Les bifurcations de l’application logistiquerechtman/Documents/A...1 Historique de l’application...

49
Les bifurcations de l’application logistique Seigneur Agathe sous la direction de Rechtman Ana Septembre 2012 1

Transcript of Les bifurcations de l’application logistiquerechtman/Documents/A...1 Historique de l’application...

  • Les bifurcations de l’application logistique

    Seigneur Agathe sous la direction de Rechtman Ana

    Septembre 2012

    1

  • Table des matières

    Introduction 3

    1 Historique de l’application logistique 4

    2 Conjugaison topologique 62.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62.2 Points fixes et orbites périodiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62.3 Conjugaison topologique de ga et fc . . . . . . . . . . . . . . . . 7

    3 Bifurcations 103.1 Définition et propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103.2 Bifurcations et points fixes de fc . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123.3 Bifurcations et points fixes de ga . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

    4 Classification des bifurcations 244.1 Bifurcation selle-nœud . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 244.2 Bifurcation par doublement de la période . . . . . . . . . . . . . 254.3 Diagramme de bifurcation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

    5 Le point et la constante de Feigenbaum 295.1 Points fixes super attractifs et point de Feigenbaum . . . . . . . 295.2 La constante de Feigenbaum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 335.3 Calcul de la constante de Feigenbaum . . . . . . . . . . . . . . . 34

    6 Au-delà du point de Feigenbaum 376.1 Adresses du diagramme de bifurcation et comportement de gs∞ . 376.2 Le diagramme de bifurcation au point de Feigenbaum . . . . . . 446.3 L’auto-similarité du diagramme de bifurcation . . . . . . . . . . . 45

    Bibliographie 49

    2

  • Introduction

    L’application logistique est l’application ga qui à x associe ax(1 − x) aveca ∈ [0, 4]. Elle est définie sur l’intervalle [0, 1] et prend ses valeurs dans [0, 1].L’ensemble de départ et l’ensemble d’arrivée sont identiques, l’application lo-gistique peut donc être itérée, c’est-à-dire être appliquée plusieurs fois de suite.Cela permet de définir par récurrence la suite (un)N définie par u0 ∈ [0, 1] etun+1 = ga(un). Cette suite permet entre autres de prévoir l’évolution des popula-tions. Nous développerons, dans une première partie, l’utilisation de l’applicationlogistique ainsi que son historique.

    Cette application est un système dynamique dont la particularité est dedépendre d’un paramètre a. C’est donc tout naturellement que nous étudions gaen fonction de a. Afin de simplifier cette étude, il nous semble utile d’introduireune fonction équivalente à ga, ce qui nous amènera à aborder, dans une deuxièmepartie, la notion de conjugaison topologique.

    Nous remarquons ensuite que pour des valeurs de a particulières , l’applicationlogistique change de dynamique. La recherche de ces valeurs appelées bifurcationsconstituera la troisième partie de notre travail. Leur classification et la définitiondu diagramme de bifurcations seront l’objet de la réflexion suivante.

    L’étude de ce diagramme dans la cinquième section, nous fera découvrir alorsdeux nouveaux objets mathématiques : le point et la constante de Feigenbaum.

    Enfin, nous terminerons sur l’étude du diagramme de bifurcation au point deFeigenbaum ainsi que sur l’auto-similarité de ce diagramme.

    Avant toutes choses, afin d’éviter toute ambigüıté dans la notation, il estnécessaire de préciser que fn représente la n-ième itérée d’une application f .

    3

  • 1 Historique de l’application logistique

    L’application logistique ga = ax(1−x) a pour principal intérêt la modélisationde l’évolution des populations. Elle a été proposée en 1838 par Pierre FrançoisVerhulst, mathématicien belge (1804-1849), afin de modéliser de manière nonexponentielle l’évolution des populations. Ce nouveau modèle vient en réaction aumodèle de Thomas Malthus (économiste britannique 1766-1834) qui prévoit unecroissance exponentielle de la population. En effet, pour Malthus, chaque année,la population augmente dans un rapport fixe : un+1 = run où un représente lapopulation de l’année n et r le taux de croissance de la population. La fonctionassociée à cette suite est : f(x) = rx. Ce modèle exponentiel prévoit doncune évolution infinie de la population et par conséquent, correspond mal à laréalité. Effectivement, aucun frein à l’évolution (pénurie de nourriture, maladie)n’est pris en compte. La correction du modèle de Malthus s’impose alors enprenant en compte ces freins. C’est ainsi que le modèle de Verhulst se base sur lanourriture disponible. Cela introduit une population maximum P qui est atteintelorsque toute la nourriture est épuisée. Si une année, la population est égaleà P , l’année suivante la population est nulle. Cette situation se modélise par :un+1 = run(P − un) où la fonction associée est g(x) = rx(P − x). Le facteur rxreprésente l’augmentation de la population tandis que (P − x) correspond à sadiminution due à des facteurs extérieurs. Cette dernière expression peut êtresimplifiée. Elle s’écrit alors g(x) = rxP (1− xP ). En posant y =

    xP , on obtient :

    g(y) = ryP 2(1− y) = ay(1− y),

    avec a = rP 2. La population doit être ainsi assimilée à un nombre comprisentre 0 et 1, où 0 correspond à son extinction et 1 à son maximum. De plus, lapopulation maximale est égale à g( 12 ) =

    a4 . Ainis, 0 ≤

    a4 ≤ 1, soit 0 ≤ a ≤ 4.

    L’application g définie par

    g(y) = ay(1− y) a ∈ [0, 4]

    est l’application logistique qui prend ses valeurs dans l’intervalle [0, 1] et qui està valeur dans [0, 1].

    Après sa découverte par Pierre François Verhulst, l’application logistique aété oubliée jusqu’au début du XX-ième siècle. Des mathématiciens biologistes,dans les années 1920, travaillent sur l’évolution de différentes populations ani-males et constatent que les populations évoluent différemment d’une espèce àl’autre : certaines se stabilisent tandis que d’autres suivent des cycles régulierset enfin d’autres fluctuent de manière aléatoire. De quoi dépend cette évolution ?L’application logistique réapparait alors pour tenter de répondre à cette question.Toujours dans le même but, dans les années 1970, James Yorke (mathématicienaméricain) et Robert May (physicien australien), tous deux écologistes, vonttrouver la réponse. Pour eux, l’évolution de chaque population animale se calculeà l’aide de l’application logistique g(y) = ay(1− y) et dépend de la valeur de a.En effet, pour certaines valeurs de a, le comportement de l’application change de

    4

  • manière significative. Plus tard, ces paramètres sont appelés bifurcations. Pourplus de clarté, May compile ses résultats dans un graphique, c’est le début dudiagramme de bifurcation. Il remarque que jusqu’à un certain point, la populationconverge vers une valeur, puis deux, puis quatre, etc. Au delà de ce point, cecomportement prévisible s’arrête, c’est le chaos.

    Par ailleurs, à la même période, Mitchell Feigenbaum, physicien, s’intéresse àson tour à l’application logistique dans le cadre de recherche sur la turbulence.Dans un premier temps, il fait les mêmes constatations que Robert May : ilexiste des valeurs de a pour lesquelles le comportement de l’application logistiquechange. Puis durant l’été 1975, il assiste à une conférence sur la transition entrela périodicité et le chaos qui le pousse à étudier l’application logistique sous unangle différent. Il admet les bifurcations et il se concentre sur la distance entredeux bifurcations successives. Il remarque alors que le rapport de deux distancessuccessives converge. Il reprend son étude sur d’autres applications dépendantd’un paramètre et constate que le rapport entre deux périodes converge toujoursvers le même nombre. C’est la découverte de la constante de Feigenbaum.

    Finalement, dans les années 1980, la théorie du chaos et la constante de Feigen-baum se retrouvent dans des systèmes physiques notamment en hydrodynamique,en électronique, en acoustique.

    5

  • 2 Conjugaison topologique

    Afin d’analyser l’application logistique ga, il nous semble utile d’introduireune fonction dont l’étude est plus simple. Dans ce but, avant toute chose, il estnécessaire de définir la notion de conjugaison topologique.

    2.1 Définition

    Définition 2.1 Soient X et Y deux espaces topologiques et soient f : X → Xet g : Y → Y deux applications continues. Les applications f et g sont topo-logiquement conjuguées s’il existe un homéomorphisme Φ : Y → X tel quef ◦ Φ = Φ ◦ g

    L’homéomorphisme Φ peut être assimilé à un changement de variables. Lesapplications f et g jouent les rôles de deux matrices semblables A et B. Toutcomme dans le cas des matrices, les applications f et g ont les mêmes propriétésdynamiques, énoncées par la suite.

    Deux applications topologiquement conjuguées ont donc le même compor-tement. Elles ont, entres autres, le même nombre de points fixes et d’orbitespériodiques.

    2.2 Points fixes et orbites périodiques

    Définition 2.2 Un point fixe d’une application f est un point invariant par f ,c’est-à-dire un point p tel que f(p) = p.

    L’ensemble des points fixes est composé, entre autres, de points fixes attractifset de points fixes répulsifs.

    Définition 2.3 Un point fixe attractif (ou stable) de f est un point fixe p de ftel qu’il existe un voisinage de p tel que pour tout u0 dans ce voisinage la suite(un)N, définie par u0 et un+1 = f(un), converge vers p.

    Proposition 2.4 Soient I un intervalle et f : I → I une application de classeC1 admettant un point fixe p. Si |f ′(p)| < 1, alors p est attractif.

    Démonstration. Par hypothèse, nous avons :

    |f′(p)| = lim

    u0→p|f(p)− f(u0)

    p− u0| < 1.

    Pour u0 suffisamment proche de p, on a |f(p)− f(u0)| < |p− u0|.Comme p est fixe, nous obtenons |p− f(u0)| < |p− u0|.Pour un u0 proche de p, f(u0) est encore plus proche de p. En répétant cetargument, f2(u0) sera encore plus proche de p, etc. Ainsi, la suite (un)N, définiepar u0 et un+1 = f(un), converge vers p. Le point p est donc attractif.

    �Au contraire, un point fixe peut être répulsif.

    6

  • Définition 2.5 Un point fixe p de f est répulsif (ou instable) si :

    ∀x0 ∃� tel que si |p− x0| < � alors |p− f(x0)| >> 0 .

    Proposition 2.6 Soit f : I → I une application C1 admettant un point fixe p.Si |f ′(p)| > 1, alors p est répulsif.

    La démonstration de cette propriété est une adaptation évidente de celle de laproposition 2.4.

    Remarque 2.7 Si |f ′ | = 1, nous ne pouvons pas conclure quant à la nature dupoint fixe. De plus, un point fixe ni attractif, ni répulsif est dit neutre.

    Pour résumer, un point fixe p est attractif si la suite (fn(x))N , x dans unvoisinage de p, converge vers p tandis qu’il est répulsif si cette suite s’en éloigne.Cependant, on remarque que la suite (fn(x))N ne converge pas nécessairementvers un seul point mais peut osciller entre deux ou plusieurs valeurs. On parlealors d’orbites périodiques.

    Définition 2.8 Lorsque la suite (fn(x))N oscille entre n valeurs, on dit quef a une orbite périodique de période n. Cela signifie que la suite de pointsu0, u1, ..., un−1, définie par tous les ui sont différents et f(ui) = ui+1 pouri ∈ 0, ..., n− 1 avec les indices pris modulo n, vérifie fn(ui) = ui,∀i.

    Ainsi, les n éléments d’une orbite de période n correspondent aux pointsfixes ”propres” de fn, c’est-à-dire les points fixes qui ne sont fixes que pour fn.Comme les points fixes peuvent être attractifs ou répulsifs, une orbite périodiqueest soit attractive soit répulsive. Si ui, i = 0, 1, ..., n sont les n points fixes defn et si |(fn)′(ui)| < 1,∀i, alors f a une orbite périodique attractive de périoden. En revanche, si |(fn)′(ui)| > 1, ∀i, l’orbite périodique est répulsive. Nous nepouvons pas conclure si |(fn)′(ui)| = 1, ∀i.

    2.3 Conjugaison topologique de ga et fc

    Nous introduisons désormais l’application fc définie par

    fc :[−a

    2,a

    2

    ]→

    [−a

    2,a

    2

    ]x 7→ x2 + c,

    avec c ∈ R qui est topologiquement conjuguée à l’application ga définie par

    ga : [0, 1] → [0, 1]x 7→ ax(1− x),

    avec a ∈ [0, 4]. Cette nouvelle application va ainsi nous permettre une étude plussimple par la suite.

    7

  • Proposition 2.9 Considérons pour un c ∈ R donné, l’application fc définiepar :

    fc :[−a

    2,a

    2

    ]→

    [−a

    2,a

    2

    ]x 7→ x2 + c

    Les applications ga et fc sont topologiquement conjuguées par l’homéomorphismeΦ défini par :

    Φ : [0, 1] →[−a

    2,a

    2

    ]x 7→ a

    2(1− 2x).

    Les paramètres a et c sont liés par : c = a2 (1−a2 ).

    Démonstration. Soit Φ : [0, 1]→ I où I est un intervalle.D’après la définition de conjugaison topologique, et comme ga et fc sont conti-nues, nous cherchons Φ : [0, 1]→ I tel que fc ◦ Φ = Φ ◦ ga.Posons Φ(x) = a2 (1− 2x).

    fc ◦ Φ(x) = fc(a

    2(1− 2x)

    )=

    (a2

    (1− 2x))2

    + c

    =a2

    4

    (1− 4x+ 4x2

    )+ c

    =a2

    4− a2x+ a2x2 + c;

    Φ ◦ ga(x) = Φ (ax(1− x))

    =a

    2(1− 2ax(1− x))

    =a

    2− a2x+ a2x2;

    D’où

    a2

    4− a2x+ a2x2 + c = a

    2− a2x+ a2x2

    c =a

    2− a

    2

    4

    c =a

    2

    (1− a

    2

    ).

    Ainsi, pour c = a2 (1 −a2 ), l’homéomorphisme Φ défini de [0, 1] dans I par

    8

  • x 7→ a2 (1− 2x) conjugue les applications fc et ga.De plus, I = Φ([0, 1]). Comme Φ(0) = a2 et Φ(1) = −

    a2 , nous obtenons

    I = [−a2 ,a2 ].

    Remarque 2.10 L’application Φ est non seulement un homéomorphisme maisc’est aussi un difféomorphisme.

    Les comportements de ga et fc sont ainsi identiques ce que nous décrivonsdans les propositions suivantes.

    Proposition 2.11 Si x est un point fixe de ga, alors Φ(x) est un point fixede fc.

    Démonstration. Comme fc et ga sont topologiquement conjuguées nous avons

    fc ◦ Φ(x) = Φ ◦ ga(x).

    Comme x est fixe pour ga, nous obtenons :

    fc ◦ Φ(x) = Φ(x).

    Ainsi, Φ(x) est fixe pour fc.�

    Proposition 2.12 Les points fixes de ga et fc sont de même nature.

    Démonstration. Soit x un point fixe de ga. D’après la proposition précédente,Φ(x) est un point fixe de fc. Nous avons

    fc ◦ Φ(x) = Φ ◦ ga(x).

    Comme nous l’avons remarqué précédemment, Φ est un difféomorphisme ce quinous permet d’obtenir :

    Φ′(x).f ′c(Φ(x)) = g′a(x).Φ

    ′(ga(x)).

    Comme x est fixe pour ga nous obtenons :

    Φ′(x).f ′c(Φ(x)) = g′a(x).Φ

    ′(x)

    f ′c(Φ(x)) = g′a(x).

    Les propositions 2.4 et 2.6 permettent de conclure que Φ(x) et x sont de mêmenature.

    �Ces deux propositions se généralisent évidemment et facilement. Deux appli-

    cations topologiquement conjuguées ont le même nombre de points fixes et cespoints fixes sont de même nature.

    9

  • 3 Bifurcations

    Désormais, nous ne considérons plus ga et fc comme de simples applicationsmais comme des familles d’applications dépendant d’un paramètre. Les variationsde ce dernier vont entrâıner une modification significative de la dynamique desapplications, ce qui donne naissance à des bifurcations. Ici, nous nous intéressonsaux paramètres a ∈ [0, 4] et c ∈ [−2, 14 ].

    3.1 Définition et propriétés

    Définition 3.1 Une famille d’applications Fc : X → X dépendant d’un pa-ramètre c admet une bifurcation en c0 si pour tout � > 0, il existe c appartenantà (c0 − �, c0 + �) tel que Fc et Fc0 ne sont pas topologiquement conjuguées.

    En d’autres termes, une bifurcation apparait lorsqu’une légère modification de lavaleur du paramètre entrâıne un changement du comportement de l’application.

    Proposition 3.2 Soient X un espace topologique et Fc : X → X une familled’application dépendant d’un paramètre.L’ensemble B des valeurs des bifurcations de Fc est un fermé.

    Démonstration. Afin de montrer que B est un fermé, montrons que soncomplémentaire est un ouvert.BC= { ensemble des valeurs c pour lesquelles Fc n’ a pas de bifurcations }Soit c ∈ BC , d’après la définition d’une bifurcation, il existe un voisinage ouvertV de c où Fc n’a pas de bifurcations. Pour tout c de B

    C , V est donc contenudans BC . Ainsi, BC est un ouvert.

    �Deux applications topologiquement conjuguées ont, comme déjà évoqué dans

    la partie précédente, le même nombre de points fixes et d’orbites périodiques. Deplus, la nature de ces points et de ces orbites est identique. Ainsi, la naissance etle changement de nature d’un point fixe ou d’une orbite périodique engendrentune bifurcation.

    Etudions maintenant le critère d’apparition d’une bifurcation pour l’appli-cation fc définie précédemment. Ce critère se généralise à d’autres famillesd’applications dépendant d’un paramètre, mais nous nous contentons de ledémontrer pour fc.

    Proposition 3.3 L’application fc a une bifurcation en c0 si et seulement si ilexiste un point fixe p de fc0 tel que f

    ′c0(p) = ±1.

    Afin de démontrer cette proposition, nous avons besoin d’introduire la norme C1

    sur l’espace des fonctions continues et différentiables.Soient I un intervalle fermé et f : I → I une fonction continue. Comme f estbornée, la norme infinie est une norme naturelle :

    ||f ||L∞(I) := sup{|f(x)|, x ∈ I} .

    10

  • Supposons désormais que f est également différentiable. La norme infinie n’estplus adaptée. En effet, une série de fonctions continues et différentiables peut, aveccette norme, converger vers une fonction non différentiable. Nous introduisonsainsi la norme C1 :

    ||f ||C1(I) := ||f ||L∞(I) + ||f′||L∞(I) .

    Nous pouvons maintenant démontrer la proposition 3.3.

    Démonstration. Si fc a une bifurcation en c0, alors il existe un point fixe pde fc0 tel que f

    c0(p) = ±1.Nous allons montrer cette implication par contraposée : Si tout point fixe p defc0 est tel que f

    c0(p) 6= ±1 ; alors c0 n’est pas une bifurcation.Soit p tel que fc0(p) = p et f

    c0(p) 6= ±1.Soit c proche de c0, c ∈ [c0 − �, c0 + �] pour � > 0.Nous calculons dans un premier temps, la norme C1 de l’application fc0 − fc.

    fc0(x)− fc(x) = x2 + c0 − x2 − c = c0 − c

    f′

    c0(x)− f′

    c(x) = 2x− 2x = 0

    On a donc :

    ||fc0 − fc||C1(I) = ||fc0 − fc||L∞(I) + ||f′

    c0 − f′

    c||L∞(I) = |c0 − c|.

    Or, c est proche de c0. Donc ||fc0 − fc||C1 < �. Les applications fc0 et fc sont C1proches. Cela signifie que non seulement fc0 et fc sont proches, mais que leursdérivées le sont également.Comme fc0 et fc sont C

    1 proches et que f ′c0 6= ±1 est une condition ouverte, ilexiste q proche de p tel que f ′c(q) et f

    ′c0(p) soient proches. Les applications f

    ′c et

    f ′c0ont donc le même comportement pour les points fixes : f′c(q) 6= ±1. Il reste à

    montrer que fc et fc0 ont le même comportement, c’est-à-dire que fc(q) = q.Comme q est proche de p, montrer qu’il existe q tel que fc(q) = q revient àmontrer qu’il existe x suffisamment petit tel que fc(p − x) = p − x. Or, nousavons :

    fc0(p)− fc(p− x) = p2 + c0 − (p− x)2 − c= p2 + c0 − p2 + 2px− x2 − c= c0 + 2px− x2 − c.

    Nous cherchons x tel que fc0(p)− fc(p− x) = p− (p− x) = x. Nous obtenonsalors l’équation suivante :

    c0 + 2px− x2 − c = x

    −x2 + (2p− 1)x+ c0 − c = 0.

    ∆ = (2p− 1)2 + 4(c0 − c)

    11

  • Comme c0 est proche de c, ∆ est positif. Ainsi, les solutions sont

    x =(1− 2p)±

    √(2p− 1)2 + 4(c0 − c)−2

    =2p− 1±

    √4p2 − 4p+ 1 + 4c0 − 4c

    2.

    Or, c est proche de c0 , donc 4c est proche de 4c0 et 4c0 − 4c est proche de 0.Nous obtenons x ≈ 2p−1±

    √(2p−1)2

    2 , x = 0 ou x = 2p− 1.En considérant x = 0, nous avons trouvé un x suffisamment petit tel quefc0(p)− fc(p− x) = x ; soit fc(p− x) = p− x.Nous avons ainsi démontré que pour tout point fixe p de fc0 tel que f

    ′c0(p) 6= ±1,

    et pour tout c dans (c0 − �, c0 + �) , fc a le même comportement vis à vis despoints fixes que fc0 . Les applications fc et fc0 sont topologiquement conjuguées,c0 n’est donc pas une bifurcation.

    Il nous reste à démontrer l’implication inverse de la proposition 3.3 : s’ilexiste un point fixe p de fc0 tel que f

    ′c0(p) = ±1, alors c0 est une bifurcation.

    Soit p tel que fc0(p) = p et f′c0(p) = ±1.

    Soit c ∈ [c0 − �, c0 + �]. Comme déjà montré précédemment, fc et fc0 sont C1proches. Il existe donc q tel que fc(q) = q. De même, f

    ′c et f

    ′c0 sont proches. Mais,

    comme f ′c0 = ±1 est une condition fermée, f′c0(q) sera proche de 1 ou de −1 mais

    ne sera pas égale à ces deux valeurs (En effet, f ′c(p) = 2p = ±1 et f ′c(q) = 2q, qn’étant pas égal à p (q = p− x, x 6= 0), f ′c(q) 6= ±1). Ces deux applications ontdonc des comportements différents, elles ne sont pas topologiquement conjuguées.L’application fc admet donc une bifurcation en c0.

    �Nous pouvons désormais nous intéresser aux différentes bifurcations de fc.

    3.2 Bifurcations et points fixes de fc

    Proposition 3.4 L’application fc admet une première bifurcation en14 et une

    deuxième en − 34 .

    Démonstration. Nous allons tout d’abord chercher les points fixes de fc.

    fc(x) = x2 + c = x

    x2 − x+ c = 0∆ = 1− 4c

    Si c > 14 , il n’y a pas de solutions, donc pas de points fixes.

    Si c = 14 , il y a une solution, donc un point fixe : p =12 .

    Si c < 14 , il y a deux solutions, donc deux points fixes :

    p1 =1−√

    1− 4c2

    12

  • et

    p2 =1 +√

    1− 4c2

    .

    Ainsi, pour c ∈ ( 14 − �,14 + �), f 14 et fc n’ont pas le même nombre de points fixes.

    Elles ne sont pas topologiquement conjuguées. Il y a donc une bifurcation en 14 .

    Regardons la stabilité des points fixes pour c < 14 .

    f′

    c(x) = 2x

    |f′

    c(p2)| = |1 +√

    1− 4c| > 1

    Le point fixe p2 est répulsif pour toutes les valeurs de c <14 .

    Par ailleurs, p1 est un point fixe attractif si :

    |f′

    c(p1)| = |1−√

    1− 4c| < 1

    −1 < 1−√

    1− 4c < 1

    −2 < −√

    1− 4c < 0

    4 > 1− 4c > 0

    3 > −4c > −1

    −34< c <

    1

    4

    Le point fixe p1 est alors attractif pour − 34 < c <14 , il est répulsif pour c < −

    34 .

    Le point fixe p1 change de nature en − 34 , il y a donc une bifurcation en c = −34 .

    Ceci est d’autant plus vérifié par le critère précédent. En effet, f ′− 34(p1) = −1.

    Décrivons maintenant le comportement pour − 34 < c <14 de la suite (un)N

    définie par un+1 = fc(un) et u0 ∈ R.

    Proposition 3.5 [Dynamique de fc pour − 34 < c <14 ]

    1. Les points p1 et p2 sont fixes.

    2. Le point −p2 est envoyé sur p2.Considérons maintenant la suite (un)N définie par un+1 = fc(un) et u0 ∈ R,et l’intervalle I = [−p2, p2].

    3. Si u0 n’appartient pas à I, la suite (un)N diverge.

    4. Si u0 est à l’intérieur de I, la suite (un)N converge vers p1.

    13

  • Illustrons cette propriété par un exemple. Nous considérons l’application fcpour c = − 14 . Ainsi, p1 =

    1−√2

    2 ≈ −0, 2 et p2 =1+√2

    2 ≈ 1, 2.

    Figure 1 – Points fixes de l’application f− 14

    14

  • Figure 2 – Divergence de la suite (un)N, un+1 = f− 14 (un) et u0 = 1, 3

    Figure 3 – Convergence de la suite (un)N, un+1 = f− 14 (un) et u0 = 0, 4

    15

  • Sur ces trois figures, est représentée l’application fc pour c = − 14 . Les pointsfixes de cette application correspondent aux points d’intersection de la bissectricey = x avec le graphe de fc. La suite (un)N, précédemment définie, est construitepar récurrence à l’aide de la bissectrice y = x.

    La figure 1 illustre bien les points 1 et 2 de la proposition, la figure 2 le point3 et la figure 3 le point 4.

    Démonstration. 1. D’après la démonstration de la proposition, 3.4, nousavons :

    fc(p2) = p2,

    fc(p1) = p1.

    2.fc(−p2) = (−p2)2 + c = p22 + c = fc(p2) = p2

    3. Nous voulons montrer que si |x| > p2, fnc (x)→∞.Si

    x < −p2Sur ]−∞, 0], fc est décroissante, d’où

    fc(x) > fc(−p2)

    fc(x) > p2.

    Il suffit donc de regarder le cas x > p2.

    fnc (x)→∞ ⇔ fc(x)− p2 > x− p2

    ⇔ fc(x)− p2x− p2

    > 1

    ⇔ x2 − p22x− p2

    > 1

    ⇔ x+ p2 > 1

    Or, on a : x > p2 > 1. Donc x+ p2 > 1. Dés que |x| > p2, fnc (x)→∞.

    4. Nous voulons montrer que si x ∈ (−p2, p2), alors fnc (x)→ p1. Ceci est prouvédès lors que |fc(x)− p1| < |x− p1| et que fc(x) ∈ (−p2, p2). Or, nous avons :

    |fc(x)− p1| < |x− p1|∣∣∣fc(x)− p1x− p1

    ∣∣∣ < 1∣∣∣x2 − p21x− p1

    ∣∣∣ < 1|x+ p1| < 1

    16

  • −1 < x+ p1 < 1 .

    L’inégalité de gauche donne :

    p3 =−3 +

    √1− 4c

    2= −1− p1 < x ,

    et celle de droite donne :x < 1− p1 = p2 .

    Remarquons tout d’abord, que p3 est négatif pour − 34 < c <14 . En effet,

    −34

    < c

    3 > −4c4 > 1− 4c2 >

    √1− 4c

    −1 > −3 +√

    1− 4c

    0 > −12>−3 +

    √1− 4c

    2= p3.

    Il faut ensuite distinguer deux cas.Le premier est pour c ≤ 0. Ainsi, −p2 ≤ p3.Soit x ∈ (−p2, p3] :

    −p2 < x ≤ p3Comme l’application fc est décroissante sur ]−∞, 0], nous obtenons :

    p22 + c > x2 + c ≥ p23 + c.

    De plus, p2 est un point fixe de fc et p23 + c ≥ p3. D’où,

    p3 ≤ fc(x) < p2 , fc(x) ∈ [p3, p2).

    En réitérant cet argument, pour les itérations de f suivantes, nous obtenons quefnc (x) = f

    n−1c (fc(x)) converge vers p1 pour x ∈ (−p2, p2).

    Considérons le deuxième cas : c > 0, donc p3 < −p2.Si x ∈ (p3,−p2], alors

    p23 + c ≥ x2 + c > p2,

    donc,fc(x) > p2.

    Comme démontré dans le point 3, fnc (x) diverge. Le cas x ∈ [p3,−p2) pour c > 0est donc à exclure.En revanche, si x ∈ (−p2, p2), alors fnc (x) converge vers p1

    Proposition 3.6 L’application fc a une troisième bifurcation en − 54 .

    17

  • Démonstration. Le point fixe p1 change de stabilité en − 34 . Or, le changementde stabilité d’un point fixe donne naissance à une orbite périodique. Nous nousintéressons donc aux points fixes de f2c pour c < − 34 .

    f2c (x) = (x2 + c)2 + c

    (x2 + c)2 + c = x

    x4 + 2cx2 − x+ c2 + c = 0 (1)

    Or, p1 et p2 sont solutions car ils sont fixes pour fc et donc aussi pour f2c .

    De plus, nous avons :

    (x− p1)(x− p2) = x2 − x+ c .

    Nous pouvons ainsi factoriser l’expression 1 :

    x4 + 2cx2 − x+ c2 + c = (x2 − x+ c)(x2 + x+ c+ 1) .

    Chercher les points fixes de f2c revient à résoudre x2 + x+ c+ 1 = 0.

    Le discriminant de cette équation est :

    ∆ = −3− 4c .

    Pour c < − 34 , il y a donc deux solutions :

    q1 =−1−

    √−3− 4c2

    et

    q2 =−1 +

    √−3− 4c2

    .

    Les points q1 et q2 sont fixes pour f2c . L’application fc a une orbite périodique

    de période 2 pour c < − 34 .Afin de chercher la troisième bifurcation de fc, nous allons utiliser le critère dela proposition 3.3.

    (f2c )′(q1) = f

    c(q1)f′

    c(fc(q1))

    (fc)(q1) =

    (−1−

    √−3− 4c2

    )2+ c

    =1 + 2

    √−3− 4c− 3− 4c

    4+ c

    =−2 + 2

    √−3− 4c

    4

    =−1 +

    √−3− 4c2

    = q2.

    18

  • D’où,

    (f2c )′(q1) = f

    c(q1)f′

    c(q2)

    = (−1−√−3− 4c)(−1 +

    √−3− 4c)

    = 4 + 4c.

    De même, (f2c )′(q2) = 4 + 4c. Ainsi, nous avons :

    (f2c )′(q1) = (f

    2c )′(q2) = 4 + 4c.

    Or, d’après la proposition 3.3, c est un bifurcation si et seulement si 4 + 4c = −1,soit c = − 54 . Il y a donc une bifurcation en −

    54 .

    Comme pour les bifurcations précédentes, nous décrivons dans la propositionsuivante, que nous ne démontrons pas, la dynamique de fc pour − 54 < c < −

    34 .

    Proposition 3.7 [Dynamique de fc pour − 54 < c < −34 ]

    1. Les points p1 et p2 sont fixes.

    2. Le point −p2 est envoyé sur p2, q1 sur q2 et q2 sur q1. L’application fc aune orbite périodique de période 2.Considérons maintenant la suite (un)N définie par un+1 = fc(un) et u0 ∈ R,et l’intervalle I = [−p2, p2].

    3. Si u0 est à l’intérieur de I, (un)N tend vers l’orbite périodique de période 2.

    4. Si u0 n’appartient pas à I, (un)N diverge.

    Les figures ci-après illustrent les points 3 et 4 de cette proposition et

    représentent l’application fc pour c = −1. Ainsi, p1 = 1−√5

    2 ≈ −0, 6, p2 =1+√5

    2 ≈ 1, 6, q1 = −1 et q2 = 0.

    19

  • Figure 4 – Convergence vers une orbite de période 2 de la suite (un)N, un+1 =f− 52 (un) et u0 = 0, 6

    Figure 5 – Divergence de la suite (un)N, un+1 = f− 52 (un) et u0 = −1, 7

    La figure 4 montre que la suite (un)N oscille entre q1 et q2 pour u0 = 0, 6 dans Itandis que la figure 5 montre que (un)N diverge pour u0 = −1, 7 à l’extérieur de I.

    Nous connaissons désormais les premières bifurcations de fc. Comme fc etga sont topologiquement conjuguées, nous pouvons facilement en déduire lesbifurcations de l’application logistique.

    20

  • 3.3 Bifurcations et points fixes de ga

    Les applications ga et fc étant conjuguées par le difféomorphisme Φ définidans la partie précédente, nous retrouvons les bifurcations de ga grâce à cellesde fc et à la relation c =

    a2 (1−

    a2 ).

    L’application fc a une première bifurcation en14 , cherchons alors la première

    bifurcation de ga.

    c =1

    4

    a

    2

    (1− a

    2

    )=

    1

    4

    1− 2a+ a2 = 0

    (a− 1)2 = 0

    a = 1

    La première bifurcation de ga est donc 1.

    De même, on obtient :

    Bifurcations fc ga

    Première 14 1

    Deuxième − 34 3

    Troisième − 54 3,44

    De plus, les comportements de ga et fc sont identiques. Pour − 34 < c <14 ,

    les itérées de l’application fc commençant dans l’intervalle [−p2, p2] convergentvers p1. Or, [−p2, p2] = [−a2 ,

    a2 ] et fc et ga sont topologiquement conjuguées sur

    [−a2 ,a2 ]. Donc, pour 1 < a < 3, les itérées de ga convergent vers un point fixe.

    De même, pour − 54 < c < −34 et donc pour 3 < a < 3, 44, les itérées de ga sont

    proches d’une orbite de période 2.Notons que 0 et pa =

    a−1a sont les points fixes de ga. A la différence de fc,

    ga a toujours un point fixe, c’est 0.

    Regardons graphiquement le comportement de ga. Tout d’abord, pour a =1, 5 ; c’est-à-dire 1 < a < 3, la suite (gna (x)), x dans le voisinage de 0,1, convergevers le point fixe.

    21

  • Figure 6 – Convergence de la suite (un)N, un+1 = g1,5(un) et u0 = 0, 1

    Puis, pour a = 3, 2, c’est-à-dire 3 < a < 3, 44, la suite (gna (x)), x dansle voisinage de 0,1, oscille entre deux valeurs, ga a une orbite périodique depériode 2.

    Figure 7 – Convergence vers une orbite de période 2 de la suite (un)N, un+1 =g3,2(un) et u0 = 0, 1

    22

  • Il existe cependant une légère différence pour ga. En effet, il y a deux manièresde converger vers le point fixe. Plaçons nous dans le cas 1 < a < 3. Tout d’abord,les points fixes sont 0 (répulsif) et pa =

    a−1a (attractif). On distingue alors deux

    comportements. Si la bissectrice y = x coupe la parabole ga avant son sommet,les itérations convergent en escalier vers pa(voir figure 8). En revanche, si ellecoupe la parabole après son sommet, les itérations convergent en spirale vers pa(voir figure 9).

    Figure 8 – Convergence en escalier

    Figure 9 – Convergence en spirale

    23

  • 4 Classification des bifurcations

    Les applications ga et fc possèdent plusieurs bifurcations, mais elles ne sontpas toutes de même nature. On en distingue deux types, les bifurcations selle-nœud qui donnent naissance à des points fixes et les bifurcations par doublementde la période qui font apparaitre des orbites périodiques.

    4.1 Bifurcation selle-nœud

    Définition 4.1 Une application Fc dépendant d’un paramètre c admet unebifurcation selle-nœud (ou bifurcation tangente) en c0 s’il existe un intervalleouvert I ⊂ R tel que pour tout � > 0 :

    1. l’application Fc0−� n’a pas de points fixes dans I.

    2. l’application Fc0 a un seul point fixe dans I.

    3. l’application Fc0+� a deux points fixes dans I, l’un est attractif tandis quel’autre est répulsif.

    Remarque 4.2 – Intervertir c0 − � et c0 + � ne modifie pas la définition.– Une bifurcation selle-nœud est une bifurcation locale puisqu’elle est définie

    uniquement sur un petit intervalle I.– Pour c = c0 le graphe de Fc0 est tangent à la bissectrice y = x, d’où son

    appellation bifurcation tangente.

    Une bifurcation selle-nœud est représentée par la figure suivante qui montrebien la création des points fixes.

    Figure 10 – Bifurcation selle-nœud de Fc

    Proposition 4.3 L’application Fc admet une bifurcation selle-nœud en c0 si etseulement si il existe un point fixe p de Fc0 tel que F

    ′c0(p) = 1.

    Démonstration. L’application Fc admet une bifurcation selle-nœud en c0 siet seulement si Fc0−� n’a pas de point fixe, Fc0 a un unique point fixe et Fc0+�a deux points fixes. Ceci est illustré par la figure 10 qui justifie bien qu’en c0,l’application Fc a un unique point fixe p tel que F

    ′c0(p) = 1.

    �Une question évidente se pose alors : quelles sont les bifurcations selle-noeud

    de fc et ga ?

    24

  • Proposition 4.4 L’application fc (respectivement ga) a une bifurcation selle-noeud en 14 (respectivement en 1). C’est l’unique bifurcation de ce type.

    Démonstration. On a :f ′c(x) = 2x .

    Doncf ′1

    4(x) = 2x .

    De plus, pour c = 14 , le point fixe est12 . D’où, f

    ′14

    ( 12 ) = 1.

    D’après la proposition 4.3, 14 est une bifurcation selle-nœud.

    En fait, nous avons déjà démontré cette propriété dans la démonstration dela propriété 3.4. En effet, f 1

    4−�n’ a pas de points fixes, f 1

    4a un point fixe et

    f 14+�

    a deux points fixes.

    Montrons que cette bifurcation est l’unique bifurcation selle-nœud.Soit x un point fixe de fc. L’application fc a une bifurcation selle-nœud enc0 si f

    ′c0(x) = 1. D’où x =

    12 . Le point

    12 est donc fixe pour fc0 , c’est-à-dire :(

    12

    )2+ c0 =

    12 . Cette équation admet une unique solution c0 =

    14 . Il y a donc

    une unique bifurcation selle-nœud en 14 .�

    4.2 Bifurcation par doublement de la période

    Définition 4.5 Une application Fc dépendant d’un paramètre c admet unebifurcation par doublement de la période en c1 s’il existe un intervalle ouvertI ⊂ R contenant exactement un point fixe pc de Fc (c ∈ (c1 − �, c1 + �)) et telque :

    1. le point fixe pc1−� est attractif et Fc1−� n’a pas d’autres points fixes dans I.

    2. le point fixe pc1 est neutre et Fc1 n’a pas d’autres points fixes dans I.

    3. le point fixe pc1+� est répulsif et Fc1+� a une orbite périodique attractive depériode 2 dans I.

    Remarque 4.6 – Intervertir c1 − � et c1 + � ne modifie pas la définition.– La définition reste valable pour un point fixe répulsif qui devient attractif

    en créant une orbite périodique répulsive de période 2.– Lorsque l’application Fc a une bifurcation par doublement de la période enc1, on dit que F

    2c a une bifurcation fourche en c1.

    Plus généralement, on dit que Fc a une bifurcation par doublement de lapériode en c1, si sa n-ième itérée F

    nc vérifie les critères de la définition 4.5.

    En d’autres termes, si une orbite de longueur n change de stabilité en c1 et créeune orbite de longueur 2n de stabilité initiale, alors c1 est une bifurcation pardoublement de la période.

    25

  • Proposition 4.7 L’application Fc admet une bifurcation par doublement de lapériode en c1 si et seulement si il existe un point fixe p de Fc1 tel que F

    ′c1(p) = −1.

    Figure 11 – Bifurcation par doublement de la période de Fc

    Figure 12 – Bifurcation fourche de F 2c

    La figure 11 représente une bifurcation par doublement de la période. Nousconstatons que le point fixe devient instable lorsque la dérivée de Fc en ce pointpasse la valeur −1. Les changements de la dynamique de F 2c lors de la bifurcationsont présentés dans la figure 12. Le point fixe de F 2c devient répulsif en créantdeux nouveaux points fixes attractifs.

    Qu’en est-il des bifurcations de l’application logistique et de fc ?

    Proposition 4.8 L’application fc (respectivement ga) a une bifurcation pardoublement de la période en − 34 (respectivement en 3).

    Démonstration. Nous avons :

    f ′− 34(x) = 2x.

    L’intervalle que nous considérons ici est I = (−p2, p2). Pour c = − 34 , I = (−32 ,

    32 )

    et le seul point fixe dans I est p1 =1−√

    1−4(−34 )2 = −

    12 . De plus, f

    ′− 34

    (− 12 ) = −1.D’après la proposition 4.7, − 34 est une bifurcation par doublement de la période.

    26

  • En fait, nous avons déjà démontré cette propriété dans la démonstration dela propriété 3.6. En effet, f− 34−� a un point fixe attractif dans I = (−p2, p2), quidevient répulsif en engendrant une orbite attractive de période 2.

    Proposition 4.9 L’application f2c (respectivement g2a) a une bifurcation par

    doublement de la période en − 54 (respectivement en 3, 44). Par généralisation,c’est une bifurcation par doublement de la période de fc (respectivement de ga).

    Démonstration. Les points q1 et q2 sont fixes pour f2c . Pour c = − 54 , nous

    avons q1 =−1−

    √2

    2 et q2 =−1+

    √2

    2 . De plus :

    f ′2− 54(q1) = f

    ′− 54

    (q1)f′− 54

    (f− 54 (q1))

    = f ′− 54(q1)f

    ′− 54

    (q2)

    =(−1−

    √2)(−1 +

    √2)

    = −1.

    De même, f ′2− 54(q2) = −1.

    Donc,− 54 est une bifurcation par doublement de la période de f2c .

    Cette démonstration montre de plus, que les points q1 et q2 ”subissent” lamême bifurcation. Ainsi, lorsque q1 change de stabilité, il donne naissance àdeux points fixes de f4c . Le point q2 se comporte exactement de la même façon,créant lui aussi deux points fixes de f4c . Il y a création de 4 points fixes pour f

    4c

    et par conséquent d’une orbite périodique de période 4 pour fc.

    Afin de visualiser rapidement les différentes bifurcations de l’applicationlogistique et d’étudier leur dynamique, il est nécessaire d’introduire la notion dediagramme de bifurcation.

    4.3 Diagramme de bifurcation

    Le diagramme de bifurcation rend compte du comportement de l’applicationlogistique (ou de fc ou de toutes autres applications dépendant d’un paramètre)en fonction du paramètre a.Sur ce diagramme, en abscisses, sont représentées les différentes valeurs duparamètre a et en ordonnées celles de ga. Nous construisons le diagramme enrepérant pour chaque valeur de a le ou les points de convergence de la suite(un)N définie par u0 ∈ [0, 1] et un+1 = ga(un). Nous obtenons :

    27

  • Figure 13 – Diagramme de bifurcation de l’application logistique

    Nous retrouvons, bien évidemment, le comportement de l’application logis-tique décrite dans les parties précédentes.Pour 1 < a < 3, il n’y a qu’une seule branche. La suite (un)N précédemmentdéfinie converge vers le point fixe.Pour 3 < a < 3, 44, il y a deux branches. Ceci correspond au comportementpériodique, l’application ga a une orbite périodique de période 2.Quand il y a 4 branches, il y a une orbite périodique de période 4 . Puis, pour 8branches, c’est une orbite périodique de période 8, etc. Cette partie du diagrammeest appelée cascade ou arbre de doublement de la période.

    Dès lors, intéressons nous à la dynamique du diagramme de bifurcation. Dansune première partie, nous découvrons deux objets remarquables : le point etla constante de Feigenbaum. Puis, dans une seconde partie, nous étudions lediagramme de bifurcation au point de Feigenbaum avant d’aborder son auto-similarité.

    28

  • 5 Le point et la constante de Feigenbaum

    Les bifurcations jouent un rôle important dans le diagramme de bifurcationpuisqu’elles indiquent un changement de comportement. Nous définissons alors lasuite (an)N∗ , suite des bifurcations par doublement de la période de l’applicationlogistique. Les premiers termes de cette suite sont a1 = 3 et a2 = 3, 44.Une deuxième suite de paramètre est également fondamentale dans l’étude dudiagramme. Pour la définir, nous avons besoin d’introduire les points fixes superattractifs.

    5.1 Points fixes super attractifs et point de Feigenbaum

    Définition 5.1 Un point fixe p d’une application f est attractif si |f ′(p)| < 1.De plus, si f ′(p) = 0, le point p est super attractif.

    Proposition 5.2 Dans le cas de l’application logistique, lorsque la bissectricey = x coupe la parabole exactement en son sommet, le point fixe est superattractif.

    Démonstration. Comme la bissectrice y = x coupe la parabole en son sommet,il y a un unique point fixe p qui est le sommet de la parabole. Donc g′a(p) = 0.Le point p est un point fixe super attractif.

    Proposition 5.3 Pour a = 2, l’application ga a un point fixe super attractif.

    Démonstration. Commençons par chercher le sommet de la parabole ga = ax(1− x).Nous avons : g′a(x) = a(1 − 2x). Cette dérivée est positive pour x < 12 . Nousobtenons donc le tableau de variation suivant.

    x

    g′a(x)

    ga(x)

    0 12 1

    + 0 −

    00

    14a14a

    00

    Le sommet de la parabole est donc ga(12 ) =

    14a.

    De plus, comme nous cherchons un point fixe super attractif, la bissectrice y = xcoupe la parabole en son sommet. Le sommet est donc un point fixe. D’oùga(

    12 ) =

    14a =

    12 . Finalement, nous obtenons a = 2.

    29

  • Figure 14 – Point fixe super attractif de l’application logistique

    Justifions maintenant le terme super attractif pour un point fixe de l’applica-tion ga.Pour rappel, nous avons : ga = ax(1− x) et pa = a−1a son point fixe.Nous commençons l’itération de ga par un point proche de pa : x0 =

    a−1a + �

    avec � > 0.Notons xi = g

    ia(x0). Nous obtenons :

    x1 = ga(x0)

    = ax0(1− x0)

    = a

    (a− 1 + a�

    a

    )(1− a− 1 + a�

    a

    )=

    a− 1a− a�+ 2�− a�2

    = pa − a�+ 2�− a�2

    = x0 + �− a�− a�2.

    De plus, |�− a�− a�2| < � ce qui montre bien que pa est attractif. En effet, x1est proche de x0 (donc de pa), et en réitérant cet argument, x2 est proche de x1,donc de x0 et de pa.

    30

  • Regardons ce qui se passe pour le cas super attractif, c’est-à-dire pour a = 2.Ici, pa =

    12 et x0 =

    12 + �. Nous avons donc :

    x1 = ga(x0)

    =1

    2− 2�+ 2�− 2�2

    =1

    2− 2�2.

    Contrairement au cas précédent, il ne reste qu’un terme quadratique en �. Ainsi,x1 se rapproche plus rapidement de

    12 . En effet, les termes en � et les constantes

    qui atténuent l’effet du terme en �2 ne sont plus présents.

    Comme nous nous intéressons aux itérées de ga, il semble évident de s’intéresseraux points fixes super attractifs de g2a, puis à ceux de g

    4a, etc.

    Nous construisons ainsi une nouvelle suite de paramètres : la suite (sn)N∗

    définie de telle sorte que pour a = sn, l’application g2n−1

    a a un point fixe superattractif. Les termes de cette suite sont appelés paramètres super attractifs etses premiers termes sont s1 = 2 et s2 = 1 +

    √5.

    Proposition 5.4 Il y a toujours un paramètre super attractif entre deux bifur-cations successives.

    Démonstration. Regardons ce qui se passe pour les premières bifurcations.La première bifurcation a0 = 1 est une bifurcation selle-nœud. Si p0 est le pointfixe de ga0 (p0 = 0), alors g

    ′a0(p0) = 1. Puis, il y a création de deux points fixes

    p1(a) et p2(a) (p1(a) =a−1a et p2(a) = 0) tel que

    |g′a0+�(p2(a0 + �))| = a0 + � > 1

    et

    |g′a0+�(p1(a0 + �))| =1

    a0 + �< 1.

    De plus, |g′a0+�(p1(a0 + �))| > 0.

    La deuxième bifurcation a1 apparait lorsque g′a1(p1(a1)) = −1. Comme

    g′a0(p1(a0)) > 0 et g′a1(p1(a1)) = −1, il existe s1 tel que a0 < s1 < a1 et

    g′s1(p1(s1)) = 0. Le point s1 est donc un paramètre super attractif.

    Cette nouvelle bifurcation donne naissance à deux points fixes q1(a) et q2(a)de g2a avec 0 < |(g2a1+�)

    ′(qi(a1 + �))| < 1, (i = 1, 2).La troisième bifurcation apparait lorsque 0 < |(g2a1+�)

    ′(qi(a1 + �))| = −1, i = 1, 2.Il existe donc un paramètre super attractif s2 tel que a1 < s2 < a2 .

    Ce raisonnement se généralise à toutes les bifurcations. Juste après unebifurcation, les points fixes ou les points de l’orbite périodique qui ont été créés,ont une dérivée inférieure à 1 et positive. La bifurcation suivante apparait lorsque

    31

  • ces points ont une dérivée égale à −1. Le changement de signe prouve que cesdérivées passent par 0 avant la nouvelle bifurcation, il y a donc un paramètresuper attractif. Ceci est illustré par les figures 10 et 12 de la partie précédente.

    Proposition 5.5 Si la suite (sn)N∗ converge vers une certaine valeur, la suite(an)N∗ converge vers cette même valeur.

    Démonstration. Nous connaissons les premiers termes des deux suites : a1 = 3et s1 = 2. Ainsi, s1 < a1. De plus, d’après la proposition 5.4 nous avons :

    s1 < a1 < s2 < a2 < s3 < a3 < ...

    Nous avons donc :∀n ∈ N∗ sn < an < sn+1.

    Si la suite (sn)N∗ converge vers l, d’après le théorème des gendarmes, la suite(an)N∗ converge aussi vers l.

    �Nous avons désormais à notre disposition les suites (an)N∗ et (sn)N∗ . Elles

    convergent toutes les deux vers le même point appelé point de Feigenbaum et notés∞. Ce point marque un changement radical dans la dynamique de l’applicationlogistique ga. Pour des valeurs de a supérieures à s∞, nous ne pouvons plusprévoir le comportement de l’application logistique ga . Ce dernier ne répondplus au principe de doublement de la période comme c’est le cas pour les valeursde a inférieures à s∞.

    Figure 15 – Diagramme de bifurcation et point de Feigenbaum

    Dorénavant, nous nous intéressons au diagramme de bifurcations pour desvaleurs de a inférieures à s∞ et plus particulièrement, au comportement des

    32

  • distances entre deux bifurcations successives. De cette étude va émerger uneconstante remarquable, la constante de Feigenbaum.

    5.2 La constante de Feigenbaum

    Notons dk = ak+1 − ak, k = 1, 2, 3..., la distance entre deux bifurcationssuccessives (voir figure 16).

    Figure 16 – Distance entre deux bifurcations successives

    Nous constatons, graphiquement, que cette distance diminue de plus en plusrapidement.

    Supposons, tout d’abord, que cette décroissance est géométrique et posons :

    dkdk+1

    = δ .

    Proposition 5.6 Dans ce cas, la suite (ak)N∗ est une suite convergente.

    Démonstration. Montrons par récurrence que

    ak = a1 + d1

    (1 +

    1

    δ+ ...+

    1

    δk−2

    )(2)

    Pour k = 2, nous avons bien a2 = a1 + d1.Supposons que la propriété 2 est vrai au rang k. Montrons alors qu’elle est encorevérifiée au rang k + 1. Nous avons

    ak+1 = dk + ak.

    Par hypothèse de récurrence, nous obtenons :

    ak+1 = a1 + d1

    (1 +

    1

    δ+ ...+

    1

    δk−2

    )+ dk

    Or, dk+1 =dkδ . La suite (dk)N∗ est géométrique de raison

    1δ . D’où dk = d1(

    1δ )k−1.

    Finalement, nous obtenons :

    ak = a1 + d1

    (1 +

    1

    δ+ ...+

    1

    δk−2

    )+ d1

    (1

    δ

    )k−1;

    33

  • ak = a1 + d1

    (1 +

    1

    δ+ ...+

    1

    δk−1

    ).

    Par récurrence, nous avons montré la propriété 2.

    De plus, comme 1δ < 1, nous obtenons :

    limk→∞

    ak = a1 + d1

    (1

    1− 1δ

    )= a1 + d1

    δ − 1

    )La suite (ak)N∗ est bien convergente.

    Cependant, les valeurs expérimentales montrent que la suite (dk) n’est pasexactement géométrique. Effectivement, les premiers termes vérifient :

    d1d2

    = 4, 7514 ;

    d2d3

    = 4, 6562 ;

    d3d4

    = 4, 6682 ;

    d4d5

    = 4, 6687 .

    La suite (dk) est dite approximativement géométrique. Le ratiodkdk+1

    va dépendre

    de k, on note δk sa valeur. Cette dernière converge.

    limk→∞

    δk = 4, 6692016091029

    C’est la constante de Feigenbaum, notée δ.

    La constante de Feigenbaum est dite universelle car elle est valable pour denombreuses applications dépendant d’un paramètre, par exemple ga(x) = ax

    2 sinπx.

    5.3 Calcul de la constante de Feigenbaum

    Nous présentons ici, une méthode basée sur la suite (sn)N∗ , précédemmentdéfinie.

    Pour rappel, nous avons :

    δ = limn→∞

    δn = limn→∞

    dndn+1

    = limn→∞

    an+1 − anan+2 − an+1

    .

    34

  • La constante de Feigenbaum s’exprime également en fonction des termes dela suite (sn)N∗ . En effet, nous avons :

    δ = limn→∞

    sn − sn−1sn−1 − sn−2

    . (3)

    Grâce à cette formule et à la méthode de Newton, nous sommes en mesurede calculer la constante de Feigenbaum. Une rapide présentation de la méthodede Newton s’impose.

    Méthode de Newton

    Le but de la méthode de Newton est de trouver le zéro d’une fonction.Dans un premier temps, nous choisissons une valeur proche du zéro de lafonction. Puis, nous approximons la courbe en ce point par sa droite tangente.Nous cherchons le zéro de la tangente, et nous appliquons à nouveau le procédé.Notons x0 le point proche du zéro de la fonction f . L’équation de la droitetangente en ce point est :

    y = f ′(x0)(x− x0) + f(x0).

    Soit x1, le zéro de la droite tangente. Ce point vérifie :

    f ′(x0)(x1 − x0) + f(x0) = 0.

    D’où, x1 = x0 − f(x0)f ′(x0) .Par récurrence, nous construisons la suite xk+1 = xk − f(xk)f ′(xk) . La limite de cettesuite est le zéro de la fonction f .

    Explicitons ensuite le calcul de δ.

    Calcul de δ

    Nous connaissons les premiers termes de la suite (sn)N∗ . Afin de pouvoirutiliser la formule 3, nous avons besoin des termes suivants.Or, ceux ci vérifient g2

    n−1

    sn (12 ) =

    12 (caractérisation de l’existence d’un point fixe

    super attractif). Chaque sn est donc solution de l’équation suivante en a :

    g2n−1

    a

    (1

    2

    )=

    1

    2.

    Il faut cependant faire attention. En effet, les termes s1, s2, .., sn−1 vérifient cetteéquation. Or, nous ne voulons que la solution propre à cette équation. C’est pour-quoi, nous utilisons la méthode de Newton avec la fonction f(a) = g2

    n−1

    a (12 )−

    12 .

    Nous construisons ainsi la suite (bk)N telle que bk+1 = bk − f(bk)f ′(bk) et nous cher-chons sa limite. Nous avons ainsi calculé sn. Nous calculons les termes suivants

    35

  • par cette même méthode, et nous appliquons la formule 3 afin d’obtenir δ.

    Deux points restent à éclaircir dans ce procédé : le calcul de f ′(bk) et le choixde la valeur initiale pour initialiser la méthode de Newton.

    Calcul de f ′(bk)

    Nous savons que f(a) = g2n−1

    a (12 ) −

    12 . Définissons la suite (xn)N∗ tel que

    x0 =12 et ga(xk) = xk+1. Posons N = 2

    n−1. Alors f(a) = xN − 12 . De plus,comme xN dépend de a, nous obtenons f

    ′(a) = x′N .Or, nous avons :

    x′0 = 0

    etxk+1 = axk(1− xk).

    Ainsi,x′k+1 = xk(1− xk) + ax′k(1− xk)− axkx′k ,

    x′k+1 = xk(1− xk) + ax′k(1− 2xk) .

    f(a) et f ′(a) se calculent donc grâce aux itérations suivantes :

    pour k = 0, 1, ..., N − 1,

    xk+1 = axk(1− xk) ; x0 =1

    2

    x′k+1 = xk(1− xk) + ax′k(1− 2xk) ; x′0 = 0

    Initialisation de la méthode de Newton

    Nous connaissons les termes de la suite (sn)N∗ jusqu’au rang n, ce qui nouspermet de calculer :

    δn =sn−1 − sn−2sn − sn−1

    .

    D’où,

    sn = sn−1 +sn−1 − sn−2

    δn,

    et

    sn+1 = sn +sn − sn−1δn+1

    .

    Nous cherchons seulement une approximation de sn+1, nous considérons donc

    sn+1 ≈ b0 = sn +sn − sn−1

    δn.

    Cette valeur permet d’initialiser la méthode de Newton.

    36

  • 6 Au-delà du point de Feigenbaum

    Dans un premier temps, nous étudions le diagramme de bifurcation au points∞ de Feigenbam, c’est-à-dire que nous nous intéressons aux points du dia-gramme ayant pour abscisse s∞. Ces points sont représentés en rouge sur lafigure 17.

    Figure 17 – Diagramme de bifurcation au point de Feigenbaum

    Puis, dans un deuxième temps, nous nous intéressons à l’auto-similarité dudiagramme de bifurcation. Avant toute chose, la notion d’adresses du diagrammede bifurcation est indispensable pour la suite de l’étude.

    6.1 Adresses du diagramme de bifurcation et comporte-ment de gs∞

    Chaque branche du diagramme de bifurcation est repérée par une suite delettres (appelée adresse) selon la règle suivante. Nous attribuons la lettre L (pourlow) à la branche la plus basse, et la lettre H (pour high) à la plus haute. Achaque division, nous ajoutons à l’adresse de la branche divisée la nouvelle lettre.

    37

  • Figure 18 – Adresses du diagramme de bifurcation

    Les premières branches du diagramme de bifurcation sont repérées par lesadresses H et L puis par HH, HL, LH, et LL comme indiqué sur la figure 18.

    Chaque adresse correspond en réalité à un élément d’une orbite de ga. Nousallons ainsi décrire la dynamique de l’application logistique en terme d’adresses.

    Proposition 6.1 Pour 3 < a < 3, 44, il y a oscillation entre les lettres H et L.On note : H → L→ H.

    Démonstration. Ceci est évident. Pour 3 < a < 3, 44, l’application ga a uneorbite de période 2 dont les éléments sont représentés par H et L.

    Figure 19 – Orbite périodique de période 2 et adresses

    38

  • Nous représentons cette oscillation par le diagramme suivant :

    Figure 20 – Diagramme d’une orbite de période 2

    Proposition 6.2 Pour a compris entre 3,44 et 3,54 la bifurcation suivante,nous avons l’oscillation : HH → LL→ HL→ LH → HH.

    Démonstration. L’orbite de période 4 nâıt de l’orbite de période 2. Ainsi, uneadresse commençant par H doit être envoyée sur une adresse commençant par L.HH peut donc être envoyé sur LL ou LH. Si l’on montre queHH est nécessairementenvoyé sur LL, nous avons démontré la proposition.Fixons a tel que 3, 44 < a < 3, 54, considérons les points du diagramme ayantpour abscisse a et appelons p1, le point de l’orbite périodique correspondant àla branche d’adresse HH, p2 celui correspondant à la branche d’adresse LL, p3celui correspondant à la branche d’adresse HL, et enfin p4 celui correspondant àla branche d’adresse LH. Pour plus de clarté, ces points sont représentés sur lafigure suivante.

    39

  • Figure 21 – Points p1, p2, p3, p4

    Figure 22 – Orbite périodique de période 4 et adresses

    L’application ga est symétrique par rapport à la droite x =12 .

    De plus, p1 est la plus grande valeur de l’orbite, g−1a (p1) est donc la plus proche

    valeur de 12 . D’où : ∣∣∣∣12 − g−1a (pi)∣∣∣∣ > ∣∣∣∣12 − g−1a (p1)

    ∣∣∣∣ ;∀i 6= 140

  • De même, p2 est la plus petite valeur de l’orbite, g−1a (p2) est donc la valeur la

    plus éloignée de 12 . D’où :∣∣∣∣12 − g−1a (pi)∣∣∣∣ < ∣∣∣∣12 − g−1a (p2)

    ∣∣∣∣ ;∀i 6= 2 (4)Supposons que ga(p1) 6= p2, soit g−1a (p2) 6= p1. Ainsi, ga(p1) = p4, g−1a (p4) = p1et g−1a (p2) = p3Appliquons l’inégalité 4 à i = 4 :∣∣∣∣12 − g−1a (p4)

    ∣∣∣∣ < ∣∣∣∣12 − g−1a (p2)∣∣∣∣∣∣∣∣12 − p1

    ∣∣∣∣ < ∣∣∣∣12 − p3∣∣∣∣

    Or, p3 >12 et p1 >

    12 .

    p1 −1

    2< p3 −

    1

    2p1 < p3

    Ceci est une contradiction puisque p1 > p3. Ainsi, ga(p1) = p2, ce qui signifieque HH est envoyé sur LL. La démonstration est ainsi terminée.

    Cette orbite périodique de période 4 est représentée par :

    Figure 23 – Diagramme d’une orbite de période 4

    41

  • Pour 8 lettres, donc une orbite périodique de période 8, nous avons :

    Figure 24 – Diagramme d’une orbite de période 8

    Ces orbites périodiques semblent suivre une même règle. Nous allons généralisercette dernière à un nombre infini de lettres. Ainsi, pour une adresse donnée nouspouvons déterminer l’orbite à laquelle elle appartient.

    Soit Ak = {l’ensemble des adresses composées de k lettres}.Soit A∞ = {l’ensemble des adresses composées d’une infinité de lettres}.La dynamique des orbites périodiques est décrite par une transformationf : Ak → Ak. Par exemple, pour l’orbite de période 4, nous avons :

    f2(HH) = LL, f2(LL) = HL, f2(HL) = LH, f2(LH) = HH .

    Par généralisation, nous construisons f∞ qui permet de décrire le comportementau point s∞ de Feigenbaum.

    Regardons la représentation de l’orbite de période 2, celle de période 4 etcelle de période 8.

    42

  • Figure 25 – Diagramme d’une orbite de période 2

    Figure 26 – Diagramme d’une orbite de période 4

    Figure 27 – Diagramme d’une orbite de période 8

    Dans la suite, les lettresXi, i ∈ N, représentent indifféremment les lettres H et L.

    43

  • Dans le carré des adresses commençant par H, une diagonale apparait. Ainsi,les adresses commençant par H vérifient :

    f∞(HX2X3...) = LXt2X

    t3...

    avec Xt le complémentaire de X, c’est-à-dire Ht = L et Lt = H.Puis, nous observons la formation d’une diagonale dans le carré des adressescommençant par LL. Les adresses commençant par LL vérifient donc :

    f∞(LLX3X4...) = HLX3X4...

    Finalement, nous remarquons que le carré des adresses commençant par LH estune réduction du ”grand carré”. Les adresses commençant par LH vérifient :

    f∞(LHX3X4...) = HHf∞(X3X4...)

    Nous allons maintenant montrer qu’au point de Feigenbaum, le diagrammede bifurcation est un ensemble de Cantor.

    6.2 Le diagramme de bifurcation au point de Feigenbaum

    Commençons par une rapide construction de l’ensemble de Cantor.

    Premièrement, nous ôtons l’intervalle]13 ,

    23

    [à l’intervalle [0, 1]. Nous conser-

    vons les intervalles [0, 13 ] et [23 , 1]. Puis, nous divisons ces nouveaux intervalles

    en 3, et nous supprimons le tiers du milieu. Ce procédé répété plusieurs foisfournit une suite d’intervalles fermés. Après la nieme étape, il y a 2n intervallesde longueur 13n . L’ensemble de Cantor est l’ensemble des points obtenus lorsquele procédé ci dessus est répété une infinité de fois.

    De plus, nous pouvons voir, l’ensemble de Cantor comme l’ensemble despoints de l’intervalle [0, 1] dont l’écriture triadique (en base 3) ne contient pas lechiffre 1. L’ensemble de Cantor correspond donc à l’ensemble C = {0, 2}N.

    L’ensemble des points du diagramme de bifurcation dont l’abscisse est s∞est un ensemble de Cantor.

    En effet, considérons que chaque doublement de branches correspond enfait à un triplement auquel nous avons supprimé la branche médiane. Au points∞, le diagramme de bifurcation est constitué des points obtenus si le procédéprécédent est appliqué une infinité de fois. Cette construction est semblable àcelle de l’ensemble de Cantor.

    Une autre manière de montrer cela est de considérer l’ensemble de Cantorcomme l’ensemble C = {0, 2}N. Notons K l’ensemble des points du diagrammede bifurcation au point s∞. Nous avons une bijection de K vers C qui à L associe0 et à H associe 2. Donc K est un ensemble de Cantor.

    44

  • 6.3 L’auto-similarité du diagramme de bifurcation

    Dans cette partie, nous étudions rapidement le diagramme de bifurcationpour toutes les valeurs de a. Plus particulièrement, nous nous intéressons à sonauto-similarité à l’infini, qui en fait une fractale.

    Une fractale est un objet auto-similaire, c’est-à-dire semblable à lui même.De plus, cette auto-similarité est présente à l’infini.

    Une fractale peut être également définie comme un objet dont les partiesont la même structure que le tout mais à des échelles différentes. Ainsi, si nousagrandissons une partie d’une fractale, nous obtenons une copie quasi identiquede l’original.

    Afin de bien saisir la notion d’auto-similarité, prenons des exemples. Les plussignificatifs sont présents dans notre vie quotidienne, et plus précisément dans lanature, comme l’arbre. C’est un objet complexe qui semble assez compliqué dedécrire avec des objets géométriques. Mais, si nous analysons sa structure deplus près, nous constatons que c’est la même à toutes les échelles. Effectivement,le tronc se divise en plusieurs branches. Ces dernières deviennent à leur tour ”destroncs” qui se séparent en plusieurs branches qui vont elles aussi se diviser..A ladifférence d’une fractale, l’auto-similarité de l’arbre ”s’arrête” lorsque les feuillesapparaissent, il n’est donc pas auto-similaire à l’infini.

    Le diagramme de bifurcation présente une auto-similarité semblable à cellede l’arbre. La première branche se divise en deux, puis chaque nouvelle branchese sépare aussi en deux.

    L’auto-similarité du diagramme de bifurcation se retrouve évidemment dansla suite des itérées de ga. En effet, le graphe de ga est semblable à des portionsde graphes de g2a,g

    4a,...Cela se comprend assez facilement dès les premières bi-

    furcations de l’application logistique. Pour 1 < a < 3, il y a un unique pointfixe pa attractif. Il devient répulsif pour a = 3 et une orbite de période 2 estcréée. L’application g2a a désormais deux points fixes. Ces derniers vont devenirinstables et donner naissance à une nouvelle orbite. Ces points fixes subissentdonc le même changement que pa, ce qui témoigne bien de l’auto-similarité.

    Graphiquement, ce phénomène se retrouve parfaitement. Si nous choisissonsune portion du graphe de g2a semblable à celui de ga, nous l’agrandissons jusqu’àobtenir la taille du graphe initial, et nous retournons l’image obtenue, alors nousretrouvons le graphe de ga. Si nous faisons de même avec le graphe de g

    4a, nous

    obtenons également le graphe de ga.

    Expliquons cette auto-similarité sur un exemple. Considérons les applicationsga, g

    2a et g

    4a respectivement pour a = s1, a = s2 et a = s3 (les si,i = 1, 2, 3, étant

    les premiers termes de la suite (sn)N∗ précédemment définie). La figure suivantereprésente les graphes de ces trois applications.

    45

  • Figure 28 – Graphes des applications gs1 , g2s2 et g

    4s3

    Nous choisissons une portion du graphe de g2a (notée Q1(a) sur la figure 28)et une de g4a (notée Q2(a) sur la figure 28). Puis, nous agrandissons ces deuxportions, nous les retournons si nécessaire et nous obtenons le résultat suivant.

    Figure 29 – Agrandissements de Q1(a) et Q2(a)

    Nous retrouvons dans les deux cas le graphe de l’application logistique ga.Choisir une portion de graphe centrée sur un point fixe revient à choisir

    une portion du diagramme de bifurcation. Nous choisissons une portion dudiagramme de bifurcation.

    46

  • Figure 30 – Choix d’une portion du diagramme de bifurcation

    Nous agrandissons et retournons cette portion et nous obtenons une co-pie quasi-identique du diagramme de bifurcation (voir figure 31). Ce premieragrandissement correspond à l’agrandissement de Q1(a) précédemment défini.

    Figure 31 – Premier agrandissement

    Nous répétons cette manipulation sur la copie obtenue. Ceci correspond àl’agrandissement de Q2(a) précédemment défini, et nous obtenons encore unefois une copie du diagramme de bifurcation, comme le montre la figure suivante.

    47

  • Figure 32 – Deuxième agrandissement

    Nous pouvons répéter ces agrandissement une infinité de fois, nous obtiendronstoujours une copie du diagramme de bifurcation.

    48

  • Bibliographie

    1. Lectures on Fractal Geometry and Dynamical Systems de Yakov Pesin etVaughn Climenhaga. American Mathematical Society Mathematics Advan-ced Study Semesters. textbfLecture 1, Lecture 2, Lecture 25.

    2. Fractals for the classroom Part two Complex systems and Mandelbrot setde Peitgen, Jürgens, Saupe. Springler-Verlag. Chapters 11.1, 11.2, 11.3.

    3. La theorie du chaos de James Gleick. Champs Sciences. Les hauts et lesbas de la vie p.91.

    49