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MENSUEL DU SYNDICAT NATIONAL DE L ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR - N ˚666 JUIN 2018 ACTUALITÉ MÉTIER ACTUALITÉ Continuons ensemble à défendre un autre modèle de société ! La normalisation au cœur du référentiel métier Rebondissement dans l’affaire du prêtre président le snesu DOSSIER Menace(s) sur les libertés académiques p CONGRÈS D’ÉTUDE Mener la contre-attaque, Roubaix, 19-21 juin 2018

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M E N S U E L D U S Y N D I C A T N A T I O N A L D E L ’ E N S E I G N E M E N T S U P É R I E U R - N ˚ 6 6 6 J U I N 2 0 1 8

ACTUALITÉ MÉTIERACTUALITÉ

Continuons ensemble à défendreun autre modèle de société !

La normalisation au cœur du référentiel métier

Rebondissement dans l’affaire du prêtre président

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D O S S I E R

Menace(s) sur les libertésacadémiques

pCONGRÈS D’ÉTUDEMener la contre-attaque,Roubaix, 19-21 juin 2018

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M E N S U E L D ’ I N F O R M A T I O N D U S Y N D I C A T N A T I O N A L le snesup D E L ’ E N S E I G N E M E N T S U P É R I E U R - N ˚ 666 J U I N 2018

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2ÉPHÉMÉRIDE14 JUIN

Secteur Formation, secteur International.

18 ET 19 JUIN

Cneser plénier.

19 AU 21 JUIN

Colloque « Le SNESUP-FSU en 1968 ».Congrès d’étude du SNESUP-FSU auxArchives du monde du travail de Roubaix.Congrès extraordinaire du SNESUP-FSU.

21 JUIN

Audition parlementaire du SNESUP-FSUsur le financement public de la recherchedans les universités.

26 JUIN

Secrétariat national du SNESUP-FSU.

27 JUIN

Secteur Service public.

28 JUIN

Secteur Communication.

2 JUILLET

Bureau délibératif fédéral national (BDFN) FSU.

3 JUILLET

Secrétariat national du SNESUP-FSU.

4 JUILLET

Secteur Vie syndicale.

Collectif FDE.

5 JUILLET Commission administrative (CA) du SNESUP-FSU.

9 JUILLET

Cneser plénier.

SÉMINAIRE SNESUP-FSU « Droit à la santé pour toutes et tous »Notre dernier congrès d’orientation a voté une motion demandant que le SNESUP-

FSU organise une initiative, largement ouverte, sur les questions de santé. Tel étaitle cas, jeudi 31 mai après-midi, où un séminaire a réuni des représentants syndicaux etdes acteurs du monde médical sur les enjeux fondamentaux d’organisation, de formationet de recherche, dans les locaux de la faculté de médecine de l’université Paris-Descartes. Un constat liminaire unanime a fait le lien entre les thèmes et les intervenants des deuxtables rondes : l’essoufflement de notre modèle de santé publique issu des années 1950qui se traduit par la crise actuelle des hôpitaux dont tous les personnels sont ensouffrance. La transformation des hôpitaux en entreprises, couplée au mirage desnouvelles technologies toutes-puissantes ont conduit non seulement à la déshumanisationdes soins, mais aussi à la mise en danger des patients tout autant que des soignants,soumis à des injonctions paradoxales incessantes. Même les autorités de tutelle constatentles dégâts et les impasses de la gouvernance par les chiffres. Les réflexions pleines degravité des différents témoins, dont celle du professeur André Grimaldi, ont ainsi faitécho à l’appel citoyen à des États généraux de la santé. Ce passionnant séminaire seramis en ligne sur notre site afin de poursuivre la réflexion et la mobilisation de toutes ettous au service de notre bien le plus précieux : la vie. l

Isabelle de Mecquenem, membre de la Commission administrative

PARCOURSUP

Communiqué de l’UFR de philosophiede Paris-I à l’attention des lycéen.ne.s«Vous avez formulé un vœu d’admission en première année de licence de philosophie

à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne. Vous n’avez actuellement pas encore deréponse. Sachez que l’UFR de philosophie a souhaité à l’unanimité donner une réponsefavorable à tous les vœux exprimés, mais que sa proposition n’a pas été retenue. Le clas-sement qui vous sera prochainement transmis ne sera pas réalisé par les enseignants del’UFR mais par le recteur de l’académie de Paris, chancelier des universités, par arrêtéministériel. Nous espérons que vous recevrez bientôt un « oui », comme nous l’avionsproposé. Quel que soit le rang que vous obtiendrez et que nous ne connaîtrons pas, vousserez les bienvenu.e.s à l’UFR de philosophie. » l

La direction de l’UFR de philosophie (qui a transmis ce texte au SNESUP)

LUTTE DES CHEMINOTS

Soutien financier aux grévistesLa lutte des cheminots est le pivot des mobilisations actuelles. Les retenues des

journées de grève d’avril sur les payes de mai des grévistes sont importantes. Lemillion de « la cagnotte » va être dépensé, dans les jours qui viennent, pour compenser,comme l’interfédérale cheminote le décide, le manque à gagner pour ceux qui ontparticipé à la grève. Le soutien financier a besoin d’être relancé maintenant car les retenues des jours degrève de mai seront imputées sur les fiches de paye de juin. Les grévistes doivent sentirque le soutien se maintient pour décider en conscience de la poursuite de la grève.• Caisse de grève CGT, adresser les dons à : CGT, « Solidarité CGT luttes 2018 »,

Service comptabilité, 263, rue de Paris, 93100 Montreuil.• Caisse de grève SUD-Rail : www.lepotcommun.fr/pot/qwgkeart.• Cagnotte Solidarité avec les cheminots grévistes : www.leetchi.com/fr/Cagnotte/

31978353/a8a95db7. l

ERRATUM

Information de la rédaction sur un articleLe numéro 664 d’avril 2018 du mensuel comportait en page 26 une recension de

l’ouvrage de Marie Peltier intitulé L’Ère du complotisme. La commande de cet articleavait été passée à un membre extérieur au SNESUP, sur la base de la confiance quenous lui accordions. Cet auteur a rendu un article qui constituait pour l’essentiel lareprise d’une publication antérieure dont nous nous devons de signaler les références :Eymeric Manzinali, « Le complotisme post-11 septembre : symptôme d’une société enmal de confiance ? », publication du 21 novembre 2017, sur le site Spokus. L’URL est lasuivante : spokus.eu/complotisme-post-11-septembre. l

M E N S U E LD U S Y N D I C A TN A T I O N A L D EL ’ E N S E I G N E M E N TS U P É R I E U RSNESUP-FSU78, rue du Faubourg-Saint-Denis,75010 Paris - Tél. : 01 44 79 96 10Internet : www.snesup.fr

Directeur de la publication : Hervé Christofol

Coordination des publications : Pascal Maillard

Rédaction exécutive :Laurence Favier, Claudine Kahane, Michel Maric,Isabelle de Mecquenem, Marc Neveu, Christophe Pébarthe, Christophe Voilliot

Secrétariat de rédaction :Catherine MaupuTél. : 01 44 79 96 24

CPPAP : 0121 S 07698

ISSN : 0245 9663

Conception et réalisation : C.A.G., Paris

Impression :R.A.S., 6, av. de Tissonvilliers, 95400 Villiers-le-Bel

Régie publicitaire :Com d’habitude publicité,Clotilde Poitevin. Tél. : 05 55 24 14 [email protected]

Prix au numéro : 3,50 € • Abonnement : 33 €/an

Photo de couverture : © Shutterstocklesn

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Qu’a répondu Parcoursup, le 22 mai 2018, auxvœux de plus de la moitié des lycéens inscrits ?« Vous n’êtes pas les bienvenus dans l’enseignementsupérieur (ES). D’autres que vous sont prioritaireset vous n’y accéderez que s’ils se désistent pourvous laisser une place. » C’est une véritable entre-prise de soumission sociale ! Avec la loi ORE et Par-coursup, ce gouvernement retourne sa responsa-bilité contre les lycéens et les personnels ! Alors qu’ila pour mission d’assurer l’accès et la réussite desbacheliers dans l’ES, il faillit à cet engagement etimpose un système d’affectation basé sur la sélectionafin de légitimer le refus d’y accueillir les enfantsdes classes populaires. Il confie cette sélection aux personnelset les charge de répondre aux lycéens que s’ils ne sont pas pris,ce n’est pas parce que l’État n’investit pas suffisamment, c’estparce qu’ils ne sont pas au niveau ! C’est une politique de laculpabilisation en vue de soumettre les individus et de légitimerles inégalités au bénéfice des plus dotés en capital culturel :aux premiers de cordée, le choix de leur vie, aux autres l’af-fectation là où il reste de la place. Car la ministre n’a paspromis de satisfaire les vœux préférentiels de chaque lycéen,elle a promis que chacun aurait UNE proposition, s’il le faut,faite par les recteurs en fonction des disponibilités…La Cour des comptes dans son rapport sur l’exécution dubudget 2017 relève que dans l’enseignement supérieur et la

recherche (ESR), 19 300 postes sont gelés. C’est lenombre d’agents correspondant à dix uni ver sités !Et, alors que nous accueillerons 65 000 étudiantsde plus à la rentrée 2018 – les usagers de deux àtrois nouvelles universités –, faute de moyens, cetteannée correspond au plus bas nombre de recrute-ments d’enseignants et d’enseignants-chercheursdepuis plus de dix ans !Des alternatives existent face à la sélection etau développement de la précarité, il faut pour celaouvrir des places et investir à la hauteur des besoins.Exigeons un plan d’urgence ! La création et le finan-cement d’emplois titulaires, un système d’affectation

qui prenne en compte la hiérarchisation des vœux des lycéenset permette l’accès des bacheliers à la formation de leur choix,dans leur secteur géographique ! Ce gouvernement doit aug-menter massivement les crédits de base de la Mires dans lecadre d’une programmation pluriannuelle de plus 15 milliardsd’euros sur cinq ans qui permette le recrutement de 30 000emplois sur cette période. C’est à la portée de notre pays. Ce mois de juin, s’ouvrent les élections des représentants despersonnels aux conseils scientifiques du CNRS et des institutsde recherche. Les enseignants-chercheurs inscrits dans les UMRsont électeurs. Pour l’emploi scientifique, pour l’augmentationdes crédits de base et pour défendre la liberté de recherche, votezet faites voter pour les candidats SNCS-FSU et SNESUP-FSU.

Hervé Christofol,secrétaire général

Dix universités sont gelées !Exigeons un plan d’urgence pour 2018 et au-delà

ACTUALITÉ 4• Loi ORE et Parcoursup :

continuons ensembleà défendre un autremodèle de société !

• Parcoursup : aprèsla surprise, l’angoisse…et ensuite ?

• Question prioritairede constitutionnalitédu SNESUP

• Sénégal : du non-paiementdes bourses à la mort d’un étudiant mobilisé

VOIX DES ÉTABLISSEMENTS 8

MÉTIER 16• Référentiel métier de

l’enseignant-chercheur• Effectifs des EC : des

recrutements en chute libre• PRAG-PRCE : bilan des

promotions 2017 à la classeexceptionnelle (CEx)

DOSSIER 9Menace(s) sur leslibertés académiquesDéfendre les libertés académiques au sein des universitéset des établissements d’enseignement supérieur forme fina-lement la plus pertinente façon de résister à la marchandi-sation de l’enseignement supérieur lancée depuis le processusde Bologne. En effet, il s’agit d’un bien immatériel parexcellence et de la source même de la création et du renou-vellement des savoirs fondamentaux dont « lasociété de la connaissance » dépend intrinsèquement, selonses propres doctrinaires.Comme le rappelle notre dossier, ces libertés fondamentalesde recherche et d’enseignement, peu encadrées juridique-ment, sont néanmoins fondées sur l’indépendance desenseignants-chercheurs garantie par la Constitution. Ellestranscendent donc de droit les chartes, règlements et réfé-rentiels débilitants dans lesquels la bureaucratisation néo-libérale à l’œuvre dans les universités voudrait les passerà la moulinette. Le cas du protocole du service de la com-munication de l’université de Strasbourg forme un bonexemple d’autoritarisme soft et de défiance à peine mas-quée. Mais à l’heure des mobilisations des étudiants etdes personnels contre la loi ORE et surtout des violencespolicières démesurées qui se sont multipliées sur les cam-pus, c’est la question des franchises universitaires quenous mettons en lumière à travers un article central quifait le point sur l’état du droit en la matière. (…)

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MONDES UNIVERSITAIRES 18• Protection sociale :

que sont nos mutuellesdevenues ?

• Démographie : poursuitede la hausse des effectifsdans l’ESR : une chanceà saisir !

RECHERCHE 20• Élections au Conseil

scientifique et auxConseils scientifiquesd’institut du CNRS (3/3)

• Révision de la loi Allègre :du monde académique,de l’entreprise et dupolitique… une fusiondes rôles ?

RETRAITES 22• Une réforme

dangereuse en routeCONGRÈS D’ÉTUDE 23• ESR, mener

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défendre leur pouvoir d’achat, leurs sta-tuts et demander des créations d’emploisalors que la mission CAP 2022 prévoitde réduire de 120 000 le nombre defonctionnaires.Cette journée d’union syndicale, dansle prolongement du 10 octobre etdu 22 mars derniers, a rassemblé200 000 manifestants, dont 20 000 à Pariset à Toulouse, 7 000 Nantes, 5 000 àBordeaux, Brest, Lille, Marseille, Poitiers,Lyon, Rennes et Rouen,4 000 à Caen, Montpellier,Nîmes, Le Puy, Toulon,3 000 à La Réunion et 2 000à Angers, Annecy, Pau, etc.Les organisations de jeu-nesse s’étaient jointes à l’ap-pel de cette journée pourdire leur refus de la géné-ralisation de la sélection à l’entrée àl’université. Ce jour était symboliquepuisque c’était celui retenu par laministre pour annoncer les premiersrésultats de Parcoursup. À grands ren-forts de communication, elle s’est félici-tée de son fonctionnement alors quepourtant 400 000 élèves restaient sansréponse d’affectation. À l’issue de la manifestation, des étu-diant.e.s et des lycéen.ne.s se sont intro-duits dans le lycée Arago à Paris pour ytenir une AG et débuter une occupation.Ils et elles en ont été violemmentdélogé.e.s à 20 heures par la police.Cent deux personnes, dont plus de qua-rante mineurs, ont été interpellés, enfer-més pendant quatre heures dans descars de police, mis en garde à vue durant

quarante-huit heures, sans que lesparents des lycéen.ne.s ne soient pré-venus, puis déférés devant un juge dutribunal de grande instance de Bobignypour un rappel à la loi. Une telle répres-sion n’a pas d’équivalent au cours descinquante dernières années.

ÉGALITÉ, JUSTICE SOCIALE ET SOLIDARITÉEnfin, le 26 mai, le SNESUP-FSU et laFSU appelaient, avec plus de soixanteassociations, syndicats et partis poli-tiques unis, à manifester, dans le cadred’une « marée populaire » à l’initiatived’Attac et de la Fondation Copernic,pour l’égalité, la justice sociale et lasolidarité, mises à mal dans tous lessecteurs par la politique libérale du gou-vernement d’Édouard Philippe et duprésident de la République EmmanuelMacron (contre-réforme sociale du droitdu travail, réforme fiscale au bénéfice

des plus riches et au détri-ment des plus modestes,transformation de la SNCFen société anonyme etabandon du statut de che-minot, politiques d’austé-rité dans les servicespublics, intégration desmesures de l’état d’urgence

dans le droit commun, loi asile et immi-gration, loi sur le secret des affaires, loiORE…). Ces manifestations ont ras-semblé près de 250 000 personnes par-tout en France dont 80 000 à Paris, letout dans un climat festif, sans violencemalgré quelques charges de CRS en têtede manifestation. Durant le mois de mai, nous avons unefois de plus été nombreux et nombreusesà nous mobiliser pour défendre unesociété plus juste et un avenir plushumain. La violence du gouvernement etson intransigeance ne nous découragentpas. Nous poursuivrons la défense denos métiers, de nos missions, de nosconditions de travail et de nos valeurs touten proposant des alternatives : « Créer,c’est résister. Résister, c’est créer. » l

LOI ORE ET PARCOURSUP

Continuons ensemble à défendreun autre modèle de société !

Dans un contexte de dégradation de la fonction publique au bénéficedes entreprises privées et de régression des droits sociaux des agentsde l’État, la mobilisation des enseignants, des chercheurs et des étudiantsse poursuit pour défendre une société plus juste et un avenir plus humain.

➔ par Hervé Christofol , secrétaire général

Début mai, sur ordre du gouverne-ment, les président.e.s des univer-

sités, les recteurs ou rectrices, ont eurecours aux forces de l’ordre, pourdébloquer les sites universitaires encoreoccupés, avec la volonté claire d’inti-mider les étudiants mobilisés et de faireplace nette pour la tenue des examensmais également d’étouffer le mouve-ment de contestation de la loi ORE et dela plate-forme Parcoursup.Dans le même temps, le SNESUP-FSU,avec d’autres organisations syndicales,appelait les collègues à se mobiliserdurant tout le mois de mai, à se mettreen grève et à manifester dans des cor-tèges partout en France pour répondreaux attaques violentes et incessantes, etsur tous les fronts, du gouvernement.Le 16 mai, nous étions 10 000 à défilerpartout en France et un millier à Paris àl’appel de l’intersyndicale de l’ensei-gnement supérieur et de la recherche(CGT, FSU, Solidaire, UNEF, UNL, UNL-SD, FIDL, ASES, SLU) pour rappeler l’ur-gence d’un investissement permettantde poursuivre la démocratisation de l’ac-cès à l’enseignement supérieur, de finan-cements pérennes pour la recherchepublique et d’un système d’affectationdans le supérieur respectant les choixdes lycéens. À partir de mi-mai, bienque les deux tiers des examens se soientdéjà tenus, de nombreuses sessions ontété perturbées, reportées ou annulées àNantes, Rennes-II, Sciences Po Rennes,Paris Nanterre, Paris-VIII, Lyon-II, etc.pour dénoncer les conséquences dra-matiques de la loi ORE.

400 000 ÉLÈVES SANS AFFECTATION Le 22 mai, dans un contexte de dégra-dation accélérée de la fonction publiqueau bénéfice des entreprises privées et derégression des droits sociaux des agentsde l’État, les fonctionnaires étaient invi-tés, à l’appel des neuf fédérations syn-dicales de la fonction publique (CFDT,CFTC, CFE-CGC, CGT, FA, FO, FSU,Solidaires et UNSA), à manifester pour

t« Créer, c’est

résister. Résister,c’est créer. »

Stéphane Hessel

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Contre la casse du service public...

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Les premiers chiffres affichés surParcoursup furent une bien mauvaise

surprise ! La Cour des comptes, dans sonrapport d’octobre 2017(1), estimait, par sessimulations, à 148 000 sur 762 000 candi-dats (19,4 %) le nombre de candidatssans proposition à l’issue du premier tourdans le cas d’un algorithme d’apparie-ment satisfaisant à la fois les préférencesdes élèves et celles des filières, « algo-rithme (…) désormais courant dans beau-coup de pays pour gérer des problèmesd’allocation dans la sphère publique »(1).C’est ainsi qu’en 2017, APB avait proposéà 85,6 % des bacheliers, lors de la procé-dure normale, au moins une proposition,et à 57,1 % d’entre eux une propositioncorrespondant à leur premier vœu(2).Parcoursup réussit à déjouer les pronos-tics des plus Cassandre d’entre nous ! Le23 mai 2018, premier jour de publicationdes résultats de Parcoursup, 375 834 candi-dats sur 812 058 (soit 46,3 %) n’avaient pasreçu de proposition ou étaient en attentede place ! Cette diminution du taux d’af-fectation trouve son origine dans l’ab-sence d’appariement dans Parcoursup,c’est-à-dire dans la suppression de lahiérarchisation des vœux.

UN PIC À J+6 ET J+7Au 31 mai, soit à J+9, 29,9 % des candidatsn’avaient toujours pas reçu de propositionou étaient en attente de place. Et ils vontattendre longtemps pour recevoir uneproposition car les élèves chanceux ontsept jours pour répondre à un « oui » ouà un « oui si » parmi leurs propositionsd’admission tout en ayant la possibilité degarder leurs propositions « en attente ».C’est ainsi qu’on observe un pic desacceptations définitives à J+6 (+29 567candidats par rapport à J+5) et J+7(+32 820 par rapport à J+6). Depuis lafin de cette première phase de sept jours,le soufflé est retombé (J+7/J+8 : +16 416 ;J+8/J+9 : +10 880). Les candidats n’ayanttoujours pas de proposition ou qui sont enattente de place doivent donc encoreattendre que des places se libèrent pourremonter dans les classements et espérerrecevoir une proposition d’admission. Le« système » ne semble pas se décanter

assez vite, bloquant ainsi la « fluidité »tant vantée par la ministre de l’ESRI…Que dire de la violence psychologiqueexercée sur les lycéens quand elles/ilsdécouvrent leur classement situé très basdans la liste de la formation de leursrêves ? Comment dans ces conditions révi-ser sereinement pour le bac ? Commentêtre confiant dans son avenir ? D’autantplus que les critères de classement sontopaques et ont donc plus de chance d’êtresubjectifs. Parcoursup va-t-il se gripper ?Obliger les candidats à dire un « oui défi-nitif » à une formation non désirée ? Si onavait voulu faire fuir des candidats del’université publique vers les écoles pri-vées, on ne s’y serait pas pris autrement… La ministre et le porte-parole du gouver-nement, Benjamin Griveaux, n’hésitentplus à mettre la pression sur les candidatspour qu’ils/elles acceptent définitivementleurs propositions, reportant ainsi sur leursépaules, à la veille du bac, le poids d’uneresponsabilité qu’eux-mêmes refusent d’as-sumer. Le gouvernement reporte doréna-vant la responsabilité de l’accès aux étudessupérieures sur les établissements. Et pour-tant, c’est bien au gouvernement de per-mettre à la jeunesse d’accéder au plushaut niveau de qualification et de garan-tir la mixité sociale dans l’enseignementsupérieur. Cela ne peut se faire qu’endonnant les moyens humains et finan-ciers nécessaires pour que les collèguesexercent leur métier dans de bonnesconditions. Le nombre de postes gelésdans les établissements d’enseignementsupérieur ne reflète pas la volonté dugouvernement d’accueillir « avec plus d’hu-main » les futurs étudiants, alors mêmeque la Cour des comptes dénombre dixétablissements dont la situation financièreest dégradée, voire très dégradée !

AUTOCENSURE SOCIALE Pour les filières sélectives et les filièresuniversitaires où le nombre de candida-tures excède les capacités d’accueil, lesétablissements d’enseignement supérieursont tenus d’afficher désormais un tauxminimal de bénéficiaires d’une boursenationale de lycée à accepter dans la for-mation, taux calculé par les rectorats sur

la base du nombre de candidats boursiersde lycée par rapport au nombre total decandidatures(3). Ces taux sont très variablesentre formations et entre établissements.Par exemple, en droit, le taux de bour-siers de lycée minimal est fixé à 16 % àParis-VIII Saint-Denis contre 2 % seule-ment à Paris-I Panthéon-Sorbonne. Paris-Ia été ainsi moins demandé par les bour-siers de lycée que Paris-VIII. On assistedonc à de l’autocensure sociale.Le rôle d’émancipation de l’Université estprofondément remis en cause par le gou-vernement. Désormais, avec Parcoursup,c’est une logique de mise en concurrenceentre les bacheliers et entre les forma-tions qui prédomine. Avec la loi ORE,les lycéens deviennent des « entrepre-neurs d’eux-mêmes ». Les CV et lettresde motivation deviennent des critères desélection auxquels sont attribuées desnotes au même titre que les disciplines. Lecontrôle continu est détourné de sa fonc-tion pédagogique initiale. Parcoursup n’estpas seulement un outil technique de pré-inscription. Il instaure bel et bien un chan-gement de paradigme. l

(1) « Admission post-bac et accès à l’enseignement supé-rieur. Un dispositif contesté à réformer » : www.ccomptes.fr/fr/documents/40339.(2) www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid123318/propositions-d-admission-dans-l-enseignement-superieur-et-reponse-des-candidats-pour-2017-2018.html.(3) « Les pourcentages minimaux de boursiers de lycée dansParcoursup » : cache.media.eduscol.education.fr/file/flux_orientation/61/2/Fiche-16-Les-pourcentages_minimaux_de_boursiers_de_lycee_887612.pdf.

PARCOURSUP

Après la surprise, l’angoisse… et ensuite ?

Loin d’être un simple outil de préinscription, Parcoursup remet en cause le rôleémancipateur de l’Université, en instaurant un changement de paradigme oùprédomine une logique de concurrence entre les candidats et entre les formations.

➔ par Pierre Chantelot , secrétaire national

Le nombre de postes gelés dans les établisse-ments ne reflète pas la volonté du gouverne-ment d’accueillir « avec plus d’humain » lesfuturs étudiants (ici, la DGRH du MENESRI)…

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Tenter d’appréhender l’évolution del’emploi scientifique dans les établis-

sements publics d’enseignement supé-rieur sous tutelle du MESRI n’est pas unemince affaire. Le plus « simple » est sansdoute de recourir aux publications duministère et notamment à « L’état de l’en-seignement supérieur et de la rechercheen France » publié annuellement.Pour le dernier, publié en avril 2017, onpeut lire au chapitre 04 : « En 2015-16,92 200 enseignants sont en fonction dansles établissements publics d’enseignementsupérieur sous tutelle du MENESR. Les troisquarts de ces enseignants sont affectésdans les universités et 39 % des titulairessont des femmes. (…) On compte ainsi17,3 étudiants par enseignant du supé-rieur en France contre 15,8 en moyennedans les pays de l’OCDE. 61 % des ensei-gnants en fonction dans l’enseignementsupérieur appartiennent aux corps desenseignants-chercheurs (et assimilés) titu-laires. 24,5 % sont des enseignants nonpermanents et 14 % des enseignants dusecond degré. » On y apprend égalementque « [l]a catégorie des enseignants nonpermanents réunit les doctorants contrac-tuels effectuant un service d’enseignement(32 %), les attachés temporaires d’ensei-gnement et de recherche (20 %), les ensei-gnants non permanents des disciplineshospitalo-universitaires (22 %), les ensei-gnants associés (10 %), les enseignantsinvités (8 %), les lecteurs et les maîtres delangues (4 %), ainsi que les professeurscontractuels sur emplois vacants dusecond degré (4 %) ». Déjà cela permet de mieux saisir letableau 1 repris ci-dessous. Si les Étatss’ingénient à mettre partout des nombresen augmentation, les synthèses sont moinstriomphalistes.En prenant l’année 1992 comme base 100,on peut suivre la répartition par statut et

son évolution. Notamment la catégoriedes non-permanents qui passe de 100 à200 de 1992 à 2004 et qui se maintient àce niveau depuis.Toujours selon les mêmes sources, onobserve qu’entre 2011 et 2015 le nombred’enseignants passe de 97 900 en 2011 à90 939 en 2014. La hausse (relative) de2015 (92 200) est due à celle des non-per-manents, le nombre de PR, de MCF etd’enseignants du second degré restantstable. Par ailleurs, le nombre d’étudiants

par enseignant augmente et passe de 15,8en 2011 à 17,3 en 2015 (voir tableau 2).On pourrait compléter ces tableaux par la« Note Flash » de la SIES (n° 14, octobre2017) qui constate qu’«[e]n 2016, les orga-nismes de recherche soutiennent l’emploides chercheurs, même si leur effectif totalde R&D poursuit sa baisse. Fin 2016, lesétablissements publics à caractère scienti-fique et technologique sous tutelle de l’État(EPST) et effectuant des travaux de R&Demploient 56 720 personnes rémunérées(tous statuts et contrats confondus). Ceteffectif baisse de 1,3 % sur un an, après desreculs de même ampleur en 2014 et 2015(respectivement –1,4 % et –1,6 %) ; depuis2010, il s’est réduit de 6,3 % ».Si l’on considère les états dressés parCatherine David concernant les moyenshumains de la recherche et développe-ment, elle souligne bien que « depuis2002, les chercheurs des entreprises sontplus nombreux que ceux travaillant dans

les administrations et représentent, en2014, 61 % de l’ensemble des chercheurs ».Du coup, les chiffres clés qu’elle donne neconcernent que les effectifs des cher-cheurs en entreprises. Le comparatif entre-prise/public indique tout de même inci-demment : « La part des femmes parmi lepersonnel de recherche s’élève à 30 % en2014. Elle est plus faible parmi les cher-cheurs (26 %) que parmi les personnels desoutien (38 %). Elle est également plusfaible dans les entreprises (22 %) que dans

les administrations (42 %). » Serait-ce quel’entreprise n’a pas que des vertus ? Sansdoute par souci d’objectivité, il y est ditégalement : « Dans les administrations,plus de trois personnels de recherche surquatre sont titulaires de leur poste. Lestitulaires sont proportionnellement plusnombreux parmi les personnels de sou-

tien (88 %) que parmi les chercheurs(71 %), une partie de ces derniers étant desdoctorants. » Autant dire qu’au moins30 % des chercheurs ne sont pas titu-laires. Et comme il s’agit d’emplois publics,où est le non-dit ? Il est vrai qu’il estinjuste d’affirmer que rien n’est dit surles moyens humains de R&D du secteurpublic car nous avons, en pourcentage, lapart des titulaires sur quatre ans. Et làencore les états ministériels sont clairs :elle baisse de 69,8 % en 2011 à 67,9 % en2014 (voir tableau 3) ! l

RECHERCHE

Le ministère reconnaît que les emploisde chercheurs baissentSelon les derniers chiffres du ministère, les emplois scientifiques continuent à décroître.Ainsi, dans les EPST effectuant des travaux de R&D, l’effectif s’est réduit de 6,3 % depuis 2010.

➔ par Alet Valero , coresponsable du secteur Recherche

1992 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016Professeurs 100 130,9 132 133,1 133,9 134,1 135,1 136,2 137,1 137,9 139,1 139,8 139,8 139,1Maître deconférences 100 146,5 148,9 151,3 153,4 153,3 153 154,2 154,8 155,2 155,2 156 156 154,4

2nd degré dans le sup. 100 154,5 154,1 151,4 154,2 158 154,3 149,3 148,2 151,1 150,2 150,3 151 152,1

Enseignants 100 201,4 200,6 202,3 197,4 197,8 210,4 202,8 207,9 193,4 187,6 194,1 184,4 196,6non permanents

Tableau 1. Évolution des effectifs enseignants en fonction dans l’enseignement supérieur entre 1992 et 2016

Sources : graphique 04.05a, publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/10/EESR10_ES_04-les_personnels_enseignants_de_l_enseignement_superieur_public_sous_tutelle_du_menesr.php#ILL_EESR10_ES_04_05a ; publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/10/source-MENESR_DGRH.php.

Sources : « L’état de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESRI) années 2011-2016 », « Les personnels enseignants de l’enseignement supérieurpublic sous tutelle du MESR », Marc Bideault.

Etudiants par Et/ens. 2nd degré dans NonAnnées Enseignants enseignant OCDE PR MCF le supérieur permanents(Et./ens.)2011-2012 97 900 15,8 – 20 018 36 439 13 284 28 1212012-2013 91 300 15,5 15,6 20 245 36 370 13 084 21 5692013-2014 91 800 15,6 14,4 20 353 36 555 13 069 21 7932014-2015 90 939 Non renseigné – 20 348 36 555 13 129 20 9072015-2016 92 200 17,3 15,8 20 252 36 184 13 221 22 591

Tableau 2. Enseignants exerçant dans des établissements publics d’enseignement supérieur

Sources : « L’état de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESRI) »,« Les moyens humains de la recherche et développement », Catherine David.

Années Chercheurs (%)2010 Non renseigné2011 69,82012 69,22013 68,42014 67,92015 Non paru2016 Non paru

Tableau 3. Les moyens humains de la R&D.Part des titulaires parmi les personnels de R&D dusecteur public et des ISBL(*) en personnes physiques

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Dans notre numéro 663 (mars 2018,p. 7), nous vous informions que le

SNESUP, à la suite du rejet par le tribunaladministratif (TA) de Strasbourg d’unrecours contre l’élection de MichelDeneken, avait décidé d’interjeter appeldevant la cour administrative d’appel deNancy et de poser une question prioritairede constitutionnalité (QPC). Cette voiede recours a pour objet de faire apprécierpar le Conseil constitutionnel la conformitéde l’article L. 712-2 du Code de l’éducation– qui régit l’élection du président d’uni-versité – à l’article 1er de la Constitution :« La France est une République indivi-sible, laïque, démocratique et sociale. »Dans son jugement du 6 avril, la couradministrative d’appel de Nancy a estiméque la QPC était « sérieuse » et l’a transmise

au Conseil d’État, auquel il appartientdésormais de décider de la soumettre ounon au Conseil constitutionnel. Cette étapeest donc décisive. Le ministère a volé ausecours de Michel Deneken, ancien pre-mier vice-président et successeur d’AlainBeretz promu directeur général de larecherche et de l’innovation, en dépo-sant un mémoire en défense.Il est à noter que, dans son analyse de la

décision du TA de Strasbourg, la revueActualité juridique - Fonctions publiques(*)

souligne que le TA de Strasbourg a évité derépondre à la question de la compatibilitéentre les fonctions de président d’universitéet la qualité de prêtre, « cumul qui soulèveindéniablement des interrogations ». Et l’au-teur d’ajouter : « Si les spécificités du droituniversitaire ne faisaient certes pas obs-tacle à ce qu’un prêtre devienne enseignant-chercheur, la compatibilité entre l’état ecclé-siastique et les fonctions de présidentd’université était en revanche discutable. »Le SNESUP ira jusqu’au bout de cecontentieux avec pour enjeu la clarifica-tion de la définition et l’étendue du prin-cipe de la laïcité dans l’enseignementsupérieur public. l

(*) AJFP, Dalloz, mai-juin 2018, p. 168-171.

SÉNÉGAL

Du non-paiement des bourses à la mort d’un étudiant mobiliséLe retard de paiement des bourses universitaires au Sénégal a une nouvelle fois été à l’origined’un mouvement de protestation, dont la répression par le recteur de l’université Gaston-Berger (UGB) de Saint-Louis a abouti à la mort par balles d’un étudiant.

➔ par les secteurs Droits & Libertés , Service publicet Situation du personnel

➔ par Pierre Chantelot , secrétaire national

Comme d’habitude, hélas, le paiementdes bourses étudiantes au Sénégal a

connu un retard (de même que les salairesdes collègues). Il faut savoir que lesbourses permettent de payer le loyer deschambres étudiantes souvent surpeuplées.Il est courant de voir quatre jeunespartager 10 m2 pour réviser, faire la cuisineavec un seul robinet d’eau, souvent àsec, par étage. Un retard de paiement debourse a des conséquences immédiatessur la vie de l’étudiant.Le 15 mai, les étudiants de l’universitéGaston-Berger (UGB) de Saint-Louisavaient décidé de se rendre au restaurantuniversitaire, qui est de statut privé, sanspayer parce que l’État ne leur avait tou-jours pas versé leurs bourses. Habitués àgérer la pénurie avec beaucoup d’ima-gination, les étudiants s’étaient engagésà ce que les sommes avancées par le res-taurateur privé puissent être défalquées

de la bourse des étudiants concernés.Le recteur de l’université s’y est opposé. Ila d’abord menacé les étudiants par unenote d’information, avant de requérir lagendarmerie pour le lendemain. Lors d’af-frontements entre les gendarmes et lesétudiants, l’étudiant Mouhamadou FallouSène est mort par balles. À la suite de cesévénements tragiques, le recteur a étédémis de ses fonctions tout comme ledirecteur du Crous.Le président de la République, Macky Sall,après avoir rencontré les étudiants del’UGB pour leur présenter ses condo-léances, a reçu le lundi 28 mai les repré-sentants des étudiants des cinq universitésdu pays. Ces derniers ont alors obtenu duchef de l’État une revalorisation de 10 %des bourses et une baisse de 50 % destarifs de restaurant.Plus généralement, le Sénégal a bien dumal à offrir une perspective d’études uni-

versitaires à une jeunesse dont la propor-tion qui accède au bac, premier diplômeuniversitaire, ne cesse de croître. En 2012,l’effectif des élèves de terminale était de78 000, si le rythme d’augmentation desannées antérieures se maintenait, il devraitatteindre 174 000 en 2022(*). Par exemple,l’université Cheikh-Anta-Diop (UCAD), quiemploie 1 329 enseignants-chercheurs, aune capacité d’accueil réelle de23 253 places mais avait un effectif de75 188 étudiants en 2012. Même si la Francefait moins rêver les étudiants sénégalais, ilssont encore près de 7 460 à y poursuivreleurs études, espérant de meilleures condi-tions de travail. La coopération scientifiqueet fraternelle, plutôt que la captation des« cerveaux », doit demeurer la base desrelations entre nos deux pays. l

(*) ifgu.auf.org/media/document/Plan_de_developpement_de_lenseignement_superi_eur_et_de_la_recherche_PDESR.pdf.

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Nouvelle étape pour la QPC du SNESUP qui pour-rait être soumise au Conseil constitutionnel.

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ DU SNESUP

Rebondissement dans l’affaire du prêtreprésident de l’UnistraDans un jugement du 6 avril, la cour administrative d’appel de Nancy a jugé recevable laQPC du SNESUP et l’a transmise au Conseil d’État, qui décidera de la soumettre ou non auConseil constitutionnel.

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Staps Nanterre : un classementocculte et autoritaire

A lors que les lycéens et leurs familles reçoivent depuis le22 mai les réponses aux vœux exprimés sur Parcoursup, il

semble important de rendre publiques quelques réalités sur lesconditions d’élaboration de certains de ces classements.À l’UFR Staps de l’université Paris Nanterre, des enseignants-chercheurs inquiets quant aux conséquences de la loi ORE ontmanifesté le 5 avril dernier, par un vote à bulletin secret (79 %du personnel s’est exprimé : 30 pour, 19 contre, 3 abstentions),leur volonté de ne pas participer à une forme de sélection àl’entrée de l’université, en demandant la dissolution de la com-mission chargée de classer les candidatures. La question desblocages étudiants et les débats sur les conditions de passagedes examens ont monopolisé le débat public et la présidencede l’université pendant de longues semaines. Ce n’est que le11 mai que nous avons appris qu’une nouvelle commissionallait être nommée. Lors d’un conseil d’UFR le 17 mai, nousavons finalement été informés que, deux jours auparavant, deuxcollègues avaient été « réquisitionnés » (chose surprenante car iln’y avait à notre connaissance qu’un seul gréviste parmi tout lepersonnel) pour signer un classement déjà effectué selon desmodalités non divulguées à ce jour. Ni les candidats, ni les per-sonnels de l’UFR Staps ne connaissent la méthode de classement,le procédé pour départager les ex aequo, le nombre de « oui si »et les moyens de leur accompagnement…En signe de protestation contre la brutalité et l’opacité de cemode de gouvernance, incompatible avec les usages et valeursdémocratiques en vigueur au sein de la communauté universitaire,un grand nombre de responsables de diplôme ont décidé demettre un terme à leurs responsabilités (quasi bénévoles) depilotage des diplômes à compter de la rentrée 2018.Cette réalité, également observée dans d’autres UFR, contrastesingulièrement avec celle décrite par un article du Monde (« Par-coursup : un classement des candidats au millimètre en Staps »,21 mai 2018) et les déclarations de la ministre, Madame Vidal. l

Le comité de mobilisation de l’UFR Staps Nanterre

Mise en place d’un comitéde mobilisation des personnels

Dès l’automne 2017, l’intersyndicale (FSU, CGT, SUD) a orga-nisé des assemblées générales (AG) pour présenter les

logiques de la loi ORE et aborder les conditions de travail,dégradées notamment par l’insuffisance récurrente de moyens.Ce constat et les inquiétudes engendrées par Parcoursup ontdépassé le cadre de l’intersyndicale, élargie en comité de mobi-lisation des personnels. AG, manifestations, films, débats, etc.ont rythmé ces derniers mois. Plusieurs centaines de collèguesont soutenu la mobilisation, principalement dans les secteursALLSH et sciences, deux UFR qui ont connu une mobilisationétudiante. Même si le président de l’université la réduit aux graffitis étu-diants des derniers jours, la mobilisation a permis d’obtenir

son accord de principe sur la publication des algorithmes locauxpour toutes les formations, ainsi que des arrêtés de compositiondes commissions des vœux sur le site Internet de l’université. Mi-juin, les comités de mobilisation discuteront des formes quela mobilisation prendra en septembre pour contrer les méfaitsde Parcoursup. À suivre donc… l

Le bureau de la section SNESUP d’Aix-Marseille Université

Mobilisation inégale contrela loi ORE et Parcoursup

La mobilisation contre laloi ORE et Parcoursup a

été inégale : de forte en SHSà presque inexistante enS&T. Face à un présidentd’université faisant systéma-tiquement appel aux forcesde police pour s’opposeraux blocages de bâtiments,

déversant massivement dans les médias locaux des messagesusant d’exagérations, d’amalgames, voire de contre-vérités, touten éludant toute discussion de fond avec les personnels, lesétudiants et les instances, les syndicats de la FSU dont le SNESUPet le SNEP en première ligne, se sont efforcés de rétablir lesfaits, d’informer et de mobiliser les personnels, et d’organiserle contournement des dispositifs Parcoursup.Dans ce contexte difficile et tendu, l’interpellation de la directionde l’université, notamment pour aligner les données d’appelsur le nombre de vœux, a été suivie d’effet dans la plupart desfilières SHS. En revanche, cette mesure n’a pas été mise enœuvre en S&T au point que nous craignons désormais quecertaines licences se retrouvent en sous-effectifs à la rentrée. l

La section SNESUP de Grenoble

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Défendre les libertés académiques au sein des universités et des établissements d’enseignement

supérieur forme finalement la plus pertinente façon de résister à la marchandisation de l’enseignement

supérieur lancée depuis le processus de Bologne. En effet, il s’agit d’un bien immatériel par excellence

et de la source même de la création et du renouvellement des savoirs fondamentaux dont « la

société de la connaissance » dépend intrinsèquement, selon ses propres doctrinaires.

Comme le rappelle notre dossier, ces libertés fondamentales de recherche et d’enseignement, peu

encadrées juridiquement, sont néanmoins fondées sur l’indépendance des enseignants-chercheurs

garantie par la Constitution. Elles transcendent donc de droit les chartes, règlements et référentiels

débilitants dans lesquels la bureaucratisation néolibérale à l’œuvre dans les universités voudrait les

passer à la moulinette. Le cas du protocole du service de la communication de l’université de

Strasbourg forme un bon exemple d’autoritarisme soft et de défiance à peine masquée. Mais à l’heure

des mobilisations des étudiants et des personnels contre la loi ORE et surtout des violences policières

démesurées qui se sont multipliées sur les campus, c’est la question des franchises universitaires que

nous mettons en lumière à travers un article central qui fait le point sur l’état du droit en la matière. Si

les universités ont pu commémorer le cinquantenaire de Mai 68, notre dossier invite aussi à garder

vivante la mémoire de la fondation médiévale des universités européennes qui résonne dans leur

extraterritorialité vivace contre le désordre établi par des politiques injustes, brutales ou absurdes.

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Menace(s) sur les libertés académiques‘ Dossier coordonné par Isabelle de Mecquenem

et Christophe Voilliot

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Un choix de recherche qui mène à l’exclusionprofessionnelle

À cause de l’alignement de l’économie sur les standards américains, la tradition

hétérodoxe est en train de s’éteindre. Témoignage amer d’un économiste atterré.

En France, nous disposons d’une traditionde recherche en économie politique

d’une extraordinaire qualité. Pour ne citerqu’eux, Michel Aglietta, Robert Boyer ouAndré Orléan ont déployé une analyse ducapitalisme d’une telle portée qu’elle feraitd’eux des stars mondiales de la disciplines’ils étaient américains.Malheureusement, il s’agit là de retraités.Certes, Frédéric Lordon, Bruno Amable ouFlorence Jany-Catrice sont plus jeunes, maisle constat est net : la tra-dition hétérodoxe en éco-nomie en France, qui fai-sait venir à Paris desdoctorants venus du Brésilou du Japon, est en trainde s’éteindre.Comment en est-on arrivélà ? Par la normalisation denotre discipline et son ali-gnement sur les standardsaméricains, qui ont fait de la formalisationmathématique, de l’individualisme métho-dologique, et de la sanctification des marchésles piliers de la science économique mon-diale. Aujourd’hui, il est devenu à peu prèsimpossible de rédiger une thèse d’inspirationmarxiste, ou même keynésienne. Ou alors,si on le fait, c’est le chômage assuré.

Déconstruire le discours économiqueJ’en ai fait moi-même l’expérience. Alorsque j’avais été reçu premier au concoursd’entrée dans la section économie-gestionde l’École normale supérieure de Cachan,j’avais dès ce moment-là (1994) intégré lefait que les idées – keynésiennes, àl’époque – que je défendais compromettaientmon avenir professionnel.J’ai tout de même rédigé une thèse critiquesur les politiques d’emploi recommandéespar l’Union européenne (UE), et même…sans maths ! Je dénonçais le discours déve-loppé par l’UE car je pensais, comme leregretté Bernard Maris, que l’économie étaitavant tout un discours, et souvent un dis-cours imposé.À la suite de cette thèse, malgré mon pedi-gree de normalien agrégé de sciencessociales, et deux ans passés à Harvard aprèsma thèse, je n’ai intéressé aucune université.Trop hétérodoxe, pas assez de publications,trop vieux (34 ans déjà), les « bonnes raisons »ne manquaient pas.

Un recrutement local… injuste ?J’ai malgré tout réussi à me faire recruter parl’université Paris-VIII, plus précisément parson Institut d’études européennes (IEE), petitîlot pluridisciplinaire à l’époque (2008) trèsà gauche puisque, outre Bernard Maris, ony trouvait Jacques Nikonoff, opposé à l’euro,ou le sociologue Pierre Cours-Salies, prochede la gauche radicale européenne.J’avais terminé ma thèse à l’IEE, où l’on étaitsatisfait de moi comme enseignant, dans ce

lieu qui avait la lucidité dene pas souhaiter former defuturs « chercheurs »,comme le font tant dedépartements universitairesparesseux, mais de prépa-rer nos étudiants au mondedu travail, à la vraie vie.Bref, je fus recruté « à l’an-cienne », c’est-à-dire defaçon « locale », parce

qu’on me connaissait et que l’on n’avait pasde raison de ne pas me garder. Autant direque les candidats extérieurs n’avaient aucunechance, ce qui était plus que problématique,mais fit néanmoins mon bonheur.

Faire la pédagogie de l’économieAujourd’hui, j’ai la chance de disposer d’unemploi de fonctionnaire, j’en profite doncpour me livrer à ma passion, qui est la péda-gogie de l’économie. Je le fais grâce à monblog hébergé par l’équipe d’Alternatives éco-nomiques, qui est sans doute le dernier bas-tion d’une presse économique progressisteet écologique en France, et auquel il fautabsolument s’abonner ! Je le fais aussi avecmes ouvrages. Le premier présentait les quatregrandes traditions économiques, libérale, key-nésienne, marxiste, écologique (La Disputedes économistes, Le Bord de l’eau, 2013). Puisj’ai rédigé mon premier manuel, pour expli-quer le fonctionnement du circuit écono-mique, et les solutions à apporter au chô-mage, à la dette et à la transition écologique(J’ai jamais rien compris à l’économie maisça je comprends, Tana, 2015). J’ai ensuiteconsacré un livre à la pensée de BernardMaris, dont l’assassinat le 7 janvier 2015dans les locaux de Charlie Hebdo m’a bouleversé (Bernard Maris expliqué à ceuxqui ne comprennent rien à l’économie, LesÉchappés, 2017). En écrivant, je deviens unmeilleur économiste.

La honte à la cantineMais les « vrais » économistes ne se livrentpas à ce genre d’échappée réflexive et encoremoins, ne concèdent à la vulgarisation. Ilscreusent leur sillon sur des sujets toujoursplus étroits, qui n’intéressent pas même leurpropre collègue de bureau, mais qui leurgarantissent des publications dans des« revues internationales à comité de lecture »,ce Graal qui obsède les économistes, désor-mais dès leur master.Et donc, je sais que ma carrière ne progresserapas. Je resterai « maître de conférences », etje ne passerai pas « professeur des universi-tés », parce que mon dossier scientifique estvide, ou à peu près. Pourtant, j’ai égalementpublié des dizaines d’articles dans Alternativeséconomiques (en plus du blog). Mais celanon plus ne compte pas.

Confort professionnel et désespoir démocratiqueIl n’est dès lors pas difficile de comprendrele conformisme de la majorité de mes collègues, quelles que soient leurs orienta-tions politiques (certains sont très à gauche,mais il est impossible de le deviner en lisantleurs publications). Et c’est ainsi que meurent les plus bellesidées, celles qui défendent une société plussolidaire, plus efficace (quel pire gâchis queles millions de chômeurs ?), et qui soit sou-tenable. Et pourtant on peut tout à faitdéfendre ces idées, sociales-démocrates ausens fort du terme, même malgré les poli-tiques de l’Union européenne, même dansla mondialisation. C’est ce que je proposede faire dans mon prochain ouvrage, intituléÉconomie : on n’a pas tout essayé ! (Le Seuil).Mais ces idées sont désormais évacuées desfacultés d’économie. Non pas seulement parcequ’elles sont critiquées par les économisteslibéraux, mais, encore plus fortement, parcequ’elles ne sont plus discutées, évacuées desprogrammes de cours et des manuels parceque jugées pas assez « scientifiques », trop« politiques » pour être dignes d’une discussion« universitaire ».Et c’est ainsi que, à leur petite échelle, leséconomistes universitaires, dans leur grandemajorité, alimentent le grand désespoirdémocratique de notre pays, chaque jourplus évident, en ne permettant pas aux étu-diant.e.s de trouver des solutions aux pro-blèmes de leur temps. l

‘ par Gilles Raveaud , maître de conférences en économie à l’université Paris-VIII Saint-Denis

tIl est devenu

à peu près impossible de

rédiger une thèse marxiste,

ou même keynésienne.

Ou alors, si on le fait, c’est

le chômage assuré.

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constitutionnelle « d’indépendance et d’entièreliberté d’expression » dont jouissent les ensei-gnants-chercheurs, enseignants et chercheursdans l’exercice de leurs fonctions d’enseigne-ment et de recherche (article L. 952-2 du Codede l’éducation). Après de multiples articles etprises de position nationales sur cette tentativede contrôler l’expression des personnels, leprésident décidait, dès le 11 octobre, de sus-pendre ladite « procédure presse ».

Si cette tentative n’est certai-nement pas la dernière, ellen’est pas non plus la première.Il est significatif de se remettreen mémoire qu’en 2012, peuaprès son élection à la prési-dence de Paris-Nanterre, Jean-François Balaudé, qui s’estrécemment illustré par unedemande d’intervention poli-cière particulièrement musclée,avait fait mettre à l’ordre dujour du CA du 22 octobre une

note relative aux relations à la presse, assezproche de celle de Strasbourg. Un élu duSNESUP avait demandé qu’elle soit retirée. Ils’est ensuivi la démission du vice-présidentcommunication. l

(1) Campagne d’évaluation 2016-2017 (vague C),rapport du 19 mars 2018.(2) fsusupalsace.files.wordpress.com/2017/10/mail_procc3a9dure_presse.pdf.(3) fsusupalsace.files.wordpress.com/2017/10/unistra_procedure_presse.pdf.

Des services communication de plus en pluspolitiques : retour sur la « procédure presse »de l’université de Strasbourg

Depuis la loi d’autonomie de 2007, et plus encore depuis la vague massive des fusions

et regroupements d’établissements, les services communication des universités

disposent de moyens conséquents et jouent un rôle de plus en plus politique. Celui

de l’université de Strasbourg s’est distingué en 2017 par une tentative, heureusement

avortée, d’encadrer la liberté d’expression des enseignants-chercheurs.

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Un colosse aux pieds d’argileLe service communication de l’université deStrasbourg comporte une vingtaine d’emplois,mais avec son réseau de correspondants dansles services et composantes, c’est au moinstrois fois plus de personnels qui se consacrentà des missions de communication. Les créditsengagés annuellement dépassent les 4 millionsd’euros. Après le licenciement d’un directeuressentiellement compétent dans le domainede la publicité, une ancienne directrice de lacommunication externe d’un Conseil généralpréside depuis 2012 à la destinée de ce servicestratégique. Malgré des moyens conséquentset un gros travail sur de nouveaux outils, ledernier rapport du HCERES(1) pointe une« communication externe peu structurée » etrecommande de « mettre en place un plan decommunication commun à l’ensemble del’université ». Le paradoxe est que, du côtédes personnels et de leurs représentants, ondéplore aussi un manque de structuration etd’efficacité de la communication interne, avecce reproche récurrent : « La com’ n’est pasassez à notre service. »

Un service très politiqueC’est que les missions de la communication,à Strasbourg comme dans bien d’autres uni-versités dites « d’excellence », sont essentiel-lement au service d’une politique, et priori-tairement au service de la présidence. Lacommunication institutionnelle prend uneplace centrale et sert avant tout le rayonne-ment national et international de l’université.Les liens très étroits établis de longue dateavec les grands médias régionaux – les DNAet L’Alsace ont « fusionné » et ont intégré lepôle presse du Crédit mutuel – permettentde soigner l’image du président et de fairepasser systématiquement la « bonne parole ».Au point que la section locale du SNESUPs’est indignée à plusieurs reprises du manqued’indépendance des DNA, qui a bien sûr soncorollaire dans les orientations très politiquesdu journal électronique de l’université, dontles colonnes ne sont ouvertes que depuis

peu aux élus d’opposition, après un combatd’une année. Mais cette petite concession àla démocratie n’a-t-elle pas été consentie pourfaire oublier une affaire qui défraya la chro-nique l’automne dernier ?

La tentation du bâillon Dans un message électronique du 5 octobre2017(2), le président de l’université informaittous les élus et les directions de composantesde l’existence d’une « Nouvelleprocédure pour les relationsavec la presse de l’Universitéde Strasbourg »(3) et de « lanécessité » pour tous les per-sonnels « de la mettre enœuvre ». Cette procédure faisaitobligation à tous les personnelsde l’université – « personnelsadministratifs » comme « ensei-gnants-chercheurs » – de sou-mettre tout projet de commu-nication à la presse au servicecommunication, dans un délai de dix joursau moins avant l’événement, et de ne com-muniquer aux médias qu’après « accord duservice de la communication ». La section du SNESUP-FSU a immédiatementdénoncé la transformation du service commu-nication en organe de centralisation, de contrôleet de possible censure de l’expression des per-sonnels et des enseignants-chercheurs. Par lecaractère obligatoire qu’elle comportait, cetteprocédure s’apparentait à une note de serviceet constituait une entorse au principe à valeur

‘ par Pascal Maillard , secrétaire académique, avec le secrétariat de la section

tLa communication

institutionnelle prend

une place centrale

et sert avant tout le

rayonnement national

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Les bâtiments de l’UFR demathématiques et d’informatiquede l’université de Strasbourg.

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Éloge de la biodiversité des savoirset des paradigmes

Initiateur de l’Appel des appels lancé en 2009 « pour résister à la destruction volontaire

et systématique de tout ce qui tisse le lien social », Roland Gori défend un modèle

reposant sur la biodiversité des savoirs, qui va à l’encontre de l’orientation scientiste

du ministre actuel de l’Éducation nationale.

Le ministre actuel de l’Éducation nationale,en charge des petits Français, est un uni-

versitaire brillant, au parcours exemplaire,désireux d’apparaître comme un des nou-veaux héritiers de la tradition des éruditshumanistes(1) dont la France s’est montréeéplorée et orpheline. Il déclare se référer à« l’esprit Montessori », en appelle à « la créa-tivité, la diversité des expériences(2) », et « enmême temps » nomme un Conseil scientifiquede l’Éducation nationale « endogamique »,désireux d’éclairer les managers des écolesmaternelles et primaires par la science posi-tive. Le ministre, « en même temps » qu’ilprononce un discours rassurant, humanisteet pluraliste, nomme un Conseil scientifiquede l’Éducation nationale à la tête duquel ilplace Stanislas Dehaene, éminent professeurde psychologie cognitive expérimentale auCollège de France, entouré de cognitivisteset de positivistes assumés.La démocratie et la science sont coextensives,elles exigent la diversité des points de vueet la confrontation des arguments. Elles sont« invention » et laissent une place à l’« indé-termination » (Claude Lefort). C’est leur gran-deur d’être projet avant que d’être pro-gramme, partage et discussion, avant qued’être instrumentation et application. Où sontla diversité et le pluralisme dans la compo-sition de ce Conseil ? Point de professionnelsde terrain, de cliniciens, de sociologues cri-tiques, d’historiens de l’éducation, de cher-cheurs critiques en sciences de l’éducation…Non, que des « partisans » de la connaissanceobjective, neutre, prompte à la mesure et àl’imagerie fonctionnelle du cerveau feignantd’oublier que parfois « les experts se trompentplus que les chimpanzés(3) ».

« J’aime trop la sciencepour être scientiste »J’ai été enseignant dans l’enseignement pri-maire, dans le secondaire et dans le supé-rieur, et je suis un partisan farouche desLumières et de la science. Je dirai, à lamanière dont Camus s’exprimait à proposde la Nation, « j’aime trop la science pourêtre scientiste ». Les neurosciences, fortesdes progrès techniques et scientifiques, sontindispensables à la formation des citoyens,

au premier rang desquels les enseignants.Dont acte. Mais, les connaissances demeurentextrêmement limitées quant au fonctionne-ment global du cerveau, et on ne sauraitprétendre, sauf idéologie, que la visualisationde signaux électriques ou de réactions chi-miques puisse, à elle seule,rendre compte des comporte-ments individuels et singuliers.Que deviennent les facteurssociaux et culturels d’appren-tissage dans ce type de modé-lisation ? Que devient Autruidans ce type de modèle, non-obstant les fameux « neuronesmiroirs » dont on nous rebatles oreilles ?Je suis favorable à la biodiver-sité des savoirs, et je ne vois pas sans plaisirémerger des paradigmes scientifiques quirappellent à tout un chacun l’ancrage cor-porel des pensées, la dépendance des com-portements à la matière vivante. Mais, fortdes travaux de Georges Canguilhem sur les-quels je me suis toujours appuyé, je distingue

radicalement la « rationalité » scientifiquede son « idéologie », résidu d’un « savoirparesseux » qui procède par extension hyper-bolique de résultats toujours partielset locaux. Les psychanalystes, hélas,

n’ayant pas pour leur part évitécette dérive. La promotion,aujour d’hui, de neuro-mana-gement, de neuro-leadership,de neuro-amitié, de « coachingindi viduel » des « cerveaux », réduisant l’engagement, laconfiance, la coopération, l’al-truisme et le bien-être des sala-riés au fonctionnement céré-bral, me semble davantagerelever de la propagande et du

commerce que de la science. Ce type d’idéo-logie et de pratiques emprunte à la scienceson vocabulaire déconnecté des exigencesde la méthode, trouve dans l’abus des méta-phores, et parfois dans la passion partisanedes scientifiques eux-mêmes, l’appui stra-tégique dont il a besoin.

‘ par Roland Gori , psychanalyste et professeur émérite de psychologie etde psychopathologie clinique à l’université Aix-Marseille

tQue deviennent

les facteurs

sociaux et culturels

d’apprentissage

dans ce type de

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Les neurosciences ne sauraient expliquer à ellesseules le fonctionnement global du cerveau.©

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En toute franchiseLa multiplication des interventions policières sur les campus universitaires ces dernières

semaines a mis en lumière la notion de franchise universitaire. Cet article vise à en

préciser le contenu et, incidemment, conduit à s’interroger sur la facilité avec laquelle

elle semble contournée aujourd’hui par celles et ceux qui nous gouvernent.

‘ par Christophe Voilliot , secrétaire national

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Une notion chargée d’histoireDans son énumération des compétencesexercées par le président d’université, l’articleL. 712-2 du Code de l’éducation précise qu’« ilest responsable du maintien de l’ordre et peutfaire appel à la force publique dans des condi-tions fixées par décret en Conseil d’État ». Cetarticle est la traduction assez restrictive d’unstatut d’exception dont les origines remontentà l’Université médiévale(1). En 1229, la répres-sion brutale d’une révolte étudiante par lagarde de Paris avait fait plusieurs morts ; àl’issue d’une grève de deux ans, une bullepontificale du pape Grégoire IX intituléeParens scientiarum universitas, datée du13 avril 1231, consacra l’indépendance juri-dique de l’Université(2). Ce n’était plus lepouvoir royal mais l’autorité religieuse quipouvait désormais décider d’une éventuelleintervention des forces de l’ordre, ou del’emprisonnement d’étudiants ayant commisdes délits. On retrouve ce statut particulierdans le décret du 15 novembre 1811 portantrégime de l’Université impériale. Son article157 énonce que « hors les cas de flagrantdélit, d’incendie ou de secours réclamés del’intérieur, (…) aucun officiel de police nepourra s’y introduire s’il n’en a l’autorisationspéciale de nos procureurs ». Ce décret consa-crait ainsi dans le droit public un principedu droit canon visant à garantir la libertéd’opinion et l’indépendance des facultés.C’est pourquoi, aujourd’hui encore, le terri-toire des universités n’est pas considérécomme relevant du domaine public.

Quels sont les contours de ce pouvoir depolice spéciale qui s’insère de facto dansune mission de police générale et dans unmonopole d’État ? Les seules exceptionsadmises à ce droit des présidents d’université

de décider seuls de l’opportunité d’une inter-vention de la police sur le territoire de l’uni-versité sont les cas de flagrants délits ou decatastrophes ou lorsque cette interventionrésulte d’une réquisition du parquet. Parailleurs, si la franchise universitaire ne s’étendpas nécessairement à l’ensemble des lieuxet bâtiments qui sont parties intégrantes descampus, elle concerne des périmètres assezlarges. L’article R. 712-1 du Code de l’édu-cation précise que la responsabilité du pré-sident de l’université concerne « les enceinteset locaux affectés à titre principal à l’établis-

tL’université est un lieu

d’éducation à la citoyenneté qui

repose sur la libre confrontation

des idées et des opinions.

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Contre les violences policières,à l’université Paris-VIII.

Il n’y a « que le néant qui soit neutre »

Et, maladroitement, Stanislas Dehaene, àpeine intronisé, n’a pas manqué une occasionde rejeter « l’idéologie » au nom de la scienceou de l’objectivité, en revendiquant la « neu-tralité » de la science pour plus d’efficacité.Ce n’est pas tenable, ni épistémologiquement,ni moralement, ni politiquement. Face à ceque Johann Droysen nommait une « neutra-lité d’eunuque », il nous faut rappeler avecJaurès qu’il n’y a « que le néant qui soitneutre ». Que devient, par exemple, l’œuvrede Paul Ricœur dans cette galère positivistequi, comme le disait Pierre Bourdieu (aïe,un sociologue critique !), procède d’« un

exercice hyperbolique de la rigueur métho-dologique à propos d’objets qui n’ont pas faitl’objet d’une critique rigoureuse »(4) ? Fort de mon expérience d’instituteur et deprofesseur, je me demande comment desdécisions pédagogiques vont « être éclairées »par des expérimentations « scientifiques »,des « plans expérimentaux ». Comment trou-ver de « bonnes solutions » pédagogiques àdes questions dont les objets auront été gros-sièrement définis par « une panoplie demachines qui observent le cerveau(5) » ? Ilfaut vraiment avoir peu d’expérience du soinou de l’enseignement dans des quartiers dif-ficiles pour oser une telle assertion ! l

(1) Jean-Michel Blanquer, Les Matins de FranceCulture, 27 juillet 2017.(2) Jean-Michel Blanquer, Les Matins de FranceCulture, 27 juillet 2017.(3) Un chercheur américain, Philip Tetlock, a mon-tré expérimentalement sur 150 000 prédictionsque les « experts » se trompent plus que des chim-panzés (lançant des fléchettes au hasard sur descibles représentant des chiffres) lorsqu’il s’agit defaire des prévisions sur plusieurs indicateurs (PIB,inflation...) pendant des années !(4) Pierre Bourdieu, cours au Collège de France(1998-2000), Manet. Une révolution symbolique,Seuil, « Raisons d’agir », Paris, 2013, p. 98.(5) Stanislas Dehaene, L’Invité-actu parCaroline Broué, France Culture, le 13 janvier 2018.

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sement dont il a la charge » et « s’étend auxlocaux mis à la disposition des usagers enapplication de l’article L. 811-1 et à ceux quisont mis à la disposition des personnels,conformément à l’article 3 du décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l’exercice dudroit syndical dans la fonction publique »,ainsi qu’à l’égard « de tous les services et orga-nismes publics ou privés installés dans lesenceintes et locaux précités ». Pour connaîtreavec précision le périmètre et l’autoritéconcernés, en particulier dans le cas où deslocaux sont partagés par plusieurs établis-sements, il est donc nécessaire de se référeraux arrêtés pris par le recteur, chancelierdes universités.

Vers un contournement systématique ?Pour quelles raisons les présidents d’univer-sité font-ils aujourd’hui quasi systématique-ment appel aux forces de l’ordre lorsques’ébauche un mouvement de protestationétudiant ? Le guide de la CPU propose unpremier élément d’explication(3). Il y est pré-cisé au chapitre III intitulé « La Police ausein de l’université » et à propos de l’appelà la force publique qu’une telle décision « seprend en liaison directe avec les services dela préfecture du département concerné et lecabinet du Recteur ». Qui du préfet ou duprésident est le premier à se saisir de sontéléphone ? La réponse varie vraisemblable-ment en fonction des circonstances ; ce sontdonc ces dernières qu’il faut prendre enconsidération. Dans certains cas, à Paris (Tol-biac) comme à Toulouse (Le Mirail), les pré-fets de police ont pu retarder une interven-tion qu’ils estimaient complexe. Il n’endemeure pas moins que la France a vécudurant plusieurs mois sous le régime d’ex-ception de l’état d’urgence. Dans ce cadre,

le plan Vigipirate a fait l’objet d’une appli-cation à l’ensemble des bâtiments et espacespublics, universités comprises. Tout cela alaissé des traces quant à l’acceptabilité de laprésence au quotidien des forces de l’ordre.Dans une récente dépêche d’agence(4), Ber-nard Toulemonde, IGEN honoraire, en déduitque « les établissements universitaires sonten réalité soumis au droit commun enmatière de police ». Lorsque le droit communremet en cause les libertés publiques, lesfranchises universitaires sont ainsi systéma-tiquement contournées par les pressions poli-tiques exercées sur les présidents d’université.À ces considérations générales s’ajoute unpoint de droit qu’il est important deconnaître : la Cour de cassation ne considèrepas l’occupation de locaux univer-sitaires comme une infractionpunie par le Code pénal(5). Il n’estdonc pas étonnant dans ces condi-tions que les présidents soient ins-tamment sollicités par les pouvoirspublics pour autoriser l’interventiondes forces de police en cas de blo-cages intentionnels. Les éventuellespoursuites judiciaires ne concer-neront pas alors le blocage lui-même mais la résistance à l’intervention desforces de police…

Une police peut en cacher une autreLes autorités policières ont toujours considéréavec méfiance les franchises universitaireset le contrôle exercé par le juge administratifsur l’emploi de la force publique. En effet,ce contrôle porte non seulement sur l’exac-titude matérielle et la qualification juridiquedes faits, mais aussi sur l’adéquation desmoyens aux fins. Ce principe de proportion-nalité est au fondement d’une jurisprudencequi considère également que les activitésqui concernent des libertés garanties par laConstitution(6), comme par exemple l’égalitédevant la loi, bénéficient d’une présomptionde conformité à l’ordre public. On comprendmieux pourquoi les franchises universitairessont peu appréciées par ceux qui ont uneconception extensive du maintien de l’ordrepublic. En mai 1980, à l’issue d’une inter-vention dramatique sur le campus de Jussieu,le préfet de police de l’époque, Pierre Som-veille, déclarait déjà qu’il s’agissait d’unenotion « archaïque » ne reposant sur « aucunfondement juridique »(7).Aujourd’hui, la situation est toutefois quelquepeu différente : en plus de la présence poli-cière, on relève de plus en plus fréquemmentdes interventions qui sont le fait de sociétésprivées de surveillance et de gardiennage.Or, l’article L. 613-2 du Code de la sécuritéintérieure interdit aux agents de ces sociétés

de « s’immiscer, à quelque moment et sousquelque forme que ce soit, dans le déroule-ment d’un conflit du travail ou d’événementss’y rapportant ». Il leur est également interditde « se livrer à une surveillance relative auxopinions politiques, philosophiques ou reli-gieuses ou aux appartenances syndicales despersonnes ». Certes, les occupations ou pro-testations qui se déroulent sur les campusne sont pas toujours des « conflits du travail »stricto sensu mais la formule plus large« d’événements s’y rapportant » nous incite àconsidérer que cette disposition législativepeut s’appliquer aux situations que nousconnaissons actuellement. La loi qui est àl’origine de ces interdictions(8) entendaitd’ailleurs clairement limiter l’action de ce

que Georges Sarre qualifia lors dudébat à l’Assemblée nationale de« polices parallèles »(9).L’attachement des organisationssyndicales et de jeunesse à lanotion de franchise universitaires’explique aisément car elles consi-dèrent que l’université est un lieud’éducation à la citoyenneté quirepose sur la libre confrontationdes idées et des opinions. La fran-

chise universitaire est donc une liberté aca-démique à défendre. Cet attachement n’estpas nécessairement partagé par tous, en par-ticulier par le personnel politique et gou-vernemental « en marche », très réticent vis-à-vis de l’émancipation de la jeunesse, maisqui n’a pas forcément les mêmes scrupuleslorsqu’il s’agit de distribuer les coups dematraque. l

(1) Camille Fernandès, Des libertés universitaires

en France, thèse de doctorat en droit public, uni-versité de Besançon, 2017.(2) sourcebooks.fordham.edu/french/bul.asp.(3) www.cpu.fr/wp-content/uploads/2016/09/guide-President-web-.pdf.(4) Dépêche AEF n° 584175 du 17 avril 2018.(5) Charles Prats, « Blocages des universités etcode pénal : remplir le vide pour résoudre l’im-possible ? », Dalloz actualité, 13 avril 2018.(6) Stéphanie Hennette-Vauchez, « “… les droitset libertés que la constitution garantit” : quipro-quo sur la QPC ? », La Revue des droits de l’homme,n° 10, 2016, journals.openedition.org/revdh/2481.(7) www.lemonde.fr/archives/article/1980/05/21/il-n-y-a-pus-de-franchise-universitaire-declare-le-prefet-de-police-de-paris_2821277_1819218.html.(8) Loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementantles activités privées de sécurité. Voir Cédric Paulin,« Il y a plus de trente ans était votée la loi du12 juillet 1983 », Sécurité et Stratégie, n° 15, 2013,p. 41-51.(9) Assemblée nationale, « Activités privées desurveillance et de gardiennage et de transport defonds. Discussion des conclusions d’un rapport »,2e séance du 12 avril 1983, p. 263.

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tLa franchise

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trouvent au cœur du propos et sont conçuescomme la plus solide source de découverteset de progrès scientifiques qui déterminentle développement économique. C’est à ceuxqui ne raisonnent qu’en termes d’innovationdisruptive de le comprendre, puisqu’ils lor-gnent constamment sur de nouveaux brevets.Les rapporteurs rappellent bien sûr que le« contexte de l’exercice de la recherche s’estprofondément modifié sur les plans politique,économique et sociologique » au cours desdernières décennies, mais que ces mutationsne doivent pas devenir pour autant des argu-

ments d’aliénation et d’asservisse-ment. Sont ainsi pointées les poli-tiques contractuelles et lesnouvelles règles découlant desfinancements internationaux quiont créé des contraintes si fortesque le chercheur a pu renoncer àses propres exigences. Les dérivesmanagériales qui pèsent désormaissur la recherche sont clairementdésignées comme le facteur le plusdélétère, et doivent être mises sur

le même plan que la censure de la recherchescientifique au sein de dictatures à fonde-ments théologico-politiques.

Rôle clé de la recherche fondamentaleCe texte salutaire et rafraîchissant remet lespendules à l’heure quand il opère la « défensedu libre choix, par le chercheur, de ses sujets

de recherche » et rappelle le rôle clé de larecherche fondamentale, « moteur principaldu progrès de la connaissance, mais aussiporteuse de découvertes à très fort poten -tiel d’application ». Un rééquilibrage entre lesdotations récurrentes et structurantes doitêtre ainsi effectué par rapport aux contrats,et il s’agit évidemment d’un choix poli -tique. La qualité de la recherche dépend dusoutien à des équipes de bon niveau, mêmeet surtout quand les objectifs de recherchene correspondent pas aux demandes desappels à projets.La question cruciale de la publication et dela diffusion des résultats de recherche estaussi abordée, au sein des communautés derecherche mais aussi auprès du public, enrappelant qu’il s’agit d’une responsabilitédes chercheurs et non d’une vulgarisationcondescendante. Les restrictions politiquesà la liberté de diffusion des idées, des hypo-thèses et des résultats scientifiques formentla principale interrogation du comitéd’éthique, qui s’inquiète également d’un nou-veau genre de négationnisme scientifique etde doctrines scientifiques officielles, commele créationnisme, de la part d’États qui pré-fèrent les régressions et l’obscurantisme à lavérité toujours provisoire selon des sciencesouvertes à la critique rationnelle. l

(*) Avis n° 2018-35 approuvé en séance plénièredu Comets le 1er février 2018.

Héritage de la franchise universitaire médié-vale qui conférait une indépendance à

l’Université à l’égard des pouvoirs institués,la liberté de recherche et d’enseignement aété explicitement entérinée par le Code del’éducation (article L. 952-2). Principe fonda-teur que les enseignants-chercheurs peinentcependant de plus en plus à invoquer dansun environnement faisant prévaloir des impé-ratifs extrinsèques de rentabilité, si ce n’estpour tenter de résister pied à pied aux mul-tiples injonctions qui dénaturent leurs mis-sions et les émiettent en tâches de plus enplus étriquées. L’ère des référentiels débilitantsveut sonner le glas d’une liberté statutaire etd’une indépendance constitutionnelle litté-ralement insupportables à toutes les formesde pouvoir. En effet, l’obsession de contrôleet le règne du non-sens caractérisent labureaucratisation néolibérale des métiers dela recherche et de l’enseignement.

Répondre aux nouveaux défis planétaires De ce point de vue, le récent avis du comitéd’éthique du CNRS intitulé « Libertés et res-ponsabilités dans la recherche académique »(*)

redonne toute sa plénitude au principe de laliberté académique, au point que ce textemériterait d’être affiché en gros caractèresdans toutes les zones à risques et à tous lescheck points de la soumission volontaire sta-tufiée. Au demeurant, le Comets avoulu aussi apporter une contribu-tion et un éclairage en vue de l’ac-tualisation d’une recommandationde l’Unesco portant sur la scienceet les chercheurs scientifiques datantde 1974. L’instance internationale alancé ce processus sous forme d’unelarge consultation commencée en2016, en voulant corréler la libertéà la responsabilité écologique etsociétale de la recherche afin derépondre aux nouveaux défis planétaires.Loin de décliner des énoncés tautologiques,l’avis du Comets remet à l’ordre du jour lesfondements de la recherche scientifique quiont tendance à être complètement bafouéspar des choix politiques obtus. La liberté intel-lectuelle du chercheur académique et lesconditions matérielles de cette autonomie se

COMITÉ D’ÉTHIQUE DU CNRS : UN TEXTE SALUTAIRE

Vive la liberté de chercher !

À rebours de discours dominants, un récent avis du comité d’éthique du CNRS (Comets)

souligne l’importance stratégique de la recherche fondamentale et rappelle le principe

foncier du libre choix des sujets de recherche par les chercheurs eux-mêmes.

‘ par Isabelle de Mecquenem , membre de la Commission administrative

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RÉFÉRENTIEL MÉTIER DE L’ENSEIGNANT-CHERCHEUR

Normalisation et marchandisation

Le projet de référentiel métier de l’enseignant-chercheur transmis parle ministère, dont le SNESUP récuse le caractère normatif, porte une visionfondamentalement contraire aux principes de liberté et d’indépendancedes enseignants-chercheurs dans l’accomplissement de leurs missions.

Le 9 février, une consulta-tion sur le référentiel métier

de l’enseignant-chercheur(EC) s’est tenue au ministèreavec les organisations repré-sentées au Comité techniquedes personnels de statut uni-versitaire (CTU). À cette oc-casion, les organisations syn-dicales (OS) ont découvertqu’un groupe de travail s’étaitréuni régulièrement sur cettequestion depuis la clôture del’agenda social en juin 2016.Ce groupe était composé desreprésentants des services duministère de l’Enseignementsupérieur, de la Recherche etde l’Innovation (Dgesip,DGRI, DGRH, IGAENR), dela Commission permanentedu Conseil national des uni-versités (CP-CNU), de laConférence des présidentsd’université (CPU), de laConférence des directeurs desécoles françaises d’ingénieurs(CDEFI), de l’Association desvice-présidents d’université encharge des ressources hu-maines, du réseau des vice-présidents formation et vieuniversitaire (CFVU), du ré-seau des ÉSPÉ, ainsi que deréseaux associatifs ou profes-sionnels dédiés principale-ment à la pédagogie (Réseaudes services universitaires depédagogie, Anstia, AIPU sec-tion France, réseau Pensera,association Promosciences). Devant un tel passage en for-ce, la majorité des OS dont leSNESUP avait récusé la dé-

marche d’élaboration du do-cument et son contenu.Le projet de référentiel métierde l’enseignant-chercheurtransmis par le ministère dansla perspective de la réunionprévue début juin 2018 re-prend, à quelques modifica-

tions mineures près, le texteinitialement porté à notreconnaissance lors de la ré-union du 9 février, compre-nant trois parties : une pré-sentation liminaire précisantle statut du texte, ses objectifset les modalités de son éla-boration ainsi que le contex-te plus général dans lequels’inscrit son élaboration, uneprésentation des « activités »de l’enseignant-chercheur etle référentiel de compétencesproprement dit.Le référentiel, qui, selon lestermes du ministère, « n’a nivocation normative ni valeurréglementaire », se veut unedéclinaison des missions sta-tutaires sous forme d’activitéset contient des éléments surce que devrait être la forma-tion à l’enseignement des en-seignants-chercheurs, que ce

soit sous forme initiale (nou-veaux recrutés) ou continue.Il serait, toujours selon le mi-nistère, un outil au servicedu renforcement de l’attracti-vité du métier d’EC, voire devalorisation des compétencesdes EC.

Cependant, ce texte porte unevision fondamentalementcontraire aux principes de li-berté et d’indépendance desEC dans l’accomplissementde leurs missions. Lesexemples de parcours d’en-seignants-chercheurs tradui-sent une vision très hiérar-chisée des relations et descarrières, avec des responsa-bilités d’encadrement s’élar-gissant progressivement, à lamanière de carrières admi-nistratives, qui bannit impli-citement les responsabilitésélectives. Par les injonctionsrelatives à la personnalité desindividus, aux activités qu’ilsont à conduire et aux modesopératoires à adopter, direc-tement tirées de la vulgate

entrepreneuriale en vogue duNPM (new public manage-ment) dont il reprend la nov-langue, le projet de référentielne vise rien d’autre qu’à nor-mer l’exercice de notre pro-fession, et à substituer à lalogique de mission de servicepublic une perspective degouvernance privée, c’est-à-dire de gestion et de quanti-fication de la performance desagents en vue de l’évaluationde leurs activités et de leurmise en concurrence(1). Il sertenfin de guide potentiel pourle recrutement massif à venirde contractuels en lieu et pla-ce des EC titulaires dont onpeut craindre la disparitionà terme (cf. France Télé-com, La Poste, la SNCF)avec in fine celle du statutdes enseignants-chercheurs.Le SNESUP dénonce le ca-ractère normatif de ce texte.Cette pression normative seretrouve dans le logiciel ré-férencé ci-dessous(2) où l’ECdevient une marchandisedont il faut faciliter l’identifi-cation et la mesure de valeurdans le cadre d’un grandmarché de l’enseignement su-périeur et de la recherche !Ce document, par sa portéegénérale, excède largementle cadre de la discussion surla formation initiale à l’ensei-gnement. Celle-ci se met enplace dans les établissementspour la rentrée prochainesans que le ministère ait com-mencé à rédiger le cahier descharges prévu par les conclu-sions de l’agenda social. Enconséquence, les discussionsdoivent se recentrer sur le vo-let formation des enseignantset s’engager sur une tout autrebase que ce texte.Le SNESUP ne participera auxréunions sur le référentiel ECque si celles-ci se concentrentsur le volet formation des en-seignants et abandonnent cepremier document. l

(1) Un des objectifs du référen-tiel n’est-il pas de constituer uneréférence pour les enseignants-chercheurs en poste soucieuxde valoriser les compétencesqu’ils développent dans leursactivités ?(2) Extrait de la lettre d’avril dugroupe logiciel du MESR, groupelogiciel.cnlesr.fr.©

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tL’EC devient une marchandise dont il faut

faciliter l’identification et la mesure de valeurdans le cadre d’un grand marché de l’ESR !

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‘ par Philippe Aubry, Marie-Jo Bellosta, Françoise Papa, secteur Situation du personnel

L’enseignant-chercheur devient une marchandise.

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M E N S U E L D ’ I N F O R M A T I O N D U S Y N D I C A T N A T I O N A L le snesup D E L ’ E N S E I G N E M E N T S U P É R I E U R - N ˚ 666 J U I N 2018

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Entre 2012 et 2018, alors queles effectifs d’étudiants dans

l’ensemble de l’ESR progres-saient de près de 300 000,les autorisations d’ouverturesde postes d’enseignants-cher-cheurs (EC) ont chuté de 44 %,passant de 3 561 autorisations(2 099MCF et 1 462 PU) à 1 986autorisations (1 266 MCF et720 PR). Par ailleurs, le nombrede postes ouverts à concours,inférieur par nature à celui despostes autorisés à ouverture, necesse de baisser (- 33 % entre2012 et 2017). Avec le transfertdes responsabilités et compé-tences élargies et des budgetsnotoirement insuffisants, les uni-versités ont gelé des postes etles ont transformés en emploiscontractuels et vacataires, ce

qui explique la chute dunombre de postes autorisé dansles six dernières années.La FSU et le SNESUP militentpour un accueil des étudiantsde la génération 2000 dansdes conditions dignes du ser-vice public et pour une aug-mentation de postes d’ensei-gnants-chercheurs titulaires.Depuis 2009, l’évolution du dé-cret statuaire des EC en paral-lèle du Code de l’éducationentraîne progressivement unabandon du cadrage nationalau bénéfice d’une gestion lo-calisée au niveau de l’établis-sement. La procédure de mutation prioritaire pour rap-prochement de conjoint oupour les collègues présentantun handicap est gérée unique-

ment au niveau d’une univer-sité, laissant à cette dernière lesoin de décider de la concor-dance du profil d’un candidatavec le profil du poste ou del’adéquation avec sa stratégie,ce qui explique que le taux demutations est le plus faible dela fonction publique. Une autreattaque du statut fut la derniè-re modification du décret duConseil national des universités(CNU) qui permet au person-nel du secteur privé d’être élec-teur et éligible en tant quemembre de ce conseil, mettantà mal le principe d’évaluationdes EC par leurs pairs. Enfin,les universités cibles mettentau cœur de leur politique deressources humaines la préca -rité d’EC via le recrutement

Rappelons que pour lesPRAG-PRCE, cette CEx est

accessible aux collègues horsclasse (HC) à travers deux vi-viers : le premier concernantles collègues ayant au moinshuit ans d’enseignement dansle supérieur, le secondconcernant les collègues enfin de HC (+ 3 ans pour lesPRAG). Un barème indicatifest utilisé pour établir les ta-bleaux de promotions, quiprend en compte essentielle-ment l’avis rectoral (jusqu’à140 points) et, dans unemoindre mesure, l’expérien-ce professionnelle (ancienne-té, jusqu’à 48 points). Pour le

SNESUP, ce second critère estsous-estimé et nous deman-dons son rehaussement.Cette campagne a permis depromouvoir 2,5 % des effectifsde chaque corps, sachant quela CEx sera à terme contin-gentée à 10 %, le remplissagese faisant en quatre à cinqétapes annuelles : soit 540 pro-motions pour les PRAG (le bi-lan académique des certifiésn’est pas encore définitif).Lors de la tenue des CAP, leparitarisme a été malmené parune application très stricte parl’administration des règles gé-nérales de la fonction pu-blique. Ne pouvaient ainsi sié-

ger pour ces promotions queles représentants du person-nel des classes de départ etd’arrivée, en excluant les pro-mouvables. En conséquence,les élus se sont souvent re-trouvés à moins de deux, quel-quefois trois, pour vérifier etétudier les nombreuses pro-positions de l’administration,ce qui n’était pas l’idéal...Mais surtout, contrairementaux consignes ministérielles,certains rectorats n’ont pas hé-sité à promouvoir (ou propo-ser au ministère pour les agré-gés) de trop jeunes collègues,d’une quarantaine d’annéesparfois. Or, compte tenu du

contingentement de cette CEx,ce choix aboutit à faire perdre,pendant plus de vingt ans par-fois, des promotions ! Le SNE-SUP préconise, en privilégiantl’expérience et la promotionde collègues plutôt en fin decarrière, une rotation des pro-motions pour un bénéfice glo-bal plus important, notam-ment pour la retraite descollègues. L’intérêt collectifdoit prédominer !Pour la campagne 2018, noscommissaires paritaires devrontintervenir fermement afin queces dérives ne se renouvellentpas et pour faire respecter lanote de service ministérielle. l

contractuel au détriment du re-crutement de titulaires.La FSU et le SNESUP défen-dent le statut de fonctionnaired’État, le principe d’évaluationpar les pairs et une procédurede mutation prioritaire cadréenationalement pour tous lesenseignants-chercheurs. Ils re-vendiqueront la titularisationdes personnels enseignantscontractuels. l

(*) Sous-direction des systèmesd’information et des études sta-tistiques : www.enseignement-sup-recherche.gouv.fr/cid129643/projections-des-effectifs-dans-l-enseignement-superieur-pour-les-rentrees-de-2017-a-2026.html.Retrouvez l’article complet :www.snesup.fr/article/effectif-des-enseignants-chercheurs.

CERTIFIÉSÉchelon HC et ancienneté Échelon CEx Anciennetédans l’échelon d’origine conservée

3e - de 2 ans 1 Oui3e + de 2 ans 2 Non4e - de 2 ans 2 Oui4e + de 2 ans 3 Non5e - de 2 ans 6 mois 3 Oui5e + de 2 ans 6 mois 4 Non6e Indifférente 4 Oui

EFFECTIFS DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS

Des recrutements en chute libre

Selon les prévisions de la SIES(*), à la rentrée 2018, le nombre totald’étudiants devrait s’accroître de 65 000 par rapport à 2017. À lui seul,le cursus licence absorberait près de 40 % de la hausse des effectifs.

‘ par Marie-Jo Bellosta, Pierre Chantelot, Nathalie Lebrun , secrétaires nationaux

AGRÉGÉSÉchelon HC et ancienneté Échelon CEx Anciennetédans l’échelon d’origine conservée

2e Indifférente 1 Non3e - de 2 ans 6 mois 1 Oui3e + de 2 ans 6 mois 2 Non4e - de 3 ans 2 Oui4e + de 3 ans 3 Chevron B2

Échelon de reclassement à la classe exceptionnelle selon votre corps, votre échelon d’origine et votre ancienneté

PRAG-PRCE

Bilan des promotions 2017 àla classe exceptionnelle (CEx)

La campagne rétroactive 2017 d’accès des certifiés et des agrégés àla classe exceptionnelle (CEx) est terminée. Un premier bilan peut être dressé.

‘ par Gérard Tollet , secteur Second Degré

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18 PROTECTION SOCIALE

Que sont nos mutuelles devenues ?

Un mouvement tectonique est en cours qui a déjà impacté le monde dela mutualité, en partie de son propre fait. Il augure mal de l’avenir de notresystème de protection sociale basé jusque-là sur la solidarité collective.

Le 23 mars 2018, le journal Les Échosécrivait : « Les lignes bougent à une

vitesse folle dans le monde de l’assuranceet de la protection sociale. » Après tout,pourquoi ne pas aller vite tant il est vraiqu’en matière de protection sociale leschoses vont de mal en pis ? Mais ce quiest à l’ordre du jour, pour le gouverne-ment comme pour les grands groupesfinanciers, c’est le rapprochement dumonde de la solidarité (la protectionsociale) et celui de la finance.Côté mutualité, on assiste à un processusde concentration capitalistique sur le mar-ché des complémentaires santé. En juin2016, Intériale franchit le Rubicon en s’al-liant avec Axa. Quelques mois plus tardla MGEN, Harmonie et Istya créent legroupe Vyv dans le but de « gagner desparts de marché sur tous les segments » àtravers « une extension de nos offres », ycompris « à l’international où existentdes opportunités en cours d’étude enChine, Afrique et Moyen-Orient ». Côté privé assurantiel, Malakoff et Huma-nis (2e et 5e groupes de pro-tection sociale français) envi-sagent un rapprochement deleurs activités de retraite com-plémentaire et d’assurance depersonnes « afin de faire faceaux exigences d’efficience ren-forcées en matière de gestion ».Plus prosaïquement, laconcurrence s’est accrue avecla généralisation (depuis le1er janvier 2016) des contrats d’entrepriseen santé et la remise en cause du mono-pole du référencement(1) en faveur desmutuelles de la fonction publique.Dans un tel maelström, comment croirele président de la MGEN (groupe Vyv)quand il affirme que « l’esprit MGEN (soli-darité/proximité/démocratie) sera préservédans Vyv ». Le fait que ce groupe reste(pour l’instant) à but non lucratif ne le(nous) protégera pas des charges crois-santes qui vont s’abattre sur lui. En effet,le groupe devra supporter des transfertsde charges remboursées jusque-là par laSécurité sociale que le gouvernemententend transférer aux mutuelles(2). De plus,Vyv, comme les autres groupes mutualistesde la fonction publique, va affronter la

concurrence des assurances privées qui,assises sur leurs énormes moyens finan-ciers, vont par des tarifs d’appel attractifsattirer puis monopoliser les « clients » lesplus rentables. Coincées entre la politiquenéolibérale du gouvernement et l’appétitdes capitalistes cherchant à privatiserl’épargne déposée dans les caisses

publiques, les équipes diri-geantes des mutuelles de lafonction publique ont cru trou-ver la solution en jouant le jeude la concurrence libre et nonfaussée. Tout au contraire, au-delà de la bataille pour sauverun référencement (qui ne ser-vait qu’à préserver le pré carrédes mutuelles), c’est une actionconcertée avec les organisa-

tions syndicales de salariés pour un 100 % Sécurité sociale qu’il aurait fallu mener. Il n’est pas surprenant dans ces conditionsque gouvernement et capitalistes s’en-gouffrent dans cette brèche et préparentl’étape terminale du démantèlement denotre système de protection sociale parrépartition. Au travers d’une mesure dis-crètement noyée dans le projet de loirelatif à la croissance et à la transformationdes entreprises (Pacte), le gouvernementva ouvrir la porte aux sociétés de gestionde fonds de pension anglo-saxons. Certes,il ne s’agit pour l’instant que d’une petiteporte : seule l’épargne des régimes deretraite supplémentaire est visée. Offi-ciellement, l’objectif est de flécher cetteépargne vers le financement des entre-

prises en la rendant « moins contrai-gnante » (en faisant sauter l’interdictionde la liquidation en capital de cetteépargne jusque-là versée sous forme derente) et donc plus attractive. Plus attrac-tive pour les épargnants (aisés), peut-être, mais surtout pour les fonds de pen-sion, qui n’ont jamais trouvé le moindreintérêt à l’épargne rentière.Au-delà de cette première étape(300 milliards d’euros à la fin du quin-quennat), un coin va être enfoncé dansnotre système de retraite par répartitionet il y a fort à craindre que gouverne-ment et détenteurs de capitaux inves-tissent ensuite le domaine de l’épargnecomplémentaire obligatoire.Raison de plus, s’il en était besoin, pours’investir dans la bataille pour la défensede notre retraite par répartition. l

(1) Un décret interministériel (1962) réservait lesoutien financier des administrations aux seulesmutuelles de fonctionnaires créées après-guerre.Jugée en 2005 par le Conseil d’État incompatibleavec le traité européen, cette mesure est rem-placée en 2007 par une nouvelle procédureeuro-compatible dite « du référencement » : seulesbénéficieront des aides des administrations lesmutuelles de la fonction publique remplissantun cahier des charges précis.(2) Le 5 décembre 2017, le président de la Mutua-lité française, Thierry Beaudet, annonçait uneaugmentation de 2 à 4 % des cotisations demutuelle en janvier, rendue nécessaire du faitde « remboursements supplémentaires portés àla charge des mutuelles et autres complémentairesdans le budget de la Sécurité sociale pour 2018 ».

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de concentrationcapitalistique

sur le marché descomplémentaires

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‘ par Jean-Marie Canu , coresponsable du secteur Retraité.e.s

Mise à mal de la retraitepar répartition…©

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Page 23: le snesul’affaire du prêtre présidentp

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fi19DÉMOGRAPHIE

Poursuite de la hausse des effectifs dans l’ESR :une chance à saisir !L‘enseignement supérieur sera-t-il à même de faire face à la hausse du nombre d’étudiantsdans des conditions dignes d’un service public d’enseignement supérieur ? Le nombregrandissant de jeunes désirant accéder à des études supérieures est une chance pourle pays. Encore faut-il que les pouvoirs publics acceptent d’en payer le prix et non de lefaire supporter aux personnels, en alourdissant toujours plus leur charge de travail.

La note d’information(*) d’avril 2018 dela SIES (Sous-direction des systèmes

d’information et des études statistiquesdu MESRI) affirme qu’en 2026 : • 327 000 étudiants supplémentairesauront intégré l’enseignement supérieurpar rapport à 2016 (+12,7 %), soit l’équi-valent de onze universités de taillemoyenne en plus ;• 2 937 000 inscriptions d’étudiants sontalors recensées dans l’enseignement supé-rieur.Pour ce qui est du présent, c’est-à-diredans trois mois, à la rentrée 2018, unaccroissement de 34 000 inscriptions d’étu-diants supplémentaires à l’université(+2,2 % par rapport à 2017) devrait êtreobservé. En particulier, les effectifs enlicence, absorbant près de 40 % de lahausse, devraient augmenter de 25 200étudiants (+3 %), ceux en master de 10 100étudiants (+1,7 %) tandis qu’en doctorat,les effectifs diminueraient cette fois d’en-viron 1 000 (–2,2 %). La hausse serait de48 200 au total sur les quatre principalesfilières que sont l’Université, les IUT, lesSTS et les CPGE et de 65 000 sur l’ensem-ble de l’enseignement supérieur. L’ensem-ble des autres formations du supérieur(écoles d’ingénieurs, de commerce, d’art,d’architecture, de notariat, écoles paramé-

dicales et sociales, facultés privées et autresécoles) devrait être de nouveau en fortehausse, avec environ 12 300 étudiants sup-plémentaires. Entre l’effet « démogra-phique » et Parcoursup, l’enseignementprivé a tout à gagner en ce moment !

MIEUX ENCADRER ?Entre 2018 et 2012, alors que les effectifsd’étudiants dans l’ensemble de l’ESR pro-gressaient de près de 300 000, les auto-risations d’ouvertures de postes chutaientde 44 % pour s’établir à 1 986 autorisa-tions (1 266 MCF et 720 PR). Sachant quele nombre de postes ouverts à concourspar les établissements est d’une part infé-rieur au nombre de ceux autorisés àouverture puisqu’il est totalement souscontrainte du budget des universitésdepuis la loi relative aux libertés et res-ponsabilités des universités (loi LRU), quidote les universités passées aux respon-sabilités et compétences élargies (RCE)d’une autonomie budgétaire renforcéeet, d’autre part, ne cesse de baisser(–33 % entre 2017 et 2012), commentl’ESR peut-il accueillir dans des conditionsdignes du service public la génération2000 et les suivantes ? Cette contradictionest-elle vraiment insoluble ?La réponse, les collègues la connaissent,

hélas : augmentation conti-nue des effectifs étudiants,CM surchargés, multiplica-tion des groupes de TD,heures complémentairesimposées ou chantage à lamodulation de service, pré-carité des collègues, gel despostes, augmentation destâches administratives chro-nophages au détriment dela transmission desconnaissances et de larecherche, appels à projetsincessants… La situationactuelle n’est plus tenable :elle ne cesse d’engendrerdes souffrances au travailpar la dégradation desconditions de travail.

En dix ans, l’âge moyen de recrutementd’un PR a augmenté de deux ans et deuxmois ! Sans politique volontariste nationalede recrutement statutaire, l’entrée dansle métier se fait de plus en plus tard et laformation doctorale est délaissée ! Dansces conditions, comment préparer le futurdes formations et de la recherche ?

MIEUX ORIENTER VERSL’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ?Alors que le Plan étudiants et la loi orien-tation et réussite des étudiants (ORE) fontde l’orientation un instrument essentielde la lutte contre l’échec des étudiants,il n’est pas acceptable que l’article 10 del’avant-projet de loi « Pour la liberté dechoisir son avenir professionnel » transfèreaux régions les missions d’informationsur les formations et les métiers des délé-gations régionales de l’Onisep (Dronisep)ainsi que leurs personnels ! C’est pour-quoi, à la suite d’une proposition duSNESUP-FSU, le Cneser s’est prononcépour défendre le réseau des délégationsrégionales de l’Onisep, son maintien dansle cadre du service public national d’in-formation sur les formations et les métierssous tutelle de l’Éducation nationale etde l’Enseignement supérieur, de laRecherche et de l’Innovation.La préconisation 9 de l’avis sur l’orienta-tion du Conseil économique, social etenvironnemental (CESE) rendu le 11 avrildernier insiste aussi sur l’importance durôle de l’Onisep pour rendre lisible etdisponible une offre d’information natio-nale sur les métiers et les formations.La hausse démographique des jeunes enâge de rejoindre l’ESR est une chancepour notre pays, tout comme leur appé-tence pour les formations et les diplômesnationaux. Répondons à cette justedemande sociale par une propositiondigne du service public et à la hauteurde l’espoir qu’elle porte. l

(*) www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid129643/projections-des-effectifs-dans-l- ensei-gnement-superieur-pour-les-rentrees-de-2017-a-2026.html.

‘ par Pierre Chantelot , secrétaire national

Évolution du nombre d’étudiant.e.sPrévisionnel

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Le mandat à venir s’annonce difficile,avec un risque encore accru de dimi-

nution des postes statutaires. Il requiertdonc des élu.e.s prêt.e.s au combat. Lasituation confuse à l’Université, où lebesoin d’enseignants-chercheurs n’est paspourvu, rend difficile le travail dans lesUMR. Pour les universitaires et pour leschercheurs, il est plus nécessaire encorede lutter pour maintenir la position duCNRS, pôle de stabilité.Les candidates et les candidats présenté.e.spar le SNESUP-FSU et le SNCS-FSU s’en-gagent à œuvrer au développement desforces du système de recherche français,à commencer par le succès du CNRS, et àcombattre toute politique contraire auxintérêts de la science et de la société.

UNE SITUATION CATASTROPHIQUEPOUR LA RECHERCHEL’effort de recherche de la France a décro-ché par rapport à ses principaux parte-naires. Avec 2,217 % du produit intérieurbrut (PIB) consacré à la recherche et audéveloppement (R&D), la France restetrès en deçà de l’objectif de 3 % défini en2002 par la stratégie européenne.Tous les gouvernements, depuis quinzeans, ont piloté la recherche sur des objec-tifs à court terme différents de ceux de lacommunauté scientifique. Sous prétexted’innovation, leur politique a inféodé larecherche publique aux intérêts d’uneindustrie privée déjà soutenue, au-delàde toute mesure, par un crédit d’impôtrecherche (CIR) qui coûte désormais,chaque année, plus de deux fois la sub-vention d’État du CNRS. Parallèlement, larecherche publique a vu son budget dimi-nuer de 7,5 %, en euros constants, entre2009 et 2016. Elle est désormais dans l’in-capacité d’honorer correctement sa mis-sion principale : le développement desconnaissances. La politique des appels àprojets, appuyée sur l’ANR et les PIA (Pro-grammes d’investissements d’avenir), n’aen rien augmenté le budget de larecherche publique, elle a mis en concur-rence les sites, les laboratoires, les équipeset les individus ; elle a conduit à la stéri-lisation d’une partie du temps de

recherche et à une détérioration drama-tique des conditions de travail, synonymepour beaucoup de souffrance.Pour s’opposer résolument à la réduc-tion du CNRS au statut d’agence demoyens sans politique scientifique, confi-née à la gestion administrative de « res-sources humaines », mais aussi pourcontrer le développement d’une techno-cratie scientifique qui trouve son expres-sion dans les fusions et regroupementsd’organismes et d’universités, l’existenced’instances représentatives comme leConseil scientifique (CS) et les Conseilsscientifiques d’institut (CSI) du CNRS estplus précieuse que jamais.La voix de l’ensemble de la communautéscientifique peut et doit s’y faire entendre.

QUE VOULONS-NOUS ? Un CNRS fort, volontaire et démocra-tique ! Une recherche universitairereconnue. Un CNRS fort et volontairedans lequel Comité national, CSI et CS,seront force de proposition pour la stra-tégie nationale en matière de recherche enrehaussant le potentiel français derecherche de 50 %, tant en financementsqu’en emplois.Le CNRS et ses partenaires tutelles desunités mixtes de recherche (UMR) sontcapables de relever ce défi de formation etd’organisation, en accroissant leur pré-sence sur l’ensemble du territoire, et passeulement dans les dix universités « derang mondial » que le gouvernement aspireà créer. Un CNRS et des UMR au fonc-tionnement plus démocratique, qui per-mette à la communauté scientifique dese réapproprier l’exercice de son métier, deretrouver la maîtrise de son travail derecherche : voilà ce que nous voulons.Ces objectifs doivent s’accompagner :• du respect des libertés de rechercheet des libertés académiques, d’un soutien debase suffisant et de l’évaluation par despairsen majorité élus, sur le modèle du Comiténational de la recherche scientifique ;• du développement des connaissancesau bénéfice de l’ensemble de la société, cequi implique un service public de larecherche et un statut de titulaire pour

tous les personnels des organismes derecherche et des universités ;• du soutien prioritaire à une recherchepublique qui ne soit pilotée par aucunpouvoir politique, industriel ou financier,pour que les relations entre la rechercheprivée et la recherche publique se déve-loppent sur une base saine.

POUR UNE AUTRE POLITIQUE DELA RECHERCHE PUBLIQUE• Une loi de programmation de l’en-seignement supérieur et de larecherche (ESR), avec un budget en aug-mentation de 3 milliards d’euros par anpendant dix ans, pour atteindre 1 % duPIB pour la recherche publique, 2 % duPIB pour le service public de l’enseigne-ment supérieur et 3 % pour la dépensetotale en matière de R&D. Il faut mettre finau scandale du crédit d’impôt rechercheet reverser le montant ainsi dégagé (plusde 5 milliards d’euros par an) aux labo-ratoires, aux organismes de recherche etaux universités.• Un plan pluriannuel de l’emploiscientifique comportant la création de5 000 emplois statutaires par an pendantdix ans. Le recrutement des jeunes scien-tifiques, au plus près de la thèse, doitredevenir possible.• Une revalorisation des salaires etdes carrières de tous les personnels dela recherche pour garantir l’attractivité denos métiers dans notre pays et sur lascène internationale.• Un financement de base des labo-ratoires suffisant pour assurer l’indé-pendance de la recherche et le dévelop-pement du front continu desconnaissances.• La fin de la gestion managériale, duclientélisme et de l’opacité financièrecréés par les structures de type Idex, Labex,IHU, IRT, Satt, EUR, SUeR et autres Ex.C’est pour cette tout autre ambition pourle CNRS, pour la défense de nos métierset pour redonner à la recherche publiquetout son rôle dans le progrès social, queles candidates et candidats SNESUP-FSU etSNCS-FSU aux CS et CSI du CNRS s’en-gagent. Votez pour elles et pour eux ! l

ÉLECTIONS AU CONSEIL SCIENTIFIQUE ET AUX CONSEILS SCIENTIFIQUES D’INSTITUT DU CNRS (3/3)

Pour un CNRS fort, ambitieux et démocratiqueAvec 2,217 % du produit intérieur brut consacré à la recherche et audéveloppement, la France reste très en deçà de l’objectif de 3 % défini par lastratégie européenne. Sous prétexte d’innovation, la politique des gouvernementssuccessifs depuis 2002 a inféodé la recherche publique aux intérêts du secteurprivé. Il est donc nécessaire de lutter pour maintenir la position du CNRS.

➔ par le secteur Recherche

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gnement des chercheurs à la valorisa-tion de leurs travaux de recherche. Cedispositif conduit à affaiblir les capaci-tés d’expertise et de contrôle par lesuniversités et organismes de recherche.

PERMÉABILITÉ ENTRE SERVICE PUBLIC ETACTIVITÉ COMMERCIALE PRIVÉECentrées sur l’individu chercheur, laconfiance qui lui est due ou l’expertisequi lui est prêtée(6), les mesures pré-sentées garantissent une forme de per-méabilité sans précédent entre le servicepublic et l’activité commerciale privée.En effet, deux mesures de la révision dela loi de 1999 suppriment, l’une(7), la sai-sine préalable obligatoire de la com-mission de déontologie, et l’autre(8),l’obligation de compatibilité entre acti-vités dans le service public et cellesdédiées au privé. À l’encontre de lajurisprudence développée par la com-mission de déontologie, le projet deloi déconstruit le régime d’autorisationpréalable qui interdisait le cumul desdeux activités. Il introduit la notion detemps incomplet(9) qui dispose que lechercheur – tout en restant dans sonlaboratoire – peut exercer simultané-ment la fonction de créateur d’entre-prise ou de concours scientifique. Dansce dernier cas, il peut exercer une fonc-tion exécutive ou même être placé sousune autorité hiérarchique(10) au sein del’entreprise conseillée ! La saisine de lacommission de déontologie, elle, n’estplus obligatoire tant au moment de laprise d’intérêt privé que pour le suivi dudossier, le chercheur pouvant conserverle bénéfice des capitaux acquis(11), voire« pantoufler »(12) au sein de l’entreprisebénéficiaire. Les mesures et délais decoercition susceptibles d’être exercéspar les tutelles sont, quant à eux, toutsimplement supprimés(13). Interrogé enséance, le représentant du ministèreaffirme, en contradiction avec les faits(14),que « les chercheurs ont largement inté-riorisé le fonctionnement de la com-mission de déontologie », alors que le

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Présentée devant l’assemblée du Cne-ser le 20 mars dernier en point d’in-

formation, la nouvelle forme de la loide 1999 sur l’innovation et la recherchemodifie profondément le rôle du cher-cheur en même temps que les capaci-tés des universités et organismes derecherche à évaluer, prévenir voiresanctionner les possibles conflits d’in-térêts. Plus avant, ces mesures partiellescontribuent à dévoiler une transforma-tion bien plus profonde de l’enseigne-ment supérieur et de la recherchepublics en cohérence avec l’idéologienéolibérale du processus de Bologne.La loi sur l’innovation et la recherche du12 juillet 1999 s’inscrit dans la continuitéde réformes(3) impulsées par les États-Unis dans les années 1980, assignant aumonde académique un rôle de relais decroissance fondée sur les technologiesde l’information et de la communicationet les biotechnologies. En rupture avecles principes pour le fonctionnaire deséparation entre le service public derecherche et l’exploitation commercialedes inventions, la réforme proposéealors par le ministre climato-sceptiquedu gouvernement Jospin incite le cher-cheur à contribuer à des activités com-merciales selon trois modalités : la créa-tion d’entreprise, le concoursscientifique ou la prise de participationau capital de sociétés commerciales.Elle introduit notamment l’obligationpour tout chercheur de déclarer auprèsde ses tutelles les travaux susceptiblesd’activités industrielles en préalable àtoute publication. En parallèle, la légis-lation et les pratiques associées à l’ap-propriation des résultats de rechercheau moyen de dépôt de brevet étendentle champ de la privatisation des savoirs,voire leur non-divulgation grâce notam-ment au secret des affaires(4). Enfin, en2010 en France, la création des sociétésd’accélération de transfert de techno-logie(5) dans le cadre du Programmed’investissements d’avenir (PIA) pro-cède à l’externalisation de l’accompa-

rapporteur, lui, insiste : « Il est importantque les règles de déontologie et le droitpénal soient bien compris. »Dans tous les cas, un régime decontrôle a posteriori affaibli et de sanc-tion pénale forte mais peu ou pas mobi-lisée(15) ne donne que peu de moyensau service public de recherche de pré-server l ’ intérêt général, voire deconseiller pour protéger ses agents. Lechercheur, noyé au sein d’injonctionscontradictoires aux temporalités incom-patibles, portera seul la charge de ladéontologie et de l’éthique. À l’heure oùdes philosophes(16) s’interrogent sur lacomplexité des imbrications entre latechnique et la vie, on peut s’interrogersur le projet que la révision de la loiAllègre entend réaliser : s’agirait-ild’ajouter au second rôle d’entrepreneurtechno-économique du chercheur celui,premier, d’entrepreneur politique(17) ? l

(1) Loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l’innovation etla recherche, JORF n° 160 du 13 juillet 1999, p. 10396,www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORF-TEXT000000759583.(2) Article 43 de la loi relative au Plan d’action pour lacroissance et la transformation des entreprises (Pacte),www.economie.gouv.fr/plan-entreprises-pacte.(3) Voir par exemple, P. Malissard, Y. Gingras,B. Gemme, « La commercialisation de la recherche »,in Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 148,juin 2003, « Entreprises académiques », p. 57-67 ouwww.gpo.gov/fdsys/pkg/CHRG-110hhrg36592/pdf/CHRG-110hhrg36592.pdf.(4) fr.wikipedia.org/wiki/Droit_du_secret_des_affaires.(5) Le dispositif coûteux des Satt tel qu’il a été conçuinitialement est aujourd’hui en échec : www.senat.fr/rap/r16-683/r16-683.html.(6) Voir R. Krummeich, J.-L. Le Goff, « Entre excep-tionnalité et banalité : penser la production et la cir-culation des savoirs scientifiques ». « Pratique(s) derecherche et accompagnement des inventeurs aca-démiques : une banalisation de l’imaginaire scienti-fique ? » 7e Journée d’étude de l’Association des jeunespolitistes de Bordeaux, 16 avril 2015, Institut politiquede Bordeaux, hal-01787369, v. 1.(7) Pacte, article 43, alinéa 2 modifiant l’article 531-3 et alinéas 4, 9 et 15 supprimant respectivement lesarticles 531-5, 10 et 13 du Code de la recherche.(8) Pacte, article 43, alinéa 7b modifiant l’article 531-8 du Code de la recherche.(9) Allant jusqu’au mi-temps, Pacte, article 43, alinéa3c modifiant l’article 531-4 du Code de la recherche.

RÉVISION DE LA LOI ALLÈGRE

Du monde académique, de l’entreprise etdu politique… une fusion des rôles ?

Le projet de révision de la loi Allègre(1) s’inscrit dans le cadre de la loi Pacte(2),objet de débats parlementaires au printemps et d’éventuelles ordonnances avantl’été, qui transformeront en profondeur l’enseignement supérieur etla recherche en adéquation avec l’idéologie néolibérale du processus de Bologne.

➔ par Raphaëlle Krummeich , ingénieure de recherche, élue Biatss au Cneser, SNASUB-FSU

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la génération est un des éléments du cal-cul de la pension. Tout impératif enmatière de taux de remplacement et deniveau de vie des retraité.e.s serait sup-primé, chacun étant renvoyé à sa res-ponsabilité individuelle pour construire saretraite (âge de départ, assurance…).Le nouveau système s’inscrirait dans unelogique contributive (proportionnalitéentre cotisations versées et pensions ver-sées). J.-P. Delevoye affirme qu’il « main-tiendra et consolidera les solidarités quiseront l’un des piliers du nouveau sys-tème : cela concerne les droits familiaux,la majoration pour enfants, les périodesd’invalidité, les séquences de chômage,les minima de pension et la pension deréversion ». Mais, selon lui, il faudra « cla-rifier et définir des financements », ce quisignifierait une prise en charge par laSécurité sociale, l’impôt…Il n’y aurait plus de durée d’assurance,sauf pour les minima de pension et lesdispositifs du type carrières longues. Res-terait l’âge plancher actuel de 62 ans(c’est-à-dire un âge d’ouverture desdroits). Dans la logique d’un système parpoints, il n’y a pas de limite d’âge, celle-ci n’existant d’ailleurs pas aujourd’huidans le régime général.Lors d’une réunion spécifique sur lesdroits non contributifs, la FSU a insisté surla prise en compte des années d’étudessupérieures, les périodes de formation,stages, services civiques et de chômageentre la fin de la formation et la vie pro-fessionnelle. À cela s’ajoutent, pour lespersonnels de l’ESR, les périodes de doc-torat et de travail à l’étranger, qui sontaujourd’hui très mal prises en compte(pays hors UE).Le niveau de pension et leur indexation,ce qui concerne actuel.le.s et futur.e.sretraité.e.s, n’a pas été discuté. La ques-

tion de retraite par capitalisation est envi-sagée pour les très grosses retraites(120 000 euros de revenus ou plus), cequi serait un cheval de Troie.En l’absence de financement supplé-mentaire, cette réforme entraînerait aussila baisse des pensions des retraité.e.sactuel.le.s et futur.e.s. Et cela pourraitfragiliser les mécanismes de solidarité etremettre en cause le Code des pensions,élément du statut de la fonction publique.

UNE « CONSULTATION CITOYENNE » ? Après avoir engagé des discussions avecles syndicats, le haut-commissariat vientd’ouvrir une « consultation citoyenne »(participez.reforme-retraite.gouv.fr) surune réforme dont les projets de textes nesont pas connus. Pourtant les questionsposées sont précises et les votes sontcomptabilisés directement en ligne. Ainsile 2 juin déjà, plus de 2 000 personnes sur2 500 réponses avaient coché la case« d’accord » avec la proposition du haut-commissaire « À revenus identiques, ins-taurer le même niveau de cotisations etles mêmes droits à retraites ». Cetteconsultation devrait se poursuivre parhuit « ateliers » dans certaines villes d’icià octobre. Si les résultats de ces consul-tations sont pris en compte comme l’ontété ceux sur la loi travail ou sur la loiORE, on ne peut que s’inquiéter. Mais nefaut-il pas formuler notre opinion sur cesite ? C’est un premier moyen d’exprimernos exigences. Et faire connaître les pro-jets gouvernementaux aux collègues dèsmaintenant permettra de préparer lesmobilisations futures. l

(1) Pour une mise en application en 2025.(2) Jean-Paul Delevoye est haut-commissaire à laréforme des retraites.(3) Ces primes étant très différentes d’un secteurà l’autre, les personnels de l’ESR seraient lésés.

RETRAITES

Une réforme dangereuse en routeLe gouvernement intensifie la concertation sur la future réforme des retraites.Une « consultation citoyenne » a été ouverte en ligne le 1er juin... Alors quele vote de la loi est prévu à l’été 2019(1), les projets sont sans doute bien avancés.

➔ par Michelle Lauton ,coresponsable du secteur Retraité.e.s

La réforme systémique des retraites parti-cipe d’un projet de société. La part du

produit intérieur brut (PIB) pour financerla retraite ne doit pas croître, malgré l’aug-mentation démographique et le vieillis-sement de la population. Cependant,selon Jean-Paul Delevoye(2) (Le Parisien, 31mai 2018) : « Toutes celles conduites depuis30 ans avaient pour but de réduire undéficit colossal. Aujourd’hui, nous n’avonspas le couteau sous la gorge. »

LE CONSTAT SUR LE SYSTÈME DE RETRAITEPour le haut-commissariat, le système estpeu lisible, complexe, injuste : quarante-deux régimes de retraite (plus de trois enmoyenne par assuré), mais aussi trente-troisfaçons de calculer un trimestre, treize règlesdifférentes pour la réversion… Sont poin-tées les inégalités que crée le systèmeactuel, et les « rigidités » comme les régimesdifférents ne favorisant pas les mobilités.La FSU partage certains constats. Maisles inégalités ont souvent été créées parles précédentes réformes. C’est le cas ducalcul sur les vingt-cinq meilleures annéesau lieu des dix au régime général. Dèslors, comment penser que la prise encompte de l’ensemble des années dansun nouveau système ne va pas aggravercette situation ?

LES TERMES DU PROJET Pour le haut-commissariat, il s’agit depasser d’un régime par annuités à unrégime par points. Le nombre de pointsserait calculé sur l’ensemble de la carrière,avec des règles identiques pour tous, enintégrant les primes pour les fonction-naires(3). Ce système assurerait une por-tabilité des droits quels que soient le typed’employeur et le secteur. Dans un sys-tème par points, le montant de la retraiten’est pas défini, car l’espérance de vie de

(10) Pacte, article 43, alinéa 8b modifiant l’article531-9 et alinéa 6 modifiant l’article 531-7 du Code dela recherche.(11) Pacte, article 43, alinéa 16b modifiant l’article 531-14 renuméroté 531-13 du Code de la recherche.(12) Voir « Un encadrement du “pantouflage”inabouti », note 14 infra, www.assemblee-nationale.fr/15/rap-info/i0611.asp#P264_ 53339.(13) Pacte, article 43, alinéa 5a modifiant l’article531-6 du Code de la recherche.

(14) Rapport d’information n° 611, 31 janvier 2018,en conclusion des travaux d’une mission d’infor-mation sur la déontologie des fonctionnaires et l’encadrement des conflits d’intérêts et pré -senté par MM. Fabien Matras et Olivier Marleix,députés, www.assemblee-nationale.fr/15/rap-info/i0611.asp.(15) Voir « Une sanction pénale forte mais peu utilisée »,note 14 supra, www.assemblee-nationale.fr/15/rap-info/i0611.asp#P175_32424.

(16) X. Guchet, « Objet versus artefact. Pour une phi-losophie des techniques orientée-objet », 4 avril 2017,Cahiers COSTECH #1, www.costech.utc.fr/Cahiers-COSTECH/spip.php? article17.(17) B. Valiorgue, X. Hollandts, « Loi Pacte : favori-ser les entrepreneurs politiques, pour le meilleur etpour le pire », 7 mars 2018, The Conversation France,theconversation.com/loi-pacte-favoriser-les-entrepreneurs-politiques-pour-le-meilleur-et-pour-le-pire-92988.

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