Le Petit Juriste n°13

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FAIT PAR LES ETUDIANTS POUR LES ETUDIANTS L E P ETIT J URISTE www.lepetitjuriste.fr N o 13 P.6 Evolution du droit brésilien DROIT PÉNAL La grogne des magistrats Christine Lagarde : « droit et économie » DROIT DE L'ENVIRONNEMENT Nucléaire et principes du droit de l'environnement P.23 Avril 2011 P.24 INTERVIEW DU MOIS P.10 DROIT INTERNATIONAL La rémunération des dirigeants dans les sociétés anonymes cotées

description

Le treizième numéro du Petit Juriste, en partenariat avec LexisNexis et la Semaine Juridique, traite dans son dossier du mois de la rémunération des dirigeants de sociétés anonymes côtées. Interviennent sur cette question trois personnalités expertes : MM. les professeurs Germain et Tricot, et Maître Lemaitre. Les autres sujets brulants de l'actualité sont présents : le nucléaire face au droit de l'environnement, le mal-être de la magistrature, le financement public des lieux de culte... Bonne lecture !

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FAIT PAR LES ETUDIANTS POUR LES ETUDIANTS

L E P ETIT J U R I S T E

www.lepetitjuriste.fr

No 13

P.6

Evolution du droit brésilien

droit Pénalla grogne des magistrats

Christine lagarde : « droit et économie »

droit dE l'EnvironnEmEnt

nucléaire et principes du droit de l'environnement

P.23

Avril 2011

P.24

intErviEW dU moiS

P.10

droit intErnational

la rémunération des dirigeants dans les sociétés anonymes cotées

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SommairE

Edito

Avril 2011 - Page 3

Chères lectrices, chers lecteurs,

Ayant constaté un intérêt important de votre part pour les interviews de professionnels du droit, nous avons décidé de vous présenter le point de vue de Madame Lagarde sur le droit et l'économie mais également ceux de Monsieur Tricot, Président Honaire de la Chambre commerciale de la Cour de cassation, de Monsieur Germain, professeur à l'Université Paris II et de Madame Lemaitre, avocate associée chez Cleary Gottlieb, sur la rémunération des dirigeants, thème de notre dossier du mois.

Vous retrouverez également des articles relatifs aux financements des lieux de cultes, à la qualité de co-employeur dans le cadre de licenciements économiques ou encore à l'intégration de dommages-intérêts punitifs en droit français.

Bonne lecture à tous et bonne chance pour vos futurs partiels !

alexis vaUdoYErRédacteur en Chef

aCtUalitE dU lPJP.4 toutes les infos sur votre

association préférée !

La Cour de cassation a récemment admis la qualité de co-employeur à une société mère, faisant ainsi peser sur elle les obligations du contrat de travail.

Vers un financement public des lieux de culte ?Stricto sensu, la loi de 1905 interdit aux pouvoirs publics de subventionner l'édification d'un lieu de culte. Pour autant, de nombreuses communes participent au financement de leur construction.

doSSiEr dU moiS -P.14 la rémunération des dirigeants

dans les sociétés anonymes cotées

P.8

droit dU travailP.7

EngliSh laWP.22

As Human Rights Watch pointed out that protestors are still being detained in prisons in Egypt with no official charges pressed against them, greater concerns about North Africa's judicial system have become increasingly worrying.

P.20

droit dE la ConCUrrEnCEQualité de co-employeur

P.25

bonS PlanSles évènements à ne pas manquer !

droit adminiStratif

Loyauté de la preuve : la fin d'une saga judiciaire

la responsabilité sans faute de l'Etat du fait des conventions internationalesEngager la responsabilité sans faute de l'Etat requérait des conditions trop strictes pour être engagée. L'arrêt « Mlle Susilawati » relance-t-il le débat sur cette responsabilité ?

P.9

l'introduction des dommages et intérêts punitifs en droit français

P.12droit Civil

Bénéfice du régime de responsabilité des hébergeurs

P.21droit dE l'intErnEt

D’inspiration anglo-saxonne, les « punitive damages » séduisent le législateur français qui discute aujourd’hui de son intégration, controversée, en droit positif.

La rémunération des dirigeants constitue une des matières les plus médiatisées du droit des affaires, au point que l'expression "parachute doré" s'est considérablement banalisée. Ce mois-ci Le Petit Juriste se penche sur les évolutions législatives en la matière, aidé d'un magistrat, d'un praticien et d'un professeur.

Le Conseil de la concurrence s'étant écarté du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, la Cour de cassation a imposé le recentrage du contentieux sur les règles de droit commun, au risque d'en affaiblir son efficacité.

Deux arrêts rendus par la Cour de cassation, Fuzz et Dailymotion, apportent des précisions, eu égard à la définition qu'en avait donné la CJUE, sur les critères de qualification d’un hébergeur ayant des conséquences pénales.

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Page 4 - Avril 2011

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A ne pas oublier !

FAIT PAR LES ETUDIANTS POUR LES ETUDIANTS

L E P ETIT J U R I S T E

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No 10

P.8

La décision du Conseil constitutionnel sur la garde à vue : une révolution ?

CONSEILS DE L'AVOCATGuide du Palais de Justice à l'usage de l'avocat

La menace plane sur les ���������������

DROIT SOCIALDomenech, légitimement écarté, abusivement licencié

P.12

Octobre 2010

La Constitution aux mains de tous :

retour sur six mois de QPC

P.26

DROIT FISCAL

P.10

DROIT PENAL

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No 11

P.7

SAS et délégation de pouvoir

CONSEILS DE L'AVOCATComment un titulaire d'un barreau étranger peut exercer en France ?

L'obligation de conseil renforcée

DROIT FISCAL�����������������P.10

Décembre 2010

L’arbitrage, une justice sur mesure

P.26

DROIT CIVIL

P.9

DROIT PENAL

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No 12

P.6

Le défenseur des droits

CONSEILS DE L'AVOCATConseils pour les jeunes collaborateurs

Guerre économique et espionnage industriel

ENGLISH LAWThe Beatles : All you need is Law

P.22

Février 2011

La CEDH, ou comment faire

la cour à l'européenne ?

P.26

DROIT PÉNAL

P.12

DROIT ADMINISTRATIF

Désormais avec les meilleurs mémoires de Master 2 en ligne !

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Avril 2011 - Page 5

Les questions relatives au droit de la paie, des cotisations et contributions sociales, des accidents du travail, de la prévoyance et la retraite complémentaire ou encore à l’épargne retraite, sont aujourd’hui d’une importance capitale.

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L’apprentissage à l’Ecole de droit de la SorbonneLe Master 2 professionnel Droit de la Protection Sociale d’Entreprise

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Page 6 - Avril 2011

« Permettez-moi de vous donner mon point de vue sur les relations très étroites, très intimes, entre l'économie

et le droit. L’expérience que j'ai vécue depuis quatre ans dans des périodes de crise financière et économique m'a permis de conclure à la nécessité impérative de la norme appliquée au secteur de l'économie et au secteur financier. Pas une invention me direz-vous…

Ce que la crise nous a appris en revanche, c'est que cette norme devait s'appliquer de la manière la plus stable possible et qu'elle devait trouver ce point

d'équilibre ténu entre l’extrême liberté d'une part et l'encadrement excessif d'autre part. Rien de très nouveau non plus me direz-vous…

Troisième enseignement, qui me paraît un peu plus raffiné, un peu plus nouveau, celui selon lequel contrairement à des idées reçues préalablement, la norme doit en toute hypothèse toujours revenir aux représentants de l'intérêt général.

Qu'avons-nous pu constater lors de la crise financière ? Que la norme élaborée par les acteurs eux-mêmes, ce que d'aucuns appellent la « soft law », était probablement utilement conçue dans l'intérêt particulier de ceux qui l’élaboraient, mais ils oubliaient bien souvent l'intérêt général, pourtant dans des matières aussi compliquées que l'économie, la finance, et la comptabilité.

Il est indispensable que l'intérêt général s'applique, s’exerce, et que ce soient bien les représentants de cet intérêt général qui aient en dernier lieu leur mot à dire pour l'élaboration des normes. C'est dans ces conditions que nous avons choisi de gérer les aspects les plus abusifs, les plus excessifs de cette crise financière et économique, par l'élaboration de normes nouvelles. Au sein du G20, nous avons ainsi proposé de la norme supranationale, supra-parlementaire même, en prévoyant un exercice délicat de déclinaison de ces normes à l'échelon soit des régions, soit des parlements nationaux.

Et vous voyez ainsi que l'économie est venue façonner le mode d'élaboration de la norme, et de la même manière on s'aperçoit bien souvent de la judiciarisation de la vie économique. Prenez un exemple comme celui de l'aéronautique où deux grands géants comme Airbus et Boeing s'affrontent : c’est l'intervention de la norme, et d’une norme supranationale souvent érigée en règle universelle, mise en œuvre par l'organe de règlement des différends au sein de l’OMC, qui finit par établir les bonnes règles du jeu.

J’ai souhaité à l’aune de quelques exemples, vous indiquer à quel point l'économie peut façonner le droit et le droit peut aller au plus profond des rapports économiques qui sont parfois pourtant exclusivement de droit privé. »

Propos recueillis par notre partenaire www.tvdma.org

ChriStinE lagardE : lES liEnS EntrE

lE droit Et l’EConomiE

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Christine lagarde, ministre de l’Economie, des finances et de l’Emploi depuis 2007, et ancienne avocate, donne son avis sur les relations entre le droit et l’économie. Ceci est la retranscription d’un podcast vidéo que vous pourrez visionner sur le site de notre partenaire www.tvdma.org.

PoUr En Savoir PlUS :

• Article 445-1 du Code Pénal• Article L. 1227-1 du Code du Travail• Projet de loi du 17 juin 2009 relatif à la protection des informations économiques

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Avril 2011 - Page 7

Classiquement, l’employeur se définit comme la personne pour le compte de laquelle le travailleur accomplit pendant un certain temps,

en sa faveur et sous sa direction, des prestations en contrepartie desquelles il verse une rémunération. Le contrat de travail est donc entendu traditionnellement comme gouvernant une relation bipartite.

Pour autant, en pratique, il ne serait pas inutile pour le salarié de pouvoir identifier un co-employeur sur lequel faire peser une partie des obligations du contrat de travail. Cette problématique trouve toute son ampleur dans le cadre d’un groupe de sociétés. La Cour de cassation, dans l’arrêt Flodor du 13 janvier 2010, a pu préciser qu’une société relevant du même groupe que la société fille employeur n’est pas, en cette seule qualité, débitrice envers les salariés qui sont au service de cette dernière d’une obligation de reclassement. L’insuffisance des mesures prévues dans le plan de sauvegarde de l’emploi ne pouvait donc pas entraîner la responsabilité de la société mère.

La difficulté résidait donc dans le hiatus existant entre la perception du salarié, bien conscient d’appartenir à un groupe dans lequel les mesures de compression d’effectifs peuvent être décidées par une société dominante économiquement et l’impossibilité qui lui était opposée par le droit d’en tirer un quelconque bénéfice à l’occasion d’un licenciement économique.

La chambre sociale, celle-là même qui a élaboré le concept d’unité économique et sociale, soucieuse de l’effectivité de la protection des salariés malgré l’autonomie juridique des sociétés appartenant à un même groupe, a tout de même pu appliquer la qualité de co-employeur à une société mère. Celle-ci ne pouvant pas se déduire de la seule structure de groupe, les juges du droit ont utilisé le concept de confusion d’intérêts existant entre les deux sociétés. Il résulte des arrêts rendus le 18 janvier et le 1er février 2011, qu’il existe une communauté d’intérêts lorsqu’une société détient sur une autre la majeure partie du capital, une gestion commune du personnel ainsi qu’une même autorité en termes de choix stratégiques de nature à confondre activités, intérêts et direction. Dans cette seule hypothèse et peu important l’absence de lien de subordination, les obligations du contrat de travail au rang desquelles figurent

le reclassement pèsent autant sur la société mère, employeur de facto, que sur la société fille, employeur de jure. Cette utilisation de la théorie du co-employeur, critiquable tant au regard du principe d’effet relatif des contrats que de l’acceptation théorique du contrat de travail fait peser de gros risques sur la société mère qui pourra être reconnue responsable d’une légèreté blâmable en cas de cessation d’activité non justifiée.

Dans le cadre d’une organisation multinationale, la Cour de cassation a eu tendance à appliquer la loi française nonobstant l’extranéité de la société mère. Cette solution découle de l’unicité du contrat liant les co-employeurs aux salariés. Avant que le juge ne reconnaisse à une société la qualité de co-employeur, le contrat existant est soumis à la loi française. Dès lors, les juges ne sauraient appliquer concomitamment la loi de l’Etat de la société mère dans l’hypothèse d’une action en justice intentée contre cette dernière sans nuire à l’unité du règlement juridique du litige et par là même à la sécurité juridique du salarié.

Geoffrey GURY

la QUalité dE Co-EmPloYEUr : dE la CommUnaUté d’intérêtS

à la CommUnaUté dE rESPonSabilitéEn ces temps tourmentés, il n’est pas inutile de s’intéresser aux conséquences des choix stratégiques des entreprises sur l’emploi. a cet égard, la Cour de cassation est récemment revenue sur la notion de co-employeur et en a dévoilé tout l’intérêt dans le cadre d’un licenciement économique.

PoUr En Savoir PlUS :

• COURET (A.), « La cessation d'activité d'une filiale : le droit des sociétés à l'épreuve du droit social », Note sous Cour de cassation (soc.) 18 janvier 2011 et 1er février 201, Revue des sociétés 2011 p. 154

• GEA (F.), « Groupe de sociétés et responsabilité, les implicites et le non-dit de l'arrêt Flodor Soc. 13 janvier 2010 », n° 08-15.776, Revue de droit du travail 2010, p. 230

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1 Cass. Soc. 13 janvier 2010, n°08-15.7762 Cass. Soc. 19 juin 2007, Ascopomp, n° 05-42570

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dES liEUX dE CUltE ?

Une décision a priori surprenante, mais qui n’en demeure

pas moins légale

A priori, cette situation peu paraître surprenante au regard de l’article 2 de la loi de 1905 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Cependant, si cette loi interdit les subventions publiques en vue de financer des lieux de culte, elle établit par ailleurs une distinction entre les édifices cultuels existants avant 1905 – relevant de la propriété de l’Etat - et ceux existants après 1905. De plus, en vertu de la loi du 13 avril 1908, l’Etat a la possibilité d’engager les dépenses nécessaires à l’entretien et à la réparation des édifices dont il est propriétaire. Au cas particulier, la rénovation étant plus coûteuse que la construction, au même emplacement, d’une nouvelle église, la commune a opté pour la deuxième solution.

Qui dit légalité ne dit pas forcément équité

Si la construction de cette église n’est pas contestable sur le plan juridique, elle soulève tout de même des interrogations. Comme le souligne le sociologue des religions Jean Baubérot : « La plupart des églises catholiques, la moitié des temples protestants, le tiers des synagogues appartiennent aujourd'hui à l'Etat ». Quid alors du financement des lieux de culte construits après 1905 ? L’état actuel du droit crée, dans la pratique, des situations d’inégalités. Si bien qu’aujourd’hui, des aménagements à la loi de 1905 ont été imaginés : malgré l’interdiction de principe contenu dans la loi de séparation de 1905, l'Etat subventionne indirectement

les églises, mosquées, temples ou synagogues1 en faisant usage notamment de la loi de 1901 sur les associations. Le plus souvent, des associations culturelles vont être créées en vue d’héberger des lieux de cultes et recevoir ainsi des aides des collectivités locales pour les « travaux de réparation » des édifices du culte. Mais encore, les collectivités territoriales disposent d’un nouvel instrument – le bail emphytéotique administratif – leur permettant de protéger et valoriser leur patrimoine (article L. 1311-1 du CGCT). Elles y ont recours dans des domaines variés allant de la construction de parc de stationnement à la construction d’édifice cultuel : dans ce dernier cas, on parle plus précisément de bail emphytéotique cultuel2.

Le droit à l’édification de lieux de culte : corollaire de la liberté

d’exercice du culte

Jean Baubérot analyse le droit à l'édification de lieux de culte comme un corollaire de la liberté d'exercice du culte : « L'article 1, qui dispose que l'Etat doit garantir le libre exercice des cultes, peut être interprété comme une obligation pour l'Etat de mettre à la disposition des citoyens des lieux de cultes ». Ainsi le principe d’interdiction des financements publics s’opposerait-il à l’obligation pour l’Etat de garantir le libre exercice des cultes.C’est ce que soutient le rapport de la commission Machelon de juillet 2006 : estimant que l’article 2 de la loi de 1905 ne constitue pas un principe à valeur constitutionnelle, il propose de le modifier en consacrant formellement les aides directes des communes à la construction de lieux de culte. Au soutien de cette thèse, le rapport cite la décision du Conseil d’Etat du16 mars 2005, Ministre de l'Outre-mer : « le principe constitutionnel de laïcité (…) n'interdit pas, par lui-même, l'octroi dans l'intérêt général et dans les conditions définies par la loi de certaines subventions à des activités ou des équipements dépendant des cultes ».Ces questions seront évoquées et probablement précisées lors de la convention de l’UMP, le 5 avril, sur la laïcité et la place des religions.

Loubna ZRARI

le 30 janvier 2011, le maire des lilas (en Seine-saint-denis) annonce que sa commune financera la construction d’une église. Alors que la loi du 9 décembre 1905 interdit toutes subventions publiques pour le financement des lieux de culte, cette décision reste bel et bien légale. Explications…

PoUr En Savoir PlUS :1 Rue 89, édito du 23/12/2010, Marie Kostrz2 AJDA 2010 p. 2471, De l'usage du bail emphytéotique pour la construction d'une mosquée, Sophie Tissot-Grossrieder.

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Avril 2011 - Page 9

PoUr En Savoir PlUS :

• CE, Ass. 14 janv. 1938, Société La Fleurette. • CE, Ass., 30 mars 1966, Cie générale d'énergie radio-électrique.• CE, Sect. 29 oct. 1976, Min. des aff. Etr. c/ consorts Burgat.

aPPliCation dU PrinCiPE dE rESPonSabilité SanS faUtE dE l’Etat dU fait dES ConvEntionS

intErnationalES Par lE ConSEil d’Etat

A l’instar de la reconnaissance de la responsabilité sans faute de l’Etat du fait des lois en 1938 (jurisprudence La Fleurette) le Conseil d’Etat

admet depuis l’arrêt Cie générale radio-électrique en 1966 que la responsabilité de l'Etat puisse être engagée, sur le terrain de la rupture d'égalité devant les charges publiques, pour assurer la réparation de préjudices nés de conventions conclues par la France et incorporées régulièrement dans l'ordre juridique interne. Cette responsabilité est soumise à la double condition que ni la convention ni, le cas échéant, la loi qui en a autorisé la ratification ne puissent être interprétées comme ayant entendu exclure une indemnisation et que le préjudice dont il est demandé réparation soit d'une gravité suffisante et présente un caractère spécial. Les conditions d’engagement de cette responsabilité sans faute sont très strictes, ce qui la «rend largement illusoire » mais reste néanmoins une « belle construction intellectuelle » (B. Seiller). Depuis 1966, le Conseil d’Etat n’a fait droit qu’à deux demandes indemnitaires présentées sur ce fondement (en 1976 et en 2004).

En l’espèce, l’ancien employeur de la requérante avait été condamné par le Conseil des prud’hommes (confirmé en appel) à lui verser des sommes notamment à titre de rappels de salaires. La requérante n’avait pu en obtenir exécution en raison de la qualité de diplomate accrédité auprès de l’UNESCO dont bénéficiait son ancien employeur qui était à ce titre couvert par l’immunité d’exécution prévue par une convention régissant son statut.

Posée en 1966, la condition de l’incorporation régulière des conventions a été confirmée en 1979 dans l’arrêt SA Coparex. Revenant sur cette jurisprudence, l’arrêt Almayrac évoquait les « conventions conclues par la France avec d'autres États et entrées en vigueur dans l'ordre interne », selon le rapporteur public « sans aborder la question de savoir s'il a été « régulièrement » introduit dans l'ordre interne en vertu d'une loi, dès lors du moins que cette question de régularité de la procédure de ratification n'a pas été soulevée par les parties » abandonnant ainsi la condition de l’incorporation régulière. Par l’arrêt de 2011, le Conseil d’Etat a réintroduit l’exigence d’incorporation régulière des conventions.

Selon le Conseil d’Etat, a commis une erreur de droit la Cour d’appel qui a relevé que la généralité des conventions invoquées et le nombre de personnes auxquelles elles peuvent s'appliquer faisaient obstacle à ce que le préjudice allégué puisse être regardé comme

revêtant un caractère spécial, nonobstant la circonstance que les diplomates étrangers susceptibles de s'en prévaloir sont en nombre restreint. Or, pour apprécier le caractère spécial du préjudice, la Cour devait apprécier, « outre la portée des stipulations internationales en cause, le nombre connu ou estimé de victimes de dommages analogues à celui subi par la personne qui en demandait réparation » qui en l’espèce était faible rendant le préjudice spécial et ne constituant pas une charge incombant normalement à l'intéressée.

Après avoir relevé que les conventions n’avaient pas entendu exclure toute indemnisation par l’Etat des préjudices nés de leur application, le Conseil d’Etat considère qu’eu égard au montant des sommes en cause et à la situation de la requérante, le préjudice revêt un caractère de gravité de nature à ouvrir droit à indemnisation. En outre, le préjudice dont se prévaut la requérante présente un caractère certain et ainsi, la responsabilité sans faute de l'Etat se trouve engagée sur le fondement du principe d'égalité devant les charges publiques.

Blanche BALIAn

dans l’arrêt du 11 février 2011, mlle Susilawati (n° 325253), le Conseil d'état fait une application du principe de la responsabilité sans faute de l'état, sur le fondement de la rupture d’égalité devant les charges publiques du fait des conventions internationales.

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Une puissance en devenir

Le Brésil, terre de contraste, a déjà beaucoup évolué en 10 ans. Les chiffres de la croissance brésilienne sont le plus souvent avancés pour appuyer les légitimes perspectives d’avenir du pays. Mais le Brésil dispose également d’une monnaie forte (2,23 réais pour 1 euro), d’une dette contrôlée et d’une inflation maitrisée. Poids lourd des ressources, le Brésil va devenir l’un des plus gros producteurs d’hydrocarbures au monde grâce aux gigantesques découvertes de pétrole au large de l’Etat de Rio. Plus encore, le pays tente d’imposer l’utilisation de l’éthanol comme carburant au niveau mondial. Autosuffisant en énergie, le pays-continent dispose d’une balance commerciale de qualité, d’une prospérité diplomatique croissante, d’une démocratie saine et d’investissements étrangers en augmentation.

Si les deux mandats de Lula sont incontestablement une grande réussite économique, sociale et politique, il ne faut pas oublier que le Brésil avait commencé son tournant vers le néolibéralisme sous la Présidence de Fernando Henrique Cardoso (Président de 1995 à 2003). La stabilisation économique du pays, suite au Plan Real de 1994 dudit Président Cardoso peut représenter le point de départ de l’émergence du Brésil comme puissance mondiale. Cependant, Lula da Silva a réussi ce dont le pays avait le plus besoin : fédérer un peuple si différent dans un pays si vaste en réussissant

des réformes d’ampleur et des paris sociaux novateurs (avec notamment la Bolsa familia1,2).

Le Brésil se présente aujourd’hui comme un pays d’avenir et d’accueil des investissements mondiaux. Mais il ne faut pas oublier qu’il reste un pays nourri de complexités structurelles et qui se doit de mettre en œuvre des réformes importantes : réformes de l’administration, de la fiscalité, du droit social et réforme industrielle principalement.

Un cadre légal en mutation

Le cadre légal brésilien est déjà en pleine mutation depuis 2007 et la mise en place du Plan d’accélération à la croissance, dont Dilma Rousseff, désormais présidente, avait la charge pendant ces dernières années.

Le PAC, Programa de Aceleração do Crescimento3 (Plan d’accélération de la Croissance) a pour objectif de soutenir la croissance brésilienne en stimulant l’investissement privé par des mesures administratives et fiscales, développant les infrastructures dans les industries réputées pour leur effet d’entraînement dans l’économie (transport, énergie, construction civile) et réduisant les inégalités régionales (les Etats les plus pauvres recevront plus de ressources)4. Le Plan d’accélération à la Croissance fait partie d’une série de grands Plans transversaux ayant pour but de régler les problématiques structurelles à l’accélération et à la pérennité de sa croissance, ainsi qu’à appuyer le développement de ces entreprises plus sures.

En effet le Brésil reste un pays plein d’antagonismes et de paradoxes. Bien que disposant de nombreuses richesses et d’une très forte croissance, il reste l’un des pays les plus inégalitaires du monde. Autre point négatif, la violence endémique et extrême que connait le pays. La pacification du Brésil sera un enjeu essentiel des prochaines années. Pour un pays se présentant sur les devants de la scène mondiale (organisation de la coupe du monde de football en 2014 et des Jeux Olympiques en 2016 à Rio de Janeiro), la logique du système de répression de la

lE bréSil, tErrE d’avEnir, tErrE dE réformES

dilma rousseff, présidente du brésil depuis le 1er janvier 2011, devra s’acquitter d’une tâche difficile pendant son mandat : faire en sorte que le brésil continue sur la pente ascendante qu’il suit depuis 15 ans. le pays qui a tout pour devenir une des plus grandes puissances mondiales dans les années à venir, dispose d’une croissance toujours aussi impressionnante (7,5% en 2010). mais la présidence de dilma rousseff sera aussi celle de l’adaptation du brésil à ce futur statut.

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1 Bolsa Família est un programme social brésilien, destiné à lutter contre la pauvreté et mis en place sous la présidence de Luiz Inácio Lula da Silva.

2 http://www.mds.gov.br/bolsafamilia3 http://www.brasil.gov.br/pac4 Site de l’ambassade de France au Brésil

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Avril 2011 - Page 11

PoUr En Savoir PlUS :

• Le site internet du Petit Juriste avec plusieurs articles sur le Brésil• Le Monde hors-série « Brésil, un géant s’impose »

violence doit changer. Cela passe par la création de plus en plus d’unités de police pacificatrice ("UPP") dans les favelas, par une diminution indispensable de la corruption dans la police et l’administration et par l’augmentation de l’efficacité de la justice.

La corruption fait également partie des points noirs du Brésil, si bien que les parlementaires brésiliens ont adopté en juin 2010 la première loi anti-corruption de l’histoire du Brésil. Cette loi fut baptisée ficha limpa (fiche propre). L’objectif est d’endiguer une corruption traditionnelle qui entraîne népotisme, favoritisme ou clientélisme, et, de fait, ralentit les perspectives d’évolution du pays. Toute personnalité politique condamnée en première instance par un collège de magistrats pour corruption électorale, achat de votes ou malversation sera inéligible pendant huit ans. Cette loi s’applique également aux personnalités qui démissionnaient de leur poste pour échapper à la justice. La loi anti-corruption est l’exemple même que le Brésil a l’intention d’apporter des solutions légales à ses problématiques.

Ajouter à cela une administration procédurière et une complexité récurrente du système fédéral, et le Brésil pourrait rapidement ne pas offrir les garanties structurelles à son essor économique. Les lenteurs de l’administration, qui atteignent grandement la compétitivité et la productivité des entreprises, sont souvent décriées.

Un environnement des affaires à sécuriser

Les besoins croissants d’une classe moyenne en augmentation font la satisfaction des futurs investisseurs brésiliens et étrangers. La tradition civiliste du pays-continent rapproche nos deux systèmes. Le Brésil dispose, selon Charles-Henry Chenut (avocat au sein du cabinet Chenut Oliveira Santiago) d’ « un cadre opérationnel connu, puisque le droit romano-germanique a baigné le système juridique »5.

Le code Napoléonien inspire beaucoup le droit civil brésilien qui a subi une évolution récente en 2002 avec son Código Civil. Le Code civil du Brésil réunit les dispositions de droit civil et de droit commercial. Il s'inspire du Code civil allemand avec une partie générale et une partie spéciale traitant des obligations des droits réels de la famille, des successions et de l'entreprise. La lésion et la révision pour imprévision sont des possibilités offertes par le droit des contrats brésiliens. Par ailleurs, le Code s’inspire largement de la bonne foi du droit des contrats français, tout comme le droit de la responsabilité. Il est donc probable que la proximité de nos deux systèmes civilistes tendent à favoriser les investissements entre les deux pays.

Mais les lourdeurs administratives, la corruption et

l’obligation de faire authentifier tout document sont des obstacles considérables pour implanter une structure au Brésil. D’autant qu’il est obligatoire d’opter pour le statut de société brésilienne pour s’implanter dans le pays. Les réglementations rigides du droit social brésilien empêchent une flexibilité nécessaire pour tout chef d’entreprise. Les méthodes de règlement des conflits sont encore très critiquées. Bruno de Cazalet, avocat-associé de chez Gide Loyrette Nouel avance que « l’arbitrage existe mais il exige une procédure purement brésilienne » le payant n’ayant toujours pas signé la convention du Cirdi (Centre international de règlement des différends relatifs à l’investissement)6.

Selon une enquête de la Société financière internationale, il est nécessaire de compter une centaine de jours en moyenne pour créer une société au Brésil, pour remplir les 18 procédures différentes nécessaires. Le « coût Brésil » se fait également sentir avec l’établissement de l’imposition (2600 heures en moyenne par an).

Cependant la démocratie brésilienne n’a que 25 ans. Il est important d’avoir pour mémoire l’état de délabrement dans lequel la dictature militaire a laissé le pays en 1986. Ainsi, le bilan économique, social et culturel du Brésil est globalement extrêmement positif. Reste que le droit brésilien (en particulier le droit financier, le droit des biens, le droit commercial et fiscal et le droit social) est amené à changer en profondeur face aux enjeux du futur.

Adrien CHALTIELElève-avocat, trainee

Veirano Advogados, Rio de Janeiro

5,6 Source – article de Olivier Razemon, la lettre des juristes d’affaires, « au Brésil, savoir bien s’entourer »

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Les dommages et intérêts compensatoires :

un constat d’échec

Le droit de la responsabilité civile, gouverné par le principe indemnitaire de réparation intégrale (not. Civ. 2ème, 23 janvier 2003), ne permet pas toujours de garantir l’effectivité de la règle de droit. Certaines atteintes aux droits de la personnalité, de la propriété intellectuelle ou encore de la concurrence, procurent à leur auteur un avantage financier nettement supérieur à la somme que celui-ci peut être condamné à verser à titre de dommages et intérêts compensatoires, évalués au regard d’un préjudice souvent difficile à valoriser. Il apparaît donc qu’en l’état actuel du droit positif, il y a parfois un intérêt financier certain à violer les règles de droit.

Les dommages et intérêts punitifs : la garantie de l’effectivité du droit

L’article 2 de la proposition de loi présentée par le sénateur Alain Béteille au Sénat le 9 juillet 2010 préconise l’introduction dans le Code civil d’un nouvel article 1386-25, instituant une faute dite lucrative et son corollaire répressif : la condamnation à des dommages et intérêts punitifs. Au terme de cette disposition, la faute lucrative est celle « commise volontairement » dans le but de réaliser « un enrichissement que la seule réparation du dommage n’est pas à même de supprimer ».L’auteur d’une telle faute pourrait se voir condamner à des dommages et intérêts punitifs, dont la finalité, dévoilée par le rapport d’information dressé par les sénateurs MM. Alain Anziani et Laurent Béteille, est de « sanctionner le responsable du dommage en amoindrissant ou annulant le bénéfice qu’il tire de la faute lucrative qu’il a commise ». En supprimant le bénéfice potentiel d’une faute lucrative, les dommages et intérêt punitifs auraient un caractère dissuasif, garantissant un respect effectif de la règle de droit. Ils seraient donc un palliatif aux insuffisances de la responsabilité civile traditionnelle, en matière de concurrence notamment, où le droit positif peine à prévenir de manière efficace les comportements et pratiques anticoncurrentiels.

Poursuivant un but légitime, les dommages et intérêts punitifs dénaturent toutefois la finalité classique de la réparation civile, en lui attribuant une fonction quasi-pénale.

Une sanction civile à coloration pénale

Les sanctions pénale et civile sont fondamentalement différentes : si l’une est par essence répressive, l’autre a une vocation essentiellement indemnitaire. Si la sanction civile a parfois un attribut répressif (notamment l’amende civile ou l’astreinte), les dommages et intérêts punitifs franchissent explicitement la frontière devenue ténue entre la sanction civile, compensatoire, et la sanction pénale, punitive. En effet, la faute lucrative, que les dommages et intérêts punitifs ont vocation à sanctionner, est une faute intentionnelle ; l’élément moral est pourtant un élément constitutif de l’infraction pénale, généralement absent dans la qualification de la faute civile. Les dommages et intérêts punitifs sont par ailleurs indifférents à la réparation d’un préjudice ; ils arborent ainsi les couleurs d’une véritable sanction. Or les dommages et intérêts trouvent classiquement leur cause dans le préjudice subi par la victime ; octroyés à titre punitif, ils seraient donc dépourvus de cause au regard du droit positif.

C’est donc au moyen d’une remise en question profonde et discutable des règles élémentaires du droit de la responsabilité civile que le législateur entreprend cette réforme, initiatrice d’un nouveau mélange des genres civil et pénal.

Antoine MoIZAn

l’introdUCtion dES dommagES Et intérêtS PUnitifS En droit françaiS : Un noUvEaU mélangE dES gEnrES ?

d’inspiration anglo-saxonne, les « punitive damages » séduisent le législateur français qui discute aujourd’hui de son intégration, controversée, en droit positif.

PoUr En Savoir PlUS :

• Civ. 2ème, 23 janvier 2003, Bull. n°20• Proposition de loi présentée par le sénateur Laurent Béteille au Sénat le 9 juillet 2010• Rapport d’information des sénateurs Alain Anziani et Laurent Béteille

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Le Petit Juriste vous présente le dossier du mois en collaboration avec la rédaction et la directionscientifique de La Semaine Juridique (Édition générale). Edité par lexisnexis (Jurisclasseur et Litec), ce magazine scientifique est la référence des professionnels de l’actualité juridique depuis 1927.

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la rémUnération dES dirigEantS danS lES

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Indemnité de départ de Jean-Marie Messier chez Vivendi, retraite complémentaire de Daniel Bernard chez Carrefour, ou encore doute sur les conditions d’exercice des stock-options chez EADS... autant de scandales liés aux rémunérations des dirigeants qui ont rythmé le débat public ces dernières années. Face à la médiatisation et à la politisation de cette problématique, les pouvoirs publics ainsi que les organisations professionnelles ont tenté de réagir.Ce n’est que depuis le début des années 2000 que la rémunération des dirigeants est un réel sujet de débat au Parlement. Cette évolution coïncide avec l’intégration en

droit français des principes de gouvernement d’entreprise (« corporate governance ») provenant d’outre-Atlantique. Première étape de cette marche vers la transparence, la loi NRE1 est venue imposer dans toutes les sociétés une obligation de communiquer le montant total des rémunérations versées à chaque mandataire social dans le rapport annuel présenté à l’Assemblée générale.

Dans un second temps, alors que les scandales des rémunérations avaient frappé l’opinion publique, la loi Breton de 20052 a renforcé cette obligation de transparence et a étendu l’application de la procédure

le Petit Juriste vous propose ce mois-ci de revenir sur une question très médiatisée du droit des affaires. les années 2000 ont été marquées par différents scandales, qui ont fait connaître au grand public les termes de « parachute doré », « retraite chapeau », « stock-options » ou encore « golden hello ». Pour compléter ce panorama des règles en vigueur et des différentes recommandations des organisations professionnelles, le Petit Juriste a recueilli les avis d’un magistrat, d’un professeur et d’un praticien.

1 Article L225-102-1 du Code de commerce issu de la loi sur les nouvelles régulations économiques n°2001-420 du 15 mai 2001 ; La loi de sécurité financière de 2003 a restreint le champ d’application de cette obligation en n’y soumettant que les sociétés cotées, et les sociétés non cotées mais contrôlées par une société cotée

2 Loi n° 2005-842 pour la confiance et la modernisation de l'économie du 26 juillet 20053 Loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d’achat n° 2007-1223 du 21 août 2007

Professeur Daniel TricotPrésident Honoraire de la Chambre

commerciale, financière et économique de la Cour de cassation

Professeur Michel GermainProfesseur de droit à l’Université

Paris II Panthéon - Assas

Maître Valérie LemaitreAvocate Associée du Cabinet

d’avocats Cleary Gottlieb Steen & Hamilton LLP

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des conventions règlementées. Enfin, la loi TEPA3 de 2007 a soumis l’attribution d’indemnités de départ à des critères de performance.

L’équilibre est difficile à atteindre pour le législateur, accusé par certains de laxisme et par d’autres de dirigisme. Le choix de l’autorégulation est donc depuis peu privilégié : l’Afep (Association des Entreprises Privées) et le Medef (Mouvement des Entreprises de France) ont rassemblé un certain nombre de recommandations dans un code de gouvernement d’entreprise4. L’accent est porté sur la régulation interne par le biais de comités de rémunération chargés d’influer sur la politique de rémunération du Conseil d’administration.

LPJ : Quel bilan faire des nombreuses interventions du législateur dans les années 2000 ?

Daniel Tricot : « Il y a eu beaucoup de textes sur la rémunération des dirigeants ces dernières années. On a connu une évolution absolument considérable en dix ans : ce qui était à l’origine vraiment secret, je ne dis pas honteux, mais secret, apparaît désormais ouvert à une certaine transparence, à une réflexion et à une stratégie. Maintenant je suis sûr qu’il est temps d’arrêter de légiférer et qu’il faut laisser les choses se reposer. Il faut que la loi cesse de fixer de nouvelles normes, celles qui existent devant être mises en pratique ».

Michel Germain : « En réalité la loi a tout de même une plus grande force et une plus grande précision que le code Afep-Medef. Certes l’autorégulation est une idée très chère aux professionnels. Les principes de «corporate governance» nés aux Etats-Unis étaient une forme d’autorégulation. Puis, après l’affaire Enron, est arrivée une vraie loi contraignante : la loi Sarbanes-Oxley. Souvent l’autorégulation se révèle un processus de fabrication d’une règle légale. Il peut y avoir aussi une autorégulation sous contrainte ; c’est ce qui s’est passé avec le code des rémunérations de 2008. Je ne suis pas sûr que ces recommandations en matière de rémunération eussent été appliquées sans la menace du pouvoir exécutif ».

Vers la fin du cumul contrat de travail et mandat social ?

« Bannir le cumul d'un contrat de travail avec un mandat social », c'est en ces termes que le rapport Houillon intitule son paragraphe concernant le cumul d'un mandat social et d'un contrat de travail5 .

Le cumul place le dirigeant social dans une situation hautement favorable : d'une part il bénéficie des fortes rémunérations au titre de son mandat social et d'autre part il reçoit la protection juridique du contrat de travail. Or, l'une des justifications d'un tel niveau

de rémunération est justement l'insécurité du statut de mandataire social. C'est la raison pour laquelle la loi et la jurisprudence ont défini des règles strictes de cumul.

Concernant le dirigeant social administrateur, la loi exige que le contrat de travail soit antérieur à la fonction d'administrateur, que l'emploi de salarié soit effectif et que le nombre d'administrateurs liés par un contrat de travail ne dépasse pas le tiers des administrateurs en fonction6. Enfin, concernant le dirigeant social n'ayant pas la fonction d'administrateur, la Cour de cassation a décidé qu'il fallait que la fonction de salarié corresponde à un emploi effectif.

Une incompatibilité juridique et éthique

Cette condition de l'emploi effectif requiert que le salarié soit lié par un lien de subordination avec la société, qu'il exécute une fonction spécifique et séparée de celle de son mandat social et qu'il bénéficie d'une rémunération distincte.

Dès lors, pour qu'un dirigeant d'une SA cotée puisse valablement cumuler son mandat social avec un contrat de travail, il doit obligatoirement être lié par un lien de subordination avec la société qu'il dirige… Très clairement, tant sur un plan juridique qu’éthique, le cumul d'un contrat de travail et d'une fonction de dirigeant mandataire social dans une SA cotée paraît impossible. Conscient de cette incompatibilité, et en prenant en compte la carrière du mandataire social, le juge a imaginé une suspension du contrat de travail si l'une des conditions du cumul n'est pas remplie7.

Par ailleurs, le Code de gouvernement d’entreprise de l’Afep et du Medef recommande aux entreprises qui renouvellent les mandats de leurs dirigeants de mettre

4 www.code-afep-medef.com5 Rapport d'information sur les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux et les rapports de marché présenté par le député Phillippe Houillon, p.746 Article L225-22 du Code de commerce

7 Cour de cassation, Chambre commerciale, du 12 décembre 1990, n°87-405968 Loi n° 2008-649 du 3 juillet 2008 qui est une transposition des dispositions de la directive 2006/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006

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un terme aux contrats de travail. La loi du 3 juillet 20088 a donné un appui à ce texte en établissant un mécanisme d’application : on respecte les dispositions, ou à défaut, on justifie pourquoi on ne les applique pas (le « comply or explain »). Il est encore tôt pour faire un bilan, mais l’AMF souligne que la pratique du cumul tend effectivement à disparaître lors des renouvellements de mandats sociaux.

LPJ : Quelle est la force juridique du code Afep-Medef ?

Michel Germain : « C’est une question difficile car à l’origine le code Afep-Medef était une sorte de recommandation déontologique, un bon comportement que l’on attendait des entreprises, sans force juridique. Il faut peut-être que les professionnels se méfient de ces codes pour une raison juridique qui est que l’on peut imaginer que les juges se servent de ces codes comme reflétant le standard du bon père de famille. A partir de ces codes, le juge pourrait dire : « vous n’avez pas fait ce que prescrit le code, vous n’êtes donc pas un bon père de famille et vous êtes alors responsable civilement des dommages ». Il y a un biais auquel les fabricants de codes n’ont pas forcément pensé mais qui peut avoir des effets réels. Mais cette observation générale est pour une part périmée, maintenant que le droit français connaît le principe « comply or explain ».

Valérie Lemaitre : « D’un point de vue juridique, nous sommes sur un terrain non contraignant puisqu’il n’y a pas, en tant que telle, d’obligation de respecter de simples recommandations. Mais la pression médiatique qui a accompagné ces nouvelles règles et le poids de plus en plus important que prennent les agences de recommandation de vote pour les assemblées des actionnaires font que les sociétés sont très souvent, de fait, contraintes de les respecter ; c’est à tout le moins le cas dans les sociétés dans lesquelles l’actionnariat est dispersé et où le vote des renouvellements de mandats, des résolutions relatives aux rémunérations différées et aux stock-options et actions gratuites n’est pas acquis ».

Quelles règles pour les rémunérations courantes ?

Le dirigeant social d’une SA cotée bénéficie au titre de sa fonction d'une rémunération déterminée par le Conseil d'administration que l'on peut qualifier de « courante » ; cela vaut tant pour le Président du Conseil d'administration que pour les Directeurs généraux et Directeurs généraux délégués9.

Cependant, le droit des sociétés admet la possibilité de demander l'avis d'un comité de rémunération. Cet organe est mis en place par le Conseil d'administration ou le Conseil de surveillance et a pour but de les placer dans les meilleures conditions pour déterminer les rémunérations des dirigeants. Il ne peut avoir qu'un rôle consultatif.

Au-delà de la rémunération fixe, les rémunérations courantes sont laissées à la liberté contractuelle, de sorte que fréquemment, le dirigeant social bénéficie, outre des avantages en nature, d'autres types de rémunérations.

L’encadrement de la part variable

Ainsi, la quasi-totalité des dirigeants sociaux de SA cotées se voient octroyer une rémunération variable appelée parfois « bonus ». Leur encadrement juridique se limite principalement à l'obligation d'information auprès de l'Assemblée générale, le Conseil d'administration devant préciser les « critères » ou les « circonstances » ayant conduit à leur octroi. Le législateur n'a pas défini de manière précise ces critères, de sorte que l'adéquation entre les performances économiques de la société et la variation de la rémunération n'est pas toujours totale. C'est la raison pour laquelle l'AMF recommande dans son rapport « que les société précisent le niveau de réalisation attendu des objectifs quantitatifs fixés aux dirigeants mandataires sociaux »10.

En outre, le dirigeant social, lorsqu'il est administrateur, bénéficie de jetons de présence. L’enveloppe globale est décidée en Assemblée générale et est répartie par le Conseil d'administration11. Il bénéficie aussi des rémunérations exceptionnelles pour les missions ou mandats qui lui sont confiés.

Le point sur les stock-options

Rappelons brièvement leur fonctionnement : une stock-option est une option d'achat futur offerte à un dirigeant sur un certain nombre d'actions de son entreprise. Lorsque le dirigeant décide de lever cette option, c'est-à-dire d'acheter ces actions, il ne les paie pas à leur cours réel, mais au cours qu'elles avaient lorsque les stock-options lui ont été attribuées. L’option ne constitue pas une obligation d'achat. Si le prix réel de l'action est inférieur au prix d'exercice, le dirigeant peut renoncer à exercer son option. Si le prix réel est supérieur, il a, en revanche, intérêt à exercer l’option.

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9 Articles L225-47 et L225-53 du Code de commerce10 Rapport de l'AMF sur le gouvernement d'entreprise et la rémunération des dirigeants p.9

11 Article L225-45 du Code de commerce

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Les stock-options et autres attributions gratuites d’actions sont particulièrement utilisées en France et constituent une part toujours très importante de la rémunération des dirigeants, même si d’après l’AMF la tendance est depuis peu à la baisse.

L’avantage de cet outil pour les entreprises est évident : il est totalement indolore pour la trésorerie car la plus-value se fait sur le cours de l’action et est donc financée par le marché. C’est la raison pour laquelle ce mode de rémunération a été très utilisé par les Start up à partir des années 1990.

Le régime juridique de l’attribution des stock-options peut sembler contraignant car, l’opération touchant le capital de la société, le plan d’attribution de stock-options doit être validé par l’Assemblée générale extraordinaire, qui se décide sur rapport du Conseil d’administration et du Commissaire aux comptes12. Lorsque les stock-options sont attribuées au moment où le dirigeant quitte ses fonctions, elles sont soumises aux règles encadrant les rémunérations différées (Cf. ci-dessous, Les parachutes dorés sous le feu législatif).

Un arsenal législatif varié

Comme pour les autres types de rémunération, ce sont les scandales qui ont engendré les règlementations13. Le législateur a d’abord cherché à établir des contraintes de conservation, afin de limiter les effets d’aubaine et encourager une gestion à long terme. La loi du 30 décembre 2006 a donc introduit l’idée que les dirigeants devraient garder les stock-options jusqu’à la cessation de leurs fonctions (ce qui est une obligation en cas d’attribution gratuite d’actions).

Puis, c’est l’ajustement des taxations sociales et fiscales des plus-values qui s’est montré être un levier important pour les pouvoirs publics. Par les différentes Lois de Finance et de Financement de la Sécurité Sociale, le législateur a rendu ce mode de rémunération plus coûteux, le rapprochant de plus en plus d’un revenu salarial14.

Puis, en réaction aux bonus distribués en 2008 par la Société Générale qui avait pourtant sollicité peu de temps avant l’aide de l’Etat, le gouvernement a édicté un décret15 interdisant les stock-options et attributions gratuites d’actions dans les sociétés aidées par l’Etat. Nous n’insisterons pas plus sur ce point car il s’agissait plus d’une intervention ponctuelle répondant à des nécessités conjoncturelles.

En fin de compte, la mesure la plus novatrice est celle introduite par la loi du 3 décembre 2008 sur les revenus du travail16 qui impose désormais aux sociétés cotées deux conditions alternatives avant toute attribution de stock-options ou attribution gratuite d’actions : soit procéder à une attribution de stock-options ou

d’actions gratuites à l’ensemble des salariés, soit conclure un accord de participation ou d’intéressement dans l’entreprise. Même si bien souvent il s’agit d’une contrainte relative puisque beaucoup de sociétés ont déjà conclu de tels accords, cette disposition a le mérite de proposer la démocratisation des stock-options plutôt que leur interdiction.

LPJ : Quel avenir pour les stock-options ?

Michel Germain : « Il y a sans doute eu dans les ouvrages de gestion et de management une illusion à propos de ces stock-options : l’idée très répandue dans ce genre de littérature était que les stock-options étaient un moyen un peu miraculeux de faire coïncider les intérêts des actionnaires et ceux des dirigeants. Mais on s’est rendu compte que cette vue était un peu utopique : on a vu avec l’affaire Enron que les dirigeants peuvent être en mesure de piloter la valeur de l’action sans pour autant que cela améliore l’état de la société. En conséquence, certaines grandes sociétés américaines ont pu décider que la meilleure solution était de supprimer cette chose magique qu’étaient les stock-options ; il n’y en a plus dans certaines sociétés. Peut-être que la solution est qu’il n’y en ait plus… Pour les dirigeants, pas pour les salariés ».

12 Articles L. 225-177 et L. 225-179 du Code de commerce13 Notamment les 12,9 millions d'euros pour Antoine Zacharias, ex-PDG du groupe de BTP Vinci, en 2006, et la même année les 8,2 millions d'euros pour Noël Forgeard, ex coprésident d'EADS

14 Rapport Houillon sur les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux et des opérateurs de marchés, 2009, p. 6015 Décret n° 2009-348 du 30 mars 200916 Loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008

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Les parachutes dorés sous le feu législatif

D’autres rémunérations sont par nature versées à la fin du mandat social du dirigeant. Il s’agit des « éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d’être dus à raison de la cessation ou du changement [des fonctions de dirigeant], ou postérieurement à celles-ci »17. Désignées sous le nom de « rémunérations différées » par les auteurs18, elles sont plus communément appelées «parachutes dorés». Cette appellation, prise au sens large, regroupe différents modes de versement.

Ainsi, lorsque le dirigeant quitte ses fonctions, il est régulièrement prévu dans son contrat avec l’entreprise qu’une prime lui sera versée à cette occasion, ce sont les indemnités de départ. De même, après la cessation de ses activités, le dirigeant se voit souvent accorder un complément de retraite ou « retraite chapeau », dispositif entièrement financé par l’entreprise qui vient s’ajouter aux mécanismes de retraite légaux. Ces deux exemples sont les plus courants, mais il est possible que d’autres avantages, tel que les stock-options, soient accordées post-mandat, auquel cas ils seront soumis à la règlementation des rémunérations différées.

Il faut bien distinguer le régime applicable selon que la société est cotée ou non. Depuis la loi Breton du 26 juillet 2005, dans les sociétés cotées, le versement de ces rémunérations est encadré par la procédure des conventions règlementées. Les rémunérations différées sont donc considérées comme une convention passée entre le dirigeant et l’entreprise. Cette conception contractuelle s’oppose à la conception institutionnelle de la rémunération différée retenue sous certaines conditions par la jurisprudence en matière de sociétés non cotées19.

La performance contre l’abus

La rétention de sûreté est subséquente aux problématiques D’autres exigences sont apparues avec la loi TEPA du 21 août 2007. Désormais, l’octroi de toute rémunération différée est soumis à des conditions de performance « du bénéficiaire, appréciées au regard de celles de la société ». Les éléments de rémunération qui ne respecteraient pas ces conditions de performance sont « interdits ». Le but des conditions de performance est de subordonner l’octroi de parachutes dorés à l’existence d’une cause qui le légitime. On ne voit pas pourquoi un dirigeant se verrait accorder une indemnité de départ alors que son activité n’a en aucun cas été bénéfique pour la société. Cependant, ni la jurisprudence ni la loi n’en ont donné une définition précise. En réalité, les critères de performance sont laissés à la liberté contractuelle. Dès lors, une appréciation in concreto est nécessaire pour juger s’ils sont effectivement présents.

LPJ : Comment le juge prend-il en compte les critères de performance ?

Daniel Tricot : « Le juge en France ne veut jamais - mais alors jamais - diriger par personne interposée une entreprise. Quand un juge désigne un administrateur provisoire avec une mission précise, il donne à ce dernier le pouvoir de faire ce qui est nécessaire à titre conservatoire, exploratoire, ou plus, mais c’est à lui de décider et non au juge. Jamais, dans la tradition jurisprudentielle, le juge ne prend une direction de gestion. Je suis très partisan de cela, car le juge n’est pas un dirigeant !Sur des cas caricaturaux, lorsqu’on est tellement au-delà de la marge raisonnable, ce n’est pas difficile. Je crois que le juge ne sanctionne que les excès très manifestes lorsqu’il n’y a pas de lien objectif, de mesure raisonnable entre la rémunération et l’activité. C’est une chose difficile à faire comprendre car les dirigeants de sociétés pensent toujours que l’on va les attendre seulement sur le terrain pénal ».

LPJ : Comment le praticien traite-il la question des critères de performance ?

Valérie Lemaître : « Il faut trouver un juste équilibre entre un mécanisme qui donne une réelle protection au dirigeant (qui soit raisonnablement atteignable) et un mécanisme qui soit considéré par les investisseurs comme suffisamment exigeant pour que les actionnaires l’approuvent. Si la résolution n'est pas approuvée, la rémunération votée reste valable mais les conséquences défavorables de la convention peuvent être mises à la charge des intéressés, à savoir le dirigeant lui-même et les membres du Conseil d’administration. Donc on imagine bien que si la résolution n'est pas votée il va y avoir une pression assez forte du Conseil auprès du dirigeant concerné pour revoir les dispositions prises afin d’éliminer un risque ».

Une procédure renforcée

C’est un véritable droit spécial des sociétés cotées qui s’est mis en place, ce qui a pour corollaire la complexification de la procédure encadrant les rémunérations différées.

Cette procédure est décrite à l’art L 225-42-1 du Code de commerce. La première étape est l’autorisation préalable du Conseil d’administration20. Après présentation d’un rapport spécial du Commissaire aux comptes, la convention sera ensuite soumise à l’approbation de l’Assemblée générale. L’intéressé ne pourra prendre part au vote sur la convention ni au Conseil d’administration ni à l’Assemblée générale. L’exigence de transparence sur les rémunérations est renforcée puisqu'un décret d’application21 impose la publicité de l’autorisation du Conseil d’administration sur le site internet de la société dans les cinq jours suivant la prise de la décision.

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17 Article L225-42-1 Code de commerce18 Les rémunérations différées des dirigeants dans les groupes de sociétés après la loi TEPA, 01 juin 2008, BJS, n° 6, p. 525. Y. Paclot, C. Malecki

19 Ch Com, 3 mars 198720 Articles L 225-38, L 225-41, L 225-42 du Code de commerce

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L’encadrement est consolidé non seulement par la soumission aux conditions de performance mais également par l’obligation de l’Assemblée générale de prendre des résolutions spécifiques pour chaque bénéficiaire. Il s’agit donc d’une «approbation renforcée», d’autant plus que cette dernière devra avoir lieu à chaque renouvellement de mandat de l’intéressé.

A propos de ces rémunérations différées, le rapport 2010 de l’AMF est plutôt mitigé. Dans l’échantillon étudié, 50% des sociétés ne précisent pas les conditions et modalités de versement des indemnités de départ.

Perspectives et droit comparé

A l’étranger, d’autres mécanismes sont utilisés à l’image du « say on pay » adopté au Royaume-Uni en 2002. Ce dispositif consiste à faire voter l’Assemblée générale sur l’ensemble des rémunérations du dirigeant mais seulement à titre consultatif. En conséquence, une désapprobation de l’Assemblée générale n’aurait aucun effet direct sur la validité de la rémunération. Cette méthode, bien que peu contraignante, s’est propagée aux Pays-Bas, en Norvège, en Suède ou encore en Australie22. Les Etats Unis, plus récemment, l’ont adoptée dans le Dodd-Frank Act23.

LPJ : Pensez-vous qu’une règlementation internationale pourrait intervenir dans les années à venir ?

Michel Germain : « Je suis un peu perplexe sur les règlementations supranationales ; il n’y a qu’à voir ce qui se passe pour les banques. Il existe un sentiment commun, mais de là à passer à une règle de droit positif… Il y a beaucoup de réticence car chaque Etat a ses intérêts propres qu’il conjugue avec l’intérêt de ses propres entreprises. Ceci nous éloigne beaucoup d’une règle commune ».

LPJ : Quelles seront, selon vous, les prochaines évolutions sur ce sujet ?

Daniel Tricot : « Il faudra admettre que la rémunération d’un dirigeant de société ne va pas toujours en montant et qu’à un moment donné, sûrement entre 55 et 60 ans, s’il veut rester dans la société, il sera sans doute utile qu’il prenne un peu de champ et qu’il perde de la rémunération. Il faut permettre aux 40-50 ans d’être puissants dans l’entreprise. Ce qui suppose que ceux qui approchent la soixantaine s’effacent et jouent un rôle différent : en qualité de dirigeants non exécutifs, participer au comité des rémunérations ou au comité des nominations, ou encore dans une structure duale, tenir pleinement leur rôle au conseil de surveillance sans empiéter sur les attributions des membres du directoire».

Valérie Lemaître : « Il y a eu très clairement une modification et une harmonisation des pratiques. Les nouveaux packages de rémunération mis en place devraient être de nature à éviter le type de scandales qu’on a pu connaitre, car les nouvelles règles ont amené beaucoup plus de mesure dans la pratique ».

Pour conclure sur une note optimiste, gageons que les scandales que nous vivons depuis dix ans sont finalement les soubresauts d’une évolution vers plus de transparence. Ce qui était tabou et privé hier est aujourd’hui dévoilé et commenté. A une époque où la communication est reine, ces affaires de rémunérations ont un impact de plus en plus conséquent sur l’image des entreprises. C’est sans doute celle-ci l’autorégulation la plus efficace…

Antoine BoUZAnQUET, Antoine DUFRAnE

et Yohann SMADJA

• www.code-afep-medef.com : Code de gouvernement des entreprises, décembre 2008• Rapports du 12/07/2010 et 07/12/2010 de l’AMF sur le gouvernement d’entreprise et la rémunération des dirigeants• Rémunération des dirigeants : évolution ou révolution ? Etude par M. Germain ; La Semaine Juridique Social n° 30, 21 Juillet 2009, 1333

• Stock-options : vers l'âge de raison ou chronique d'une mort annoncée ? B. Erard ; Cahiers de droit de l'entreprise n° 5, Septembre 2010, dossier 28• M. Germain, Traité de droit commercial. Tome 1, Volume 2, Les sociétés commerciales, LGDJ• Voir aussi sur le sujet les rapports Vienot I (1995), Marini (1996), Vienot II (1999), Bouton (2002) et Clément (2003)• Les rémunérations différées des dirigeants dans les groupes de sociétés après la loi TEPA, 01 juin 2008, BJS, n° 6, p. 525. Y. Paclot, C. Malecki• BJS 1 nov 2007 n°11 p. 1147, Les modifications apportées par l'article 17 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 V. Dominique.

PoUr En Savoir PlUS :

Erratum : Dans le précédent numéro dossier du mois sur les apports de la CEDH au cours de l'année 2010, nous avons omis de faire état de l'intervention du Professeur Hélène Tigroudja. Vous trouverez l'ensemble de son intervention sur le site du Petit Juriste.

21 Article R 224-34-1 du Code de commerce ; Décret du 7 mai 200822 Rémunération des dirigeants : « Say on Pay », une réalité bientôt française ?, C. Perchet, J. Sibille, Février 2010 Magazine Décideurs23 Réforme de la régulation financière du 21 juillet 2010 (Etats Unis)

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Visant à poursuivre et sanctionner les agissements des opérateurs économiques nuisibles au bon fonctionnement du marché, le droit de la concurrence présente un caractère quasi répressif. A l’instar de la procédure pénale, le contentieux anticoncurrentiel compte donc quelques particularismes par rapport au droit commun.

Un principe de loyauté plus souple inspiré du droit pénal

L’article 427 du Code de procédure pénale, tel qu’interprété par le Chambre criminelle de la Cour de cassation, permet à une partie privée d’établir valablement une preuve par quelque moyen que ce soit, tant qu’elle reste soumise au débat contradictoire. S’inspirant de cette solution, le Conseil de la concurrence avait assoupli l’exigence de loyauté de la preuve dans sa décision du 5 décembre 2005. L’enregistrement d’une conversation téléphonique réalisé par la partie saisissante à l’insu de son interlocuteur avait ainsi été reçu comme moyen de preuve valable. Jugé proportionné aux fins du contentieux anticoncurrentiel, ce moyen fût approuvé en appel par la Cour de Paris.

Cependant, le 3 juin 2008, la Chambre commerciale de la Haute Cour a cassé l’arrêt d’appel au visa de l’article 6§1 CEDH. L’éthique probatoire et la cohérence du droit en sortaient renforcées, la spécificité de la procédure pénale préservée. Mais la Cour d’Appel de Paris statuant sur renvoi, préoccupée par l’atteinte portée à l’efficacité du contentieux de l’Autorité de la concurrence, résiste, estimant que « l’utilisation de tels éléments de preuve n’est pas disproportionnée aux fins poursuivies par le droit de la régulation économique » . Une telle insoumission des juges du fond a suscité l’ire

de nombreux commentateurs. Comme le Professeur G. Decocq, ils se sont irrités de la prévalence ainsi accordée à l’efficacité de la lutte contre les comportements anticoncurrentiels sur l’éthique probatoire, les libertés individuelles et même la confiance en la justice.

Retour à l’orthodoxie

Saisie d’un nouveau pourvoi, l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation a imposé, dans un arrêt du 7 janvier 2011, la solution adoptée par sa Chambre commerciale en 2008. En plus de l’article 6§1 CEDH sont visés l’article 9 du Code de procédure civile, ainsi que le «principe de loyauté dans l’administration de la preuve». Deux conséquences découlent de cette décision de politique juridique. D’abord, la référence à l’article 9 du CPC rappelle que le contentieux de l’Autorité de la concurrence, « sauf disposition expresse contraire du Code de commerce », reste soumis à la procédure civile. Enfin, l’énonciation claire d’un « principe de loyauté dans l’administration de la preuve » semble supporter l’émancipation d’un ‘nouveau’ principe général du droit, vraisemblablement appelé à prendre de l’importance à l’avenir .

Quel avenir pour la preuve des ententes ?

Nombre d’auteurs ont applaudi ce recentrage du contentieux anticoncurrentiel sur les règles de droit commun. La cohérence générale du droit est renforcée par la réaffirmation de l’attachement à l’éthique probatoire, quel que soit le contentieux concerné. Cependant, si la construction théorique de l’argument est solide, la question d’un certain manque de pragmatisme se pose, tant l’incitation à la délation est importante dans la lutte contre les ententes anticoncurrentielles, souvent très difficiles à prouver. Ce que n’ont pas manqué de souligner certains auteurs au soutien de la décision de 2005.

Lucien MIDoT

loYaUté dE la PrEUvE : la fin d’UnE Saga JUdiCiairE

fin 2005, le Conseil de la concurrence s’était accordé une certaine autonomie dans la mise en œuvre du principe de loyauté dans l’administration de la preuve. au terme d’une bataille judiciaire de cinq ans, la Cour de cassation réunie en Assemblée plénière a finalement imposé le strict respect de ce principe à la Cour d’appel de Paris. Si cette victoire de l’éthique probatoire est saluée par beaucoup, reste que l’efficacité du contentieux anticoncurrentiel risque de s’en trouver significativement affaiblie.

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• David BOSCO, in Contrats Concurrence Consommation n°3.• Julien RAYNAUD, in La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n°15• E. CHEVRIER, in Dalloz Actualité, jan 2011.

PoUr En Savoir PlUS :

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L’hébergeur offre les moyens techniques nécessaires à la mise à disposition d’un contenu auprès du public sur Internet. Il s’agit bien souvent d’une

personne morale qui a pignon sur rue ; il peut donc être tentant pour la victime d’assigner l’hébergeur du contenu lorsque l’éditeur de ce dernier ne peut pas être identifié – parce qu’il a donné une fausse identité à l’hébergeur et a dissimulé sa véritable adresse IP. Si l’hébergeur était responsable du contenu hébergé au même titre que son éditeur, le risque serait alors grand de voir l’hébergeur se transformer en juge de fait enclin à effacer préventivement tout contenu potentiellement litigieux pour ne pas risquer d’engager sa propre responsabilité.

Afin de ne pas faire des hébergeurs un nouveau degré de juridiction obligé de préjuger de la légalité de tout contenu avant sa mise en ligne, et donc pour protéger la liberté d’expression et la liberté du commerce sur Internet ; un régime de responsabilité dérogatoire au droit commun leur a été accordé par une loi du 1er août 2000. En substance, ils ne sont responsables civilement et pénalement que si, saisis « par une autorité judiciaire, [ils] n'ont pas agi promptement pour empêcher l'accès » au contenu illicite.

Une difficulté est apparue quant à la notion d’hébergeur, avec pour enjeu le bénéfice de ce régime très favorable de responsabilité. Difficulté en partie tranchée par la première chambre civile dans un arrêt du 14 janvier 2010 (les faits de l’espèce dépendaient de la loi de 2000) où la qualification d’hébergeur est refusée à la société Tiscali au motif que celle-ci proposait « aux annonceurs de mettre en place, directement sur ces pages, des espaces publicitaires payants dont elle assurait la gestion » et que par conséquent « les services fournis excédaient les simples fonctions techniques de stockage ». Un arrêt qui a été très mal accueilli par les professionnels du secteur car, au-delà des hébergeurs gratuits tel Tiscali, il impactait plus globalement la situation de tous les sites dits du « web 2.0 » qui permettent à leurs visiteurs de s’exprimer gratuitement grâce à un modèle économique reposant sur la publicité. Une telle solution pouvait potentiellement conduire à la faillite de ces sites car il leur est économiquement impossible de contrôler a priori chaque contenu mis en ligne par les internautes, à titre d’illustration trente-cinq heures de vidéo sont mises en ligne chaque minute sur le site YouTube !

C’est dans ce contexte que les arrêts Fuzz et Dailymotion interviennent, et retiennent une solution diamétralement opposée. Il ne s’agit pas pour autant d’un revirement dans la mesure où les faits dépendaient cette fois de

la LCEN de 2004 qui a transposé en droit français la directive européenne sur le commerce électronique du 8 juin 2000. Est ainsi qualifié d’hébergeur tout prestataire qui met en ligne du contenu mais qui ne joue pas « un rôle actif de connaissance ou de contrôle des données stockées ». L’on retrouve mot pour mot la formule employée par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt Google contre Louis Vuitton du 23 mars 2010. La Cour de cassation précise « fût-il créateur de son site », ce qui permet de qualifier d’hébergeur les sites « web 2.0 » tels Dailymotion et Fuzz.

La qualité d’hébergeur ne peut donc se perdre que si le prestataire connait ou contrôle les données stockées. La Cour précise par conséquent que la commercialisation d’espaces publicitaires est sans incidence, c’est la principale évolution par rapport au droit positif antérieur à la transposition de la directive. Quant aux opérations de réencodage et de formatage des fichiers envoyés par les utilisateurs, elles sont qualifiées d’opérations techniques qui participent de « l'essence » du prestataire d'hébergement. Il en va de même pour les procédés qui visent à organiser les fichiers envoyés pour faciliter leur consultation (classification par catégories, ajout de mots-clés, etc).

Voilà une solution qui devrait, cette fois, pleinement satisfaire les professionnels du secteur.

Clément FRAnÇoIS

bénéfiCE dU régimE dE rESPonSabilitE dES hébErgEUrSla première chambre civile de la Cour de cassation vient de préciser les critères de la qualification d’hébergeur au sens de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (lCEn) par deux arrêts fuzz et dailymotion du 17 février 2010.

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• Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique• Rapp. Sénat de L. BÉTEILLE et R. YUNG du 9 fév. 2011 dans lequel est proposé une révision de la directive pour introduire une troisième catégorie d'acteurs à mi-chemin entre l'hébergeur et l'éditeur

PoUr En Savoir PlUS :

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In Egypt, many of the detainees are still being held incommunicado (without access to family or lawyers) with no official charges or reasonable

justification for those detained. Some fortunate detainees who were released said they were not so fortunate while in detention because of physical and psychological torture.

According to Human Rights Watch, the military led Government in Egypt has acknowledged that they still have protestors in prisons but have not made public the list of names of those still missing. Human Rights Watch said every detainee should be brought before a judge immediately to exercise their human right to obtain a writ of habeas corpus. Writ of Habeas corpus is a Latin term literally meaning (we command) “you are to have the body.” It is seen in legal documents as habeas corpus ad subjiciendum. A writ of habeas corpus is a summons with the power of the court order, addressed to the custodian ( prison official) demanding that a prisoner should be taken before the court, and that the custodian come forth with proof of authority, permitting the court to determine if the custodian has legal authorization to detain the prisoner. If the showing for the proper restraint of freedom is insufficient, the court is bound by duty to order the termination of the restraint therefore giving liberty to the prisoner.

According to Blackstone Legal Dictionary, the first recorded usage of the “great wit” was in 1305 during the reign of King Edward I of England. Blackstone, “The King is at all times entitled to have an account, why the liberty of any of his subjects is restrained, wherever that restraint may be inflicted.” The procedure for issuing a writ of habeas corpus was first codified by the Habeas Corpus Act of 1679 in England, following judicial rulings which had restricted the effectiveness of the writ. Despite this date, it clearly precedes the Magna Carta of 1215. According to law journalist Joseph Dale Robertson, Magna Carta obliquely makes references to Habeas Corpus through express reference to the law of the land. From Magna Carta the exact quote is “ no free man shall be taken or imprisoned or disseised or exiled or in any way destroyed except by the lawful judgment of their peers or by the law of the land.” The practice and right of Habeas Corpus was settled practice and law at the time of Magna Carta and was thus a fundamental part of the unwritten common “law of the land”.

In Libya the “law of the land” can be found in Moammar Gadhafi’s GREEN BOOK on government,

published in 1975. While his son Saif al Islam Gadhafi has called once again for a constitution during the uprisings, Colonel Gadhafi still has his own methods of governing found in the Green Book. One excerpt is as follows: “The natural law of any society is grounded in either tradition (customs) or religion. Any other attempt to draft law outside these two sources is invalid and illogical. Constitutions cannot be considered the law of society. These constitutions are based solely on the premises of the instruments of dictatorial rule prevailing in the world today…” Astonishing quote from the Colonel considering that he is a Dictator himself.

The U.S. STATE Department claims his authoritarian regime has had a poor Human Rights record for years, currently getting worse! Political prisoners held with no charges or trial and no chance for a writ of habeas corpus , arbitrary arrests and detention, prisoners held incommunicado. The judiciary is controlled by the state, and there is no right to a fair and public trial. Freedom of speech, press, assembly, association, and religion are restricted. Independent human rights organizations are prohibited. Ethnic and tribal minorities suffer severe discrimination according to the United Nations Human Rights Watch. After all these occurrences, should anybody be startled at the current revolution in Libya ?

Robert W. Curley, Jr (new York) Communications Consultant

for Business Law/ Finance in English [email protected]

Writ of habEaS CorPUS : tragiCallY ignorEd again in

north afriCa’S latESt UPriSingSthe recent revolutions in tunisia, Egypt and more recently libya (United nations members) have produced not only civilian casualties, but also what the international community is calling unlawful detainment of anti-government protestors.

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Le nucléaire civil avait connu un renouveau depuis quelques années. La Chine, l’Inde, Abou Dhabi, l’Arabie Saoudite, pour ne citer qu’eux, ont récemment fait le choix de cette énergie. L’Italie, qui y avait renoncé par référendum en 1987, a affirmé en mai 2008 qu’y revenir était inévitable. L’Allemagne envisageait de prolonger de 12 ans en moyenne la vie de certains de ses réacteurs (en dépit de la loi passée en 2002 qui prévoyait leur fermeture progressive). A présent l’Italie hésite et l’Allemagne a décidé d’un moratoire sur les prolongations.

En France, pays comptant 58 réacteurs nucléaires produisant près de 80% de l’électricité consommée, cette énergie jouit d’un statut particulier. Des années 1960, où l’aventure du nucléaire civil a débuté sous l’impulsion du général De Gaulle, à 2006, la création de telles installations était en effet régie par un simple décret. Cependant, des principes tels la participation du public, l’information, la précaution ou encore la prévention sont désormais garantis et s’appliquent au domaine du nucléaire.

Les principes de participation et d’information

L’article L.110-1 du Code de l’environnement affirme que : « chacun a accès aux informations relatives à l'environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses, et le public est associé au processus d'élaboration des projets ayant une incidence importante sur l'environnement ou l'aménagement du territoire ». La Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de 1992, qui a inspiré la rédaction de cette définition, énonce en son principe 10 que la meilleure façon de traiter les questions d’environnement est de favoriser la participation de tous les citoyens, ce qui nécessite une information préalable. Le principe de participation, qui va de pair avec celui d’information, a été renforcé par la loi dite « Grenelle 2 ». Ces principes

sont également protégés à l’article 7 de la Charte de l’environnement de 2004 qui a été intégrée au bloc de constitutionnalité français par la loi constitutionnelle du 1er mars 2005. L’accès à l’information en matière d’environnement est garanti au niveau européen par la directive du Conseil du 7 juin 1990 et sur le plan international par la convention d’Aarhus du 25 juin 1998.

Le principe de précaution

Le principe de précaution est également énoncé à l’article L.110-1 du Code de l’environnement. Il s’agit du principe « selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ». Ce principe est aussi consacré à l’article 5 de la Charte. Au niveau communautaire, il est affirmé à l’article 191 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne, tandis qu’au niveau international, il est prévu dans de nombreuses conventions et au principe 15 de la Déclaration de Rio.

Le principe de prévention

Le principe de prévention enfin implique la mise en œuvre de règles et d’actions pour anticiper toute atteinte à l’environnement. Il requiert des mécanismes tels l’étude d’impact, l’autorisation préalable, la correction à la source ou les éco-audits. Comme le principe de précaution, il est énoncé à l’article 191 du TFUE ainsi qu’à l’article L.110-1 du Code de l’environnement. Il n’est pas nommément cité dans la Charte mais l’article 3 y fait indirectement référence.

La tendance est donc au renforcement de cet arsenal juridique et il est fort probable de voir dans les années à venir de nombreux contentieux liés à l’application de ces différents principes.

Charles HUARD

PoUr En Savoir PlUS :

• Loi n° 2006-686, 13 juin 2006, relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dite « TSN »

• Revue environnement et développement durable ; LexisNexis, Mars 2011 n°3, article de Marie-Béatrice LAHORGUE

lE nUCléairE Et lES PrinCiPES généraUX dU droit dE l’EnvironnEmEnt

Près de 25 ans après la catastrophe de tchernobyl, l’accident nucléaire de fukushima relance la controverse quant aux dangers liés à ce type d’énergie et nombreux sont ceux qui avancent des arguments juridiques pour demander un moratoire. retour sur les grands principes du droit de l’environnement invoqués dans ce débat.

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lUn populisme pénal

Les victimes sont de plus en plus appelées par leur prénom (affaire Laetitia) et la sphère politique tend à utiliser les faits divers pour exploiter l'effroi de la population. Le langage politique vise à rechercher immédiatement des « coupables » là où les juges prennent le temps de l'analyse. Cette impression donnée au peuple d'une magistrature insensible au deuil et à la douleur des victimes blesse les juges dont le métier est de juger, non de venger.

Une incohérence politique

Un manque flagrant de cohérence dans les annonces politiques est, en outre, souligné par les magistrats. Ainsi, d'un côté, on affirme vouloir fixer des peines planchers (hard criminal policy), et de l'autre, on tend vers un aménagement obligatoire des peines de moins de deux ans (soft criminal policy). Pour Antoine Garapon, magistrat, il n'est pas possible de se proclamer champion du « tout sécuritaire », avec les visées électorales afférentes, et d'établir parallèlement une justice low cost, laquelle, faute de moyens, se doit de limiter les peines privatives de liberté.

Un avenir inquiétant

En dépit de la réserve judiciaire destinée à soutenir les juridictions (art. 164 Loi n°2010-1657, 29 déc. 2010 de finances pour 2011), les perspectives contribuent à accroître les appréhensions des juges. En effet, de nouvelles attributions chronophages sont annoncées. Il en va ainsi des pouvoirs qui vont revenir au magistrat dans le cadre de la réforme de la garde à vue et dans celui du contrôle des hospitalisations d'office ; les procédures

actuelles ayant été déclarées inconstitutionnelles à la suite de QPC. D'autres données, comme la faiblesse du budget alloué à l'aide juridictionnelle, inquiètent jusqu'à l'avocature.

Ainsi cette "révolte" n'est donc pas le fait de personnes omnipotentes et imbues d'elles-mêmes ne supportant pas la contradiction mais bien une vive réaction à ce qui pourrait dégénérer en une atteinte grave aux libertés fondamentales.

Le principe de la présomption d'innocence (art. préliminaire du Code de procédure pénale), essentiel pour le droit à un procès équitable, a été écorché avec l'affaire Pornic. Pourtant, ce principe est indispensable pour le respect du contradictoire et constitue un gage de sérénité de la justice. Il est la condition de la production de décisions vraiment juridiques...c'est-à-dire objectives et dépassionnées. Or, ici, les réactions politiques semblent omettre qu'une culpabilité ne peut être établie qu'au terme d'une décision définitive qui implique nécessairement l'écoulement d'un certain délai.

Toujours sur le plan des libertés fondamentales, les déclarations du Président de la République ont choqué car celui-ci, en tant que « garant de l'indépendance de l'autorité judicaire » (art. 64 de la Constitution) doit veiller à l'indépendance des magistrats et non à leur subordination à l'exécutif. Cette volonté de sanctionner des magistrats, presque personnellement, va donc totalement à l'encontre de cette norme constitutionnelle puisqu'elle implique que le troisième pouvoir serait soumis au pouvoir hiérarchique de l'exécutif (il en est déjà ainsi des membres du Parquet dont le caractère de magistrat est dénié par la CEDH).

Ce mouvement d'affaiblissement du pouvoir judiciaire risque fort de se poursuivre au vu du symbolique projet de « jurys populaires » dans les tribunaux correctionnels. L'idée selon laquelle le peuple devrait surveiller des juges laxistes est à peine voilée. Ce coûteux projet s'inscrirait dans une philosophie inédite et curieuse de contre-pouvoir au pouvoir judiciaire. Cette annonce semble oublier qu'en tant que protecteur consciencieux des droits fondamentaux, le pouvoir judiciaire n'est pas une menace...mais bien le plus puissant des contre-pouvoirs.

Aurélien RoCHER

a la suite des réactions de l'exécutif dans l'affaire de Pornic, un vent de révolte s'est propagé dans le corps judiciaire générant de nombreuses mesures de protestation. Manque chronique de moyens, sentiment de défiance vis-à-vis d'elle, la justice a été malmenée et a communiqué sur le malaise qui la traverse. Quelques lignes de force de ce mouvement peuvent être présentées.

la grognE dES magiStratS

• http://www.union-syndicale-magistrats.org• Malaise dans la magistrature, JCP G 2011, act. 199

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aLe Petit Juriste a le plaisir de vous inviter à une Conférence-débat, intitulée :

Révolutions dans le monde arabe : Vers un Etat de droit ?

Jeudi 28 avril, de 16h30 à 19h,A l’université Paris II Panthéon - Assas (Amphithéâtre 1)

Invité d’honneur :Le Prince Hicham ben Abdallah Al Alaoui, Cousin du roi du Maroc Mohamed VI, Chercheur invité à l'université de Stanford. Intervenants (sous réserve de modifications) :- Karim Amellal, Auteur, enseignant à Sciences Po, directeur général de la chaîne de télévision Stand Alone Media,- Alexandre Kateb, Economiste, maître de conférences à Sciences Po, directeur du cabinet Compétence Finance,- Gilles Guglielmi, Professeur de droit public à l’université Paris II Panthéon - Assas,- Olivier Beaud, Professeur de droit public à l’université Paris II Panthéon - Assas,- Vincent Geisser, Sociologue et politologue français, chargé de recherches au CNRS et à l’IREMAM.

Inscription obligatoire : Envoyez un mail à : [email protected]

L’Association du Master 2 Droit Public Approfondi de Paris 2 vous invite au colloque, auquel participera notamment le Professeur Prélot qui portera sur le thème :

droit public et fait religieux

le vendredi 8 avril 2011 de 9h à 17h,Au Panthéon, 12 place du Panthéon,

Paris Ve - Salle des Conseils.

Si vous souhaitez assister au colloque, veuillez envoyer un e-mail à la Présidente de l'Association à l’adresse suivante : [email protected]

Nous vous attendons nombreux !

ConFéREnCES

L’association Le Petit Juriste, avec le soutien de l’Université Lille II, vous invite à sa journée d’études sur le thème :

l’Etat, le droit, l’économie : un Etat tourmenté ?

Le Mardi 12 Avril 2011 à partir de 9h, Amphithéâtre René CASSIn,

Université Lille II

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Le Petit Juriste : Quelle est votre formation ?

Mathieu Della Vittoria (MDV) : J’ai suivi un cursus juridique assez classique, tout d’abord à l’université de Metz jusqu’au master 1, puis à l’Université de Nancy II pour le master 2, où j’ai intégré le DJCE (diplôme de juriste conseil en entreprise). Je suis ensuite entré, en 2008, à l’école de formation du barreau (EFB) de Paris.

Aude Manterolla (AM) : J’ai une formation universitaire en droit privé que j’ai terminée par le DEA de droit Privé général de l’Université Panthéon - Assas (Paris II). J’ai ensuite obtenu l’examen du Barreau de Paris.

LPJ : Quelles ont été vos expériences avant votre première collaboration ?

MDV : J’ai commencé par travailler pendant deux ans, en parallèle de mes études de droit, comme clerc-rédacteur dans une étude notariale, où je me suis formé à la rédaction d’actes et à la pratique notariale. Par la suite, j’ai effectué plusieurs stages au sein du cabinet d’avocats de Me Bertrand Becker, bâtonnier au barreau de Metz, où j’ai découvert l’activité d’un cabinet d’affaires de province. Dans le cadre de ma formation DJCE, j’ai eu l’opportunité d’intégrer le cabinet d’avocats d’affaires américain Sullivan & Cromwell LLP pour y effectuer un stage de trois mois. Après un passage par la direction juridique du groupe d’assurances Axa, je suis revenu chez Sullivan & Cromwell pour y faire mon stage en alternance (6 mois) et mon stage final EFB (6 mois), puis en devenir collaborateur en novembre 2009.

AM : J’ai commencé par effectuer un stage en juridiction, et plus précisément à la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Toulouse, ce qui m’a permis de découvrir le fonctionnement d’une juridiction mais aussi les moyens dont disposaient les magistrats. Puis j’ai effectué divers stages dans des cabinets d’avocats de taille moyenne à Paris, qui étaient des stages de découvertes, permettant d’appréhender le fonctionnement des cabinets d’avocats. J’ai ensuite réalisé un stage de six mois à la direction juridique du Groupe Figaro, avec une activité importante en conseil, et accessoirement une activité précontentieuse. Ce stage a surtout été l’occasion de découvrir le monde de l’entreprise et plus particulièrement le traitement du juridique/judiciaire. J’ai enfin intégré pendant six mois le cabinet d’avocats Veil Jourde à

Paris, dans le pôle Contentieux des affaires, pour mon stage de fin d’études dans le cadre de la formation à l’Ecole du Barreau de Paris. Ce stage a été l’occasion de mettre un pied dans la profession : j’ai pu rédiger des écritures (assignations et conclusions) et découvrir l’activité plaidante.

LPJ : Pourquoi avez-vous choisi ce cabinet ? (pourquoi un cabinet international et pas franco-français)

MDV : Sullivan & Cromwell LLP est un cabinet d’avocats américain de plus de 750 avocats. Le bureau de Paris comprend une trentaine d’avocats spécialisés en droit des affaires. J’ai choisi ce cabinet parce qu’il me permettait de travailler sur des dossiers de très grande envergure et d’acquérir très rapidement une expérience importante. Ce cabinet présente également l’avantage de ne pas « départementaliser » ses activités, ses avocats intervenant dans différents secteurs du droit des affaires, ce qui permet de conserver une pratique variée. Intégrer un cabinet américain signifie nécessairement être amené à travailler beaucoup et passer de (très) nombreuses heures au cabinet, mais cela permet également de bénéficier d’une excellente formation et de conditions de travail privilégiées, notamment en terme de rémunération.

AM : Essentiellement parce que je souhaitais avoir une activité plaidante dès les premières années de collaboration. J’avais aussi envie de pouvoir traiter un dossier de A à Z (du rendez vous client aux voies d’exécution). Je n’entendais pas en effet me limiter à faire des recherches et des notes juridiques sur un dossier ou encore ne traiter qu’une partie d’un dossier contentieux. Par ailleurs, j’étais à la recherche d’une activité contentieuse diversifiée et je voulais donc un cabinet qui se développait dans un large domaine d’activités. En outre, j’avais envie d’un cabinet « à taille humaine » qui facilite une relation directe avec les associés pour lesquels l’avocat collaborateur travaille. Enfin, ce type de structure laisse les moyens de développer sa clientèle personnelle et donc son épanouissement personnel dans la profession.

LPJ : Sur quels types de dossiers travaillez-vous ?

MDV : Le cabinet incite ses collaborateurs à diversifier leur activité, ce qui me permet de pratiquer à la fois une activité de conseil et une activité contentieuse. Co

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Le Petit Juriste vous propose ce mois-ci les témoignages de deux jeunes avocats collaborateurs. Les différences entre cabinet français et international, les dossiers et clients spécifiques à chacun... Tout ce qu'il faut savoir lorsque l'on s'engage dans la profession d'avocat.

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L’activité de conseil porte sur des opérations de fusions-acquisitions, principalement pour des sociétés cotées, mais également sur des opérations de marchés de capitaux telles que des introductions en bourse ou des émissions de titres financiers sur les marchés financiers internationaux.

En terme de pratique contentieuse, les dossiers sur lesquels j’ai eu l’occasion d’intervenir concernent essentiellement des contentieux entre actionnaires mais également des dossiers relevant du droit des procédures collectives, notamment dans le cadre d’actions en responsabilité dirigées contre les dirigeants ou actionnaires de sociétés en faillite. J’ai également eu la chance, mais de tels dossiers sont plus rares, de participer à la défense d’une société cotée dans le cadre d’une procédure diligentée par la Commission des sanctions de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF). Pratiquer ces deux activités est essentiel à mes yeux car elles sont tout à fait complémentaires. La perception judiciaire aide à rédiger au mieux un contrat et la connaissance des opérations de marché et des dossiers de fusion & acquisitions est un atout considérable dans les dossiers de contentieux.

AM : Je travaille essentiellement sur des dossiers contentieux, en droit immobilier et droit bancaire. Les dossiers en droit immobilier sont généralement des dossiers contentieux volumineux du fait de nombreuses parties à la procédure. Le Cabinet traite notamment des contentieux nés des produits immobiliers dits de défiscalisation qui ne tiennent pas toujours leurs promesses ce qui génèrent un contentieux de masse. Ce type de contentieux fait appel principalement aux règles du droit des obligations (responsabilité délictuelle et contractuelle) mais exige aussi une spécialisation dans le droit des baux commerciaux et les règles relatives à la copropriété ainsi qu’une vue générale sur les mécanismes fiscaux applicables aux produits financiers.

Quant aux dossiers de droit bancaire, ils sont essentiellement des dossiers techniques qui font appel tant à des connaissances en droit civil (principalement le droit des obligations et le droit des sûretés) qu’à des

connaissances en droit bancaire (le fonctionnement des comptes bancaires ou encore les règles spécifiques du Code de la consommation). En outre, il m’arrive aussi de traiter pour le Cabinet des dossiers en droit des successions qui laissent une part importante à l’interprétation des actes et des faits et donc à l’imagination de l’avocat ! Enfin, une part importante des dossiers traités (tant en matière immobilière qu’en matière bancaire) font appel au droit des procédures collectives.

LPJ : Pour quels types de clients ?

MDV : Nous sommes régulièrement amenés à conseiller des sociétés du CAC 40 dans le cadre de leurs opérations financières ou d’acquisitions (notamment par OPA). Evidemment, nous intervenons également pour de nombreuses sociétés étrangères cotées en bourse, notamment américaines. AM : Les clients du cabinet sont essentiellement des PME et des établissements bancaires.

LPJ : Quelles sont vos impressions depuis le début de votre collaboration ?

MDV : Il est pour moi essentiel de développer, dès ses premières années, une pratique variée et de ne surtout pas s’enfermer trop tôt dans un secteur d’activité très spécialisé. C’est une garantie d’indépendance et une source de développement personnel très importante. Je dirais pour finir que le métier d’avocat apporte de grandes joies, c’est indéniable. Il apporte également beaucoup de moments de doute et d’incertitudes qu’il faut apprendre à gérer avec les années.

AM : Du fait de la diversité des dossiers traités, j’apprends tous les jours et je n’ai donc pas de sentiment de lassitude ou de routine. Par ailleurs, l’activité plaidante permet d’avoir une approche différente des dossiers ; on apprend en effet en plaidant que l’on peut perdre un dossier juridiquement bien fondé et inversement que l’on peut gagner un dossier mal engagé. Quant à son développement personnel au sein de la profession : il est difficile, à mon sens, de développer une clientèle personnelle dès les premières années de collaboration. En effet les dossiers personnels sont plutôt rares et de fait la priorité est donnée au traitement des dossiers du Cabinet. Cependant, il faut garder à l’esprit que la profession est une profession de réseau et qu’il faut donc toujours être ouvert vers l’extérieur afin de saisir les opportunités.

Mathieu Della Vittoria, avocat Sullivan & Cromwell LLPAude Manterola, aocat chez Idrac & Associés

Interview réalisée en partenariat avec l'AD&A (Association Droit & Affaires)

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rupture du Cdd à l’initiative du salarié

Dans un arrêt rendu le 9 février 2011, la Cour de cassation rappelle que le salarié ne peut pas rompre le CDD avant l’échéance de son terme en dehors des cas prévus par le Code du travail, à savoir : la force majeure, la faute grave, l’accord des parties ou encore si le salarié peut justifier de la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée. Dans le cas où le salarié rompt sans se placer sur l’un de ces motifs, l’employeur a la possibilité de demander le versement de dommages - intérêts correspondants au préjudice subi.

Création d’un portail internet unique de réutilisation des

données publiques

Le décret n° 2011-194 du 21 février 2011, publié au JO le 22 février 2011, crée la mission «Etalab», pour la mise en place d’un portail unique interministériel (data.gouv.fr), rassemblant l’ensemble des données publiques de l’Etat, de ses établissements publics administratifs, voire des collectivités territoriales et des personnes de droit public ou privé chargées d’une mission de service public si elles le souhaitent, en vue de leur réutilisation. La mise en place de ce portail constituait l’une des mesures importantes des 150 initiatives d’amélioration et de simplification des services publics en ligne au profit des usagers. Les informations publiques réunies par le portail pourront être, entre autres, à caractère démographique, économique, statistique ou géographique. Le portail mobilisera également certaines informations brutes, afin de proposer, dans un souci de transparence et de modernisation de l’Etat, de nouveaux services publics en ligne aux citoyens.

Un regard sur toutes vos données laissées

sur internet

Dans le cadre de la Loi pour la Confiance dans l'Economie Numérique (LCEN), un décret a été publié le 1er mars au Journal Officiel. Depuis cette date, les fournisseurs d'accès internet et hébergeurs ont l'obligation de conserver pendant une période d'un an toutes les données à caractère personnel afin de pouvoir les transmettre aux autorités requises dans le cadre d'enquêtes de police, gendarmerie, ou même dans les cas de répression des fraudes engagées par le fisc, les douanes, ou l'URSSAF. Ainsi, tous les éléments figurant sur internet et postés par une personne seront conservés. Cela concernera tant les pseudonymes et identifiants utilisés, comptes associés, mots de passe, adresse IP, mais aussi les noms et prénoms de l'internaute, adresses postales indiquées, numéros de téléphone, nature des commandes passées sur le net, informations bancaires, date et heure des actions réalisées. Cette obligation de conservation et de transmission va jusqu'à s'appliquer aux commentaires laissés sur des réseaux sociaux, aux vidéos ou photos mises en ligne sur les blogs, forums, hébergeurs.. Et ce, même après la suppression du compte.

rémunération due a l’architecte au titre

de son contrat

Le décret portant application de la loi (adoptée le 15 septembre 2010) visant à suspendre les allocations familiales aux parents dont les enfants font preuve d’absentéisme scolaire a été publié au Journal Officiel le 24 janvier dernier. Le

décret adopté dispose qu’ « en cas d'absentéisme scolaire, au moins quatre demi-journées sur un mois, le directeur de l'organisme débiteur de prestations familiales est tenu de suspendre, sur demande de l'inspecteur d'académie, le versement de la part des allocations familiales due au titre de l'enfant. » Selon un communiqué commun du Ministre de l’éducation nationale et de la Ministre des solidarités, la suspension des allocations familiales constitue « l'ultime recours » dans le dispositif de lutte contre l'absentéisme scolaire. On estime à 300 000 le nombre d’élèves régulièrement absentéistes.

garantie décennale en cas de pluralité

de réception

La garantie décennale court à partir de la réception des travaux. Cependant, lorsqu’un immeuble subit différentes réparations intervenant à des moments distincts, cet immeuble se verra-t-il appliquer une pluralité de garanties décennales débutant à des moments différents ? Selon l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 2 mars 2010 (pourvoi n°10-15211), dans les cas où plusieurs réceptions distinctes les unes des autres interviennent, il faudra les prendre en compte. La prise en compte de la dernière réception afférant à des travaux de reprise globale des anciens ne peut être seule prise en compte en omettant les deux autres réceptions. Ainsi, lorsque différentes réceptions ont eu lieu sur une même partie d’immeuble, la dernière intervenant sur la globalité ne pourra représenter une réception générale et commune aux autres ouvrages, même repris.

retrouvez dans cette rubrique l’essentiel de l’actualité juridique pas toujours médiatisée, mais bien résumée !

En b

rEf droit SoCial

droit PUbliC

droit dE la famillE

droit dE l'intErnEt

droit dE la ConStrUCtion

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Créée en 1961 sous l’impulsion d’associations étudiantes corporatives apolitiques, asyndicales et aconfesssionnelles, l’UNEDESEP - Union Nationale des Etudiants en Droit, Gestion, AES, Sciences Economiques, Politiques et

Sociales -, a pour but d’aider et de représenter les étudiants de ses filières devant les institutions (ministère de la justice, ministère de l’enseignement supérieur, Conseil National des Oeuvres Universitaires et Scolaires (CNOUS), Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (CNESER) …).

Fédérant une trentaine d’associations étudiantes locales, l’UNEDESEP est l’unique association étudiante nationale qui représente les quelque 360 000 étudiants en sciences sociales. Grâce à une centaine d’élus étudiants locaux implantés dans une trentaine d’universités – parmi lesquelles Paris II, Bordeaux IV, Lyon 3, Dijon, Lille 2, Lyon 2, Montpellier I –, et d’élus nationaux au CNESER et au CNOUS, l’UNEDESEP a toujours su être une force de proposition reconnue et

entendue par les instances décisionnelles, comme en attestent nos travaux récents sur les stages hors cursus et sur les Ecoles Professionnelles de Droit.Outre le volet représentation, l’UNEDESEP œuvre au quotidien pour aider les associations étudiantes à se développer dans les meilleures conditions. A ce titre, plusieurs fois part an, l’UNEDESEP organise des week-end de formation et de débats pour les responsables associatifs et les élus étudiants, qui sont l’occasion d’échanges et de mutualisation des moyens nécessaires au développement d’une association étudiante. Ainsi, tous les ans, l’UNEDESEP édite des guides des métiers du droit, distribués à 70 000 exemplaires aux étudiants via son réseau d’associations.

Le Petit Juriste, créé par des étudiants de Paris II et distribué à l’échelle nationale depuis peu via le réseau d’associations de l’UNEDESEP, est l’exemple parfait des échanges qui peuvent exister entre nos associations, qui s’entraident pour améliorer chaque jour un peu plus le quotidien des étudiants en droit !

alexis dEbordEPrésident de l'UNEDESEP

Le Petit Juriste vous présente son réseau de distribution

L’UnEDESEP, la fédération des associations étudiantes en sciences sociales

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aPrèS lE droit, Un PEU dE travErS !

Citation du mois

« La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité. ».Albert Camus

Le film juridique du mois : « The Social network »

Acteurs : Jesse Eisenberg, Justin Timberlake, Andrew Garfield…

Réalisateur : David Fincher

Synopsis : C’est à la suite d’une soirée arrosée et d’une déception sentimentale que Marc Zuckenberg, étudiant, décide de créer un site permettant d’élire la fille la plus sexy du campus. Pour se faire, il se lance dans le piratage du réseau informatique d'Harvard. La diffusion prend une ampleur inattendue et va jusqu'à détruire le site de l’université. Cependant, des étudiants d’Harvard viendront le solliciter pour la création d’un site qui permettrait de mettre en contact les étudiants entre eux. Mais Zuckenberg laisse de coté ce projet pour se consacrer à la création de son idée qui tend à mûrir dans son esprit qu’est le réseau social « The facebook ». Qui pourra revendiquer la propriété du site qui se rapproche du concept imaginé par les étudiants d’Harvard ?

Intérêt : À prime abord, ce film semble n’être qu’une biographie partielle retraçant la naissance de l’un des plus célèbres réseaux sociaux. Pourtant, il est bien plus que cela. Tout un aspect juridique s’offre au spectateur, qui est

souvent un utilisateur. Dans le cas présent, ce sont les problèmes juridiques qu’a pu rencontrer le fondateur qui sont mis en valeur. Ainsi, ce sera le domaine de la propriété intellectuelle qui sera abordé tout en retraçant un contexte où l’argent, les stratégies, et les alliances surgissent… A ne pas rater.

Le bon plan du mois

Le Petit Juriste est heureux de vous annoncer la naissance de « Justimémo ». Le droit doit être connu et accessible de tous. Quel étudiant en droit n’a jamais entendu cette phrase lors de ses premières années ? Et pourtant, juriste que nous sommes, il est aisé de voir que la multitude des textes, des juridictions et toutes les subtilités offertes par le droit peuvent paraître tant comme un hobby que comme un casse tête pour certains. Le site consiste en une platerforme multimédia pédagogique. Vous y trouverez des fiches explicatives mais aussi des vidéos et des fichiers au format audio afin de vous informer tant sur les tribunaux, que les professions juridiques, ou les nouveautés du droit. Bonne navigation… http://justimemo.justice.gouv.fr/

Le chiffre du mois : 700 000, le nombre de garde à vues au cours de l'année 2010

Publication – Edition – rédaction8 rue Rembrandt - 75008 ParisDirecteur de la publication : Adrien CHALTIELRédacteur en chef : Alexis VAUDOYERResponsable Internet : Antoine FAYEMaquettiste - Communication : Paul MAILLARDResponsable partenariats : Antoine BOUZANQUET Dépôt légal : Novembre 2008Le Petit Juriste - Association culturelle loi 1901

Avec la participation de tous les membres du Petit Juriste.

Remerciements particuliers à L'université de Valenciennes, Delta Color, l'UNEDESEP, TVDMA, l'Association Droit & Affaires.

FAIT PAR LES ETUDIANTS POUR LES ETUDIANTS

L E P ETIT J U R I S T E

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En Savoir PlUS :FAIT PAR LES ETUDIANTS POUR LES ETUDIANTS

L E P ETIT J U R I S T E

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