Le Monde-Campus novembre 2015
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Recrutement :le grand décalage
TROUVER DES CANDIDATS FORMATÉS, NOTER LES BONSEMPLOYEURS, SE FAIRE RECRUTER À TOUT PRIX ?
Faire carrièredans le vert :un parigagnant ?DESMÉTIERSPORTEURS ETDE VRAIES FAUSSESPROMESSES
Religion«CHERCHE EMPLOIEN ACCORD AVECMA FOI»
Le grandentretienAVEC LE PHILOSOPHEBERNARD STIEGLER
formation | recrutement | carrière
Supp
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Photo:XavierCurtat©
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Mardi 17 novembre 2015 Le Monde Campus / 3
Vingttrois mille chômeurs de moins en septembre ! Enfinune bonne nouvelle pour l’emploi, mais pas pour tout lemonde. Deux indicateurs résonnent à l’unisson cetautomne : l’Association pour l’emploi des cadres et le baro
mètre EdhecCadremploi d’octobre 2015 (sur les intentions de recrutement), qui constatent la frilosité croissante des entreprises à recruter lesjeunes diplômés. La consultation, par exemple, des offres d’emploi d’ingénieur « environnement » immédiatement disponibles sur Jobthis.fr leconfirme : seule 1 sur 6 s’adresse aux débutants.« Le recrutement se décide en temps réel pour coller au plus près des besoins », commente l’Edhec. Offres instantanées, recrutements en tempsréel, profils formatés pour être immédiatement productifs. La loi ducourt terme chasse les débutants. Doiventils chercher à se faire recruterà tout prix ? Continuer à cumuler les stages une fois le diplôme obtenu,voire travailler gratuitement dans l’espoir de décrocher le SaintGraal : le CDI…Qu’ àmoins de 30 ans etbac + 5, on ne voit plus comme le SaintGraal.Les jeunes regardent le travail autrement : créer unprojet, le booster et devenir autonome. La courbe duchômage ne fléchit pas,mais celle du travail se portebien. Alors, oui, ils travaillent gratuitement,mais « ilsveulent y gagner quelque chose », souligne Yoann KassiVivier, cofondateur de Pro Bono Lab, spécialisé dans l’intermédiation entre entrepriseset associations pour promouvoir le bénévolat.Pour se réapproprier leur vie, les jeunes cherchent àmettre la flexibilité àleur service. L’entrée dans l’entreprise se fait à 86 % par un contrat précaire, dit le ministère du travail. Soit ! Les jeunes diplômés débutants nes’arrêtent plus à la nature du contrat pour accepter une embauche, c’étaitle combat de leurs aînés. Eux regardent le contenu de lamission, la fonction, leursmarges d’autonomie et de perspectives… à court terme.48%d’entre eux souhaitent trouver un poste au plus vite, indique l’étudeLes Jeunes Diplômés et l’accès à l’emploi publiée en octobre par le cabinetde recrutement Page Personnel. Les moins de 30 ans veulent « impacterl’entreprise tout de suite », ajoute Julien Barrois, directeur exécutif seniorde Page Personnel. Ils ont fait du court terme leur credo : lamajorité d’entre eux prévoit d’ailleurs de ne pas rester plus de trois ans à un mêmeposte. Si les perspectives ne sont pas visibles en interne, ils les trouverontailleurs, dans d’autres entreprises, d’autres secteurs, voire d’autres pays.Le green business attire beaucoup. La lutte contre le réchauffement climatique, dont parlera tout Paris à l’occasion de la COP21 fin novembre, aouvert un marché qui induit l’émergence et le développement de nouveauxmétiers, pas tous porteurs. Mais des spécialisations comme la réglementation environnementale ou l’efficacité énergétique, sont devrais succès en termes d’emploi. En pensant court terme, les candidatsremettent l’emploi à sa place : au service du travail.
anne rodier
A l’heuredu court terme
Président du directoire,directeur de la publication
LOUIS DREYFUS
Directeur du «Monde », directeurdélégué de la publication,membre du directoireJÉRÔME FENOGLIO
Directeur de la rédactionLUC BRONNER
Secrétaire générale de la rédactionCHRISTINE LAGET
Coordination rédactionnelleANNE RODIERPIERRE JULLIEN
Création et réalisation graphiqueAUDREY REBMANN
EditionAMÉLIE DUHAMEL
CorrectionSERVICE « CORRECTION»
DU «MONDE»
IllustrationsLEO LECCIA
EMMANUEL KERNERÉLODIE BOUEDECCHOI JUHYUN
PublicitéBRIGITTE ANTOINE
FabricationALEX MONNET
JEANMARC MOREAU
ImprimeurSEGO, TAVERNY
LA COURBE DUCHÔMAGE NE FLÉCHIT
PAS, MAIS CELLEDU TRAVAIL
SE PORTE BIEN
ILLUSTRATIONDE COUVERTURE:ÉLODIE BOUEDEC
Mardi 17 novembre 2015 Le Monde Campus / 5
Supplément auMonde n°22032, daté du 17 novembre 20153 Edito
6 En bref
8 Recrutement : le grand décalage par Anne Rodier12 Jusqu’où travailler gratuitement par Valérie Segond
Stagiaires à temps partagé, misocial, mibusiness par François Schott
16 Les entretiens préalables deviennent de plus en plus virtuels par AngéliqueMangon
18 Les sites de notation d’entreprises : du neuf dans lemarché de l’emploi par Gaëlle Picut
20 Parier sur les réseaux régionaux pour sortir du lot par Catherine Quignon
22 Erasmus, un atout pour toute sa vie professionnelle par SergeMarquis
25 Le succès du Programme vacancestravail cache demauvaises surprisespar Catherine Quignon
26 Les jeunes diplômés s’expatrient avec un aller simple par Catherine Quignon
28 Religion «Recherche emploi en accord avecma foi»par François Desnoyers et Catherine Quignon
31 Orientation professionnelleDes «pros» passionnés racontent leurmétier par Gaëlle Picut
32 Université La valorisation des atouts passe par l’accompagnement par Nathalie Quéruel
34 Egalité hommesfemmes La parité perdue dès la sortie de l’école par Léonor Lumineau
36 Faire carrière dans le vert, un pari gagnant?par FrançoisDesnoyers39 Ils surfent sur les «greentechs» pour lancer leur startup par Léonor Lumineau
40 Transition énergétique : une large palette demétiers par François Schott
42 Des jardins d’entreprise pour fertiliser les conditions de travail par Elodie Chermann
44 Se constituer un plan de carrière atil encore un sens ?par Valérie Segond et Margherita Nasi
46 Caroline, Gautier et Thomas n’ont pas attendu la COP21 pour s’engagerpar AngéliqueMangon et Léonor Lumineau
50 Entrepreneuriat Les «Pépites» ont la cote par SergeMarquis
51 Discriminations La difficile ascension des enfants d’immigrés parMargherita Nasi
52 Conditions de travail «Jeune talent exige cocooning au bureau» par Camille Thomine
54 Pratique La gestion du budget façon génération Leboncoin par Gaëlle Picut
56 Le grand entretienBernard Stiegler : «La société automatique est insolvable,on commence à en prendre conscience» propos recueillis parMargherita Nasi
59 Invitation à la lecture par Pierre Jullien
sommaireEL
ODIE
BOUED
EC
LEOLE
CCIA
EMMANUEL
KER
NER
CHOIJUHUN
6 / Le Monde Campus Mardi 17 novembre 2015
en bref
Vu de l’étranger150 millions de grévistescontre le code du travail en IndePrès de 150 millions d’Indiensont fait grève contre le projetde réforme du code du travail.Le premier ministre, NarendraModi, souhaite assouplir les conditions d’embauche et de licenciement pour stimuler l’emploi etrelancer la croissance (5,6 % du PIBen 2014). Ses projets visent entreautres à limiter le droit de grèveet à élargir la sécurité sociale àl’économie informelle. Ce secteurreprésente des millions de petitesentreprises au statut juridique flou.
« Zéro heure », zéro garantiepour les BritanniquesLe nombre de Britanniques employésen contrat dit « zéro heure », c’estàdire sans garantie d’horaire ou desalaire minimal, a augmenté deprès de 20 % en un an, indiquaitl’Office britannique des statistiquesdébut septembre, passant à 744 000(2,4 % de la population active)contre 624 000 un an plus tôt.
Tous au Japon !Le taux de chômage au Japon estredescendu en juillet à 3,3 %de la population active, avec desconditions qui se sont encore améliorées pour ceux qui cherchentun travail, et un rapport de 121 offresd’emploi pour 100 demandes. Dujamaisvu en plus de vingttrois ans.
Les Américains n’ontpas tous Internet84 % d’Américains utilisent Interneten 2015, contre 52 % en 2000, indique l’étude réalisée par le PewResearch Center publiée fin juin.L’usage varie selon la population :96 % des 1829 ans l’utilisent contre58 % des plus de 65 ans. 95 % des diplômés universitaires se connectentcontre 66% des peu qualifiés. Enfin74 % de ceux qui gagnent moinsde 30 000 dollars par an l’utilisent,contre 97 % de ceux qui touchentplus de 75 000 dollars par an.
Ruptures conventionnellesNOMBRE DE DEMANDES HOMOLOGUÉES DANS LE MOIS
SOURCE : DARESAoût 2008 Juillet 2015
0
10 000
20 000
30 000
35 00035 413
554,40 €L a rémunération des sta
giaires est passée de 3,30à 3,60 euros de l’heure depuis le 1er septembre, soit auminimum 554,40 euros parmois (obligatoire si le stagedépasse les deuxmois).
Compétencesà vendreLes tweetos sont, enmoyenne, plus diplômés et
plus jeunes que l’ensemble des internautes présents sur les réseaux sociaux, selon une étude réalisée par Twitter, l’American Press Institute et la société DB5 publiée en septembre; 57 % d’entre euxsont aumoins diplômés de l’enseignement supérieur, contre 40 % des utilisateurs des réseaux sociaux en général. Les tweetos sont plus intéresséspar la science (47% contre 21%), la technologie (58%contre 26%), les arts et la culture (43% contre 16%).
A diplôme et catégorie socioprofessionnelle don
nés, la valorisation salarialedes compétences est très limitée : unmême écart decompétences sera trois foismieux rémunéré s’il correspond à une différence de diplômes que s’il correspondà un écart de compétencesentre deux personnes demême niveau de diplôme,indique une étude de la Direction de l’animation de larecherche, des études et desstatistiques.
Le Medef a signé, fin août, un « pacte d’engagements pour le supérieur » avec les conférences desprésidents d’université (CPU), des grandes écoles(CGE) et des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (Cdefi) pour permettre aux jeunes diplômésd’entrer plus facilement dans le monde de l’entreprise. Il s’engage, entre autres, à faire connaître leportail MyDocPro.org, qui permet aux docteurs deprésenter leur profil, et aux entreprises de publierles profils de compétences qu’elles recherchent.
LeMedef à la fac
Parité :ça manquetoujoursde femmesLes grandes entreprises restentloin de leur objectif de parité,selon une étude du cabinet RussellReynolds Associates publiéele 4 septembre. En 2015,les conseils d’administrationdes entreprises du CAC 40comptent en moyenne 35 %de femmes, contre 30 % en 2014,et ceux des entreprises du SBF 120(indice regroupant les 120 plusgrands groupes cotés en France),hors CAC 40, en comptent 32 %(contre 29 % en 2014). L’objectiffixé par la loi est de 40 %au 1er janvier 2017.
35413ruptures conventionnellesont été signées en juillet 2015.Un chiffre record qui batcelui de juillet 2014 oùl’on décomptait 32 936signatures de ce dispositifmis en place en août 2008par le gouvernementde François Fillon.
Tutweetes ? Je tediraiqui tu es
Tous à vélo !L e Parlement français a adopté le 22 juillet le projet
de loi sur la transition énergétique. Il crée une indemnité kilométrique vélo qui sera prise en charge parl’employeur, unmécanisme pour inciter les salariésà se rendre au travail à vélo. Une expérience a étémenéeauprès d’entreprises volontaires sur la base d’une indemnité de 25 cents. Lemontant définitif devra faire l’objetd’un décret, laministre de l’environnement ayant estiméque sonmontant pourrait tourner de 12 à 15 cents.
Mardi 17 novembre 2015 Le Monde Campus / 7
NumériqueDataJob 2015, le plus grand salonde rencontre pour les métiers dela data, le 26 novembre, à l’EspaceCardin, à Paris (datajob.fr/).
EntreprisesForum Perspectives,à Lyon,le 1erdécembre. Rencontresentre étudiants et entreprises(forumperspectives.fr/).
Salon des entrepreneurs, à Paris,les 3 et 4 février 2016, au Palaisdes congrès (salondesentrepreneurs.com/paris).
EmploiSalon APEC, le 8 décembre,à l’Espace Grand Arche, à Paris.
AlternanceSalon de l’apprentissage etde l’alternance, du 15 au 17 janvier2016, au Parc des expositionsde la porte de Versailles, à Paris.
ExpatriationSalon Partir étudier à l’étranger,les 30 et 31 janvier 2016, au Parcdes expositions, à Paris.
Eric Antoineau secoursde l’entrepriseAguerri au monde de l’entreprisepour avoir travaillé dans l’événementiel pour de nombreuses marques (Caprice des Dieux, Lotus,EDF, Air France, Pfizer, Disney,etc.), l’humoriste et magicien EricAntoine est sensible aux problématiques de gestion du stress ou deprise de parole en public que rencontrent les cadres dirigeants. Ila décidé de mettre son expérienceet ses connaissances à leur service.« Comment persuader, atteindre sonobjectif, réunir autour de soi ? », ilrépond à toutes ces questions parl’optimisme et la confiance dontles entreprises ont bien besoin ence moment… dans une conférencespectacle d’interaction et de magie,Optimystique. La joie peut devenir«un outil de persuasion », expliquetil à ceux qui ont à « prendredes décisions ». « L’optimisme estune forme de courage, ajoutetil,qui donne confiance aux autreset mène au succès. » Il appelle àson secours Mark Twain qui disait :« Ils ne savaient pas que c’étaitimpossible, alors ils l’ont fait. »
AGENDA
U n tiers des salariés se sontabsentés en France en 2014,selon une enquête du
groupe Malakoff Médéric portantsur 3 millions de salariés et 44 500entreprises; 32,6 % des salariés ontété absents en 2014 au moins unefois dans l’année (contre 32,4 %en 2013). La durée moyenne d’unarrêtmaladie est de 18,1 jours (17,4en 2013), un chiffre en augmentation dans toutes les entreprises,quelle que soit leur taille. Plus lar
gement, le nombre de jours d’absence par salarié absent s’élève à 35(33,4 en 2013). L’impact financierdes arrêts de travail représentaiten 2014 l’équivalent de 42 emploisà temps plein pour une entreprisede 1 000 salariés.Une autre étude, moins représentative, de l’institut Alma Consulting Group, évalue le coût total (direct et indirect) des absences, pourl’ensemble des entreprises du secteur privé, à 60milliards d’euros.
Absentéisme : 60milliards d’euros
Toujours plus richesLa rémunération totale moyenne des dirigeants du CAC 40 a progressé de 6 %en 2014, selon une étude du cabinet Proxinvest publiée le 23 septembre. Cettehausse de 6 % succède aux baisses de 2,5 % et de 6,2 % enregistrées en 2013 et2012. Le PDG de Renault, Carlos Ghosn, domine ce classement, avec une rémunération totale de 15,2 millions d’euros, en hausse de 56 % en un an. Son prédécesseur, Louis Schweitzer, émargeait à 7 millions de francs (un peu plus d’unmilliond’euros) en 2000 et en 2005, il quitte l’entreprise à plus de 2 millions d’euros.
8 / Le Monde Campus Mardi 17 novembre 2015
ELODIE
BOUED
EC
Mardi 17 novembre 2015 Le Monde Campus / 9
Recrutement :legranddécalageLesDRHrecherchentdesprofilsexpérimentés,standardset flexibles,alorsquelesjeunesdiplômésmisent,eux,surl’intérêtdutravail,lesperspectivesetl’environnement
J’ai fait sept stages en quatreans, parfois payés, parfoisnon, témoigne GéraldineGothscheck, 24 ans. Certainsse sont bien passés, mais la
plupart furent des échecs. » Elle se souvientavoir essuyé un certain nombre d’insultesdurant ces stages, avantde trouverque l’accès au marché du travail avait été relativement facile. « On apprend surtout à se débrouiller et à se forger une carapace. Çam’apermis de prendre de l’assurance », ditelle.Nombreux sont ceux qui acceptent de travailler gratuitement dans des conditionspénibles pour accéder au marché du travail. La rareté de l’emploi amodifié les conditions de recrutement mais aussi les exigences, côté employeur commecôté candidat. Deuxmondes en décalage.En 2015, les jeunes diplômés n’ont pas
profité de l’amélioration constatée sur lemarché des cadres. Les conditions d’em
ploi (baisse du salaire d’embauche, augmentation des contrats précaires) se sontdégradées pour les nouveaux arrivants surle marché du travail. « Les intentions de recrutement de jeunes sortant de l’école ontbaissé, note JeanMarieMarx, directeur général de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC). Une entreprise sur trois seulement souhaite recruter un jeune diplômé.Elles cherchent en priorité des jeunes ayantun à trois ans d’expérience, quand ce n’estpas dix ans », expliquetil.
Des candidats «copiercoller»Les entreprises frileuses pour recruter encontrat à durée indéterminé (CDI) le sontaussi sur le profil des candidats. « Elles recherchent des candidats “copiercoller”,qui ont eu des expériences sur des postessimilaires à ceux qu’ils cherchent à pourvoir, développe Wilhelm Laligant, président de Syntec Conseil en recrutement.Le niveau d’exigence a augmenté, pas tantsur le diplôme que sur le comportement.Les profils doivent être de plus en plusflexibles et exportables », précisetil. Lesrecruteurs accordent, par exemple, plusd’importance à la ponctualité que lescandidats, indique l’étude «Regards croisés sur le recrutement» publiée en septembre par MonsterIFOP.Le temps de sélection des candidats s’est
donc allongé, passant de 4,3 semainesen 2012 à 6,5 semaines en 2014, alorsmême que le recrutement s’inscrit désor
doss i er
10 / Le Monde Campus Mardi 17 novembre 2015
mais dans le court terme. « Quand on a lebon candidat, on ne propose plus de shortlist de candidatures aux employeurs, explique Julien Barrois, directeur exécutif dePage Personnel, un cabinet de recrutement spécialisé dans les cadres de premier niveau, dans des secteurs aussi divers que la banque, l’hôtellerie, l’informatique ou le commerce. On l’envoiedirectement à l’entreprise. Car les jeunesqui n’ont pas de réponse sous trois semaines vont chercher ailleurs. »Les moins de 30 ans sont dans une nou
velle temporalité : « Ils ont un regard surl’entreprise très courttermiste. Ils cherchentun poste pour deux ou trois ans maximumet veulent vite passer à autre chose. Letemps moyen passé sur un poste est de dixhuit mois. Une fois en poste, 45 % envisagent de partir à l’étranger dans les cinq prochaines années », noteM. Barrois.Lamajorité des 2635 ans estiment que la
période idéale pour rester dans le mêmejob est comprise entre trois et cinq ans. Cequi les rendplus exigeants. « Ils veulent impacter l’entreprise tout de suite, aumême titre que les plus expérimentés, et pouvoirévoluer rapidement. »
L’intérêt de lamission jugé prioritaireConscients des difficultés liées à l’emploi,les jeunes diplômés se sont adaptés pourmettre la flexibilité à leur service. « 55 %des jeunes diplômés interrogés dans notredernière étude [« Les jeunes diplômés etl’accès à l’emploi »] n’attachent pas d’importance à la nature du contrat, constateM. Barrois. Car ils ont intégré la flexibilité.Par exemple, 70% des jeunes embauchés enCDI affirment qu’ils auraient accepté uncontrat en CDD ou intérim pour le postequ’ils recherchaient idéalement. 47 % desjeunes diplômés en poste ont été embauchés en contrat temporaire (CDD ou intérim) », indique l’étude publiée début octobre par Page Personnel. Ils n’hésitent évidemment pas à accepter des contratstemporaires pour être embauchés, parfoisparce qu’ils n’ont pas le choix, mais surtout parce que leur priorité est ailleurs :
c’est l’intérêt de la mission, sans lequel ilsn’hésitent pas à quitter l’entreprise.Lors des processus de recrutement, les
candidats sont particulièrement sensiblesà la transparence des informations surl’entreprise et sur le poste, indique l’étudeMonsterIFOP. Tandis que les recruteurscherchent à s’assurer que les moins de30 ans adhèrent à la dynamique de l’entreprise. « Il faut les faire rêver, pour les faireadhérer à la vision globale de l’entreprise etsurtout à leur rôle dans lamission confiée »,explique M. Barrois. D’où l’importancecroissante donnée par les entreprises auxàcôtés du travail (qualité du lieu, con
nexion à distance, équilibre vie privéevieprofessionnelle) et à lamarque employeur.Les platesformesnumériques servent de
support à cette approche plus exigeantedes deux bords. La numérisation du processus de recrutement a commencé par laprolifération des job boards, puis par lamise en place d’entretiens de plus en plusvirtuels. Aujourd’hui, il n’est pas rare queSkype remplace l’entretien téléphonique.
Infos partagéesL’arrivée en France, en octobre 2014, del’entreprise américaine Glassdoor illustrela dernière tendance : recueillir l’avis dessalariés sur les entreprises. « Nous demandons aux salariés de donner des informations sur les entretiens d’embauche, lessalaires, leur expérience, l’équilibre vieprivéevie professionnelle dans leur entreprise, les opportunités de carrière, plus unavis général sur leur entreprise. Avis etcommentaires sont accessibles à tous »,explique Diarmuid Russell, viceprésident de Glassdoor et directeur généraldes services internationaux.
Glassdoor permet aux entreprises « decommuniquer sur la qualité de l’emploi etl’environnement de travail, et aux candidats d’identifier leurs perspectives réelles », précisetil. Utilisée par 70 % desAméricains dans leur recherche d’emploi, Glassdoor est une base de donnéesen accès libre sur 340 000 entreprisesdans le monde.Les jeunes diplômés étudient désormais
l’offre d’emploi mondiale. Ils n’hésitentpas à partir loin… ou pas du tout. « EnFrance, les jeunes font peu de concessionssur le changement de région », affirmePierre Lamblin, directeur d’études et de recherche de l’APEC.Mais 55% des jeunes interrogés par Page Personnel début octobrese disent prêts à s’installer à l’étrangerdans les années à venir. Nellye Chioccarello, 27 ans, et Joël Chrysostome, 26 ans,ont fait ce choix : destination, le Canada.
Le CVmultijobmal interprétéAprès son master en mathématiques appliquées, Nellye n’est pas inquiète sur sesopportunités professionnelles en France,mais elle a décidé de partir « pour avoirplus de perspectives » et « pour aller là où lamobilité est récompensée. En France, avecun CV multijob, on est tout de suite jugéinstable ». Quant à son compagnon, Joël,après quatre ans de salariat dans lemarketing, il a obtenu un permis vacancestravail (PVT) pour le Canada où il espère trouver « plus d’esprit de compétition, pour aller de l’avant ».Du PVT au permis de travail, ils sont de
plus en plus nombreux à traverser l’Atlantique pour retrouver des perspectives professionnelles, fuir la discrimination ousimplement travailler.Le décalage entre candidats et recruteurs
va grandissant sur un marché de l’emploide plus en plus global. « On n’est pas surdeux mondes irréconciliables, mais en décalage », estime Frédéric Dabi, directeurgénéral adjoint de l’IFOP, qui a réalisé pourMonster l’étude « Regards croisés sur lerecrutement ».
anne rodier
«LESMOINS DE 30 ANSONT UN REGARD TRÈSCOURTTERMISTE
SUR L’ENTREPRISE. ILSCHERCHENT UN POSTE
POUR DEUX OU TROIS ANSET VEULENT VITE PASSER
À AUTRE CHOSE»JULIEN BARROIS
directeur exécutif de Page Personnel
recrutement: le grand décalage
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12 / Le Monde Campus Mardi 17 novembre 2015
A24 ans, Julie, psychologue clinicienne fraîchement diplômée de l’Université catholique de l’Ouest, à Angers, adéjà fait six stages: quatre
d’unedurée d’unmois pendant ses annéesde licence, puis un de troismois enmaster1, enfin, undernier stagede find’études, enmaster 2, d’une durée de quatremois dansun institut médicoéducatif (IME) au seind’un centre hospitalier, pour s’occuperd’enfants handicapésmentaux.Pourtant, Julie n’a jamais touché 1 euro.
Même lorsque, recevant les patients enconsultation, organisant des ateliers degroupe, conseillant les aidessoignantessur les cas difficiles ou faisant passer destests psychomoteurs auxpatients, puis lesanalysant, elle assurait aumoins en partiele fonctionnement du service. Même lorsqu’il fallut morceler le stage en cinq périodes − de quinze jours à un mois chacune – pour obtenir des conventions offrant l’apparence de la légalité. « Mais,confietelle, je ne regrette rien. On n’apprend pas ce métier sur les bancs de l’université, mais en se construisant une expérience avec des publics variés. Or aucunedes institutions pour lesquelles j’ai travailléne m’aurait permis de faire ces stages s’ilsn’avaient pas été gratuits. »Le travail gratuit commemoyen d’acqué
rir une première expérience, en somme.Seulement, vient un jour le besoin impératif d’être rémunéré. « Maintenant que j’aiune formation complète, je veux gagner mavieavec, explique Julie. Je ne suis plus prête àtravailler gratuitement. » Elle ne regardeplus les offres de stage : elle cherche un emploi, un vrai, avec un contrat et une rémunération à la clé. Même si elle se dit prête àcommencer sa carrière en accumulant lestemps partiels dans différents établissements et pour différents publics, quitte,
doss i er |recrutement: le grand décalage
après quelques années d’expérience, àouvrir son cabinet. Mais passer de la gratuité, fûtelle acceptée comme le prix d’uneformation complète, au travail rémunéréest loin d’être évident. En particulier chezceux qui se destinent, par vocation ou nécessité, à adopter un statut d’indépendant.
« Je sais qu’onm’appellera »En témoigne Elodie, diplômée d’architecture intérieure, spécialisée en scénographieetdécorsde théâtre.A 27 ans, après cinqansd’études, elle a réalisé des décors pour denombreux courtsmétrages sans jamaisêtre payée. « En général, observetelle, ils’agissait de projets d’étudiants de l’école decinéma LouisLumière ou de jeunes réalisateurs qui démarraient eux aussi. Des missions de huit jours à temps plein pour lesquels j’étaisdéfrayéepourmesdéplacementset ma nourriture, mais pas plus : j’avais unstatut de bénévole. Ces six missions m’ontpermis deme faire unbookavec de vraies références, de diffuser des photos surmonblogetdeme faire connaîtred’un réseau.Car c’estun milieu qui fonctionne intégralement surle boucheàoreille. »
Puis Julie s’est installée en autoentrepreneur. Mais le premier travail de décorationrémunéré qu’elle a décroché pour le réaménagement d’un cabaret dans Paris, aveccette fois une équipe de professionnels dotée d’un gros budget, lui a rapporté400 euros par mois, car… c’était un stage !
« Ma chef était très contente de mon travailet m’a dit qu’elle allait me recommanderpour d’autres projets. » Elodie atelle reçud’autres propositions ? « Pas encore,mais jesais que quand il y en aura, onm’appellera. »Le travail rémunéré par des recomman
dations virtuelles, des photos pour uneprétenduevisibilité oupardes lignesdeCVconstituant des coups de pouce pour entrer dans le réseau des pros, bref par unehypothétique et future contrepartie, jusqu’où estce jouable, et quand fautil direnon ? Sauf pour les mandataires sociauxou lesmembres de la famille au sens étroitdu terme, travailler gratuitement pouruneorganisation à but lucratif peut être assimilé à du travail dissimulé, passible desanctions pénales pour l’employeur : endroit, une mise en situation professionnelle à l’essai ne doit pas dépasser quelques heures.
Les vocations créativesOr, combien ont accepté de travailler gratuitement dans des secteurs passion, ceuxqui attirent les vocations créatives parmilliers, dans l’espoir de décrocher un poste,oumêmeunecommandeen freelancequin’est jamais venue ? Dans certaines professions, on a le plus grand mal à en sortir.Ainsi en estil des graphistes et des maquettistes, sans cesse contraints de répondreàdesappelsd’offrespourdécrocherdescommandes en fournissant un travail deconception quasi fini. Mais aussi des photographes, des illustrateurs, desmusiciens,des pigistes, des web designers, etc.En clair, chez tous les créatifs qui tra
vaillent à la commande, la transformationdu travail en revenus relève parfois d’unvéritable cassetête. Le syndrome du travail gratuit n’est jamais très éloigné. Leproblème est que le client qui passe commande pour un travail gratuit ne sera pas
CHEZ TOUS LES CRÉATIFSQUI FONCTIONNENTÀ LA COMMANDE, LA
TRANSFORMATION DU TRAVAILEN REVENUS RELÈVE PARFOIS
DU CASSETÊTE
Unemissionbénévole peut permettre d’acquérir unepremière expérienceutile pourdécrocher unpremier emploi.Mais vient un jour le besoin impératif d’être rémunéré.
Jusqu’où travailler gratuitement ?
Mardi 17 novembre 2015 Le Monde Campus / 13
nécessairement enclin à payer pour lemême service. On sait qu’il y a un « effetcliquet », invisible et redoutable, de la gratuité : comment s’en prémunir ?Une fois le diplôme en poche et la forma
tion achevée, il ne faut en aucun cas accepter une mission sans valeur ajoutée quipuisse être assumée par un simple amateur débrouillard ou un stagiaire en pre
mière année d’étude. « Travaillergratuitement ne doit pas être
l’équivalent d’un stage nonrémunéré, explique CaroHardy, spécialisée dans lecoaching d’indépendantset qui n’est pas farouchement opposée au travail
gratuit, pour autant qu’il constitue unepremière expérience permettant de mettre le pied dans la porte. Mais n’attendezpas que l’on vous attribue une tâche, c’est àvous de proposer ce sur quoi vous allez travailler. Et ce quelque chose devra résoudreun problème pour votre client. »En d’autres termes, ce que vous avez à of
frir constitue bienun travail deprofessionnel ayant développé une expertise utile etnécessaire au client, une vraie valeur ajoutée et non des heures de maind’œuvregratuite, sinon, celuici n’en percevra jamais la valeur. Aussi estil nécessaire, pourque les choses soient claires, d’imposer dèsle départ au client une date limite au travail gratuit pour montrer que ce moded’intervention n’est pas votremodèle opératoire, mais qu’il n’est qu’un moyend’amorcer une relation et de construire unlien de confiance. Levez d’emblée touteambiguïté : s’il n’est pas prêt à payer, vousne continuerez pas.Enfin, il ne faut rien faire gratuitement
qui ne vous apporte à vousmême quelquechose de déterminant en expérience, enqualification recherchée, en visibilité ouen relationdansununivers où l’onnevousconnaît pas et où vous ne connaissez personne. Mais c’est à vous de choisir de lefaire, par intérêt, vocationouamitié. Cequiest très différent de répondre à une annonce proposant un travail gratuit contreune prétendue « visibilité ». A cellelà, pasde doute : il faut savoir dire non.
valérie segond
AuxEtatsUnis, la justice requalifie des stagesmillions de dollars entre lesacteurs de l’industrie du cinéma et leurs anciens employés. Peut être considéréecomme un stage toute collaboration se faisant au bénéfice de la formation du collaborateur. Si l’entreprise tireplus profit du travail que lecollaborateur, alors celuici estun employé : ainsi en a décidéla justice.Le stage doit rester une expérience d’apprentissage au bénéfice de l’étudiant et non lasimple expérience d’un travailoccupé par un étudiant. Descritères définis par la NationalAssociation of Colleges and
Employers (NACE) fixent les règles du jeu entre entreprises etétudiants : l’expérience doits’inscrire dans le prolongement de la formation initiale eten constituer unemise enœuvre. Les compétences etqualifications ainsi acquisesdoivent être transférables dansun autre établissement. L’expérience a un début et une fin.Les objectifs de formation del’étudiant sont clairs. Il eststrictement encadré par unprofessionnel qui lui doit desretours réguliers. Les ressources, outils et lieux de travailsont fournis par l’employeur.
V. Se.
Les studios de cinéma de Hollywood, gros consommateursde travail non rémunéré pourceux et celles qui rêvent defaire carrière, ne pourront désormais plus recourir à cettepratique.Aux EtatsUnis, un arrêt de lacour d’appel du 2 juillet 2015à l’encontre de la société deproduction américaine FoxSearchlight Pictures vient defixer la frontière entre stage ettravail, en d’autres termes entre stage pouvant être nonrémunéré et travail méritantsalaire.Ce jugement a donné lieu àdes réparations de plusieurs
ELODIE
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EC
14 / Le Monde Campus Mardi 17 novembre 2015
doss i er | recrutement: le grand décalage
Nouveau venu dans l’universde la recherche de stage surInternet, Stagiaires sans frontières n’est pas un job boardcomme les autres. Cette asso
ciationcrééeenfévrier2014parunétudiantde Sciences Po développe un concept destage à temps partagé, cumulant une expérience en entreprise avec unemission associative. « Beaucoup de jeunes s’engagentdans une association mais cela s’arrête souvent à l’approchede l’entrée sur lemarchédutravail. Nous voulonsmontrer qu’il est possible de faire les deux au cours d’un stage, enconsacrant 80 % de son temps à l’entrepriseet 20 % à une association », explique FélixdeMonts, le fondateur.
Un jour par semaineDepuis le mois de septembre, une dizainede stagiaires ont ainsi entamé une doublevieprofessionnelleentredegrandsgroupes–Danone, SaintGobain, SCOR–et des associations – la CroixRouge, Emmaüs, Andes(épiceries solidaires), Siel Bleu (Sport, initiativeset loisirs) –où ils sontdétachésun jourpar semaine. Pour Coralie Alande, stagiaireRH chezDanone et EmmaüsConnect, « jusqu’ici l’expérience est très positive. J’ai découvert le domaine de l’économie sociale et solidaire que je ne connaissais pas, et les missions sont vraiment complémentaires ».Chargée par Emmaüs Connect de mettre
enplace une stratégie de recrutement et unbaromètre de satisfaction des salariés, elledit s’inspirer des pratiques en place chezDanone, où elle travaille davantage sur lagestion des carrières au sein du groupe. Sielle s’est très vite adaptée à cette doublemission, cela n’a pas été évident au départpour certainsde ses collègues chezDanone.« Ils ne comprenaient pas trop mon emploi
du temps,ne sachantpasà l’avancequel jourje n’étais pas là. Mais mon manageur a faiten sorte de bien expliquer les choses pourque je ne sois pas sollicitée lorsque je suischez Emmaüs Connect. Même si ce n’estqu’un jour par semaine, je ne suis pas bénévole, c’est un vrai travail », affirme l’étudiante, actuellement en année de césure del’école de commerceAudenciaNantes.Le stage est cependant rémunéré par l’en
treprise, « comme un stage classique de sixmois ». L’intérêt pour l’association n’est passeulement financier. « Les jeunes sont attiréspar l’économiesocialeet solidairemais ilsne franchissent pas forcément le pas. Noussommes heureux d’accueillir des étudiantscomme Coralie auxquels nous n’hésitonspas à confier desmissions stratégiques, avecune certaine autonomie. Sur cesmissions en
mode projet, la formule de Stagiaires sansfrontières nous semble particulièrement intéressante », indique Mihaela Chirca, responsable RH au sein d’Emmaüs Connect.C’est aussi l’occasion pour l’association
de développer de nouveaux partenariatsavec le secteur privé. « C’est l’un des objectifs du stage, sorte de troisièmemission quenous assignons à nos stagiaires. Ils doiventmobiliser leurs collègues autour de problématiques rencontrées par l’association ettenter de trouver avec eux des solutions »,précise Félix deMonts.Cela peut se traduire par des actions
ponctuelles – collectes, dons, etc. – maisaussi, avec l’aide de Stagiaires sans frontières, par des actions pérennes, comme dumécénat de compétences. « Les entreprisesrecherchent elles aussi des personnes engagées, capables de faire bouger les lignes »,assure Félix de Monts, qui espère décloisonner monde de l’entreprise et mondedes associations.
Inspiré d’UnisCitéSi Stagiaires sans frontières recherche denouvelles entreprises partenaires afin depouvoir proposer plus de stages sur sonsite, le job board n’entend pas jouer le rôled’un cabinet de recrutement pour stagiaires. « Nous souhaitons nous inspirer d’UnisCité, à l’origine dumodèle du service civiqueavant son déploiement à l’échelle nationale,et faire la preuve du concept de stage partagé pour que chacun puisse créer son stageentre entreprise et association », explique lejeune entrepreneur.Cet objectif ne relèvetil pas de l’utopie,
alors que le gouvernement plafonne à 15 %la part des stagiaires dans l’effectif des entreprises françaises ?
françois schott
Uneassociationpropose aux candidats stagiaires de cumuler une expérience en entrepriseavec unemission associative. Unedouble vie professionnelle dansunmondedécloisonné.
Stagiaires à tempspartagé,misocial,mibusiness
«MÊME SI CE N’EST QU’UNJOUR PAR SEMAINE, JE NESUIS PAS BÉNÉVOLE, C’EST
UN VRAI TRAVAIL»CORALIE ALANDE
stagiaire chez Danoneet Emmaüs Connect
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16 / Le Monde Campus Mardi 17 novembre 2015
Pour moi, les entretiens surSkype sont les seuls qui ontabouti. » A 25ans, Marine Thomas est catégorique. La jeunefemme, en stage à l’ambassade
de France en Colombie, est bien plus àl’aise derrière son écran, à des milliers dekilomètres de son employeur, que face àlui dans son bureau. « Avec Skype, j’ai euautant de chances, voire plus, car lors d’unentretien classique, je stresse et je suismauvaise », ajoutetelle. « Moi, j’ai détesté, rétorque Laura Soudre, 26 ans.
J’aime croiser le regard de celui avec quij’échange, alors que là, tu ne peux pas regarder le recruteur dans les yeux, doncc’est difficile de créer un lien. »Selon une enquête menée en 2013 par le
site d’offres d’emploi RégionsJob, 16 % desrecruteurs font systématiquement passerun entretien en visioconférence ou au téléphone. Mais depuis une dizaine d’années,les entreprises utilisent de plus en plus lesentretiens via Skype, souvent à la place del’échange téléphonique. « Dans notre secteur où les candidats sont très sollicités, cela
permet de vérifier qu’il y a adéquation entrece que l’on va proposer et le projet professionnel du candidat, avant que celuici se déplace », explique Isabelle Néri, directrice durecrutement France chezGFI Informatique.L’entretien à distance permet donc de
voir le candidat et d’interagir avec lui touten gagnant du temps. Mais dans cette entreprise, le processus de recrutement quicomprend deux à trois entretiens se termine à chaque fois par une rencontre physique. Ce qui n’est pas toujours le cas.Recruteuse à l’agence Sourcevolution ins
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Les présélections à l’embauche qui se déroulent sur Skypeougrâce à des platesformes enligne semultiplient. Parfoismême sans le recruteur face aupostulant.
Les entretiens préalablesdeviennent deplus enplus virtuels
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Mardi 17 novembre 2015 Le Monde Campus / 17
tallée à Montréal (Canada), Aurore Dijouxrecourt à Skype plutôt qu’à l’entretien enface à facepour 5%à 10%des recrutementsqu’elle effectue. «Cela concernenotammentdes candidats qui résident en Europe oùnous chassons des profils rares dans l’informatique ou la finance »,précisetelle.
La rencontre en vidéo différéeSi l’entretien sur Skype remplace parfois larencontre physique, l’entretien vidéo différé, lui, s’inscrit dans un processus quicomprend plusieurs échanges entre le candidat et le recruteur. Inspiré du succès del’entreprise américaine HireVue crééeen 2004, cet outil de présélection a traversél’Atlantique et se développe doucement enFrance depuis cinq ans environ.Sandrine Burban, 26 ans, y a été confron
tée en juillet. Après avoir déposé une candidature pour un poste de chef de projet fidélisationeteshopchezHeineken (contactée,l’entreprise n’a pas répondu à nos sollicitations), elle reçoit un mail de la plateformeEasyRECrue l’invitant à réaliser un entretiendifféré. Seule faceà sawebcam,elledoitrépondre à six questions orales et trois écrites portant sur ses expériences, sa disponibilité et samobilité. « J’avais trente secondespour préparer chaque question, et une àdeux minutes pour y répondre, mais je parlais moins que le temps accordé, car j’avaispeur de commencer une phrase et de ne paspouvoir la finir », explique la candidate. Uneexpérience qu’elle juge « frustrante », et auterme de laquelle elle n’a pas été retenue.« J’aurais aimé me défendre plus sur le faitque j’étais junior et avoir des précisions surcertaines questions. »Une fois la vidéoenregistrée, elle est conservée sur un serveur sécurisé, et le recruteur peut la regarderquand il le souhaite.
Une évaluation plus rapideAvec ces entretiens de présélection, les entreprises évaluent rapidement la présentation du candidat, samanière de parler etsa capacité à argumenter dans un tempsimparti. « Cela permet au recruteur de découvrir des candidats qu’il n’aurait pas forcément reçus sur la seule base du CV »,précise Mickaël Cabrol, fondateur d’EasyRECrue en 2013. Sa société propose aux entreprises des solutions de recrutement endirect ou en différé, et les conseille dans lechoix des questions.Un outil qui a séduit Emmanuelle Dam,
coordinatrice développement RH chez Valeo. Ici, l’entretien différé est réalisé aumoment où le candidat dépose son CV. « Ils’agit d’une étape de présélection utiliséedans 90 % des cas sur le site de La Verrièredans les Yvelines. Cela nous permet d’avoir
choisissaient, parmi ladizained’entreprisesparticipant à l’opération, celles auprès desquelles ils souhaitaient postuler. L’entreprise Bio3G a pris part à l’opération et reçu21 vidéos. Si aucunen’a abouti à un recrutement, Valérie Fossey, responsable recrutement, estime que cela a permis « de découvrir des candidats qui n’auraient pas forcément postulé chez nous ». Autre avantage :«Même si les questions sont parfois trop générales, on se concentre sur ce que le candidat est capable de nous livrer à un instant T,sur ses compétences, plutôt que sur son CV. »A la recherched’un emploi, SofianeKhaiti aparticipé à cette opération et regrette de nepas avoir pu visionner sa vidéo. « J’auraisaimé développer certains points et pouvoircorriger des choses », précise le candidat.Qu’il soit éliminatoire ou non, l’entre
tien vidéo en direct ou en différé « peutêtre traître pour un candidat qui n’est pasà l’aise face à son écran. Cela déshumanisele processus », estime François Geuze,maître de conférence à l’université deLille, spécialiste du management des ressources humaines. « Il est intéressantpour une entreprise d’introduire de nouvelles méthodes de recrutement, car celapermet de mettre en avant des candidatsdifférents », analyse Emmanuelle Marchal, directrice de recherche au CNRS/Sciences Po, « mais bien sûr, avec la vidéo,il n’y a pas du tout ce que l’on peut avoirlors d’une vraie interaction ».
angéliquemangon
plus d’éléments que lors d’un entretien téléphonique. » L’entreprise a fait ses comptes : le temps de la présélection est divisépardeux.Mais selonLaurentBrouat, directeur de LinkHumans, société de formationde recruteurs, cette méthode de présélection n’est pas adaptée à tous les profils.« Pour des commerciaux ou dans le marketing, ça a du sens, mais pas pour des fonctions techniques où il y a moins besoin decommunication. »
En juin, RégionsJob a lancé pour ladeuxième fois une opération « selfies vidéo», destinéeàdes commerciauxbusinessto business (B2B). Les 300 participants devaient répondre à cinq questions dans untemps limité face à leur webcam. Une foisl’enregistrement terminé, les candidats
«À DISTANCE, J’AI EU AUTANTDE CHANCES, VOIRE PLUS,CAR, DANS UN TÊTEÀTÊTECLASSIQUE, JE STRESSE »
MARINE THOMAScandidate
«Attention audécor et à la lumière » !Qu’il se déroule en direct ouen différé, un entretien vidéoexige de la préparation.Comme pour une rencontrephysique avec le recruteur, ilest nécessaire de se renseigner sur l’entreprise, ses projets en cours et sur le poste àpourvoir. « Le candidat doitpréparer des élémentsconcrets qui illustreront sonpropos », précise Tania Gibot,consultantemobilité àl’Association pour l’emploides cadres (APEC).Avant de commencer l’entretien, il est conseillé de s’installer dans un endroit calmeet sobre. « Attention au décoret à la lumière », alerte Fabrice Mazoir, chef de projetéditorial chez RégionsJob.« Evitez de laisser dans lechamp de la caméra des ob
jets trop personnalisés et placezvous devant un fond neutre plutôt que devant uneaffiche », précise Tania Gibot.Fabrice Mazoir conseilleégalement de tester laconnexion Internet, sawebcam et de vérifier sescodes d’accès à Skype avantde se lancer. « Il faut éliminertout ce qui peut stresser »,expliquetil.Côté tenue, s’il est tentantde porter un chemisier engardant son bas de pyjama,Tania Gibot le déconseille.« Il est préférable de s’habillercomme pour un entretien enface à face. Je recommandedes tenues claires qui sontplus flatteuses à l’écran. »Autre aspect : le comportement face à la caméra. « Lecandidat doit être souriant, à
l’écoute de son interlocuteur etle laisser parler, conseilleFabriceMazoir, car il y aparfois un petit délai entre lemoment où une personnes’exprime et la réception dumessage par le destinataire. »« On perd en spontanéité,renchérit Tania Gibot, car ilfaut attendre que la personnetermine sa phrase avant de luirépondre. Il faut donc renforcer le lien visuel avec le recruteur en le regardant de façonplus appuyée que lorsque l’onest face à lui pourmaintenir lecontact. » L’interaction étantplus difficile, il est conseilléde redoubler d’attention et dene pas lire ses fiches. Dernierconseil : s’entraîner en se filmant afin d’avoir une idée del’image que l’on renvoie.
An. Ma.
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Après les films, les hôtels ou lesrestaurants, les entreprisessont notées à leur tour sur dessites spécialisés. Le pionnier,Meilleuresentreprises.com, a
été lancé en 2009. Toujours actif, il a étéimité en octobre 2014 par le géant américain Glassdoor (créé par les fondateurs deTripAdvisor) et en juin par Viadeo.Sur ces sites, les salariés et les stagiaires,
peuvent évaluer et noter leur entreprisesur différents critères : rémunération, environnement de travail, intérêt des missions, perspectives de carrière, confianceen leurs dirigeants, avantages sociaux, etc.De leur côté, les candidats peuvent indi
quer comment s’est déroulé le processusde recrutement, les questions posées, lessuites données à l’entretien. Glassdoor estplutôt bien positionné pour les informations concernant les salaires et les grandesentreprises, Viadeo et Meilleuresentreprises.comfavorisentdavantage les commentaires et possèdent plus d’avis sur les PME.A titre d’exemple, Meilleuresentreprises.com recense 300 000 avis, concernant4 300 entreprises, et reçoit 300 000 visiteurs uniques parmois.
Des précautions s’imposentPour les jeunes diplômés, ces sites offrentla possibilité de découvrir l’entreprise del’intérieur et de connaître le ressenti de salariés ou d’exsalariés. Ils constituent ainsiune source d’informations plus transparente que les sites carrière « corporate »(internes), où tout semble toujours parfait.Pour les candidats, les comptes rendusd’entretiens peuvent se révéler précieuxpour se préparer à ce type d’épreuve.Cependant, des précautions s’imposent :
ces avis sont subjectifs et, en général, la
note d’une entreprise repose sur les réponses de quelques salariés – deux ou troispour une PME, quelques dizaines pour lesgrandes entreprises. Des employeurs ontrécemment communiqué sur le fait queleur sociétéaétédésignéecommeidéale selon les stagiaires au classementHappyTrainees. Attention à bien regarder le nombrede réponses sur lesquelles ils se basent.
Difficile également de savoir si les avis de28 salariés postés surGlassdoor sont représentatifs de ceux des 200 000 salariés quitravaillent à GDF Suez ou s’il s’agit de personnes aigries ou, au contraire, particulièrement enthousiastes. Ensuite, il peutexister de grandes différences d’ambianceet de conditions de travail entre le siège etles filiales, voire entre différents services.Enfin, il est difficile de comparer des entreprises alors qu’elles ont toutes en généralune note qui tourne entre 3,2 et 3,6 (sur 5).A cet égard, les commentaires sont en général plus intéressants que les notes.
En revanche, les avis font de plus en plusl’objet de vérifications, et différentes validations humaines visent à réduire au maximumles faux,unecritiquesouvent faiteauxpremiers sites de notation. Selon les platesformes interrogées, les commentaires éliminés ne dépasseraient pas les 5 %10 %. Al’heure actuelle, il est difficile de savoir si cessitessonttrèsconsultés.«Cadreset jeunesdiplômés ne nous en parlent pas spontanément », indique Laurence Charneau, consultanteà l’associationpour l’emploides cadres(APEC). De son côté, Laurent Labbé, fondateurdeMeilleuresentreprises.com,constateque les entreprises reprennent certains avissur leur page Facebook, leur site carrière ousur les intranets des écoles.En attendant que ces sites atteignent un
volume plus important d’avis, ils constituent d’ores et déjà un outil de plus pourles jeunes diplômés en quête d’informations sur une entreprise et cherchant à« sentir » l’ambiance et les conditions detravail. « Certains éléments tels que les fourchettes de rémunération peuvent être utilisés en entretien comme base de discussion,estime Laurent Labbé. C’est un complément d’information très utile dans un parcours de recherche d’emploi. »« Cela ne fait pas encore partie des réflexes
des jeunes diplômés, mais cela va venir, assure Alexandre Roucher, directeur produitchez Viadeo. Ils vont s’emparer de l’outil carils cherchent à s’épanouir dans leur travail etsont donc sensibles aux items évalués. »« Ces sites ne constituent pas la source d’information que je préconise en premier lieu,car la notation subjective reste aléatoire,mais cela devient un outil supplémentaire, àcroiseravec le factuel et la lecturede lapresseéconomique », conclut Laurence Charneau.
gaëlle picut
doss i er | recrutement : le grand décalage
«CERTAINS ÉLÉMENTS TELSQUE LES FOURCHETTES
DE RÉMUNÉRATION PEUVENTÊTRE UTILISÉS COMME
BASE DE DISCUSSION LORSDES ENTRETIENS PRÉALABLES»
LAURENT LABBÉfondateur de meilleuresentreprises.com
Desplatesformesspécialiséesappellentsalariésetcandidatsàattribuernotesetavissur lessociétés.Descommentairesutiles,à lireavecdiscernement.
Lessitesdenotationd’entreprises:duneufdanslemarchédel’emploi
AUDIT,CONSEIL,EXPERTISE COMPTABLE
Rendez-vous suret kpmgrecrute.fr
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Seuls 8 % des employeurs interrogés dans un sondage ViadeoHarris Interactive publiéfin 2013 se servent des réseauxsociaux professionnels pour
recruter alors que 58 % continuent de passer par le boucheàoreille pour dénicherleurs futures recrues. De quoi inciter lajeune génération à délaisser LinkedIn ouViadeo pour se tourner vers les réseauxphysiques traditionnels qui font la partbelle à la prise de contact à l’ancienne.D’autant que fleurissent les réseaux ré
gionaux, auplusprès du tissu économiqueet du marché de l’emploi local. En Bretagne, dans leNord, en région PACA…Faisant
le pari de la proximité, les initiatives publiques et privées se multiplient pourmettreen relation des professionnels et des clubsd’entrepreneurs ancrés dans le territoire.« Rien qu’en comptant les réseaux locaux
d’entrepreneurs, il y en a entre 10 000 et15 000 en France », affirme Alain Bosetti,cofondateur de la plateforme Place des réseaux. Certains réseaux professionnelssont uniquement implantés dans la région, d’autres sont des antennes locales deréseaux nationaux. Ainsi, Entreprendrepossède plus de 80 antennes disséminéesen France. Les chambres de commerce etchambres des métiers sont aussi à l’initiative d’un grand nombre de réseaux visant
à favoriser le développement économiqueet l’insertion professionnelle en région.« On voit aussi beaucoup de réseaux sectoriels se créer en lien avec les spécialisationséconomiques des régions, par exempleautour du secteur aéronautique en paysd’Oc, ou bien de la Cosmetic Valley dans leLoiret », ajouteM. Bosetti.
Solidarité activeFavoriser le retour à l’emploi, soutenir lacréation d’entreprise… Ces réseaux régionaux naissent autour d’objectifs divers.Mais tous ont un point commun : « Ils permettent de rompre l’isolement et d’échanger avec ses pairs, rappelle le cofondateur
doss i er | recrutement : le grand décalage
FaceàLinkedInouViadeo, lesclubsà l’anciennen’ontpasdit leurderniermot. Les initiatives semultiplient pourmettre en relationprofessionnels et entrepreneurs d’unmême territoire.
Parier sur les réseaux régionauxpour sortir du lot
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de Place des réseaux. En côtoyant des professionnels aguerris, proches du tissu économique local, les jeunes diplômés peuventgagner en expérience et trouver leurs premiers clients ou employeurs. »Rompre l’isolement des travailleurs indé
pendants bretons : telle est la vocation deCourants porteurs, une association que saprésidente, Catherine Cardi, définit commeun « réseau professionnel impliqué dans leterritoire économique ». Créée il y a une dizaine d’années par des freelances venus detous horizons implantés en Bretagne, l’association compte entre 150 et 180 membres. Elle organise des réunions à l’échellede la région et des départements pour permettre à sesmembres de partager leurs expériences… et plus si affinités. « Il y a uneforte solidarité, fait valoir Mme Cardi. Il y aenviron deux ans, un de nos membres, quitravaillait dans le domaine du Web, a perduplusieurs missions. D’autres adhérents l’ontaidéà reprendrepied en lui donnantdeuxoutrois contacts. » Le réseau vise également àfavoriser une meilleure connaissance dutissu économique de la région. « Quandvous discutez avec des gens de Brest, ils n’ontpas les mêmes problématiques qu’à Rennes,par exemple », soulignetelle.« 70%denosmembres trouventdu travail
à travers le “marché caché”, fait valoir deson côté JeanPierre Camel, porteparoledu Réseau Emploi Cadres 69, qui fédèreune dizaine d’associations en RhôneAlpes. Nous accompagnons chaque année250 à 290 membres dans leur recherched’emploi. » « Côtoyer un directeur commercial ou un DRH permet aux jeunes de développer leur connaissance de l’entreprise »,observe le porteparole.
Des cotisations parfois élevéesL’entraide peut aussi dépasser les frontièresde la région.Néeen 1962en régionparisienne, l’Association des cadres bretonssoutient les « exilés »qui viennent s’installer en IledeFrance. Même solidarité ducôté de L’Oustal des Aveyronnais de Paris,qui met à la disposition des jeunes arrivants dans la capitale des studios situésdans le 12earrondissement.Mais tous les réseaux professionnels ne
sont pas ouverts aux jeunes diplômés.Certains sont accessibles uniquement parcooptation. Pour d’autres, la sélection parl’argent à l’entrée peut être dissuasive :« Pour les réseaux les plus importants, lacotisation annuelle peut atteindre plusieurs milliers d’euros, indique Alain Bosetti. Mais des tarifs plus accessibles sontsouvent prévus pour les demandeurs d’em
naux émergent sur les réseaux sociauxprofessionnels. Viadeo ne compte pasmoins de 132 « hubs » régionaux.Allier la dimension locale à la puissance
des réseaux sociaux, telle est la voie choisiepar Ecobiz, le réseau initié par la chambrede commerce et d’industrie (CCI) de Grenoble il y aunedizained’années. «Onanimaitdéjà des clubs au niveau des chambres,maiscela se résumait à quelques rencontres dansl’année, indique Anne Barrand, responsabledu réseau Ecobiz à la CCI Grenoble. Lesoutils de plateforme collaborative nous ontpermis de démultiplier notre action. »La plateforme Web mise en place par la
CCI regroupe une vingtaine de communautés virtuelles : jeunes entreprises, acteurs du tourisme, des ressources humaines… Le réseau Ecobiz revendique 6 400membres. « Cela a permis de rapprocherles acteurs d’un territoire », fait valoirMme Barrand. Cette initiative visait notamment à séduire la jeune génération. « Lesjeunes diplômés sont très à l’aise avec lesréseaux sociaux et ne se contentent plusdes réseaux de rencontre traditionnels,ajoute la responsable.Mais il faut allier lesdeux : c’est encore important de créer desoccasions de rencontre entre les gens. »Loin de les opposer, Alain Bosetti croit
lui aussi à la complémentarité du terrainet du virtuel. « Les réseaux sociaux permettent d’échanger avec ceux qui sont loin, defaire rayonner son savoirfaire et son projet, tandis que les réseaux physiques permettent d’instaurer une relation de confiance en donnant l’occasion d’échangesapprofondis, estimetil. On ne peut pastout dire en 140 caractères ! »
catherine quignon
Trouver les bons contacts enprovincePour un jeune diplômé enpanne de contacts professionnels, il n’est pas toujoursfacile de savoir à quelle portefrapper pour développer undébut de réseau. « Les étudiants peuvent commencerpar s’adresser à l’associationdes anciens de leur établissement pour voir s’ils n’ont pasquelques contacts au niveaude la région », conseille AlainBosetti, cofondateur de laplateforme Place des réseaux.Autres pistes à explorer : lesforums, incubateurs et pôlesde recherche, ou encore les
espaces de coworking, quisont souvent en contact avecdes réseaux d’initiativelocale. « Je recommandeaussi d’aller voir du côtédes chambres de commerceou demétiers : les CCI gèrentselon leur taille entre 10et 15 réseaux d’entreprise »,ajouteM. Bosetti.Les clubs sportifs et les associations de loisirs régionalespeuvent aussi déboucher surdes prises de contact professionnels. « Ne pas hésiter à setourner vers les antennes locales de réseaux prestigieux
du type Lions Club ou Rotary,recommandetil. Ces clubsont notamment mis en placedes bourses pour les créateursd’entreprises. »Pour savoir si l’associationen vue est réellement dynamique, « le mieux est de sefaire inviter à une réunionpour voir le nombre de participants, les intervenants, lessujets… », conclut Alain Bosetti. Qui ajoute : « Surtout,dans un réseau, il faut savoirdonner avant de recevoir. Unclub, c’est d’abord une dynamique collective ! » C. Qu.
ploi et les jeunes créateurs d’entreprise. » Ilexiste aussi des réseaux locaux réservésaux jeunes, tel CVs Sup, le club des jeunesdiplômés actifs de Toulouse.Reste que beaucoup de réseaux régio
naux sont des associations « à l’ancienne », implantées de longue date sur leterritoire, mais peu présentes sur le Net.Faute de visibilité, elles ont parfois dumalà attirer du sang neuf. « Chez nous, lamoyenne d’âge se situe entre 40 et 50 ans »,reconnaît Catherine Cardi. Pour attirer lajeune génération, l’association commencedoucement à se mettre aux réseaux sociaux. «On est en train de créer des groupesFacebook et LinkedIn », poursuit la présidente de Courants porteurs.Au demeurant, l’appartenance régionale
devient aussi unmoyende sortir du lot surle Web. De plus en plus de groupes régio
ASSOCIATIONS TRADITIONNELLESOU RÉSEAUX SOCIAUX?
«IL FAUT ALLIER LES DEUX.C’EST IMPORTANT DE CRÉER
DES OCCASIONS DE RENCONTRESENTRE LES GENS»
ALAIN BOSETTIcofondateur de la plateforme Place des Réseaux
22 / Le Monde Campus Mardi 17 novembre 2015
Deux fois moins de risques dedevenir chômeur de longuedurée, un taux de chômageplus faible de 23 % (cinq ansaprès l’obtention de leur di
plôme), des salaires plus élevés à partir debac + 3, un stagiaire sur trois qui trouve unposte dans son entreprise d’accueil… Lesétudiants Erasmus ont bien de la chancepar rapport à ceux qui ne partent pas enséjourd’étudeoude stageà l’étranger. 94%d’entre eux ont d’ailleurs l’intention dementionner leur Erasmus dans leur CV,83 % veulent en parler lors de leurs entretiens d’embauche et 81 % considèrent queleurs qualités personnelles se sont améliorées durant cette période.Côté employeurs, 64 % estiment que
l’expérience internationale représenteune compétence importante dans leurrecrutement et 92 % disent rechercherdes qualités transversales, précisémentcelles acquises par les étudiants passéspar Erasmus : curiosité, confiance en soi,tolérance…
Unemajorité de femmesA leur retour de séjour, les « Erasmus » ontfait augmenter ces aptitudes de 42 % parrapport aux autres étudiants. Le cycle vertueux s’installe jusquedans l’intimité : 33%des anciens Erasmus sont en couple avecune personnalité de nationalité différente,contre 13%des étudiants nonmobiles.Pour finir, les Erasmus sont plutôt de
sexe féminin (61 % en 20122013). Globalement corroborées par d’autres études, cesconclusions proviennent en particulier dudernier rapport de grande ampleur (1) réa
lisé par des organismes indépendantspour la Commission européenne. Le dispositif Erasmus accélère l’intégration professionnelle.Pourtant, ces statistiques doivent être re
lativisées. S’agissant d’une moyenne sur34 pays (plus que les VingtHuit de l’Unioneuropéenne), l’étude en question ne rendpas compte des disparités par pays. Surtout, elle ne fait nullement la démonstration que l’employabilité des Erasmus provient de leur séjour à l’étranger. Tout auplus démontretelle qu’il existe des emplois intraeuropéens, opportunément
pris par les étudiants Erasmus du fait deleur mobilité ! Et aussi, que le programmeest l’occasion d’approfondir chez eux desqualités préexistantes.Ainsi, en l’absence de certaines variables
(âge, profession du parent de référence, diplôme le plus élevé des parents, revenumensuel des parents, obtention d’unebourse sur critères sociaux, âge au baccalauréat, parcours d’établissements, capitalmobilité…) et demodèle statistique adaptépour mesurer leur degré d’influence, ilreste impossible de conclure que la formation Erasmus a conduit à une insertionprofessionnelle supérieure.
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64% DES EMPLOYEURSESTIMENT QUE L’EXPÉRIENCE
INTERNATIONALEREPRÉSENTE
UN AVANTAGE IMPORTANTPOUR LEURS EMBAUCHES
Les bénéficiaires de ce programmeeuropéen s’insèrent plus facilement sur lemarchédu travail.Mais denombreux travaux soulignent son caractère élitiste.
Erasmus, unatoutpour toute sa vie professionnelle
Mardi 17 novembre 2015 Le Monde Campus / 23
En revanche, denombreux travaux soulignent le caractère élitiste de son dispositif.Le niveau des bourses reste discriminatoire (200 à 300 euros mensuels pourl’étude ; 350 à 450 euros pour le stage,en 20152016). Y compris si d’autres ressources de l’Etat ou des collectivités viennent s’ajouter. Celanous ramèneàune réalité d’Erasmus moins « Auberge espagnole » qu’on pourrait croire.
Le conseil régional d’IledeFrance, parexemple, propose 250 à 450 euros mensuels (dans la limite des crédits alloués !)et le ministère de l’enseignement supérieur n’octroie pas plus de 400 euros enmoyenne pour l’année. Il est certes possible de cumuler ces sommes avec l’ordi
naire de la bourse universitaire obtenuesur critères sociaux, au minimum de100 euros et plafonnée à 554 euros mensuels lorsque le foyer fiscal des parentsn’atteint pas les 20 000 euros annuels.La famille devra donc compenser le soldeen proportion du coût de la vie du paysaccueillant.
Les universités supplantéesAutre problème : « L’université proposeune offre de mobilité largement moindreque les écoles, relève Magali Ballatore,maître de conférences et chercheuse ensociologie. Cela vaut en France mais aussien Italie et en Angleterre. Les études en lamatière, résumetelle, sont arrivées à laconclusion que les plus grands bénéficiaires des parcours Erasmus sont les étudiants de filières sélectives (écoles de commerce, d’ingénieurs, de langues). » Lesgrandes écoles supplantent les universités, leurs étudiants sont surreprésentésparmi les Erasmus.De toutemanière, toute démonstration
est affaiblie par le peu de représentativité des étudiants en question. Ils nesont que 37 757 étudiants françaisen 20132014 à avoir bénéficié de lamobi
lité Erasmus, soit moins de 2 % des effectifs universitaires. Peutêtre cela changeratil si l’objectif qu’a fixé la Commission européenne de 20 % d’Erasmuspour 2020 est atteint.D’ores et déjà, Erasmus s’est élargi
en 2014 à l’enseignement scolaire et à laformation professionnelle, pour devenirErasmus+. Doté d’un budget de 14, 7 milliards d’euros (40 % d’augmentation)pour la période 20142020, alors que19 milliards avaient été demandés, il risque tout demême d’être encore à la peinepour démontrer sa pertinence premièredans l’employabilité des jeunes diplômésdu supérieur.
sergemarquis
(1) Rapport réalisé à partir de cinqenquêtes en ligne, qui ont permisd’obtenir près de 80 000 réponses,dont celles de 74 000 étudiants,5 000membres du personneld’enseignement, près de1 000 établissements d’enseignementsupérieur et plus de 650 employeurs(55 % de PME) en 2013.Les études quantitatives ont étéréalisées dans 34 pays et les qualitativessur 8 pays.
Comment bien vendre les compétences acquises à l’étrangeragréables à vivre commeBarcelone. Sur les forumsspécialisés, les expatriés deretour en France échangent leursexpériences et leursméthodespour se défaire de ce qu’on appelle le « CV cocotier ».Certains jeunes diplômésindiquent dans leur CV ou dansleur lettre demotivation lespoints forts de leur établissement d’accueil : présence dans leclassement de Shanghaï,accréditations internationales(AACSB, Equis, EPAS), etc. De lamêmemanière, les actifsn’hésitent parfois pas à détaillerles activités de l’entreprise localeet surtout les missions réalisées.Une précaution nécessaire : lesemployeurs français décrochentrarement leur téléphone pouréchanger avec leurs homologuesétrangers.
Adapter le discoursà l’entrepriseGare à ne pas tomber dans le récitde voyage professionnel. Les recruteurs attendent des candidatsqu’ils relient leur expérience auposte proposé. Un profil international susceptible de vouloir repartir peut cependant effrayerune entreprise pas ou peu tournée vers l’étranger. Dans ce cas,mieux vautmettre en avant descompétences transversales recherchées, comme le goût pourla prise de risque. « L’ouvertured’esprit et la fibre entrepreneuriale sont des atouts pour n’importe quel patron cherchant à innover ou à concevoir un nouveauservice », assureM. Lecoq.
Dégager un projet cohérentPour les employeurs français, ladestination et la durée d’immer
sion importentmoins que lesmotifs d’expatriation : développer un réseau professionnel,devenir bilingue voire trilingue,comparer les entreprises,les marchés ou les culturesdu travail. Enumérer ne suffitpas, il faut prouver.«On peut faire Erasmus+, parexemple, sans en tirer tous les bénéfices, constate Antoine Lecoq,DG du cabinet de recrutementPage Personnel. Certains étudiants rentrent en France avecun niveau d’anglais très moyen. »Pour attester de nouveaux acquis, il est notamment possiblede faire un bilan de compétencesou de passer un test de languecomme le TOEFL (Test of Englishas a Foreign Language), ou TOEIC(Test of English for InternationalCommunication).
Martin Rhodes
Selon l’Unesco, 62 400 étudiantsfrançais étaient inscrits dans unétablissement étranger en 2012,soit près de 20 000 de plusqu’en 2008. Selon le rapportde la commission d’enquête parlementaire remis en octobre 2014sur « L’exil des forces vives deFrance », le taux d’expatriationdes jeunes diplômés, relativement stable, avoisine tout demême les 15 % en 2014. Si lamobilité reste un atout, il estdésormais nécessaire de lavaloriser pour sortir du lot.
Casser l’image de vacancesdéguiséesLes étudiants partent pour fairela fête et les jeunes diplôméspour couler des jours heureux.Cette idée reçue est souventassociée aux destinationsensoleillées, dépaysantes ou
L’ÉTUDE, MENÉE DANS 34 PAYS,NE FAIT NULLEMENTLA DÉMONSTRATION
QUE «L’EMPLOYABILITÉ»DE CES JEUNES DIPLÔMÉS
PROVIENT DE LEUR SÉJOURÀ L’ÉTRANGER
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Mardi 17 novembre 2015 Le Monde Campus / 25
Nathan Péronne se souviendralongtemps de cette annéepassée à l’autre bout dumonde. Après un CDDcomme graphiste, le jeune
homme de 22 ans décide en 2014 de profiter du Programme vacancestravail (PVT) –appelé Permis vacancestravail au Canadaet Working Holiday Visa ailleurs – pours’envoler vers le bush australien. Il est persuadéde trouver aisémentun job sur placepour financer son année sabbatique. Maisil déchante vite. « J’ai bienmis unmois pourdécrocher unpremier boulot, se souvientil.Je ne trouvais rien, car je n’avais pas d’expérience et que mon anglais n’était pas terrible. » Ses économies fondent.Heureusement, Nathan finit par décro
cher un emploi de cueilleur dans uneferme. « C’était très dur, sept heures d’affiléepenché sur les courgettes… racontetil. Cen’était pas tropmal rémunéré, sauf que je devais aussi payer le logement. Et comme il n’yavait pas tous les jours du travail, celame revenait parfois plus cher que cela me rapportait ! » Parti avec 8 000 dollars en poche, lejeunehommeenadépensé 11 000au coursde son année enAustralie.
De plus en plus de candidatsLes jeunes Français sont de plus en plusnombreux à tenter l’aventure du PVT. Etpour cause : « C’est le seul programmeouvert à tous les 1830 ans sans conditions,même aux nondiplômés, souligne JulieMeunier, cofondatrice du site PVTistes.net.Hors Europe, un visa de travail classique nécessite de trouver un emploi en amont. »Permettantd’alternerpetits boulots et ex
ploration du pays, ce programme est long
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Ouvert aux 1830 ans, ce systèmede visas temporaires permet departir travaillerenvironunandansunpays étranger.Mais les destinations phares sont saturéeset, parfois, le rêve tourne au cauchemar.
LesuccèsduProgrammevacancestravail cachedemauvaises surprises
temps apparu comme la solution idéalepourpartir àmoindres frais.Unedizainedepays ont signé des accords de PVT avec laFrance. En2014, 25000«PVTistes» françaisse sont rendus en Australie, terre de prédilection des participants à ce programme,soit deux fois plus qu’il y a cinq ou six ans.Mais les choses sontmoins simplesqu’il y
a quelques années. Les destinations les pluspopulaires – Canada, Australie et NouvelleZélande – sont saturées : en 2013, plus de50 000 jeunes avaient tenté d’obtenir leurPVT pour le Canada, pour environ 6 400places disponibles. « Cette année, toutes lesplaces sont parties en quelques minutes surInternet », constateMmeMeunier.
Pas si évident de décrocher un job unefois sur place. « Les participants sont souvent persuadés de trouver très rapidement,poursuit la jeune femme.Mais les Français,notamment dans les grandes villes, entrenten concurrence avec d’autres nationalités,qui souvent maîtrisent mieux l’anglais. »Réputés râleurs, les Français n’ont pas toujours bonne presse : en Australie, à la suitede nombreuses affaires de vol impliquantdes Hexagonaux, le vol à l’étalage estmême appelé «French shopping»…Les employeurs profitent aussi de cet af
flux demaind’œuvre. « Certains cueilleursde fruits ne gagnent pas plus de 3 ou 4 dollars de l’heure », précise Julie Meunier. Ducoup, des PVTistes sont obligés de rentrerau bout de quelques semaines. « J’ai vubeaucoup de gens partis avec peu d’argenten poche se retrouver sans rien », commente Nathan Péronne.
Pourquoi pas l’Asie ?« Le PVT reste un programme ouvrant desopportunités incroyables », assure toutefois Julie Meunier. Après deux PVT entrepris auCanada et enAustralie, ellemêmeatrouvé un emploi dans une société de doublage grâce à son niveau d’anglais.« Sur un CV, cette expérience prouve à l’employeur que l’onpeut se débrouiller seul, considère Nathan Péronne. A condition de savoir la présenter ! » A son retour, le jeunehomme a dû passer une partie d’un entretiend’embaucheenanglais, « ce que j’auraisété incapable de faire avant », estimetil.Face à la concurrence, la solutionest peut
être de sortir des sentiers battus : des payscomme le Japonou la Corée du Sudpeinentà remplir leurs quotas de PVTistes. « L’Amérique du Sud, où le coût de la vie est moinsélevé, peut aussi se révéler unebonneoption,estime Julie. Quant à l’Asie, malgré la barrière de la langue, j’ai une amie qui a fini partrouver du boulot comme prof d’anglais auJapon. Malgré les difficultés, à la fin elle nevoulait plus rentrer ! »
catherine quignon
Pour en savoir plus :http://www.diplomatie.gouv.fr /fr/servicesauxcitoyens/preparersonexpatriation/emploi/article/programmevacancestravail117914
« LES FRANÇAIS SONTSOUVENT EN CONCURRENCE
AVEC D’AUTRES NATIONALITÉSQUIMAÎTRISENTMIEUX
L’ANGLAIS»JULIE MEUNIER
cofondatrice du site PVTistes.net
26 / Le Monde Campus Mardi 17 novembre 2015
doss i er | recrutement : le grand décalage
Reviens, Léon ! » Le célèbre slogan de la publicité Panzani aservi à baptiser le mouvementlancé en mai 2015 par une poignée de startup françaises de
venues grandes – Blablacar, Criteo,Showroomprivé, etc. – pour tenter de convaincre les jeunes talents expatriés de revenir dans l’Hexagone.Les entreprises s’inquiètent de la fuite
des cerveaux français : pasmoins de 65 %des expatriés interrogés envisagent leuravenir professionnel à l’étranger, selon lebaromètre Deloitte 2015 sur l’humeur desjeunes diplômés publié en janvier. Sanssurprise, l’état du marché de l’emploi etdes perspectives de carrières insuffisantes sont désignés comme les principauxfreins au retour.
Après Singapour, Zurich ou Londres ?Les jeunes diplômés expatriés entendentvoir leur expérience reconnue à sa justevaleur, ce que les employeurs français nepeuvent pas toujours leur offrir. « Le contexte économique est difficile et il y a peutêtre une survalorisation de cette expérience par la personne ellemême », défend Wilhelm Laligant, directeur généralde Randstad Search & Selection. La moitié des expatriés revenus en France, interrogés dans le cadre de l’Observatoire del’expatriation, déclarent avoir eu des difficultés à faire valoir leur expérience internationale et à décrocher un poste à lahauteur de leur ambition.Jeune trentenaire expatrié depuis trois
ans et demi à Singapour, Axel en est convaincu : resté en France, il n’aurait pas eules mêmes occasions. Après deux masters
Nombrede jeunes Français partis vivre et travailler ailleursdécident d’y rester, faute de débouchés dans l’Hexagone,mais aussiparce qu’ils ont trouvéunequalité de viemeilleure. Témoignages.
De jeunesdiplômés s’expatrientavecunaller simple
en management des systèmes d’information, le jeune homme a débarqué dans lacitéEtat asiatique dans le cadre d’un volontariat international en entreprise (VIE)pour un groupe bancaire, rémunéré3 500 euros parmois.A la fin de son VIE, son employeur lui
propose un CDI. Quelques mois plus tard,le jeune homme décroche une nouvellepromotion. « Si j’étais resté en France, je nepense pas que j’aurais eu la possibilité d’untel bond en termes de poste et de rémunération, estimetil. Ici, le marché est encorejeune et les choses évoluent très vite. »Axeln’exclut pas de revenir en Europe, maispas en France : « J’envisage Zurich ou Londres pour leur environnement international », indiquetil.Consultante en développement durable
basée en Argentine, Ethel BonnetLavergea aussi pu réaliser son rêve parce que toutétait à créer dans son pays d’adoption.
Pour la jeune femme, « ce pays offre davantage d’opportunités à ceux qui ontl’âme d’un entrepreneur ». Partie de rienaprès avoir débarqué en 2008 en Amérique latine, Ethel contribue à développersur place l’antenned’un réseau international de consultants en développement du
rable, ce qui lui permet de se lancer ellemême. Aujourd’hui, elle travaille pour ungrand cabinet d’audit. « Amon âge et avecmon niveau d’expérience, le poste que j’aiici est à mon avis difficile à obtenir enFrance », estimetelle. Au demeurant,Ethel exclut tout retour dans l’Hexagone.« J’aime l’Argentine avec ses contrastes etses difficultés, et surtout, j’ai rencontrémonmari ici », faitelle valoir.
«Ceux qui sont rentrés le regrettent»Les déconvenues de ses amis revenus enFrance n’incitent pas non plus Titouanvan Belle, jeune Français de 25 ans expatrié à Berlin, à rentrer au pays. Après sesétudes d’informatique, le jeune homme afait le choix de s’installer dans la capitaleallemande pour profiter de sa qualité devie : « C’est une ville avec beaucoup deparcs, où l’on peut s’asseoir dans le métro… et les prix de l’immobilier sont raisonnables par rapport aux salaires, décritil.Pour toutes ces raisons, mes amis rentrésà Paris le regrettent. »L’informaticien est actuellement salarié
dans une grande entreprise hightech,aprèsplusieurs expériencesprofessionnelles dans des startup et en tant que freelance. « Je n’ai jamais connu de période dechômage de plus d’un mois, faitil valoir.Dans mon domaine, la technologie, Berlinest la ville où ça se passe. » Surtout, il n’a jamais eu à montrer son CV. « J’ai toujoursété recruté sur la base des projets que j’aimenés », expliquetil. Et Titouan de pointer la mentalité des recruteurs français :« Contrairement à la France, ici les compétences comptent plus que le diplôme. »
catherine quignon
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28 / Le Monde Campus Mardi 17 novembre 2015
LEOLE
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religion
Où les croyants se sententils le plusutiles pour diffuser leurs valeurs ?Pour beaucoupd’entre eux, c’est dansles entreprises.
«Rechercheemploienaccordavecma foi»
Mardi 17 novembre 2015 Le Monde Campus / 29
Durant ses études àHEC et au fil de sesstages, elle avait aimél’analyse de données,le financement de
projets. Mais, dans les entreprisesoù elle faisait alors ses premierspas, quelque chose sonnait parfois faux. « Il y avait par momentsun manque d’humanité qui étaitpresque désespérant, se souvientClaire Boya. C’était tout un ensemble de petites choses quime déplaisait… La façon dont le travail étaitorganisé, le moment où les ordresétaient donnés… »A l’école, dès le mois de janvier
de la dernière année, les étudiants se sont lancés dans la recherche de leur futur poste, avecun regard forcément attentif surles perspectives salariales. Progressivement, la jeune femme apris du recul par rapport à cettecourse effrénée et pris conscience que, « s’il pouvait être positif pour certains, dans leur vie active, de prendre l’autoroute,d’autres s’épanouiraient davantage en empruntant une nationale ou une départementale ».
Des choix confortésLes chemins de traverse lamèneront, ses études achevées, versune année de volontariat dans lamarine. Puis, en 2009, la jeunediplômée rejoint les Apprentisd’Auteuil comme contrôleuse degestion. Croyante, Claire Boya assure ne pas avoir centré ses recherches sur le monde des institutions catholiques dont faitpartie cette fondation de protection de l’enfance. Mais, en abordant sa recherche d’emploi, elle aeu en elle la volonté de mettreson quotidien en entreprise enaccord avec sa foi et ses valeurs.Elle n’a donc pas laissé passerl’opportunité de rejoindre lesApprentis.Aujourd’hui responsable de
centre financier au sein de lafondation, elle se félicite : « Çacolle ! Ce métier répond vraimentà certaines de mes aspirations.Ma vie est plus facilement unifiéeen travaillant ici. Et, tous les matins, je sais pourquoi je me lève. »La visée sociale de l’institution,mais aussi « la capacité de ses
membres à se mobiliser autourd’une personne, d’un projet »l’ont confortée dans ses choix.Comme elle, des jeunes diplô
més croyants tentent chaque année, à la sortie de leurs études, demettre en accord leur foi avecleur recherche d’emploi. L’exercice, parfois périlleux, consistedavantage pour eux à trouverune structure partageant des valeurs dans lesquelles ils se reconnaissent que d’intégrer une entité imprégnée de religiosité.
La notion de bien commun« Ils souhaitent trouver un travailen accord avec leurs convictions etla vision qu’ils portent de l’entreprise, vision nourrie par la doctrine sociale de l’Eglise, par leurfoi », relève Jacques de Scorraille,directeur du cabinet de conseilEcclésia RH, centré sur la communauté chrétienne. Le but étant, à
ses yeux, d’accéder à cette « unitéde vie » évoquée par Claire Boya.Cela a aussi été le but poursuivi
par Thibault Sauvageon à traversson engagement dans le Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC). Une associationau sein de laquelle il fait un stageen 2012, lors de son master développement et expertise de l’économie sociale à l’Institut d’études politiques de Grenoble. Undéclic : « Je savais déjà que je voulais travailler dans le secteur associatif, mais cette expérience m’apermis de redécouvrir ma foi. Lesnotions de bien commun et de fraternité ont pris un nouveau reliefà mes yeux. »Il devient alors permanent,
chargé de la coordination de projets. « J’ai travaillé à la mise enplace de formations à l’économie
dans le mouvement », expliquetil. Avec la volonté de mettre enavant certaines valeurs commel’importance du collectif ou lerespect d’autrui… puisées dans safoi chrétienne. « Cette foi, je ne lapratique pas forcément à l’église ledimanche, mais plutôt au jour lejour, grâce à la grille de lecture dela société qu’elle m’offre. »Il a trouvé, ditil, « du sens dans
[son] travail », éloigné de pratiques professionnelles qu’il entendait rejeter, telle la valorisation duprofit individuel. Après trois années passées dans le mouvementrural, Thibault Sauvageon a rejoint depuis octobre 2015 la Conférence des évêques de France, oùil est en charge du développement du service civique au seindes associations de l’Eglise.
Le pragmatisme s’imposeLes jeunes diplômés souhaitantporter des valeurs issues de leurfoi dans le monde professionnelont souventmené des réflexionscommunes sur ce sujet dans lecadre d’associations d’étudiantsconfessionnelles. Claire Boya aété présidente de l’associationChrétiens en grande école, Thibault Sauvageon est passé par leréseau Ecclesia Campus. « Le sensqu’on entend donner à notre parcours professionnel est effectivement un sujet qui nous interpelleet qui fait l’objet de nombreusesdiscussions », confirme unemembre d’Ecclesia Campus.Mais si les organisations étu
diantes apparaissent relativement bien structurées, tant chezles catholiques, les protestants,les juifs que les musulmans,force est de constater qu’àl’heure des choix, c’est souventune certaine forme de pragmatisme qui s’impose.Où les croyants peuventils
être le plus utiles pour diffuserleurs valeurs ? La question faitpartie des réflexionsmenées parles jeunes diplômés quant àl’orientation que doit prendreleur carrière. Et pour beaucoup,c’est dans les entreprises classiques qu’ils doivent prendre leurplace. « Heureusement que tousles chrétiens ne rejoignent pas lemonde associatif, juge Claire
Boya, des Apprentis d’Auteuil. Ilfaut qu’ils soient présents dansles sociétés, sinon rien ne bougera. C’est d’ailleurs une tâche difficile, je suis admirative de ceuxqui empruntent ce chemin. »« C’est là que nous pouvons être
le plus utiles pour faire évoluer lesmentalités », abonde un jeune salarié protestant. Et, pour ce faire,le rôle de l’encadrement est décisif : « En montant en responsabilité, il devient plus facilement possible d’imprégner l’entreprise, àtravers sa façon de se comporter,dans l’attention qu’on porte à toujours être juste, en donnant réellement du sens au travail », jugeClaire Boya.Peu nombreux sont d’ailleurs
les jeunes diplômés qui décidentde s’engager résolument dans lasphère confessionnelle. « C’estassez rare, note Jacques de Scorraille. Il est difficile de les “capter”pour des postes sur des fonctionssupports ( finances, RH…). Ils vontpréférer aller dans des grandsgroupes où les rémunérationssont sensiblement supérieures. Etpuis, pour un premier emploi, l’influence familiale compte encorebeaucoup et l’on se rend comptequ’elle freine les jeunes, arguantqu’un travail dans la sphère confessionnelle n’est pas assez sécurisé et paye mal. »
Le risque d’enfermementLa peur d’avoir un CV trop« orienté » sur un plan confessionnel peut aussi jouer. « Certains étudiants s’interrogent surles risques qu’il y a à enchaîner unstage et un premier emploi dansdes structures étiquetées “catholiques”. Ils ont peur de se trouver enfermés dans le secteur. »Seuls les plus engagés dans la foi
vont donc décider de rejoindreune entité marquée religieusement, une fois leurs études achevées. Face aux difficultés parfoisrencontrées, certains d’entre euxvont même décider de créer leurpropre entreprise. Cette structureleur permettra de mettre en accord leur religion et leur pratiqueprofessionnelle.C’est le cas d’Amine NaitDaoud.
Après un master en finance islamique obtenu à l’université de
«CEMÉTIER RÉPONDVRAIMENT
À CERTAINES DEMES ASPIRATIONS.TOUS LESMATINS,JE SAIS POURQUOI
JEME LÈVE»CLAIRE BOYA
contrôleuse de gestionaux Apprentis d’Auteuil
30 / Le Monde Campus Mardi 17 novembre 2015
Et de porter son regard vers lequartier des affaires de La Défense : « Il y a là beaucoup de musulmans qui travaillent dans lesbanques et qui sentent que leur travail est en désaccord avec leurs propresprincipes éthiquesou religieux.Certains d’entre eux claquentd’ailleurs la porte au bout de quelques années et partent exercer unautre métier. Quitte à diviser leursalaire par deux. »
françois desnoyers
losité »des acteurs économiques à« le suivre », malgré le « potentielénorme » représenté par le marché musulman, Amine NaitDaoud se dit « heureux au quotidien dans ce qu’[il] fai[t] ». « Jen’aurais pas pu avoir un travailcontrevenant aux grands principesissus de ma foi qui fait que je suisopposé à l’intérêt. Donc, si jen’avais pas fondé mon entreprise,j’aurais peutêtre pu être plombier,mais certainementpasbanquier ! »
Retour en France après un and’activité. Il cofonde alors une entreprise, 570 Asset Management,qui propose des « produits financiers conformes aux principes éthiques de la finance islamique ». Laseule solution à ses yeuxpour travailler dans la finance islamiquedans l’Hexagone. Suivra rapidement la création d’une plateforme de financement participatif : Easi Up.S’il déplore aujourd’hui la « fri
Strasbourg, ce jeune musulman arejoint l’Angleterre et la salle demarché d’un grand groupe bancaire français où il avait effectuéun stage. Il propose alors des solutions d’investissement pour desgrands comptes. « C’est dans la capitale anglaise ou dans les pays duGolfe qu’il faut se rendre si l’on veuttravaillerdans la finance islamique,là où tous les organismesbancairesont installé leur département dédié », expliquetil.
religion
La «hijrah »offre des opportunités auxplus qualifiés
Mohammed Jamad a fait lechoix des pays du Golfe il y adéjà six ans. Après un BTS enélectrotechnique et une licencecommerciale, le jeune hommede 25 ans se voit proposeren 2009 un poste de commercialauMoyenOrient. Avec safemme et sa petite fille, Mohammed décide alors de faire legrand saut.Le jeune homme enchaîne unautre contrat avant de trouverson poste actuel, conseiller enventes aux Emirats arabes unispour le compte d’une entreprisepétrolière américaine. « Je suisparti pour des raisons économiques, mais aussi parce que j’étaisassuré de trouver auMoyenOrient un environnement plus accommodant qu’en France enmatière de religion, expliquetil. Ici,si je m’absente lors d’un dînerd’affaires pour faire ma prière,cela ne choque personne. EnFrance, on vous colle une étiquette, même si je comprendsaussi qu’il y ait des amalgames. »Mohammed Jamad est loind’être le seul jeune diplômé français à s’être installé dans un paysmusulman pour des raisons religieuses. Le phénomène ad’ailleurs un nom dans l’islam :la hijrah, l’émigration en terre
musulmane. En l’absence dechiffres officiels sur ce sujet, difficile d’estimer l’ampleur duphénomène. Mais la tendanceest réelle, au vu du nombre deforums et d’associations qui ysont consacrés sur le Net.
Des femmes qui portentle voile« Dans le cadre de mon activité, jerencontre assez souvent des jeunes diplômés qui ne veulent pasfaire le compromis de la religionlorsqu’ils se lancent sur le marchédu travail, notamment les femmes qui portent le voile », indique Abdelillah Talbioui, coach etfondateur du site Changedecarriere.com. Dans un sondagelancé en février 2015 par le siteislamique Katibin, qui a recueilliplus de 3 000 réponses, 47 % desrépondants déclarent envisagerla hijrah.« On voit de plus en plus de jeunes musulmans français qui viennent ici trouver du travail », confirmeMohammed Jamad. Lespartisans d’un islam « orthodoxe » cherchent dans les paysdu Golfe et duMaghreb un environnement plus favorable àleurs pratiques religieuses. « Parrapport aux pays anglosaxons,qui sont très ouverts sur le fait re
ligieux, les pays musulmans offrent encore plus de facilités d’accès : il y a plus de mosquées, leweekend tombe les vendredis etsamedis… », détaille AbdelillahTalbioui.Audelà de la recherche d’un cadre de vie islamique, les motivations des candidats au départsont souvent plurielles : trouverdemeilleures opportunitésd’emploi, fuir la discrimination… « Ici, la double culture estconsidérée comme un atout, faitvaloir Mohammed Jamad. Lespostes proposés sont aussi plusintéressants du point de vue desresponsabilités et du salaire : onpeut gagner trois à quatre foisplus qu’en France. »
L’eldorado pas toujoursau rendezvousQuelle que soit la pratique religieuse des jeunes exilés musulmans, un point commun lesunit : le désir de se fondre danslamasse et de fuir le climattendu en France. « Le Golfe est ladestination privilégiée des plusdiplômés, ceux qui n’arrivent pasforcément à vendre leursqualifications en France du faitde la discrimination ou del’interprétation de la laïcité à lafrançaise, détaille Abdelillah
Talbioui. LeMaghreb attiretous types de profils et généralement les musulmans français quiy ont des racines familiales, cequi facilite leur embauche oul’entrepreneuriat. »Mais l’eldorado islamique n’estpas toujours au rendezvous.« J’ai beaucoup de connaissancesvenues avec l’espoir de trouver dutravail et qui sont reparties aubout de trois ou quatre mois enayant dépensé toutes leurs économies », avertit Mohammed Jamad. AuMoyenOrient, la vie estchère et la concurrence rudeavec des travailleurs venus despays asiatiques. « Dans les paysdu Golfe, l’anglais est indispensable et les profils peu qualifiés ontpeu de chances de trouver du travail, prévient Abdelillah Talbioui. Par ailleurs, quand on seretrouve sans emploi, on n’a pasd’autre choix que de retournerdans son pays d’origine. »« Ici, il n’y a pas de Sécurité sociale ou de retraite », enchéritMohammed Jamad. Bien qu’iln’ait pas l’intention de rentreren France, le jeune hommegarde une pointe de nostalgie :« Comme je viens de Grenoble,mes montagnes memanquent. »
Propos recueillispar Catherine Quignon
Mardi 17 novembre 2015 Le Monde Campus / 31
orientation professionnelle
Plus des deux tiers desétudiants auraientaimé être plus accompagnés aumoment deleur orientation et
30 % auraient, avec le recul, faitdes choix différents, selon uneétude réalisée par Opinionwaypour LinkedIn en avril 2015.Pour répondre à cette attente et
aider les jeunes à construire leurorientation, six personnes âgéesde 24 à 44 ans ont lancé Bloomr,un site d’échange et de partage. Leprincipe : faire témoigner des professionnels passionnés par leurmétier pour donner envie et inspirer lycéens et étudiants. LaurentMorel, informaticien dans le secteur bancaire, en est l’un des cofondateurs : « Un soir, en sortantdu travail, je me suis dit que j’avaisenvie de faire partagerma passionpour mon métier. C’est ainsi qu’estné Bloomr ! »Stéphanie Pfeiffer, la benjamine
de l’équipe, fraîchement diplôméed’uneécoledecommerce, a rejointle projet. « L’an dernier, je me suisrendu compte que je n’étais pasvraiment motivée par mes étudeset que beaucoup dans ma promotion se trouvaient dans le mêmecas. La plupart des jeunes sont confrontés à la nécessité de faire unchoix d’orientation à un âge oùbeaucoup demétiers sont pour euxabstraits, voire inconnus. La conjoncture actuelle accroît la pressioncar, avec le manque d’emplois, onse dit que l’enjeu est déterminant.Souvent, ils choisissent des étudespour faire plaisir à leurs parentsavant de réaliser qu’elles ne sont
pas faites pour eux. Cela engendreperte de temps, démotivation etmalêtre », expliquetelle.
Plus de 300 témoignages« A travers les témoignages desprofessionnels et de différentsoutils que nous sommes en trainde mettre en place, nous voulonsleur redonner confiance, stimulerleur créativité, générer des projets », indique LaurentMorel.On trouve sur le site le témoi
gnage de plus de 300 professionnels auxmétiers divers (fleuriste,designer, cordonnier, comédien,juriste, etc.). Chacun explique cequ’il aime dans son métier, enquoi il consiste, comment il y estparvenu et ce qu’il voulait faireau départ. Objectif : rassurer lesjeunes, leur montrer qu’une carrière peut être multiple. « Noussommes impressionnés de voirque les jeunes aspirent tous à unCDI et croient qu’ils auront lemême métier toute leur vie.Bloomr vise aussi à dépasser lesschémas du passé et à déconstruire des préjugés », indique Stéphanie Pfeiffer. « Notre intuition
est que la voix de personnes enthousiastes porte mieux que lesavertissements et les conseils »,poursuit Laurent.Pour aller plus loin, Bloomr a
lancé un programme gratuitd’aide à l’orientation de douze semaines par mail. 1 500 personnesse sont inscrites. « Il y a trois typesde profils : des lycéens, des étudiants incertains et des personnesentre 35 et 45ansenpleine réflexionsur leur avenir professionnel », détaille Stéphanie. Après un bac proesthétique, Lucie, 18 ans, se rendcompte que cette voie ne l’attireplus. « J’ai besoin d’être accompagnée pour définir un projet professionnel, reconnaît la jeune fille.Cela n’a pas été le cas au lycée. »Les inscrits vont recevoir des
« exercices »pour les aider à identifier leurs atouts et à rechercher unenvironnement dans lequel ilspourront s’épanouir et exploiterleur potentiel. « Nous utilisons entre autres le Value in Action Survey(VIASurvey), un outil basé sur lapsychologie positive, pour les aiderà déterminer les forces, précisentles initiateurs du site. L’objectif estde créer des allersretours entre eux
et le monde extérieur, de les inciterà se renseigner sur lesmétiers baséssur leurs propres valeurs. »Un groupe privé Facebook a été
mis en place pour favoriser leséchanges entre inscrits. « J’ai plusieurs idées différentes : travailleren bibliothèque ou avec les enfants.J’ai besoin de validermon projet, devoir les formations possibles. J’espère recevoir des conseils, échangeravec des professionnels pour trouver des solutions »,déclare Lucie.Les créateurs de Bloomr sont
aussi en train d’imaginer des rencontres locales réunissant un professionnel passionné et des gensintéressées par ce métier. « Nousréfléchissons comment inciter lesprofessionnels qui ont témoigné às’impliquer selon leur envie et leurdisponibilité », explique Laurent.« On ne cherche pas à se substi
tuer à l’Onisep, mais à accompagner les jeunes (et lesmoins jeunes)dans leurs réflexions. Réfléchir àson avenir devrait être un plaisir etnon une source d’angoisse », concluent en chœur les cofondateursde Bloomr.
gaëlle picut
Bloomr, un site d’échange et departage, publie les témoignagesdepersonnes sur leur travail dansle but d’inspirer lycéens et étudiants.
Des«pros»passionnésracontent leurmétier
«LES JEUNES SONTCONFRONTÉS À LA
NÉCESSITÉDECHOISIRALORS QUE BIENDESMÉTIERS LEURSONT INCONNUSOU ABSTRAITS»STÉPHANIE PFEIFFERbenjamine de l’équipe
32 / Le Monde Campus Mardi 17 novembre 2015
université
Les facs auraientellestrouvé le sésame pourfaciliter ce grand saut àleurs diplômés ? Désormais, une quarantaine
d’établissements proposent àleurs étudiants le « portefeuilled’expériences et de compétences » (PEC). Il s’agit d’un eportfolio qu’ils remplissent à leur guiseet qui sert à mettre en lumièreles connaissances, savoirfaire etsavoirêtre acquis pendant leurformation et leurs expériencesprofessionnelles et bénévoles.Autant d’atouts supposés pourune meilleure insertion des débutants sur le marché du travail.Mais, de la théorie à la pratique,
il existe un fossé. Au début del’année, le PEC concernait100 000 étudiants. Près de 700accompagnateurs, essentiellement des enseignantschercheurs et des professionnels del’orientation ou de l’insertion, sesont engagés dans la démarche.Dans une étude publiée en fé
vrier, le Centre d’études et de recherches sur les qualifications(Céreq) dresse un bilan mitigé del’expérimentation conduite dansles universités pionnières, entre2009 et 2012 (Cereq.fr). Etudiantspeu convaincus par les finalitésde l’outil, lacunes des accompagnateurs sur le volet professionnel (méconnaissance desmétiers,etc.), faible volume d’heuresconsacrées au PEC dans les TD…« Ses performances restent encoreà démontrer pour assurer sa légiti
mité face aux détracteurs de la logique compétences », concluentles auteurs.
Une «démarchemodeste»Nelly Capelle, responsable du PECà l’université PaulSabatier de Toulouse, tient à remettre les chosesen perspective : « Dans un établis
sement de 35 000 personnes, il estimpossible d’accompagner chacunindividuellement dans la construction de son projet professionnel. LePEC est une tentative modested’ouvrir au plus grand nombre unedémarche de valorisation des acquis, indispensable pour réussir sonentrée sur lemarché de l’emploi. »Viceprésident chargé des affai
res académiques à la Fédérationdes associations générales étudiantes (FAGE), TarekMahraoui reconnaît qu’il reste du travail de pédagogie à faire auprèsde ses camarades. Car, selon l’étude du Céreq,certains qualifient la démarched’intrusion dans la vie personnelle. « Il faut les persuader quetout ne se réduit pas à ce que l’on
apprend en cours. Les activités audelà du domaine scolaire permettent de développer des compétences auxquelles il est important dedonner davantage de visibilité. »Les étudiants bénéficiaires d’un
PEC sont toutefois davantage sensibilisés aux thématiques d’insertion et d’orientation, relèvel’étude. Ils jugent positivement letravail sur le CV et les lettres decandidature. « Pour que les étudiants s’engagent dans la réflexionsur leur parcours, il faut qu’ils yvoient un intérêt… proche, relateAnneMarie Lefébure, chargée deprojet au Bureau d’aide à l’insertion professionnelle (BAIP) del’université de Rouen. Lors de larecherche du premier stage, le PECprend alors son sens. » Obnubiléspar leurs examens, les étudiantspeinent à prendre du temps enamont pour un questionnementfouillé et un peu lourd sur leurscompétences.La valorisation de ses propres
atouts n’allant pas de soi, le projet prévoyait dès le départ un accompagnement pour mener cetravail d’introspection avec, enpremière ligne, les enseignants.Dans l’étude, ces derniers fontpart de leurs aptitudes limitéesdans ce domaine.
Mobiliser les enseignantsJoëlle Aubert, viceprésidente adjointe chargée de l’insertion professionnelle à l’université JosephFourier de Grenoble, témoigne decette difficulté : « Les enseignants
étant les principaux interlocuteursdes étudiants, nous devons continuer à les mobiliser et les formerpour qu’ils se sentent compétents àintervenir sur ces sujets. C’estundesenjeux de la préprofessionnalisation des étudiants. »Les employeurs sontils con
vaincus ? Les effets réels du PECsur l’accès à l’emploi et le déroulement de carrière n’ont pas encore été explorés. Le réseau PEC,qui regroupe les établissementsconcernés, recommande deprendre des initiatives pour queles entreprises reconnaissentmieux cette démarche, et par là,la qualité des parcours universitaires. En attendant, la traduction des diplômes en compétences devrait donner un nouvelélan au dispositif.
nathalie quéruel
Le «portefeuille d’expérienceet de compétences» est unoutilen ligne qui permet aux étudiantsde formaliser leurs acquis,mais ilsn’enprennent pas toujours le temps.
Lavalorisationdesatoutspassepar l’accompagnement
«LORS DELA RECHERCHE
DU PREMIER STAGE,LE DISPOSITIF PREND
TOUT SON SENS»ANNEMARIE LEFÉBUREBureau d’aide à l’insertion
professionnelle à l’universitéde Rouen
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34 / Le Monde Campus Mardi 17 novembre 2015
égalité hommesfemmes
Déroulé de carrièredifférent », c’est laformule parfois employée pour expliquer les inégalités
professionnelles entre hommeset femmes. Ne vous y fiez pas : elles apparaissent dès le premieremploi !Après douze à quinze mois sur
le marché du travail, les femmessont 7,5 % à se trouver encore enrecherche d’emploi, contre 5,9 %pour les hommes, souligne ainsil’enquête sur « L’insertion des diplômés des grandes écoles » 2015de la Conférence des grandes écoles (CGE). De plus, « 66,8 % desfemmes décrochent leur premieremploi en CDI, contre pour 78,2 %deshommes». Côté rémunération(salaire brut moyen avec les primes), « chez les manageurs, lesfemmes continuent de percevoir5 000 euros demoins par an. Chezles ingénieurs, l’écart salarial est de3 000 euros. »Une tendance constante et gé
nérale. « Depuis 1998 et notre
première enquête de génération,les hommes présentent demeilleures conditions d’insertiondans le travail que les femmes. Etcela évolue peu », remarque Pascale Rouaud, chargée d’étudesau Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq). Côté salaires, plus on estdiplômé, plus la différence entre hommes et femmes s’estompe : « Chez les nondiplômés,l’écart est de 25 %, contre 18 %chez les bac + 5 », souligneelle.Pour Rachel Silvera, maîtresse
de conférences à ParisX etauteure d’Un quart en moins. Desfemmes se battent pour en finiravec les inégalités de salaires (LaDécouverte, 2014), « si elles gagnent moins, c’est d’abord parceque, grandes écoles ou non, ellesne s’orientent pas vers les mêmes
secteurs et types de poste. C’est cequ’on appelle les effets de structure ».Les études le confirment : les
jeunes diplômées préfèrent le social, la communication, les ressources humaines et le marketing, moins rémunérateurs que lafinance ou la banque par exemple. « La discrimination et le soup
çon de maternité, conscients ounon chez le recruteur, allongent letemps pour trouver un emploi »,ajoute l’économiste, qui ajouteque « les femmes négocieraientmoins leur salaire ». Mais cettedernière explication lui semble«marginale ».
Une Charte de l’égalitéA la CGE, on souligne aussi l’importance des effets de structure.« Les jeunes diplômées sont moinsambitieuses que leurs homologuesmasculins : elles ne postulent pasaux mêmes niveaux de responsabilité ni auxmêmes types de poste.Elles privilégient le fond au projetmanagérial, des postes souventmoins rémunérés », assure PascaleRibon, présidente de la commission Diversité de la CGE. Maiscette dernière ne croit pas à la dis
crimination : « Sans les primes, lessalaires sont quasiment égaux,l’écart n’est que de 2 000 euros. Enfait, les hommes sont plus performants pour négocier des primes. »Discrimination ou pas, les gran
des écoles se saisissent peu à peudu problème. En 2013, la CGE cosignait ainsi une Charte égalité femmeshommes avec Geneviève Fio
raso, alors ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche,et Najat VallaudBelkacem, ministredesdroits des femmes.«Unbaromètre de l’égalité a été lancéen 2014 afin de rendre compte duproblème au sein des écoles membres. Une centaine d’établissementsont signé la charte, nomméun référent égalité en interne et pris desmesures de sensibilisation », notePascale Ribon.
WomenWorkASciencesPo,où l’écartderémunération brute annuellemoyenne estde 28,8 % pour la promotion 2013,des ateliers «Négocier son salaire »et « Se préparer à entrer dans lemondeprofessionnel quandonestune femme » ont ainsi été lancésen 2014. « Bien sûr, l’enjeu est ausside changer les règles du jeu côté recruteur. Mais l’intérêt de travailleravec ces étudiantes est qu’elles sontles manageurs de demain », souligne Hélène Kloeckner, référenteégalité hommesfemmes. L’écoleintègre aussi une réflexion sur legenredans son fonctionnementetses activités d’enseignement et derecherche.Mais depuis quelques années,
des étudiantes prennent ellesmêmes les choses en main. ASciences Po, l’association Women Work met en relation, parexemple, des étudiantes avec desmarraines qui leur enseignent« les codes de leur milieu professionnel ». Et si la nouvelle génération, plus consciente des inégalités, changeait la donne ?
léonor lumineau
Tauxd’emploi, salaire, statut, contratde travail…Tous les indicateurs sontmoins favorablesaux jeunesdiplôméesqu’à leurs homologuesmasculins.
Laparitéperduedès la sortie de l’école
«LES JEUNES FEMMES NE POSTULENT PASAUXMÊMES TYPES DE POSTES.ELLES PRIVILÉGIENT LE FONDAU PROJETMANAGÉRIAL»
PASCALE RIBONprésidente de la commission Diversité de la CGE
À LA CONQUÊTEDUFUTURÉLECTRIQUE
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36 / Le Monde Campus Mardi 17 novembre 2015
Mardi 17 novembre 2015 Le Monde Campus / 37
Fairecarrièredanslevert,unparigagnant ?L’économietournéeversl’environnementattirelesjeunesdiplômés.Maisattention,lesoleilnebrillepaspourtous.
Donner la parole aux jeunesdiplômés pour qu’ils évoquent leurs études passéeset les débouchés qu’elles leuront offerts, c’est parfois met
tre en relief certaines désillusions. C’estdu moins ce qui transparaît d’une étudesur les diplômés des formations environnementales, menée par le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) et analysée par le service del’observation et des statistiques (SOeS)du Commissariat général au développement durable.Trois ans après la fin de leur scolarité
(soit en 2013 pour ces diplômés de 2010),l’organisme a enquêté sur leur situationprofessionnelle et en a profité pour leurdemander quel jugement ils portaient, aposteriori, sur leur formation. Les résultatsde ce sondage pour les jeunes ayant un niveau supérieur à bac + 4 sont sans appel :ils sont 41 % à considérer que leur formation offre des débouchés professionnelsassez limités. 58 % d’entre eux portent globalement un jugement critique à l’égard decettemême formation. Pire : le SOeS souligne que, si « le niveau de satisfaction à
l’égard de la situation occupée en 2013 progresse avec le niveau d’études »dans les formations non environnementales, il n’enest rien dans le secteur environnementaloù les bac + 4 et plus sont plus nombreuxque la moyenne à exprimer leur mécontentement. « Une exception notable », relève le service statistique : 33%sedéclarentinsatisfaits, contre 26 % dans les formations non environnementales.Ces chiffres traduisent bien évidemment
une réalité économique. Si leur insertionapparaît plutôt bonne sur lemarchédu travail (près de 80 % étaient en emploien 2013), une forte proportion de ces jeunes diplômés se trouvait dans une situation précaire : 31 % d’entre eux occupaientun emploi à durée déterminée. « Le chômage les touche davantage que les autressortants de l’enseignement supérieur,ajoute le SOeS. 13 % étaient en recherched’emploi en 2013. »
Décalage entre offres et demandesMais, comme le soulignent certains de cesdiplômés, le regard critique dont ils fontpreuve à l’égard de leur formation traduitégalement une déception. Parfois présenté comme un eldorado aux débouchéssûrs et en expansion, le secteur de l’environnement possède, certes, des filièresporteuses (énergie par exemple). Maisd’autres ne parviennent pas, aujourd’hui,à absorber le flux de jeunes diplômés quirejoignent le marché de l’emploi (notamment en hygiène, sécurité, santé, environnement). « Les étudiants ne sont pas suffisamment alertés sur le fait que certains em
doss i er
EMMANUEL
KER
NER
38 / Le Monde Campus Mardi 17 novembre 2015
plois verts ne parviennent pas à décoller,confirme Benoît Créneau, directeur de ladivision Ingénieurs et techniciens au seindu cabinet de recrutement Page Personnel. Le green business attire beaucoupd’entre eux s’engagent dans des filières environnementales, mais les débouchés nesont pas toujours au rendezvous, du faitd’un déséquilibre offredemande ».« Il y a un décalage, confirme Pierre Lam
blin, directeur du département études etrecherche de l’Association pour l’emploides cadres (APEC). C’est un marché quipourrait permettre l’émergence et le développement de nouveauxmétiers et, à terme,offrir davantage d’emplois. Maisaujourd’hui, la demande reste faible alorsque, dans le même temps, on recense ungrand nombre de formations. »
Desmétiers en développementdétectés par l’APECCes dernières se sont en effet développéesdepuis la secondemoitié des années 2000,« dans [un] contexte où prévalait une formed’optimismequant audéveloppement de cesemplois “verts” », note le Commissariat général au développement durable, qui précise que « le nombre de formations initialesen environnement a augmenté de 18,5 % entre 2008 et 2012, tous niveaux confondus »,et que « le nombre de licences professionnelles et demasters a [alors] connu les plus fortes progressions ». Les étudiants ont massivement suivi cemouvement.A la sortie des centres de formation, les
fortunes sont diverses. En 2014, le tauxd’emploi des jeunes diplômés 2013 de niveau bac + 5 et plus, mesuré par l’APECdans l’environnement/écologie, était particulièrement faible : 44 %, bien loin de laplupart des autres disciplines telles quel’électroniquegénie électrique (72 %), lemarketing (61 %) ou encore l’aménagement et l’urbanisme (55 %). Ce taux globalcache toutefois des réalités fort variables.Certaines filières ont pu bénéficier des
changements de la réglementation favorables à l’environnement. Il en est ainsi parexempledusecteurde lapréventionetde laréduction des pollutions, des nuisances etdes risques, où l’on retrouve majoritairement des bac + 4 et plus.
Leur insertion dans le monde du travailest bonne : 71 % des diplômés 2010 ont eu,sur les trois années suivant leur formation,un accès durable à l’emploi. Tout le secteurdes énergies renouvelables bénéficie, poursa part, de l’engagement progressif des politiques publiques en faveur de leur développement, assorti d’objectifs de réductiondes émissions de gaz à effet de serre (avecparfois, toutefois, des retournements brutaux comme a pu en connaître la filièrephotovoltaïque française, lorsque les soutiens publics ont été remis en question). Lafonction d’ingénieur d’études en efficacitéénergétique fait ainsi partie desmétiers endéveloppement détectés par l’APEC.Dans d’autres filières, au contraire, un
déséquilibre est constaté entre offre et demande. « Lorsque nous diffusons une an
nonce pour le recrutement d’un ingénieurHSE [hygiène, sécurité, environnement],nous avons dix à quinze fois plus de retoursde candidats que pour un poste d’ingénieurclassique », remarque M. Créneau. A sesyeux, « il y a eu, à partir de 2005, une prisede conscience des entreprises concernantles enjeux environnementaux. Cela a pu entraîner la création de quelques emploisdans les sociétés mais, une fois les placesprises, le flot s’est tari ».En conséquence, plusieurs filières se
sont retrouvées en panne de débouchés.« En outre, toutes les entreprises n’ont pas
eu les moyens de se doter d’un responsableenvironnement ou développement durable.D’autres ont pourvu ces postes en interne »,renchéritM. Lamblin.PourM. Créneau, lemalentendu qui peut
parfois transparaître au sujet des perspectives d’emplois des filières environnementales tient avant tout d’une confusion : « Ilne faut pasmélanger environnement etmétiers verts. Le premier est un secteur encroissance, dans lequel des entreprises ontdécidé de se spécialiser, par exemple autourde la valorisation des déchets. » Les perspectives économiques y sont souvent bonnes, à l’imagedes secteursde l’énergie, eau,gestion des déchets, qui ont contribué àl’augmentation des recrutements de jeunes diplômés dans l’industrie en 2014,comme le note une étude de l’APEC.
Des fonctions non spécifiquementvertesCes filières peuvent attirer des profilspointus, parmi lesquels des métiers enémergence (chef de projet industrie bioraffinerie ou encore ingénieur méthanisation), mais aussi et surtout des fonctions non spécifiquement vertes, et quel’on retrouve dans toutes les entreprises(commerce, maintenance, marketing…).C’est sur ces postes que se fait le gros desrecrutements de ces entreprises environnementales.En revanche, c’est dans les sociétés clas
siques que l’on retrouve la plupart desmétiers dits « verts ». Et, en lamatière, lesbesoins sont faibles. « Les personnes quivont être attachées à la gestion de l’environnement seront peu nombreuses, lesPME n’en compteront pas plus de deux outrois », poursuit M. Créneau. D’où l’engorgement qui peut parfois apparaître danscertaines filières.Un engorgement qui va inciter une pro
portion considérable de jeunes actifs à serepositionner sur lemarché de l’emploi. LeSOeSmontre ainsi que, parmi les diplômés2010 de formations environnementales,« en 2013, moins d’un sur deux occupe uneprofession en lien avec l’environnement(41 %) ». Et parmi eux, ils ne sont que « 6 %à exercer une profession verte ».
françoisdesnoyers
«IL NE FAUT PASMÉLANGERENVIRONNEMENT ETMÉTIERSVERTS. LE PREMIER EST UNSECTEUR EN CROISSANCE»
BENOÎT CRÉNEAUdirecteur de la division Ingénieurs
et techniciens Page personnel
doss i er | faire carrière dans le vert, unpari gagnant ?
Mardi 17 novembre 2015 Le Monde Campus / 39
Quand nous parlions de notreprojet de bioraffinerie d’insectes, on nous prenait pour desfous», se souvient Alexis Angot cofondateur d’Ynsect.Cinqansplus tard, sa startup
a levé 7,3 millions d’euros en 2014, emploietrente salariés et construit sa premièreusine d’élevage d’insectes à partir de résidus industriels (son de blé, déchets de biscuiterie). La farine produite est destinée àl’alimentation animale.Mais ce diplômé del’Ecole supérieure des sciences économiques et sociales (Essec) imagine déjàd’autres marchés: alimentation humaine,cosmétique… Comme lui, les jeunes entrepreneurs sont de plus en plus nombreux àparier sur les technologies vertes.
Des ingénieurs enmajoritéFace à cet engouement, Paris & Co incubateurs a créé un programme «Cleantech& Smart City», il y a quatre ans. «Lamoitiéde nos startuppeurs – à 60% ingénieurs – amoinsde 30ans. 20%d’entre euxontmontéleur projet en sortie d’école. Mais la grossemajorité a acquis une expérience de deuxou trois ans dans de grands groupes oudans le conseil avant de se lancer dans cesecteur, qui demande souvent plus d’expérience, d’investissements et de recherche etdéveloppement R&D que d’autres», détailleYann BercqDelost, son responsable.La France compte 718 jeunes pousses ver
tes (contre 5000 startup dans le numérique), dont les trois quarts ont été crééesaprès 2008, selon le 4e Observatoire desstartup des cleantech publié enmars 2015;21 % sont dans les énergies renouvelables,20%dans l’efficacité énergétique, 16%dansles transports, 8% dans les services et ingénierie et 6%dans le recyclage.
«Les jeunes “green entrepreneurs” parientsur des secteurs où l’idée est rapidement réalisable, sans gros financements ni grandetechnicité. Par exemple, dans le collaboratifet/ou les applications mobiles, comme c’estpossible dans l’écomobilité par exemple (Blablacar, Drivy). Les trentenaires peuvent développer des projets plus industriels, sur lesénergies renouvelables ou l’efficacité énergétique», explique Paul Foucher, chef de projet Cleantech Open France, un concoursconsacré aux startup écoinnovantes.Quelles sont leurs motivations? Pour
Quentin MartinLaval, 27ans, XPonts, co
fondateur d’Echy, une solution pour amener la lumière du jour à l’intérieur des bâtiments par fibre optique, «la conviction sociétale est importante. Durant nos études,on nous a répété qu’en tant qu’étudiants duXXIesiècle, nous devions prendre en compteles évolutions environnementales. Je veuxmonter une boîte pour créer de la valeurconcrète. Pas comme en finance».«Le plus passionnant est la place pour l’in
novation», explique de son côté, LucileNoury, 27ans, cofondatrice de GreenCREATIVE, jeune société qui développe des machinesrobots innovantes pour le recyclage.Ils l’assurent: l’écosystème français est
très favorable aux startup vertes. «Le secteur a le vent en poupe auprès des pouvoirs
publics», assure Alexis Angot. «La Franceest bien lotie en aides à l’innovation, et ilexiste de nombreuses subventions orientéesgreen, comme celles de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie(Ademe) ou de la Banque publique d’investissement (BPI)», se réjouit Lucile Noury.
Des incubateurs internesSans compter les réseauxdebusiness angels(DDIDF), les fonds d’investissement spécialisésdans ledéveloppementdurable (EmertecouDemeterPartners), ceuxquiontdeséquipes dédiées et les fonds d’entreprise consacrés aux technologies propres (ElectranovaCapital d’EDF, GDF Suez New Ventures, Ecomobility Ventures de la SNCF, Total, Orange,etc.), qui sont de plus en plus nombreuses àcréerdes incubateurs internes.Mais pour Quentin MartinLaval, le sec
teur ne peut se développer sans plus d’implications des grands industriels: «Ils ensont encore à faire de la veille car ils ne savent pas comment rendre rentable ce qu’ilsobservent.» En effet, si beaucoup destartup des cleantech émergent, l’enjeuest de passer au stade supérieur. «La difficulté dans les écoinnovations est que leprofil d’investissement est souvent deux foisplus long et pas forcément plus rentablequ’ailleurs», observetil.D’où le rôle déterminant des pouvoirs
publics. «L’avancée de la législation est cequi donnera l’impulsion. Ça va dans le bonsens», estime Thomas Lefèvre, fondateurde Natureplast, une entreprise de bioplastiques, cinq ans après sa sortie de l’Ecole demanagement de Normandie. 65 % des jeunes pousses voient la COP21 comme uneopportunité, souligne l’observatoire desstartup françaises des cleantech.
léonor lumineau
«LES GRANDS GROUPESINDUSTRIELS EN SONT ENCOREÀ FAIRE DE LA VEILLE CAR ILS NESAVENT PAS COMMENT RENDRE
RENTABLE CE QU’ILS OBSERVENT»QUENTINMARTINLAVAL
cofondateur d’Echy
A la veille de la COP21, les jeunes diplômés sont de plus enplusnombreux àpariersur les technologies propres pour créer leur entreprise.
Ils surfent sur les «greentechs»pour lancer leur startup
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40 / Le Monde Campus Mardi 17 novembre 2015
concrètes, par exemple un plan de mobilitépour les salariés d’une entreprise. C’est unmétier qui fait appel à des compétences juridiques et relationnelles », expliquetil. Véritables chevilles ouvrières des politiqueslocales de développement durable, leschargés de plan climat sont aujourd’huisurtout présents dans les collectivités deplus de 50 000 habitants, qui ont l’obligation d’établir ce programme.
Edouard Carteron, ingénieur écoconception, ingénieur enmécanique, 29 ansEdouard Carteron, a toujours voulu travailler dans l’industriemais avec le souci del’environnement.Aprèssonmasterà l’Ecolenationale d’ingénieurs de SaintEtienne(Enise), il opte pour le mastère spécialiséécoconception et management de l’environnement de l’Ecole nationale supérieured’arts etmétiers (Ensam).
Cette double formation lui permet d’intégrer le service écoconception de Steelcase,une entreprise pionnière sur ce sujet. « Celaconsiste à limiter l’impact environnemental
d’un produit en fonction des contraintes decoût, de robustesse et de design », résume lejeune homme, qui travaille sur la plupartdes nouveaux meubles du groupe enFrance. « Mon rôle est assez transversal. Ilfaut d’abord définir la cible et le budget avecles équipesmarketing. Ensuite, je discute duchoix des matériaux avec les équipes deR&D et les designers. Enfin, jeme rapprochedu service achats pour le choix des fournis
métiers et voir le bâtiment terminé. » Sadernière réalisation, un ensemble de 17 logements sociaux à Montreuil, en SeineSaintDenis, est un bâtiment passif qui utilise un minimum de chauffage. « Malheureusement, ce genre de projet est trop rareen France », regrettetil.
Guillaume Ray, chargédemission Plan climaténergie, 28 ansAprès une licence AES(administration économique et sociale) suivied’un master profession
nel management des territoires urbains àTours, Guillaume Ray a découvert le développement durable lors d’un stage dansune commune de 10 000 habitants. Samission consistait à mettre en place unplan d’action baptisé Agenda 21, à partird’une réflexion collective entre élus, habitants et associations.« Beaucoup de villes font du développe
ment durable sans le savoir. L’Agenda 21 permet de formaliser cette politique et de luifixer des objectifs. » Après plusieurs missions de ce type, il est recruté par la communauté de communes Tour(s) Plus entant que chargé de mission Plan climaténergie. Il assure la mise en œuvre de ceplan de réduction des émissions de gaz àeffet de serre par les services directementconcernés (eau, transports, déchets, urbanisme). Il mène des actions de sensibilisation dans les écoles et les entreprises.« Lemessage a encore dumal à passer. On
nous prend parfois pour des écolos militants. Il faut savoir proposer des solutions
La palette des métiers verts s’enrichit chaque jour dans les entreprises et les collectivités. Tourd’horizon des possibles, au travers des parcours de cinq jeunes.
Olivier Davidau, ingénieur en construction durable, 28 ansOlivier Davidau est arrivé par des cheminsde traverse dans la transition énergétique.Diplômé en mathématiques de l’ENS Cachan, il a d’abord tenté la finance de marché lors d’un stage chez Natixis. « C’étaiten 2008, en pleine crise financière. J’ai vitecompris que c’était tout sauf durable ! » Lejeune homme commence ensuite unethèse sur la finance carbone, « trop théorique », qu’il ne termine pas.
Il prend alors un nouveau virage et s’inscritau mastère spécialiséconstruction et habitatdurable de l’Ensam(Ecole nationale supérieure d’arts et métiers).Après un an d’alter
nance chez Amoes, un bureau d’étudesspécialisé dans les bâtiments à énergie positive, il rejoint cette société coopérative etparticipative (SCOP) créée deux ans plustôt par quatre ingénieurs de l’Ecole centrale. « Mon parcours n’a pas été un handicap mais j’ai dû me former aux spécificitésdesmétiers de la construction. »Il travaille aujourd’hui sur les principaux
chantiers de la société qui intervient dansles phases de conception d’immeubles résidentiels et tertiaires. « J’aime discuteravec les architectes et les différents corps de
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Mettre enplace unpland’action au seind’une collectivité territoriale, concevoirdes bâtimentsà faible consommationd’énergie, etc., telles sont lesmissions de ceuxqui ont choisi de s’engager dans cette voie.
Transition énergétique:une large palette demétiers
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Mardi 17 novembre 2015 Le Monde Campus / 41
seurs. A chaque étape, il faut faire des compromis », expliquetil.Responsable de l’analyse du cycle de vie
des produits, il reconnaît les limites de ladémarche. « Faire le bilan carbone d’unechaise est très compliqué car beaucoup defacteurs entrent en jeu. » Convaincu de lanécessité d’agir au niveau individuel, il investit une partie de son temps libre dansune association de promotion et de réparation du vélo, baptisée Vélonomie.
Thomas Chauvet, data scientist, 23 ansFraîchement diplômé de l’Institut nationaldes sciences appliquées de Toulouse (INSA)engéniemathématique etmodèles statistiques, ThomasChauvet aaccompli sonstagede fin d’études comme data scientist chezDeepki, une startup créée il y a un an pardeux ingénieurs en efficacité énergétique.La société développe un logiciel d’analyse
etderéductiondesconsommationsénergétiques des grands parcs immobiliers (centres commerciaux, chaînes de magasins,agences bancaires, etc.) à partir des donnéeschiffrées – consommation d’électricité,nombredebâtiments, caractéristiques tech
niques − collectéesauprès de ses clients.« Nous essayons de récupérer un maximum dedonnées, de les trier etd’en tirer un algorithmeprédictif des
consommations par type de bâtiment. C’estvraiment nouveau, nous partons d’unefeuille blanche. Mais nous obtenons des résultats concrets. C’est très stimulant », se réjouitil.Sensible à la question environnementale
sans être militant, il ne se voyait pas rejoindre les bataillons de data scientists desfinance ou du marketing. « Le secteur del’énergie, en particulier les réseaux intelligents ou la smart city,m’a toujours attiré. Jepense qu’il y a encore beaucoup à y faire. »
Clotilde Charaix, juriste, 24 ansEtudiante en master 2 droit de l’environnement, de la qualité et de la sécurité dans lesentreprises à l’université deVersaillesSaintQuentinenYvelines, Clotilde Charaixvientde terminer son année d’alternance chezAlstom Grid. L’entreprise spécialisée dans
Des profils hybrides difficiles à recruterLa loi sur la transition énergétique adoptéemiaoût fixe desobjectifs ambitieux enmatièrede développement des énergiesrenouvelables. Ces dernièresdevront représenter 32 % de laconsommation française d’ici à2030, le double d’aujourd’hui. Leséoliennes, panneaux solaires etautres centrales de biomasse devraient donc semultiplier aucours des prochaines annéesavec, à la clé, des dizaines demilliers de créations d’emplois, selon le Syndicat des énergies renouvelables. Problème : certainesentreprises ont dumal à trouverles compétences adaptées.« Nous cherchons des expertisesenvironnementales pointues, parexemple des géographes pour lacartographie ou des spécialistesde l’analyse de gisements de vents,indique Julie Moreau, responsable emploi et formation chez EoleRes, un groupe de 165 salariésspécialisé dans le développementet l’exploitation de parcs éoliensen France. « Nous recrutons aussibeaucoup en développement de
projets à des niveaux élevés dequalification : ingénieurs, commerciaux, juristes spécialisés endroit de l’environnement. Or il estparfois difficile de faire venir cespersonnes en province où se situent la plupart des projets. »
Une bonne image demarqueMoins bien identifié par les étudiants que des groupes commeEDF ou Engie, le groupe reste cependant confiant dans sa capacité à attirer de nouveaux talents.« Les énergies renouvelables bénéficient d’une bonne image demarque chez les jeunes. La moitié denos recrutements se fait à l’issuede stages de fin d’études », souligneMmeMoreau.Le secteur de l’efficacité énergétique, auquel la loi entend donnerune nouvelle impulsion, est luiaussi à la recherche de jeunesdiplômés. Ingénieurs en écoconception, experts en systèmesd’informations énergétiques,techniciens du bâtiment : laspécialisation est en généralun atout pour trouver un poste.
loppant un logiciel d’économied’énergie dans les grands parcsimmobiliers, le recrutement d’undatascientist a pris du temps.
Les commerciaux recherchés« Nous avons reçu beaucoup deCV, mais assez peu correspondaient au profil que nous recherchions. Nous avons fini par trouver la perle rare et l’avonsembauchée en contrat à durée indéterminée directement après sonstage de fin d’études », raconteVincent Bryant, l’un des deux cofondateurs.Le fait d’être une startup peutêtre un atout comme il peut fairepeur aux jeunes diplômés, dansun secteur où les investissementsrestent comptés. « Les entreprisesparlent beaucoup d’efficacité énergétique mais elles font finalementassez peu, alors que c’est un gisement d’économies très important », reconnaît Vincent Bryant.La société cherche aujourd’huides commerciaux expérimentéspour partir à la conquête de cemarché. F. Sc.
Cependant les formations n’évoluent pas toujours assez vite auregard des besoins des entreprises. « Nous recrutons des ingénieurs de bon niveau que nous formons ensuite à nos métiers. Il fautenmoyenne trois ans pour qu’ilssoient autonomes », indique Damien Lambert, l’un des fondateurs d’Amoes, un bureau d’études spécialisé dans la conceptionde bâtiments à énergie positive.
Pour fidéliser, une SCOPLes salariés peuvent ensuite accéder au statut d’associé de cettesociété coopérative et participative (SCOP) créée en 2007 et quicompte aujourd’hui une vingtaine de collaborateurs. « C’est unélément important de fidélisationet d’implication de nos recrues audelà de la dimension écologiquede notre démarche, car elles s’approprient le projet de l’entreprise », explique le dirigeant.L’argument environnemental nesuffit pas toujours à attirer certains profils très recherchés. PourDeepki, toute jeune société déve
les réseaux électriques fait face à d’importants enjeux environnementaux. « Les entreprises ont longtemps fait appel à des cabinetsd’avocats spécialisés mais, faceà lamultiplication des normes, beaucoup choisissentd’internaliser cette compétence. Le droit del’environnement est de plus en plus pénaliséet touche un nombre croissant de domai
nes », expliqueClotilde.Son travail a consisté
en une veille juridiquesurunetrentainedepaysoù le groupe est présentafin de s’assurer du respect des règles en vigueur, mais aussi en
audits de sites pollués réalisés avec le concours d’ingénieurs.«C’était très formateur sur leplan juridique
et sur le plan technique ! », s’enthousiasmetelle. Cette première expérience lui adonné envie d’en faire plusieurs avant,peutêtre, de passer le barreau. « Le droit del’environnement est un droit d’expérience etje pense qu’il y a beaucoup d’opportunitésdans les entreprises », conclutelle.
françois schott
42 / Le Monde Campus Mardi 17 novembre 2015
C’est un lopin de terre de175 m2 à l’ombre du château du Portereau, lesiège «historique» deMaisons du monde, à
Vertou (LoireAtlantique). Depuis le printemps, une trentaine de salariés volontaires s’y relaient chaquemercredi, à l’heuredu déjeuner, pour planter, arroser, biner,désherber. Accroupie au milieu des œillets d’Inde et de la phacélie, une jolieplante violacée utilisée pour étouffer lesmauvaises herbes, Agathe Chardonneau,gestionnaire approvisionnement, se baten cette journée ensoleillée avec un piedde panais récalcitrant. « Ça y est, je l’ai ! »,triomphetelle enfin.Bottes en caoutchouc aux pieds, Jennifer
Pichard, chargée demission responsabilitésociale et environnementale (RSE), exhume de terre trois beaux radis noirs.Yann Lescouarch, le paysagiste à l’originedu projet, esquisse un sourire. « Le radisnoir, excellent pour purger le foie ! », soulignetil d’un ton espiègle.
Le coup de foudre« Diplômé de l’Ecole atlantique de commerceàSaintNazaire, j’ai travailléunequinzaine d’années dans la logistique dont unpeu plus de cinq ans à Maisons du monde,raconte enaparté ceNantais de 38 ans. Il y acinq ans, je suis tombé sur l’annonce d’ungrandpèrequi partait vivre enmaisonde retraite et qui cherchait quelqu’un pour entretenir son potager. Je n’avais jamais mis lesmainsdans la terre,mais jeme suis lancé. Çaa étéunvrai coupde foudre, aupoint que j’aifini parme reconvertir. »
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VenusdesEtatsUnis, les« corporategardens»essaimentenFrance.Unmoyend’agirpour ledéveloppementdurable, de cultiver lebienêtreau travail etde stimuler l’efficacitédes salariés.
Des jardins d’entreprise pourfertiliser les conditionsde travail
EMMANUEL
KER
NER
Mardi 17 novembre 2015 Le Monde Campus / 43
Son ambition ? Fertiliser les conditionsde travail des salariés en installant des potagers biologiques dans les entreprises. Leconcept, importé des EtatsUnis, a tout desuite séduit Fabienne Morgaut, directriceRSE à Maisons dumonde. « Quand j’ai prismes fonctions en 2010, l’entreprise finançaitbeaucoup de projets environnementaux àl’étranger, se souvientelle. Les collaborateurs en étaient évidemment fiers mais ilsplébiscitaient aussi des actions de proximité. Le potager collaboratif permettait derépondre à leurs attentes tout en s’inscrivant parfaitement dans nos engagementsen faveur du développement durable. »Comme Maisons du monde, de plus en
plus de sociétés invitent la nature dansleurs locaux. « Augmentation du prix desloyers oblige, beaucoup d’entreprises en IledeFrance viennent s’installer en zone périurbaine où elles disposent de plus grandesréserves foncières, constate Hervé Moal,président de l’Observatoire des jardins etespaces verts d’entreprises. Plutôt que d’enfaire des zones de friches, elles cherchentaujourd’hui à les valoriser au mieux pouroffrir un environnement de travail agréableà leur personnel. »
Le présentéisme à la françaiseL’enjeu est loin d’être anecdotique. D’aprèsl’étude « The Economics of Biophilia », menée en 2012 par la société de conseil américaine Terrapin Bright Green, un environnement de travail connecté à la nature permettrait non seulement de diminuer leniveau de stress des salariés, mais aussi deréduire leur taux d’absentéisme jusqu’à10%et d’augmenter leur productivité.Pas de quoi étonner Claire Gagnaire, di
rectrice communication et business développement chezGéoFrance, une sociétédeservices en efficacité énergétique baséedans le 9e arrondissement de Paris. « EnFrance, on est très marqué par la culture duprésentéisme, constatetelle. Il faut toujours montrer à ses patrons qu’on a la têtedans le guidon. Mais pour être efficaces, lessalariés ont besoin d’avoir des petits moments dans la journée pour se ressourcer.D’où l’idée de réaménager complètementnos deux terrasses pour qu’ils s’y sententvraiment bien. »Pour favoriser l’adhésion au projet, tous
les collaborateurs vont être associés. Suivant leurs appétences et leurs savoirfaire,certains vont se charger de construire lesbacs potagers et la cabane de jardin,d’autres poseront le gazon. Maeva OuldKaci, conseillère sédentaire, a, elle, participéau choix des espèces de plantes en pépiniè
res. « Estce qu’on peut prendre des arbresfruitiers ?, demandetelle en se baladant aumilieudesallées.Ceserait sympapourmanger au déjeuner ! » «Des petits pommiers colonnaires, pourquoi pas ?, propose JoëlleRoubache, la créatrice de jardins chargée dechapeauter le projet. C’est important d’associer les collaborateurs dès le début, assuretelle. A la fois pour mettre toutes les chancesde succès de leur côté et pour leur donner envie de s’investir dans la durée. »ChezBNPParibas Securities Services, une
filiale du groupe installée depuis 2009dans les anciens Grands Moulins de Pantin, les volontaires pourmettre la main aupotager ne manquent pas. « Ce sont les salariés euxmêmes qui en ont plébiscité lacréation l’hiver dernier, précise Yann Lespiat, le secrétaire général du comité d’entreprise. Ils ont constitué une équipe projet,rédigé un appel d’offres, cherché des prestataires. » Parmi eux, Cyriaque Kempf, tiré à
«APRÈS AVOIR PLÉBISCITÉ L’IDÉE,LES SALARIÉS ONT CONSTITUÉUNE ÉQUIPE PROJET, RÉDIGÉ
UN APPEL D’OFFRES ET CHERCHÉDES PRESTATAIRES»
YANN LESPIATsecrétaire général du comité d’entreprise
de BNP Paribas Securities Services
EcolomêmeaubureauA lamaison, vous triez vos déchets, récupérez l’eau de pluieet utilisez des lampes basseconsommation.Mais dès quevous franchissez la porte du bureau, les bons réflexes tombentaux oubliettes. L’enjeu estpourtant important. En France,le secteur tertiaire occupeaujourd’hui plus de 175millionsdemètres carrés de bâtimentset représente 19 % de nos émissions de gaz à effet de serre.Consciente de sa responsabilité, l’association Laser, un centre de formation professionnelle parisien qui emploie 16équivalents temps plein, s’estengagée il y a quatre ans dansune démarche demanagementenvironnemental sanctionnéepar le label Envol.Objectif : faire émerger une
conscience écologique chez lessalariés et les quelque 600 stagiaires qui arpentent chaqueannée les couloirs de l’association. « Quand on évolue dans lesecteur de l’économie sociale etsolidaire, on ne peut pas se retrancher derrière la responsabilité collective, assure le directeur Benoît Bermond.On doitplacer l’écologie au cœur de nospréoccupations. »
Etat des lieuxLa première étape du projet aconsisté à dresser un état deslieux des pratiques internes.« Nous avons tout passé au crible, de l’éclairage utilisé au volume d’eau dépensé dans lestoilettes. » Puis est venu letemps de l’action. Les halogènes installés dans les couloirs
et les parties communes ontété remplacés par des néons,bienmoins gourmands enénergie, un système de recyclage a étémis en place pourles cartouches usagées. Les gobelets en plastique ont étéabandonnés au profit d’un service de vaisselle en verre, tandis que le papier recyclé a étégénéralisé. « Cela représente unpetit surcoût à l’achat mais si onprend la peine de sensibiliser lescollaborateurs aux bonnes pratiques comme adopter le moderectoverso et deux pages parfeuille, on arrive vite à faire deséconomies. »Il y a du travail : en Franceaujourd’hui, un salariéconsomme enmoyenne 80 kilos de papier par an, soit l’équivalent de 30 ramettes ! E. Cn
quatre épingles dans un élégant costumegris. « Le potager casse les silos, se félicitetil. C’est un lieu d’échange où se côtoienttous les âges, tous les métiers, tous les niveaux hiérarchiques. »Assis sur un banc aumilieu des épinards
et des courges, Cyril, rattaché aux AssetFund Services, sirote une tasse de café avecses collègues. « J’aime venir décompresserici avant de me replonger dans un dossier,confietil.Mais quand j’ai appris le coût del’opération – qui ne nous a pas été communiqué –, j’ai unpeu fait la grimace. Ça risquede grignoter notre intéressement. »GTM Bâtiment, une filiale de Vinci Cons
tructionqui compte800salariés, elle,necache rien du projet. Elle a dépensé près de90 000 euros pour végétaliser 38 % de lasurface totale de son nouveau siège social àNanterre, soit 3 126m². « Si nous voulons arriver à bâtir une ville plus durable et agréable, nous devons tous apporter notre pierre àl’édifice », insiste Emmanuel Tual, directeurtechnique des synergies et de la transversalité. En mai 2013, nous avons signé une convention d’étude avec le Muséum nationald’histoirenaturellepouraméliorernospratiques en matière de préservation de la biodiversité. Alors quand nous avons emménagédans nos nouveaux locauxdébut septembre,il nous a semblé logique de poursuivre cetengagement. » La fameuse responsabilitésociale et environnementale.
elodie chermann
44 / Le Monde Campus Mardi 17 novembre 2015
Fautil échafauder un plan de carrière pour réussir son ascensionprofessionnelle ? Cela atil encoreun sens alors quenombredemétiers sontvouésàdisparaître à
moyen ou à long terme et que l’organisation du travail et les hiérarchies vont êtrefortement bousculées, rendant acrobatiquetoute projection à long terme ? Il est loin letemps où les grands groupes, après avoirdemandé à leurs jeunes recrues où elles sevoyaient dans vingt ans, concoctaient desformations ad hoc pour leur permettre deréaliser, poste après poste, le projet annoncé à l’arrivée.Si l’on ajoute les ruptures technologiques
et sociales qui interviennent au fil de la vieprofessionnelle, l’absence de visibilité permet de moins en moins d’anticiper. « Pourtoutes ces raisons, les carrières sont moinsbaliséesqu’avant, confirmeYolainevonBarczy, exDRH dans l’industrie pharmaceutique, enparticulierparceque lesorganigrammes ont été aplatis, réduisant les possibilitésde petites promotions, et que les possibilitésde mobilités sont plus difficiles à gérer dansdes couples biactifs. »
Bâtir un projetMais cela ne doit pas empêcher de réfléchirau futur. « Si le plan de carrière à l’anciennen’existe plus, la démarche de se projeter dansl’avenir reste bonne », constateMme vonBarczy. Mais sans doute fautil le concevoirautrement. « Avoir un plan de carrière, cen’est plus prévoir une succession de postesdans des groupes de renom, explique Florence Gazeau, excadre dirigeante du
groupe anglais ICI et, depuis quinze ans,coach pour dirigeants. C’est bâtir un projetde vie personnelle et professionnelle sur unebonne connaissance de ses aspirations profondes. A commencer par le choix de l’univers dans lequel on souhaite travailler, lespremières expériences forgeant à vie sescompétences et sa culture. »Car la question de l’opportunité du plan
de carrière ne se pose pas dans les mêmestermes, selon que l’on cherche un postedans un grand groupe industriel ou dansune startup. SelonBrigitteChassagnon, exDRH d’un grand groupe automobile français, devenue coach, « les grandes entreprises industrielles ont besoin de cadres connaissant en profondeur les produits, souventcomplexes, l’entreprise et l’environnement »,expliquetelle. Elles ont donc toujours besoin de cadres durablement implantés. Lesjeunes diplômés peuvent prévoir d’y faireune carrière longue qui sera d’autant plusriche et variée que ces groupes offrent unlarge spectre d’activités, donc de véritablesperspectives. Mais ce sera vraisemblablement au sein d’un même secteur. Un plande carrière a donc un sens pour ceux quichoisissent d’entrer dans ces secteurs complexes. « Cela commence par un choix de
secteur d’activité et de taille d’entreprise, surlesquels il faut faireunpari. Celan’apasdoncchangé, selon Mme Chassagnon. En revanche, le plan de carrière amuté, avec un horizon raccourci et un mode opératoire plusconforme à l’époque. »
Gérer son plan de développement« Dans ces groupes, on a intérêt à définiravec la DRHunplan de développement visant à préciser les compétences sur lesquelles travailler lors des deux prochainesétapes, ainsi que les postes et projets quipermettront de le faire », complète Yolaine von Barczy.« Plus que des plans de carrière, les socié
tés ont développé des perspectives demobilité à court terme en identifiant les successeurs potentiels pour les postes afin de retenir les talents en leur proposant desopportunités de développement »,note Florence Gazeau. Mais alors que les moyensattribués à la gestion de carrière se sont réduits partout, chacun est désormais librede gérer la sienne propre. « Avant, lesgrands groupes géraient les carrières,aujourd’hui il faut le faire soimême tout enmettant régulièrement à jour son plan dedéveloppement avec son employeur », confirme Yolaine von Barczy.En revanche, dans les startup, le plan de
carrière se révèle nettement plus aléatoire. « Les postes offerts à de jeunes diplômés peuvent être très attractifs, mais lespropositions d’évolution ultérieure sontpour lemoins incertaines, souligneBrigitteChassagnon. Il faut bien avoir à l’esprit quecet univers est encore particulièrement ins
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«LES SOCIÉTÉS ONT DÉVELOPPÉDES PERSPECTIVES DEMOBILITÉ
À COURT TERME AFINDE RETENIR LES TALENTS»
FLORENCE GAZEAUcoach pour dirigeants
Si la planificationde la vie professionnelle à l’anciennepeut se justifierdans les grandes entreprises, dans les PMEet les startup,mieuxvaut tablersur ses capacités à saisir les opportunités.
Se constituer unplande carrièreatil encoreun sens ?
Mardi 17 novembre 2015 Le Monde Campus / 45
travaillent irrégulièrement sur uneplateforme, et produisent une valeurintellectuelle et culturelle fondamentale,captée par les entreprises.
Le travail flexible, les espaces de coworkingse développent. S’agitil là d’une des manifestations de cette révolution précaire ?La flexibilité existait déjà dans les années1960 et elle se faisait à l’avantage desouvriers ! Changer d’usine pour eux était unmoyen d’augmenter leur salaire. Aujourd’hui,ce sont les entreprises qui cherchent àimposer et contrôler la flexibilité. Dans LeNouvel Esprit du capitalisme (Gallimard),Luc Boltanski explique que le capitalisme arécupéré les idées de 1968. Je pense plutôtque le capitalisme cherche à contrôler lamobilité.Qui détient le pouvoir de la flexibilité ? Lecoworking est à cet égard très intéressant :quand il est le produit de l’autoorganisationdes individus, c’est un phénomène très riche,signe d’une prise de conscience faceà un certain isolement, d’un passageà une nouvelle étape.Mais si on pense àWeWork, une grandechaîne américaine qui offre des espaces auxtravailleurs indépendants, c’est moins le résultat de l’activité réflexive des individus quele reflet de contraintes professionnelles, dansle cadremarchand d’une grosse entreprise.Ce n’est pas forcément une critique, mais ilfaut faire attention. C’est comme avec Uber, ily a une extrême dissymétrie entre cette plateforme, dont la valorisation boursière atteintles 50milliards de dollars, et les petitsindépendants que sont les chauffeurs.
Ces révolutions précaires peuventellesaboutir à changer notre rapport au travail ?Oui. Lemodèle bureaucratique et hiérarchique est en train de changer. Un certain nombre de gens paient cela très cher, à coups detravail précaire et d’intermittence. Lespolitiques, les syndicalistes parlent parfoisdes précaires pour s’en débarrasser et sansessayer de comprendre le sens de leurdémarche. Or ces expériences sontimportantes, elles sont le reflet d’une transformation à laquelle la société doit répondre.Le philosophe Bernard Stiegler affirme quel’emploi, c’est fini, qu’il faut abandonner cettechimère. Je reste très prudent sur la questiondu salariat, qui continue à être un système deprotection fondamental. En revanche, ilexiste des initiatives intéressantes, comme lacoopérative d’activité et d’emploi Coopaname, une sorte demutuelle de travail associé. C’est sur les nouvelles articulations entresalariat et indépendance qu’il faut réfléchir.
Propos recueillis par Margherita Nasi
table. Au mieux, on y fait carrière en fonction des opportunités, au pire, les parcoursrisquent d’être très irréguliers, voire semésde trous. » Ce qui fait dire à Isabelle Tchernia, consultante RH chez Clef Conseil :«Dans la technologie, où prévalent les petites structures à durée de vie courte, la notion de carrière est en train d’éclater. Lesjeunes d’aujourd’hui seront amenés à faireplusieursmétiers dans plusieurs structures,voire àmonter la leur. »Peuton prévoir de passer d’une startup
à un grand groupe ? « Je pense que c’est difficile, estime Brigitte Chassagnon. Quandon s’est adapté à un mode opératoire sou
ple, on a beaucoup de mal à adopter laculture des procédures qui prévaut dans lesgrands groupes, et vice versa d’ailleurs. »Duplan de carrière bien élaboré au succès desa vie professionnelle, il y a un pas qui nécessite quelques ingrédients, comme l’explique Florence Gazeau : « Ceux qui ontréussi ont écouté leurs aspirations profondes à leur entrée dans la vie active. Ils ont susaisir les opportunités qui se présentaient etmener à bien les transitions. »
valérie segond
Vous affirmez que le terme précaire estporteur d’une multiplicité de sens. C’estàdire ?Sans vouloirmonter en épingle la figure duprécaire, liée à des formes d’exploitation dutravail, on ne peut pas non plus réduire ceterme à la simple dimension de pauvreté. Cemot a renvoyé historiquement à autrechose : dès les années 1980 lemot précaireestmis en avant par certainsmouvements.Dans L’Exil du précaire (éd. MéridiensKlincksieck, 1986), j’évoque des jeunes issusdemilieux populaires qui tentent d’échapperau travail et se servent de l’intermittencecommemode de vie alternatif. Le motprécaire est alors l’expression d’uneaspiration à l’autonomie, àl’autoréalisation.
Qu’en estil aujourd’hui de ces précairesrevendiqués ?Paradoxalement, on pouvait plus facilementéchapper à la contrainte salariale dans lesannées 1980. Les jeunes avaient une grandeprobabilité de retrouver un emploi.Aujourd’hui, les conséquences du travailprécaire sont beaucoup plus graves. C’estpourquoi dansmon dernier livre,Révolutions précaires. Essai sur l’avenirde l’émancipation, je m’intéresse auxtravailleurs des industries culturelles. Onsent chez eux l’ambivalence entre l’aspiration à l’autonomie et la confrontation à denouvelles formes d’exploitation. Car àtravers cette aspiration à l’indépendance,la classemoyenne se précarise.J’ai interrogé des personnes qui, à 50 ans,étaient encore dépendantes de leurs parents. Si la résistance à la précarité dans lasociété salariale s’appuyait sur des formesde protection sociale et de prise en chargepar les institutions, elle tend à reposeraujourd’hui sur l’héritage familial. Maiscette transformation n’en reste pas moinsfondamentale. Elle est d’autant plus importante qu’elle se développe à travers lesnouvelles technologies : on peut penser auxdéveloppeurs ou designers Web qui
Patrick CingolaniSociologue, auteur de «Révolutionsprécaires. Essai sur l’avenir del’émancipation» (LaDécouverte, 2014)
«Notre rapportau travailest en trainde changer»
ENTRETIEN
«DANS LATECHNOLOGIE,LES JEUNES SERONTAMENÉSÀ FAIRE PLUSIEURSMÉTIERS
DANS PLUSIEURS STRUCTURES»ISABELLE TCHERNIA
consultante RH chez Clef Conseil
DR
46 / Le Monde Campus Mardi 17 novembre 2015
doss i er | faire carrière dans le vert, un pari gagnant ?
Parallèlementà leursétudes, ils consacrentdu tempsà la sauvegardede laplanète.Unengagementauquel ils aimeraientdonnerunprolongementdans leurvieprofessionnelle.
Caroline, Gautier et Thomasn’ontpas attendu la COP21 pour s’engager
EMMANUEL
KER
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elle, est plus optimiste et espère que desengagements forts vont être pris. « Nousne sommes pas dans lesmêmes configurations qu’à Copenhague, car les problèmesliés au climat se multiplient et il y a unevraie prise de conscience », affirmetelle.Thomas, lui, devra jongler entre sa première COP, la préparation de ses examensde fin d’année et ses responsabilités auRefedd. Un défi qu’il se sent prêt à relever.« Je vais devoir adapter mon emploi dutemps mais tout cela est cohérent et complète parfaitement mes études de droit del’environnement. »
Faire pression sur les dirigeantsEt après la COP21 ? « Il faudra débriefer ausujet de notre action et poursuivre nos projets, détaille Thomas en pensant déjà à laprochaine édition qui se déroulera à Marrakech en 2016.On ne va pas s’arrêter là ! »Depuis plusieursmois, Thomas est parti
culièrement occupé. A 21 ans, il coordonnele pôle climat du Refedd. A la veille de laCOP21, il nemanquepasde travail. Avec sescollègues, il prépare les actions qui serontmenées pendant la conférence, à Paris, du30 novembre au 11 décembre.Trois thèmes seront privilégiés : l’éduca
tion au changement climatique, l’équitéintergénérationnelle et la démocratisationdes enjeux de la COP. « Nous devons établirune stratégie, notamment en définissant lesnégociateurs auprès desquels il faut fairepression pour atteindre nos objectifs », explique cet étudiant en master 1 de droit del’environnement à ParisXI.Parmi ces objectifs : le maintien, dans le
corps du texte, du principe d’éducation auchangement climatique et l’inscription decelui d’équité intergénérationnelle qui figure pour l’instant dans le préambule. « Ils’agit de répartir équitablement les ressources entre les générations », précise Thomas.
Quaranteneuf pour cent desmoins de 35 ans éprouvent ledésir de s’impliquer face auxchangements climatiques,révélait en avril le sondageIpsos « Vivre ensemble – Le
changement climatique, entre subir etagir », publié par le Conseil économique,social et environnemental (CESE). CarolineTassart, Gautier Jacquemain et ThomasAndrieux ont sauté le pas. « J’ai vu de mespropres yeux les conséquences du changement climatique lorsque j’ai travaillé pourdes ONG en Haïti. Cela a été une véritableprise de conscience. Je ressens aujourd’huile besoin d’agir et d’avoir des projets quivont dans le sens d’un développement plusdurable », confie Caroline.« Lors d’un stage, j’ai rencontré le vicepré
sident du Réseau français des étudiantspour le développement durable (Refedd)quim’a parlé de leurs actions. Il m’a convaincuque je pouvais agir à mon niveau. Au fil dutemps, je comprends de mieux enmieux lesenjeux et cela me donne encore plus enviedem’impliquer », ajoute Thomas.Tous trois partagent cette forte volonté
d’engagement, devenue indispensable àleur équilibre personnel. « Lemilitantisme,ça s’impose ànous », estimeGautier. « Il y aun élan naturel qui nous pousse à nous impliquer, à être une goutte d’eau dans l’océandu changement. Je ne serais pas moimêmesi je renonçais », ajoutetil.
Le rôle primordial des jeunesSelon l’enquête Valeurs (1) menée en 2008par un consortium d’universités européennes, seuls 6 % des 1829 ans ayant faitdes études supérieures appartiennent àune organisation écologiste et 1 % y fontdu bénévolat. Malgré ces chiffres peu élevés, le rôle des jeunes semble primordial.« La lutte contre le nucléaire est éprouvante.Il faut des jeunes pour la poursuivre etmieux faire passer le message auprès despersonnes de leur génération », analyseMélisande Seyzériat, chargée des groupeset actions à Sortir du nucléaire.A la fin du mois, Caroline et Gautier
participeront aux manifestations qui sedéroulent en marge des négociations dela COP21. « On ne peut plus attendre lebonvouloir des gouvernements pouragir », lance le militant. Gautier comptedavantage sur la société civile pour fairechanger les choses car il « ne voit pascomment on peut arriver à un accord contraignant pour limiter le réchauffementclimatique à 2 degrés ». La jeune femme,
Pourquoi le climatmobilisetil de plus enplus les étudiants et les jeunes actifs ?La situation climatiquemondiale et lagrandemédiatisation des rapports duGroupe d’experts intergouvernemental surl’évolution du climat (GIEC) ont permis uneprise de conscience sur ces questions. Parailleurs, les élèves y sont de plus en plussensibilisés dès l’école. En 2009, le sommetde Copenhague amarqué le début de lamobilisation autour de la justice climatiquemondiale. Celleci a pris le relais dumouvement altermondialiste qui s’essoufflait. Enfin, il n’y a aujourd’hui pas d’autresmobilisations susceptibles de rassembler autantles jeunes car il n’y a pas de grandsmouvements étudiants.
Qui sont ces jeunes qui s’engagent pour laprotection de la planète ?Il s’agit de personnes issues des classesmoyennes ayant un fort capital culturel.Pour les jeunes actifs, cette mobilisation estsouvent la suite de leur engagement étudiant débuté alors qu’ils n’avaient ni familleà charge ni contraintes salariées, qu’ilsavaient du temps et rencontraient dumonde sur les campus.
Les jeunes qui s’engagent ontils un rôle àjouer ? Lequel ?Ceux qui s’engagent pensent qu’ils ont unrôle à jouer. Ils exercent un contrepouvoirpar rapport auxmobilisations institutionnelles comme cette année avec la COP21 et sontplusméfiants visàvis de la politique. Leurengagement est tourné vers desméthodesd’action directe qui contournent les institutions. Aujourd’hui, certainsmilitants aspirentà des formes de vie alternative. C’est ce quel’on voit dans les « ZAD » [zones à défendre]ou les communautés néorurales. Les gens ymettent en place unmode de vie plus conforme aux idéologies qu’ils défendent. C’estune autremanière de s’investir et de jouer unrôle pour faire changer les choses.
Propos recueillis par An. Ma.
IrènePereiraPhilosophe et sociologue, spécialistedumilitantisme.
« La lutte pour lajusticeclimatiqueapris le relaisde l’altermondialisme »
ENTRETIEN
«LA LUTTEANTINUCLÉAIREEST ÉPROUVANTE. IL FAUTDES JEUNES POUR FAIREPASSER LEMESSAGE»
MÉLISANDE SEYZÉRIATSortir du nucléaire
DR
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La préservation des ressources, c’est aussile sacerdoce de Caroline. A 29 ans, cettejeune femme dynamique est responsabledu programme environnement et développement à l’associationPlanèteurgence. Elley est chargée de l’Indonésie et du Mali.Après plusieurs expériences dans des ONGet avec un master de coopération et développement en poche, elle a «souhaité donner une dimension professionnelle à [sa] volonté de sauvegarder la planète».Depuis bientôt trois ans, son travail con
siste à soutenir techniquement et financièrement des porteurs de projets dans cespays. « En Indonésie, par exemple, des littoraux ont été victimes de la déforestationpour permettre la production de crevettes etde poissons, explique la jeune femme.Nousintervenons pour sensibiliser les habitants àl’importance desmangroves et leur montrerainsi que la préservation des palétuviers permet d’augmenter la production. »
Si Caroline met son activité professionnelle au service de ses convictions, ce n’estpas le cas de Gautier. Ce jeune urbaniste de26 ans consacre beaucoup de temps à sonactivité militante au sein du réseau Sortirdu nucléaire, mais il ne souhaite pas pourautant en faire sonmétier. « L’équilibre quej’ai trouvé entre les deux me convient », observe le jeune homme. « Parfois mon activité empiète sur mon travail, mais je ne re
nonce pas non plus àma vie professionnelleet personnelle pourmiliter. »Nédans une famille politiquement enga
gée, Gautier a débuté son activisme avec leFront de gauche. En 2012, il milite avec ceparti pour les élections présidentielle et législatives mais cet engagement ne lui convient pas vraiment.Sensible au réchauffement climatique
depuis denombreuses années, il opte finalement pour le réseaudont il fait partie depuis un an et demi. « Le nucléaire est unedes portes qui permettent de poser les bonnes questions pour faire certains choix desociété », estimetil.
angéliquemangon
(1) JeanPaul Bozonnet, « L’écologisme chezles jeunes : une résistible ascension ? »,Unejeunesse différente ? Les valeurs des jeunesFrançais depuis trente ans (sous la directiond’Olivier Galland et Bernard Roudet), Paris,ArmandColin, 2012, p. 170178.
doss i er | faire carrière dans le vert, un pari gagnant ?
Le premier biohackerspace est devenuun laboratoiremultidisciplinaireAu 226 de la rue SaintDenisà Paris, l’effervescence règne.Au fond d’une cour pavée, unespace accueille la FashionTechWeek. Vingtcinqstartup y présentent leursinnovations pour lamode.On découvre un gant connecté nécessitant moins decomposants qu’un téléphone, un textile à base debouteilles en plastique recyclées, ou encore de la soietrès spéciale : « Une technique où les vers produisent dela soie “conformée” selonnos indications et créent desformes. Sachant que, dansl’industrie traditionnelle, élevage, cocon, dévidage et filature se font à différents endroits du globe, ce procédéécologique permet de relocaliser la production en un seulendroit », explique ConstanceMadaule, ingénieuragronome de 25 ans et cofondatrice de Séricyne.Bienvenue à La Paillasse,lieu où la science et les technologies sontmises au service de l’environnement etd’autres enjeux sociétaux.Car, audelà de ses événe
ments, La Paillasse est avanttout un laboratoire citoyenconsacré à l’innovationcommunautaire, low costet accessible à tous.L’histoire est née en 2011dans un squat hackerspacede VitrysurSeine (ValdeMarne). « Thomas Landrain,biologiste de formation,avait découvert le mouvement du Do It Yourself auxEtatsUnis pour le prototypage électronique. Nousnous sommes demandé comment nous pourrions l’appliquer à la science, en créantun laboratoire, sans budgetet en faisant tout nousmêmes », se remémore un descofondateurs, Marc Fournier, 33 ans, diplômé d’unelicence environnement etmaîtrise de l’énergie.
Du crowdfundingpour démarrerIls récupèrent alors devieilles machines. « L’idéeétait de créer un espaced’échange de compétencesouvert, où les scientifiquespartagent avec les citoyensleurs connaissances afin que
cellesci soient mises au service de la société et non plusdes grands groupes », expliquetil. Le premier biohackerspace français était né.En 2013, ils obtiennent unesubvention de laMairie deParis et montent une campagne de crowdfunding. Leslocaux – 750m2 sur deux niveaux − sont inaugurés enjuin de l’année suivante.Au départ destinée à la biologie, La Paillasse a peu àpeu changé de cible.« Aujourd’hui, on se définitcomme un laboratoireouvert et plus comme unbiohackerspace car le lieu estmultidisciplinaire, même sila biologie et la science gardent une place particulière »,justifie Marc Fournier.De fait, La Paillasse a vu naître des projets de tous types : une encre biologiqued’origine bactérienne nonpolluante ; un test génétique low cost pour connaîtrel’origine animale de laviande ou détecter desOGM ; des drones autonomes ; un foulard connectéqui mesure le niveau de pol
lution… Des inventions quin’auraient probablement jamais vu le jour dans un laboratoire classique.
Des pistes de réflexionmultiplesAujourd’hui, La Paillasse regroupe à la fois un coworking (espace de travail partagé), deux laboratoires debiologie et prototypage, etunemyriade de labs thématiques et innovants, dont leFlyLab (drones), le TextiLab(textiles) ou le CogLab(sciences cognitives).« Notre point commun, c’estl’intérêt pour la science, l’innovation, l’open source etl’open hardware », expliqueMaïté Breger, 25 ans. Cofondatrice de la startupMeïso,elle a créé un cocon de flottaison « à l’intérieur duquella personne est portée parune eau saturée en sel demagnésium et protégée desstimuli extérieurs, ce qui permet l’introspection profonde », explique la jeunefemme.« Ici, je peux croiser une personne avec une interface cer
veauordinateur sur la têteou discuter avec des expertsentre deux portes. Cetterichesse en pistes de réflexionfait la magie du lieu »,observe Hakim AmraniMontanelli, cofondateur duFlyLab.L’opportunité d’interactionsest ce qui a séduit Alice Gras,organisatrice de la FashionTechWeek et cofondatricede Hall Couture, l’espace decoworking réservé aux professionnels de lamode à LaPaillasse. « Il y en a encorepeu, car chacun est concentrésur son projet. Il faudrait desgens qui voient le potentieldes interactions et fassent lelien.Mais ça prenddu temps »,souligne la jeune femmede 25 ans, qui aimerait travailler avec des biologistespour créer des teintures bio.Fort de son succès, le modèle a essaimé : des« Paillasses » ont ouvertà Lyon, Grenoble, SaintBrieuc, aux Philippines,en Irlande et bientôt auCanada. Et un second espaceest prévu à Paris.
Léonor Lumineau
«J’AI SOUHAITÉ DONNERUNE DIMENSION
PROFESSIONNELLEÀMA VOLONTÉ DE SAUVER
LA PLANÈTE»CAROLINE TASSARTPlanète Urgence
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entrepreneuriat
Un an après la créationdu statut d’étudiantentrepreneur, c’estl’heure du bilan. A lasuite des travaux des
Assises de l’entrepreneuriat 2013,le président de la République,François Hollande, a retenu unesérie de propositions, dont certaines applicables dès 2014 dans l’enseignement supérieur. Ainsi 29Pôles étudiants pour l’innovation,le transfert et l’entrepreneuriat devaient être créés : soit 29 « Pépites » réparties sur l’ensemble duterritoire. Des modules devaientêtreouvertsdans toutes les formations, universités et grandes écoles, enLMD(licence,master, doctorat), assortis d’un système d’acquisition de points pour valider lesformations : l’European CreditsTransfer System (ECTS).
La création d’un prixCentmille étudiants sont d’ores etdéjà concernés ! Un prix « Pépite »– Tremplin pour l’entrepreneuriatdevait aussi récompenser 150 lauréats régionaux et 53 nationauxdésignés sur des projets de créationd’entrepriseutiles à la collectivité (innovation, développementdurable, création d’emplois). Enfin, première mondiale : la création d’un statut d’étudiantentrepreneur, qui est désormais envisagé par d’autres pays.Ces mesures visent à propager
l’esprit d’entreprise et à « faciliterle passage à l’acte entrepreneurialdes jeunes, qu’ils soient bacheliers,étudiants ou jeunes diplômés », indique la circulaireministérielle.Pour un étudiant en cours
d’étude, ce statutdonnedroit àdes
équivalences et lui permet desubstituer sonprojet entrepreneurial à l’obligation de stage ouautres équivalences ECTS. Pour undiplômé, c’est la possibilité de bénéficier des mêmes conditionsqu’un étudiant (protection sociale,droit aux bourses, etc.). Il devras’inscrire au diplôme d’établissement étudiantentrepreneur(D3E), un choix facultatif pourl’étudiant en cours d’étude.«Dans lesdeuxcas, rappelle Jean
Pierre Boissin, coordinateur national du plan « Pépite », l’étudiantentrepreneur est accompagné pardeux tuteurs [un enseignant et unpraticien] et peut accéder au contrat d’appui à la création d’entreprise, notamment via des couveuses. Il peut aussi accéder à des espaces de coworking et être mis enréseau avec les structures d’accompagnement et de financement… »En 20142015, 945 dossiers ont
été déposés de septembre à mars,et 645 ont été acceptés. 80 % desadmis sont des garçons, 23 % desjeunes diplômés, 77 % en coursd’étude. 20 % proviennent de filières de gestion, 10 % d’ingénieurs, les données sur le restesont en cours d’affinement. Lamoyenne d’âge est de 24 ans.
Une appétence nouvelleEnfin, 65 % des projets sont entrepris en équipe, ce qui est un gagede pérennité. Au 5 octobre 2015,846 étudiants avaient déposé leurdossier de candidature. « Audelàdes chiffres, le changement est considérable. L’appétencedes étudiantspour l’entrepreneuriat se développe. Ce n’est pas un entrepreneuriat contraint par des difficultés
Lesuccèsdustatutd’étudiantentrepreneur,créé ilyaunan, témoigned’unerévolutionculturellesilencieuseencoursdans lesuniversitésetgrandesécoles.
Les«Pépites»ont la cote
d’insertionprofessionnelle,maisunchangementmajeur auquel l’enseignement supérieur s’est adapté. Ledéveloppement du numérique estun accélérateur », fait observerJeanPierre Boissin.Ancien animateur d’une Mai
son de l’entrepreneuriat, à Grenoble (qui préfigurait les Pépites), lecoordinateur signale aussi quel’objectif fixé, à l’issue des Assisesde l’entrepreneuriat 2013, était dedoubler le nombre de créateursd’entreprise diplômés de moinsde 30 ans en trois ans (20142017)sur la base des enquêtes SINEInsee. Cellesci chiffraient à l’époque leur nombre à 10 000, d’oùl’idée de passer à 20 000 en 2017…Il ne s’agissait donc aucunementde former 20 000 étudiantsentrepreneurs chaque année,comme cela futmal interprété !Ce statut est accessible sur toute
la France, à l’exception de trois ré
gions (Normandie, AntillesGuyane et La Réunion). Il a été accepté par les établissements. « Unnouveau droit a été créé pourl’étudiant. »Toutefois, « de nombreux élé
ments sont à améliorer », reconnaîtM.Boissin comme : l’échangeentre les 29 Pépites ; l’intégrationdes établissements privés dans ledispositif ; l’organisation de lapluridisciplinarité des équipesprojets ; la compréhension del’enjeu du sourcing par les différentes structures d’accompagnement et de financement au seindes pépites ; réduire les incohérences administratives comme lefait de devoir cotiser au régimesocial des indépendants (RSI) dèsla première année de créationd’une SARL, indépendamment dela réalité économique de son activité et alors que l’étudiant bénéficie déjà de la Sécurité sociale ; ouse voir couper son RSA pour lesplus de 25 ans. Pour bien faire, denouveaux droits devraient aussiêtre élargis à ce statut, comme celui à l’allocationlogement ou austatut d’autoentrepreneur…Les pouvoirs publics suivront
ils ? Comme financement d’amorçage 2014, les vingtneuf Pépitesont reçu un budget bien modestede 2,5 millions d’euros. En revanche, le programme Investissementd’avenir (CGICDC) sur la cultureentrepreneuriale est de 20 millions d’euros pour 2015 et touchehuit Pépites. Pour 2016, il prévoitde renforcer les formations et l’accompagnement des étudiantsentrepreneurs. On peut s’attendre àunemontée en puissance.
sergemarquis
«UN CHANGEMENTMAJEUR AUQUELL’ENSEIGNEMENTSUPÉRIEUR S’EST
ADAPTɻJEANPIERRE BOISSINcoordinateur national
du plan Pépites
Mardi 17 novembre 2015 Le Monde Campus / 51
discriminations
j’enchaînais les petits boulots, dix àquinze heures par semaine. »Découragé, il envisage de chan
ger de filière, mais son premieremploi, unCDDcommeconseillercommercial chez Orange, le remetsur les rails. « C’était la premièrefois que je gagnais autant d’argent,j’ai vu que je pouvais m’en sortir. »Aujourd’hui, à 23 ans, YoussefMeskini s’est accordé une année de césure avant sonmaster 2, pour économiser et apprendre l’anglais.«AShanghaï, j’ai compris que c’est in
dispensable. On ne finit jamaisd’apprendre comment s’en sortirquand on vient d’unmilieu commele mien. Et ça continuera en entreprise. Mais c’est possible : quand jesuis arrivé à Paris, j’ai découvertqu’un jeune de mon quartier avaitfait Dauphine. Jamais je n’auraiscru ça possible. »Le manque de confiance en soi,
c’est aussi ce qui a pénalisé FionaDongang, 24 ans. Née au Cameroun, elle arrive en France à 5 ans.Bonne élève, elle ne postule quedans des écoles médiocres. « Je necroyais pas pouvoir être acceptéeailleurs.Heureusement,unprofm’apoussée à tenter une prépa, et j’aiété prise. » Elle intègre ensuite
l’école de management NeomaReims dont elle sort diplômée endécembre 2014.Son parcours n’a pourtant pas
été facile, notamment lorsqu’il afallu trouver un apprentissage.« Je n’osais pas évoquer mon unique expérience professionnelle : lemarché de Sarcelles. Heureusement, j’étais suivie par une tutricequi m’a expliqué que tenir unstand, choisir les produits, c’est unvrai travail, et que je devais capitaliser surma différence. »Une stratégie gagnante : après
deux années d’apprentissage chezIBM, Fiona Dongang s’apprête àpartir aux EtatsUnis pour unstage enmarketing digital. Elle est
aussi ambassadrice pour PasseportAvenir et intervient auprès dejeunes dans lesquels elle se reconnaît : « Je me souviens d’un étudiant qui parlait tamoul et n’osaitpas lementionner sur sonCV. Il fautvaloriser cette double culture !Dans les écoles, on revoit ton CV encorrigeant les fautes d’orthographe, c’est tout. Il n’y a aucun suivipersonnalisé. »Sans réseau, sans conseils, la re
cherche d’emploi se révèle impossible, Vanelson Valerus, Françaisd’origine haïtienne, fait le mêmeconstat : « J’ai perdu un temps fousur Internet, je ne cherchais jamaisau bonmoment, au bon endroit. Jeme suis fait recaler sous prétexteque je n’avais pas le bon look. »
Avec ou sans les codesVanelson, étudiant à MontpellierBusiness School, décide alors decréer son entreprise, Stud’Rent, unservice de location d’électroménager pour étudiants. « Je n’ai peutêtre pas les codes, mais j’en veux.C’estma boîte, elleme ressemble, etson succès ne repose que sur mamotivation. »Très impliqué dans son projet,
Vanelson passe moins de tempssur ses étudesetperd laboursequilui permet de financer ses frais descolarité. Mais il ne lâche rien.Pour la première fois à 24 ans, ilprend l’avionpouraller à Shanghaïet compte répéter l’expérience :« J’y reviendrai pour faire du business. De toute façon, j’en ferai toutema vie. C’est plus équitable. »
margherita nasi
«ON NE FINIT JAMAIS D’APPRENDRECOMMENT S’EN SORTIR QUAND ON VIENT
D’UNMILIEU COMME LEMIEN»YOUSSEFMESKINI
lauréat du concours We Made It
Manquede réseaux, de confiance,demoyens…Les jeunes diplômésd’origine étrangère ont biendumalà percer dans des mondes dont ilsn’ont pas les codes.
Ladifficile ascensiondesenfantsd’immigrésT
irer la sonnetted’alarme ! C’est l’objectif du nouveau rapport de l’Organisationde coopération et de
développement économiques(OCDE) sur l’intégration des enfants d’immigrés en France, paruenaoût2015. L’OCDEpointe lesdifficultés d’ascension de ces jeunes,même lorsqu’ils sont diplômés dusupérieur.Comment lutter contre le déter
minisme social ? LeMonde a poséla question aux lauréats du concours We Made It, organisé parl’association Passeport Avenir,qui permet à des étudiants issusde milieux populaires de partirune semaine à Shanghaï, enChine. Autocensure, manque deréseaux et demoyens, les difficultés évoquées se ressemblent.Maisen s’appuyant sur les conseils destuteurs et sur leur propre détermination, ces jeunes ont réussi àcapitaliser sur leurs différences.
Le poids des différencesIssu d’une famillemarocaine émigrée en France dans les années1980, Youssef Meskini granditdans un quartier populaire de labanlieue de Nancy (MeurtheetMoselle). « HautduLièvre, c’estunezoneenhauteur.Onest séparésdes autres classes sociales. » Scolarisé enZEP, il détourne la carte scolaire en demandant une langueétrangère qui n’est pas proposéedans sa zone et découvre qu’ilexiste unmilieu autre que le sien.Mais c’est surtout lorsqu’il intè
gre l’Institut supérieur du commerce de Paris (ISC Paris) queYoussef est frappé par le poids desdifférences sociales.«C’est violent :il y a ceux qui sont à l’aise et ceuxqui ne le sont pas. Les frais de scolarité prenaient une place énormepour moi. Je ne pouvais pas faired’échanges ni de stages parce que
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conditions de travail
Des murs couverts degraffitis, des étagèresgarnies de peluches,des transats colorés…Nous ne sommes pas
dans les locauxd’unemaison de lajeunesse et de la culture (MJC),mais au cœur de PrestaShop, une
startup spécialisée dans l’éditionde solutions logicielles ecommerce. En avril 2015, la jeune société a quitté son immeuble de Levallois (HautsdeSeine) pour s’installer près de la gare SaintLazare, àl’adresse symbolique d’un ancienbazar parisien.
Les entreprisesmisent de plus enplussur l’équipement et le confort deleurs locauxpour séduire les nouveauxtalents, les stimuler et les fidéliser.
«Jeune talent exigecocooningaubureau»
CHOI JUHYUN
Rebaptisé Happiness Engineer, leresponsable de la satisfactionclients, Xavier du Tertre, nousguide à travers les 1 100 m2 flambant neufs du site. De l’ascenseurmusical décoré de photos, il glisseà la cafétéria lumineuse où se prélasse Puff Daddy, le chat « ronron
thérapeute » de l’entreprise, puis àla salle de sieste, et enfin au « bungalow » où se disputent parties debabyfootetdeMarioKart.«D’ici àNoël, on y accédera par toboggan,pour gagner du temps et incarnernotre esprit de liberté », s’enthousiasme le trentenaire qui, pendant
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Alexia Careno, la «MmeBienêtre » d’Airbnb
Responsable du bienêtre etde la vie de bureau, unmétierd’avenir ? « C’est un peu lamaman du bureau », résumentses collègues. Embauchée auxressources humaines d’Airbnben 2013, Alexia Carenoest aujourd’hui l’une des35 ground control managerde la startup, posteexclusivement dédié au bienêtre des équipes.Sesmissions ? Organiser unefête d’Halloween au bureau,
laires de chief happiness officerou feel goodmanager (responsable en chef du bonheur) fontaujourd’hui leur lente apparition dans quelques agences etgroupes français dont Kiabi.Mais il faut prendre gare à ceque la démarche soit sincère etrespecte l’identité de chaquebureau ! « Je veille à conserverl’esprit homemade et collaboratif, conforme à l’ADN d’Airbnb », note Alexia Careno.
C. Th.
embaucher unemasseuse,approvisionner le coin cuisined’encas équilibrés ou poserle papier peint d’une sallede réunion. « Cela demandebeaucoup de polyvalence, dedisponibilité et d’attention audétail », note cet électron libre,qui avoue se faire régulièrement démarcher par degrandesmaisons commeles Galeries Lafayette.Répandues auDanemark ou enAllemagne, les fonctions simi
deuxmois, s’est consacré à la réinvention des locaux avec quatrecollègues et la bénédiction de sahiérarchie.Car la métamorphose a un dou
ble objectif : « fidéliser » et « stimuler » les salariésmais aussi « attirerdes nouveaux talents », explique laresponsable des ressources humaines, Fiona Cohen. Cette année,la startup a ouvert 50 postes quine sont pas encore tous pourvus.Le marché de l’emploi est « trèsconcurrentiel », en ce qui concerneles développeurs informatiques.Pour la directrice générale de
PrestaShop, Corinne Lejbowicz,les 300 000 euros investis dansles travaux étaient indispensables. Selon elle, « la nouvelle génération est totalement exigeante etplus seulement sur le job. Elle veutévoluer vite, gérer son tempscomme elle l’entend et ne plus êtreparquée dans des bureaux gris. »De fait, Corinne Lejbowicz n’est
pas seule à raisonner ainsi. Depuisson réaménagement à Neuilly(HautsdeSeine), le cabinet Deloitte affiche de « meilleurs tauxd’attraction et de rétention des profils mais aussi de leviers de croissance », indique Bertrand Boisselier,membreducomitéexécutif finances et opérations.Selon lui, « les espaces doivent
faciliter la transversalité, la mobilité et la perméabilité générationnelle pour viser l’efficacité ».Coréalisé par Deloitte et l’hebdomadaire L’Usine nouvelle, lebaromètre de la compétitivité2015 a d’ailleurs révélé que les leaders d’entreprise plébiscitaient lamotivation et le bienêtre de leurscollaborateurs comme premierlevier de compétitivité.Les salariés classent désormais la
qualité de vie au bureau juste derrière l’intérêt de leur poste (à 45 %contre 50%), indique une enquêtede l’observatoire Actineo sur lespriorités enmatière d’emploi.D’après cette même étude, l’es
pace de travail voit chaque annéeson rôle se renforcer puisqu’en 2014, 92 % des actifs l’estimaient primordial pour leurbienêtre, 89 % pour leur efficacité et 83 % pour leur motivation.Trois ans plus tôt, ces critèresremportaient chacun une dizaine
de points en moins. Dans ce contexte, de nombreux employeursrelookent leurs espaces : Deloittevient de s’offrir une « Greenhouse », serre immersive dont lavue à 360 degrés, le mobilier design et modulable, les Postit,bonbons et équipements numéri
ques se révèlent « incroyablementpropices au développementd’idées innovantes », selonM. Boisselier. Le Crédit agricoledote sa pépinière d’un mur végétal, la Saxo Banque opte, quant àelle, pour des bureaux assisdebout, et le géant Webedia s’offreune salle futuriste pour gamers.Il faut toutefois se méfier des
modes, prévient Xavier Baron, sociologue, consultant en gestiondes ressources humaines. Certaines sociétés ont dû abandonnerleurs espaces « lounge » parce queles salariésn’osaientpas s’y installer. Quant aux aménagements, ils
peuvent relever d’autres critères :marketing, mesure d’économie,image de l’entreprise.ChezAirbnb, dont lebureaupari
sien reproduit une annonce d’appartement – coussins pastel, fauteuils vintage et coin « chalet », onse défend toutefois de réfléchir« en termes d’image ». La prioritéconsiste à appliquer en interne ladevise de la marque « Belonganywhere » afin que chacun sesente aubureau « commeà lamaison », explique Célia Zaïdi, responsable de la communication. Ici, on
chine la déco à plusieurs et, chaque trimestre, les employés remplissent un questionnaire anonyme pour soumettre des critiques ou des pistes d’amélioration.
Des fresquesmuralesUne implication du personnel querevendique aussi PrestaShop, oùles fresquesmurales avec lignes decodes, figures de Yoda et de BruceLee,martèlent la culture pop, geeketopensourcede l’équipe.«Nosespaces n’ont pas été pensés par uneagence mais en interne, insiste Corinne Lejbowicz. Sans quoi ilsn’auraient ni la même audace ni
cette identité forte, capable de renforcer la connivence entre équipes,communautés et partenaires. »De fait, les candidats ne se lais
sent pas tous jeter de la poudreaux yeux. « Les locaux ne sont pasmonprincipal critère de choix, noteCyril Delattre, depuis trois semaines chez Airbnb.Mais ils en disentlong sur l’entreprise : ici, on ressentune certaine authenticité, un espritfamilial, tout en étant immergédans l’univers du logement. »Pour Margaux, 24 ans, c’est sur
tout la proximité de son domicilequi l’a convaincue de postulerchez PrestaShop en début d’année. Lors de son voyage de find’études à San Francisco, elle sesouvient avoir « énormément envié » l’environnement de travailde Facebook et Google. Mais,consciente que certains groupes« érigent leurs espaces en image demarque », elle apprécie aujourd’hui de pouvoir « s’appropriervraiment les lieux », dans un univers à échellehumaine.«Enentretien, j’ai surtout remarqué la fiertédes équipes de travailler ici, renchérit sa collègue Lou Tomachevsky. L’ambiance suit, conclutelle.D’ailleurs,mon copain, qui est chezGoogle, préfère venir jouer cheznous, à la pause déjeuner ! »
camille thomine
GREENHOUSE, MOBILIER DESIGNETMODULABLE, POSTIT, BONBONSET ÉQUIPEMENTS NUMÉRIQUES
SONT «INCROYABLEMENT PROPICESAU DÉVELOPPEMENT D’IDÉES INNOVANTES»
BERTRAND BOISSELIERcabinet de conseil Deloitte
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pratique
L’entrée dans la vie active est une étapeimportante et souvent attendue, carsynonyme de pre
miers salaires, d’indépendance financière. Cependant, « les jeunesactifs ont des revenus plus faiblesque leurs parents au même âge »,constate Pascale Hébel, directricedu département consommationdu Centre de recherche pourl’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) et coauteurede l’enquête « Les jeunesd’aujourd’hui : quelle sociétépour demain ? » (2012). « Le postedu logement représente une fortecontrainte qui les conduit à rognersur leurs dépenses de base commel’alimentation, l’habillement ouencore la santé. »
Appart à partagerDepuis quelques années, la colocation, auparavant réservée auxétudiants, s’étend aux jeunes actifs (33,6 % prolongent leur vie encolocation selon le baromètre Appartager). Même si la notion deconvivialité est citée comme l’unedes motivations à cette solution,les motifs économiques arriventen tête. Parallèlement, de plus enplus de jeunes actifs restent vivrechez leurs parents. Si, pour certains, cela s’explique par la volonté d’économiser ou par confort, pour d’autres, le montant deleur salaire ou leur statut précaire(intérim, CDD…) ne leur laisse pasd’autre solution.
L’alimentation est un poste globalement en baisse chez lesmoins de 29 ans (seulement 8 %de leur budget total). « On constate que les jeunes achètent demoins enmoins de viande, notamment pour des raisons économiques, et certains ne prennent pastoujours trois repas par jour »,note Pascale Hébel.Les jeunes actifs reconnaissent
une certaine ambiguïté dans
leurs comportements. Ils privilégient les magasins « hard discount » ou les promotions dansles grandes surfaces, mais saventse faire plaisir pour les dépensesà l’extérieur. « Mon budget restaurant est souvent celui que je dépasse, car j’aime tester de nouvelles adresses », avoue AnneLise,26 ans, éditrice. « Je suis capablede me lâcher une soirée dans unbar sympa et, après, de compterpour mon alimentation quotidienne », témoigne Benoît, 28ans, jeune auditeur. La consommation plaisir, essentiellement
Comment les jeunes actifsdépensentils leur salaire ? Sontils cigales ou fourmis ? Retoursd’expérience sur les dernièrestendances de consommation.
Lagestionde sonbudgetfaçongénérationLeboncoin
tournée vers le lien social, maisaussi la réalisation de soi, est privilégiée.Ainsi, leur désir de consomma
tion, notamment en termes decommunication et de loisirs, plusimportant que pour les générations précédentes, les amène à développer une consommation collaborative et des comportementsstratèges :«Le covoiturage,Airbnb,le développement des secondes vies
des objets, la location, la colocation… gagnent du terrain à l’aided’Internet », analyse PascaleHébel.« Je n’achète jamais de vêtements
au prix fort, j’attends toujours lespromotions, confirme AnneLise.Je suis à l’affût des bons plans surInternet. J’arrive ainsi à pratiquerouà tester pasmal d’activités sportives ou d’ateliers gratuitement ouà petits prix. » « Lorsque je pars enweekend, je cherche sur Internetl’hôtel lemoins cher et onpart souvent à plusieurs pour partager lesfrais », explique de son côté AliceHélène, 23 ans, vendeuse en librai
rie. Avec son ami, elle se fixe deuxà trois restaurants parmois et, ensuite, ils privilégient les apérosentre amis où chacun apportequelque chose. « En général, on regarde pas mal les prix des vêtements ou de l’alimentation, mais,pour les vacances, les weekends,on ne regarde pas trop à la dépense », témoigneMarion, 27 ans,mariée, qui travaille dans les assurances. Le couplepratique régulièrement les sites de vente privée etLeboncoin pour revendre.
Lemodèle familialPour les jeunes générations,l’usage est plus important que lapropriété. Le fait que demoins enmoins de jeunes passent leur permis ou s’achètent une voiture esttrès révélateur. Et quand on en aune, onn’hésite plus à la partager.Marion a ainsi mis la sienne surun site d’autopartage.Une majorité des jeunes actifs
concède reproduire engrandepartie le modèle familial dans leur façon de consommer et de suivre(ou pas) leurs dépenses. Selon uneétude du Crédoc de 2011, 29 % desjeunes actifs ne font jamais unbudget, 43 % ont déjà été à découvert au cours des trois dernièresannées et 78%déclarent épargner,avec un taux moyen d’épargne àhauteur de 13 % de leur revenumensuel. Entre le tableau Excelpour suivre les dépenses dans ledétail et une certaine désinvolture, tous les profils cohabitent.
gaëlle picut
«LE COVOITURAGE, AIRBNB,LE DÉVELOPPEMENT
DES SECONDES VIES DES OBJETS,LA LOCATION ET LA COLOCATION,
GAGNENT DU TERRAINÀ L’AIDE D’INTERNET»
PASCALE HÉBELdirectrice du départementconsommation duCrédoc
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Dans « La Société automatique »(Fayard), vous évoquez une prochainedisparition de l’emploi. Comment eneston arrivé là ?
Depuis 1993, avec la naissance du Web,nous vivons un énorme processus detransformation : les individus produisentdes données sur euxmêmes en permanence, de manière délibérée ou inconsciente, et les algorithmes permettent d’extraire des informations de façon massiveen suivant des modèles probabilistes. Cesdonnées réduisent les activités en interne,dans tous les domaines. Il n’y a pas queGoogle : de plus en plus d’entreprisesmettent en place des automates logiques sansrémunérer la valeur ainsi créée, ce quiaboutit àune suppressiond’emplois. Selonune étude du cabinet Roland Berger, d’ici à2025, un tiers des emplois pourraient êtreoccupés par des machines, des robots oudes logiciels dotés d’intelligence artificielleet capables d’apprendre par euxmêmes.
On s’est longtemps battu contrel’arrivée desmachines. Qu’estce quichange aujourd’hui ?
L’automatisation existe depuis plusieurssiècles dans le monde industriel. On peutévoquer le taylorisme, qui aboutit au travailà la chaîne.Mais il s’agissait jusqu’à présentd’automatisations qui avaient besoind’hommes pour fonctionner : les individusétaient payés pour servir lesmachines.La nouvelle automatisation n’a plus be
soin de cela. Il existe aujourd’hui des usines sans ouvriers :Mercedes amis enplaceune usine qui n’emploie que des cadres.Foxconn, qui emploie 1,5 million d’employés dans ses usines, souhaite les remplacer par 1 million de robots. Amazon développe des robots dans ses entrepôts…C’est un phénomène qui touche absolu
LephilosopheBernard Stiegler alertesur la destructionde l’emploi portéeparlesmutations technologiques et soulignel’urgencede refonderunmodèle donnantuneplace au travail au service de l’homme.Lasociété
automatiqueest insolvable,oncommenceàenprendreconscience»
le grand entretien
ment tous les secteurs. Dans une conférence du 13 mars 2014, Bill Gates affirmaitque, d’ici vingt ans, les logiciels aurontremplacé la plupart des emplois. Il proposede lever les charges sociales sur les salairespour mettre en concurrence les humainsavec les robots.Mais cen’est pasunebonnesolution : onnepeut pas dissimuler l’insolvabilité de la « société automatique ».
Internet estil fondamentalementdestructeur d’emplois ?
Je ne suis pas contre l’automatisation ensoi : Wikipedia marche avec des algorithmesqui aident les gensà collaborer, c’est intéressant. Le problème, c’est quand les algorithmesbloquent la création. Et c’estbiencequi sepasse : lebutduWebaété inversé. Initialement créé pour alimenter de la controverse et du débat, il finit par courtcircuiternotre cerveau et notre singularité.Chris Anderson, gourou de la Silicon Val
ley, affirme qu’avec les big data nousn’avons plus besoin de théories. D’aprèslui, les informations que le big data extraitpar corrélation sont plus efficaces que les
modèles théoriques. Ainsi, Google traduitle chinois en anglais, même si chez Googlepersonne ne parle chinois. Mais ce système conduit à un appauvrissement : plus
«BILL GATES PROPOSEDE LEVER LES CHARGES
SOCIALES SUR LESSALAIRES POURMETTRE
EN CONCURRENCELES HUMAINS AVEC
LES ROBOTS. CE N’EST PASUNE BONNE SOLUTION»
Mardi 17 novembre 2015 Le Monde Campus / 57
Bernard Stiegler,philosophe.
de destruction d’emplois. C’est très grave.Mais la prise de conscience évolue vitedans ce domaine, et de plus en plus d’acteurs se rendent compte de l’insolvabilitéde l’automatisation.Je travaille, en cemoment, avec un grand
opérateur au développement d’un nouveau réseau local qui servira l’engagementdes individus. Il permettra, par exemple,aux habitants qui assistent à un conseilcommunautaire de commenter ce qui s’ydit et de confronter les différents points devue. Grâce à cela, ils pourront créer desgroupes par affinités et se rassembler ensuite pour être force de propositions.Aux jeunes maintenant de s’engager
pour sortir du capitalisme industriel et entrer dans une ère nouvelle. Personne nesait à quoi ressemblera lemondedu travaildans les années à venir, puisque c’est à euxd’inventer ce qu’ils feront demain.
propos recueillisparmargheritanasi
toire contributif. Nous mettons en placeun protocole territorial qui propose àtous les habitants de devenir des « étudiants » : ils étudient la situation à venirde leur territoire.Les territoires deviennent des smart ci
ties, et il faut que ces technologies se développent avec les habitants, sans leur imposer des modèles prolétarisants. Nous préconisons donc plusieurs démarches, dontla création d’une chaire universitaire quimettrait en œuvre la recherche contributive par des doctorants travaillant sur desthèses liées à l’impact des nouvelles technologies sur la discipline du chercheur,quelle qu’elle soit.Le problème, c’est que la France ne veut
pas évoquer ce sujet, elle l’évacue : dans lerapport «Quelle France dans dix ans ? » remis au président de la République, Jean PisaniFerry [commissaire général de FranceStratégie, le think tank qui a réalisé ce rapport] ne dit pas unmot de ces perspectives
l’automatisation dans la compilation detexte se développe, plus les gens désapprennent l’orthographe, et le langage s’appauvrit. Si on ne pratique pas, on oublie.
Un jeune diplômé doitil alors aborderson futur avec pessimisme ?
L’avenir des jeunes est très sombre. J’enconnais même qui sont trop diplôméspour avoir du travail : impossible de trouver un emploi qui correspond à leurs compétences. La seule solution, c’est de réinventer un nouveau système, viable. Cen’est pas seulement une question liée auchangement climatique, c’est véritablement un nouveau modèle macroéconomique capable de redistribuer la valeur quidoit être inventé.
Je propose ainsi la mise en place d’un revenu contributif, inspiré par le régime desintermittents du spectacle, qui favorisel’engagement des individus dans des projets collaboratifs. Le Prix Nobel d’économieAmartya Sen aprouvéquedans les années 1990, paradoxalement, on vivait pluslongtemps et mieux dans un pays pauvrecomme le Bangladesh qu’à Harlem. C’esttout simplement parce que les habitantsduBangladesh ont préservé leurs relationssociales et continué à développer leurs savoirs. Les jeunes diplômés d’aujourd’huidoivent prendre des initiatives. Il faut repenser le collectif et imaginer une autremanière de travailler qui ne soit pas fondée sur l’emploi.
Concrètement, par où commencer ?Personne ne peut inventer un nouveau
modèle : il faut expérimenter. Je travailleen ce moment dans une commune deSeineSaintDenis à la création d’un terri
«LES JEUNES DIPLÔMÉSDOIVENT REPENSER
LE COLLECTIF ET IMAGINERUNE AUTREMANIÈRE
DE TRAVAILLERQUI NE SOIT PAS FONDÉE
SUR L’EMPLOI»
ISABE
LLEWATE
RNAUX
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LeMondeLeMonde
Mardi 17 novembre 2015 Le Monde Campus / 59
I l n’est plus possible de penser leseffets de la science et de la technologie comme intrinsèque
ment positifs », constate Thierry Venin dans la préface d’Un mondemeilleur, «car c’est le travail, selon lesociologue, qui a dû se plier aux règles technologiques » produisantdes effets négatifs. Le chercheur,partant d’une enquête de terrain,démontre la forte influence des
techniques de l’information et de la communication (TIC)dans les risques psychosociaux. Il liste une vingtaine depièges et d’effets secondaires, concluant que le droit à ladéconnexion reste à inventer.Il pointe les conséquences de « l’absence de prise de conscience» de la prise de pouvoir du numérique, qui renforce « les effets pervers de la tyrannie du moment », et lestress qui l’accompagne. Il s’interroge sur le pouvoir – laliberté – que conservera dans l’avenir un individu hyperconnecté, prisonnier d’un « système technicofinanciernumérisé », dans lequel « la culture et la pensée uniquequ’il véhicule semblent avoir, pour le moment, raison desreprésentations démocratiques enserrées dans des Etatsnations dont les acteurs d’Internet se jouent ». P. J.Un monde meilleur ? Survivre dans la société numérique, de Thierry Venin (éd. Desclée de Brouwer, 356 p.,19,50 €).
Contresociétéface àhorizonincertainThomas, Jennifer, Abou, Thaïs,Kevin, ils ont tous « une vieà deux balles ». Ils font partied’une génération où libertérime avec précarité de l’emploicomme du reste, et où,à 30 ans, « si tu n’as pas euau moins trois pots de départ,c’est que tes collègues te détestaient vraiment ». Une précarité qui réunit des porteursde projets, qui, « quitteà galérer », ont décidéde « faire le métier qu’ilsaiment » : cinéma solaire ambulant, café sauvage, expertdu logement collectif, ou plusprécisément ouvreur de squatà Paris. Ce livre de deux journalistes prend la suite du webdoc réalisé en 2013 par SophieBrändström, coauteuravec Mathilde Gaudéchoux.L’époque LarzacCe sont des tranches de vietruculentes d’une générationdébrouille qui rappellentles initiatives des babas cooldes années 1970. Confrontésà l’apparition du chômage demasse provoqué par le chocpétrolier, ils se détournaientalors du marché du travailtraditionnel et partaient sacau dos élever des chèvresdans le Larzac : pour êtreautonome sans revenus, avecle troc, l’art de la récupération et du « fairesoimême ».Les recettes n’ont pas changé :« On se rabat sur de l’ultralocal, sur le présent, sur ce qu’onpeut choisir », explique la sociologue Cécile Van de Velde.Ce qui revient à « construireune mini contresociété faceà un horizon incertain ».Des choix conscientsMais dans Ma vie à deuxballes. Génération débrouille,les histoires des jeunes vontplus loin que celles de leurs« pères du Larzac » puisque,in fine, ils réalisent leur projet et, donc, gagnent leur placedans la société et leur liberté.Pour le sociologue JeanPralong, interviewé en find’ouvrage, ces jeunes « nesont pas des victimes. Ils ontchoisi d’être indépendants. (…)Ils ont réfléchi à la placequ’ils veulent prendredans la société. (…) C’estune posture politique. » A. RrMa vie à deux balles. Génération débrouille, de SophieBrändström et MathildeGaudéchoux. Ed. Les liensqui libèrent, 254 p., 16,50 €.
Des secteursqui embauchent…Les Métiers de l’électroniqueet de la robotique, éd. Onisep,« Parcours », 144 p., 12 €.
Comment survivremalgré le numérique
Sois gentil !
L e management par le stress ayant montré ses limites », la gentillesse, paradoxalement synonymeaujourd’hui de faiblesse, a toute sa place « comme
nouvelle pratique et intelligence des relations dans l’entreprise », selon le philosophe Emmanuel Jaffelin, professeur au lycée Lakanal (HautsdeSeine). Pour l’auteurdont on se demande s’il a jamais travaillé en entrepriseou s’il joue les provocateurs, le manageur, par la gentillesse, « installe la bonne humeur tout en préservant laliberté de chaque salarié ».Eloge de la gentillesse en entreprise, par EmmanuelJaffelin (First Editions, 216 p., 14,95 €).
MacolocnonagénaireL’illustrateur Stéphane Audouin,dit Mathurin, est l’auteurde J’habite au troisième âge(Lemieux éditeur),une jolie chronique dessinéede la cohabitation entreun jeune graphiste etGermaine, 96 ans, versqui l’a dirigé une association.Il décrit avec sensibilité ethumour la relation amicalequi s’instaure entre eux jouraprès jour : « Le soir, je baissele son de ma musique au minimum pour qu’elle ne l’entendepas. De son côté, elle montele son de sa télé au maximumpour l’entendre. »Quand il trouve un logement,il a du mal à se réhabituer àl’indépendance. « Sans m’enrendre compte, ma vie s’étaitarticulée autour de Germaineet de mon travail. »J’habite au troisième âge,de Mathurin (Lemieuxéditeur, 80 p., 18 €).
invitation à la lecture
60 / Le Monde Campus Mardi 17 novembre 2015