Les atteintes matérielles à l\'oeuvre musicale et à son interprétation
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CENTRE D’ETUDES INTERNATIONALES DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE
Les atteintes matérielles à l’œuvre musicale et à son
interprétation
Mémoire soutenu par Michel DONVAL, étudiant en master II recherche en droit de la propriété intellectuelle, sous la direction de Monsieur le Professeur Théo HASSLER
Années 2008/2009
A mes parents, A Annaïg,
-REMERCIEMENTS- A Monsieur le Professeur Théo HASSLER pour son enseignement et pour m’avoir permis d’effectuer mes recherches sur un sujet aussi passionnant. A Madame le Professeur Joanna SCHMIDT-SZALEWSKI pour son enseignement et pour m’avoir apporter des éclaircissements sur certains points du sujet. A Madame Stéphanie CARRE pour son enseignement et ses conseils en droit d’auteur. A Messieurs Yann LEBACLE et Maxime PAPILLON pour leurs précieuses relectures. A Monsieur Karlo FONSECA-TINOCO pour son amitié fidèle et son soutien. Et enfin, un remerciement particulier à Monsieur Peter SZENDY, pour l’entretien qu’il m’a accordé.
-SOMMAIRE-
INTRODUCTION............................................................................................................................................1
PARTIE I : LE PRINCIPE : LA GARANTIE DE L’INTEGRITE
MATERIELLE DE L’ŒUVRE ET DE L’INTERPRETATION...............6
CHAPITRE I : LA NOTION D’INTÉGRITÉ MATÉRIELLE DE L’ŒUVRE ET DE
L’INTERPRÉTATION................................................................................................................................6
Section 1/ La préservation de l’œuvre et l’interprétation dans son expression
«corporelle» ..............................................................................................................................................6
Section 2/ La préservation de l’œuvre et de l’interprétation durant leur vie publique ...............11
CHAPITRE II : L’APPLICATION DU PRINCIPE............................................................................17
Section 1/ Dans le cadre de l’exercice du droit de reproduction ....................................................17
Section 2/ Dans le cadre de l’exercice du droit de représentation .................................................26
PARTIE II : LES MODIFICATIONS PERMISES DE L’ŒUVRE......33
CHAPITRE I : LES MODIFICATIONS PERMISES EN RAISON DE LA LIBERTÉ
D’EXPRESSION ........................................................................................................................................33
Section 1/ Le droit au respect face aux exceptions ...........................................................................33
Section 2/ Le droit au respect des œuvres et interprétations du domaine public ..........................43
CHAPITRE II : LES MODIFICATIONS PERMISES PAR CONTRAT.........................................49
Section 1/ La conciliation de l'inaliénabilité du droit au respect et de la force obligatoire
du contrat.................................................................................................................................................50
Section 2/ L’inadaptation du principe d’inaliénabilité ...................................................................55
CONCLUSION...............................................................................................................................................59
BIBLIOGRAPHIE .........................................................................................................................................61
INTRODUCTION
WHAT HAVE THEY DONE TO MY SONG MA (Melanie Safka) (extrait)1
“Look what they done to my song ma Look what they done to my song
Well it's the only thing That I could do half right and it's turning out all wrong ma
Look what they done to my song
Look what they done to my brain ma Look what they done to my brain
Well they picked it like a chicken bone I think i'm half insane ma
Look what they done to my son (…)”
1. Que ce soit par ses paroles2, ou bien par ses nombreuses utilisations3, cette chanson
illustre bien les différentes atteintes que peuvent subir une œuvre et une interprétation au
cours de sa vie publique. En effet, cette chanson, écrite, composée et interprétée par Melanie
Safka, en 1970, démontre le rapport délicat entre l’auteur ou l’interprète et l’industrie du
disque. Force est de constater que les intérêts de l’industrie phonographique peuvent différer
de celui de l’artiste. Dès lors, par un souci purement économique, l’industrie sera tentée de
procéder à certaines modifications de l’œuvre, et ce en dépit de la volonté de l’artiste.
2. Afin de préserver la volonté de l’auteur sur l’avenir de son œuvre, le droit français,
fort d’une conception personnaliste du droit d’auteur, a toujours tenté de traduire
juridiquement les liens qui unissent à la fois l’auteur à son œuvre, et l’interprète à sa
prestation. Contrairement à une approche orientale du pouvoir de création4, la culture
occidentale considère que celui-ci revient à l’auteur. Et c’est parce que l’œuvre est le reflet de
sa pensée que l’auteur doit avoir la maîtrise de son art au même titre qu’est garantie la
maîtrise de sa pensée. Bien que le lien «naturel» entre l’auteur et son œuvre eût été démontré 1 Copyright 1970 by Kama Rippa Music, Inc. and Amerlanie Music, Inc. All rights administered by Kama Rippa Music, Inc. 2 Regarde ce qu’ils ont fait à ma chanson, Ma, regarde ce qu’ils ont fait à ma chanson, c’est la seule chose que je peux faire et ce n’est pas bon, regarde ce qu’ils ont fait à ma chanson, Ma Regarde ce qu’ils ont fait à mon cerveau, Ma, regarde ce qu’ils ont fait à mon cerveau,, ils y ont pioché comme sur un pilon; je pense que je suis à moitié folle, regarde ce qu’ils ont fait à mon fils, ma (...) 3 Cette chanson a été réinterprétée à maintes reprises et traduite, notamment en français et en italien pour Dalida. De manière assez paradoxale, les paroles ont été changées pour vanter les mérites d’une marque de céréales : “Look what they’ve done to my oatmeal” dans les années 80 ; http://en.wikipedia.org/wiki/Melanie_Safka. 4 Dans la culture asiatique, l’artiste est considéré comme étant traversé par une inspiration divine, il en résulte un certain détachement entre l’œuvre et l’auteur, rapporté par D. GIOCANTI, Le droit au respect de l’œuvre en droit français, Thèse, Paris II, 1989, p.4.
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par Domat à la fin du XVIIème siècle, il fallut attendre le XIXème siècle pour que s’affirme une
dimension jus naturaliste et personnaliste du droit d’auteur.
3. Jusqu’alors avait prédominé une approche purement patrimoniale du droit d’auteur, de
sorte que si l’auteur, depuis les lois révolutionnaires des 13-19 janvier 1791 et 19-24 juillet
1793, obtenait un monopole d’exploitation, et donc une complète maîtrise économique de son
art, il ne pouvait, néanmoins, s’opposer aux diverses altérations portées à l’œuvre. En effet,
dès 1784, un arrêt du Conseil du roi précisa les droits des auteurs d’œuvres représentées au
théâtre avant que la loi des 19/24 juillet 1793 ne reconnaisse les droits de propriété des
«compositeurs de musique». Cependant au XIXème siècle, le droit des compositeurs demeura
relativement limité dans la mesure où il était presque exclusivement cantonné à l’édition des
partitions. L’application du droit d’auteur aux œuvres musicales a fait l’objet de peu de
controverses avant l’introduction des systèmes de reproduction, de lecture ou de transmission
du son. Le développement et la commercialisation des boîtes à musiques et des pianos
mécaniques, vers 1860, puis des phonogrammes, à partir de 1889, a permis une exploitation
nouvelle et autonome des œuvres musicales, à l’instar de l’imprimerie pour les œuvres
littéraires. On retiendra à cet égard les propos qu’a tenus Titus Ricordi, éditeur de Verdi en
Italie, devant l’assemblée du premier Congrès international sur le droit d’auteur à Bruxelles
en 1858 : « il arrive souvent que les plus belles pensées de certains opéras non encore
représentés dans une ville, reçoivent d’avance la publicité par le moyen des musiciens
ambulants et des orgues de rue : d’ordinaire elles sont reproduites avec toutes sortes de
coupures avec d’horribles altérations d’harmonie et de modulations avec des arrangements
tellement mauvais , que non seulement la musique perd son caractère lyrique, dramatique et
vocal, mais encore les mélodies elles-mêmes subissent les plus étranges métamorphoses»5. La
jurisprudence a dégagé, pour tenir compte de cette évolution, le droit de représentation
publique6 juste après la création de la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de
Musique (SACEM)7. En 1905, la jurisprudence a reconnu le droit de reproduction mécanique.
4. Parallèlement à l’évolution du droit patrimonial en matière musicale, l’apparition de la
conception jus naturaliste et personnaliste du droit d’auteur a permis le développement du
droit moral. La jurisprudence a commencé à dégager les composantes du droit moral. En
1928, la Cour d’appel de Paris a consacré le droit de divulgation pour une œuvre musicale8.
5 Cité par P. SZENDY, Ecoute une histoire de nos oreilles, paradoxe, les éditions de minuits, 2001, p.93. 6 Lyon, 7 janvier 1852 : S. 1852, 2, 138. 7 Le 31 janvier 1751. 8 Paris, 11 janvier 1928 : S. 1828, 2, 5.
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5. Mais il fallut attendre 1957 pour que le droit moral soit consacré par la loi, et 1985
pour que certains attributs soient conférés aux artistes interprètes. Malgré une dispersion de
ces droits dans la loi, corrigée par la codification de 1992, et l’absence de traitement unitaire
du droit moral9, la jurisprudence et la doctrine ont pu dégager une théorie unitaire du droit
moral, de sorte que, notamment, l’inaliénabilité et la perpétuité du droit au respect prévues à
l’article L121-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) ont été étendues aux autres
prérogatives du droit moral.
6. Ainsi, il existe quatre prérogatives du droit moral. Le droit de divulgation, prévu à
l’article L121-2 du CPI, permet à l’auteur seul de décider s’il veut ou non porter à la
connaissance du public son œuvre. Ce droit n’a pas été conféré aux artistes interprètes. Son
pendant, le droit de retrait10 n’a pas non plus été transmis par la loi de 1985 aux artistes
interprètes. Il permet à l’auteur, seul, de retirer son œuvre, sous conditions, du marché.
L’auteur11 et l’interprète12 bénéficient du droit au respect de la paternité de leur œuvre et
interprétation. Ce droit peut être aussi bien exercé positivement - l’auteur ou l’interprète
assume la pleine et entière paternité de son art – que négativement - il refuse que son nom
soit apposé sur l’œuvre ou l’interprétation. Enfin la dernière prérogative, qui fera l’objet de
notre étude, est le droit au respect du à l’intégrité de l’œuvre ou de la prestation. Cette
prérogative permet à l’auteur13 ou à l’interprète14 d'empêcher toute mutilation aussi bien
spirituelle que matérielle à l’œuvre ou à l’interprétation.
7. Au regard de son importance pour la défense des intérêts de l’auteur, le droit au
respect a été consacré, en 1928, par l’article 6 bis, §1 de la Convention de Berne qui stipule
qu’indépendamment des droits patrimoniaux et même après leur cession, l’auteur conserve le
droit de s’opposer à toute «déformation, mutilation ou autre modification de son œuvre ou à
toute atteinte à celle-ci, préjudiciables à son honneur ou à sa réputation». La formulation se
caractérise par sa souplesse car elle laisse un large pouvoir d'interprétation aux Etats
signataires. Le droit est affirmé indépendamment de la disponibilité patrimoniale et doit être
accordé même après la cession des droits patrimoniaux.
9 S. NERISSON, Le droit moral de l’auteur décédé en France et en Allemagne, cahier IRPI, 2003 p. 16. 10 Art. L121-4 du CPI. 11 Art. L121-2 du CPI. 12 Art. L212-2 du CPI. 13 Art. L121-2 du CPI. 14 Art. L212-2 du CPI.
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8. Le champ d’application de la Convention est large puisque est visée toute
déformation, mutilation ou autre modification ou toute atteinte préjudiciable à son honneur ou
à sa réputation. Si la Convention distingue entre les déformations et les atteintes, c’est quelle
semble vouloir séparer les atteintes matérielles à l’œuvre (la mutilation) et les atteintes à
l’esprit de l’œuvre (les atteintes). Ensuite, la Convention émet une restriction, en ce sens que
les atteintes doivent être préjudiciables à son honneur ou à sa réputation. Ainsi le droit au
respect n'apparaît pas comme une faculté absolue de l’auteur à faire respecter son œuvre, mais
bien comme «une prérogative mise au service de certains intérêts déterminés»15. En effet, au
terme de la Convention, l’auteur n’est pas maître du constat des atteintes ; mais c’est bien le
juge qui caractérise l’atteinte en fonction de l’atteinte à l’honneur ou à la réputation de
l’auteur.
9. Toutefois, on peut se demander s’il s’agit de l’ensemble des atteintes, matérielles ou
spirituelles à l’œuvre, qui doivent être observées en fonction de leur préjudice à l’honneur ou
à la réputation de l’auteur, ou bien si seules les atteintes spirituelles doivent être envisagées en
fonction de leur préjudice. Les atteintes matérielles sont en effet aisément identifiables, leur
caractérisation entraîne de facto un préjudice pour l’œuvre. A l’inverse la détermination de
l’atteinte spirituelle laissée à l’appréciation seule de l’auteur peut entraîner un certain abus. En
effet, l’esprit de l’œuvre est contenu à la fois dans la forme de l’œuvre et dans l’explication ou
la volonté que l’auteur a exprimée16. Or, il peut arriver, et c’est nécessaire, que cette vision de
l’œuvre, sa destination soit distincte de ce que le public ressent. Dans ce cas, la destination de
l’œuvre (ce que l’auteur a voulu) divergera de la destinée de l’œuvre (ce que le public en a
fait). La Convention de Berne réduit ce problème au risque d’une destinée portant atteinte à
l’honneur ou à la réputation de l’auteur. Le droit français a élargi le champ de la Convention
en n'omettant aucune restriction aux atteintes. Ainsi, en droit français, toute atteinte est
susceptible de contrevenir au droit au respect de l’auteur. Cette solution a été élargie aux
artistes interprètes.
10. Réduire aux seules atteintes spirituelles la nécessité d’un préjudice permet d’éviter que
l’auteur, ou plus généralement les héritiers, n’aient trop de liberté dans la qualification de la
destination de l’œuvre. On retiendra à cet égard une affaire du Tribunal de Grande Instance
de Paris en date du 15 mai 199117. En l’espèce, l’œuvre de Jules Massenet, La méditation de
Thaïs a été utilisée dans un film publicitaire. Le jugement sanctionne cette utilisation sur le 15 C. DOUTRELEPONT, Le droit moral de l’auteur et le droit communautaire, Bruylant-LGDJ, 1997, p. 256. 16 F. POLLAUD-DULLIAN, L’esprit de l’œuvre et le droit moral de l’auteur : RIDA Janvier 2008, p.105. 17 TGI Paris, 15 mai 1991 : JCP G II 1992, 21918, note X. DEVRAT.
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fondement du droit au respect au motif que la musique était d’inspiration religieuse et
étroitement liée au sens des mots qui l'accompagnent. Ce jugement, conforme à la tradition
française d’absence de jugement du mérite d’une œuvre, n’emporte pas moins une
contradiction entre la destination, estimée par l'héritière de Jules Massenet, et la destinée de
l’œuvre. Le risque d’arbitraire dans ce cas est important. En effet, il est jugé en l’espèce que :
«la méditation de Thaïs est une pièce instrumentale écrite pour le violon, qui trouve dans
cette mélodie un support privilégié destiné à faire «sonner» l’instrument ; qu’elle
accompagne les pensées de Thaïs sur scène ne détermine aucune corrélation directe avec des
mots et n’empêche pas qu’elle soit passée à la postérité grâce aux interprétations qui en sont
données dans les contextes et situations les plus divers»18. Ce décalage entre la vision de
l’héritière et la vision commune de l’œuvre n’aurait pas eu lieu si elle avait eu à démontrer un
préjudice au sens de la Convention de Berne.
11. A l’inverse, dans le cadre d’une modification matérielle, nul besoin d’une telle
appréciation puisque l’atteinte est plus objectivement déterminable et n’impose pas de
«garde-fous». En revanche, il convient de se demander s’il existe des limites au principe
d’interdiction des atteintes matérielles à l’œuvre ou à l'interprétation.
12. En effet, au regard de son principe et de ses caractéristiques, que sont l’inaliénabilité
et la perpétuité, ce droit semble d’application absolue. Toutefois, il est nécessaire de tenir
compte de la liberté d’expression, et de son pendant, la liberté de création ; mais également de
la liberté contractuelle pour déterminer les limites à l’exercice de ce droit.
13. C’est pourquoi il convient d’étudier dans un premier temps le principe du droit au
respect appliqué aux œuvres et interprétations musicales (PARTIE I) pour ensuite établir les
modifications susceptibles d’être autorisées par la loi et/ou la jurisprudence de l’œuvre et de
son interprétation (PARTIE II).
18 X. DEVRAT, L’absolutisme du droit moral, note sous jugement : JCP G, II 1992, 21918.
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PARTIE I : LE PRINCIPE : LA GARANTIE DE L’INTEGRITE
MATERIELLE DE L’ŒUVRE ET DE L’INTERPRETATION
14. Le droit au respect garantit à l’auteur et à l’interprète la préservation de l’intelligibilité
de son œuvre et de son interprétation. Si cette intelligibilité passe par la compréhension de
l’œuvre, c’est-à-dire son aspect spirituel, elle passe dans un premier temps par la garantie de
son intégrité corporelle. Ainsi, lors de sa vie publique, l’auteur est, par l'existence de ce droit,
assuré de la pérennité de son œuvre telle qu’il l’a voulue, l'interprète également. Cependant, il
convient de déterminer dans un premier temps ce qu’on entend par la notion d’intégrité
matérielle (chapitre I) pour dans un second temps appliquer ce principe lors de l’exercice du
droit de reproduction et de représentation (chapitre II).
Chapitre I : La notion d’intégrité matérielle de l’œuvre et de l’interprétation
15. L’objet du droit au respect est de garantir l'intégrité matérielle de l’œuvre et de
l’interprétation. Toutefois, il convient de délimiter l’objet de ce droit (section 1). Ce droit est
nécessaire pour préserver l’œuvre des atteintes que pourraient perpétrer les tiers durant sa vie
publique. Il convient donc d’étudier le champ d’application de ce droit (section 2).
Section 1/ La préservation de l’œuvre et l’interprétation dans son expression «corporelle»
16. L'intelligibilité de l’œuvre musicale (A) est souvent transmise à l’écoute de tous par le
biais de son interprétation (B).
A/ L’œuvre musicale
17. Si l’œuvre musicale peut s’envisager seule, comme le résultat d’une composition
originale (1°), et être diffusée sous la forme d’album (4°), elle peut également être le fruit
d’une collaboration (2°) ou encore se décliner sous la forme composite (3°).
1°) La musique
18. La musique occidentale est une «structure complexe dans laquelle va s’instaurer une
dialectique entre la mélodie, l’harmonie, et le rythme qui la composent et qui peut se ramener
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à l’apparition d’une ou deux dominantes»19. La mélodie constitue généralement l’élément
dominant d’une composition musicale, soit l’air pour le néophyte, clairement reconnaissable
pour ce dernier. Tout emprunt, césure, modification sera facilement appréhendable.
L’harmonie est constituée d’accords. Il s’agit d’un ensemble de sons joués simultanément et
dans un enchaînement. Le rythme, enfin, est «le retour périodique des temps forts et des
temps faibles, la disposition régulière des sons musicaux (du point de vue de l’intensité et de
la durée) qui donne au morceau sa vitesse et son allure caractéristique»20.
19. Cette «dissection» de la structure musicale est utilisée par le juriste pour établir une
contrefaçon. En effet, les similitudes de rythme, de mélodie ou d’harmonie permettent
d’établir cet acte21. En outre, l’utilisation, la modification, ou la suppression d’une des
composantes, permet au compositeur de faire valoir son droit à l’intégrité de l’œuvre. Il est
important de procéder à un tel découpage de la structure d’une œuvre musicale car l’évolution
des techniques numériques permet un échantillonnage des morceaux. Peut alors être emprunté
au morceau l’un de ses éléments caractéristiques, de sorte que le droit au respect peut être
avancé quand bien même l’atteinte ne porterait que sur l’un des éléments. Si une similitude de
rythme ne caractérise généralement pas un acte de contrefaçon, toute modification de celui-ci
dans le morceau entraînera une atteinte objective au morceau. En démontre un jugement du
Tribunal de Grande Instance de Paris dans une affaire d’échantillonnage musical concernant
la chanson Auteuil, Neuilly, Passy des Inconnus22.
20. En l’espèce, le groupe d’humoristes avait utilisé plusieurs échantillons pour composer
leur «rap», et notamment des extraits d’une chanson de Macéo Parker, Southwik. L’emprunt
avait été utilisé pour servir de base rythmique à la chanson des Inconnus. Le juge a alors
déclaré que « le découpage de l’œuvre première selon le procédé de «sampling», que l’expert
a vérifié au moins à deux endroits, caractérise une violation du droit à l’intégrité de
l’œuvre».
19 B. EDELMAN sous Cass. 1ère civ., 1er juillet 1979 : RIDA 1971, n°68, p.213. 20 Le Petit Robert à ce mot. 21 A.R. BERTRAND., le droit d’auteur et les droits voisins, Dalloz, 2ème éd., 1999, p.728. 22 TGI Paris, 2 décembre 1993, Société French Fried Music et autres c./ Société Production et Editions Paul Lederman et autres, inédit : cité par C. NGUYEN DUC LONG, Intégrité et numérisation des œuvres de l’esprit : RIDA 2000, p.45.
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2°) L’œuvre de collaboration
21. Il est fréquent que le morceau, avec ou sans paroles, soit l’œuvre de plusieurs
personnes. Cette œuvre est la propriété commune des coauteurs23. Ces derniers exercent leur
droit d’un commun accord24. Dans cette perspective, il convient de se poser la question de
savoir si les différents coauteurs peuvent, ou non, exercer un droit sur leurs propres
contributions. En effet, l’article L113-3 alinéa 4 du CPI dispose que «lorsque la participation
de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun pourra, sauf convention
contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à
l’exploitation de l’œuvre commune». On devrait considérer que l’exercice individuel du droit
au respect sur sa propre contribution ne saurait être retenu lorsque celle-ci ne relève pas d’un
genre différent. Ainsi, qu’il s’agisse de musique ou de paroles, la défense du droit au respect
peut porter sur sa propre contribution.
22. Or, cet alinéa ne renvoie qu’à l’exploitation, c’est-à-dire l’exercice du droit
patrimonial sur les contributions de genres différents. Dès lors, rien n’empêche au coauteur de
faire valoir son droit au respect sur sa propre contribution25. En pratique, il apparaîtra difficile
pour le coauteur, lorsque les différents contributions ne relèvent pas d’un genre différent, de
définir les limites de sa propre création.
3°) L’œuvre composite
23. L’œuvre composite est une œuvre nouvelle dans laquelle est incorporée une œuvre
préexistante sans le concours de l’auteur de cette dernière26. Cette incorporation peut se faire
de manière matérielle ou intellectuelle. Dans le cas d’une incorporation matérielle, la
musique sera alors intégrée telle qu’écrite à l’origine et sans transformation (sauf coupure
éventuelle) dans une autre œuvre musicale ou dans une œuvre relevant d’un autre genre
artistique. Dans le cadre de la création musicale, il peut s’agir de variations, c’est-à-dire la
reprise d’un thème d’une chanson autour de développements nouveaux. Il peut s’agir encore
de la juxtaposition originale de divers morceaux afin d’en créer un nouveau. Cette méthode,
23 Art. L113-3, al. 1er du CPI. 24 Art. L113-3, al. 2 du CPI. 25 A. MAFFRE-BAUGE, Quand l’arrangement de l’œuvre musicale dérange le coauteur de celle-ci, note sous TGI Paris 16 mai 2007 : Lamy Droit de l’immatériel juillet 2007, n°29, n°939, p. 6. 26 Art. L113-2 du CPI.
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utilisée par les dj’s, peut emprunter tout ou partie de l’œuvre ancienne, de manière plus ou
moins reconnaissable.
24. A l’instar des arrangements, cette intégration peut être aussi intellectuelle. Quelle que
soit la création dérivée, le nouvel auteur dispose également d’un droit au respect. Cependant,
celui-ci doit s’exercer dans la limite des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante.
4°) Les albums
25. Bien que la musique ait de plus en plus tendance à être appréciée œuvre par œuvre
(single par single) par le développement du Moving Picture Expert Group-1/2 Audio Layer 3
(MP3), les œuvres continuent à paraître sous forme d’albums.
26. L’auteur peut-il se prévaloir d’un droit au respect uniquement sur l’œuvre envisagée
individuellement, ou sur la compilation d’œuvres ?
27. Dans ce cadre, toute amputation d’une œuvre à l’album semblerait constituer une
atteinte à l’intégrité de celui-ci. Au terme de l’article L112-3 CPI, les recueils d’œuvres, par
leur agencement original, peuvent bénéficier de la protection du droit d’auteur : l’exploitation
individuelle de chacune des œuvres ne peut toutefois pas porter préjudice à la compilation27.
Cependant, cette exploitation est envisagée lorsque l’auteur de la compilation est différent de
celui des œuvres compilées.
28. A l’inverse, en est-il de même lorsque l’auteur de la compilation, également auteur des
œuvres compilées, souhaite se prévaloir de son droit au respect vis-à-vis des modifications
effectuées sur l’album ? Il semblerait qu’il lui appartienne de démontrer que l’album tourne
«autour d’un concept artistique»28. Dans ce cas, estime la Cour d’appel de Paris, «l’atteinte
au droit moral peut ainsi tout autant être revendiquée sur chacune des œuvres comprises
dans l’album, que sur l’album en tant que compilation d’œuvres»29. L’auteur doit donc, pour
se prémunir de toute amputation, démontrer que l’album est un album «conceptuel»30.
27 Paris, 11 décembre 1964 : JCP 1965, IV, 40. 28 Paris, 14ème ch. A, 15 mars 2006, Salvador c/. Jacky Boy Music : n°05/17326. 29 Dans un sens contraire, TGI Paris, 1ère ch., 3 janvier 1968 : RIDA 1968, n°LVI, p.126. 30 Un grand nombre des albums de Serge GAINSBOURG peuvent être ainsi qualifiés, Melody Nelson et L’homme à la tête de choux étant les exemples les plus probants.
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B/ Le corps de l’interprétation
29. Au terme de l’article L212-1 du CPI, l’artiste interprète est, en matière musicale, celui
«qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une œuvre
littéraire ou artistique». L’interprétation devrait être considérée comme le résultat de ces
activités. A la lumière de cet article, l’interprétation est envisagée de manière extrêmement
large. En effet, la prestation de l’artiste peut se faire par la voix, ou toute autre expression
corporelle, mais également par l’intervention d’instruments actionnés par l’activité humaine.
En revanche, la question s’est posée de savoir si l’exécution d’une œuvre par le biais
d’instruments électroniques pouvait être considérée comme une interprétation au sens de la
loi.
30. La Cour d’appel de Paris a statué sur ce point31. Philippe Chany, co-auteur de
musiques de générique et d’éléments d’habillage sonore pour France 2, en assurait également
l’exécution au moyen de synthétiseurs et instruments électroniques à claviers. Il revendiquait
alors la qualité d’artiste interprète, en assignant la chaîne de télévision qui, à défaut d’avoir
recueilli son autorisation au titre des droits voisins32, était selon lui coupable de contrefaçon.
France 2 estimait, au contraire, que l’intéressé n’avait pas joué d’un quelconque instrument
pour interpréter une partition, mais seulement utilisé un programme de composition, en
donnant des instructions informatiques pour appeler des données sonores. Les premiers juges
avaient approuvé cette argumentation33. La Cour d’appel infirme le jugement au motif qu’il
était nécessaire de prendre en considération «l’apport des techniques informatiques tant dans
le domaine de la création que de l’interprétation».
31. La lecture littérale de l’article L212-1 du CPI indique en effet, qu’il peut y avoir
interprétation hors de l’usage d’un instrument de musique au sens traditionnel. En usant de
l’expression «de toutes autres manière»34, il ouvre le champ à tous les modes d’expression
artistique.
32. En définitive, si la conception de l’interprétation (à l’instar de celle de l’œuvre) est
évolutive et s’élargit en fonction des avancées technologiques, il n’en demeure pas moins que
l’interprétation correspond à la transcription sonore de l’œuvre, du moins en matière 31 Paris, 4ème ch., 3 mai 2006 : RIDA octobre 2006, p.305. 32 Autorisation écrite exigée par l’article L212-3 du CPI. 33 TGI Paris, 16 septembre 2003, Sté des producteurs de phonogrammes en France c/ Top 50 : D. 2003, p.2758, obs. P. SIRINELLI. 34 X. DAVERAT, un an de droit de la musique : CCE n°4 avril 2007, 4.
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musicale. Par conséquent, il s’avère nécessaire de bien délimiter l’interprétation afin d’éviter
une confusion entre l’œuvre et son interprétation, mais également entre l'interprétation et
l’interprète. Dans le cadre de l’intégrité matérielle, il est d’autant plus difficile d'établir la
frontière entre ce qui relève d’une atteinte à l’œuvre et ce qui relève d’une atteinte à
l’interprétation. Ainsi, le juge doit manier les concepts avec une grande prudence, tant la
tentation est grande de préserver l’œuvre à travers la protection de l’interprétation et de
préserver l’interprétation à travers l’œuvre, ce qui constituerait un détournement des
instruments juridiques mis à la disposition des musiciens par le législateur.
Section 2/ La préservation de l’œuvre et de l’interprétation durant leur vie publique
33. Il convient de se demander si ce droit, s’appliquant durant la vie publique de l’œuvre
et de l’interprétation (A), ne protège que des atteintes perceptibles par le public (B).
A/ L’application durant la vie publique de l’œuvre
34. L’application durant la vie publique de l’œuvre suppose qu’il y ait un point de départ à
cette dernière, en l’occurrence le moment où l’auteur exerce son droit de divulgation (1°), et
une extinction possible, celui où il exerce son droit de retrait (2°).
1°) Le point de départ : la divulgation
35. L’objet du droit au respect est l’œuvre ou l’interprétation telle que l’artiste l’a voulue.
Selon Desbois, le droit au respect intervient donc comme le corollaire du droit de divulgation.
En effet, en prenant la décision de rendre publique l’œuvre, il offre une vision de ce qu’il
estime bon au monde des arts, et à ce titre, il entend que cette vision personnelle soit
préservée. Ainsi, le point de départ de l’exercice du droit au respect serait non la création de
l’œuvre mais sa divulgation.
36. Si cette théorie peut s’appliquer aux auteurs seuls, elle demeure incertaine pour les
œuvres créées en collaboration, et inexistante pour les interprètes. L’auteur seul peut, en
effet, prendre la décision personnelle de divulguer l’œuvre (les problèmes de préservation de
celle-ci avant la divulgation ne regardant que l’auteur). Soit l’œuvre est telle qu’il l’a voulue
et il prend la décision de la divulguer, soit elle ne correspond pas à ses attentes et il ne la
divulgue pas.
11
a) Les œuvres de collaboration
37. L’œuvre de collaboration est, au titre de l’article L113-2 du CPI «l’œuvre à la
création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques». La définition «fait
apparaître que la qualification suppose la réunion de trois éléments»35 : les participants
doivent être des personnes physiques, leur contribution doit être de nature à leur donner la
qualité d’auteur et leur participation concertée.
38. Une collaboration, quelle que soit l’animation qui la guide, artistique ou non, prend
naissance d’une volonté de mettre en commun les talents de chacun. Toutefois, il peut arriver
que les intérêts de chacun divergent, que la prestation d’un collaborateur ne correspond pas
aux attentes ou à la vision que les autres collaborateurs se faisaient du projet commun. Ainsi
le droit s’empare de ce conflit d'intérêts, dont la solution se trouve, dans une limitation des
libertés de chacun.
39. En effet, «toute œuvre qui n’est pas personnelle à un seul auteur comporte une sorte
de mise en commun du droit moral qui est de la part de chacun une aliénation de ses
prérogatives personnelles»36. Le droit au respect d’un des auteurs se trouve donc limité et doit
se concilier avec l’exercice de celui des autres.
40. Il se peut, au cours de l’élaboration de l’œuvre, qu’un des coauteurs ne soit pas
satisfait de l’apport d’un autre coauteur, et refuse de la divulguer. Dans ce cas, soit le coauteur
insatisfait modifie lui-même la contribution (l’autre auteur pouvant saisir le juge afin de
rétablir l’intégrité de l’œuvre commune), soit le conflit d’intérêts sera réglé par la voie
judiciaire.
41. Cependant, la modification, voire la destruction de la contribution d’un des coauteurs
par un autre ne relève pas du droit au respect mais relèverait davantage du droit de
divulgation. En effet, si l’un des co-auteurs est insatisfait du travail final, en raison
notamment des atteintes portées à sa contribution, il ne donnera pas son accord à la
divulgation (celle ci devant s’exercer à l’unanimité). Le juge interviendra alors en amont afin
de statuer sur la divulgation ou non, de l’œuvre.
35 A. et H.J. LUCAS, Traité de propriété littéraire et artistique 2006, 3ème ed., p.153. 36 R. SAVATIER : JCP 1957, I, Doc. 1398, n°45.
12
b) Les interprétations
42. A l’inverse de l’auteur, l’interprète ne dispose pas d’un droit de divulgation, ceci en
dépit des critiques doctrinales. En effet, le code est étonnamment silencieux sur l'existence
d’un droit de divulgation pour l’artiste interprète. Le rapprochement du régime du droit de
l’artiste interprète avec celui de l’auteur, laisserait cependant supposer qu’il existe bel et bien,
malgré cette omission. Selon certains auteurs, le droit de divulgation, étant «véritablement
fondamental, relèverait de l’essence même du droit moral et serait à ce point évident qu’il
s’appliquerait sans pour autant avoir été formellement énoncé»37. Toutefois, il est permis de
penser que si le législateur n’a pas mentionné ce droit à l’égard des artistes interprètes, c’est
bien qu’il en est dépourvu. Il s’agit d’un droit voisin du droit d’auteur, mais le fait que leurs
régimes soient proches ne doit cependant pas masquer une certaine hiérarchie entre les deux
droits. La doctrine majoritaire est alors encline à penser que l’interprète ne jouit pas d’un droit
de divulgation38. Une solution inverse reviendrait à conférer à l’artiste un droit sur
l’exploitation de l’œuvre, ce qui se révélerait peu compatible avec la situation de
subordination qui le lie à son employeur.
43. Cependant, l’artiste interprète dispose d’un droit d’autorisation en vertu de l’article
L212-3 du CPI. S’il peut s’apparenter au droit de divulgation énoncé par l’article L121-2 du
même code, certains auteurs39 estiment qu’il n’est pas exprimé aussi singulièrement. Parce
qu’il s’agit d’un droit patrimonial, cette prérogative n’a pas le caractère absolu que pourrait
avoir un attribut du droit moral40. En effet ce droit est cessible et soumis aux exceptions du
droit de l’artiste interprète envisagées par l’article L211-3.
44. Dès lors, l’artiste interprète ne pouvant mettre en œuvre un droit de divulgation, le
droit au respect interviendra dès la fixation de son interprétation. S’il a cédé son droit
d’autorisation prévu à l’article L212-3 du CPI, et que le producteur souhaite publier
l’interprétation, l’artiste interprète pourra, sur le fondement du droit au respect, obtenir, le cas
échéant, le retrait de l’interprétation litigieuse.
37 T. AZZI, Le droit moral de l’artiste interprète : retour sur les silences troublants du législateur : Propr. Intell. juillet 2008, n°28, p.281. 38 A. et H.J. LUCAS, op. cit., n°1028 ; P. Y. GAUTIER, Propriété littéraire et artistique, PUF Droit, collection droit fondamental, 5ème édition, 2004, n°14 ; F. POLLAUD-DULLIAN, Le droit d’auteur, Economica, corpus droit privé, 2004, n°1607. 39 X. DAVERAT, Le droit moral de l’artiste interprète : J.-Cl. propriété littéraire et artistique, fasc.1430, n°20. 40 T.AZZI, préc., p.286.
13
2°) L’extinction du droit au respect
a) L’auteur
45. Le droit français, depuis la loi de 1957, a opté pour une conception dualiste du droit
d’auteur. Ce principe a pour effet de bien séparer les attributs patrimoniaux et moraux de
l’auteur. Ainsi, l'extinction des droits patrimoniaux au bout de 70 ans après la mort de
l’auteur41 n’emporte pas l’extinction de son droit moral. A l’article L121-1, le code confère au
droit moral une protection perpétuelle et imprescriptible. On peut toutefois noter un paradoxe
en ce que le code précise à l’alinéa 2 du même article que ce droit est attaché à la personne de
l’auteur. Comme tout droit de la personnalité, on pourrait en déduire que ce droit ne survit pas
à la mort de l’auteur. A l’inverse, les droits patrimoniaux, véritables droits de propriété,
cessibles et donc détachables de la personne de l’auteur, sont plus enclins à supporter
l’imprescriptibilité42 au-delà de la mort de ce dernier.
46. Le droit au respect de l’œuvre est perpétuel. Toutefois, si l’auteur prend la décision de
retirer l’œuvre de sa vie publique, sur le fondement de l’article L121-4, toute modification de
l’œuvre devra dès lors être sanctionnée, non plus sur le fondement du droit au respect, mais
sur le fondement du droit de retrait de l’œuvre.
b) L’artiste interprète
47. Concernant, l’artiste interprète, aucune précision n’est donnée sur le caractère
perpétuel du droit au respect. En effet, l’article L212-2 alinéa 2 du CPI précise que «ce droit
inaliénable et imprescriptible est attaché à sa personne». Cependant, l’alinéa 3 dispose que ce
droit «est transmissible à ses héritiers pour la protection de l’interprétation et de la mémoire
du défunt». Pour une partie de la doctrine cela signifierait qu’à l’inverse de ce que la loi
prévoit en matière de droit d’auteur, le droit moral s’éteindrait ici avec les droits
patrimoniaux43. Cette analyse unitaire est, à notre avis, en parfaite contradiction avec la loi de
1985, en ce qu’elle sépare le droit moral et le droit patrimonial de l’artiste interprète. De plus,
elle contredit la jurisprudence qui tend à calquer le régime du droit moral de l’artiste
interprète sur celui de l’auteur. Quel serait alors le but du rappel de l’imprescriptibilité de ce
droit si ce n’est pour lui conférer un caractère perpétuel ? 41 Art. L123-1 du CPI. 42 S. NERISSON, op. cit., p.28. 43 « 50 ans après l’interprétation ou la communication au public », art. L211-4 du CPI.
14
48. Par ailleurs, on peut se demander si l’arrêt des droits patrimoniaux n’emporte pas des
conséquences sur l’exercice du droit au respect. En effet, à l’inverse d’une conception
purement personnaliste du droit moral, on peut envisager que le fait pour une œuvre ou une
interprétation de tomber dans le domaine public puisse permettre une utilisation plus libre, sur
le fondement notamment de la liberté de création, corollaire de la liberté d’expression.
Cependant, dans une décision récente, la Cour de cassation , bien qu’ayant estimé que cette
liberté empêchait les héritiers d’interdire l’adaptation d’une œuvre tombée dans le domaine
public, a rappelé que cette liberté devait s’exercer dans la limite du droit au respect44.
49. Ainsi, le droit au respect s’exerce de manière perpétuelle pendant toute la vie publique
de l’œuvre. Ce droit garantit une intangibilité de l’œuvre, nécessaire à la préservation de son
intelligibilité.
50. Qu’il s’agisse d’une œuvre réalisée seul, d’une œuvre de collaboration ou d’une
interprétation, le droit au respect va protéger l’œuvre durant sa vie publique. Les atteintes
perpétrées, aussi bien au corps de l’œuvre, à l’interprétation, qu’à l’esprit, ne vont être
envisagées que si elles interfèrent avec la vision que l’artiste a voulu donner de son travail
lorsqu’il a autorisé sa communication publique.
B/ La préservation contre les atteintes publiques
51. On peut se demander si l’appréciation de l’atteinte doit se faire par rapport au public
ou si son appréciation est éminemment subjective et reste de l’appréciation de l’auteur seul.
En effet, l’exercice du droit au respect doit être fondé sur une atteinte à l’intégrité matérielle
de l’œuvre. Cette atteinte est un fait juridique dont la réalité doit être prouvée. La
communication de l’œuvre se fait dans une forme musicale, intelligible par le public. C’est
cette intelligibilité de la pensée, des sentiments de l’auteur à travers la forme musicale qui ne
doit pas être viciée. Il est nécessaire pour vérifier l’atteinte de se référer au processus d’accès
à la chose.
52. Si ce processus est déterminé par l’auteur seul, ce droit est considéré comme absolu, et
il appartient au juge de donner raison à l’auteur dès lors que celui-ci estime que la version
diffère de sa vision. A l’inverse, le considérer comme contingent nécessite de déterminer
44 Cass. 1ère civ., 30 janvier 2007, n°04-15.543, SA Plon et a. c/ Pierre Hugo et a. : D. 2007, p.920, comm. S. CHOISY ; JCP G n°7, 14 février 2007, II 10025, comm. C. CARON.
15
l’atteinte. Ainsi, si ce fait modifie la forme intelligible de l’œuvre et est perceptible par le
public, alors l’atteinte sera qualifiée.
53. Il est à noter que ce n’est pas le public qui peut se prévaloir de l’atteinte, et ce quand
bien même il souffrirait de la dénaturation45. En effet, la protection est instituée dans l’intérêt
de l’auteur. Il peut arriver, d’ailleurs, que l’intérêt du public diverge de celui de l’auteur. Ce
renvoi au public est nécessaire pour juger de l’effet produit par le fait reproché. Celui-ci se
conçoit comme un individu de compétence et d’exigence moyennes en rapport avec le mode
de communication envisagé46. Mais il ne permet pas de juger de l’opportunité de la
procédure, ni du préjudice. L’existence de ce préjudice n’est d’ailleurs pas à rechercher
puisque dès lors que l’atteinte est caractérisée, il y a violation du droit moral.
54. Dès lors, la mise sur support estimée de mauvaise qualité par l’auteur ne pourra être
accueillie par le juge que si la perception de ce défaut de qualité se fait sentir par le public.
Cependant, l’auditeur moyen doit il être considéré par rapport à l’œuvre musicale en général
ou par rapport à celle envisagée ? En effet, l’exigence d’un public de musique classique ne
sera pas la même qu’un public habitué du rock garage. La sensibilité recherchée par la
justesse des notes et la pureté du son des concertos pour piano de Bartok ne sera évidemment
pas la même que la qualité recherchée pour l’écoute de l’œuvre intégrale des Stooges.
Cependant, l'indifférence du mérite des œuvres obligerait à qualifier l’atteinte d’une façon
identique pour toutes les œuvres.
55. Il nous semble que l'indifférence du mérite de l’œuvre ne devrait jouer que dans
l’accès à la protection. Ainsi, le juge devrait regagner une certaine forme d’appréciation
artistique pour la caractérisation de l’atteinte. Ce que d’ailleurs il a déjà fait. En effet, dans
l’arrêt en date du 7 novembre 200647, le juge suprême a estimé, au sujet d’une œuvre de
Pierre Perret intégrée à un karaoké, que « le groupe d’artistes l’interprétait classiquement, la
livrant au public sans déformation, mutilation ou autre modification, et que ni la
superposition du texte aux images ni le cadre général de l’œuvre audiovisuelle ne modifiait
l’esprit de l’œuvre particulière, chanson populaire comme les treize autres, ni n’était de
nature à la dévaloriser». Force est alors de constater que le juge confirme ici la Cour d’appel
45 En 1853, le comte Thadée Tyszkiewics poursuivis en justice l’académie impériale de musique pour avoir eu les «oreilles abîmées» par une représentation du Freyschutz de Weber. Plainte reproduite par P. SZENDY, op. cit., p.43. 46 S. GREGOIRE, Le droit au respect : J.Cl. propriété littéraire et artistique, Fasc, 1213. 47 Cass. 1ère civ., 7 novembre 2006 : D. 2006, 417, note P. ALLAYES ; CCE 2006, comm. n°152, note C. CARON.
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dans son appréciation artistique d’une atteinte à l’œuvre, tant dans l’atteinte matérielle
alléguée par l’auteur («son interprétation en play back, par un groupe totalement anonyme,
chantant au surplus faux») que dans sa dénaturation.
Chapitre II : L’application du principe
56. Comme nous l’avons vu précédemment, le droit au respect a vocation à s’appliquer
lors de la vie publique de l’œuvre. La vie publique correspond, généralement, à son
exploitation, c’est pourquoi il convient d’étudier précisément le droit au respect en fonction
des modes d’exploitation d’une œuvre et d’une interprétation musicale. Aussi nous
étudierons ces modes d’exploitation selon le découpage traditionnel à savoir le droit de
reproduction (Section 1) et le droit de représentation (Section 2).
Section 1/ Dans le cadre de l’exercice du droit de reproduction
57. Le droit de reproduction correspond à «l’intercalation d’un support entre l’œuvre
incorporelle et le public, qui y accédera, «de manière indirecte», par son intermédiaire»48 .
Ce droit est, le plus souvent, transmis par l’auteur ou l’interprète à un tiers en vue de la mise
sur support. Dans le cadre d’une œuvre musicale, deux acteurs interviennent : l’éditeur
responsable de la fabrication en nombre du support (A) et le producteur responsable de la
première fixation sonore (B). Il convient donc d’étudier les obligations de chacun de ces
acteurs par rapport au droit au respect.
A/ Les obligations relatives à l'éditeur
58. Défini à l’article L132-1 du CPI, «le contrat d’édition est le contrat par lequel
l’auteur d’une œuvre de l’esprit ou ses ayants droit cèdent à des conditions déterminées à une
personne appelée éditeur le droit de faire fabriquer en nombre, des exemplaires de l’œuvre, à
charge pour elle d’en assurer la publication et la diffusion». Traditionnellement envisagé
pour la matière littéraire, ce contrat est employé en matière musicale à la fois pour l’édition
graphique des partitions musicales et pour l’édition phonographique.
59. En vertu de l’alinéa 2 de l’article L132-11 du CPI, l’éditeur «ne peut, sans
autorisation écrite de l’auteur, apporter à l’œuvre aucune modification». On peut se 48 P.-Y. GAUTHIER, op. cit., n°152.
17
demander en quoi cette obligation diffère du droit au respect envisagé de manière générale à
l’article L121-1 du CPI. La doctrine s’accorde à penser qu’avec cet alinéa, le législateur a
souhaité contraster avec la cession du droit de reproduction. En effet, il réaffirme le caractère
inaliénable du droit au respect, de sorte que la cession du droit de reproduction n’emporte pas
la cession du droit au respect. Ce simple «écho»49 de l’article L121-1 ne doit donc pas être
envisagé comme une obligation accrue à l’égard de l’éditeur. Il convient toutefois de
distinguer entre l’édition graphique (1°) et l’édition phonographique (2°).
1°) Dans le cadre de l’édition graphique
60. Le droit au respect, en raison des risques assumés par l’éditeur, justifie certains
aménagements. Il est d’une part «tenu d’une obligation de conseil au terme de laquelle il doit,
sauf à engager sa responsabilité, corriger les fautes d’orthographe ou de sémantique relevées
dans le manuscrit ou les signaler à l’auteur»50. Si cette obligation s’apprécie facilement dans
le cadre des œuvres littéraires, elle parait plus compliquée à satisfaire dans le cadre de
l’édition graphique musicale.
61. Les erreurs communes en matière d’édition graphique sont les erreurs portant sur les
clefs, les signes, la mesure ou encore l’oubli de la mention du tempo retenu. Ces
modifications, à l’inverse des corrections en matière littéraire, devront toujours faire l’objet
d’une demande de la part de l’éditeur tant le droit moral est menacé par ce genre de
correction. En effet, les fautes d’orthographe ne dépendent (normalement) pas du libre arbitre
de l’auteur, tandis qu’en matière musicale le choix d’un tempo, d’une tonalité dépend d’un
choix éclairé du musicien51. Ainsi, si Desbois pensait les éditeurs fondés, dans des ouvrages
d’histoire ou de biographie, à redresser les erreurs flagrantes d’orthographe ou de syntaxe,
mais aussi les inexactitudes d’information, qui échappent à toute discussion52, nous ne
pensons pas que cette liberté puisse être élargie à l’édition phonographique pour justifier la
correction des oublis de l’auteur, quand bien même celle-ci ne prêterait à aucune discussion.
62. Une solution inverse doit toutefois être envisagée lorsque la partition comporte
également les paroles, auquel cas l’éditeur doit comme dans le cadre de l’édition littéraire,
corriger les fautes graves d’orthographe. 49 A. et H. J. LUCAS, op. cit., p.511. 50 Toulouse, 2ème ch., 22 février 1993 : juris-data n°1993-0400928 ; Paris, 4ème ch., 4 février 1988 ; D. 1989, somm. Comm. 49, obs. C. COLOMBET. 51 G. BOUCHE, L’édition d’œuvre musicales, thèse, Nantes, 2003, p.209. 52 DESBOIS, Le droit d’auteur en France, 3ème édition, Dalloz, n°448.
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2°) Dans le cadre de l’édition phonographique
63. On peut se poser la question de savoir si, dans le cadre de l’édition phonographique,
l’éditeur, peut, dans un souci d’éviter une condamnation civile ou pénale ultérieure, apporter
des modifications à l’œuvre ou à l’interprétation.
64. Une affaire retiendra notre attention. Par un jugement en date du 3 janvier 196853, le
Tribunal de Grande Instance de Paris a estimé que l’œuvre protégée par le droit moral est la
chanson et non l’album. Dès lors, l’éditeur ne porte pas atteinte au droit moral en décidant la
suppression de l’une des chansons du disque en raison du caractère diffamatoire de celle-ci.
65. En effet, en 1967 en exécution d’un contrat d’enregistrement passé en 1966, l’auteur
compositeur interprète Léo Ferré enregistre treize chansons. Or, l’une des chansons intitulée A
une chanteuse morte porte clairement atteinte à l'impresario d’Edith Piaf, en l’accusant de se
servir de la mort de la chanteuse pour promouvoir une nouvelle artiste. L’éditeur décide de
retirer cette chanson du catalogue. Il était mentionné dans le contrat d’enregistrement que si
«le choix des titres sera déterminé d’un commun accord», en outre, «la compagnie (l’éditeur),
est seul juge pour décider si les enregistrements sont réussis et susceptibles de figurer à son
catalogue».
66. Léo Ferré n’a pas réussi à démontrer que les chansons tournaient autour d’un thème
unique. La suppression porte selon lui préjudice à l’œuvre que constitue le disque et rompt
l'intelligibilité de celui-ci. Or en raison du contrat, le choix du catalogue était laissé à la libre
appréciation de l’éditeur. De plus, «la simple volonté d’un auteur de donner à plusieurs
œuvres distinctes le caractère d’œuvre unique ne suffit pas. Cette volonté doit s’exprimer de
manière concrète. On retrouve bien la logique du droit d’auteur qui pose comme principe
fondamental que l’idée soit incarnée en une forme perceptible aux sens afin de donner prise
au monopole d’exploitation»54.
67. Toutefois, une jurisprudence plus ancienne avait considéré55 que l’éditeur ne peut
exercer une censure des auteurs qu’il édite, même pour expurger de leurs œuvres les propos
diffamatoires susceptibles d’entraîner pour lui, éditeur, des poursuites civiles ou pénales.
L’activité d’éditeur n’est donc pas sans risques. Ainsi, si l’éditeur ne peut procéder lui même 53 TGI Paris, 1ère ch., 3 janvier 1968 : RIDA 1968 n°LVI, p.126. 54 G. BOUCHE, op. cit., p.214. 55 T.Civ. Seine, 12 février 1922 : annales 1923, p.323.
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à la suppression des paroles susceptibles de lui porter préjudice, il peut refuser l’édition d’une
œuvre si elle ne s’inclut pas dans un ensemble constituant un «tout artistique», conférant au
disque la qualité d’œuvre.
B/ Les obligations relatives au producteur
68. Le producteur est celui qui prend l’initiative et la responsabilité de la fixation d’une
œuvre musicale. Dès lors, il s’engage à respecter les intentions de l’auteur, notamment dans
l’exercice de son droit moral.
69. La réalisation d’un exemplaire phonographique peut porter atteinte à l’œuvre en
question, dans un premier temps dans la qualité de l’interprétation. Les artistes interprètes
étant subordonnés, dans l’exercice du contrat de travail, au producteur, celui-ci s’engage à ce
que l’interprétation soit conforme à l’intention de l’auteur.
70. Dans un second temps, le producteur s’engage, notamment au regard des techniques
de fixation, à respecter l’œuvre. Ces réserves concernant le droit moral sont évoquées dans les
contrats d’édition sonore, notamment dans les contrats types BIEM/IFPI pour l’industrie
phonographique. L’article III de ces contrats stipule que «les modifications que le producteur
croirait devoir apporter à une œuvre pour satisfaire aux nécessités de l’enregistrement ne
devront jamais avoir pour effet d'altérer le caractère de l’œuvre, et la société réserve
expressément le droit moral des auteurs.»
71. L’exemple de la numérisation correspond bien au type d’atteintes que l’œuvre et
l’interprétation peuvent subir dans le cadre de l’enregistrement (1°). Nous étudierons par la
suite les atteintes du fait du karaoké (2°) et des sonneries téléphoniques (3°)
1°) La numérisation des œuvres
72. La prise en considération de l’évolution technique dans le domaine musical nous
oblige à envisager la numérisation dans le cadre des atteintes à l’œuvre et à l’interprétation.
En effet, qu’il s’agisse de nouveaux modes d’enregistrement ou de nouveaux modes de
stockage, la numérisation a désormais pris le «monopole de l’exploitation musicale». Elle a
pour finalité d’assurer la reproduction pure et simple des œuvres ou des interprétations. A ce
titre, le droit au respect de l’intégrité ne devrait pas avoir à s’appliquer. Il ne faut cependant
pas oublier que le droit au respect entraîne des obligations très strictes à la charge du
20
producteur et de l’éditeur. Dès lors, de quelle manière l’auteur ou l’interprète est-il fondé à se
prévaloir de son droit au respect à l’intégrité pour une opération ayant pour but la
reproduction pure et simple des œuvres ou interprétations ?
73. Que ce soit au niveau de l’enregistrement réalisé par le producteur, au moment de la
fabrication des exemplaires ou du stockage, la numérisation consiste en une «conversion d’un
objet réel en une suite de nombres permettant de représenter cet objet en informatique ou en
électronique numérique. On utilise parfois le terme franglais de digitalisation»56. En
musique, elle consiste à convertir un signal analogique en un signal numérique. Or, un signal
analogique est par définition d’une précision infinie, à la fois en temps et en valeur. Dès lors,
pour permettre une définition exacte en temps du signal afin de le stocker numériquement, on
va réduire ce signal à une suite de points discrets. C’est-à-dire, pour simplifier, que le signal
numérique est une représentation imparfaite et approximative du signal analogique.
74. Si cette imprécision est souvent imperceptible à l’oreille, la jurisprudence a toutefois
rappelé avec constance que «toute modification, quelle qu’en soit l’importance, apportée à
une œuvre de l’esprit, porte atteinte au droit de son auteur au respect de celle-ci». Cette
formule est applicable à l’œuvre57 et à l’interprétation58. Toutefois, la première fixation
numérique, n’emportera pas les mêmes conséquences qu’il s’agisse de l’œuvre ou de
l’interprétation. En effet, la Cour de cassation a déjà rappelé que la finalité de l’œuvre était
d’être interprétée59, elle n'hésite pas d’ailleurs à apprécier la qualité de l’interprétation60. A ce
titre, il est probable qu’elle n’apprécie que la qualité de l’enregistrement, d’autant plus s’il
s’agit du premier enregistrement. L’élément de comparaison est absent, seule l’impression de
l’auteur peut être retenue. Dès lors, le juge devra apprécier entre ce que l’auteur a voulu et le
résultat de l’enregistrement numérique.
75. L’interprète quant à lui est, le plus souvent, subordonné au producteur par un contrat
de travail prévu à l’article L762-1 du Code du travail. L’engagement du droit au respect en
raison d’un enregistrement numérique serait peu compatible avec cette subordination.
D’autant plus qu’en vertu de l’article L212-3 du CPI, la fixation de sa prestation est soumise à
56 http://fr.wikipedia.org/wiki/Numerisation. 57 Cass. 1ère civ, 24 février 1998 : D. 98, p.471 note FRANCON ; Cass. 1ère civ., 5 décembre 2006 : CCE., n°2, février 2007, comm. 18 C. CARON. 58 Cass. Soc., 8 février 2006 : Légipresse, n°232, juin 2006, comm. P. TAFFOREAU. 59 Paris, 4ème ch., 23 janvier 2004, Edition Musicales Alpha, Jacques Dutronc et autres c/ Sté Case production : RIDA 2/2005, p.308. 60 Cass. 1ère civ., 7 novembre 2006, préc.
21
autorisation. C’est en raison de ce droit que l’artiste interprète agira et non sur le fondement
de son droit au respect.
76. En outre, la pochette de l’album est également présente sur le support numérique.
L’ «art numérique» offre donc une myriade de possibilités pour présenter avec l’œuvre un
certain nombre d’informations, qu’elles soient d’ordre visuel ou sonore, voire non
perceptibles par les sens comme par exemple les DRM (Digital Right Management), qui
permettent à l’éditeur d'empêcher la reproduction ou de limiter l’usage de l’œuvre à un ou
plusieurs supports. Ces clefs numériques sont présentes sur le disque ou directement sur le
morceau dématérialisé.
77. On peut se poser la question de savoir si cette présence aux côtés de l’œuvre
reproduite sous forme de code peut porter matériellement atteinte à l’œuvre. A notre avis en
aucune façon, dans le sens où elle ne modifie ni l’œuvre, ni l’interprétation dans sa
perception. Dès lors, elle ne peut constituer une atteinte matérielle à l’œuvre. La pratique a
cependant révélé que la présence de ces programmes pouvait faire apparaître sur certains
matériels d’écoute des sauts, des clics ou distorsions, auquel cas l’atteinte est clairement
avérée ; l’artiste peut donc s’en prévaloir61.
78. Il est donc peu probable que les producteurs et éditeurs puissent se prévaloir de la
notion de contraintes techniques pour justifier ces atteintes à l’œuvre ou l’interprétation.
Cependant, comme le relève très justement Christine Nguyen Duc Long, si la numérisation
fait craindre de nombreuses atteintes à l’œuvre, chacune des parties devra prendre
«conscience des contraintes de l’autre partie»62.
79. En revanche, il arrive que certains producteurs décident de remettre au goût du jour
certains morceaux. Ils procèdent ainsi au remastering. Le remastering est une technique de
post-production utilisée dans les industries musicales et cinématographiques. L'objectif est
d'améliorer la qualité d'enregistrement sonore ou audiovisuel vieillissant. Comme son nom
l’indique, il s’agit d’un nouveau mastering, qui est un procédé permettant de regrouper les
instruments enregistrés indépendamment (les pistes), pour rendre un ensemble cohérent à
61 «Question : Pourquoi les fichiers copiés du disque avec Microsoft® Windows Media® Player comportent-ils des clics, sauts ou distorsions? Réponse : Ceci est dû à la technologie Copy Control contenue sur le disque, destinée à empêcher toute copie numérique» : http://www.emimusic.info/fr_FR/ccontrol.html#a15. 62 C. NGUYEN DU LONG, préc., p.97.
22
l’écoute de l’œuvre63. On procède alors à la numérisation indépendante des pistes, si celles-ci
ont été conservées ; si les bandes ont été perdues, on se contentera des pistes gauche et droite
pour un enregistrement en stéréophonie ou de l’unique piste monophonique. Généralement, le
remastering ne consiste pas en une unique numérisation des œuvres. On procède également à
des corrections sonores de l’œuvre, consistant en la suppression du souffle, l’amélioration de
la dynamique afin de pouvoir augmenter le volume de l’enregistrement sans souffrir des effets
de distorsion, et enfin une nouvelle égalisation. Les modifications ainsi faites ont pour but
d’améliorer la qualité d’écoute d’une œuvre, d’en faire ressortir des variations, des sons qui
n’étaient pas présents sur le premier enregistrement, en raison de la mauvaise qualité
technique de l’époque.
80. Louable ou non, l’auteur et l’interprète peuvent s’en plaindre, car elles consistent en
une modification de l’œuvre ou de l’interprétation. Cette technique peut en effet faire
apparaître les défauts de l’interprète, ou révéler certaines incohérences de l’œuvre, auquel cas
l’auteur et l'interprète doivent être, une nouvelle fois, expressément sollicités par le
producteur qui souhaite retravailler cette œuvre.
2°) Le karaoké : entre destruction du lien harmonique et simple compilation
81. Le karaoké est l’exemple le plus probant d’atteinte matérielle. La Société pour
l’administration du Droit de Reproduction Mécanique (SDRM) définit ce procédé comme
«tout support de son, de texte ou d’image y compris numérique, reproduisant pour une œuvre
donnée, l’interprétation musicale et le défilement concurrent du texte des paroles et/ou de la
partition de ladite œuvre, et dont l’objet est de permettre l'interprétation chantée de cette
dernière par l’utilisateur grâce au défilement sur écran du texte des paroles et/ou de la
partition simultanément à la diffusion de l’interprétation musicale»64.
82. Ce procédé d’origine japonaise consiste plus généralement en une suppression des
paroles chantées de l’œuvre, laquelle est réduite à son orchestration, afin que l’utilisateur du
vidéogramme puisse interpréter la chanson en fonction du défilement des paroles. Les juges
du fond sont souvent saisis de telles affaires par des auteurs faisant prévaloir leur droit au
respect. Les juges donnaient, d’ailleurs, souvent raison à ces auteurs, en estimant que cette
exploitation portait préjudice «du fait notamment de la suppression partielle de la ligne
63 http://fr.wikipedia.org/wiki/Remastering. 64 Cité par P. ALLAEYES, préc., p.417.
23
mélodique, de la synchronisation de la musique d’accompagnement avec des images et un
texte fragmenté et colorié»65 .
83. Cependant, alors qu’il paraissait clair pour la doctrine que l’exploitation sous forme de
karaoké portait atteinte à l’œuvre, la Cour de cassation dans une affaire assez proche du
procédé karaoké avait estimé «qu’une chanson constituait un tout indivisible, par l’union de
ses textes et musique, et dont l’exploitation, séparée, portait atteinte au droit moral»66.
Pourtant, elle est revenue récemment sur cette jurisprudence. Le 7 novembre 2006, la Haute
cour a estimé que le karaoké pouvait s'apparenter à une compilation, laquelle est «un mode
d’exercice du droit patrimonial cédé», que celle ci «n’est de nature à porter atteinte au droit
moral de l’auteur, requérant alors son accord préalable, qu’en tant qu’elle risque d’altérer
l’œuvre ou de déconsidérer l’auteur».
84. En l’espèce, la société Warner Chappell Music France, sous-cessionnaire des droits
d’exploitation de la chanson Les jolies colonies de vacances, dont M. Pierre Perret est l’auteur
compositeur et l’interprète habituel, a autorisé la société Polygram vidéo à intégrer l’œuvre
dans une vidéocassette, intitulée Kara Ok !. Dans ce vidéogramme la chanson était interprétée
par un groupe d’artistes. Or, à l’inverse des karaokés traditionnels, la chanson était interprétée
intégralement, de sorte M. Pierre Perret ne pouvait se prévaloir d’une atteinte matérielle à son
œuvre, puisque «le groupe d’artiste l’interprétait classiquement, la livrant au public sans
déformation, mutilation ou autre modification».
85. Dès lors, il est nécessaire de distinguer, dans le cadre du karaoké, le karaoké
classique, c’est-à-dire avec suppression du chant, et les karaokés sans suppression. La Cour
d’appel de Paris avait en effet révélé dans une autre affaire que le droit au respect de l’œuvre
n’est pas en cause lorsqu’un groupe d’artistes interprète une chanson, dont le texte défile
simultanément avec le son, en superposition des images67. Le but d’une œuvre musicale étant
d’être interprétée, l’auteur, en l’absence de modification, ou si ces modifications ont été
autorisées par contrat, ne peut se prévaloir d’une atteinte à son œuvre. A l’inverse, dans le
cadre de paroles dissociées, le juge devra retenir que «le procédé karaoké détruit le lien
harmonique naturel existant avec la ligne mélodique de l’œuvre initiale compte tenu de la
65 Paris, 4ème chambre A., 14 mars 2001 : D. 2001, somm. P.2556, obs. P. SIRINELLI. Dans le même sens, Paris 1ère ch., 7 mai 2001, Jacques Brel c/ Petraco : RIDA 4/2001, obs A. KEREVER. 66 Cass. 1ère civ., 15 février 2005, Femme Libérée : CCE 2005, comm. n°61, obs. C. CARON. 67 Paris, 4ème ch., 23 Janvier 2004, Edition Musicales Alpha, Jacques Dutronc et autres c/ Sté Case Production : RIDA, 2/2005, p 308.
24
transcription exclusivement graphique des paroles et de la reproduction partielle de la
musique»68.
3°) Les sonneries téléphoniques
86. Dans un jugement du 7 novembre 200369, le Tribunal de Grande Instance de Paris a
eu à connaître de l’exploitation d’une œuvre musicale sous forme de sonnerie téléphonique. Il
s’agissait, en l’espèce, d’une œuvre écrite et composée par M. Claude M’B (dit Mc Solaar) et
d’autres coauteurs. Ceux-ci avaient fondé leur action sur l’atteinte au droit moral. Le Tribunal
de Grande Instance a estimé que les œuvres étaient réduites à «une simple ligne mélodique
numérisée, passée en boucle». En outre, «les chansons considérées relèvent d’un genre, le
rap, dans lequel une importance particulière est accordée aux paroles et qu’ils n’entendent
donc pas que les textes puissent être dissociés de leur accompagnement musical». Le juge a
donc estimé que cette exploitation de l’œuvre constituait une atteinte au droit au respect.
87. On peut s’interroger sur la portée en 2008 d’une telle solution, tant les sonneries
téléphoniques ont évolué. En effet, aujourd’hui, la technologie est telle que désormais il est
possible d’utiliser le morceau, numériquement compressé, en guise de sonnerie. Le format
désormais employé est soit le format dit Hifi, soit directement l’emploi de morceaux
compressés au format Mp3. Mais, au-delà de ce fait, on peut se poser la question de savoir si
le format extrêmement court imposé par la nature de la sonnerie téléphonique ne doit pas être
envisagé également comme une atteinte matérielle.
88. Lorsque le morceau est proposé par des distributeurs en téléchargement Hifi, la
musique est coupée afin de correspondre au format imposé par la sonnerie. Dès lors, étant
donné les coupures effectuées, le juge devra retenir une atteinte à l’œuvre originale. En outre,
lorsque celui-ci est proposé en format Mp3, la musique n’est amputée que par l’utilisation qui
en est faite par la personne. Dès lors, cette exploitation ne portera atteinte à l’esprit de l’œuvre
que dans la mesure où l’exploitation qui en est faite est contraire à la destination de l’œuvre
telle que voulue par l’auteur.
68 TGI Paris, 3ème chambre, 1ère sect., 28 mai 2003, Pierre Perret c/ Ibach Distribution : n°99/18209. Concernant également l’exploitation de la chanson Les jolies colonies de vacances mais dans un karaoké traditionnel sans interprétation vocale. 69 TGI Paris, 3ème chambre, 2ème section, 7 novembre 2003 : Légipresse, Mars 2004, p.38, note J.-P. HUGOT.
25
Section 2/ Dans le cadre de l’exercice du droit de représentation
89. Le droit de représentation consiste en une transmission directe au public. Cette
communication au public peut se faire soit par le biais d’une interprétation publique, auquel
cas il conviendra d’étudier les différentes atteintes que peut perpétrer une interprétation, à
l’œuvre mais également à une interprétation plus ancienne (C). Cette communication peut se
faire également par une «représentation mécanique», c’est à dire par le biais du support,
préalablement reproduit. Cette représentation peut être soumise, plus que dans le cadre de
l’exercice du droit de reproduction, à des impératifs techniques qui pourront venir porter
atteinte à l’œuvre et à l’interprétation (A). Enfin, la communication au public peut se faire en
«ligne», il conviendra, une nouvelle fois, de mesurer l’impact du numérique sur le droit au
respect dans ces nouveaux modes de communication (B).
A/ Les impératifs techniques
90. Au même titre que l’éditeur, voire le producteur, l’entrepreneur de spectacle est tenu de
garantir à l’auteur et à l’interprète le respect de son œuvre ou interprétation. Le code rappelle,
à l’instar de l’éditeur, cette obligation à l’article L132-22. On notera toutefois la différence de
rédaction entre l’article L132-11 et l’article L132-22 du CPI, ce dernier évoquant «les
conditions techniques propres à garantir le respect des droits intellectuels et moraux de
l’auteur», tandis que l’article L132-11 estime quant à lui que l’éditeur ne peut apporter, sans
le consentement de l’auteur, aucune modification.
91. Il ne faut pas, pour autant, en déduire une différence de régime. Le code instaure à
l’article L121-1 un régime général de respect des œuvres (ainsi que son pendant pour les
interprétations à l’article L212-2). La différence de rédaction rappelle le caractère propre des
deux activités. En effet, l’éditeur est plus à même d’apporter des modifications, tandis que
l’entrepreneur de spectacle, ou tout diffuseur public de l’œuvre ou de ses interprétations, n’est
pas en mesure d’effectuer des modifications, ou alors de manière plus sporadique. Ce dernier
est, cependant, tenu de diffuser l’œuvre de manière idoine compte tenu des techniques de
diffusion.
92. Le juge doit ainsi vérifier que les conditions techniques de diffusion correspondent à un
idéal, c’est à dire à des conditions moyennes à l’instant des faits. Ainsi, il n’est pas fait
référence aux modifications, lesquelles sont, de toute évidence, constitutives d’un défaut de
26
respect. Mais il est fait référence, à la qualité de diffusion publique de l’œuvre ou de
l’interprétation, laquelle doit être vérifiée en fonction des caractéristiques techniques à
l’époque de la diffusion litigieuse.
93. Ces propos méritent, cependant, d’être nuancés à la lumière de la jurisprudence
Rostropovitch70. En l’espèce, le célèbre violoncelliste avait interprété la bande originale du
film Boris Godounov d’Andreï Zulawski, tiré de l’opéra de Modeste Mousorgsky. Or, ce
dernier se plaignait que le réalisateur ait procédé, lors du montage final, à la superposition de
bruit sur la bande originale, ainsi qu’à des variations sonores et à l’utilisation de
l’enregistrement pour illustrer des scènes non prévues au livret.
94. Le tribunal distingue entre les différents griefs opposés au réalisateur. Pour les scènes
ajoutées au livret, l’interprète n’est pas recevable à les critiquer : cela relève du droit moral
sur l’œuvre de Mousorgsky. Quant aux deux autres griefs, la décision se réfère à «l’essence
de l’art cinématographique», aux «nécessités propres au cinéma». La variation du volume
sonore étant une de ces nécessités, l’interprète ne peut s’en plaindre. Au contraire, «la
superposition du bruitage à l'interprétation du chef d’orchestre (...) peut, dans certaines
circonstances, porter atteinte au droit au respect de celle-ci (...) ; certains sons critiqués (...)
égarent l’attention du spectateur et dénaturent l’appréciation de l’œuvre interprétée par
Rostropovitch, sans que ce procédé soit imposé par les nécessités propres au cinéma».
95. Le tribunal a estimé d’une part que la superposition de bruits de crachat, de jets d’urine,
de cris de volupté relevait d’une atteinte au droit moral (on notera que cette atteinte n’a pas
donné lieu à la correction ni au retrait du film, mais à la simple apposition du désaccord de
l’interprète en fin de film). D’autre part, le juge a considéré que les variations du volume
sonore relevaient des obligations de l’art cinématographique, qu’il n’y avait pas lieu de
sanctionner l’auteur du film pour cet acte. Si ce jugement fait référence en la matière, c’est
parce qu’il permet de résoudre la règle de conflit entre droit d’auteur et droit de l’artiste
interprète. Ce n’est pas cette hypothèse qui retiendra notre attention.
96. Le jugement évoque ici les variations sonores comme nécessaires à l’art
cinématographique, et donc inévitables. Il est important de relever que ces atteintes se
déroulaient dans un acte de création d’une œuvre dérivée et non de collaboration. Il en aurait
70 TGI Paris, 10 janvier 1990 : RIDA juillet 1990, n°145. 368 ; D. 1991, somm.99, obs. C. COLOMBET, 206, note B. EDELMAN.
27
été autrement si Rostropovitch avait composé lui même la bande originale. Ainsi, la qualité
d’auteur du responsable de ces atteintes a servi sa cause. On peut se poser la question de
savoir si en l’absence d’acte de création la solution aurait été identique. D’aucuns pensent que
non71. Nous pensons, à l’inverse, que l’article L132-22 du CPI n'empêche nullement, et même
conseille de prendre en considération les contraintes techniques inévitables au mode de
diffusion pour apprécier les atteintes à l’œuvre ou l’interprétation.
97. Il est vrai qu’on peut y voir une certaine contradiction avec les solutions proposées lors
de l’étude du droit au respect envisagé sous l’angle du droit de reproduction. Cependant, il ne
s’agit nullement d’une modification de l’œuvre telle qu’elle pourrait être faite dans le cadre de
la numérisation, mais bien de technique de diffusion. En soi, l’œuvre n’est pas modifiée,
toutefois la technique de diffusion ne permet pas une écoute optimale de l’œuvre musicale.
Cet aspect objectif ne peut être laissé à l’appréciation du seul auteur ou interprète.
98. Ainsi, un conflit probable entre l’auteur, l'interprète et le diffuseur ne se résoudrait pas,
comme certains le laissent présager, par la prise en compte des différents intérêts
économiques ; mais bien par une appréciation objective des éléments techniques nécessaires à
la diffusion.
B/ Le numérique
99. Le numérique, nous l’avons vu précédemment, permet une modification de l’ensemble
de l’œuvre ou de l’interprétation (par coupure, ajout...) au moment du stockage, c’est à dire
lors de l’exercice du droit de reproduction. Il en est de même lors de l’exercice du droit de
représentation. Le diffuseur d’une œuvre numérisée est-il tenu pour autant aux mêmes
obligations que l’éditeur lors de l’exercice du droit de reproduction ?
100. Celui-ci, si la numérisation a déjà été faite par le producteur, peut procéder à la
compression de l’œuvre numérique afin de distribuer l’œuvre sur les nouveaux réseaux. En
effet, le diffuseur en charge de distribuer les œuvres procédera à un nouveau traitement afin
qu’en terme de capacité numérique, l’œuvre prenne moins de place et qu’ainsi sa distribution
sur le réseau Internet ou de téléphonie mobile soit facilitée. Il s’agit alors de transformer un
morceau dont la taille est de 42 mégaoctets environ pour un morceau de musique de 4 minutes
en un morceau d’une capacité de 4 à 5 mégaoctets une fois compressé. Pour cela il est
71 C. NGUYEN DUCLONG, préc., p. 37 ; P.-Y. GAUTHIER, op. cit., p. 250.
28
nécessaire de procéder à une compression destructive, c’est à dire qu’on va procéder à la
destruction d’informations jugées inutiles72.
101. Le numérique permet également à la personne qui souhaite diffuser les œuvres et
interprétations dont elle a la charge, de stocker avec elles un certain nombre d’informations.
En effet, le compact disc est appelé à disparaître pour laisser place aux œuvres numérisées et
dématérialisées directement disponibles sur l’Internet. Ainsi, sur un même morceau numérisé
peut apparaître à la fois le nom de l’œuvre, celui du ou des auteurs, du compositeur, de
l’interprète.
C/ L’interprétation
102. Il convient de distinguer en l’espèce entre l’atteinte à l’œuvre du fait de l’interprétation
(1°) et l’atteinte à l’interprétation du fait d’une nouvelle interprétation (2°).
1°) L’atteinte à l’œuvre du fait de l’interprétation
103. La question est de savoir ici si, par le fait même de l’interprétation, l’auteur peut se
prévaloir d’une atteinte à son œuvre.
104. Il importe pour cela de revenir sur la qualité d’artiste interprète. En effet, celui-ci
dispose d’un droit voisin du droit d’auteur, l’interprétation n’étant pas une œuvre de l’esprit.
Il n’y a pas, a priori, de création dans l’interprétation, tout au plus une empreinte de
personnalité importante. L’artiste interprète, nous l’avons vu en introduction, a pour rôle la
restitution sonore de l’œuvre musicale. Il est le traducteur de la musique énoncée sous forme
de signes dont la compréhension est limitée à un certain nombre de personnes, à la musique
sous forme sonore, pour la compréhension de tous.
105. Cette traduction emporte nécessairement une modification (même infime) de l’œuvre
et donc porte atteinte au respect de l’œuvre.
72 «L’une des propriétés les plus intéressantes parmi celles utilisées pour ne pas " encoder l'inutile " est la technique de masquage. Le seuil à partir duquel l'oreille humaine perçoit un son dépend énormément de la fréquence de ce son. Par exemple, nous percevons beaucoup plus facilement un son faible à 4 kHz qu'à 50 Hz ou 15 kHz. De plus, à partir de 25 kHz, quel que soit le niveau sonore, l'oreille humaine ne perçoit plus aucun son. Le Mp3, tout comme le Mini-Disc et le Dolby, utilise donc la technique de masquage : si deux sons de fréquences proches sont joués avec une intensité très différente, on pourra supprimer le son le plus faible qui sera de toute façon masqué et ignoré par l'oreille humaine» : http://mao.audiofanzine.com/apprendre/dossiers/index,idossier,31,page,1.html.
29
106. Il semble néanmoins qu’il faille distinguer les hypothèses. En effet, si l'interprète ne
fait qu’exécuter la partition suivant les indications précises de l’auteur, l’infime variation de
ces notations (par exemple de tempo) pourra être considérée comme une atteinte à la volonté
de l’auteur dans la réalisation de son œuvre. A fortiori, si l'interprète prend la liberté de
modifier la partition, au-delà des indications d’interprétation, en modifiant l’œuvre au fond, il
exécutera des arrangements, pour lesquels il ne pourra se passer de l’accord exprès de
l’auteur, que ce soit a posteriori pour le droit patrimonial ou a priori en ce qui concerne le
droit moral.
107. Le problème est différent lorsque la notation de la partition est limitée dans les
indications d’interprétation. La liberté de l’interprète y est forcément plus grande. Dans ce
cas, l’auteur peut-il faire valoir de la même manière son droit au respect ? Comme le relève
M. Bouché, le répertoire contemporain, notamment, a marqué une certaine volonté
d’estomper la distance entre le compositeur et l’interprète. «Il apparaît donc manifeste que
dans certaines œuvres la volonté de l’auteur soit l’absence de linéarité au profit d’une
certaine latitude laissée à l’artiste interprète, à qui des pistes sont ouvertes et à qui différents
itinéraires sonores sont proposés»73. L’auteur peut-il se prévaloir d’une atteinte à son œuvre
alors même qu’il a fait preuve d’une certaine volonté de liberté donnée à l’interprète ? Il nous
semble que cette distance prise avec l'interprétation de son œuvre devrait être prise en compte
dans l’appréciation de l’atteinte au respect de l’œuvre.
108. En résumé, l’auteur ne pourra se prévaloir d’une atteinte au respect de l’œuvre par
l'interprétation qui en est faite que s’il a limité l’arbitraire de l’interprète. La comparaison
devra s’effectuer par rapport à la partition voulue par l’auteur. Il est à noter que la musique
populaire, à l’inverse de la musique dite sérieuse, s'affranchit de plus en plus de la partition.
Dès lors, l’élément comparatif devrait être l’enregistrement fait par l’auteur lui-même. Dès
lors, la liberté est moins grande que celle laissée par la partition, puisque l’auteur établit lui-
même une ébauche de ce que devrait être l’interprétation optimale de son œuvre.
L’interprétation est donc limitée par la volonté de l’auteur. Toute variation de cette
interprétation optimale entraînerait une violation de son droit au respect. L’artiste interprète
habituel peut également servir de point de repère à cette interprétation optimale : dès lors que
l’auteur a accepté une interprétation comme n’entraînant pas une violation de son droit moral,
une interprétation s’en rapprochant fortement ne pourra pas constituer une atteinte à son droit
moral.
73 G. BOUCHE, op. cit., p. 219.
30
2°) L’atteinte à l’interprétation par une nouvelle interprétation
109. L’interprétation d’une œuvre, en la restituant au public, «incarne et contient
l’œuvre»74. Il en résulte une certaine difficulté à séparer l’œuvre de son interprétation.
L’évolution contemporaine de la musique nous le prouve d’ailleurs : il n’est pas rare
aujourd’hui d’attribuer une chanson à un interprète plus qu’à un auteur. Le rapport d’un
interprète à une œuvre est parfois si intense qu’il supplante même le rapport de l’auteur à cette
œuvre, alors que, lorsqu’une œuvre est ré-interprétée par un autre, seul l’auteur serait habilité
à intervenir sur cette nouvelle interprétation. Or, dans l’esprit du public, au-delà même d’un
rapport de comparaison, une certaine forme de confusion naîtra. Cependant, l’objet de la
protection est l’interprétation de l’œuvre. En raisonnant a contrario de l’arrêt La fraternité
blanche75, le bénéfice de cette protection ne devrait donc pas revenir indirectement à la
personnalité de l’artiste interprète. Il n’y a pas à proprement parler d’atteinte à une
interprétation puisque l’interprétation n’est pas présente. Tout au plus s’agira-t-il d’une
atteinte à la personnalité de l’artiste ou d’un acte de concurrence déloyale, contre lesquels
l’artiste interprète pourra agir sur le fondement de l’article 1382 du Code civil du moins s’il
est capable de rapporter une faute.
110. Pourtant il semble que la jurisprudence souhaite attribuer un droit moral à l’artiste
interprète alors même que l’interprétation n’est pas compromise. Dans l’arrêt Pierre Perret, le
juge estime que la fausse attribution à M. Pierre Perret de l’interprétation qui est faite de son
œuvre au cours du karaoké constitue une atteinte à son droit moral. Certes, il peut s’agir
négativement du droit au respect du nom. Celui-ci signifierait que l’artiste interprète doit se
voir à la fois, attribuer la paternité de son interprétation, mais également qu’on ne lui attribue
pas la paternité d’une autre interprétation. En l’absence d’interprétation, il aurait été plus aisé
de statuer sur le terrain des droits de la personnalité et non sur celui de l’interprétation. M.
Allayes appuie cette argumentation avec un propos tout à fait pertinent : «Qu’en serait-il de la
fausse attribution au détriment d’un individu qui n’a jamais été auteur ou artiste interprète ?
Une telle entrée dans la propriété littéraire et artistique serait curieuse». Dès lors, il ne serait
pas impossible d’admettre que l’interprétation d’un artiste soit violée en l’absence même de
celle-ci.
74 P. TAFFAOREAU, La notion d’interprétation en droit de la propriété littéraire et artistique : Propr. intell. janvier 2006, n°18, p.50. 75 Cass. 1ère civ., 10 mars 1993, Association La Fraternité blanche universelle c./ Boizeau et a. : JCP 1993, II, 22161, note J. RAYNARD.
31
111. Comme dans ce jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris76, dans lequel les
juges ont estimé, à propos d’une utilisation publicitaire d’une œuvre, que «la chanson était
associée dans l’esprit du public à la chanteuse compte tenu du succès considérable qu’elle a
rencontré» et que «le téléspectateur ne peut pas identifier à la seule écoute du spot
publicitaire qu’il ne s’agit pas de l’enregistrement de Nicoletta, sa voix et celle du chœur
étant mêlées indistinctement». Ce renvoi à la notoriété d’une chanson à travers son
interprétation est pertinente : elle permettrait à un artiste notoirement connu de faire valoir son
droit moral, non seulement en ce qui concerne la fausse attribution de paternité, mais
également en ce qui concerne une atteinte à l’esprit de son interprétation première.
112. Si au regard de la jurisprudence cette possibilité est offerte, elle n’est pas opportune.
D’une part au regard du droit moral puisque celui-ci ne peut s’exercer sans l’objet de sa
protection. Mais d’autre part et surtout au regard de la perpétuité, désormais, des
enregistrements, et la perpétuité avérée du droit moral de l’artiste interprète. Il ne faudrait pas
qu’une telle conception vienne empêcher la libre création et a fortiori la libre interprétation.
En effet, considérer qu’une interprétation puisse être atteinte dans son intégrité morale par le
fait d’une autre interprétation, reviendrait à permettre à l’artiste interprète habituel et notoire
d'empêcher la réalisation d’une nouvelle interprétation de l’œuvre et à en compromettre dans
l’avenir toute nouvelle et libre interprétation. Car s’il est vrai que personne ne se souvient des
interprétations de Bach à son époque, tout le monde se souviendra des interprétations d’Edith
Piaf. Pour autant, si à l’heure actuelle c’est l’artiste interprète qui est le plus généralement
porteur d’une œuvre, il ne doit pas pouvoir empêcher les autres interprétations autorisées par
l’auteur, ou empêcher les interprétations d’œuvres tombées dans le domaine public. Sauf
éventuellement si son interprétation est tellement originale qu’elle bascule dans le giron du
droit d’auteur par le biais de l’arrangement. Dans ce cas, l’artiste interprète cumulerait les
deux protections et pourrait faire protéger, perpétuellement, cette œuvre secondaire.
113. Un droit au respect envisagé de manière trop absolue conduit donc à de trop grandes
dérives. Une surprotection de l’artiste viendrait à la fois à figer l’œuvre de manière
irréductible, et à remettre en cause les conventions passées par l’artiste. Aussi, il convient
d’envisager une limitation du droit au respect.
76 TGI Paris, 3ème ch., 3ème sect., 12 oct. 2005 : n°04/02594.
32
PARTIE II : LES MODIFICATIONS PERMISES DE L’ŒUVRE
114. L’œuvre ou l’interprétation subit, nous l’avons vu, au cours de sa vie publique un
nombre d’atteintes qui mettent en péril sa pérennité. Toutefois, la pérennité de l’œuvre ou de
l’interprétation est assurée par sa mise sur support. L’original de la fixation doit donc être
préservé afin de garantir l’œuvre et l’interprétation. Ainsi, cet original préservé, les
différentes mutilations que pourrait subir une œuvre en vue d’une nouvelle création (que cette
création soit envisagée dans un cadre critique, parodique, ou tout simplement purement
artistique), ont moins d’impacts. De plus, il se peut que l’auteur ou l’interprète autorise, de
son propre chef, la modification par un tiers de son travail. Dès lors, la limitation du droit au
respect apparaît comme une nécessité au regard de la création défendue par la liberté
d’expression (Chapitre I) ; mais également au regard du respect de la liberté contractuelle, et
des conventions passées par l’artiste. (Chapitre II).
Chapitre I : Les modifications permises en raison de la liberté d’expression
115. La liberté d’expression est garantie par l’article 11 de la Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen (DDHC), ainsi que par l’article 10 de la Convention Européenne de
Sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDH). Son pendant, la
liberté de création permet à tous la garantie d’expression de son pouvoir créatif, en d’autres
termes de pouvoir exprimer ses idées sous une forme créative. S’il est vrai que ce droit, que
ce soit dans la DDHC ou dans la CESDH est limité au respect des droits d’autrui (en
l’occurrence le droit d’auteur), il n’en demeure pas moins que le droit au respect doit être
concilié avec la liberté de création dans les cadres prévus par la loi. En l’espèce, il s’agit de
conjuguer le droit au respect avec les exceptions au droit d’auteur mentionnées aux articles
L122-5 et L211-3 du CPI, qui prévoient notamment la liberté de critique, de citation et de
parodie de l’œuvre et de l’interprétation essentielles à la liberté d’expression (Section 1).
Enfin il s’agit également de conjuguer le droit au respect des œuvres du domaine public dans
le cadre de nouvelles créations (Section 2).
Section 1/ Le droit au respect face aux exceptions
116. Il convient dans un premier temps d’étudier l’exercice du droit au respect dans le
cadre prévu par les exceptions au droit d’auteur (A), pour ensuite nous intéresser au cas
particulier des exceptions de parodies et de courtes citations (B). 33
A/ Cas général
117. Les articles L122-5 et L211-3 du CPI posent un certain nombre d’exceptions à
l’exercice, par l’artiste, de son droit. Il est communément admis qu’il s’agit d’exceptions à
l’exercice du droit patrimonial.
118. En effet, l’article L122-5 du CPI se trouve au chapitre II du code, intitulé Les droits
patrimoniaux. Doit-on en déduire que ce texte n’a d’effet que sur les limitations aux droits
patrimoniaux, ou, au contraire, est-il possible d’envisager, par ricochet, un effet sur l’exercice,
par l’artiste, de son droit moral ?
119. L’article L211-3, quant à lui, ne pose, en apparence, aucune indication sur une
quelconque limitation aux seuls droits patrimoniaux. Plusieurs indices viennent en effet
soutenir la thèse selon laquelle le droit au respect peut être limité par ces exceptions.
120. Dans un premier temps, l’article L 122-5 du CPI fait référence au droit de divulgation,
composante du droit moral de l’auteur. En effet, il pose comme préalable aux exceptions la
divulgation de l’œuvre en indiquant que «lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut
interdire». On peut alors se poser la question de savoir si intégrer cette référence au sein
même de cet article, alors même que ces exceptions semblent s'intéresser, par la structure du
code, au seul droit patrimonial de l’auteur, n’est pas une précision paradoxale. Il semble donc
clair que la volonté du législateur n’était pas de sauvegarder tous les éléments du droit moral
face aux exceptions. On peut légitimement penser que le législateur, en intégrant cette
référence, a souhaité que seul le droit de divulgation soit garanti face aux exceptions. A
contrario, il est donc permis de penser que les autres droits moraux de l’auteur, non envisagés
expressément dans cet article, ne sont pas garantis face aux dites exceptions. De plus, la loi
exige pour l’exception de courte citation, prévue au 3° de l’article L122-5 du CPI, que soient
indiqués clairement le nom de l’auteur et la source. Cette référence au droit au respect du nom
semble indiquer que seules ces deux composantes soient garanties face aux exceptions du
droit d’auteur.
121. Dans un second temps, l’article L211-3 du CPI ne fait aucune référence à la
divulgation, les artistes interprètes en étant dénués, comme nous l’avons vu. Toutefois, à
l’instar de l’article L122-5, l’exception de courte citation doit garantir la source de
l’interprétation utilisée. Tout semble indiquer que la loi n’a souhaité protéger face aux
34
exceptions que le seul droit au respect du nom. Il est permis de penser que les droits au
respect de l’œuvre et de l’interprétation, ne soient pas garantis face aux exceptions. Cette
théorie s’impose également de manière structurelle.
122. Concernant les exceptions fondées sur le défaut de marché, à savoir la représentation
au sein du cercle de famille et l’exception de copie privée, l’intervention de l’auteur est
nécessairement limitée par l’impossibilité de pouvoir constater l’atteinte matérielle à son
œuvre. En effet, par définition, ces exceptions s’inscrivent dans un cadre privé : l’auteur ou
l’interprète peuvent difficilement avoir accès aux modifications matérielles faites à l’œuvre
ou à l’interprétation. De plus, nous l’avons vu, c’est par rapport au public que s’estime
l’atteinte à l’œuvre ou à l’interprétation. Or c’est dans l’absence de communication au public
que «réside la véritable raison de l’impossibilité de la mise en œuvre du droit moral de
l’auteur»77.
123. En matière musicale, l’emploi du genre parodique et de la courte citation est fréquent.
Or par nature ces deux exceptions portent atteinte à l’intégrité matérielle de l’œuvre.
Sauvegarder l’intégrité matérielle en l’espèce serait de nature à vider de son sens ces deux
exceptions. Nous allons donc observer dans quelle mesure le droit au respect peut être limité
dans le cas particulier des exceptions de parodie et de courte citation.
B/ Les cas particuliers de la parodie et de la courte citation en matière musicale
124. Nous nous interrogerons dans un premier temps sur la parodie (1°) puis dans un
second temps sur la courte citation. (2°)
1°) La parodie
125. L’article L122-5 4° prévoit que l’auteur ne peut interdire «la parodie, le pastiche et la
caricature, compte tenu des lois du genre». Parallèlement, l’article L211-3 4° prévoit cette
même exception pour les titulaires de droits voisins. L’exception appliquée à la matière
musicale est la parodie, généralement définie comme «l’imitation burlesque d’une œuvre
sérieuse»78. Elle consisterait à «tourner en dérision les traits caractéristiques, le plus souvent
77 S. GREGOIRE, préc., n°88. 78 Le petit Robert à ce mot.
35
les faiblesses, les manies d’un compositeur, les aspects qui prêtent à rire dans ses œuvres ou
dans l’une en particulier»79.
126. Desbois avait considéré que ces trois termes se distinguaient «d’après le genre de
l’œuvre qui servait de cible à la seconde»80, de sorte que la parodie relèverait du genre
musical, le pastiche du genre littéraire et la caricature de l’œuvre d’art81. Cette distinction
semble souffrir de nuances.
127. La Cour de cassation dans un arrêt en date du 12 janvier 198882 a estimé que «la
parodie ne se prête pas uniquement au genre musical mais s’applique si l’œuvre est
largement reconnaissable». A l’inverse, le pastiche serait l’emprunt au style d’un auteur (ou
désormais d’un interprète) sur toute son œuvre. Or Desbois avait remarqué, à juste titre selon
nous, que le fait pour l’auteur de l’œuvre seconde de s’en prendre sur un mode plaisant à la
manière d’un auteur antérieur, sur toute sa production, devrait pouvoir échapper à
l’appropriation par le droit d’auteur, et donc de ce fait à ses exceptions, tant cette œuvre
nouvelle ferait alors plus référence à de simples idées, non protégeables par un droit privatif.
128. Si cette position est critiquable à plusieurs titres83, elle a le mérite de se rapprocher
d’une conception moderne de la parodie. En effet, la parodie, entendue lato sensu, englobe
aussi bien la musique que l’audiovisuel. De plus, la définition de Desbois ne pourrait pas
convenir à l’article L211-3 du CPI qui fait référence au pastiche et à la caricature pour les
artistes interprètes. En effet, on comprendrait difficilement, si le pastiche ne fait référence
qu’à l’œuvre littéraire, comment la loi pourrait interdire à l’artiste interprète de s’opposer à
des pastiches de son interprétation.
129. Désormais, l’expression parodie renvoie plus à un terme générique permettant
notamment, de le comparer à son homologue anglo-saxon le fair use84.
79 B. SPITZ, L’exception au droit d’auteur et aux droits voisins en matière musicale, thèse, Nice Sophia-Antipolis 2003, p.269. 80 DESBOIS, op. cit., p.371. 81 A et H.-J. LUCAS, op. cit., p.317. 82 Cass. 1ère civ., 12 janvier 1988, ed. Salaber c/ Thierry Le Luron, Bernard Mabille et autres : RTD com. 1988, p.227 obs. FRANCON. 83 FRANCON, sous l’arrêt précité. 84 P.-Y. GAUTIER, op. cit., p.397 ; A. et H.-J. LUCAS, ibid., p.318.
36
130. La parodie, pour être reconnue comme telle, doit présenter trois caractères : l’intention
de faire rire et de ne pas nuire, soit l’élément moral et l’élément matériel révélé par l’absence
de confusion.
131. La parodie doit en effet faire preuve d’un travestissement pour ne pas emporter de
confusion avec l’œuvre première, ce qui serait constitutif d’un acte de contrefaçon. Ainsi,
l’atteinte matérielle est justifiée ici pour se prévaloir de l’exception. En effet, «le public ne
doit pas pouvoir penser que la parodie est l’œuvre parodiée elle même»85, ce qui nécessite
une transformation soit de la musique, soit des paroles86. Toutefois, le travail de l’humoriste
est ici périlleux, tant il doit faire apparaître un lien suffisant avec l’œuvre, sans pour autant
risquer la confusion entre les deux œuvres.
132. L’élément moral est enfin caractérisé par l’intention de faire rire et de ne pas nuire à
l’œuvre, à l’auteur ou à l’artiste interprète. Cette intention, approuvée par une majorité de la
doctrine87 et par la Cour de cassation, est tirée de l’expression employée par le législateur
«compte tenu des lois du genre». Certains y ont vu cependant une liberté offerte au juge
d’apprécier la destination de l’œuvre parodique. B. Spitz estime d’ailleurs qu’il s’agit «d’une
notion cadre commandant aux juges de faire une étude de la pratique au cas par cas»88. Dès
lors, le juge disposerait d’une certaine latitude à intégrer dans la catégorie des parodies des
œuvres dont la finalité première n’est pas de faire rire. Cet auteur fait un parallèle entre la
notion de fair use utilisée au Etats-Unis, pour justifier les exceptions au Copyright et
notamment la notion de parodie.
133. Pour mettre en œuvre le fair use, le juge américain constate dans un premier temps la
présence d’un défaut de marché89. Dans un deuxième temps, le juge estime que la cession de
l’utilisation au défendeur est socialement souhaitable. Et enfin, dans un troisième temps, que
les intérêts du titulaire du Copyright subissent peu ou pas de dommages. M. Lucas met en
garde contre une comparaison trop évidente entre le fair use et le triple test prévu à l’origine
par l’article 9.2 de la Convention de Berne pour les pays de l’Union et reprise à la fois par la
directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information et sa
85 F. POLLAUD-DULLIAN, op. cit., p.490. 86 En ce sens, TGI Paris, 9 janvier 1970 : JCP G 1971, II, 16645, obs. FRANCON. 87 Not. A. et H.-J. LUCAS, op. cit., p. 319 et P.-Y. GAUTIER, op. cit., p.397. 88 B. SPITZ, op. cit. p.264. 89 Il faut entendre par là que la susceptibilité de l’auteur le conduirait à refuser d’accorder une licence de parodie.
37
transposition en droit français par la loi DAVSI. En effet le triple test n’a pas vocation à créer
de nouvelles exceptions dans un système fermé comme en France90.
134. En outre, si la France se situe dans le cadre des exceptions, celles-ci devant être
encadrées strictement, cela ne signifie pas pour autant que leur interprétation doive se faire
restrictivement, bien qu’une approche personnaliste conduirait le juge à donner primauté aux
intérêts de l’auteur et donc à interpréter restrictivement l’exception de parodie. La Cour de
cassation 91 a, cependant, estimé que «l’application d’un texte dérogatoire (en l'occurrence
l’article L214-1 du CPI) n’exclut pas qu’elle soit menée dans toute la mesure de la raison
d’être de cette disposition». De sorte que le rôle du juge, même français, est d’opérer une
balance des intérêts en présence afin que soient à la fois préservés les intérêts de l’auteur,
primordiaux, et la liberté d’expression garantie par la parodie. En effet, même si le juge
recherchera toujours le caractère humoristique de la chanson, il le fera avec une approche
mesurée face aux intérêts en présence, pour satisfaire aux lois du genre.
135. En démontre un arrêt de la Cour d’appel de Paris, en date du 11 mai 199392. En
l’espèce, Jacques Faizant, le célèbre dessinateur, fut condamné en première instance pour
avoir caricaturé Yves Montand en hommage à ce dernier, au moment de son décès, avec en
fond le texte des Feuilles mortes, légèrement modifié. La Cour d’appel a infirmé le jugement
en estimant, d’une part, que l’œuvre imitée ici faisait comprendre clairement au public qu’il
n’était pas en présence de l’œuvre originelle, et dans un second temps, que Jacques Faizant en
retournait totalement le sens pour en faire de manière humoristique un hommage à la mémoire
de son interprète, écartant ainsi tout risque de confusion. S’il est fait référence au caractère
humoristique de la parodie, cette référence n’en demeure pas moins mesurée quand à la
finalité première qu’est l’hommage. Le rire étant de nature différente et éminemment
subjectif, le juge aura en effet tendance à bien mesurer que l’intention n’est pas de nuire
inutilement à l’œuvre. Aussi aura-t-il estimé comme parodique le retournement
pornographique et homosexuel dans un film d’une chanson de Mylène Farmer, «la loi du
genre n’impliquant pas nécessairement le raffinement et la subtilité»93.
136. Cependant, il apparaît nécessaire de mettre en garde certains utilisateurs, qui sous
couvert du rire utiliseraient une œuvre première comme support à leur humour. Car, nous
90 A. et H.-J. LUCAS, ibid., p. 294. 91 Cass. 1ère civ., 14 juin 2005 : Propr. Intell. 2005, p.438, 2e arrêt, obs. A.LUCAS.92 Paris, 1ère chambre, 11 mai 1993 : RTD com.1993, p.510, obs. FRANCON. 93 TGI Paris, 29 novembre 2000 : RIDA juillet 2001, p.377.
38
l’avons observé, les juges ont une ouverture d’esprit certaine concernant le rire, celui-ci
pouvant d’ailleurs avoir un objet différent de l’œuvre utilisée, ce que nous condamnons. Nous
estimons que l’objet de la parodie doit avoir un lien étroit avec l’œuvre parodiée : soit c’est
l’auteur ou l'interprète qui est moqué, soit c’est l’œuvre. Etant donné d’une part l’absence
d’autorisation patrimoniale, compte tenu de l’exploitation commerciale possible, et d’autre
part la limite donnée au droit moral, le juge doit faire preuve d’une certaine prudence à
l’élargissement de la notion de rire.
137. Le droit au respect est paralysé par la parodie. C’est en effet ce que rappelle la
jurisprudence Douces transes, où la Cour de cassation avait estimé que M. Trenet ne pouvait
intervenir sur le fondement du droit au respect au motif qu’il s’agissait d’une parodie. Etant
donné les modifications matérielles nécessaires à l’œuvre pour bénéficier de l’exception de
parodie, nous ne pouvons qu’approuver la décision. Toutefois, si les modifications matérielles
sont permises, ne peut-on pas voir dans l’expression «compte tenu des lois du genre»,
expression qui fixe la distance que la parodie doit prendre avec l’œuvre grâce notamment au
rire, une certaine sauvegarde de l’esprit de l’œuvre, lequel peut difficilement être altéré par le
rire ou la moquerie bonne enfant. Une fois passé le cadre de l’humour, aussi léger soit-il,
l’esprit de l’œuvre serait gravement atteint et le droit au respect reprendrait toute sa force.
2°) La courte citation
138. La seconde exception fondée sur la liberté d’expression qui intéresse également les
œuvres musicales est celle mentionnée à l’article L122-5 3° a) du CPI, c'est-à-dire «les
analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique,
scientifique ou d'information de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées». Par nature, elles
provoquent une amputation de l’œuvre. Cette mutilation est une obligation légale, puisque
pour bénéficier de l’exception, l’emprunt à l’œuvre doit être de courte durée. En ce qui
concerne l’analyse, aucune référence à l'ampleur de l’emprunt n’est faite. Cependant la Cour
de cassation, dans un premier arrêt, dit Microfor, a retenu le critère suivant : «L’analyse ne
saurait être tolérée qu’à la condition de ne pas dispenser de recourir à l’œuvre première»94.
Dans le second arrêt de cette jurisprudence, l’Assemblée plénière avait retenu le même
critère, mais concernant cette fois l’exception de courte citation95.
94 A. et H. J. LUCAS, op. cit., p.310, référence à Cass. 1ère civ. 9 nov. 1983 : JCP G 1984, II 20189, note FRANCON. 95 Cass. Ass. plén., 30 oct. 1987 : JCP G 1988, II, 20932, rapp. M. NICOT et note J. HUET.
39
139. De plus, qu’il s’agisse de l’analyse ou de la citation, l’œuvre première doit s’intégrer à
une œuvre seconde qui doit avoir une finalité «critique, polémique, pédagogique, scientifique
ou d'information». Comme toute exception au monopole de l’auteur, elle doit être interprétée
restrictivement. Dès lors, toute autre finalité de l’œuvre seconde ne saurait bénéficier de
l’exception d’analyse ou de citation.
140. D’un point de vue purement analytique, le fait que l’analyse ou la courte citation doive
s’incorporer à une œuvre seconde (cette œuvre devant être justifiée par une finalité
particulière ne dispensant pas le recours à la première œuvre96) devrait suffire pour
sauvegarder l’œuvre dans son esprit. Dès lors, l’auteur ne pourrait pas réaffirmer son
monopole à travers le respect de son droit moral. On peut objecter de surcroît que la référence
faite au respect du nom de l’auteur dénote la volonté du législateur de garantir certains
éléments du droit moral de l’auteur et de l’artiste interprète de manière autonome.
141. Dans une affaire opposant l’association du Rassemblement pour la République (RPR)
à Jacques Brel, la Cour d’appel de Paris97 a rejeté l’exception de parodie et de courte citation
en «raison de la mutilation et de la dénaturation de la chanson au regard du public». Le juge
y voyait un détournement politique. En effet, ce parti politique avait apposé sur une affiche les
mots «T’as voulu voir Paris et on a vu Vesoul», cette courte phrase provenant d’un découpage
des paroles de la chanson Vesoul de Jacques Brel. Dans cette affaire, il nous semble que
l’exception de citation ne pouvait pas être invoquée, principalement parce qu’une affiche
politique ne peut pas répondre à la finalité de la courte citation. Dès lors, l’exception de
citation ne pouvant être retenue, le droit au respect retrouve pleinement sa place, la
dénaturation étant caractérisée par le détournement politique d’une chanson.
142. De plus, confortée par la référence légale à la paternité, la citation d’une œuvre de
l’esprit doit assurer la fidélité de la citation vis-à-vis de la pensée de l’auteur. Il y a, dans
l’exception d’analyse, un devoir de fidélité de la part de l’auteur.
143. Au regard de l’encadrement législatif de cette exception au monopole de l’auteur,
certains ont affirmé l’impossibilité de procéder à la citation d’une œuvre musicale autrement
96 Bien que «le concept de document non substituable procède le l’éthique intellectuelle sinon de l’utopie» M. CATALA cité par A. et H. J. LUCAS, ibid., p.310. 97 PARIS, 21 juin 1988, Héritiers BREL c/RPR : RIDA 1988, n°138, p.288 chron. A. KEREVER, pourvoi rejeté par Cass. 1ère civ., 27 Mars 1990 : LP, n°82, p.63.
40
que dans une œuvre de type littéraire ou audiovisuel98. La citation d’une œuvre musicale dans
une autre ne pourrait satisfaire à la finalité didactique de la citation, outre le fait qu’elle ne
pourrait, dans le cadre de la représentation publique, satisfaire pleinement à l’obligation de
paternité de la citation.
144. Or, il peut arriver que la paternité d’une œuvre puisse s’imposer d’elle-même lorsque
une œuvre est éminemment connue. En effet, le but de la sauvegarde de la paternité de
l’œuvre première consiste en l’impossibilité pour l’auteur de l’œuvre seconde de se
l’approprier. Or, il y a impossibilité d’appropriation lorsqu’il est évident que le morceau
n’appartient pas à l’auteur de l’œuvre seconde99. Cela reviendrait à appliquer des régimes
différents selon les œuvres notoirement connues et les autres, sans parler d’un pillage du
fonds culturel100. La citation par échantillonnage cache souvent un vol, un pillage
systématique et les compositeurs de rap ou de musique électro-acoustique l’affirment
d'ailleurs ouvertement.
145. Toutefois, il n’est pas inopportun d’affirmer que la citation ne pourrait avoir qu’un but
esthétique, servant notamment à décrire une ambiance particulière. Par ailleurs, nous le
croyons, il y a dans la recontextualisation opérée par certains artistes usant du sampling une
finalité qui peut se qualifier de polémique ou d’informative. A ce titre, «la musique moderne
ne s’est pas seulement fondée sur l’abandon de système syntaxique et de codes esthétiques
hérités de l’âge précédent : elle a largement imité, copié, fait référence à un passé proche ou
lointain. Toutefois, le sens de ces pratiques extrêmement courantes en musique depuis
toujours, a changé avec l’avènement de la modernité, et la citation sous toutes ses formes
apparaît aujourd’hui comme un phénomène général, un effet objectif du matériau musical à
un moment donné (au tournant des XIXe et XXe siècles)»101.
146. La volonté de recourir aux citations en matière musicale au même titre qu’en matière
de littérature scientifique n’est pas nouvelle. Zacharias, compositeur amateur allemand, avait
en effet pour but de se faire «la réputation d’avoir été le premier en Allemagne, voire peut-
98 Not. A. et H. J. LUCAS, op. cit., p315. 99 Le thème de la Panthère rose, qui apparaît dans Short tales of the black forest de Paco DE LUCIA, Al DI MEOLA, et John MAC LAUGHLIN lors du fameux Friday night live in San Fransisco, provoque l'hilarité de la salle : ne satisfait il pas à l'exigence de paternité de la citation ? A l’inverse, il arrive que certains auteurs se persuadent d’être les auteurs d’airs très connus. 100 A. LUCAS-SCHLOETTER, Droit moral et droit de la personnalité, étude de droit comparé français et allemand, 2 tomes, PUF Aix-Marseille, 2002, p.315. 101 C. CORR, Citation et intertextualité dans les musiques récentes, Thèses paris VIII, 1988, cité par A. LUCAS-SCHLOETTER, ibid., p.303.
41
être dans le monde, à donner aux compositions une apparence d’érudition et à rendre sa
respectabilité au pillage musical (musikalische Rauberei)»102. En effet, il voulait que
transparaisse clairement dans sa musique ses références, sa culture musicale (et peut être
moins son talent artistique propre).
147. La possibilité de l’insertion d’une œuvre musicale dans une autre est appuyée par le
fait que l’artiste interprète est limité dans son monopole par l’exception de citation. En effet,
l’article L211-3 pose le même principe pour les titulaires de droits voisins. S’il s’agit en effet
d’un «copier-coller législatif», dans lequel le législateur n’aurait pas forcément pensé à tous
les risques posés par l’assimilation des exceptions au droit d’auteur à celles aux droits voisins,
il n’en demeure pas moins que l’artiste interprète ne peut interdire les courtes citations de son
interprétation dans les mêmes conditions que l’auteur le peut. Il nous semble qu’il s’agit bien
d’une reconnaissance de la possibilité de pouvoir intégrer à une œuvre l’extrait d’une œuvre
musicale.
148. Toutefois, il faut, comme dans le cadre de la parodie, savoir raison garder. Si l’atteinte
matérielle à l’œuvre et à l’interprétation est justifiée d’une part par le caractère
nécessairement court de la citation et d’autre part par la liberté d’expression, il n’en demeure
pas moins que l’esprit de l’œuvre ou de l’interprétation est garanti par la limite contenue dans
la finalité des œuvres secondes contenant la citation. Elargir l’exception de citation, même
justifiée, dans le cadre musical comme nous l’avons vu, serait faire prendre un risque aux
auteurs et interprètes de voir leurs œuvres dénaturées, ce qui obligerait le juge à faire une
recherche sur la dénaturation, alors qu’en l’espèce, il s’en décharge, puisqu’en raison du
caractère de l’exception de citation, le droit au respect ne peut intervenir pour limiter
l'exercice de cette exception.
149. En définitive, si les exceptions de parodies et de courtes citations interviennent comme
des limites nécessaires à l’intégrité matérielle pour satisfaire la liberté d’expression, il
demeure dans la loi et la jurisprudence une certaine tendance à bien encadrer ces exceptions
afin de garantir un certain respect de l'esprit de l’œuvre. Dès lors, les modifications
matérielles sont permises et le droit au respect ne peut pas intervenir pour limiter l’exercice de
ces exceptions, puisqu’au final, tout comme le droit de divulgation et le droit de paternité, il
est finalement garanti dans une certaine mesure par la sauvegarde de l’esprit de l’œuvre.
102 P. SZENDY, op. cit., p.37.
42
Section 2/ Le droit au respect des œuvres et interprétations du domaine public
150. Nous l’avons évoqué précédemment, le droit au respect de l’auteur est perpétuel, à
l’inverse du droit patrimonial. Ce dernier expire pour les œuvres, 70 ans après la mort de
l’auteur103 et 50 ans après le 1er janvier suivant celle de l’interprétation104. On peut se
demander si l’expiration des droits patrimoniaux, c’est à dire lorsque l’œuvre tombe dans le
domaine public, emporte des conséquences vis-à-vis du droit au respect. Le régime des
œuvres et interprétations, guidé par un souci d’intérêt général (A) justifierait un maintien
relatif du droit au respect (B).
A/ Le régime des œuvres et interprétations du domaine public
151. Le CPI est silencieux concernant le régime du domaine public en matière de propriété
littéraire et artistique. Il convient donc de définir ses fondements (1°) afin de déterminer ses
effets (2°).
1°) Les fondements du domaine public
152. Il convient, dans un premier temps de se demander si le domaine public est guidé par
un souci d’intérêt général, justifiant ainsi une utilisation libre des œuvres qui se rapprocherait
du régime des biens sans maîtres prévu par l’article 713 du Code civil.
a) L’intérêt public
153. La question de savoir si la propriété littéraire et artistique est guidée par l’intérêt
public, à l’instar du droit des brevets notamment, pourrait justifier l’existence du domaine
public. A l’inverse, si la propriété littéraire et artistique n’était guidée que par une vision
personnaliste des droits qu’elle confère, les effets du domaine public sur les œuvres et
interprétations seraient limités.
154. Pour Desbois, le fondement de la loi de 1957 est l’individualisme. Selon lui, le
Parlement français a répudié la conception selon laquelle les œuvres de l’esprit sont protégées
en vertu de considérations d’opportunité, afin de stimuler la création littéraire et artistique. A
103 Art. L123-1 du CPI. 104 Art. L211-4 du CPI.
43
l’inverse, le Tribunal de la Seine avait estimé qu’il était de l’intérêt supérieur du génie humain
que toute œuvre soit protégée. Pour Desbois, cet attendu fournirait un argument à ceux qui
prétendraient justifier les altérations de l’original, toutes les fois que la cause des Arts et des
Lettres paraîtrait à y gagner. Ainsi, seule la conception visant à protéger l’auteur ou
l’interprète entraînerait le fait qu’il transmette une partie de lui même dans cette œuvre, qui
doit donc être à la fois protégée par la rémunération de son travail et par la garantie du respect
de son œuvre. Cette perception de la propriété littéraire et artistique conduirait à avoir une
condition restrictive du domaine public. En effet, le droit au respect ne subirait aucune
mutation du fait de l’extinction des droits patrimoniaux. Dès lors, la liberté d’expression elle-
même ne saurait justifier une liberté dans l’utilisation des œuvres du domaine public.
155. Or, une doctrine récente voit dans la protection conférée par le code une garantie du
renouvellement de l’offre culturelle ; le domaine public fournissant «un point d’accroche
solide à une coexistence culturelle pacifiée»105. Ainsi, guidée par un souci d’intérêt général,
cette protection fournirait au public, la garantie d’un choix culturel important et de qualité,
l’extinction des droits et un renouvellement de cette offre. Le renouvellement de cette offre se
ferait par une ponction dans le domaine public pour élaborer de nouvelles créations. Le
domaine public est donc institué dans l’intérêt général et est garanti par la liberté de création.
156. En d’autres termes, le domaine public constituerait un fonds commun, dans lequel la
liberté d’expression justifie qu’on y puise. Ainsi, toute adaptation d’une œuvre appartenant au
domaine public serait libre en vertu de la liberté de création qui découle de la liberté
d’expression. C’est ce que nous enseigne un arrêt de la Cour de cassation, en date du 30
janvier 2007106.
157. En l'espèce, M. François Cérésa a publié aux Editions Plon deux ouvrages présentés
comme étant la suite des Misérables de Victor Hugo. Le descendant de l'écrivain a alors saisi
les tribunaux pour faire juger que ces ouvrages portaient atteinte au droit au respect de
l'œuvre.
105 V.-L. BENABOU, Propriété intellectuelle et diversité culturelle, approche juridique, in Droit d’auteur et culture sous la direction de J.-M. BRUGUIERE, thèmes et commentaire, la propriété intellectuelle autrement, Dalloz, 2007, p.75. 106 Cass. 1ère civ., 30 janv. 2007 : n° 04-15.543, SA Plon et a. c/ Pierre Hugo et a. préc.
44
158. Après avoir été débouté en première instance107 car il ne démontrait pas sa qualité à
agir, la Cour d’appel de Paris lui donne gain de cause au motif principal que «cette œuvre,
véritable monument de la littérature mondiale, d'une part, n'est pas un simple roman en ce
qu'elle procède d'une démarche philosophique et politique (...) et que, d'autre part, elle est
achevée puisque Victor Hugo écrivait à son sujet : «Le livre que le lecteur a sous ses yeux en
ce moment, c'est, d'un bout à l'autre, dans son ensemble et dans ses détails, quelles que soient
les intermittences, les exceptions ou les défaillances, la marche du mal au bien, de l'injuste au
juste, du faux au vrai, de la nuit au jour, de l'appétit à la conscience, de la pourriture à la vie,
de la bestialité au devoir, de l'enfer au ciel, du néant à Dieu. Point de départ : la matière,
point d'arrivée l'âme. L'hydre au commencement, l'ange à la fin»» et qu'en conséquence
«aucune suite ne saurait être donnée à cette œuvre à jamais achevée sans porter atteinte au
droit moral de Victor Hugo»108.
159. La Cour d’appel de Paris considère donc que le droit au respect de l'œuvre est un droit
au respect de la volonté de l'auteur sur son œuvre. Il est intéressant également de noter qu’elle
procède à une qualification du mérite de l’œuvre, «véritable monument de la littérature
mondiale». On peut se poser la question de savoir si la Cour d’appel de Paris aurait procédé
de même pour l’adaptation d’une œuvre banale, quand bien même l’auteur aurait estimé son
œuvre achevée.
160. La Cour de cassation condamne cette conception du droit moral au visa des articles
L121-1 et L123-1 du CPI et de l'article 10 de la CESDH. En effet, après avoir indiqué que «la
suite d'une œuvre littéraire se rattache au droit d'adaptation ; que sous réserve du droit au
nom et à l'intégrité de l'œuvre adaptée, la liberté de création s'oppose à ce que l'auteur ou ses
héritiers interdisent qu'une suite lui soit donnée à l'expiration du monopole d'exploitation
dont ils ont bénéficié», elle estime que les juges du fond se sont prononcés par «des motifs
inopérants tirés du genre et du mérite de l'œuvre ou de son caractère achevé sans avoir
examiné les œuvres litigieuses, ni constaté que celles-ci auraient altéré l'œuvre de Victor
Hugo ou qu'une confusion serait née sur leur paternité».
161. La Cour de cassation précise donc que la libre utilisation des œuvres du domaine
public découle de l’article 10 de la CESDH. La limitation du droit au respect par le constat du
107 TGI Paris, 12 sept. 2001 : D. 2001. AJ. 3123 ; RTD com. 2002. 475, obs. FRANCON ; CCE 2001, chron. n° 29, obs. C. CARON ; Propr. intell. 2002, n° 3, obs. A.LUCAS. 108 Paris, 31 mars 2004 : D. 2004. Jur. 2028, note B. EDELMAN ; RTD com. 2004. 474, obs. F. POLLAUD-DULLIAN ; CCE 2004, n° 50, note C. CARON ; Propr. intell. 2004, n° 12, obs. A. LUCAS.
45
juge de l’altération de l’œuvre est justifiée par la non appropriation des œuvres du domaine
public, laquelle découle du régime des choses communes.
b) Le régime des choses communes
162. En vertu de l’article 714 du Code civil, les choses communes sont «les choses qui
n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous». Sont communément admises
comme des choses communes l’eau et l’air. Celles-ci ne peuvent se voir appropriées par
personne dans leur intégralité. Cette appropriation est néanmoins possible par parcelles, à
l’occasion de l’usage de l’œuvre ou de l’interprétation. On peut, dès lors, ranger dans cette
catégorie les œuvres du domaine public. Si la Haute cour ne fonde pas sa décision, dans
l’arrêt précité, sur l’article 714, on peut toutefois rapprocher la règle de l’article 714 de celle
gouvernant les œuvres du domaine public. Ceci permettrait à la fois de combler le silence du
CPI sur le régime des œuvres du domaine public et de rendre impossible l’appropriation en
totalité des œuvres du domaine public. Par conséquent, les héritiers de l’auteur ou de
l’interprète ne pourraient interdire l’utilisation de l’œuvre ou de l’interprétation par un tiers.
Ce dernier ne pourrait, quant à lui, s’approprier l’intégralité de l’œuvre ou de son
interprétation.
163. Pour conclure, ce régime qui consacre la libre utilisation des œuvres du domaine
public, à la fois justifié par la liberté de création et par le régime des choses communes,
impose la gratuité et l’absence d’autorisation pour l’utilisation de ces œuvres et
interprétations.
2°) Les effets du domaine public
164. L’appartenance d’une œuvre ou d’une interprétation au domaine public implique sa
gratuité et l’absence d’autorisation pour l’utilisation de celle-ci.
a) La gratuité
165. La gratuité découle de l’extinction des droits patrimoniaux de l’auteur ou de
l’interprète. Aucune rémunération ne lui est due à raison de l’utilisation de son œuvre ou
interprétation. Pourtant, affirmer qu’une œuvre du domaine public est gratuite est une fiction.
En effet, pour l’utilisateur final, le prix d’une œuvre de Bach ou de Messiaen sera la même. A
46
l’inverse, interpréter une œuvre du domaine public ou diffuser une interprétation du domaine
public ne donnera pas lieu au paiement d’une redevance. Il a été évoqué l’idée d’un domaine
public payant, l’utilisation de ces œuvres donnant lieu à une rémunération au profit d’un
fonds d’aide à la création109.
b) L’absence d’autorisation
166. L’article L122-4 du CPI dispose que «toute représentation ou reproduction intégrale
ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est
illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation,
l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque». Lorsqu’une œuvre
tombe dans le domaine public, cette disposition n’a plus vocation à s’appliquer. Il en est de
même pour l’artiste interprète pour l’obligation d’autorisation prévue à l’article L212-3 du
CPI.
167. Or, une vision trop absolue du droit au respect tel qu’envisagée par la Cour d’appel de
Paris dans l’affaire Hugo ou dans l’affaire On va fluncher pour les auteurs ou dans l’arrêt
Ferrat pour les artistes interprètes pourrait faire naître une nouvelle obligation de demande
d’autorisation, en vertu du droit au respect, pour toute utilisation susceptible de porter atteinte
à l’œuvre. Cette nouvelle obligation viderait de son sens la notion même de domaine public. Il
importe d’étudier la manière dont le droit au respect s’applique pour une œuvre du domaine
public.
B/ Un maintien relatif du droit au respect
168. Deux hypothèses peuvent se présenter dans ce cas : soit il existe des héritiers (1°) soit
ceux-ci ont disparu (2°).
1°) Cas où il existe des héritiers
169. En vertu de l’article L121-1 du CPI pour les auteurs (a), et L212-2 du CPI pour les
artistes interprètes le droit est transmissible aux héritiers (b).
109 A. et H. J. LUCAS, op. cit., p.393.
47
a) Les héritiers de l’auteur
170. En principe, l’exercice par les héritiers du droit au respect devrait être identique à son
exercice par l’auteur. Le droit au respect, à l’inverse du droit de divulgation, ne mute pas à la
mort de l’auteur. A l’inverse du droit de divulgation qui est une prérogative positive du droit
moral de l’auteur, le droit au respect n’a pas à s’exercer en accord avec la personnalité et la
volonté de l’auteur110. En effet, on estime que l’exercice de ces droits est conforme aux
intentions présumées de l’auteur décédé et «qu’il rend service à l’intérêt général qui est que
les œuvres soient présentées au public sans dénaturation comme sans fausse attribution de
paternité»111. Le droit au respect, en ce qui concerne les atteintes matérielles tout du
moins112, s’exerce de manière similaire à celle du vivant de l’auteur. Le juge procédera au
constat de l’atteinte matérielle sur les allégations des héritiers.
171. Toutefois, en ce qui concerne les arrangements, en raison de l’arrêt Hugo, ils devront
s’observer non pas par rapport à la volonté de l’auteur de ne pas avoir accordé d’arrangements
durant son vivant, mais bien en vérifiant que ces arrangements ne portent pas atteinte à
l’œuvre. L’atteinte doit s’apprécier in concreto par rapport à l’œuvre, et non in abstracto par
rapport à la volonté de l’auteur113.
b) L’artiste interprète
172. L’article L212-2 alinéa 3 dispose que le droit au respect de l’artiste interprète est
«transmissible à ses héritiers pour la protection de l’interprétation et de la mémoire du
défunt». Cette rédaction, en ce qu’elle souligne l’importance de la mémoire du défunt,
s’éloigne de la rédaction pour le droit au respect de l’auteur, et se rapproche plus de la
rédaction du droit au respect envisagée par la Convention de Berne. Toutefois, on ne doit pas
en déduire qu’il faut que la mémoire du défunt soit bafouée pour que s’applique le droit au
respect. En effet, la protection de l'interprétation est envisagée de manière indépendante dans
l’article par rapport à la protection de la mémoire du défunt qui semble se destiner plus à la
protection du nom de l’artiste interprète.
110 S. NERISSON, op. cit., p.37. 111 FRANCON cité par S. NERISSON, ibid., p.38. 112 Il semble que pour les atteintes à l’esprit de l’œuvre il faille rechercher les intentions de l’auteur ; voir cependant, contra, TGI Paris, 15 Mai 1991, préc. 113 S. CHOISI, préc., p. 924.
48
173. Ainsi le régime de la protection par les héritiers de l’artiste interprète est à rapprocher
de celui de l’auteur.
2°) En l’absence d'héritier
174. En l’absence d'héritier, le droit au respect ne s’appliquera pas, non par un état de droit,
mais par un état de fait.
175. En effet, la déshérence ou la vacance a été prévue par le législateur de 1957, en
transférant la gestion du droit moral de l’auteur au ministre chargé de la culture. Cependant,
celui-ci ne saisira le juge, conformément à l’article L121-3 du CPI, que pour les cas les plus
extrêmes, touchant des œuvres extrêmement connues et représentatives de notre patrimoine
national. Pour le reste des atteintes perpétrées, il faut qu’il en ait eu connaissance.
176. Pour l’artiste interprète la vacance et la déshérence n’ont pas été envisagées par le
législateur, de sorte qu’en l’absence d’héritier connu l’utilisation de l’œuvre est libre.
177. On l’a vu, il existe une limitation de fait du droit au respect. Cette limitation peut être
le résultat de la nature des exceptions. Celles-ci, et plus particulièrement celles de parodie et
de courte citation, nécessitent, de manière à ce que la liberté d’exception soit garantie, une
limite à l’exercice du droit au respect. En effet, une conception absolue du droit au respect
reviendrait à tenir en échec l’exercice des exceptions. C’est la liberté d’exception qui justifie
également une analyse restrictive du domaine public. Cependant, à l’inverse des exceptions
où le droit au respect est paralysé, le juge opérera ici une balance des intérêts entre la liberté
d’expression et les atteintes à l’œuvre. Si aucun héritier n’est connu, le droit au respect est
limité de fait. Mais cette limitation peut être également le fruit d’une autre liberté, la liberté
contractuelle.
Chapitre II: Les modifications permises par contrat
178. C’est à travers l’étude du contrat d'arrangement que nous verrons la manière de
concilier la force obligatoire du contrat et l’inaliénabilité du droit au respect (section 1). Nous
nous interrogerons par la suite sur le caractère relatif de cette inaliénabilité (section 2).
49
Section 1/ La conciliation de l'inaliénabilité du droit au respect et de la force obligatoire du
contrat
179. La liberté contractuelle permet à l’auteur ou à l’interprète en vertu de l’article L122-4
du CPI, d’autoriser les modifications de son œuvre notamment par l’arrangement (A).
Cependant, cette autorisation doit être conciliée avec l'inaliénabilité du droit au respect (B).
A/ Le respect de la liberté contractuelle
180. D’un point de vue purement musical, l’arrangement a une existence propre, une réalité
bien à lui. D’un point de vue juridique, sa définition est moins aisée. Il apparaît, au regard du
faible nombre de cas en jurisprudence, que notre travail doit être mené par comparaison avec
les libertés données au traducteur d’une part et à l’adaptateur d’autre part. La doctrine étant
elle-même divisée, nous essaierons de trouver une définition de l’arrangement et de cerner les
libertés laissées à l’arrangeur. Le code est également silencieux. Il estime dans un premier
temps que «les auteurs de traductions, adaptations, transformations ou arrangements des
œuvres de l’esprit jouissent de la protection instituée par le présent code, sans préjudice des
droits de l’auteur de l’œuvre originale»114. Toutefois l’arrangement, au même titre que la
traduction ou l’adaptation, sous peine d’illicéité, doit recueillir le consentement de l’auteur115.
Au regard des droits patrimoniaux, le consentement doit être antérieur à la création de cette
nouvelle œuvre. Par cet engagement, l’auteur (ou ses ayants droit) donne accès à son œuvre
pour que celle-ci soit modifiée. Cependant, toute comme la parodie est limitée par «les lois du
genre», l’arrangement n’est pas un droit absolu. En effet, traditionnellement, lorsque l’auteur
concède un droit d’arrangement sur son œuvre, il entend que celui-ci soit limité à ce que la
pratique entend par l’arrangement, au même titre que l’adaptation ou la traduction correspond
à des techniques propres.
181. L’encyclopédie de la musique de 1958 fournit à cet égard un bel exemple. Elle définit
l’arrangement comme la «transformation d’un texte pour en rendre possible l’exécution à une
autre catégorie d'instruments que ceux à l’usage desquels il avait été écrits». Cette définition
ferait pencher la comparaison avec ce qu’est la traduction pour le genre littéraire, si toutefois
elle s’était arrêtée là. Mais l’encyclopédie poursuit en indiquant que «notre époque est fertile
en sacrilèges commis pour la radio, le cinéma, et le ballet (cf la tristesse de Chopin). Ici
114 L112-3 du CPI. 115 L122-4 du CPI.
50
encore, on devrait user d’un vocabulaire plus strict : appeler arrangement le travail savant et
de haut style, semblable à celui que fit Bach, adaptation, car ce mot a plus que l’autre la
faveur du vulgaire, le détournement de biens auquel se livrent tant de philistins»116.
182. Le droit de la propriété littéraire et artistique ne pouvant distinguer selon le mérite de
l’œuvre, il appartient de bien définir l’arrangement.
183. Si l'arrangement correspond à la modification d’un texte musical pour son exécution
par un instrument autre que celui prévu à l’origine, il correspond à une traduction. On peut en
effet estimer que la liberté de l’arrangeur est limitée à des modifications nécessaires à
l'intelligibilité du texte dans une autre langue (ou un autre instrument). Dès lors, les
modifications matérielles autorisées en l’espèce ne sont que celles qui permettent une
retranscription au plus près de l’œuvre et imposées par des considérations d’ordre technique
ou culturel. L’arrangeur ne peut s’éloigner de l’œuvre première. Ainsi, les transformations
qu’il fait du texte pour le traduire au nouvel instrument doivent être interprétées
restrictivement et imposées par cette nouvelle destination.
184. Considérer l’arrangement comme une simple traduction est toutefois réducteur du
travail de l’arrangeur qui, en appréhendant l’œuvre d’une nouvelle manière, la destine à un
nouveau genre musical et par la même à un public différent, ce qui se rapprocherait plus de
l’adaptation.
185. En effet, l’adaptation va donner à l’œuvre une nouvelle dimension correspondant à la
destination de l’œuvre seconde. Dans le cas le plus courant, on parlera d’adaptation, par
exemple dans le cadre de la transposition d’un roman à une œuvre audiovisuelle117. Il est à
noter cependant que certains auteurs se bornent à définir l’adaptation de manière générique
comme toutes les œuvres composites n’intégrant pas matériellement l’œuvre dans une
seconde, c’est à dire lorsque l’intégration ne sera qu’intellectuelle118. Une telle définition de
l’adaptation, englobant la traduction et l’arrangement, est à notre avis impropre. Si elle permet
une scission entre les intégrations matérielles et les intégrations intellectuelles, elle laisse
cependant la même liberté de modification matérielle aux auteurs d’adaptations et aux auteurs
de traductions, ce qui n’est pas le cas comme nous l’avons vu au sujet de la traduction.
116 Encyclopédie de la musique, Fasquelle, 1958, citée par P. SZENDY, op. cit., p.53. 117 A. et H.J LUCAS, op. cit., p385. 118 F. POLLAUD-DULLIAN, op. cit., p623.
51
186. Ainsi, l’adaptateur effectuera un travail permettant de retranscrire l’esprit de l’œuvre
première au genre nouveau auquel il l’incorpore. La modification matérielle est donc
relativement libre en l’espèce. L’adaptateur se trouve à la limite de la reprise de l’idée à
l’origine de cette œuvre, tout en respectant une trame matérielle, nécessitant l’autorisation de
l’œuvre première. Dès lors, l’adaptateur respecte un certain ordonnancement de l’esprit de
l’œuvre première, tout en conservant une certaine liberté par rapport à celle-ci. D’un point de
vue matériel par exemple, l’adaptateur doit en effet se résoudre à un format souvent plus court
dans le cadre du cinéma que dans le cadre d’un roman. La Cour de cassation a affirmé qu’une
«certaine liberté doit être reconnue à l’adaptateur cinématographique, dont le rôle consiste à
trouver, sans en dénaturer le caractère, une expression nouvelle de la substance d’une
œuvre»119. Ainsi, les modifications matérielles sont envisagées de manière plus large dès lors
qu’est sauvegardé l’esprit de l’œuvre.
187. Toutefois, cette définition semble inappropriée car, dans le cadre de l’arrangement, il
ne s’agit nullement de passer d’un genre artistique à un autre, mais soit de passer d’un genre
musical à un autre, soit uniquement de transposer la partition écrite pour un instrument à un
autre instrument. La forme d'intelligibilité est identique, quand bien même il s’agirait de
transposer une œuvre classique à la manière jazz. Il n’y a pas une réécriture complète de
l’œuvre mais simplement une transposition qui impose des changements dans le rythme, la
tonalité ou l’orchestration propre au nouveau genre120. A l’inverse de l’adaptation, il n’y a pas
forcement dans l’arrangement une «expression nouvelle de la substance d’une œuvre»121. Il
existe toutefois une volonté de livrer une nouvelle écoute de l’œuvre telle qu’elle est perçue
par son arrangeur. Ainsi, la liberté de l’arrangeur, si elle doit être circonscrite en raison du
genre musical destiné, ne peut pour autant s’exprimer avec autant de force que dans
l’adaptation.
188. Il faut cependant noter qu’un certain nombre de modifications peut être admis par le
juge, en raison de la nature particulière de l’arrangement : celui-ci outrepasse son rôle, si,
comme nous le verrons, il corrompt l’esprit de l’œuvre.
189. En sus, l’auteur peut définir de lui même les libertés qu’il compte donner à
l’arrangeur, sans pour autant le guider complètement : l’œuvre composite passerait alors dans
le régime des œuvres de collaboration. C’est du moins ce qu’ on aurait pu penser avant l’arrêt 119 Cass. 1ère civ., 22 novembre 1966, Le dialogue des carmélites : bull. Civ. I, n° 518, p.391. 120 Paris, 10 mars 1970, Les tableaux d’une exposition : D. 1971, p.114. 121 Cass. 1ère civ., 22 novembre 1966 : D. 1967, p.485, note DESBOIS.
52
de la Cour de cassation en date du 5 décembre 2006122, confirmé dans les mêmes termes et
pour la même affaire par un arrêt en date du 2 avril 2009123, qui semble remettre en cause la
force obligatoire du contrat d’arrangement en raison du caractère inaliénable du droit au
respect.
B/ L’inaliénabilité réaffirmée du droit au respect
190. En l’espèce, l’auteur et le compositeur de la chanson On va s’aimer avaient, en 1983,
aux termes du contrat d’édition, régulièrement cédé les droits sur cette chanson à la société
Universal Music Publishing. Ces droits comportaient notamment le droit «de faire effectuer
pour des exploitations à la télévision, même à des fins publicitaires, des ajouts à la partition
musicale de paroles différentes de celles d’origine, ou constituant une parodie de celles-ci».
La modification est intervenue pour une publicité vantant les mérites d’une chaîne de
restauration rapide.
191. La Cour d’appel de Paris avait estimé dans un premier temps, le 28 Juin 2000, que
l’auteur et le compositeur avaient contractuellement accepté les modifications. La Cour de
cassation avait cassé et annulé l’arrêt en estimant que cette clause violait le principe
d’inaliénabilité. En effet, «l’inaliénabilité du droit au respect de l’œuvre, principe d’ordre
public, s’oppose à ce que l’auteur abandonne au cessionnaire, de façon préalable et
générale, l’appréciation exclusive des utilisations, diffusions, adaptations, retraits,
adjonctions et changements auxquels il plairait à ce dernier de procéder»124. La Cour de
cassation prohibait dès lors les renonciations générales. Or, la Cour d’appel, statuant sur
renvoi, a considéré que si l’auteur ne pouvait abandonner de manière préalable et générale
l’appréciation exclusive des modifications, cette prohibition «n’imposait pas au cessionnaire
de recueillir, avant toute modification, la permission expresse du cédant». L’auteur conserve
tout de même «la faculté de faire cesser l’utilisation qui se révélerait abusive». Or, la Cour
d’appel a estimé que les co-auteurs n’apportaient pas la preuve d’une atteinte125.
192. En réponse, la Cour de cassation, tout en rappelant le principe d’ordre public
d’inaliénabilité, énonce que «toute modification, quelle qu’en soit l’importance, apportée à
une œuvre de l’esprit, porte atteinte au droit de son auteur au respect de celle-ci». La
122 Cass., 1ère civ., 5 déc. 2006, préc. 123 Cass., 1ère civ., 9 avril 2009 : N° 08-10194. 124 Cass., 1ère civ., 28 janvier 2003 : RIDA 2/2003, p.415. 125 Paris, 4ème ch., B, 15 décembre 2004 : D. 2005, n°41, p.2886, note B. EDELMAN.
53
première chambre civile de la Cour de cassation semble ainsi calquer son analyse du droit au
respect sur la jurisprudence de la chambre sociale, qui avait prononcé le même attendu au
sujet des artistes interprètes126.
193. Pourtant, la première chambre civile avait émis quelques réticences à une conception
absolutiste du droit au respect, notamment en ce qui concerne les arrangements autorisés. Sur
la lignée de l’arrêt Pierre Perret, la première chambre civile127 avait admis qu’une clause
contenue dans un contrat d’adaptation audiovisuelle dispensant l’éditeur de solliciter l’accord
préalable de l’auteur pour ces adaptations «n’entraînait pas aliénation de la part de l’auteur
de son droit moral qu’il pouvait exercer si l’exploitation, autorisée conformément à la
destination de l’œuvre, venait à y porter atteinte». L’arrêt a le mérite de distinguer ce qui
relève de l’exercice des droits patrimoniaux (autoriser l’adaptation) de ce qui relève du droit
moral (se plaindre contre une atteinte à son droit moral). Or, par essence, le droit moral, qui
est un droit défensif, ne peut s’exercer que si l’auteur constate une atteinte à son droit au
respect. Mais il n’a pas pour fonction d’être un doublon des droits patrimoniaux et de
s’exercer avant toute atteinte de façon préventive, même s’il arrive, à propos du droit moral,
qu’elle évoque pourtant un «accord préalable». Le présent arrêt a le grand mérite de préciser
la place et la fonction du droit moral.
194. Toutefois, l’arrêt du 5 décembre 2006 semble clore cette jurisprudence. En effet, en
estimant que d’une part l’inaliénabilité s’oppose à une renonciation préalable et générale du
droit au respect (de ce fait, un contrat pourra être annulé en raison d’une clause contenant ce
qui pourrait s’apparenter à une renonciation générale et préalable) et d’autre part que toute
modification, aussi minime soit elle, doive être considérée comme une atteinte à l’œuvre ou à
l'interprétation (on pourrait en déduire que malgré une autorisation donnée à une adaptation
ou un arrangement sur le plan des droits patrimoniaux, ce dernier pourra être combattu sur le
plan du droit moral).
195. Le droit au respect est donc cantonné à un droit purement défensif ne pouvant faire
l’objet d’aucune convention. Une vision aussi restrictive du droit au respect n’est pas sans
risques à l’égard du marché de la musique. En effet, en admettant une vision purement
défensive du droit au respect, ce droit «anti-libéral» ne doit par pour autant «se transformer en
une épée de Damoclès, menaçant en permanence la bonne exploitation de l’œuvre, d’où la
126 Cass. Soc., 8 février 2006, préc. 127 Cass. 1ère civ., 13 juin 2006 : CCE, n°2, février 2007, comm. C. CARON.
54
nécessité de reconnaître force obligatoire aux engagements pris par l’auteur et l’artiste
interprète en connaissance de cause»128. Il convient alors de voir de quelle manière peuvent
se concilier l’inaliénabilité réaffirmée par la Cour de cassation et le respect de la force
obligatoire du contrat.
Section 2/ L’inadaptation du principe d’inaliénabilité
196. Desbois estimait que «l’auteur ne peut renoncer à la défense de sa personnalité, sous
peine de commettre un “suicide moral”», la doctrine semble se détacher de cette vision
manichéenne. De plus, à l’heure où il est question de la légalisation sur l’euthanasie, n’est-il
pas temps en droit d’auteur que l’auteur puisse également organiser son décès moral en toute
dignité ?
A/ Les thèses en présence
197. L’impossibilité pour l’auteur de renoncer à son droit au respect n’est pas expressément
consacrée par la loi mais unanimement déduite du principe de l’inaliénabilité du droit moral
de l’artiste. Nous l’avons démontré, il est désormais impossible au cessionnaire d’un droit lui
permettant la réalisation d’une œuvre composite de faire valoir l’autorisation donnée par
l’auteur de modifier son œuvre, ni même son interprétation.
198. Cependant, une partie de la doctrine avait considéré que l’auteur pouvait renoncer de
manière anticipée à l’exercice de son droit au respect129. Toutefois, ces renonciations devaient
être claires et précises. En somme l’artiste qui consentait à la modification devait savoir de
manière non équivoque quelle transformation l’auteur de l’œuvre composite souhaitait
entreprendre. On peut se demander toutefois si de trop grandes négociations précontractuelles
sur les modifications apportées ne qualifieraient pas le résultat d’œuvre de collaboration,
plutôt que d’œuvre composite.
199. En outre, la doctrine est unanime, pour accepter la validité de la ratification a
posteriori des atteintes. Si le droit au respect ne peut s’effacer en raison d’une tolérance de
l'interprète ou de l’auteur, il n’en demeure pas moins qu’ils pourraient valider ces atteintes en
toute connaissance de cause.
128 A. LUCAS-SCHLOETTER, op. cit.., p.385. 129 P. SIRINELLI, Le droit moral de l’auteur et le droit commun des contrats, thèse, Paris II, 1985 p.304.
55
200. Deux raisons viennent corroborer cette théorie. La première consiste à admettre un
usage positif du droit au respect, c’est-à-dire que l’artiste qui admet les modifications comme
ne préjudiciant pas son œuvre fait ici usage d’une prérogative de son droit, si on considère
que le droit au respect envisagé de manière négative correspond à l’interdiction faite aux tiers
de modifier l’œuvre. En outre, ce droit permet à l’auteur de réaliser des modifications sur son
œuvre ; il peut donc tout à fait autoriser un tiers à faire de même, en toute connaissance de
cause. Ainsi, lorsque l’artiste a connaissance de ces modifications, il peut tout à fait les
accepter de manière non équivoque, comme s’il avait procédé lui même à ces changements.
201. La seconde raison qui pousse à admettre les renonciations a posteriori a trait au
régime des nullités. La Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises que l’inaliénabilité du
droit au respect est d’ordre public. Toutefois, cet ordre public est un ordre public de
protection, de sorte que les nullités prononcées sont relatives. Or, tout contrat déclaré nul sur
le fondement du non respect d’une règle d’ordre public de protection peut être confirmé130.
Cette confirmation doit résulter «d’un écrit non équivoque» et est donc tout à fait possible.
202. Les conditions de validité du consentement devraient être toujours les mêmes quel que
soit le moment auquel il est donné : il doit être déterminé dans son objet, c’est-à-dire viser
une atteinte précise du droit au respect. L’effet est relatif et ne profite qu’au contractant, ce qui
démontre qu’il ne s’agit pas d’une renonciation pleine et entière de son droit au respect,
puisque l’auteur peut toujours s’en prévaloir à l’égard des tiers131.
B/ Du suicide moral à l’euthanasie de l’artiste
203. La surprotection de l’auteur engagé sur le fondement de l’inaliénabilité du droit au
respect ne doit pas laisser supposer que l’auteur ou l’artiste interprète ne peut que s’engager
inconsidérément dans la renonciation. Ce n’est pas tant contre lui-même que cette
inaliénabilité existe mais contre les exploitants de son travail. Une analyse inverse conduirait
à considérer l’artiste comme un «incapable notoire»132. Le droit moral est reconnu pour lutter
à armes égales avec les exploitants. De nature « anti-libérale », il doit être considéré comme
un outil d’équilibre entre les moyens financiers et une logique artistique. En effet, « le
principe de l’inaliénabilité du droit moral est essentiel. Sans ce principe, il n’y a, en réalité,
pas de droit moral, tout simplement parce que, compte tenu du déséquilibre entre l’auteur et 130 F.TERRE, Ph. SIMLER et Y.LEQUETTE, Droit civil : Les obligations, précis Dalloz, 8e éd, 2002, p.399. 131A. LUCAS-SCHLOETTER, op. cit., p.386. 132Ibid., p.385.
56
ses partenaires, voire même en raison de l’ignorance où sont beaucoup d’auteurs quant à
leurs droits, la clause deviendra vite clause de style. Et cette clause, seuls quelques rares
auteurs à succès et bien conseillés seraient en mesure de la refuser»133.
204. Or, en limitant ainsi le pouvoir de l’artiste de ne disposer de son droit au respect que
dans l’exercice de son caractère défensif, on limite par la même la possibilité pour l’artiste de
bien défendre ses intérêts moraux. En effet, en raison du grand nombre d’atteintes perpétrées
à l’œuvre, l’auteur est dans l’impossibilité de faire valoir son droit au respect dans tous les
cas. De plus, en annulant systématiquement les contrats prévoyant une modification de
l’œuvre ou de l’interprétation, on accroît le nombre de situations contraires au droit au
respect. L’inaliénabilité du droit au respect conduit donc à une situation paradoxale car elle
donne à l’auteur un pouvoir de contrôle sur son œuvre, sans qu’il puisse exercer pleinement
ce contrôle.
205. Le projet Creative Commons est né aux Etats-Unis en 2001 à l’initiative de Lawrence
Lessig, professeur de droit à Stanford. C’est dans son ouvrage L’avenir des idées que ce
professeur trace les premières lignes du système Creative Commons. Il appelle en effet à une
transformation des biens protégés par le droit d’auteur en biens communs, c'est-à-dire des
biens qui seraient utilisables par tous, qu'ils soient auditeurs ou créateurs. Il estime en effet
que la propriété empêche ou du moins restreint l’innovation. Dès lors son projet s’appuie non
pas sur l’abandon du système de droit d’auteur, mais sur une liberté d’utilisation de leur droit
par les auteurs. Cette licence a vocation à s’appliquer à tout bien culturel, même si c’est la
musique qui, au regard des débats que soulève la libre disposition des créations musicales sur
le réseau Internet, a bénéficié la première de l’engouement pour ce type de licences.
206. Les licences Creative Commons sont au nombre de six :
207. La licence paternité impose à l’utilisateur de mentionner le nom de l’auteur original,
et autorise toute utilisation de l’œuvre, même commerciale, ainsi que sa modification.
208. La licence paternité/partage des conditions à l’identique : l’utilisateur doit mentionner
le nom de l’auteur original lorsqu’il diffuse l’œuvre. Il peut modifier l’œuvre mais doit
distribuer l’œuvre modifiée sous la même licence. Toute utilisation est autorisée.
133 Actualité du droit moral, in F. Gotzen (ed.), Le renouveau du droit d’auteur en Belgique, Bruxelles 1996, p.111, cité par A LUCAS-SCHLOETTER, op. cit., p. 455.
57
209. La licence paternité/pas d’utilisation commerciale : comme son nom l’indique, cette
licence empêche tout utilisation commerciale de l’œuvre. L’œuvre peut cependant être
modifiée.
210. La licence paternité/pas d’utilisation commerciale/partage des conditions à
l’identique : toute modification de l’œuvre doit être distribuée au public dans le cadre d’une
licence similaire (c'est-à-dire sans utilisation commerciale).
211. La licence paternité/pas de modification : le bénéficiaire de la licence n’est pas
autorisé à modifier l’œuvre.
212. La licence paternité/pas d’utilisation commerciale/pas de modification : c’est la
licence la plus restrictive, elle permet uniquement la diffusion de l’œuvre.
213. Bien que d’origine américaine, le programme s’est lancé dans le vaste projet d’adapter
ses licences aux droits nationaux. Or, à en croire les développements précédents, ces licences
sont incompatibles avec le système français. En effet, l’auteur renonce, par contrat général et
préalable, à toute modification de l’œuvre et à toute utilisation. L’adaptation des nouveaux
modes de protection du droit d’auteur passe également par une refonte de droit au respect.
58
CONCLUSION
214. L'existence de disparités dans les législations internationales relatives au droit moral
de l’auteur, et plus particulièrement au sein de la Communauté européenne, peut être une
entrave à la libre circulation des œuvres musicales.
215. En effet, le droit au respect permet d’interdire en France un certain nombre de
modifications à l’œuvre et ce de manière perpétuelle. Cette garantie n’est pas présente en
Allemagne lorsque l’œuvre tombe dans le domaine public. Le régime des renonciations n’est
pas non plus identique selon les Etats membres. L’auteur d’une œuvre ou son interprète peut
interdire la commercialisation de son œuvre ou interprétation, en arguant le fait que la
législation de l’Etat n’est pas propre à garantir l’intégrité matérielle de son œuvre. Un auteur,
alors qu’il «aurait été contraint d’accepter, au Royaume-Uni, des restrictions importantes à
son droit de paternité, pourrait à l’inverse imposer le respect de son droit en France, où la
législation est plus protectrice de ses intérêts, en y interdisant l’importation des supports en
provenance du Royaume-Uni»134. Le droit moral relève de l’objet spécifique du droit d’auteur
et ainsi justifie des restrictions à la libre circulation.
216. Toutefois, la société de l’information crée un espace culturel à la fois communautaire
et international où la modification des œuvres et interprétations n’a pas de frontière, ceci
justifiant une harmonisation des législations. Cette harmonisation nécessite à la fois la prise
en compte des intérêts élevés des auteurs et interprètes mais également pour le public, à
travers notamment la libre circulation des œuvres. Il a été souligné qu’en l’absence d’une
politique culturelle de la Communauté cette harmonisation serait impossible135.
217. La prise en compte de l’intérêt public, et plus globalement de l'intérêt général dans la
législation française semble être l’un des pans les plus importants de cette harmonisation. En
effet, la prise en compte de l’intérêt général emporterait la création d’un véritable domaine
public, permettant ainsi une utilisation plus permissive des œuvres.
218. Lors d’un entretien accordé par M. Szendy, celui-ci estime que la mise à disposition
des œuvres, du domaine public ou non, relève d’une nécessité dans la vie de l’œuvre. En effet,
explique-t-il, la vie ne peut se concevoir sans une mort certaine, l'éternité (exposée ici par le
concept de perpétuité du droit moral) procédant d’une utopie qui dessert l’œuvre. La vie 134 C. DOUTRELEPONT, op. cit., p, 577. 135 Ibid., p.578.
59
d’une œuvre est soumise à l’aléa de l’oubli, de la mort. Le risque d’atteinte met, évidemment,
l’œuvre en danger. Toutefois, elle permet à l’œuvre de revivre, d'être redécouverte. Si on
maintient une protection trop accrue, c’est au risque de ne pas voir les œuvres revivre par le
biais de ces critiques ou nouveaux arrangements. On peut se demander, à ce titre, ce que serait
devenu Bach sans Mendelssohn ou Mozart.
219. Cependant, si on empêche l’œuvre de revivre, on ne protège pas la matrice de l’œuvre,
l’original. Il faut alors pleinement distinguer entre la protection de l’œuvre et la protection du
support original de l’œuvre.
220. Le droit américain ne donne protection qu’aux œuvres ayant fait l’objet d’un dépôt. A
l’inverse, le droit français protège l’œuvre dès sa création. Le droit français ne permet donc
pas une protection optimale de l’original de l’œuvre. Ce n’est pas l’Etat qui est gardien du
patrimoine culturel national, mais les héritiers. Si cette protection par les héritiers est donc
laissée, d’une certaine manière, à leur bon vouloir, force est de constater qu’elle ne permet
pas, dans l’absolu, une conservation optimale.
221. La doctrine devrait plutôt s’attacher à dépasser la construction classique du domaine
public et du droit moral. «Je n’avancerai qu’une ébauche, et encore en l’enrobant d’une
forme hypothétique : lorsque l’histoire est passée, l’histoire qui se mesure par siècles, les
chefs-d’œuvre de l’humanité ne tombent-ils pas dans quelque chose de plus profond que notre
domaine public au sens légal? Un fonds commun de culture populaire, où les droits
individuels ne sont plus reconnaissables, où il n’y a plus d’honneur, ni d’immoralité, où, dès
lors, chaque vivant peut venir puiser librement, sans avoir de comptes à rendre à personne,
fût-ce au nom d’un droit moral évanoui ?»136.
136 CARBONNIER, publicité et droit d’auteur, acte du colloque, le droit des Affaires - Propriété Intellectuelle, LITEC, 1993, p.108.
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• TGI Paris, 3ème chambre, 1ère sect., 28 mai 2003, Pierre Perret c/ Ibach Distribution,
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• TGI Paris, 16 septembre 2003, Sté des producteurs de phonogrammes en France c/
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note J.-P. HUGOT.
• TGI Paris 3ème ch. 3ème sect. 12 oct. 2005 : n°04/02594.
64
-TABLE DES MATIERES-
INTRODUCTION............................................................................................................................................1
PARTIE I : LE PRINCIPE : LA GARANTIE DE L’INTEGRITE MATERIELLE DE L’ŒUVRE ET DE L’INTERPRETATION ..................................6
CHAPITRE I : LA NOTION D’INTÉGRITÉ MATÉRIELLE DE L’ŒUVRE ET DE L’INTERPRÉTATION .................................................................................................................................6 Section 1/ La préservation de l’œuvre et l’interprétation dans son expression «corporelle».........6
A/ L’œuvre musicale ....................................................................................................................................................6
1°) La musique ..............................................................................................................................................................6 2°) L’œuvre de collaboration..................................................................................................................................8 3°) L’œuvre composite ..............................................................................................................................................8 4°) Les albums...............................................................................................................................................................9
B/ Le corps de l’interprétation .............................................................................................................................10 Section 2/ La préservation de l’œuvre et de l’interprétation durant leur vie publique ....................11
A/ L’application durant la vie publique de l’œuvre ................................................................................11
1°) Le point de départ : la divulgation .............................................................................................................11 a) Les œuvres de collaboration ....................................................................................................................12 b) Les interprétations ........................................................................................................................................13
2°) L’extinction du droit au respect .................................................................................................................14 a) L’auteur..............................................................................................................................................................14 b) L’artiste interprète ........................................................................................................................................14
B/ La préservation contre les atteintes publiques.....................................................................................15 CHAPITRE II : L’APPLICATION DU PRINCIPE ................................................................................17 Section 1/ Dans le cadre de l’exercice du droit de reproduction ........................................................17
A/ Les obligations relatives à l'éditeur ............................................................................................................17
1°) Dans le cadre de l’édition graphique.........................................................................................................18 2°) Dans le cadre de l’édition phonographique ...........................................................................................19
B/ Les obligations relatives au producteur ...................................................................................................20 1°) La numérisation des œuvres..........................................................................................................................20 2°) Le karaoké : entre destruction du lien harmonique et simple compilation.............................23 3°) Les sonneries téléphoniques..........................................................................................................................25
Section 2/ Dans le cadre de l’exercice du droit de représentation ......................................................26
A/ Les impératifs techniques .................................................................................................................................26 B/ Le numérique ...........................................................................................................................................................28 C/ L’interprétation ......................................................................................................................................................29
1°) L'atteinte à l’œuvre du fait de l’interprétation......................................................................................29 2°) L’atteinte à l’interprétation par une nouvelle interprétation..........................................................31
65
PARTIE II : LES MODIFICATIONS PERMISES DE L’ŒUVRE...........................33 CHAPITRE I : LES MODIFICATIONS PERMISES EN RAISON DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION..........................................................................................................................................33 Section 1/ Le droit au respect face aux exceptions...............................................................................33
A/ Cas général ................................................................................................................................................................34 B/ Les cas particuliers de la parodie et de la courte citation en matière musicale................35
1°) La parodie ..............................................................................................................................................................35 2°) La courte citation................................................................................................................................................39
Section 2/ Le droit au respect des œuvres et interprétations du domaine public ..............................43
A/ Le régime des œuvres et interprétations du domaine public.......................................................43
1°) Les fondements du domaine public ...........................................................................................................43 a) L’intérêt public...............................................................................................................................................43 b) Le régime des choses communes ..........................................................................................................46
2°) Les effets du domaine public.......................................................................................................................46 a) La gratuité.........................................................................................................................................................46 b) L’absence d’autorisation ...........................................................................................................................47
B/ Un maintien relatif du droit au respect...................................................................................................47 1°) Cas où il existe des héritiers..........................................................................................................................47
a) Les héritiers de l’auteur..............................................................................................................................48 b) L’artiste interprète ........................................................................................................................................48
2°) En l’absence d'héritier......................................................................................................................................49 CHAPITRE II : LES MODIFICATIONS PERMISES PAR CONTRAT...............................................49 Section 1/ La conciliation de l'inaliénabilité du droit au respect et de la force obligatoire du contrat..........................................................................................................................................................50
A/ Le respect de la liberté contractuelle........................................................................................................50 B/ L’inaliénabilité réaffirmée du droit au respect....................................................................................53
Section 2/ L’inadaptation du principe d’inaliénabilité.......................................................................55
A/ Les thèses en présence .......................................................................................................................................55 B/ Du suicide moral à l’euthanasie de l’artiste...........................................................................................56
CONCLUSION...............................................................................................................................................59 BIBLIOGRAPHIE .........................................................................................................................................61
66
« The origines of the power to create are still amystery, in art as well as in the life.Consequently, troughout the ages, the artist hasbeen considered something special. If notdivinely inspired, at least better endowed thanthe average man » Carla GOTTLIEB
http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/