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principes ae ia pianiiicauoi de l'éducation

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Le processus de planification et de formulation des politiques d'éducation : théorie et pratiques

Wadi D. Haddad assisté par Terri Demsky

co^ \>tf

UNESCO : Institut international de planification de l'éducation

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Principes de la planification de l'éducation - 51

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Dans cette collection* : 1. Qu'est-ce que la planification de l'éducation ? P.H. Coombs 2. Les plans de développement de l'éducation et la planification économique et sociale,

R. Poignant 3. Planification de l'éducation et développement des ressources humaines, F. Harbison 4. L'administrateur de l'éducation face à la planification, CE. Beeby 5. Le contexte social de la planification de l'éducation. CA. Anderson 6. La planification de l'enseignement : évaluation des coûts, J. Vaizey. JD. Chesswas 7. Les problèmes de l'enseignement en milieu rural, V.L. Griffiths 8. Le rôle du conseiller en planification de l'enseignement, A. Curie 9. Les aspects démographiques de la planification de l'enseignement. Ta Ngoc Châu 10. Coûts et dépenses en éducation, J. Hallak 11. L'identité professionnelle du planificateur de l'éducation, A. Curie 12. Planification de l'éducation : les conditions de réussite. G.C Ruscoe 13. L'analyse coût-bénéfice dans la planification de l'éducation, M. Woodhall 14. Planification de l'éducation et chômage des jeunes, A. Callaway 16. Planification de l'éducation pour une société pluraliste. Chai Hon-chan 17. La planification des programmes d'enseignement primaire dans les pays en voie de

développement, H.W.R. Hawes 18. Planification de l'aide à l'éducation pour la deuxième décennie du développement,

U.M. Phillips 19. Les études à l'étranger et le développement de l'enseignement. W.D. Carter 20. Pour une conception réaliste de la planification de l'éducation, K.R. McKinnon 21. La planification de l'éducation en relation avec le développement rural,

G.M. Coverdale 22. La planification de l'éducation : options et décisions, J.D. Montgomery 23. La planification du programme scolaire, A. Lewy 24. Les facteurs de coûts dans la planification des systèmes de technologies éducatives,

D.T. Jamison 25. Le planificateur et l'éducation permanente, P. Furter 26. L'éducation et l'emploi : une étude critique, M. Carnoy 27. Planification de l'offre et de la demande d'enseignants, P. Williams 28. Planification de l'éducation préscolaire dans les pays en développement, A. Heron 29. Moyens de communication de masse et éducation dans les pays à faible revenu :

répercussions sur la planification, E.G. McAnany, J.K. Mayo 30. La planification de l'éducation non formelle. DR. Evans 31. Education, formation et secteur traditionnel, / Hallak et F. Caillods 32. Enseignement supérieur et emploi : l'expérience de l'IIPE dans cinq pays en

développement, G. PsacharopouloS et B.C. Sanyal 33. La planification de l'éducation comme processus social, T. Malan 34. Enseignement supérieur et stratification sociale : une comparaison internationale,

T. Husén : 35. Un cadre conceptuel pour le développement de l'éducation permanente en URSS,

A. Vladislavlev ' ' 36. Education et austérité : quelles options pour le planificateur ? K.M. Lewin 37. La planification de l'éducation en Asie, R. Roy-Singh 38. Les projets d'éducation : préparation, financement et gestion, A. Magnen 39. Accroître l'efficacité des enseignants, L. Anderson 40. L'élaboration des programmes scolaires à l'échelon central et à l'échelon des écoles,

A. Lewy 41. Planification des ressources humaines : méthodes, expériences, pratiques, O. Bertrand 42. Redéfinition de l'éducation de base en Amérique latine : les enseignements de l'Ecole

Nouvelle colombienne, E. Schiefelbein 43. La gestion des systèmes d'enseignement à distance, G. Rumble 44. Stratégies éducatives pour les petits Etats insulaires, D. Atchoarena 45. Evaluation de la recherche en éducation fondée sur l'expérimentation et sur les

enquêtes, RM. Wolf 46. Droit et planification de l'éducation, /. Birch 47. Utilisation de l'analyse sectorielle de l'éducation et des ressources humaines,

F. Kemmerer 48. Analyse du coût de l'insertion scolaire des populations marginalisées, Mun C Tsang 49. Un système d'information pour la gestion fondé sur l'efficience, Walter W. McMahon 50. Examens nationaux : conception, procédures et diffusion des résultats, John P. Keeves * Série publiée également en anglais. Autres titres à paraître.

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IIEP Publication Catalogue T I 2 O V1 A ) Microfiche N° - ¿ 5

Le processus de planification et de formulation des politiques d'éducation : théorie et pratiques

Wadi D. Haddad assisté par Terri Demsky

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Paris 1995 UNESCO : Institut international de planification de l'éducation

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L'Agence suédoise d'aide au développement international (ASDI) a fourni une aide financière pour la publication de cette brochure. Celle-ci est dérivée d'une étude (The dynamics of educational policy mankind: case studies of Peru, Jordan, Thailand and Burkina Faso - 1994) des mêmes auteurs, préparée pour l'Institut de développement économique de la Banque mondiale et publiée par cet organisme. Cependant, les constatations, interprétations et conclusions de cette brochure relèvent de la responsabilité des auteurs et ne doivent pas être attribuées à la Banque mondiale ni à l'Institut international de planification de l'éducation.

Publié en 1995 par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture 7, place de Fontenoy, 75700 Paris Imprimé en France par l'Imprimerie Gauthier-Villars, 75018 Paris

Maquette de couverture : Bruno Pfäffli ISBN 92-803-2155-2 © UNESCO 1995 IIPE/ph

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Principes de la planification de l'éducation

Les brochures de cette collection sont destinées principalement à deux catégories de lecteurs : ceux qui occupent déjà des fonctions dans l'administration et la planification de l'éducation, dans les pays en développement comme dans les pays industrialisés ; et d'autres, moins spécialisés - hauts fonctionnaires et nommes politiques, par exemple - qui cherchent à connaître de façon plus générale le mécanisme de la planification de l'éducation et les liens qui la rattachent au développement national dans son ensemble. Ces brochures sont, de ce fait, destinées soit à l'étude individuelle, soit à des cours de formation.

Depuis le lancement de cette collection en 1967, les pratiques et les concepts de la planification de l'éducation ont subi d'importants change­ments. Plusieurs des hypothèses qui étaient sous-jacentes aux tentatives antérieures de rationaliser le processus du développement de l'éducation ont été critiquées ou abandonnées. Toutefois, si la planification centralisée, rigide et obligatoire, s'est manifestement révélée inadéquate, toutes les formes de planification n'ont pas été abandonnées. La nécessité de rassembler des données, d'évaluer l'efficacité des programmes en vigueur, d'entreprendre des études sectorielles et thématiques, d'explorer l'avenir et de favoriser un large débat sur ces bases s'avère au contraire plus vive que jamais pour orienter la prise de décision et l'élaboration des politiques éducatives.

La planification de l'éducation a pris une envergure nouvelle. Outre les formes institutionnelles de l'éducation, elle porte à présent sur toutes les autres prestations éducatives importantes dispensées hors de l'école. L'intérêt consacré à l'expansion et au développement des systèmes éducatifs est complété, voire parfois remplacé, par le souci croissant d'améliorer la qualité du processus éducatif dans son ensemble et d'évaluer les résultats obtenus. Enfin, planificateurs et administrateurs sont de plus en plus conscients de l'importance des stratégies de mise en œuvre et du

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Principes de la planification de l'éducation

rôle joué à cet égard par les divers mécanismes de régulation : choix des méthodes de financement, d'examen et de délivrance des certificats et diplômes, ou d'autres structures de régulation et d'incitation. La démarche des planificateurs répond à une double préoccupation : mieux comprendre la valeur et le rôle de l'éducation par l'observation empirique des dimensions particulières qui sont les siennes, et contribuer à définir des stratégies propres à amener le changement.

Ces brochures ont pour objet de refléter l'évolution et les changements des politiques éducatives et de mesurer leurs effets sur la planification de l'éducation, de mettre en lumière les questions qui se posent actuellement en la matière et de les analyser dans leur contexte historique et social, et de diffuser des méthodes de planification pouvant s'appliquer aussi bien aux pays en développement qu'aux pays industrialisés.

Afin d'aider l'Institut à bien identifier les préoccupations actuelles dans les domaines de la planification et de l'élaboration des politiques de l'éducation dans diverses parties du monde, un Comité de rédaction a été mis en place. Il comprend deux rédacteurs en chef et cinq rédacteurs associés, venus de différentes régions, tous éminents spécialistes dans leurs domaines respectifs. Lors de la première réunion de ce nouveau Comité de rédaction en janvier 1990, ses membres ont défini les sujets les plus importants à traiter dans les numéros ultérieurs sous les rubriques suivantes :

1. L'éducation et le développement. 2. L'équité. 3. La qualité de l'éducation. 4. Structure, administration et gestion de l'éducation. 5. Les programmes d'enseignement. 6. Coût et financement de l'éducation. 7. • Techniques et approches de la planification. 8. Systèmes d'information, suivi et évaluation.

Chaque rubrique est confiée à un ou deux rédacteurs. La collection correspond à un plan d'ensemble soigneusement établi,

mais aucune tentative n'a été faite pour éliminer les divergences, voire les contradictions, entre les points de vue exposés par les auteurs. L'Institut, pour sa part, ne souhaite imposer aucune doctrine officielle. S'il reste entendu que les auteurs sont responsables des opinions qu'ils expriment - et qui ne sont pas nécessairement partagées par l'UNESCO et l'IIPE -elles n'en sont pas moins dignes de faire l'objet d'un vaste débat d'idées.

Cette collection s'est d'ailleurs fixée comme objectif de refléter la diversité des expériences et des opinions en donnant à des auteurs venus

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Principes de la planification de l'éducation

d'horizons et de disciplines très variés la possibilité d'exprimer leurs idées sur l'évolution des aspects théoriques et pratiques de la planification de l'éducation.

Cet ouvrage traite de l'élaboration des politiques en matière d'éducation. La planification et la politique d'éducation sont étroitement liées. Les planificateurs qui ne comprennent pas comment se formulent les politiques ne sont pas certains de réussir ; ils ne sont pas non plus d'un grand secours pour les décideurs. La planification comporte en effet une série de processus, depuis l'analyse de la situation de départ, l'élaboration et l'évaluation d'options politiques, jusqu'à la préparation et au pilotage rigoureux de la mise en œuvre de la politique, pouvant entraîner une redéfinition de celle-ci. Différents acteurs interviennent dans ce processus. Si leurs intérêts ne sont pas soigneusement évalués et pris en compte, les politiques ou les plans ont toutes les chances d'échouer. L'histoire de l'éducation est pleine de réformes et de plans qui n'ont jamais été mis en œuvre, parce que les intérêts de certains acteurs clés (parents ou enseignants) n'ont pas été pris en compte et que les conséquences financières et humaines ou la capacité de gestion du système n'ont pas été systématiquement évaluées.

Cet ouvrage, rédigé par Wadi Haddad avec le concours de Terri Demsky, comporte un modèle intégré de prise de décision en matière d'éducation, illustré par l'analyse critique de quatre études de cas. Les auteurs tirent des enseignements de ces analyses à l'intention des planificateurs de l'éducation. Pour présenter cette importante question, personne n'était mieux placé que Wadi Haddad, Conseiller Principal du Président du Liban, Secrétaire exécutif de la Conférence mondiale sur l'éducation pour tous et actuellement Secrétaire adjoint de la Banque mondiale.

En effet, les agences d'aide sont maintenant parmi les acteurs les plus influents dans le processus de prise de décision de nombreux pays en développement. Comme le montrent les études de cas de cet ouvrage, elles n'ont pas toujours exercé leurs influences respectives de la meilleure manière. Cette brochure devrait certainement intéresser les planificateurs, les décideurs, ainsi que les bailleurs de fonds qui souhaitent voir des changements en matière d'éducation, dans l'intérêt des différents pays.

Je voudrais remercier Douglas M. Windham, Distinguished Service Professor de l'Université de l'Etat de New York, à Albany, responsable de cet ouvrage, pour la part très active qu'il a prise à sa préparation.

Jacques Hallak Sous-Directeur général de l'UNESCO

Directeur de l'IIPE

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Composition du Comité de rédaction

Président : Jacques Hallak Sous-Directeur général de l'UNESCO Directeur, IIPE

Rédacteurs en chef : Françoise Caillods IIPE

T. Neville Postlethwaite Université de Hambourg Allemagne

Rédacteurs associés : Arfan A. Aziz Ministère de l'Education Malaisie

Jean-Claude Eicher Université de Bourgogne France

Claudio de Moura Castro Banque interamerican de développement Etats-Unis d'Amérique

Kenneth N. Ross IIPE/Université de Deakin Australie

Richard Sack Consultant international France

Douglas M. Windham Université de New York Albany, Etats-Unis d'Amérique

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Préface

Ces deux dernières décennies ont vu l'intérêt attaché à la planifica­tion de l'éducation (l'accent étant mis sur la conception, la mise en œuvre et le pilotage) se porter plus sur la prise de décision en matière de politique éducative (on s'intéresse davantage à la manière dont sont identifiées les options possibles et dont se font les choix). Les planificateurs de l'éducation se rendent de plus en plus compte que les contraintes qu'ils rencontrent, et les options qui s'offrent à eux, résultent de décisions prises par le politique, avant même que le personnel spécialisé en planification n'intervienne dans la discussion.

Ce déplacement de l'intérêt s'accompagne dans de nombreux pays d'un transfert de responsabilités du niveau central vers les instances publiques, régionales ou locales, les organisations non gouvernementales et le secteur privé. Les planificateurs portent une attention accrue à la prise de décision au moment même où la complexité et la diffusion de ce processus augmentent de manière spectaculaire. Bien entendu, la prise de décision et la planification en matière d'éducation ont toujours été liées. Mais les décideurs n'ont pas toujours suffisamment pris en compte les points de vue des planificateurs. Ces derniers se demandent maintenant si ce nouveau contexte va limiter leurs tentatives d'introduire des considérations de planification tôt dans le processus d'élaboration des politiques d'éducation.

Le volume de W. Haddad et T. Demsky Le processus de planification et de formulation des politiques d'éducation : théorie et pratiques constitue une magnifique introduction au processus de prise de décision à l'usage des planificateurs, qu'ils soient

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Préface

expérimentés ou non (ainsi que pour les spécialistes, les chercheurs et les administrateurs, qui bénéficieront de cette lucide présentation). Par définition, une politique représente un ensemble de décisions visant à orienter (ou à restreindre) les décisions futures, à les initier ou à piloter la mise en œuvre de décisions antérieures. Le rôle du facteur temps dans la politique et la prise de décision fait que celles-ci sont un motif essentiel de préoccupation pour les planifica­teurs de l'éducation. Dans une large mesure, leurs décisions seront guidées ou limitées par des choix politiques et ce sont eux qui devront suivre les directives de mise en œuvre déterminées par la politique. Les planificateurs ont cependant joué pendant trop longtemps un rôle passif dans le processus de prise de décision acceptant comme une donnée l'ensemble des limites qui leur étaient imposées. Ils doivent absolument jouer un plus grand rôle dans le processus, non pas comme arbitres mais comme partenaires de ce processus de prise de décision, afin d'attirer l'attention des décideurs politiques ou administratifs, sur les coûts et les avantages (quantita­tifs et qualitatifs) des différentes options de politiques éducatives.

Le processus de prise de décision, comme le développement de l'éducation, ne sont pas simples et faciles à comprendre. Pour mieux appréhender la manière désordonnée et redondante dont sont prises les décisions, W. Haddad et T. Demsky présentent un cadre clarifiant la réalité complexe de la prise de décision, sans la dénaturer. Leur cadre conceptuel suppose un « assouplissement » des hypothèses de rationalité et d'adéquation de l'information qui sous-tendent une grande partie des travaux traditionnels sur la planification et la prise de décision. Bien que la rationalité soit utilisée pour évaluer les décisions prises, elle n'est pas supposée constituer un élément déterminant de la décision.

L'une des contributions majeures du volume de W. Haddad et T. Demsky, une fois le cadre mis en place, est son illustration par quatre études de cas : Burkina Faso, Jordanie, Pérou et Thaïlande. Dans chaque cas, le cadre proposé est testé en expliquant pourquoi certaines politiques ont été élaborées et pourquoi elles ont été mises en œuvre de telle ou telle manière. La capacité du cadre analytique de W. Haddad et T. Demsky à traiter de la dynamique des cycles d'élaboration des politiques et de planification constitue l'un des points qu'il faut souligner ici. Ce cadre fait ressortir les articulations

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Préface

entre activités antérieures et postérieures à la décision et met l'accent sur le caractère continu du processus, puisque la mise en œuvre par les planificateurs d'un ensemble de décisions politiques définit le contexte du cycle suivant d'activités.

La contribution des auteurs à un renouveau d'optimisme sur ce que l'on peut accomplir en matière de développement éducatif mérite un commentaire particulier. L'échec des modèles traditionnels de planification et la reconnaissance du manque de rationalité que l'on peut rencontrer dans la prise de décision ont contribué à créer une atmosphère de pessimisme chez certains spécialistes de l'éducation. W. Haddad et T. Demsky démontrent que le pessimisme actuel est aussi peu justifié que ne l'était l'optimisme naïf qui caractérisait une grande partie de l'analyse des politiques de l'éducation dans les années 1960 et 70. W. Haddad et T. Demsky nous apportent une meilleure compréhension de la difficulté de notre travail, en tant que planificateurs et qu'analystes de politiques d'éducation, mais également une plus grande confiance dans le fait que nous pouvons contribuer à améliorer la prise de décision et la mise en œuvre des politiques.

Douglas M. Windham Rédacteur associé

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Table des matières

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Introduction 15

Chapitre I. Un cadre analytique des politiques d'éducation 17

Définition et portée des politiques d'éducation 18 Prise de décision 20 Cadre conceptuel d'une analyse des politiques 26

A. Analyse de la situation de départ 27 B. Le processus d'élaboration des options 31 C. L'évaluation des options 33 D. La prise de décision 35 E. La planification de la mise en œuvre 36 F. L'évaluation de l'impact de la réforme 39 G. Les cycles successifs de réforme 40

Chapitre II. Application de l'analyse des politiques à la planification de l'éducation : quatre études de cas exemplaires 41

I. Pérou : le cas d'une approche globale et révolutionnaire 42

II. Jordanie : le cas d'un passage du mode progressif au mode global de planification 48

III. Thaïlande : le cas d'un passage du mode spécifique au mode stratégique 55

IV. Burkina Faso : le cas d'une approche globale influencée de l'extérieur 62

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Table des matières

pitre III. Leçons à tirer des études de cas

Pérou Jordanie Thaïlande Burkina Faso Synthèse des études de cas

Analyse de la situation de départ Processus de la définition des options Processus d'évaluation des options Adoption de la décision Planification et mise en œuvre de la

politique éducative Evaluation de l'impact de la réforme et

cycles suivants

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74 76 78 80 82 83 83 85 86

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Chapitre IV. Conclusion : principales conséquences pour les planificateurs 94

Références et suggestions de lecture 98

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Introduction

Cet ouvrage analyse la prise de décision en matière d'éducation, qui constitue un élément essentiel de la planification de l'éducation. Le cadre analytique des politiques et les études de cas présentés ici offrent aux planificateurs un guide conceptuel et opérationnel pour comprendre les articulations essentielles du processus d'élaboration des politiques et de planification de l'éducation.

Le Chapitre I présente un modèle intégré de prise de décision, qui souligne le rôle du processus formel de prise de décision (et sa rationalité) en relation avec les acteurs clés (administratifs et politiques). Pour saisir les détails du processus de prise de décision, un cadre analytique est présenté. Il va au-delà de la décision initiale et examine les opérations antérieures (évaluation du contexte, analyse technique, élaboration, estimation et choix des options politiques) et postérieures (planification et mise en œuvre, évaluation de l'impact et, si nécessaire, correction et nouvelle conception). Le cadre couvre ainsi l'ensemble du processus d'élaboration des politiques et de planification de l'éducation, en mettant l'accent sur la manière dont les décisions politiques (et leurs dérives) peuvent faciliter ou inhiber les choix des planificateurs de l'éducation.

Dans le Chapitre H, ce cadre est appliqué à quatre études de cas exemplaires de cycles de réformes éducatives. Les quatre cas (Pérou, Jordanie, Thaïlande et Burkina Faso) ont été choisis parce qu'il y existait suffisamment de données (et de recul) sur chacun d'entre eux pour permettre une discussion de l'ensemble du cycle de la réforme ; en outre, la diversité géographique, économique, pédagogique et politique des différents exemples souligne que le cadre analytique présenté ici est général et que son application n'est

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limitée par aucun de ces facteurs. Le Chapitre III résume les enseignements que l'on peut tirer des études de cas et relève les éléments du processus de prise de décision, qui semblent avoir contribué au succès ou à l'échec des réformes. Le Chapitre IV résume les conséquences pour les planificateurs.

Cette analyse devrait intéresser les planificateurs de l'éducation de deux manières. La méthodologie proposée par le cadre et les conclusions des études de cas doivent d'abord aider à l'analyse des politiques éducatives et des procédures actuelles de prise de décision (une analyse des politiques). En second lieu, le cadre peut s'appli­quer à l'évaluation des politiques proposées et servir à prévoir leurs résultats, ainsi que les chances de réussite de la mise en œuvre, étant donné la capacité financière et administrative du pays, son engagement dans la réforme de l'éducation, etc. (analyse pour une politique). Une planification qui ne s'appuie pas sur une compréhen­sion solide de la prise de décision en matière d'éducation échouera. Ce ne sera pas seulement par suite d'une erreur technique quelcon­que de planification, mais aussi parce que les planificateurs n'auront pas compris le pourquoi et le comment de l'évolution de ces politiques, ni la manière dont les résultats de la planification devront entraîner de nouveaux cycles d'analyse et de formulation des politiques éducatives.

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Chapitre I. Un cadre analytique des politiques d'éducation

La notion de planification de l'éducation - assurer la croissance et le fonctionnement du secteur de l'éducation avec davantage d'efficacité - peut suggérer un domaine bien structuré de questions sans ambiguïté, d'objectifs clairement définis, de choix mutuelle­ment exclusifs, de relations causales indiscutables, de rationalités prévisibles et de décideurs rationnels. Par conséquent, l'analyse sectorielle s'est principalement centrée sur le contenu, le « qu'est-ce que » du développement de l'éducation : problèmes, politiques, stratégies, mesures, résultats, etc. A l'opposé de cette vision simpliste, la planification de l'éducation est constituée en fait d'une série d'épisodes désordonnés et redondants, dans lesquels s'impli­quent activement, d'un point de vue technique et politique, une diversité de personnes et d'organisations avec des points de vue variés. Elle comporte les processus permettant d'analyser les problèmes et les politiques éducatives qui sont créées, mises en œuvre, évaluées et modifiées. Une analyse sectorielle de l'éducation implique donc la compréhension du processus de politique éducative, le « pourquoi » et le « comment » du développement de l'éducation. Ce chapitre vise à suggérer un cadre ou une série d'étapes permettant de formuler des politiques réalistes et fonction­nelles, puis de les mettre en œuvre, de les évaluer et de les modifier, grâce à une planification efficace.

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Le processus de planification et de formulation des politiques d'éducation : théorie et pratiques

Définition et portée des politiques d'éducation

Puisque la définition des politiques constitue un élément crucial de la planification de l'éducation, il est essentiel de clarifier les concepts de « politique » et de « prise de décision » avant de continuer. Bien entendu, on a pu opposer des définitions nombreuses et variées du terme « politique ». Dans cet ouvrage, nous le définirons de manière fonctionnelle comme : une décision unique ou un ensemble de décisions explicites ou implicites pouvant comporter des directives pour orienter les décisions futures, lancer ou retarder des actions ou guider la mise en œuvre de décisions antérieures. La prise de décision est la première étape de tout processus de planification et les planificateurs doivent apprécier la dynamique de la formulation des politiques avant de concevoir efficacement des procédures de mise en œuvre et d'évaluation.

Les politiques diffèrent cependant du point de vue de leur portée, de leur complexité, de l'environnement de la décision, de la gamme de choix et des critères de décision. Cette gamme est décrite schématiquement dans la Figure 1. Les politiques concernant une question particulière sont des décisions à court terme, nécessitant une gestion quotidienne ou, comme l'implique le terme, traitant d'une question spécifique. Une politique de programme comporte la conception d'un programme dans un domaine particulier, alors qu'une décision portant sur plusieurs programmes aborde des domaines en concurrence. Finalement, les décisions stratégiques touchent des politiques de grande ampleur et des ressources importantes. Exemples de décisions : Stratégique : Comment donner une éducation de base à un coût

raisonnable, afin de répondre aux objectifs d'équité et d'effi­cience ?

Multiprogrammes : Les ressources doivent-elles être affectées à l'enseignement primaire ou à des centres ruraux de formation ?

Sur un programme : Comment faut-il concevoir les centres de formation et les répartir dans le pays ?

Sur une question particulière : Les diplômés des centres ruraux doivent-ils être autorisés à aller dans des écoles de l'enseigne­ment moyen ?

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Un cadre analytique des politiques d'éducation

Autres exemples de décisions : Stratégique : Est-il nécessaire ou souhaitable d'introduire un

enseignement diversifié ? Multiprogrammes : Comment affecter les ressources entre enseigne­

ment général, enseignement professionnel et enseignement diversifié ?

Sur un programme : Comment et où faut-il fournir un enseignement diversifié ?

Sur une question particulière : Comment faut-il enseigner les matières pratiques dans les écoles polyvalentes ?

Question particulière Programme Multiprogramme Stratégie

Complexité

Faible < — — - — > Forte

Environnement de la décision

Précis < > Imprécis

Nombre de possibilités

Faible < — -> Grand

Critères de décision

Limités <- — — > Larges

Figure 1. Portée de la politique

Il est évident que plus la portée d'une politique est large, plus elle devient problématique. Les difficultés méthodologiques et politiques s'accentuent : ce peut être la définition du problème dans les sociétés conflictuelles ; l'utilisation de techniques analytiques et leur optimisation ; les bases théoriques utilisées, les mesures, leurs valeurs et le niveau d'agrégation appropriés ; les données quantifia-bles opposées aux données subjectives ; et l'analyse technique opposée à la participation publique. Pour une étude plus détaillée de ces questions, voir Michael Carley (1980).

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Prise de décision

L'expression « prise de décision », de même que le terme « politique » impliquent des conceptions et des hypothèses différentes. Une étude des travaux théoriques et pratiques des chercheurs en sciences sociales révèle les deux dimensions essentielles de la prise de décision : qui la prend (les acteurs) et comment (le processus). Traditionnellement, l'acteur de la prise de décision était considéré comme unique et rationnel ; plus récem­ment, les analystes politiques ont introduit le modèle organisationnel (d'intérêt public) et le modèle individuel (d'intérêt personnel). L'analyse du processus a fluctué entre une approche synoptique (globale) et une approche progressive.

Charles Lindblom (1979) a défini les différences entre les méthodes globale et progressive de prise de décision. Selon lui, la méthode globale suppose dans sa forme extrême une autorité centrale de planification pour l'ensemble de la société, combinant un contrôle économique, politique et social en un processus de planification intégrée rendant inutiles les interactions. Elle suppose : (a) que le problème en question ne dépasse pas les capacités cognitives humaines, (b) qu'il existe des critères généralement acceptés (plutôt qu'un conflit social sur les valeurs) permettant de se faire une opinion sur les solutions et (c) que ceux qui sont chargés de résoudre les problèmes sont incités à poursuivre une analyse globale jusqu'à son terme (plutôt que de « revenir » à l'utilisation de la planification progressive).

La prise de décision progressive d'un autre côté, s'appuie sur l'interaction plutôt que sur une analyse complète de la situation pour développer un projet, afin de résoudre les problèmes. L'approche progressive se fonde sur les hypothèses suivantes : (a) les options politiques reposent sur des connaissances extrêmement incertaines et fluides et sont la réponse à une situation dynamique (problèmes et contextes en évolution) ; (b) on ne peut donc pas trouver de solution « correcte » ou provenant techniquement d'un diagnostic de la situation, par conséquent, il ne faut pas tenter de réformes radicales ; (c) on ne peut procéder qu'à des ajustements progressifs et limités des politiques ; et (d) des ajustements politiques devront remédier au mécontentement ressenti contre les politiques

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Un cadre analytique des politiques d'éducation

antérieures, en améliorant la situation actuelle ou en résolvant un problème urgent. Ces ajustements doivent par conséquent n'être qu'une initiative temporaire dans certains cas - et doivent être révisés lorsque la dynamique de la situation évolue.

Graham Allison (1971) a élaboré deux modèles alternatifs par rapport au modèle généralement admis du décideur unique et rationnel : (a) le modèle de processus organisationnel et (b) le modèle de politique gouvernementale. Le premier modèle suppose une organisation administrative complexe, consistant en un conglomérat d'organismes semi-féodaux, peu structurés, ayant chacun sa vie propre. Les décisions sont prises à partir des résultats des différentes entités, fonctionnant de manière indépendante selon certains types de comportement, mais partiellement coordonnées par des responsables du gouvernement. Le second modèle pousse ce concept plus loin. Tout en supposant également une approche organisationnelle de la prise de décision, le modèle de politique gouvernementale met en valeur le rôle des individus dans le processus. Les décisions administratives ne sont pas prises par un Etat monolithique fondé sur un choix rationnel, mais sont plutôt négociées par différents responsables à la tête des organisations impliquées dans ce processus particulier de prise de décision. Chaque responsable est lié par sa conception du problème, ainsi que par les impératifs de son organisation et par ses objectifs personnels.

Un modèle amélioré de prise de décision. Aucune des deux dimensions de la prise de décision (processus et acteurs) ne rend compte totalement à elle seule de sa dynamique. Elles doivent être combinées et restructurées en une nouvelle configuration, comme le montre la Figure 2. L'acteur de la prise de décision est placé sur l'axe horizontal - à l'une des extrémités du spectre se trouve le mode sociétal/individuel, dans lequel on arrive à la décision par la négociation entre des groupes d'intérêts variés (ministères, syndicats d'enseignants, etc.), poussés par leur conception propre du problème et par leurs valeurs. A l'autre extrémité, se trouve le mode organisationnel/bureaucratique, dans lequel les décisions sont prises au sein de l'entité organisationnelle (militaires, communauté internationale, etc.). Le processus de prise de décision - de l'appro­che progressive à l'approche globale - se trouve sur l'axe vertical. Ces deux dimensions créent une nouvelle topographie. A l'une des

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Le processus de planification et de formulation des politiques d'éducation : théorie et pratiques

extrémités de cette nouvelle topographie (dans le quadrant I) on trouve le modèle rationnel, qui mélange la méthode globale et le mode organisationnel/bureaucratique. La prise de décision à cet extrême est unique, rationnelle, contrôlée de manière centralisée, entièrement technique et tient compte au maximum des valeurs. A l'autre extrême (dans le quadrant III), on rencontre un mélange de la méthode progressive et du mode sociétal/individuel. La prise de décision est alors une activité politique caractérisée par l'intérêt personnel, la négociation politique, le jugement de valeur et la multiplicité des rationalités. On peut facilement affirmer que la plupart des décisions se situent quelque part entre ces deux extrêmes.

Mode global

Mode societal/ individuel

o Politique/ personnel

o Rationnel

Mode organisationnel/ bureaucratique

IV

Mode progressif

Figure 2. Dimensions de la prise de décision

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Un cadre analytique des politiques d'éducation

Les techniques analytiques utilisées sans tenir compte des réalités politiques, sociales et bureaucratiques ne vont pas très loin. De même, des décisions politiques vagues et non systématiques, influencées par l'intérêt personnel, le népotisme et les jugements de valeur peuvent entraîner des ruptures, voire même le chaos. En résumé, une prise de décision équilibrée replace la rationalité dans le contexte des aspects politiques et institutionnels de la prise de décision. Cette position est en accord avec le travail de pionnier de Douglas North sur l'économie institutionnelle, qui lui a valu le prix Nobel en 1993. Il a non seulement modifié le postulat de la rationalité, mais aussi élargi la théorie économique en ajoutant des idées et des idéologies à l'analyse et en attribuant un rôle fondamen­tal aux institutions dans le changement societal : elles sont le « déterminant sous-jacent de la performance à long terme des économies » (North 1990).

Cette vision équilibrée de la prise de décision s'applique tout à fait à l'éducation. Toutes les études des décisions éducatives soulignent la complexité et les nombreuses facettes de ce processus, dues à la nature du système éducatif et de l'évolution de l'éducation. L'une des caractéristiques les plus importantes du système éducatif tient à ses articulations fortes avec la structure socio-économique. Un changement de politique quelconque ne constitue donc pas seulement un problème technique, mais comporte des dimensions politico-économiques. Par exemple, toute tentative de modifier le système, qui serait perçue par un groupe comme conduisant à une diminution des chances de ses enfants de progresser sur le plan social et économique, rencontrera une forte opposition. Par conséquent, la notion de réforme vers une plus grande démocratisa­tion est essentiellement une question politique. Il existe un autre ensemble complexe d'articulations entre le système éducatif et l'économie, dans lequel l'école est considérée comme la solution à une large gamme de problèmes économiques. Cette croyance est dans une large mesure la source de la volonté de changement de politiques.

Sur un plan interne, le système éducatif constitue un réseau d'institutions qui interagissent horizontalement et verticalement. Une décision politique sur un composant quelconque peut avoir de fortes répercussions sur l'ensemble du système.

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Le processus de planification et de formulation des politiques d'éducation : théorie et pratiques

FORMULATION , EVALUATION

o_ LU U z o Ü

w LU O o LT

i

g

rr CL

• ADOPTION ,

ANALYSE

Recherche, induction,

négociation, opinions ad hoc,

jugements de valeur,

etc.

Groupes d'intérêts

> <

Priorités nationales

Education

Structures socio-

politiques

Econo­mie

I

SITUATION A

Figure 3. Cadre conceptuel (Tune analyse des politiques

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Un cadre analytique des politiques d'éducation

.MISE EN OEUVRE, EVALUATION

, DE L'IMPACT I \

AJUSTEMENT 1 h

NOUVEAU CYCLE DE

POLITIQUES

Planification

Mise en oeuvre

Amélioration de la

planification

Amélioration de la mise en

oeuvre

Recherche, induction,

négociation, opinions ad hoc,

jugements de valeur,

etc.

SITUATION B

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Le processus de planification et de formulation des politiques d'éducation : théorie et pratiques

D'un point de vue extérieur, tout le monde semble être concerné par l'éducation et se sent qualifié pour avoir une opinion à ce sujet. C'est pourquoi la prise de décision nécessite de prendre en compte les demandes contradictoires et de solliciter le soutien, ou au moins la tolérance, des nombreux segments de la société qui ont un intérêt dans l'éducation.

Cadre conceptuel d'une analyse des politiques

Bien que la prise de décision soit un élément crucial du processus politique, elle est évidemment précédée par des activités de caractère analytique et/ou politique (analyse, définition d'options, négociations, etc.) et suivie par d'autres tout aussi importantes de planification (mise en œuvre, évaluation et éventuelles révisions). Cet ouvrage propose un cadre d'analyse des politiques éducatives couvrant les actions antérieures à la prise de décision, le processus de décision en soi, et les activités ultérieures de planification. Ce cadre ne constitue pas une description concrète des activités, mais plutôt un modèle conceptuel permettant d'extraire et de préciser les éléments qui peuvent être repérés et analysés. Il doit donc être assez large pour englober et pour intégrer le processus complexe de tout modèle de prise de décision {Figure 2), tout en décomposant en même temps le processus en ses différents éléments pour déterminer leur fonctionnement et leurs interactions. Ce cadre, résumé schématiquement dans la Figure 3 et discuté en détail ci-dessous, comporte sept opérations de planification et d'élaboration de politiques, dont les quatre premières portent sur la prise de décision, la cinquième sur la planification et les sixième et septième sur l'ajustement des politiques :

(i) Analyse de la situation de départ. (ii) Définition des options. (iii) Evaluation des options. (iv) Prise de décision. (v) Planification de la mise en œuvre. (vi) Evaluation de l'impact de la réforme. (vii) Cycles successifs de réforme.

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Un cadre analytique des politiques d éducation

Ce cadre semble compliqué parce qu'il comporte de nombreuses facettes et couvre une vaste gamme d'opérations. Cependant, toute tentative de restreindre l'analyse politique à certains éléments ou de ne pas tenir compte de l'un d'entre eux entraînera une approche incomplète de l'analyse politique et amènera à la controverse traditionnelle dans la littérature et dans le débat public opposant des approches rationnelles et politiques, ou bureaucratiques et organisa-tionnelles. Les sept éléments du cadre ci-dessus seront utilisés pour structurer les études de cas dans le Chapitre II et les conclusions figureront dans le Chapitre III.

A. Analyse de la situation de départ

Un changement de politique constitue normalement une réponse à un problème ou à un ensemble de problèmes et doit, par conséquent, commencer par une évaluation du secteur éducatif et de son contexte. Outre l'analyse du secteur éducatif, l'analyse politique doit prendre en compte différents aspects du contexte social : les questions politiques, économiques, démographiques, culturelles et sociales susceptibles d'affecter la prise de décision et même les processus de mise en œuvre du secteur éducatif.

Caractéristiques générales du pays

Les caractéristiques générales d'un pays (situation géographique, population, culture et stratification sociale) comportent des implications évidentes pour l'analyse de la politique éducative. Cela rend le processus de décision en matière d'éducation plus difficile à bien des égards. Des groupes différents ont généralement des points de vue différents concernant le rôle de l'éducation. Dans la mesure où celle-ci constitue un moyen d'accéder au pouvoir économique et politique, des différences de possibilités d'accès ou d'intérêt vis-à-vis de l'éducation entraînent des différences dans la capacité d'accéder au pouvoir. Les conflits et les luttes qui en résultent sont particulièrement violents dans les pays où la répartition des biens et des services est de plus en plus inégale.

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Le processus de planification et de formulation des politiques d'éducation : théorie et pratiques

Contexte politique

L'observation précédente souligne que l'analyse de l'environne­ment politique est nécessaire à la compréhension du processus national de prise de décision, de la valeur relative attribuée à l'éducation et du rôle que doit jouer l'éducation dans le processus sociopolitique. Il est intéressant d'établir une distinction entre les priorités de / 'élite politique nationale concernant le développement et celles de l'élite du monde de l'enseignement concernant l'éduca­tion. Non seulement le responsable du ministère de l'éducation peut avoir des projets différents de ceux de l'élite politique qui l'a nommé, mais de plus, dans de nombreux pays, le secteur éducatif jouit d'une grande autonomie. Il n'est pas rare de voir que ces deux ensembles d'objectifs sont en désaccord, ou qu'ils ne sont en tout cas pas étroitement liés.

La capacité de l'Etat de planifier au niveau national constitue une autre variable critique de l'analyse institutionnelle du secteur politique. En outre, le passé professionnel des bureaucrates, qui sont chargés de la planification des politiques et leur lieu de formation (peut-être dans des universités étrangères) peuvent également affecter l'idéologie de l'élite.

Finalement, la structure institutionnelle du secteur politique influe sur le développement de l'éducation. De nombreux pays en développement n'ont pas de partis bien développés, mais s'ils en ont, leurs valeurs et leurs préférences doivent être intégrées dans l'analyse du contexte politique.

Contexte économique

Dans ce domaine, l'analyste cherche à comprendre la situation macroéconomique actuelle en général et celle des ressources humaines en particulier. Il lui importe particulièrement d'estimer les tendances prévisibles dans les différents secteurs et les ressources financières du pays, afin d'évaluer ce que l'économie attend du secteur de l'éducation et ce que ce secteur attend du reste de l'économie, en particulier en termes d'infrastructure générale et de ressources financières. D'abord, des variables telles que l'évolution démographique, l'urbanisation et les migrations, en liaison avec la

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Un cadre analytique des politiques d'éducation

croissance probable des différents secteurs de l'économie auront un impact significatif sur les marchés du travail et par conséquent sur les besoins de formation et de qualifications. En second lieu, le niveau de développement économique entraînera d'énormes contraintes sur la capacité du système éducatif à construire des écoles et à s'accroître. Il est difficile de construire des écoles sans l'infrastructure économique nécessaire, sans même parler de la présence d'entreprises disposant des capacités nécessaires. Le niveau de développement économique définit également les ressources financières des pouvoirs publics, qui influent à leur tour sur les dépenses en matière d'éducation. En troisième lieu, le taux de croissance économique est important, non seulement pour estimer les besoins probables en qualifications, mais également pour évaluer le niveau futur des ressources rares. En effet, lorsque la croissance reprend, davantage de ressources sont disponibles pour l'éducation ; de même, lorsqu'elle se ralentit, les ressources affectées à l'éduca­tion sont les premières à être réduites.

Secteur de l'éducation

L'analyse sectorielle commence par une identification et par une compréhension des principaux problèmes du secteur dans le pays. Ces problèmes peuvent être examinés sous six angles différents : (i) accès aux possibilités d'éducation, (ii) équité dans la répartition des services éducatifs, (iii) structure du système éducatif, (iv) effi­cience interne, (v) efficience externe et (vi) dispositifs institutionnels pour la gestion du secteur. Pour une description complète de ces différentes composantes et des techniques analytiques utilisées, se référer à Haddad et Demsky (1994), Kemmerer (1994), Coombs et Hallak (1987), Mingat et Tan (1988) et Windham (1988a, 1988b).

Une analyse de ces questions doit prendre en considération leur nature évolutive : comment les problèmes de développement de l'éducation ont-ils évolué au cours du temps ? La réponse à un besoin éducatif, ou la solution d'un problème, en créent fréquem­ment un autre. Par exemple, l'extension du système éducatif et l'apport de nouvelles installations entraînent des problèmes de qualité de l'enseignement et de capacité de l'administration à gérer un système éducatif plus important. En outre, l'analyse de ce

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Le processus de planification et de formulation des politiques d'éducation : théorie et pratiques

système au cours du temps peut faire ressortir sa tendance à osciller entre des objectifs quelque peu incompatibles. Un point de vue historique et évolutif de la dynamique des politiques éducatives au cours du temps permet à l'analyste de mieux comprendre pourquoi telle politique est souhaitable à un moment donné. L'étude du passé permet également de se rendre compte de la vitesse probable de la mise en œuvre des politiques d'éducation.

Dynamique du changement

Une évaluation de la situation actuelle n'est pas complète sans l'estimation des forces qui s'exercent pour ou contre le changement, au cas où il faudrait modifier les politiques. Ce type d'évaluation entraîne des conséquences sur les chances de réussite des différents types de politiques et sur les stratégies qu'il faut utiliser pour les promouvoir et les mettre en œuvre. Le lauréat du prix Nobel, North confesse en 1994 que « l'élaboration d'une théorie dynamique du changement social est le plus grand défi auquel sont confrontés aujourd'hui les spécialistes en sciences sociales ». Il affirme en même temps que « les individus et les organisations ayant un pouvoir de négociation du fait du cadre institutionnel ont un intérêt majeur à perpétuer le système ». Les facteurs sociopolitiques essentiels à analyser sont par conséquent l'existence et la force relative des groupes d'intérêts.

Dans les pays en développement, il est impossible de connaître tous les groupes d'intérêts impliqués, mais il est au moins possible de commencer par ceux qui contribuent à l'enseignement, en particulier les enseignants et ceux qui en bénéficient, les parents, les étudiants et les employeurs. Si les premiers sont bien organisés, ce qui est souvent le cas, ils peuvent constituer une force puissante pour soutenir tout changement en matière d'éducation, ou pour s'y opposer. Leurs intérêts seront probablement menacés, si le change­ment constitue une certaine forme de défi à leur statut ou à leurs prérogatives. Les bénéficiaires peuvent également être puissants, mais ils sont généralement divisés. Ils peuvent être partagés entre différents groupes culturels, professionnels ou socio-économiques. Leurs intérêts par rapport à la quantité et à la qualité de l'éducation peuvent être très divers. Les groupes de consommateurs étroitement

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Un cadre analytique des politiques d'éducation

liés à ceux qui définissent les politiques ou qui prennent les décisions au sein du système éducatif pourront exercer une influence disproportionnée. En outre, les consommateurs capables d'organiser d'imposantes manifestations publiques, comme certains étudiants à l'université, peuvent influencer les politiques en leur faveur. Les planificateurs politiques doivent donc identifier les groupes d'intérêts et évaluer leur ouverture aux réformes. Les planificateurs doivent déterminer le degré d'organisation des groupes d'intérêts considérés comme opposés à la réforme, l'importance de leur pouvoir dans la société et la mesure dans laquelle ils l'exerceront.

Le personnel administratif du système éducatif constitue un groupe d'intérêts à part. D'après les études sur ce sujet, les bureaucrates considèrent qu'ils ont intérêt à maintenir une expansion modérée du système éducatif. Ils ont également tendance à valoriser la configuration du système éducatif en place et à résister aux politiques cherchant à la modifier. C'est pourquoi il est important de comprendre les intérêts personnels des bureaucrates de l'éduca­tion dans l'analyse politique et de reconnaître qu'ils ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux des enseignants, d'autres spécialistes ou bénéficiaires de l'éducation. Enfin, la pression pour voir les changements se concrétiser peut venir d'individus ou de groupes extérieurs au secteur éducatif (comme dans le cas du Pérou, décrit au Chapitre II), ou d'acteurs externes : experts et agences de développement (cas du Burkina Faso).

B. Le processus d'élaboration des options

De nouvelles politiques sont généralement élaborées lorsque la situation actuelle du secteur et son contexte sont perturbés par un problème, par une décision politique ou par un projet de réorganisa­tion (planification nationale globale). Des options politiques peuvent être élaborées de plusieurs manières pour répondre au déséquilibre. Dans une perspective analytique, on peut classer ces processus selon les quatre modes suivants : systémique, progressif, ad hoc et importation. Plusieurs de ces modalités peuvent cependant être combinées dans les situations concrètes.

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Le mode systémique

Ce titre peut laisser croire que ce mode est le préféré ou le meilleur pour l'élaboration d'options politiques. Ce n'est pas nécessairement le cas, parce que dans certaines conditions, il peut se montrer défectueux ou peu pratique. Le mode systémique se caractérise par trois opérations : création de données, formulation des options et classement par ordre de priorité, enfin redéfinition des options. Les données proviennent généralement de deux sources : analyse sectorielle et ensemble des données professionnelles disponibles (savoirs traditionnels, synthèse de la recherche, indicateurs comparés, etc.).

L'élaboration d'options selon ce mode constitue un processus inductif assez compliqué. Si l'on s'appuie seulement sur les informations, on peut élaborer un grand nombre d'options pour répondre aux données concernant le secteur et son contexte. A l'extrême, l'induction intellectuelle cherche à anticiper tous les résultats des politiques, en pensant à toutes les éventualités possibles. Puis on identifie les meilleures options, ou au moins les plus efficientes. Une diversité de contraintes intellectuelles, politiques, sociales et professionnelles limite cependant la gamme d'options. On peut donner en outre aux options un poids et des priorités différents selon l'importance accordée aux problèmes sectoriels, selon la puissance relative des groupes d'intérêts et selon les combinaisons possibles des différentes options.

Certaines options peuvent faire l'objet d'un microprocessus d'identification des problèmes : formulation, vérification, modifica­tion ou maintien des politiques. C'est un mélange d'induction et d'interaction séquentielle. L'expérimentation ou l'approche par études pilotes ajoutent des éléments à la base de données et à la pondération des différentes options.

Le mode progressif

Lorsque l'on reconnaît l'existence d'un problème concernant le système éducatif, on cherche souvent à lui imposer une solution. C'est particulièrement le cas, s'il y a un débat public sur ce problème. Le système éducatif suscitant beaucoup d'intérêt et de

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Un cadre analytique des politiques d'éducation

discussions, il doit faire quelque chose pour maintenir sa légitimité. Le sentiment de l'urgence exige une réponse rapide. Le problème pouvant se situer dans un segment particulier du système, la solution consiste à formuler une politique pour adapter le système en conséquence. Il s'agit d'une approche réactive, suivant laquelle le décideur cherche à répondre aux difficultés actuelles, plutôt qu'à anticiper celles qui vont venir, entraînant ainsi des améliorations progressives.

Le modèle ad hoc

Le problème posé est quelquefois extérieur au système éducatif. D'ailleurs, cela peut n'être pas nécessairement un problème, mais plutôt l'émergence d'une nouvelle élite ou un événement politique majeur qui exige des ajustements ou des changements du système éducatif. La politique peut alors n'avoir aucune relation rationnelle avec le secteur éducatif.

Le mode par importation

On peut observer une diversité d'innovations et de modes dans les différents systèmes éducatifs. Elles peuvent être à l'origine des options envisagées. Les spécialistes étrangers, agissant en tant que consultants d'agences internationales, peuvent inciter à ces importations. Cependant, on ne peut réussir à importer une politique venue d'ailleurs que si elle répond aux besoins des différents groupes de la société, qui jouent le rôle d'importateurs.

C. L'évaluation des options

Les options ne peuvent être évaluées qu'en élaborant des scénarios alternatifs pour estimer les implications probables des options envisagées. La situation « imaginaire » qui serait créée si une option était mise en œuvre est comparée à la situation actuelle. Le scénario de transition entre l'état actuel et la situation imaginée est évalué de trois points de vue : cette option est-elle souhaitable, les ressources nécessaires sont-elles disponibles et est-elle réalisa­ble ?

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Le processus de planification et de formulation des politiques d'éducation : théorie et pratiques

L'option est-elle souhaitable ?

Il faut prendre trois points en compte : (i) impact de l'option sur les différents groupes d'intérêts ou partenaires intéressés au processus : qui en bénéficie ? Qui peut se sentir menacé ? Comment peut-on dédommager ceux qui risquent d'y perdre ? Qu'est-ce qui peut rendre l'option souhaitable pour tous les partenaires intéressés au processus ? (ii) compatibilité avec l'idéologie dominante et avec les objectifs de la croissance économique exprimés dans les plans nationaux de développement ; et (iii) dans certains cas, impact d'une option sur l'évolution politique et sur la stabilité du pays.

L'option est-elle abordable ?

Il faut évaluer le coût financier du changement, mais aussi les coûts sociaux et politiques. La difficulté de ces estimations tient à la capacité de prédiction des tendances futures, y compris de la croissance économique. Ce point est particulièrement important, parce que les dépenses en matière d'éducation sont plus vulnérables aux changements de situation économique et d'objectifs politiques que d'autres dépenses publiques. Il faut donc examiner des scénarios économiques alternatifs. En outre, il faut également peser les coûts privés (une réforme demandera-t-elle aux consommateurs de partager les coûts et si c'est le cas, que se passera-t-il avec les groupes les plus pauvres ?), les coûts d'opportunité (y aura-t-il d'autres mesures dont le système éducatif aurait pu bénéficier, mais auxquelles il devrait renoncer pour financer la proposition actuelle ?) et les coûts politiques (si une option favorise un groupe par rapport à un autre, le gouvernement sera-t-il prêt à en payer le coût politique ?).

L'option est-elle réalisable ?

La disponibilité de ressources humaines pour mettre en œuvre le changement pose une autre question d'un ordre très différent. Il est facile de calculer les ressources financières nécessaires. Mais il est plus difficile d'estimer le niveau de formation exigé des enseignants (plus le programme ou la technologie sont sophistiqués, plus le personnel doit avoir un haut niveau de formation) et s'il y

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a assez de personnel pour mettre en œuvre l'option. Les pays en développement n'ont parfois que peu de personnel hautement qualifié. Ce qui pose la question de savoir s'il faut en faire venir de l'extérieur ou les former et à quel coût ? La culture institutionnelle (normes, procédures, environnement) nécessaire pour attirer, retenir et utiliser avec efficacité le personnel formé pour transformer les politiques en plans et en programmes mis en œuvre est tout aussi importante. Le temps constitue un autre élément du calcul de faisabilité. La plupart des études consacrées aux projets d'éducation indiquent qu'il y a fréquemment des dépassements des délais dans la mise en œuvre. Il faut que les estimations de temps soient plus réalistes. Elles ne peuvent se faire que par une évaluation soigneuse des capacités et expériences de mise en œuvre.

Le problème de la durabilité doit peser de tout son poids lorsque l'on applique les critères ci-dessus. Les initiatives concernant l'éducation doivent être durables d'un point de vue politique et financier sur une longue période de temps pour porter leurs fruits. Les implications à long terme des options doivent être évaluées dans le contexte d'une politique globale cohérente avec les aspirations nationales.

D. La prise de décision

Il est rare qu'une décision politique soit la conséquence rationnelle d'une évaluation et des étapes initiales du processus de décision - autrement dit le point culminant d'un processus pendant lequel toutes les informations concernant la décision ont été réunies et soigneusement analysées, afin de concevoir et de choisir la politique optimale. La diversité des rationalités et des intérêts conflictuels nécessite que la politique choisie soit un savant dosage d'arbitrage et de compromis. La politique finalement adoptée peut ne pas être la meilleure pour un groupe d'intérêts donné, mais ce type de résultat négocié est indispensable pour la constitution d'une large base de soutien, nécessaire pour faire passer la politique de l'étude à la mise en œuvre. En outre, les pressions politiques, les lacunes de l'évaluation ou la simple pression du temps peuvent court-circuiter le processus. Un ministre avec une « marotte » peut par exemple décider de passer directement de son point de vue sur

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la situation actuelle à la décision, en court-circuitant les trois étapes du processus décrit ci-dessus. Ainsi, pour évaluer la rigueur du processus de décision à ce stade, il est utile de se poser les questions suivantes :

(1) Comment la décision a-t-elle été prise - est-elle passée par toutes les étapes de l'analyse politique ?

(2) Cette décision est-elle radicalement différente de la politique actuelle ?

(3) Dans quelle mesure cette décision est-elle compatible avec les politiques d'autres secteurs ?

(4) Cette politique est-elle exprimée de manière diffuse ou est-elle définie d'une manière facilement mesurable ?

(5) La politique semble-t-elle opérationnelle ou sa mise en œuvre est-elle improbable ?

E. La planification de la mise en œuvre

Une fois que l'on a choisi une politique, il faut planifier immédiatement sa mise en œuvre. Bien que l'on puisse fonder une grande partie du travail nécessaire à cette étape sur les évaluations effectuées pour prendre la décision, la planification de la mise en œuvre comporte un aspect concret, absent des étapes antérieures du processus.

Ce qui était abstrait à l'étape de l'évaluation commence à se concrétiser pendant la planification. Un calendrier de déplacement des personnes, de matériel et de ressources financières doit être établi avec clarté et attention au détail, afin de ne laisser aucun doute sur qui fait quoi, quand et comment ; les ressources matériel­les, qui peuvent avoir fait partie de listes hypothétiques, doivent être situées et leur disponibilité doit être assurée ; les ressources financières, qui peuvent avoir été affectées à un éventuel usage, doivent être affectées pour réduire les délais de mise en œuvre au minimum ; le personnel nécessaire pour mettre les plans en action doit être libéré de ses engagements et être prêt à travailler ; les connaissances techniques nécessaires pour piloter la mise en œuvre de la réforme doivent être maîtrisées par ceux qui vont les utiliser ; et les systèmes administratifs qui dirigeront la politique doivent être clairement structurés et bien en place.

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Un cadre analytique des politiques d'éducation

Bien que ces tâches soient ambitieuses, il reste une étape de la planification plus difficile encore (et c'est celle qui est le plus souvent négligée). Il s'agit de la mobilisation du soutien politique. Celle-ci est particulièrement nécessaire lorsque l'on pense à la nécessité de s'assurer que ceux qui mettent en œuvre une nouvelle initiative concernant l'éducation et qui en bénéficient, l'adoptent avec enthousiasme. Il faut élaborer des plans pour être certain que les étudiants et leurs familles sont conscients des objectifs de la nouvelle initiative, que les communautés comprennent les avantages que la collectivité peut en retirer ; il faut également élaborer des programmes pour les enseignants, les administrateurs de l'éducation et leurs représentants. Comme de nouvelles initiatives signifient généralement une certaine redéfinition des emplois, il est important que les éducateurs les considèrent comme avantageuses et que ceux qui s'opposent au changement soient isolés. Une mobilisation politique peut également être nécessaire pour s'assurer que des matériaux de construction sont disponibles, que les ajustements administratifs indispensables sont menés à bien et tout particulière­ment que les propositions de financement sont approuvées. Une stratégie efficace de mobilisation du soutien consiste à impliquer les groupes affectés par la nouvelle initiative dans le processus de planification. Cette stratégie sera payante, non seulement grâce à un soutien accru, mais plus probablement sous forme d'une meilleure conception de la politique.

Une partie relativement importante de la planification et même de la formulation defacto des politiques s'effectue pendant la mise en œuvre. En effet, pendant cette phase, les événements suivants sont la règle plutôt que l'exception :

(a) les circonstances liées aux contraintes de la mise en œuvre entraînent des modifications de la politique ;

(b) à la suite des réactions consécutives à la mise en œuvre, une partie des décisions politiques sont réévaluées, ce qui conduit les décideurs à des modifications ;

(c) la simple traduction d'intentions politiques abstraites en une mise en œuvre concrète entraîne une nouvelle évaluation et une nouvelle conception. Ces changements se produisent fréquemment, parce que les problèmes de

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mise en œuvre sont trop souvent sous-estimés pendant l'étape de planification des politiques.

Se faire une fausse idée de la facilité de la mise en œuvre constitue peut-être l'erreur la plus fréquente de la planification. Quelle que soit l'importance de l'implication des différents groupes affectés par la nouvelle initiative dans la révision des plans, le premier jour de la mise en œuvre du nouveau programme fait souvent apparaître celui-ci sous un autre jour. Pendant la mise en œuvre, on s'aperçoit que les calendriers ne sont pas réalistes et que les programmes sont trop ambitieux ; c'est alors que les ravages de l'inflation entraînent les syndicats d'enseignants à demander des augmentations de rémunération avant de mettre en œuvre les nouveaux programmes ; que les parents concluent que la certifica­tion offerte par le nouveau programme ne garantira peut-être pas à leurs enfants les emplois qu'ils espéraient pour eux ; et que les politiciens locaux décident de bloquer l'initiative, parce qu'elle risque de réussir si bien qu'elle démontrera que ceux de la capitale offrent un meilleur enseignement qu'eux. Ces types de problèmes sont des répétitions des questions soulevées pendant les étapes de l'évaluation des options ou de la planification. Il faut les résoudre en adoptant une approche souple au cours de la mise en œuvre des politiques.

Même si elle a été bien préparée, la mise en œuvre réserve toujours des surprises. Celles-ci déterminent les résultats, quelquefois de façon décisive. L'une des manières d'utiliser les événements inattendus pour améliorer les résultats consiste à concevoir une mise en œuvre par étapes. Si des problèmes imprévus se présentent, on peut réévaluer les plans de mise en œuvre et éventuellement la décision politique même. On peut également mener à bien des études pilotes, avant la mise en œuvre généralisée d'un projet. Les problèmes qui se posent lorsque l'on généralise ces expériences et les dangers de projets « maintenus sous serre » qui ne peuvent pas survivre à une implantation dans le monde réel sont bien traités dans Kemmerer (1990).

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Un cadre analytique des politiques d'édut

F. L'évaluation de l'impact de la réforme

Lorsque la politique est en place depuis assez longtemps pour avoir donné des résultats, il est possible de l'évaluer. Il faut pour cela avoir une idée du temps nécessaire pour que la politique, une fois mise en œuvre, produise des effets. Bien que l'on puisse mesurer de manière continue les résultats de la politique, une évaluation prématurée peut donner une idée fausse de son efficacité. Il est en outre préférable de repousser l'évaluation finale jusqu'à ce qu'un certain nombre de cycles d'enseignement soient achevés, pour distinguer entre l'effet du changement de politique et celui de l'enthousiasme qu'accompagne souvent la mise en œuvre d'une nouvelle initiative. D'un autre côté, plus les évaluations précises sont précoces, plus les décideurs sauront rapidement si leurs initiatives fonctionnent comme ils l'avaient souhaité, ou s'il faut procéder à des ajustements dans la conception ou dans la mise en œuvre de la politique.

Si l'évaluation révèle que la politique n'a pas produit les effets escomptés, il faut déterminer si c'est la politique qui ne convient pas ou sa mise en œuvre qui est défectueuse. Les insuffisances de ressources humaines, de financement, ou de stimulant économique pendant la mise en œuvre font partie des nombreuses causes possibles de l'échec d'une politique bien conçue. D'un autre côté, si l'évaluation montre des résultats insuffisants et si la mise en œuvre a été bien menée, il est nécessaire de réexaminer la décision et de déterminer les ajustements et les nouvelles politiques qu'il faut substituer au choix originel. On passe ensuite à nouveau aux étapes de planification et de mise en œuvre. Etant donné la rapidité des changements contemporains et les liens étroits entre le système éducatif et le reste de la société, même une initiative dont la conception et la mise en œuvre sont réussies nécessite des ajuste­ments au cours du temps.

L'évaluation de l'impact de la politique est menée à bien en utilisant les mêmes critères que lors de l'évaluation de cette politique. Le processus d'évaluation porte sur les questions suivantes : Quels sont les impacts réels des politiques en question ? Ces impacts sont-ils souhaitables, par rapport aux changements espérés ? Trouvera-t-on les ressources nécessaires pour procéder aux

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Le processus de planification et de formulation des politiques d'éducation : théorie et pratiques

changements ? Les coûts ont-ils constitué un obstacle à leur mise en œuvre ? Les dépassements de coûts ont-ils empêché de penser à une mise en œuvre sur une période plus longue ou sur une base plus large ? Cette politique est-elle acceptable sur les plans politique et social ? Les effets attendus sont-ils réalisables ? Ont-ils été entièrement atteints ? Des efforts extraordinaires sont-ils nécessaires pour reproduire ces effets dans d'autres circonstances ?

G. Les cycles successifs de réforme

Si l'on mène à bien de manière systématique une initiative politique, le processus de conception, de planification, de mise en œuvre, d'évaluation de l'impact et de révision de la politique deviendra itératif et ceci à l'infini, au moins en théorie, comme le suggère la Figure 3. Malheureusement, l'analyse politique et la planification à long terme ne sont pas souvent menées à bien de cette manière. La politique ne tient fréquemment pas compte des résultats des vérifications. Celles-ci sont plutôt considérées comme des exercices d'inventaire, nécessaires pour clore les dossiers sur une initiative politique. Lorsqu'un pays a besoin plus tard d'un nouveau changement de politique dans le domaine éducatif en question, un processus politique recommence souvent de zéro et peut répéter une grande partie de l'analyse, de la recherche d'options, de l'évaluation et de la planification antérieurement menées à bien. La conclusion de l'analyse politique consiste alors à ne jamais conclure. En principe, une fois que la mise en œuvre est terminée et que les résultats de la politique sont attendus, une étape d'évaluation de l'impact de la politique suit, entraînant éventuellement un nouveau cycle.

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Chapitre IL Application de l'analyse des politiques à la planification de l'éducation : quatre études de cas exemplaires

Le cadre conceptuel que nous venons d'examiner (Chapitre I et Figure 3) est appliqué à quatre études de cas pour reconstituer les éléments de la prise de décision et de la planification (processus et acteurs). Certaines politiques éducatives spécifiques du Pérou, de Jordanie, de Thaïlande et du Burkina Faso ont été choisies parce que l'on dispose d'assez de données (et de recul) sur chaque cas pour permettre la discussion de l'ensemble d'un cycle de réformes (ou de plusieurs cycles dans certains cas) ; la diversité géographique, économique, pédagogique et politique de ces cas permet également de souligner que ce cadre est général et n'est limité dans son application par aucun de ces facteurs.

Chaque étude de cas décrit le processus de prise de décision dans un contexte concret. Elle tente de représenter aussi exactement que possible la situation réelle et le cadre dans lequel se déroule la suite des événements, d'identifier les problèmes et les acteurs clés, de présenter l'information et les actions entraînant une décision et de décrire les événements qui ont eu lieu pendant la mise en œuvre. En outre, les études de cas simulent la dynamique de la prise de décision, qui consiste à poser des questions, à évaluer les données, à analyser le type de politiques possibles, à négocier, à mettre en concurrence différents groupes d'intérêts et à faire des compromis entre contraintes et avantages divers.

Dans tous les cas, les questions suivantes ont été posées : • Les problèmes d'éducation ont-ils été diagnostiqués et analysés

dans le contexte socio-économique et politique approprié ? • Toutes les options pour traiter ces problèmes ont-elle été

identifiées ?

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• Toutes les implications de ces options ont-elles été convenable­ment examinées ?

• A-t-on suffisamment examiné dans quelle mesure les options étaient réellement souhaitables, abordables et réalisables ?

• La mise en œuvre de la politique a-t-elle été bien planifiée et bien exécutée, afin de laisser la possibilité de réactions et de modifications ?

• L'impact de la politique a-t-il été correctement évalué, afin de déterminer si l'on doit la poursuivre, la modifier, ou passer à un autre cycle de réformes éducatives ?

• Les réponses des pays à l'évaluation de ce processus ont-elles été appropriées ?

• Dans quelle mesure les cycles suivants ont-ils été semblables ou différents du cycle initial de prise de décision ?

Pour répondre à ces questions, le processus d'élaboration des politiques a été analysé étape par étape, en examinant les événe­ments dans le contexte du cadre conceptuel et des éléments définis au Chapitre I. Une étude très complète de la Banque mondiale, des rapports d'agences internationales et bilatérales, des documents émanant des gouvernements et de chercheurs ont constitué la base de l'analyse. Naturellement, la portée de l'information, l'analyse et les conclusions dépendent de la disponibilité, de la portée et de la nature des données disponibles. Pour résoudre ce problème, des entretiens ont été menés à bien, chaque fois que cela a été possible, avec des participants à certaines phases du processus d'élaboration des politiques, ou avec des observateurs proches. Chaque cas est résumé ci-dessous ; les analyses détaillées se trouvent dans Haddad et Demsky (1994).

/. Pérou : le cas d'une approche globale et révolutionnaire

Le Pérou est l'exemple d'un cas dans lequel le gouvernement a entrepris une réforme sur le modèle global. Elle a embrassé l'ensemble du système éducatif, de l'école primaire jusqu'à l'université. Elle a visé à intégrer les matières pratiques et théori­ques, afin de donner au pays les capacités intellectuelles et une gamme complète de compétences pouvant contribuer à atteindre un

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développement économique et social durable. Elle a également cherché à résoudre les problèmes d'équité et d'efficience externe. Cette réforme, bien préparée et globale, s'est déroulée en suivant un processus systématique de diagnostic, réponse et action, dans le cadre d'un programme soigneusement planifié. Elle est cependant considérée comme un échec.

Le contexte de la formulation de la politique éducative (Situation A)

En 1968, frustrés par plus d'une décennie d'inefficacité apparente de gouvernements civils, un groupe d'officiers de l'armée dirigé par Velasco a renversé le gouvernement de Fernando Belaúnde Terry qui avait été élu démocratiquement. Ce pays critiqué par les militaires était caractérisé par de grandes inégalités de revenus, une émigration massive des campagnes vers les villes, l'explosion du taux de natalité, une situation sanitaire défectueuse, un chômage sans espoir, une inflation rampante et l'échec du système éducatif.

Celui-ci avait un caractère chaotique et politisé. Le syndicat des enseignants constituait depuis longtemps le syndicat national le plus militant et le mieux organisé. L'enseignement était inadéquat de tous points de vue : il était plus inégalement réparti entre les classes sociales que les revenus ; la plupart des diplômés étaient formés à des emplois tertiaires inexistants et peu d'entre eux avaient acquis des compétences techniques ; les effectifs et les taux de rétention étaient anormalement faibles ; et de nombreuses régions du pays ne disposaient d'aucun moyen de suivre un enseignement.

Quel était le potentiel pour un changement ? Le régime militaire pouvait imposer une réforme et l'économie qui venait d'être soutenue pouvait la favoriser. Cependant, les groupes d'intérêts, les enseignants, les ministères et les parents, tout en étant unanimes à encourager des réformes, avaient chacun leur idée à ce sujet. De plus, le ministère de l'Education, en principe chargé de mettre en œuvre le changement de politique n'était pas considéré comme capable de mener à bien une réforme éducative, mais plutôt comme constituant un obstacle éventuel au changement.

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La définition des options

Compte tenu des conditions révolutionnaires dans lesquelles ont été prises les décisions, les options réelles portaient sur les objectifs convenant le mieux à des finalités révolutionnaires, les politiques en matière d'éducation à adopter et la manière de mettre en œuvre ces réformes. Les options ont été conçues par un groupe de conseillers militaires dans le cadre d'un programme d'action révolutionnaire soigneusement planifié pour réformer l'ensemble de la structure nationale, intitulé le « Plan Inca ». Comme la promesse faite en 1968 de mener à bien une réforme globale de l'éducation rencontrait un scepticisme général, le gouvernement a constitué une Commission civile pour la réforme de l'éducation. Son rapport de 1970 intitulé Rapport général sur la réforme de l'éducation au Pérou représentait le style révolutionnaire de définition d'options politiques par une déduction rationnelle : diagnostic, réponse, action.

Après avoir diagnostiqué que le système éducatif était inéquitable, inefficace, dépassé, rigide et manquant d'un esprit péruvien, la Commission a considéré qu'il ne fallait rien moins que viser à créer « un nouvel homme péruvien dans une nouvelle société péruvienne ». La seule option logique pour répondre à ces objectifs et pour corriger tous les défauts simultanément, consistait à restructurer entièrement le système et à apporter un enseignement secondaire diversifié obligatoire (les ESEPs) pour tous. Cette option était en accord avec la nouvelle politique d'éducation de la communauté internationale.

L'évaluation des options

Les objectifs politiques et les éléments de l'ensemble de la réforme ont été évalués à trois moments différents : (1) lorsque les militaires ont pris le pouvoir en promettant une réforme égalitaire « révolutionnaire » ; (2) avec la Commission civile pour la réforme de l'éducation ; et (3) pendant un processus d'examen public de deux ans. A chaque étape, l'impact de la politique proposée sur la Situation A, Figure 3 a été évalué, bien que non systématiquement.

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Les avantages de la réforme étaient mis en avant du point de vue de l'idéologie des militaires, qui considéraient qu'elle était la clé de la réalisation de leurs objectifs de « libération de l'homme » et de « création d'une nouvelle société » fondée sur des valeurs humanistes chrétiennes et sur un traitement équitable de tous les citoyens. Les possibilités de financement devaient être assurées, selon le Rapport général de 1970 par le fait que la réforme serait autofinancée. Le ministère des Finances avait entrepris une étude plus sérieuse sur le coût de la réforme, mais les hypothèses concernant les ressources pour la financer ont continué à être assez vagues. De même, la faisabilité de la réforme n'avait pas été correctement évaluée : une analyse approfondie sur la manière de trouver les ressources humaines nécessaires n'avait jamais été entreprise et, bien qu'un calendrier ait été établi, personne ne l'avait pris au sérieux.

D'autres groupes affectés par la politique proposée ne l'ont pas considérée comme souhaitable. Les universitaires et les étudiants y ont vu une menace à leur pouvoir. Les pauvres et les moins instruits étaient tout au plus ambivalents à son sujet. Les militaires ont cependant pensé que toutes les réticences vis-à-vis de la réforme se dissiperaient une fois qu'elle serait bien comprise. Pendant deux années entières, le document sur la réforme a été largement discuté en public et en privé avec tous les groupes d'intérêts. En outre, des groupes de jeunes gens et de jeunes filles ont été envoyés dans différentes parties du pays pour sensibiliser et pour mobiliser le public.

La prise de décision

En 1972, les militaires ont annoncé une vaste réforme, portant sur tous les niveaux et tous les types d'enseignement, demandant la participation de la communauté au processus, la réorganisation de la bureaucratie nationale de l'enseignement et l'élaboration d'un programme lié aux besoins de développement du Pérou. En particulier, les Centres d'éducation de base (Centros de educación basica CEB) devaient combiner les cycles de ce qui était auparavant l'enseignement primaire et secondaire et les réduire de onze à neuf ans ; les deux ou trois dernières années de l'éducation de base

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devaient se centrer sur une formation professionnelle ou pratique ; l'éducation de base devait être suivie par les Ecoles supérieures d'enseignement professionnel (Escuelas superiores de educación professional ESEP), ou par des écoles d'enseignement professionnel supérieur combinant un enseignement obligatoire théorique et des éléments pratiques au cours d'un programme de trois ans, ouvert à tous les diplômés de l'éducation de base. Les ESEPs seraient l'unique forme d'enseignement secondaire au Pérou et il serait nécessaire d'en être diplômé pour être admis à l'université.

La nouvelle politique stratégique s'appuyait largement sur le Rapport général de 1970, bien qu'elle ait également ajouté des modifications suggérées par les groupes d'intérêts qui se sont manifestés bruyamment pendant les deux années de l'étude. Ces rectifications étaient essentiellement conçues pour éviter le rejet ou l'opposition et ne représentaient pas un effort systématique de conception de politique. Les caractéristiques principales des décisions prises étaient les suivantes : (1) on y arrivait par une approche globale ; le Comité consultatif du président, puis la Commission civile de réforme de l'éducation avaient mené à bien une étude approfondie de l'ensemble du système éducatif et avaient présenté un diagnostic sur ses problèmes, proposé des réponses logiques et des réformes à entreprendre ; (2) il s'agissait d'une rupture radicale avec la Situation A de départ, nécessitant une réforme de la structure institutionnelle (pouvant exiger de 15 à 20 ans) ; et (3) elle était cohérente avec d'autres réformes sectoriel­les conçues autour d'un plan de développement global.

La planification de la mise en œuvre

Des plans ont été établis pour un calendrier de mise en œuvre en trois phases. Ils comportaient des changements institutionnels et administratifs, ainsi que la mobilisation de ressources financières, humaines, matérielles, techniques et politiques. La Banque mondiale et d'autres entités, dont l'UNESCO, l'USAID, l'Agence canadienne de développement international (ACDI) et le gouvernement hongrois ont joué un rôle instrumental, en promettant un financement et une assistance technique pour la réforme, en particulier pour ce qui concernait l'enseignement secondaire diversifié.

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Pendant la mise en œuvre, la politique de 1972 a été continuel­lement et profondément modifiée, par suite des faibles capacités de l'administration péruvienne, de l'insuffisance des ressources humaines et de la croissance du mécontentement contre le gouverne­ment militaire (qui se reflétait dans le manque de soutien en faveur de la réforme) et dans la pénurie de ressources financières. Les calendriers et les délais ont été sévèrement modifiés et, finalement, l'objectif d'une réforme globale immédiate a été écarté en faveur de la constitution d'un groupe expérimental d'ESEPs (ainsi que de centres d'éducation de base).

L'évaluation de l'impact de la réforme

L'impact de la réforme de l'éducation (soit la Situation B comme le montre la Figure 3) n'a jamais été formellement évalué par rapport aux conséquences envisagées en 1972. Si cela avait été le cas, les résultats auraient été largement négatifs. Sur le plan politique, la réforme et en particulier les ESEPs avaient été associées avec le régime militaire de plus en plus impopulaire et contre lequel existait une forte opposition. Comme la mise en œuvre avait été très limitée, la plupart des élèves choisissaient de ne pas s'inscrire dans les ESEPs ou dans d'autres écoles réformées (les effectifs des onze ESEP pilotes étaient inférieurs à 50 % des places disponibles). Les élèves considéraient que ces nouvelles écoles ne leur apporteraient pas de mobilité sociale et leur opinion était confortée par le refus des universités d'admettre les diplômés des ESEPs. En outre, la qualité des enseignants dans les écoles rurales des zones les plus pauvres (en particulier celles des indiens de langue quechua) était inférieure à celle des écoles urbaines. De plus, la formation des ESEPs ne garantissait pas une adaptation aux besoins du marché du travail péruvien. Enfin, sur le plan économique, le fonctionnement des ESEPs s'est montré beaucoup plus coûteux que celui des écoles traditionnelles. En résumé, bien qu'elle n'ait pas été explicitement évaluée selon ces critères, la réforme s'est implicitement montrée peu souhaitable, coûteuse et irréalisable.

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Le nouveau cycle de réformes éducatives

Après la réélection de Belaúnde, le nouveau gouvernement (qui avait évincé le gouvernement militaire aux élections de 1980) est entré dans un autre cycle de réformes éducatives, mais il est passé directement à l'étape de la décision politique. Malgré l'absence d'évaluation formelle de la réforme et de toute tentative pour élaborer et pour évaluer des options de politiques alternatives, presque immédiatement après avoir pris ses fonctions, Belaúnde a décidé d'abandonner la réforme de 1972 en la négligeant et de réinstaller le système éducatif traditionnel de son gouvernement civil antérieur. Le choix de Belaúnde de négliger plutôt que de rejeter ouvertement la réforme était fondé sur la faisabilité relative de cette option : il n'était pas nécessaire d'affronter les groupes d'intérêts qui soutenaient encore la réforme, si l'on pouvait arriver au même résultat par une approche moins active. La mise en œuvre a semblé facile sur le plan opérationnel, puisqu'il n'y avait que peu d'ESEPs ou d'autres écoles réformées. Finalement, une Législation d'ensem­ble sur l'éducation a été votée en 1983, abolissant le principe d'un enseignement de base de neuf ans, suivi par les ESEPs et réinsti­tuant un enseignement primaire de six ans, suivi d'un enseignement secondaire de cinq ans divisé en un cycle général de deux ans et un cycle diversifié de trois ans. Les ESEPs sont devenues des instituts d'enseignement technique supérieur.

//. Jordanie : le cas d'un passage du mode progressif au mode global de planification

Au début des années 1970, le gouvernement jordanien a introduit une réforme éducative de diversification des écoles secondaires pour résoudre les problèmes de main-d'œuvre et d'emploi. Poussé par la dégradation de la situation économique quinze ans plus tard, le gouvernement a entrepris une autre réforme, comportant l'extension de l'enseignement diversifié, mais avec d'importants changements apportés au contenu des programme d'études. Ces modifications visaient à accroître l'attrait de la diversification pour les bénéficiaires de l'enseignement et son adaptation aux demandes changeantes de l'économie intérieure et

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internationale. Alors que le Pérou, qui réformait son enseignement pendant la même période avait adopté une approche globale, la Jordanie a commencé par utiliser une voie progressive.

Le contexte de la formulation de la politique éducative (Situation A)

Bien que la fin des années 1950 et le début des années 1960 aient constitué une période de croissance économique rapide pour la Jordanie, cette progression a été interrompue par la guerre arabo-israélienne de 1967, qui a entraîné la perte de la Cisjordanie pour la Jordanie, donc de ses meilleures terres agricoles et de sa principale source de tourisme et l'immigration massive de plus d'un quart de million de Palestiniens sur la rive orientale du Jourdain. La reprise de l'économie a été empêchée en 1970 et 1971 par la lutte jordano-palestinienne pour le contrôle du pays.

La Jordanie du début des années 1970 était un pays en transition. Le manque de travailleurs qualifiés allait de pair avec un surplus de travailleurs non qualifiés et déjeunes n'ayant reçu qu'un enseignement général. Le fonctionnement du système éducatif n'était donc pas considéré comme satisfaisant. Seulement 10 % des élèves des écoles secondaires étaient inscrits dans des écoles professionnel­les, qui étaient peu nombreuses, manquaient d'équipement et de programmes d'études adéquats, alors que l'enseignement général et les emplois tertiaires étaient particulièrement appréciés.

Sur le plan structurel, le système éducatif disposait d'un potentiel de changement sans obstacle majeur. Le pouvoir politique fortement centralisé (comme le système éducatif) pouvait apporter le soutien nécessaire à toute réforme éducative.

Cependant, différents éléments de la société jordanienne avaient leur idée propre sur ce que devraient être les changements pour répondre à leurs intérêts et à leurs valeurs. Les ressources financières limitées du pays pouvaient également constituer un frein au changement en matière d'éducation.

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La définition des options

Les options proposant un changement de politique ont été définies à partir de données et d'une analyse limitées. Les pouvoirs publics ont chargé plusieurs études d'explorer la situation de la main-d'œuvre et les conséquences que l'on pouvait en déduire pour sa formation. Ces études ont permis d'avoir une idée des déficits relatifs en main-d'œuvre qualifiée et en techniciens et des surplus d'élèves sortant des écoles secondaires générales. En même temps, la Banque mondiale et l'UNESCO, après avoir mené à bien leurs travaux et leurs analyses sectorielles, ont critiqué la nature trop théorique de l'enseignement général et ont insisté sur la valeur des matières pratiques et professionnelles au niveau secondaire.

Pour répondre aux besoins en main-d'œuvre notés ci-dessus, le gouvernement a envisagé quatre options pour le développement de l'éducation : (i) continuer le système actuel de domination de l'enseignement secondaire général sur l'enseignement professionnel ; (ii) accroître le nombre d'écoles professionnelles et réduire celui des écoles d'enseignement général ; (iii) modifier le système, en introduisant des matières préprofessionnelles au niveau préparatoire, ainsi qu'un nouveau type d'institution professionnelle post­préparatoire (centre de formation professionnelle) et un enseigne­ment diversifié (combinant des cours généraux et professionnels dans un seul cadre institutionnel) au niveau secondaire, et (iv) refon­dre complètement le système en transformant les écoles en centres de formation pratique, où les élèves pouvant appartenir à différents groupes d'âge travailleraient sur des situation réelles et au cours de ce processus contribueraient au développement économique du pays.

L'évaluation des options

Les options ont été évaluées de manière fragmentaire et informelle. L'Option I a été évaluée et rejetée parce qu'elle n'était pas souhaitable et ne pouvait pas être financée. Les pouvoirs publics ont ressenti la nécessité de changer le système de départ et les projections des coûts ont montré qu'il n'était pas possible financière­ment de garder ce système. L'Option H a été examinée et rejetée, surtout du point de vue de son coût et de ses avantages. Les écoles

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professionnelles étaient coûteuses et ne jouissaient que d'un statut inférieur. Les petites entreprises préféraient recruter des candidats pas encore complètement formés, qu'elles pourraient former elles-mêmes. L'Option IV proposée par l'UNESCO a été rejetée parce qu'elle n'était pas réalisable. Les autorités jordaniennes n'étaient pas préparées à mener à bien ce type d'approche globale, exigeant une réorientation complète du système, qui nécessiterait un énorme investissement en temps, en ressources financières et en personnel. On a examiné dans quelle mesure l'Option III était souhaitable, abordable et réalisable, bien que l'ensemble des conséquences de la Situation A dans la Figure 3 n'aient jamais été tirées. La Banque mondiale a été la principale responsable de l'évaluation du facteur coût, qui s'est montré être compatible avec les ressources nationales (avec un prêt de la Banque pour financer les dépenses d'investisse­ment). Les responsables jordaniens ont trouvé cette option souhaita­ble, parce que la scolarité polyvalente était recommandée par la communauté internationale (en particulier par la Banque mondiale) pour accroître le prestige de l'enseignement professionnel par son association avec l'enseignement général. Ce serait en outre une base souple pour répondre à la demande de l'économie, dont l'évolution et les besoins spécifiques en compétences ne pouvaient pas être prévus à l'avance. Néanmoins, cette option a été adoptée en programme pilote. Etant donné la nature progressive (par conséquent à faible risque) de cette politique, ce type de réforme n'a jamais fait l'objet d'une demande. Comme il a été noté plus haut, les parents et les étudiants considéraient l'enseignement général comme un moyen d'accès à la poursuite d'études et à la mobilité sociale ; le fait de ne jamais prendre cet aspect en compte allait poser des problèmes après l'adoption de cette politique.

La prise de décision

La politique consistant à introduire un enseignement polyvalent portait sur plusieurs programmes (voir Chapitre I) et cherchait à résoudre le problème de l'affectation des ressources entre enseigne­ment général, professionnel et diversifié. La décision prise visait l'expansion continue d'un enseignement de base de neuf ans ; l'introduction du concept d'enseignement polyvalent ; et la

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réorientation des filières professionnelles et techniques, pour renforcer les programmes professionnels, ainsi que le développement de nouvelles spécialisations et méthodes de formation.

Cette décision a été prise en grande partie sur les conseils pressants de la Banque mondiale et dans une certaine mesure sur la recommandation de l'UNESCO, et d'après une analyse nationale. L'approche progressive a constitué un élément décisif de la décision, les responsables de l'éducation étant satisfaits de l'introduction de cette réforme sur une base expérimentale.

La planification de la mise en œuvre

Ce changement politique étant réalisé par une approche progressive, des plans de mise en œuvre à long terme ont été élaborés en termes généraux, laissant les détails pour des projets spécifiques. Au fur et à mesure de la mise en œuvre, on s'est davantage préoccupé de la division entre enseignement général et professionnel dans les écoles du projet. L'intégration sociale et pédagogique attendue des écoles polyvalentes ne s'est par consé­quent pas faite. Enfin, tout en conservant l'approche de la prise de décision par étapes, les responsables de l'éducation ont décidé de piloter un autre type d'institution d'enseignement professionnel, l'école secondaire générale professionnelle. Elle devait proposer deux enseignements professionnels, ou davantage (par exemple industrie et commerce) dans une seule institution et être implantée dans des régions faiblement peuplées, n'offrant pas d'autre accès à une scolarité professionnelle.

L'évaluation de l'impact de la réforme

L'impact de la politique de diversification n'a pas été formelle­ment et systématiquement évalué. Il a été cependant minutieusement examiné dans le contexte d'un mouvement pour réformer l'ensemble du système éducatif au milieu des années 80, dicté par la Situa­tion B, (Figure 3) et caractérisé par (a) une évolution de la situation économique et (b) les performances des écoles polyvalentes.

Tout d'abord, la situation économique qui s'était beaucoup améliorée pendant le boom général du milieu des années 1970

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jusqu'au début des années 1980 a commencé à se détériorer. La récession économique dans les Etats du Golfe a entraîné une réduction des exportations jordaniennes et le problème du chômage a commencé à se faire sentir à nouveau, avec le retour au pays de Jordaniens émigrés. En outre, les projections de la Banque mondiale pour 1990 ont continué à prévoir un net surplus de travailleurs, demandeurs d'emplois tertiaires.

Les résultats des écoles polyvalentes sont apparus comme mitigés. Entre 1980 et 1987, le pourcentage d'élèves de l'enseigne­ment secondaire inscrits dans les filières professionnelles est passé de 19 à 29 %. Les élèves et les parents ont, cependant, continué à mépriser l'enseignement professionnel pour trois raisons : (i) le faible prestige des emplois industriels ; (ii) le fait que le programme des filières professionnelles des écoles polyvalentes était d'une qualité inférieure au programme général ; et (iii) que cet enseigne­ment professionnel était terminal et ne permettait pas de poursuivre des études, et d'accéder à une mobilité sociale. C'est pourquoi les pouvoirs publics ont conclu que les écoles polyvalentes, telles qu'elles existaient, ne répondaient pas de manière adéquate à la nouvelle situation économique et qu'il fallait donc un changement de politique.

Le nouveau cycle de réformes éducatives

La situation de l'économie en 1985 a constitué un stimulant important en faveur d'un changement, qui n'existait pas pendant le boom de la fin des années 70 et du début des années 80, lorsqu'on a commencé à discuter de la réforme. Le Roi Hussein a constitué un Comité de réforme en 1985, La Commission nationale d'évalua­tion des politiques éducatives et a nommé son frère, le Prince héritier à sa tête. La Commission a créé un Groupe de travail et a nommé des comités sur le terrain pour réunir les données ; elle a organisé une série d'ateliers et de séminaires pour étudier le système éducatif. Ce processus a permis l'implication d'une grande partie de la population dans la définition de la politique éducative.

En élaborant les options possibles, la Commission a soigneuse­ment examiné la situation actuelle (Situation B). Elle a considéré l'importance des « exportations » de capital humain et les intentions

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du gouvernement visant à changer la structure économique nationale en faveur de la production de biens, afin d'accroître sa contribution au PIB. La Commission a donc cherché à élaborer une stratégie (voir Chapitre I) qui utiliserait le capital humain pour améliorer la croissance interne et pour aider à maintenir les équilibres externes grâce à une « exportation » continue de capital humain. Les options ouvertes à la Commission étaient les suivantes : (i) conserver le statu quo, en offrant aux communautés le choix entre plusieurs types d'écoles secondaires : générales, professionnelles, polyvalentes, générales professionnelles (ESGP) et centres de formation profes­sionnelle ; (ii) mettre davantage l'accent sur l'enseignement professionnel en augmentant le nombre d'écoles professionnelles, d'ESGPs et de filières professionnelles dans les écoles polyvalentes, tout en diminuant le nombre d'écoles d'enseignement général ; (iii) adopter une réforme progressive, comme dans le passé, sous forme de modification du programme d'études, d'introduction de davantage d'applications pratiques, etc. ; et (iv) opter pour des réformes majeures comportant la restructuration du système ; la réforme du processus d'examen ; la création de différentes filières dans les écoles polyvalentes ; et l'introduction de cours préprofes­sionnels au niveau préparatoire, ainsi que le renforcement des programmes à tous les autres niveaux. Les quatre options n'ont jamais été complètement évaluées ou comparées. La Commission favorisait des changements radicaux, en grande partie en raison des problèmes économiques qui se posaient et du fait que le programme d'études ne semblait pas y répondre. C'est pourquoi les Options I, II et III n'ont pas été sérieusement suivies. L'Option IV a cependant été entièrement évaluée. Les pouvoirs publics ont jugé qu'elle était faisable parce qu'il y avait une volonté politique de la voir se réaliser. Elle était abordable parce que le gouvernement la soutiendrait avec des ressources financières et demanderait un prêt à la Banque mondiale. Cette dernière a également examiné la question de savoir si la réforme était abordable et a déterminé qu'elle reposerait sur l'extension des flux d'assistance externe et sur la mise en œuvre de mesures de rentabilisation des coûts et d'économies. Des plans ont également été élaborés pour le cas où le financement serait insuffisant. Enfin, cette réforme était souhaita­ble pour les étudiants et leurs parents ; elle apporterait à tous les

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élèves des bases plus solides en connaissances et compétences fondamentales, grâce à l'extension du cycle d'enseignement de base et elle fournirait aux élèves de l'enseignement professionnel une meilleure chance de progresser vers une scolarité post-secondaire en renforçant le programme principal.

Cette réforme majeure a rencontré une certaine opposition institutionnelle, comme en 1980, mais elle a été votée en 1987, par suite du sentiment d'urgence créé par la situation économique et de la volonté politique de la réaliser. Bien que le ministère de l'Education ait été chargé de la formulation du plan de mise en œuvre, un organisme indépendant, le Centre national pour la recherche et le développement de l'éducation, a été créé afin de faire échouer la résistance bureaucratique ; il a réussi jusqu'ici à contrôler la mise en œuvre.

///. Thaïlande : le cas d'un passage du mode spécifique au mode stratégique

Vers 1966, la Thaïlande a introduit un plan visant à piloter une nouvelle politique de diversification des écoles secondaires. Il cherchait à répondre à un problème particulier : l'inadaptation de l'enseignement secondaire général aux besoins d'un marché du travail rapidement changeant. La politique s'est d'abord limitée à cette question et à quelques écoles. Environ dix ans plus tard, elle s'est élargie de deux manières : sur le plan géographique, pour couvrir tout le pays et sur le plan politique pour résoudre les questions stratégiques d'équité, de démocratisation et d'unité nationale. La politique élargie a été bien reçue et bien mise en œuvre ; elle a relativement répondu à ses principaux objectifs.

Premier cycle de politiques éducatives

Le contexte de la formulation de la politique éducative (Situation A)

En 1966, la Thaïlande était une monarchie constitutionnelle avec un gouvernement relativement stable. C'était un pays surtout rural et multiethnique, présentant quelques problèmes de sécurité,

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en particulier au Nord-Est, exacerbés par les préoccupations sécuritaires concernant les pays voisins.

Au cours des années 1960, la croissance de l'économie thaïe était rapide, en particulier dans le secteur industriel, mais concentrée dans les zones urbaines. Le taux de chômage des années 60 n'était que de 1 %, mais le gouvernement pensait que la pénurie de main-d'œuvre constituait un frein à la croissance économique. En outre, les projections de main-d'œuvre prévoyaient un manque de personnel technique de niveau intermédiaire et supérieur et à l'inverse un chômage croissant des étudiants en lettres et sciences humaines.

Le système éducatif de la Thaïlande était elitiste et très académique. L'enseignement obligatoire passait de quatre à sept ans, mais l'enseignement secondaire souffrait de problèmes majeurs : (1) accès aux ressources éducatives : l'accent sur l'éducation de base se faisait aux dépens de l'enseignement secondaire ; (2) équité urbaine/rurale ; (3) efficience interne ; et (4) efficience externe : le programme d'études secondaires était extrêmement académique et centré sur la préparation au niveau supérieur, alors que l'économie thaïe avait de plus en plus besoin de travailleurs qualifiés. En outre, d'après certaines indications, les écoles secondaires professionnelles ne semblaient pas préparer les étudiants pour le marché du travail.

Quel était le potentiel de changement ? Le caractère très centralisé du système le rendait plus apte au changement, bien que la base administrative du pays soit faible. Les parents et les étudiants risquaient cependant de constituer un obstacle. Sur le plan culturel, la société valorisait la connaissance comme une fin en soi et non comme un outil professionnel. En même temps, les entrepri­ses thaïes n'appréciaient pas les diplômés des écoles professionnel­les. En outre, les enseignants et les administrateurs de l'éducation préféraient le statu quo. Point positif, les ressources nécessaires au financement de la réforme pouvaient être assurées.

La définition des options

Les autorités thaïes souhaitaient moderniser le système éducatif, pour résoudre les problèmes indiqués ci-dessus. Plusieurs analyses de la situation ont été menées à bien. En premier lieu, le

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gouvernement thaï a formé un Groupe de travail avec l'United States Operation Mission fUSOM), qui a réalisé diverses études sur les besoins en main-d'œuvre de niveau intermédiaire. Le département de l'enseignement secondaire a entrepris également son étude, prônant l'introduction d'un enseignement polyvalent sur une échelle plus large. A peu près à la même époque, l'Agence canadienne de développement international (ACDI) a mené à bien un examen du secteur, qui appuyait les conclusions des autres études.

Etant donné les préoccupations des pouvoirs publics concernant les besoins futurs en main-d'œuvre, ils ont examiné les options suivantes pour l'enseignement secondaire : (i) continuer le système actuel de filières préparant à l'enseignement supérieur et de filières professionnelles ; (ii) réduire l'importance relative de l'enseignement secondaire préparant à l'enseignement supérieur et augmenter sensi­blement l'enseignement secondaire professionnel ; et (iii) accroître le rôle des écoles secondaires professionnelles et introduire des écoles secondaires polyvalentes.

L'évaluation des options

Ces options ont été examinées de manière pragmatique. Le ministère de l'Education et l'ACDI ont mené séparément une évaluation. L'Option I n'a pas été jugée souhaitable, le système existant ne répondant pas de manière adéquate aux besoins actuels et prévisibles en main-d'œuvre de l'économie thaïe. L'Option II n'a pas été retenue non plus : l'enseignement professionnel jouissait de peu de considération et ne préparait pas suffisamment les diplômés au monde du travail. L'Option III a été examinée sur le plan de ses avantages, de sa faisabilité et de ses possibilités de financement. Elle a été considérée comme souhaitable, parce qu'un programme pilote antérieur dans deux écoles avait montré des résultats prometteurs ; il permettrait un enseignement mieux adapté à la situation locale et il aurait ainsi un certain impact sur le développement rural. En outre, l'idéologie internationale dominante en matière d'éducation soutenait ce type d'approche plutôt que le modèle d'enseignement général qui ne fonctionnait pas bien. Cette option pourrait être mise en œuvre, parce qu'elle avait la possibilité de s'appuyer sur l'expérience antérieure des écoles. Enfin, elle serait plus abordable qu'une forte

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augmentation du nombre de places dans les écoles professionnelles. L'ACDI et l'USAID ont fortement appuyé cette option, de même qu'une partie des responsables du ministère de l'Éducation et les experts internationaux.

La prise de décision

Le gouvernement thaï a choisi l'Option III pour répondre aux futurs besoins en main-d'œuvre et pour modifier les aspirations des diplômés de l'école secondaire. Cette décision peut donc être considérée comme orientée « vers un problème » (voir Chapitre I). Elle a essentiellement consisté à introduire une part importante de matières « pratiques » dans les programmes de l'enseignement préparant au supérieur et dans l'enseignement professionnel. On formerait ainsi un grand nombre de diplômés de mathématiques, de sciences et de sciences appliquées, qui seraient prêts à exercer une diversité d'emplois industriels et commerciaux, qualifiés et semi-qualifiés, de cadres moyens et d'agents de maîtrise. Le programme serait souple et les étudiants pourraient choisir leurs cours.

Cette décision pouvait être caractérisée de trois manières. Les pouvoirs publics ont d'abord eu une attitude de laissez-faire sur cette réforme ; ils ont accepté le point de vue canadien, bien que pour des raisons différentes. En second lieu, quoique cette politique constitue un changement radical par rapport au système existant, il s'agissait d'un programme pilote qui serait mis en œuvre sur une base très limitée. En tant que tel, il ne rencontrait pas d'opposition parce qu'il ne constituait pas un danger immédiat pour l'un des groupes d'intérêts. Enfin, la communauté des bailleurs de fonds a fortement encouragé cette politique : l'ACDI pour préparer les thaïs aux exigences du monde moderne et l'USAID pour assurer la sécurité politique dans les provinces.

La planification de la mise en œuvre

La planification de la mise en œuvre s'est effectuée sur une assez grande échelle, aidée par le projet d'assistance technique de l'ACDI et par un projet d'accompagnement de l'USAID pour soutenir la politique de diversification. L'administration de

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l'éducation et les agences bailleurs de fonds du projet ont suivi de près la mise en œuvre de cette politique et ont apporté plusieurs modifications importantes lorsque le besoin s'en est fait sentir. Des procédures concernant les bâtiments, l'acquisition de matériel et l'entretien ont été élaborées pour réduire les coûts et augmenter l'efficience. Les programmes ont été améliorés et des matières pratiques ont été ajoutées au programme du second cycle de l'enseignement secondaire dans le projet de l'ACDI.

L'évaluation de l'impact de la réforme

Au début des années 1970, les événements qui ont conduit à la Situation B (Figure 3) ont incité à une évaluation de la réforme : le contexte politique avait profondément changé : les manifestations étudiantes avaient entraîné la chute du gouvernement militaire et les rangs des révoltés ne cessaient de croître. La croissance économique s'était ralentie entraînant des problèmes dans les zones rurales, de grands écarts de revenus et un chômage chez les diplômés des zones urbaines. L'efficience interne et externe continuait à susciter des préoccupations dans l'enseignement secondaire général.

Le programme pilote d'enseignement diversifié a été considéré comme une réussite sur le plan de ses avantages : les effectifs ont dépassé les objectifs (en particulier par suite d'une campagne active de recrutement), le niveau de l'enseignement général était élevé et les écoles ont semblé inciter les étudiants à choisir l'enseignement professionnel au niveau du second cycle secondaire. En outre, les communautés ont considérablement soutenu ce programme. Cependant, sur le plan de la faisabilité et du financement, le tableau n'était pas aussi brillant. Le système n'arrivait pas à former assez d'enseignants pour les matières pratiques, ou à fournir assez de manuels scolaires ou de guides d'enseignement. De plus, la construction et le fonctionnement des écoles étaient coûteux.

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Second cycle de politiques éducatives

Réponse politique : définir des options

Bien que des experts et des éducateurs aient commencé à se réunir en 1971 pour discuter des changements possibles, le coup d'Etat de 1973 a lancé le mouvement de réforme. Un comité d'intellectuels et de bureaucrates renommés et réputés a été créé en 1974, afin de poser les bases d'une réforme systématique et globale du système éducatif. Ce comité a entrepris ses propres études et s'est également appuyé sur les études de l'UNESCO (soulignant les grandes inégalités de rythme de croissance économique entre régions urbaines et rurales, entraînant un faible niveau de formation parmi les agriculteurs et les ouvriers agricoles) et sur celle de la Banque mondiale. Le comité a considéré que la réforme de l'enseignement secondaire devait répondre aux objectifs suivants : (1) satisfaire la demande d'enseignement secondaire dans les zones rurales, afin de prévenir toute révolte ; (2) améliorer la qualité de l'enseignement et (3) fournir le type d'enseignement qui préparerait les étudiants à un emploi. Les options proposées étaient les suivantes : (i) se centrer sur l'enseignement secondaire traditionnel, tout en améliorant son équité, son efficience externe et sa qualité ; (ii) continuer à mettre en œuvre un enseignement diversifié de manière limitée, mais laisser la prééminence à l'enseignement secondaire traditionnel ; et (iii) accroître l'enseignement diversifié, qui deviendrait le principal mode d'enseignement.

L'évaluation des options

Les différentes options n'ont pas été systématiquement évaluées. Au début, le comité de réforme pensait qu'il fallait élaborer une politique « stratégique » (selon la définition du Chapitre T) pour répondre aux objectifs visés, plutôt qu'une politique portant sur un problème particulier, comme celle de 1966. C'est pourquoi le comité a rejeté l'Option I parce qu'elle ne répondait pas à sa philosophie et l'Option II parce qu'elle était trop limitée.

L'Option III a donc été la seule à être sérieusement prise en compte. Elle a semblé souhaitable au comité parce qu'elle répondait

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aux objectifs ci-dessus. Les coûts d'investissement seraient d'environ 20 % supérieurs à ceux de l'enseignement secondaire général, mais les frais de fonctionnement seraient à peu près les mêmes. Le comité a estimé que les avantages l'emportaient sur les coûts, mais a pensé qu'il était possible de les réduire encore et d'augmenter les droits de scolarité pour aider à financer la politique. Enfin, le comité a jugé possible d'éviter les problèmes de mise en œuvre rencontrés pendant l'étape pilote.

La prise de décision

La recommandation du comité visant à introduire un enseigne­ment diversifié sur le plan national a été approuvée par le cabinet et a été intégrée dans le Plan de développement national. Il est à noter que cette décision se fondait sur le premier cycle de politiques éducatives. En pilotant la réforme d'abord, les autorités ont pu évaluer la demande, ainsi qu'anticiper les problèmes qui allaient être rencontrés dans la nouvelle réforme et y répondre. Bien que la politique originelle se soit inspirée largement de la communauté internationale qui la recommandait et des écoles polyvalentes d'autre pays, grâce au processus de mise en œuvre, elle est devenue un « produit thaï ». Enfin, cette réforme était soutenue par ceux qui avaient la volonté et les moyens politiques de la mener à bonne fin.

La planification de la mise en œuvre

Bien que le processus de décision ait été global (voir Chapitre /), la mise en œuvre avait été progressive, par étapes, permettant de tenir compte des enseignements acquis au fur et à mesure. La planification de la réforme a été esquissée dans ses grandes lignes par la Commission nationale d'éducation et par le

coûts, etc. étaient du ressort du département de l'enseignement général. D'autres éléments de la planification ont été menés à bien dans le cadre de trois projets financés par la Banque mondiale. Pendant toute la phase de mise en œuvre, les enseignants et les responsables locaux des communautés ont été consultés et impliqués

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dans la réforme et un effort concerté a visé à permettre aux étudiants et aux parents d'en percevoir clairement les objectifs.

L'évaluation de l'impact de la réforme

La réforme a été régulièrement évaluée : par les pouvoirs publics thaïs, par l'étude des projets par la Banque mondiale et par des analyses de l'Université d'Alberta (Canada). Au cours de leur évaluation, les différents groupes d'intérêts (gouvernement thaï, Banque mondiale et gouvernement canadien) ont généralement trouvé que cette politique avait répondu à la plupart de leurs attentes. En premier lieu, la forte demande pour ce type d'écoles persistait, comme le montrait le dépassement des effectifs. De plus, les enquêtes d'opinion montraient que les parents trouvaient ces écoles meilleures, ou au moins aussi bonnes que les autres écoles secondaires. En second lieu, les écoles des programmes réussissaient dans une certaine mesure à donner une qualification professionnelle aux élèves. Elles n'arrivaient cependant pas à modifier leurs aspirations de carrière et la majorité des diplômés de l'enseignement secondaire préféraient toujours poursuivre leurs études au niveau supérieur, plutôt que de les terminer et d'entrer sur le marché du travail. Enfin, la réforme encourageait les objectifs nationaux de développement communautaire et contribuait à maintenir la sécurité dans le pays.

IV. Burkina Faso : le cas d'une approche globale influencée de l'extérieur

Après l'indépendance en 1960, le gouvernement de la Haute-Volta a été confronté à la nécessité d'élargir l'enseignement primaire en tenant compte des contraintes d'un budget national sévèrement limité. Il a accepté de suivre les conseils des experts et d'instituer un système d'enseignement rural non formel, afin de donner un enseignement primaire à sa population rurale, alors que la faible population urbaine continuerait d'avoir accès aux écoles primaires traditionnelles (premier cycle de la réforme). Au début des années 1970, les pouvoirs publics ont choisi de poursuivre parallèlement ces deux systèmes, en ajoutant une réforme qualitative de

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l'enseignement rural (second cycle de la réforme). En 1986, le gouvernement a décidé d'abandonner l'enseignement rural, et d'adopter comme forme dominante l'enseignement primaire formel (troisième cycle de la réforme).

Premier cycle de politiques éducatives

La situation entraînant la formulation de la politique éducative en 1960 (Situation A)

Le Burkina Faso, ancienne colonie française appelée Haute-Volta jusqu'en 1983, est devenu une république indépendante en 1960. Il était considéré comme l'un des pays les plus pauvres du monde, par suite de son absence d'accès à la mer, de la pauvreté de ses sols, de son climat rude, du manque d'eau, de l'absence de ressources minérales connues, du manque de main-d'œuvre éduquée et qualifiée, de son taux de mortalité infantile élevé, de l'espérance de vie réduite de sa population et de son faible PIB par habitant.

Du fait de son manque de ressources, la Haute-Volta a reçu une importante assistance étrangère pour financer son investissement public et pour équilibrer son budget national. Ce qui a rendu le pays très dépendant des pays bailleurs de fonds, qui ont exercé une grande influence sur les décisions internes.

Le système éducatif de la Haute-Volta était conçu selon le modèle français : six ans de scolarité primaire et sept ans de scolarité secondaire, avec un programme très académique. L'anal­phabétisme était très répandu. Le gouvernement était confronté aux contraintes suivantes : (1) un accès limité et inégalitaire à l'éduca­tion ; (2) l'inefficience externe des écoles, parce que le caractère académique de l'enseignement général convenait mieux au petit secteur moderne, mais la qualité de cette formation ne permettait pas aux élèves de répondre aux demandes de ce secteur ; et (3) l'ineffi­cience interne des écoles connaissant un fort taux de redoublement et d'abandon.

Quel était le potentiel de changement ? Les espoirs suscités par les changements chez les parents et les élèves ont été renforcés par la perspective de l'Indépendance, mais ce potentiel était réduit du fait de la situation du pays. Les contraintes économiques allaient

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limiter l'adoption d'une réforme coûteuse et importante ; le système éducatif faiblement dimensionné était peu développé ; et l'adminis­tration était très centralisée, faute d'avoir développé des institutions locales, si bien que la responsabilité de toute réforme retomberait sur Ouagadougou.

La définition des options

Comment permettre à tous les enfants d'accéder à l'éducation de base, étant donné les contraintes économiques sévères du pays, telle était la mission d'une équipe de deux experts français. C'étaient des africanistes expérimentés, qui pensaient a priori que le type de scolarité (académique) du temps de la colonie française ne convenait pas au type de développement nécessaire dans une grande partie de l'Afrique, largement fondé sur une économie agricole. Ils ont visité le pays pendant 45 jours et ont réuni le peu de données disponibles sur la population, sur les besoins en main-d'œuvre et sur la situation économique. Par suite du manque de données, ils ont été obligés de procéder à des estimations, parfois grossières. Ils ont conclu que le fort taux d'analphabétisme dans les régions rurales et le manque de services éducatifs étaient les principaux problèmes de l'éducation en Haute-Volta. Leur étude a plus particulièrement souligné le manque de services éducatifs, l'inefficience externe et interne, ainsi que le coût élevé de l'enseignement. Pour répondre à cette situation, l'équipe a considéré que trois options seulement étaient possibles : (i) étendre le système d'enseignement primaire pour permettre à tous d'y accéder ; (ii) introduire des filières après la troisième année d'enseignement primaire ; et (iii) introduire un système alternatif d'enseignement, comportant des études plus courtes, avec un programme mieux adapté.

L'évaluation des options

Il n'y ajamáis eu d'évaluation complète des trois options. Les experts français, mus par une philosophie favorisant l'éducation non formelle, ont exclu d'emblée l'option proposant un accès généralisé à l'enseignement primaire (académique), parce que le programme d'études n'était pas adapté et était trop coûteux. La seconde option

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consistant à introduire des filières après la troisième année d'enseignement primaire a paru abordable financièrement, mais elle a également été rejetée parce que comportant des risques d'élitisme, de division et de conflit social. La seule option sérieusement envisagée alors a été le programme d'éducation rurale non formelle, qui alphabétiserait et donnerait une formation en compétences agricoles. Les conséquences de cette option sur la Situation A n'ont jamais été réellement évaluées. La décision a plutôt été prise en fonction des projections linéaires de croissance de la population, de croissance de l'économie et des besoins en main-d'œuvre. Par rapport à l'enseignement primaire, l'enseignement rural non formel offrait plusieurs avantages : il était plus souhaitable (apportant un enseignement mieux adapté, qui pourrait indirectement améliorer le revenu rural et le niveau de vie) ; il était plus facile à mettre en œuvre (s'appuyant sur les ressources humaines et naturelles existant déjà dans les zones rurales) et il était plus abordable (trois ans plutôt que six, les coûts d'investissement seraient réduits au minimum et les coûts de fonctionnement seraient compensés par les activités productives des écoles). L'équipe n'a pas évalué la réaction des parents, mais a fait deux hypothèses à ce sujet : qu'ils préféreraient un accès à un enseignement plus court (trois ans), plutôt que pas d'enseignement du tout et qu'ils aimeraient mieux avoir des enseignants locaux, qui les comprendraient mieux, eux et leurs coutumes, plutôt que des diplômés des écoles normales. Si une analyse correcte de la situation avait été menée à bien et si les conséquences appropriées en avaient été tirées, il aurait été clair que, l'enseignement formel étant considéré comme la clé pour sortir de la pauvreté rurale, c'était une erreur fatale.

La prise de décision

La décision d'instituer un système d'enseignement rural non formel a été essentiellement prise a priori. Le rapport des experts a été approuvé par l'assemblée législative de la Haute-Volta à la fin de 1959 et l'enseignement rural non formel (un programme de 3 ans d'alphabétisation de base) est devenu le modèle dominant d'éduca­tion.

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On est parvenu à cette décision par une approche globale (voir Chapitre I). L'équipe française avait conçu ce qu'elle pensait être une solution cohérente, globale et « correcte » des problèmes du secteur éducatif. Cette politique « importée » était accompagnée d'un financement par le gouvernement français, qui a fortement influencé la décision du gouvernement voltaïque. La politique était de nature stratégique (comme définie dans le Chapitre /), représen­tant une rupture radicale avec la Situation A {Figure 3) et a été décidée sans tenir compte de la nécessité d'une infrastructure pour la soutenir. Ce qui laissait présager les difficultés de la mise en œuvre.

La planification de la mise en œuvre

La planification de la réforme a été principalement l'œuvre d'expatriés. Un calendrier a été élaboré jusqu'en 1969, définissant des objectifs pour le nombre de centres, d'enseignants, etc. Une attention particulière a également été portée au financement de la réforme, résultant d'économies du fait de la réduction de la durée de l'enseignement primaire et d'une aide importante du gouverne­ment français et de la Communauté économique européenne. Les concepteurs du plan étaient assurés que l'enseignement rural serait bien accueilli par les paysans et n'ont pas fait de plans pour le « vendre ».

Le caractère radical de la réforme a rendu sa mise en œuvre extrêmement difficile et les institutions créées pour l'administrer n'ont pas su traiter efficacement les problèmes qui se sont posés. Il en est résulté une réduction de la portée de la réforme et le transfert de facto des activités de soutien du ministère de l'Education au ministère de l'Agriculture.

L'évaluation de l'impact de la réforme

Au début des années 1970, les pouvoirs publics ont évalué la politique d'enseignement rural non formel, avec l'aide de la Banque mondiale et de l'UNESCO. L'évaluation a défini comme suit la Situation B : (1) l'enseignement rural n'avait pas eu beaucoup d'influence sur l'économie, qui stagnait depuis l'Indépendance et

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la faible productivité agricole contribuait toujours à l'émigration rurale ; (2) les performances de l'enseignement rural non formel étaient mitigées : les centres avaient réussi à maintenir les coûts à un faible niveau, mais n'atteignaient qu'un cinquième de la population visée, le niveau était médiocre et les centres s'étaient progressivement éloignés de l'enseignement des compétences agricoles, pour devenir un mauvais substitut de l'enseignement primaire ; et (3) l'enseignement primaire continuait à souffrir de problèmes d'accès, d'efficience et de coût.

Second cycle de politiques éducatives

Un nouveau cycle : la définition des options

Après l'évaluation de la réforme, les pouvoirs publics de la Haute-Volta se sont trouvés dans une situation proche de celle dans laquelle ils étaient à l'Indépendance et confrontés à deux options : (i) étendre l'enseignement primaire pour répondre aux besoins du pays en matière d'éducation , ou (ii) continuer l'enseignement rural non formel (avec des modifications). Les résultats mitigés des performances de l'enseignement rural non formel et l'inefficacité persistante, ainsi que le coût élevé de l'enseignement primaire rendaient difficile cette décision. Les parents et les élèves perdaient confiance en cet enseignement non formel, ce qu'ils démontraient par la baisse de ses effectifs. Le ministère de l'éducation qui contrôlait les écoles sur le plan administratif accordait le moins d'intérêt possible à l'enseignement rural. Néanmoins, les agences de développement internationales et bilatérales continuaient à le soutenir. Sur beaucoup de points, ils analysaient la situation exactement comme les experts français dix ans auparavant, en utilisant des projections de population et de budget, sans tenir compte de l'opinion générale sur les objectifs de l'éducation.

L'évaluation des options

Le processus d'évaluation a beaucoup ressemblé à celui qui avait eu lieu lors de l'Indépendance. L'extension de l'accès à l'enseignement primaire n'était pas souhaitable pour des raisons

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d'efficience externe et était inabordable, en fonction de la croissance possible du budget. L'Option II n'a pas été complètement évaluée du point de vue de ses conséquences, mais les bailleurs de fonds internationaux ont fortement poussé à « maintenir le cap » de l'enseignement rural non formel pour des raisons de principe. De plus, les décideurs ont conclu qu'elle serait cinq fois plus économi­que que l'enseignement primaire, qu'elle était souhaitable parce qu'elle maintiendrait les jeunes dans les zones rurales et surtout, parce qu'on pouvait la mettre en œuvre, grâce au soutien de la communauté des bailleurs de fonds internationaux. Bien que le ministère de l'Education, les parents et les élèves aient continué à s'opposer à cette réforme, le ministère de l'Agriculture a été chargé de l'enseignement rural, avec l'encouragement d'un certain nombre d'agences donatrices.

La prise de décision

Bien que le ministère de l'Education ait été opposé à l'enseigne­ment non formel, la décision a été prise « au plus haut niveau » et s'est fondée sur le soutien financier proposé. Le gouvernement a par conséquent fait voter en 1975 une loi sur l'éducation, qui constituait fondamentalement une politique de programme (selon la définition du Chapitre I), décidant où et comment instaurer l'enseignement rural. Le premier objectif de ce programme consistait à se centrer sur la réforme qualitative et non sur l'extension du système existant et à aider ses diplômés à s'établir sur la terre et/ou dans d'autres entreprises génératrices de revenus. Cette décision comportait trois caractéristiques principales : elle était globale et devait couvrir toutes les composantes du système d'enseignement rural, elle avait été conçue par des sources extérieures au pays, qui n'avaient pas complètement examiné sa faisabilité et elle était étrangère à la population de Haute-Volta.

La planification de la mise en œuvre

En exprimant leur enthousiasme pour cette réforme, les organisations donatrices ont commencé leurs programmes de planification et de mise en œuvre, avant même que la loi ne soit

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votée et sans avoir de schéma directeur. En outre, les faiblesses de l'approche globale ont commencé à se manifester. Comme des mécanismes compliqués et délicats étaient nécessaires, ils ont dépassé les capacités de l'administration voltaïque et les change­ments ayant lieu pendant une étape se répercutaient sur toute la réforme.

L'évaluation de l'impact de la réforme

Au début des années 1980, les bailleurs de fonds ont entrepris une évaluation majeure des avantages de l'enseignement rural non formel. Dégagés de leurs présupposés idéologiques antérieurs, ils ont conclu que les résultats de la réforme étaient très décevants pour diverses raisons. En premier lieu, l'enseignement rural non formel n'était pas souhaitable pour : (1) n'avoir pas sérieusement diminué l'analphabétisme ; (2) n'avoir pas apporté une alternative de qualité au système formel - la population rurale continuait de rejeter ce système parce que sa qualité était inférieure à celle de l'enseigne­ment primaire de six ans ; (3) n'avoir pas amélioré l'accès à l'enseignement dans les régions rurales de manière importante : (4) n'avoir pas endigué le flot de l'émigration rurale. En outre, les programmes de formation post-scolaire n'avaient pas réussi à intégrer les élèves sortant de l'école dans le secteur agricole. En second lieu, le programme a été jugé trop coûteux - le coût de l'enseignement rural était beaucoup plus élevé que prévu et en fait, bien supérieur à celui de l'enseignement primaire. Enfin, l'enseigne­ment rural n'avait pas eu d'impact apparent sur le secteur agricole.

Troisième cycle de politiques éducatives

Le nouveau cycle

Les pouvoirs publics ont été confrontés encore une fois à la question stratégique de l'extension de l'accès à l'enseignement sans augmentation des ressources. Les options étaient les mêmes qu'auparavant : (i) continuer à dépendre de l'enseignement rural comme moyen pour augmenter les possibilités d'éducation, ou (ii) abandonner l'enseignement rural pour élargir le système formel.

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Plusieurs analyses de la situation ont été entreprises. Le ministère de l'Education a mené sa propre enquête auprès de la population et a organisé des séminaires et des conférences pour déterminer quel était le type de réforme souhaitable. Bien que les deux termes de l'alternative aient été considérés comme peu souhaitables pour des raisons de coût et d'efficacité, l'enseignement rural a été jugé le moins souhaitable des deux systèmes, comme noté ci-dessus. Enfin, le Capitaine Thomas Sankara, qui avait accédé au pouvoir après une révolte populiste, a soutenu une forme plus égalitaire d'enseignement que le système dual existant. Pour ces raisons, le gouvernement s'est réintéressé au système formel, afin de déterminer comment l'enseignement primaire pouvait devenir un modèle viable d'éducation de base sur une large échelle (approche globale).

Afin de faciliter le processus d'évaluation de l'Option II, un modèle de simulation informatique a été utilisé par les principaux groupes d'intérêts, avec des représentants des ministères de l'Agriculture, de l'Enseignement et de l'Enseignement supérieur, et des Finances, ainsi que des syndicats d'enseignants et des propriétai­res d'écoles privées, pour évaluer les implications financières des différents scénarios. Le groupe est passé par un processus itératif laborieux d'évaluations, de négociations, de modifications, de compromis, etc. Les participants ont finalement décidé que le Burkina pouvait accélérer l'expansion de l'enseignement primaire de la manière la plus rentable : en (1) diminuant le coût unitaire et (2) accroissant les ressources de l'enseignement primaire par une affectation de ressources venant d'autres domaines de l'éducation. Bien entendu, la nouvelle politique a rencontré une certaine opposition, de la part du ministère de l'Agriculture, qui n'était pas prêt à abandonner les centres d'enseignement rural et du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche qui s'opposait à toute tentative de diminution de son budget. Quelle que soit la décision finale concernant l'enseignement rural non formel, une chose est certaine : il faudra beaucoup de temps pour inverser une politique qu'une bureaucratie a déjà intérêt à voir se poursuivre.

Les quatre études de cas illustrent, chacune de manière particulière, les dynamiques de la formulation et de la planification d'une réforme, soulignant les interactions entre acteurs et entre

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processus. Dans la partie suivante, la synthèse des résultats des études permet de tirer des enseignements de la réussite ou de l'échec potentiels des différentes approches de la politique et de la planification de l'éducation et d'en tirer les conséquences pour les planificateurs.

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Chapitre III. Leçons à tirer des études de cas

Les études de cas du Chapitre II illustrent clairement l'utilité des deux instruments analytiques exposés au Chapitre I - modèle et cadre - en faisant bien apparaître le processus d'élaboration des politiques et de planification. Si nous faisons figurer les différents cycles de prises de décision de chaque pays sur un graphique (Figure 4), nous pouvons voir que la plupart figurent dans le quadrant I.

Ce graphique indique que le processus de décision est intervenu pour une large part de manière globale et a eu une origine organisationnelle/bureaucratique (par exemple les militaires, la communauté des bailleurs de fonds). Le mode organisational/ bureaucratique est en effet principalement à l'origine de la prise de décision (six des neuf cycles se trouvent dans ce quadrant). Si l'on examine de plus près la question, on peut voir que ce mode prédomine dans les premiers cycles des quatre pays. Cela reflète partiellement leur étape de développement : dans tous les pays, sauf le Pérou, ce sont des parties extérieures, de concert avec les responsables du gouvernement « client », qui ont dominé le processus, parce que ces pays en étaient encore à une phase relativement précoce de leur développement de capacités nationales. Au Pérou, le gouvernement autoritaire des militaires a pu imposer une réforme.

Ce n'est que dans la suite du processus, au fur et à mesure que les pouvoirs publics développaient leur capacité institutionnelle, que le mode sociétal/individuel a émergé (quadrant II).

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Leçons à tirer des études de cas

Mode synoptique

Thaïlande (2) Jordanie (2) Burkina Faso (3)

Mode societal/ organisationnel/

individuel

Pérou (1) (2) Burkina Faso (1) (2)

Mode

Thaïlande (1) bureaucratique

( ) se réfère au cycle de politiques éducatives.

Jordanie (1)

Mode progressif

IV

Figure 4. Prise de décision dans le processus d'élaboration des politiques et de planification

Afin d'examiner un projet de réforme sur l'ensemble du système en Thaïlande et en Jordanie, des comités se sont constitués, représentant une diversité de groupes d'intérêts, y compris les syndicats d'enseignants, différents responsables des ministères de l'éducation, des administrateurs d'écoles et d'universités, etc. Dans les deux cas, les parents et les élèves ont également été consultés, à l'étape de la formulation de la réforme ou de sa mise en œuvre. Au Burkina Faso, la communauté internationale a réuni les différents groupes d'intérêts pour élaborer et évaluer les options possibles. Il

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semble peu probable qu'il y ait beaucoup de prises de décision dans le quadrant III, parce que les effets de la prise de décision progres­sive sont généralement limités et ne suscitent donc pas le même niveau d'intérêt politique ; elle ne nécessite pas le même type d'interaction et de négociation caractéristiques du mode sociétal/indi-viduel.

Le mode organisationnel/bureaucratique a recoupé l'approche progressive de la prise de décision des premiers cycles de réformes de Jordanie et de Thaïlande. Dans les deux cas, des programmes pilotes ont été créés par les pouvoirs publics, avec des acteurs internationaux, afin de tester le système avant de le généraliser. L'une des principales questions auxquelles les deux pays devaient répondre consistait à se demander s'il existait une demande pour la réforme et si un bon pilotage la rendait possible. En outre, avant d'introduire une large réforme, des négociations entre les nombreux groupes d'intérêts devaient se tenir.

Cette partie se poursuit par un examen des conclusions que l'on peut tirer de l'application du cadre conceptuel du Chapitre I aux différentes composantes du processus d'élaboration des politiques et de planification, dans les cas du Pérou, de la Jordanie, de la Thaïlande, et du Burkina Faso. Les conclusions sont dégagées selon deux axes : (1) les enseignements obtenus à partir de chaque cas pris séparément et (2) ceux qui ressortent pour chaque composante du cadre conceptuel dans les quatre cas.

Pérou

La réforme péruvienne illustre clairement le cas d'un mode de prise de décision particulièrement calculé, systématique, global et d'une grande cohérence interne. Le gouvernement militaire constituait l'acteur central, « unique, rationnel » et révolutionnaire qui, par l'intermédiaire d'un processus systématique et technique de diagnostic, de réponse et d'action, a cherché les solutions « correctes » aux problèmes éducatifs et a réformé radicalement le système. Les politiques d'éducation ont en effet été formulées en fonction d'un diagnostic sérieux de la situation économique, sociale et éducative. Elles ont en outre été conçues dans le cadre d'un programme d'action soigneusement planifié pour réformer

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Leçons à tirer des études de cas

l'ensemble de la structure d'éducation. Les plans concernant le secteur éducatif étaient caractérisés par leur forte logique interne et par leur ampleur.

Où se trouvait la faille ? Il semble que la force apparente de l'approche péruvienne de la prise de décision ait en fait constitué sa principale faiblesse. L'erreur initiale tenait à la manière dont les options politiques ont été élaborées par les planificateurs militaires et par leurs conseillers civils. Influencés peut-être par la discipline de la hiérarchie militaire, les pouvoirs publics ont agi comme si, une fois identifiée la meilleure option pour le Pérou, les citoyens allaient écouter et répondre aux nouveaux ordres. Comme cela ne s'est pas passé, ils ont pensé que l'éducation de la population allait certaine­ment convaincre les Péruviens de soutenir le nouveau plan avec enthousiasme. Il leur manquait la compréhension de la difficulté à modifier rapidement les valeurs culturelles fondamentales et le lien profond existant dans les familles entre ces valeurs et les aspirations des parents pour leurs enfants. Alors que les objectifs égalitaires révolutionnaires du nouveau régime étaient en principe approuvés par la population péruvienne, ils se heurtaient fortement aux profondes aspirations individualistes de mobilité sociale. Plutôt que de reconnaître l'importance de ces valeurs pour ses citoyens et d'élaborer des options politiques les prenant en compte, le régime militaire s'est efforcé de concevoir des plans répondant à sa vision théorique des besoins du Pérou, en tant que collectivité. Malgré des efforts complexes de consultation et d'éducation publique, le régime de Velasco n'a pas convaincu assez de Péruviens qu'ils devaient, eux et leurs familles, participer activement en tant qu'individus à la réforme révolutionnaire décidée par le gouvernement. Cette réticence a particulièrement déçu de nombreux responsables du gouvernement militaire, parce qu'ils avaient enregistré un large soutien de principe à leur réforme.

Le processus de prise de décision comportait ses forces et ses faiblesses. Sa force venait surtout de sa large base et des longues tentatives de consultation menées par le régime militaire, ainsi que de la clarté de la décision finale formulée dans le décret-loi de 1972. Sa faiblesse était due à l'incapacité des militaires de voir, avec le courant souterrain de mécontentement visible du début à la fin de ses consultations, que la réforme était trop révolutionnaire pour être

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acceptée par la population, au moins à court terme. En outre, pour aggraver la situation, dans la mesure où le gouvernement était conscient de l'improbabilité de la réussite, il avait décidé d'une mise en œuvre par étapes. Les citoyens et les communautés qui préfé­raient le système éducatif traditionnel péruvien ont ainsi pu manifester leur opposition à la réforme du régime révolutionnaire.

Une fois la décision prise et les plans de mise en œuvre élaborés, le processus a reproduit celui de la création et de l'évaluation des options. Les objectifs ont été définis et des réformateurs motivés se sont lancés avec énergie dans la production de plans pour les mettre en œuvre. Leur élan s'est trouvé freiné, malgré eux, par les signes d'un manque de soutien populaire et de l'érosion de l'appui extérieur. L'aide étrangère était particulièrement essentielle pour les aspects les plus expérimentaux de la réforme, tels que les écoles professionnelles ESEP. Les doutes sur la faisabilité de la réforme ont ralenti le flux de l'aide technique et financière, qui avait initialement salué l'expérience péruvienne comme une voie possible ; il en est résulté l'interruption des plans de mise en œuvre de l'enseignement diversifié sur une grande échelle. Lorsque Fernando Belaúnde Terry est revenu au pouvoir en 1980, seul un embryon de réforme avait été mis en œuvre.

Ces faits soulignent les liens vitaux entre le système éducatif et la structure socio-politico-économique. Un changement de politique n'est donc pas purement technique ou unique et rationnel. Les différents groupes d'intérêts ont chacun leur propre « rationalité » légitime pour comprendre une initiative éducative et pour y répondre. Plutôt que de perfectionner la réforme « correcte » qui doit être mise en œuvre par d'obéissants gestionnaires et de convertir le public à une rationalité unique, il est certainement plus productif à long terme de chercher à comprendre les processus par lesquels se font les arbitrages et les compromis entre les intérêts sous-tendant les différentes rationalités se rapportant à un choix donné de politique.

Jordanie

Le cas jordanien illustre la manière dont le processus d'élabora­tion des politiques et de planification en soi (et ses acteurs) peut

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Leçons à tirer des études de cas

changer au cours du temps. Ce pays est passé d'une approche progressive limitée, orientée principalement par la communauté internationale, à une approche globale, comportant une contribution de tous les groupes d'intérêts, nationaux et internationaux. Ces concepts sont développés ci-dessous.

Les pouvoirs publics ont adopté l'approche conservatrice et progressive pour introduire l'enseignement polyvalent dans les années 1970, en grande partie en raison de la grave situation du pays. Il valait donc mieux procéder avec précaution. Le concept d'école polyvalente a été expérimenté et introduit progressivement, par étapes et avec une portée limitée.

Il est certain que cette approche était avantageuse à de nombreux égards : (a) une planification élaborée à long terme n'était pas nécessaire au niveau national - mais seulement au niveau du projet ; (b) la mise en œuvre devait être relativement simple, parce qu'elle ne comportait pas de réforme nationale ou conceptuelle ; (c) une mobilisation politique ou d'intenses négociations bureaucrati­ques n'étaient pas indispensables ; et (d) les modifications de la réforme n'exigeaient pas de changements institutionnels majeurs. En outre, on s'attendait à peu d'opposition politique ; comme les dangers étaient limités, aucun groupe ne ressentait le besoin de présenter son cas du point de vue des avantages et des inconvénients comparatifs des politiques envisagées.

D'un autre côté, cette approche progressive présentait des inconvénients : comme elle comportait « peu de risques », le gouvernement n'était pas enclin à beaucoup investir en termes de capital politique ou d'autres contributions pour la mener à bien avec succès. Il en est découlé une mauvaise planification qui a gêné la mise en œuvre. En outre, comme c'était une réponse « isolée » au déséquilibre entre les demandes de l'économie et les résultats du système éducatif, n'affectant apparemment qu'un sous-secteur du système, les conséquences sur le reste du système n'ont pas été étudiées.

Par comparaison, le second cycle de réforme illustre un mode de prise de décision plus calculé, plus systématique et plus global. Sa réussite a dépendu de trois éléments : d'abord, on y était arrivé après un processus approfondi d'études, d'évaluation et d'analyse du système éducatif par des représentants de haut niveau venant des

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Le processus de planification et de formulation des politiques d'éducation : théorie et pratiques

secteurs public et privé. En second lieu, bien qu'il ait été global et stratégique, le mode de prise de décision comportait également, comme dans le cycle antérieur, un plan de mise en œuvre par étapes ; l'expérience de chaque phase devait être systématiquement contrôlée et évaluée et les résultats devaient servir à modifier les étapes suivantes. Enfin, le processus fonctionnait grâce à une grande volonté politique au plus haut niveau et à des moyens techniques sophistiqués, représentés par le Centre de recherche et de développe­ment.

Thaïlande

Comme dans le cas de la Jordanie, l'introduction de l'enseigne­ment diversifié en Thaïlande s'est faite suivant une approche évolutive de la prise de décision. Au milieu des années 60, les objectifs nationaux étaient limités (concernant principalement les besoins de main-d'œuvre) et les pouvoirs publics ont alors adopté une démarche « portant sur une question particulière ». A cette étape, l'approche était progressive et conservatrice - les pouvoirs publics voulaient voir comment serait accepté l'enseignement diversifié et considéraient ce programme comme pilote. La politique a ensuite évolué et a pris un caractère plus spécifiquement thaï, avec des objectifs « stratégiques » plus larges. Pendant le second cycle de réforme, alors que les pouvoirs publics entreprenaient des études pour savoir s'il fallait poursuivre l'enseignement diversifié ou l'abandonner, cet enseignement devait répondre à plusieurs objectifs : besoins en main-d'œuvre, unité nationale et équité en matière d'éducation. La politique devait donc être « stratégique » pour répondre à la diversité de ces objectifs. Là aussi comme en Jordanie, la mise en œuvre a été progressive pendant les deux cycles.

Pourquoi les pouvoirs publics ont-ils mieux réussi avec l'enseignement diversifié en Thaïlande que dans les autres pays où il a été expérimenté ? D'abord, les Thaïs n'en ont pas fait un enseignement de seconde zone, ouvert surtout à ceux qui avaient échoué dans l'enseignement général. Ils n'ont pas échangé l'accès à l'enseignement contre la qualité. Les diplômes des écoles diversifiés étaient absolument équivalents à ceux des écoles

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Leçons à tirer des études de cas

préparant à l'enseignement supérieur. En outre, l'enseignement diversifié n'était pas un programme terminal, risquant d'être considéré comme une impasse. Le nouveau programme, demandant aux élèves de suivre des cours pratiques, était extrêmement souple, il leur permettait aussi de continuer à l'université s'ils le choisis­saient.

En second lieu, parce que la politique avait initialement un caractère limité, ou progressif, elle n'a pas provoqué le type de controverse ou de réaction violente qu'aurait pu avoir une approche plus globale.

En troisième lieu, la réforme n'a été envisagée au niveau national, c'est-à-dire du point de vue d'une approche globale, qu'après la réussite de projets pilotes limités. Le caractère progressif du premier cycle a permis aux Thaïs de tester l'acceptation de la réforme. La promesse d'un appui financier de la communauté internationale qui soutenait l'enseignement diversifié à ce moment-là a certainement fait pencher la balance en faveur de cette politique et a limité l'évaluation des autres options. Les responsables thaïs de l'éducation ne se sont cependant pas contentés d'accepter les prêts, ils ont lancé des expériences de programmes pilotes, pour voir s'il y avait une demande pour ce type d'éducation. Lorsqu'ils ont obtenu l'acceptation et la demande de cette politique, ils ont travaillé à un accord des pouvoirs publics et de la communauté des bailleurs de fonds et sont finalement arrivés à la mise au point d'une politique qui avait incontestablement un caractère thaï.

En quatrième lieu, le caractère progressif de la mise en œuvre a permis un « apprentissage par la pratique » et les Thaïs ont bénéficié de la possibilité d'effectuer petit à petit des modifications en fonction des réactions à la réforme. Bien que ce ne soit pas nécessairement grâce à l'approche progressive de la mise en œuvre, ce processus a cependant contribué en grande partie à la réussite de la politique en Thaïlande. La décision de faire de l'enseignement diversifié le mode principal d'enseignement secondaire a été prise au niveau central, par le comité de réforme ; cependant, au cours de la mise en œuvre, les personnes qui contribuent à l'enseignement et qui en bénéficient localement ont été incluses dans le processus.

Il est remarquable de voir l'importance accordée au caractère souhaitable de la réforme, plutôt qu'à sa faisabilité et à son coût

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dans l'évaluation des options, en particulier au cours du second cycle des politiques éducatives. Bien que quelques écoles aient adopté avec succès un programme diversifié au début des années 1970, ce processus avait été très coûteux et il n'était pas évident que cette politique puisse être généralisée et à un moindre coût. Les pouvoirs publics ont certainement pris un risque avec cette décision, mais ils pensaient qu'elle était la bonne pour l'enseignement secondaire en Thaïlande. La réussite de l'enseignement diversifié, qui a au contraire échoué dans la plupart des autres pays, tient au rôle essentiel du processus de prise de décision et de mise en œuvre, mais n'en est pas pour autant la preuve de l'intérêt de ce modèle éducatif en lui-même.

Burkina Faso

L'introduction de l'enseignement rural non formel en Haute-Volta (premier et second cycles de réforme) illustre clairement une approche globale de la prise de décision, avec une distorsion due à des forces externes. Les acteurs internationaux ont travaillé dans un esprit impliquant (1) des concepts universels, ou une sagesse internationale, s'appliquant à n'importe quelle situation et (2) la possibilité de transférer cette sagesse dans n'importe quel pays. Ils ont pensé que si l'on avait une idée claire du problème, il n'y avait qu'à prendre la solution toute faite appropriée. Ensuite, il suffisait d'apporter une assistance technique et un financement - sans trop s'attacher aux demandes et aux contraintes du pays.

A première vue, il semblait que ce type de système d'enseigne­ment constituerait une forme d'éducation de base mieux adaptée, à un coût abordable pour le nouveau gouvernement. Cette politique avait tout pour réussir : respectabilité internationale, soutien financier et une bonne chance d'être mise en œuvre, puisqu'elle avait l'appui de plusieurs grandes organisations internationales. En outre, l'approche globale utilisée pendant le processus de prise de décision comportait certains avantages. D'abord, le caractère global de la réforme a aidé à la constitution d'une masse critique nécessaire à la réussite de la mise en œuvre. En second lieu, la réforme a mis l'accent sur le développement institutionnel. Avec tous ces atouts, pourquoi la réforme a-t-elle échoué ?

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Leçons à tirer des études de cas

Le processus de prise de décision comportait plusieurs insuffisances. La principale tenait à l'ignorance totale du facteur demande. La décision a dépendu de l'examen détaillé de la situation par les experts. Bien qu'ils aient brièvement joué avec l'idée d'options alternatives de réforme, leurs préjugés les ont prédisposés à considérer l'enseignement rural non formel comme la « seule » solution « correcte » au problème. Ils ont donc supposé que les bénéficiaires de l'éducation allaient l'adopter. Dans le processus de prise de décision, les pouvoirs publics n'ont pas vu les implications d'une telle option, en négligeant le fait qu'elle pouvait être rejetée par les parents et par les élèves, car le refus de l'accès au système éducatif formel leur fermait la seule porte leur permettant d'échapper à une vie difficile en économie de subsistance.

Il y a là une importante leçon. Il faut tenir compte des groupes d'intérêts dans le processus de choix d'une réforme. Sinon, ces groupes feront tout leur possible pour manipuler la politique choisie, afin qu'elle réponde à leurs objectifs propres. Dans le cas du Burkina Faso, les parents ont utilisé le seul moyen à leur disposition pour interférer avec la réforme, la résistance passive. Les ensei­gnants ruraux ont constitué un autre groupe d'intérêts, qui a été ignoré pendant le processus de prise de décision. Ces enseignants ont ensuite demandé à être traités comme les enseignants du primaire, avec le même statut et le même salaire, ce qui a rendu la réforme financièrement non viable. Ni les bailleurs de fonds, ni les décideurs n'ont compris l'importance d'intégrer les groupes d'intérêts au processus initial de prise de décision au Burkina Faso. En particulier, après le premier cycle de réforme, lorsqu'ils ont vu que l'éducation rurale n'était pas largement acceptée, ils ont identifié le « vendeur » comme le problème et non le « produit » : au lieu de reconnaître que l'enseignement rural n'était pas bien accepté dans le pays, parce que la population n'en voulait pas, les décideurs ont pensé que le problème venait du ministère de l'Education. D'après eux, ce ministère ne réussissait pas à « vendre » la réforme, si bien qu'ils ont simplement changé de vendeur (le ministère de l'Agricul­ture) et ont continué à tenter d'amener les bénéficiaires de l'éduca­tion à « acheter » la réforme.

En second lieu, l'introduction et la réforme de l'enseignement rural non formel ont été dirigées par la communauté internationale

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des bailleurs de fonds ; à cet égard, le gouvernement ne faisait que « suivre » dans ce processus de prise de décision. Avec l'entrée des bailleurs de fonds dans le processus de prise de décision, les données du problème ont été modifiées. L'intervention de la communauté internationale dans le processus politique l'a en fait affaibli. Les pouvoirs publics voltaïques ne se sont pas donné la peine d'analyser les conséquences de la réforme, puisque les organisations d'aide allaient la financer. Le fait que cette politique soit une création d'acteurs extérieurs signifiait que le pays ne s'y sentait pas nécessairement engagé, la Haute-Volta n'avait pas le sentiment d'en être partie prenante.

En troisième lieu, l'introduction de l'enseignement rural non formel était d'une si grande portée qu'elle dépassait les capacités analytiques et administratives de conception et de mise en œuvre des autorités voltaïques.

Le troisième cycle de politiques éducatives s'est orienté différemment par rapport au modèle antérieur de prise de décision. Le gouvernement du Burkina Faso a reconnu l'importance de l'interaction entre différents groupes d'intérêts, les diverses dimensions de la prise de décision (sociales, politiques et financiè­res) et l'importance de ceux qui contribuent à l'éducation ou qui en bénéficient. Le processus d'évaluation analytique des différents scénarios politiques a été facilité par l'utilisation d'un modèle de simulation informatique. Il est trop tôt cependant pour évaluer la durabilité de cette approche en vue de l'élaboration d'une politique socialement et politiquement souhaitable, financièrement abordable, ainsi que réalisable et durable au plan national.

Synthèse des études de cas

La suite de cette partie synthétise ce que l'on peut apprendre des quatre cas résumés au Chapitre II, sur la manière dont les politiques sont conçues et dont les résultats entraînent un nouveau cycle d'analyse et de formulation d'une réforme. La synthèse qui suit s'appuie sur l'application aux études de cas des sept éléments du cadre conceptuel d'analyse des politiques (Chapitre I).

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Leçons à tirer des études de cas

Analyse de la situation de départ

Comment peut-on identifier et analyser les problèmes éducatifs et comment commence ou redémarre un cycle de réforme ? Dans la plupart des cas, l'analyse portait sur le secteur éducatif, ainsi que sur les facteurs socio-politico-économiques. Malgré leur importance, les forces pour (ou contre) le changement ont été très peu prises en considération dans l'évaluation de la probabilité de la réussite de la réforme. Aucun des quatre pays n'a entièrement pris en compte les groupes d'intérêts dans le premier cycle de réforme. A l'Indépen­dance, les experts français sont arrivés au Burkina Faso et ont mené leur analyse en dehors de tout groupe d'intérêts local, en particulier des élèves et de leurs parents. De même, au Pérou, le gouvernement militaire a effectué son analyse du système éducatif en ne tenant volontairement pas compte des enseignants et des administrateurs, considérés comme opposés au changement. Dans les deux cas, les réformes ont rencontré des problèmes de mise en œuvre et ont échoué, en grande partie pour leur incapacité à créer une demande venant de ceux qui avaient été négligés pendant le processus. Pour qu'une politique et une planification de l'éducation soient réussies, il faut prendre en compte les dynamiques en faveur du changement et les préoccupations des différents groupes d'intérêts.

La nature de l'Etat est importante à cet égard : il peut constituer une institution favorable au changement, ou au contraire s'y opposant. Le fait qu'au Pérou par exemple, le gouvernement militaire soit très centralisé signifiait qu'il pouvait, au moins en théorie, introduire plus facilement une réforme de l'ensemble du système. Au contraire, des sociétés plus conservatrices sur le plan social et politique, comme en Thaïlande et en Jordanie, étaient obligées de procéder avec davantage de précaution, lorsqu'il s'agissait de réforme de l'éducation.

Processus de la définition des options

Deux questions se posent à cette étape : d'abord, dans quelle mesure l'analyse sur laquelle s'est fondé le changement de politique a-t-elle été approfondie et en second lieu, comment ont été formulées les différentes options ? L'étude des cas montre à

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l'évidence que les options n'ont pas découlé d'une analyse nationale de qualité et fondée sur une information suffisante. Dans le cas du premier cycle de politiques en Jordanie, la collecte et l'analyse de données étaient insuffisantes, par suite de l'instabilité de la situation politique à ce moment-là. Les décideurs dépendaient alors davantage de l'opinion internationale. De même en Thaïlande, bien qu'il y ait eu davantage de données disponibles, elles ont été examinées avec le regard des experts internationaux. Au Pérou, les différents rapports élaborés pendant une période de trois ans ont été conçus et réalisés dans un cadre révolutionnaire. Ce qui a certainement influé sur l'analyse et sur le processus de définition et d'évaluation des politiques possibles, afin de répondre aux problèmes du pays. Enfin, au Burkina Faso, les experts internationaux ont reconnu que beaucoup de leurs données n'étaient que des approximations. La décision prise ensuite par les pouvoirs publics de se recentrer sur l'enseignement primaire a partiellement résulté d'enquêtes du ministère de l'Education dans tout le pays, sous forme de conféren­ces et de séminaires, pour déterminer le type d'enseignement dont le pays avait besoin et qu'il souhaitait.

En ce qui concerne la formulation de politiques, les études de cas montrent clairement qu'il n'existe pas de mode systémique qui génère des données, d'où découlent la formulation, la définition des priorités et raffinement d'une gamme d'options. Un nombre limité d'options a généralement été élaboré et déterminé par les idéologies des acteurs. Au Pérou, les militaires ont conçu une approche globale de réforme sociale, dans laquelle il fallait faire entrer la réforme de l'éducation, réduisant ainsi de manière importante la gamme des options. Dans les premiers cycles du Burkina Faso et du Pérou, les options autres que celles que proposaient les Français pour le premier et le gouvernement militaire pour le second ont été éliminées d'emblée. Dans les deux pays, ces politiques ont été un échec. La gamme d'options était plus large en Jordanie et en Thaïlande et dans ces deux pays, la réforme introduite initialement a survécu et a été élargie au second cycle.

Dans les cas analysés dans cet ouvrage, le mode principal de définition d'options a été l'importation d'une ou de plusieurs options par la communauté internationale des bailleurs de fonds. L'étape de développement atteinte par le pays est essentielle à cet égard. Par

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exemple, en Jordanie et en Thaïlande, le poids des acteurs internatio­naux a diminué lorsque les capacités nationales se sont renforcées. Dans chaque pays, lorsqu'il s'est agi du second cycle de réforme, ce sont les responsables des pouvoirs publics nationaux qui ont pris les décisions. Au Burkina Faso, cependant, la communauté internationale des bailleurs de fonds a continué à dominer. Une implication extérieure, comme celle qu'apporte le mode d'importa­tion, peut constituer un apport positif, s'il s'agit d'une contribution parmi d'autres au processus et si l'on laisse le produit s'internaliser ; elle peut permettre aux organisations internationales de « connec­ter » les pays en développement au système mondial et à ceux-ci de s'enrichir mutuellement. Si l'on n'y prend pas garde cependant, l'influence extérieure peut être un moyen pour la communauté internationale d'imposer ses lubies et ses modes aux pays moins développés.

Processus d'évaluation des options

Les conséquences de chaque option n'ont jamais été pleinement examinées et pesées de manière impartiale, ce qui contribue encore davantage à réduire à néant le mythe de l'approche technique ou scientifique de la prise de décision, suivant lequel les décideurs tentent de projeter et d'évaluer objectivement les conséquences de chaque option. En fait, cette évaluation très modeste a été extrême­ment influencée par les valeurs et par les idéologies des différents groupes d'intérêts. Par exemple, le gouvernement militaire au Pérou n'a même pas autorisé l'évaluation complète de l'option examinée. Dans les trois autres cas présentés (le premier cycle de politiques éducatives au Burkina Faso, en Thaïlande et en Jordanie), les acteurs internationaux ont joué un rôle déterminant pour l'évaluation de l'option. En définitive, leurs idéologies l'ont emporté, largement à cause du financement lié au choix de l'option. Le second cycle de réforme du Burkina Faso constitue l'exemple le plus extrême de l'influence étrangère. Lorsque le ministère de l'Education a décidé que l'enseignement rural n'était ni souhaitable, ni réalisable, l'acteur international, pour obtenir un soutien pour sa réforme, s'est alors tourné vers un autre ministère qui l'a adoptée.

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Lorsque l'on évalue une option en se demandant si elle est souhaitable, il faut évidemment se poser la question de savoir pour qui doit-elle être souhaitable. Dans un certain nombre de cas, les décideurs ont trouvé qu'une certaine option était souhaitable, contrairement à ceux qui bénéficiaient de l'enseignement (élèves et parents). Lorsque la demande pour une option particulière n'existait pas, même après l'inclusion des bénéficiaires de l'enseignement dans le processus, son adoption était vouée à l'échec. Cela a été le cas de l'adoption de l'enseignement rural non formel au Burkina Faso et de l'enseignement secondaire diversifié au Pérou, dans le cadre d'une réforme globale. Dans le cas du Pérou, bien que les militaires aient consacré deux ans à la discussion informelle publique et professionnelle de la réforme, les suggestions proposées pendant cette période n'ont pas été intégrées dans la conception politique. Ils ont plutôt choisi de répondre cas par cas, afin d'éviter un rejet ou une opposition. Ce n'est qu'au cours des cycles ultérieurs de réforme que les pouvoirs publics ont reconnu la multiplicité des intérêts impliqués dans la prise de décision et ont cherché à y répondre.

Adoption de la décision

L'analyse du choix de la réforme fait ressortir les questions liées au caractère radical de la décision, à sa clarté et à sa faisabilité. Ces études ont montré qu'une prise de décision progressive dans le premier cycle des politiques éducatives réussit mieux que des changements radicaux. Le fait de piloter les projets en Thaïlande et en Jordanie a permis aux décideurs d'affiner la réforme, en tenant compte des problèmes de mise en œuvre dans les cycles suivants. Dans les deux cas où avait été adoptée une approche globale, les premiers cycles au Pérou et au Burkina Faso, la réforme a été finalement un échec. Il y a une relation nette entre la structure de l'Etat et l'approche choisie lors de la prise de décision. Les gouvernements autoritaires sont plus enclins à suivre une approche globale de la prise de décision, alors que les gouvernements dont le pouvoir politique est plus disparate opteront plutôt pour une approche progressive.

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Leçons à tirer des études de cas

La formulation claire d'une politique éducative contribue à son succès, bien que certains gouvernements choisissent quelquefois d'opter pour l'ambiguïté, afin de la faire accepter plus facilement sur le plan politique. La décision du Pérou d'adopter l'enseignement secondaire polyvalent était trop théorique ; la manière réaliste d'atteindre des objectifs a été négligée, posant des problèmes de mise en œuvre. Au contraire, l'approche progressive suivie par la Jordanie et par la Thaïlande a permis de mieux formuler la réforme et donc, de la mettre plus facilement en œuvre. Il n'y a pas de doute que les politiques conservatrices et progressives, en particulier celles qui sont lancées à partir de projets pilotes, ont le plus de chance de réussir.

Enfin, la question de savoir si une réforme semble opération­nelle ou peu faisable dépend certainement de l'interlocuteur. Objectivement, lorsque la réforme est globale et la capacité d'absorption du pays faible, ou lorsqu'il n'y a pas de demande pour la réforme, elle a peu de chance de réussir. C'était très clair en Haute-Volta. Dans ce cas, l'introduction de l'enseignement rural non formel avait eu une si grande ampleur qu'elle dépassait les capacités d'analyse et de gestion de la conception et de la mise en œuvre d'un gouvernement récemment indépendant. Cependant, comme il a été indiqué plus haut, certains décideurs ont pensé réussir, avec une planification soigneuse, comme au Pérou, ou simplement parce que c'était la réforme qu'il fallait, comme au Burkina Faso.

Planification et mise en œuvre de la politique éducative

Le vrai test d'une politique se situe au stade de la planification et de la mise en œuvre. Deux questions paraissent ici essentielles. La première concerne l'importance du soutien politique mobilisé pour la réforme et la seconde la complémentarité entre micro et macroplanification. En Thaïlande, dès le premier cycle, les décideurs ont ressenti le besoin d'impliquer le personnel administratif dans le processus et ont créé un centre du projet permettant aux responsa­bles de mener à bien des recherches et une planification pour le développement des écoles et d'améliorer l'enseignement dans les écoles du projet. Au cours du second cycle de politiques, le comité de réforme était composé de représentants d'une vaste gamme de

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groupes d'intérêts : syndicats d'enseignants, écoles privées, universités et Comité national pour le développement économique et social. Ainsi, dès le début, ceux qui allaient être affectés par la réforme ont été associés à la décision de la forme qu'elle prendrait. De plus, la planification devait constituer un processus progressif, ce qui permettait d'introduire des modifications lorsqu'il y avait des réactions à la base. Aux étapes de planification et de mise en œuvre, les enseignants locaux ont été consultés sur la révision des programmes et sur leur évaluation. Les responsables des entreprises ont apporté un soutien technique et administratif et ceux des communautés ont aidé à la diffusion de l'information auprès du public local, sur les centres professionnels et leurs fonctions. Enfin, pendant la mise en œuvre, un effort concerté a cherché à clarifier les objectifs de la réforme vis-à-vis des élèves et de leurs parents. En particulier, les écoles ont proposé des programmes de « formation et sensibilisation », comportant par exemple des simulations, donnant à la population des villes et des villages la possibilité d'observer les écoles en action. De plus, l'introduction d'un solide élément d'orientation, pour aider les bénéficiaires de l'enseignement à faire le meilleur usage possible du « produit » proposé a constitué un aspect important de la réforme. Après avoir testé les élèves et les avoir orientés vers la filière professionnelle ou générale, les conseillers d'orientation étaient là pour expliquer ces résultats aux élèves et à leurs parents et pour aider les élèves à suivre la meilleure filière. Dans le cas de la Jordanie, il n'y a pas eu de marketing pour la première étape de la réforme ; le pays a tiré les enseignements de cette erreur et au cours du second cycle, un effort considérable a été accompli pour impliquer toute la popula­tion, les responsables de l'éducation, les parents et les enseignants, ainsi que les membres de la commission de réforme (par l'intermé­diaire d'ateliers et de séminaires) et pour procéder à un libre échange d'idées sur le système. Le Prince héritier a lui-même rencontré les administrateurs locaux et régionaux dans ce but.

Cependant, la mobilisation du soutien politique ne garantit pas l'acceptation de la réforme : au Pérou, avant qu'une décision ait été vraiment prise concernant la réforme, les membres de la Commis­sion de réforme ont sélectionné un groupe de jeunes gens et de jeunes filles pour sensibiliser et mobiliser le public, afin qu'il

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soutienne la réforme nationale. Lorsque la réforme était en cours d'élaboration, les planificateurs ont clarifié ses objectifs, les avantages pour les enseignants, les administrateurs et les membres de la collectivité et leurs rôles. Des incitations ont été conçues pour motiver les enseignants à se former davantage et à participer aux trois aspects les plus novateurs de la réforme ; les membres de la collectivité ont été informés des nouvelles opportunités et responsa­bilités que comportait la réforme. Ce processus a généralement été accompli du sommet vers le bas, en laissant peu de possibilité à la population d'y contribuer ; cette réforme, comme il a été noté plus haut, a ensuite échoué.

La seconde question concernant la complémentarité de la planification entre les niveaux macro (national) et micro (projet) a constitué un problème dans un certain nombre de pays. Si une part importante de planification est laissée au niveau du projet (micro), cela encourage la participation locale, mais ne résout pas convena­blement les problèmes nationaux (macro). Par manque de plan détaillé au niveau national, la Jordanie s'est trouvée à court d'enseignants de formation professionnelle. Au cours du second cycle des politiques éducatives au Burkina Faso, une planification globale inadéquate de la part des pouvoirs publics a entraîné des incohérences dans la mise en œuvre.

Pendant la mise en œuvre, la formulation de la politique est mise à l'épreuve. Comme il a été noté dans le Chapitre I, la politique est toujours modifiée pendant cette phase. Cela peut être dû à un certain nombre de facteurs : obstacles imprévus rencontrés par la tentative de mise en œuvre, changement de la situation politique, sociale ou économique, ou réévaluation de la décision initiale par suite des réactions à la réforme. Les études de cas montrent que la mise en œuvre par étape, en tenant compte de la pratique, permet de procéder à des modifications et a de meilleures chances de réussite qu'une approche massive. Au Pérou, la mise en œuvre de la réforme n'a pas été planifiée de manière à permettre des améliorations ; la réforme devait se faire en une seule fois ; cette approche a diminué les possibilités de flexibilité et d'apprentissage de l'expérience au cours des étapes de la mise en œuvre. De plus, l'affaiblissement de la situation politique, comme de l'économie nationale et internationale, ainsi que de graves problèmes financiers

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ont affecté le soutien à la réforme et par suite sa mise en œuvre dans le pays. Finalement, le gouvernement a renoncé à l'idée de généraliser cette réforme à tout le système, pour l'établissement d'un nombre limité d'écoles expérimentales.

Le coût de la construction des écoles polyvalentes en Thaïlande pendant le premier cycle a été bien supérieur aux prévisions, ce qui a risqué de faire échouer la réforme. C'est pourquoi les plans de construction ont été modifiés ; au cours du second cycle, un prototype beaucoup moins coûteux a été conçu, de même que d'autres moyens plus économiques de formation pratique.

En Jordanie, la mise en œuvre de l'enseignement polyvalent s'est heurtée à un écueil, le manque d'enseignants de l'enseignement professionnel, comme il a été indiqué ci-dessus. Ce qui illustre les inconvénients d'une approche progressive de la prise de décision : les pouvoirs publics ne se sentent pas aussi impliqués, parce qu'ils n'ont pas autant investi dans la décision. Ils ont alors tendance à ne pas mettre suffisamment de ressources à la disposition de la politique choisie. Pour remédier à cette situation, les pouvoirs publics ont dû adopter un certain nombre de mesures incitatives pour attirer et pour conserver les enseignants qualifiés de l'enseigne­ment professionnel et technique. En outre, le gouvernement a introduit une autre forme de scolarité polyvalente, dans un projet pilote, pour les zones faiblement peuplées. Comme l'a montré l'évaluation de l'impact de la réforme (voir ci-dessous), cette expérience n'a pas réussi, parce qu'elle a souffert des mêmes problèmes que les autres écoles polyvalentes - ces écoles ne répondaient pas à la demande des étudiants pour un enseignement général de qualité pour tous. Le facteur demande a été pris très au sérieux au cours du cycle suivant de la réforme, ce qui a contribué à sa réussite.

Enfin, ce qui semble bon sur le papier ne fonctionne pas nécessairement en réalité. Cela a été le cas du Pérou, comme on l'a vu. Au Burkina Faso, bien que l'enseignement rural non formel ait semblé constituer « objectivement » la meilleure solution aux dilemmes du pays, la réforme, par son caractère radical, a tout simplement dépassé les capacités d'analyse et de gestion du pays pour la mettre en œuvre. Bien que la communauté internationale d'aide ait été en faveur de cette réforme qu'elle avait promue, elle

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ne pouvait couvrir tous les aspects de la mise en œuvre. Au cours des cycles suivants, le même problème a été démultiplié, par suite de l'extension de la réforme, du manque de coordination entre le nombre croissant d'agences impliquées dans sa mise en œuvre et du fait que les pouvoirs publics n'avaient qu'incomplètement élaboré un plan de réforme.

Evaluation de l'impact de la réforme et cycles suivants

Il est bien entendu important d'évaluer l'impact d'une réforme pour déterminer s'il faut la poursuivre, la modifier ou la rejeter. En général, l'évaluation de la réforme n'a pas fait partie d'un processus allant de soi pour la prise de décision. Il n'y a souvent eu aucune évaluation et on a laissé à la traîne le processus de réforme, tout en introduisant de nouvelles politiques. Dans les cas où une évaluation a néanmoins eu lieu, trois types de questions se posent : qu'est-ce qui a poussé à entreprendre une évaluation ; comment a-t-elle été menée à bien et par qui ; et comment ont été interprétés les résultats : les insuffisances ont-elles été imputées à la mise en œuvre ou à la politique ?

La plupart des évaluations menées à bien dans les cas étudiés ont été imposées par des événements extérieurs au secteur éducatif. L'un des cas les plus frappants est celui de la Jordanie, qui ne s'est préoccupée de réforme de l'éducation au milieu des années 1980, qu'après avoir commencé à subir un sérieux ralentissement économique et un chômage croissant. Bien que l'idée de ce type de réforme ait germé à la fin des années 70, ce sont les difficultés économiques qui ont imposé une réévaluation de la situation et ont créé un environnement plus réceptif à cette idée. Au Pérou, au Burkina Faso et en Thaïlande, les événements politiques ont entraîné une évaluation des réformes. En Thaïlande et au cours du second cycle de la réforme au Burkina Faso, la pression populaire en faveur de la démocratie a entraîné le renversement des gouvernements et l'arrivée d'une nouvelle administration. Celle-ci a dû évaluer le système éducatif existant, principalement du point de vue de l'équité, et répondre à la demande populaire de changement. Au Pérou, bien qu'il n'y ait pas eu d'évaluation formelle, la situation politique (après une élection imposée) a conduit à la décision de

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laisser péricliter la réforme concernant l'enseignement diversifié. L'inconvénient de ces évaluations provoquées de l'extérieur tient à ce qu'elles sont menées à bien de manière prématurée et avant que la réforme ait pu prendre racine et produire des résultats.

Les résultats des évaluations et les cycles consécutifs de politiques éducatives sont clairement influencés par la question de savoir qui a conduit l'évaluation, quand et comment. Les facteurs politiques contribuent également à déterminer qui effectuera l'évaluation. Par exemple, une évaluation de la fin du premier cycle de la réforme du Burkina Faso a été menée à bien par la commu­nauté internationale, qui était en faveur de la poursuite de l'éduca­tion rurale non formelle. Cela a biaisé les résultats et a contribué à la poursuite de la réforme. Bien que le ministère de l'Education ait entrepris son évaluation propre et en ait conclu que cette politique n'était souhaitée ni par les élèves, ni par leurs parents et qu'elle n'était pas abordable, l'aide internationale a influencé la décision, contre l'avis des décideurs nationaux. Lorsque l'idéologie internatio­nale a commencé à changer, l'évaluation de la communauté internationale concernant l'enseignement rural non formel au Burkina Faso s'est modifiée en conséquence. L'évaluation de la politique éducative en Jordanie a été menée à bien par la Commis­sion nationale d'évaluation des politiques éducatives, sous l'autorité du Prince héritier, en tant que partie du processus de réforme de l'éducation. Dans ce cas, le Prince héritier avait déjà décidé qu'une réforme était une bonne chose, avant même d'évaluer la politique existante. En Thaïlande, bien que l'introduction de l'enseignement diversifié ait été largement influencée par le soutien de la commu­nauté internationale, les pouvoirs publics ont récupéré le contrôle de la réforme et l'ont adaptée aux besoins thaïs. Ses évaluations et les cycles de réforme suivants ont reflété plus étroitement les demandes de l'éducation thaïe.

L'interprétation des résultats de l'évaluation joue un grand rôle sur les étapes suivantes. Il y a trois possibilités : soit la réforme est sur la bonne voie et doit être poursuivie ; soit les résultats ne sont pas suffisants, par suite de problèmes de mise en œuvre, il faut donc modifier celle-ci ; soit enfin la réforme a donné de médiocres résultats, par suite de la politique en soi et doit donc être rejetée. Lorsque les résultats n'ont pas été ceux qu'ils attendaient, les

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décideurs ne sont souvent pas allés au fond du problème et ont attribué à tort les difficultés de mise en œuvre aux insuffisances de la politique en soi, ce qui a entraîné son abandon. Par exemple, au Pérou, le gouvernement militaire a été renversé huit ans après le début de l'instauration de l'enseignement polyvalent ; le nouveau Président a cru comprendre que la réforme était rejetée, alors que les premiers diplômés des ESEPs n'étaient pas encore sortis de l'école. Etant donné la nature globale de la réforme, cette décision ne semble pas avoir été prise au bon moment. Parmi les quatre études de cas, la décision de modifier la mise en œuvre de la politique existante n'a été prise qu'au Burkina Faso, pendant le second cycle ; même dans ce cas, il y avait une différence dans l'interprétation de l'évaluation. Le ministère de l'Education en avait conclu que la politique n'était pas bonne et avait demandé son abandon. Mais, comme la communauté internationale considérait que seule la mise en œuvre était en cause, elle a continué à soutenir l'enseignement rural non formel.

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Chapitre IV. Conclusion : principales conséquences pour les planificateurs

Le cadre conceptuel de l'analyse des politiques et son application aux études de cas montrent clairement que la planification de l'éducation ne peut être purement technique ou linéaire. Ce processus ne concerne pas des questions sans ambiguïté, des objectifs clairement définis, des relations causales indiscutables, des rationalités prévisibles et des décideurs rationnels. La planification des politiques d'éducation comporte par définition des épisodes désordonnés et redondants. Une diversité de personnes et d'organisa­tions ayant des points de vue variés s'impliquent activement dans les processus permettant d'analyser les problèmes et dans les politiques qui sont créées, mises en œuvre, évaluées et modifiées, ou nouvellement conçues. Les planificateurs de l'éducation ont par conséquent besoin d'une approche méthodologique, semblable à celle qui est présentée dans le Chapitre I, pour saisir la complexité des politiques et des processus, pour donner à chaque élément du processus d'élaboration des politiques et de planification l'attention qu'il mérite et pour évaluer la dynamique évolutive du système (flux, procédures, forme et interaction entre groupes d'intérêts).

Les analyses ci-dessus montrent clairement que les processus d'élaboration des politiques et de la planification sont spécifiques à chaque pays (et fonction du temps). Elles sont extrêmement dépendantes de la situation sectorielle, économique et sociopolitique, et de leurs interactions. On peut cependant retrouver certains facteurs communs, qui ont de fortes implications pour une planifica­tion efficace de l'éducation.

En premier lieu, l'élaboration d'une politique d'éducation doit s'appuyer sur des connaissances solides dans trois domaines : (a) un

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Conclusion : principales conséquences pour les planificateurs

diagnostic du secteur, à partir de données, de recherches, de l'expérience et des connaissances internationales ; (b) une analyse de la situation et des perspectives concernant le contexte économi­que, politique, démographique, social et culturel ; et (c) une évaluation des groupes d'intérêts, de leurs rationalités et de leurs rôles vis-à-vis du changement en matière d'éducation, ainsi que des processus permettant des compromis entre eux. Cette analyse contextuelle peut être influencée par des sources extérieures, mais pour être efficace, elle doit être internalisée et les nationaux doivent en être partie prenante.

En second lieu, avant de prendre une décision, il faut élaborer plusieurs options de politiques viables. C'est la partie facile. Mais il est plus difficile de construire des scénarios autour de chaque option, pour déterminer leurs exigences et leurs conséquences. Il faut analyser et évaluer chaque scénario de manière systématique, non seulement du point de vue de l'intérêt de la politique envisagée, mais également pour savoir si elle est souhaitable, en tenant compte de la multiplicité des intérêts impliqués, abordable et réalisable en fonction de la capacité nationale de mise en œuvre et de sa durabilité pendant suffisamment de temps pour donner des résultats. La sélection de la meilleure option sera toujours finalement politique, mais une analyse rigoureuse des différents scénarios, fondée sur d'assez bonnes connaissances, éclaire le processus de décision politique et permet d'engager les différents groupes d'intérêts dans des consultations valables.

En troisième lieu, dans quelle mesure un choix de politique doit-il être radical et global ? Il n'est pas évident qu'une approche progressive portant sur une question particulière soit toujours préférable à une approche stratégique globale. Il est certain qu'une réforme stratégique globale n'a guère de chance de réussir si la capacité d'absorption du système est faible, ou s'il n'y a pas de demande évidente pour cette réforme. Une approche par étapes permet l'expérimentation et les ajustements et ne comporte pas de grandes exigences politiques et institutionnelles. D'un autre côté, cette approche peut conduire à des solutions toutes faites sans risque et à des investissements inadaptés du point de vue du capital politique et des autres ressources nécessaires pour mener à bien la politique. Les études de cas montrent que, pour résoudre des

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problèmes portant sur l'ensemble du secteur, répondant à des demandes politiques et économiques, il est prudent de commencer par une phase progressive limitée, puis de passer à une approche stratégique globale. Le calendrier et la vitesse de cette évolution doivent dépendre du degré d'acceptabilité de la réforme par les parties intéressées et de la capacité de mise en œuvre du système.

En quatrième lieu, qu'une politique soit progressive, ou globale, elle est véritablement testée pendant la planification et la mise en œuvre. Trois facteurs sont essentiels à ce niveau : (a) une macropla­nification, pour traiter des problèmes nationaux et pour fournir un schéma directeur, doit être complétée (et non remplacée) par une microplanification au niveau local et du projet ; (b) une mobilisation du soutien politique et public doit être planifiée et recherchée de manière délibérée, ainsi que l'implication active des parties intéressées pendant l'étape de planification et de mise en œuvre ; (c) la planification doit être flexible, afin de permettre des modifica­tions pendant la mise en œuvre.

En cinquième lieu, lorsqu'une politique se concrétise, ce n'est pas la fin du processus de l'élaboration des politiques et de la planification : c'est le début d'un nouveau chapitre. L'impact des réformes doit être systématiquement évalué, de préférence par un mécanisme intégré : répondent-elles aux attentes ? Alors que les mécanismes de mise en œuvre doivent être continuellement revus, les politiques doivent mûrir avant que l'on ne porte un jugement sur leur impact. A ce stade encore, il ne faut pas prendre les problèmes de mise en œuvre pour des insuffisances de la politique. Même si l'évaluation de l'impact conclut que les changements souhaités ont été mis en œuvre avec succès, les décideurs et les planificateurs doivent rester attentifs aux nouveaux changements requis, étant donné la rapidité de l'évolution des sociétés contemporaines et les liens étroits entre le système éducatif et son environnement. Enfin, s'il a été démontré qu'une politique est inefficace, elle ne doit pas se perpétuer alors que de nouvelles politiques sont introduites. Il faut plutôt lancer un nouveau cycle d'élaboration, de formulation et de planification rigoureuses d'une nouvelle politique.

En conclusion, le développement de l'éducation est extrême­ment compliqué, parce qu'il implique et affecte un grand nombre de ceux qui contribuent à l'enseignement et qui en bénéficient, ainsi

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Conclusion : principales conséquences pour les planificateurs

que d'acteurs politiques, qui sont tous intéressés au processus et à ses résultats. Il faut y ajouter la longue période de gestation nécessaire pour permettre à une politique de réaliser ses objectifs. Pour ces raisons, il ne faut pas modifier les politiques à la légère, ni les abandonner sans un examen approfondi.

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Publications et documents de l'IIPE

Plus de 750 ouvrages sur la planification de l'éducation ont été publiés par l'Institut international de planification de l'éducation. Ils figurent dans un catalogue détaillé qui comprend rapports de recherches, études de cas, documents de séminaires, matériels didactiques, cahiers de l'IIPE et ouvrages de référence traitant des sujets suivants :

L'économie de l'éducation, coûts et financement.

Main-d'oeuvre et emploi.

Etudes démographiques.

La carte scolaire, planification sous-nationale.

Administration et gestion.

Elaboration et évaluation des programmes scolaires.

Technologies éducatives.

Enseignement primaire, secondaire et supérieur.

Formation professionnelle et enseignement technique.

Enseignement non formel et extrascolaire : enseignement des adultes et enseignement rural.

Pour obtenir le catalogue, s'adresser à l'Unité des publications de l'IIPE.

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L'Institut international de planification de l'éducation

L'Institut international de planification de l'éducation (IIPE) est un centre international, créé par l'UNESCO en 1963, pour la formation et la recherche dans le domaine de la planification de l'éducation. Le financement de l'Institut est assuré par l'UNESCO et les contributions volontaires des Etats membres. Au cours des dernières années, l'Institut a reçu des contributions volontaires des Etats membres suivants : Belgique, Canada, Danemark, Finlande, Inde, Irlande, Islande, Norvège, Suède, Suisse et Venezuela.

L'Institut a pour but de contribuer au développement de l'éducation à travers le monde par l'accroissement aussi bien des connaissances que du nombre d'experts compétents en matière de planification de l'éducation. Pour atteindre ce but, l'Institut apporte sa collaboration aux organisations dans les Etats membres qui s'intéressent à cet aspect de la formation et de la recherche. Le Conseil d'administration de l'IIPE, qui donne son accord au programme et au budget de l'Institut, se compose d'un maximum de huit membres élus et de quatre membres désignés par l'Organisation des Nations Unies et par certains de ses institutions et instituts spécialisés.

Président : Lennart Wohlgemuth (Suède), Directeur, Institut nordique des études africaines,

Uppsala.

Membres désignés : K.Y. Amoako, Directeur, Département de l'éducation et des politiques sociales,

Banque mondiale. Harka Gurung, Directeur, Centre de développement de l'Asie et du Pacifique,

Kuala Lumpur. Cristian Ossa, Directeur, Division de la macro-économie et des politiques,

Département de l'information économique et sociale et de l'analyse des politiques, Nations Unies.

Tito Egargo Contado, Chef de service de l'éducation et de la vulgarisation agricole, Division des ressources humaines des institutions et de la réforme agraire, Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

Membres élus : Isao Amagi (Japon), Conseiller auprès du Ministre de l'éducation, des sciences et

de la culture, Tokyo. Mohamed Dowidar (Egypte), Professeur et Président du Département d'économie,

Faculté de droit, Université d'Alexandrie, Alexandrie. Kabiru Kinyanjui (Kenya), Directeur des programmes. Division des sciences

sociales, Centre de recherche pour le développement international, Nairobi. Tamas Kozma (Hongrie), Directeur général, Institut hongrois pour la recherche en

éducation, Budapest. Yolanda M. Rojas (Costa Rica), Vice-Recteur d'Académie, Université de Costa

Rica, San José. Michel Vemières (France), Professeur de sciences économiques. Université de

Paris I, Panthéon-Sorbonne, Paris.

Pour obtenir des renseignements sur l'Institut s'adresser à : Secrétariat du Directeur, Institut international de planification de l'éducation, 7-9, rue Eugène Delacroix, 75116 Paris, France.

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L'ouvrage

Cet ouvrage analyse la manière dont sont prises les décisions en matière de politique d'éducation. La prise de décision, comme le développement de l'éducation, ne sont pas des processus simples, ni faciles à comprendre. Pour mieux saisir la manière désordonnée et peu rigoureuse dont sont prises les décisions, W.D. Haddad et T. Demsky présentent un cadre qui clarifie la réalité complexe de la prise de décision : il englobe les phases antérieures (l'analyse d'options) et postérieures. Afin d'acquérir une meilleure compréhension du processus, le cadre est appliqué à des études de cas. Enfin, des enseignements en sont tirés pour les planificateurs de l'éducation.

Les auteurs

Wadi D. Haddad est actuellement secrétaire adjoint de la Banque mondiale. Au cours de sa carrière, il a entre autres occupé le poste de secrétaire exécutif de la Commission interagences chargée de l'organisation de la Conférence mondiale sur l'éducation pour tous de 1990. Ancien président du Centre national de recherche et de développement de l'éducation au Liban, il a également été le conseiller principal du Président du Liban en matière de sécurité nationale et d'affaires politiques. Il est l'auteur de nombreuses publications.

Terri Demsky, consultante à la Banque mondiale, a contribué à plusieurs publications de la Banque mondiale.

ISBN 92-803-2155-2