L'Entreprise Sociale

download L'Entreprise Sociale

of 44

Transcript of L'Entreprise Sociale

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    1/44

    Hlne Clmentet

    Laurent G ardin

    Lentreprisesociale

    L es notes de lInst itu t Karl Polan yi

    Impatiences dmocratiques diteur

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    2/44

    Ce dossier est une version modifie et actualise de la note r-alise avec le concours de la Dlgation interministrielle linnovation sociale et lconomie sociale : Hlne Clment et Lau-rent Gardin, L 'ent reprise sociale, Note de lInstitut Karl Polanyi, Arles :Impatiences Dmocratiques diteur, 1999.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    3/44

    5

    Introduction

    Alors que le concept dentreprise sociale est de plus en plusutilis et que les initiatives qui se reconnaissant dans cette notion semultiplient, il nen existe pas de dfinition de lentreprise sociale dansle systme juridique franais. Ces initiatives demandent pourtant queleur spcificit puisse tre reconnu. Partant dune approche interna-tionale, cette note essaie de faire le point sur la question.

    Labsence de dfinition, et par consquent de reconnaissancejuridique de lentrepr ise sociale, peut sexpliquer par des raisons histori-ques remontant au dix-neuvime sicle, lies au mode

    dinstitutionnalisation des organisations conomiques et au cloison-nement entre organisations ayant une activit conomique etorganisations ayant une finalit sociale.

    Aprs ce dtour par lhistoire, on verra comment des recher-ches internationales de plus en plus nombreuses rendent compte despratiques qui mergent depuis une vingtaine dannes. Dans deuxpays voisins, lItalie et la Belgique, ces initiatives ont mme entrandes modifications lgislatives pour mieux rpondre leur spcificit.Des travaux tentent de dfinir dun point de vue juridique ce quicaractrise les entreprises sociales en Europe et posent les prmicesde ce qui pourrait tre une directive europenne en ce domaine.

    En France, que ce soit en matire dinsertion par lconomiqueou de ralisations dactivits ayant une utilit collective, les initiatives

    pouvant se reconnatre dans le concept dentreprise sociale sont deplus en plus nombreuses. La mission sur L opportun it dun nouveau typede socit vocation sociale, confie par Martine Aubry, Ministre de

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    4/44

    6

    lEmploi et de la Solidarit, Alain Lipietz1, a permis de lancer larflexion, dune part au sein des rseaux de lconomie sociale etsolidaire, et dune part entre ces rseaux et les pouvoirs publics. Lesconsultations rgionales de lconomie sociale et solidaire sont ainsi

    venues alimenter la rflexion2. Sil apparat que des demandes derformes lgislatives ou rglementaires mergent, de n om breux enjeuxet dbats sont levs et il convient de les prciser.

    Ces questionnements portent notamm ent : sur les modalits de fonctionnement socio-conomique delentreprise sociale ;

    la question de son fonctionnement dmocratique et desrappo rts entr e usagers, salaris, bnvoles et pouvoirs pub lics ; et enfin sur la constitution dun tiers secteur dconomiesolidaire et des rapports quentretiennent ces expriences avecles pouvo irs publics.

    1 A. Lipietz, L opportun it dun nouveau type de socit vocation sociale, Rapportdtape, 27 janvier 1999, et A. Lipietz, L opportun it dun nouveau type de socit vocation sociale, Rapport final, 2 tomes, Octobre 2000.2 Consultations rgionales de lconomie sociale et solidaire, Document remis lors de larecontre nationale du 5 juin 2000 Paris, maison de la Chimie, Paris, Dlga-tion interministrielle linnovation sociale et lconomie sociale, Rapportde synthse, Mai 2000.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    5/44

    7

    1.Finalit sociale et activit conomique,

    approche historique dun cloisonnement.

    Sous lAncien Rgime, lentreprise industrielle et commerciale,tait soumise une forte rglementation : les corporations groupentobligatoirement, dans chaque ville, les entreprises qui fabriquent ouvendent des produits de mme nature. La loi Le Chapelier du 17 juin1791 confirme labolition des corporations (abolition instaure par ledcret dAllarde du 17 mars 1791) et interdit toutes associations demembres dun mme mtier, quils soient patrons ou ouvriers. La fin

    des corporations pose la question de lconomie instituer 3.

    Cette interdiction des coalitions frappe plus les ouvriers queles patrons puisquun amendement exclut les Chambres de commercedu champ dapplication de la loi : entre la libert dassociation et la

    libert dentreprendre, la seconde prvaut absolument 4. Il faut rele-ver aussi que la dclaration des droits de lHomme et du Citoyen du26 aot 1789 omet le dro it dassociation, seuls les clubs et associationspolitiques sont accepts avec la libert de runion. Ce dtour par laRvolution franaise est important car ces dispositions marqueronttout le dix-neuvime sicle et ont encore des incidences aujourdhui.

    3 Pour reprendre les termes de J.L. Laville, Economie et dmocratie, Contri-bution une approch e sociologique d e lconom ie, Lactualit dune questionancienne, Conclusion gnrale, Paris : Thse p our le D octorat de lInstitut

    dEt udes P olitiques, Tome IV, 20 F vrier 1992, p. 633-634.4 J.C. Bardou t, L es liberts dassociation, Paris : Les Editions juris service, 1991,p. 70.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    6/44

    8

    Larticle 291 du Code pnal de 1810 soppose la libertdassociation : nulle association de plus de vingt personnes () nepourra se former quavec lagrment du Gouvernement et sous lesconditions quil plaira lautorit publique dimposer la socit.

    Pourtant, les utopies concrtes, plus ou moins tolres, mer-geront durant cette premire moiti du dix-neuvime sicle. La rvo-

    lution de 18485sera une priode de foisonnement associationniste.Les expriences dveloppes ne se situent pas spcifiquement

    dans lconomique ou dans le social. Une association peut la foistre entreprise de travaux et socit de secours, une autre soccuper la fois du placement, du secours chmage et du maintien du salaire encas de m aladie

    Des unions dassociations se crent. Les tailleurs de pierre duRhne fondent, en septembre 1848, une association dont lobjet estde constituer : 1 une caisse de solidarit pour venir en aide titrede prt aux autres associations dans le besoin, 2) une cole de dessinlinaire, de m odelage, de sculpture.

    A Paris, Jeanne Deroin lance un projet dunion des associa-tions ouvrires. 104 associations adhrent son projet dunion. Lecontrat dunion est enregistr conformment aux lois, le 22 novembre1849. Le 29 mai 1850, Jeanne Deroin est accuse de conspiration et

    condamne la prison. 6Le Coup dEtat de 1851 confirmera les tendances tatiques et

    rpressives, amorces ds 1849, visant vouloir teindre ou contr-ler ce mouvement. Les socits de secours mutuels seront certesreconnues ds 1849, puis en 1852, mais lEmpire ne leur octroie cer-tains avantages quen change dun contrle limitant leurs activits etallant mme jusqu dsigner leurs dirigeants, choisis localement par-mi les notables.

    Si le mouvement associationniste est rprim ou cantonn certaines activits, trs vite, par contre, les conditions permettant linitiative individuelle de sexprimer sont instaures, nimporte quipeut sinstaller moyennant le simple paiement dune patente, cest ledcret dAllarde qui ds 1791 instaure cet imp t.

    5 Voir ce sujet : Le moment 48 et son actualit in Lautre socialisme, R evuedu M A U S S , La Dcouverte / Mauss, N 16, 2nd semestre 2000.6 J. Bouche-Mullet, L e m ouvement coopratif et mu tualist e sou s le second E mpi re, Lestravaux de latelier Proudhon n 13, Paris, Ecole des Hautes Etudes en Scien-ces Sociales, 1993. pp. 26-27.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    7/44

    9

    La formation de socits reste soumise de nombreuses res-trictions. La loi du 20 novembre 1795 autorise la formation de soci-ts par actions, sans en prciser les modalits et le code du commerce

    de 1807 dfinit trois types de socits. 7 Ces socits ( socit ennom collectif , socit en commandite , socit anonyme ) sonttoutes des regroupements de personnes. Pour favoriser laccumulationdes capitaux, les libraux pousseront la constitution dune structurejuridique associant les capitaux. Ces pressions aboutiro nt linstauration de la loi de 1867 qui reconnat le principe dune per-sonnalit morale distincte des personnes physiques layant cre, etdispense de lautorisation gouvernementale toutes les socits anony-mes.

    Ainsi, lconomie est institue sur un modle capitaliste o lespropritaires sapproprient les surplus et les travailleurs, salaris, ven-dent leur force de travail. LEtat reconnatra, juridiquement, ensuite,les diffrentes composantes du mouvement associationniste mais demanire spare, cassant dune certaine manire la dynamique qui lesunissait.

    Sans quelles soient nommes dans la loi, les cooprativessinscriront dans les catgories juridiques du droit commercial aveclutilisation du titre III de la loi de 1867, des socits capital etpersonnel variable , titre qui ne sera utilis que par elles. La mise enplace dune lgislation cooprative savrera difficile et se ralisera parllaboration de statuts individuels de 1894 1920 : Socits de crdit

    agricole en 1894, Socits dhabitations bon march en 1906, Crditimmobilier en 1906 et 1908, Socits ouvrires de production et decrdit en 1916, Socits coopratives de consommation en 1917,Socits de cautions mutuelles et banques populaires en 1918 Pourles coopratives non financires, un statut gnral ne sera mis en placequaprs la seconde guerre (loi du 10 septemb re 1947).

    La loi du 21 m ars 1884 abroge la loi Le Chapelier. Prvoyant lalibert de constitution des syndicats sans lautorisation du gouverne-ment, elle limite leur objet ltude et la dfense des intrts co-nomiques, industriels, commerciaux et agricoles , et instaure le prin-cipe de libre adhsion. Cet aspect est important car si la loi Le Chape-lier est abroge, la non-obligation dadhsion au syndicat empche larestauration des corporations.

    Concernant les mutuelles, si llection des prsidents par

    7 Cf. J.L. Laville, op. cit., p. 634.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    8/44

    10

    lassemble gnrale des socitaires ft accorde en 1870, ce nestquavec la loi de 1898, que la mutualit trouva un cadre juridiquernov avec un largissement de son champ daction et la dfinitiondune Charte de la mutualit. Malgr un courant rpublicain favorableds les dbuts de la III Rpublique, la libert dassociation but nonlucratif, ne sera reconn ue par une loi quen 1901.

    A travers linstitution de ces diffrents statuts, les comp osantesdu mouvement associationniste se dfinissent dans des cadres particu-liers et cloisonns. Depuis les annes 1970, lexpression conomiesociale est rutilise en France pour dsigner, les coopratives, lesmutuelles et celles des associations, dont les activits de production

    les assimilent ces organismes 8. Les initiatives actuelles autour delentreprise sociale visent aussi dpasser ces cloisonnemen ts, mais nedisposent pas de cadre juridique appropri.

    8 Selon les termes du dcret du 15 dcembre 1981 qui introduit dans le droit

    franais lexpression conom ie sociale en crant la D lgation lconomie sociale ; Cf. C. Vienney, L conom ie sociale, Paris, La Dcouverte,1994.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    9/44

    11

    2.Une dfinition en cours de construction

    partir de travaux internationaux.

    Des travaux europens ont tent de dfinir le concept9

    dentreprise sociale et les champs o ces initiatives se dveloppent10.Deux recherches nous semblent faire rfrence par lampleur gogra-phique des investigations menes. Il existe le travail ralis par

    lOCDE11, qui porte sur lensemble du territoire couvert par son or-ganisation internationale. Le rseau Emergence of European SocialEnterprises (EMES), qui runit des chercheurs des 15 pays de laCommunaut europenne mne aussi des travaux importants pour

    tenter de dfinir les caractristiques sociales, conom iques et p olitiquesde ces o rganisations.

    Mme si nous ne labordons pas ici la problmatique delentreprise sociale ne se limite pas, bien sr, aux pays industrialiss

    9 D velopper lentreprise sociale, Fondation Roi Baudouin, Belgique, 1994. C.Borzaga, A. Santuari, (Edited by), S ocial enterprises and new employment in E urope,Autonome Region Trentino-Sdtirol, University of Trento, April 1998. Troi-sime systme et emploi, organis par la Commission de lemploi et des affairessociales du Parlement europen et la DG V de la Commission europenne ;rseau Emes10 Cf. Les documents de travail des services de la Commission Europenne :

    L es ini tia tives locales de dveloppement et demploi, Enqute dans lUnion Euro-penne, Bruxelles, mars 1995 et L e premier rapport sur les ini tia tives locales dedveloppement et demploi, novembre 1996.11 L es entreprises sociales dans les pays mem bres de lO C D E, OCDE, service dudveloppement territorial, Rapport pour le secrtariat, Novembre 1998.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    10/44

    12

    occidentaux mais concerne aussi lAmrique latine, lAfrique,

    lAsie12

    L es travau x de lO C D E

    Dans son rapport, lOCDE a offert une proposition de dfini-tion de lentreprise sociale : Lentreprise sociale fait rfrence touteactivit prive, dintrt gnral, organise partir dune dmarcheentrepreneuriale et nayant pas comme raison principale la maximisa-tion des p rofits mais la satisfaction de certains ob jectifs cono miques etsociaux ainsi que la capacit de mettre en place par la production de

    biens ou de services des solutions innovantes aux problmesdexclusion et de chmage. Cette tentative montre bien la difficult quil existe rduire ce

    concep t u ne simple dfinition : elle ne fait aucune rfrence unfonctionnement dmocratique de lentreprise sociale. Le rapport delOCDE complte donc son approche par la prsentation dun certainnomb re de mo ts clefs :

    formes juridiques variables selon les diffrent pays ; activits organises selon une dmarche entrepreneuriale ; profit rinvesti pour la ralisation des buts sociaux dans lesactivits de lentreprise et no n pour la rmunration du capital ; parties prenantes (stakeho lders) plutt que actionnaires(stockholders), participation et organisation dmocratique delentreprise ; objectifs conomiques et sociaux, innovation conomique etsociale ; respect des rgles du march ; viabilit conomique ; financement mixte, degr lev dautofinancement ; activits principales : insertion de publics en difficult ; r-ponses aux besoins collectifs insatisfaits ; activits haute inten-sit de main d uvre.Partant de ces caractristiques, lOCDE fournit de multiples

    12 Comme ont pu le montrer les participations de dlgations multiples laRencontre internationale de Lima (Prou) sur lconomie solidaire en juillet1997 ; Cf. les actes : H. Ortiz et I. Munoz editors, G lobaliz ation de la solidaridad,sunpisio internacional, G rupo internacional E conomia solidaria, CEP juin 1998, Lima,Prou. Cf. aussi J.L. Laville (Dir.), L conom ie solidaire, une perspective in ternat io-nale, Paris, D escle de Brouwer, 1994 et r dition 2000.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    11/44

    13

    exemples dinitiatives pouvant sinscrire dans ce concept et indiquegalement les organismes contribuant leur dveloppement et leur

    financement.13

    L es travau x du rseau E mes

    Les travaux14de ce rseau europen ne sont pas achevs maisdes rflexions transversales aux recherches ralises dans chacun despays sont d ores et dj disponibles.

    On peut relever que pour eux, le terme gnrique dentreprisesociale ne manifeste () pas une rupture par rapport aux organisations

    dconomie sociale mais un inflchissement et un largissement deleurs formes possibles. (). Lentreprise sociale apparat comme por-teuse dune logique la croise des chemins. Se diffrenciant de lalogique dune entreprise prive traditionnelle dans la mesure o lepouvoir ne se base pas sur la dtention du capital, elle dveloppe ce-pendant des changes marchands. Par son autonomie, lentreprisesociale se distingue galement dune entreprise publique bien que bn-ficiant, le plus souvent, de subven tions.

    Ils se penchent ensuite sur l'organisation socio-conomique deces entreprises sociales partir de trois ples, en tentant daffiner cescaractristiques sur deux aspects : la proprit et lorganisation desfacteurs de p roduction au sein d e lentrepr ise dune part ; la distributiondes biens et services cest--dire les types de relations conomiques

    dautre p art. Ils soulignent que les entreprises sociales appartiennent desparties prenantes autres que les investisseurs. Ces parties prenantes ne

    13 Entreprises dinsertion franaises, entreprises insrantes belges ou finlan-daises, coopratives sociales italiennes, coopratives de travail associes espa-gnoles, entreprises de communauts locales allemandes (ex-entreprises alter-natives), entreprises communautaires irlandaises ou cossaises (Community

    Business), entreprises intermdiaires britanniques (Intermediate Labour Mar-kets O rganisation), entreprises dinsertion portugaises, coopratives de servi-ces sociaux sudoises, entreprises communautaires autrichiennes, entreprisescommerciales finalit sociale aux Etats-Unis (Community based Business,Community Wealth Enterprises), mouvement communautaire qubecquois,groupes com munautaires no -zlandais, coopratives mexicaines

    14 Cf. J.L. Laville, M. Nyssens, L entreprise sociale, lments pour un e approchethorique, Working paper crit partir des rflexions transversales du rseauEmes, disponible au CRIDA, 24 p.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    12/44

    14

    sont pas seulement les travailleurs, mais peuvent tre aussi lesconsommateurs ou les fournisseurs. En outre, certaines analyses quireposent sur le concep t de multiple stakeholders enterp rises ontmis en vidence la possibilit dune htrognit au sein mme du

    groupe propritaire de lentreprise15. Par exemple dans les cooprati-ves sociales italiennes son t p ropr itaires la fois des usagers, des b n-voles et des travailleurs salaris.

    Ensuite, il apparat que lentreprise sociale a une finalit de ser-vice la collectivit, que ce soit travers les externalits positivesquelle produit collectives et/ ou laccs quitab le au service quelledveloppe. Lutilit collective produite par ces organisations justifiealors la nature de leur propritaire et le dveloppement des entreprises parties prenantes multiples (multistakeholder).

    Toujours par rapport aux facteurs de production et aux objec-

    tifs de lentreprise, le concept de capital social16 dfini par Colemanpour le dveloppement des personnes et dvelopp par Putman sur leplan du fonctionnement des organisations comme les caractristiquesdes organisations sociales tels les rseaux, les normes et la confiancequi facilitent la coordination et la coopration en vue du bnfice mu-tuel , est mis en avant comme une des caractristiques originales et

    importantes de ces entreprises. Reprenant les apports dHabermas17,le capital social apparat alors comme un facteur de dmocratisation travers la constitution despaces publics locaux de dbats et de

    confrontations sur la constitution dactivits et les externalits quellesproduisent.

    Par rapport aux relations conomiques, les auteurs soulignentlimportance dune approche substantive de lconomie qui proposeune conception extensive de lconomie o sont qualifies

    15 C. Borzaga, L. Mittone, The Multistakeholders versus the N onp rofitOrganization, Universit degli Studi di Trento, draft paper n 7, 1997 ; V.A.Pestoff, V.A. Pestoff, B eyond the M ark et and S tat e, S ocial E nterprises and C ivil

    D emocracy in a W elfare S ociety, Ashgate, Aldershot - Boo kfield USA - Singapore- Sydney, 1998.16 J. Harr is, P. D e Renzio, Missing link or Analitically Missing ? : TheConcept of Social Capital, Journal of International Developement, 9 (7),1997, 919-937.

    17 J. Habermas, L'espace public, 30 ans aprs. Quaderni, n 18, automne1992 ; B. Eme, L ecture dH abermas et lments provisoires dune problmatiq ue dusocial solidariste dint ervention, rono, CRIDA-LSCI, IRESCO-CNRS, 1993.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    13/44

    15

    dconomiques toutes les actions drives de la dpendance de

    lhomme vis--vis de la nature et de ses semblables 18. Les pratiquesmontrent que trois ples conomiques peuvent tre mobiliss parlentreprise sociale :

    le march dans lequel il y a mise en correspondance de loffreet de la demande de service entre agents conomiques par le mca-nisme de fixation des prix ; la redistribution dans laquelle une autorit centrale rassembledes moyens pour ensuite les rpartir selon les normes quellefixe elle-mme ; la rciprocit dans laquelle les changes sexpliquent par lavolont dentretenir ou de renforcer les liens sociaux entre diffrentsgroupesou personnes.Partant de cette approche plurielle de lconomie, ces travaux

    rappellent com bien les entrepr ises sociales se con solident partir dunehybridation des diffrents registres conomiques. Toutefois, les risques

    disomorphisme institutionnel19 existent et les auteurs soulignentlimportance des mcanismes de rgulations in terne et ex terne qui dunepart permettent de dvelopper un capital social prenant corps notam-ment par limplication de bnvoles dans ces entreprises et dautre partde construire des espaces de ngociations avec les pouvoirs publics. Ladimension politique des entreprises sociales est ainsi souligne.

    18 J.L. Laville, M. N yssens, op. cit.19 Tendances un rabattement sur un fonctionnement dentreprise prive oude service public. Sur la notion disomorphisme institutionnel,B. ENJOLRAS, Associations et isomorphisme institutionnel, R evue des tudescoopratives mutualistes et associatives, vol. 75, n 261 ; L. Di Maggio, W.W.Powell,The Iron Cage Revisited : Institutional Isomorphism and Collective Rationa-lity in O rganizational Fields, A merican S ociological R eview, vol. 48, avril 1993.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    14/44

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    15/44

    17

    3.Une reconnaissance lgislative en Europe.

    La dfinition du concept de lentreprise sociale ne sappuiepas uniquement sur un recensement dinitiatives travers diffrentspays ou sur des travaux de chercheurs. Ces pratiques trouvent parfoisaussi une reconnaissance en terme lgislatif. Les coopratives socialesitaliennes ont un cadre lgislatif depuis 1991, et, en 1995, la Belgique amis en place le statut des socits finalit sociale. Des travaux euro-pens tentent aussi de dfinir en matire juridique les pr-requis es-sentiels de lentreprise sociale.

    L es coopratives sociales ita liennes20

    Les coopratives sociales appartiennent au mouvement coop-

    ratif italien.21 Lune des premires coopratives de solidarit socialefut lance en 1966 pour apporter un service des enfants orphelins.Ce nest que dix ans plus tard, cependant, que la cooprative en tantquentit lgale commena slargir et se renforcer. En fait, jus-

    20 Cette partie puise dans les analyses dveloppes dans A. Burruni, L. Gar-din, J.L. Laville, avec la collaboration de P. Pezzoti, L es coopratives socialesitaliennes, 74 p. Tome VII de L es In iti atives locales en E urope, B ilan conomique etsocial d initiati ves locales de dveloppement et demploi en E urope, Paris, CRIDA, tuderalise pour la Commission des Communauts Europennes, DGV, 1996.

    21 Cf. Les coopratives de solidarit sociale en Italie, in D velopper lentreprisesociale, Fond ation Ro i Baudouin, O uvrage collectif, Belgique, 1994, p. 135-139.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    16/44

    18

    quen 1976, il ny eut quune dizaine de ces coopratives en Italie.Leur nombre commena augmenter durant les annes qui suivirent,lentement jusquen 1980 puis de plus en plus rapidement.

    En 1996, environ 3.000 coopratives22 sont prsentes sur leterritoire n ational. E lles regroupen t 75 000 travailleurs, en viron120.000 membres, environ 11 000 bnvoles, environ 400 000 usa-gers, 10 000 personn es dfavorises intgres professionnellementpour un chiffre daffaires annuel de 1,2 milliards euros.

    Leur dveloppement sest effectu dans une optique conomi-que afin de sortir de la logique de lconomie caritative tout en cher-chant crer de vritables emplois. La construction de lactivit amis sur des petites structures en capacit de rpondre aux besoinsdes usagers. Laction bnvole, ncessaire mais limite, a trouv unnouveau souffle quand elle a fait jonction avec un mouvement coop-ratif en qute de nouveaux axes de dveloppement en matire decration demplois et de rpon se aux deman des sociales.

    La cooprative sociale peut tre dfinie comme une coopra-tive qui, constitue librement par un groupe de citoyens sensibilisspar des besoins sociaux particuliers, cherche fournir les servicesncessaires pour rpondre ces besoins, et cela grce lorganisationdes ressources humaines (travail volontaire et rm unr) et m atrielles(avec des financements p rivs et pub lics).

    Lobjectif de la cooprative est de rpondre des besoins au sein dela communaut et, ce faisant, elle devient un instrument grce auquelcertaines personnes consolident leur sens des responsabilits. Lacoop rative de solidarit sociale se fixe deux o bjectifs supplmentairesqui la distinguent des associations et des organismes publics, ellecherche, en mme temps, tre une entreprise, et maintenir unedmocratie interne.

    Lampleur des problmes demploi, le chmage des jeunesobligent le mouvement coopratif mieux utiliser ses ressourceshumaines et financires dans le but dapporter sa contribution ladfinition de nouveaux emplois. Le dveloppement des services, lesnouvelles professionnalits, le dcalage accru entre les intrts des

    22 Selon C. Borzaga, Lvolution rcente de la coopration sociale en Italie -Aspects quantitatifs et qualitatifs, R evue des tudes coopratives, mu tu alist es et asso-ciatives, n 266 (76) 4me trimestre 1997, pp. 55-63 ; pour un bilan complet cf.Consorzio Gino Mattarelli, Secondo Rapporto cooperazione sociale, Fonda-zione Aquelli, Torino, 1997.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    17/44

    19

    producteurs et des consommateurs conduisent paralllement la coo-pration la recherche de nouvelles organisations plus en phase avecdes modles culturels volutifs.

    Avec les coopratives de solidarit sociale sest ralis un mixteentre lapproche caritative et la tradition daide mutuelle engendrantde n ouvelles formes d action so ciale. Les sensibilits reprsentes so ntvenues sarticuler avec le vritable troisime secteur ou secteurpriv social dont les coopratives constituent un pilier en Italie. Dece fait, les coopratives de solidarit sociale bnficient des habitudesde parten ariat local dj en place autour des co opratives existantes.

    Depuis 1981, les coopratives de solidarit sociale rclamaient

    une loi nationale rglementant le champ de la solidarit, le statut coo-pratif ntant pas adapt aux particularits de ce genre de cooprati-ves. En effet, les coopratives de travail sont en principe destines confrer la proprit de loutil de production leurs travailleurs. Orles coopratives de solidarit sociale mobilisent une base sociale pluslarge et htrogne. Lapport de la loi de 1991, qui a t dbattuedurant presque une dcennie avant dtre vote, est de reconnatre lafinalit de so lidarit pro pre ces entrep rises.

    Ce nest pas la maximisation des intrts de ses associs qui estrecherche mais lintrt gnral de la communaut pour la promo-

    tion humaine et lintgration sociale des citoyens. 23 Les bnficiai-res de lactivit sont avant tout les associs de la co mmunaut locale,

    ses habitants et plus particulirement ceux en difficult24

    . Cette loiinstaure ainsi le principe, auparavant rserv aux associations, dunesolidarit tourne vers son environnement social et institutionnaliseainsi un retour aux fondements du mouvement coopratif qui sentait loign pour poursuivre des objectifs principalement conomi-ques et financiers.

    La loi permet dans cet objectif linscription statutaire de

    membres volontaires qui ont une action bnvole 25. Leur nombre ne doittoutefois pas tre suprieur la moiti du nom bre total des associs

    23 Cf. L oi du 8 novembre 1991 , n. 381, Rglementation des coop ratives socia-les, Article 1 dfinition.24 Cf. C. Borzaga et S. Lepri, Social cooperation : the italian way to nonprofit

    enterprise, in W ell being in E urope strengthening the third sector, Barcelona 27/ 29May 1993, p. 9.25 Cf.L oi du 8 novembre 1991 , op. cit.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    18/44

    20

    qui sont donc majoritairement les salaris de la cooprative.Lorganisation des ent reprises entre salaris et volontaires trouve ainsiun cadre juridique inexistant en France. Le mouvement des coopra-tives sociales et la loi qui vise les soutenir distinguent deux types decoop ratives de solidarit sociale.

    Leur objectif se ralise travers :a) la gestion des services socio-sanitaires et ducatifs ;b) le droulement de diverses activits (agricoles, industrielles,commerciales ou de services) ayant pour but linsertion dans le

    monde du travail de personnes dfavorises. 26Les coopratives dites de type A grent des centres sociaux,

    des centres dhbergements, des services daide domicile, daide auxpersonnes ges

    Les coopratives dites de type B, appeles coopratives de so-lidarit sociale pour linsertion par le travail, ont une double produc-tion qui les rapproche de la dfinition que lon donne en France auxentreprises dinsertion par lconomique. Elles ralisent la fois uneproduction sociale, en favorisant lintgration de personnes dfavori-ses sur le march du travail, et une production conomique par leuractivit agricole, industrielle, artisanale ou de services.

    La loi prvoit que lEtat italien peut droger des normes enterme de march public en faveur des coopratives sociales. Les coo-pratives de type B sont des instruments conomiques, bass sur unedmarche dentreprise, mais qui soblige intgrer dans ses propres

    forces de production des personnes dsavantages. Cest ce qui justi-fie la drogation dans laccs aux marchs publics. Dun ct, cettedrogation permet une certaine consolidation conomique mais dunautre, elle peut crer une dpendance au secteur public, et en particu-lier aux collectivits locales.

    Cette loi a permis de redfinir et dorganiser ces nouvellesstructures sappuyant sur le public, le march et les contributionsvolontaires. Elle a surtout contraint lEtat rinterprter son rle face ces nouvelles initiatives. Si lon peut tre tent de parler dun dsen-gagement de lEtat, il faut reconnatre quen Italie, la construction delEtat social na t quentame et a ainsi laiss une place importanteaux coopratives sociales.

    L a socit fina lit sociale b elge

    26 Cf. L oi du 8 novembre 1991 , op. cit.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    19/44

    21

    Le dveloppement dAssociations sans but lucratif (ASBL)ayant des activits commerciales a amen le lgislateur belge intro-duire le statut de Socit finalit sociale (SFS). En effet, la formedASBL saccorde bien avec labsence de recherche de lucre, mais nepermet pas, normalement, dexercer des activits commerciales titre

    principal 27 et les socits commerciales voues lenrichissementdes associs ne permettent pas de rpondre aux objectifs de nonlucrativit des entreprises sociales.

    Une rforme apparaissait donc urgente et cest avec prcipita-tion, la fin dune lgislature, que le Parlement a mis en place la SFS.Cette rforme faisait toutefois cho diffrentes propositions prove-nant de parlementaires et dentreprises sociales mme si ces projetsnont pas t entirement repris.

    Lintrt majeur de la SFS rside dans la possibilit pour unesocit commerciale de poursuivre un but non lucratif, une finalitsociale. Ce nest pas une nouvelle forme de socit commerciale maisun statut complmentaire accessible toutes les socits commercia-les. Toutefois ce statut transversal sadapte particulirement bien laforme cooprative. Neuf conditions sont intgrer dans les statuts dela socit commerciale pour quelles soient socit finalit sociale,

    elles peuvent tre regroupes en trois ples28.1 )L e but lucrati f est inex istant ou lim it. Les associs recherchent

    seulement un bnfice patrimonial limit, fix par le Conseil national

    de la coopration, il est en 1999 de 6 %. Les statuts doivent prvoirquaprs lapurement de tout le passif et le remboursement de leurmise aux associs, le surplus de liquidation recevra une affectation quise rapproche le plus possible du bu t social de la socit.

    2 )L a fina lit sociale. Les statuts doivent prciser le ou les butssociaux poursuivis (en mentionnant que le but principal nest pas deprocurer aux associs un bnfice) et mentionner la politiquedaffectation des profits ventuels et de constitution des rserves. Unrapport spcial doit justifier chaque anne le respect du ou des butssociaux.

    3) L accs des t rava illeurs au capita l. Chaque membre peut acqurirla qualit dassoci (au plus tard un an aprs son engagement et sil

    27 J. Delespesse, L a socit finalit sociale, Solidarit des Alternatives Wallones,1999, p.328Ib id, p. 23.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    20/44

    22

    jouit de la cap acit civile). Au niveau de la dmocratie interne, la pu is-sance votale des associs est limite 1/ 10me des voix attaches auxparts ou actions reprsentes et 1/ 20me quand des t ravailleurs parti-cipent au capital.

    Ainsi la SFS rpond des enjeux tels que la possibilitdexercice dune activit commerciale avec une finalit sociale ou ladmocratie interne mais elles prsentent des limites importantes.Ainsi, lorsque lon demande des experts belges si la SFS est la tra-duction juridique du concept d'entreprise sociale, ils rpondent par langative.

    Pour eux, si le lgislateur a voulu offrir un costume juridique

    aux entreprises qui, tout en ayant une activit commerciale principale,ont un but non lucratif, ce vtement n'pouse pas les contours del'entreprise sociale. Il est trop large par endroit comme lorsque l'absencede dfinition lgale des finalits sociales permet la constitution d'uneSFS qui a pour but de promouvoir la pratique du golf. Il est trop triqulorsqu'il n'admet pas que le but de la socit soit la rduction de ladpense de ses membres (coopratives de consommateurs) ou toutservice aux membres (). De plus, il ne concerne pas les entreprisessociales qui nont pas titre principal des activits commerciales, cesentreprises sont en effet des ASBL.

    Par ailleurs, () il ne perm et pas aux entrepr ises l'ayant ado ptde combiner un autofinancement par le march et des aides publiquesvenant compenser le service rendu la collectivit. En effet, aucun

    avantage venant compenser la finalit sociale de l'entreprise n'estprvu par le texte instituant ce nouveau statut. Par la suite, quelquesavantages lui ont t octroys, mais nombre d'aides publiques tradui-sant un service offert la collectivit restent rserves aux ASBL. Lestatut de socits finalit sociale ne perm et ds lors p as d'articuler lesples marchand et non marchand de l'conomie. Le troisime ple, lenon montaire est lui totalement ignor par la loi alors que la combi-naison des trois est une condition ncessaire la consolidation de

    l'entreprise sociale. 29

    29 F. Navez, J.M. Demarche, B. Demonty, Projet Digestus, Rapport Belge,N etwork for n ew law on social entreprises in E urope, Juin 1999.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    21/44

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    22/44

    24

    4.Lentreprise sociale en France.

    Ces rflexions, lgislations, pratiques interrogent la ralitfranaise. En France, aucun statut juridique ne reconnat lentreprise

    sociale spcifiquement32. Cest plus un type de fonctionnement quitend dfinir ce concept quun statut juridique. Ces initiatives peu-vent se reconnatre dans le mouvement de lconomie solidaire quirenouvelle lconomie sociale. Elles peuvent aussi se retrouver dansune extension du champ de la coopration et de lconomie sociale.Elles sont aussi parfois entendues comme des entreprises de

    lconomie classique ayant une mission sociale prononce.Lesformes juridiques utilises par ces expriences sont principalementassociatives, quelquefois mixtes par le couplage entre une associationet un e filiale ayant le statut d e socit com merciale, parfois coo prati-ves, voire mutualiste

    Dans un premier temps, il faudra aborder les champsdactivits des entrepr ises sociales et les pro blmes de dfinition qui seposent un ensemble htrogne. Puis, nous approcherons les causesdinsatisfaction, par rapport la lgislation actuelle ; elles sont multi-ples et parfois transversales aux spcificits des entreprises sociales :

    limpossibilit davoir une organisation ayant un fonction-nement de type multistakeholders ;

    32 Les parties 5 et 6 doivent beaucoup la recherche que n ous avon s ralisedans le cadre du projet D igestus, op. cit.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    23/44

    25

    la difficile ralisation dune activit cono mique p artirdune organisation qui na pas pour objet la recherche de lucre(problmes en terme de fiscalit, daccusation de concurrencedloyale) ; la difficult davoir des capitaux sans po ursuivre un objectiflucratif.

    L e cham p des ent reprises sociales en F rance et ses problm es de dfinit ion

    Les initiatives pouvant se reconnatre dans le concept d'entre-prise sociale son t m ultiples. Ainsi dans son rappo rt, Alain Lipietz a-t-ilpu interroger des reprsentants de rgies de quartier, d'entreprises

    d'insertion, d'entreprises de travail adapt, d'associations intermdiai-res, d'associations d'aide domicile, de centres d'hbergement et deradaptation sociale, de systmes d'changes locaux, de coopratives,de mutuelles ; et l'on pourrait encore ajouter cette liste les servicesde proximit, les crches parentales, les associations de tourisme etla liste ne serait certainement pas close.

    A l'instar de la diffrenciation faite en Italie au sein des coop-ratives sociales, on peu t distinguer en F rance :

    les entreprises sociales d'insertion par l'cono mique ; les entreprises sociales p roduisant des b iens et servicesayant une utilit sociale ou collective.Les entreprises sociales d'insertion (Entreprises d'insertion,

    Associations intermdiaires, Rgies de quartier) ont t progressi-

    vement reconnues en France depuis le milieu des annes 80. Malgrdes fonctionnements et des rseaux diffrents, l'appellation structure d'insertion par l'activit conomique est apparue et tented'unifier sous une mme appellation des pratiques diverses. La carac-trisation d'organisme ayant une activit d'insertion est lie au publicemp loy. Selon l'art icle L.322.4.16 I . du Code du travail : L'insertion par l'activit conomique a pour objet de permettre des personnes sans emploi, rencontrant des difficults sociales etprofessionnelles particulires, de bnficier de contrats de travail envue de faciliter leur insertion sociale et professionnelle .

    Les entreprises sociales, finalises la production de biens etde services d'intrt collectif, prsentent un ensemble beaucoup plusvaste. Il faut distinguer les services individuels ayant une utilit quasi-

    collective qui ralisent le plus souvent des activits fort contenurelationnel (aide domicile, garde d'enfants) des services collectifs(environnement, revalorisation des espaces publics urbains). Pour

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    24/44

    26

    les services individuels ayant une utilit quasi-collective, des recon-naissances juridiques spcifiques existent (associations des servicesaux personnes). Pour les services collectifs, en revanche, il n'existepas de reconnaissance juridique spcifique, et le plus souvent leurutilit collective n'est reconnue que par leur activit d'insertion parl'conomique.

    Au niveau des services aux personnes, les structures sont engnral associatives. Mais le gr gr a t fo rtement encourag, et lesentreprises peuvent maintenant raliser des tches mnagres oufamiliales, dans les mmes cond itions que les associations prestatairessauf en ce qui concerne le rgime socio-fiscal.

    La dfinition d activit d'utilit sociale ou collective est plusprob lmatique que celle d' activit d'insertion . Po ur les services auxpersonnes, des agrments simple ou qualit sont dlivrs parl'administration pour les activits se ralisant au domicile des person-nes aides, avec une liste d'activits suivant le type d'agrments. Pourles services collectifs, une liste d'activits sur lesquelles peuvent exer-cer les emplois jeunes a t dfinie par les pouvoirs publics dans lecadre du programme "Nouveaux emplois, nouveaux services". Cer-taines activits ne sont pas spcifiquement reconnues d'utilit sociale,mais le sont par la possibilit qu'elles ont d'utiliser des personnes enContrat emploi solidarit. D'autres activits sociales font l'objet denombreux agrments spcifiques (foyer d'hbergement, travail so-cial).

    Les rgies de quartier font un peu figure d'exception puisquel'on tend reconnatre et leur activit d'insertion par l'conomique, etl'utilit sociale des services collectifs qu'elles rendent. Au niveau desinsatisfactions, pour les entreprises sociales d'insertion, le cantonnementsur certaines activits est critiqu pour certaines formes (associationsintermdiaires). Pour les entreprises sociales de production de bien etservices ayant une utilit collective, le problme central tient en lareconnaissance par les pouvoirs publics de cette utilit collective. Le plus souventces initiatives sont contraintes d'utiliser des mesures d'aide l'emploiet de traitement du chmage pour que leur activit puisse tre caract-rise comme ayant une utilit collective. Ceci entrane une confusionavec les entreprises sociales d'insertion.

    L organi sation m ult i-sta k eholders

    Aucune forme juridique aujourd'hui ne permet, en France,l'adoption du modle multistakeholders.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    25/44

    27

    Or, cinq types d'acteurs paraissent pouvoir tre "parties pre-nantes" des organes dirigeants des entreprises sociales : les consom-mateurs ou usagers du service ; les travailleurs ; les bnvoles ; lesreprsentants de la collectivit publique ; les apporteurs de capitaux.En terme d'idal type, les statuts cloisonnent les possibilits de parti-cipation multiple de ces acteurs au pouvoir de ces o rganisations.

    Type dacteursIdaux types

    Consom-mateurs

    Bnvoles Travailleurs Collectivitpublique

    Apporteursde capitaux

    Association oui oui non non non

    Coop de consom-mateurs

    oui non non non non

    Scop non non oui non non

    Socit dconom iemixte

    non non non oui oui

    Socit commerciale non non non non oui

    Si la lgislation actuelle et les pratiques offrent, de plus en plus,des possibilits de p articipation de d iffrents types d'acteurs (po ssibili-t d'apport de capitaux extrieurs dans les coopratives, participationdes collectivits locales au fonctionnement d'association, dispositionspour la participation des travailleurs dans les socits comm erciales ouassociations), les caractristiques typiques demeurent et aucuneforme juridique ne permet la participation de plusieurs parties prenan-tes.

    La limite la plus souvent souligne tient d'une part l'absencede direction conjointe possible entre usagers, salaris et bnvoles(exemple des coopratives sociales italiennes, non prvu dans la lgi-slation franaise) et d'autre part l'impossibilit d'associer bnvoleset apporteurs de capitaux (la prsence de ces deux acteurs peut para-tre une ant inomie, l'un caractrisant la gestion dsintresse et l'aut rela gestion intresse). Si des montages juridiques sont toujours possi-bles (entre une cooprative et une association ou entre une associa-tion et une socit commerciale, voire partir d'union d'conomiesociale), la lgislation actuelle ne reconnat pas ces pluralits d'enga-gements travers un statut ad hoc.

    Les pratiques des entreprises sociales interro gent ces limites etencore une fois le dpassement de ces cloisonnements peut prendredes directions multiples (ouverture des associations une participa-tion plus importante de salaris, possibilit de combiner, dans lescoopratives, la prsence de travailleurs et bnvoles). Les statuts

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    26/44

    28

    des Rgies de quartier sont cet gard particulirement intressants.Ils permettent un fonctionnement tripartite intgrant les commandi-taires de travaux (bailleurs sociaux), la collectivit locale et les habi-tants. Toutefois, dans leur administration, les salaris ne sont pasreprsents en tant que tels, mais font partie du groupe des habitants.

    A u niveau du pouvoir des salaris, les pratiques des entreprises quel'on peut qualifier de sociales ne sont pas toutes tournes vers unedimension "multistakeholders". Ainsi, pour les Associations Interm-diaires, l'agrment ne peut tre obtenu si l'association n'est pas admi-nistre par des personnes bnvoles qui, par elles-mmes ou par per-sonne interpose, n'ont aucun intrt direct ou indirect dans les activi-

    ts de l'association ou ses rsultats.Plus gnralement, les pratiques du monde associatif limitent

    la participation des salaris leur administration. Dans la pratique,cette limitation est souvent suprieure celle impose par descontraintes juridiques ou fiscales. De mme si dans les associations,l'usager peut tre partie prenante de l'administration de l'association,sa place peut tre fortement limite par le poids des bnvoles ou desinstitutions pub liques.

    La question qui se pose aujourd'hui est surtout de pouvoir ex-primenter des formes d'organisations tripartites ou bipartites enassociant salaris, usagers et bnvoles. L a prise de pouvoir des usagers estune condition minimale du fonctionnement d'organisation ayant uneactivit sociale et il convient de prciser son implication dans la direc-

    tion de ces organisations. Pourtant, il ne suffit pas d'dicter des rglespour que celles-ci produisent de vritables fonctionnements dmocra-tiques. L'exemple du mouvement mutualiste est souvent mentionncomme p rsentant un type de fonctionnement bas sur la dmocratiedes usagers qui dans les faits se traduit plus par un positionnement entant que clients des mutualistes. Les associations quant elles, mmesi elles offrent des possibilits de fonctionnement dmocratique avecles bnvoles et les usagers, peuvent tre soumises des fonctionne-ments autocratiques ou notabiliaires, limitant une dmocratie vrita-ble.

    La participation dmocratique de l'usager n'est pas toujoursenvisage dans les entreprises sociales. Ainsi dans les entreprises d'in-sertion, si, a priori, rien ne prohibe la double qualit de la personne en

    insertion, salarie et associe de la structure, la dure limite de sonpassage dans l'entreprise interroge la possibilit de fonctionnement decelle-ci sous forme de coop rative de travailleurs.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    27/44

    29

    Comment dfinir le pouvoir au sein des entreprises sociales ?Quel peut tre le pouvoir de chacun des types d'acteurs ? Faut-il ima-giner des systmes de collges ? Le po uvoir de certains acteurs nerisque-t-il pas "d'craser" celui d'autres ? Ces diffrents questionne-ments doivent aujourd'hui, en France, faire l'objet d'exprimentations.C'est dans cette dmarche que s'est engage la CGSCOP (Confdra-tion Gnrale des Socits Coopratives de Production).

    Dans un modle multistakeholders, on doit veiller l'quilibredes pouvoirs entre usagers, salaris, bnvoles. Avant d'dicter desconditions minimales ou maximales de fonctionnement dmocratique,il importe de pouvoir exprimenter ce modle peu utilis en France et

    de lever les blocages qui se posent ces types de fonctionnement.

    D es avantages spcifiq ues lis la finalit sociale : reconna issan ce de la mix it desressources

    Sur les ressources mobilises dans le cadre de la redistribution,on note un fort financement des entreprises sociales partir des aides l'emploi ou l'insertion. Ce mode de fonctionnement conomiqueapparat logique p our les entreprises sociales poursuivant des o bjectifsd'insertion. Pour celles qui ont l'objectif de fournir des biens et servi-ces ayant une utilit sociale, il est inadapt voire dangereux car il stig-matise les travailleurs, occulte la spcificit des services fournis etempche leur reconnaissance.

    Passer d'une logique de subvention de l'emploi une logique

    de soutien aux activits est un enjeu capital en France. Cette volutiondemande aussi de s'interroger sur les modes de financement de cesactivits et les rapports entre entreprises sociales et pouvoirs publics.Une attribution de ressources partir de convention et non de sub-vention doit permettre la mise en place de ngociations entre lesentreprises sociales et leurs rseaux d'une part, et les pouvoirs publicsd'autre part.

    La forme cooprative ne permet pas d'accder nombre de fi-nancements publics et de drogations fiscales uniquement destinsaux associations. Cette situation co ntraint des groupes de travailleurs utiliser le statut d'association alors qu'ils se situent plus dans une dy-namique de cooprative.

    Une lgislation sur les entreprises sociales demande donc de

    s'intresser aux rapports qu'elles dveloppent avec ces diffrents plesmarchands et rciprocitaires. Quels peuvent tre les avantages accor-ds par la collectivit aux entreprises sociales et suivant quels critres ?

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    28/44

    30

    Doit-on avoir un type d'aides li aux personnes accueillies en inser-tion, aux activits dveloppes ? Ceci demande aussi de s'interrogersur les modalits d'inscription dans le march de ces entreprises et surles questions de concurrence avec les autres formes d'organisationsconomiques. Commen t avancer sur la question du statut du bnvo-lat ? et favoriser son dveloppement ?

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    29/44

    31

    5.

    Propositions de rfor mes lgislatives pourune reconnaissance de lentreprise sociale.

    Lide dun statut dentreprise but social a t leve en France

    partir de la mission confie Alain Lipietz, par la Ministre de lemploiet de la solidarit, pour examiner son opportunit. Les pistes de travailde son rapport dtape prsentaient deux stratgies :

    crer la bonne structure ; am liorer ce qu i ex iste de faon crer un e cont inu it de stat ut s et de

    singularits fiscales au sein dun vaste ensemble du T iers Secteur. 33Avec le rapport final, cest cette seconde voie qui est conforte

    en formulant les axes pour une loi-cadre de lconomie sociale et

    solidaire 34.

    Pour une loi-cadre de lconomiesociale et solidaire.

    33 A. Lipietz, op. cit, Rapport dtape, p. 38.34 A. Lipietz, op. cit, Rapport final, pages 101.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    30/44

    32

    Les propositions de Lipietz porte sur une loi-cadre qui vien-drait constituer un label p arapluie du secteur delEconomie sociale et solidaire qui disposerait de singularitsfiscales et rglementaires .Les points levs pour cette loi-cadre sont : dfinition dun label dutilit sociale et solidaire ; attribution du label, contrle du label ; adaptation des statuts de lconomie sociale (coopratives,associations, passage dune forme lautre) ; mesures fiscales ; droit du travail (pas de drogation aux droits du travailleur

    mais modifications portant sur les exonrations de charges so-ciales) ; financement des fonds prop res ; systmes dchange locaux appels doffre, participation des co llectivits locales dans lesorganisations ; statuts des bnvoles, lus et mandataires ; plan dintgration des emp lois-jeunes ;Cf. A. LIPIETZ, L opportun it dun nouveau type de socit vocationsociale, Rapport final, 2 tomes, Octobre 2000, Tome I, pages101 119.

    Toutefois tant dans le champ de la coopration que dans celuide lassociation des limites apparaissent et demandent sans crer labonne structure , damliorer lexistant et de lgifrer dans ce senspar des textes qui nattendront peut-tre pas une loi-cadre.

    A mliorer les structures

    1. LE PROBLEME DE LA CONSTITUTION D UN CAPITAL ET DE LAREALISATION D ACTIVITES COMMERCIALES PO UR LES ASSOCIATION S

    Le difficile accs au capital amne des associations quitter lechamp des statuts de lconomie sociale lorsquelles veulent constituer

    un capital. Elles se transforment alors le plus souvent en Socit responsabilit limite avec comme actionnaire lassociation mre.Cest cette stratgie quont adopte nombres dentreprises

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    31/44

    33

    dinsertion35.Cette utilisation de statut commercial ne traduit pas pleine-

    ment la volont de ces structures de marier dmarche entrepreneurialeet objectifs sociaux et peut entraner lloignement voire larrt decette finalit pour entrer uniquement dans u ne dm arche conomiqueau service non plus de la collectivit, des usagers ou mme d es salarismais des actionnaires. Ce cheminement vers des statuts commerciauxpeut aussi tre li la ncessit pour ces structures de trouver descapitaux pour investir. Malgr certaines mesures (com me les p rises departicipation par d es titres associatifs), linsuffisance d e capitaux p ourle fonctionnement des associations est aussi une cause de leur loi-gnement du concept dentreprise sociale.

    Lgifrer pour les ent reprises sociales ayant une fo rme associa-tive, la capacit et la ncessit de se constituer un capital social pour-rait tre un m oyen de d passer ce prob lme. Selon Lipietz, les associa-tions auraient accs au financement par le capital communautaire(CIGALE) ou autre systme de fonds collecte locale et rmunra-tion limite (un CODEVI communautaire ?). Il faudrait dvelopper lefinancement par fondations prives (sans rmunration, mais avanta-ges fiscaux pour labon demen t de ces fond s) ; le r le de la CD C(Caisse des dp ts et co nsignations) devrait galement tre envisag.

    Par ailleurs, si la ralisation de bnfices rinjects dans le capi-tal social de lassociation nest pas interdite, les financeurs ont ten-dance bloquer la ralisation de cette politique en limitant leur finan-

    cement lassociation en cas de bnfice. Cette tendance limite lescapacits dinvestissement et aussi lauton omie d e ces organisations.

    Enfin, la lgislation fiscale freine les possibilits pour les asso-ciations de bnficier davantages fiscaux quand elle ralise une activi-t commerciale mme en poursuivant une finalit sociale. Elles sevoient dautre part interdire par cette mme instruction fiscale unereprsentation significative de leurs salaris dans leur Conseildadministration.

    Le statut de cooprative offre des moyens de rpondre cesdifficults travers des po ssibilits de prise de participation financirepar dautres structures de lconomie sociale, mais il ne permet pas de p lusieurs parties prenantes de sinvestir dans leur direction.

    35 Cf. Projet associatif et statut commercial de lentreprise dinsertion, Guide mthodo-logique lusage des entreprises dinsertion, CNEI, 1995.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    32/44

    34

    2. LE FO NCTIONN EMENT MULTISTAKEHOLDE RS ET LA LOI D E 1947SUR LES COO PERATIVES

    Mme si les interprtations ont pu diverger, la reconnaissancedorganisations ayant un fonctionn ement mu lti stak eholders demande, unerforme lgislative de la loi de 1947 sur les coopratives.

    La CGSCOP36 a entam une rflexion sur la conceptualisa-tion d 'une fo rme particulire de socit cooprative dite " d'intrtcollectif " (SCIC), dont l'objet serait de rpo ndre des besoins collec-tifs insatisfaits par la produ ction de b iens et services (et/ ou ventuel-lement insrer d es pub lics en d ifficult dans le march du travail). Son

    capital (variable) ne pourrait tre infrieur 25 000 F. Y pourraienttre associs : les salaris (sous certaines conditions ; par ex. aprs unan d e p rsence) ; les usagers (ventuellement regroups dans uneassociation d'usagers) ; des tiers choisis pour leurs contributions lasocit et pour leur capacit intervenir bon escient dans le cas d'unconflit salaris-usagers. Les associs retrayants n'auraient droit qu'auremboursement du montant nominal de leurs parts ; en cas d'exc-dents de gestion, les intrts distribus aux parts sociales ne pour-raient tre suprieurs au taux de rendement des obligations mises aucours du second semestre de l'exercice et une part des bnfices pour-rait tre ristourne aux salaris (part travail) ainsi qu'aux usagers (ris-tourn e en fonct ion des oprations ralises avec celui-ci). 15 % desbnfices seraient affects la rserve lgale et le solde une rserve

    statutaire. Les rserves lgale et statutaire seraient impartageables et nepourraient tre distribues. Il en dcoulerait que les statuts pourraientprvoir qu'en cas de dissolution, les actifs nets de la SCIC seraientdvolus une collectivit locale ou une autre SCIC.

    Les rgles de fonctionnement interne de la SCIC sont prsen-tes en ces termes : l'assemble gnrale se composerait de tous lesassocis. En son sein, soit ceux-ci disposeraient chacun d'un droit devote avec une voix quel que soit le nombre d'actions dtenues ; soit,pour quilibrer les pouvoirs et faciliter la gestion de l'entreprise, lesassocis seraient organiss en sections, avec par exemple, une sectiondes militants bnvoles , une section des salaris, une section desusagers, une section des tiers (par ex. un office HLM ; une Socitd'conomie mixte, une fdration d'associations...). Chaque section

    36 L es socits coopratives dint rt collectif, document prparatoire, CGSCOP, 24avril 1999.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    33/44

    35

    disposerait d'une voix ; les lections des reprsentants de chaque sectionse faisant au sein de celles-ci sur la base d'un associ = une voix. Ilpourrait tre galement prvu que des personnes physiques ou mora-les aient un droit de vote direct. Cette possibilit reste valider. Il enva de mme pour celle ayant trait l'organisation des associs ensections disposant chacune d'une voix. Il apparat que la reconnais-sance lgale de la SCIC ne pourra pas se faire uniquement partirdinterprtation de la loi 1947 et lintroduction (voire la modification)darticles dans cette loi seront ncessaires. Un projet de loi relatif lacration dune socit cooprative dintrt collectif est en coursdlaboration et pourrait ne pas attendre une loi-cadre pour tre pr-

    sent lAssemble nationale.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    34/44

    36

    3. LACCES AUX AIDES PUBLIQUES POUR LES COO PERATIVES

    Si cet obstacle est lev, il faut aussi relever que le caractrecommercial de la SCOP lui empche d'accder certaines mesurespour l'emploi qui visent couvrir de nouveaux besoins ou des activi-ts mergeantes (emplois-jeunes), de bnficier d'avantages identiques ceux d'associations (services aux personnes), de recevoir des aidespubliques pour la ralisation d'activits ayant une utilit collective.

    Cration dun tiers secteur dconomie sociale et solidaire

    On ne s'oriente pas vers un modle exclusif d'organisation de

    l'entreprise sociale, mais vers une amlioration des statuts juridiquesdans lesquels se moulent gnralement les initiatives finalit sociale.Pour chapeauter l'ensemble de ces formes, serait labor un labelcommun d'entreprise but social accordant des exonrations fiscalesen contrepartie de conditions quant aux missions assumes par lesdiffrentes structures (ou groupes de structures) intervenant dans lechamp de l'conomie sociale et solidaire.

    L'utilisation d'un seul modle d'organisation demanderait tropde bouleversements et entranerait immanquablement des tirs debarrage des diffrentes expriences pouvant se reconnatre dans leconcept d'entreprise sociale. La dfinition d'un label avec des critresd'inclusion et d'exclusion est la voie qui semble retenue aujourd'h ui.

    La dfinition de ces critres est un axe de travail essentiel. Des

    pistes ont t ouvertes : non lucrativitmais possibilit de partage plafonn des bn-fices entre associs ; ralisation d'activit d'in sertion et/ ou d'activit ayant un e utilit so-ciale ; le fonctionnement dmocratiq ue est souvent signal comme uncritre, mais jusqu'o peut aller le lgislateur dans cette exi-gence dmocratique (la gestion des usagers, des salaris, desbnvo les doit-elle tre conjointe, spare ?).Pour la reconnaissance de l'utilit collective des services, le

    rapport Lipietz suggre, aprs consultation des acteurs intervenantdans le champ de l'E conomie sociale et solidaire ", de s'orienter vers l'la-boration d'une loi-cadre. Cette loi-cadre aurait d'abord pour objetd'organiser le secteur en faisant sauter les cloisons et dysfonctionne-ments, partir des blocages constats, tout en conservant la diversitdes structures. En effet, le rapport note que les structures diverses du

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    35/44

    37

    secteur, relevant de rglementations disparates, rencontrent des limi-tes statutaires quant l'accs au financement, aux singularits fiscales,aux rgles de pouvoir internes, lesquelles varient d'un statut l'autrede faon parfois erratique et contre-productive.

    Mais une telle dmarche demande de mieux approcher l'utilitsociale produite par les entreprises sociales de ce T iers secteur. O n l'avu, celle-ci n'est pas aise. La dfinition partir des handicaps despersonnes embauches stigmatisent ces personnes et d'une certainemanire les activits qu'elles ralisent. Mais elle permet de privilgierl'emploi de ces personnes. La dfinition par liste d'activits parvientdifficilement tre exhaustive et peut bloquer l'innovation. Mais elle

    permet d'offrir un cadre stable ces services. L'absence de dfinitionpar liste d'activits laisse la place l'arbitraire et aux interprtationsdiffrentes suivant les zones gographiques. La construction d'undialogue local autour de la dfinition de ces activits d'utilit socialepeut apparatre idale, mais elle a des difficults se concrtiser etpeut entraner des temps de ngociations coteux et des disparitsfortes. Une meilleure reconnaissance des rseaux d'initiatives par lespouvoirs publics est certainement rechercher pour la dfinition deces activits. Mais ces groupements n'existent pas dans tous les do-maines et quand ils existent peuvent sur un secteur peuvent ne pastre l'coute d es nouvelles expriences.

    Place des rseaux et des pouvoirs publics dans la dfinition de lentreprise sociale

    Le secteur d'utilit sociale a vocation bnficier de droga-tions fiscales ou sociales et de subventions publiques pour compenserles bnfices qu'il produit pour la collectivit. Ds lors, se pose laquestion de savoir quels rapports doivent s'instaurer entre les pou-voirs publics et les entreprises sociales, voire les rseaux les regrou-pant. Plusieurs modles existants en ce domaine s'offrent notrerflexion. Citons en quatre titre d'exemp les.

    Celui de l'agrment ou du conventionnement octroy par l'autorit admi-nistrative habilite au terme d'une procdure ayant pour objet de vri-fier que la structure remplit bien les conditions pour l'obtenir.L'agrment peut tre suspendu ou retir lorsque cette structure nerespecte plus les obligations requises. Le refus d'agrment, sa suspen-sion ou son retrait empchent l'organisme concern de pouvoir se

    livrer une activit prcise, de remplir son ob jet et/ ou de b nficierde certains avantages, selon le cas. Il en est actuellement ainsi, parexemple des associations intermdiaires, des associations prestataires

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    36/44

    38

    de services, des entreprises d'insertion ou encore des associationsmandataires.

    Celui de l'inscription sur une liste tablie par l'autorit pub lique se-lon une procdure prvoyant la consultation obligatoire pralable durseau rassemblant les entreprises inscrites sur cette liste. L'instructiondu dossier a pour but de vrifier que l'entreprise qui sollicite l'inscrip-tion, fonctionne conformment aux dispositions impratives de la loirgissant cette catgorie d'organismes. Tel est le cas des cooprativesqui souhaitent ob tenir le statut de SCO P. En outre, la SCOP encourtla nullit ou la radiation de son inscription si elle ne communique paschaque anne au ministre charg du Travail certaines informations

    concernant son activit et, tous les cinq ans (ou tous les ans dans lesSCOP SARL sans commissaire aux comptes), le rapport de rvisioncooprative. La rvision cooprative, mene par un rviseur agr,porte sur le respect des principes coopratifs, le bilan coopratif, lecontrle de la gestion, et la comparaison analytique des rsultats co-nomiques et financiers avec d'autres entreprises comparables.

    Celui de l'association dclare dont la constitution exige une sim-ple dclaration la prfecture et une insertion d'un extrait de cettedclaration au Journal officiel, sans aucune intervention pralable del'autorit administrative quant sa validit. Le contrle des pouvoirspublics portant, durant la vie de l'association, sur le caractre dsint-ress de la gestion de l'organisme et sur l'utilisation des fonds publicsconformment au but pour lequel ils lui ont t octroys.

    Celui du rseau des R gies de quart ier. Ici, c'est le Comit nationalde liaison des Rgies de quartier (CNLRQ) qui autorise telle associa-tion utiliser le label Rgie de quartier dpos par lui l'InstitutNational de la Proprit Industrielle (INPI). L'appellation Rgie dequartier est dlivre par le rseau lui-mme par rfrence la Charteadopte en 1991, et non par rapport des circulaires administrativesou des textes de loi. Ce dernier modle tant coupl avec celui quiprvaut pour les associations simplement dclares.

    Le rapport Lipietz signale qu'il pourrait tre utile que la loicadre organise la fois le secteur et en son sein un statut d'Entre-prise but social type, un peu comme le mouvement HLM autori-sait la coexistence d e divers statuts (SA, Coop ratives, SEM ) autourd'un statut type (l'OPHLM), avec, pour l'ensemble, des singularits

    de financement couples une mission sociale .L'on peut se demander si le contrle des pouvoirs publics ne

    devrait pas tre renforc lorsque les capacits de ralisation d'une

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    37/44

    39

    dmocratie interne sont faibles et plus particulirement quand lesusagers ne peuvent participer au fonctionnement dmocratique del'entreprise sociale.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    38/44

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    39/44

    41

    Conclusion

    En rsum conclusif, plusieurs points nous paraissent cruciauxpour une lgislation sur les entreprises sociales en France.

    L'entreprise sociale transcende le dcoupage franais entre laralisation d'activit conomique (conue comme devant tre ralise par lesecteur but lucratif) et la finalit sociale de l'entreprise sociale (quitranche avec celle lucrative des organismes senss raliser un e activit

    conomique). Les problmes qui se posent actuellement la recon-naissance d'un secteur d'conomie sociale et solidaire sont incontesta-blement lis ce cloisonnement et ses effets par rapport la fiscali-t, la possibilit d'avoir des capitaux, de recourir des financementspublics, aux questions de concurrence

    La question du fonctionnem ent dmocratiq ue de l'entreprise socialeest notre avis un second enjeu particulirement important. L'organi-sation multistakeholders est peu utilise en France. Au-del des pro-

    blmes juridiques qui se posent37, il est important de laisser les exp-rimentations se raliser pour saisir pleinement les rformes lgislatives adopter. Ainsi, la place des collectivits locales dans ce type d'orga-nisation est encore exprimenter, de mme on ne connat pas en-

    37 Cf. Con seil suprieur d e la Co opration, L e stat ut coopratif : supp ort delentreprise but social, 26 mars 1999. Et la note : Point de vue de la Confdra-tion Gnrale des Scop Comment crer une structure multi-partenariale en France.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    40/44

    42

    core suffisamment les possibilits de partage de p ouvoir en tre salaris,bnvoles, et usagers au sein de ces organisations. Mais vouloir enga-ger l'exprimentation avant les rformes lgislatives demande l'ad-ministration franaise une capacit et une volont qui n'existent peut-tre pas aujourdhui.

    Enfin, en mme temps que stablissent, avec le rapport Li-pietz, les points centraux dune reconnaissance lgislative delconomie sociale et solidaire, le dcloisonnement entre les rseauxest incontournable. Les concepts utiliss suivant les rseaux (delconomie sociale ou de lconomie solidaire) dnotent des points devue qui ne semblent pas encore avoir faire assez lobjet de confronta-

    tions mme si des avances apparaissent. Les Consultations rgionales delconomie sociale et solidaire ont commenc rpondre cet enjeu. LesR encontres europennes des acteurs de lconomie sociale et de lconomie solidaireont t un nouveau moyen pour rapprocher les initiatives. Enfin, descooprations bilatrales et inter-rseaux se sont mises en place encherchant avancer dans la rflexion sur la problmatique delconomie solidaire et pour dvelopper des exprimentations loca-

    les38.Ces rapprochements sont le moyen daffiner les prconisations

    pour des volutions lgislatives mais aussi de resserrer les liens entreles diffrents rseaux et acteurs. Ces rapprochements doivent permet-tre de construire une dfinition et un label de lEconomie sociale etsolidaire qui ne rsulte pas uniquement de ladministration mais avant

    tout des acteurs de ce champ.

    38 Cf. Travaux de la CG SCOP , du Co llectif Ent reprendre ensemble, delInter-rseaux Econom ie Solidaire

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    41/44

    43

    Prsentation de lInstitut K arl Polanyi

    M ission

    Lactualit de la pense de Karl Polanyi est de plus en plusreconnue. L a grande tran sformat ion (1944) continue dintresserdes universitaires et des chercheurs de nationalits diverses. Cet

    ouvrage, traduit dans sept langues, est dailleurs considrcomme un classique du vingtime sicle, qui ouvre de largesperspectives de recherche multidisciplinaire. LInstitut cr sammoire lUniversit Concordia au Qubec vise poursuivresa qute dinstitutions conomiques et politiques capables deconcilier le libre dveloppement de la conscience morale et lesexigences dune civilisation technologique complexe. Il sagit derenouveler la rflexion sur les rapports entre conomie et d-mocratie dans les socits contemporaines.

    M embres europens du bureau de lI nst itu t linit iat ive d es notes :

    Alain Caill, MAUSS, France;Michle Cangiani, Universit de Venise, Italie;Bjrn H ettne, Universit de G teborg, Sude;

    Tadeusz Ko walik, Acadmie des Sciences, Pologne;Jean-Louis Laville, CRID A, France;

    G yrgy Litvan, Acadmie des Sciences, H ongrie;Alfredo Salsano, Bollati Boringhieri, Italie;

    Jean-Michel Servet, Univerit Lumire Lyon 2, France;Mihaly Simai, Acadmie des Sciences, Hongie.

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    42/44

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    43/44

    45

    Table

    In troduction ....................................................................................................5

    1. Finalit sociale et activit co nom ique,approche historique dun cloisonnement ................................................................7

    2. Une dfinition en cours de construction partir de travaux internationaux.............................................................11Les travaux de lOCDE................... .................... .................... .................12

    Les travaux du rseau Emes................. ................... ................... ..............13

    3. Une reconnaissance lgislative en Euro pe. .........................................17Les coopratives sociales italiennes.................. .................... ...................17

    La socit finalit sociale belge.......................... .................... ...............20

    Une rflexion juridique europenne ................... .................. .................. ..23

    4. Lentreprise sociale en France...............................................................24Le champ des entreprises sociales en France et ses problmes de

    dfinition...................................................................................................25

    Lorganisation multi-stakeholders ................... .................... ................26

    Des avantages spcifiques lis la finalit sociale :

    reconnaissance de la mixit des ressources...................... .................. ......29

    5. Propo sitions de rform es lgislatives pourune reconnaissance de lentreprise sociale...............................................31

    Amliorer les structures .................. .................... ..................... ................32Cration dun tiers secteur dconomie sociale et solidaire ..............36

    Place des rseaux et des pouvoirs publics dans la dfinition de

    lentreprise sociale.... ..................... ..................... ..................... ................37

    Conclusion ....................................................................................................41

    Prsentation de lInstitut Karl Polanyi.....................................................43

  • 7/30/2019 L'Entreprise Sociale

    44/44

    46

    Impression version Internet

    Premire dition novembre 1999

    Edition revue novembre 2000

    Ce livret peut-tre command en envoyant un chque de 30 F Impatiences dmocratiques, 66 rue du

    4 septembre, 13200 Arles, France,[email protected]

    www.impatiencesdemocratiques.com

    Le texte de ce livret est consultable gratuitementsur Internet

    www.karlpolanyi.org

    mailto:[email protected]:[email protected]:[email protected]:[email protected]:[email protected]:[email protected]