Le Rite Ecossais Ancien et Accepté et la Grande Loge · 2019. 9. 19. · Le Rite Ecossais Ancien...

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Le Rite Ecossais Ancien et Accepté et la Grande Loge de France L'immeuble de la rue Puteaux, autre- fois propriété des Oblats de Saint :oine de Padoue couvre une superficie 300 m2 environ dont 800 construits 0en cour etjardin. Les charges résul- de l'acquisition sont allégées par l'é- amie du loyer des anciens locaux, rue :hechouard et par " la location de la elle et de la crypte à un industriel :ploitant un cinématographe "2 Pour le --te une société civile immobilière est :ée " se composant de la totalité des Le 18septembre 1912, le convent de la Grande Loge de France a lieu pour la première fois dans les locaux de la rue Poteaux. Dans son rapport le Frère Fiolet, Grand Secrétaire Général s'en réjouit : Aujourd'hui, le Rite Ecossais tout entier, Grande Loge et Suprême Conseil, possède son hôtel. Il n'est à la merci de personne et il peut, en toute sécurité, suivre le cours de ses destinées, tendre ses regards vers l'avenir qui s'ouvre devant lui."l maçons écossais et son conseil d'adminis- tration n'étant autre que le Conseil Fédéral, c'est donc bien la Grande Loge elle-même qui se rendra propriétaire de l'inmieuble. ?13 Une commission des locaux désignée par le Conseil Fédéral " devra procéder à un examen pour aviser de la répartition des locaux du Suprême Conseil et des diffé- rents services de la Grande Loge de France dans le nouvel irnmeuble"4 Ainsi, depuis près d'un siècle, la Grande Loge de France et le Suprême Conseil de :'lpte rendu u Convent de 1912, rapport du Grand Secrétaire. I -:ulaire du Cueseil Fédéral aux toges de la Fédération du 25 septembre 1910 / idem : : 'jte-rendu aux ateliers de la Fédération des travaux du Conseil Fédéral et de la Grande toge de, janvier-juillet 1911 ['E VUE 1NrTIATIQUES PINTEMPsJÉrv 2003 83

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Le Rite Ecossais Ancienet Accepté et la Grande Loge

de France

L'immeublede la rue Puteaux, autre-

fois propriété des Oblats de Saint:oine de Padoue couvre une superficie

300 m2 environ dont 800 construits0en cour etjardin. Les charges résul-de l'acquisition sont allégées par l'é-

amie du loyer des anciens locaux, rue:hechouard et par " la location de laelle et de la crypte à un industriel

:ploitant un cinématographe "2 Pour le--te une société civile immobilière est:ée " se composant de la totalité des

Le 18septembre 1912, le convent de la

Grande Loge de France a lieu pour la

première fois dans les locaux de la rue

Poteaux. Dans son rapport le Frère

Fiolet, Grand Secrétaire Général s'en

réjouit : Aujourd'hui, le Rite Ecossais

tout entier, Grande Loge et Suprême

Conseil, possède son hôtel. Il n'est à la

merci de personne et il peut, en toute

sécurité, suivre le cours de ses

destinées, tendre ses regards vers

l'avenir qui s'ouvre devant lui."l

maçons écossais et son conseil d'adminis-tration n'étant autre que le Conseil Fédéral,c'est donc bien la Grande Loge elle-mêmequi se rendra propriétaire de l'inmieuble. ?13Une commission des locaux désignée parle Conseil Fédéral " devra procéder à unexamen pour aviser de la répartition deslocaux du Suprême Conseil et des diffé-rents services de la Grande Loge de Francedans le nouvel irnmeuble"4Ainsi, depuis près d'un siècle, la GrandeLoge de France et le Suprême Conseil de

:'lpte rendu u Convent de 1912, rapport du Grand Secrétaire.

I -:ulaire du Cueseil Fédéral aux toges de la Fédération du 25 septembre 1910 / idem

: : 'jte-rendu aux ateliers de la Fédération des travaux du Conseil Fédéral et de la Grande toge de, janvier-juillet 1911

['E VUE 1NrTIATIQUES PINTEMPsJÉrv 2003 83

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LE RITE ECOSSAIS ANCIEN ET ACCEPTÉ ET LA GRANDE LOGE DE FRANCE

France cohabitent dans le même immeu-ble de la rue Puteaux, entretenant des rela-tions fraternelles dont la chaleur a pu varierselon les époques mais qui restent le cimentdu Rite Ecossais Ancien et Accepté. LeSuprême Conseil choisit les frères désiranttravailler dans les degrés supérieurs parmiles membres de la Grande Loge de Francemais les francs-maçons de la Grande Logesouhaitant ne travailler qu'aux trois pre-miers degrés peuvent le faire pleinementtout en pratiquant de façon authentique leRite Ecossais Ancien et Accepté.Bien que les hauts grades écossais soientapparus en France au milieu du XVIIIesiècle, nous essaierons de montrer quel'Ecosse n'y est peut-être pas aussi étran-gère que l'on a coutume de le dire, tant surun plan historique, lors de l'introductionen France de la franc-maçonnerie spécu-lative, que sur un plan " doctrinal " dans lespropositions initiatiques du Rite Ecossais.Nous verrons ensuite comment le RiteEcossais Ancien et Accepté s'est organiséprogressivement pour se doter des struc-tures que nous lui connaissons aujourd'hui.

Nouvel intérêt Il des originesde l'origine " de la franc-maçonnerie française

La genèse de la franc-maçonnerie spécula-tive moderne n'est pas aussi simple quel'ont décrite de nombreux auteurs. La créa-tion de la première Grande Loge en 1717à Londres est un jalon dans l'histoire de lafran c-maçonnerie spéculative, jalon très Suprême personnel.

important, certes, puisqu'il définit uneinstance fédérative la " Grande Loge deLondres et de Westminster " qui se don-nera sa charte fondatrice quelques annéesplus tard avec les Constitutions d'Ander-son (1723). La Mère Loge du monde " neprendra le nom de Grande Loge Unied'Angleterre qu'en 1813, à la fin de l'op-position des "ancients et des" modemsSur le tableau de la Grande Loge de Lon-dres, la première loge française "Au Louisd'Argent, rue des Boucheries " porte lenuméro 90, elle est datée de 1732 maisdepuis plusieurs années déjà, des maçonsjacobites, favorables aux Stuart, se réunis-sent sur le territoire français.Avec Lindsay5 ,nous pouvons dire que dèsson apparition en France, la franc-maçon-nerie propose deux systèmes qui se clari-fieront iu fil du temps : une maçonnerie"andersonienne "pratiquant exclusivementles trois premiers degrés et une maçonne-rie développant un symbolisme chrétienet proposant différents systèmes de hautsgrades. Une maçonnerie " anglicane " etune maçonnerie " gallicane " selon les ter-mes de Lindsay :" deux types très différentsde loges existaient en France côte à côte.L'un qui sera dénommé ci-après " anglican ",simplement pour la commodité d'expres-sion, pratiquait exclusivement les 3 degréssymboliques conformément aux règlesétablies pour eux par la Grande Loged'Angleterre6. Les loges de ce type rece-vaient des membres de toutes religions quireconnaissaient l'existence d'un Etre

R.S. Lindsay "Le Rite [cossais pour l'Ecosse " (traéuctiun francaise), Lavai, Le Symbolisme 1961

6 qui s'appelait encore Grande Loge de Londres. M s'agit certainement d'une liberté de l'auteur pour faciliter la lecture et pouvoir faire in parallè

ie avec la Grande Loge de Franco.

En note eo bas de page Lindsay rappelle la publication des statots de Saint Jean de Jérusaiem, principale loge gallicane de Paris "qui urdon-

sait d'assister à la messe après les élections annuelles à la Saint Jean d'été.

Pierre Chevollier, Les Ducs sous l'acacia (réédition Slatkine), Genève, Slatkine 1994, p. 229

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oun autre lieu qu'Aubigny-sur-Nère n'est plus

pice à l'évocation de l'Auld Alliance, "qui n'a point

écrite sur un parchemin de peau de brebis mais

est gravée sur de la Chair vive et de la peau

flomme, tracée non par l'encre mais par le sang ' Le

:m traditionnel de l'Auld Alliance, forme ancienne

1d Alliance, témoigne de l'ancienneté de la Vieille

ance franco-écossaise. Elle tirait son origine plus

- moins légendaire des temps carolingiens (VIlléme

Xème siècles). Elle s'est poursuivie par une série

: traités diplomatiques, d'expéditions militaires,

s aussi de relations intellectuelles et culturelles

enisêe durant plusieurs siècles par la présence,

uis Louis Xl, d'une Garde Ecossaise auprès du

ieFrance

Uautre type, ci-après dénommé "gallican"ar commodité possédait les 3 grades sym-

xliques et, au delà, des " hauts grades" variésnombre et en nature selon l'esprit parti-

ixer de chaque loge. Les membres des logesiii type gallican étaient catholiques romains7.Suivant le cas, le type déiste de rituel étaitcelui des loges anglicanes en France, le type.hrétien celui des loges" gallicanes."Pierre Chevalier corrobore cette hypothèse.ms la description qu'il fait de l'un des plus:ux documents français:'nservé à la bibliothèque

Epernay:" .. .la police pari-senne saisit, en août 1737,

.un texte aujourd'hui foliotéT29 r°v° sans indication de.±xe. de lieu, ni d'auteur mais.ui doit être d'origine jaco-cte et qui est révélateur de

:dstence des deux tendan-: au sein de la maçonnerie

.2E \?1E NITATQULS * PRINTEMPS]TÉ-ZOO

française. "8

Aujourd'hui, dans la recherche en histoiremaçonnique française, deux périodes pren-nent figures d'articulations importantes

Les premiers pas de la maçonnerie fran-çaise, dont il est fait mention pour la pre-mière fois en 1734 seulement, dans un courtarticle du "Whitehall Evening Post ". Lescatéchismes et autres divulgations posté-rieurs à 1742 ne font allusion qu'à l'his-toire légendaire. On peut attribuer à Lalandela première histoire de la franc-maçonneriefrançaise, parue dans l'Encyclopédie deDiderot et d'Alembert en 1773.

La franc-maçonnerie pratiquée en Ecosseavant 1717. Les récents travaux du docteurStevenson se basent sur les archives de logesécossaises bien vivantes, qui ne se réunis-saient pas dans des tavernes mais dans deslocaux prévus à cet effet, qui ont très tôtaccepté des personnes étrangères au métier."La plupart de ces loges originelles existenttoujours. Beaucoup d'entre elles possèdentdes archives datant du XVIIe siècle, et même,dans deux cas, de 1599. L'image qui se formeassocie la mythologie du métier de maçon, enEcosse, au cours des dernières années duXVIe siècle et un riche mélange de créationsintellectuelles de la fin de la Renaissance pourcréer un mouvement unique par ses idéauxet son organisation.Ces Sociétés Secrètes (l'existence même desloges ayant été tout d'abord gardée secrète)

La franc-maçonnerie vit de l'airdu temps et y participe : les trois

piliers que le XVIIIe siècle proposeà 1'Ecossisme : l'émancipation

de la raison, la persistance de latradition hermétique et le réveil

de l'idée de chevalerie.85

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LE RITE ECOSSAIS ANCIEN ET ACCEPTÉ ET LA GRANDE LOGE DE FRANCE

fùrent dans un premier temps réservées auxseuls artisans. Mais par la suite, des hommesd'autres couches de la société vinrent lesrejoindre pour partager les idéaux de frater-nité et les rituels initiatiques. "Les origines de l'histoire de la franc-maçon-nerie en Ecosse intéressent directement lanaissance de la franc-maçonnerie françaisepuisqu'elles l'influenceront fortement, parla branche " gallicane ". N'oublions pas, parexemple, que l'article du "Whitehall Eve-ning Post " de 1734, rapportait que le ducde Richniond avait tenu loge chez sa gran-

Pierre Rayle, (1647-1706). Esprit libre, précurseur

de toute la critique moderne, il soppose à toute

conversion par contrainte. Il soulève contre lui les ca-

tholiques comme les protestants certains de ses liv-

res sont brûlés sur ordre du roi de France. Il achève en

1697 le Dictionnaire qui le rendra célèbre. Avant tout

érudit et critique, Bayle semble plus proche du siècle

des philosophes que de celui de Louis XIV. li na quun

but: la découverte de la vèrité. Ce nest pas tant le fait

qui intéresse que les déformations quil subit, les

contradictions des opinions humaines, les interpréta-

tions, les 'crédulitès qui se prennent pour des véri-

tés. Bayle estime que luniversalité dune croyance

n'est pas forcément un gage de sa vérité.

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d'rnère, Louise de Kéroualle duchesse dePortsmouth, (dont Lady Diana, mère deWilliam, prétendant à la couronne d'An-gleterre était une descendante directe) àAubigny sur Nère (qui est fière encore denos jours de ses sonneurs de cornemuse)qui frit donné, en reconnaissance des ser-vices rendus par les soldats écossais, à leurchefJean Stuart de Darnley en 1295.Le terme "Ecossisme" apparaît très tôt dansle vocabulaire maçonnique dans un cour-rier, le frère Petit du Boulard écrit, le 16mai 1750 :" ce que nous appelons écos-sisme n'est autre chose que l'ancienne maî-trise qui fut changée à la mort d'Hiramdont il doit être très peu question dansnotre catéchisme et qui ne fut confiée parSalomon qu'à un petit nombre. "10

Cette substantivation de l'adjectif"écossais"fait suite à l'apparition dès 1743 de rituelsdu grade d'écossais. Le terme continued'être utilisé de nos jours pour désignerun système maçonnique élaboré en Erancepeu de temps après qu'y soit apparue lafranc-maçonnerie.

LEcossisme et l'émancipationde la Raison

Henri Tort-Nouguès11 situe précisémentle mouvement des Lumières entre 1682et 1784. C'est en 1682 que sont publiées"les pensées sur la comète" de Pierre Bayleet c'est en 1784 qu'Emmanuel Kant publiel'opuscule "Qu'est-ce que les Lumières ?"Pour Kant, c'est la sortie de l'homme de saminorité, minorité c'est-à-dire, incapacitéde se servir de son entendement sans ladirection d'autrui, minorité dont il est lui-même responsable puisque la cause enréside non pas dans un défaut d'entende-ment mais dans un manque de décisionet de courage de s'en servir sans la direc-tion d'autrui" ... et le philosophe d'em-

}i,)IN1S DE VUE NI1'JATIQUES S PNTEMPS f ETt 2O3

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runter le mot du poète latin HoraceSapere aude", Ose savoir, aies le courage

de te servir de ton propre entendement,voilà la devise des Lumières.Cette formule ne dépareillerait pas dansun rituel maçonnique pas plus qu'uneautre phrase de Kant ("Qu'est-ce que s'o-rienter dans la pensée ?" 1786) "Penser parsoi-même signifie chercher la pierre detouche de l'humanité en soi, c'est-à-dire ensa propre raison". Ainsi, par l'exerciceconjoint de sa raison et de sa liberté,l'homme, l'homme des Lumières sort de saminorité, devient majeur, s'émancipe ets'affianchit. 11 s'affranchit des ténèbres de lanuit, de l'obscurité, ce qui signifie pourl'homme du XVIIIe siècle de l'esprit dog-matique, du fanatisme sous toutes ses for-mes mais aussi des passions et des préjugés.Nous voyons là nettement que la franc-maçonnerie spéculative baigne dans le siè-cle des Lumières, qu'elle s'en imprègne etqu'elie y participe.Kant le termine et le résume, Pierre Bayleen avait tracé les grandes voies. Ce grandphilosophe aujourd'hui quelque peu oubliéa marqué la fin du XVIIe siècle et le débutdu XVIIIe. Son dictionnaire historique etcritique de la philosophie, qui fut réédité12 fois en 20 ans influencera tous les pen-seurs qui le suivront.Empruntons-lui quelques formules quenous pourrions encore faire nôtres aujour-d'hui : "Je ne sais si l'on ne pourrait pas assu-rer que les obstacles d'un bon examen neviennent pas tant que l'esprit est vide maisde ce qu'il est plein de préjugés", ou : "le:éritable esprit d'examen consiste surtout

Charles de Segondat, baron de la Brède etde.Montesquieu (1689-1755) Ecrivain. Auteur de

[esprit des Lois et Les Lettres persanes. Membre de

l'Académie trancaise. Initié le 12mai 1730, à Londres,

à la loge "Horn", le Duc de Norfolk officiant comme

vénerable maître.

à se dépouiller de la pensée qu'on détientla vérité" (en 1869 une loge écossaise pren-dra le nom de "Libre Examen") et enfindans son article sur la liberté de penser, ilconseille "osez penser par vous-même".Ainsi le siècle des Lumières s'ouvre-t-il etse termine-t-il par le même mot d'ordre"Osez penser par vous-même" (Bayle),"Ayez le courage de vous servir de votrepropre entendement" (Kant).Cette émancipation se fera dans l'Europeentière mais c'est vers l'Angleterre queles regards se tournent : les regards dessavants qui cherchent à se rapprocher ducénacle que représente pour eux la RoyalSociety ofLondon for improving naturalknowledge.Les regards des philosophes qui admirentson système politique parlementaire, pris

avid Stevenson ihe first freemason'scotland's early lodges and their members", Aberdeen university press, 1988. Traduction française de

atrick Sautrot aux édition Ivoire-Clair, 2001. 4e de couverture rédigée par 'auteur.

1 AndréKervella La franc-maçonnerie écossaise dans la Franco de l'ancien régime, Paris, édit, du Rocher 1999

Henri Tort-Nouguès (Grand Maïtre de la Grande Luge de Fraoce de 1983 à 1986) "la philosophie des Lumières ", Points de Vue Initiatiques

n° 64, 1er trim. 1964

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comme modèle par Montesquieu dans"l'esprit des lois". Et lorsque les freema-sons débarquent sur le continent, l'en-gouement est quasi immédiat. Montes-quieu l'avait même devancé puisqu'il avaitété reçu I la Horn Tavern dans West-minster" en 1730.

La franc-maçonnerie vit de l'airdu temps et y participe.

La franc-maçonnerie peut être considéréecomme un système organique dont lamembrane est perméable. Elle vit desinformations qu'elle reçoit de l'extérieuren même temps qu'elle diffuse, à l'exté-rieur, des informations élaborées à l'inté-rieur. La franc-maçonnerie a toujours bai-gné dans son temps, elle a toujours colléà son époque. Elle y puise ses membres etses courants de réflexion mais elle y par-ticipe aussi, à travers ses membres et sespropositions.Le XVIIIe siècle en témoigne et l'un desexemples les plus frappant est l'initiationde Voltaire. Lalande, dans son discours debienvenue à la Loge " Les Neuf Soeurs"le 7 avril 1778, quelques mois avant lamort du philosophe, l'exprime de façonclaire et concise : " Vous étiez franc-maçon avant même que d'en avoir reçule caractère et vous en avez rempli lesdevoirs avant que d'en avoir contractél'obligation entre nos mains ".Entre la philosophie des Lumières et lafranc-maçonnerie il y a interaction. Lesloges vont répandre'2 la méthode maçon-nique dans un véritable réseau suprana-

tional mais elles vont aussi s'imprégnerdes idées de l'air du temps. "A la veille dela révolution un immense changements'est effectué, non pas dans les moeurs oules conditions matérielles mais dans lescoeurs, les rêves, les idées ... on ne parleque de l'avenir d'un âge d'or en construc-tion, c'est Condorcet et l'idée de pro-grès."13 Benjamin Franklin, qui fut Véné-rable de la loge Les Neuf Soeurs, en estpersuadé lorsqu'il dit qu'il se résignera sanspeine à mourir mais qu'il ne se résignerajamais d'avoir vécu trop tôt " la vie seratellement plus belle dans un siècle, dansdeux siècles, écrit-il"14.Le siècle des Lumières voyait la maîtrise dumonde comme un moyen d'émancipationet de domestication de la nature. Le XIXesiècle a fait de cette maîtrise non plus unmoyen mais une fin en soi et nous a faitcroire que l'on pouvait tout expliquer, toutmesurer. C'est l'époque de la mécanisationet de l'invention des sciences sociales car onprétendait aussi expliquer l'homme et lasociété, on avait la certitude de pouvoir, unjour, éclaircir tous les mystères, même d'or-dre métaphysique'5. Pour désigner l'espritdes Lumières Kant utilisait le mot "Auf-khrung", pour caractériser le XIXe siè-cle, Max Weber, l'un des pères fondateur dela sociologie utilisera le terme "Entzglau-berung der welt" que Durkheim a traduitpar "désenchantement du monde".Cet enthousiasme scientiste pénétrera dansles loges écossaises dont certaines choisis-sent des titres distinctifs significatifs "LesElèves de la Nature"(l 822), "Avenir et Pro-grès" (1843), "les Arts Utiles" (1848), "les

12 Louis Amiable ' une loge maçonnique d'avant 1789 la Lige Les Neuf Soeurs ", Paris, Edimat, 1989 (réédition et présentation de l'ouvrage

d'Amiable de 1897), p. 69

13 Bemard Fay "lu franc-maçonnerie et la révolution intellectuelle au XVIIIe siècle , édit. de Cluny, 1935 14 idem p. 121

15 un clin d'oeil de l'histoire la religion de l'humanité instituée en plein ceurant scientiste par Auguste Comte restera active après la mort de

son fondateur en t857. Les locaux de son siège social, rue Payenne, dans le qeartier du Marais, seront récupérés dans les années 1880 parla

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1-Jean à Patmos. Nicolas Poussip 1640

i.ibres Pionniers du Progrès"(1869), "Artst Métiers"(l 853), "la Raison" (1905).

Cet esprit propre au XIXe siècle rebondiraau XXe et les titres distinctifs des logessont révélateurs : " Proudhon "(1910),Gambetta " (1919), " Auguste Comte(1913),"les disciples de Sadi Carnot"(le

re de la thermodynamique) (1949).espoir de voir les sciences décider des

actions à mener pour définir le bonheur etla liberté est toujours présent mais le XXesiècle s'aperçoit avec ses fanatismes, sesinégalités extrêmes, ses mégalopoles, sapollution que la maîtrise du monde nepeut pas être une fin en soi et pourtantde la mécanisation il passe à l'automatisa-uon puis à la cybernétisation et aujourd'-hui 1'" internetisation " et pourtant ... ensapprochant de plus en plus près des loisde la nature, en pénétrant le monde deszènes, il essaye maintenant de maîtriser leonde du vivant et pourtant ... lesaçons écossais continuent de croire au:rogrès tel qu'il se définit au XVIIIe siè-:e. revenons encore aux noms des logeslesAniis de la Raison "(1991), "Voltaire-

Vigilance "(1999), "Condorcet HommeLibre "(1994)"Condorcet Droits de

Homme "(1995).... L'homme est per-:ctible (c'est peut-être le seul dogmemaçonnique), la société aussi, le monde,runivers ... ordo ab chao.

L'Ecossisme et la TraditionHermétique:Au 1er siècle de notre ère,Alexandrie estle point de contact entre l'orient et l'occi-dent. S'y côtoient juifs, égyptiens et grecs,thérapeutes, esséniens et autres gnostiques.C'est là que prend forme la pensée her-métique dont le fondement se trouve dansle corpus hermeticum, un ensemble dedix textes attribué à Hermès Trismégiste,c'est aussi l'époque où est rédigé l'évangilede Jean. Etait-ce dans l'air du temps ?La Comparaison entre le Poïmandrès (titredu premier livre que l'on traduit habi-tuellement par " passeur d'homme ") et leprologue de Jean suffirait déjà à rattachernotre maçonnerie johannique à la Tradi-tion hermétique"Au commencement était le verbe et leverbe était Dieu. Il était au commencementauprès de Dieu. Par lui tout est paru de cequi est paru, sans lui rien n'a paru de ce quiest paru. En lui était la vie et la vie était lalumière des hommes" (évangile de Jean)"Cette lumière, c'est moi, l'intelligence, tonDieu, antérieur à la nature humide qui sortdes ténèbres et le verbe lumineux de l'in-telligence c'est le fils de Dieu. Ils ne sont passéparés car l'union c'est leur vie. La Parolede Dieu s'élança des éléments inférieursvers la pure création de la nature et s'unit àl'intelligence créatrice car elle est de mêmeessence. En la vie et la lumière consiste lepère des choses" (le Poïmandres).Dans Asclépios (livre deuxième) on peutlire : "il n'y aura plus après nous aucunamour sincère de la philosophie, laquelleconsiste dans le seul désir de mieuxconnaître la divinité par une contempla-tion habituelle et une sainte piété, car déjàbeaucoup la corrompent à force de subti-lités, de diverses sciences qui n'y sont pascomprises ... ainsi donc les hommes quiviendront après nous, abusés par les sophis-

NTS L)E VUE JNITIAUQUES PRINTEMPS / ÈRE 89

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tes, se laisseront détourner de la vraie, dela pure et sainte philosophie.Depuis longtemps les égyptiens avaient desconnaissances approfondies sur ce qu'onappelle aujourd'hui la chimie organique etla chimie minérale. La première travaillantsur des solutions, des sucs et des onguents,manifestations de l'élément eau, la secondeutilisant le feu sur des métaux ou des miné-raux ... c'est de cette distinction que pro-viennent les termes de voie sèche et devoie humide utilisées en alchimie. C'est eneffet de la rencontre entre les techniquesmises au point pour vénérerles dieux (embaumement,dorures ...) et la propositionhermétique d'un monde oùle ciel et la terre, l'esprit et lamatière ne sont pas séparés,qu'est née l'alchimie (al che-mia, la terre noire en languearabe, en référence à l'Egypte).Le mot " hermétique " estdevenu aujourd'hui syno-nyme de caché, fermé, pro-bablement à cause des termesemployés, du style utilisé etde la diflEjcuké de traductiondu grec du copte ou de l'a-rabe. Mais cela provient aussidu fait que la pensée hermé-tique s'est presque toujoursexprimée à mots couverts, enmarge de la logique aristotélicienne, de lascolastique puis de l'esprit scientifique.La vision aristotélicienne du monde estbasée sur deux principes qui sont la base dela méthode scientifique : le principe suivantlequel la nature est compréhensible, mesu-rable et le principe d'objectivation où l'ob-servateur s'exclut du champ observé. Pourobserver le monde qui l'entoure, l'hommes'en sépare, il se place en dehors de sondomaine d'expérimentation et d'observa-

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isis et HoTus

tion.Aristote pratique ce qu'Edgard Morinappelle la "dichotomie grandiose", d'oùdécoulent toute l'histoire et la pensée dumonde occidental, Aristote coupe la Sophiaen deux morceaux : la sagesse et la science.Il sépare l'esprit et la matière, le vécu etl'observable, le sentiment et la raison, lesmouvements de l'âme et le mesurable, l'af-fectif et le cognitif dira Mallebranche.La tradition hermétique, elle, refuse deséparer le ciel et la terre, l'individu et l'u-niversel, le particulier et le général, la natureet celui qui y vit, qui y participe.

La vision hermétique s'esttransmise plus ou moinsouvertement de l'école d'A-lexandrie à la RenaissancePhilon, Apollonius de Tyane,Denis l'Aréopagite, Plotin,Jean Scot Erigène, Avicenne.Albert le Grand, RaymondLulle (qui obtient du Pape en1276 l'autorisation de fonderun couvent pour l'enseigne-ment du Grand Art (ArsMagna) et de la langue arabe),Paracelse, Dante, Rabelaisdont les distillateurs de quin-tessence (qui contredisent lathéorie des quatre élémentsd'Aristote) ne sont pas desimples bouilleurs de cru. Laquintessence est l'état qui per-

met la compréhension globale et de l'inté-rieur du monde qui nous entoure et quinous comprend, la substantifique moelle,c'est l'âme du monde, c'est la force de lavie et la vie est la lumière des hommes. Ilest prouvé que Rabelais connaissait ets'inspirait de Nicolas de Cues qui avaitrepris la théorie la théorie pythagoriciennedu mouvement de la terre autour du soleilplus de cent cinquante ans avant Galilée.L'année de la mort de Nicolas de Cues, 1464,

PE vur INITIATIQUES PRINTEMPS / ÉPI 5003

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4u Vatican, Raphaél a représenté Platon pointant un doigt vers le ciel

et Aristote tendant la main vers la terre. Deux approches différentes

:e l'Hermetisme cherchera a rendre complémentaires.

Cosme de Médicis demande à Marcile Ficinde traduire en latin un manuscrit qu'unmoine avait apporté de Macédoine : le cor-pus herméticum. Publiée une dizaine d'an-nées plus tard, cette traduction longuementcommentée par Pic de la Mirandole sera lepoint de départ d'une véritable renaissance(réapparition acceptée) de la tradition her-métique ... mais elle ne durera pas. New-ton qui forgeât sa théorie de la gravitationuniverselle grâce à une vision hermétique,unitaire du monde bien plus qu'à la chuted'une pomme, dont ne seront retenus dansFhistoire des sciences que 10 à 15% de sesécrits, le reste étant "classé " dans les textesalchimiques, pourrait être considéré commele dernier représentant "officiel", reconnude la tradition hermétique et de sa fille l'al-chimie.En 1614 paraît le premier manifesteRose+ Croix : "fama fraternitatis de l'ordrelouable de la Rose+Croix" que l'on attribueàjohnValentinAndréa qui avait été l'élève de

\'fNTS PE VUE INmATIQIJES * PRUTEMPSJ UÉ - 2003

John Arndt et de Besold, deux propagateursimportants de la pensée hermétique.Le grade de Rose+Croix, directementinspiré des noces chimiques de ChristianRozenkreuz apparaît dans les hauts gradesmaçonniques, en France vers 1760 LeBaron Tschoudy, dont les discours deréception d'apprenti sont restés fameux,publie en 1766 "l'étoile flamboyante". L'ou-vrage a pour sous-titre "la science d'Her-mès, origine et but de la confédération vul-gairement appelée Franche Maçonnerie".La franc-maçonnerie écossaise est indu-bitablement dépositaire de la traditionhermétique.L'écossisme propose de concilier deux visionsdu monde complètement différentes : la

vision rationnelle et la vision spirituelle, lavision d'Aristote et la vision d'Hermès.Le Suprême Conseil de Charleston n'a-t-il pas pris comme emblème l'aigle à deuxtêtes du Saint Empire ? les deux têtes quise "tournent le dos", l'une regardantRome, l'autre Constantinople, l'une tour-née vers l'occident, l'autre vers l'orient,l'une vers la mesure et l'organisation, l'au-tre vers la contemplation.Au XVIe siècle, Giordano Bruno parcourtl'Europe, "académicien sans académie" selonses propres termes (se rattachant explicite-ment à Platon). Il commente RaymondLulle, critique à la fois le géocentrisme d'A-ristote, le lutherianisrne, et la théologie chré-tienne, expose sa relation de philosophe àl'un, à l'unité et surtout, il enseigne l'art dela mémoire, qui selon lui est dû à l'inventiond'Hermès Trismégiste lui-même. Bruno esten Angleterre entre 1583 et 1585, il ren-contre à Londres Alexander Dixon, qui dansun traité de 1584 place résolument l'art dela mémoire dans un contexte hermétique16.

16 Revue Renaissance TraitianneIIe n° 83, juillet 1990, pp 176/177

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LE RITE ECOSSAIS ANCIEN ET ACCEPTÉ ET LA GRANDE LOGE DE FRANCE

Giordano Bruno,( 1548-1600) apparait très têt comme

un contestataire. Ses idées refoulées par la religion le

feront voyager à travers l'italie dans un premiertemps puis l'obligeront à trouver refuge en Franco, en

Angleterre ainsi que d'autres pays européens. Brune

détend la thèse copernicienne de l'héliocentrisme

avec vigueur, détruit les limites trop étroites dans les-

quelles la religion chrétienne enfermait 'univers et va

même au delà en affirmant l'existence d'une infinité

de monde habités. Cependant cet excommunié reste

très empreint de mysticisme et d'ésotérisme . Ses

opinion rebelles lui valurent d'être emprisonné 7 ans à

Rome par le Saint Office et après avoir été accusé

d'hérésie, Giordano Bruno est brêlé vif le 17février

1600 au Campo di Fiori.

Dixon était catholique et ... écossais,comme William Schaw avec lequel il avaitcertainement des relations, au moins épis-tolaires. Bruno est briolé vif en 1600, c'est en1599 que Williarn Schaw termine la rédac-tion de ses statuts.Les travaux récents de l'universitaire écos-sais David Stevenson présentent WilliamSchaw comme le fondateur de la franc-maçonnerie moderne "en entreprenantde réorganiser le métier de maçon enEcosse, il le dota d'une nouvelle significationet ce faisant il créa la franc-maçonnerie". Siles articles 6 et 10 des statuts Schaw indi-quent que ceux qui souhaitent devenircompagnons du Métier doivent faire preuve

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de mémoire (parmi d'autres qualificationstechniques). L'article 13 est beaucoup plusexplicite et donne l'instruction d'examinertout apprenti "entré" et tout compagnon dumétier dans l'art de la mémoire et la sciencequi s'y rattache (art of memory and thescience theirof).

L'héritage des maçons du moyen-âgecontient à l'évidence une grande partie dece que l'on retrouve plus tard en franc-maçonnerie. -. mais si l'on considère l'en-semble des documents écossais.., tourindique un acte de création et non une sim-ple évolution. Vers 1600 l'héritage dumoyen-âge fut remodelé et combiné avecdes préoccupations et des thèmes propresafin de créer un nouveau mouvement.17"Ehas Ahsmole, l'un des premiers non-opé-ratifs les plus connus a être reçu maçon(en 1646) est " antiquarian ", à la foismathématicien, astronome et alchimistemais surtout grand connaisseur des" scien-ces antiques ". Il publie en 1652 unouvrage, le theatrurn chemicum botani-cum qu'il introduit par une "défense de laRose-Croix." Pour Stevenson, les deuxpremiers maçons spéculatifs à avoir étéreçus (en terre anglaise, les armées écos-saises stationnaient au cours de leur pro-gression contre les troupes royales dans lenord de l'Angleterre) le 20 mai 1641,sontRobert Moray et Alexander Hamilton. Lacoutume était d'attribuer une marque àchaque nouveau reçu, Moray choisit lepentagramme, "ce caractère hiérogly-phique que j'appelle une étoile est célèbreparmi les égyptiens et les grecs" écrit-il, etil accompagnera les cinq pointes de " cinqlettres grecques formant le doux nom d'a-gapa qui vous le savez signifie "tu aimes"ou "il aime", ce qui est l'amour réciproquede Dieu et de l'homme. "18

Il y a de curieuses coïncidences et peut-être que le terme écossais désignant les pre-

}'OINIS PE VUE IN1T!ATUES PROUEMPS / c -

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miers hauts grades français se réfère-t-il à laTadition hermétique présente dans les logesd'Ecosse... Ce n'est qu'une hypothèse

LEcossisme et la philosophiede l'action, réveil de l'idéede chevalerie:

Ecossisme ne propose pas seulement uneiilosophie de la connaissance, de la com-hension et ses deux propositions la

:ison et l'intuition, l'Ecossisme proposejussi une philosophie de l'action. Et:omme par hasard c'est un écossais, André\lichel de Ramsay qui impose une idée.u1 commençait à germer : l'idée de Che-alerie. Orateur attitré de l'Ordre des

Francs-Maçons pour le Royaume deFrance, Ramsay dans son fameux discoursie 1737 fait plusieurs fois allusion "à nosancêtres les croisés".La Chevalerie contrairement à la noblesse

::'était pas héréditaire, il fallait toujours unte spécial pour faire un chevalier. La che-

;alerie historique ne survécut pas à laenaissance et à la Réforme : les progrès

l'artillerie et les guerres de religionsvjient fait régresser les vertus chevale-

:sques. Au XVIIIe siècle au moment ou

Oavid Stevenson op cil. P. 28 I 18 idem p. 121

iul Veysset Ecossisme et chevalerie, Points de Vue Initiatique ° 96, 1er trim. 1995

PE VUE INIlIAl'IQ_lJES * PNTEMPSJJÏE - 93

l'Ecossisme se développe en France, la che-valerie se cantonne aux ordres réguliersmilitaires ou religieux et la qualité de che-valier n'est plus que nominale."19 Maisl'imaginaire chevaleresque subsiste en pro-fondeur et l'Ecossisme offre un cadre pro-pice à sa remise en vigueur. Il "digérera" unhaut grade qui ne viendra pas cette foisd'écosse mais d'Allemagne, le GrandInspecteur Grand Elu Chevalier Kadosh.Déjà, à chacun des premiers degrés, la tra-dition chevaleresque est présente, lorsquele Vénérable Maître crée, constitue (conf-ère au 3ème degré) et reçoit les impétrantsen les adoubant de son épée ... et en tra-vaillant à la Gloire du Grand Architectede l'Univers, le maçon écossais sacraliseson existence, il mène un combat pour unmonde meilleur, mais il mène aussi uncombat avec lui-même (non pro nobis,Domine, sed tua maxima gloria : pas pournous Seigneur, mais pour ta plus grandegloire, s'écriaient les Chevaliers).A cette philosophie de l'action,il faut bienentendu associer la tradition des bâtisseursquo, eux aussi travaillaient sur un chantierqui les dépassait, leur objectif était bien au-delà de leur petite personne. Le terrassiersavait très bien qu'il ne verraitjamais la flè-che de la cathédrale. Cette idée de chantieren construction, fondement même de laFranc-Maçonnerie, est exposée de façonlumineuse dans les Constitutions d'An-derson directement inspirées des " OldCharges ", des anciens devoirs imposés(enjoints) aux opératifs, aux maçons cons-tructeurs pour que le chantier sur lequel ilsse trouvaient soit efficace et harmonieux.Les maçons spéculatifs ont élargi cette idéede chantier à la société tout entière. Maisce grand chantier du monde, de la vie, de

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LE RITE ECOSSAIS ANCIEN ET ACCEPTÉ ET LA GRANDE LOGE DE FRANCE

l'Umvers nécessite-t-il un Grand Archi-tecte ? C'est peut-être, dans le fond la seulequestion qui divise les maçons.A cette question Le Rite Ecossais Ancienet Accepté a toujours répondu par l'affir-mative, avec plus ou moins d'assuranceselon les époques.Emanation de l'Ecossisme, terme utiliséencore aujourd'hui de façon générique, leRite Ecossais Ancien et Accepté proposeune démarche qui allie trois méthodesapparemment incompatibles : la raison,vision extérieure, aristotélicienne, l'intui-tion, vision intérieure, hermétique et lavision supérieure, force au service d'unidéal. Sans trahir de grands secrets on peutdire de façon très schématique que c'est ceque proposent ses hauts grades le maçonécossais va retrouver la connaissance d'Hi-ram, l'architecte, et mesurer son templedans les moindres détails, puis, s'aperce-vant des limites de ses sens et de sa raisonil devra passer dans un autre état fait defeu, de sacrifice, d'amour et d'espoir inex-plicable par la raison, pour pouvoir finale-ment agir en toute conscience.Les trois démarches peuvent aussi se for-muler de la façon suivante

une reconstruction méthodique etrationnelle du temple (temple intérieur ettemple extérieur, la cité idéale- une compréhension hermétique d'unmonde où tout est un, que l'on ne peut pasappréhender par la raison,- et une finalisation de l'action, une sacra-lisation du geste.Les trois démarches, nous les trouvons déjàaux trois premiers degrés, nous les retro-uvons même réunies dans chacun desdegrés où nous pourrions multiplier lesexemples : sagesse, force et beauté, les troispetites lumières, les trois piliers qui sou-tiennent la loge la sagesse c'est l'intellect,la raison, la beauté c'est l'intuition, l'amour

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qui ne s'analyse pas et la force c'est la foidans notre idéal ; l'équerre, le compas et leVolume de la Loi Sacrée, les trois grandeslumières que l'on fait apparaître à l'ouver-turc des travaux l'équerre, c'est la mesureorthonormée, l'objectivité, le compas, dontl'angle dépend de notre état, la subjecti-vité et le Volume de la Loi Sacrée nousrappelle l'immensité du chantier où nousne faisons que passer.Nous avons tenté de montrer l'unité de laphilosophie, de la spiritualité et de laméthode initiatique du Rite EcossaisAncien et Accepté. Nous allons voir main-tenant de quelle façon son organisations'est mise en place et comment elle estdevenue celle que l'on connaît aujourd'hui.

La lente mise en placestructurelle

Les premières loges dont nous avons destraces tangibles apparaissent en France,comme nous l'avons vu entre 1728 et1732. Les premiers Grands Maîtres sontsuccessivement le duc deWharton " GrandMaître des loges du royaume de France1728 ( ?) Mac Lean en 1731, à la mort deWharton puis Charles Radclife, Comtede Derwentwater, Grand Maître attestéd'un " Ordre des francs-maçons duRoyaume de France "20 Pierre Cheval-lier donne des détails précis sur leur bio-graphie, " l'importance de tous ces ren-seignements est extrême, ils rattachent lesdébuts de l'ordre maçonnique en Franceaux Stuart d'une façon étroite et qui nesemble n'avoirjanlais été soupçonnée. "21

Le premier Grand-Maître français sera leDuc d'Antin " Seigneur bien en Cour" en1738 auquel succédera en 1743 Louis deBourbon, Comte de Clermont. Entre cesdeux dates il n'y a pas d'organe fédérateurreconnu. En 1743 apparaissent les rituels de

FC'NTS PE VuE INVFIi\TIQLJES PuNuEMrs / PÈ - 2003

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Maître Ecossais et d'Elu Parfait ; le F\ dela Tierce fait paraître la traduction en fran-.ais de la deuxième mouture des Consti-rntions d'Anderson (The New Book ofConstitution de 1738) et la fait suivre des3rdonnances générales de la Grande Logede France, votées le 11 décembre, dont le20ème et dernier article, "indiquant quedepuis peu certains s'annoncent sous lenom de Maître Ecossois et forment dans

S Loges particulières des prétentions et:xigent des prérogatives dont on ne retro-.ave aucune trace dans les anciennes archi---es et coutumes des Loges . . . déterminede ne les considérer que comme les autresapprentis et compagnons... "22Mais en 1755,12 ans plus tard, dans les nou-veaux statuts de la Grande Loge de Francen article prévoit que" les Maîtres Ecossais

auront la surveillance de tous les travaux.i ont la liberté de prendre la parole, d'être:oujours armés et de rester couverts."Dans les années 1760 les grades et les rites

multiplient. On assiste, en 1762 à la créa-non quasi-simultanée d'un SouverainConseil des Grands Empereurs Princes etChevaliers de l'Orient et d'un SouverainConseil des Chevaliers d'Orient. C'estsette année-là également que la LogeSaint Jean de Jérusalem " de Marseille,iprès la mise en sommeil de celle de Bor-deaux, prend le nom de Mère Loge Ecos-saise. En 1767, la prolifération des rites etdes factions est telle que la situation devient:nextricable et que le lieutenant de police,\Ionsieur de Sastine suspend les travaux de

Grande Loge de France (les loges, elles,sontinuent à travailler).

De cette année nous disposons d'unTableau général de tous les Vénérables

Maîtres des Loges tant de Paris que deProvince, régulièrement constituées par laGrande Loge de France sous les auspicesdu Respectable Grand Maître de l'OrdreSAS Frère Louis de Bourbon, Comte deClermont, Prince de sang et de son Sub-stitut Général le Respectable FrèreChaillon de Joinvifle, Maître de Reques-tes,... scellé et timbré par le Grand Gardedes sceaux timbres et archives de la TrèsRespectable et Très Sublime Grande Logede France, le Frère Delachaussée"23.Il dénombre 108 loges à Paris, 164 en Pro-vince. Ce document qui mériterait uneétude approfondie présente de nombreuxintérêts notamment celui de comporterles noms des personnages qui jouèrent unrôle fondamental dans la mise en place dessystèmes maçonniques français. Deux d'en-tre eux demandent vérification- Morin (sans prénom) Vénérable Maîtrede la Loge" L'Harmonie" créée en 1762à l'Isle de St Domingue (f) 17,r°,ligne 10). S'agit-il d'Etienne Morin quo, grâce àses fameuses lettres patentes, répandra "lessublimes degrés de la Haute Perfectiondans les îles et multipliera et créera desInspecteurs en tous lieux où les sublimesgrades ne seront pas établis " ?" Willermoz l'aîné ", de la Loge " La Par-faite Amitié " créée à Lyon en 1756 (f)17, y0, ligne 5). Est-ce Jean-Baptiste Willer-moz, le père fondateur du Régime Ecos-sais Rectifié ?Les autres ne présentent aucun doute:

Labady et l)uret (f) 14, y0, lignes 15 et 17)

Pierre Chevallier 'les dics sous l'acacia ", np. cit. p33. fait référence a un manuscrit conservé à la Bibliothèque Nationale

oxu la cote FM, 4, 146. / 21 idem p226

blain Bernheim contribution à la connaissance de la genèse de la première Grande Loge de Fronce ', Villard de Honnecourt Tome X 1974,

mnprimé dans las Travaux de Villard de Hannecourt n° 17 de 1988 pp. 65 à 199.

Archives de la Grande Lige de France AR F11303 B6

.NTS DE Vxrv. rNInA'r'IvEs PAIurEMpsJ IrE - 95

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LE RITE ECOSSAI ANCIEN ET ACCEPTÉ ET LA GRANDE LOGE DE FRANCE

qui lors de la création du Grand Orient semntemprisonnés puis libérés après avoir rendules sceaux et timbres mais qui garderont lesarchives de la Grande Loge de France, quecelle-ci conservera jusqu'en 1799.

Baron deTschoudy,Vénérable Maître dela Loge " Saint-Jean de l'Amitié de Saint-Etienne" à Metz en 1757 (f°17,v°, ligne17), auteur de "l'étoile flamboyante "24 etde nombreux rituels alchimiques25 ; il mitau point un système de hauts grades quicomprenait, entre autres," un Ecossais deSaint-André d'Ecosse"

Martinez de Pasqualy,Vénérable Maîtrede la Loge " La Perfection " à Bordeaux(f°20, y0, ligne 7). Dans la colonne apos-tilles et remarques on peut lire : " cetteloge ne sera jamais constituée, il a été lancéun décret par la Grande Loge de Francecontre le fondateur en date du 12 décem-bre 1763 qui depuis a présenté requête endate du 24juillet 1766 mais qui a été reje-tée, ayant été prouvé qu'il fait métier et[marchandise] (?) des grades, le dit décretrenouvelé le 25 octobre 1766.Une dernière remarque d'importance : folio18, recto, la troisième ligne n'est pas rempliecomplètement, on y lit seulement SaintJeand'Ecosse, Marseille, et en apostille, laremarque "jusqu'à ce qu'elle justifie de saConstitution ", permet de deviner, en fili-grane les rapports entre La Grande Logede Erance et la Mère Loge Ecossaise.En 1771, à la mort du Comte de Cler-

mont le duc de Montrnorency-Luxem-bourg remet de l'ordre et la Grande Logeest autorisée à reprendre ses travaux. En1772 la Grande Loge s'unit au SouverainConseil des Empereurs d'Orient et d'Oc-

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3 1$O1

cident, un système de hauts grades qui aréussi à traverser la tourmente." Sans cesseoccupée de tout ce qui peut être utile àl'Art Royal, la Très Respectable GrandeLoge cherchait depuis longtemps le germequi divisait ses enfants et agitait quelquesuns des orients de France. Elle a reconnuque ces divisions avaient presque toujourspour principe les prérogatives des gradués[sic]. Pendant qu'elle se reposait sur leConseil des Empereurs d'Orient et d'Oc-cident, Sublime Mère Loge Ecossaise, del'administration des grades supérieurs, elledonnait tous les soins au symbolique. "26

En 1773 une opposition apparaît entre lesmaîtres de province et les maîtres de Parisqui aboutit à la création du Grand Orient.Celui-ci tente de rassembler toutes les logesfrançaises" en un seul et même corps sousle nom de Grand Orient de France ". Sesstatuts ne disent pas un mot sur les hautsgrades. Plusieurs loges refusent de fairerafraîchir" leur Constitution par le GrandOrient:" si nous ne sommes pas réguliers,nous qui vous avons constitués, de qui

24 vax supra p. f 25 Tous lei rituels alchimiqies du Baron de Tschoudy tac simile de manuscrits, édit Arma Artis, Paris, circa 1980

Bibliothèque Grande Loge de France n° 9271 Cote L-1-d-15 (exemplaire numéroté n° 28 / 150)

26 dispositions générale de la Très Respectable Grande Lige ... ', plaquette 12 pp.31 Supréme Conseil de France ' Livre d'Or du Comte De

Grasse Tilly ', 2003

POINTS PIE VITE INITIATIO5JES PRINTEMPS / ÉTÉ 2003

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tenez-vous vos pouvoirs et de quel droitprétendez-vous donner la vie à ceux dequi vous l'avez reçue ? "27 écrit le FrèreGouillard de la Grande Loge. Ce sont sur-tout les loges écossaises qui refusent de sesoumettre et qui se mettront, dès sa créa-tion en 1804, sous la protection duSuprême Conseil. La Mère Loge Ecossaisede Paris (Saint Alexandre d'Ecosse) est dés-ormais parisienne après être passée de Mar-seule en Avignon. Pierre Chevalier cite unrapport de police de 180328 : si les logesdes francs-maçons ne se multiplient plusautant .. le nombre des frères augmenteconsidérablement ... les maçons tranquilleset qui ne s'occupent véritablement que dela Maçonnerie cherchent dans ce momentà réorganiser le Grand Orient et à fairetomber petit à petit les loges suspectes etsurtout celles qui observent le Rite Ecos-sais parce que leur correspondance s'étendchez l'étranger et que d'ailleurs elles nesont pas toujours très tranquilles ".Après une longue élaboration29 , le RiteEcossais Ancien et Accepté est définitive-ment fixé en 1801, à Charleston avec lacréation du premier Suprême Conseil. LeSuprême Conseil pour la France (le

deuxième) est créé le 22 septembre 1804,De Grasse Tilly en est le premier souverainGrand Commandeur3° . Il constitue le 22octobre une Grande Loge Générale Ecos-saise qui se réunit dans le local de " SaintAlexandre d'EcosseAprès quelques vicissitudes, ce n'est véri-tablement qu'en 1821-1822 que prenddéfinitivement corps la double structuredu Rite Ecossais Ancien et Accepté. C'està cette époque que commence la numé-

rotation des loges sur le matricule duSuprême Conseil. La Loge n° 1, " LaGrande Commanderie " devient laGrande Loge Centrale ", divisée en troissections dont la première s'occupe desloges bleues (ou symboliques, du 1er au3ème degré). Parmi les toutes premièresloges certaines continuent à travailleraujourd'hui : la loge n° 3 " Les Trinitaires", qui à l'origine portait le nom des" Che-valiers Bienfaisants de l'Olivier Ecossais ",ou la loge n° 6 " Le Mont Sinaï T,.

Déjà, en 1848, quelques loges commen-cent à vouloir s'émanciper du SuprêmeConseil et proposer une organisation oùelles se gouverneraient elles-mêmes. UneGrande Loge Nationale éphémère comp-tera huit loges dont " Les Trinitaires. " Al'instigation du Grand Orient et duSuprême Conseil, le gouvernement luirefusera l'autorisation en vertu de la loi du28juillet 1848 sur les réunions non publiquesde caractère politique ; le programme de laloge " L'Etoile de Bethléern " comprenaitune " étude des écoles socialistes ". Lemécontentement des loges se manifeste deplus en plus ouvertement, en 1868 puis sur-tout en 1879, année où une dizaine d'en-tre elles est radiée par le Suprême Conseil.Avant de relater ces événements il nous fautmentionner l'épisode de la mise en place parNapoléon III, en 1862, du MaréchalMagnan, comme Grande Maître du GrandOrient. Dès sa nomination (par décret del'empereur) Magnan ordonne la réuniondes loges du Suprême Conseil au GrandOrient. Il faut toute l'influence et la pugna-cité de jean PonsViennet, alors Grand Com-mandeur, homme politique et académicien,

Pierre Chevaflier " Histoire de la franc-maçonnerie française ", Paris, edit Fayard, 1974, 1.1, p. 180 / 28 idem T. 2, p14

2' Claude Guérillot »'Le Rite de Perfection édit. Trédaniel, 1993

3) 'La génèse du Rite Ecossais Ancien et Accepté', édit. Trédaniel, 1993.

71 Suprême Conseil de France, "Livre d'Or di Comte De Grasse Tïlly ", 2003

.INFS LIE VVt 11'SFFIA'rÏQrrts PRIN1EMPOJ OIE 2X'3 9.

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LE RITE ECOSSAIS ANCIEN ET ACCEPTÉ ET LA GRANDE LOGE DE FRANCE

pour que le projet n'aboutisse pas.La loge n° 133 La Justice " est dissoute le12 mai 1879 par le Suprême Conseil, pouravoir adressé aux loges un " examen cri-tique et historique du Rite Ecossais enFrance ... "qui propose un " plan de décen-tralisation maçonnique ". Celui-ci permet-trait aux loges de s'organiser en dehors ducontrôle du Suprême Conseil. Plusieurs logessoutiennent la proposition et sont radiées àleur tour, dont " Union et Bienfaisancequi met à disposition son local où a lieu, le26 mars 1880 la rete inaugurale de la GrandeLoge Symbolique Ecossaise, à laquelle par-ticipent de nombreux frères du GrandOrient et du Suprême Conseil. Les premiersarticles de la Constitution de la nouvelleobédience consacrent sa souveraineté et sonautonomie. Elle n'administre que les troispremiers degrés mais reconnaît l'existencedes Suprêmes Conseils, libre aux frères des'y affilier mais sans qu'ils puissent en atten-dre des droits et des pouvoirs particuliers.En 1883 le Grand Orient invite à son ban-quet de Convent les représentants duSuprême Conseil et de la Grande Loge Sym-bolique Ecossaise. Gustave Mesureur, repré-sentant de la Grande Loge Symbolique Ecos-saise exprime son "bonheur d'y rencontrerson père, le Suprême Conseil de France et dese réconcilier avec lui. En décembre 1887, LeFrère Jean-Marie Raymond du SuprêmeConseil31 , invité à la rete des loges de laGrande Loge Symbolique Ecossaise, porteun toast " à nos frères de la Grande LogeSymbolique Ecossaise qui, partis en avant-garde pour un voyage d'exploration sontaujourd'hui avec nous et nous apportent unconcours précieux pour le groupement detoutes les forces vives de la Maçonnerie enFrance." 32 Gustave Mesureur lui répondque la Grande Loge Symbolique Ecossaiseavait été créée " non pour constituer uneautre obédience maçonnique mais pour arri-

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ver à décharger du lourd fardeau des logesbleues le Suprême Conseil qui pourra alors sedonner tout entier à l'administration des hautsgrades et être l'intermédiaire naturel avec lafranc-maçonnerie étrangère. "-Deux courants d'idées traversent la GrandeLoge Symbolique Ecossaise le symbolisme etle positivisme. Oswald Wirth est sur le point depublier" la Franc-Maçonnerie rendue intel-ligible à ses adeptes, 3 tomes, apprenti, com-pagnon et maître ", il écrira aussi sur le sym-bolisme astrologique, hermétique ou occultede la Franc-Maçonnerie. Ses opposants quirefusent toute hégémonie attentatoire à laliberté, fit-elle intellectuelle, ne peuvent empê-

cher l'imprégnation des rituels d'astrologie.d'hermétisme, d'occultisme et de kabbale.En 1894, année qui fit prise comme réfé-rence pour le centenaire de la Grande Logede Frane, de nouvelles pressions, notam-ment de loges du Nord, pousse le SuprêmeConseil à adresser une circulaire aux loges,le 21juin, remarquant qu'un " grand nom-bre de frères pense que si le SuprêmeConseil abandonne aux loges symboliquesle soin de leur administration, leurs ateliersdévelopperont une plus grande activitéle Suprême Conseil se dit prêt à le faire s'iln'est pris aucune disposition contraire auxGrande Constitutions ".Le 7 novembre 1894 le Suprême ConseildécrèteArticle Premier : les ateliers du 1er au 3èmedegré, placés sous l'obédience du SuprêmeConseil, forment sous le nom de Grande Logede France, une Fédération s'administrant elle-nième.Article 2 les relations entre le SuprêmeConseil et la Grande Loge de France sontréglées d'une manière générale sur les basessuivantes

(A) la patente de Constitution de tout ateliernouveau émane de l'autorité du SuprêmeConseil,

I'OINTS L)I \i'E INFI'IAIIQ!)mS * PRINEMPS JjTi 2003

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sur la proposition de la Grande Loge deErance, le Suprême conseil prononce la créa-non, la mise en sommeil, le réveil, la démo-lition d'un atelier.

Le Suprême Conseil délivre le passeportécossais aux frères de la fédération, sur lademande et sous la responsabilité de la GrandeLoge de France;

le matricule de la Grande Loge deFrance est communiqué régulièrement auSuprême Conseil.

Une délégation officielle du SuprêmeConseil ne visite un atelier qu'après avoirprévenu le Vénérable Maître, elle est reçueavec les hormeurs traditionnels.

A la réunion annuelle de la Grande Logede France, le Suprême Conseil fait connaîtrele chiffie de la contribution que la GrandeLoge est appelée à voter.L'autonomie est très relative.La Grande Loge de France se déclare cons-rimée en février 1895. En 1896 la élision avecla Grande Loge Symbolique Ecossaise qui apris le nom de Grande Loge Symbolique deFrance en 1894, implique la démission duConseil Fédéral " pour permettre, à la nou-velle Grande Loge de France de constituer unnouveau Conseil Fédéral."34A la fête soisticiale, le Frère Sylvi, Grand Ora-teur, adresse au Grand Commandeur et auxmembres du Suprême Conseil un" fraternelmerci ... au nom de toutes les loges que leSuprême Conseil a rendues autonomes, neconservant sur elles que le droit de remon-trance paternelle."Cette autorité paternelle continue de pro-voquer le mécontentement de la majoritédes délégués. Certains d'entre eux veulent

32 Grand Commandeur de 1899 à 1914

Françoise Jupeau Réquillard La Grande Loge Symbohque Ecnssaise, thèse de Dorterat Université de Bourgogne, 1989 I idem

' Revue Maçonnique, 18e année, n0 203, février 1897, pp 33,34

Soprème Conseil, Compte-rendu aux ateliers de la Fédération, 1904, pp.15 à 20 / idem, 1901, p. 12

us ni vue; mNnrArh$Es PPmTrMPS LETE '- 2003 99

supprimer la formule "A la Gloire du GrandArchitecte de l'Univers" sur les documentsofficiels. Ce que le Suprême Conseil ne peutpas faire compte tenu des décisions duConvent de Lausanne (1875). En 1902 il estdécidé, en Tenue de Grande Loge de faireimprimer 2 modèles de diplôme de maître,l'un avec la mention "A la Gloire du GrandArchitecte de l'Univers", l'autre sans.Devant l'insistance des oppositions, le 26juillet1904, le Suprême Conseil T? adresse aux obé-diences maçonniques en relation d'amitié avec

lui et notifie à tous les maçons de l'obédienceune déclaration qui souligne la souveraineté dela Grande Loge de France, déclaration suivied'un décret qui ne compte que deux articles:

Article Premier : les paragraphes B et C del'art.2 du décret du 7 novembre 1894 sontabrogés. Par suite, la Grande Loge de Francedélivrera elle-même la patente écossaise deConstitutions de tout atelier nouveau, dupremier au troisième degré.- Art. 2 : le Grand Chancelier et le GrandSecrétaire Général sont chargés de l'exécutiondu présent décret "3.Il faudra attendre 1927 pour que le SuprêmeConseil, toujours par décret, à la demande dela Grande Loge de France, abroge les para-graphes D, E et F tombés en désuétude, de son

décret du 7 novembre 1894.L'année 1904, voit aussi la désignation par laGrande Loge d'un garant d'amitié avec leGrand Orient.Jusqu'à cette date, en effet, leSuprême Conseil restait " l'intermédiairehabituellement choisi pour certaines rela-tions d'un caractère plus particulièrementadministratif entre le Grand Orient et laGrande Loge de France."36 Le 19 décembre,

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LE R!TE ECOSSAES ANCIEN ET ACCEPTÉ ET LA GRANDE LOGE DE FRANCE

"le Grand Secrétaire fait connaître que leGrand Orient de France lui a communiquédirectement son mot de semestre, c'est lepremier pas dans l'échange direct de cor-respondance entre les deux obédiencesPlaisons-nous à entendre le mot " cor-respondance " dans le sens que lui don-naient les loges maçonniques françaises duXVIIJe siècle et réjouissons-nous qu'elleperdure aujourd'hui. Lorsqu'une loge étaiten correspondance avec une autre loge celavoulait dire qu'elle échangeait des informa-tions par courrier, bien sûr, mais cela sousentendait une écoute et un respect mutuel,une sorte de "reconnaissance "avant la lettre.Ce n'est qu'en 1964, après une crise impor-tante, que tous liens administratifs formelsentre le Suprême Conseil et la Grande Logesont coupés. Jusqu'à cette date récente, eneffet les numéros attribués chronologique-ment aux nouvelles loges bleues de la GrandeLoge et aux nouveaux ateliers des hauts gra-des se suivaient sur le même registre matricule.

Bien qu'elle n'apparaisse pas dans les règle-ments généraux de la Grande Loge envigueur aujourd'hui, la Fête de l'Ordre Ecos-sais réunit tous les ans, le Suprême Conseilet la Grande Loge de France, et continued'obéir de façon édulcorée au décret de laGrande Loge de France du 25 mars 1907):Art II chaque année, au solstice d'hiver, laGrande Loge de France et le SuprêmeConseil se réunissent pour célébrer, en com-mun, la Fête de l'Ordre Ecossais.Cette cérémonie à laquelle assistent les délé-gations de tous les Ateliers du Rite, du 1 er au33e degré est présidée par le Très PuissantSouverain Grand Commandeur du SuprêmeConseil, assisté du Grand Maître de la GrandeLoge de France.Art III - La Fête de l'Ordre comporte:10 une Tenue Solennelle ouverte au premierdegré où sont communiqués les rapportsadministratifs ... (n'est plus d'usage)...

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2° un banquet maçonnique où sont portéesles santés réglementaires (les banquets sonttoujours d'usage)Nous pouvons conclure avec Gustave Mesu-reur, Grand Maître de la Grande Loge deFrance, qui, en 1904, déclare, en Tenue deGrande Loge :" La Grande Loge de France.en prenant acte du décret du Suprême Conseil.en date du 26juillet et comme première mani-festation de son indépendance et de son auto-nomie, déclare que l'Ecossisme en France for-mant un groupe homogène et indestructible.elle entend rester fraternellement unie auSuprême Conseil. Elle le secondera dans sa

tâche réformatrice auprès des puissancesmaçonniques étrangères et compte sur uneégale réciprocité pour assurer par un effortcommun, la prospérité du Rite EcossaisCet ordre du jour est voté à l'unanimité. "38

Les origines, les fondements, et la structurede la Grande Loge de France se trouvent dansle paradoxe de ce " Rite Ecossais tout entier

dont parlait le Frère Fiolet, Rite EcossaisAncien et Accepté qui n'est pas l'adjonctiond'une institution à une autre. C'est un ordreinitiatique traditionnel cohérent, présentantun système de hauts grades tout en permet-tant aux loges bleues de travailler sans s'y réfé-rer et proposant une voie que chacun vivra àson pas et dont les hauts grades explicitent etapprofondissent ce qu'il contient déjà auxtrois premiers degrés..

D'un paradoxe est née une maçonnerie régu-lière qui comporte ses spécificités, proposeune méthode initiatique unique et reste fidèleà la tradition de la Franc-Maçonnerie duXVIIIèSiècle.

François Rognon.

38 Cimpte-rendu aux Ateliers de la Fédération des Travaux du

Conseil Fédéral et de lu Grande Loge de France, novembre 1904,

mars 1905, p. 9

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