions 2004, ou encore le PSV Eindohven, meilleur représentant néerlandais ces
dernières années en Coupe d'Europe.
Ainsi, la richesse d'un club ne garantit pas nécessairement ses succès sportifs.
Chelsea, malgré les investissements records réalisés par son propriétaire Roman
Abrahmovitch sur le marché des transferts n'est pas encore parvenu à remporter
l'épreuve. Encore plus marquant est l'échec de la politique des galacticos du président
Florentino Perez au Real Madrid. Après une dernière Ligue des Champions conquise
42 Site Internet de la FIFA, “Le Real Madrid club le plus riche du monde”, 14 février 2008
63
en 2002, l'année de l'arrivée de Zidane, le Real n'a plus atteint une seule finale
européenne et ce, malgré d'importants investissements réalisés en matière de
transferts (Van Nistelrooy, Sneijder, Van de Vaart, Robben, Sergio Ramos etc.) Dans le
même ordre d'idées, l'opulente Lazio de Rome de la fin des années 1999 et du début
des années 2000, n'a jamais traduit sa puissance financière en domination sportive à
l'échelle continentale. Elle est redevenue quelques années plus tard un club parmi
d'autres en Serie A. Aujourd'hui, même s'il est encore tôt pour en juger, son nouveau
propriétaire émirati Suleiman Al-Fahim n'étant arrivé qu'en août 2008, Manchester City
végète dans le ventre mou de la Premiere League alors même qu'il a réalisé, cet été
puis au mercato d'hiver, des transferts spectaculaires.
3) Une analyse empirique des derniers succès de grands clubs européens
Si la puissance financière n'est pas un facteur suffisant pour garantir le succès
sportif, il n'en reste pas moins une condition préalable pour l'atteindre, dans les
compétitions nationales comme dans les compétitions régionales. Dès lors, il est
possible d'avancer quelques tentatives d'explications aux succès de certains clubs et
aux échecs répétés d'autres, au moins aussi riches. Il n'est ici pas le lieu d'entrer dans
des considérations tactiques. Il n'en est pas moins net que les quatre derniers
vainqueurs de la Ligue des Champions (à savoir le Liverpool FC, le FC Barcelone, le
Milan AC et Manchester United) semblent avoir fondé leur succès sur quelques
éléments communs :
leur richesse tout d'abord43. Ces quatre clubs disposent de moyens financiers
d'envergure, provenant de diverses sources (billetterie, sponsoring, droits télévisés
importants etc.) et dispose d'une notoriété internationale bien établie par des succès
antérieurs. Ils ont l'habitude de bien figurer dans leurs championnats de manière
très régulière, ce qui les assure presque de participer à la Ligue des Champions et
de bénéficier en conséquence d'une manne supplémentaire.
une gestion de l'effectif sportif alliant le recrutement de stars coûteuses d'une part
43 D'après le classement de Deloitte, Manchester est le deuxième club le plus riche du monde,
Barcelone le troisième, le Milan AC le sixième, Liverpool le huitième.
64
(Ronaldinho ou Eto'o pour le FC Barcelone, Kaka, Pirlo pour le Milan AC, Cristiano
Ronaldo ou Rio Ferdinand pour Manchester United) et une confiance placée dans la
formation locale. Ainsi observe-t-on que ces quatre clubs possèdent des joueurs
emblématiques, au club depuis le début de leur carrière : Gerrard et Carragher pour
Liverpool, Xavi, Iniesta ou Carles Puyol pour le FC Barcelone, Paolo Maldini pour le
Milan AC ou Paul Scholes et Ryan Giggs pour Manchester United. Cette politique
modérée, autorisée par des budgets importants qui assurent le paiement de hauts
salaires aux joueurs essentiels, a l'avantage d'assurer une certaine stabilité à
l'effectif sportif. En outre, la présence de joueurs d'expérience, rôdé à la compétition
et aux habitudes locales, permet aux jeunes recrues d'emmagasiner de l'expérience
et d'évoluer dans un contexte favorable à leur progression. Enfin, la présence de
joueurs du cru est un facteur de ralliement pour les fans locaux qui s'identifient plus
facilement à ces derniers qu'à des joueurs étrangers.
La présence d'entraîneurs de renom dotsé d'une expérience internationale et d'un
palmarès conséquent, soit comme joueur (Franck Rijkaard pour le FC Barcelone),
soit comme entraîneur (Raphael Benitez pour Liverpool, Sir Alex Ferguson pour
Manchester United), soit les deux (Carlo Ancelotti) pour le Milan AC. Là encore, la
présence d'entraîneurs de renom n'est possible qu'à la condition de leur proposer
des salaires en conséquence de leur notoriété.
B) Un autre football est-il possible ou quelles nouvelles
régulations pour le football professionnel européen ?
Le football européen de l'après Bosman ne peut reposer indéfiniment sur de tels
déséquilibres. Le tassement des audiences de la Ligue des Champions marque le
désintérêt progressif du public pour une compétition qui fait prévaloir la rentabilité
économique sur l'équilibre compétitif. La logique de l'investisseur et celle du l'amateur
de sport sont contradictoires : le premier recherche la sécurité, le second nourrit sa
passion de l'incertitude du résultat. Aussi, le sport est un domaine dans lequel la logique
de marché ne peut durablement primer. Il faut donc réfléchir à un certain nombre de
réformes.
65
Il y a deux manières d'envisager celles-ci : s'inspirer de ce qui existe déjà
ailleurs, quitte à faire évoluer le modèle sportif européen, ou chercher des solutions
originales à des problèmes se posant dans un cadre particulier. Il est donc nécessaire
de se pencher sur les réformes inspirées du modèle sportif américain, dont nous allons
voir qu'il diffère sensiblement du nôtre. Il faudra ensuite considérer les propositions de
réformes originales émanant des autorités sportives et des économistes du sport.
Section 1 - Des réformes inspirées du modèle américain
L'opposition entre les modèles européen et américain d'organisation
professionnel est un classique de l'économie du sport. De manière assez paradoxale, le
modèle américain est beaucoup plus régulée que le modèle européen, lequel a connu,
sous l'influence des instances européennes, un important mouvement de libéralisation
couronné par la jurisprudence Bosman. Il est donc légitime de se poser la question de
la transposition en Europe du modèle américain ou, du moins, de certains de ses
instruments de régulation. A cet égard, il est tout d'abord utile de caractériser
rapidement la nature de ces deux modèles.
Paragraphe 1 - Une rapide description des deux modèles
d'organisation du sport professionnel
1) Le modèle européen
Ainsi que nous avons pu l'observer, la structure et l'organisation du sport
professionnel américain diffère sensiblement de celles du sport européen. Tant et si
bien qu'il est possible de parler de l'existence de deux modèles bien distincts.
La spécificité principale du système européen repose sur l'imbrication entre sport
amateur et sport professionnel. A quelques exceptions près (l'Euroligue de basket
notamment, devenu une ligue semi-fermée), les championnats européens sont
organisés selon une hiérarchie de divisions, de la première qui constitue l'élite, aux plus
66
petites divisions régionales et départementales. Selon les règlements, un certain
nombre de clubs sont promus ou relégués dans la division supérieure ou inférieure en
fonction de leur résultat à l'issue de la saison. Ainsi, la frontière entre amateurisme et
professionnalisme est perméable et, par le jeu des promotions, un club de football
amateur français peut théoriquement gravir les échelons jusqu'à atteindre le National ou
la Ligue 2 et prendre ainsi le statut de club professionnel. L'exemple le plus illustre est
sans doute celui de l'AJ Auxerre, ancien club de division d'honneur promu en Division 1
en 1980 sous la houlette du président Hamel et de l'entraîneur Guy Roux.
Aux compétitions nationales, se superposent les compétitions européennes. La
qualification pour les compétitions européennes est traditionnellement conditionnée par
les résultats du club dans sa compétition nationale. Jusqu'à 1997, seul le champion
national de chaque pays membre de l'UEFA était qualifiable pour la Coupe d'Europe
des Clubs champions (ou C1), devenue en 1992 la Ligue des Champions. Les
vainqueurs de coupes nationales (à ne pas confondre avec les coupes de la ligue)
réunissant dans une même compétition clubs amateurs et professionnels s'affrontaient
la saison suivante pour le gain de la Coupe d'Europe des Vainqueurs de Coupe (C2)
tandis que les dauphins du champion se qualifiaient pour la Coupe des villes de foires
(C3) devenus ensuite la Coupe de l'UEFA. La Coupe des Coupes a été supprimée en
1999 (Chelsea en est le dernier vainqueur). Aujourd'hui, la Ligue des Champions est
devenue une sorte de première division européenne regroupant les meilleurs clubs (un
à quatre clubs par pays selon l'indice UEFA). La Coupe de l'UEFA (qui changera de
nom l'an prochain pour être pompeusement baptisée « Europa Cup ») regroupe les
deuxièmes et troisièmes couteaux européens, ainsi que les recalés des premiers tours
de la C1.
2) Le modèle américain
Selon Gerald Scully44, la naissance d'un modèle américain alternatif est une
conséquence de l'Histoire. L'on peut avec lui relever les deux facteurs principaux de la
création de ce modèle :
le professionnalisme dans le domaine sportif est apparu très tôt aux Etats-Unis
44 Gerald Scully, «The Market Structure Of Sports», Chicago, The University Of Chicago Press, 1995.
67
tandis qu'il s'est généralisé en Europe dans les années 20 et 30. Il y était
auparavant considéré comme une perversion de l'idéal sportif et olympique ;
les propriétaires de club ont très rapidement vu dans le professionnalisme une
opportunité pour constituer le mouvement sportif en industrie. En découle une
conception du sport comme spectacle autour duquel l'on va développer une série
d'activités dans le but de réaliser du profit.
En dépit de ces visées lucratives parfaitement assumées, les propriétaires ont
constamment estimé qu'il était important de garantir au mieux l'équilibre compétitif afin
de préserver l'intérêt des supporters et spectateurs qui représentent autant de
consommateurs potentiels. De manière assez paradoxale, la conciliation de l'impératif
économique et de l'équilibre compétitif a abouti, au sein même d'une économie libérale,
à la constitution d'un système collectiviste .
Ainsi, et depuis la fin du XIXème siècle, le sport professionnel américain
s'organise en ligues nationales fermées (National Hockey League, National Basket
Association, National Football League et Major League of Base-ball pour les plus
importantes). Ces ligues sont constituées de franchises dont le nombre est limitée et qui
doivent toutes payer un droit d'entrée. La participation de chaque franchise aux
compétitions de la Ligue est garantie d'année en année. Il n'existe ni promotion, ni
relégation, ce qui protège les différentes franchises des aléas de mauvais résultats
sportifs qui entraîneraient un important manque à gagner. Cette sécurité est un gage
pour les investisseurs qui peuvent espérer des revenus stables et s'engager de manière
pérenne sans craindre les aléas sportifs. Afin de garantir une répartition équitable des
revenus, un mécanisme de négociation collective a été mis en place. On distingue ainsi
deux types de revenus : les revenus partagés et les revenus non-partagés45. Parmi les
revenus partagés figurent les droits nationaux de retransmissions télévisées, qui sont la
principale source de revenus des différentes franchises. Ce sont donc les ligues qui
négocient collectivement les contrats télévisés et qui répartissent de manière égalitaire
les revenus engendrés. Les revenus non-partagés sont, eux, notamment composés des
droits de retransmissions locaux et des recettes du merchandising.
Outre ce système de répartition des revenus, qui ne connaît guère d'équivalent
45 J.F. Bourg et J.J. Gouguet (2006), op. cit.,p.197.
68
en Europe46, les ligues professionnels américains ont mis en place divers systèmes
destinés à réglementer le marché du travail du sport professionnel et, de fait, à assurer
une allocation équitable du talent entre les franchises. Parmi les deux mécanismes les
plus représentatifs et dont les économistes et les instances européennes ont envisagé
ou continuent d'envisager la transposition, l'on peut relever la draft et le salary cap, que
l'on peut traduire en Français par le plafonnement des salaires.
La draft47 est un système de sélection des jeunes joueurs, généralement issus
des universités américaines ou des clubs étrangers, mais pouvant également provenir
du lycée (certains joueurs de basket-ball aussi talentueux et précoces que Kobe Bryant
ou Lebron James ont été jugé aptes à rejoindre la NBA sans finir leur formation dans
une université) ou des ligues mineures. Chaque année, les franchises se voient
attribuer un ordre de choix en raison inverse de leur classement sportif et sélectionnent
les jeunes joueurs inscrits à la draft afin d'acquérir leurs droits exclusifs et de les
intégrer à leur effectif. Ce système permet aux clubs les plus mal classés de
sélectionner les jeunes joueurs les plus talentueux afin d'espérer, à court ou à moyen
terme, bâtir une équipe compétitive. Les tours de draft sont négociables et
échangeables. De cette manière, une équipe bénéficiant d'une bonne place dans le
processus de sélection mais favorisant le recrutement de joueurs d'expérience, peut
proposer à une autre franchise de lui céder son tour de draft contre un joueur. Selon
Marc Lavoie48, toutes les études récentes montrent l'efficacité de ce mécanisme. Grier
et Tollison49 ont montré une relation directe entre le pourcentage de victoires d'une
équipe et les pourcentages de victoires des années précédentes et donc leur position
dans le classement de la draft.
46 Si en France, les droits télévisés sont négociés de manière collective, la Ligue en ayant le monopole,
ce n'est pas le cas en Espagne, où chaque club négocie lui-même ses droits avec les chaînes de
télévision. Cela a pour évidente conséquence de placer les grands clubs en position de force par
rapport aux plus modestes, pour lesquels les diffuseurs ne se bousculent pas. Les écarts de revenus
ainsi engendrés détériorent l'équilibre compétitif dans un championnat traditionnellement déséquilibré.
47 Ce terme est parfois traduit en Français par “repêchage amateur”. Cependant, un tel mécanisme
n'existant pas en Europe, il nous paraît plus approprié d'avoir recours au terme américain.
48 Marc Lavoie, «Faut-il transposer à l'Europe les instruments de régulation du sport professionnel nord-
américain ?» in J.J. Gouguet, op. cit., p. 73.
49 K.B. Grier et R.D. Tollison, «The rookie draft and competitive balance : the case of professionnal
footbal», Journal of Economic behavior and organization, vol. 25, n°2, , 1994, pp. 293-298.
69
Le système de salary cap détermine quant à lui le plafonnement de la masse
salariale totale de la ligue. La négociation collective entre propriétaires et joueurs
aboutit à déterminer la part des revenus de la Ligue qui doit revenir à ces derniers. La
somme obtenue est alors divisée par le nombre de franchises au sein de la ligue, de
manière à fixer la limite salariale par franchise. L'on distingue l'application stricte et
généralisée de ces critères (hard salary cap), en vigueur au sein de la NHL, et leur
application souple (soft salary cap) en NBA, où seuls les salaires des jeunes joueurs
sont plafonnés.
Paragraphe 2 - L'impossible transposition du modèle américain
1) Faut-il fermer les ligues européennes ?
La question de la fermeture des ligues professionnelles, laquelle s'apparenterait
fortement à la transposition du modèle américain, se pose de manière régulière depuis
une dizaine d'années à la fois dans les instances sportives et parmi les économistes du
sport.
Hoen et Szymanski50 ont le mieux formulé cette éventualité : pour eux,
l'existence des deux degrés de compétition, national et européen, n'est pas viable dans
la mesure où elle structure le déséquilibre compétitif au sein des compétitions
nationales. Au sein d'un même championnat, cohabitent des équipes souhaitant être
performantes lors des compétitions européennes et d'autres se contentant d'une
participation au championnat national. Afin de parvenir à leurs fins, les premières vont
davantage investir dans l'achat de joueurs internationaux performants tandis que les
secondes se contenteront d'investissements moins lourds et engageront des joueurs
moins talentueux ou réputés comme tels. La situation sera pérennisée par les revenus
supplémentaires engendrés par la participation aux coupes européennes, notamment à
la C1. La constitution d'une ligue fermée ou semi-fermée à l'échelle européenne,
constituée des meilleurs clubs de chaque pays qui quitteraient de fait les compétitions
50 Thomas Hoen, Stefan Szymanski, «European football – The Structure of Leagues and Revenue
Sharing», , avril 1999
70
nationales, permettrait de remédier à la situation. Elle rééquilibrerait à la fois les
compétitions nationales, dans la mesure où celles-ci ne regrouperaient plus que des
clubs d'une puissance financière et sportive équivalente, et la compétition européenne,
à laquelle il serait alors possible d'appliquer les mêmes instruments de régulation que
dans les ligues américaines.
Le projet de Media Partners
En 1998, le groupe de presse Media Partners, soutenu par plusieurs magnats de
la presse, parmi lesquels l'Allemand Leo Kirch, l'Américain Rupert Murdoch et Silvio
Berlusconi, alors président du Milan AC, avait formulé un projet de ligue européenne
privée semi-fermée51. Destinée à remplacer la Ligue des Champions, la compétition
était prévue pour regrouper 36 équipes dont une moitié, choisie parmi les clubs les plus
puissants d'Europe, aurait bénéficié d'un bail reconductible lui assurant trois
participations. L'autre moitié était constituée de clubs invités chaque année et choisis
parmi les champions nationaux. Selon le projet, chaque club participant aurait été
assuré d'un revenu minimum de 144,5 millions de francs tandis que les gains du
vainqueur auraient atteint 350 millions de francs la première année, soit quatre fois plus
que la somme distribuée en 1998 au champion d'Europe, le Real Madrid. Le projet de
Media Partners avait à l'époque reçu le soutien des principaux clubs concernés par une
participation assurée à l'épreuve. Jean-Michel Roussier, alors président délégué de
l'Olympique de Marseille, un des deux clubs français avec le Paris Saint Germain invité
à rejoindre de manière pérenne la Superligue, déclarait alors qu' « une telle idée ne
(pouvait) pas (nous) laisser indifférents ».
La ligue fermée à contre-courant de la culture sportive européenne
L'initiative de la création d'une ligue privée suscita en revanche l'émoi du reste
du monde du football. La FIFA, l'UEFA et les fédérations nationales affiliées, menacées
dans leur monopole d'organisation des compétitions de football, rejetèrent
vigoureusement la Superligue. En plus de vider de leurs substance les compétitions
européennes officielles et de priver les compétitions nationales de leurs équipes phares
51 L'Express du 24 septembre 1998
71
et donc de leur intérêt, cette dernière aurait menacé l'unité du football mondial. Avec la
constitution d'une ligue privée, se matérialisait la création d'une organisation parallèle
du football européen, indépendant des fédérations nationales et internationales ainsi
que de l'International Board, chargée de fixer les règles du jeu. L'on aurait alors très
bien pu imaginer la création de nouvelles règles, par exemple destinées à formater les
matchs en fonction des besoins des retransmissions télévisés. Cohabiteraient alors
deux formes de football comme cohabitent actuellement deux formes de basket-ball : le
basket FIBA (Fédération Internationale de Basket Association) et le basket NBA,
chacun avec des règles et un arbitrage différents.
La parallèle avec la coexistence entre la FIBA et la NBA dessine d'ailleurs un
autre problème : celui de la dégradation des relations entre football de clubs et football
nationales. Jusqu'à un passé très récent, les franchises NBA refusaient régulièrement
de libérer leurs joueurs étrangers (leur nombre a explosé depuis le milieu de années
1990) afin que ceux-ci participent aux compétitions internationales organisées sous
l'égide de la FIBA (championnats d'Europe, championnats du monde voire Jeux
Olympiques). Sont régulièrement invoqués les risques de blessures, de fatigue,
l'absence au cours de la préparation d'avant-saison (les compétitions internationales se
déroulant en été ou au mois de septembre tandis que la NBA commence début
octobre). Très récemment, la participation de l'international français Boris Diaw, alors
joueurs des Phoenix Suns aux qualifications pour les championnats d'Europe 2009 a
été remise en cause jusqu'à la dernière minute52. L'employeur de Boris Diaw,
soucieuse d'une éventuelle blessure de son joueur, réputé fragile des lombaires, a
demandé à la Fédération française de Basket-Ball de contracter une assurance. Les
présidents de clubs européens, notamment au travers de feu le G1453, se sont fait écho
des méthodes utilisés en NBA, réclamant avec insistance aux fédérations
internationales une indemnisation en cas où leurs joueurs seraient retenus en équipes
nationales. Face à cette pression la FIFA et l'UEFA ont débloqué en janvier 2008 une
somme de 175 millions d'euros, destinée à dédommager les clubs dont les joueurs
52 L'Equipe du 23 juillet 2007,
version électronique consultable http://www.lequipe.fr/Basket/breves2007/20070723_141453Dev.html
53 Crée en 2000, le G14 était un regroupement de quatorze clubs européens parmi les plus puissants. Il
s'était fixé pour mission la défense des intérêts des clubs professionnels. Dissout en janvier 2008 sous
l'impulsion de la FIFA et de l'UEFA, il a depuis été remplacé par l'association européenne des clubs.
72
participeraient à l'Euro 2008 et à la Coupe du Monde 2010.54
Transposer en Europe le modèle de ligue fermée sous l'égide d'une organisation
privée, c'est en outre accepter de mettre la recherche du profit au centre de l'activité
sportive. On l'a vu, la forte réglementation du modèle américain a été mise en place
dans l'objectif de maximiser les gains par la préservation de l'équilibre compétitif.
Chaque franchise se doit d'être rentable. Or, de mauvais résultats sportifs peuvent
entraîner la désaffection d'une partie d'une public local pour l'équipe et, corrélativement,
une perte de résultats financiers. Ainsi, il n'est pas rare de voir des franchises
déménager : 2008 a ainsi vu la délocalisation des Supersonics de Seattle, devenus le
Thunder d'Oklahoma. Une telle pratique serait difficilement acceptable en Europe, tant
l'ancrage du club dans son territoire est constitutive de l'identité sportive européenne.
Au total, c'est donc bien l'essence du modèle européen, les relations fondatrices
entre football amateur et football professionnel d'une part, entre territoire et club d'autre
part que remettraient en cause la création d'une ligue européenne fermée. L'identité du
sport européen ne survivrait sans doute pas à une transposition du modèle américain,
quand bien même celle-ci ferait l'objet d'aménagements à la marge. Il nous semble
impératif que la participation aux compétitions nationales et européennes soient
conditionnées par les résultats sportifs plutôt que par des critères financiers.
2) Une draft du football européen ?
Les conséquences positives du mécanisme de draft quant à la réalisation de
l'équilibre compétitif sont, on l'a vu, réelles et ont pu pousser certains économistes à se
poser la question de la transposition d'un tel système en Europe. Pourtant, la création
d'une draft qui permettrait aux moins bons clubs européens de se renforcer grâce à
l'intégration dans leur effectif de jeunes joueurs prometteurs nous semble impossible.
L'existence d'un tel mécanisme est en effet rendu possible en Amérique du Nord
par l'externalisation de la formation des jeunes joueurs. Ce sont les lycées, les
universités55 et les ligues professionnelles de développement (qui fonctionnent en
54 Le Monde du 25 janvier 2008, version électronique consultable
http://www.lemonde.fr/web/recherche_breve/1,13-0,37-1021555,0.html
55 Le sport est un des piliers du système universitaire américain. Les rencontres sportives entre
73
partenariat avec les ligues majeures) qui assurent cette fonction. Les ligues majeures
puisent dans ce réservoir de joueurs et, réciproquement, les jeunes joueurs ne peuvent
espérer rejoindre l'élite qu'en étant sélectionnés par une franchise.
En Europe, la formation est internalisée, c'est à dire que ce sont les clubs eux-
mêmes qui supportent les coûts de formation des jeunes joueurs et en attendent un
retour sur investissement par l'intégration à leur effectif professionnel et/ou, une revente
future (l'on est ici dans le cadre de la théorie du capital humain de Gary Becker). Créer
une draft européenne supposerait donc d'externaliser la formation et donc de remettre
en cause un modèle ancrée dans la tradition sportive européenne.
3) L'instauration d'un salary cap
Le plafonnement des salaires proprement dit
De tous les instruments de régulation inspirés du modèle américain, le salary
cap, ou plafonnement des salaires, est sans doute la plus à même d'être transposé en
Europe. Au demeurant, les salaires des footballeurs professionnels anglais étaient
limités par un tel dispositif jusqu'en 1961, date à laquelle la réglementation a été cassée
sous la pression du syndicat des joueurs56. Dans un système de ligues ouvertes,
généraliser le plafonnement des salaires à l'échelle européenne nécessiterait toutefois
quelques quelques ajustements.
Les différences de revenus considérables entre clubs, issus de la distribution
inéquitable des richesses (droits TV etc.) et de l'existence de plusieurs degrés de
compétition (les équipes participant aux compétitions européennes bénéficiant de
revenus supplémentaires par rapport à celles qui sont cantonnées aux compétitions
universités attirent régulièrement des dizaines de milliers de personnes et sont retransmises par les
télévisions locales et nationales. Un grand nombre de jeunes athlètes américains participant aux Jeux
Olympiques appartiennent toujours au système universitaire. Cela est rendu possible par les moyens
dont disposent les universités américaines, sans commune mesure avec ceux des universités
européennes, mais aussi à la place que donne la société américaine au sport de compétition, lequel
correspond aux valeurs du libéralisme économique.
56 Eric Besson, Rapport gouvernemental « Accroître la compétitivité des clubs de football professionnel
français », novembre 2008, p. 60.
74
nationales), supposeraient tout d'abord que le plafonnement soit relatif au budget du
club, chaque club ne pouvant consacrer plus d'une proportion donnée de son budget à
la rémunération de ses joueurs. C'est le sens de la proposition récemment formulée par
l'UEFA et relayée par son président Michel Platini. Elu début 2007 sur un programme
très réformateur57, l'ancien stratège de la Juventus veut profiter de la crise pour
accélérer la mise en place de nouvelles régulations. Actant notamment la faillite du
modèle d'organisation libéral du sport européen (« Dans le football, comme dans
l'économie en général, le marché est incapable de corriger ses propres excès, et ce
n'est pas le président de l'UEFA qui le dit, mais Barack Obama58.» ), il affirme examiner
“l'idée de lier dans une certaine mesure les dépenses de personnel d'un club, masse
salariale et transferts, à un pourcentage à définir de ses revenus sportifs, directs et
indirects.
L'accueil d'une telle proposition parmi la toute nouvelle Assemblée des Clubs
Européens (ECA), composé des représentants de 137 clubs du continent, est pour le
moins mitigé. Lors de l'Assemblée générale du 10 févriers dernier, l'ECA s'est prononcé
contre une telle réglementation, Rick Parry, directeur général du Liverpool FC et
membre du comité exécutif de l'organisation, précisant qu'il était «(...) très difficile à
mettre sur pied, car les clubs ne sont pas tous soumis aux mêmes lois, notamment sur
le plan fiscal, dans les différents pays». L'argument, pour affirmer une réalité
difficilement contestable, à savoir l'inégalité des conditions fiscales entre les différents
pays affiliés à l'UEFA, n'en paraît pas moins de mauvaises foi puisque ce sont
généralement les clubs évoluant dans un contexte fiscal favorable qui consacre la plus
grande part de leur budget au paiement des salaires. Dans un contexte de crise
financière mondiale, la limitation des ressources allouées aux transferts va pourtant
dans le sens de la bonne santé économique des clubs eux-mêmes. Certains, parmi le
gratin européen accuse déjà des dettes importantes. Le FC Valence, finaliste de la
Ligue des Champions en 2000 et 2001 puis vainqueur de la Coupe de l'UEFA en 2004
est sans doute l'exemple le plus emblématique. Confronté à une dette abyssale
creusée par une succession de largesses dans la gestion du club, le club valencian ne
parvient plus à assumer le paiement du salaire de ses joueurs. Pire encore, la
57 Le candidat Platini promettait en effet de rendre le “football aux footballeurs” et à son public, sous-
entendant se fait qu'il lui avait été confisqué par les intérêts économiques et financiers des diffuseurs
et autres investisseurs.
58 Site Internet Sport24 : http://www.sport24.com/football/actualites/platini-monte-au-creneau-240450/
75
construction du nouveau stade de 75 000 appelée à remplacer dans le courant de la
saison 2009 l'actuelle enceinte de Mestalla, a été stoppée, le club ne pouvant plus faire
face aux dépenses engendrées par les travaux59. Valence n'est pas le seul club
espagnol dans une situation financière difficile puisque le prestigieux FC Barcelone, le
FC Séville, double vainqueur de la Coupe de l'UEFA en 2006 et 2007, ainsi que
l'Athletic Bilbao doivent également affronter ce genre de difficultés. Au prix d'un
montage financier complexe arrangé notamment par le roi Juan Carlos, le Real Madrid
a pu éponger une dette colossale au prix d'une importante opération immobilière de
revente de ses terrains d'entraînement. En Angleterre, actuellement le championnat le
plus compétitif, les clubs sont endettés à hauteur de 3,9 milliards d'euros, suscitant
l'inquiétude du président de la Fédération, David Triesman60. Le seul club de Chelsea,
dont la masse salariale représente 71% du budget annuel, est endetté à hauteur de 736
millions de livre sterling61.
En plus de contribuer à la bonne gestion et la bonne santé financière des clubs,
un salary cap permettrait de limiter le recours à la dette comme instrument de
concurrence internationale. Il n'existe actuellement ni système européen de contrôle de
gestion, ni règlement interdisant à tous les clubs de creuser une dette sans garanties
bancaires, ce qui pénalise les clubs soumis à de tels mécanismes, notamment les clubs
français. Aussi longtemps que les partenaires bancaires continuent à leur prêter de
l'argent ou qu'un investisseur bienveillant paie de sa propre poche, rien ne sanctionne
l'attitude de clubs formulant des propositions salariales au-delà de leurs moyens
effectifs afin d'attirer des joueurs talentueux. Un nombre considérable de clubs
espagnols, anglais et italiens reposent ainsi sur un modèle économique artificiel62,
concurrençant de manière « déloyale » les clubs soumis à une obligation de bonne
gestion.
Il faut souligner que le système de plafonnement des salaires est mis en oeuvre 59 Site Internet du 10Sport, 25 février 2009, http://football.le10sport.com/foot-espagnol/valence-frappe-
par-la-crise_152248_d
60 Site Internet de France 24, 7 octobre 2008, http://www.france24.com/fr/20081007-football-premier-
league-angleterre-clubs-fa-dette-3,9-milliards-euros-crise-financiere
61 Site Internet de Challenges, 20 mai 2008,
http://www.challenges.fr/20080520.CHA1606/football__pres_de_2_milliards_de_dettes_pour_chelsea
_et.html
62 Site Internet de La Voix des Sports, «Eliminer les économies artificielles», entrevue avec Frédéric
Bolotny, 12 janvier 2009
76
depuis 1998 par la Ligue Nationale de Rugby dans le cadre du Top 14, le championnat
de France professionnel de première division63. La masse salariale est plafonnée à
55% du budget d'un club. Cette obligation peut être modulée dans le sens d'une plus
grande sévérité par la DNACG (Direction Nationale d'Aide et de Contrôle de Gestion,
petite soeur de la DNCG, son équivalent pour le football professionnel) en fonction des
comptes individualisés des clubs. L'impact sur le rugby professionnel français est
difficile à évaluer dans la mesure où le salary cap a été mis en place en même temps
que le professionnalisme et que nous ne disposons donc d'aucun point de comparaison
dans le passé. Il est toutefois notable que le monde du rugby professionnel français
reconnaît l'impact du système, tant sur la bonne santé financière des clubs que sur
l'équilibre compétitif de la compétition.
Plus récemment encore, en 2005, la Ligue italienne de football, a introduit un
plafonnement des salaires pour les clubs de Serie B (la deuxième division nationale)64.
Ceux-ci présentaient une santé financière plus que précaire puisque les dépenses
consacrées à la masse salariale représentaient en moyenne 90% du budget des clubs.
Le plafonnement a été fixé à 70% afin d'empêcher une vague massive de dépôts de
bilan.
Ces précédents montrent donc bien que la mise en place d'un tél mécanisme à
l'échelle du football européen est possible. Encore faut-il noter qu'elle nécessite la
fourniture de bonne foi par les clubs de leurs comptes ainsi que la création d'un
organisme de contrôle de gestion qui vérifierait la validité des dits comptes en regard
des critères fixés. Nous développons plus loin le contrôle de gestion à l'échelle
européenne.
La limitation des effectifs professionnels
Alternative ou complément à la mise en place d'un plafonnement des salaires, la
la limitation des effectifs professionnels découle d'une même logique : prévenir l'inflation
des masses salariales des clubs de football professionnel afin d'une part de garantir la
bonne santé financière de ces derniers, d'autre part de contribuer à l'équilibre
compétitif.
63 E. Besson, 2008, op. cit., pp. 60-61.
64 Ibid., p.61
77
Jusqu'en 2000, les effectifs professionnels français étaient limités à 23 joueurs
pour les clubs de L1 et à 20 joueurs pour les équipes de L2. La limitation a ensuite été
levé, provoquant l'explosion des effectifs professionnels, passés d'une moyenne de 19
à 27 joueurs par club entre 1993 et 200865. Une dérogation était assortie à cette règle
qui excluait les joueurs formés par le club de son champ d'application.
Le rapport Besson sur la compétitivité du football français, s'appuyant
notamment sur les travaux des économistes de la Ligue Nationale de Football66
préconise la généralisation de la limitation des effectifs à l'échelle européenne. Selon
l'ancien ministre de la prospective économique, cette mesure pourrait être un bon
compromis, en attendant l'adoption du plafonnement des salaires, mesure à la fois plus
ambitieuse et plus difficile à mettre en place. Au-delà des effets positifs identifiés plus
haut, M. Besson estime qu'un tel dispositif pourrait :
inciter les clubs à la formation de jeunes joueurs ;
limiter le contentieux dû au sur-effectif entre les joueurs et les clubs. Ces dernières
ont en effet vu la multiplication de situation conflictuelles entre des joueurs
s'estimant trahis par des employeurs leur ayant promis un temps de jeu conséquent
afin de les attirer.
Le rapport Besson insiste enfin sur ce que devrait être le corollaire de la limitation
des effectifs professionnels : l'allègement des calendriers. Tous les clubs ambitieux
savent que, dans la perspective de conserver des chances de bien figurer dans les
compétitions nationales et européennes, il est nécessaire de doubler ou tripler tous les
postes d'un effectif afin de pallier les risques de méformes ou de blessures. Les
exigences du football moderne de haut-niveau rendent impossible l'enchaînement de
60 matchs en une saison pour les onze mêmes joueurs d'une équipe. Si l'on souhaite
limiter les effectifs, il convient donc de limiter le nombre de matchs pour les équipes de
haut-niveau en réduisant, par exemple, les championnats de première division à 16 ou
18 clubs.
Section 2 – Quelques pistes originales de réforme du football
65 E. Besson, 2008, op. cit., p. 61.
66 Arnaud Rouger, “Limitation des effectifs vs limitation des salaires : une nouvelle forme de salary cap
?”, in J.J Gouguet (2005), op. cit., p. 209.
78
européen
Si l'observation du système américain permet de dégager quelques pistes de
réformes intéressantes, il n'en demeure pas moins que les spécificités du modèle
d'organisation du sport professionnel européen rendent impossible une transposition
pure et simple. Dans le but d'améliorer l'équilibre compétitif des épreuves nationales et
européennes, il est donc nécessaire de considérer des solutions originales, répondant
aux problématiques posées par la libéralisation du marché. Parmi les multiples
propositions émanant des économistes du sport, des instances sportives internationales
(FIFA et UEFA, souvent en accord sur ce plan-là) ou mêmes des gouvernements
nationaux, l'on peut distinguer deux types de réformes :
celles visant à réglementer le marché du travail des footballeurs professionnels dans
un cadre conforme au droit européen ;
celles, dans la lignée du plafonnement des salaires ou d'une distribution plus
équitable des revenus, allant dans le sens d'un rééquilibrage des forces
économiques.
Suivant cette typologie, nous nous concentrerons ici sur l'étude des mesures
phares qui, venant de l'UEFA et de la FIFA et réunissant d'importants soutiens tant
parmi les clubs que parmi les gouvernements nationaux, ont le plus de chance d'aboutir
dans un futur proche : d'une part la règle dite du 6+5, d'autre part, la mise en place d'un
organisme contrôle de gestion ayant une compétence européenne.
Paragraphe 1 - Une tentative de réglementation du marché du travail :
la règle du 6+5
Nous avons observé plus haut que la conséquence la plus immédiate et la plus
importante de l'arrêt Bosman fut l'internationalisation du marché des joueurs de football
professionnel. En supprimant les limitations de joueurs étrangers pour les
communautaires puis pour la plupart des pays européens et africains, l'arrêt Bosman a
eu des conséquences néfastes, parmi lesquelles nous avons identifié :
la remise en cause des modèles formateurs, aussi bien au sein des championnats
les plus riches, disposant des moyens financiers d'attirer des jeunes talents
79
étrangers et évitant de fait d'investir dans la formation, que des championnats plus
pauvres, ainsi devenus de véritables viviers dans lesquels les plus puissants clubs
du monde peuvent puiser à l'envi ;
un déséquilibre grandissant entre le football de clubs et le football d'équipes
nationales, le premier prenant le pas sur le second. L'impact négatif qu'ont eu les
remises en causes des politiques formatrices des clubs des grands championnats
européens s'est vérifié, jusqu'à un passé recent, par un appauvrissement du niveau
des équipes nationales. Si les victoires de l'Italie lors de la Coupe du Monde 2006
et, surtout, de l'Espagne lors de l'Euro 2008 amènent une nuance à cette analyse,
les échecs répétés de l'équipe nationale d'Angleterre, pays qui domine par ailleurs le
football de club à grands renforts de joueurs étrangers, atteste de sa validité ;
la perte d'identité de clubs, historiquement liés à un territoire. Il n'est pas neutre de
constater que les joueurs locaux et formés au club sont souvent les plus
emblématiques et les plus appréciés parmi les supporters. Si l'on ne devait en citer
qu'un, alors l'exemple de Steven Gerrard, enfant de Liverpool, joueur emblématique
des Reds et idole absolue des supporters locaux, nous apparaîtrait évident.
1) La règle du 6+5
Ainsi que nous l'avons vu en première partie, les fédérations internationales ont
gardé une position hostile à la jurisprudence de la CJCE. La FIFA notamment,
demandait dès 1999, par la voix de son président Sepp Blatter, de revenir à la situation
antérieure à l'arrêt Bosman67. Elle a depuis formulé plusieurs propositions de
réglementations du marché du travail.
La plus ambitieuse d'entre elles est sans doute la résolution votée en mai 2008
en faveur de la règle dite du 6+5. Celle-ci prévoit l'obligation pour chaque club
participant à une compétition officielle organisée par la FIFA ou une organisation affiliée
(UEFA et fédérations nationales), d'aligner au coup d'envoi de chaque match au moins
six joueurs susceptibles d'être sélectionnés dans l'équipe nationale de la fédération
d'origine dudit club. A n'en pas douter, il s'agirait là pour le football européen d'un
véritable bouleversement. Pour ne prendre qu'un exemple, sur les quatorze joueurs de
67 Le Monde, 2 juin 1999
80
l'équipe d'Arsenal ayant participé le 24 février au huitième de finale aller de la Ligue des
Champions opposant leur équipe à l'AS Rome, aucun ne remplissait les conditions de
sélections en équipe d'Angleterre68. La plupart des équipes performantes au niveau
européen se verraient dans l'obligation d'opérer un véritable chamboulement au sein de
leur effectif, opérant le remplacement d'une grosse partie de leurs joueurs étrangers
par des joueurs nationaux.
A court terme, le 6+5 aurait des conséquences différentes selon le point de vue
considéré :
les clubs les plus riches recrutant principalement à l'étranger devraient reconsidérer
leur politique de recrutement ;
la place dévolue aux étrangers dans les effectifs des clubs des championnats les
plus riches se réduisant, les opportunités pour des joueurs issus de championnats
de seconde zone de rejoindre ces derniers se réduiraient ;
chaque équipe nationale serait assurée de disposer d'un réservoir important de
joueurs évoluant régulièrement au haut-niveau.
Au final, la situation pourrait se rapprocher considérablement de ce qu'elle était
avant l'arrêt Bosman. La règle du 6+5 est en effet plus subtile qu'elle pourrait paraître
aux non-initiés. En principe, chaque club serait dans la possibilité de compter dans son
effectif professionnel autant d'étrangers qu'il le désire. Ce n'est pourtant qu'un leurre
dans la mesure où le 6+5 imposerait d'aligner six joueurs nationaux pour la totalité des
matchs, obligeant de fait à avoir un potentiel de joueurs nationaux suffisants pour
pouvoir pallier les blessures des habituels titulaires. Il y a dès lors fort à parier que la
proportion de joueurs nationaux au sein des effectifs dépasse largement les 50% pour
se situer plus probablement aux alentours de 70%, faisant du 6+5 un véritable « arrêt
Bosman à l'envers ».
Le 6+5 recueille une large adhésion, non seulement au sein de grandes
personnalités du monde du football, mais parmi les principaux gouvernements de
l'Union Européenne. Nicolas Sarkozy, lors de son discours devant le Parlement
européen en tant que Président du Conseil de l'Union Européenne le 10 juillet 2008,
avait défendu le principe d'une exception sportive au droit communautaire (« "Une
exception sportive, qui dirait que le sport ne doit pas obéir à l'économie de marché 68 Le onze titulaire et les remplaçants entrés en jeu était composée de l'Espagnol Almunia, des Français
Sagna, Clichy, Gallas, Nasri et Diaby, des Ivoriens Touré et Eboué, du Brésilien Denilson, du
Camerounais Song, du Néerlandais Van Persie, du Danois Bendtner et du Mexicain Vela.
81
devrait rassembler le Parlement européen69 .» ) Il a été rejoint en ce sens par ses
partenaires européens : à l'issue de la réunion du Conseil des Ministres des sports de
l'Union Européenne, ces derniers ont, à l'unanimité, demandé à la Commission de « [...]
les discussions se poursuivent sur, les initiatives des fédérations internationales visant à
développer dans les équipes de clubs professionnels de chaque pays la présence de
sportifs sélectionnables dans les équipes nationales, dans le respect du droit
communautaire, afin de renforcer l'ancrage régional et national des clubs
professionnels70.»
2 - La position de la Commission européenne
Depuis 1995, la position de la Commission européenne n'a pas varié puisqu'elle
s'est constamment opposée à toute entrave à la libre-circulation des footballeurs
professionnels au sein de l'Union européenne. Aussi, il n'est pas surprenant qu'elle ait
rapidement pesé les conséquences du 6+5 sur le marché du football européen. Dans
une interview donnée à Libération71, le commissaire européen chargé de l'emploi, des
Affaires sociales et de l'égalité des chances Vladimir Spidla, rejette fermement la
résolution de la FIFA, qu'il considère comme contraire au droit européen et à la
jurisprudence Bosman :
« La position de la Commission est très claire : des quotas fondés sur la nationalité
constituent une entorse inacceptable au droit communautaire. Cela viole deux principes
essentiels : la libre circulation des travailleurs et la non-discrimination.Dans son célèbre
arrêt Bosman de 1995, la Cour de justice européenne a tranché : les joueurs
69 Site internet du Journal du Dimanche, 10 juillet 2008,
http://www.lejdd.fr/cmc/scanner/international/200828/sarkozy-milite-pour-l-exception-
sportive_132048.html
70 Site internet UE2008, «Déclaration des ministres des sports de l'Union Européenne», 28 novembre
2008,
http://www.eu2008.fr/webdav/site/PFUE/shared/import/1127_Ministerielle_Sports/Reunion_informelle_
ministres_sports_declaration_finale_%20FR.pdf
71 Libération du 3 décembre 2008, version électronique consultable
http://www.liberation.fr/sports/0101302722-les-sportifs-doivent-pouvoir-travailler-ou-ils-veulent-dans-l-
ue
82
professionnels sont des travailleurs et ils ont le droit d’aller exercer leur métier où ils
veulent dans l’Union. Dans son célèbre arrêt Bosman de 1995, la Cour de justice
européenne a tranché : les joueurs professionnels sont des travailleurs et ils ont le droit
d’aller exercer leur métier où ils veulent dans l’Union. »
La Commission Européenne considère donc que la règle du 6+5 institue des
quotas discriminatoires pour les étrangers. Elle constituerait une discrimination directe
restreignant la liberté de circulation garantie par l'article 39 (ex-article 48) du Traité
Instituant la Communauté Européenne (TICE).
Cette interprétation a récemment été réfutée par un groupe d'experts
indépendants de l'Institute for European Affairs (INEA), mandaté à l'automne 2008 par
la FIFA dans le but de contrôler la conformité de la règle du 6+5 au regard du droit
communautaire72.
L'INEA émet tout d'abord des doutes à l'égard de l'opposabilité de l'article 39 à la
règle du 6+5. D'après les experts, il s'agirait d'une règle purement sportive, donc du
ressort de la FIFA, « qui concerne seulement la mise en place des joueurs au début
d'un match ». Elle n'implique en effet aucune restriction supplémentaire concernant la
présence de joueurs étrangers dans les effectifs des clubs professionnels européens.
L'on remarque que l'INEA transpose le raisonnement que la CJCE avait appliqué dans
l'affaire Lehtonen à la règle du 6+5.
Quand bien même la règle du 6+5 entrerait dans le cadre de l'application du droit
communautaire, elle ne constituerait tout au plus qu'une discrimination indirecte au
sens de l'article 39. A la différence d'une clause de nationalité, le 6+5 ne prend pas
comme point d'attache la nationalité du joueur directement mais son admissibilité à être
sélectionné en équipe nationale. L'on a vu dans la première partie que, pour la FIFA, la
nationalité sportive différait de la nationalité « de droit commun ». Or, la discrimination
indirecte se justifie, selon la jurisprudence communautaire (arrêt Cassis de Dijon du 20
février 1979) :
lorsque la discrimination est proportionnée au but poursuivi, ici la protection de la
formation et des équipes nationales ;
en présence d'« une raison impérieuse d'intérêt général ». En l'occurrence, la raison 72 Institute for European Studies, «Expertise juridique sur la compatibilité de la “règle du 6+5” avec les
législations du droit communautaire (bref condensé)», février 2009, http://inea-
online.com/download/regel/gutachten_fra.pdf
83
d'intérêt général pourrait être la préservation de l'intérêt des équipes nationales.
3 - Le règlement UEFA sur la composition des effectifs
Contestant, non sans une sérieuse dose de mauvaise foi au regard de ce que
nous avons démontré plus haut, l'efficacité d'une telle mesure (« Je voudrais aussi
souligner, qu’au-delà du respect indispensable du droit, la règle du 6 + 5 est une
mauvaise solution au problème. Les clubs les plus riches se contenteront d’avoir une
poignée de joueurs nationaux, et ils continueront leur «business as usual» en achetant
les meilleurs joueurs étrangers. »), M. Spidla reconnaît par ailleurs la spécificité de
l'activité sportive, renvoyant à ce propos au Traité de Lisbonne (« Nous reconnaissons
que le sport est une activité particulière. Cette spécificité est même inscrite noir sur
blanc dans le traité de Lisbonne en cours de ratification. ») et, de fait la nécessaire
recherche d'un plus grand équilibre. A cet égard, la Commission Européenne préfère
l'alternative au 6+5 que propose l'UEFA.
Depuis 2006, l'UEFA impose en effet aux clubs participant aux compétitions
européennes d'inscrire dans leur effectif un certain nombre de joueurs formés
localement, c'est à dire formés pendant au moins trois ans entre 15 et 21 ans dans le
club lui-même ou tout autre club affilié à la même association nationale. La
réglementation s'est mise en place en trois étapes, étalées sur trois saisons :
en 2006-2007, les clubs participant aux compétitions européennes devaient aligner
au moins 4 joueurs formés localement sur un total de 25 joueurs ;
en 2007-2008, le nombre de joueurs formés localement devaient être d'au moins 6 ;
en 2008-2009, il a été porté à 8.
La Commission a donné son aval à ce règlement, qu'elle considère comme une
discrimination indirecte (le critère de la formation locale ne repose en aucun cas sur la
nationalité du joueur) proportionnée et justifiée par l'existence d'une raison impérieuse
d'intérêt général (la protection et la promotion de la formation des jeunes joueurs). Dès
juillet 2007, le livre blanc de la Commission européenne sur le sport annonçait la
préférence de cette dernière vis à vis de l'approche de l'UEFA : « les règles imposant
aux équipes un quota de joueurs formés au niveau local pourront être jugées
compatibles avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des personnes
si elles n’entraînent aucune discrimination directe fondée sur la nationalité et si les
84
éventuels effets discriminatoires« les règles imposant aux équipes un quota de joueurs
formés au niveau local pourront être jugées compatibles avec les dispositions du traité
relatives à la libre circulation des personnes si elles n’entraînent aucune discrimination
directe fondée sur la nationalité et si les éventuels effets discriminatoires73 ». Le
Parlement européen a, en outre, appuyé l'avis de la Commission dans une résolution
en date du 8 mai 200874.
Si l'alternative proposée par la FIFA recueille donc les faveurs des instances
européennes, elle nous semble pourtant très largement insuffisante dans le but de
compenser les déséquilibres nés de la jurisprudence Bosman. Les effets de cette
mesure restent très marginaux. Certains clubs ont bien été amenés à retirer de leur
effectif en lice pour les compétitions européennes un ou plusieurs joueurs étrangers.
Ainsi, le Liverpool FC, dont l'effectif s'est largement internationalisé depuis l'arrivée de
l'entraîneur espagnol Rafael Benitez, s'est vu dans l'obligation de retirer le Finlandais
Sami Hyypia de la liste des joueurs inscrits à la phase de poule de Ligue des
Champions. L'ancien capitaine des Reds a ensuite pu être ré-intégré à l'effectif en vue
de disputer les phases éliminatoires, mais aux dépends d'un autre joueur étranger de
l'effectif75. Cela dit et si les clubs de football professionnels de haut-niveau comptent
des effectifs élargis pour prévenir les blessures ou la fatigue de certains joueurs, ils se
reposent généralement sur un noyau d'une quinzaine de joueurs de très haut-niveau.
La règle de l'UEFA ne remet donc pas en cause les équilibres sportifs : dans la plupart
des cas, au moins une partie des joueurs formés localement présents sur la liste ne
prendront pas part à la compétition et ne serviront que de cautions.
Pire encore, la réglementation de l'UEFA pourrait avoir des effets insidieux,
incitant les clubs riches à recruter des joueurs de plus en plus jeunes. Rien n'empêche
en effet un club de recruter à l'étranger un joueur de 18 ans afin, qu'une fois âgé de 21
ans, il entre dans les critères des joueurs formés localement. C'est même une pratique
73 Commission des Communautés Européennes, « Livre blanc sur le sport », juillet 2007
74 Résolution du Parlement européen sur le livre blanc sur le sport, 8 mai 2008,
http://209.85.229.132/search?q=cache:5fmIJXFPP2AJ:www.europarl.europa.eu/oeil/DownloadSP.do%
3Fid%3D14892%26num_rep%3D7340%26language%3Dfr+r%C3%A9solution+parlement+europ%C3
%A9en+livre+blanc+sur+le+sport&hl=fr&ct=clnk&cd=1&gl=fr
75 Site Internet du Liverpool Echo, 6 février 2009,
http://m.liverpoolecho.co.uk/ms/p/tmg/livecho/view.m?id=361527&tid=351786&channel=Liverpool+FC
§ion=News&cat=LiverpoolFC
85
courante pour certains clubs : il en est ainsi de la politique de recrutement d'Arsenal, qui
se concentre depuis quelques années sur l'acquisition de très jeunes joueurs, pré-
formés dans un autre club, souvent étranger. Ainsi, le règlement de l'UEFA, s'il veut
éviter cet écueil, devra s'assortir d'aménagements considérables. François Blaquart,
directeur technique nationale adjoint chargé de la formation à la Fédération Français de
Football proposait à cet égard à la commission présidée par Eric Besson d'étendre à
cinq ans la durée pendant laquelle le joueur doit avoir été formé par le club76. Michel
Platini, lui, préconise l'interdiction des transferts des joueurs mineurs. Aujourd'hui, si le
Règlement du Statut et du Transfert de joueurs de la FIFA pose ce principe dans son
article 19, il pose également trois dérogation le rendant inopérant. Les transferts de
joueurs mineurs sont en effet autorisés :
si les parents de joueurs s'installent dans le pays du club pour des raisons
étrangères au football (on peut imaginer à quel point il est aisé de trouver tel
prétexte pour des parents dont le fils se voit offert un pont d'or par un club étranger
de renom...) ;
si le transfert a lieu à l'intérieur de l'Union Européenne ou de l'Espace Economique
Européen, pour les joueurs âgés de 16 à 18 ans (faut-il rappeler que parmi les 8
équipes nationales présentes en quarts de finale de la dernière Coupe du Monde, 6
étaient européennes, attestant de la domination du football européen à l'échelle
mondiale ?) ;
si le joueur vit à 50 km au plus d’une frontière nationale et si le club dans lequel il
doit jouer est enregistré dans l’association voisine à une distance de 50 km
maximum de la frontière.
Paragraphe 2 - La moralisation de la gestion des clubs de football
européen : la mise en place d'un contrôle de gestion à l'échelle
européenne
En période de crise financière et économique, les réflexions, déjà anciennes, sur
la mise en place du contrôle de gestion des clubs de football reviennent avec
insistance. L'on a vu, plus haut, que certains clubs parmi l'élite européenne sont en
76 François Blaquart, entretien, in Besson (2008), op. cit., p. 67
86
actuellement en grande difficulté financière. Ceci est la conséquence de l'inflation des
montants des transferts et salaires, ayant obligé les clubs les plus ambitieux à
augmenter leurs dépenses, souvent de manière excessive compte tenu de leurs
ressources. Certaines solutions, comme le plafonnement des salaires, ont été
envisagées pour mettre un frein à cette explosion. La création d'un organisme européen
de gestion entre à la fois dans la logique d'assainissement des finances et dans celle
de la régulation des marchés. S'il venait à voir le jour, un tel projet pourrait s'appuyer
sur l'exemple de la Direction Nationale de Contrôle de Gestion française.
1) L'exemple d'un contrôle de gestion à l'échelle nationale : la DNCG
française77
La fin des années 80 a été marquée en France par l'arrivée dans le football
d'investisseurs médiatiques aux méthodes spectaculaires, largement empruntées au
monde de l'entreprise. La rivalité entre les Girondins de Bordeaux de Georges Bez et
l'Olympique de Marseille de Bernard Tapie est révélatrice d'une époque nouvelle,
marquant l'entrée du football français dans l'ère du business. Très rapidement
cependant, la justice va lever les zones d'ombre sur la gestion de ces deux clubs :
investissements démesurés, montages financiers douteux, transferts illégaux, tentatives
de corruption etc. La création de la Direction Nationale de Contrôle de Gestion, laquelle
remplace la Commission Nationale de Contrôle de Gestion, arrive en 1990 dans ce
contexte troublée. Très vite, la DNCG va asseoir sa légitimité sur la décision de
sanctionner les excès des deux clubs emblématiques de l'époque. En 1991, elle
prononce la rétrogradation administrative des Girondins de Bordeaux suite au dépôt de
bilan du club. Celui-ci est alors endetté à hauteur de 300 millions de francs (45M€), soit
une somme colossale à une époque où les contrats de droits télévisés se réduisent à
peau de chagrin. Trois ans plus tard, en 1994, elle prononce la rétrogradation
administrative de l'Olympique de Marseille suite à l'affaire VA-OM. L'année suivante,
elle interdit la remontée en première division du club phocéen suite à son dépôt de
bilan. 77 Dans cette partie, nous nous référons principalement au rapport Besson sur la compétitivité du football
français (op. cit.) qui dresse une historique synthétique et claire de l'action de la DNCG et formule des
propositions sur ce que pourrait être l'évolution de ses attributions.
87
A travers ces deux exemples marquants, se dessinent les objectifs originels de la
DNCG : l'assainissement des finances du football français et la promotion de méthodes
de gestion transparentes. Issue d'une convention commune entre la Fédération
Française de Football et la Ligue Professionnel de Football, elle a, dès l'origine, la
mission « d'assurer la pérennité et l'équité des compétitions en vérifiant notamment que
les investissements sportifs de chaque club n'excèdent pas ses capacités financières ».
Pour ce faire, elle est organisée en trois commissions :
la commission de contrôle des clubs professionnels, dont les membres sont
désignés par la FFF, la LFP, l'UCPF (syndicat réunissant les clubs de football
professionnel français), l'UNECATEF (syndicat des éducateurs en entraîneurs) et la
SNAAF (syndicat des administratifs du football français) ;
la commission fédérale de contrôle des clubs, chargée de contrôler les finances des
clubs amateurs ;
une commission d'appel.
Pour assurer sa mission de contrôle de la situation juridique et financière des
clubs professionnels, la DNCG procède à des vérifications sur pièces. Elle apprécie
ainsi la solvabilité des clubs et les garanties de paiements apportés par les dirigeants,
ainsi que le respect par les clubs de leurs obligations comptables. En cas de
manquements des clubs à l'obligation de bonne gestion, elle dispose d'un arsenal
juridique de sanctions graduelles en fonction de l'importance de l'infraction :
l'interdiction ou la limitation du recrutement de nouveaux joueurs (mesure la plus
couramment employée par la DNCG) ;
le contrôle du recrutement dans le cadre d'un budget prévisionnel ou d'une masse
salariale prévisionnelle encadrée ;
la rétrogradation administrative du club (il s'agit là d'une mesure très spectaculaire
dans la mesure où il s'agit d'une sanction sportive forte d'une mauvaise gestion
financière et administrative) ;
l'interdiction faite à un club d'accéder en division supérieure, quand bien même ses
résultats sportifs le lui permettraient ;
l'exclusion d'un club de toute compétition.
2) Le bilan paradoxal de la DNCG
88
En rapport des objectifs qui lui avaient été fixés à sa création, il est indéniable
que la DNCG a été une franche réussite. Elle est notamment parvenue, dans un
contexte difficile, a favorisé la transparence des comptes des clubs français. Elle
également participé au redressement économique des des clubs, bien aidé en cela par
l'explosion en 2004 des contrats de droits télévisés. Elle a enfin facilité la transition du
statut juridique de la plupart des clubs de football professionnels d'associations en
sociétés anonymes en aidant ces derniers à respecter de nouvelles procédures
comptables.
En dépit de ces incontestables succès, le bilan de la DNCG n'en demeure pas
moins équivoque. Il est impossible de juger un football national de clubs à sa seule
santé financière. Et à cet égard, les économistes du sport Lago, Simmons et Szymanski
ont pu écrire que :
« la régulation a été beaucoup plus légère en Italie, en Angleterre et en Ecosse qu’en
France, et les clubs ont eu de ce fait davantage d’opportunités pour faire des erreurs
(mais aussi pour rencontrer des succès). C’est peut-être là le paradoxe ultime en ce qui
concerne la régulation et le management des ligues sportives. Les ligues les moins
régulées ont dépensé plus que les autres en joueurs et ont donc connu plus de succès,
comme par exemple les clubs anglais, italiens ou espagnols en Ligue des Champions.
Inversement, les ligues au sein desquelles la régulation estplus importante, comme
c’est le cas en France, ont dépensé plutôt moins en joueurs et en conséquence ont
remporté moins de succès, en particulier en Ligue des Champions 78.»
La forte régulation financière du football français a donc soumis le football
français à davantage de contraintes que ses concurrents européens. Les clubs français
qualifiés en Coupe d'Europe, déjà pénalisés par une plus forte pression fiscale et
d'importants déficits en matière d'infrastructures, ont été dans l'impossibilité de financer
l'achat et le paiement de joueurs de renom par la dette. L'arbre de la bonne santé
financière dissimule ainsi une forêt de résultats sportifs médiocres : depuis 1998, seuls
deux clubs sont parvenus à se hisser en quarts-de-finale de la Ligue des Champions :
Monaco (demi-finales en 1998, avant le deuxième changement de formule de la
78 U. Lago, R. Simmions, S. Szymanski, «The Financial Crisis in European Football, An Introduction»,
Journal of Sports Economics, vol. 7 no 1, février 2006, pages 3 à 12.
89
compétition, finale en 2004) qui dispose d'avantages fiscaux lorsqu'il s'agit de payer le
salaire de joueurs étrangers et Lyon (trois quart-de-finale consécutifs entre 2004 et
2006). Cet état de fait met un peu plus en évidence la difficulté de maintenir un équilibre
compétitif global à l'échelle européenne dans le cadre de législations nationales plus ou
moins restrictives. Il convient dès lors de se poser la question des modalités de la mise
en place d'un tel système de contrôle de gestion au plan européen.
3) La « DNCG européenne », une utopie ?
Le projet de la création d'un organisme de gestion européen, sporadiquement
évoqué depuis l'entrée en vigueur de l'arrêt Bosman, a semble-t-il trouver un nouveau
souffle grâce à la présidence française de l'Union Européenne du deuxième semestre
2008. Portée par la Président de la République et relayé par son secrétaire d'Etat au
sport, Bernard Laporte79, cette proposition a été précisée dans le rapport Bessoin sur la
compétitivité du football français80. Dans une volonté d'harmonisation européenne, la
commission Besson propose la création d'un organisme unique d'autorégulation, très
proche dans ses missions de la DNCG, et qui aurait pour objet :
d'assurer les conditions d'une concurrence équitable entre les clubs ;
de contribuer à leur stabilité financière ;
de garantir l'équité sportive ;
L'organisme de gestion ainsi créé devra en outre :
s'assurer de son indépendance par rapport aux pressions que peut subir une
fédération nationale (on pense naturellement au poids des grands clubs en tant que
puissance financière mais aussi de leur influence politique dans des pays où,
comme en Italie, en Espagne ou en Angleterre, les supporters sont extrêmement
nombreux et influents) ;
appliquer à tous les clubs les conditions d'un traitement homogène au regard des
critères qui seront exigés (il s'agit ici de veiller à ce que tous les clubs, quelque soit
leur fédération d'affiliation, soient soumis à la même réglementation) ;
mettre en place un arsenal complet de sanctions, y compris des mesures 79 Site Internet des Echos, 5 décembre 2007,
http://archives.lesechos.fr/archives/2007/lesechos.fr/12/05/300224008.htm
80 Besson (2008), op. cit.
90
préventives et correctives (on peut imaginer à cet égard l'interdiction de prendre part
à toute compétition européenne ou même, avec l'accord des fédérations nationales,
une relégation administrative dans la division inférieure du championnat national) ;
veiller à la transparence des flux financiers à l'occasion des opérations de transferts.
L'organe de contrôle de gestion européen serait composé d'experts de
différentes nationalités, reconnus au niveau international et travaillerait en étroite
collaboration avec l'UEFA, qui lui fonderait sa légitimité et fournirait les moyens
nécessaires à son fonctionnement.
A cet égard, il faut bien reconnaître que la position de l'UEFA et de Michel Platini
demeure pour le moins ambigüe. Le 22 novembre, le président de l'UEFA annonçait
dans l'Equipe81, alors même que Frédéric Thiriez, président de la LNF, avait affirmé
quelques jours plus tôt avoir reçu son soutien, qu'il était contre l'idée d'une DNCG
européenne. Rejoignant en cela le président de la Premiere League anglaise, Richard
Scudamore, dans sa condamnation d'une telle initiative, M. Platini déclarait alors :
«Pour une fois, je suis d'accord avec les Anglais. Je rejoins un peu ce qu'ils disent,
quand ils refusent une DNCG supranationale. Il n'est pas, et il n'a jamais été, dans nos
intentions d'aller observer les comptes des clubs anglais ou autres et de réglementer
leurs compétitions. C'est le problème de leurs fédérations ou de leurs ligues. Nous, ce
que nous voulons, c'est protéger la régularité et la transparence de nos propres
compétitions, en instaurant un fair-play financier. Mais, je le répète, on n'a pas à entrer
dans la gestion des fédérations et des ligues vis-à-vis de leurs clubs.»
Dans cette interview, l'ancien meneur de jeu de l'Equipe de France paraît très
clair dans son refus de la création d'une entité supranationale de contrôle de gestion.
Le 19 février dernier pourtant, il s'est montré moins catégorique au micro de RTL82. Se
refusant certes toujours à «s'immiscer dans les affaires des ligues françaises,
italiennes, anglaises, etc.», il évoque toutefois la création «(d')une commission qui
regarderait les comptes et dirait: ''ça, ça va, ça, ça ne va pas, eux sont en déficit, eux on
peut travailler avec eux». Cette commission pourrait sanctionner les mauvais 81 L'Equipe du 22 novembre 2008
82 Site Internet de L'Equipe, 20 février 2009, http://www.lequipe.fr/Football/20090220_103354_pas-de-
dncg-mais-presque.html
91
gestionnaires en les privant en moyen terme d'une participation aux compétitions
européennes dans le cas où il ne régulariseraient pas leur situation sous un délai de
deux ou trois moins. Michel Platini reste toutefois évasif quant au statut de l'organe, ses
attributions exactes et son mode de fonctionnement. Cela ne manque pas d'interroger
sur l'avancement réel du projet, qui ressemble plus à une première esquisse destinée à
prendre le pouls des clubs européens sur la question. Aussi, la DNCG européenne ne
paraît pas pouvoir se faire sans l'aval des clubs, lesquels sont pour le moment, et
malgré la conjoncture morose, opposés à une immixtion de l'UEFA dans leur gestion.
92
Conclusion
Nous avons cherché à démontrer que la libéralisation du marché des contrats
des footballeurs européens a accéléré l'avènement du sport en tant qu'industrie.
L'irruption de la logique économique dans le football a provoqué une concurrence
internationale qui est à l'origine du resserrement de l'élite sportive autour des quelques
clubs les plus puissants. Le football européen ne nous semble pas pouvoir
s'accommoder des déséquilibres dans lesquels il évolue depuis l'arrêt-Bosman.
Il ne s'agit pas de nier le poids du sport dans l'économie. Les contempteurs du
« foot-business » ont, à cet égard, beau jeu de réclamer un retour au football populaire,
au football « d'avant ». L'arrivée de nouveaux investisseurs a beaucoup fait pour le
développement international de ce sport, notamment pour son exposition médiatique. Il
est contradictoire (ou égoïste), lorsqu'on aime le football, d'être nostalgique d'une
époque où il n'était visible que par ceux qui avaient l'opportunité de se rendre
régulièrement au stade. Dans un monde qui se globalise, il est normal que le sport
universel par excellence fasse l'objet d'une couverture mondiale qui, elle-même,
implique de se conformer à certaines réalités économiques. Il ne s'agit pas non plus de
revenir à une situation comparable à celle de l'avant-Bosman, dans laquelle l'archaïsme
et l'arbitraire des clubs présidaient aux relations que ceux-ci entretenaient avec les
joueurs. Il est par contre dans l'intérêt général de réfléchir à la manière dont le droit
communautaire doit s'appliquer au sport.
Ce qui fait l'une des spécificités essentielles du modèle sportif européen, c'est la
place accordée aux clubs et l'ancrage de ces derniers dans un territoire, dans sa culture
et son identité. L'on peut aimer un club parce qu'on aime l'un de ses joueurs, mais ce
qui fait généralement que des supporters sont attachés à une équipe, c'est
l'identification au territoire, à l'histoire du club et aux valeurs qu'il véhicule. Le marché
des contrats des joueurs de football n'est pas un marché comme les autres. Nous
l'avons vu, les joueurs y sont en position de force, dans la mesure où le talent est très
rare et donc très recherché. Le fait pour les joueurs de pouvoir circuler aussi librement
que cela sera le cas lorsque la jurisprudence Webster fonctionnera à plein régime
93
remettra encore un peu plus en cause l'identité des clubs.
La logique de la Commission Européenne s'inscrit pourtant dans la volonté de
donner une liberté toujours plus grande aux joueurs. A court terme, cela se traduira par
un resserrement encore plus manifeste de l'élite du football européen. Le football
anglais de clubs domine aujourd'hui outrageusement l'Europe et le marché tend à
alourdir cette tendance plutôt qu'à la réguler. Le football, comme tous les sports, est
encadré par un ensemble de règles du jeu permettant d'instaurer une équité entre les
différents concurrents. C'est cette valeur fondamentale, constitutive du mouvement
sportive qui est aujourd'hui remise en cause. C'est elle, plus que son rôle éducatif et
social, mis en avant dans le traité de Lisbonne83, qui fonde la spécificité du sport. C'est
donc elle qu'il faudrait s'attacher à préserver par la mise en place d'un certain nombre
de régulations.
La règle « 6+5 » est une piste intéressante. Elle contribuerait à rétablir l'équilibre
entre compétitions de clubs et compétitions nationales. Dans le même temps, elle
permettrait aux clubs de championnats plus faibles économiquement de garder leurs
meilleurs éléments quelques années de plus. En outre, elle ne semble pas forcément
contraire au droit communautaire, ainsi que le montre le récent rapport de l'INEA. Alors
que l'harmonisation fiscale au sein de l'Union Européenne n'est pas à l'ordre du jour, la
mise en place d'un contrôle de gestion à l'échelle européenne pourrait en outre veiller à
l'application d'un certain nombre de règles communes à tous les clubs européens.
Ces réformes pourront difficilement être mises en place par les seules
fédérations internationales qui doivent faire face aux réticences des clubs. C'est donc
au pouvoir politique de les soutenir. A ce titre, la Commission Européenne doit, dans
une certaine mesure, réviser sa conception (ou plutôt son absence de conception) du
sport. Sans cela, le sport deviendra, à moyen terme, une industrie comme les autres.
83 L'article 149 du traité de Lisbonne en cours de ratification énonce :« L'Union contribue à la promotion
des enjeux européens du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées
sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative. »
94
Bibliographie
Ouvrages :
Manuel d'économie du sport :
Bourg (Jean-François), Gouguet (Jean-Jacques), Economie politique du sport
professionnel : L'éthique à l'épreuve du marché, Vuibert, 2006, 312 pages.
Ouvrage spécialisé concernant la liberté de circulation des sportifs :
Pautot (Michel), Sportifs, transferts et liberté de circulation, Litec, 2001, 134
pages.
Articles :
Articles réunis dans l'ouvrage :
Gouguet (Jean-Jacques) sous la direction de., Le Sport Professionnel Après
l'Arrêt Bosman : Une Analyse Economique, Presses Universitaires de Limoges,
2005, 219 pages
Bolotny (Frédéric), «Donnée de cadrage sur le football en Europe», pp.
31 à 42.
Lavoie (Marc), «Faut-il transposer à l'Europe les instruments de
régulation du sport professionnel nord-américain ?», pp. 73 à 86.
Lanfranchi (Pierre), Taylor (Matthew), « Bosman : A Real Revolution ?»,
pp. 95 à 112.
Gouguet (Jean-Jacques) et Primault (Didier), « Analyse économique du
fonctionnement du marché des transferts dans le football
professionnel »,, pp. 113 à 142.
Rouger (Arnaud), “Limitation des effectifs vs limitation des salaires : une
95
nouvelle forme de salary cap ?”, p. 209.
Autres articles en Français :
Miège (Colin), « Le sport dans l'Union Européenne : entre spécificité et exception
? », site Internet du Centre d'Etudes Européennes de Strasbourg, 2005,
www.cees-europe.fr/fr/etudes/revue9/r9a11.doc
Autres articles en Anglais :
Rottenberg (Simon), « The Baseball Players' Labor Market », Journal of Political
Economy, juin 1956.
Scully (Gerard), « The Market Structure Of Sports », Chicago, The University Of
Chicago Press, 1995.
Grier (K.B.) et Tollison (R.D), «The rookie draft and competitive balance : the
case of professionnal footbal», Journal of Economic behavior and organization,
vol. 25, n°2, , 1994, pp. 293 à 298.
Lago (U.), Simmions (R.), Szymanski (Stefan), «The Financial Crisis in European
Football, An Introduction», Journal of Sports Economics, vol. 7 no 1, février
2006, pp. 3 à 12.
Hoen (Hoen), Szymanski (Stefan), «European football – The Structure of
Leagues and Revenue Sharing», avril 1999.
Périodiques :
Périodiques spécialisés dans le sport :
L'Equipe
France Football
Le 10 Sport
etc.
Périodiques généralistes :
96
Le Monde
Les Echos
etc.
Sites Internet :
Site internet de la FIFA : http://www.fifa.com
Site internet de l'UEFA : http://www.uefa.com
Site internet de l'Equipe : http://www.lequipe.fr
Site internet du 10 Sport : http://www.10sport.fr
Site internet de France Football : http://www.francefootball.fr
Site internet de France 24 : http://www.france24.com
Site internet de Challenges : http://www.challenges.fr
etc.
Rapports :
Rapports officiels :
Besson (Eric), Rapport gouvernemental « Accroître la compétitivité des clubs de
football professionnel français », novembre 2008, 164 pages.
Rapports d'experts :
Institute for European Studies, «Expertise juridique sur la compatibilité de la
“règle du 6+5” avec les législations du droit communautaire (bref condensé)»,
février 2009, 16 pages.
Arrêts de jurisprudence :
Arrêts du Conseil d'Etat :
Conseil d’Etat, n° 219646, 30 décembre 2002, « Fédération française de
97
Basket-Ball ».
Arrêts de la Cour de Justice des Communautés européennes :
CJCE, aff. C-36/74, 12 décembre 1974, « Walrave et Kock c/ UCI ».
CJCE, aff. C-13/76, 14 juillet 1976, « Donà c/ Mantero ».
CJCE, aff. C-415/93 , 15 décembre 1995, « URBSFA c/ Jean Marc Bosman ».
CJCE, aff. C-176/96, 13 avril 2000, « Lehtonen c/ ASBL ».
CJCE, aff. C-438/00, 8 mai 2003, « Deutscher handballbund c/ Marios Kolpak ».
CJCE, aff C-265/03, 12 avril 2005, « Simutenkov c/ Real Federacion Espanola
de Futbol ».
98
Annexes
Annexe 1
Extraits du Traité de Rome instituant la Communauté Européenne
Article 59
Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services
à l'intérieur de la Communauté sont progressivement supprimées au cours de la
période de transition à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un
pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.
Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut étendre le
bénéfice des dispositions du présent chapitre aux prestataires de services ressortissant
d'un État tiers et établis à l'intérieur de la Communauté.
Extraits du traité CE en cours de ratification (traité de Lisbonne)
Article 12 (ex article 7)
Dans le domaine d'application du présent traité, et sans préjudice des dispositions
particulières qu'il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la
nationalité.
Le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation de l'Assemblée,
peut prendre, à la majorité qualifiée, toute réglementation en vue de l'interdiction de ces
discriminations.
Article 39 (ex article 48)
1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de la Communauté
99
2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les
travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les
autres conditions de travail.Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées
par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique ;
3. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux emplois dans
l'administration publique.
a)de répondre à des emplois effectivement offerts;
b)de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres;
c)de séjourner dans un des États membres afin d'y exercer un emploi conformément
aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des
travailleurs nationaux;
d)de demeurer, dans des conditions qui feront l'objet de règlements d'application établis
par la Commission, sur le territoire d'un État membre, après y avoir occupé un emploi.
Article 81 (ex article 85)
1. Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre
entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques
concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui
ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la
concurrence à l'intérieur du Marché commun, et notamment ceux qui consistent à :
a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres
conditions de transaction ;
b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement
technique ou les investissements ;
c) répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ;
d) appliquer, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales
à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage
100
dans la concurrence ;
e) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires,
de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages
commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats.
2. Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont nuls de plein droit.
3. Toutefois, les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables :
- à tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises,
- à toute décision ou catégorie de décisions d'associations d'entreprises et
- à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées
qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir
le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie
équitable du profit qui en résulte, et sans :
a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas
indispensables pour atteindre ces objectifs ;
b) donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des
produits en cause. d'éliminer la concurrence.
Article 82 (ex article 86)
Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce
entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs
entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun
ou dans une partie substantielle de celui-ci.
Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à :
a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou
d'autres conditions de transaction non équitables ;
101
b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au
préjudice des consommateurs;
c) appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à
des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage
dans la concurrence ;
d) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires
de prestations supplémentaires, qui, par leur nature ou selon les usages
commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats.
Article 149 :
L'Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, tout en tenant
compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que
de sa fonction sociale et éducative.
102
Table des matières
SOMMAIRE :.................................................................................................................. 5
INTRODUCTION ............................................................................................................ 6
I- Les aspects juridiques de la libéralisation du football européen : l'arrêt Bosman et ses
suites ............................................................................................................................. 9
A) L'arrêt Bosman : une révolution juridique ? .......................................................... 10
Section 1 - Un historique de l'avant-Bosman ...................................................... 10
Paragraphe 1 – De 1925 à 1973, le strict encadrement des transferts ............ 11
Paragraphe 2 – De 1975 à 1995 : L'assouplissement progressif des règlements
en matière de transferts ................................................................................... 13
1) La jurisprudence de la CJCE : les arrêts Walrave & Koch et Donà ......... 14
2) L'action ambiguë de la Commission Européenne ................................... 15
Section 2 – L'arrêt Bosman ................................................................................ 18
Paragraphe 1 - Les faits et la procédure .......................................................... 18
1) Les faits ................................................................................................... 18
2) La procédure ........................................................................................... 19
Paragraphe 2 : La portée juridique de l'arrêt Bosman ...................................... 21
1) La fin de l'exception sportive ? ................................................................ 22
2) La position de la Commission Européenne ............................................. 23
B) Les suites juridiques de l'arrêt Bosman ............................................................... 25
Section 1 – Les extensions de l'arrêt Bosman ..................................................... 26
Paragraphe 1 – L'extension de la liberté de circulation des sportifs à des
ressortissants n'appartenant pas à l'Espace Economique Européen................ 26
1) L'arrêt Malaja ........................................................................................... 27
2) La portée de l'arrêt Malaja ....................................................................... 29
Paragraphe 2 – La rupture unilatérale du contrat et l'arrêt Webster ................. 33
1) La rupture unilatérale du contrat par le joueur dans le règlement de la FIFA
sur les transferts .......................................................................................... 34
2) L'arrêt Webster ........................................................................................ 36
Section 2 - Les limitations apportées à la liberté de circulation des footballeurs
professionnels ...................................................................................................... 38
Paragraphe 1 – Les limitations à la liberté de circulation concernant les
compétitions entre équipes nationales ............................................................. 38
2) La protection des équipes nationales par la jurisprudence sportive ........ 40
Paragraphe 2 – Les limitations à l'arrêt Bosman concernant les périodes de
transfert : l'arrêt Lehtonen ................................................................................ 41
1) Les faits .................................................................................................. 41
2) Décision et portée .................................................................................. 42
II – Le football européen de l'après-Bosman ................................................................ 44
A) L'arrêt Bosman a bouleversé les équilibres traditionnels du football européen .... 45
Section 1 - La remise en en cause des modèles économiques ........................... 46
Paragraphe 1 – Une croissance économique sans précédent ......................... 46
1) L'explosion des droits télévisuels ............................................................. 46
2) Le football européen vers l'industrie des loisirs ? ..................................... 48
Paragraphe 2 – Les conséquences de la dérégulation du marché du travail
dans le football professionnel........................................................................... 50
1) L'accroissement de la mobilité internationale des joueurs professionnels 51
2) L'inflation des salaires et du prix des transferts........................................ 53
Section 2- Les atteintes à l'équilibre compétitif .................................................... 54
Paragraphe 1 - L'impact de l'arrêt Bosman sur les compétitions nationales et
européennes .................................................................................................... 55
1) L'impact de l'arrêt Bosman sur les compétitions nationale ....................... 55
2) L'impact de l'arrêt Bosman sur les compétitions européennes ................. 57
Paragraphe 2 – La corrélation entre puissance financière et résultats sportifs . 58
1) Il existe un lien entre résultats et richesse... ............................................ 58
2) ... mais ce lien n'est pas nécessaire et mérite d'être nuancé ................... 59
3) Une analyse empirique des derniers succès de grands clubs européens 62
B) Un autre football est-il possible ou quelles nouvelles régulations pour le football
professionnel européen ? ......................................................................................... 63
Section 1 - Des réformes inspirées du modèle américain.................................... 64
Paragraphe 1 - Une rapide description des deux modèles d'organisation du
sport professionnel .......................................................................................... 64
1) Le modèle européen ................................................................................ 64
2) Le modèle américain ............................................................................... 65
Paragraphe 2 - L'impossible transposition du modèle américain ..................... 68
1) Faut-il fermer les ligues européennes ? ................................................... 68
2) Une draft du football européen ? ............................................................. 71
3) L'instauration d'un salary cap .................................................................. 72
Section 2 – Quelques pistes originales de réforme du football européen ......... 76
Paragraphe 1 - Une tentative de réglementation du marché du travail : la règle
du 6+5 ............................................................................................................. 77
1) La règle du 6+5 ..................................................................................... 78
2 - La position de la Commission européenne ............................................. 80
3 - Le règlement UEFA sur la composition des effectifs ............................... 81
Paragraphe 2 - La moralisation de la gestion des clubs de football européen :
la mise en place d'un contrôle de gestion à l'échelle européenne .................... 84
1) L'exemple d'un contrôle de gestion à l'échelle nationale : la DNCG
française ...................................................................................................... 84
2) Le bilan paradoxal de la DNCG ............................................................... 86
3) La « DNCG européenne », une utopie ?.................................................. 87
Conclusion .................................................................................................................. 90
Bibliographie ................................................................................................................ 92
Annexes ....................................................................................................................... 96