Le trésor d'Elvis Bozec · Mise en pages : Marguerite Maillet Papier ISBN 2-922203-43-3 PDF ISBN...
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Françoise Enguehard
le trésor d’ELVIS BOZEC
météore / roman
Le trésor
d’Elvis Bozec
collection météore
Le trésor
d’Elvis Bozecroman
Françoise Enguehardillustrations de Denise Paquette
Pour la publication de ce livre, Bouton d’or Acadie a béné-ficié de l’aide du Conseil des Arts du Canada, du ministèredu Patrimoine canadien par l’entremise du Partenariatinterministériel avec les communautés de langue officielle,et de la Direction des arts du Nouveau-Brunswick.
Titre : Le Trésor d’Elvis BozecTexte : Françoise EnguehardIllustrations : Denise PaquetteMise en pages : Marguerite Maillet
Papier ISBN 2-922203-43-3PDF ISBN 978-2-89682-182-2ePub ISBN 978-2-89682-532-6
Dépôt légal : 1er trimestre 2002Bibliothèque nationale du CanadaBibliothèqure nationale du QuébecCentre d’études acadiennes (Université de Moncton)Distributeur : Prologue et Bouton d’or Acadie
Tous les droits d’adaptation et de traduction sont réservéspour tous les pays.
© Bouton d’or Acadie204 - 236, rue Saint-GeorgesMoncton, N.-B., E1C 1W1CANADA
Téléphone : (506) 382-1367Télécopieur : (506) 854-7577Courriel : [email protected] : www.boutondoracadie.com
À la mémoire de
monsieur Anthony Oliver,
de la Grand’Terre,
qui m’a fait découvrir
l’île Rouge.
Chapitre 1
Bienvenue à la Grand’Terre
De la cour de l’école Sainte-Anne, dans le
village de Grand’Terre, on voit la mer à perte
de vue… quand il n’y a pas de brume, bien
entendu. Aujourd’hui, comme le temps est
clair, on aperçoit plusieurs embarcations qui se
balancent sur l’océan.
– Elvis, come on !
– J’arrive.
Même quand on lui parle anglais, Elvis
Bozec répond en français.
– Ben, on est à l’école française !
C’est ce qu’il dit quand on se moque de lui,
parce que « le français, c’est pas cool », selon
ses copains. Eux, ils regardent la télé anglaise,
ils jouent à des jeux vidéo en anglais, même
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Internet ne les intéresse pas si c’est en français.
Elvis, c’est tout le contraire. Il passe des
heures avec son grand-père Bozec à écouter
les histoires du vieux temps, quand les
« Français de France », comme il dit, travail-
laient par ici. C’est son papy qui lui a expliqué
qu’ils avaient bien de la chance, sa sœur Anne
et lui, de pouvoir aller à l’école française.
« Ton père, on lui tapait dessus si on l’en-
tendait parler français dans la classe. » C’est
aussi son papy qui lui a expliqué qu’il fallait
qu’ils étudient bien tous les deux pour avoir un
bon emploi et pour pouvoir élever leurs
enfants en français, « sinon, y aura plus de
français par icitte ».
Elvis a bien souvent réfléchi à cette con-
versation avec son grand-père, et c’est un peu
comme s’il se sentait chargé d’une mission :
s’assurer que le français ne disparaîtra pas de
son village. Mais il y a peu de chances qu’il
fasse comprendre ça à ses copains de classe.
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« Le français, c’est juste bon pour l’école… »
C’est ce qu’ils lui répondent, en anglais la plu-
part du temps.
– Tu devrais comprendre ça, toi, le Roi du
rock-and-roll !
« Encore et toujours la même blague ! »
Elvis aurait bien préféré que ses parents l’ap-
pellent Louis, Pierre ou Paul, comme son
grand-père, mais non, Elvis Presley a toujours
été l’idole de sa mère. « Faut bien vivre avec »,
soupire-t-il intérieurement.
Elvis prend son vélo et traverse la route
pour aller retrouver son père qui rentre de
pêche. Ce mois-ci, il pêche la morue ; avant,
c’était le homard, la poule d’eau. « Il faut de
tout pour faire un peu d’argent, c’est pas
comme autrefois », répète souvent papy
Bozec. Autrefois, à Terre-Neuve, on pêchait
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uniquement la morue et il y en avait assez pour
tout le monde.
La pêche a été bonne aujourd’hui. Son père
est en train de nettoyer de belles morues sur
une table en bois installée à côté de son embar-
cation. Juste devant lui, papy attend sa part.
– Garde-moi les têtes pis les foies, Louis.
J’vas me régaler à soir !
Ces poissons tout brillants lui rappellent de
bons souvenirs au grand-père, du temps où il y
avait de la morue pour tout le monde, « pis
tellement de doris à la pêche que t’aurais pu
marcher sur l’eau ».
Elvis adore écouter ses histoires. C’est lui
qui lui a raconté que Bozec était un nom bre-
ton, que le premier Bozec de la Grand’Terre
était venu de France pour la pêche et qu’un
automne, au lieu de retourner en Bretagne sur
son voilier, il s’était caché dans les bois pour
rester à Terre-Neuve.
Il a été bien content d’apprendre ça, Elvis,
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tellement content d’ailleurs qu’il aimerait bien
se faire appeler tout simplement Bozec plutôt
qu’Elvis. Et puis, il est bien fier de cette his-
toire d’ancêtre venu de France pour pêcher à
Terre-Neuve. Après tout, ça veut dire que lui,
Elvis, descend d’une race de gens courageux,
des gens de la mer, comme les corsaires des
livres d’histoires.
– Il était ben brave, ce Bozec-là ! Parce que
j’te gage que ç’a pas dû être aisé pour se
sauver.
– Comment est-ce qu’il a fait, papy ?
Ça lui fait tout drôle à Elvis de penser que
son ancêtre était peut-être un héros – comme
Robin des Bois –, pour sûr un homme qui
n’avait peur de rien.
Posant de côté le sac en plastique dans
lequel il a mis deux têtes et quelques foies de
morue pour son souper, le grand-père s’assoit
sur un gros caillou, allonge un peu sa jambe
droite qui est toute raide et regarde droit
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devant lui, vers l’île Rouge.
– Regarde ben, mon Elvis. Tu vois l’île, là-
bas… vois-tu de quoi dessus ?
Quelle question ! Il n’y a rien sur l’île
Rouge, tout le monde le sait. Rien du tout.
Juste la grève, la falaise toute rouge et les prés
dans le haut. L’île Rouge, c’est comme un
grand paquebot mouillé devant le village de la
Grand’Terre, sans personne à bord. Des fois,
dans la brume, on dirait un bateau fantôme.
– Y a rien, papy, rien du tout.
– Eh ben, mon p’tit, imagine qu’y a cent
ans, quand le premier Bozec est arrivé, y avait
des maisons sur le dessus de l’île, pis des
cabanes en bois partout sur le bord de l’eau, le
long de la falaise, pis des doris par dizaines et
même des voiliers. À chaque printemps, les
Français arrivaient, pis ils s’installaient sur
l’île pour pêcher, jusqu’au mois de septembre.
– Alors, il était pêcheur, ton arrière-grand-
père ?
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– Pas vraiment, il était trop jeune. Lui, il
était gravier ; c’est de même qu’on appelait les
p’tits gars qui travaillaient avec les pêcheurs.
– Il avait quel âge ?
– Quatorze, quinze ans.
Elvis est très surpris. C’est bien jeune pour
partir travailler tout seul, sans famille, sans
rien. Quinze ans, c’est l’âge de Maurice
Lecointre, qui est en neuvième année et qui
passe son temps à rigoler en classe au lieu
d’écouter monsieur Cormier. Elvis le voit mal
à la pêche, lui…
– Ça te surprend, hein ? La vie était ben
dure dans le temps. Tous les p’tits gars qui
venaient icitte, ils avaient pas peur de l’ou-
vrage. Il fallait ben manger pis rapporter des
sous à leur mère en plus.
Pendant un moment, en silence, Elvis et
son grand-père regardent l’île – plus rouge
encore dans le soleil qui commence à baisser
–, le grand-père perdu dans ses souvenirs et le
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petit-fils essayant d’imaginer à quoi pouvait
bien ressembler cette île qu’il a toujours con-
nue déserte.
– Elvis, faut que tu viennes !
– V’là Anne, dit le grand-père en se retour-
nant, tout heureux de voir sa petite-fille.
– Maman a besoin de toi à la maison.
Finies les rêveries, il faut obéir. Son père le
regarde du coin de l’œil, ce n’est pas le
moment de se plaindre ou de traîner. Anne
appuie sa bicyclette sur le cabestan et descend
s’asseoir à son tour à côté de son papy. « C’est
elle qui aura droit à la suite des histoires,
soupire Elvis. Elle me racontera ce soir. » Sa
petite sœur de neuf ans lui raconte tout.
En pédalant pour rentrer à la maison, le
long de l’unique rue qui traverse le village au
bord de la côte, Elvis regarde l’île Rouge
comme s’il la voyait pour la première fois. Où
étaient les maisons ? Les cabanes ? Où les
pêcheurs laissaient-ils leurs doris ?
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Dans la douceur de ce soir de printemps,
dans l’air qui sent bon le sel des vagues, une
idée naît dans la tête d’Elvis Bozec.
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Chapitre 2
Monsieur Lecointre
L’école est finie.
– Pas trop tôt ! s’exclame Elvis.
Ce n’est pas qu’il n’aime pas l’école, au
contraire, mais entre avril et juin, le temps lui
a souvent semblé long. Et puis, il faut dire
qu’il sait déjà ce qu’il va faire de son été…
L’idée lui est venue il y a quelques semaines.
– Anne, a-t-il dit à sa sœur, t’as entendu les
vieilles histoires de papy Bozec sur la pêche à
l’île Rouge ? Si on allait là-bas, toi et moi,
pendant les vacances… Il doit sûrement rester
des ruines quelque part, peut-être qu’on trou-
verait des vieilleries…
Les yeux d’Anne se sont allumés tout de
suite. « Elle, du moment qu’y a du mystère
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Elvis Bozec a un rêve : découvrir des vestiges
laissés par les marins français qui sont venus, il
y a très longtemps, pêcher la morue à Terre-
Neuve. Avec l’aide de sa sœur et d’un vieux
monsieur sympathique, réussira-t-il à retrouver
les traces de son ancêtre sur l’île Rouge où
on ne voit pourtant plus rien du passage
des Bretons ?
BDOA / ados