Le roi du costume blindé fait un carton

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coration a été confiée aux plus grands maîtres de l’époque : les vitraux sont signés Miksa Roth, et les carrelages sont l’œuvre du céramiste Vilmos Zsolnay, le même à qui on doit le toit coloré de la cathé- drale de Vienne, la capitale autrichienne. Le Gresham a rapidement été adopté par les Budapestois, dont il est devenu un des lieux de rencontre préférés, avec le café Venezia à son rez-de- chaussée, le cabaret Podium dans sa cave et la rédaction d’un journal, Esti Kurir, à l’un de ses étages. Mais le conte de L’Expansion / avril 2005 / numéro 696 92 ÉCONOMIE ÉCONOMIE Le portail en fer forgé dit « aux paons ». Coût total de la trans- formation du bâtiment en hôtel de luxe : 110 millions d’euros. C e n’est pas un hôtel, c’est un bijou ! Sophia Loren l’a d’ailleurs choisi pour les noces de son fils. Le dernier-né des éta- blissements de luxe hongrois, situé sur les bords du Danube, est la nouvelle fierté de Bu- dapest. En face de l’ancien château royal des Habsbourg, le palais Gresham a retrouvé son élégance de naguère. Inauguré en juin 2004 après quatre ans de travaux, le Four Seasons Gresham Palace est redevenu un joyau de la capi- tale hongroise. En franchis- sant son seuil, on a le souffle coupé par la nouvelle coupole vitrée aux formes audacieuses. Les 110 millions d’euros in- vestis dans la restauration, sous la houlette de l’entrepre- neur hungaro-canadien Bela Colombie Hongrie D ans ses bureaux de Bogota, Mi- guel Caballero compte jusqu’à trois et appuie sur la détente, le canon pointé vers le foie de sa cible. La vic- time, un futur employé de l’en- treprise, respire. Il vient de passer avec succès son test d’embauche : supporter sans ciller un tir de son patron pour prouver la résistance d’une veste en daim 100 % blindée ! « Si mes vendeurs n’ont pas confiance en mes produits, ce n’est pas la peine qu’ils travaillent ici », explique le jeune patron de 36 ans, qui s’est bâti une fortune grâce à ses costumes pare-balles chics. tumes par an. Pas étonnant dans un pays où 25 000 per- sonnes sont assassinées cha- que année et au moins autant menacées de mort. Parmi ses clients, il compte plusieurs ex- ministres coréens, quatre chefs d’Etat latino-américains, le prince Philippe d’Espagne et son épouse Letizia, pour qui il a créé une gamme de vête- ments discrets qui résistent aux tirs de revolver, aux coups de couteau ou aux rafales de mitraillette. Son rêve : habiller Bush et conquérir le Moyen- Orient. « Si mes habits sont utilisés en Colombie, conclut- il, c’est qu’ils peuvent être portés n’importe où ! » Christine Renaudat, à Bogota CHRISTINE RENAUDAT DR Fejer, sautent aux yeux ; les fers forgés du portail dit « aux paons », la fine décoration des escaliers et les vitraux sont au- tant de témoins d’un savoir- faire que quarante ans de com- munisme n’ont pas réussi à tuer. Le résultat est un palace au parfum Art nouveau, avec ses 14 ascenseurs, 2 restau- rants, 179 chambres luxueuses et des tarifs allant de 195 à 3 500 euros la nuit – le prix à payer pour se retrouver au cœur d’une véritable légende. Laissé à l’abandon sous le communisme Car le Gresham est une ins- titution. L’édifice a vu le jour en 1906 et porte le nom de la société britannique d’assu- rance-vie Gresham, qui l’avait fait construire pour y installer son siège à l’étranger. La dé- Miguel Caballero teste – avec succès – l’efficacité d’un blouson pare-balles de sa conception sur un de ses salariés. L’idée, dit-il, lui est venue en voyant « les gardes du corps d’une amie suer sous leurs gilets trop lourds ». Aujourd’hui, son entreprise de 60 personnes, qui porte son nom (Miguel Caballero Ltda), réalise un chiffre d’affaires de plus de 3 millions de dol- lars et vend près de 5 000 cos- Le roi du costume blindé fait un carton fées ne durera pas. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Armée rouge s’installe dans les locaux. Suivent la natio- nalisation, le saucissonnage en petits appartements et la dégradation générale. La réouverture du Gresham s’inscrit dans un élan de ré- novation de la ville. Deux autres lieux prestigieux, les anciens palais New-York et Dreschler, transformés en hô- tels de luxe, ouvriront cette année. Après la longue nuit communiste, Budapest re- trouve son éclat d’antan. Miklos Matyassy, à Budapest La mue du palais Gresham en palace autour du monde

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coration a été confiée aux plusgrands maîtres de l’époque :les vitraux sont signés MiksaRoth, et les carrelages sontl’œuvre du céramiste VilmosZsolnay, le même à qui ondoit le toit coloré de la cathé-drale de Vienne, la capitaleautrichienne.

Le Gresham a rapidementété adopté par les Budapestois,dont il est devenu un des lieuxde rencontre préférés, avec lecafé Venezia à son rez-de-chaussée, le cabaret Podiumdans sa cave et la rédactiond’un journal, Esti Kurir, à l’unde ses étages. Mais le conte de

L’Expansion / avril 2005 / numéro 69692

É C O N O M I EÉ C O N O M I E

Le portail enfer forgé dit«aux paons».Coût total de la trans-formation du bâtimenten hôtel de luxe :110 millionsd’euros.

Ce n’est pas un hôtel,c’est un bijou ! Sophia Loren l’ad’ailleurs choisipour les noces de

son fils. Le dernier-né des éta-blissements de luxe hongrois,situé sur les bords du Danube,est la nouvelle fierté de Bu-dapest. En face de l’ancienchâteau royal des Habsbourg,le palais Gresham a retrouvéson élégance de naguère.

Inauguré en juin 2004 aprèsquatre ans de travaux, le FourSeasons Gresham Palace estredevenu un joyau de la capi-tale hongroise. En franchis-sant son seuil, on a le soufflecoupé par la nouvelle coupolevitrée aux formes audacieuses.Les 110 millions d’euros in-vestis dans la restauration,sous la houlette de l’entrepre-neur hungaro-canadien Bela

Colombie

Hongrie

Dans ses bureauxde Bogota, Mi-guel Caballerocompte jusqu’àtrois et appuie

sur la détente, le canon pointévers le foie de sa cible. La vic-time, un futur employé de l’en-treprise, respire. Il vient depasser avec succès son testd’embauche : supporter sansciller un tir de son patron pourprouver la résistance d’uneveste en daim 100 % blindée !« Si mes vendeurs n’ont pasconfiance en mes produits, ce n’est pas la peine qu’ilstravaillent ici », explique lejeune patron de 36 ans, quis’est bâti une fortune grâce àses costumes pare-balles chics.

tumes par an. Pas étonnantdans un pays où 25 000 per-sonnes sont assassinées cha-que année et au moins autantmenacées de mort. Parmi sesclients, il compte plusieurs ex-ministres coréens, quatre chefsd’Etat latino-américains, leprince Philippe d’Espagne etson épouse Letizia, pour quiil a créé une gamme de vête-ments discrets qui résistentaux tirs de revolver, aux coupsde couteau ou aux rafales demitraillette. Son rêve : habillerBush et conquérir le Moyen-Orient. « Si mes habits sontutilisés en Colombie, conclut-il, c’est qu’ils peuvent êtreportés n’importe où ! » Christine Renaudat, à Bogota

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Fejer, sautent aux yeux ; lesfers forgés du portail dit « auxpaons », la fine décoration desescaliers et les vitraux sont au-tant de témoins d’un savoir-faire que quarante ans de com-munisme n’ont pas réussi àtuer. Le résultat est un palaceau parfum Art nouveau, avecses 14 ascenseurs, 2 restau-rants, 179 chambres luxueuseset des tarifs allant de 195 à3 500 euros la nuit – le prix àpayer pour se retrouver aucœur d’une véritable légende.

Laissé à l’abandonsous le communisme

Car le Gresham est une ins-titution. L’édifice a vu le jouren 1906 et porte le nom de lasociété britannique d’assu-rance-vie Gresham, qui l’avaitfait construire pour y installerson siège à l’étranger. La dé-

Miguel Caballero teste – avec succès – l’efficacité d’unblouson pare-balles de sa conception sur un de ses salariés.

L’idée, dit-il, lui est venue envoyant « les gardes du corpsd’une amie suer sous leursgilets trop lourds ».

Aujourd’hui, son entreprise

de 60 personnes, qui porte sonnom (Miguel Caballero Ltda),réalise un chiffre d’affaires de plus de 3 millions de dol-lars et vend près de 5 000 cos-

Le roi du costume blindé fait un carton

fées ne durera pas. Après laSeconde Guerre mondiale,l’Armée rouge s’installe dansles locaux. Suivent la natio-nalisation, le saucissonnageen petits appartements et ladégradation générale.

La réouverture du Greshams’inscrit dans un élan de ré-novation de la ville. Deuxautres lieux prestigieux, lesanciens palais New-York etDreschler, transformés en hô-tels de luxe, ouvriront cetteannée. Après la longue nuitcommuniste, Budapest re-trouve son éclat d’antan. Miklos Matyassy, à Budapest

La mue du palais Gresham en palace

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