Le Monde 18072010

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Dimanche 18 - Lundi 19 juillet 2010 - 66 e année - N˚20367 - France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directeur : Eric Fottorino Algérie 150 DA, Allemagne 2,00 ¤, Antilles-Guyane 2,00 ¤, Autriche 2,40 ¤, Belgique 1,40 ¤, Cameroun 1 500 F CFA, Canada 4,25 $, Côte d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie 18,50 Kn, Danemark 25 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,50 ¤, Gabon 1 500 F CFA, Grande-Bretagne 1,50 £, Grèce 2,20 ¤, Hongrie 700 HUF, Irlande 2,00 ¤, Italie 2,20 ¤, Luxembourg 1,40 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 10 DH, Norvège 25 KRN, Pays-Bas 2,00 ¤, Portugal cont. 2,00 ¤, Réunion1,90 ¤, Sénégal 1 500 F CFA, Slovénie 2,20 ¤, Suède 30 KRS, Suisse 3,00 CHF, Tunisie 2,00 DT, Turquie 6,00 TL, USA 3,95 $, Afrique CFA autres 1 500 F CFA, D ans l’histoire déjà longue du sida, jamais les espoirs de vaincre cette maladie n’ont été aussi grands. Et jamais la crainte de voir ces espoirs mis à bas par la crise financière n’a été aussi forte qu’elle le sera lors de la 18 e conférence internationale sur le sida, qui rassemblera à Vienne, du 18 au 23 juillet, plus de 20 000 participants. Rigueur budgétaire oblige, la plupart des pays développés réduisent leurs budgets d’aide au développement. Ainsi que l’indi- que Médecins sans frontières (MSF) dans un rapport présenté en amont de la conférence de Vienne, de nombreux pays du Nord – qui constituent, et de très loin, les principaux donateurs – ont d’ores et déjà réduit leur contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, la malaria et la tuberculose. Or, un gel des financements des traitements antirétroviraux (ARV) aurait des conséquences graves sur la lutte contre le sida, alors même que des tendances positives commencent à se dégager. Grâce aux efforts sans précé- dent consentis depuis 2002 par la communauté internationale, les actions engagées en matière de prévention et de traitement com- mencent à payer. Une étude cana- dienne, publiée cette semaine dans l’hebdomadaire médical The Lancet, montre que l’élargisse- ment de l’accès à des traitements antirétroviraux efficaces (qui ont plus que quintuplé entre 1996 et 2009) a entraîné une réduction de 52 % du nombre de nouveaux dia- gnostics de séropositivité. Depuis sa création en 2002, le Fonds mon- dial a financé, pour 15 milliards d’euros, des programmes qui ont permis de sauver 5,7 millions de vies, dont 2,8 millions grâce à des traitements contre le virus VIH. Peu d’interventions en santé publique peuvent se targuer d’autant d’efficacité. Mais ces pro- grès sont fragiles et restent notoi- rement insuffisants. Sur les 15 mil- lions d’individus séropositifs ayant besoin d’un traitement dans les pays à faible ou moyen revenu, près de 10 millions n’en reçoivent toujours pas. Quand deux personnes sont mises sous traitement dans le monde, cinq autres contractent le VIH. Le sida continue de tuer cha- que année deux millions de per- sonnes, dont les trois quarts en Afrique subsaharienne. La politique répressive mondia- le de « guerre à la drogue » démon- tre année après année son incapa- cité à faire diminuer le trafic, tout en contribuant à propager le VIH à cause des seringues infectées. Elle se traduit par une inquiétante montée de la séropositivité dans les pays d’Asie centrale et d’Euro- pe de l’Est, en Russie et en Ukraine notamment. Remettre en question l’engage- ment de la communauté interna- tionale amorcé depuis une décen- nie reviendrait à abandonner la lutte au milieu du gué. Pour les pays les plus riches, il est indis- pensable de ne pas baisser les bras, quelle que soit la conjonctu- re économique. Pour les pays émergents, il est urgent d’appor- ter une contribution accrue à ce combat. Au-delà du sida, c’est le type de mondialisation que nous voulons qui est en jeu : sauvage ou intégrant un minimum de solidarité. p L e système d’enseignement français souffre d’une caren- ce particulière, constate l’OCDE : l’erreur y est systémati- quement condamnée. Le système de notation ne s’intéresse qu’aux résultats. Pas au raisonnement. Du coup, les élèves sont parmi les plus timorés à répondre aux ques- tions ouvertes lors de tests. Pourtant, de nombreuses décou- vertes, dont la pénicilline, sont le fruit d’erreurs scientifiques. Pour réhabiliter l’erreur dans la pédagogie, la prestigieuse Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm, à Paris, organise, du 21 au 24 juillet, un festival de sciences destiné au jeune public. p Lire page 18 Afrique Une semaine après les attentats qui ont endeuillé Kampala, la capitale de l’Ouganda, l’Afrique de l’Est s’interroge : comment lutter contre les milices islamistes Chabab, qui se réclament d’Al-Qaida et contrôlent presque toute la Somalie ? Page 5 Charlotte Gainsbourg sur scène à La Rochelle. AFP/XAVIER LEOTY L’inexorable disparition des bayous. CHARLIE VARLEY/SIPA D ominik A. en plein cagnard, sur la grande scène de l’es- planade Saint-Jean-d’Acre ; Jeanne Cherhal au cœur de la nuit, sur une scène réservée aux chan- teurs non francophones : les orga- nisateurs des Francofolies de La Rochelle n’ont pas choisi la faci- lité. Scènes améliorées, loges ajou- tées : le bien-être est plus que jamais là. Mais le grand rendez- vous de la chanson française, où se côtoient vieilles gloires (Alain Sou- chon) et nouvelles stars (Phoenix), semble tout de même avoir été frappé par la crise. Le public paraît assagi. Surtout, on peine à discer- ner parfaitement le projet derrière ces 130 concerts sur cinq jours. aLire la suite page 15 Technologie Steve Jobs, le patron d’Apple, a tenté de désamorcer les critiques contre le dernier-né de la marque : l’iPhone 4, tout en apportant quelques modifications à ce produit-culte. Page 10 RÉVISEZ VOS CLASSIQUES L’ALBUM DE LA SEMAINE CD 4776228 À PRIX SPÉCIAL Editorial Somalie, le poison L’erreur a toute sa place à Normale sup’ Le principal collaborateur de Liliane Bettencourt met Eric Woerth en difficulté En Louisiane, les bayous disparaissent, le pays cajun se meurt Francofolies de La Rochelle, bien-être et profusion Apple minimise les déboires de l’iPhone 4 U n monde disparaît, une culture s’en va – pour tou- jours. En Louisiane du Sud, dans le delta du Mississippi, le pays cajun est condamné. La mon- tée des mers, le changement clima- tique, enfin les marées noires, notamment la dernière, celle pro- voquée par le naufrage de la plate- forme Deepwater Horizon de BP, dans le golfe du Mexique, tout concourt à la mort de ce pays cajun, qui vit entre terre et eau, entre français et anglais depuis plus de deux siècles. Le sud des Etats-Unis connaît un drame historique, une tragédie humaine. L’eau chasse une civilisa- tion. Car, pour les Cajuns, l’idée de départ réveille le traumatisme ini- tial, le Grand Dérangement de 1755, l’expulsion de leurs ancêtres de l’Acadie, au Canada, par les Anglais. Notre envoyée spéciale, Corine Lesnes, est allée près de Leeville, entre Grande Isle et Port Fourchon, observer l’inexorable disparition des bayous sous la montée des eaux. La noyade d’un monde. p Lire page 12 La lutte contre le sida est menacée par la crise UK price £ 1,50 t M. de Maistre déclare à la police que le ministre est intervenu pour l’emploi de son épouse t Un entretien avec l’intellectuel Marcel Gauchet sur les élites et sur le sarkozysme t 130 concerts en cinq jours, tradition respectée, qualité assurée D ans l’affaire Bettencourt, la brigade financière ne s’intéresse pas qu’au volet du blanchiment de fraude fiscale, mais traque le trafic d’influence et oriente ses investi- gations en direction du couple Woerth. L’enquê- te, ordonnée par le parquet de Nanterre, dans laquelle quatre personnes avaient été placées en garde à vue jeudi 15 juillet, vise aussi les condi- tions d’embauche de Florence Woerth, l’épouse du ministre du travail. Ce dernier devrait pour sa part être bientôt entendu comme témoin. Les enquêteurs, qui ont auditionné pendant 36 heu- res Patrice de Maistre, principal collaborateur de Liliane Bettencourt, l’artiste François-Marie Banier, l’avocat Fabrice Goguel et le gestionnai- re de l’île d’Arros, Carols Vejarano – tous quatre remis en liberté vendredi 16 dans la soirée –, se sont longuement penchés sur le cas de Florence Woerth, engagée en 2007 au sein d’une société gérant les avoirs de Liliane Bettencourt. Pour ce faire, ils disposent, depuis les perquisi- tions opérées dans les sociétés de M. de Maistre, d’une note datée du 31 août 2007. Un simple curri- culum vitae de M me Woerth, avec cette mention, en bas de page : « Rémunération environ 200 000 euros. (…) Je suis obligé d’en parler à LB vu le mari 120 000euros. » Interrogé,M. de Maistres’explique aulong de procès-verbaux d’audition dont LeMon- de a eu connaissance. « Il s’agissait d’une note que j’ai dû amener à M. et M me Bettencourt pour évoquer le recrutement de Ms Florence Woerth dans mon équipe. Cette démarche était due au fait que son mari était ministre, et que c’était donc sensible… », relate le gestionnaire de la fortune Bettencourt. Gérard Davet Lire la suite page 7 upbybg upbybg upbybg

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Page 1: Le Monde 18072010

Dimanche 18 - Lundi 19 juillet 2010 - 66e année - N˚20367 - France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directeur: Eric Fottorino

Algérie 150 DA, Allemagne 2,00 ¤, Antilles-Guyane 2,00 ¤, Autriche 2,40 ¤, Belgique 1,40 ¤, Cameroun 1 500 F CFA, Canada 4,25 $, Côte d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie 18,50 Kn, Danemark 25 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,50 ¤, Gabon 1 500 F CFA, Grande-Bretagne 1,50 £, Grèce 2,20 ¤, Hongrie 700 HUF, Irlande 2,00 ¤, Italie 2,20 ¤, Luxembourg 1,40 ¤, Malte 2,50 ¤,Maroc 10 DH, Norvège 25 KRN, Pays-Bas 2,00 ¤, Portugal cont. 2,00 ¤, Réunion1,90 ¤, Sénégal 1 500 F CFA, Slovénie 2,20 ¤, Suède 30 KRS, Suisse 3,00 CHF, Tunisie 2,00 DT, Turquie 6,00 TL, USA 3,95 $, Afrique CFA autres 1 500 F CFA,

D ans l’histoire déjà longuedu sida, jamais les espoirsde vaincre cette maladie

n’ont été aussi grands. Et jamais lacrainte de voir ces espoirs mis àbas par la crise financière n’a étéaussi forte qu’elle le sera lors de la18e conférence internationale surle sida, qui rassemblera à Vienne,du 18 au 23 juillet, plus de 20 000participants.

Rigueur budgétaire oblige, laplupart des pays développésréduisent leurs budgets d’aide audéveloppement. Ainsi que l’indi-que Médecins sans frontières(MSF) dans un rapport présentéen amont de la conférence deVienne, de nombreux pays duNord – qui constituent, et de trèsloin, les principaux donateurs –ont d’ores et déjà réduit leurcontribution au Fonds mondialde lutte contre le sida, la malariaet la tuberculose. Or, un gel des

financements des traitementsantirétroviraux (ARV) aurait desconséquences graves sur la luttecontre le sida, alors même que destendances positives commencentà se dégager.

Grâce aux efforts sans précé-dent consentis depuis 2002 par lacommunauté internationale, lesactions engagées en matière deprévention et de traitement com-mencent à payer. Une étude cana-dienne, publiée cette semainedans l’hebdomadaire médical The

Lancet, montre que l’élargisse-ment de l’accès à des traitementsantirétroviraux efficaces (qui ontplus que quintuplé entre 1996 et2009) a entraîné une réduction de52 % du nombre de nouveaux dia-gnostics de séropositivité. Depuis

sa création en 2002, le Fonds mon-dial a financé, pour 15 milliardsd’euros, des programmes qui ontpermis de sauver 5,7 millions devies, dont 2,8 millions grâce à destraitements contre le virus VIH.

Peu d’interventions en santépublique peuvent se targuerd’autant d’efficacité. Mais ces pro-grès sont fragiles et restent notoi-rement insuffisants. Sur les 15mil-lions d’individus séropositifsayant besoin d’un traitementdans les pays à faible ou moyenrevenu, près de 10 millions n’enreçoivent toujours pas.

Quand deux personnes sontmises sous traitement dans lemonde, cinq autres contractent leVIH. Le sida continue de tuer cha-que année deux millions de per-sonnes, dont les trois quarts enAfrique subsaharienne.

La politique répressive mondia-le de « guerre à la drogue » démon-

tre année après année son incapa-cité à faire diminuer le trafic, touten contribuant à propager le VIHà cause des seringues infectées.Elle se traduit par une inquiétantemontée de la séropositivité dansles pays d’Asie centrale et d’Euro-pe de l’Est, en Russie et en Ukrainenotamment.

Remettre en question l’engage-ment de la communauté interna-tionale amorcé depuis une décen-nie reviendrait à abandonner lalutte au milieu du gué. Pour lespays les plus riches, il est indis-pensable de ne pas baisser lesbras, quelle que soit la conjonctu-re économique. Pour les paysémergents, il est urgent d’appor-ter une contribution accrue à cecombat. Au-delà du sida, c’est letype de mondialisation que nousvoulons qui est en jeu : sauvageou intégrant un minimum desolidarité. p

L e système d’enseignementfrançais souffre d’une caren-ce particulière, constate

l’OCDE : l’erreur y est systémati-quement condamnée. Le systèmede notation ne s’intéresse qu’auxrésultats. Pas au raisonnement.Du coup, les élèves sont parmi lesplus timorés à répondre aux ques-tions ouvertes lors de tests.

Pourtant,denombreusesdécou-vertes, dont la pénicilline, sont lefruit d’erreurs scientifiques.

Pour réhabiliter l’erreur dans lapédagogie, la prestigieuse Ecolenormale supérieure de la rued’Ulm, à Paris, organise, du 21 au24 juillet, un festival de sciencesdestiné au jeune public. p

Lire page18

Afrique Une semaine après les attentats qui ontendeuillé Kampala, la capitale de l’Ouganda, l’Afriquede l’Est s’interroge : comment lutter contre les milicesislamistes Chabab, qui se réclament d’Al-Qaida etcontrôlent presque toute la Somalie ? Page 5

Charlotte Gainsbourg sur scène à La Rochelle. AFP/XAVIER LEOTY

L’inexorable disparition des bayous.CHARLIE VARLEY/SIPA

D ominik A. en plein cagnard,sur la grande scène de l’es-planade Saint-Jean-d’Acre ;

Jeanne Cherhal au cœur de la nuit,sur une scène réservée aux chan-teurs non francophones: les orga-nisateurs des Francofolies deLaRochelle n’ont pas choisi la faci-lité. Scènes améliorées, loges ajou-tées : le bien-être est plus quejamais là. Mais le grand rendez-vous de la chanson française, où secôtoient vieilles gloires (Alain Sou-chon) et nouvelles stars (Phoenix),semble tout de même avoir étéfrappé par la crise. Le public paraîtassagi. Surtout, on peine à discer-ner parfaitement le projet derrièreces 130 concerts sur cinq jours.

aLire la suite page15

Technologie Steve Jobs, le patron d’Apple, a tentéde désamorcer les critiques contre le dernier-néde la marque : l’iPhone 4, tout en apportant quelquesmodifications à ce produit-culte. Page 10

RÉVISEZVOS CLASSIQUESL’ALBUM DE LA SEMAINE

CD4776228

À PRIX SPÉCIAL

Editorial

Somalie, lepoison

L’erreuratoute sa placeàNormalesup’

Le principal collaborateurde Liliane Bettencourt metEric Woerth en difficulté

EnLouisiane,lesbayousdisparaissent,lepayscajunsemeurt

Francofoliesde La Rochelle,bien-être etprofusion

Appleminimiselesdéboiresdel’iPhone4

U n monde disparaît, uneculture s’en va – pour tou-jours. En Louisiane du Sud,

dans le delta du Mississippi, lepays cajun est condamné. La mon-téedesmers, le changement clima-tique, enfin les marées noires,notamment la dernière, celle pro-voquée par le naufrage de la plate-forme Deepwater Horizon de BP,dans le golfe du Mexique, toutconcourt à la mort de ce payscajun, qui vit entre terre et eau,entre français et anglais depuisplus de deux siècles.

Le sud des Etats-Unis connaît undrame historique, une tragédiehumaine. L’eau chasse une civilisa-tion. Car, pour les Cajuns, l’idée dedépart réveille le traumatisme ini-tial, le Grand Dérangement de 1755,l’expulsion de leurs ancêtres del’Acadie, auCanada, par les Anglais.

Notre envoyée spéciale, CorineLesnes, est allée près de Leeville,entre Grande Isle et Port Fourchon,observer l’inexorable disparitiondes bayous sous la montée deseaux. La noyade d’un monde. p

Lire page12

La lutte contre le sida est menacée par la crise

UK

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1,50

t M. de Maistre déclare à la police que le ministre est intervenu pour l’emploi de son épouset Un entretien avec l’intellectuel Marcel Gauchet sur les élites et sur le sarkozysme

t 130 concerts en cinq jours, tradition respectée, qualité assurée

D ans l’affaire Bettencourt, la brigadefinancière ne s’intéresse pas qu’au voletdu blanchiment de fraude fiscale, mais

traqueletrafic d’influence etorientesesinvesti-gationsen directiondu coupleWoerth.L’enquê-te, ordonnée par le parquet de Nanterre, danslaquelle quatre personnes avaient été placéesengardeàvuejeudi15juillet,viseaussi lescondi-tions d’embauche de Florence Woerth, l’épousedu ministre du travail. Ce dernier devrait poursapartêtrebientôtentenducomme témoin.Lesenquêteurs,quiontauditionnépendant36heu-

res Patrice de Maistre, principal collaborateurde Liliane Bettencourt, l’artiste François-MarieBanier, l’avocat Fabrice Goguel et le gestionnai-re de l’île d’Arros, Carols Vejarano – tous quatreremis en liberté vendredi 16 dans la soirée –, sesont longuement penchés sur le cas de FlorenceWoerth, engagée en 2007 au sein d’une sociétégérant les avoirs de Liliane Bettencourt.

Pour ce faire, ils disposent, depuis les perquisi-tions opérées dans les sociétés de M.de Maistre,d’une note datée du 31août 2007. Un simple curri-culumvitaedeMme Woerth,aveccettemention,en

bas de page: « Rémunération environ 200000euros. (…) Je suis obligé d’en parler à LB vu le mari120000euros.»Interrogé,M.deMaistres’expliqueaulongdeprocès-verbauxd’auditiondontLeMon-de a eu connaissance. «Il s’agissait d’une note quej’aidûameneràM.etMme Bettencourtpourévoquerle recrutement de Ms Florence Woerth dans monéquipe. Cette démarche était due au fait que sonmari était ministre, et que c’était donc sensible…»,relatelegestionnairedelafortuneBettencourt.

Gérard Davet

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Page 2: Le Monde 18072010

Parodie à l’italienne

Les faits

L’histoire PhilippeRidet

aInternationalLa18e conférence internationalesurle sida s’ouvre àViennePlus de 20 000 chercheurs, médecins et membres d’associations sontattendus, du 18 au 23 juillet à Vienne, pour la 18e conférence internationa-le sur le sida. Pour lutter contre une maladie qui continue de faire 2 mil-lions de mort par an, de nouvelles pistes doivent être examinées : undépistage proposé à tous ceux qui le souhaitent et un traitement plussimple administré plus tôt. La question du financement de la luttecontre le sida doit également dominer les débats : pour lutter de façonidéale contre la pandémie, Onusida estime que les bailleurs de fondsinternationaux devraient disposer, pour la seule année 2010, de 25 mil-liards de dollars (19,3 milliards d’euros). Soit 11,3 milliards de dollars deplus que la somme disponible aujourd’hui. Lire page4

Mondial: plus de5000arrestationsenAsie pour des parisclandestinsPlus de 5 000 personnes, impliquées dans des paris illégaux sur la Coupedu monde de football, ont été interpellées lors d’un coup de filet, les 12 et13juillet, à travers l’Asie, a annoncé Interpol, vendredi 16 juillet. Au coursde cette opération, qui a duré près d’un mois, 800 bureaux de paris clan-destinsontété identifiés et perquisitionnéset quelque 10 millionsde dol-lars (7,7 millions d’euros) ont été saisis en Chine (Hongkong et Macaocompris), en Malaisie, à Singapour et en Thaïlande.

aFranceAffaire Bettencourt: l’enquêteseconcentresur le couple WoerthL’enquête de la brigade financière, conduite par le parquet de Nanterre,ne s’intéresse pas seulement au volet de blanchiment de fraude fiscale,pour lequel quatre proches de l’héritière de L’Oréal, Liliane Bettencourt,ont été remis en liberté dans la soirée du vendredi 16 juillet, après trente-six heures de garde à vue. Elle vise également les conditions d’embauchede Florence Woerth, l’épouse du ministre du travail, engagée en 2007 auseind’une société gérant les avoirs de Mme Bettencourt.D’après les procès-verbaux dont Le Monde a eu connaissance, Patrice de Maistre, le princi-pal collaborateur de Mme Bettencourt, a indiqué cette embauche s’est fai-te à la demande de M. Woerth, qui devrait prochainement être entenducomme témoin. M. de Maistre avait été placé en garde à vue jeudi15juillet, de même que l’avocat fiscaliste Fabrice Goguel, le photographeFrançois-Marie Banier et le gérant de l’île d’Arros aux Seychelles, CarlosVejarano. Lire page7

aL’acteurBernardGiraudeauestmort

Acteur mais aussi réalisateur, producteur, scénariste et écrivain, BernardGiraudeau est mort des suites d’un cancer, à l’âge de 63 ans, a-t-on apprissamedi17juillet. Avecla Marine,dontil étaitdiplômé, ilavait faitdeuxfoisle tour du monde avant d’intégrer le Conservatoire en 1970. Ses premierspasàl’écranremontentà1973,dansDeuxhommes danslaville,deJoséGio-vanni,avecJeanGabin.En1987, il passedel’autrecôtédela caméra,toutencontinuant sa carrière d’acteur. Il a tourné dans 50 films. En 2000, un can-cer l’oblige à subir l’ablation d’un rein. Une récidive en 2005 l’avaitcontraint à ralentir ses activités. Récipiendaire du Prix Mac Orlan pourCherAmour (éditions Métaillé)en2009,il n’avaitpu serendreàla cérémo-nie. Il a eu deux enfants avec l’actrice Annie Duperey. Nous lui consacre-rons une nécrologie dans une prochaine édition. (PHOTO AFP).

aEconomieLesinquiétudes sur la croissanceaméricaine fontchuterles BoursesLa Bourse de New York a clôturé en forte baisse (–2,51% pour le Dow Jones,– 3,11 % pour le Nasdaq), vendredi 16 juillet, à la suite de l’annonce d’unechuteplusmarquéequeprévu delaconfiance desconsommateursaméri-cains,tombéeàson plusbasniveaudepuisaoût 2009.Deleurcôté, lesdiri-geants de la banque centrale des Etats-Unis ont évoqué, lors d’un récentcomité de politique monétaire, un risque de déflation, qui n’avait pas étéentrevu depuis mars2009, alors que la crise battait son plein.

D eux garçonnets en culottes courtes et

leurs amis défient un magicien qui

terrorise les hommes et les transfor-

me en pantins. Tel est le résumé du dessin

animé de vingt-six minutes, dont la diffu-

sion est prévue, dimanche 18 juillet, sur la

troisième chaîne de la télévision publique

italienne (RAI 3) à 9heures, quand les enfants

la regardent. Par leur courage, les deux gar-

çons, prénommés Giovanni et Paolo, fini-

ront par triompher des maléfices du mage.

Giovanni et Paolo… comme Giovanni Fal-

cone et Paolo Borsellino, les deux juges assas-

sinés par la Mafia à Palerme (Sicile) en 1992.

Le magicien qui accorde ses faveurs en échan-

ge de la soumission, c’est évidemment Cosa

Nostra.

Pour Rosalba Vitellaro, la réalisatrice, et

Alessandra Viola, la scénariste, tout commen-

ce dans une voiture un matin de 2007. La

radio diffuse une chanson de Carmen Conso-

li, Mulini a vento (« moulins à vent »), consa-

crée à la disparition des deux magistrats.

Pourquoi pas nous ?, se disent-elles. Elles

viennent de terminer un film d’animation,

Benedetta, dont le thème est les enfants

exploités et miséreux de Sicile, qui vendent

des mouchoirs en papier et des briquets aux

feux rouges.

Un peu plus tard, la publication d’un son-

dage réalisé dans les écoles démontre que les

noms de Falcone et Borsellino sont déjà

oubliés par les écoliers. L’idée de consacrer

un dessin animé destiné au jeune public à

ces deux figures de l’anti-Mafia devient alors

pour elles une sorte de nécessité civique et

pédagogique. Mis au courant du projet, la

région Sicile et la RAI acceptent d’en assurer

– en partie – le financement et la diffusion.

Les familles des deux juges acceptent égale-

ment de soutenir cette entreprise.

D’autres sponsors approchés ont refusé.

«On me disait : un dessin animé sur la Mafia ?En Sicile? Mais vous êtes folle !», se souvient

Rosalba Vitellaro. Loi du silence ? Volonté de

nier le réel ? Tout cela à la fois. «En Italie, un

président du conseil considère que parler de cequi ne va pas fait du tort au pays. Pour moi,c’est tout le contraire», poursuit-elle,

Déjà projeté à Palerme le 23 mai, jour anni-

versaire de l’assassinat de Giovanni Falcone,

présenté au Festival du film de télévision à

Cannes, Giovanni et Paolo, le mystère des pan-tinsbénéficie déjà d’un bouche-à-oreille

encourageant. Le Mexique, en proie lui aussi

au trafic et à la violence, va acquérir les

droits du film pour la télévision publique.

Rosalba Vitellaro et Alessandra Viola réflé-

chissent à un autre sujet tiré de l’histoire

récente italienne. « Un long-métrage à lafaçon de Persépolis », la bande dessinée de

Marjane Satrapi. L’actualité récente est riche

en affaires de corruption, d’assassinats mys-

térieux, d’affaires jamais élucidées. « C’est unhonneur de participer à la construction d’uneopinion publique, explique encore Rosalba.

Les héros ne sont pas ces mafieux qui croupis-sent en prison mais ceux qui comme Falconeet Borsellino les ont combattus. » p

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Sport

Les chiffres

Les gens L’agendat ViktorOrban,premierministrehongrois,s’enprendàl’extrêmedroite

Le premier ministre hongrois, Vik-tor Orban (centre droit), a annoncé,jeudi 15juillet, son intention d’in-terdire la Garde hongroise, mouve-ment radical soutenu par le partid’extrême droite Jobbik, troisièmeforce politique du pays. Dissous en2009, ce mouvement, dont lesmembres défilent en uniformedans les secteurs qu’ils jugent enproie à l’insécurité, a ressurgi sousun autre nom. (PHOTO : REUTERS)

tLundi 19juilletAfrique Ouverture de la 15e ses-sion ordinaire du Sommet del’Union africaine (UA), à Kampala(Ouganda). Jusqu’au 27juillet.Culture Rencontres de Pétrarque,à Montpellier, sur le thème « Enqui peut-on avoir confiance ? »,coorganisé par Le Monde et Fran-ce Culture. Jusqu’au 23 juillet.Aéronautique Début du Salon deFarnborough, près de Londres. Jus-qu’au 25 juillet.Musique Ouverture du Festival dejazz de Nice (Alpes-Maritimes).Jusqu’au 24 juillet.

tMardi 20juilletDiplomatie Visite, à Washington,du premier ministre britanniqueDavid Cameron.Hongrie-Slovaquie Sommet enHongrie du groupe de Visegrad(Hongrie, République tchèque, Slo-vaquie, Pologne). Première ren-contre des quatre chefs de gouver-nement de centre droit.Justice Rapport de la Cour descomptes sur le service public del’administration pénitentiaire.Solidarité Accueil, au Musée duLouvre, de 1 000 personnes engrande difficulté sociale, à l’initia-tive de plusieurs associations cari-tatives.Afghanistan Conférence interna-tionale sur l’Afghanistan, à Kaboul.

tMercredi 21juilletAménagement Première réu-nion, à Paris, du conseil de sur-veillance de la société du GrandParis.Finances Réunion, à Francfort,entre le président de la Banquecentrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, et les banqueseuropéennes sur les résultats des«tests de résistance ». Jusqu’au23 juillet.Culture Ouverture du Festival desarts de la rue de Chalon-sur-Saô-ne. Jusqu’au 25 juillet.

tJeudi 22juilletJustice Décision de la Cour inter-nationale de Justice sur le Kosovo.Afrique Sommet à N’Djamena(Tchad) de la Communauté desEtats sahélo-sahariens. Jusqu’au23 juillet.

tVendredi 23juilletAfrique Elections législatives auBurundi.Pollution Jugement à Amsterdamdans le procès du « Probo-Koala ».Piano Ouverture du Festival inter-national de piano de La Roque-d’Anthéron (Bouches-du-Rhône).Jusqu’au 22 août.Cinéma Festival du film de Saraje-vo. Jusqu’au 31juillet.

tDimanche25juilletThaïlande Elections législativespartielles.Commémoration Dixième anni-versaire du crash du Concorded’Air France, à Gonesse (Val-d’Oise).

Une banderole avec les portraitsd’Hervé Ghesquière et StéphaneTaponier, les deux journalistes deFrance 3 enlevés en Afghanistan, aété déployée au sommet du Mont-Blanc, vendredi 16juillet, veille deleur 200e jour de détention.«Nous ne vous oublions pas »,peut-on lire sur la banderole, his-sée par trois journalistes et monta-gnards expérimentés, dans uneaction symbolique de la rédactionde la chaîne publique.Les deux journalistes, ainsi queleurs trois accompagnateursafghans, ont été enlevés le30décembre 2009 au nord-est deKaboul. (PHOTO : PHILIPPE DESMAZES/AP)

tTour de FranceContador se rapprochedu maillot jaune de SchlekAlberto Contador (Astana) a don-né un sérieux avertissement àAndy Schleck (Saxo Bank) en luireprenant 10 secondes au coursde la 12e étape du Tour de Franceremportée, vendredi 16 juillet àMende, par l’Espagnol JoaquinRodriguez (Katusha).Deuxième de l’étape de 210,5 km,reliant Bourg-de-Péage (Drôme) àMende (Lozère), Contador, vain-queur des Tours 2007 et 2009, afait une démonstration de forcedans la redoutable côte de laCroix-Neuve (rebaptisée montéeLaurent Jalabert) et repris10 secondes au Luxembourgeois,arrivé cinquième sur la ligne. Cedernier a conservé la premièreplace au classement général etdispose désormais de 31 secondesd’avance sur son poursuivant.Lire page19

Soutienauxotagesde France3

24heuresdans lemonde

tSécurité

3109policierssanctionnésSelon le rapport annuel de l’Ins-pection générale des services(IGPN), rendu public vendredi16juillet, 3 109 policiers ont reçuune sanction, allant de l’avertisse-ment à la révocation, en 2009.L’année précédente, 3 243 poli-ciers avaient été sanctionnés.

tEmploi

100000travailleursétrangerspourSingapourLe taux de croissance de sa cité-Etat étant anticipé à plus de 13 %pour 2010, le premier ministre deSingapour, Lee Hsien Loong, adéclaré, jeudi 15 juillet, que100 000 travailleurs étrangerssupplémentaires seront nécessai-res. Les étrangers représentent untiers de la population de Singa-pour (5 millions d’habitants).

0123 est édité par la Société Editrice du Monde (SA).La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’adminis-tration. Commission paritaire des publications et agences de pressen° 0712 C 81975 ISSN 0395-2037

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Imprimerie du Monde12, rue Maurice-Gunsbourg,

94852 Ivry cedex

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Président :David GuiraudDirectrice générale :

Bénédicte Half-Ottenwaelter

0123Dimanche 18 - Lundi 19 juillet 2010

Page 3: Le Monde 18072010

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MadridCorrespondant

Hostal Welcome. Cenom en forme debienvenue est ceque le petit hôtelpeut offrir de pluschaleureuxaunou-

vel arrivant. C’est là, dans la zoneindustrielle de Vallecas, une ban-lieue de Madrid, que les onze pri-sonniers politiques cubains libérésdepuis le 12 juillet par La Havaneont passé leurs premières heuresd’exil.

OmarRodriguezSaludes, 44ans,condamné à vingt-sept ans de pri-son lors de la répression dite du« printemps noir » de 2003, ne s’ysent pas dépaysé : « Si je ne savais

pas que j’étais en Espagne, je pour-rais me croire à Miramar, un quar-tier de La Havane, s’étonne-t-il. Cet-te ressemblance entre nos deuxpays devrait rendre le déracine-ment moins douloureux.»

La grande différence, c’est qu’il apu faire le tour du pâté de maisonsaubrasdesafemme,Yanisa,entou-ré de ses fils Osman (21 ans) et Joan-dry (14 ans) et de sa fille Patricia(7 ans). Après sept ans de sépara-tion, la famille Rodriguez est enfinréunie. Qu’importe qu’elle soit,pour quelques jours encore, confi-née dans un foyer pour immigrés.Lapetitechambreblanchede l’Hos-tal Welcome a des allures de palacepour Omar, tout juste extrait desgeôles castristes.

Rien de commun avec la sinistrecellule de Villa Marita, le siège de laSécuritéd’Etatoùilestrestéquator-ze jours au secret, en avril 2003,pendant l’instruction de son pro-cès.«Ilsmenaçaientdemecondam-ner à mort, dit-il en mimant le pas-sage d’une lame sur son cou. Ilsdisaient qu’ils tueraient ma femmeet mes enfants. Ils n’avaient pasd’accusation concrète à me mettresur le dos.»

Aujourd’hui encore, en lisantl’acted’accusationqu’Omarconser-ve précieusement, on cherche « lesactivités contre-révolutionnaires »qui ont conduit le procureur àdemander pour lui la réclusion àperpétuité : sa présence à deux

cocktails du Bureau des intérêtsdes Etats-Unis à La Havane ? Lacopie d’un courrier électronique etune carte bancaire de débit attes-tant que ce reporter-photographerecevaitdespigespoursacollabora-tion à l’agence Nueva Prensa Cuba-na (NPC) de Miami? A Villa Marita,pour se donner du courage entreles interrogatoires, il avait écrit surun mur de sa cellule : No hablar(«ne pas parler »).

Aujourd’hui, Omar ne retientplus le flot de ses souvenirs ; il serappelle chaque minute de cesannées sans liberté. « Du premierau dernier jour, j’ai tenu un journal,dit-il. J’ai tout noté, même ce que jemangeais. J’aimerais le publier.» Ilraconte d’abord « la mauvaise far-ce » de son procès, avec quatreautres prévenus. « Il a duré douzeheures ce qui, pour des gens qui ris-quent la peine de mort, n’est pasgrand-chose. Je n’ai pu parler quecinq minutes à mon avocat, unfêtard qui venait de passer une nuitblanche et qui s’est endormi pen-dantl’audience. Jen’aimêmepassuson nom. »

Première étape de son périplepénitentiaire, la prison Kilo 8 de

Camaguey, où il reste huit mois encellule individuelle : « L’isolementétait total, dans un silence atroce, etpendant les trois premiers mois jen’ai eu aucun contact avec l’exté-rieur, ni même avec ma famille,même par courrier. »

En décembre, il est transféré à laprison de Nieves Morejón, à SanctiSpiritus. «C’est là que j’ai vu pour lapremièrefois lasodomie, le sang, lesagressions et les rats qui étaient le

lot commun de la prison.» En 2005,direction la prison d’Agüica. Dansune cellule de six mètres sur sixs’entassent vingt-quatre détenus.Il est l’unique prisonnier politique.Sa seule façon de se démarquer estde « toujours porter le pull-overblanc»,symboledesprisonniersdeconscience.Maisilatoujourspréfé-ré se considérer comme « séques-tré» de conscience.

Plus tard, il est conduit à la pri-

son de Toledo. « C’est un camp detravail. On y fait de la construction,de la mécanique… Pour les détenusc’est lapossibilitédesortirdel’enfer-mementdescellules.»Unfaiblesou-rire souligne le paradoxe d’un paysoù « ce sont les prisonniers qui tra-vaillent tandis que les Cubainslibres sont au chômage ». Derrièreles murs, « il y a de gros problèmesd’hygiène, raconte-t-il. Les cellulessont étroites, il n’y a pas de lumière,les immondices s’accumulent par-tout, la chaleur est une torture, à telpoint que j’ai souffert pour la pre-mière fois d’éruptions cutanées surtout le corps.»

Solide gaillard, Omar RodriguezSaludes tient le coup, mais commetous les autres détenus, il souffrede la faim. Pas question de « canti-ner », il n’y a rien dans les prisonscubaines pour améliorer l’ordinai-re : « Pour survivre, il faut obtenirdes suppléments de l’extérieur, parexemple du rufio : de la poudre debléque l’onmélangeà dusucreet del’eau pour obtenir une sorte depurée et tromper la faim.»

Pendant son itinérance péniten-tiaire, Omar est parvenu à garderun lien avec sa famille. « Au départ,

je les voyais tous les trois mois etj’avais droit au pavillon conjugaltous les cinq mois. Je pouvais rece-voir des lettres et appeler de tempsen temps, pendant dix minutes.Ensuite, j’ai eu droit à vingt-cinqminutes par semaine, une visitefamiliale et le “pavillon” tous lestrois mois pendant plus de quatreans. Et dernièrement à une visitemensuelleet lepavillontouslesqua-rante-cinq jours.»

Quandilestemprisonné,safem-me, Yliana Marrero Joa, vient d’ac-coucher. La voilà seule à la maison

avec un ado de 14ans, un enfant de7ans et le nouveau-né : « C’était trèsdur, j’étais seule, glisse-t-elle sobre-ment. J’ai dû beaucoup appren-dre.» Omar en est conscient: « C’estma famille qui a le plus souffert, eten particulier mes enfants.»

Et c’est pour eux qu’il a saisi l’of-fredevenirenEspagne:«Mavolon-té n’a jamais été de sortir du pays. Sicela ne tenait qu’à moi, je n’auraispas accepté. J’ai la capacité de résis-ter. Mais je devais penser à eux, quiont subi tant de pressions. Nousavons beaucoup discuté avec mafemme et le reste de la famille.»

Cela s’est précipité à partir du8 juillet. Ce jeudi, il est convoquédans le bureau du directeur de laprison, où il trouve des agents de laSécurité d’Etat : « Sans un mot, il medésignent sur le bureau un télépho-ne décroché. » Au bout du fil, Orlan-do Marquez, le porte-parole de l’ar-chevêché de LaHavane, puis direc-tement le cardinal Jaime Ortegaqui a négocié l’accord des libéra-tions avec le gouvernement.

OmarRodriguezSaludesdeman-de à réfléchir et à consulter lessiens. C’est à peine s’il est surprispar la tournure des événements :« J’ai toujours gardé la foi et penséque j’allais être libéré. Lorsque lemédecin qui m’avait examiné àmon entrée en prison avait remar-qué que j’auraisplus de 60ans à masortie, je lui ai répondu : “Je sortiraiavant toi.”»

Désormais en Espagne avec unstatutqui resteàdéfinir (voirci-des-sous), Omar Rodriguez n’abandon-nera pas la lutte : « Nous devonsépaulerlesautres,promet-il.Lasoli-darité, c’est ce qui m’a maintenuvivant. » Dans ses affaires, Omar aconservé la « une » jaunie du jour-nal Granma datée du 29mai 2007.Il la brandit, montre l’éditorialsigné Fidel Castro dont le titre affir-me « Las ideas no se matan» (« Onne tue pas les idées »). Le regardclair de l’ex-prisonnier se durcit :« Non, on ne tue pas les idées, maison ne les déporte pas non plus. »p

Jean-Jacques Bozonnet

«Jen’ai pu parlerquecinq minutesàmon avocat,un fêtardquivenait depasserunenuit blancheetquis’est endormipendantl’audience»

«Non,on netue paslesidées, maisonneles déporte pasnonplus»

Polémiqueau sujetdu statut réservéaux exilés cubainsMadridCorrespondance

FAUT-IL OU NON accorder l’asilepolitique aux dissidents cubainslibérés cette semaine? Plusieursd’entre eux ont dénoncé, jeudi15juillet, les « limbes juridiques»dans lesquels ils se trouvent etexprimé leur volonté d’obtenir lestatut de réfugié politique. Statutque l’Espagne n’avait pas prévu deleur octroyer a priori.

Au ministère espagnol de l’inté-rieur, on précise que les démar-ches en cours prévoient de leurdonner la « protection subsidiai-re», un statut réservé à des immi-grants qui pour diverses raisonspeuvent avoir besoin d’aide. « Cestatut permet d’obtenir toutes lesprestations des résidents : permisde travail, Sécurité sociale, visa

pour voyager, ainsi qu’une aidefinancière. La seule différence avecle statut de réfugié politique estd’ordre juridique. »

Mais pour certains dissidents,pas question. Après avoir passésept ans dans les geôles cubainespour avoir défendu la liberté d’ex-pression, ils voient comme unaffront qu’on leur refuse ce titre.Plusieurs ont donc décidé d’enta-mer les démarches nécessaires.«Nous devons demander un statutde réfugié politique non pour lesbénéfices que l’on pourrait en tirermais pour ce que cela signifie»,explique l’ancien prisonnier OmarRodriguez.

«Aujourd’hui je suis dans uneprison sans barreaux, affirmaitpour sa part l’opposant Julio CesarGalvez, jeudi, lors d’une réunionorganisée par Reporters sans fron-

tières. Si pour rentrer chez moi, jedois demander la permission auvoisin, je ne suis pas un hommelibre, je reste un persécuté politiquedans et hors de Cuba.»

Selon l’accord conclu avecLaHavane, les anciens détenusn’ont en effet pas le droit de retour-ner librement à Cuba, mais doi-vent demander préalablementune autorisation. Or, n’ayant pasobtenu de réelle amnistie ni dedocument attestant leur libéra-tion, ils craignent que leurcondamnation reste en vigueurs’ils rentrent à Cuba.

«Nous n’avons pas été libérés,mais expulsés», insiste ainsi OmarRodriguez. Même réaction de lapart du dissident Pablo Pacheco,qui s’est insurgé dans les colonnesdu journal espagnol La Razon : « Jene sors pas de Cuba pour des rai-

sons économiques mais aprèsavoir passé sept ans en prison,condamné à vingt pour exercer lelibre journalisme. Je n’accepte pasle traitement d’émigrant ou de rési-dent.»

Les opposants cubains rejoin-dront bientôt les centres d’accueilde la Commission espagnoled’aide aux réfugiés, de la Croix-Rouge espagnole et de l’associa-tion catholique Accem, les troisorganisations mandatées par legouvernement pour les prendreen charge.

Dans ces centres, ils cohabite-ront avec des immigrants. «Tousseront des personnes qui ontdemandé l’asile», précise le porte-parole de la Croix-Rouge, JoséJavier Sanchez Espinosa, dans unetentative de mettre un terme à lapolémique. (Interim.)p

Pagetrois

Après sept ans de séparation, la famille Rodriguez Saludes, ici, le 15 juillet près de Madrid, est enfin réunie. PACO GOMEZ/NOPHOTO POUR «LE MONDE »

Accuséd’activités contre-révolutionnairesàCuba, Omar Rodriguez Saludesaété condamné à laprison à vie. Libéré, il est partien Espagne et témoigne

Sorti des geôlesde Castro

0123Dimanche 18 - Lundi 19 juillet 2010

Page 4: Le Monde 18072010

L’appeldes scientifiques pour fairecesser la «guerreà ladrogue»

Europe occidentale et centrale

Caraïbes

Afrique du Nord et Moyen-Orient

Amérique latine

Afriquesubsaharienne

Amérique du Nord Europe orientale et Asie centrale

mi l l i ons de personnesv i van t avec l e V IH

mi l l i ons de nouveauxcas d ’ i n fec t i on

mi l l i ons d ’en fan ts de mo insde 15 ans v i van t avec l e V IH

mi l l i ons de décèsdus au s ida

Océanie

200 000 4,5millions

310 000

850 000

1,5 million

1,6 million

19,7millions

240 000220 000

2 millions

Asie

*

900 000

59 00036 000

1,4 million*

22,4millions

4,7millions

SOURC

E:O

NUSIDA

* En 2001, le nombrede personnes vivantavec le VIH enAmérique du Nordet en Europeoccidentaleet centrale étaitde 1,9 million

ADULTES ET ENFANTS VIVANTAVEC LE VIH

En 2008

en 2001 en 2008

L’Afrique subsaharienne reste la principale victime280

0

33,4 2,72 ,1 2 ,0

Entretien

Q uel cap l’Union européenne(UE) va-t-elle se fixer, d’ici à2020, pour lutter contre le

changement climatique ? Uneréduction de 20 % de ses émis-sions de CO2, comme le prévoit lepaquet climat-énergie adopté fin2008 ? Ou poussera-t-elle l’effortjusqu’à 30 % ?

Depuis un an, les messages lesplus contradictoires sont envoyés.La crise a redonné la main auxministres de l’économie hostiles àtout effort supplémentaire. Maisjeudi 15 juillet, la publication danstrois quotidiens européens, dontLeMonde, d’une tribune communedes ministres de l’environnementfrançais, britannique et allemanden faveur de l’objectif de 30 %, arelancé le débat.

La commissaire à l’action clima-tique, Connie Hedegaard, qui avaitdû fin mai, sous la pression de plu-sieurs Etats membres, refréner sesambitions,ne peut que s’en réjouir.Les milieux industriels en premiè-

re ligne de la politique européennesur le climat critiquent cette confu-sionet redoutent quel’Europe s’en-tête à faire cavalier seul sur la scènemondiale. En France, Jean-PierreClamadieu,présidentdelacommis-sion développement durable duMedef et PDG de Rhodia, partagecette inquiétude.L’appel de Jean-Louis Borloo etde ses homologues allemand etbritannique en faveur d’uneréduction de 30% des émis-

sions de CO2 de l’UE d’ici à 2020,vous a-t-il surpris?

J’ai en effet été surpris. Undébat a eu lieu au mois de mai àBruxelles. La commissaire euro-péenne à l’action climatique,Connie Hedegaard, qui était favo-rable à cet objectif, a convenu – à lademande de plusieurs pays dontl’Allemagne et la France – que lesconditions ne sont pas réuniespour demander un tel effort auxEuropéens. Elle nous l’a confirmé

sans ambiguïté, le 8 juillet à Paris.Pourquoi êtes-vous hostile à cetobjectif?

Nous n’y sommes pas hostilespar principe. S’il se crée une dyna-mique mondiale et que d’autrespays acceptent de vrais engage-ments exprimant une ambitionaussi forte que l’Europe, nous som-mes prêts à aller plus loin. Mais cen’est pas le cas. Regardez ce qui sepasseauxEtats-Unis, leprojetde loisurleclimatquetentedefaireadop-ter le président Obama est bienmoins ambitieux qu’il y a un an.

L’Europe a montré le chemin.Elle est la seule grande région dumonde à avoir adopté une politique climatique ambitieuse avecdes résultats à la clé. Mais je m’in-quiètede la voir aller plusloin, tou-te seule sans être capable de bâtirunconsensus avec lereste dumon-de. Cette exemplarité ne lui a paspermis de peser dans les négocia-tions lors de la conférence deCopenhague fin 2009. La discus-sion a même donné le sentimentde s’organiser à son détriment

autour des pays les « moinsdisant» en matière climatique, lesEtats-Unis et la Chine. Il ne faut pasreproduire la même erreur à Can-cún en décembre prochain.Un passage à 30% serait, pourles ministres de l’environne-ment, «un choix économiquejudicieux» et un moteur pour l’in-novation. Qu’en pensez-vous?

L’Europe doit certainementavoir une politique plus incitativepour encourager ses entreprises àinvestir dans les technologies pro-pres. C’est ce que font les Etats-Unis et la Chine. Mais il s’agit làd’une approche toute différentede celle imposant une réductionde 30 % de nos émissions. Pour lessecteurs fortement émetteurs deCO2 et exposés à la compétitioninternationale, cette décision crée-rait un handicap de compétitivitéque l’on ne sait pas compenser: lataxe carbone aux frontières n’estaujourd’hui qu’un projet loind’être abouti.Bruxelles estime que la crise apermis de réduire les émissions

plus rapidement que prévu etque le chemin n’est donc plus silong jusqu’au 30%?

J’ai du mal à comprendre cetargument. Faire l’hypothèse quenous allons garder « l’acquis » de lacriserevientàconsidérer quel’acti-vité industrielle est condamnée àstagner jusqu’en 2020.

J’espère au contraire que nousallons regagner le terrain perdu.Les gouvernements ne doiventpas perdre de vue cette réalité :aujourd’hui, un industriel euro-péen peut décider de faire bascu-ler ses investissements sur unautre continent, simplement enprenant en compte le coût du Co2.

Nous acceptons cette contrain-te car nous considérons que la lut-te contre le changement climati-que est une priorité mais nousavons besoin que les règles du jeusoient fixées durablement et équi-tablement. J’espère que Cancúnpermettra de sortir de ces incerti-tudes. p

Propos recueillis par

Laurence Caramel

D épistage volontaire pourtous, traitement simplifiéadministré plus tôt, avan-

cées dans la mise au point d’un vac-cin: ces objectifs seront au cœur dela 18e Conférence internationalesur le sida, qui rassemblera à Vien-ne, du 18 au 23 juillet, plus de20 000 chercheurs, médecins etmembres d’associations autourd’unemaladieresponsablede2mil-lions de morts par an. Mais la ques-tion qui dominera les discussionsde Vienne sera le financement de lalutte contre le sida, actuellementconfronté à un défi majeur.

La crise économique contrainten effet tous les pays donateurs àajuster leur budget, voire à réduireleur aide. Le nombre de personnesinfectées par le virus VIH, lui, necesse de croître. Sur les 15millionsd’individus séropositifs ayantbesoin d’un traitement dans lespays à faible ou moyen revenu,près de 10 millions n’en reçoiventtoujours pas. Or l’accès universelau traitement se révèle d’autantplus urgent qu’il constitue le pilierde la nouvelle stratégie prônée parle programme Onusida, qui coor-donne l’action des différentesagences des Nations unies contrela maladie, et préconise d’utiliserlatrithérapiecomme armepréven-tive contre la transmission du VIH.

Plus de 30 millions de person-nes dans le monde vivent actuelle-ment avec le virus VIH. L’immensemajorité de ces séropositifs viventdans l’hémisphère Sud, dont près

des deux tiers en Afrique subsaha-rienne. C’est à ces pays « à revenufaible et intermédiaire » ques’adressent les dons récoltés par leFonds mondial de lutte contre lesida, la malaria et la tuberculose,partenariatpublic-privéquiconsti-tue désormais le premier organis-me financier au monde en matièred’aidesanitaire.Auquel ilfautajou-ter, en matière de lutte anti-sida, le

très conséquent Plan d’urgence duprésident des Etats-Unis contre lesida (Pepfar), dont les fonds, essen-tiellement publics, sont avant toutdestinés à des accords bilatéraux.

Depuis sa création en 2002, leFonds mondial a consenti près de11milliards de dollars (8,5 milliardsd’euros) à la lutte contre le sida,pour des projets répartis entre 140pays.LePepfar, fondé en2003, luia

consacré 26 milliards de dollars.Ceteffortconjuguéest allécrois-

sant ces dernières années, et a per-mis d’enregistrer de réels progrès,tantdanslaréductiondelamortali-té que dans celle des hospitalisa-tions et des nouvelles infectionspar le VIH. Mais pour lutter defaçon idéale contre la pandémie(accès universel à la prévention, autraitement et à la prise en charge),

Onusida estime que les bailleursde fonds internationaux devraientdisposer, pour la seule année 2010,de 25 milliards de dollars. Soit11,3milliards de dollars de plus quela somme disponible aujourd’hui.

Qu’en sera-t-il pour les années àvenir,alorsquelarigueurbudgétai-re frappe de plein fouet les pays duNord, jusqu’alors – et de très loin –les principaux donateurs ? A

l’automne 2010 se tiendra la pro-chaine conférence de reconstitu-tion du Fonds mondial, durantlaquelle la communauté interna-tionale s’engagera pour les troisannées à venir.

Un rendez-vous crucial pour lecombat contre les trois pandémiesque sont le sida, la tuberculose et lepaludisme, au sujet duquel MichelKazatchkine, directeur exécutif du

Fonds mondial, ne cache pas soninquiétude. « L’objectif de réunir17 milliards de dollars pour la pério-de 2010-2013 peut paraître trèsambitieux, mais il ne s’agit que dereconduire les efforts accomplis cesdernières années », souligne-t-il.

Si tous les donateurs parlent dela crise, les attitudes varient toute-fois d’un pays à l’autre. « Certainspays diminuent tous leurs budgets.C’est lecasdes Pays-Basoudel’Espa-gne. D’autres, comme le Royaume-Uni oules Etats-Unis, affirment leurvolonté de maintenir le budgetdédié à l’aide publique au dévelop-pement », détaille M. Kazatchkine.

Le soutien des pays occiden-taux au Fonds mondial n’en estpas moins fragilisé, et c’est du côtédes pays émergents que se portentdésormais les espoirs et les effortsde persuasion de ses émissaires.Notamment vers la Chine, paysauquel le Fonds a apporté depuissa création plus d’un milliard dedollars, soit 30 % des ressourcesconsacrées à la lutte contre le sidadans le pays. Contre un don, enretour, de 16 millions de dollars.

« La Chine a deux choix possi-bles,analyse M.Kazatchkine:conti-nuer à recevoir de l’aide, ou entrerdans la gouvernance globale duFonds. Nous souhaitons aller vers ladeuxième option. Si la Chine le fait,d’autres pays émergents suivrontson exemple: le Brésil bougera, l’In-de aussi. » p

Paul Benkimoun

et Catherine Vincent

Pneus recyclésPas moins de 96 % des pneus utilisés en Europeont été recyclés en 2009, contre 91% en 2007,selon les chiffres communiqués par l’Associa-tion européenne des industries du caoutchoucet des pneumatiques. Il existe quatorze usinesde recyclage de pneus en Europe.

www.bougepourtaplanete.frLelaboratoireitinérant «BouGe pourtaplanète»va sillonnerla Franceau coursde

l’étéet proposerdes conférenceset desconcerts.Objectifdecet événement organisépar l’associationAartishow:sensibiliser au développement durable.

L’idée que l’Union européennepuisse adopter un objectif deréduction de 30% de ses émis-sions de CO2 d’ici à 2020 susciteun rejet unanime parmi les indus-triels. «C’est une proposition sui-cidaire qui menace la compétitivi-té des entreprises italiennes»,tempête Giorgio Squinzi, prési-dent du comité européen de laConfindustria. En Allemagne, lapuissante fédération des indus-tries allemandes (BDI) est aussi

vent debout: «L’industrie alle-mande s’engage pour la protec-tion du climat plus qu’aucuneautre dans le monde. Mais nousrejetons catégoriquement touteffort supplémentaire», réagitson président, Werner Schnap-pauf. A Bruxelles, Philippe deBuck, directeur général de Busi-ness Europe, demande de «s’entenir à l’objectif de 20%, quiconstitue déjà un énorme effortque les autres ne font pas».

Climat: «Nous avons besoin queles règles du jeu soientfixées équitablement»Jean-Pierre Clamadieu, responsable du développement durable au Medef, s’oppose à une réduction de 30% des émissions de C02 en Europe d’ici à 2020

Pourlutter contrela pandémie,Onusidaestimequ’il faudrait11,3milliards de dollarssupplémentairesen2010

L’APPEL fera date dans l’histoiredes politiques publiques en matiè-re de drogues. Lancé fin juin, à laveille de la Conférence mondialesur le sida qui s’ouvre à Vienne,dimanche 18 juillet, soutenu parles principaux centres de recher-che et de lutte contre le sida, il estsigné par Françoise Barré-Sinous-si, prix Nobel de médecine et codé-couvreuse du virus VIH, par Brigit-te Schmied, présidente de la Socié-té internationale sur le sida, parFernando Henrique Cardoso,ancien président du Brésil, et parbien d’autres personnalités.

Cet appel réclame avec force

que soit reconsidérée l’approcherépressive de la politique mondia-le sur la drogue, qui concourt demanière dramatique à la propaga-tion du virus du sida.

« La criminalisation des utilisa-teurs de drogues illicites alimentel’épidémie de VIH et a eu desretombées essentiellement négati-ves sur la santé et la société. Nousavons besoin d’une réorientationcomplète des politiques », affirmece texte, intitulé «Déclaration deVienne ».

Demandant que l’on reconnais-se « les limites et les préjudices dela prohibition des drogues », il

appelle à une réforme de la«guerre contrela drogue » qui per-mette « d’éliminer les obstacles àla mise en place de régimes effica-ces de prévention, de traitement etde soins du VIH».

Une contamination sur troisDepuis des années, les preuves

s’accumulent pour montrer queles efforts d’application de la loisur les stupéfiants n’ont pas réus-si à enrayer la consommation dedrogues illicites. Le nombre depays dans lesquels se pratique l’in-jection de drogues illégales est à lahausse, et les femmes et les

enfants sont de plus en plus tou-chés.

Plus la politique contre les usa-gers est répressive, plus elle contri-bue à la propagation du VIH: aulieu de se soigner, les toxicoma-nes vivent leur dépendance leplus discrètement possible,s’échangent les seringues, et nebénéficient souvent d’aucun servi-ce. Hors de l’Afrique subsaharien-ne, une contamination sur trois,actuellement, est ainsi liée à l’in-jection de drogue.

Et il s’agit du premier facteurde contamination en Asie centra-le et en Europe de l’Est, seules

régions où l’épidémie progresse.« Les personnes droguées ont le

droit d’avoir des traitements pourprévenir les infections, et des anti-rétroviraux s’ils vivent avec leVIH», s’indigne Brigitte Schmied.Les signataires de la Déclarationde Vienne demandent des mesu-res d’urgence visant à faire en sor-te que les Nations unies « s’expri-ment d’une seule voix pourappuyer la décriminalisation desutilisateurs de drogues et l’adop-tion de stratégies de lutte antidro-gue basées sur des données pro-bantes». p

C. V.

Lemanque d’argent menace la lutte contrele sidaLa crise économique va peser sur la conférence mondiale consacrée au VIH qui s’ouvre dimanche à Vienne

Restrictions d’eauLoire-Atlantique, Mayenne, Maine-et-Loire, Loi-ret, Indre-et-Loire, Deux-Sèvres, Aube, Gers,Aisne… : une dizaine de départements françaisont imposé ces derniers jours des mesures res-treignant l’utilisation de l’eau pour faire faceaux menaces de sécheresse.

Planète

Les industriels européens disent stop

4 0123Dimanche 18 - Lundi 19 juillet 2010

Page 5: Le Monde 18072010

XXVes Rencontres de Pétrarque organiséespar France Culture et LeMonde

du lundi 19 au vendredi 23 juillet de 17h30 à 19h30

En qui peut-on avoir confiance ?Rencontres animées par

Emmanuel Laurentin (France Culture) et Jean Birnbaum (Le Monde)Rectorat de l’Académie de Montpellier,

rue de l’Université à Montpellier

• Lundi 19 juilletLeçon inaugurale : Dominique Schnapper

• Mardi 20 juilletLa science nous ment-elle ?Avec notamment Bernadette Bensaude-Vincent,Michel Broué, Amy Dahan

• Mercredi 21 juilletExperts de crise, crise des experts ?Avec notamment Sylvie Brunel,Sudhir Hazareesingh, Aurélie Trouvé

• Jeudi 22 juilletPeut-on avoir confiance en la démocratie ?Avec notamment Catherine Colliot-Thélène,Bastien François, Marcela Iacub

• Vendredi 23 juilletTous connectés, bientôt débranchés ?Avec notamment Dominique Cardon, Philippe Corcuff,Gérard Leclerc, Michela Marzano

Entrée libre, dans la limite des places disponiblesDiffusion sur France Culture

du lundi 9 au vendredi 13 août de 20h30 à 22 heuresRenseignements : franceculture.com

0123

T out porte à croire que lesdeux attentats terroristessimultanés qui ont causé la

mort d’au moins 73 personnes,dimanche 11 juillet à Kampala, lacapitale de l’Ouganda, constituentun tournant : ils marquent la pre-mière exportation explicite sur lecontinent africain du modus ope-randi d’Al-Qaida.

Toutes les circonstances du car-nage y renvoient : tant la méthodeutilisée – un kamikaze dans aumoins un cas –, que les cibles rete-nues – un bar et un club sportifretransmettant la finale du Mon-dial de football, sport « impie » –, etle mobile mis en avant – la présen-ce en Somalie des soldats ougan-dais luttant contre les islamistesqui veulent y imposer la charia (laloi coranique).

Les attentats de Kampalacontraignent les Occidentaux àconsidérer la guerre civile enSomalie, pays sans Etat d’où sontoriginaires les terroristes, nonplus seulement comme un conflitincontrôlé et désespérant, confi-né sur un territoire isolé, maiscomme une guerre potentielle-ment contagieuse pour toutel’Afrique de l’Est.

Cousinage avec Al-QaidaLes milices Chabab (les jeu-

nes), qui ont revendiqué les troisexplosions et menacent de nou-velles « représailles », règnentdéjà sur la presque totalité de laSomalie.

Pour imposer leur loi, il leurfaudrait encore renverser le fragi-le Gouvernement fédéral de tran-sition. Ce GFT qui contrôle quel-ques quartiers centraux de lacapitale, Mogadiscio, avec le sou-tien financier des Occidentaux etl’appui militaire des 5 600 sol-dats de l’Amisom, la force de paixde l’Union africaine (UA).

Certes, en 1998, des islamistesavaient revendiqué des attentatsau Kenya et en Tanzanie mais lesbombes avaient visé alors non

pas des lieux anonymes, mais lesambassades américaines.

Les Chabab, en déclenchant cebain de sang en Ouganda, le princi-pal pays contributeur de l’Ami-som aux côtés du Burundi, ontadressé un message clair : ils exi-gent le retrait des « croisés chré-tiens».Ils ontaussi, en quelquesor-te, gagné, aux yeux du monde, leterrifiant cousinage d’Al-Qaidaqu’ils revendiquent.

Dans un message diffusé le4 juillet, le chef du mouvementislamiste, Mohammed Abdi Goda-ne alias Abou Zubaïr, avait menacél’Ouganda et le Burundi, accusantleurs soldats d’être responsablesde la mort de centaines de civilslors de bombardements visant lesislamistes à Mogadiscio.

« Ce qui s’est passé à Kampalaest juste un début », a-t-il averti parradio, jeudi 15 juillet. Les terroris-tes « ne considèrent pas que les viesd’Africains ont une valeur quelcon-que», a rétorqué le président amé-ricain Barack Obama.

Pour l’heure, les réactions susci-tées par les attentats de Kampalasont précisément à l’opposé desexigences formulées par les Cha-bab. Le président ougandais Yowe-ri Museveni a appelé, mercredi, audéploiement, à terme de 20 000hommes en Somalie, reprenantune résolution prise début juilletpar les pays de la région. M. Muse-veni s’est aussi déclaré prêt àenvoyer lui-même 2 000 soldatssupplémentaires. « Nous allonspasser à l’offensive pour ce qu’ilsviennent de faire », a-t-il tonné.

Assiégé à Mogadiscio, CheikhCharif Cheikh Ahmed, le présidentdu GFT, a déclaré, vendredi, que lesattentats de Kampala supposent«un plus gros effort international»pour le soutenir.

Quant au sommet de l’Unionafricaine prévu du 25 au 27 juilletdans la capitale ougandaise, ildevrait bouleverser son ordre dujour pour se focaliser sur la situa-tion créée par les Chabab non seu-lement en Somalie, mais danstoute l’Afrique orientale. Desexperts américains et britanni-ques épaulent, d’autre part, lespoliciers ougandais chargés del’enquête.

«Bavures»Pourtant, l’option strictement

militaire suscite des interroga-tions. Les Occidentaux y ont déjàrecouru dans le passé avec lerésultat que l’on connaît aujour-d’hui. A la fin de 2006, l’arméeéthiopienne aidée par les Améri-cains a renversé les « Tribunauxislamiques » qui avaient pris lepouvoir pendant quelques mois àMogadiscio. Mais l’occupation dela Somalie par l’armée d’AddisAbeba et la multiplication des« bavures » dont les civils ont étévictimes ont surtout exacerbé lahaine des « envahisseurs » et laviolence.

Lorsque les Ethiopiens se sontretirés, au début de 2009, l’autori-té du Gouvernement de transitions’est de nouveau effondrée et leséléments les plus radicaux des Tri-bunaux islamiques, les groupes

des Chabab, ont pris progressive-ment le pouvoir.

« Je comprends l’émotion susci-tée parces attentats barbares, com-mente Roland Marchal, un polito-logue spécialiste de la Somalie auCentre d’études et de recherchesinternationales (CERI, Sciences-Po),mais il faut oser tirer les conclu-sions de l’échecde la politiquepure-ment militaire menée depuis qua-tre ans. Elle a eu pour effet de radi-caliser les communautés musul-manes dans les pays de la zonemais aussi dans les diasporas. Oncommet les mêmes erreurs qu’en

Afghanistan. » Pour le chercheur,les attentats de Kampala « ne reflè-tent pas un djihadisme globalmais une extension régionale de laguerre de Somalie ». « Il faudrait,non pas négocier évidemment,mais dialoguer avec les Chabab,estime M. Marchal. En établissantun espace politique on mettrait àjour leurs divisions et on leur mon-trerait qu’il existe pour eux uneautre issue que le djihadisme glo-bal : la reconstruction de la Soma-lie. »

Pour l’heure, les observateursestiment sérieux le risque qued’autres Etats de la région – Ethio-pie, Kenya, Tanzanie – puissentêtre visés. « Le Kenya constitueraitla cible la plus évidente mais lesChabab risqueraient de s’attirer lesfoudres d’un pays qui leur sert par-foisde base arrière », analyse, à Nai-robi, un expert de l’InternationalCrisis Group, une organisation quise consacre à la prévention desconflits. De fait, les centaines demilliers de Somaliens réfugiésdans toute l’Afrique de l’Est sontpris entre le marteau de la luttecontre le terrorisme et l’enclumedes islamistes. p

Philippe Bernard

L’Europe forme enOuganda lestroupes deMogadiscio

L’agent de la DGSE otagedepuis un an en Somalie

TANZANIE

O U G A N D A

ÉTHIOPIE

KENYA

SOMALIE

RWANDA

BURUNDI

LacVictoria

Mogadiscio

Addis-Abeba

Dodoma

Nairobi

Kigali

Bujumbura

Kampala

SOUDAN

LacAlbert

LacTurkana

Pays menacés d’attentats

250 km

AFRIQUE

LesChabab somaliensmenacent l’Afrique de l’EstAprès les attentats de Kampala, le sommet de l’Union africaine prévu du 25 au 27juillet a bouleversé son ordre du jour

International

Cela fait un an que Denis Allex,un agent français de la directiongénérale de la sécurité extérieu-re (DGSE), est retenu en otagepar le groupe islamiste Chabab.En mission pour le gouverne-ment somalien, il avait été enle-vé dans un hôtel de Mogadisciole 14juillet 2009 avec un autreagent, Marc Aubrière, qui était,lui, parvenu à s’enfuir le 26août.Mi-juin, une première vidéo del’otage, réalisée quelques moisplus tôt, a été diffusée sur Inter-net. Le 29juin, le ministre desaffaires étrangères, BernardKouchner, indiquait que l’agentfrançais pourrait se trouverdans la province autonome auto-proclamée du Puntland.

Des experts du FBI américain sur les lieux de l’un des attentats de Kampala, vendredi 16 juillet. STEPHEN WANDERA/AP

LA MISSION européenne de for-mation des soldats somaliens,EUTM Somalie, a exprimé, le14 juillet, ses « profondes condo-léances » aux familles des victi-mes de l’attentat de Kampala enOuganda.

Lancée le 7 avril, pour un an,EUTM Somalie est la dernière néedes missions militaires de l’Unioneuropéenne (UE). Quelque 150 ins-tructeurs (dont 25 Français), four-nis par 14 pays membres, sontdéployés dans ce cadre à Kampalaet Bihanga, une ville de l’ouest,sous le commandement d’un colo-nel espagnol. L’objectif est de sou-tenir la formation des forces desécurité du Gouvernement fédé-ral de transition (GFT) de Somalie,en proie à la rébellion islamiste.

Il s’agit, entre mai 2010 etmai2011, de former 2 000 soldats

somaliens, en deux cycles de sixmois. Le GFT a indiqué avoirbesoin de 10 000 hommes. Parmieux, 6 000, devraient au final êtreformés par les Occidentaux.

Une «approche globale»L’Ouganda a accueilli logique-

ment cette mission. Le pays estdéjà le principal contributeur dela Mission africaine pour la Soma-lie (Amisom). Et dans le camp deBihanga, situé près de la frontiè-re de la République démocrati-que du Congo, à plusieurs heuresde route de la capitale, l’arméeougandaise a déjà formé quelque1 200 Somaliens.

L’Union européenne prendégalement le relais des initiativesmenées par la France d’une part(500 recrues formées à Djiboutien 2009) et par les Djiboutiens

eux-mêmes avec l’aide des Améri-cains (500 Somaliens formés).

L’instruction porte sur lesrègles de la guerre et le manie-ment de base des armes, voletauquel participent les forcesougandaises.

Des modules spécifiques sonten outre délivrés à des sous-offi-ciers et officiers sur les systèmesde communication, le combaturbain ou les explosifs. Budgettotal : 5 millions d’euros.

Encouragée par la France, l’ini-tiative reste un pari. Les appren-tis soldats sont à peu près sélec-tionnés, par le GFT et par les servi-ces de renseignement américainset européens, afin d’éviter l’infil-tration de miliciens. Mais nul nepeut garantir qu’une fois rentrésà Mogadiscio, ces hommes reste-ront fidèles au gouvernement

somalien. Pour ces raisons, lesEuropéens se sont engagés avecparcimonie dans l’aventure.

L’Union européenne veutcependant vouloir investir pluslargement pour la stabilisationde la Somalie, au nom d’une« approche globale » qui englobela sécurité, la consolidation desinstitutions politiques, et le déve-loppement. Outre l’opérationanti-piraterie Atalante au largedes côtes somaliennes, l’Unionfinance les forces de police dupays (12millions d’euros) et l’Ami-som (100 millions déjà engagés).La Commission et les Etats ont enoutre prévu de verser 215 mil-lions d’euros sur la période2008-2013 dans le cadre duFonds européen de développe-ment.p

Nathalie Guibert

50123Dimanche 18 - Lundi 19 juillet 2010

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VienneCorrespondante

L a famille kosovare Zogaj,dont le cas était devenuemblématique des aléas du

droit d’asile en Autriche, où elleétait entrée illégalement en 2002,a regagné le 15 juillet le Kosovo « deson plein gré », après avoir épuisétous les recours administratifs etjuridiques pour rester dans lepays. En juin, la Cour constitution-nelle avait estimé que le refus desautorités de lui accorder le statutde réfugiée n’était pas contraire àla loi fondamentale, tout en recon-naissant que cette famille étaitbien intégrée.

L’administrationalaissé àArigo-na Zogaj, 18 ans, et à ses deux frèreet sœur cadets, le temps de termi-ner l’année scolaire et de se prépa-rer avec leur mère, dépressive, à unretour difficile. Le domicile fami-lial a été détruit durant les conflitsinterethniques en ex-Yougoslavie.Malgré l’aide apportée par desorganisations civiles autrichien-nes, il n’a pas été possible jus-qu’alors de leur trouver un loge-ment à Pristina, la capitale kosova-re, où ils devront engager desdémarches pour obtenir le droit derevenir en Autriche.

En 2007, Arigona avait menacéde se suicider lorsque le reste de safamille avait été expulsé vers leKosovo. Son appel au secours, dif-fusé sur un enregistrement vidéo,avaiteu un fort impact médiatiqueen Autriche. Ses camarades d’écoleavaient signé une pétition en safaveur, tandis que le conseil muni-cipal de son village autrichien plai-dait pour une régularisation.

Mais l’opinion autrichienne estdivisée. Les partisans de la clémen-ce – sociaux-démocrates, Verts oules églises chrétiennes –, plaidentpour une exception humanitaire.Ceux de la fermeté, poussés par lescourants d’extrême droite, criti-quentl’idéed’une «primeà l’illéga-lité », car le père d’Arigona avaitfait venir en Autriche son épouseet ses cinq enfants, trois moisaprès que sa première demanded’asile eut été repoussée, enmai 2002.

Le droit d’asile s’est tellementdurci en Europe que cela pousse

nombre de réfugiés vers des voiesillégales, rétorque le juriste autri-chien Manfred Nowak, rapporteurspécialdes Nations unies sur lator-ture. Il se déclare en faveur d’uneprocédure unifiée, pilotée par uneinstance centralisée au sein del’Union européenne (UE). « Nousavons 27 politiques d’Etat, plus oumoins fortement dictées par descraintes xénophobes et irrationnel-les», déplorait-il dans un entretienauquotidienconservateurDiePres-se, sans nier toutefois qu’il y ait desabus du droit d’asile.

Lesdéfenseurs desZogaj contes-tent que ceux-ci aient vécu d’aidespubliques – comme l’ont rapportécertains médias –, que les fils aînés

soient des délinquants, ou la mèreune simulatrice.

Devenus une « cause célèbre »– le président de la république, lesocial-démocrate Heinz Fischer,tout comme l’archevêque de Vien-ne, le cardinal ChristophSchönborn, avaient souhaité uncompromis entre les exigences dela loi et celles de la solidarité –, lesZogajontbénéficié d’une attentionenviable en comparaison d’autresdemandeurs d’asile, parfois victi-mes d’opérations spectaculaires,au gré des intérêts politiques.

Ainsi l’équipe de football FCSans-papiers, créée par l’écrivaind’originecongolaiseDi-Tutu Buka-sa en réaction au climat xénopho-

be, a-t-elle perdu en quelques moisneuf de ses membres, en majoritédes Nigérians. L’arrestation dedeux d’entre eux sur leur lieu d’en-traînement, fin avril, avait suscitéla mobilisation spontanée de cen-taines de personnes, alertées parSMS, qui avaient résisté pendantdes heures à la police viennoise.

Les joueurs ont quand mêmeété mis dans un avion vers Lagos,quelques jours plus tard, sous lecouvert d’une procédure commu-ne à plusieurs pays de l’UE, dite« Frontex ». Selon l’organisationantiraciste SOS-Mitmensch, untiers des expulsions réalisées dansce cadre partent de l’aéroport deVienne.

Le 1er juillet, une manifestationde soutien aux Zogaj et à d’autresdemandeurs d’asile avait réuni, àVienne, quelque dix mille mar-cheurs, aux cris de : « Trop, c’esttrop! »

Adéfaut defairerevenir lesfoot-balleurs, les protestataires ontremporté une victoire moralequand le tribunal administratif deBasse-Autriche a reconnu, à lami-juillet, que 74 réfugiés tchét-chènes, appréhendés en 2003 à lafrontière, avaient été injustementrenvoyés dans leur pays en guerre,sans avoir été entendus par lesautorités compétentes. L’ancienministre del’intérieur, leconserva-teur Ernst Strasser, aujourd’huidéputé au Parlement européen,voulait ainsi tarir l’afflux de réfu-giés tchétchènes.

Entre 2003 et 2006, le nombrede permis de séjour octroyés parl’Autriche à titre humanitaire esttombéde1 824 à403.« Nousexami-nons d’éventuelles conséquencespour les fonctionnaires en place àl’époque », répond le ministère auMonde.M.Strasser, lui, porteseule-ment la « responsabilité politique »de l’expulsion des Tchétchènes.p

Joëlle Stolz

EnAutriche, une famille kosovareàl’épreuvedes restrictions du droit d’asileLes Zogaj ont été expulsés vers le Kosovo après un long combat qui a passionné les Autrichiens

TokyoCorrespondant

I nterventions chirurgicales pra-tiquées sans anesthésie, man-que de désinfectants et de

médicaments, recrudescence demaladies favorisées par une mal-nutrition chronique : dans un rap-port publié le 15 juillet sur la Répu-blique populaire démocratique deCorée (RPDC), Amnesty Internatio-nal dresse un tableau alarmant dela situation sanitaire du pays. « Lapopulation nord-coréenne abesoin de toute urgence d’une aidemédicale et alimentaire qui ne doitpas être un enjeu politique pour lespays donateurs », déclare, dans uncommuniqué, Catherine Baber,directrice adjointe du programmeAsie-Pacifique de l’organisationhumanitaire.

Amnesty International arecueillilestémoignagesd’unequa-rantaine de réfugiés – qui ont fui laRPDC entre 2004 et 2009 – et deprofessionnelsdelasanté,maisl’or-ganisation n’a pas eu accès au pays.Bien que les soins médicaux soienten théorie gratuits, « sans argent, ilest inutile d’aller à l’hôpital », rap-porteunréfugié.Enraisonduman-que de médicaments, beaucoup serabattent sur ceux venant deChine,souventinopérantsoufrela-tés,que l’on trouvesur les marchés.

Amnesty cite le témoignaged’un patient attaché, faute d’anes-thésiant, sur la table d’opérationpour une amputation de la jambe,relate des cas de trafics de médica-ments, de rétribution de médecinsen paquets de cigarettes, en alcoolou en argent liquide… Ces témoi-gnages confirme la détériorationdu système sanitaire nord-coréen.

Longtemps, le système a étéadapté aux besoins du pays en ter-mes de nombre de cliniques, demédecins et d’infirmières. Il l’estencore, à Pyongyang du moins,selonladirectricedel’Organisationmondiale pour la santé (OMS), quis’y est rendue en avril. MargaretChandéplorelemanquedemédica-ments et l’état de malnutrition desfemmes enceintes, mais se félicitedu taux satisfaisant de vaccinationdes enfants contre la tuberculose(en recrudescence) et l’efficacitédes mesures pour enrayer unerésurgence de la malaria.

Selon l’OMS « le rapport d’Am-nesty n’est pas scientifique. Il estbasé sur quelques témoignages depersonnes qui ont quitté la RPDCdepuis des années, et il ne fait pasétat des améliorations récentes », adéclaré le porte-parole de l’organi-sation, Paul Garwood.

Toutefois, la situation sanitaire

se dégrade rapidement en raisonde l’aggravation de la pénurie ali-mentaire et des sanctions prisescontre la RPDC après son secondessai nucléaire en mai2009. La cri-se ouverte par le naufrage en marsd’une corvette sud-coréenne(46 morts), imputé à la RPDC, aaccentué l’isolement du pays. Lechaos provoqué depuis décembrepar la réévaluation du won (mon-naie nord-coréenne) – afin dereprendreenmainlemarchéparal-lèle qui s’est développé après lagrande famine de la fin des années1990 (un million de morts sur unepopulation de 23millions) –, a pré-carisé la situation de beaucoup.

La malnutrition tueSelonl’organisation humanitai-

re sud-coréenne Good Friends, leprix du riz a plus que doublédepuis le début de l’année. Aprèsune période de flottement, le régi-me a allégé, en mai, les mesures derestriction des marchés alimen-taires. Même si la situation n’estpasaussi dramatiquequ’il yaquin-ze ans, l’ONG sud-coréenne NKnetfait toutefois état d’une centainede morts de malnutrition entremars et juin dans la seule provincede Hamgyongdu Sud. Selon l’Insti-tut d’économie rurale sud-coréen,la RPDC enregistre cette année undéficit alimentaire d’un million detonnes.

La tension entre les deux Coréesdepuis l’arrivée au pouvoir à Séoul,en 2008, du président Lee Myung-bakaréduitl’assistancehumanitai-reduSud.Unetrentained’organisa-tions civiques et religieuses sud-coréennesontlancéune campagnepour reprendre les livraisons de rizauNordalorsquelegouvernementenvisage d’utiliser une partie dessurplus(1,4milliondetonnes)pournourrir le bétail.

LeProgrammealimentairemon-dial des Nations unies, qui a long-tempspourvu àlasubsistanced’untiers de la population, n’avait obte-nuen maique 15%del’aidedeman-dée.Les Etats-Unis n’ont fourni queles deux tiers des 500 000 tonnesde denrées promises pour 2010. Levolume de l’assistance de la Chine,principale alliée de la RPDC, estinconnu.Sansminimiserlarespon-sabilité du régime nord-coréendans la détérioration de la situa-tion, Amnesty International appel-le à apporter à celle-ci « une aidehumanitaire en tenant compte desbesoins et non de considérationspolitiques».p

Philippe Pons

n Sur le WebLe rapport sur Amnesty.org

RomeCorrespondant

L ’arrestation, le 13 juillet, deprès de 300 personnes soup-çonnées d’appartenir à la

’Ndranghetaneconstituepasseule-ment un coup dur porté à la plussecrète des organisations criminel-les italiennes, mais elle permet uneavancée dans la connaissance de sastructure et de ses mécanismes decommandement. Grâce à deuxannées d’enquête en Calabre et enLombardie, plus de 60 000heuresd’enregistrements vidéo et 1,5mil-lion d’écoutes téléphoniques, lesmagistrats et les policiers dispo-sent désormais d’une documenta-tion exceptionnelle.

Composées de familles ('ndrineou locali) qui se répartissent unepartie d’un territoire, la’Ndranghe-ta, née en Calabre, se distingue destrois autres organisations mafieu-ses – Cosa Nostra en Sicile, Camorraen Campanie et Sacra Corona Unitadans les Pouilles – par une relativeautonomie des clans dans lesquelsprévalent les liens du sang, et uneorganisation horizontale et frag-mentée qui la rend impénétrable.

Chaque clan est divisé en deuxbranches: une «société mineure»,où se retrouvent les hommes demain, et une « société majeure »,

qui regroupe les chefs. Spécialiséed’abord dans les enlèvements, ellea déplacé le cœur de ses affairesdansle traficde drogues,d’armesetde déchets toxiques. Ramifiée jus-qu’en Allemagne, au Canada, enSuisse et en Australie, la’Ndranghe-ta générerait un chiffre d’affairesannuel de 44milliards d’euros.

«Nous savions qu’au sommet del’organisation, il y avait un com-mandement [appelé capocrimine(chef criminel) ou provincia]. Cecoup de filet nous a appris que cecommandant en chef ne dicte passa loi sur les affaires mais constitueune autorité de contrôle et d’obser-vancedesrègles»,expliqueauMon-de Nicola Gratteri, procureuradjoint du tribunal de Reggio deCalabre et auteur de deux ouvrages

consacré à la’Ndrangheta (Fratellidi sangue et La Malapianta, éditionMondadori).

Le procureur Guiseppe Pignato-ne, qui a conduit l’enquête en Cala-bre, va plus loin: « L’existence d’unestructureverticale,analyse-t-ildansle quotidien La Repubblica, servi-raità gérer lesintérêts économiquesdepuis le haut. L’enquête nous l’ap-prendra. » Le capocrimine Dome-nico Oppedisano, 80ans, choisi enaoût2009 lors d’un mariage unis-sant les enfants de deux famillesmafieuses, compte parmi les per-sonnes arrêtées le 13juillet.

Un commandement généralLathèse del’existenced’uncom-

mandement général avait reçu undébut de validation il y a deux anslorsqueCarmineNovella, lerespon-sable’Ndranghetiste de Lombardieavaitété«licencié »parlaprovinciapour avoir voulu donner naissanceà une ’Ndrangheta indépendantedans le nord de l’Italie. Il avait ététué de deux coups de pistolet dansla tête, le 14juillet 2008.

Magistrats et enquêteurs ontégalement pu vérifier une autre deleurs hypothèses : c’est désormaisdans la riche Lombardie, où ont étéréalisées la moitié des arrestations,que la’Ndrangheta délocalise sesaffaires en raflant, grâce aux socié-

tés qu’elle contrôle, les appels d’of-fres liés à l’Exposition universellede 2015. L’organisation mafieuse aen outre gangrené le système desanté, largement décentralisé enItalie,en corrompantdes élusouenplaçant ses hommes dans les struc-tures sanitaires.

Preuve supplémentaire de cette«lombardisation»dela’Ndranghe-ta: c’est à Paderno-Dugnano, danslabanlieuede Milan, qu’aumois deseptembre 2009 a été élu le nou-veau responsable régional de l’or-ganisation, dans un local commu-nal baptisé des noms des juges Fal-cone et Borsellino, magistratsassassinés par la Mafia dans lesannées 1990 ! La désignation del’élu – qui a été arrêté égalementmardi – a ensuite été soumise pourapprobation aux autorités cala-braises de l’organisation.

La lutte contre le crime organisén’est pas terminée pour autant.« C’est seulement un coup de plus.Les personnes arrêtées mardi ris-quent au maximum cinq ans de pri-son, déplore Nicola Gratteri. Qu’est-ceque cela vaut pour un mafieux? »Tenus par les liens du sang et l’o-merta sous peine de mort, les’Ndranghetistes sont réputés peubavards. Les repentis se comptentsur les doigts d’une main.p

Philippe Ridet

Entre2003et 2006,lenombre depermisdeséjourà titrehumanitaireesttombéde 1824 à 403

Près de 10000 personnes ont manifesté, dans les ruesde Vienne, le 1er juillet, en soutien aux Zogaj. RONALD ZAK/AP

Amnestys’alarmedel’état sanitairedela Corée duNordUnrapport souligne ladégradation du système desanténord-coréen. L’OMS exprimedes réserves

Maroc 130 chrétiens expulsés depuis le début de l’annéePARIS. Huit chrétiens étrangers ont été expulsés début juillet du Maroc,a annoncé, vendredi 16 juillet, à Paris, l’association Portes ouvertes, quidénonce, dans un communiqué, une « épuration religieuse ». Cela porteà 130 le nombre de chrétiens étrangers, en majorité des protestants,expulsés depuis le début de l’année. Les derniers jugés indésirables sontdeux Français, deux Suisses, une Espagnole et une Libanaise. – (AFP.)

Venezuela Accusé d’abriter des guérilleros colombiens,M.Chavez menace de rompre les relations avec BogotaCARACAS. Le président vénézuélien Hugo Chavez a menacé, vendredi16juillet, de rompre les relations avec la Colombie, qui a déclaré, mercre-di, détenir des preuves de la présence de «terroristes colombiens» appar-tenant notamment aux FARC, en territoire vénézuélien. Les autoritéscolombiennes ont demandé une réunion extraordinaire du conseil per-manent de l’Organisation des Etats américains (OEA). – (Reuters.)

Etats-Unis - Chine Taïwan confirme vouloir acheterdes armes américainesWASHINGTON. Malgré un récent réchauffement des relations avec laChine, Taïwan souhaite toujours que les Etats-Unis approuvent de nou-velles ventes d’armes, « afin de garder une dissuasion crédible », a indi-qué, vendredi 16 juillet, le porte-parole du gouvernement taïwanais,Johnny Chiang, en visite à Washington. La Chine avait pressé les Etats-Unis d’« agir avec prudence », après l’annonce en janvier de la vente d’ar-mement à Taïwan, dont des chasseurs F-16. En juin, la Chine et Taïwanont signé un accord commercial historique. – (AFP.)

International

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I T A L I E

Lenouveauvisagede la’Ndrangheta, la mafiacalabraiseUne vague d’arrestations montre que l’organisation mafieuse étend ses activités criminelles en Lombardie

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Page 7: Le Monde 18072010

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Espoirs d’hier,rêves de demain

France

aaaSuite de la première page

M. de Maistre l’assure aux poli-ciers: « Mme Woerth ne représentaitpas un risque majeur (…) quand jeparle de sensibilité, c’est l’associa-tion de la femme du ministre dubudgetavecl’une despremièresfor-tunes de France ».

Dans les enregistrements clan-destins, réalisés par le majordomePascal Bonnefoy chez les Betten-court, il apparaissait déjà claire-ment que cette embauche s’étaitfaite à la demande de M. Woerth.

« Quand je l’ai fait, disait ainsiM. de Maistre lors d’une conversa-tion avec Mme Bettencourt, le23avril, son mari était ministre desfinances, il m’a demandé de le faire(…) j’lai fait pour lui faire plaisir.»

A l’époque, M. de Maistreconnaît M. Woerth depuis un an.Entre les deux hommes, quel typede relations ? « Elles sont courtoi-ses», estime le gestionnaire de for-tune. « J’ai beaucoup de respectpour lui », confie-t-il aux policiers,même s’il ne pense pas que cetterelationpuisseêtrequalifiéed’ami-cale.

Il le rencontre tous les deuxmois dans des déjeuners au JockeyClub,fréquentelesréunionsduPre-mier Cercle, cette association detrès généreux donateurs de l’UMP,et invite même le couple Woerth àdeux reprises à son domicile. Il ad’ailleurs versé 7 500 euros pouraider le candidat Sarkozy, et conti-nue à soutenir l’UMP, à hauteur de2000à 3000euros par an.

En2006, selonses dires, il appel-le M. Woerth à la demande d’André

Bettencourt, qui souhaite financerlacampagneprésidentielledeNico-las Sarkozy. « Je l’ai [M. Woerth] vuensuite deux ou trois fois début2007, dit M. de Maistre, parce qu’ilm’a demandé de recevoir sa femmeetcepouressayerdelaconseillersursa carrière alors, me disait-il, qu’ellen’était pas entièrement satisfaite.»

InterrogéauGrandJuryRTL-LCI-Le Figaro le 27 juin, M. Woerth a

assuré qu’il avait toujours dressé«une muraille de Chine» entre sonmétier et celui de son épouse.

En mars-avril 2007, M. de Mais-tre se souvient avoir rencontré àplusieurs reprises Mme Woerth, quiest embauchée à l’automne 2007,après que le couple Bettencourteut donné son aval. Le collabora-teur de Mme Bettencourt croit aussise souvenir d’avoir reçu d’autres

candidats pour le poste vacant, etmême contacté un chasseur detêtes.

Florence Woerth est embau-chée, avec à la clé un CDI rémunéré140 000 euros annuels, plus uneprime de 60 000 euros et une voi-ture de fonction. Elle travaille pourle compte de la société Clymène,qui gère environ 1,3 milliard d’eu-ros.

Voilà Mme Woerth au service deMme Bettencourt, une des premiè-res contribuables françaises, alorsque son mari est ministre du bud-get. Le fisc reverse, au titre du bou-clier fiscal, 30 millions d’euros auxBettencourt, qui omettent, eux, designaler à Bercy deux comptesqu’ilsdétiennentenSuisseetl’exis-tenced’uneîledontilssontproprié-taires, à travers une fondationluxembourgeoise. « S’il y a eu éva-sion fiscale, dit M. de Maistre, celas’est passé bien avant mon arrivée,fin 2003. »

La situation ne semble émou-voirpersonne.Atelpointqueleges-tionnaire de fortune se fait remet-tre la Légion d’honneur, à Bercy, le23 janvier 2008, des mains de M.Woerth. « L’embauche de Mme Flo-rence Woerth a-t-elle un lien avec laremise de votre insigne de chevalierde la Légion d’honneur par EricWoerth ? », interrogent les poli-ciers. « Aucun », rétorque M. deMaistre.

Le gestionnaire assure avoir étéparrainé par un ami avocat. Lesenquêteursexhibentalorsundocu-ment, daté du 20 septembre 2007.Danscelui-ci,M.deMaistredeman-de à être reçu dans son grade parM. Woerth. Les policiers remar-quent : « Il semble donc que c’estM. Woerth qui vous a introduitauprès de la Grande Chancelleriepour recevoir cette distinction, etnon pas Me R…»

La brigade financière n’aura pasménagé sa peine pour interrogerl’ancien commissaire aux comptesde la société L’Oréal, âgé de 61 ans,qui asu gagner la confiancedu cou-

ple Bettencourt. Au point de gérerleur fortune, mais aussi la Fonda-tion Bettencourt-Schueller. Un tra-vail qui lui rapporte, au titre d’ho-noraires, plus de 2,2 millions d’eu-ros annuels. Mme Bettencourt l’ap-précie tant qu’elle lui a fait cadeaude 5 millions d’euros, placés dansune assurance-vie. « Mme Betten-court m’avait donné 5millions, surlesquels elle avait en outre réglé lesdroits fiscaux», admet-il.

Il était même question, un

temps, si l’on se fie aux enregistre-ments clandestins, que la milliar-daire lui offre un nouveau voilier.« Liliane Bettencourt, apparem-ment très satisfaite de mon travail,asouhaitémefaireuncadeau,com-mente M. de Maistre, à plusieursreprises, elle m’a dit qu’elle seraitcontente de m’aider à changer debateau… » M. de Maistre possèdeaujourd’hui un 56 pieds, acheté en2004 et mouillé à Port-Grimaud. Ilest aussi propriétaire d’une fermede 160 hectares.p

Gérard Davet

Patrice de Maistre meten difficulté le coupleWoerthLe principal collaborateur de Mme Bettencourt affirme avoir embauché Mme Woerth à la demande de son mari

L’affaire Woerth-Bettencourt

FlorenceWoerth estembauchéeen 2007,avecàla clé un CDI,rémunéré140000eurosannuels,plus uneprimede60000euros etunevoiturede fonction

L’affaire Bettencourt sera pro-chainement portée au cinéma.Le réalisateur Michel Hazanavi-cius espère tourner en 2011 Par-ce que je le vaux bien, un long-métrage inspiré de la saga judi-ciaire. L’auteur d’OSS 117enécrit actuellement le scénario.L’information a été confirméepar le producteur Thomas Lang-

mann, spécialiste des gros pro-jets, qui a déjà piloté Astérix auxJeux olympiques et Mesrine.Ni le budget – «on l’espère rai-sonnable», sourit Thomas Lang-mann – ni les lieux de tournageou la distribution ne sont encorearrêtés. Pour le rôle de la milliar-daire, le producteur avoue avoirune idée: Jeanne Moreau.

Troisenquêtes pour une affaired’Etat

L’«affaire», bientôt sur les écrans de cinéma

Eric Woerth et son épouse Florence lors du défilé du 14-Juillet, à Paris. BERTRAND LANGLOIS/AFP

UN MOIS après la publication, le16juin, par le site d’informationsMediapart, des écoutes clandesti-nes réalisées par Pascal Bonnefoy,l’ancien majordome de la familleBettencourt, des investigationsjudiciaires sont en cours dans cequi est devenu une affaire d’Etat.Sous l’autorité du procureur de laRépublique, Philippe Courroye, leparquet de Nanterre a ouvert troisenquêtes préliminaires distinctes.«Atteinte à la vie privée et vol dedocuments» Le 13 juin, FrançoiseMeyers-Bettencourt, la fille deLiliane Bettencourt, a remis à lapolice judiciaire une quarantained’heures d’écoutes gravées surCD-Rom que lui a confiées M. Bon-nefoy. Ces enregistrementsrecueillis dans des conditions illé-gales révèlent des opérationsfinancières visant à échapper auxservices fiscaux.

Les conversations volées fontnotamment état de versementsd’argent au trésorier de l’UMP,Eric Woerth. Ils ont été authenti-fiés par les enquêteurs.«Financement irrégulier de par-ti politique» Sur Mediapart, Clai-re Thibout, l’ex-comptable de lafamille Bettencourt, a accusé le5juillet, le gestionnaire de la fortu-ne des Bettencourt, Patrice deMaistre, d’avoir versé, en 2007,150000 euros en liquide àM.Woerth, alors trésorier del’UMP et de la campagne présiden-tielle de Nicolas Sarkozy. Enten-due sur ce point, le lendemain,par les enquêteurs, puis confron-tée à M. de Maistre, Mme Thibout aconfirmé ses déclarations. M. deMaistre lui, dément toutes ces allé-gations.

Au cours de cette même audi-tion, MmeThibout a indiqué que denombreux hommes politiques serendaient au domicile des Betten-court à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). La fréquence de ces visi-tes s’intensifiait à l’approche desrendez-vous électoraux. Ces décla-rations ont été confirmées devantla police par l’ancienne secrétaireparticulière d’André Bettencourt,mort en 2007, et un ex-employéde la famille.«Blanchiment de fraude fiscale»Ce volet, qui porte notammentsur des suspicions d’évasion fisca-le en Suisse, a été évoqué par M.deMaistre dans les enregistrementsclandestins réalisés au domicilede Mme Bettencourt. Ils font étatd’une somme de 80 millions d’eu-ros dont la milliardaire a, depuis,reconnu l’existence, tout en affir-mant sa volonté de régulariser cet-te situation. Pour l’heure, c’est surce pan de l’affaire que le procu-reur Courroye concentre ses inves-tigations. Il a déclenché une sériede perquisitions.

Chez M. de Maistre, d’abord, etdans la société Clymène qui gèrela fortune de Mme Bettencourt etdans laquelle était salariée Floren-ce Woerth, épouse du ministre dutravail, Eric Woerth. Les policiersde la brigade financière se sontrendus dans les différentes pro-priétés de Mme Bettencourt et l’hô-tel particulier du photographeFrançois-Marie Banier – accuséd’avoir profité des largesses et dela vulnérabilité de l’héritière deL’Oréal, aujourd’hui âgée de87ans. Jeudi 15 juillet, MM. Banier,de Maistre, Me Fabrice Goguel, avo-cat fiscaliste et Carlos Vejarano,

ont été placés en garde à vueavant d’être remis en liberté ven-dredi 16juillet. Gestionnaire del’île d’Arros aux Seychelles, quiserait la propriété de Mme Betten-court sans que celle-ci l’eût jamaisdéclaré au fisc, M.Vejarano est plu-sieurs fois cité dans les enregistre-ments illégaux.

C’est dans ce même cadre juri-dique que, le procureur PhilippeCourroye s’intéresse aux condi-tions d’embauche, en 2007, de Flo-rence Woerth, dans la sociétéClymène, sur lesquelles plane unsoupçon de conflit d’intérêts.

Ces trois enquêtes dirigées parun procureur lié hiérarchique-ment à la chancellerie et, de sur-croît, proche de M. Sarkozy, susci-tent la controverse. L’oppositionet le syndicat de la magistratureréclament l’ouverture d’une infor-mation judiciaire confiée à unjuge d’instruction indépendant.«Abus de faiblesse» Ces investi-gations initiées par le parquet nemettent pas fin à l’instruction dela plainte pour « abus de faibles-se » déposée en décembre2007par Françoise Meyers-Betten-court.

Instruite par Isabelle Prévost-Desprez, présidente de la 15e cham-bre correctionnelle du TGI de Nan-terre, cette procédure viseM.Banier auquel Mme Bettencourta fait don de plus d’un milliardd’euros en argent ou en tableaux.Cette plainte avait été classée sanssuite par le parquet de Nanterreen septembre2009, ce qui avaitconduit Françoise Meyers-Betten-court à faire citer directement lephotographe devant le tribunalcorrectionnel de Nanterre.L’audience qui s’est ouverte le1er juillet a été renvoyée sine die.

La fille unique de Liliane Betten-court a demandé, jeudi 15 juillet,au parquet de Nanterre de saisir lejuge des tutelles pour placer samère sous protection judiciaire.Une mesure rejetée en décem-bre2009 après que Liliane Betten-court a refusé de se soumettre àune expertise psychiatrique. p

Yves Bordenave

et Patricia Jolly

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Marcel Gauchet. BRUNO CHAROY POUR « LE MONDE »

Entretien

H istorien et philosophe,Marcel Gauchet, 63 ans, estdirecteur d’études à l’Ecole

des hautes études en sciencessociales. Rédacteur en chef de larevue Le Débat, qui vient de fêterses 30 ans, il est l’auteur de plusd’une vingtaine d’essais, centréssurladémocratie, lareligion, l’édu-cation et le pouvoir. Il s’exprimeici en tant qu’« observateur de lavie politique française, et rien deplus », et précise qu’il n’a pas prispart, jusqu’à présent, au débat proou anti-Sarkozy.L’affaire Woerth-Bettencourtn’est-elle, selon vous, qu’uneaffaire parmi d’autres?

La dimension « affaire » meparaît secondaire par rapport àune remise en question, plus dif-fuse et plus large, du pouvoirsarkozien. Comme souvent enpolitique, il s’est produit une cris-tallisation conjoncturelle à partird’un accident judiciaire qui, enprincipe, ne concernait en rien lepouvoir politique.

Par ricochets, on aboutit à unesituation qui permet l’expres-sion de reproches et de frustra-tions qui étaient dans l’air maisne trouvaient pas de supportpour se formuler de manièredirecte. La dimension « affaire »peut passer, mais l’effet d’image,lui, demeurera.Quelles sont la durée et l’ampli-tude de ces effets d’image?

Ce sont des phénomènes fuga-ces, dont on ne peut jamais dire àl’avance comment ils vont chemi-ner. Tout ce que l’on sait, c’est queces effets se capitalisent. Ils peu-vent totalement disparaître, puisarrive une conjoncture du même

type, quelquefois des années plustard, et l’enfoui réapparaît.

Il y a une sorte de dimensionsubliminale de la mémoire politi-que dans une société. L’apparenced’amnésie, due au rythme de l’ac-tualité, où un thème chassel’autre, est trompeuse.Etant donné le rythme que Nico-las Sarkozy a lui-même imposé àl’actualité, y a-t-il un risquequ’aucune leçon ne soit tirée decette affaire?

Le problème ne se pose pas decette façon. L’oubli fera sans doutevite son œuvre, en effet. De cepoint de vue-là, la stratégie sarko-zienne est efficace. Mais là où il y aune faille dans le raisonnement,c’est que de manière souterraine,toutes ces choses s’additionnent,selon des lois qui ne sont pas cellesde la logique, et peuvent resurgirde manière incontrôlable.

Tout prend en masse, de la nuitdu Fouquet’s aux diverses affairesqui ont émaillé la vie du gouverne-mentces derniersmois, commes’ils’agissait d’une seule etmême cho-se. La manipulation des images estbeaucoup plus dangereuse qu’ellen’en a l’air. Ce que nous voyons àl’œuvre, c’est l’adaptation d’unemaxime évangélique : « Qui se sertde l’image périra par l’image. »Cette affaire marque-t-elle uneétape dans le mandat de NicolasSarkozy?

Elle me semble marquer l’arri-vée de la facture de la crise. C’estce qui explique son retentisse-ment. La crise prend complète-ment à contre-pied le dispositifpolitique de Sarkozy, à savoir leprojet d’une banalisation libéralede la France, pour sortir d’uneexception jugée dommageablepar les élites.

Cela se résumait dans l’idée chè-re à Sarkozy de décomplexer lerapport des Français à l’argent,sur le thème « laissez faire les gensbien placés pour gagner beaucoupd’argent, et vous en profitereztous ». Son tour de force a été deprésenter cela comme une formede justice : si vous vous donnez dumal, vous gagnerez, seuls lesparesseux perdront. Il avait trou-

vé un thème de campagne trèsefficace, en conciliant libéralismeet justice.

La crise a réduit à néant cettebelle construction. Dans un pre-mier temps, Sarkozy s’en est trèsbien tiré, en affichant son volonta-risme. Mais les belles parolesn’ont pas eu de suite. Nous savonsque la facture de la rigueur va êtrelourde et que nous allons tousdevoir payer plus d’impôts. Celarepose le problème de la justice fis-cale et sociale en de tout autres ter-mes, et cela jette une autre lumiè-re, rétrospectivement, sur lesintentions initiales. L’affaireWoerth-Bettencourt restera peut-être sans aucune suite, mais ellerévèle quelque chose de profond :elle fait surgir au grand jour la

désillusion de l’opinion à l’égardde la promesse sarkozienne.Cette désillusion est-elle imputa-ble à Nicolas Sarkozy, ou aux éli-tes dans leur ensemble?

L’épisode réactive un conten-tieuxlarvé entrele peuple etles éli-tes. Sarkozy avait donné l’impres-sion d’être conscient du problèmeet de vouloir modifier les choses. Ilne l’a pas fait, et même, par cer-tains côtés, il a aggravé le malaise,par son style de star égocentriqueet autoritaire.

En France, les élites (un mot queje n’aime pas mais il n’y en a pasd’autres) ont une haute opiniond’elles-mêmes et ne se rendent pascomptedufosséqui lesséparedelapopulation. Elles entretiennent àson égard un mépris bienveillant.Elles veulent son bien, mais ellesestiment que leurs mérites émi-nents doivent être récompensés.

Quand M. Joyandet ou M. Estro-si prennent un avion privé à prixd’or pour rentrer à Paris plus vite,ils le font avec une parfaite bonneconscience, pensant que l’impor-tance de leur personne et de leurfonction le justifie.Et quand certains profitent d’unpermis de construire indus?

Là, nous sommes dans un autreregistre. Leur idée implicite estqu’ils appartiennent à une catégo-rie à part, qui leur donne des droitsparticuliers. Vous trouvez cela àtous les niveaux, y compris dans lavie politique locale –la boîte noirede la vie publique française –, com-me cela va finir par se savoir.Règne l’idée que le fait de sedévouer pour le bien public méri-te reconnaissance, c’est-à-dire pri-vilèges.De ce point de vue, voyez-vousune différence entre droite etgauche?

L’homogénéité des façonsd’être et de penser l’emporte, j’enai peur, sur les partages politi-ques, même si la droite et la gau-che ne sont pas tout à faitpareilles. Il y a plus de connivenceavecles puissances d’argent àdroi-

te et plus de système de distribu-tion de postes à gauche. Sarkozyavait promis que ça changerait,cela faisait partie de la rupture, etrien ne s’est passé.Ces élites sont bien assises.Comment sortir de ce système?

Le changement ne peut venirque de l’intérieur, que d’une prisede conscience au sein des élitesfrançaises. Malheureusement, jecrois qu’il faudra de grossessecousses pour qu’elles y vien-nent. Ily aparmi elles des gensluci-des, qui voient ce qui se passe,mais dès que les positions de pou-voir sont là, les mauvaises habitu-des reprennent le dessus. L’inertiehistorique est très forte ; le systè-me est verrouillé.Cela ne crée-t-il pas une situa-tion révolutionnaire?

Pour qu’il y ait révolution, ilfautqu’il y ait unprogramme révo-lutionnaire. On se met en route aunom d’une espérance, d’unevision de l’avenir, d’un sentimentque d’autres solutions sont à por-tée de main. Or, nous sommesdans des sociétés dont le climatmoral est dépressif, parce qu’ellessont confrontées à des problèmes

dont elles n’ont pas la solution. Onle voit bien avec la crise économi-que et la difficulté à trouver desmodes de fonctionnement alter-natifs. Le climat de la société fran-çaise n’est pas révolutionnaire,mais il est habité par une révoltesourde et un sentiment de distan-ce radicale à l’égard du personneldirigeant.Au-delà de cette affaire Woerth-Bettencourt, avez-vous le senti-ment d’une remise en questiondes principes démocratiques?

Non, au contraire. Ce n’est pasla démocratie en tant que telle quiest remise en question, c’est lamanière dont certains en profi-tent. Le culte de la chose publiqueest plus fortement intériorisé enFrance que partout ailleurs.

Les gens sont donc très cho-qués quand les individus au pou-voir se comportent en individusprivés. La plus grande faille deNicolas Sarkozy, c’est qu’il n’a pasle sens de l’institution. Le côté pri-vé du personnage prend toujoursle dessus. Il n’arrive pas à être unhomme d’Etat. p

Propos recueillis par

Marie-Pierre Subtil

L a tribune intitulée « Pour unerelance progressiste du pro-jet européen » est parue dans

Le Monde daté du 14 juillet. Cosi-gnée par Martine Aubry, premièresecrétaire du PS, et Sigmar Gabriel,président du Parti social démocra-te allemand (SPD), elle cherche àjeter un pont entre les deux partis,alors que la social-démocratieeuropéenne est en panne. L’objec-tif est de trouver une riposte com-muneà lacriseet de souligner l’im-portance du couple franco-alle-mand, au moment où le tandemincarné par Nicolas Sarkozy etAngela Merkel est à la peine.

Aujourd’hui dans l’opposition,les socialistes français et lessociaux-démocrates allemandsont ouvert chacun le chantier deleur rénovation. Mais ils sontconscients que celle-ci ne peutplus se concevoir à l’intérieur desfrontières nationales.

Les 10 et 11 mars, les membresd’une délégation du Parti socialis-te (PS) et du SPD se sont ainsiretrouvés à Paris pour « concevoirlesnouveauxinstruments de lacoo-pération européenne face à la criseet poser les jalons d’un projet com-mun pour remettre l’UE [Unioneuropéenne] sur les rails. » Trois

mois plus tard, le 2 juin, le groupesocialiste à l’Assemblée nationalea reçu à Paris Angelika Schwall-Düren, vice-présidente du groupeSPD au Bundestag. Qualifiantl’échec de son parti aux électionsgénérales de septembre 2009 de« sanglante défaite », celle-ci a pré-senté les six « ateliers de l’avenir »

mis en place à Berlin pour recons-truire le Parti social-démocrate,frères presque jumeaux de ceuxmis en place par Martine Aubry etChristian Paul au sein du « labora-toire des idées» du PS.

« Notre président, SigmarGabriel, a expliqué la députée alle-mande, n’a pas hésité à s’incluredans l’autocritique nécessaireengagée par les sociaux-démocra-tes, et nous a invités, comme il l’a

dit lui-même, à aller partout,même là où cela ne sent pas bon. »Là-bas a donc commencé ce qu’ona appelé ici « le droit d’inventai-re », quand il s’est agi d’esquisserun bilan des deux septennats deFrançois Mitterrand.

Ilyavaiturgence.LeSPDestvicti-me de la désaffection de ses élec-teurs qui n’ont pas accepté plu-sieurs des réformes du gouverne-ment Schröder, en coalition avecles Verts, au début des années2000. En particulier celles tou-chant au système de protectionsocialeet àl’emploi.« Denombreuxadhérents ont décidé alors de nousquitter, explique Mme Schwall-Düren,etlepartines’enesttoujourspas remis. Cette crise de la social-démocratie allemande, que nousréussissons aujourd’hui seulementet lentement à endiguer, était sur-tout une crise de confiance. » Trèssemblable à celle qu’a connue le PSavant d’entamer sa convalescence,attestée par son succès aux élec-tions régionales de mars.

Des deux côtés du Rhin, lesopposants affûtent leurs armesqui pourraient bientôt devenircommunes. Jean-Marc Ayrault,président du groupe socialiste àl’Assemblée nationale, regrette la

criseactuelleducouplefranco-alle-mandet expliqueque «les sociaux-démocrates ont désormais ledevoir de s’entendre et de proposerdes solutions alternatives,d’autant que la crise donne raisonà notre camp sur une nécessairerégulation de l’économie. » En Alle-magne comme en France, les pro-chaines échéances électoralesdéterminantes auront lieu en2012. « Nous devons établir uncompte à rebours par rapport à cerendez-vous », insiste le présidentdu groupe socialiste.

A cette fin, un groupe de travailcommun a été chargé d’élaborerdes propositions de loi relatives àla régulation financière et bancai-requiserontdéfendues simultané-ment à l’Assemblée nationale etau Bundestag. Une première.Autres initiatives marquant cenouvel état d’esprit, les proposi-tions contenues dans la premièredéclaration commune cosignéepar Mme Aubry et M. Gabriel.

Estimant que « les répercussionsde la crise financière mettent enpéril la cohésion et le projet euro-péens», les deux responsables pro-posentconjointementun«gouver-nement économique européen », lacréation d’une « agence de nota-

tion européenne indépendante »,l’introduction d’une « taxe sur lestransactions financières ». Si lesgouvernements ne progressentpas concrètement sur cette ques-tion, ils envisagent aussi de recou-rir au nouveau mécanisme prévupar le traité de Lisbonne, l’initiati-

ve citoyenne, pour consulter lesélecteurs.

Les propositions concernentaussi le domaine social, où la diffé-rence de culture a longtemps étéun frein au rapprochement entreles deux partis. Mme Aubry etM. Gabriel se sont entendus sur leprincipe d’un salaire minimumEtat par Etat. « L’Allemagne est undes derniers pays d’Europe à ne pasen disposer, a expliqué Mme

Schwall-Düren aux députés fran-çais. Plus de 5 millions d’Allemandstravaillent pour moins de 8 eurosde l’heure, près de 1,2 million pourmoins de 5 euros [le smic horaireen France est de 8,86 euros]. Voilàune image de la grande puissanceallemande que l’on ne voit pas sou-vent en Europe ! »

Le rapprochement entreprispar les sociaux-démocrates euro-péens dépasse le seul axe franco-allemand. Le président du Partisocialiste européen (PSE), l’ancienministre d’Etat (premier ministre)danois Poul Nyrup Rasmussen,multiplieles contacts entre les par-tis progressistes de l’Union. « Lagauche européenne entre doncdans unenouvelle phase de conver-gence », soutient-il. De fait, la crisefinancière et économique peutfavoriserlerapprochement idéolo-gique de partis qui, plus ou moinsinfluencés par le vent libéral,n’avaientpasgrand-chose àpropo-ser en commun.

Le PSE veut s’ouvrir aussi pluslargementaux militants et sympa-thisants. Une campagne d’adhé-sion de dix mois a été lancée le25juinqui viseàélargir sonaudien-ce comme ses moyens. p

Olivier Schmitt

«Cen’estpasladémocratieentantquetellequiestremiseenquestion,c’estlamanièredontcertainsen profitent»

«L’affaire Bettencourtréactivele contentieuxentre le peupleet lesélites»Pour l’historien et philosophe Marcel Gauchet,on assiste à une remise en question du pouvoir sarkozien

Lespropositionsconcernent aussi ledomainesocial oùladifférencede culturealongtemps étéunfreinaurapprochemententrelesdeux partis

LePartisocialiste et le SPDallemand ébauchent unsocle de propositions communesEn réponse à la crise européenne, les deux partis d’opposition resserrent leurs liens, en rappelant l’importance du couple franco-allemand

France

«Lacrise prendcomplètementàcontre-piedledispositif politiquedeSarkozy,à savoirleprojet d’unebanalisationlibéraledela France»

«Notre président n’apashésité às’incluredansl’autocritiquenécessaireengagéepar lessociaux-démocrates»

Angelika Schwall-Dürenvice-présidente du SPD

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Le nouveau cimetière de «Pheasant Wood» («Bois des Faisans»), à Fromelles (Nord).@CWJC

A près avoir dormi quatre-vingt-quatorze ans dansl’anonymat d’une fosse

commune, ces soldats perdus de laGrande Guerre ont retrouvé leurnom et gagné le droit de reposerdécemment, sous une stèle blan-che. Les 19 et 20juillet 1916, dans lapetite commune de Fromelles(Nord), Robert Burns, de Parramat-ta, Harry Cressy, de Boolaroo,Harold Esam, de Warnambool, Gil-bert Morey, de Sydney, RichardWebb, de Melbourne, et des centai-nes d’autres soldats australiensétaient hachés menu par lamitraille allemande au sortir de latranchée, dans une de ces inutilesoffensives qui émaillèrent la pre-mière guerre mondiale.

Ils avaient 20 ans, fait 20 000kilomètres depuis leur île-conti-nentpour se trouvermêlés auxtra-cas et au fracas de la Vieille Europe.Ils étaient passés entre les balles del’expédition ratée des Dardanel-les, en 1915, tout cela pour mordrela terre de France, dans ce quel’état-major anglais voulait unesimple attaque de diversion. Dansle repli qui suivit ce fiasco, leurscorps avaient été abandonnés surle no man’s land et leur matriculeassortidanslesregistresd’une sim-ple mention : « Disparu ».

Aujourd’hui, les voilà tirés del’oubli et de leur charnier. Le19 juillet, en présence du princeCharles, de la gouverneure généra-le d’Australie, Quentin Bryce, et dusecrétaire d’Etat français auxanciens combattants, Hubert Fal-co, le dernier corps sera enterrédansle nouveaucimetièredePhea-sant Wood (« Bois des Faisans »),aménagé dans un champ encontrebas de l’église de Fromelles.Un espace concédé par l’Etat fran-çais à perpétuité.

La cérémonie verra une paradeduKingsTroopRoyalHorseArtille-ry et le baptême d’une motriceEurostar du joli nom de « Remem-beringFromelles ».Ainsiseclôture-ra, de manière un rien grandilo-quente, une enquête à la fois histo-rique, policière et médicale, menéeà près d’un siècle de distance, sur lesort de ces soldats oubliés.

Ces jours de 1916, après l’échecde l’offensive, où furent engagéesdes troupes australiennes maisaussi britanniques, aucune trêvene fut conclue pour évacuer mortset blessés, comme il était parfoisd’usage. Restés maîtres du terrain,les Allemands se chargèrent descorps dans la précipitation, creu-sant des fosses communes. Ilsenterrèrent ainsi 250 Australiens

en lisière d’un bosquet qu’ilsavaient baptisé « Bois des Fai-sans ». Puis laguerre a continué sesbasses œuvres, bouleversé sanscesse la ligne de front. La fosse a étéoubliée et recouverte de verdure.

Après l’armistice, des fouillesont été entreprises sur le champde bataille, des centaines de corpsretrouvés et inhumés dans descimetières militaires avec les hon-

neurs. Ceux-là échappèrent auxinvestigations et à l’hommage.Evacuée avant les combats, lapopulation ne revint qu’en 1920dans le bourg, sans jamais soup-çonner l’existence sous ses piedsde cette tombe collective, et celatout au long du XXe siècle.

Tout serait resté en l’état sans laméticulosité de l’armée alleman-de et l’obstination d’un historienamateur de Melbourne, LambisEnglezos. Au tournant du siècle, cepassionné de la période dénichedans les archives outre-Rhin unrapport mentionnant la fosse. Lemaire de Fromelles se souvient ducoup de fil reçu en août 2002. Uninterlocuteur lui demandait s’ilconnaissait le bois des Faisans.Finalement, l’élu identifie cequ’on a toujours appelé sur placele bois Dambre. Des prises de vueaériennes permettent de localiserles ossements dans un carré depâturage. Une première estima-tion évoque 400 squelettes, chif-fre ensuite revu à la baisse.

Le gouvernement australien netarde pas à se saisir de la découver-te. Après quatre ans d’études pré-

paratoires, débutent en 2009 lestravaux d’exhumation, sous ladirection de la commission dessépultures du Commonwealth (LeMonde du 24 avril 2009). Quaran-te personnes sont mobilisées etplus de 4 millions d’euros investisdans l’opération.

Admiratif, Hubert Huchette aassisté à l’ouverture de la fosse.« Les corps étaient soigneusementalignés : à l’évidence, les Allemandsles avaient enterrés comme leurspropres soldats. » La terre autourde chaque squelette a été radiogra-phiée à la recherche de boutons,d’insignes ou d’objets pouvantindiquer la nationalité et le régi-ment. Puis les squelettes ont éténettoyés et examinés par desanthropologues,avantque despré-lèvements ADN ne soient effec-tués. « Ce fut un travail exception-nel mêlant archéologie et médeci-ne légale, explique David Richard-son, qui a piloté l’opération. Il aaussi fallu composer avec un soltantôt glacé, tantôt boueux. »

Sur les 250 corps finalementdécouverts, 205 ont été identifiéscomme australiens, 3 comme bri-tanniques, et 42 n’ont pu recevoirde nationalité. A partir des800 tests ADN réalisés sur lesossements trouvés en France etauprès des familles potentiellesen Australie, ont émergé du néant96 noms, de Colin Arnott, de Lau-riston, à Samuel Wilson, de PortMacquarie.

Lundi, plus de 70 famillesferont ledéplacement pour la céré-monie. « Je me devais de venir »,expliqueTony Norris,64ans, petit-fils d’IgnatiusBertram Norris, lieu-tenant-colonel du 53e bataillon, ori-ginaire de Sydney. « Dans lafamille, nous savions que mongrand-père était mort à Fromelleset que son corps était quelque partdans le sol de France. » La grand-mère de Tony, Elizabeth, ne s’estjamais remariée. Elle était venue à

Fromelles dans les années 1960,dans l’espoir de trouver un nomsur une plaque, un indice du grandabsent. En vain. Elle est morte en1976. « Je penserai beaucoup à elle,lundi », assure Tony. Le petit-fils asubi un test ADN voilà six mois,répondant à une annonce paruedans la presse australienne. Il aappris il y a une semaine seule-mentque son aïeul avaitété identi-fié : « J’ai été très ému. »

Un tel travail de mémoire surune bataille oubliée, presque anec-dotique, de la Grande Guerre peutsurprendre. « Ce furent les vingt-quatre heures les plus sanglantesde notre histoire, rappelle DavidRitchie, ambassadeur d’Australieen France ; 5 500 Australiens sonttombés à Fromelles, 46 000 sontmorts sur le front occidental pen-dantcette guerre. Il faut se rappelerque le pays ne comptait alors quecinq millions d’habitants. Ce fut un

choc terrible. Nous redécouvronscet épisode de notre histoire, avecune question: pourquoi ces soldatssont-ils venus ? »

Hubert Huchette confirme lavaleuraffectivedusiteoù«denom-breux Australiens viennent chaqueannée en pèlerinage ». Un muséede la bataille doit être ouvert en2013. « La mémoire n’est pas pas-séiste, elle est toujours en mouve-ment», assure le maire. Le conseilmunicipalvientde baptiser lenou-veaucentre scolaire:écoledes Cob-bers, qui signifie « copains » enanglais des antipodes. p

Benoît Hopquin

Ilsavaient 20ans,fait20000kilomètrespoursetrouver mêlésauxtracas etau fracasdela vieille Europe

Mortsen 1916, 205 soldatsaustraliens«oubliés»trouvent stèlesà leur nomUne cérémonie leur rend hommage à Fromelles (Nord), lundi 19 juillet, en présence du prince Charles

Laquestion qui fâcheestrestée sans réponse

Toutseraitrestéen l’étatsansla méticulositédel’armée allemandeetl’obstination d’unhistorienamateur

A suivre tous les jours

France

30 km

PAS-DE-CALAIS

NORD

Mer du Nord

BELGIQUE

Lille

PICARDIE

Fromelles

F rançois Loncle, député (PS)de l’Eure, détient un étrangetrophée: celui de la ques-

tion écrite restée sans réponse. Laquestion écrite est un moyen sim-ple utilisé par les députés pourinterpeller un ministre, ou le pre-mier ministre, lorsqu’elle portesur la politique générale du gou-vernement. Quelle qu’elle soit,elle appelle une réponse dans lesdeux mois suivant son dépôt.

Dans le cas contraire, les ques-tions demeurées sans réponse aubout de deux mois sont publiéesen tête du fascicule hebdomadai-re du Journal officiel (JO) compor-tant les réponses des ministres.

Au bout de trois mois, sontpubliées au JO, sous l’en-tête duministre compétent, les ques-tions n’ayant toujours pas reçude réponse. Enfin, les présidentsde groupe peuvent mettre enœuvre la procédure dite des«questions signalées » : chaquesemaine, ils choisissent un petitnombre de questions auxquellesles ministres s’engagent à répon-dre dans un délai de dix jours. Cetengagement a toujours été respec-té jusqu’à ce jour.

Pas jugé bon d’y répondreA une exception près, donc : la

question de M. Loncle, déposée le4 août 2009 et qui attend tou-jours sa réponse, en dépit de tousles rappels. L’ancien secrétaired’Etat demandait au premierministre, François Fillon, de«remédier aux graves dysfonc-

tionnements qui affectent l’appa-reil de l’Etat ». Il s’interrogeait surles interventions répétées dansles médias de «deux hauts fonc-tionnaires, le secrétaire général del’Elysée et le conseiller spécial duprésident de la République[Claude Guéant et Henri Guaino]pour exposer ou défendre la politi-que française».

M. Loncle demandait au chefdu gouvernement de « clarifier lasituation » et de préciser si c’étaitbien lui qui dirigeait l’action dugouvernement (article 21 de laConstitution) et si c’était toujoursle gouvernement qui « détermineet conduit la politique de lanation» (article20 de la Constitu-tion). Dans ce cas, il demandaitau premier ministre «de bien vou-loir ordonner à ces deux fonction-naires qu’ils cessent d’intervenirdans les médias ».

Aussi sensible que soit la ques-tion à l’égard d’un chef de gouver-nement, que le président de laRépublique considère comme unsimple «collaborateur », M. Fillonn’a pas jugé bon d’y répondre.Pis, il a fait savoir par ses servicesqu’il ne le ferait pas. Moyennantquoi, c’est M. Guéant qui, en jan-vier, écartait l’idée d’un remanie-ment après les élections régiona-les. C’est encore lui qui, en juin,annonçait dans la presse britanni-que un renforcement des mesu-res de rigueur. C’est peut-être parlui que M. Fillon apprendra qu’ilest mis fin à ses fonctions. p

Patrick Roger

Banditisme

Nuitdeviolences à GrenobleDe violents incidents ont éclaté dans la nuit du vendredi 16 au samedi17 juillet à Grenoble après la mort d’un braqueur de casino tué la nuitprécédente lors d’un échange de tirs avec la police. Karim Boudouda,27 ans, déjà condamné trois fois aux assises pour vol à main armée,avait trouvé la mort dans une course-poursuite après sa fuite du casinod’Uriage-les-Bains (Isère), près de Grenoble. Avec son complice, tou-jours recherché, il s’était fait remettre, sous la menace d’armes lourdes,le contenu de la caisse. La course-poursuite avait pris fin dans le quar-tier de la Villeneuve. Les policiers de la brigade anticriminalité, quil’avaient touché à la tête, avaient invoqué la « légitime défense », uneversion contestée par les jeunes de la Villeneuve. C’est là que les inci-dents ont éclaté vendredi soir. Après une prière au mort récitée dans lasoirée par un imam, des petits groupes s’en sont pris à coups de battes àdes Abribus et à un tramway, et des gaz lacrymogènes ont été tirés. Vers2h 30, un homme manifestant au sein d’un groupe d’une quarantainede personnes a sorti une arme de poing et tiré en direction des forces del’ordre. Les policiers ont alors ouvert le feu afin de disperser la foule.Une trentaine de voitures ont été brûlées et un jeune a été arrêté dans lanuit, selon un bilan encore provisoire. – (AFP.) p

Sécurité L’agglomération grenobloise demandeplus de moyensLe braquage de casino qui a eu lieu à Grenoble, jeudi 15 juillet, est letroisième à se produire dans la région Rhône-Alpes et en Suisse voisi-ne depuis le mois de mars. Devant la recrudescence de violences dansla région, le député et maire PS de la ville, Michel Destot, réclame latenue d’un « Grenelle de la sécurité urbaine qui réunisse, aux côtés desministres compétents, les principaux élus et les préfets ». Le secrétairedépartemental du syndicat SGP-FO, Daniel Chomette, demande,quant à lui, des « effectifs supplémentaires » pour sécuriser l’agglomé-ration grenobloise, assurant que la police avait « atteint un seuil derupture ». – (AFP.) p

Conjoncture M.Longuet approuve le mot «rigueur»En déplacement au Japon, vendredi 16 juillet, François Fillon a créé lasurprise en employant le mot « rigueur », banni, quelques jours plustôt, par Nicolas Sarkozy. Le premier ministre a reçu peu après le soutienappuyé de Gérard Longuet. « Il y a des mots qu’il faut savoir utiliser pourrassurer les marchés et François Fillon a raison d’utiliser un mot qui ras-sure les marchés et qui ne change rien sur le contenu », a déclaré sur Euro-pe 1 le président du groupe UMP au Sénat. – (AFP.)

Page 10: Le Monde 18072010

S teve Jobs, le fondateur et PDGd’Apple, qui a interrompuses vacances à Hawaï pour

tenir une conférence de presse de90 minutes, a-t-il convaincu lesconsommateurs et les investis-seurs que l’iPhone 4, son derniertéléphone mobile « intelligent »(smartphone), critiqué pour desproblèmes de réception, était unbon produit digne de la marque àla pomme ? Il fallait une circons-tance exceptionnelle pour que lasociété de Cupertino (Californie)convoque quelques journalistessélectionnés afin d’évoquer pro-blèmes de l’iPhone 4.

Lundi 12 juillet, le journal deconsommateurs ConsumerReports (l’équivalent de Que choi-sir ? en France) a refusé de recom-mander le téléphone à ses lecteurs,en raison de problèmes de récep-tion dus à son antenne intégrée.

Les rumeurs d’un rappel massifont circulé, mais Steve Jobs a tentéde calmer le jeu avec une stratégiede communication double : selonlui, le problème a été « exagéré »,car « les téléphones mobiles ne sontpas parfaits, tous les téléphonesintelligents ont leurs points faibleset connaissent le même problème».

Vidéos à l’appui, il a montré quedes modèles de BlackBerry, HTC ouSamsung avaient des anomaliessimilaires. Pour l’emblématiquepatron d’Apple, « c’est l’ensemblede l’industrie» qui est concerné.

Apple ne nie pas les soucis deréception que connaît son dernier-né. Répondant à une question, Ste-ve Jobs a même «présenté ses excu-ses» aux clients concernés. Mais il aaussi minimisé ce défaut. Sur ladéfensive, il a tenu à préciser que,surles troismillions d’acheteurs del’iPhone4, jusqu’à présent seule-ment0,55%ontappeléleservice deconsommateurs, AppleCare, pourfairepart de leur mécontentement.

Letaux de communications per-dues par l’iPhone 4 serait seule-

ment 1% plus important que sur laversionprécédente.SteveJobsairo-nisé sur l’«AntennaGate» (le scan-dale de l’antenne), qu’il accuse leWeb et les médias d’encourager.

Nouvelle versionApple propose néanmoins des

solutions à ses consommateurs.Une nouvelle version du systèmed’exploitation du téléphone estdisponible depuis jeudi 15 juillet.Ellecorrige un bug qui laissait croi-re que le signal du réseau était plusfort qu’il ne l’était en réalité.

La firme à la pomme promet deréduire les problèmes de réceptionque rencontrent certains appareilssous la forme d’un «bumper», sor-te d’étui isolant l’antenne intégréeau cadre métallique, qui sera four-ni gratuitement ou remboursé si leclient l’a déjà acquis.

Le fameux bumper fabriqué parApple étant déjà en rupture destock dans bon nombre de maga-sins, Steve Jobs s’est engagé à rem-bourser les modèles d’autres mar-ques. Une initiative qui ne devraitcoûter que quelques cents au grou-

pe par appareil. Ceux qui préfèrentse débarrasser de l’iPhone 4 pour-ront se le faire rembourser dans lemois qui a suivi son achat. SteveJobs a indiqué qu’aux Etats-Unis,dans le réseau d’ATT, le taux deretour de l’appareil s’établissait à1,7%, contre 6% pour l’iPhone 3GS.

Difficile encore de mesurer lesrépercussions des problèmes deréception de l’iPhone4, et de l’im-pact de cette stratégie de commu-nication, sur l’image de marqued’Apple. Mais, vendredi à WallStreet, l’action continuait la chute

entamée depuis plusieurs séan-ces, perdant encore 0,62 % sous les250 dollars. Steve Jobs lui-même alaissé entendre que l’ajout d’unbumper n’était pas une solutiondéfinitive. Il ne sera rembourséque jusqu’à la fin septembre. A cemoment-là, Apple aura peut-êtretrouvé une « meilleure idée », amystérieusement lâché Steve Jobsau détour d’une phrase.

Quelques heures après cetteannonce, à la devanture de l’im-mense boutique Apple d’un centrecommercial de Los Angeles, on lit

toujours : « This Changes Every-thing.Again.iPhone4» («Cecichan-ge tout. A nouveau. L’iPhone 4»). Al’intérieur du magasin, aucun écri-teau ni annonce des problèmes del’iPhone4, le produit phare dont lestand est placé en évidence à l’en-trée. Deux vendeuses, reconnaissa-bles à leurs T-shirts bleus, font unedémonstration à un acheteurpotentiel, prennent mal qu’on leurdemande si la clientèle est infor-mée des problèmes de réceptiondu téléphone, préviennent un res-ponsable du magasin, assez tenduet qui propose de raccompagnercette journaliste à la porte…

Apple a peut-être trouvé l’étuiprotecteur qui améliore la récep-tion de son iPhone 4, mais a encorebesoindepeaufinersacommunica-tion. Ou de compter sur desconsommateurs indulgents, quiacceptent que même un téléphonene soit pas si «intelligent » que sonfabricant l’affirme, comme cetteCalifornienne interrogée, qui enrit: «J’ai uneamiequia uniPhone4,elle a des problèmes pour télépho-ner avec, mais elle trouve que l’objetest tellement… cool! »p

Claudine Mulard

(à Los Angeles) avec Joël Morio

O n a beau être en Allema-gne, l’austérité budgétairen’est pas toujours parole

d’Evangile, surtout quand il y vade la conservation des spécialitésdu terroir. L’Etat vient de déciderde reconduire une largesse qu’ilaccorde à ses agriculteurs depuis1918 : la possibilité de leur rache-ter leur production d’alcool. Cha-que année, 600 000 hectolitresde schnaps de fruits, de céréaleset de pomme de terre sont ainsiécoulés auprès de l’Etat, qui leurverse 80 millions d’euros.

Les fédérations allemandes debouilleurs de cru peuvent trin-quer à la santé des ministres del’agriculture de l’Union européen-ne. Réunis lundi 12 juillet àBruxelles, ils n’ont pas fait obsta-cle à la prolongation, une foisencore, du « monopole de l’eau-de-vie », qui permet à l’Allema-gne de subventionner le secteuren rachetant à perte tout leurstock de gnôle invendu. Si le Parle-ment et le Conseil doivent encorese prononcer sur ce dossier, lesspécialistes estiment que les pro-ducteurs pourront être soutenusjusqu’en 2013 pour l’alcool depomme de terre ou de céréales, etjusqu’en 2017 pour les liqueursde fruits.

«C’est une décision importantepour nous », explique JoachimWinkler, porte-parole du ministè-

re de l’agriculture du Land de Rhé-nanie-Palatinat, une des grandesrégions agricoles de l’Allemagnedu Sud, qui compte beaucoup depetits producteurs de schnaps defruits. Outre l’aide apportée auxpetites et moyennes exploita-tions agricoles familiales, la sub-vention permet la conservationdes prévergers, ces paysagesruraux caractéristiques de l’Alle-magne du Sud. « Les prévergers, cesont des prairies naturelles avecdes arbres hauts et espacés, qui nepeuvent être entretenus que si lesexploitants peuvent tirer un reve-nu des récoltes de fruits », préciseM. Winkler.

Filière non viableC’est donc l’amour des paysa-

ges et non du schnaps qui justifieaux yeux de l’Etat cette utilisationde l’argent public pour soutenirune filière économiquement nonviable. La gnôle n’est pas pourautant bue : elle est purifiée etrevendue – à perte – à l’industriecosmétique ou chimique. Un argu-ment qui ne calme pas la fédéra-tion des contribuables allemands,qui a vivement condamné lemaintien de la subvention. «Lesaides de ce type sont malvenuesau vu de la situation désolante descomptes publics », a tempêté Rei-ner Holznagel, président de lafédération. – (Intérim à Berlin)p

50millions de téléphonesvendus en trois ans

Janvier2007 Lancement dela première version de l’iPhone.

Juin2008Commercialisation dela deuxième version, qui permetde se connecter aux réseaux 3G.

Juin2009 L’iPhone 3GS disposed’une batterie plus performanteet d’un processeur plus rapide.

Juin2010Lancement de l’iPhone4,qui permet le démarrage simultanéde plusieurs programmes.

EnhausseLa tour EiffelLa fréquentation du monument payant le plusvisité au monde est repartie à la hausseau premier semestre (+ 3,2 %) avec 3,2 millionsde visiteurs, après une chute de 4,7 % en 2009.

En Allemagne, lesbouilleursdecru échappent à la rigueur

Apple faitun mea culpa timideà proposde l’iPhone 4Steve Jobs a reconnu les problèmes de réception du téléphone, qu’il entend résoudre en offrant un étui en plastique

EnbaisseLa NanoLe prix de l’auto la moins chère du monde,fabriquée par l’indien Tata, facturée à 123 000roupies (2 015 euros), va augmenter de 3 ou 4 %,à cause d’une hausse des coûts de production.

9 milliards dedollars (6,96milliards d’euros):c’est le montant dela commande passée par legouvernementcanadienau groupede défense

américainLockheed Martin pourl’achatde 65avionsdechasseF35. Lemontant ducontrat necomprend pasles coûts d’entretien.

A lors que les négociationssur le budget et les contoursdelafuture politique agrico-

le commune (PAC), qui sera miseen œuvre après 2013, s’annoncentrudes, le commissaire européen àl’agriculture, le Polonais DacianCiolos, fourbit ses armes. Lun-di 19 et mardi 20 juillet, il devait,lors d’une conférence à Bruxelles,livrer une synthèse de la consulta-tion publique lancée le 12 avril, surl’avenir de la PAC.

Pendant trois mois, l’opiniondes professionnels et du grandpublic a été recueillie au travers dequelque 5 700 contributions. Il enressort un consensus : seule unepolitique agricole commune – etnon une addition de politiquesnationales ou régionales – est àmême de permettre de relever lesdéfis de demain, à savoir garantirla sécurité alimentaire dansl’Union (en volume et en qualité),assurerlaprotectionou l’améliora-tion de l’environnement et préser-ver la vitalité des zones rurales.

Reste à définir les moyens derépondre à ces enjeux, et là les avisdivergent. C’est parmi les groupesde réflexion et instituts de recher-che que l’on trouve les plus fer-vents partisans d’une transforma-tion radicale de la PAC. Il s’agit derediriger les moyens vers les

régions et les exploitations respec-tant l’environnement, la sécuritédesaliments et lebien-être des ani-maux. Seules ces exigences, quipermettent aux agriculteurs euro-péens de bénéficier d’un avantageconcurrentiel au niveau mondial,justifient une certaine protectionaux frontières ou une politique de

subventions directes, dont les cri-tères d’éligibilité devraient êtreprofondément revus.

Les organisations agricoleselles-mêmes sont conscientesqu’il faudra accorder une plusgrande importance aux aspectsnon marchands, en écho auxattentes du grand public, favora-ble à une agriculture durable.Mais la plupart des agriculteursconsultés ne voient pas pourautant une nécessité impérieusede réformer de fond en comble laPAC et défendent son architectu-re actuelle. Ils sont favorables à

des mesures en faveur de l’envi-ronnement, de la qualité des pro-duits et du bien-être des ani-maux, mais restent attachés aumaintien d’un socle de paiementsdirects, considérés comme un sou-tien du revenu vital pour la com-pétitivité de l’agriculture euro-péenne. Ces paiements directsmériteraient néanmoins d’êtremieux répartis, admettent-ils.D’ailleurs tous les groupes decontributeurs s’accordent sur lefait que le régime actuel de répar-tition des aides est injuste, tant àl’intérieur des Etats membres qued’une exploitation à l’autre.

Autre enseignement de laconsultation, les mesures de sou-tien du marché (achat de produc-tion, subvention à l’exportation…)restent nécessaires. Elles sontconsidérées pour une grande par-tie des contributeurs comme desfilets de sécurité indispensablesen cas de crise. Pour certains, cesaides devraient couvrir non seule-ment les risques liés aux fluctua-tions extrêmes des prix, mais aus-si intégrer les aléas climatiques etnaturels.

Reste que, une fois ces objectifset principes posés, la question dubudget de la PAC n’a pas été abor-dée lors de la consultation, si cen’estdansquelques rarescontribu-

tions défendant au minimum sonmaintien au niveau actuel. Or lemontant de ce budget sera la ques-tion cruciale des négociations àvenir au sein de l’Union. D’autantque la dégradation des comptespublics des pays membres vapeser lourdement sur les orienta-tions qui seront prises. Or lesdépenses agricoles représentantencore 42 % du budget total del’Union européenne, les pays lesplus enclins à vouloir sacrifier laPAC – au premier rand desquels leRoyaume-Uni– verront dans lacri-se actuelle une opportunité pouraccélérer un processus de réformeradicale de la PAC.

Dacian Ciolos, qui présenteraen novembre les grandes lignesde la future PAC, le sait. Aussi,pour faire avancer ses argumentscontre un démantèlement de laPAC, le Commissaire européen nemanquera pas de s’appuyer surles attentes exprimées par l’opi-nion dans cette large consulta-tion. M. Ciolos a déjà reçu l’appuides eurodéputés qui, le 8 juillet, sesont prononcés pour un maintienà son niveau actuel du budgetalloué à la PAC, « au moins » jus-qu’en 2020. Pour après, on attenddes débuts de réponse à l’autom-ne. p

Laetitia Van Eeckhout

Laconsultationlancée par la Commission européennesurla PAC prône uneévolution, pas unerévolution5700 contributions recueillies dans la perspective de la réforme de la politique agricole commune

Economie

Steve Jobs s’est exprimé sur les défauts de l’iPhone4, vendredi 17 juillet, au siège social d’Apple à Cupertino (Californie). AP

Lesdépensesagricolesreprésententencore42 %dubudgettotaldel’Unioneuropéenne

10 0123Dimanche 18 - Lundi 19 juillet 2010

Page 11: Le Monde 18072010

MarionCotillard

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F leury-Michon, leader fran-çais de la charcuterie, a signéla semaine dernière avec le

ministère de la santé une chartepar laquelle il s’engage à réduirede 6 % à 10 % d’ici à 2012 la teneuren sel de ses produits (plats cuisi-nés, jambon, surimi).

Aumême moment,Herta (grou-pe Nestlé) concurrent direct deFleury Michon, vante sur lesécrans de télévision sa réductionvolontaire des teneurs en sel et engras de ses produits. Herta a signéune charte identique à celle deFleury-Michon début janvier.

Dix-neuf grandes entreprisesdont les produits font partie del’univers alimentaire des Français– Maggi (soupes), Davigel, Findus(surgelés), McCain (frites), Lesieur(huile, vinaigrette), P’tit Louis (fro-mage)… – sont à l’instar de Fleury-MichonouHerta «engagéesvolon-taires» pour réduire les teneurs ensel,graisses ou sucres, de leurs pro-duits. Toutes les études scientifi-ques pointent la « malbouffe »comme moteur de l’hypertension,du diabète et des maladies vascu-laires. Le seul excès de sel serait àl’origine de 25 000 décès prématu-rés par an.

Inscrites au cœur du Plan natio-nal nutrition santé (PNNS), ceschartes d’engagement nutrition-nel sont le fer de lance de l’actiongouvernementale pour une modi-fication en douceur – mais aussien profondeur – de l’offre alimen-taire des supermarchés.

Les Français consommaient en2002,« 9,5 grammes de sel par jour.Ils tendent vers les 8 grammes parjour en 2010 et le but est de tomberle plus rapidement possible à6 grammes par jour », expliqueMichel Chaulieu, responsable duPNNSau ministère de la santé. Unedémarche difficile. La Finlande,pays pilote en la matière, a misvingt ans à réduire sa consomma-tion de sel d’un quart.

Toutes les entreprises signatai-res d’une charte reconnaissentl’existence d’un lien puissantentre alimentation et santé. « Onsavait qu’un jour ou l’autre, onallait nous demander un effort »,explique Barbara Bidan, responsa-

ble nutrition de Fleury-Michon,« Alors, dès le début des années2000, nous avons commercialiséun jambon qui comportait 25% desel en moins. »

Pourquoi avoir attendu lami-2010 pour signer une charteavec le ministère de la santé ? Par-ce qu’expérimenter sur un pro-duit est une chose, et s’engager àune réduction sur toute la gammeen est une autre. Chez Herta, cetengagement global « représente74 % des ventes », explique Nestlé,qui en dix ans, affirme avoir chan-gé la recette de plus de 80% de sesproduits pour répondre aux nou-velles exigences nutritionnelles.

Investir en R &DCet engagement oblige à inves-

tir en R & D. Car la réduction de selrend la nourriture plus fade. « Encherchantdesproduitssalésderem-placement, on a développé uneexpertise sur les légumes (céleri), lesbouillons, les bouquets aromati-ques», dit Mme Bidan. Ainsi, il fallaitredonner du goût, sans additifschimiques de remplacement. Il fal-lait « respecter la demande duconsommateur pour des produitsplus naturels», explique Nestlé.

Les entreprises de l’agroalimen-taire ne se privent pas d’informerles consommateurs qu’eux aussivont devoir accomplir un effort.«50 % d’entre eux ont compris quel’excès de sel présente un risquenutritionnel», expliqueun respon-sable de la communication deNestlé. Et par conséquent accep-tent que les produits qu’ils achè-tent aient un goût différent.

Si l’on en croit les statistiquesd’Euromonitor international, lemarché français des produits àteneur en sel réduite représentait64,7 millions d’euros en 2009. Unmontantfaiblemaisqui aaugmen-té de 62,5 % entre 2004 et 2009. LaFrance semble même à la pointedu mouvementcar, selon Euromo-nitor toujours, la consommationeuropéenne (France comprise)pour ces produits à sel réduit étaitde 83,4 millions d’euros en 2009.

« Nous sommes un laboratoire.On vient de tous les coins dumondepour étudier la démarche françai-se », explique Jean-Luc Volatier,épidémiologiste à l’Anses (Agencede sécurité des aliments). Car si laméthode marche, nul doute qu’el-le sera dupliquée.

Une simulation effectuée sur

l’impact potentiel des quinze pre-mières chartes laisse présager unebaisse moyenne de la consomma-tion de sel de 1 %. Mais en réalité, ilfaudra attendre 2012, date butoirdu Plan nutrition santé, pourmesurer l’impact réel des chartes.Le ministère de la santé estconvaincu de leur effet d’entraîne-ment sur le secteur et que « laréduction qu’on met en évidenceaujourd’hui, entreprise par entre-prise, ne sera qu’une partie de laréduction globale». p

Yves Mamou

S oupçonnés d’avoir commisdes détournements defonds, le secrétaire du comi-

té d’entreprise (CE) de Disney-land Paris et un salarié de cetteinstitution représentative du per-sonnel vont être jugés par le tri-bunal correctionnel de Meaux(Seine-et-Marne).

Le parquet, qui vient de bou-cler son enquête préliminaireouverte en décembre 2009, préci-se que le procès est programmépour le 27 août. L’audience pour-rait toutefois être renvoyée à unedate ultérieure, notamment par-ce que l’un des avocats des préve-nus a indiqué qu’il ne serait pasen état de plaider au moment pré-vu, indique une source judiciaire.

Les deux hommes sont pour-suivis pour « abus de confiance etcomplicité d’abus de confiance »et pour avoir modifié des don-nées dans un système informati-que. Le secrétaire du CE, qui estmembre de la CGT, a été placésous contrôle judiciaire.

L’affaire a éclaté au grand jourfin octobre 2009, à la suite d’uneplainte contre X de Force ouvriè-re (FO), suivie, quelques semai-nes après, d’une autre plainteavec constitution de partie civiledéposée par ce même syndicat.

Les responsables de FO se sontappuyés sur le témoignage d’unancien salarié du CE selon lequelplusieurs dizaines de milliersd’euros auraient été détournésau détriment de l’institutionreprésentative du personnel.

Saisi en référé par la directionde Disneyland Paris, le tribunalde grande instance de Meaux aordonné, le 8 janvier, une experti-se des comptes du CE. Elle est tou-jours en cours.

La direction en retraitParallèlement, l’enquête a per-

mis d’établir, grâce aux aveuxd’undes deuxhommes misencau-se, qu’au moins 300 000 euross’étaient évaporés dans la naturesur la période 2007-2009, affirmeunesource proche du dossier. Tou-tefois, le secrétaire du CE « contesteavoir été l’instigateur et le bénéfi-ciaire de ce détournement », ajoutela même source.

« La direction ne pouvait pasignorer la situation », commenteGuy-Bruno M’Boé, secrétaire géné-ral de FO-Disneyland Paris. Le syn-dicalistene comprend pas que l’ac-tuel secrétaire du CE soit toujoursen fonctions. Il s’étonne aussi quel’entreprise ait accordé en 2009 auCE des subventions pour « bonne

gestion », alors que l’institutionreprésentative du personnel setrouvait dans une situation finan-cière « catastrophique».

La direction, elle, soulignedepuis le début du scandale que« le CE est une entité autonome ».« Nous n’avons pas le droit de nousimmiscer dans sa gestion »,confiait, début janvier, un porte-parole au Monde. Sollicité parl’AFP, Disneyland Paris a faitsavoir, le 9 juillet, qu’elle attendaitles conclusions de l’expertise« pour prendre d’éventuelles dispo-sitions».

Dans un tract diffusé il y a quel-ques jours, la CGT Disneyland s’in-digne que le parquet ait renvoyé lesecrétaire du CE devant le tribunalcorrectionnel sans attendre lesrésultats de l’expertise judiciairesur les comptes. Elle trouve égale-ment « singulier » que cette affairesoit déballée sur la place publiquequelques mois avant les électionsprofessionnellesau sein de l’entre-prise.

Pour Djamila Ouaz, de la CFDT,il est temps de mettre en place des« procédures » pour éviter de telles« dérives ». A l’avenir, ajoute-t-elle,« il faudra faire certifier les comp-tes du CE ».p

Bertrand Bissuel

Finance

L’eurodépasse1,30dollar pourlapremière fois depuisdeux moisL’euro a franchi, vendredi 16juillet, le seuil de 1,30 dollar pour la premiè-re fois depuis le 10 mai, grimpant jusqu’à 1,3007 dollar. Mais plusque d’une remontée de l’euro, les analystes préfèrent parler de faiblessedu billet vert. Au moment où la crise de la dette souveraine connaîtune accalmie en Europe, l’attention des investisseurs se déplace versles Etats-Unis où une série d’indicateurs décevants fait douter de lavigueur de la reprise. L’activité manufacturière semble fléchir et, selonune enquête de l’université de Michigan, le moral des consommateursaméricains est tombé début juillet à son plus bas niveau depuis onzemois. Mercredi, la Réserve fédérale américaine (Fed) a abaissé ses prévi-sions de croissance pour 2010.p Marie de Vergès

Caisse d’épargne espagnole : BBK reprend CajasurLa caisse d’épargne espagnole BBK, basée dans le Pays basque, a été choi-sie, vendredi 16 juillet, par la Banque d’Espagne pour reprendre lesactifs de la Cajasur. En grandes difficultés financières, Cajasur, jusqu’àprésent contrôlée par l’Eglise catholique, avait été placée sous tutelle dela Banque d’Espagne, le 22 mai. Celle-ci avait alors indiqué que Cajasurallait recevoir l’injection « d’au moins 523 millions d’euros » pour attein-dre le « minimum légal » en termes de solvabilité financière. – (AFP.)

Social Reprise d’activité à la raffinerie des FlandresPour se mettre en conformité avec la justice et éviter de payer de lour-des astreintes, la direction de Total a décidé de lancer, lundi 19juillet,des opérations de dégazage à la raffinerie des Flandres. Si les salariésy voient « une victoire » et « la première étape du redémarrage du site »,la direction de son côté souligne que « son objectif reste toujours la miseen œuvre du plan de reconversion du site décidé en juin ». – (AFP.)

Immobilier Feu vert pour deux projets à la DéfenseLe conseil d’administration de l’Etablissement public d’aménagementdu quartier d’affaires de la Défense (Epad) a approuvé, jeudi 15juillet,deux projets de tours. Il s’agit de gratte-ciel jumeaux de 323 mètresde haut, portés par le fonds russe Hermitage et le projet de tour Air 2,construite par Carlyle Group (220 mètres de haut). – (AFP.)

Automobile Projet de 4×4 électrique pour ToyotaLe constructeur automobile japonais Toyota et le petit spécialiste améri-cain des automobiles électriques Tesla ont annoncé, vendredi 16juillet,avoir formalisé un accord pour sortir en 2012 une version électriquedu tout-terrain RAV4 de Toyota. – (AFP.)

Jeux vidéo Electronic Arts sort du capital d’UbisoftLe groupe américain Electronic Arts (EA) a annoncé, vendredi 16juillet, lacession de sa part de 14,8% dans Ubisoft, dont il était l’actionnaire princi-pal, laissant au groupe français le champ libre pour la poursuite de sondéveloppement. EA veut se concentrer sur les contenus et les services enligne. Cette participation n’était plus stratégique mais financière. – (AFP.)

Economie

Dessalariés ducomité d’entreprisedeDisneyjugés pour détournement de fondsAu moins 300000 euros ont disparu entre2007 et 2009

Salines. ANDIA

L’agroalimentairese décide enfinà fairebaisser lateneur en sel des alimentsDix-neuf marques ont signé une charte d’engagement nutritionnel avec le ministère de la santé

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Page 12: Le Monde 18072010

En Louisiane,la montée des mers,les changementsdu monde extérieuret aujourd’huila marée noireprécipitent la findu monde cajun, quivit entre terre et eau,entre français etanglais depuis plusde deux siècles

Ce n’est que vu du ciel que l’ons’aperçoit à quel point le payscajun est condamné par lamontée des eaux. Les bayoussont en perdition, les bayouscoulent. La Louisiane du Sud

est « l’une des régions du monde les plusmenacées de disparition », dit l’écrivain etécologisteMikeTidwell,quiapasséunesai-son à parcourir le delta du Mississippi avecles pêcheurs cajuns.

De l’avion C-144 des gardes-côtes quiemmène tous les jours les journalistes sur-voler la marée noire, le paysage a un air deLouisiane au lendemain de Katrina. Unezoneinondée,àpertedevue,dontnesurna-gent que les toits. Il n’y a pas eu d’ouragan,du moins pas encore, la saison ne fait quecommencer. Mais le delta s’affaisse, inexo-rablement. C’est Katrina tous les jours, lanoyade généralisée.

Au sol, c’est autre chose. On ne s’aper-çoitpasquelaterren’estqu’unmorceaudedentelleaumilieudel’eau.Larouteestplai-sante. Une deux voies, comme on n’en voitplus en Amérique. On traverse et retraver-selebayou pardespetitsponts-levis.La cir-culation est paisible, comme le ruisseau.

Dansla languedes Indiens Choctaw, bayousignifie « cours d’eau léthargique, pares-seux ». Le GPS dit que la voiture est dansl’eau mais, puisque les deux pneus adhè-rent à l’asphalte, il doit se tromper.

Leeville est un hameau d’une trentainede familles, le long du bayou Lafourche, uncanalquiétaitilyalongtempslecoursprin-cipal du Mississippi. En 2009, un pontgigantesque a été inauguré pour assurer,encas d’urgence, l’évacuationdestouristesde Grand Isle et des travailleurs du pétrolede Port Fourchon. Il enjambe le village, àplus de 6m au-dessus des toits.

En ce début d’été, Leeville devrait êtreenvahi par les pêcheurs, sillonné par lesbateauxquivontàlacrevette.Lamaréenoi-re provoquée par la plate-forme Deepwa-ter Horizon de BP, qui a coulé le 22 avril, atout chamboulé. L’unique café a perdu90 % de ses clients et licencié cinq

employés. Les mobil-homes des touristessont vides comme les coquilles d’huîtresque l’on amasse pour faire rempart à lamontée des eaux.

Devant sa maison sur pilotis, PhyllisMelancon a empilé quelques cartons. Ellese prépare à quitter le village où elle résidedepuis un demi-siècle pour aller se réfu-gier chez son fils. Son mari est parti au«front», dans l’armée recrutée par BP pourluttercontrela maréenoire.Tim Melanconaurait préféré prendre son propre bateaumaisilfallaitêtrecapablederédigerdesfor-mulaires. Comme il ne sait ni lire ni écrire,il a été recruté comme petite main. Sonbateau, le Tee Tim, qu’il a construit lui-même l’année où Phyllis était enceinte, estamarré devant la maison. En pleine saisonde la pêche, les filets sont relevés.

Phyllis Melancon a 52ans et belle alluredans son short en jean. Elle parle un fran-çais où roulent les accents des campagneset le patois des villages, prononce son nomde famille « Melansson » comme s’il por-tait toujours sa cédille originelle. Elle dit« nous autres » pour les Cajuns, « le vieuxmonde»,pourson mariet lesquelquesvoi-sins qui parlent encore français. Elle dit« tiendre » pour tenir, « à ctt’heure » pourmaintenant. Et « chevrettes » pour crevet-tes, les crustacés qui accompagnent cha-que instant de l’existence des Cajuns etdont le delta les a comblés. Les « chevret-tes » se pêchent la nuit : « La lune les faitgrouiller. » Le monde moderne les trouveun peu trop riches en cholestérol, maisPhyllis n’est pas comme sa sœur qui habiteà la ville et qui s’est mise à cuisiner diététi-que. « Les chevrettes, c’est tout ce qu’on a. Etc’est gratuit. »

Phyllis a épousé Tim Melancon il y atrente-huit ans. Elle avait 14 ans et lui 16. Ilhabitait ici, elle, de l’autre côté du pont.« Son père l’a retiré de l’école à 13 ans pouraller à la trawl », dit-elle. La trawl, c’est lechalut, les filets qui, de chaque côté dubateau, remontent la pêche. Quand Tim, àson tour, a voulu retirer son fils de l’école,Phyllis s’est interposée. «Chez nous autres,le mari est le boss, dit-elle, mais là, j’ai mismon pied en bas. » Le petit Tim, qui levaittous les jours 130paniers de crabes depuisl’âgede12ans, a fini le lycéegrâce àsa mère.Il n’a pas tout à fait quitté le bayou : il tra-vaille dans l’ingénierie portuaire.

Lavieaeuseshautsetsesbas,ses«tragé-dies et ses ouragans» mais « on est toujoursrestés ensemble », dit Phyllis. La maisontient en trois pièces dépouillées. Elle a étéen partie détruite par Katrina, mais lesMelanconn’onttouchéque«quelquespias-tres» parce qu’elle n’était pas enregistrée.AprèsKatrina, ilyaeuGustavetIke;labais-secontinueducoursdelacrevette,sousl’ef-fet de la concurrence asiatique. « Depuis

2005,on n’a pas eu une chance pour se met-tre back sur pied », dit-elle dans sa languemélangée d’anglais.

L’hiver, Tim fait de la construction. Ilrepeint les bateaux. Phyllis s’emploie com-me aide ménagère à Golden Meadow, lebourg voisin. « L’argent ne nous manquepas ; on n’en a jamais eu », dit-elle. LesMelancon n’ont jamais pris l’avion. Unefois par an, ils vont au casino, à Biloxi, à200 km. « Les gens nous disent : revenez,vousêtestellementgentils !On neserendaitpas compte. On pensait que tout le mondeétait comme nous.»

Quand les nuages s’accumulent et quela lourdeur s’accuse, Phyllis n’a même pasbesoin de regarder le ciel pour savoir. Ellerentre dans la maison, s’assied sur le vieuxcanapé et surveille l’évolution de la tempê-te à la télé. En rouge, le danger, les tornadesquidéplacentlesbateauxdeplusieurskilo-mètres.Envert,«unepetitepluiequivapas-ser ». Phyllis a toujours eu peur des oura-gans et, même après un demi-siècle sur lebayou, elle continue à trembler. Elle se sou-vient de tous les noms: Betsy, en 1965 (ellea fait pleurer son père tellement elle hur-lait) ; Rita, en2005 (les cercueils ont échouédans les arbres).

L a sociologue Shirley Laska, de l’uni-versité de la Nouvelle-Orléans, aessayé de savoir pourquoi les gens

continuent à vivre dans des régions à ris-que.Réponse:«Ledéplacementgéographi-que est perçu comme un risque plus grandque de vivre constamment sous la menacede l’environnement. » Phyllis ne dit pasautre chose : « On ne sait pas ce qu’il y a del’autre côté. » Pour les Cajuns, l’idée dedépart réveille le traumatisme initial, leGrand Dérangement de 1755, l’expulsionde leurs ancêtres de l’Acadie, au Canada,par les Anglais.

Phyllis n’a jamais appris à nager :« Notre mère ne voulait pas qu’on s’appro-che de l’eau. » A l’époque, la terre dominaitencore. Dans les années 1920, on cultivaitle coton dans les bayous. Vingt ans plustard, on cueillait encore des oranges à Lee-ville. Aujourd’hui, l’eau est partout. Et elleest salée.

La Louisiane rétrécit à une allureeffrayante. Selon le Coastal Recovery Pro-ject, l’Etat perd l’équivalent d’un terrain defootball toutes les trente-huit minutes. Audébut du siècle, La Nouvelle-Orléans était à80km de l’Océan. La distance a diminué demoitié. Les habitants ont tous un témoi-gnage à livrer. Avant, on jouait au base-ballsur ce terrain. Maintenant, les enfants ynagent.

Le Mississippi a été mis en cage. Après lagrande crue de 1927, les ingénieurs dugénie civil ont construit des digues énor-

mes, certaines hautes de plus de 5 mètres.Effet positif : il n’y a plus eu d’inondations.Côté négatif : le fleuve a cessé d’apporterles alluvions qui compensaient la dispari-tion des marais sous l’effet des ouragans.

L’industriepétrolièreestégalementcou-pable. Contrairement à la Californie ou laFloride, la Louisiane ne s’est jamais donnéle luxe de refuser les forages. Le pétrole y aété découvert très tôt, trop tôt probable-ment pour s’en méfier. Sur les photos de1939, les derricks se serrent les uns contrelesautresdans la baiede Leeville. Au début,les pêcheurs accueillaient les pétroliers àbras ouverts : ils leur prêtaient leursbateaux pour qu’ils aillent explorer…

L’industrie a aménagé plus de10000km de voies d’eau pour faire passerbateaux et pipelines. Elle a élargi lescanaux. Pour ravitailler les plates-formesen eaux profondes, comme la DeepwaterHorizon, une flottille de plusieurs centai-nes de bateaux est maintenant installée àPort Fourchon. Selon les écologistes, letiers de la disparition des terres peut êtreattribué à l’industrie pétrolière.

Lamaréenoiren’afaitqu’ajouterausen-timent d’une culture en voie de dispari-tion. «Tous ces facteurs se conjuguent pourdétruire la culture française Cajun en Loui-siane », déplore Mike Tidwell, l’auteur deBayou Farewell (Vintage Books), un livrequi s’émouvait dès 2003 de la «mort tragi-que» de la côte cajun.

Depuis 1990, les acteurs locaux ont prisconscience du déroulé de la catastrophe.En 2005, après Katrina et Rita (562 km2

rayés de la carte), le grand public a comprisles conséquences de la disparition des bar-rières naturelles qui freinent les ouragansavant leur arrivée sur les terres habitées. Legouvernement local et le gouvernementfédéral ont promis d’accélérer les diffé-rents projets de reconstruction des marais.Mais les financements sont insuffisants.

Dans son discours à la nation, le 15 juin,Barack Obama a, lui aussi, promis un planambitieux de restauration du golfe duMexique. Cette fois, le financement seraitimposé à l’industrie pétrolière. « S’il fait ça,dit le démocrate James Carville, qui fulmi-nedepuisdessemainescontrel’indifféren-cedurestedupaysauxmalheursdelaLoui-siane, alors il entrera dans l’Histoire et ilaura la reconnaissance éternelle desCajuns.» En fermant la porte derrière elle,Phyllis Melancon a, elle, l’impression quequelque chose ne reviendra plus. « Notremode de vie est mort, dit-elle. Et on ne saitpas pour combien de temps.»p

PourlesCajuns,l’idéededépart réveilleletraumatisme initialde1755, l’expulsion de leursancêtresde l’Acadie,auCanada, par lesAnglais

Crépusculesurlebayou

HorizonsReportage

Inauguré en 2009, ce pont surélevépermet, en cas d’urgence,l’évacuation de la population deGrand Isle. DAN ZAK/GETTY IMAGES

Corine LesnesBayou Lafourche (Louisiane)Envoyée spéciale

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Page 13: Le Monde 18072010

S auf accident, à l’université d’été du Partisocialiste, du 27 au 29 août à La Rochelle,Martine Aubry et Ségolène Royal

devraient, dans la plus parfaite harmonie, separtager la vedette. Près de deux ans après lecongrès de Reims, en novembre 2008, où elless’étaient durement affrontées, les deux riva-les sont convaincues qu’une victoire socialis-te à l’élection présidentielle de 2012 est désor-mais possible, compte tenu de l’impopularitéde Nicolas Sarkozy.

A condition que le PS mette fin à la guerredes ego et affiche son unité autour d’un projetcrédible. Dominique Strauss-Kahn, obligé àune absolue réserve par son statut de direc-teur général du Fonds monétaire internatio-nal (FMI), ne sera pas à La Rochelle. Et si Fran-çois Hollande sera présent, il voit d’un mau-vais œil le « pacte » Aubry-« DSK »-Royal quisemble se dessiner au moins tacitement à sesdépens.La Rochelle donnera le coup d’envoi à labataille des primaires, prévue à l’automne2011, pour choisir le candidat socialiste en2012. Ouverte à « tous les citoyen (ne) s qui veu-lent la victoire de la gauche » et qui signerontune déclaration de principe en ce sens, ellesera probablement exclusivement socialiste.Daniel Cohn-Bendit était tenté d’y participermais les Verts s’y opposent. Les amis de Jean-Pierre Chevènement et les radicaux de gaucheboudent.

Mais si l’affiche des primaires fait l’objetd’une entente préalable, ratifiée par l’appareildu PS, entre Mme Aubry, Mme Royal et M.Strauss-Kahn afin qu’un seul se présente avec le sou-tien des deux autres, l’enjeu mobilisera-t-il lesélecteurs de gauche ? En dessous d’un millionde votants, on parlera d’un échec.

Au PS, les primaires suscitent un sentimentambivalent. Mme Aubry, qui s’était fait élire à latête du PS en non-présidentiable, était audépart réticente. Pour le fabiusien HenriWeber, c’est d’abord « une réponse à cettevolonté citoyenne de participation » qui offrede « grandes chances » mais aussi des risques.Le député européen pointe le « risque pour

notre parti de devenir le jouet du systèmemédiatico-sondagier, par exemple, un partibaromètre, reflétant passivement les mouve-ments de l’opinion publique, mais incapabled’agir sur elle pour l’infléchir et la transfor-mer ».

« Les primaires, c’est comme le RSA, expli-que un proche de la première secrétaire. LeRSA, c’était une bonne idée mais il a été mis enœuvre à contretemps compte tenu de la crise.Les primaires, c’était valable dans l’hypothèseoù on était sûr de perdre et où on pouvait s’of-frir le luxe de voir s’affronter plusieurs candi-dats. On n’est plus dans ce tempo. » Les « pri-maires populaires » seraient-elles devenuesinutiles ? A moins d’une soudaine accéléra-tion du calendrier – et de la crise politique –, lePS s’y prépare et plusieurs scénarios sont envi-sagés.Lepremierscénarioest celui d’une candidatu-re de Martine Aubry. Ayant imposé son autori-té à la tête du PS, reconnue comme chef de l’op-position, elle a marqué des points depuis lavictoire socialiste aux régionales et apparaîtde plus en plus comme une candidate naturel-le. La maire de Lille évite de se déclarer, allantjusqu’à dire, le 13 juin, que si « un autre estmieux placé », elle n’ira pas aux primaires.

Elle a ancré le PS à gauche au point que,selon un sondage Ifop-Paris Match, en juin,c’est elle qui incarne pour 64 % des Français« les idées et les valeurs de la gauche ». Maisdans ce sondage, seuls 27 % lui reconnaissent« l’étoffe d’un président de la République ».Depuis elle recentre son discours, évitant deredire qu’elle rétablira l’âge légal de départ à laretraite à 60 ans. « Nous savons, assure-t-elle,que nous travaillerons plus longtemps à causede l’allongement de l’espérance de vie. »

Si Mme Aubry se présente, elle est assurée den’avoir en face d’elle ni « DSK » ni Mme Royal.Elle devra affronter à coup sûr le quadraManuel Valls et peut-être un représentant dela sensibilité strauss-kahnienne – Pierre Mos-covici ou Gérard Collomb ? Et elle trouvera surson chemin M.Hollande à moins que, surmon-tant son animosité, elle lui propose un« deal ».

Le second scénario, la candidature deM. Strauss-Kahn, n’est imaginable que siMme Aubry échoue ou renonce. Selon l’IFOP, ila pour 68 % des Français l’étoffe d’un prési-dent mais seuls 33 % jugent qu’il incarne lagauche. S’il allait aux primaires, il seraitconfronté à un candidat de l’aile gauche. Mais,observe un dirigeant du PS, « il serait handica-pé dans un face-à-face avec Sarkozy qui nemanquerait pas de lui rappeler que depuis lacrise économique il n’aura cessé de suivre lespréconisations du FMI »…Le troisième scénario, une candidature deMme Royal, est le moins probable. Elle a affirméqu’elle ne s’opposerait ni à Mme Aubry ni à« DSK » mais aucun des deux ne lui a renvoyél’ascenseur en disant qu’il ne serait pas candi-dat contre elle. Selon un éléphant du PS, cettestratégie plonge Désirs d’avenir, son écurieprésidentielle, dans le désarroi. « Ses militants,explique-t-il, comprennent qu’elle rechercheun dispositif gagnant mais ils ont du mal à l’en-tendre dire qu’elle ne se présentera pas contreAubry, qu’elle accusait d’avoir été élue par lafraude. » Si Mme Royal n’a pas renoncé, elle saitqu’elle n’est pas aujourd’hui « en situation ».Elle préfère jouer « placée » que « gagnante ».

Résolu à « porter l’ambition » d’être prési-dent, comme il l’a déclaré le 7 juillet, M. Hollan-de sera candidat. Il ne se présentera pas contreM. Strauss-Kahn mais il ne croit pas au retourdu patron du FMI, dont il a adopté le discourssur la rigueur nécessaire compte tenu de l’en-dettement du pays. Sur ce registre, il se distin-gue de Mme Aubry et se rend incontournablepour la suite si jamais elle gagne l’Elysée. p

Courriel : [email protected]

Analyse

Michel NoblecourtEditorialiste

D ans son derniernuméro, elle nouséclaire sur les liens

entre le jansénisme et la bon-neterie parisienne auXVIIe siècle. Au printemps,elle nous apprenait que lestraités d’astronomie deKepler et de Huyghens peu-vent aussi se lire comme desœuvres littéraires. L’hiver der-nier, elle nous rappelait que la« science des urines » occupaituneplacecentraledanslaméde-cine médiévale. Cet éclectisme,qu’elle cultive aujourd’hui sousla houlette d’Antoine Lilti, maî-tre de conférences à l’Ecole nor-male supérieure et spécialistedu XVIIIe siècle, la revue Annalesl’a toujours revendiqué.

Dans le premier numéro, paruen 1929, les historiens Marc Blochet Lucien Febvre expliquaient queleur ambition était précisémentd’encourager les « échanges intel-lectuels»entreleurscollègues tour-nés vers l’analyse du passé et leschercheurs spécialisés dans « l’étu-de des sociétés et des économiescontemporaines ». Selon eux, lesAnnales devaient abolir les « cloi-sonnements » séparant ces « deuxclasses de travailleurs faites pour secomprendre et qui, à l’ordinaire, secôtoient sans se connaître».

De ce point de vue, l’ours du pre-miernuméroavaitvaleur demani-feste. Si l’histoire y était en posi-tion dominante, elle n’était paspour autant hégémonique : aucomité de rédaction, quatre histo-riens (Georges Espinas, Henri Hau-ser, Henri Pirenne et André Piga-niol) côtoyaient un géographe(Albert Demangeon), un sociolo-gue (Maurice Halbwachs), un éco-nomiste (Charles Rist) et un polito-logue (André Siegfried).

La pluridisciplinarité, cepen-dant, ne suffit pas à définir l’identi-té des Annales. En 1929, l’idée derapprocher les différentes scienceshumaines était dans l’air du

temps. C’est déjà dans cette pers-pective qu’Henri Berr avait fondé,en 1900, la Revue de synthèse histo-rique, dont Bloch et Febvre furentd’ailleurs des collaborateurs.

En réalité, la vraie spécificité desAnnales était ailleurs. Elle se trou-ve résumée dans le titre choisi parles fondateurs, Annales d’histoireéconomique et sociale, qui sonnecomme une attaque en règlecontre l’historiographie dominan-te en ce début de XXe siècle, celled’Ernest Lavisse et des maîtres del’école«méthodique», Charles-Vic-tor Langlois et Charles Seignobos.Une histoire jugée étriquée, natio-nale voire nationaliste, rivée surl’événement, centrée sur les ques-tions politiques et ignorante des«forces profondes».

Marc Bloch – qui sera assassinépar les nazis en juin1944 pour faitsdeRésistance–parlait d’une«espè-ce de petite révolution intellectuel-le ». Comme le suggère l’historienFrançois Dosse dans L’Histoire enmiettes (La Découverte, 1987), lesAnnales ne sont pas étrangères à ceque le politologue Jean Touchard aappelé « l’esprit des années 1930 »,caractérisé par le rejet du politiqueet un intérêt accru pour les problè-mes économiques et sociaux. Etl’on ne peut dissocier leur créationde celle d’autres revues qui témoi-gnèrent, chacune dans son domai-ne, d’une volonté de redessiner lescontours de la scène intellectuelle.Comme Plans, lancée par PhilippeLamour en 1931, Esprit, fondée parEmmanuel Mounier en 1932, ouL’Ordre nouveau, créée par RobertAron et Arnaud Dandieu en 1933.

C’est après la guerre que lesAnnales prendront leur envol. En1946,la revue devientAnnales.Eco-nomies. Sociétés. Civilisations. Ladisparition de la référence à l’his-toire ne doit pas tromper. La revue,en effet, est toujours dirigée par unhistorien, Fernand Braudel (quisuccède à Lucien Febvre, en 1947).Et les historiens, tels Pierre Chau-nu, Pierre Goubert, Maurice Lom-bardou CharlesMorazé,y sonttou-jours en position de force.

Dans les années 1950-1960, lesAnnales ne sont pas seulementune revue parmi d’autres. Bénéfi-ciant d’un fort appui institution-nel – celui de la VIe section de l’Eco-le pratique des hautes études, fon-dée par Febvre en 1947, dirigée parBraudel de 1956 à 1972, et devenuel’Ecole des hautes études en scien-ces sociales (EHESS) en 1975 –,l’« école des Annales » est alors àson apogée.

C’est l’époque où l’histoire senourrit de statistiques, établit descourbes et identifie des cycles. Oùles historiens, répondant aux défislancés par l’anthropologie structu-rale, ne jurent que par les « perma-nences» etla « longuedurée», com-me Braudel. Voire plaident pourune « histoire immobile », pourreprendre le titre de la leçon inau-gurale d’Emmanuel Le Roy Ladu-rie au Collège de France, en 1973.

Les années 1970 marquent unenouvelle étape dans l’évolutiondes Annales. Avec l’avènementd’une nouvelle génération, incar-née notamment par André Bur-guière, Marc Ferro, Jacques Le Goff,Emmanuel Le Roy Ladurie et Jac-ques Revel, l’histoire sociale reculeau profit de ce qu’on appelle alorsl’histoire des mentalités. De lafamille à la mort, de la peur à lafête, toute une série de nouveauxobjets entrent dorénavant dans leterritoire de l’historien.

Pour certains, toutefois, cetteévolution est inquiétante. Prochedes Annales et alors président del’EHESS, François Furet dénonce,en 1981, une « épistémologie del’émiettement». Cette crise d’iden-tité coïncide avec un retour en for-ce, dans la discipline historique, denotions disqualifiées par les Anna-les, comme le récit, l’événement,l’individu, le national ou le politi-que.Les Annalesréagiront enenga-geant, en 1988-1989, un « tournantcritique», caractérisé par une priseen compte des apports de la micro-histoire, de l’herméneutique, del’anthropologie culturelle ou de lasociologie pragmatique.

Rebaptisée, en 1994, Annales.Histoire, sciences sociales, la revuecontinue de défendre un tel éclec-tisme théorique. Ce qui la prému-nit, certes, contre le risque de sclé-rose. Mais la rend peut-être enmême temps moins immédiate-mentidentifiable àunprojet histo-riographique clairement défini.p

Thomas Wieder

Annales. Histoire, sciencessocialesDirecteur de la rédaction :Antoine Lilti328 p., 17 euros

David GrossmanEcrivain

6/30 La tentationdel’histoire totale

Les enjeux de labatailledes primaires socialistes

Au lieu de tergiversersur le nombre etl’identité des prison-niers du Hamas quiseront ou non libé-rés en échange de

Gilad Shalit – ils finiront bien parl’être un jour ou l’autre –, Israëlferait mieux de se tourner vers leHamas avec une proposition plusambitieuse: un protocole d’accordqui imposerait un cessez-le-feutotal, mettraitun terme auxactivi-tés terroristes de Gaza et lèverait lesiège. Le sort de Gilad Shalit et desprisonniers du Hamas ne serait iciqu’une clause parmi d’autres, des-tinée à être appliquée dès l’ouver-ture des négociations.

Dans le contexte que nous neconnaissons hélas !, que trop, unetelle idée peut sembler irréaliste.Mais l’est-elle vraiment autant ?Encadréspar des médiateursinter-nationaux, Israël et le Hamas nepourraient-ils atteindre ce genrede compromis, partiel mais néan-moins effectif ? Ne pourrait-onarguer que les négociations encours avec le Hamas « légitiment »déjà une organisation terroriste ?

Israël ne parviendra pas à obte-nir une paix durable avec leHamas dans un avenir proche, nimême peut-être lointain. Maispourquoi ne pas essayer d’accom-plir au moins ce qui est possible àl’heure actuelle ? Qui nous dit quele Hamas n’est pas assez mûr etmême souhaite un geste pour sor-tir de la camisole qu’il a nouéeautour de lui – et de son attitudebutée de refus ?

Il est désolant de voir Israël s’en-liser dans les mêmes schémas : lerefus de reconnaître l’Organisa-tion de libération de la Palestine(OLP) comme un interlocuteur,

l’évacuation des colonies duGoushKatif, en 2005, le retrait pré-cipité du Liban, et en 2010, enfin,l’affaire de la flottille qui l’a obligéà desserrer le blocus de Gaza. Pen-dant des années, Israël acampé surses positions et a joué des muscles,bien décidé à ne rien céder, jusqu’àce que la situation s’inverse dujour au lendemain. Quand le sol,ou plutôt la mer, se dérobe sousses pieds, Israël se trouve acculé àdes concessions bien plus impor-tantes que celles qu’auraient ame-nées des négociations.

Jusque dans la triste affaire deGilad Shalit, il semblerait que l’his-toire se répète. Mais cette fois-ci,alors que l’une et l’autre partiespiétinent et qu’aucune solution nese profile, peut-être aurons-nousle courage de lever nos œillères, denous dégager de notre carcan et deprendre enfin l’initiative (mottrop longtemps oublié !).

Le Hamas est un gouvernementde fanatiques, coutumier de prati-ques odieuses et inhumaines,même envers les Palestiniens.Mais cela justifie-t-il la paralysieisraélienne ? En fait, celle-ci relèved’un mécanisme dans lequel Israëlest contraint de céder du terrainsans rien recevoir en retour, com-me l’ont montré le désengage-ment du Goush Katif et l’affaire dela flottille. Dans cette situation cal-cifiée, personne ne bouge, person-ne ne se décide à enclencher unprocessus qui pourrait obliger leHamas à changer ses méthodes. A

terme, cela revient à nier notreliberté d’action.

Les arguments martelés aupublic israélien pour le convaincreque les négociations avec leHamas risquent de saper la posi-tiondesleaders palestiniensmodé-rés en Cisjordaniedoivent être réé-valués. Il se peut au contraire quedes négociations avec le Hamasamènent les représentants del’Autorité palestinienne à accélé-rerleprocessus depaix… Unedyna-mique de réconciliation vien-dra-t-elle apaiser les tensionsentre les deux partis palestiniensantagonistes, seule conditionpour qu’un accord de paix puisses’inscrire dans la durée, mêmeavec Mahmoud Abbas ?

Il n’est pas irréaliste de suppo-ser que le meilleur moyen de bri-der la puissance et l’influence duHamas à Gaza et de les ramenerprogressivement dans des limitesraisonnables consiste à promou-voir la paix, la prospérité et laconstruction de l’Etat pour lesPalestiniens de Cisjordanie. Si cer-tains partisans du Hamas à Gazafinissent eux aussi par avoirconfianceenl’avenir, le fondamen-talisme et le fanatisme religieux etnationaliste s’épuiseront. Même àsupposer le retour à Gaza de tousles prisonniers du Hamas, ceux-cine reprendraient pas forcémentleurs activités terroristes.

Cesontlàdes réflexionsavecles-quelles on peut être d’accord ounon, ou que l’on peut ignorer.Mais, au-delà de ces suggestionselles-mêmes, je voudrais insistersur le phénomène qui les suscite :le sentiment que, depuis plusieursannées, Israël se laisse gagner parune sorte de torpeur qui tend àl’apathie, au désarroi et même àune perte de l’instinct de survie.Voilàle véritabledanger qui mena-ce Israël, et qui est bien plus des-tructeur que le Hamas.

Il y a longtemps que le premierministre aurait dû rassembler lespièces du conflit pour essayer deredonner forme à tous ces débrisépars, aussi désespérants soient-ils. Pourquoi Israël, le pays le pluspuissant de la région, ne cher-che-t-il pas à se réapproprier sondestin et à prendre des initiatives,au lieu d’abandonner son aveniraux mains des autres ? Pourquoipolémiquer à n’en plus finir surdes détails ?

En fin de compte, la tendancedes dirigeants israéliens à trouverdes raisons et des excuses à leurinertie, leur incapacité à distin-guer les problèmes et dangersréels des problèmes et dangersimaginaires, conduisent Israël àopposer un « non » retentissant àla réalité et aux opportunités quipeuvent parfois se présenter. Or cerefusest au-dessusde nos moyens.Ne serait-ce qu’en termes de sur-vie. Qu’attendons-nous pour noussecouer et lever le siège que nousnous sommes imposé à nous-mêmes depuis si longtemps ?p

Traduit de l’anglaispar Myriam Dennehy

f Sur Lemonde.frretrouvez la version intégrale

Israëldoit seréapproprier son destin!Lerefus de négocier avecle Hamas est une erreur

Depuisplusieursannées, Israël

selaisse gagnerparune sortede torpeurquitend à l’apathie»

«Annales»défendunéclectismethéorique.Cequi la prémunitcontrela sclérose

Analyses&DébatsHorizons

La saga des revues

130123Dimanche 18 - Lundi 19 juillet 2010

Page 14: Le Monde 18072010

AvignonEnvoyée spéciale

U n ange blond passe. Il pro-mène sa longue silhouettedans les rues d’Avignon.

Jean près du corps, chemiseample et cheveux oxygénés. Uneversion arty de Gérard Depardieujeune dans Les Valseuses. Unaprès-midi, on l’aperçoit photo-graphiant une femme qui déam-bule nue, aux formes généreusessublimées par une peinturedorée. Un autre jour, il distribuedes tracts devant le Palais despapes pour annoncer son one-man-show dans le festival « off »,une variation sur Vénus & Adonis,poème de Shakespeare, au Théâ-tre de La Condition des soies. « J’aicassé ma tirelire pour faire ce spec-tacle. Etre à Avignon est un rêve »,explique-t-il.

Yves-Noël Genod, 37 ans, n’estpourtant pas un inconnu. Il y atrois ans, une de ses chorégra-phies était programmée dans le« in » d’Avignon. Ce comédien,performeur et metteur en scène atravaillé dans le passé avec lesmetteurs en scène Claude Régy etFrançois Tanguy. Avec le premier,il a appris à « lire des textes » et àfabriquer son théâtre « comme un

artisan ». Du second, il a retenucette façon unique de « faire de lalumière comme de l’or, en récupé-rant des vieux décors». Ses rencon-tres avec la performeuse MarlèneSaldana, la comédienne et chan-teuse Jeanne Balibar, le chanteurJonathan Capdevielle, sesréflexions qu’il consigne dansson blog (Ledispariteur.blogs-pot.com) nourrissent son travail,multiforme, inclassable et, pres-que toujours, autoproduit.

Yves-Noël Genod travaille avectrois fois rien. Les contraintes éco-nomiques, il les retourne pour entirer des effets scéniques saisis-sants. L’une de ses pièces les plusremarquées, Le Dispariteur, s’estjouée à la Ménagerie de verre, àParis, dans le noir total pendanttrente-cinq minutes, avant quedes bougies chauffe-plat, poséesen hauteur, donnent enfin unvisage aux artistes. Dans Hamlet,deuxième version, GuillaumeAllardi a laissé sa guitare dans lescoulisses, préférant laisser courirses mains sur un manche imagi-naire. « Yves-No » s’est construitun univers fantasque, poétique,un teatro povera qu’il résume decette formule : « Le rien, mais avecsplendeur. »

Cela vaut pour le spectateur,

qui bénéficie d’une « entrée gra-tuite » pour son spectacle dans le« off » d’Avignon. Il est mêmeaccueilli avec une coupe de cham-pagne, dans la salle de spectacletoute ronde, avec ses murs en pier-re et son atmosphère brute quirappellent le Théâtre des Bouffesdu Nord, à Paris. Pas de créationlumière, pas de décor. « Je me sersdes lieux comme décor. Cette scè-ne m’habille comme un vête-ment. » Pas de micro pour lire Sha-kespeare. « Cette salle est aussi uninstrument. Quand je me tourne

face au mur, ça amplifie mavoix. » Celle-ci est douce et un peutraînante, avec un brin d’accentqui lui donne un air d’étrangeté.

On est entraîné dans le récitd’un duel amoureux et vertigi-neux : Vénus, tombée folle amou-reuse d’Adonis, désespère d’obte-nir un baiser. « Nous sommes

dans les yeux l’un de l’autre. Pour-quoi ne pas être bouche sur bou-che ? (…) Ces violettes aux veinesbleues sur lesquelles nous sommesétendus ne bavarderont jamais, etne savent pas ce que nous vou-lons. » Tout l’intérêt de cette lectu-re réside dans les interruptionsque lui inflige le comédien. Sha-kespeare est coupé, commenté,détourné au gré de son inspira-tion. Des extraits de L’Art de lapoésie de Jorge Luis Borges, oud’un poème de Wallace Stevens,font écho à Vénus & Adonis. Maisaussi le cri nuptial d’un oiseau,qui jaillit de son ordinateur…Charmeur, les boutons de sonjean défaits, Yves-Noël Genod nelâche jamais de l’œil le public. Dedigressions en souvenirs person-nels, il lui raconte une autre his-toire. En quittant le théâtre, lesspectateurs remplissent le seau àchampagne de pièces et debillets. p

Clarisse Fabre

Yves-Noël Genod. Le Parc intérieur,variation sur Vénus &Adonis, le poè-me de Shakespeare. Théâtre de LaCondition des soies. 13, rue de la Croix,Avignon. Tél. : 04-32-74-16-49. Entréegratuite. Jusqu’au 31 juillet (relâche le21).

Entretien

P aolo Woods, 39 ans, est unphotographe déraciné. Né àLa Haye d’un père canadien

et d’une mère néerlandaise, issud’une famille de pasteurs, il a gran-di à Rome puis à Florence. Il vitaujourd’hui à Paris et parcourt lemonde. D’abord photographeconceptuel et galeriste, il devientphotographe de reportage en1999. Mais le photojournalisme nelui convient pas.

Il invente alors une autre façonde raconter la planète à traversquatre livres, dans lesquels sesphotosdialoguent avecdes enquê-tes du journaliste suisse SergeMichel. Le tandem vient depublier Marche sur mes yeux, por-trait de l’Iran actuel. Les photos dece livre sont exposées aux Rencon-tres d’Arles, jusqu’au 29 août.

Quand avez-vous pris conscien-ce que le photojournalisme nevous convenait pas?

Dès 1999, à Téhéran, alors quele président de l’Iran, MohammadKhatami, prône une politiqued’ouverture. J’étais nourri par desimages en noir et blanc que l’onvoyait dans la presse : des barbusenturbannés, la kalachnikov dansune main, le Coran dans l’autre.Mais ce que je voyais dans la rueétait différent. J’ai pensé à toutesces photos du sud de l’Italie quiinondent livres et journaux : desvielles dames en noir dans desruelles chaudes. Comme si rienn’avait changé depuis les années1950 ! Quelque chose n’allait pas.

A la guerre, je voyais aussi quela plupart des photojournalistescherchaient « la » photo qui allaits’ajouter aux clichés du genre.C’est à celui qui fait le ciel un peuplus sombre, le soldat un peu pluspenché… Moi, je voulais compren-dre, je posais plus de questionsque je ne déclenchais.Vous étiez seul à vous poser cesquestions?

Deux personnes m’ont aidé. En2000, à Florence, j’ai reçu une cla-que. Le photographe anglaisMartin Parr est intervenu dansune école photo où j’enseignais letirage. Il a dit aux étudiants : « N’al-lez pas en Yougoslavie, photogra-phiez le monde, à Florence ! » Etpuisses imagesde la classe moyen-ne, en couleur, tranchaient avec le

photojournalisme. Je les trouvaismoches mais la démarche m’exci-tait. Le journaliste Serge Michelm’a aussi incité à montrer ce queje voyais et non à reproduire desimages qui existent déjà.Quelles réponses en avez-voustirées?

D’abord qu’un photographe depresse privilégie des sujets photo-géniques –une guerre, un tremble-ment de terre, la faim en Afrique –et qu’il est presque obligé de tra-vaillerdans lespectaculaire, l’émo-tionnel, les oppositions caricatura-les. Parce que le public reconnaîtces images-là, qui semblent parlerpar elles-mêmes. Je voulais aucontraire représenter ce qui n’estpas connu mais important. Quelleque soit la qualité de mes images,il leur faut des mots pour en enri-chir le sens.

Il y a de l’arrogance à dire queles images parlent d’elles-mêmes.

La photographie est un langage,mais un langage pauvre, pares-seux, de surface. Elle a besoin dedécryptage si elle représente lemonde. Le résultat de cetteréflexion se trouve dans quatrelivres, que j’ai réalisés avec SergeMichel.

Un monde de brut (2003) racon-te la bataille mondiale pour lepétrole après le 11-Septembre.Nous avons enquêté sur les paysproducteurs, en partant deMidland, au Texas, la ville où Geor-ge Bush a grandi. Nous sommesallés dans douze pays (Afrique,Russie), pour finir à Tikrit, en Irak,chez Saddam Hussein, juste aprèssa chute. Nous avions une convic-tion: si le pays n’est pas une démo-cratie, trouver du pétrole est plusune malédiction qu’une chancepour les peuples. Mais cette idée, ilfaut la démontrer !Un long texte ne risque-t-il pas

de «polluer » les images?Je n’ai jamais eu peur des textes

sur mes photos. Pour mon pre-mier reportage, en 1999, j’avaisécrit des textes avec mes images.Publier un beau livre d’images quise vendra peut-être à 1 000 exem-plaires ne m’intéresse pas. AvecSerge, nous voulons toucher unlarge public. 12 000 exemplaires,en français, d’Un monde de brut.40 000 exemplaires pour China-frique (2007), sur la présence desChinois en Afrique, plus dix tra-ductions dont le chinois.Comment travaillez-vous avecSerge Michel?

Nous faisons tout ensemble :trouver le sujet, écrire le synopsis,établir les contacts, définir le bud-get, trouver de l’argent en ven-dant des parties de reportage à desmagazines, réaliser l’enquête, fai-re le livre et les expositions… J’as-siste aux entretiens avec Serge, il

assiste aux prises de vue et nousdiscutons des images.Comment avez-vous mené«Chinafrique»?

Les Chinois étaient quelquesmilliers dans les années 1990 enAfrique. Ils sont aujourd’hui750 000. Le commerce entre laChine et l’Afrique a été multipliépar 50 en vingt-cinq ans. Pour-tant les journaux nous deman-daient : « Il y a des Chinois en Afri-que ? » Nous avons été parmi lespremiers à creuser ce sujet. Avoiraccès à ces Chinois fut très diffici-le. Nos partis pris compliquaientun peu plus les choses. En Zam-bie, où nous avons enquêté unmois et demi pour quatre jours deprise de vue, nous nous deman-dions comment aborder la tren-taine de morts dans une mine decuivre détenue par un Chinois.Celui-ci ne respectait pas lesconditions de sécurité. Je ne vou-

lais pas photographier les blessés.Pour ce livre, je suis passé à la

couleur et j’ai abandonné l’esthéti-que du reportage. J’ai fait beau-coup de portraits, qui semblentmis en scène alors qu’ils ne le sontpas. Comme pour la couverturedu livre où on voit un Africain quiabrite un Chinois du soleil avec unparapluie. Je détourne l’esthéti-que de la propagande, de la photoofficielle ou même orientaliste.Votre livre sur l’Iran reprend cesprocédés?

Oui. On veut montrer l’Iran réelà côté de l’Iran fondamentaliste.Un Iran heureux, théâtral, où il y ade la joie. Un pays où les Iranienssont magnifiques dans l’apparen-ce et la souffrance. Où deux frèresvivent ensemble alors que l’un estfavorable au pouvoir et l’autre àMoussavi.Vous avez présenté à Arles uneprojection de photos de larépression après les dernièresélections prises par des Iraniensanonymes. Pourquoi?

Qui fait référence pour les ima-ges de l’Histoire ? Robert Capa. Quia pris les images modèles de laguerre en Irak ? Des soldats améri-cains dans la prison d’AbouGhraib. Des amateurs. C’est lamême chose pour l’Iran. Des ama-teurs ont réalisé des photos éton-nantes, militantes, relayées parInternet. Des deux côtés. Je penseà cette photo diffusée par le régi-me où l’on voit un opposant arrê-té, humilié parce que déguisé enfemme. Qu’ont fait des Iraniens ?Ils se sont déguisés en femmes etont diffusé leurs photos sur le Net.Mais tout cela, il faut l’expliquer.Que préparez-vous?

Je m’installe fin septembre àHaïti, pays de tous les clichés surla misère. Et cela bien avant letremblement de terre. Je veuxessayer de comprendre à quoi res-semble un pays qui fait faillite. p

Propos recueillis par

Michel Guerrin

«Paolo Woods : Walk on My Eyes (Mar-che sur mes yeux), portraits defamilles iraniennes», Rencontres de laphotographie d’Arles, salle Henri-Com-te. Tél. : 04-90-96-76-06. Jusqu’au19 septembre, de 10 heures à 19 heures.7 ¤. Livre « Marche sur mes yeux, por-trait de l’Iran aujourd’hui », de PaoloWoods et Serge Michel, Grasset, 368 p.,22 ¤.

Charmeur,lesboutonsdesonjean défaits,Yves-NoëlGenodnelâche jamaisdel’œil le public

Culture

Sanaz, 32 ans, est dentiste dans le quartier de Jalaliyé, à Téhéran. PAOLO WOODS

«Laphotoestunlangagepauvre,paresseux,desurface»Paolo Woods mélange texte et images. Après un livre, il présente à Arles une exposition sur l’Iran actuel

Le«Teatropovera»d’Yves-Noël GenodLe comédien trace sa route dans le «off» d’Avignon avec une formule: «Le rien avec splendeur»

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Page 15: Le Monde 18072010

AvignonEnvoyée spéciale

A vec Der Prozess (Le Procès),de Franz Kafka (1883-1924),Avignon découvre l’Alle-

mand Andreas Kriegenburg (46ans) et la troupe du Kammerspielede Munich, une des grandes scènesd’outre-Rhin. Mais il n’est pas sûrqu’ilretrouveKafka danscespecta-clehypnotique àcertains égards,etdécevant à d’autres. L’hypnosevient du décor, signé du metteuren scène : un œil immense, posécontre un mur à peine incliné. Lapartie correspondant à l’iris estconstituée d’un plateau tournantquipeut bougersur sonsocleet fai-re ainsi dévier l’axe de l’œil.

L’illusion d’optique, extraordi-nairement troublante, donne lesentiment de pénétrer dans unautre œil, celui du cyclone mentalqui s’abat sur la vie de Joseph K. lejour de ses 30 ans, quand lesemployés d’une organisation sansvisage viennent l’arrêter mais lelaissent en liberté, l’encourageantà ne renoncer ni à ses habitudes, nià son emploi de fondé de pouvoirdans une banque. Joseph K. n’acommis aucune faute, ou dumoins ignore-t-il cette faute : c’esttout l’enjeu du Procès, qui voit l’ac-cusé chercher un tribunal dont lesjugessont inaccessibles, etfinit parmourir des mains de bourreaux.

Andreas Kriegenburg démulti-plie Joseph K. en un chœur d’hom-mes (et de femmes travesties) quitous ont un visage très blanc, unregard souligné de noir, une petitemoustache, des cheveux gominésavec une raie sur le côté. Ils portentdes vêtements dans les mêmestons: costumes noirs sévères, che-mise blanche et cravate noire.L’adaptation du Procès leur incom-be.Elle s’estimposée aufildesrépé-titions et au gré des discussions. Dela même manière, aucun rôlen’était fixé au départ. MaisAndreas Kriegenburg voulait unemise en scène proche du cinéma

muet de Charlie Chaplin, BusterKeaton ou Harold Lloyd.

De ce côté, il n’y a rien à redire :les comédiens se glissent dans lescodes du cinéma muet et du jeuexpressionniste avec une maestriaet un esprit de troupe typique-ment allemands. C’est remarqua-ble, et enthousiasmant, au début.Puis, à trop tenir ce registre, un airde déjà-vu s’installe, et l’aspectbrillant de la mise en scène seretourne contre le propos : Le Pro-cès se déroule comme une machi-ne de théâtre pédagogique, où tou-te démarche de Joseph K. semble« surtitrée » par l’interprétation.On est plus proche du processus(l’autre traduction possible de DerProzess) que de l’esprit de Kafka.

Corps recroquevillésCe qui manque au spectacle

d’Andreas Kriegenburg, né dansl’ex-Allemagne de l’Est, menuisierdevenu metteur en scène après lachute du mur, en 1989, c’est l’an-goisse, la culpabilité et la honte,soit la trilogie kafkaïenne en quoichacun se reconnaît, d’une maniè-re ou d’une autre. En revanche,après une première partie quiauraitgagnéàêtrepluscourte, l’ap-prochedelacondamnationesttrai-tée d’une manière assez flam-boyante, avec les Joseph K. accro-chés dans l’iris de l’œil, leurs corpsrecroquevillés tournant commeles aiguilles d’une montre terriblequi annonce la fin : la mort d’unJoseph K. crucifié dans son incons-cient, la chemise blanche tachée desang. Mort et unique, cette fois. p

Brigitte Salino

Der Prozess (Le Procès), de FranzKafka. Mise en scène : AndreasKriegenburg. Avec Walter Hess, SylvanaKrappatsch, Lena Lauzemis, Oliver Malli-son, Bernd Moss, Annette Paulmann,Katharina Marie Schubert, EdmundTelgenkämper. Opéra-Théâtre. Same-di 17, à 21 h 30 et dimanche 18, à 15 heu-res. Tél. : 04-90-14-14-14. De 13 ¤ à 33¤.Durée : 3 heures. En allemand surtitré.

Le«Procès»oublieKafkaA Avignon,une mise en scènebrillantemaisinégale d’AndreasKriegenburg

LaRochelleEnvoyée spéciale

V endredi 16 juillet, les Fran-cofolies de la Rochelle pre-naient des allures de Fête

de la musique. En bordure de bas-sin, on trouvait de tout, du reggaed’inspiration jamaïquaine, du reg-gaeton comme à La Havane, durock, hard ou basique, des imitatri-ces de Björk ou de Linda Lemay. Leoff battant son plein, le in culti-vait l’étrangeté.

Comme celle qui consiste àouvrir la soirée de la grande scèneSaint-Jean d’Acre à 18 h 40 avecDominique A. Soit coller en pleinelumière un oiseau de nuit dont lesdenses sonorités s’accordentmoyennement avec l’arrivée descatamarans de l’école de voile. LeNantais entame Immortelle,ébloui par le soleil qui brille surles sièges de plastique rouge desgradins de face, vides.

L’esplanade Saint-Jean d’Acre(un parking de bord de mer entemps normal) est l’objet de tousles soins de l’équipe des Francofo-lies, menée par le producteuraudiovisuel Gérard Pont, et sesassociés Gérard Lacroix et Frédé-ric Charpail, un Rochelais d’adop-tion. Hérité du temps de Jean-Louis Foulquier – le créateur en1985 de ce festival dédié à la chan-son francophone –, ils ont, pourl’édition 2010, encore soigné l’ac-cueil du public, ajouté des logespour les professionnels, embellile restaurant des artistes, produi-sant un curieux effet d’optiqueoù l’artistique devient l’habillagedu bien-être.

Il est un fait que La Rochelle,par bon temps, est un rendez-vous d’été tout à fait vivifiant. Ain-si, les grains s’abattant le soir du14 juillet sur le vieux port ont eupour effet non point l’annulationdu feu d’artifice, mais son reportau lendemain, décalant la Fête àAlain Souchon vers le milieu de lanuit.

Dominique A produit de la

musique singulière, sans tubeidentifié, sans belle gueule appa-rente. Il est habillé en marron. Iln’est pas optimiste, mais sonépaisseur le hisse au premier plandes chanteurs de rock français.

130 concertsD’ailleurs, en ce temps de Fran-

cos 2010, ouvertes le 13 juillet,refermées le 17, rien n’incite àl’euphorie. La crise prend ici la for-me d’un creux dans les envies, per-ceptible dans les contre-allées oùles « Francofous » sont sages com-me des images. Même les itiné-rants à cheveux teints et bergersallemands, sempiternelle sourcede combat festival-préfecture,sont éparpillés, comme si l’utopiedu nihilisme avait sombré. LesDouanes et leurs chiens reni-fleurs en sont réduits à faires lessorties de gare – non sans succès.

On n’en conclura pas que lesorganisateurs avaient fumé la

moquette en faisant risquer lecoup de soleil à Dominique A,mais que oui, peut-être, en impo-sant Jeanne Cherhal au-delà deminuit au Gabut, une scène deplein air côtoyant des hangarsprès du bassin des Grands Yachtset réservée à ceux qui ne chantentpas en français (programme inti-tulé Not Ze Francos). C’est dans cetendroit que se présentait naguèrela scène hip-hop suivie par la filledu fondateur, Ambre Foulquier.Tout cuir qu’elle est devenuepour son nouveau récital, transpo-sition de l’album Charade (tout enfrançais), Cherhal mérite une sal-le et des décors, une certaine inti-mité.

Pas plus probante à Saint-Jeand’Acre, la combinaison Wax Tay-lor, de bonne volonté, CharlotteGainsbourg, perdue comme brin-dille dans un pyjama trop large, etPhoenix, groupe de rock (enanglais) qui bénéficie d’une sono-

rité très cinématographique,mais souffre en scène d’un charis-me ramené à son étiage. La veille,au Théâtre de la Coursive, la refor-mation très applaudie du groupefolk Malicorne autour de GabrielYacoub a prouvé que la valeurpeut augmenter avec le nombredes années.

Avec 130 concerts, 4,2 millionsd’euros de budget, un volet impor-tant consacré aux espoirs (La Fian-cée, Robin Leduc, Cascadeur, etc.),un passé d’anthologie (de Ferré àBashung avant sa mort), les Fran-cofolies n’ont pas de quoi rougir.Mais quel projet peut-on y discer-ner ? En coulisse, on discute.Gérard Davoust, jeune homme de73 ans, directeur des EditionsRaoul Breton avec Charles Azna-vour : « Il faut réhabiliter le termede variété, il est magnifique, il va àl’encontre de l’uniformité. Echap-pons-nous ! ». p

Véronique Mortaigne

Justice Prison ferme pourune bande de faussairesLe tribunal correctionnel de Cré-teil a condamné, vendredi16juillet, douze personnesimpliquées dans un vaste trafic defaux tableaux. Les prévenus, âgésde 32 à 76 ans, avaient comparudébut juillet pour « imitation designature ou signe de l’auteurd’une œuvre artistique pour trom-per l’acheteur», «escroquerie enbande organisée» et « faux et usa-ge de faux» (Le Monde du 9juillet).Pascal Robaglia, un galeriste pari-sien de 55 ans, reconnu comme lecerveau de ce trafic, a été condam-né à cinq ans de prison, dont lamoitié avec sursis, et 50000euros d’amende. L’artiste de la ban-de, Guy Ribes, 61 ans, qui réalisaitles fausses toiles de maîtres, a étécondamné à trois années d’empri-sonnement dont deux avec sursis.Ils avaient écoulé une centaine defausses toiles signées Picasso, Cha-gall et Léger. – (AFP.)

Des manuscrits de Kafkaexhumés en SuisseDes manuscrits et dessins de FranzKafka vont être exhumés, lundi19juillet, des coffres-forts de labanque suisse UBS, à Zurich, dansle cadre d’un litige judiciaire oppo-sant les héritières de ces manus-crits aux autorités israéliennes.Ces documents, que l’écrivain sou-haitait détruire, avaient été conser-vés par son ami Max Brod, émigréà Tel -Aviv, qui les a légués à sasecrétaire. En 1956, celle-ci les aentreposés dans le coffre de la ban-que suisse. Ses héritières souhai-tent aujourd’hui pouvoir en béné-ficier mais la Bibliothèque nationa-le d’Israël s’y oppose. Un inventai-re doit donc être dressé. – (AFP.)

Antibes Juan-les-PinsEnvoyé spécial

T roisième soirée de sa cin-quantième édition, le véné-rable festival d’Antibes Jazz

à Juan aligne deux poids lourds.Deux as du piano. Deux rythmi-ciens hors pair. Deux touchers.Deux harmonistes savants. Deuxleaders : Monty Alexander etChucho Valdes.

Monty Alexander et ChuchoValdes, cela n’a rien d’une révéla-tion, comptent parmi les plusbrillants pianistes de la planètejazz et dérivés. L’un, à cheval sur lecontretemps, le «shank»deses ori-gines, Monty Alexander. Il est néen Jamaïque. L’autre, fondateuravec Paquito D’Rivera d’une desformations historiques de Cuba,Irakere.

Monty Alexander se présenteavec son Harlem KingstonExpress. Chucho Valdes, avec unensemble typiquement cubain,incluant deux percussionnistes.Le batteur ressemble comme deuxgouttes de rhum à un Bill Clintonun peu nigaud qui s’émerveilleraitde ses propres soli. Il s’appelle JuanCastro, nom courant dans l’île.

Chucho Valdes nomme sonéquipe les Afro Cuban Messen-gers, à la manière des Jazz Messen-gers du batteur Art Blakey. Sonténor,Carlos Hernandez, attire l’at-tention. Le trompettiste et bugle,Alvarez, on en connaît une petitecentaine dans son genre, mais iljoue en puissance. A de certains

moments, les deux ensemble,ténoret bugle, ne valent pas les frè-res Belmondo (Stéphane et Lio-nel), autant que ces choses soientdites.

Mais la question n’est pas là. Lepointcommun entreces deuxphé-nomènes du clavier aux groupesflamboyants tient dans un détail.Tous deux, en leurs prestations, selivrent à un festival de citations.De Scriabine à Ravel en passantpar Monk et la java, tout y passe.Signal ? Cheville ? (comme on diten poétique de ces vers qui bou-

chent les trous rythmiques ou lespannes) ? Retour du refoulé desîles (« nous savons jouer du piano,s’il vous plaît, et connaissons nosclassiques ») ? Toujours est-il quetrop c’est trop, et trop, ce n’estjamais assez.

Enfin, bref, Chucho Valdesexcelle quand il ne s’éloigne pas del’âme de Cuba. Parce que si c’estpour nous servir de besogneuxfolklores, faut le clore, et du jazz-jazz, autant retourner à Art Blakey.

Quand les messagers jouentcubain, rien à dire. Itou pour Mon-ty Alexander qu’on révère depuis

cinq lustres et qui se met à avouerle reggae (on ne l’insultera pas enprétendant qu’il le « découvre »)sur l’andropause. Sa version deDjango, la plus belle compositiondu jazz moderne (John Lewis, dontla grand-mère était antillaise),avec son fantastique « pont » (le« bridge ») qui soudain danse unair de funérailles, est un bijou.Mais Django, même André Rieu leferait swinguer.

Alors quoi ? Un concert robora-tif raconte toujours une histoiredont il ne sait rien. En premièrepartiedecesdeux monstres,se pré-sentait pour la première fois enEurope le SpokFevro Orchestra,dix-sept modestes Brésiliensjouant comme des demi-dieuxsous la houlette de Inaldo Albu-querque, Mr Spok. Et là, tant pispour les vedettes et les idéesreçues, joie, joie, pleurs de joie(Blaise Pascal).

Déferlante d’idées. Charmesecret. Joie de vivre. Carnaval dubonheur.Mêmele rappel, trop sou-vent occasion de redite ou dedémagogie, fut un feu d’artifice.Avec un « stop chorus » en tutti, quireste comme un des plus beauxtémoignages de la fête de jouerensemble. Ah, cher Brésil… p

Francis Marmande

Festival Jazz à Juan : Dee Dee Bridgewa-ter, Melody Gardot (17) ; Avishai Cohen,Paco de Lucia (19), Joshua Redman,Roy Hardgrove (20), Keith Jarret Trio(21), Diana Krall (22).antibesjuanlespins.com

Valdes-Alexander: duelde pianistesLe Cubain et l’Américain, dans un jeu de citations, au 50e Jazz à Juan

Culture

LeSpokFevroOrchestra,dix-septmodestesBrésiliens jouantcommedesdemi-dieux

Lenouveau souffledu Negresco

Le 16juillet, Jeanne Cherhal aux Francofolies. FRANCIS VERNHET

Lebien-être et lebazar musicalfontle bonheur des FrancofoliesA LaRochelle, Dominik A sous le cagnard, Jeanne Cherhal en extérieur nuit

D atées de 1913, les cartes pos-tales du Negresco ont légè-rement jauni. Elles témoi-

gnent de la singulière aventurearchitecturale et humaine dupalace de la Promenade desAnglais qui fêtera son centenairedans trois ans.

Emblématique, le Negrescodont le dôme rose semble veillersur la cité niçoise, a rouvert sesportes le 1er juillet après six moisde travaux. D’un montant de dixmillions d’euros, ils ont permisde restaurer sa façade et son«salon royal», classés monu-ments historiques en 2003, et demoderniser chambres et cuisines.

Au cœur de la Belle Epoque, leprojet de construire « le plussomptueux des palaces » a germédans l’imagination d’un jeuneRoumain, Henri Negrescu. Maîtred’hôtel célèbre parmi la richissi-me clientèle des capitales euro-péennes, il en confia la réalisa-tion à un architecte talentueux,Edouard Niermans. Lequel choisitGustave Eiffel pour construirel’armature d’une des plus bellesverrières du monde.

Le 8 janvier 1913, le Negrescoouvrait, en présence de sept têtescouronnées et connut un vif suc-cès pour sa première saison.Durant la guerre 1914-1918, HenriNegrescu offrit son palace com-me hôpital temporaire. A la findu conflit, ruiné, il meurt en 1920.

Après de nombreuses annéesde léthargie, le rêve de Negrescu

trouve une deuxième vie grâce àune jeune Bretonne, aussi frêleque déterminée.

En 1957, la vie de Jeanne Mesna-ge bascule quand l’avocat niçoisMe Paul Augier l’épouse. Ellerachète le Negresco. A 87 ans, ellese souvient : « Je suis tombéeamoureuse de cette constructiond’Edouard Niermans, surnommél’Offenbach de l’architecture : c’estde la grande musique. »

Et depuis, elle n’a cessé demétamorphoser sa «maison » enhôtel-musée au patrimoine artis-tique exceptionnel. Elle a vouluen faire une vitrine de l’art fran-çais, l’enrichissant de nouvellespièces de collection. Un subtilmélange d’art contemporain etde tableaux des rois de France, demoquettes siglées et de lustresaux 16 800 cristaux.

A sa mort, Jeanne Augier, sansenfant, léguera le palace et tousses biens à un fonds de dotationdestiné à développer ce patrimoi-ne exceptionnel. Avec pour mis-sion de soutenir la lutte contre lesmaltraitances animales et d’aiderles personnes handicapées.

En attendant, Jeanne Augiertient fermement la barre etdéfend ses employés. Elle a refuséles nombreuses propositions derachat. La plus étonnante émanede Bill Gates! «Il m’a dit : je vousenvoie un chèque, vous fixez leprix. J’ai refusé. »p

Paul Barelli

(Nice, correspondant)

150123Dimanche 18 - Lundi 19 juillet 2010

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Au concert avec

A vant, l’été sur la Côte d’Azur,il y avait le ciel, le soleil et lamer. Du jazz aussi, beau-

coup, à Antibes-Juan-les-Pins,Nice, Porquerolles, Toulon, la Sey-ne-sur-Mer… Aujourd’hui, il y a del’électro à Cannes tout l’été. C’estrécent, la mairie y est pour beau-coup et le fait savoir. Elle a montéun festival consacré au genre, Pan-tiero en 2002, et soutient sansréserve Les Plages électroniques,créées en 2006. Deux manifesta-tions symboles du virage cultureltonitruant de la ville.

Tous les mardis soir jusqu’au17 août, Les Plages s’installent surla plage de Cannes. La plus célèbre,celle du Palais des festivals. Cinqfêtes éphémères y sont organiséesjusqu’à minuit, en plein centre-vil-le.L’endroit estexceptionneletpri-vilégié. Juste à côté, il y a le port deplaisance avec ses yachts rutilants,devant, les palaces illuminés, leurssuites à 5 000 euros, sur le côté, lamer à 25 ˚C.

Les Plages électroniques ontconnu une croissance éclair. « En2006, nous étions 400. La scène serésumait à deux structures et desplatines posées dessus, se souvientGaby de Villoutreys, la directriceartistique, cofondatrice avec BenGelietDavidBartolli, troispassion-nés d’électro depuis quinze ans. En2010, elle fait 20 mètres de haut,pour 10 000 personnes. »

Mardi 13juillet, ils se pressaient,bras en l’air, pieds dans l’eau sur lemix de Derrick May, une légendede la techno venue de Detroit(Etats-Unis). Aux Plages, les jeunesfillessonten bikinisous leursmini-shorts, les garçons en caleçon desurfeur, porté bas sur les hanches.La tongue est de rigueur, la jour-née de plage se prolonge, en musi-que. Un rêve d’adolescent.

Au départ, celui des trois amisétait tout simple, se rappelle GabydeVilloutreys: «Nousvoulionsren-dre festive cette plage mythiquecomme cela se fait sur d’autres pla-ges partout dans le monde, à Rio, àBrighton, à Barcelone. » Ils vou-laient aussi la rendre accessible àtous. Pour changer des discothè-ques du coin, « 35 euros minimum,et où tu ne rentres pas sans teschaussures en croco », plaisanteGaby de Villoutreys.

Ici la fête est à portée de l’argentde poche (8 euros). Il y a deslycéens, desétudiants, desquadras

qui écoutent cette musique depuisvingtans,heureux de voirles poin-tures du genre (Tiefschwartz, Nor-man Jay…) faire un crochet dans lesud de la France. « Il y a vingt ans, larégion était en pointe sur ces musi-ques, et puis tout s’est arrêté pen-dant dix ans », regrette Ben Geli, lecoordinateur.

Le projet a séduit David Lisnard,premier adjoint au maire (UMP),chargé de la culture. Il correspon-dait à sa volonté de développer desévénements« populairesetde qua-lité » dans la ville depuis son arri-vée en 2001. « On savait que la villeétait ouverte à ces musiques, expli-que Ben Geli. Sur la côte, ça n’a riend’évident. En nous soutenant, lamairie prend un vrai risque politi-que. »

Un risque, vraiment ? « A Can-nes, rappelle Ben Geli, l’oppositionc’est la droite de la droite. Les musi-ques électroniques suscitent des tasde fantasmes. On a même raconté

que des bateaux chargés de drogueaccostaientlaplagependantlessoi-rées.» Au conseil municipal, DavidLisnard fait bloc contre lesrumeurs. « S’il y a risque, il estailleurs, répond-il. 10 000 person-nes sur une plage, ça veut direautant à l’extérieur. Et de possibles

débordements. En la matière, lesorganisateurs sont irréprochables.Quand le jazz est apparu sur lacôte, il choquait bien du monde, ona tendance à l’oublier. »

La ville ne verse aucune subven-tion directe, question de principe

chezM.Lisnard,mais aide àla logis-tique, prête un lieu très convoité,« on me propose dix projets parjour sur cette plage ». Les Plagessont une association à but nonlucratif, avec un modèle économi-que surprenant. Le budget atteintcette année 650 000 euros, dont15% consacrés à l’artistique. Le res-te est consacré à la technique et à lasécurité. Les organisateurs se ver-sent un cachet le temps du festival,mais ne touchent pas aux bénéfi-ces de l’événement qui sont, à50 %, reversés à des associationscaritatives.

« En six ans, cela représente41000 euros»,se féliciteDavidBar-tolli, directeurcommercial des Pla-ges. Le reste finance deux autresfestivals : Les Pistes électroniques,à Isola 2000, près de Nice, et Marti-zik, à la Martinique.

L’argument caritatif n’attendritpas toujours les voisins. Les musi-ques électroniques, comme le

rock, font du bruit, plus que le jazzou la chanson. Alors la fête s’arrêteàminuit.« A 5 heures,ce serait inac-ceptable », admet David Lisnard.Montéesenquelquesheures, lascè-ne et les barrières sont démontéesdans la nuit, la plage passée au pei-gne fin pour éliminer les mégots etles gobelets en plastique. Mercredi14 juillet, au matin, les parasolsétaient alignés.

En 2009, les Plages ont réuni57 000 personnes en cinq soirées.Plusquele NiceJazzFestival, presti-gieux et vénérable voisin dont lafréquentation décline. Ville priséedes retraités, Cannes jouerait-ellelacarte de la jeunesse pour sediffé-rencier?«Etrevieuxn’estpas uncri-me, proteste David Lisnard, et sur-tout, ça n’empêche pas d’être trèsdifférent. Beaucoup de ces “vieux”sont ravis d’avoir à Cannes une ani-mation pour leurs petits-enfants. »

Reste à la pérenniser. Paradoxa-lement, le succèspopulairedes Pla-ges les fragilisent. « Avec une telleaffluence, notre modèle atteint seslimites, reconnaît Gaby de Villou-treys. Au bar, par exemple, nousdevrions prendre des profession-nels, mais notre budget ne le per-met pas. » Aucun des organisa-teurs ne vit de l’événement. Etreaccessible à tous est un défi hebdo-madaire: « Il faut vendre 9 200 tic-kets sur 10 000 places pour rentrerdans nos frais », explique DavidBartolli.

La mairie le sait. Exiger du« populaire de qualité » n’obli-ge-t-il pas à plus d’engagement desa part ? « Les Plages font un boulotextraordinaire, mais l’argent ducontribuable, ce n’est pas rien,répond David Lisnard. Ce projetm’a été présenté par une associa-tion sur le principe du bénévolat.Peut-être devraient-ils devenirentrepreneurs de spectacles, pour-quoi pas ? Je reste persuadé qu’enmatière de culture, le recours auxsubventions est une facilité danslaquelle les villes sont trop souventtombées. » p

Odile de Plas

Les Plages électroniques. A Cannes,chaque mardi. Les 20, 27 juillet, 3 et17 août. De 18 h 30 à minuit. 8 ¤ par soi-rée. Plages-electroniques.com

Michel Leeb

La fabrique de la cultureMichelLeebHumoriste

L’acteur et humoristeMichel Leeb,soixante ans, est aussi chanteur etféru de jazz depuis sa jeunesse. Sadécouverte de la musique classiqueest plus récente mais tout aussi inten-se. Il ira écouter deux de ses idoles,Martha Argerich et Michel Legrand,qui se produisent ensemble, le21 juillet, au nouveau Festival classi-que de Ramatuelle.

YMon père chantaitsous la douche, mamère fredonnait

en faisant le ménage et on ne selassait pas du Deuxième Concertode Tchaïkovski. C’est vous direque nous n‘étions pas unefamille de vrais musiciens. J’airegretté, mais trop tard, den’avoir pas poursuivi l’étude dupiano et du solfège : j’aurais ado-ré m’accompagner et composer !Mais j’ai pris d’autres chemins,que vous connaissez. Le jazz a étéune passion de jeunesse, proba-blement en réaction aux goûtsmusicaux de mes parents, et j’aiadoré faire ce disque avec leGrand Orchestre de Count Basie.J’ai été aussi très honoré de diri-ger un festival de jazz à Nice pen-dant quatre ans et de rencontrertous ces musiciens merveilleux…

«Comédie musicale»J’aurais tant aimé faire ce que

fait mon fils, qui, à 20ans, est élè-ve d’une école des arts de la scèneà New York, où il apprend à dan-ser, à chanter, à jouer la comédie,en vue de ces carrières multidisci-plinaires qu’on connaissaitnaguère en France mais qui ontdisparu et qu’on n’apprend sûre-ment pas en trois semaines à la« Star Ac » ! C’est pourquoi je meréjouis que le retour en France dela comédie musicale donne l’occa-sion à de jeunes artistes françaisde se former en ce sens. J’admireClaude-Michel Schönberg etMichel Legrand mais on manqueencore de jeunes auteurs de cettetrempe…

J’ai entendu un jour, à Avi-gnon, Cyril Diederich diriger l’Or-chestre régional de Cannes-Pro-vence - Alpes-Côte d’Azur. En for-me de blague, je lui ai dit quej’aimerais diriger son orchestre. Ilm’a pris au mot et cela a donnéun petit spectacle comique quim’a ravi. L’idée a fait son chemin,et je présenterai, à partir du22 septembre, au Palais desCongrès, à Paris, un spectacle oùje serai en face d’un vrai orches-tre philharmonique ! Cela s’appel-lera, tenez-vous bien, le Hilarmo-nic Show !

Plus sérieusement, j’ai décou-vert Martha Argerich grâce aulivre que lui a consacré OlivierBellamy, qui dirige le Festival clas-sique de Ramatuelle dans ce théâ-tre de verdure merveilleux où jeme suis souvent produit. Je suisdevenu fan du jour au lende-main. Je vous ai dit mon admira-tion pour Michel Legrand ; vousimaginez donc à quel point lesvoir réunis sur cette scène dansquelques jours m’enchante. » p

Propos recueillis par

Renaud Machart

Festival classique de Ramatuelle.Le 19 juillet, Wilhelmenia Fernandez ; le21, Martha Argerich et Michel Legrand.Tél. : 04-98-12-64-00. De 20 ¤ à 65 ¤.Festival-classique-ramatuelle.com

Mardi13 juillet,ilssepressaient, brasenl’air,pieds dansl’eausur lemixdeDerrick May,unelégendede la techno

Le site du festival Les Plages électroniques, sur la célèbre plage du Palais des festivals. DR

Unfestivalélectrodansunevillede«vieux»,l’audacieuxdéfiremportéparCannesLes Plages électroniques accueillent chaque mardi soir 10000 personnes sur la Croisette

LeNice Jazz Festivalvers unenouvelle configuration

CultureRendez-vous

DE MONACO À TOULON, la Côted’Azur – au sens large – est un ter-ritoire de musique en été. A l’Est,la principauté joue la carte duprestige (Mika, Jessye Norman, Ste-vie Wonder, Charles Aznavour,Julio Iglesias, Elton John, Lucio Dal-la, Roberto Alagna…) dans leconfort et la tenue correcte de lasalle des Etoilesdu Sporting, avecdes tarifs de 80 euros à 420 euros.A l’ouest, Jazz in Toulon propose,sur diverses places, en plein air eten entrée libre, un programmequi relève plus de l’animation – dequalité – que d’un propos artisti-que affirmé (Glenn Miller Orches-tra, David Sanchez avec Maracapour la virée afro-cubaine, unhommage à Ella Fitzgerald et Fly,pour la touche moderniste…).

De l’un à l’autre, Jazz à Antibes,Les Plages électroniques de Can-nes, les festivals de l’île de Porque-rolles (jazz et musiques du mon-de), de Hyères (électro pointue)ou de La Seyne-sur-Mer (un écrinpour le jazz). Et enfin Nice, qui enses jardins et arènes de Cimiez,accueille l’un des plus fameux fes-

tivals de jazz, créé en 1948. Soninstallation historique dans leshauteurs de la ville remonte à1974.

Mais le Nice Jazz Festival, pré-vu du 17 au 25 juillet, pourrait êtrele dernier sous sa forme actuelle.La délégation de service public(trois ans) arrivant à son termecette année, un appel d’offres aété lancé. La ville de Nice souhaiteune installation du festival en cen-tre-ville, en l’occurrence le Théâ-tre de verdure et le jardin Albert-Ier proches de la promenade desAnglais, et avertit qu’attentionsera portée à la tarification et quela programmation devra reposersur des « artistes de renom » dansle jazz mais aussi de « musiquesactuelles [S’EN]inspirant », avecouverture aux « jeunes talentsrégionaux ». Au quotidien Nice-Matin, le maire UMP et ministrede l’industrie, Christian Estrosi, aprécisé vouloir réduire la subven-tion de la ville.

S’agit-il d’une remise en ques-tion du festival tel que l’actueldélégataire Drouot Production le

propose depuis 2008 ? « Non,nous précise M. Estrosi. Je mets enœuvre l’un des points du program-me pour lequel j’ai été élu : fairerevenir le festival dans le centretouristique de Nice, à proximitédes transports, des restaurants,des hôtels et lui offrir un cadreplus important. » Soit 9 500 pla-ces, sur deux scènes, quandCimiez en accueille 5 500.

Cimiez n’est «pas idéal»Gérard Drouot n’est pas certain

que la quadrature du cercle – sub-ventions moindres, baisse du prixd’entrée mais volonté de toujoursattirer des grands noms – soit pos-sible. « La mairie, à ce que j’ai crucomprendre, veut réduire de moi-tié sa subvention, actuellement de1million d’euros. Selon les soirées,le prix d’entrée, de l’édition 2010,varie de 22 euros à 49 euros, avecchaque soir six formations. Cela neme semble pas prohibitif. En tantque producteur, j’ai amené ou faitrevenir à Nice Diana Krall, NorahJones, Georges Benson, Sonny Rol-lins, des artistes dont je suis

l’agent, Herbie Hancock, PatMetheny… autant d’artistes de “re-nom”. J’ai souhaité faire venir Ste-vie Wonder. Son cachet, c’est400000euros. Mon budget artisti-que pour cette édition est de800 000 euros. »

Cimiez n’est « pas idéal » admetle producteur. « Le jardin, avec sesoliviers, pose des problèmes de visi-bilité. » Mais les atouts du centre-ville ne lui sautent pas aux yeux.Cimiez, à l’écart, peut « faire dubruit». Qu’en sera-t-il en centre-ville sur une période de dix jours ?

Personne ne souhaite polémi-quer. M. Drouot ne pense pas pos-tuler à son renouvellement ;M.Estrosi indique qu’au 15 sep-tembre, fin de l’appel d’offres, ilsera toujours temps de voir si sonprojet est possible. « Je suis sûr etcertain que des grands organisa-teurs de spectacles y répondront »,dit-il. Et si personne ne pouvaitrépondre à cette nouvelle configu-ration? « On pourra toujours lemettre en régie », autrement dit secharger seul de la production. p

Sylvain Siclier

16 0123Dimanche 18 - Lundi 19 juillet 2010

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AvignonEnvoyée spéciale

I ls sont là avant tout le monde,s’échauffent tranquillement,discutent au passage avec les

copains, courent autour du pla-teau en se désaltérant. Ils sont« nature » et regardent le publics’installer sur les gradins de la courdu lycée Saint-Joseph, à Avignon,comme des amis. Est-ce déjà cettemise en condition directe maissans ostentation qui fait le charmedu spectacle de cirque ChoufOuchouf (« Regarde et regardeencore» en arabe) mis en scène parles Suisses Martin Zimmermannet Dimitri de Perrot pour le Groupeacrobatique de Tanger ? Certaine-ment et, lorsque l’attrait persiste,pourquoi ne pas céder à la douceurd’un spectacle simplement géné-reux.

Présenté dans la cour du lycéeSaint-Joseph, du 8 au 13 juillet auFestival d’Avignon, Chouf Ouchoufchange de cadre mais pas d’am-biance en débarquant, du 20 au23 juillet, au Palais-Royal, pour lefestival Paris quartier d’été. Mêmeeffet de plein air agréable, mêmeformat de salle et de rapport deproximité avec les spectateurs. Lesdouze acrobates (dix hommes etdeux femmes) du groupe tan-gérois créé en 2003 par Sanae ElKamouni ne risquent pas d’êtredépaysés. Encore moins de ne pasretrouver cette mystérieuse façonde rencontrer les spectateurs et dene pas les lâcher en route. Leur pra-tique d’animation dans la rue, surlaplageoudansleshôtelspourtou-ristes, leur a permis de cultiver cetinstinct de l’autre, et c’est tantmieux.

Le talent du Groupe acrobati-que de Tanger, s’il n’échappe pas à

la tendance démonstration de cir-que parfois presque gymnique,éclate dans les pyramides humai-nes, les architectures de corpsimbriqués les uns dans les autres.Ces constructions collectives,extrêmement rôdées, impliquentd’avoir un sens aigu du groupe etun esprit d’équipe sans faille. Cettefaçon de faire corps, de ne fairequ’un dans des jeux de poids etd’équilibres, donne sa cohésion àla troupe et concourt à transmet-trecet humanismequi faitdu bien.

Face à cette compagnie consti-tuée et dotée d’atouts bien précis,lapatte reconnaissabledeZimmer-mann et de Perrot, qui signent lamise en scène et le décor, s’est faitelégère, respectueuse, presque unpeu trop transparente. Experts enscénographies complexes etcontraignantes comme, par exem-ple, le plateau bancal d’Öper Öpis(2008) posé sur un pivot central etmobilecomme uneassiette chinoi-sesursonaxe,ouencorelemurgar-ni de niches et de tiroirs de Janei(2004), lesdeuxcomplicesont ima-giné une paroi composée de mor-ceaux amovibles. Et hop, les inter-prètes zigzaguent entre deuxblocs, grimpent sur les « toits »pour des acrobaties au bord dugouffre, jouent à cache-cache der-rière des parois volantes.

Les cartes postales de Tangerqui défilent au gré de ce manège de

mobilier donnent des nouvelles dela ville marocaine sans échappertoujours aux clichés : femme voi-lée, jeune fille qui hurle, hommesaccrochés aux murs comme despendules au-dessus du vide, fonc-tionnaire pesant et soupesant sonpouvoir… Une sensation de perte,d’absurditéanxiogène,même colo-rée d’humour, rôde dans les coinsde ces scènes quotidiennes irri-guées d’effluves musicales arabesou de chansons pop raï.

Le facteur humain suffit-il à fai-re grimper la cote d’un spectacle ?Parfois oui. Il y a quelque chose devital, de profondément joyeux etvivant, de modeste aussi, chez cha-cun de ces interprètes. Evidem-ment, on peut rester sur sa faim enmatière d’invention scénique etcircassienne. On rêverait que lesacrobates enjambent encoredavantage leurs savoir-faire pourse risquer hors de leurs repères.Mais peu importe, tant un flux dechaleur traverse le public et y restelongtemps.

Le Groupe acrobatique de Tan-ger est une très belle anomaliedans le paysage marocain et inter-national. C’est pour développerune technique acrobatique spécifi-que transmise grâce à des troupeset des familles de cirque mais sanshorizon artistique que Sanae ElKamouni, directrice de l’associa-tion Scènes du Maroc, a eu l’idée decréer cette compagnie.

Les artistes de la famille Ham-mich, acrobates depuis sept géné-rations, en constituent le noyaudur. C’est avec eux que le metteuren scène Aurélien Bory, invité parSanae El Kamouni, imagineraTaoub : la pièce créée en juin 2004dans les jardins de la Mendoubia àTanger, a additionné plus de360 représentations dans le mon-de entier dont un mois à guichetsfermés à Broadway. Pour sondeuxième spectacle, le Groupeacrobatique de Tanger risque fortde doubler ce succès. Sans y perdreaupassagecettevulnérabilitépudi-que, ce regard calme et grave quifont sa beauté. p

Rosita Boisseau

Chouf Ouchouf, de Martin Zimmer-mann et Dimitri de Perrot. Par le Groupeacrobatique de Tanger. Festival ParisQuartier d’été, au Palais-Royal, Paris 1er.Du 20 au 23 juillet, à 22 heures.Tél. : 01-44-94-98-00. De 8 ¤ à 18 ¤.Du 15 au 17 août, Kobenhavns Internatio-naleTeater, Copenhague (Danemark).Du 21 au 23 août. Helsinki (Finlande), Du27 au 31 août, Zürcher Theater Spektakl,Zurich (Suisse).

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CETTE SEMAINE VOUS AVEZ DÉCOUVERT

Lever de rideauDieterKaufmannSymphonie acousmatique.Lui comme elleTrès peu connu en France, l’Autri-chien Dieter Kaufmann (né en1941) est un compositeur de gran-de envergure, ainsi qu’en témoi-gnent les deux œuvres électroa-coustiques réunies ici. Truculen-te, ludique et virtuose, sa Sympho-nie acousmatique a un caractèrefluvial. Elle charrie des sons quiviennent de partout (instru-ments, voix, nature…) mais qui ne

partent pasdans tousles sens.Kaufmannmord dansla musiquecommeKagel,

embrasse les esthétiques commeBerio, et habite sa création com-me Stockhausen. Utile complé-ment de cette fresque galvanisan-te, Lui comme elle impressionnedans le registre cauchemardesqueoù se croisent deux écrivains(Robert Walser vu par Elfriede Jeli-nek).p Pierre Gervasoni

1 CD Motus/Acousma

LeeRitenour6 String TheoryL’autocollant qui figure sur le boî-tier plastique de 6 String Theorydu guitariste américain Lee Rite-nour, 52 ans, inquiète. «FeaturingGuests [avec en invités] : Slash,George Benson, B.B. King, TajMahal, Keb’Mo’, Vince Gill & manymore [et plein d’autres]. » Indivi-duellement, voici un beau pannelde spécialistes de la six cordes,allant du hard rock au blues, dujazz starifié au folk. Le tout, manymorecompris,semblantdangereu-

sementmener ledisque versun trucsans cohé-rence, abor-dant telle-ment de sty-

les que même le plus ouvert desauditeurs s’y perdra. Pourtant, celafonctionne, car, d’une part, LeeRitenour est à l’aise dans toutes sesapproches et que, d’autre part, il setient à l’écart de toute velléitédémonstrative, sa réserve ayantmême, globalement, un effet béné-fique sur ses invités. Chaque genreest abordé pour ce qu’il est, et l’in-vité brille juste assez pour la satis-faction de son ego. Haut niveaumusicien des accompagnateurs(les bassistes Harvey Mason et Jim-my Johnson, l’organiste Larry Gol-dings, le batteur Vinnie Colaiu-ta…).p Sylvain Siclier

1 CD Concord Records/Universal Music.

Macy GrayThe Sellout

C’était en1999, avecl’album OnHow Life Is,la révéla-tion de laraucitévocale et

l’émotion soul de la chanteuseMacy Gray. Onze ans plus tard,avec trois autres albums à son cré-dit (dont le décevant The Id), la voi-ci en belle forme avec The Sellout,jeu des pistes avec divers genres –pop ludique, rock à guitare, élec-trofunk, etc. – et une armada deproducteurs du hip-hop ou duR’n’B. Soit douze chansons, pourla plupart attentives à la clartémélodique (The Sellout, Lately,

Help Me, Let You Win, Real Love…)bénéficiant d’arrangementssobres – même lorsque des vio-lons ou des guitares héroïquessont convoqués. Le tout au serviced’une voix de plus en plus assu-rée, vibrante, dont l’ancrage dansle gospel et la soul fait souvent ladifférence.p S. Si.1 CD Concord Records/Universal Music.

MIAMayaLes couleurs de la pochette sontcriardes, la musique nerveuse, ledébit haché. Comme son époque,celle des téléphones portables,

desconnexionsInternet etdes jeuxvidéo. Miaest uneenfant dusampling

sonore, culturel (Tamoul, exiléeen Angleterre, elle habite LosAngeles). Son troisième album,Maya, creuse le sillon qui l’a lan-cée. Celui d’une électrofunk trèsinspirée du hip-hop (entre autrepar le DJ Diplo), d’un engagementpolitique pop, à la fois rebelle etglamour, un peu comme U2 à sonépoque. Sa musique est plus exci-tante, même si elle s’est assagie.Le temps et les mœurs évoluent àla vitesse de l’éclair aujourd’hui.On y sent plus qu’avant l’influen-ce de Missy Elliott à ses débuts, cet-te façon de s’inviter sans l’avoirété, cette envie de faire des tubesaussi. Si le premier extrait BornFree empruntait aux extrêmesélectro-punk de Suicide, le vrai sin-gle XXXO, prévu pour les radios,sort le vernis à ongle. Est-cecontradictoire ?p Odile de Plas

1 CD XL Recordings.

A sa création, en 1990, ParisQuartier d’été est venu ranimerun paysage festivalier qui, hor-mis début juillet, sommeillaitdans la capitale. Depuis, en parti-culier côté musiques populaires,les propositions sont devenuespléthoriques. Paris Quartierd’été maintient, dans ce bouillon-nement, une ligne artistique plu-ridisciplinaire, avec de la danse,du cirque, de la musique et duthéâtre. Débuté le 14juillet avecle Ballet du Grand Théâtre deGenève, au Palais-Royal, le festi-val s’achève le 15août. Au pro-gramme: du flamenco (PastoraGalvan, Rocio Molina, etc.), les

vingt-cinq ans du Zingaro de Bar-tabas, la troupe Acrobat à la Citéinternationale, une belle affichede jazz français aux Arènes deMontmartre, les musiques dumonde (klezmer, Mali, tangoargentin, etc.) dans des parcs etjardins, la reprise, au Montfort,après son succès à l’Odéon, deLa Dame de chez Maxim, de Fey-deau, mis en scène par Jean-François Sivadier, et au mêmeendroit, l’épopée Baïbars, lemamelouk qui devint sultan, parMarcel Bozonnet. Programmecomplet, lieux et tarifs (de nom-breux spectacles sont en entréelibre) sur Quartierdete.com.

Lachaleur contagieusedespyramides humainesAprès Avignon, «Chouf Ouchouf», des Suisses Zimmerman et dePerrotet du Groupe acrobatique de Tanger, débarque au Palais-Royal, à Paris

Ily aquelquechosedevital,deprofondémentjoyeuxetvivant, demodesteaussi,chezchacundecesinterprètes

Sélection CD

Rendez-vousCulture

Une ligne artistique pluridisciplinaire

Le spectacle «Chouf Ouchouf», présenté le 7 juillet, à Avignon. PIERRE GROSBOIS

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Education

L ’erreur a mauvaise réputa-tion. Qui n’éprouve un senti-ment de gêne, d’échec, voire

de honte ou de culpabilité, quandil commet une erreur ? En classe,c’est encore mal vu. Les camara-des, mais aussi les enseignants,peuvent avoir la dent dure pourcelui ou celle qui a levé la mainpour fournir une réponse erronée.

Pourtant, prendre le risque dese tromper peut permettre demieux trouver : tel est, en subs-tance, le message de « Détrompez-vous ! Un festival d’erreurs », évé-nement créé à l’initiative de l’as-sociation Paris Montagne, quidoit se tenir à l’Ecole normalesupérieure de la rue d’Ulm àParis, du 21 au 24 juillet.

Créé en 2006 à la suite desémeutes des banlieues, ce regrou-pement d’étudiants et de cher-cheurs des institutions de la mon-tagne Sainte-Geneviève (la Sor-bonne, le Collège de France, l’an-cienne Ecole polytechnique, l’Eco-le normale supérieure…) a pourobjectif d’éveiller les passions etla curiosité pour la science et larecherche, principalement endirection des publics défavorisés.

Le temple du savoir qui réhabi-lite l’erreur, cherchez l’intrus ! Cefestival d’un genre particuliers’adresse aux jeunes Franciliensde 6 à 12 ans. Il se décline en ate-liers ludiques qui invitent à setromper dans des expériences« contre-intuitives », à se perdredans des illusions d’optique, àremettre en question le bon sens.

Les études sur les performan-ces scolaires réalisées par l’Orga-nisation de coopération et dedéveloppement économiques(OCDE) montrent en effet que lesélèves français sont parmi lesplus anxieux et les plus timorés àrépondre aux questions ouvertesdes tests, de peur probablementde se tromper. Les notations res-tent trop radicales et prennentrarement en compte la pertinen-ce d’un raisonnement, mais seu-lement le résultat.

Pourtant, le progrès, scientifi-que notamment, est indissociabledel’erreuret deson expérience. « Siles gens ont peur de se tromper, ilsferont des choses banales et, quand

vous êtes dans la recherche, c’estgrave, considère GirolamoRamun-ni, professeur d’histoire des scien-ces et techniques au Conservatoirenational des arts et métiers(CNAM), à Paris, et membre ducomitéscientifiquedufestival.L’er-reur, c’est un peu comme lesenfants bâtards qu’on cache. Toutle monde sait qu’il y en a. De même,les scientifiques se trompent tousles jours et se corrigent, maisn’osent pas l’avouer.»

Des découvertes essentiellessont souvent le fruit de raisonne-ments fondés sur une hypothèsejugée totalement farfelue auxyeuxdesautres,voiresurunemala-dresse.«Ilenvaainsideladécouver-te de la pénicilline ou des vaccins »,rappelle Michel Morange, profes-seur de biologie à l’Ecole normalesupérieure et lui aussi membre ducomité scientifique du festival.

Ainsi, la pénicilline a été décou-verte par le docteur AlexanderFleming grâce à une contamina-tion accidentelle de culture debactéries, des staphylocoques,

par un champignon microscopi-que, le Penicillium notatum, utili-sé dans un laboratoire voisin.Avant de jeter ses cultures conta-minées, Fleming a eu la curiositéde les observer et a constaté queles staphylocoques ne se dévelop-

paient pas à proximité du cham-pignon…

Le premiervaccin de laboratoireserait dû lui aussi à une bévue.Louis Pasteur, qui travaillait, en1879, sur le choléra des poulesavait, par erreur, inoculé de vieilles

cultures de germes oubliées quin’étaient plus virulentes. Consta-tant leur inefficacité à déclencherla maladie, il aurait rectifié en ino-culant, cette fois-ci, des culturesfraîches et virulentes. Surprise, lesgallinacés étaient protégés!

« L’idée n’est pas de dire que leserreurs sont bonnes en soi, maisqu’en les traquant et les interpré-tant, on progresse », poursuitMichel Morange.

« Quelqu’un qui se contente-rait de ne croire qu’à des chosesdont on a vérifié l’exactitude, etdonc à ne pas faire d’hypothèses,ne peut pas faire de recherche,explique Etienne Klein, physi-cien au Commissariat à l’énergieatomique (CEA). La vérité scienti-fique – si l’on peut parler en ces ter-mes – n’est pas immédiatementaccessible. Elle ne se donne paspar l’observation, ni non plus parla culture livresque. Il faut allerchercher ces lois impossibles quine se manifestent pas à nous. Ilfaut tâtonner, faire des hypothè-ses qui vont se révéler fausses, etl’erreur fait intrinsèquement par-tie de cette recherche. »

L’objectif de l’erreur, c’estd’éveiller l’esprit critique, dequestionner l’évidence. Girola-mo Ramunni déplore que, dansles écoles, on ne donne jamais deproblème qui n’ait pas de solu-tion. « Or ce qu’on fait dans la vie,c’est se rendre compte qu’unequestion n’a pas de solution, toutsimplement parce que c’est unefausse question », dit-il.

Il est arrivé à cet enseignant dedonner à ses étudiants en écoled’ingénieurs un problème dontl’énoncé était faux. « Je me délec-tais de la manière dont tout lemonde trouvait des résultats, sesouvient M. Ramunni. Mais celademandait un immense travailde correction, car ensuite je leurexpliquais comment, à quelmoment, il aurait fallu remettreen cause l’énoncé. » Dans tout pro-cessus d’apprentissage, c’est bienen remettant en cause desconceptions fausses que l’on par-vient à progresser. p

Martine Laronche

«Détrompez-vous ! Un festivald’erreurs» Festival de sciences jeunepublic. Animations, expos, spectacles,rencontres. Du 21 au 24 juillet. Ecole nor-male supérieure (ENS), 45, rue d’Ulm.75005 Paris. Entrée gratuite.Paris-montagne.org

Desdécouvertesessentiellessontsouvent lefruitderaisonnementsfondéssurunehypothèsejugéefarfelue

Trompez-vous, l’erreur faitprogresser!L’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm organise un festival sur l’erreur, du 21 au 24juillet, à Paris

De moins en moinsd’étudiants en sciences

Letriomphe dela laqueTable basse ornée d’une tête de mort façon Bollywood,petites boîtes à secret comme vernissées, chaises ou che-vets aux décors irrévérencieux… tous ces objets plein d’hu-mour et de couleurs combinent design contemporain ettradition millénaire de la laque asiatique. Chaque pièce,fort coûteuse (de 15 000 à 20 000 euros la table basse),nécessite de deux à six mois de fabrication.Elle est d’abord entoilée, puis recouverte de sept couchesde laque avant d’être poncée à la main après séchage. Lesdécors sont réalisés avec des incrustations de nacre, defeuilles d’or ou d’argent, d’os, de galuchat ou de coquillesd’œufs. L’idée de ces créations uniques est celle d’une tou-te jeune maison, née en 2009 sous le nom simple maisbien choisi de Laq. Elle réunit des savoir-faire rares, dustuc à la mosaïque de Ravenne, en passant, bien sûr, par lalaque. Laq sera l’invitée du très branché magasin parisienColette, en novembre. p Véronique Lorelle (PHOTOS DR)www.laqsters.com

&Vous

Lors du festival «Détrompez-vous!», des ateliers ludiques inviteront les enfant à se perdredans des illusions d’optique pour faire l’expérience de l’erreur. PHILIPPE LOPPARELLI/TENDANCE FLOUE

Hormis les cursus de médecine,le poids des filières scientifi-ques diminue depuis 2000.On comptait 524868 étudiantsà cette date, contre 516740 en2008. Les universités contri-buent le plus à cette érosionavec 27000 étudiants de moinsentre2000 et 2008, soit unebaisse de 10,2%. Les sciencesfondamentales sont les plus tou-chées par cette baisse.

Les Français de l’été 1940Revivez, soixante-dix ans après, cette période terrible

à travers le regard des Français.

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Du lundi 19 au samedi 31 juillet

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MendeEnvoyés spéciaux

S chleck-Contador, acte 2. Lemaillot jaune luxembour-geois de l’équipe Saxo Bank a

passé une sale journée, « une trèsmauvaise », reconnaît l’intéressé.Une douzième étape, 210,5 kmentre Bourg-de-Péage (Drôme) etMende (Lozère), vendredi 16 juillet,à oublier. Impossible pour AndySchleck de rejouer son numéro desoliste comme lors de son ascen-sion victorieuse d’Avoriaz, le11juillet.SurlacôtedelaCroix-Neu-ve, il n’a pas pu creuser son avancede 41'' sur son « frère ennemi ». L’Es-pagnol, lui, a pris une petite revan-che. A 2,3 km de l’arrivée, il planteAndy pour s’envoler vers le finish.« Il flanchait un peu », raconteContador. L’attaque lui rapporte10''. Alberto est désormais à 31''d’Andy, qui ne s’inquiète pas.

Mais ce n’est pas le double vain-queur du Tour (2007 et 2009) quiremporte l’étape. Dans une ascen-sion, un Espagnol peut en cacherun autre. Joaquin Oliver Rodri-guez (Katusha), 31 ans, a grillé lapolitesse à son compatriote sur laligne. Avec sa nouvelle équipe rus-se, Rodriguez obtient un statut deleader bien que participant pour lapremière fois au Tour. Troisièmedu championnat du monde 2009,deuxième de la Flèche wallonneen 2010, le petit Catalan, qui arbo-reun pendentif del’équipe de foot-ball du Barça sur le cadre de sonvélo, n’a jamais réussi à fairemieux qu’une sixième place dansun grand rendez-vous, commelors de la Vuelta 2008. Huitième à4’58 de Schleck, le plat de résistan-ce des Pyrénées pourrait confir-mer son bel état de forme.

Le finish lozérien est à l’imagedu Tour. Sur les dix premiers auclassement individuel, quatresont espagnols. Derrière l’intou-chable Contador, Samuel Sanchez,32 ans, est un surprenant troisiè-me, à moins de trois minutes dumaillot jaune. Pur produit del’équipe Euskaltel, championolympique sur route en 2008, iltraîne derrière lui une réputationde spécialiste des courses d’unjour, justifiée par des places d’hon-

neur sur les classiques ardennai-ses. Mais attention: l’homme n’estpas qu’un puncheur. Sanchez saitaussi encaisser, et a terminé deuxfois sur le podium du Tour d’Espa-gne (3e en 2007, 2e en 2009).

La cuvée « Roja » 2010 contientun ingrédient supplémentaire.Grâce à sa participation à l’échap-pée victorieuse à Saint-Jean-de-Maurienne, le 13 juillet, Luis-LeonSanchez, 26 ans, squatte la neuviè-me place du classement. Mais lecoureur de la Caisse d’épargne, quicompte l’édition 2009 de Paris-Nice à son palmarès, est encore unpeu juste en altitude.

Parmi les 32 coureurs ibères(sur les 198 du peloton) à avoir prisle grand départ du Tour à Rotter-dam – dans trois équipes espagno-les sur vingt-deux –, une nouvellegénération commence à briller.Dans la catégorie espoirs, RafaelValls Ferri (Footon-Servetto),23 ans, tient la corde avec unedeuxième place, le 10 juillet auxRousses, derrière l’éphémèremaillot jaune, le Français SylvainChavanel (Quick Step).

Docteurs miracleCette année, le Tour ne s’arrête

pas chez son voisin comme en2009, mais les quatre étapes pyré-néennes mobiliseront beaucoupd’Espagnols sur le bord des routes.Sur des cols qu’elle connaît parfai-tement, l’armada espagnole vacommencer à fourbir ses armes. Lesoutienpopulaire s’annonce extra-vagant, notamment pour SamuelSanchez qui devrait bénéficier desencouragements des nombreuxsupporteurs basques, tous vêtusd’orange, les couleurs de la forma-tion Euskaltel.

Ce tir groupé devrait prouverque le Royaume est bien la grandenation qui fait parler du vélo. Pourses prestigieux vainqueurs de laGrande Boucle – de Federico Baha-montes (1959), à Miguel Indurain(de 1991 à 1995) en passant par LuisOcaña (1973) et Pedro Delgado(1988)–maisaussipour ses scanda-lesdiligentés parde sulfureux doc-teurs miracle.

Le 31 mai, le Tribunal arbitral dusport (TAS) a suspendu l’anciennuméro un mondial, l’espagnol

Alejandro Valverde (Caisse d’épar-gne) pour deux années. Le coureurétait impliqué dans l’affaire Puer-to, qui avait révélé un réseau dedopage sanguin, démantelé en2006. La Fédération royale espa-gnole de cyclisme (RFEC) avait tou-jours refusé de le sanctionner.Dans l’opération Puerto, le doc-teurEufemiano Fuentes aété accu-sé d’avoir tissé un vaste réseaudont auraient bénéficié plus de50 coureurs, dont l’Allemand Jan

Ulrich, vainqueur du Tour 1997, etl’Espagnol Joseba Beloki, l’éterneldauphin d’Armstrong.

Ily apeu, la RFEC adécidéde sus-pendre pour deux ans et d’infligerune amende de 46 958 euros àAntonio Colom, un ancien d’Asta-na, après avoir été contrôlé positifà l’érythropoïétine (EPO) en 2009.Lors du Tour 2008, Moises Due-nas, positif lui aussi à l’EPO, avaitégalement parlé d’un médecincomme approvisionneur : Jesus

Losa, un ancien d’Euskaltel. Qua-tre ans auparavant, le repentiDavid Millar – qui court aujour-d’hui pour Garmin – l’avait déjàmis en cause dans l’affaire Cofi-dis… En juin 2009, le double vain-queur du Tour de France, le Fran-çais Laurent Fignon, avait laissésous-entendre que la légende ducyclisme espagnole, Miguel Indu-rain, roulait, lui aussi, à l’EPO. p

Anthony Hernandez

et Mustapha Kessous

21 étapes chronoJacques Bauert

Le maillot jaune Andy Schleck, au premier plan, discute avec Alberto Contador. BAS CZERWINSKI/AP

LesEspagnols en tête des pronosticsQuatre coureurs ibériques figurent parmi les dix premiers du classement général

AthlétismeUsain Bolt, le sprinteur sansmaîtreAu meeting d’Areva, le duel entre le Jamaïquain et Christophe Lemaitre, récent recordman de France, n’a pas eu lieu

P rocès-verbal n˚13. Affaire :Tour de France. Objet : audi-tion de Portoleau Frédéric.

Profession: ingénieur en dévelop-pement de logiciels embarqués.Etat civil : né le 28 septembre 1967à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).Question : C’est bien vous «Fredla Science »? Vos travaux viennentd’être remarqués par la revue NewScientist. Depuis trente ans, aucu-ne vidéo des cols franchis par lescoureurs ne manque à vos études.Elles portent sur les temps de mon-tées et les performances : lesfameux «watts » qui détectent ledopage de manière indirecte. Avez-vous des références sur la montée«Jalabert » – quatre fois n˚1 mon-dial – que les coureurs ont avaléevendredi à Mende ?Réponse : Plein ! Mes mesuressont faites sur 3,1 km, une portionà 10,26% de pente moyenne, dubas du carrefour au début de laroute du Causse de Mende à laligne du Grand Prix de la monta-gne. C’est une côte explosive defin d’étape – avec normalementde la fatigue – suffisamment lon-gue pour être très significative. Lerecord est détenu depuis 1995 parle duo Pantani-Indurain en 8’40’’,soit une puissance de 545 wattsramenée à un coureur étalon de70 kg ! Effarant. En 2005, le qua-tuor Armstrong, Basso, Ullrich,Vinokourov a fait aussi très fort :9’33”. Autre indication, c’est danscette bosse que l’on a repéréContador avant même qu’il negagne son premier Tour. Sur Paris-Nice, en mars2007, il s’était per-mis, en début de saison, une vic-toire en 9’40”. Je me suis dit :« Merde ! Encore un avion ». Il sur-passait un Rebbelin en pleinebourre (9’ 42”) qui préparait alorsles classiques à fond. On sait com-ment il a fini celui-là : positif à l’E-PO après avoir été n˚ 1 mondial.Question : J’ai effectivement ludes coupures de presse transmi-ses par mes collègues italiens desNAS sur ce cas d’école. Rebellin adû rendre sa médaille de vice-champion olympique qu’il avaitacquise en 2008 derrière Sanchez,l’actuel 3e du Tour. Des journalis-tes affirmaient que ses prouessesne pouvaient être dues au dopagecar il croyait beaucoup en Dieu.Mais cette année, qu’avez-vous vusur la montée « Jaja » ?Réponse : Rebelote sur Paris-Niceavec Contador vainqueur en9’40’’, toujours devant le n˚ 1 mon-dial Valverde (9’44’’), qui a été sus-pendu pour dopage avant le Tour,et le champion olympique San-chez (9’54’’). Les professionnels àtendance « humaine » sont mesu-rés, eux, en 10’25’’.Question : Oui, mais hier ?Réponse : Dix de der! Meilleureascension pour Contador, en9’32’’! 490 watts étalon ! Mieuxqu’Armstrong dans ses plus bellesannées! Et le maillot jauneSchleck, en 9’42’’, améliore sonmeilleur temps de 2007 d’uneminute ! Rien n’a changé devant.Contador va finir n˚1 mondial. Lapoisse pour lui.Rodez, le 17 juillet, lecture faite parlui-même, le nommé PortoleauFrédéric persiste et signe. Find’audition. p

Toute ressemblance avec des person-nes existantes ou ayant existé n’est pasfortuite.

TourdeFranceSport

UnavionàMende

Classement

58 h 42’ 01”1 Andy Schleck(Saxo Bank)

à 31”2 Alberto Contador(Astana)

3 Samuel Sanchez(Euskaltel-Euskadi)

à 02’ 45”

Joaquin Rodriguez Oliver (Katusha)VAINQUEUR DE LA 12E ÉTAPE

CLASSEMENT GÉNÉRAL

SOURCE : ASO

km 24 31,5 72 125 188,5 1964 4 3 2 3

Catégorie du col

Aveyron Tarn Haute Garonne

Côte de Mergals637 m Côte de Bégon

698 mCôte d’Ambialet

474 mCôte de Puylaurens

368 mCôte de

St-Ferréol397 m

Rodez 583 m Revel 262 m

Samedi 17 juillet 13e étape

km 51,5 102 155,5 184,5H 1

Port de Pailhères2 001 m

Campagne-sur-Aude255 m

Mirepoix300 m

Catégorie du col

AudeHaute-Garonne

Ariège Aude Ariège

Revel 220 m Ax-3 Domaines 1 372 m

Dimanche 18 juillet 14e étape

L e duel Bolt-Lemaitre n’a paseu lieu. C’est devenu unehabitude pour l’homme le

plus rapide de la planète. Aprèsune prestation de DJ remarquée, àLausanne le 8 juillet, Usain Bolt a,de nouveau, fait chauffer les plati-nes jeudi 15 juillet devant l’Hôtelde Ville de Paris, à la veille du mee-ting Areva au Stade de France. Cemode de préparation du sprinterjamaïquain a prouvé son efficaci-té. Usain Bolt est invaincu sur100 mètres et 200 mètres depuis…deux ans. Le dernier à l’avoir défaitest son compatriote Asafa Powell(9’’72 sur le 100 mètres) à Lausan-ne le 22 juillet 2008.

Le duel a été reconstitué ce ven-dredi 16 juillet sur la « piste auxétoiles » du Stade de France. Pours’assurer d’une telle rencontre, lesorganisateurs ont dû dépenser250 000 dollars (environ

196 000 euros) pour convaincreUsain Bolt de courir à Paris, déjàprésent en 2009. La facture avaittoutefois été moins salée :200000 dollars (154 000 euros).

Une somme totalement justi-fiée pour Laurent Boquillet, res-ponsable du meeting de ParisSaint-Denis : « De toute façon, c’estle tarif pour Bolt. Et ce n’est pas hor-riblement cher par rapport àd’autres athlètes ou aux joueurs del’équipede France defoot parexem-ple. Et puis, rien que sur son nom,Bolt amène 8000 à 10000 person-nes de plus dans le stade. »

Présenté au public une heure etdemie avant la course par DenisBrogniard – dans le rôle du speakerde luxe –, Usain Bolt a été ovation-né par la foule, surclassant à l’ap-plaudimètre le nouveau record-man de France (9’’98 le 9 juillet àValence)Christophe Lemaitre, pre-

mier Blanc à descendre sous la bar-re symbolique des dix secondes.Vêtu d’un pull noir, faisant le pitreavec la caméra, le champion olym-pique du 100 mètres de Pékin s’estmontré détendu. A l’inverse deChristophe Lemaitre, accoutréd’unsurvêtement et semblantinti-midé devant tant d’audience.

Obligations médiatiquesBien entouré au couloir 5 entre

Asafa Powell (2e en 9''91) et UsainBolt (vainqueur en 9''84), aprèsune demande de son entraîneurPierre Carraz, Christophe Lemai-tre a déçu. La faute notamment àun départmoyen (5etempsde réac-tion sur huit). Une 5e place en10’’09n’est pasun simauvais chro-no, mais, depuis son record deValence, les attentes s’étaient fai-tes fortes pour le petit surdoué dusprint français.

« En réalisant moins de 10 secon-des, il est entré dans la cour desgrands. Je vais maintenant garderun œil sur lui, le surveiller de plusprès», a assuré Usain Bolt. Accapa-ré par des obligations médiati-ques durant la semaine, le mee-ting n’a pas été facile à préparerpour Christophe Lemaitre. « A20 ans, je dois désormais gérer lapression exercée par les médias etassumer mon nouveau statut entermes de sponsoring », confiaitl’Annécien au Monde.fr, vendredi16 juillet.

Pour autant, Christophe Lemai-tre se montre satisfait de sa perfor-mance. « C’est une bonne expérien-ce. J’en manque au niveau mon-dial. Avant la course, j’étais relax.J’étais très bien aussi pendant lacourse. Je ne ressentais pas de pres-sion par rapport à ceux qui m’en-touraient», aassuré lesprinter.Fai-

re 10’’09 en étant “fini”, c’est déjàpas mal ! De toute façon le gros res-te à venir avec les championnatsd’Europe (du 27 juillet au 1er août). »

En salle de presse, le vainqueurdu jour, lui, broyait du noir. Jamaisrassasié, le Jamaïquain s’en vou-lait de ne pas avoir réalisé untemps autour des 9’’70 comme ill’avait promis dans la semaine :« Je ne suis pas satisfait de ma cour-se. J’ai besoin de retourner chezmoi en Jamaïque pour me reposer.Je n’irai pas au meeting de Londres,je n’aime pas courir seulementpour de l’argent. »

Désintéressé Usain Bolt ? Lesmédias britanniques affirment,de leur côté, que le sprinter a refu-séde participeràla réunion de Lon-dres quand il a appris que cela luicoûterait de l’argent plutôt que delui en rapporter. p

Michaël Bloch

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Samedi17 juilletTF1

20.45 La Soirée de l’étrange.Les Dossiers mystérieux. Divertissement U .23.15 Fringe.Série. Le Vol 627 [1 et 2/2]. Vieillir avant l’heure(saison 1, 1 à 3/20, 160 min) V.

FRANCE2

20.35 Fort Boyard. Jeu.22.30 On n’est pas couché.Best of. Magazine.1.00 Amadou et Mariam.Live au 104 (2008, 50 min).

FRANCE3

20.35 Equipe médicale d’urgence.Série. Ça passe ou ça casse. Seins à crédit.Paparazzi U (saison 2, 4 à 6/6).23.15 Soir 3.23.40 La Faute à Fidelp

Film Julie Gavras. Avec Nina Kervel-Bey, JulieDepardieu, Stefano Accorsi (Fr. - It., 2006).1.15 Un été avec Chopin (40 min).

CANAL+

20.45 Watchmen, les gardienspp

Film Zack Snyder. Avec Jackie Earle Haley,Matthew Goode, Billy Crudup (EU, 2008) W.23.20 Golf.Open britannique (3e jour), à St Andrews.0.55 Mutants p

Film David Morley. Avec Hélène de Fougerolles,Francis Renaud, Dida Diafat (Fr., 2009, 90 min).

ARTE

20.40 L’Aventure humaine.La Nécropole de l’empereur. Le Secret du ZhaoLing. Documentaire. Christian Twente (2005).21.30 Metropolis. Spécial festivals.22.20 Papperlapapp.En direct du Festival d’Avignon. Mise en scènede Christoph Marthaler. Avec Max Bodnar,Raphaël Clamer, Bendix Dethleffsen...0.40 Neil Young : Heart of Gold p

Film Jonathan Demme (EU, 2005, v.o., 100 min).

M6

20.40 Kaamelott l’intégraal.Série. L’Intégraal des guests. Avec AlexandreAstier, Anne Girouard, Thomas Cousseau.1.00 Women’s Murder Club.Série. La Loi du silence (S1, 8/13, 50 min) U.

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Météorologue en directau 0899 700 703

1,34 € l’appel + 0,34 € laminute7 jours/7 de 6h30-18h

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Températures à l’aube l’après-midi

Front chaud Front froid

DépressionAnticyclone

Occlusion Thalweg

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TripoliTripoli

Lisbonne

ReykjavikReykjavik

En EuropeAmsterdamAthènesBarceloneBelgradeBerlinBerneBruxellesBucarestBudapestCopenhagueDublinEdimbourgHelsinkiIstanbulKievLa ValetteLisbonneLjubljanaLondresLuxembourgMadridMoscouNicosieOsloPragueReykjavik

RigaRomeSofiaStockholmTallinTiranaVarsovieVienneVilniusZagrebDans le mondeAlgerAmmanBangkokBeyrouthBrasiliaBuenos AiresDakarDjakartaDubaiHongkongJérusalemKinshasaLe CaireMexicoMontréalNairobi

New DelhiNew YorkPékinPretoriaRabatRio deJaneiroSéoulSingapourSydneyTéhéranTokyoTunisWashingtonWellingtonOutremerCayenneFort-de-Fr.NouméaPapeetePte-à-PitreSt-Denis

Paris

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Séville

Rabat

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RomeBarcelone

Tripoli

Le CaireJérusalem

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35 à 40° > 40°30 à 35°25 à 30°20 à 25°15 à 20°10 à 15°5 à 10°0 à 5°-5 à 0°< -5°

Amiens

Metz

Strasbourg

Orléans

Caen

Cherbourg

Rennes

Brest

Nantes

Poitiers

Montpellier

Perpignan

Marseille

Ajaccio

Nice

Clermont-Ferrand

Lyon

Chamonix

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risqueorageuxéclairciesbienensoleillébeautemps

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beautempsbeautempspluieorageusebeautempsbienensoleilléfortepluieéclairciesaversesmodéréesassezensoleillérisqueorageuxbeautempsassezensoleillébeautempsaverseséparsesassezensoleilléfaiblepluie

pluieorageuserisqueorageuxbienensoleillébeautempsbienensoleilléfaiblepluie

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bienensoleillébienensoleillébienensoleillébeautempspluieorageuseaverseséparses 109

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Lundi

Dimanche 18 juillet 201018.07.2010

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EUROPE: Temps ensoleillé du Portugal à la Suède

En Europe12h TU

Dimanche, un anticyclone centré surl'Allemagne protègera la France. Ilpermettra au soleil de brillergénéreusement sur l'ensemble du paysdurant toute la journée. Seuls quelquespetits cumulus de beau temps pourrontsemanifester l'après-midi enmontagne.Les températures afficheront des valeursde saison, comprises entre 24 et 32degrés de Lille à Avignon.

Saint FrédéricCoeff. demarée 71

LeverCoucher

LeverCoucher

Beau temps sur toutle pays

Aujourd’hui

NAISSANCE D’UN PRODIGELe tournoi fermé de Malmö,

en Suède, est attendu chaqueannée avec impatience par lesjoueurs scandinaves. Organisépar le cabinet d’avocats Sigeman& Co, dont le patron, Johan Sige-man, est un avide amateurd’échecs, il constitue le seul tour-noi annuel où les meilleursjoueurs locaux peuvent se frot-ter à l’élite. L’édition 2010 se résu-ma à une course entre le jeuneHollandais Anish Giri (16 ans) etl’à peine moins jeune NorvégienJon Ludvig Hammer (19 ans). Lavictoire du premier sur le secondmit un terme au suspens, Giriremportant le tournoi avec l’ex-cellent score de 4 points et demisur cinq parties. Ce jeune prodigea réalisé une progression fulgu-rante sur les deux années, qui l’apropulsé jusqu’a un classementElo supérieur à 2 650. De parentsrusse et tibétain, Anish n’a de hol-landais que son pays de résiden-ce, dont il remporta brillammentle championnat national l’an der-nier. Sa vivacité intellectuelle,ses brillants résultats et mêmeson apparence physique rappel-lent fortement le jeune Anand.Sa victoire contre le SuédoisTiger Hillarp-Persson est une bel-le démonstration de son styledynamique. Hillarp-Persson -

Giri, Malmö 2010 : 1. c4, c6 ; 2.

Cf3, d5 ; 3. b3, Fg4 ; 4. e3, e6 ; 5.

Fb2, Cd7 ; 6. h3, Fh5 ; 7. Cc3, Cgf6 ;

8. g4 (les Blancs attendaient lasortie du cavalier noir en f6 pourexécuter cette poussée qui leurpermet d’obtenir la paire defous), Fg6 ; 9. Ch4, Cc5 ; 10. C×g6,

h×g6 ; 11. De2, a5 ; 12. f3? (enlèvela case e4 aux cavaliers noirs,mais enferme dans le mêmetemps le fou blanc en f1), e5

(devant le jeu passif des Blancs,les Noirs s’emparent du centre) ;

13. g5, Ch5 ; 14. Tg1, d4 ; 15. Cd1,

Fe7 ; 16. h4, Ce6! (un excellentregroupement multifonctionnelqui prépare la poussée par a5-a4et la prise en e3, tout en tendantun piège dans lequel les Blancsvont tomber à pieds joints) ; 17.

Fh3?, Chf4! (un sacrifice qui sejoue les yeux fermés, tant la com-pensation est évidente) ; 18. e×f4,

C×f4 ; 19. Df1, T×h4 ; 20. Cf2, a4 ;

21. b4, a3 ; 22. Fc1, d3! (une vérita-ble déferlante s’abat sur la posi-tion blanche, dont les pièces accu-lées sur leur dernière rangéemenacent de tomber de l’échi-quier) ; 23. Tb1, Dd4 ; 24. Th1,

D×c4 ; 25. Fd7+, R×d7 ; 26. T×h4,

D×a2 ; 27. T×f4, D×b1 ; 28. T×f7,

D×c1+ ; 29. Cd1, D×c4, et les

Blancs abandonnèrent. Un splen-dide carnage. L’efficacité de ladame noire aura été exemplaire :cinq pièces et pions pris sur sixdéplacements effectués !

Problème n˚ 245 : Lender-manGareyev, Open de CopperState 2010. Les Blancs jouent etgagnent *.

Solution du problèmen˚ 244 : C×g6+!, h×g6 ; 2. g×f5,g×f5 ; 3. Dh8+, Re7 ; 4. Dh4+, et lesNoirs abandonnèrent au vu de4. … Cf6 (ou 4. …, Rf8 ; 5. Tg8+!,R×g8 ; 6. Dh8 mat) ; 5 .F×f6+, T×f6 ; 6. Tg7+, Rf8 ; 7. Dh8mat.

Joël Lautier

Météo&Jeux Ecrans

Rédaction : 80, boulevard Auguste-Blanqui,75707 Paris Cedex 13Tél. : 01-57-28-20-00 ; télex : 202806F ;

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Par courrier électronique : [email protected]édiatrice : [email protected]

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Collection : Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40Le Monde sur microfilms : 03-88-04-28-60

Les résultats du Loto sont publiés dans nos éditions datées diman-che-lundi, mardi, mercredi et vendredi. Tous les jours Mots croiséset sudoku ; Samedi daté dimanche-lundi Echecs

Dimanche18 juilletTF1

20.45 Harry Potteret la Chambre des secretsp

Film Chris Columbus. Avec Daniel Radcliffe,Rupert Grint, Emma Watson (GB -All. -EU, 2002).23.35 Les Experts.Série. Un poignard et tout s’effondre. Unefamille au microscope (S1, 18-19/23, 120 min) U.

FRANCE2

20.35 Contes et nouvellesdu XIXe siècle.Série. Le Bonheur dans le crime (S1, épisode 2).21.45 Tosca. Opéra de Puccini.Par l’Orchestre Philharmonique de Radio Franceet les Chœurs des Opéras de région, Maîtrisedes Bouches-du-Rhône, dir. Mikko Franck.Avec Catherine Naglestad, Roberto Alagna.0.20 Journal, Météo (15 min) U.

FRANCE3

20.35 Louis la Brocante.Série. Louis et la vie de château.22.15 Soir 3.22.40 Le Pouvoir et la Séduction.Documentaire (2009).0.10 Un été avec Chopin (20 min).

CANAL+

20.45 Les Tudors.Série. Jeanne, reine d’Angleterre. Le Pardon royal.Trahison (saison 3, 1 à 3/8, inédit) V.23.10 Poker.European Poker Tour (saison 5), à Barcelone.0.05 Golf. Open britannique (95 min).

ARTE

20.29 Thema - Vivre autrement.20.40 Easy Riderpp Film Dennis Hopper.Avec Peter Fonda, Dennis Hopper (EU, 1969).22.10 C’était l’île de nos rêves. Documentaire.23.10 Les Enfants de Friedrichshof.La Commune d’Otto Mühl. Documentaire.0.30 Das Blockp

Film Chris Wright et Stefan Kolbe (80 min).

M6

20.40 Capital : les inédits de l’été.Quand la plage rapporte gros. Magazine.22.40 Enquête exclusive :les inédits de l’été.23.50 Enquête exclusive (75 min).

a b c d e f g h

Echecs n˚245

EuroMillions

Motscroisés n˚10-170 Sudoku n˚10-170 Solution du n˚10-169

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1 2http://yangeorget.blogspot.com/2009/12/sudokus.html

5 7 9 4 8 1 3 6 2

4 2 8 3 9 6 5 1 7

1 3 6 5 7 2 4 9 8

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3 5 7 8 6 9 1 2 4

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ExpertCompletez toute lagrille avec des chiffresallant de 1 a 9.Chaque chiffre ne doitetre utilise qu’uneseule fois par ligne,par colonne et parcarre de neuf cases.

VO L S

P A R JOU R14airfrance.fr

MILANP L U S S O U V E N T

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Au départ de Paris. By Air France : signé Air France.

Lesjeux

Lessoiréestélé

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Résultats du tirage du vendredi 16 juillet.38, 39, 45, 46, 49, 7 e et 8 e

Rapports : 5 numéros et e e : 42 218 533,00 ¤ ;5 numéros et e : 252 003,80 ¤; 5 numéros : 71 514,60 ¤ ;4 numéros et e e : 8 624 ,20 ¤ ; 4 numéros et e : 310,80 ¤ ;4 numéros : 154,40 ¤ ;3 numéros et e e : 110,80 ¤ ; 3 numéros et e : 38,60 ¤ ;3 numéros : 23,90 ¤ ;2 numéros et e e : 33,40 ¤ ; 2 numéros et e : 11,20 ¤.1 numéro et e e : 14,10 ¤

Horizontalement Verticalement

I

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Retrouvez nos grilles sur www.lemonde.fr

Solution du n° 10 - 169HorizontalementI.Délimitation. II. Eliminatoire.III. CI. Bec. On.MG. IV.Otée. Ion.Bel.V.Navrant. Rosi.VI. Viable.Pou.VII. Erne. Récurée.VIII.Néo.Peu. Brin. IX.Une. Reliât.X. Emiettements.

Verticalement1.Déconvenue. 2. Elitaire. 3. Li.Evanoui. 4. Imberbe. Ne. 5.Mie. Al.Pet. 6. Incinéré. 7. Ta. Ot. Eure.8. Aton. PC. Em. 9. Ton. Rouble.10. II. Bourrin. 11.Ormes. Eiat(taie). 12.Négligents.

Philippe Dupuis

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

1.Met à l’abri des regards.2. Souvent prêtée, rarementdonnée. Préposition. 3. Expressiond’une jeune volonté. Faute dans lemonde de l’ovalie. 4. Choix. Bellesi elle est partagée. 5. Trèsdistingué. Faire lemouton.6. Frappera fort. 7. Embrouille lasituation. Constructeur de lagrande Arche. 8. Passer à un autreregistre. Fait la liaison. 9. Toujoursen campagne. Sanction scolaire.10. Poursuivie amoureusement.Le temps d’un tour. 11. En pleindans l’œil. Dix à London. Fond decours. 12. Plus nulles à l’écrit qu’àl’oral.

I. Peut-être un grand rôle, mêmesi ce n’est pas évident. II. Fin deparcours pour la grande arche.A garder à portée de lamain ducruciverbiste. III. Personnel. Estpassée de l’Eglise à l’écran. IV. Leblanc la rend niaise. Dépasse lesmesures.V.Dans l’avant-bras.Négation. Diane y attendait Henri.VI. Préparée comme une bonnecrêpe. Voit venir.VII. Vient enaide au soulèvement. De juin àseptembre.VIII. Solide souteneur.Article. IX. Civil oumilitaire, ilassure la construction. Séparationen tête.X.Mettent fin à tous nosprojets.

20 0123Dimanche 18 - Lundi 19 juillet 2010

Page 21: Le Monde 18072010

210123Dimanche 18 - Lundi 19 juillet 2010 Carnet

Nos services--------------------------------------------------------------LecteursKAbo��eme�ts

Tél. : 0-825-000-778(0,15 TTC/mi�)www.lemo�de.fr/abojour�al

K L’actualité da�svotre magasi�www.lemo�de.fr/kiosque

K Boutique du Mo�de80, boulevardAuguste-Bla�qui,75013 ParisM° Glacière ou CorvisartTél. : 01-57-28-29-85www.lemo�de.fr/boutique

K Le Car�et du Mo�deTél. : 01-57-28-28-28

Professio��elsK Service des ve�tes

Tél. : 0-805-05-01-47

cette semai�e---------------------------------------------------------

SÉRIES DE L’ÉTÉ

Dumardi 13 juilletau samedi 14 août

Les Fra�çaisde l’été 1940Du lu�di 19 juilletau samedi 31 juillet

--------------------------------------------------

Ve�dredi 16 juillet daté samedi 17 juillet

E� couvertureSheldo� Adelso�,

l’empereur mo�dial

des casi�os

ReportageU� espoir pour les

gueules cassées d’Irak

PortfolioLe Périgord à l’a�glaise

Collectio�s-------------------------------------------------------

Livre 7 : LACLOSLes Liaisons dangere�ses

dès le jeudi 15 juillet---------------------------------------------------

Dès le ve�dredi 16 juilletMARCELLE MEYERLe double CD-livret �° 28

Pour toutfaire-part de décèsparu dans Le Carnet

l’annonce deremerciementsvous est offerte.

Pour nous faire parvenirvos textes* :Tél. : 01 57 28 28 28Fax : 01 57 28 21 36E-mail : [email protected]

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de vos événementspar téléphone : 01 57 28 28 28

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80 boulevard Auguste Blanqui75707 Paris cedex 13

Tarifs 2010 (prix à la ligne)

Naissances, Anniversairesde naissance, Mariages,Fiançailles… : 18 � TTC

Décès, remerciements,Avis de messe, Anniversairesde décès, Souvenirs : 24 � TTC

Thèses : 15 � TTC

Réduction abonnésUn justificatif d’identité sera demandé.

Vous pouvez nous transmettrevos annonces la veille pour

le lendemain :• du lundi au jeudi jusqu’à 18 h;

• le vendredi jusqu’à 17 h;• le samedi et jours fériés

jusqu’à 16 h.

& 01 57 28 28 28

AU CARNET DU «MONDE»

NaissancesRezé-les-Nantes.

Michel HUGUET,son grand-père,

Adèle, Adrien, Alexandre, Arthur,Emilie et Eugénie,

ses cousins et cousines,

accueillent avec joie,

Audrey,

née le 10 juillet 2010,chez

Antoine HUGUETet

Laeticia BONNAFOUS.

Paul et Constance,ont la joie d’annoncer la naissancede leur sœur,

Sixtine,

le 6 juillet 2010, à Paris.

Taillé-Lechertier.

Anniversaire de naissanceL’homme qui croit en

« La fuite utile des jours » (V. Hugo)fête ses soixante ans !

Joyeux anniversaire

M. Xavier COTTIN.

Décès

L’Union (Haute-Garonne).Bédarieux (Hérault).

MmeMarie-Claude Baudière,son épouse,Ses enfantsEt petits-enfants,Mme Anne-Marie Mas

et M. Philippe Barbance,Mme Jacqueline Bonnet,La famille Gril et alliés,Parents et amis,

ont la tristesse de faire part du décès de

M. André BAUDIÈRE,professeur à l’université Paul Sabatier,

survenu à l’âge de soixante-dix-sept ans.

La cérémonie religieuse sera célébréele lundi 19 juillet 2010, à 11 heures,en l’église de l’Union, suivie del’inhumation au cimetière de l’Union.

Mireille DANAN,née CHAUBET,1922 - 2010,

nous a quittés le 6 juillet 2010.

Ses obsèques ont eu lieu dans l’intimité,le samedi 10 juillet, en l’église de Saint-Germain-des-Grois.

Henri Danan,son époux,Anne-Marie Danan

et son époux, Jean de Raigniac,Jean-Sébastien Danan

et sa compagne, Annick,Pierre-Emmanuel Danan

et son épouse, Ilinca,Georges-Philippe Danan

et sa compagne, Chantal,ses enfants,Diane-Sophie de Raigniac

et son époux, Olivier Lanselle,Foulques de Raigniac,Morgane Danan,

ses petits-enfants,Edgar Lanselle,

son arrière-petit-fils,Henry-Daniel Chaubet,

son frèreet son épouse, Claireet leurs enfants.

La Fauconnerie,61110 Saint-Germain-des-Grois.

10, quai Mullenheim67000 Strasbourg.

Mme Jacques Faudon,son épouse,

Anne et Henri Gibelin,Claire et Eric Thiolière,Laure et Patrick Bertrand,Emmanuelle et François-Xavier

Aubrun,ses filles et gendres,Ses quinze petits-enfants,

Mme Albert Mirlesse,Mme Guy Toussaint,

en union avec Jacques Payot (†),ses sœurs,

ont la grande tristesse de faire part dudécès de

M. Jacques FAUDON,

ingénieur général des Ponts et Chaussées,ancien premier adjoint

au maire de la ville de Metz,ancien vice-président

du Secours Catholique de la Moselle,

chevalier de la Légion d’honneur,croix de guerre avec Palme 1939 - 1940,

médaille des Evadés,croix de la valeur militaire,Palmes académiques,

survenu le 15 juillet 2010,à l’âge de quatre-vingt-huit ans.

La cérémonie religieuse sera célébrée lejeudi 22 juillet, à 11 heures, en l’égliseSaint-Clément de Metz (Moselle).

L’inhumation aura lieu le samedi24 juillet, à 11 heures, au cimetière deBa rce lonne t t e (A lpe s -de -Hau t e -Provence).

Ni fleurs ni couronnes. Une corbeillerecevra les dons en faveur du SecoursCatholique.

Cet avis tient lieu de faire-part.

10, rue de la Haye,57000 Metz.

Danielle Fleischman,son épouse,Sandrine et Anne,

ses filles,Cédric et Paul,

ses gendres,Clara, Jules, Catherine, Anna

et Marianne,ses petits-enfants,

ont la tristesse de faire part du décès de

Cyrille FLEISCHMAN,avocat honoraire,

écrivain,

survenu le 15 juillet 2010,à l’âge de soixante-neuf ans.

Les obsèques auront lieu le mardi20 juillet, au cimetière parisien deBagneux.

On se réunira à la porte principale,à 14 h 15.

Ni fleurs ni couronnes, mais unepensée et un hommage à sa devise« Vive la vie. »

Jean Guerry,Annette et Jean-Paul Michel,Monique et Pierre Guerry,

ses enfants,Christophe, Guillaume, Julien,

Sebastien, Olivier, Vanessa,Darwin et Alejo,ses petits-enfantsAinsi que ses arrière-petits-enfants,

ont la tristesse de faire part du décès de

Mme Fernande GUERRY,née LEZZANI,

survenu le 14 juillet 2010,dans sa quatre-vingt-dix-septième année.

L’inhumation aura lieu le mardi20 juillet, à 15 heures, au cimetièreValmy, avenue de la porte de Charenton,Paris 12e.

Les familles Reboul, Raoul, Chaumet,Julien et Bénézech,Jean-Louis Reboul (†),Marie-France Reboul, Sylvette Raoul,

ses enfants,Patr ice, Gil les , Florence, Luc,

Gui l laume, Mat th ieu , Bénédic te ,Emmanuel, Stéphane,ses petits-enfants,M. et Mme Michel (†) et Marcelle

Julien,son frère et sa belle-sœurainsi que leurs enfants,Ses nombreux arrière-petits-enfants,

font part du rappel à Dieu de

Mme France JULIEN,

survenu le 13 juillet 2010.

Elle repose au cimetière protestantde Calvisson (Gard)

M. Maurice Letulle,Mme Christiane Letulle-Joly

et M. Pierre-Antoine Joly,ses frère, sœur et beau-frère,Mme Patricia Denquin,M. Alexandre Joly,Mme Barbara Guandalini,M. Charles-Edouard Letulle,M. Henry Letulle,Mme Agathe Descamps,Melle Stéphane Courtois

et leurs enfants,ses neveux, petits-neveuxet arrière-petits-neveux,

ont la grande tristesse d’annoncer lerappel à Dieu de

Melle Jacqueline LETULLE,

survenu le 13 juillet 2010,dans sa quatre-vingt-cinquième année.

La cérémonie religieuse se déroulerale mercredi 21 juillet, à 14 h 30, enl’église Saint-Germain de Saint-Germain-en-Laye.

3, rue Montalivet,75008 Paris.

Ajaccio, Valle di Mezzana.

Mme le docteur Jeanne Pancrazinée Garrouste,son épouse,Mme Laurence Pancrazi-Hautemulle,

ses enfants et petits-enfants,M. et Mme Jean-Luc et Hélène Moreau

née Pancrazi,leur fils et sa compagne,Mme Dominique Pancrazi,

sa fille, son beau-fils et ses petits-enfants,Alice Pancrazi, Mathieu Korn

et leur fils,Mathieu Pancrazi,

ont la très grande tristesse de faire partdu décès du

docteur Hyacinthe PANCRAZI,

survenu à Ajaccio le 15 juillet 2010,à l’âge de quatre-vingt-dix ans.

Il a exercé la médecine avec passionet humilité jusqu’à la fin de sa vie, eta transmis à ses enfants et ses élèves uneconception éthique, humaine et humanistede son métier.

Joseph Amiel,son époux,Serge et Francis Papiernik,Evelyne Papiernik Soyez,Sylvie Toral,Les familles Papiernik, Amiel,

Guinet, Rodzinski,Le centre MEDEMEt tous ses amis,

ont la douleur de faire part du décés de

Liliane PAPIERNIK AMIEL,née JANKLEWICZ,

survenu le 13 juillet 2010,dans sa soixante-dixième année.

Les obsèques auront lieu le mardi20 juillet, à 10 h 45, au cimetièreparisien de Bagneux.

Ni fleurs ni couronnes.Cet avis tient lieu de faire-part.

39/41 rue Saint-Fargeau,75020 Paris.

Paris. Maussane-les-Alpilles.

M. et Mme Luc Santarelli,et leurs enfants, Valentine, Constantinet Colombine,M. Florent Santarelli,

ses fils, sa belle-fille et ses petits-enfants,ont la douleur de faire part du décès de

M. Marc SANTARELLI,chevalier de l’ordre national du Mérite,

survenu le 15 juillet 2010,dans sa quatre-vingt-deuxième année.

La cérémonie religieuse aura lieule mardi 20 juillet, à 11 h 30, en l’églisede Maussane-les-Alpilles, suivie del’inhumation au cimetière de Maussane-les-Alpilles.

Mas de Chabran,13520 Maussane-les-Alpilles.

Luc Santarelli,Les associés et collaborateurs du

Cabinet Santarelli

ont la tristesse de faire part du décès de

Marc SANTARELLI,chevalier de l’ordre national du Mérite,conseil en propriété industrielle,

ancien présidentde la Compagnie nationale

des conseils en brevets d’invention,

président et fondateur du Cabinet,

survenu le 15 juillet 2010,dans sa quatre-vingt-deuxième année.

La cérémonie religieuse aura lieule mardi 20 juillet, à 11 h 30, en l’églisede Maussane-les-Alpilles.

14, avenue de la Grande-Armée,75017 Paris.

Mme Juliette Vérin,son épouse,Mme Sonia Vérin,M. Emmanuel Vérin

et son épouse, Pascale,Mme Florence Vérin,M. Pierre Vérin

et son épouse, Pascale,ses enfants,Lalao, Matthieu, Jao, Louis, François,

Sarah, Marie, Juliette et Paul,ses petits-enfants,

ont la tristesse de faire part du décès du

professeur Pierre VÉRIN,breveté de l’ENFOM,

ancien vice-président de l’INALCO,ancien président

de l’université française du Pacifique,membre de l’Académiedes sciences d’Outre-Mer,

officier de la Légion d’honneur,

survenu le 15 juillet 2010.

La cérémonie religieuse aura lieule mardi 20 juil let , à 15 heures,en l ’ ég l i s e de Ce l l e s - su r -Be l l e(Deux-Sèvres), suivie de l’inhumationau cimetière de Melle.

Vienne. Budapest. Paris. Vienne.

Mme Béatrice Zareczky-Weinberget ses enfantsKeoma Zareczky-Weinberg,

son petit-filsEt toute sa famille,

font part du décès de

Lothar ErichZARECZKY-WEINBERG,

survenu le mardi 6 juillet 2010,à l’âge de quatre-vingt-huit ans,

La cérémonie religieuse s’est tenue le15 juillet, au cimetière central de Vienne.(Zentralfriedhof. Tor 1).

Tou t e sa f ami l l e , r emerc i en tles personnes qui prennent par tà sa peine.

Cet avis tient lieu de faire-part.

Anniversaires de décèsLe 19 juillet 2003,

Joseph BRAUNSTEIN

disparaissait.

Ceux qui l’aiment se souviennent.

Il y a un an, le 18 juillet 2009

Suzanne MAWAS-LE DAIN,

nous quittait.

Sa famille,Ses amis,

se souviennent.

Elle nous manque...

Communications diversesCommémoration de la Journée

nationale à la mémoire des victimesdes crimes racistes et antisémites.Hommage aux justes de France.

Cérémonie de la Rafle du « Vel d’Hiv ».M. Hubert Falco, secrétaire d’État

à la Défense et aux Anciens Combattants,présidera le dimanche 18 juillet 2010,à 9 h 30, la cérémonie organisée,avec le soutien de la commissiondu Souvenir du CRIF, à l’occasion

de la Journée nationale à la mémoire desvictimes des crimes racistes et antisémitesde « l’État français » et d’hommage

aux justes de France, devant le monumentcommémoratif de la Rafle du « Vel d’Hiv »,square de la place des Martyrs Juifsdu Vélodrome d’Hiver, à Paris 15e.

A l’occasion du soixante-dixièmeanniversaire de l’appel du généralde Gaulle, les allocutions porteront

également sur le thème de l’engagement.

Monique PARENT-FAVRE,Toiseau, Ourson-Discuteur,

Teacher Shalimar, Momo de Dieu,Poupoute, Titounette,Grannychou, Mamour...

vient de s’envoler avec tous ses surnoms,vers d’autres cieux et rencontres, ce lundi12 juillet 2010, chez elle à Obterre(Indre), quittant tous ceux qu’elle a tantaimés plus, l’année de ses quatre-vingtsprintemps.

Son corps sera mis en terre après unemesse célébrée en l’église romanede Sainte-Croix-de-Fourqueux, le mardi20 juillet, à 10 h 30.

Un hommage peut lui être renduau funérarium, 10, rue Saint-Eloi à Saint-Germain-en-Laye.

Christine-Virginie Favresa fille.Cigogny,36290 Obterre.

Page 22: Le Monde 18072010

Affaire WoerthA chevalIl est des mots ou des expressionsqui, dans le dictionnaire, atten-dent patiemment pour connaître,au fil des modes langagières, un«pic de forme ». Ainsi, par exem-ple, ces jours-ci, « segment », « fai-re bouger les lignes », « savoir oùmettre le curseur ». En revanche,d’autres ne connaissent jamais cegenre d’angoisse existentielle.C’est le cas de « dada », parce quetout le monde, dans la vie, a sesdadas, ses marottes. Ce vocable a,de surcroît, l’avantage de nousaccompagner depuis l’enfance, aucours de laquelle il remplace avan-tageusement « cheval ». On veut«monter à dada », jouer au « jeude dadas », « faire à dada sur lesgenoux de Papi » Ainsi ne som-mes-nous pas étonnés, ces temps-ci, d’apprendre que Mme etM.Woerth, habitants de Chantilly,ville réputée pour son champ decourses, ont pour dada les pur-sang. Toutefois, de là à leurdemander de nettoyer les écuriesd’Augias… N’abusons pas de leurbonté. Cette passion dévorante amême amené naguère monsieurà vendre à prix d’ami, dans lecadre de ses fonctions d’alors, uneparcelle de la forêt de Compiègneà la Société des courses de Compiè-gne, au sein de laquelle évolue unhomme qui dirige France Galop,société au sein de laquelle, partieau petit trot, œuvre, bride abattuedésormais, Mme Woerth… Les cour-ses, il faut pouvoir suivre… Pour-suivre ? C’est une tout autre affai-

re… Passion dévorante…D’ailleurs, chez les Woerth, on nedit pas « Je vais au turbin », mais«Je vais au turf ». Entre l’argentliquide des enveloppes et celuiqu’on peut trouver sous le sabotd’un cheval, on voit bien que lesWoerth ont de quoi être surme-nés en ce moment.D’autre part, sous leurs couleurs,celles de l’UMP, ils disposent,pour les basses œuvres, de chevau-légers: Morano, Estrosi, Lefebvre,Bertrand… Mais en fait de chevau-légers, ceux-là sont plutôt lourds,type ardennais ou boulonnais…Un autre ministre, M. Morin, surla défensive, nourrit la même pas-sion pour les dadas, son cham-pion ayant même remporté unprix récemment. En tant queconnaisseur, il devrait savoirqu’avec un bourrin on ne fait pasun cheval de courses. Et pourtant,le voilà qui prétend s’inscrire com-me candidat à l’élection présiden-tielle de 2012…Dada, c’est aussi le nom d’un mou-vement artistique, lancé par Tris-tan Tzara, dans le sillage duquelon trouva un temps les surréalis-tes. L’UMP, qui a trouvé enM.Sarkozy son Tzara, et dont laligne politique devient plus quesurréaliste, devrait songer à éle-ver un monument à la mémoirecet artiste.

Jean-François Hagnéré

Creutzwald (Moselle)

LesAlpesn’ontriendemaritime

Le courrier du jour

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du mois précédent, avec une sélection des meilleurs article

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Etape 5: Carros (Alpes-Maritimes)–Auron (Alpes-Maritimes)Distance : 112 km ; Dénivelé : + 2 600 m

A lex007 se mire dans le rétro et pas-se une éponge méticuleuse sur maClio usée, comme s’il s’agissait

d’une Jaguar. Elle brille sur le goudronnoir. Ce goudron de Carros, où LouisNucéra trouva la mort sur son vélo, victi-me d’un automobiliste fou. Dix ans déjà.Ecrivain passionnel, inspiré par Cocteau,il savait raconter l’émotion pure généréepar la bicyclette. Ennemi de l’hypocrisie,ami des « forcenés la vérité », il pédalaitpour voir, pas pour être vu. Alex klaxon-ne, coude à la portière, Ray-Ban sur le nez.Je démarre paresseusement le long du

Var dont l’eau sommeille dans un lit tropgrand. Plus loin, la Vésubie bouillonne etannonce la fraîcheur du col Saint-Martin,première ascension sérieuse du voyage.La route s’enroule sous la roche fauvehumide, les lacets nouent et dénouentma trajectoire. Le cœur palpite dans unparfum d’herbe coupée et de boismouillé. Un nuage en forme de brumisa-teur m’arrose de pluie fine comme lamousseline. Des vaches langoureuses, ali-gnées en rang d’oignons comme des can-didates au titre de Miss France, bloquentl’entrée de Saint-Martin-Vésubie (Alpes-Maritimes). Le berger sourit, son chienaboie, et notre caravane passe.

Route des Grandes Alpes, on com-prend qu’une profonde métamorphose a

lieu. Le département s’abrège. Les Alpesn’ont plus rien de maritime. Les monta-gnes ont siphonné la Méditerranée. L’in-souciance du littoral s’est évaporée. Toitsen pente, lourds volets sombres, églisesmassives vous projettent dans la valléede la Tinée, colorée par un arc-en-ciel fleu-ri. Je me sens déjà ailleurs. Une heure devoiture suffit pourtant à rallier Aurondepuis Nice. Ce dépaysement radical àportée de roues, un enneigement cana-dien l’hiver et la tranquillité oxygénéel’été attirent une clientèle aisée de Moné-gasques, Niçois ou Cannois. Le marchéimmobilier flambe : 4 500euros le mètrecarré; les prix de Megève, sans le côtébling-bling. On ne vient pas à Auron pourfaire du shopping ni pour se divertir : peu

de boutiques, un cinéma vétuste et unbowling nommé désir. Auron vend sur-tout son calme et garde l’aura des annéesoù Stéphanie de Monaco, propriétaire dedeux chalets, venait s’y ressourcer. On yaperçoit aussi Michel Boujenah et JulienLepers. A l’heure du dîner, quand le fro-mage à tartiflette fond sur les pommes deterre, les résidents louent « saint Estrosi »à haute voix. Le maire de Nice, ministre

de l’industrie, a personnellement œuvrépour le développement d’Auron. Le week-end, il n’est pas rare de le voir atterrir enhélicoptère. Mais une litanie monte versles cimes du matin au soir : « Les grandesfamilles de la vallée sont trop conservatri-ces, accusent les commerçants. Elles n’in-

vestissent pas un centime et freinent lesinitiatives. » En revanche, elles encaissentvolontiers des loyers et bénéficient de for-faits gratuits ; les pistes sont tracées surleurs parcelles de terrain. On vient doncd’ailleurs pour exploiter la mine d’Au-ron : le chef créatif du restaurant Le P’titFlocon est normand, la patronne de LaGrange d’Aur corse, le gérant de notrehôtel vosgien. D’autres y recherchentautre chose : la qualité de vie. Plusieursfamilles niçoises ont décidé de scolariserleurs enfants ici. Le père reste sur la côte.La mère et les enfants redescendent àNice le week-end. Une contre-migrationqu’on vous explique par « la qualité del’enseignement et le ski », avant d’ajouter,d’un ton entendu : « Vous savez, lesenfants sont en sécurité ici. » La nuit tom-be. De minces flocons clignotent sous lesréverbères, puis s’éteignent sur le trot-toir. Une fin juin… p

n Sur le Webwww.guillaumeprebois.com

Toitsenpente,lourdsvoletssombres,églisesmassives…Jeme sens déjàailleurs

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Courrier et contributions des lecteurs :[email protected] : 01-57-28-21-74

Bastia

Macinaggio

Auron

Fréjus

Bois-d’Amont

Ottmarsheim

Vireux-WallerandVeulettes-sur-mer

Ligné

Aulnay

Vesdun

pTirage du Monde daté samedi 17 juillet 2010 : 407 566 exemplaires. 1 2 3Nos abonnés et PAD trouveront avec ce numéro le cahier « TéléVisions ».

22 0123Dimanche 18 - Lundi 19 juillet 2010