Le jour où l’enfer est tombé du ciel

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CAHIER 2 - N° 6506 - NE PEUT ETRE VENDU SEPAREMENT LE JOUR OÙ L’ENFER EST TOMBÉ DU CIEL ÉDITION SPÉCIALE MARDI 24 MARS 2015, 10 H 45 32 PAGES POUR NE PAS OUBLIER

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Le 24 mars, 150 personnes décédaient dans le crash d’un A320 sur les crêtes du Vernet dans les Alpes-de-Haute-Provence. Le copilote a volontairement lancé l'avion contre la montagne.

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CAHIER 2 - N° 6506 - NE PEUT ETRE VENDU SEPAREMENT

LE JOUROÙL’ENFERESTTOMBÉDUCIEL

ÉDITIONSPÉCIALE

MARDI 24MARS 2015, 10H45

32PAGESPOURNEPASOUBLIER

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L a pire catas-trophe aérien-ne sur le sol

français depuis30 ans. 150 morts.Un Airbus A320 ré-duit à des débrisminuscules. Et tou-te une vallée, un dé-p a r t e m e n t , u npays sous le choc.

Le village du Vernet, dans les Alpes-de-Hau-te-Provence, entre Digne et Barcelonnette, est de-venu, en ce mardi 24 mars, le centre du monde.Un appareil de la filiale low-cost de la compagnieallemande Lufthansa, Germanwings, s’y est écra-sé, en fin de matinée. Pas au milieu des hameaux,mais dans une zone escarpée, difficile d’accès : lemassif des Trois Evêchés. Impossible pour un véhi-cule de l’atteindre. Les hélicoptères seront le seulmoyen de transport pour les secours et les enquê-teurs.

Le vol 4U9525 de la compagnie Germanwings ef-fectuait une liaison entre Barcelone (Espagne) etDüsseldorf (Allemagne). Il transportait 144 passa-gers et six membres d’équipage. Et très rapide-ment, l’hypothèse de retrouver des survivantss’est effacée : de l’avion, il ne restait plus rien. Lacarcasse de l’appareil a été entièrement détruiteau contact de la montagne. Les débris ont été épar-pillés sur plusieurs hectares en milliers de petits

morceaux. Les premiers secouristes arrivés sur leslieux ont rapidement compris qu’il ne retrouve-raient personne en vie...

Il y avait 67 Allemands à bord de l’A320, dont 16lycéens d’Haltern (nord-ouest de l’Allemagne) ren-trant d’un séjour linguistique. La vice-présidenteespagnole a évoqué "45 passagers (qui) portaientdes noms de famille espagnols". Au fil des jours,des Turcs, des Anglais, des Australiens, des Japo-nais viendront compléter cette terrible liste.

Plus de 300 sapeurs-pompiers ont été mobilisés,et autant de gendarmes, dont les spécialistes dupeloton de haute montagne (PGHM). Les gendar-mes de Jausiers sont les premiers à être arrivés surles lieux, tout comme le médecin-chef du Sdis desAlpes-de-Haute-Provence. Mais il était déjà troptard.

Les images lunaires de l’avion pulvérisé sur plu-sieurs hectares à flanc de montagne donnent à el-les seules une idée du travail colossal qui s’estalors engagé pour retrouver les corps des victimes.Repérer les fragments humains, les récupérer , leshélitreuiller, pour tenter enfin de reconstituerl’identité de chacune des 150 victimes, tel a été ledur labeur des secouristes, qui, depuis les faits,s’activent jour et nuit sur le site du crash.

Mais deux semaines après l’accident, la catastro-phe est encore bel et bien présente dans tous lesesprits. Un cauchemar dont il est bien difficile dese réveiller...

Brian ORSINI

On peut mourir deux fois. Le 24mars,150personnes décédaientdans le crash d’un A320 sur lescrêtes du Vernet. Le lendemain,149victimesdecetaccidentsere-trouvaient finalement assassi-nées par le fou furieux qui a jetél’avion sur la montagne. Dou-ble peine. Comme nous l’avionsfait pour l’attentat contre Char-lie Hebdo il y a trois mois jourpour jour, nous publions ce 7avriluneéditionspécialeconsa-créeà lacatastropheaérienne ethumaine qui marquera à ja-mais notre territoire. Avec leseul but de ne pas oublier etpour ce faire, de dépasserl’actualité qui déferle tous lesjours et ne laisse souvent qu’uneécume sur nos quotidiens. Cenuméro hommage compile desdocuments, reportages, photos,témoignages de nos équipes sai-sis sur la tragédie. Une édition àgarder, conçue pour traverser letemps et les larmes. Notre ma-nière à nous, aussi, de direadieu aux âmes.

Cauchemar aucœur des AlpesMardi 24mars, 10h45: le vol 4U9525 de la Germanwingss’écrase. Les 150 personnes à son bord sont tuées

L’Airbus A320 de la compagnie Germanwings, filiale de la Lufthansa, a décollé à 10h01 de Barcelone. Il a commencé à perdre de l’altitude à 10h32.

Il a été le premier - ou plutôt, l’un des derniers - à apercevoir l’avion volant à basse altitude. Alors qu’ilrandonnait, avec ses amis, du côté de La Javie, Daniel Buffet, un quinquagénaire dignois, a entendu unbruit sourd. "C’était un bruit de moteur, assez assourdissant. On s’est retrourné, et on a vu l’avion voler,à basse altitude. Même s’il volait normalement, on s’est demandé pourquoi il était si bas." Daniel et sesamis ont suivi l’appareil du regard. Ils l’ont vu continuer sa terrible descente. Et une fois passé derrière labarre rocheuse, plus rien. "On n’a pas entendu de bruit, simplement vu une fumée monter dans le ciel..."

Édition spéciale de "La Provence"248, av. Roger-Salengro 13902 Marseille cedex 20

Président - directeur général : Claude PerrierRédacteur en chef : Jean-Michel MarcoulPhotos : Éric Camoin, Stéphane Duclet, FrédéricSpeich, AFP, ministère de l’Intérieur et DRTextes :Maxime Lancestre, Antoine Marigot,Brian Orsini, avec l’ensemble de la rédactionde l’édition "Alpes" de "La Provence".Maquette : Guilhem RicavyPhotogravure et impression :Centre Méditerranéen de Presse (Marseille)Cette édition est disponible sur laprovence.com

L'ÉDITOpar Jean-Michel Marcoul

"On s’est demandé pourquoi cet avion volait si bas"

L’adieu aux âmes

#2

DANIELBUFFET, RANDONNEUR

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Il est environ 10h40 lorsque Sébastien Giroux, propriétaire d’une scierie à Prads, "arrête la machine" et"prend une pause pour appeler un client." Presque par hasard, le Bas-Alpin a plongé son regard dans le ciel..."J’étais au téléphone avec un client . Et là, j’ai vu un avion sortir de la crête à basse altitude. Ça a duré deux, troissecondes. Il n’y avait ni bruit particulier ni fumée." Aux sources de la Bléone, sur la route de Prads, les habitants sonthabitués à voir passer les avions de ligne dans ce couloir aérien. "Mais bien plus haut. Là, il devait être, au maximum,à 2000m. J’ai pu voir les couleurs de l’avion. Mais ça n’a duré que quelques secondes. Le temps de réaliser..."

SÉBASTIENGIROUX,HABITANTDEPRADS

"J’ai pu voir les couleurs de l’avion"

#3

Le vol 4U 9525 à destination de Barcelone n’est jamais arrivé à sa destination finale. Il s’est abîmé au beaumilieu des Alpes.

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L a zone de l’accident étant quasi-ment impossible d’accès terres-tre, le meilleur moyen de voir où

l’A320 s’est crashé restait encore lavoie des airs. C’est en hélicoptère, de-puis l’aérodrome de Gap-Tallard, si-tué à une cinquantaine de kilomètresdes lieux de l’accident, que nous noussommes envolés. À bord, Christian Jac-quot est assisté de Jean-Baptiste Calen-dini, qui a volé "des milliers d’heures"sur A320. Et qui ne comprend toujourspas comment un tel appareil a pus’écraser. "C’est un appareil fiable, faci-le à piloter, très sûr. C’est très difficile àanalyser."

Mais avant le temps des réponses,venait l’heure de la recherche. Malgréune position GPS communiquée audécollage, après quelques minutes devol, impossible de localiser les débrisdu vol de l a Germanwings.

L’interdiction de voler à moins de5km (et en dessous de 1 000 md’altitude) des lieux de l’accidentn’aide en rien les pilotes. "Elle devraitêtre là pourtant", dit encore Jean-Bap-tiste, en survolant la station de ski dePra-Loup. Les coordonnées sont bon-nes.

Les conditions de vol le sont moins.

De la pluie, un peu de vent et un pla-fond bas font quelque peu bougerl’appareil. Au bout de 30 minutes, etaprès avoir survolé Barcelonnette, Sey-ne-les-Alpes, La Javie, le col du Labou-r e t , t o u j o u r s a u c u n e t r a c e d el’appareil. Tout juste, peut-on aperce-voir un avion de tourisme survoler lazone.

À 8000 pieds d’altitudeToujours perchés à 8 000 pieds de

hauteur, les yeux sont sans cesse rivésvers le sol. À la recherche de traceséventuelles de décombres, de restes fu-mants de l’avion ou tout autre indicepouvant indiquer la zone du crash. "Ily a beaucoup de neige, c’est compliquéde repérer le fuselage blanc del’appareil au milieu de la montagnesans la confondre avec les étendues deglace", disent en chœur les pilotes. Lesrecherches se poursuivent de longuesminutes.

Et c’est finalement un petit pointrouge qui va attirer l’attention du pilo-te : un hélicoptère des pompiers. "S’iltourne là, c’est qu’il se rend sur leslieux, affirme Christian, aux comman-des de l’hélico. Nous allons le suivre."Un demi-tour, une crête survolée, et

voilà que Jean-Baptiste aperçoit unepetite fumée blanche émanant du sol."C’est bon, c’est là", assure- t-il.

Quelques kilomètres plus bas, il nereste rien. L’objectif de notre photogra-phe permet de confirmer la premièreimpression : l’appareil s’est entière-ment désintégré. Si l’hélicoptère despompiers treuille des hommes toutprès des lieux du crash, l’issue ne faitaucun doute.

"C’est terrible, répète à plusieurs re-prises Jean-Baptiste Calendini. Celame fait penser au crash à Ouagadou-gou (l’avion d’Air Algérie qui s’est écra-sé au Mali en juillet 2014, NDLR).L’avion s’était entièrement désintégrésans qu’il ne reste aucun morceau."Pour celui qui connaît sur le bout desdoigts l’appareil, "de nombreuses hypo-thèses sont envisageables pour expli-quer cet accident. Ce qui est sûr, c’estqu’au vu de la situation, le pilote n’apas tenté de se poser."

Un dernier tour au-dessus du mas-sif de l’Estrop et l’hélicoptère reprendla direction de Tallard. Avec, dans la tê-te des pilotes - autant que des journa-listes embarqués - des images qui lesmarqueront sans doute à jamais.

B.O.

Dès que la balise de l’Airbus A320 a cessé d’émettre, les hommes d’Yves Naffrechoux, commandant du Peloton degendarmerie de haute-montagne (PGHM) de Jausiers, se sont mis en action. "J’étais au bureau quand on a reçu l’alerte,explique-t-il. Mes hommes se sont immédiatement mis en route, par hélicoptère, sur les lieux du crash. J’ai demandé quelleétait la capacité d’embarquement d’un Airbus A320. Et j’ai rapidement compris quelle allait être l’ampleur des dégâts." Unefois arrivé à Seyne, le capitaine Naffrechoux a coordonné toute la gestion et la logistique des secours sur place. Une tâchede l’ombre, mais grandement nécessaire pour intervenir dans une zone aussi escarpée. Et surtout, face à une telle horreur.

"J’ai rapidement compris quelle allait être l’ampleur des dégâts..."

L’horreur vuedepuis le cielNous avons pu, en hélicoptère, survoler la zone de l’accidentles premiers. Et en ramener des images impossibles à oublier

Les conditions climatiques étaient assez mauvaises, mais les pilotes les ont parfaitement appréhendées pour retrouver la zone du crash.

LATR

AGÉD

IE

#4

YVESNAFFRECHOUX, COMMANDANTDUPGHMDE JAUSIERS

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Il est le premier a être arrivé sur les lieux. Et à avoir découvert l’horreur. Pourtant, le médecin-chef du Sdis 04, FrédéricPetitjean, connaît la mort. Mais jamais, il n’avait "vu pareille chose. J’ai repéré l’appareil depuis l’hélicoptère des gendarmes,et j’ai été le premier à être treuillé sur la zone du crash. Mais une fois au sol, j’ai tout de suite compris qu’il n’y aurait aucunsurvivant." Depuis, le lieutenant-colonel Petitjean s’occupe de ses troupes, marquées psychologiquement par le drame, pouréviter toute séquelle. Et surtout, porte assistance aux familles qui arrivent petit à petit sur les lieux. "C’était vraiment terrible,répète t-il. Il ne restait plus rien...." Une phrase qui en dit long sur la scène découverte par le médecin-chef du Sdis...

"J’ai été le premier à être treuillé sur la zone du crash"

#5

C’est au milieu du massif des Trois Evêchés, dans un vallon encaissé, que nous avons trouvé la zone de l’accident.

FRÉDÉRICPETITJEAN,MÉDECIN-CHEFDUSDIS04

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D epuis 11 h 30, les ballets des héli-cos s’enchaînent sur la petite basede vol à voile de Seyne-les-Alpes,

où les secours ont établi leur QG.Nous sommes le mardi 24 mars. À la

hauteur du drame, un dispositif hors-nor-me est à l’œuvre. Près de 450 sa-peurs-pompiers sont venus de toute la ré-gion appuyer les secouristes locaux auxcôtés de 300 militaires de la gendarme-rie, dont 160 gendarmes du peloton dehaute-montagne des départements al-pins (04, 05 et 06). Ainsi que 27 CRS demontagne.

Dix hélicoptères tournaient dans lesairs. "Dégager toutes les victimes risque deprendre des jours", indiquait Jean-PaulBloy du groupement des forces aérien-nes de gendarmerie Sud, l’un des pre-miers à avoir survolé le site du crash. Lacarcasse de l’avion est désintégrée. Il nesubsiste qu’une demi-douzaine de grosdébris, le reste s’est éparpillé sur plu-sieurs hectares. Même les hélicoptèresne peuvent se poser sur le site. Les corpsdevront être hélitreuillés. "Depuis ce ma-tin, des médecins sont dépêchés sur site,précise David Galtier, général comman-dant la région Paca. Notre priorité était deporter secours à d’éventuels survivants."Mais la montagne n’a épargné personne.

Un temps, il fut question d’un corps enco-re en mouvement mais les différents offi-ciels qui se sont succédé n’ont jamais ma-nifesté grand espoir.

Sur place, tous les accès au site ont étécirconscrits par les gendarmes. "On nepeut exclure du tourisme "morbide", souli-

gne Pierre-Henry Brandet, porte-paroledu ministre de l’Intérieur. Cinq gendar-mes doivent passer la nuit sur le site ducrash pour empêcher une éventuelle pollu-tion des lieux".

Aussi, l’une des deux boîtes noires aété retrouvée, "elle sera étudiée au plus vi-te pour déterminer les circonstances dudrame", précisait alors le ministre del’Intérieur Bernard Cazeneuve, arrivé dès16 h sur place accompagné par la préfètePatricia Willaert et l’ambassadrice alle-

mande Suzanne Wasum-Rainer. Unpoint presse a été improvisé à la maisondes associations de Seyne-les-Alpes enprésence de médias du monde entier."Nos condoléances vont aux familles alle-mandes et espagnoles des victimes. Noussommes dans la compassion, une enquêteest diligentée par le procureur de la Répu-blique. La cellule de crise du quai d’Orsayest mobilisée par ailleurs, indiquait Ber-nard Cazeneuve. Je remercie la France etles forces de secours déployées pour la rapi-dité avec laquelle elles se sont mobilisées",déclare l’ambassadrice.

Une heure plus tard, la ministre del’Écologie, Ségolène Royal, débarquaitsur place. Elle accompagnait le ministreallemand des Transports, Alexander Do-brindt, et Anna Pastor, son homologue es-pagnole. Le directeur de la Lufthansa,dont la société Germanwings, est une fi-liale, faisait partie du cortège. "Nous ve-nons de voir une image d’horreur, souli-gnait Alexander Dobrindt. À l’heure ac-tuelle nous ignorons les causes de ce dra-me".

La tempête médiatique s’est ainsi abat-tue sur Seyne. Et ce n’était pas terminé :Le lendemain débarquaient François Hol-lande, Angela Merkel et Mariano Rajoy.

Maxime LANCESTRE

Elle a été en première ligne pour organiser le dispositif de secours dès les premières alertes. "Le premier appel a été reçuà 10h44 par les pompiers : un témoin avait vu passer un A320 volant à très basse altitude", déclare Patricia Willaert."L’information a été recoupée à 10h47 avec le Rescue coordination centre qui a confirmé la perte de contact avec l’avion.À 10h50, un autre témoin appelait le Codis. Il a aperçu une boule de feu dans le secteur du crash", poursuit-elle. "Un cen-tre opérationnel départemental (COD) a été activé à la préfecture réunissant les dirigeants des principales forces sur pla-ce : gendarmes, militaires, sapeurs-pompiers, police, Agence régionale de santé et sécurité civile. Il était 11h08".

"10h 50: un témoin appelle le Codis. Il a vu une boule de feu"

Seyne-les-Alpesle camp de baseQuelque 600 pompiers et gendarmes ont étémobilisés tout près du sitedu crash dès le premier jour. Un dispositif hors-normes pour le village

C’est à Seyne qu’ont été déployés le poste de commandement, une base d’accueil pour hélicoptères et la cellule d’identification des victimes.

#6

Près de 450 pompiers sontvenus de toute la régionappuyer les Sdis locauxaux côtés de 300militairesde la gendarmerie.

PATRICIAWILLAERT, PRÉFETDESALPES-DE-HAUTE-PROVENCE

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V ous faites chacun de votre côté un travailremarquable. Mais ensemble, vous êtes ir-résistibles." Dans le gymnase de Seyne-

les-Alpes où étaient réunis vendredi 3avril gen-darmes, policiers et représentants de la Sécuri-té civile, Bernard Cazeneuve n’a pas manquéde souligner le travail "exemplaire" des servi-ces de l’État engagés sur ce drame. Au plus fortde la crise, les 24 et 25 mars, 1 000 hommes etfemmes étaient engagés sur le site.

Dès l’annonce du crash, le 24 mars, il s’étaitimmédiatement rendu sur place. "Ce que j’aipu constater, c’est que la mobilisation a été exem-plaire. Il y a eu une excellente collaboration en-tre l’ensemble des forces. La France a montréqu’elle était prête à faire face et cela a suscité lagratitude des autres pays, qui ont été impres-sionnés de voir cette mobilisation", a rappelé leministre de l’Intérieur lors de sa deuxième visi-te dans la vallée de la Blanche.

"Il y a des enquêtes diligentées dans tous lespays concernés, des autorités judiciaires qui coo-pèrent, des polices qui s’entraident... la coopéra-tion est maximale. Nous n’aurions pasaujourd’hui 150 traces ADN, en quelques joursd’investigation, si nous n’avions pas travailléensemble, si nous n’avions pas été aussi rapidesdans l’intervention des différentes forces, no-tamment celles qui dépendent de la police scien-tifique et technique", a-t-il précisé.

Guilhem RICAVY

Le ministre de l’Intérieur s’est rendu à Seyne et au Vernet à deux reprises, le 24 mars et le 3 avril, pour féliciter les forces mobilisées.

Aumoment précis du crash, Bernard Cazeneuve était dans son ministère, place Beauvau. "J’ai décidé de partir dans les troisminutes qui ont suivi cette annonce", raconte le ministre de l’Intérieur. "J’ai ressenti l’effroi qu’ont ressenti tous les Françaisface à un drame de cette ampleur mais aussi la nécessité d’une mobilisation rapide de tous les services de l’État. C’était monrôle que de l’enclencher et de veiller à ce que tous les services sous ma responsabilité soient présents sur zone", reprendBernard Cazeneuve. "Même s’il n’y avait peu d’espoir compte tenu de la violence du crash, il fallait tout faire pour essayerde sauver des vies".

#7

"J’ai ressenti l’effroi qu’ont ressenti tous les Français"

"La Francea su faire face"Leministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a souligné l’excellentecollaboration entre les différents services de l’État lors de ce drame

BERNARDCAZENEUVE,MINISTREDE L’INTÉRIEUR

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A ndréas Lubitz a actionné volontairementles commandes de descente, de façon quipeut être analysée comme une volonté de

détruire l’appareil." En une seule phrase, BriceRobin, procureur de la République de Mar-seille, a sidéré le monde entier.

Jusqu’alors, la thèse de l’accident était privi-légiée. Malaise du pilote, défaillance techni-que, rien n’avait été écarté. Mais à aucun mo-ment, la volonté délibérée de l’un des deux pi-lotes d’écraser l’avion contre la montagnen’était envisagée. Jusqu’à ce jeudi 26 mars,jour de l’arrivée des familles au Vernet. Ce mê-me jour où le parquetier en chef Brice Robin,lors d’une conférence de presse quelque peusurréaliste, a lâché l’information : le gested’Andréas Lubitz était volontaire.

"Le copilote s’est retrouvé seul aux comman-des quand le commandant de bord est sorti ducockpit pour visiblement satisfaire une enviepressante. C’est là qu’il a manipulé le boutonpour activer de manière volontaire la descentede l’appareil."

Une nouvelle terrible, qui a boulversé les fa-milles autant que les secouristes en interven-tion sur les lieux du crash. "C’est terrible qu’unhumain décide de faire ça, c’est vraiment incom-préhensible", affirmera même le médecin-chef du Sdis 04. Un propos qui résume bien lapensée générale...

B.O.

C’est lui qui a la rude, éprouvante, harassante -deux jours sans dormir - mission de conduire la douloureuse enquêtesur le crash des Alpes. Brice Robin, procureur de la République de Marseille, a accueilli, dans une salle de l’aéroportMarseille-Provence, les familles des victimes. "Je leur devais la transparence et des explications sur ce qui s’est passé",a-t-il commenté sobrement. Surtout, il a été l’homme qui a annoncé au monde les dessous de ce terrible drame.Non pas par envie, mais plutôt par devoir. Il s’est parfois interrompu, répété, gagné lui aussi par une évidente émotion.Parce qu’on a beau être procureur, professionnel aguerri du droit pénal, on n’en reste pas moins homme...

"Je leur devais la transparence et des explications"

L’accident quin’en était pas unStupeur et colère ont prédominé lorsque Brice Robin, procureur deMarseille, a révélé aux familles le contenu de la première boîte noire

Les familles sont arrivées à l’aéroport de Marignane sous haute protection, tandis que Brice Robin tenait sa conférence de presse. / PHOTOS G.RUOPPOLO

#8

BRICEROBIN, PROCUREURDELARÉPUBLIQUEDEMARSEILLE

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I l voulait que le monde entier connais-se son nom. Andreas Lubitz a triste-ment réussi son coup. Le copilote de

la Germanwings, directement accusépar la justice française d’avoir provoquéla perte de l’avion qu’il pilotait enl’envoyant s’écraser dans les Alpes, estdevenu, en quelques heures, le nom leplus cité à travers la planète entière.

Lorsque la justice a révélé la "volontédélibérée de détruire l’avion" d’AndreasLubitz, le monde entier a tenté de com-prendre comment ce dernier avait-il puimaginer un tel acte. Au fil des jours,s’est dressé le portrait d’un homme an-goissé, dépressif, médicalement suivi.

Il y a six ans, alors qu’il suivait sa for-mation de pilote, Andreas Lubitz avaitsouffert d’une grave dépression, a révéléle quotidien allemand Bild. Il a même ca-ché qu’il faisait l’objet d’un arrêt mala-die le jour de l’accident. Présenté par sesproches comme sportif et "très compé-tent", Andreas Lubitz avait interrompuson apprentissage "pendant un certaintemps" avant de l’achever normalementet d’entamer sa carrière de copilote en2013.

Il aimait les Alpes-de-Haute-Proven-ce, qu’il connaissait sur le bout desdoigts. Selon tous ses proches, AndreasLubitz rêvait d’être un grand comman-dant de bord. Son geste fou dans le cielfrançais a brisé cette perspective. Et, parla même occasion, le destin de 149 per-sonnes.

B.O.

Andreas Lubitz,copilote meurtrierIl est l’hommequi a précipité l’avion contre lamontagne, et ôté la vie,sur un coup de folie, des 149 autres passagers du vol de la Germanwings

La famille d’Andreas Lubitz, originaire de Montbaur dans le sud-ouest de l’Allemagne, le décrivait comme un jeune homme sportif.

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Les secours aucœur du drameGendarmes, pompiers, CRS, tous étaient à pied-d’œuvre, dès lespremières heures, pour intervenir sur les lieux de la catastrophe

Partout dans le monde, les proches autant que les anonymes ont rendu de beaux hommages aux victimes du crash de la Germanwings.

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Les angesgardiensdes AlpesLes secouristes sont intervenusdans des conditions difficiles surles lieux du crash. Retour en images

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L e président de la République fran-çaise, la Chancelière allemande etle chef du gouvernement espa-

gnol. Trois chefs d’État ou de gouverne-ment européens réunis par le recueille-ment dans un hangar de la petite com-mune de Seyne-les-Alpes, le lendemaindu drame. Une scène d’humilité propi-ce à s’incliner, au souvenir des 150 victi-mes du drame. "Des enfants, des ly-céens, des familles entières et aussil’équipage, soulignait François Hollan-de. Plus d’une quinzaine de pays comp-tait des ressortissants au sein de ce vol."Le président a salué le dévouement desservices de l’État, des Alpes-de-Hau-te-Provence et des départements voi-sins en poursuivant d’une voix basse"un élan de fraternité, de grande efficaci-té... mais il n’y a pas eu possibilité de sau-ver". Après les attentats de Charlie Heb-do, ce sont à nouveau de sinistres cir-constances qui le faisaient rencontrer laChancelière allemande. "Nous avonsconnu des épreuves ces derniers mois.Mais elles sont l’occasion de solidarité".Angela Merkel a adressé ses remercie-ments à la France et à la Région "quim’ont accueilli. Nous nous inclinons de-vant les victimes allemandes mais aussiles autres". Et d’ajouter : "Il est bon dans

ces heures de souffrance, de voir existercette solidarité, cette amitié entre nous",avant de serrer la main du président dela République. "Merci beaucoup et boncourage", concluait-elle en français. Lechef du gouvernement espagnol Maria-no Rajoy a ensuite adressé ses condo-léances aux victimes. "Je tiens à remer-cier le peuple français et son Présidentqui a le comportement d’un ami et du di-gne représentant d’une grande nation".

Le Vernet, Pradset Seyne endeuillésLe Vernet, Prads, Seyne-les-Alpes se

sont réveillés groggy le lendemain de lacatastrophe. Dès les premières heuresdu jour, les habitants, encore abasour-dis, se sont spontanément rencontrésdans les rues des villages. Au Vernet, ilsse sont présentés aux abords de la mai-rie et de l’Inattendu, ce gîte où se sontmassés les journalistes toute la journée.Choqués mais solidaires, les Vernetois,à l’instar de leurs voisins de Prads et deSeyne, n’ont pas hésité une seule secon-de à préparer des dizaines de chambresaux familles des victimes. "Les famillesespagnoles n’ont pas voulu prendrel’avion qui leur a été affrété. Elles vien-nent donc en car", précisait Joëlle Bali-

que, habitante du Vernet et épouse dumaire. Puis de résumer en quelquesphrases toute la générosité des villa-geois : "La veille, les gens ont mené lesforces de l’ordre en 4x4 pour se rappro-cher des lieux du drame. Des habitantsont nettoyé la salle du restaurant oùnous avons déposé des couronnes defleurs, achetées avec la commune deP r a d s . C h r i s t e l l e e t T e d d y , d el’Inattendu, sont spécialement rentrésde vacances pour ouvrir le gîte. Ils n’ontpas dormi de la nuit pour accueillir lesjournalistes."

Se replongeant dans le drame qui a se-coué le monde, Joëlle Balique fut prisde stupeur : "Vous savez, il y a eu 150morts. C’est le nombre d’habitant àl’année dans le village. C’est comme si onl’avait rayé de la carte. C’est incroyable !Alors forcément, nous avons vouluaider. Ici, il y a cette mentalité monta-gnarde d’entraide permanente." Le ma-tin même, à 11 h 30, une poignée d’élusa réuni un conseil municipal d’urgencepour prévoir la venue des familles et or-ganiser la suite. Dans ce malheur abso-lu, les Bas-Alpins ont montré au mondetoute la solidarité dont ils savent fairepreuve.

Maxime LANCESTRE et Antoine MARIGOT

"Ma première réaction a été celle d’un médecin : je suis resté dans ma bulle, en intervention." Maire et docteur, c’est la doublecasquette que porte Francis Hermitte. L’élu a dû gérer l’affluence des secours dans son village de la vallée de la Blanche ainsique la réception et l’accueil des familles. Car c’est à Seyne qu’ont été installés le poste de commandement, une chapelleardente et la cellule d’investigation criminelle pour l’identification des victimes. "L’accueil des familles, le jeudi, a été lemoment le plus marquant. On se sent tout petit quand on se retrouve devant la stèle, avec ces personnes endeuillées.Mais heureusement, on n’est pas seuls dans ce moment-là. Personne n’a envie d’être seul. J’ai essayé d’être à la hauteur".

"Ma première réaction a été celle d’un médecin"

Troispays,troisvillagesàl’unissonSeyne et Le Vernet ont accueilli trois chefs d’État saisis de stupeur. AvecPrads, les deux villages ont démontré au monde toute leur solidarité

Les chefs d’États ont tenu conférence commune à Seyne, avant d’aller se recueillir au Vernet en présence des maires des trois communes endeuillées.

L’HOMMAGE

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FRANCISHERMITTE,MAIREDE SEYNE-LES-ALPES

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Il a tenu à être présent, autant pour les déplacements présidentiels que ministériels. Michel Vauzelle, le président dela Région Paca, a tenu à réagir, quelques heures seulement après l’accident. "Devant ce drame terrible et bouleversant,je m’associe à la douleur des familles des victimes et tiens à leur exprimer, au nom des habitants de notre région,tout notre soutien et notre affection. Il est très important que les causes de cet accident soient rapidement connues.Je sais que nous pouvons compter sur la forte mobilisation de la France, et je tiens particulièrement à saluer les équipesde secours des Alpes-de-Haute-Provence et des Alpes-Maritimes actuellement déployées sur place."

"Un soutien total aux familles des victimes"

# 15

François Hollande, Angela Merkel et Mariano Rajoy sont arrivés en hélicoptère à Seyne. Ils sont ensuite allés se recueillir au Vernet.

MICHELVAUZELLE, PRÉSIDENTDELARÉGIONPACA

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Il a survolé la zone du crash avec le ministre de l’Intérieur. "La sensation de tristesse ne m’a jamais quitté." Et lelendemain du drame, Christophe Castaner a accueilli François Hollande. "Le matin, alors que j’évoquais avec luil’immense désastre et mon désarroi, le président de la République m’a réconforté par texto : “Cher Christophe,tu as été parfait dans cette séquence horrible. À tout de suite. Amitié.” Ma seule crainte, c’était de m’écrouler enlarmes au moment de l’accueillir, raconte l’élu. Finalement, il m’a dit bonjour en me donnant un petit coup-de-poingdans le plexus. En fin de compte, la venue des chefs d’État a été un moment réconfortant", poursuit-il.

"Trois chefs d’état dans notre département, c’est particulièrement marquant !, lâche Gilbert Sauvan, après coup. On abeau se dire qu’il s’agit de personnes de grande notoriété, on a en face de nous des personnes humaines, sensibles." Voilàce que retiendra le député et président du Conseil départemental : la solidarité des grands Hommes, leur disponibilité auxmoments des faits. "Ainsi que la mobilisation de toute une vallée, puis d’un département, rejoint par ses voisins de larégion Paca. C’était du jamais vu, ajoute l’élu. Je suis particulièrement fier de cette solidarité. Les Bas-Alpins ont prouvéque la solidarité a un sens. D’autant que tout cela nous a permis d’évaluer nos forces. On en était incapable avant !"

Mercredi 25mars, François Hollande, AngelaMerkel etMariano Rajoyse rendent sur les lieux du drame, accueillis par lesmaires de la vallée.

Il n’y a plus un bruit quand ils se recueillent face à lamontagne...

"Ma crainte, c’était de m’écrouler en larmes..."

#16 #17

"Ce qui m’a marqué, c’est la solidarité des grands Hommes"CHRISTOPHECASTANER,DÉPUTÉDESALPES-DE-HAUTE-PROVENCE

Warum? Pourquoi? Porqué?

GILBERTSAUVAN, PRÉSIDENTDUCONSEILDÉPARTEMENTAL

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M ardi 24 mars, 10 h 40, agenceLa Provence à Manosque. Lesjournalistes, en conférence de

rédaction, évoquent les sujets de la se-maine à venir. Le téléphone sonne,une rédactrice décroche. Au bout dufil, la secrétaire de l’agence de Digne,impatiente : "Passe-moi le directeur,c’est urgent". L’annonce déclencheune stupeur indescriptible. Les journa-listes s’observent, médusés. Ils pei-nent à croire la nouvelle : un Airbus seserait écrasé au Nord du département.Tout le monde se doute que ce genred’événement n’arrive qu’une seulefois dans une carrière. Et pourtant,l’adrénaline propre au métier a étésupplantée par la stupeur.

Trois journalistes s’échappent del’agence. "On part. On prendra les in-fos au téléphone au fur et à mesure", lâ-che l’un deux. Pendant ce temps,l’équipe doit vérifier l’information leplus rapidement possible. Une rédac-trice contacte le Centre opérationneldépartemental d’incendie et de se-cours, interlocuteur privilégié lors defaits-divers. De coutume disponibles,les sapeurs-pompiers ne décrochentpas. Du côté de l’aéroport de Marigna-ne, le responsable de la communica-

tion semble ne rien savoir. Rien deplus normal en fait : l’appareil de laGermanwings vient à peine de heurterla montagne. Il n’y a qu’en préfectureet du côté des forces de secours quel’information circule.

Et c’est un coup du sort qui a mis lesjournalistes de La Provence sur la pistedu plus grand drame de l’histoire dudépartement depuis 1953.

Périple en hélicoptèreet témoignagesExceptionnellement ce jour-là, il n’a

pas participé à la conférence de rédac-tion. "Et heureusement !", dira-t-il unesemaine plus tard. L’un des deux pho-tographes de l’édition alpine a passésa matinée à Digne pour préparer sessujets. En voiture sur le boulevard Gas-sendi, "je croise ma source. Il me fait si-gne de baisser ma fenêtre. Et n’a eu letemps de me dire que quelques mots :crash, Airbus, suis-moi". Ni une, nideux, le photographe amorce un de-mi-tour. Il suivra sa source jusqu’àPrads.

Pendant ce temps, deux équipes dereporters s’activent. L’une tentera derécolter des témoignages à Prads, làoù de rares habitants ont vu l’avion vo-

ler à très basse altitude, à peine quel-ques secondes avant l’impact. L’autredécide d’aller à Tallard, où elle réussità louer un hélicoptère pour situer la zo-ne et immortaliser les premières ima-ges de la tragédie. "On a décollé à12h30 de Tallard. Nous avons mis envi-ron une heure pour trouver la zone ducrash. On n’y voyait que des centainesde milliers de débris éparpillés partoutdans la montagne", rappelle un rédac-teur. Alors qu’il observe, désemparé,le désastre, son collègue photographeenchaîne les clichés. Des images quis’avéreront exclusives et qui feront letour du monde des médias...

La fin de journée approche. Chacundes journalistes a glané ses informa-tions. Ils s’étaient quittés à 11h à Ma-nosque. Ils se retrouvent à 19 h, à Sey-ne-les-Alpes pour l’arrivée des minis-tres de l’Intérieur et de l’Écologie.

Au crépuscule, le 24 mars est mar-qué d’une pierre blanche par touteune rédaction. Personne ne sait pourautant comment, pourquoi un appa-reil si fiable a endeuillé le monde. Et àce moment précis, aucun journalisteimagine que le drame est en passe debasculer dans l’horreur.

Antoine MARIGOT

En Allemagne, l’émotion a été toute aussi vive qu’en France. Mohamed Amjahid, journaliste francophone pour DerTagesspiegel, a appris la nouvelle via... La Provence. "Tout de suite, nous nous sommes réunis, et mon rédacteur en chefm’a demandé de me rendre sur les lieux, explique t-il. Lorsque l’on a appris qu’il y avait des Allemands, on a tout de suitecompris qu’il s’agissait là d’une grande tragédie pour notre pays." D’ailleurs, une fois passée "l’adrénaline" de voir AngelaMerkel et François Hollande, Mohamed est vite retombé dans l’horreur du drame. "Ce fut un choc. Je ne savais même plusquoi écrire tellement j’étais troublé. Dans ma jeune carrière, jamais je n’avais traité tels faits. C’était vraiment incroyable..."

"On a compris qu’il s’agissait d’une grande tragédie pour notre pays"

"La Provence"au cœur dudrameL’accident s’est noué dans la zone de diffusion du quotidien.Le 24mars, toute la rédaction s’estmise en état d’alerte...

Venus du monde entier, les journalistes se sont pressés sur les lieux de l’accident, notamment pour interviewer la ministre Ségolène Royal.

L’ÉM

OTION

# 18

MOHAMEDAMJAHID, JOURNALISTEÀ"DERTAGESSPIEGEL"

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L e plus grand barnum médiatique del’histoire des Alpes-de-Haute-Pro-vence s’est noué au Vernet, durant

toute une semaine. Au point que le petitvillage et ses 150 habitants à l’année sesont retrouvés, au centre du monde... Il-lustration avec la journée du jeudi 26mars au lieu-dit les Souquets, à deux pasdu village...

7h. Déjà, les journalistes espagnols, alle-mands, français, japonais, anglais, austra-liens, installent leurs camions satellitesaux abords du restaurant l’Inattendu, làoù de longues heures plus tard, les fa-milles des victimes seront reçues pour serecueillir devant une stèle fraîchement éri-gée en leur honneur. Certains cherchentdéjà une planque pour immortaliser lesinstants fatidiques de cette journée. Cartout le monde ici s’attend à ce que la cen-taine de gendarmes présents éloigne lescaméras.

11h. Ils ont vu juste. Les gendarmes éva-cuent la zone. En quelques minutes, unedizaine de camions de militaires se posi-tionne et obstrue le champ de vision desjournalistes. Ces derniers, repoussés der-rière des barrières, cherchent à tout prixun moyen d’installer leurs trépieds, deprendre de la hauteur. Qu’à cela ne tien-ne, ils y arriveront. Devant le camion iTé-

lé, la journaliste Laure Parra quitte son di-rect. "C’est sur La Provence que j’ai vu unealerte actu sur le crash", nous raconte-t-el-le. À quelques mètres de là, lesreportersaffluent sur le pas de la porte d’une habi-tante. "Ils veulent un code wifi", expli-que-t-elle. Gentiment, Nadège leur don-nera accès aux toilettes, mettra à disposi-

tion des prises et les accueillera dans lejardin, point de vue imprenable sur la scè-ne de recueillement. Pendant ce temps,dans le restaurant, gendarmes et pom-piers préparent l’arrivée des familles. "Ona pu trouver 80 logements au Vernet, dansun village de 150 habitants !, s’émeut lafemme du maire, Joëlle Balique. Les fa-milles arriveront à 15h", ajoute-t-elleavant de retourner dans le restaurant,transformé en cellule de crise.

12h30. Un journaliste monte le son deson autoradio, rapidement rejoint parune vingtaine de reporters. La nouvelletombe. Ce n’est pas un accident. "Volon-taire." Le mot du procureur de la Républi-que de Marseille, Brice Robin, résonnedans la vallée de la Blanche. Tout le mon-de se regarde, abasourdi. "Pour moi c’estun drame dans la tragédie. Un accident,c’était déjà grave. Mais volontaire, c’estcarrément l’horreur", confie Théo Koll, en-voy é sp é c i a l d e l a ZDF, "l’équivalentdu France 2 allemand". Un grand froid ba-laie la vallée. Le ciel se couvre.

15h. L’arrivée des familles est imminen-te. Certains journalistes montent sur lestoits de leurs camions. Le moindre sour-cillement d’un pompier déclenche subite-ment le crépitement des flashs. Tout près,les enfants de l’école se tiennent prêts, ro-ses à la main, à aller réconforter les pro-ches. Les bus arrivent. Des centaines depersonnes brisées descendent. Le malai-se est perceptible. Les habitants du Ver-net, plus que jamais solidaires, concer-nés, ont déjà préparé les chambres.D’ailleurs, les chalets sont chauffés de-puis la veille. C’est sans doute au centredu monde que les coeurs sont les pluslourds.

Antoine MARIGOT

Dans le monde entier, les journaux ont parlé du crash de la Germanwings. En utilisant le cliché exclusif de notre photographe, Stéphane Duclet.

Carmen Diaz, journaliste pour la Sexta, a été envoyée par sa chaîne télévisée pour crouvrir le drame. "Je suis arrivéele mardi 24 à la rédaction. A midi, j’ai eu la nouvelle", se souvient-elle. Six heures plus tard, la reporter atterrissait àl’aéroport de Nice. "J’ai dormi à Sisteron et suis allée au Vernet le lendemain. Nous avons eu les témoignages, trèsimportants, des villageois qui ont conduit les gendarmes sur le site, en 4x4." Mais à peine 24h après son arrivée, lajournaliste a dû changer son fusil d’épaule : "Nous avons appris que ce n’était pas un accident. On a alors imaginé la douleurdes familles. Il s’agissait donc d’avoir le témoignage des psychologues qui ont parlé avec les familles, pour comprendre."

"On a alors imaginé la douleur des familles..."

Le Vernet aucentre du mondeAu total, ce sont 400 journalistes qui ont envahi, du jour au lendemain lepetit village bas-alpin. Récit d’une journéemédiatique hors du commun...

# 19

Cen’estpasunaccident."Volontaire." Lemotduprocureurde laRépubliquedeMarseille,BriceRobin, résonnedans lavalléede laBlanche.

CARMENDIAZ, JOURNALISTE ESPAGNOLEPOUR"LASEXTA"

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I ls sont lentement descendus des auto-cars. Sans un mot. Ils ont marché verscette montagne, qui leur a pris un frère,

un père, une mère. Et se sont recueillis. Lesfamilles des victimes se sont rendues, 48 haprès le drame, à proximité des lieux oùs’est écrasé l’appareil de la Germanwings.Les proches des 150 victimes avaient quit-té en autocar l’aéroport de Marignane, oùle procureur de la République de Marseilleleur a fait un point sur l’enquête.

Dans les Alpes-de-Haute-Provence, lesfamilles des victimes ont été scindées endeux groupes : les proches des membres del’équipage de l’avion se sont rendus direc-tement à Seyne-les-Alpes, dans la chapelleardente installée dans le gymnase de la ci-té, et les familles des passagers au Vernet, àquelques kilomètres de distance, un peuplus bas dans la vallée. Tout a été fait pourque les deux groupes ne se croisent pas aucours de la journée, af in d’évi terd’éventuelles tensions.

Au total, sept autocars de tourisme, auxvitres teintées, ont amené au Vernet lesproches des 144passagers morts dans la ca-tastrophe. À leur descente des véhicules,les familles, près de 300 personnes au to-tal, ont été accueillies par des membres ducorps préfectoral et par les autorités consu-laires de leur pays respectifs. Se tenant par

les bras, un homme et une femme âgés ontéclaté en sanglots en descendant de leurautocar, et ont été immédiatement entou-rés par des membres de la Croix-Rouge.Un important dispositif de sécurité avaitété déployé dès le matin. Des équipes desecouristes disposées un peu partout, aucas où. Tous se sont ensuite rendus devantle gîte qui abrite la chapelle ardente danslaquelle François Hollande, Angela Merkelet Mariano Rajoy se sont recueillis la veille.Devant ce bâtiment, les proches des passa-

gers ont observé un moment de recueille-ment, devant des drapeaux de leur pays te-nus à l’horizontale par des gendarmes etdes pompiers, face à la montagne sur la-quelle l’A320 de la Germanwings s’est écra-sé. Ils ont ensuite rendu hommage auxleurs devant une stèle en trois langues,français, allemand, espagnol. Chacune despersonnes présentes a déposé une rose de-vant ce monument qui sera pour toujoursun lieu de recueillement.

Guilhem RICAVY

Si les pompiers, les gendarmes, les services de l’Etat sont intervenus très rapidement à la suite du crash de l’A320, il nefaut pas occulter le travail considérable réalisé par les bénévoles de la Croix-Rouge. Au plus fort de la crise, près de300 personnes, venues de tous les départements limitrophes des Alpes-de-Haute-Provence, se sont mobilisées, à Dignecomme au Vernet ou à Seyne. "La Préfecture nous a demandés de monter un centre d’hébergement d’urgence au Palaisdes Congrès de Digne, pour accueillir 1000 personnes, raconte Jean-Louis Pourcin. Nous avons accueilli les familles, nousles avons soutenues au Vernet. Sans parler de notre action conjointe avec les croix-rouges allemandes et espagnoles..."

"Nous avons accueilli les familles, nous les avons soutenues"

Intensesinstantsde recueillement300proches des personnes disparues se sont rendus dans la valléede la Blanche dès le jeudi 27mars, 48 heures après le drame

Arrivées à Marignane quelques heures plus tôt, les familles des victimes ont rejoint les sites du Vernet et de Seyne-les-Alpes.

#20

JEAN-LOUISPOURCIN,DIRECTEURDELACROIX-ROUGE04

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Les familles sont arrivées en fin d’après-midi jeudi 26 mars. Masqués par les camions de la gendarmerie, ils ont pu se recueillir.

#21

Page 21: Le jour où l’enfer est tombé du ciel

U n joli complexe tout en bois face àla montagne. Quarante loge-ments et un restaurant, au calme

olympien, à l’extérieur du Vernet. Le gîted’étape l’Inattendu, au lieu-dit les Sou-quets a tout du lieu de villégiature idéalpour les randonneurs, de passage dansla vallée de la Blanche.

Pourtant, en ce mardi 24 mars, le lieuest fermé. Ses gérants, Teddy et Christe-le, sont à Aix-en-Provence. Maislorsqu’ils apprennent la nouvelle, sansmême refléchir, ils prennent la route."On s’est dits, il faut qu’on y aille, raconteTeddy. Dans la voiture, le maire du Ver-net, François Balique, a passé un coup defil pour nous demander d’ouvrir le gîte,au cas où..."

Le cas s’est finalement présenté.D’ordinaire si tranquille, le gîte est deve-nu, en quelques heures, le centre del’attention des médias du monde entier.Car c’est là, dans une immense prairieannexe, face à la montagne, que les troischefs d’État ont décidé de venir se re-cueillir. "Tout à coup, nous avons eu descentaines d’appels, entre les journalistesqui souhaitaient réserver des chambres,et l’entourage des trois dirigeants qui vou-laient boucler la zone pour organiser lavisite présidentielle, poursuit Teddy.

Tout est allé tellement vite."En effet, à peine une journée après

l’accident, François Hollande, AngelaMerkel et Mariano Rajoy se retrouvaientà l’Inattendu. Et si le moment ne prêtaitpas à la joie, "le fait de rencontrer le Prési-dent de la République, ce n’est pas rien",confirme Tania, la fille des gérants. Qui,de leur côté, ont tout mis en œuvre pourrépondre aux demandes des trois diri-geants. "Nous avions un espace qui de-vait être aménagé en spa, avec hammamet jacuzzi, dit encore le gérant du gîte.Mais à la demande de François Hollande,nous l’avons transformé en chapelle ar-dente, pour rendre hommage aux victi-mes."

Familles et secouristes hébergésLe gîte était déjà dans le viseur de tou-

tes les caméras du monde. Mais rien decomparable avec ce qui allait attendreChristele et Teddy le lendemain. Car leschefs d’État avaient décidé d’ériger unestèle en ces lieux, face à la montagne, quia pris la vie de 150 personnes.

Et le lendemain, les familles des victi-mes allaient se recueillir au même en-droit. "On nous a demandé de libérer tou-tes les chambres pour accueillir les fa-milles qui souhaitaient rester sur place,

ajoute Teddy. Un périmètre de sécurité,de près de 200 m a été installé autour dugîte. On n’a même pas eu le temps de refai-re le stock pour le restaurant."

Quarante-huit heures ont passé de-puis le crash de l’avion. Et les murs enbois verni du gîte apparaissent sur lesécrans du monde entier lorsque les septautocars transportant les familles des vic-times arrivent au Vernet. "Certains pro-ches des défunts nous ont remerciés, sou-rit Teddy. Mais nous n’avons rien fait, sice n’est les accueillir du mieux possible."

L’hospitalité légendaire de l’Inattendua été fidèle à sa réputation. Les familles,mais aussi et surtout les secouristes,qu’ils soient pompiers, gendarmes outraducteurs, ont pu y trouver là un lieude repos salvateur. "Nous sommespeut-être face à la plus grande catastro-phe qu’a connu ce département, et pour-tant, les gérants gardent le sourire,constate Michel, pompier vauclusien ac-cueilli dans le gîte. Les familles des victi-mes doivent terriblement souffrir. Mais el-les trouvent dans le sourire et la chaleurdes gérants un semblant de réconfort."

De quoi émouvoir aux larmes les gé-rants, qui ont donné là une sacrée leçonde solidarité...

Brian ORSINI

Elle n’a pu retenir ses larmes. L’émotion, la fatigue, la joie, la peine, autant de sentiments qui se sont mêlés dansl’esprit de Christèle. Ce petit bout de femme, qui gère l’Inattendu avec son époux, a vu sa vie changer du tout au tout."Tout à coup, se retrouver là, devant les familles, les chefs d’Etat, c’est lourd à assumer", avoue t-elle timidement.Pourtant, elle comme son mari ont été exemplaires. Ils ont tout accepté, se sont pliés à toutes les exigences etdoléances des familles, des secouristes, parfois même des journalistes. Et sans quitter le sourire qui les caractérisenttant. "Ce n’est rien à côté de ce qu’ont vécu ces familles", glisse t-elle. Mais c’est déjà beaucoup à leurs yeux...

"Se retrouver là, c’est lourd à assumer"

"L’Inattendu",lerefuge des famillesAuVernet, lieu-dit des Souquets, le gîte, d’habitude si calme, est devenuun lieu d’accueil pour les familles des victimes et les secouristes

Ce gîte s’est transformé, en l’espace de deux jours, en un lieu d’accueil pour les familles des victimes, arrivées en nombre à l’Inattendu.

#22

CHRISTELE, GÉRANTEDUGÎTE L’INATTENDU

Page 22: Le jour où l’enfer est tombé du ciel

C ’est un petit bout de marbre d’à peine soixante centimè-tres de haut, posé face à une montagne. C’est, surtout, lesymbole de l’hommage unanime rendu par la France,

l’Allemagne, l’Espagne, et le reste du monde à toutes ces victi-mes, qui ont perdu la vie un matin de mars, au fin fond des Al-pes- de-Haute-Provence.

Cet objet, c’est une stèle, inaugurée jeudi après-midi au Ver-net en présence des familles des passagers de l’A320 de la Ger-manwings. Ornée d’un texte gravé en français, en allemand, enespagnol et en anglais, elle porte un message simple et clair :"En mémoire des victimes de la catastrophe aérienne du24mars 2015."

À peine installée, la stèle était déjà recouverte de fleurs entout genre hier matin. Si les familles des victimes ont pu, tran-quillement, s’y recueillir dès leur arrivée, hier, de nombreuxanonymes ont souhaité déposer une rose, une plante, ou un ob-jet témoignant de leur compassion pour les proches des passa-gers décédés. "Nous venons tous les week-ends à Seyne, et noustenions à venir nous recueillir un petit moment, a affirmé Angeli-na, accompagnée par ses deux petites filles. On voulait simple-ment rendre hommage aux victimes, et penser à leurs familles.Ce qu’elles vivent actuellement, c’est terrible. Nous sommes detout coeur avec elles." Alors que les familles regagnaient petit àpetit leurs pays respectifs, les anonymes étaient toujours plusnombreux à venir au Vernet.

Passant au milieu de l’impressionnant cortège de gendar-mes, ces hommes et ces femmes, pour beaucoup des habitantsde la région, ont souhaité apporter leur écot à un élan de solida-rité sans précédent dans les Alpes du Sud. "Quand on voit quedes familles ont ouvert leurs portes, proposé spontanément leursmaisons pour accueillir ces gens, sans rien demander en contre-

partie, notre action est dérisoire, sourit Mélanie, venue en voisi-ne de La Javie. On se met à la place de ces personnes qui souf-frent, car les faits se sont déroulés à côté de chez nous."

D’habitude si calme, le hameau du Vernet est devenu, enquelques jours, le centre du monde. Et sera (re)connu désor-mais comme étant un véritable sanctuaire pour tous ceux quisouhaiteront rendre hommage aux victimes de cette catastro-phe aérienne.

Brian ORSINI

Elle a été sur le front, à Seyne et au Vernet mais aussi à l’arrière-base, à Digne. La maire de la cité thermale, Patricia Graneta beau être habituée "dans le cadre de mon activité professionnelle (elle est médecin, NDLR) à accompagner les patients ensoins palliatifs, des familles endeuillées. Mais le jour du recueillement devant la stèle, au Vernet, j’avais les larmes aux yeux,concède-t-elle. J’ai eu du mal à contenir mon émotion. Imaginez, des familles endeuillées à ce point... Je n’ai pu que compatirà cette détresse. Il fallait être à la hauteur, malgré cette immense tristesse", reprend-elle. De cette tragédie, la mairede Digne préférera se souvenir "de la dignité des familles, du respect mutuel et l’émotion intense qui régnait au Vernet."

"La dignité des familles, du respect mutuel et l’émotion intense"

Une fois installée sur le terrain vague face à la montagne, cette stèle a reçu la visite de nombreuses familles... et anonymes.

Un grand lieude pèlerinageInaugurée deux jours seulement après le drame,la stèle a été fleurie par des familles et des anonymes

#23

PATRICIAGRANET,MAIREDEDIGNE

Page 23: Le jour où l’enfer est tombé du ciel

B ientôt, au sommet du Col de Ma-riaud, une autre stèle sortira de ter-re. À l’instar de celle érigée au

lieu-dit les Souquets, au Vernet, elle ren-dra hommage aux victimes du crash. "Onveut que les communes de Prads et du Ver-net aient un nouveau lieu de recueille-ment", confie le maire de Prads-Hau-te-Bléone, Bernard Bartolini.

Si, depuis deux semaines, les projec-teurs sont braqués sur le Vernet et Seyne,là où les forces ne cessent d’être dé-ployées, c’est bien dans l’agglomérationde Prads que l’avion de la Germanwingss’est écrasé. "Le poste de commandementa été installé à Seyne, ce que je comprendstrès bien : notre vallée, celle de la Bléoneest plus encaissée, la route y est étroite, cequi aurait compliqué le passage des véhi-cules de pompiers et de gendarmerie, pré-cise Bernard Bartolini. Et il est normalqu’une stèle soit au Vernet, face à la mon-tagne. Les familles qui s’y recueillent peu-vent aisément savoir où ça s’est passé : der-rière la première montagne", reprend-il.Et si les chefs d’État, les ministres et lesfamilles de victimes se rassemblent de-puis quinze jours dans cette immenseprairie vernetoise, c’est de l’autre côté dumassif que tout s’est noué. À Prads, villa-ge composé de neuf hameaux, les té-

moins ont vu passer l’appareil à très bas-se altitude, s’engouffrer dans le massifdes Trois évêchés, si connu des Pradins."Deux conseillers municipaux ont vu pas-ser l’avion. Ca a duré 5 à 10 secondes. Enle voyant voler à si basse altitude, ils ontcompris, souligne le maire de Prads. Maisils n’ont rien entendu. Le bruit a été absor-

bé par la vallée, très encaissée..."Alors, pour se souvenir que Prads a été

le terrible théâtre de la catastrophe, lemaire de la commune et ses administrésont d’ores et déjà pris plusieurs déci-sions. À commencer donc, par la futureconstruction de cette stèle, au sommetdu col de Mariaud. "De là-haut, on est à300 m de la zone du crash. Dès que ce seraun peu aménagé, on aura une vue déga-gée sur le lieu, explique Bernard Bartoli-

ni. C’est important, pour les familles". Etpour ces familles, encore et toujours,l’édile de Prads mettra tout en œuvre. "Ilétait déjà prévu, en 2014, de refaire le che-min qui relit le hameau de Saume-Lon-gue à celui de Pré-Fourcha. Nous allonsprécipiter le réaménagement de ce che-min, qui passera par le col de Mariaud.On aimerait être prêts avant l’hiver pro-chain pour que dès la date d’anniversairedu crash, ce soit accessible aux gens",poursuit le maire.

Aussi, à Prads, là où tant d’habitants sesont spontanément présentés pourouvrir leurs demeures aux familles en-deuillées, un autre monument, plus petitque la future stèle de Mariaud, sera bâtie."À Saume-Longue, il y a un endroit éclair-ci qui donne sur la vallée de Pré-Fourcha,là où s’est écrasé l’avion. On veut y faireune petite stèle pour que le jour où les pro-ches des victimes passeront par Prads, el-les puissent y avoir un lieu, dans la com-mune, pour se souvenir."

Personne n’oubliera ainsi que les troisv i l l a g e s c o n c e r n é s p a rl’incommensurable drame se sont mon-trés à la hauteur de la catastrophe. Etqu’à Prads, avec pierre et marbre, les ins-criptions seront indélébiles.

Antoine MARIGOT

Pour Bernard Bartolini, le 24 mars 2015 sera d’autant plus inoubliable que l’avion s’est crashé dans la commune dont il estle maire, Prads. Aussi, c’est ici que plusieurs témoins ont vu l’avion lors de son ultime descente. "Deux de mes conseillersl’ont vu voler très bas. Ils ont compris qu’il allait se passer quelque chose. Parce que derrière, il y a le massif des Trois-Évêchés. Je n’étais pas sur place lorsque j’ai appris pour la catastrophe. C’est d’abord le centre 15 qui m’a appelé pour medemander si j’avais vu passer un avion. J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’un planeur. Deux minutes plus tard j’ai reçu unautre coup de fil, pour m’annoncer qu’il s’agissait d’un Airbus. Ça m’a mis un énorme coup de massue derrière la tête."

Prads, théâtrede la tragédieC’estdans l’agglomérationdecevillagedelavalléede laBléonequeledrames’estproduit.Sonmaireadéjàprisplusieursmesurespoursesouvenir

La commune de Prads va copier sur sa voisine du Vernet et érigner une stèle au sommet du col de Mariaud.

"Un énorme coup de massue derrière la tête"

#24

"Dusommetducol deMariaud,onest à 300mde lazoneducrash.Dèsque ce seraunpeuaménagé, onauraunevuedégagée sur le lieu."

BERNARDBARTOLINI,MAIREDEPRADS-HAUTE-BLÉONE

Page 24: Le jour où l’enfer est tombé du ciel

Alors qu’il était à Lourdes au moment des faits, Jean-Philippe Nault, le nouvel évêque de Digne, est "rentré le plus vitepossible" lorsqu’il a appris la nouvelle. "Très vite, le vicaire général et le curé de Seyne étaient sur place, pour accueillirles familles. Le lendemain du drame, nous avons eu un temps de célébration avec toutes les personnes présentes, leshabitants du village qui ont souhaité participer." Et le samedi matin, il a ordonné une grande messe. "Ce fut un momentpour les victimes, pour leurs familles, et toutes les personnes qui le souhaitaient, explique l’évêque. C’est importantde pouvoir se retrouver ensemble, de prier et de célébrer ensemble. Une vraie fraternité, une vraie bienveillance."

"C’est important de pouvoir se retrouver ensemble"

Des bougies pourne pas les oublierDans lemonde entier, les hommages se sont succédé. De la cathédraledeDigne au lycée Joseph-Konig à Haltern, le recueillement était total

Partout dans le monde, les proches autant que les anonymes ont rendu de beaux hommages aux victimes du crash de la Germanwings.

#25

MGRJEAN-PHILIPPENAULT, EVÊQUEDEDIGNE

Page 25: Le jour où l’enfer est tombé du ciel

I l était 10 h 40, mardi 24 mars, quandtout a commencé pour les habitantsdu Vernet, de Seyne et de Prads. Déjà,

une semaine après le drame, la vallée de laBlanche avait bien du mal à se réveiller. Lecauchemar a marqué tous les esprits, dé-sormais traumatisés. Tant bien que mal,les Bas-Alpins devront vivre avec le plusgrand drame de leur histoire...

Le Vernet, lundi 30 mars. La plupart desmédias a quitté les lieux. Seuls les gendar-mes et les pompiers se relaient pour leurtravail de sécurisation de la zone. Quel-ques habitants traversent le village, le paslourd. L’occasion de croiser le premier ad-joint au maire, hagard, qui peine visible-ment à se remettre de la tragédie... "La viedans le village ?, s’étrangle-t-il. C’est horri-ble. Mentalement, c’est dur. Pour la popu-lation, d’abord : ceux qui vivent près deslieux du drame voient les hélicos volerau-dessus de leur tête. À chaque fois qu’onsort, ou qu’on rentre chez soi, il faut passerun barrage de gendarmes, présenter ses pa-piers. C’est épuisant", lâche Jean-Marie Mi-chel. Ému aux larmes, l’élu assure que "levillage ne redeviendra jamais commeavant. À chaque fois que je sors de chezmoi, je vois cette montagne. Avant, je pre-nais mon café en la regardant. Mainte-nant, j’ai ça. C’est abominable, soupi-

re-t-il, la voix tremblante. Il va falloir quel-ques années pour que ça se calme". Alorsque le premier adjoint tourne les talons,un couple d’une soixantaine d’années pas-se à quelques mètres. "Nous n’étions paslà au moment du crash", précise Ma-rie-Line. "Nous étions partis nous vider latête car nous étions en deuil. C’était dur derevenir", raconte son mari, François.

"Les familles continuentde venir, de plus en plus loin"S’il y a bien un endroit où l’émotion a

atteint son paroxysme, c’est bien aulieu-dit les Souquets. Le gîte l’Inattendu,d’ordinaire si calme, s’est transformé, jus-te après la tragédie, en camp d’accueilpour les familles - et les secouristes. Celieu bien connu des randonneurs est deve-nu en quelques jours l’endroit où troischefs d’État se sont recueillis, cent fa-milles ont été accueillies et une stèle a étéérigée. Bref, au Vernet, la vie reprend soncours, bon an, mal an. Pour pouvoir ap-prendre en toute tranquillité, les neuf éco-liers ont été déplacés dans l’ancienne éco-le au centre du village. Pas de quoi les dé-contenancer . "L’école est plus petite, maisce n’est pas trop grave, sourit Célia, àl’heure de la récréation. Les cours sont lesmêmes, donc ça change pas grand-chose."

L’insouciance de la jeunesse contrasteavec une population locale terriblementmarquée par ce drame. Hier encore, alorsqu’une famille australienne devait se re-cueillir devant la stèle, les habitants ten-taient de fuir l’objectif des caméras. "C’estencore dur à vivre pour nous", dit Yvette."Vous pourriez dormir vous, avec tout ça?,renchérit sa sœur, Mireille. Je vaispeut-être déménager. On verra. Peut-êtreque tout cela finira par se calmer." Le cal-me après la tempête ? Rien n’est moinssûr : Le lieu-dit les Souquets a de grandeschances de devenir un espace de pèlerina-ge pour les familles des victimes. Et donc,pour les journalistes...

Aussi, les jours se suivent et se ressem-blent. "Les familles continuent de venir, deplus en plus loin. Là, il y a des proches quiviennent d’Amérique du Sud", confiait il ya quelques jours Joëlle Balique, l’épousedu maire Vernetois. "Alors, on fait ce qu’onpeut. On part se promener avec les famillesdans la prairie face à la montagne. Un gui-de a été mis à leur disposition pour leur dé-crire le site. Parfois, elles pleurent dans nosbras. On fait ce qu’on peut", répète la Ver-netoise, impuissante mais plus digne quejamais.

Antoine MARIGOTet Brian ORSINI

Il a été au centre de tous les échanges, étant le maire de la commune sur laquelle l’avion s’est écrasé. François Baliquea suivi minute par minute le déroulé des événements. "J’ai tout de suite ressenti un sentiment d’horreur, confirme t-il.Indéniablement, cette date va marquer l’histoire de la commune." Mais face au drame, François Balique a pu observer,petit à petit, la vague de solidarité qui a émané de tous les habitants de "son" village. "C’était extraordinaire. Avant,il ne se passait jamais rien au Vernet. Depuis ce jour du crash, tout le monde sait où se trouve notre village. Et du jour aulendemain, les habitants ont accueilli des familles, des secouristes chez eux. Cette vague de solidarité est sans précédent."

"Depuis ce jour, tout le monde sait où se trouve notre village"

Le Vernet: deuxsemaines en enferLe village a vu, en 15 jours, passer desministres ahuris, trois chefs d’Étatsmarqués et des familles traumatisées. La vie reprend son cours, difficilement

Jean-Marie Michel, le premier adjoint au maire du Vernet, assure que la vie ne sera jamais plus la même dans ce hameau...

#26

FRANÇOISBALIQUE,MAIREDUVERNET

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L e crash de l’A320 a eu un retentissement tout particulierdans la vallée de l’Ubaye. Cette catastrophe aérienne rap-pelle en effet celle du Constellation "FBAZZ" d’Air France

assurant la liaison Paris-Saïgon.Le 1er septembre 1953, à 23h40, l’avion de ligne à hélices

s’écrase dans une zone escarpée, sous le sommet du Mont Ce-met, à 2800 m d’altitude, en face du hameau de Fours/Saint-Lau-rent, commune d’Uvernet-Fours. 42 personnes, dont le célèbrevioloniste Jacques Thibaud, trouvent la mort dans ce crash dontles causes n’ont jamais été élucidées.

La route du Paris-Saïgon passait par, Nice où l’avion devaitfaire escale. À 23 h 15, la tour de contrôle d’Aix-en-Provence -celle qui suivait aussi la route de l’A320 - reçoit un appel del’avion demandant l’autorisation de descendre de 4 500 pieds.Ce sera le dernier message de l’appareil qui s’écrase, huit minu-tes plus tard, à quarante kilomètres à l’est de sa route initiale.Réveillés par le bruit de l’explosion de l’appareil contre la paroirocheuse, les Fourniers (nom donné aux habitants du vallon deFours) seront les premiers, dans la nuit, à partir à pied portersecours, guidés par les flammes de l’incendie dont la lueur éclai-rera pendant plus d’une heure la vallée.

Après plusieurs heures de marche, ils accéderont enfin à la zo-ne d'impact et se rendront rapidement compte de l’ampleur decette catastrophe dont il ne restait que des débris de l’avion etles corps sans vie. Ils seront plus tard rejoints par les chasseursalpins du 11e BCA, stationnés à Barcelonnette. Comme pourl’A320, aucun des 33passagers et neuf membres d’équipage neréchappera à cet effroyable accident, resté, pendant plus desoixante ans, la plus meurtrière catastrophe aérienne déploréedans le département des Alpes-de-Haute-Provence. C’estd’ailleurs pour éviter que ce souvenir ne sombre dans l’oubli

qu’un an avant le soixantième anniversaire du crash du Pa-ris-Saïgon, avec d’autres enfants des Fourniers qui ont fait par-tie des premières caravanes de secours, il avait décidé de chan-ger la croix en fer élevée au Mont Cemet.

Cette croix avait été acheminée à dos d’hommes jusqu’au lieudu crash, le 1er septembre 1954, date du premier anniversaire decette tragédie dont le souvenir est resté très vif dans le vallon deFours et est ravivé à chaque nouvelle catastrophe aérienne.

Sylvie ARNAUD

Comme quasiment tous les habitants de la Vallée de l’Ubaye, Jean-Pierre Arnaud, habitant de Fours, a "entendu parler ducrash du Paris-Saïgon dès mon plus jeune âge." Ces faits avaient d’ailleurs fait la Une de notre quotidien - qui s’appelaitencore Le Provençal - avec un titre éloquent : "L’avion Paris-Saigon s’écrase et prend feu près de Barcelonnette, 42morts".Depuis, chaque année, les pèlerins viennent sur les lieux de l’accident. "J’ai connu la femme et le fils du piloteainsi que l’épouse du mécanicien qui venaient se recueillir chaque date anniversaire sur la stèle, à l’entrée de notrevillage" dit encore Jean-Pierre Arnaud. Sans doute cela ressemblera t-il fort avec ce qu’il se passera au Vernet et à Prads...

"Un recueillement chaque année sur les lieux du crash"

La commune de Fours avait, à l’époque, érigé une stèle enmémoire des vicitmes du crash de cet avion, un Lockheed Constellation d’Air France.

Un crash similaireen Ubaye en 1953Le vol Paris-Saïgon s’était écrasé, sans laisser de survivant, sur leMontCernet. A quelques kilomètres à peine dumassif des Trois Evêchés...

#27

JEAN-PIERREARNAUD,HABITANTDEFOURS

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L es 149 victimes du pilote fou - 144passagers et 5 membres d'équipa-ge - sont originaires d'une quinzai-

ne de pays, et de 18 nationalités diffé-rentes. Les premières indentités révé-lées ont été celles de deux chanteurs del'opéra de Düsseldorf internationale-ment connus, le baryton-basse OlegBryjak, âgé de 54 ans, et la contralto Ma-ria Radner, 33 ans, qui venaient de seproduire dans l'opéra de Richard Wa-gner "Siegfried" au Gran Teatre del Li-ceu de la capitale catalane. Maria Rad-ner était également accompagnée deson bébé et de son époux.

U n c o u p l e d e j e u n e s m a r i é sd’origine marocaine - Mohamed Te-hrioui, 24 ans et Asmae Ouahhoud, 23ans - étaient également dans l'Airbus.Les deux amoureux s'étaient dit ouitrois jours plus tôt à Barcelone. Le cou-ple s’apprêtait à emménager dans sanouvelle maison en Allemagne. Ironiedu sort ou plutôt miracle : les parentsde Mohamed, prévus sur le vol pourDüsseldorf, n’avaient pu embarquer àcause d’un retard de réservation...

L’Espagne a été terriblement tou-chée aussi. Ariadna Falguera, militantedu parti politique catalan ERC et épou-se du chef de cabinet du politicien

Oriol Junqueras, se rendait à Düssel-dorf pour raisons professionnelles. Car-les Milla était un jeune entrepreneur,né en 1977, qui dirigeait une sociétédans le secteur de l'industrie alimen-taire. Il était le père d'un enfant de 2ans. Membre du Rotary Club de Banyo-les depuis sept ans, il venait d'en êtreélu président.

Thomas Treppe se rendait quant àlui à Düsseldorf dans un cadre profes-sionnel. Consultant en exportationsdans le milieu de la mode – il parlaitquatre langues - il était en missionpour la marque Surkana. Manuel Rives,homme marié de 52 ans, était syndica-liste à l'Union générale des travailleurs(UGT). Il avait trois enfants.

Marian Brandrès Lopze-Bel, âgée de37 ans, voyageait avec son bébé de septmois. Après être partie en Espagnepour assister à des funérailles, elle vou-lait rentrer à Manchester mais avaitpris cet avion après n'avoir trouvéaucun vol direct.Rogelio Oficialdeguiétait âgé de 62 ans. Directeur des res-sources humaines, il comptait prendresa retraite.

Pilar Vicente Sebastian était profes-seur d'école depuis 25 ans dans une pe-tite ville d'Espagne. Âgée de 55 ans, elle

se rendait à Düsseldorf pour rendre visi-te à ses enfants qui y font leurs étudesen Erasmus.

Il y avait aussi Sonia Cercek, une Alle-mande supportrice fidèle du CF Valen-ce ; Josep Sabaté Casellas, homme ma-rié de 38 ans déjà père de trois enfantsâgés de 3 à 7 ans et qui allait en avoir unquatrième ; Vicente et Eusebio Martin,deux frères venus en Allemagne pour af-faires ; Eyal Baum, un Israélien qui serendait à Düsseldorf pour le travail ; Ca-rol et Greig Friday, une mère australien-ne et son fils de retour de congés ; lesJaponais Satoshi Naga et Junichi Satoqui vivaient en Allemagne ; GabrielaMaumus et Sebastian Lujan Greco,deux Argentins en vacances tout com-me les Colombiens Maria del Pilar Teja-da et Luis Eduardo Medrano Aragon.

Les Etats-Unis ont également confir-mé la mort de deux citoyens améri-cains, Yvonne Selke et Emily Selke. Laporte-parole du département d'EtatJennifer Psaki a ajouté qu'un "troisiè-me ressortissant américain était à bordde l'avion" mais sans vouloir annoncerofficiellement son identité. Une jeunenéerlandaise de 20 ans est aussi aunombre des victimes. Comme tantd’autres.

Accompagnés de deux enseignants, seize adolescents (14 filles, 2 garçons) du lycée Joseph-König d’Haltern, une petite ville du nord-ouest de l’Allemagne, rentraient d’un voyagelinguistique d’une semaine à Llinars del Valles, près de Barcelone, dans le cadre d’unéchange scolaire. "Hier, nous étions nombreux, aujourd'hui nous sommes seuls", proclamaitun panneau posé sur une table de ping-pong devant le lycée au lendemain du drame."C’est une tragédie avec laquelle il va falloir apprendre à vivre", a déclaré le directeur.

#28

Dans la chapelle ardente du Vernet, les familles ont déposé photos et objets personnels appartenant aux victimes de la catastrophe.

Quiétaientlespassagersdel’A320Les victimes venaient de 15 pays différents et représentaient18 nationalités. L’Allemagne et l’Espagne sont les plus touchés

"Nous sommes seuls"

LESVICT

IMES

SEIZE LYCÉENSALLEMANDSETDEUXENSEIGNANTSTUÉS

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Desclichéspourl’éternitéLes objectifs de nos photographesont capté desmoments qui resterontà jamais gravés dans lesmémoires

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FabioAnn-Kristin

LeahSelinaPaulaPeterFabioGina

YvonneEmily

SebastiánPaulPilar

SatoshiJunichi

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Carles

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Thomas Manuel

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Rogelio

Fernando

Eyal

Mohamed & Asmae