Le Grand Besançon, laboratoire de l'industrie 4.0

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A l’avant- garde Arnaud Le Gal La transformation numérique est la clef de l’avenir de l’industrie, et le levier le plus efficient pour que la désindustriali- sation, contrairement à ce que l’on a beaucoup entendu depuis quelques années, ne soit finalement pas une fata- lité pour l’économie française. Vous ne trouverez plus grand monde pour contester cet axiome. Mais au-delà de ce nouveau consensus, que fait-on ? Comme aurait pu le dire le général de Gaulle, il ne suffit pas de sauter sur sa chaise comme un cabri en disant : « Transformons ! Transformons ! Trans- formons ! » pour réussir cette digitalisa- tion. La courbe d’apprentissage, il est vrai, est abrupte. Il s’agit certes de mettre à profit les solutions numériques afin d’apporter à son offre de produits et de services une valeur ajoutée perceptible en terme d’usage par ses clients. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. En fait, les implications sont bien plus nombreuses et amples. Les entreprises industrielles doivent se (re)mettre en situation de prendre des risques, de trouver les idées, les process, les talents, les ressources leur permettant de gagner le fameux « quart d’heure d’avance ». Et l’innovation étant perva- sive, il leur faudra au passage remettre à plat leur façon de travailler, en interne, mais aussi avec les autres maillons de leur chaîne de valeur : clients, partenai- res, investisseurs acteurs publics de la recherche ou de l’aménagement du ter- ritoire… L’immensité du chantier expli- que que maints acteurs en soient encore à un stade exploratoire. Tous ? Non. Cer- tains n’ont pas attendu que l’industrie du futur devienne une priorité nationale pour en faire leur présent. Et force est de constater que le territoire du Grand Besançon possède une singulière den- sité de ces innovateurs. En toute discré- tion, à la franc-comtoise serait-on tenté d’écrire, entrepreneurs, chercheurs et élus ont depuis plusieurs années su faire converger leurs efforts, fédérer les éner- gies et les compétences, non seulement pour réinventer un avenir aux activités traditionnelles du territoire, telles que l’horlogerie et les microtechniques, mais aussi aborder de nouveaux domai- nes d’excellence comme l’e-santé. Un événement, les Journées Gran- velle, du 19 au 21 mars, va faire clignoter Besançon un peu plus qu’à l’accoutumée sur le radar des professionnels de l’industrie. « Les Echos » ne pouvaient manquer une telle occasion de faire par- tager l’expérience de cet écosystème très avancé. Il n’y a décidément pas que dans la Silicon Valley, les mégapoles des pays émergents ou les « start-up nations » que les passionnés d’innovation peuvent benchmarker des idées « pour action ». Le Doubs, ce n’est pas mal non plus ! Visite guidée. n Enjeux Baliser le parcours de l’industrie du futur // P. 2 | Témoignage iXblue ou l’art de naviguer dans les torrents de l’industrie high-tech // P. 3 | Filières Union sacrée pour l’innovation dans la santé // P. 4 | Cas d’école Statice, RD-Biotech et d’autres jeunes pousses // P. 5 | Transformation Les nouveaux visages de l’horlogerie et du luxe // P. 6 | Interview Jean Kallmann, de Breitling Services // P. 7 | Ecosystèmes Femto-ST, un institut de recherche XXL // P. 8 | Le Grand Besançon laboratoire de l’industrie 4.0 L’institut Femto-ST, le plus gros laboratoire de recherche français en sciences de l’ingénieur. Photo CC Ludovic Godard - UFC SPÉCIAL MERCREDI 15 MARS 2017 // SUPPLÉMENT GRATUIT AU NUMÉRO 22404 | ISSN 0.153.4831 | NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT LESECHOS.FR/ TERRITOIRES

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Al’avant-gardeArnaud Le Gal

Latransformationnumériqueestlaclefde l’avenir de l’industrie, et le levier leplusefficientpourqueladésindustriali-sation, contrairement à ce que l’on abeaucoup entendu depuis quelquesannées, ne soit finalement pas une fata-lité pour l’économie française.

Vous ne trouverez plus grand mondepourcontestercetaxiome.Maisau-delàde ce nouveau consensus, que fait-on ?Comme aurait pu le dire le général deGaulle, il ne suffit pas de sauter sur sachaise comme un cabri en disant :« Transformons ! Transformons ! Trans-formons ! » pour réussir cette digitalisa-tion. La courbe d’apprentissage, il estvrai,estabrupte.Ils’agitcertesdemettreà profit les solutions numériques afind’apporter à son offre de produits et deservices une valeur ajoutée perceptibleen terme d’usage par ses clients. Mais cen’est que la partie émergée de l’iceberg.En fait, les implications sont bien plusnombreuses et amples. Les entreprisesindustrielles doivent se (re)mettre ensituation de prendre des risques, detrouver les idées, les process, les talents,les ressources leur permettant degagner le fameux « quart d’heured’avance ». Et l’innovation étant perva-sive, il leur faudra au passage remettre àplat leur façon de travailler, en interne,mais aussi avec les autres maillons deleur chaîne de valeur : clients, partenai-res, investisseurs acteurs publics de larecherche ou de l’aménagement du ter-ritoire… L’immensité du chantier expli-quequemaintsacteursensoientencoreàunstadeexploratoire.Tous ?Non.Cer-tainsn’ontpasattenduquel’industriedufutur devienne une priorité nationalepourenfaireleurprésent.Etforceestdeconstater que le territoire du GrandBesançon possède une singulière den-sité de ces innovateurs. En toute discré-tion, à la franc-comtoise serait-on tentéd’écrire, entrepreneurs, chercheurs etélusontdepuisplusieursannéessufaireconverger leurs efforts, fédérer les éner-gies et les compétences, non seulementpour réinventer un avenir aux activitéstraditionnelles du territoire, telles quel’horlogerie et les microtechniques,maisaussiaborderdenouveauxdomai-nes d’excellence comme l’e-santé.

Un événement, les Journées Gran-velle, du 19 au 21 mars, va faire clignoterBesançonunpeuplusqu’à l’accoutuméesur le radar des professionnels del’industrie. « Les Echos » ne pouvaientmanquerunetelleoccasiondefairepar-tager l’expériencedecetécosystèmetrèsavancé. Il n’y a décidément pas que dansla Silicon Valley, les mégapoles des paysémergents ou les « start-up nations »quelespassionnésd’innovationpeuventbenchmarker des idées « pour action ».Le Doubs, ce n’est pas mal non plus !Visite guidée. n

Enjeux Baliser le parcours de l’industrie du futur // P. 2 | Témoignage iXblue ou l’art de naviguer dans les torrents de l’industrie high-tech // P. 3 | FilièresUnion sacrée pour l’innovation dans la santé // P. 4 | Cas d’école Statice, RD-Biotech et d’autres jeunes pousses // P. 5 | Transformation Les nouveaux

visages de l’horlogerie et du luxe // P. 6 | Interview Jean Kallmann, de Breitling Services // P. 7 | Ecosystèmes Femto-ST, un institut de recherche XXL // P. 8 |

LeGrandBesançonlaboratoiredel’industrie4.0

L’institut Femto-ST, le plus groslaboratoire de recherchefrançais en sciences de l’ingénieur.Photo CC Ludovic Godard - UFC

SPÉCIALMERCREDI 15 MARS 2017 // SUPPLÉMENT GRATUIT AU NUMÉRO 22404 | ISSN 0.153.4831 | NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT LESECHOS.FR/

TERRITOIRES

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L a 4e révolution industrielle esten marche, et ça va tout chan-ger, affirme Bruno Teboul,

senior vice-président science etinnovation du groupe Keyrus(société de conseil en data intelli-gence et transformation numéri-que). A l’origine, l’industrie 4.0 est unconcept venu d’Allemagne qui adécidé de numériser et d’automatiserses process industriels avec notam-mentlarobotiqueindustrielle, lacon-nectique intelligente et le traitementdu Big Data. » Mais, au-delà de cettenouvelle donne technologique, c’esttoute l’architecture du secteurindustriel qui s’en trouve boule-versé, estime l’expert. « L’automati-sationducognitifredéfinit l’organisa-tion de l’usine, modifie les rapportsmanagériaux et sociaux, redessine lamatrice des compétences », ajouteBrunoTeboul,quipointeégalementles nouvelles relations qui s’établis-sent entre donneurs d’ordres etsous-traitants.

Outre-Rhin, on parie « sur l’effi-cience, la diversification, la multipli-cation des relations et une nouvelleforme de compétitivité : la compétiti-vité relationnelle », expliquent Doro-thée Kohler et Jean-Daniel Weisz. Ils’agit de construire « une nouvelleéconomie des complémentarités »,soulignent les auteurs, qui notentque« les industrielsallemandsfont lechoix de s’allier pour croître plus vite,trouver de nouvelles sources de créa-tion de valeur, mutualiser les compé-tences et les moyens d’innovation,multiplier les gains d’opportunités etconquérir de nouveaux marchés ».

Le modèle bisontinUn modus operandi qui inspire àl’évidence la renaissance indus-trielle de Besançon. L’aggloméra-tion franc-comtoise a surmonté lescrises du passé qui ont miné sonéconomie (Lip, Kelton-Timex dansl’horlogerie, Weil, Rhodiaceta dansle textile), pour reconstruire untissu industriel performant dansune sorte de laboratoire grandeurnature de l’industrie 4.0.

Le Grand Besançon affiche untaux de chômage de 9 %, bien endeçà de la moyenne nationale, etcompte « plus de 10.000 entrepri-ses, ETI, PME et start-up », se féli-cite Jean-Louis Fousseret, maire(PS) et président de la commu-nauté d’agglomération. « Nous

l’industrie, notamment avec l’institutFemto ST », souligne Jacques Bahi,président de l’UFC. « C’est le plusgrandlaboratoiredesciencesdel’ingé-nieurenFrance,centrésurlamaîtrisedes micros et nanotechnologies et ledéveloppement de nouveaux compo-santsetsystèmes »,seféliciteJacquesBahi, qui note que « 93 start-up ontété créées par des enseignants-cher-cheurs ou des étudiants de l’UFC,depuis l’an 2000 ». Surtout, l’univer-sitéestaucœurdecequifaitlaspéci-ficité industrielle de Besançon, àsavoir les lienscréésentrelesmicro-techniques et le biomédical dansune logique de complémentaritépropre à l’industrie 4.0.

Temis« L’agglomération a pour cela forte-mentinvestidanssonpôled’enseigne-mentsupérieuretdanslesinfrastruc-tures adéquates », revendique Jean-Louis Fousseret, qui donne enexemple les deux technopolesTemis (microtechniques et biotech-nologies), qui regroupent campusuniversitaire,entreprises,centresde

recherche et laboratoires pourencourager la fertilisation croiséedu territoire industriel. « A l’origine,en 2001, Temis était centré sur lesmicrotechniques, constate Jean-Louis Fousseret. Il a permis la créa-tion de 250 entreprises et de plus de3.000 emplois. Aujourd’hui, noussommes en train de reproduire cemodèle dans le biomédical pour fairede Besançon une des capitales euro-péennesdusecteur. »Unedimensioninternationalefondatricedel’indus-trie du futur, qui s’exprime dans lescommunautés transfrontalières dela recherche appliquée existantentre la Franche-Comté et la Suisse,et dans le projet de développementd’un triangle des microtechniquesqui mobiliserait le FemtoST deBesançon, l’Ecole polytechnique deLausanneetleKarlsruheInstituteofTechnology allemand.— Philippe Flamand

« Industrie 4.0. Les défis de la transfor-mation numérique du modèle indus-triel allemand », La Documentationfrançaise, Paris, mars 2016.

ENJEUX//Négocier le virage numérique de l’industrie 4.0 est une priorité économique pour la France.Sur le territoire du Grand Besançon, acteurs privés et publics n’ont pas attendu que le sujet soit en voguepour fédérer les énergies autour des entreprises locales. Un cas d’école à découvrir.

Baliserleparcoursdel’industriedufutur

Olivier Bourgeois est à la tête d’uneETI franc-comtoise (R-Bourgeois,800 salariés et 140 millions d’eurosde chiffre d’affaires annuel) emblé-matique de l’industrie du futur dontilest,parailleurs,porte-étendard.Cechef d’entreprise quadragénaire,directeur général de l’entreprisefamiliale créée en 1929 à Besançon,pilote l’un des leaders mondiaux dudécoupage haute précision de tôle-

ries pour moteurs électriques ettransformateurs. Depuis 2016, il estégalement l’ambassadeur régionalde l’Alliance pour l’industrie dufutur. Sa mission : mobiliser lesentreprises de Bourgogne-Franche-Comté, de toutes tailles et de toussecteurs d’activité, pour les aider àprendre conscience de l’urgencequ’il y a pour elles à se moderniser.« L’industrie française a pris beau-coup de retard et le saut à faire estd’autant plus important, estimel’industriel, alors que la mondialisa-tion est plus forte que jamais. »

L’Alliance pour l’industrie dufutur est née de la volonté des pou-voirs publics de moderniser l’appa-reil productif et d’accompagner lesentreprises industrielles dans latransformation de leurs modèlesd’affaires, de leur organisation, deleurs modes de conception et de

commercialisation par le numéri-que. Cette fameuse « nouvelleFrance industrielle » appelée de sesvœux par le président de la Républi-q u e , Fr a n ç o i s H o l l a n d e , e nseptembre 2013. C’est pour mieuxaccompagner ce mouvement demodernisation qu’a été crééel’Alliance qui réunit des industriels,des écoles d’ingénieurs, des organis-mes de recherche. Objectifs : aiderles entreprises à entrer dans la4e révolution industrielle pour pro-duire autrement, gagner en réacti-vité et en compétitivité, relocaliserenFrancelesactivitésenagissantsurtoutes les étapes de la chaîne devaleur, de la conception au serviceaprès-vente en passant par la pro-ductionetlalogistique.Septgrandespriorités d’actions ont été définiespour soutenir le développement deprojets industriels (digitalisation,

virtualisation et Internet des objets ;placedel’hommedansl’usine,cobo-tique et réalité augmentée ; fabrica-tionadditive(impression3D) ;moni-toring et contrôle ; composites,nouveauxmatériauxetassemblage ;automatique et robotique ; efficacitéénergétique) et des programmesd’accompagnement ont été mis enplacedepuismai2015danslatotalitédes régions avec pour objectifd’accompagner 2.000 PMI et ETI.

« L’Alliancedisposepourcefaireenrégion de correspondants techniquescapables de réaliser des diagnosticspersonnalisés et de faire connaîtreauxchefsd’entrepriselestechnologiesdisponibles, explique Olivier Bour-geois. Il s’agit également d’identifierles verrous existants, humains ouorganisationnels,limitantl’accèsàcesinnovations, d’intégrer les nouveauxconcepts dans une vision “chaîne de

valeur” et de réinventer le modèle éco-nomique des entreprises du futur. »

Création d’une dynamiqueAutre mission : faire connaître auxindustriels les solutions de finance-ment existantes (prêts de bpifrance,dispositifs fiscaux d’aide à l’investis-sement) pour « lever les freins àl’investissement en mobilisant les res-sources et les compétences », préciseOlivier Bourgeois. L’ambassadeurrégional de l’Alliance note égale-ment que le dispositif doit « faireremonter aux conseils régionaux lespréoccupations des chefs d’entreprisepour parvenir à mettre en place unplan d’action. Une bonne dynamiques’estainsicrééequinousadéjàpermisd’accompagner une cinquantained’entreprises franc-comtoises », sefélicite Olivier Bourgeois.— P. F.

L’Alliance pour l’industriedu futur se déploie enrégions pour accompagnerles ETI et PMI à prendrele virage numérique de la4e révolution industrielle.

Diagnostic de l’un de sesreprésentants en régions.

S’allierpouraiderlesentreprisesàentrerdansla4e révolutionindustrielle

COOPÉRATION

Ils ont dit

« L’Universitéde Franche-Comtéjoue un rôleessentiel pour initieret accompagner lepassage à l’industrie4.0 en favorisant lacréation de start-upet les transfertsde technologiesvers l’industrie. »JACQUES BAHIPrésident de l’Universitéde Franche-Comté

Photo UFC, Ludovic Godard — CC

« Il faut moderniserl’appareil productifdes PME en portantla vision d’une usineinnovante, compéti-tive, performante,sûre et attractive,en balisant l’accèsaux financementset en encourageantles alliances pourle portage de projetscollaboratifsponctuels à hautevaleur ajoutée. »DOMINIQUE ROYPrésident de la CCI du Doubs

Photo CCI Doubs

« Nous sommestoujours une terred’innovationtechnologiqueet industrielle […]Aujourd’hui,il s’agit d’aider lesentreprises à réussirles paris du numéri-que et de la montéeen compétences. »JEAN-LOUIS FOUSSERETMaire (PS) et président de lacommunauté d’agglomération

Photo AFP

sommes toujours une terre d’inno-vation technologique et indus-trielle », s’enorgueillit l’élu, pourqui l’industrie locale a su capitali-ser sur ses savoir-faire ancestraux(micro-mécanique et micro-tech-nologie) et ses capacités (adapta-bilité, circuits courts…) pour seréinventer. « Aujourd’hui, il s’agitd’aider les entreprises à réussir lesparis du numérique et de la montéeen compétences », note l’élu. Ambi-tion partagée par la CCI du Doubs,dont le président Dominique Royveut « moderniser l’appareil pro-ductif des PME en portant la visiond’une usine innovante, compétitive,performante, sûre et attractive, enbalisant l’accès aux financementset en encourageant les alliancespour le portage de projets collabo-ratifs ponctuels à haute valeurajoutée. »

L’Université de Franche-Comté(UFC) « joue également un rôle essen-tiel dans cette stratégie pour initier etaccompagner le passage à l’industrie4.0 en favorisant la création de start-upetlestransfertsdetechnologiesvers

450START-UPont participé aux conventniosBigUp for Startup en 2016.

sélectionnés ont ainsi la certitude de pouvoir rencontrer en one to one les directeurs innovation des grands groupes », précise Lucie Phaosady.

« En 2016, 450 start-up ont parti-cipéauxconventionsd’affairesBigUpfor Startup qui ont généré quelque 388tête-à-têteavec,enmoyenne,troisrendez-vous avec des grands groupesparjeunepousse,pourplusde25con-trats signés », détaille Pierre Billet.

Rendez-vous régionauxCes événements sont désormaisorganisés à l’échelon des régionsavec des appels à projets lancés surlesprincipalesvillesmêmesileren-dez-vous BigUp est, lui, forcémentlocalisé géographiquement. Le9 février, une convention a ainsi eulieu à Nancy quand les appels à pro-jets préalables avaient été diffuséssur Strasbourg, Metz et Reims. Pro-chains rendez-vous en 2017 : Mont-pellier-Toulouse, Nantes pour leGrand Ouest, Marseille, Lille, Lyonpour Auvergne-Rhône-Alpes enoctobre et Bordeaux en décembre.— P. F.

LesJournéesGranvelleorganiséesàB e s a n ç o n d e s 1 9 a u 2 1 m a r s accueilleront la convention d’affai-res BigUp for Startup. Cet événe-ment parrainé par le Groupe La Poste vise à faire se rencontrer d’uncôté des start-up et des PME inno-vantes et de l’autre de grands grou-pes ayant des besoins numériques àsatisfaire. Lancé en 2015 dans le cadre de la French Tech à Montpel-lier, BigUp for Startup mobilise, outre La Poste, le groupe Cisco, Orange,EDFetlaCaissedesDépôts.« Généralement ce sont les start-up qui tentent de rencontrer les grands groupes pour développer un volume d’affaires. Nous avons voulu renver-ser les choses en amenant les grands groupes dans les territoires pour leurpermettre de sourcer efficacement et rapidement les start-up répondant à leurs besoins d’innovation », expli-quent Lucie Phaosady et Pierre Billet, qui pilotent le programme pour La Poste.

Ces entreprises lancent en amontdes appels à projets relayés sur le terrain par l’écosystème auprès desjeunes pousses susceptibles d’être concernées. « Les entrepreneurs

La convention d’affairesvisant à mettre en relationles jeunes pousses et despoids lourds de l’économiefait étape à Besançon.

Partenariatentreentreprises : l’exempleBigUpforStartup

Les rencontres entre start-up et PME innovantes, d’une part,et de grands groupes, d’autre part, se dérouleront à Besançondes 19 au 21 mars. Photo Pierre Gleizes/RÉA

« Il faut identifierles verrous

existants, humainsou organisationnels,

limitant l’accèsaux innovations. »

OLIVIER BOURGEOISAmbassadeur de l’Alliance pour

l’industrie du futur

02 // SPÉCIAL TERRITOIRES Mercredi 15 mars 2017 Les Echos

Page 3: Le Grand Besançon, laboratoire de l'industrie 4.0

économieinnovationsociété

19-20-21mars 2017

www.investinbesancon.fr

Commentl’industrieet les serviCesse réinvententgrâCe au numérique ?

JC.A

UG

É-

2017

TÉMOIGNAGES

Patricia Salentey

Pour cet ancien directeur derechercheaulaboratoired’optiquedu CNRS à Besançon, devenuentrepreneur, les dix-sept derniè-res années sont riches en expé-riences et en rebondissements.Henri Porte, comme beaucoup decréateurs embarqués par le maels-tröm d’Internet et des télécoms autout début de ce siècle, a vu sonmarché s’effondrer un an seule-ment après s’être lancé. « J’ai créé àBesançon Photline Industries en2000avecd’autreschercheurs,dansle cadre de la loi sur l’innovation etla recherche (incubateurs). C’était àla demande d’Alcatel, intéresséalors par notre technologie photoni-que. Or, dès 2001, j’ai constaté que cemarché s’effondrait. Trop d’acteurset pas encore de revenus à la clef. Aposteriori, je me dis que c’était fina-lement une chance pour nous, quiavions développé une technologiequ’on pouvait adapter à d’autresapplications, parce que cela nous a

permis d’aller plus loin », racontecelui qui est devenu directeur de ladivision photonique de la sociétéqui a intégré puis racheté Photlineen 2013 : iXblue (550 salariés,100 millions d’euros de chiffred’affaires).

1 PREMIÈRE RÈGLE :N’ÊTRE JAMAIS

MONOMARCHÉ !Parce que les composants optiquesfabriqués par Photline pouvaientêtre utilisés dans d’autres applica-tions, lastart-upestcontactéedèslacréation en 2000 par iXSea, l’ancê-tre d’iXblue, qui entre même aucapital de la société bisontine.iXSea, spécialiste des capteurs àfibre optique pour systèmes denavigation inertiels, a besoin desmodulateurs optiques développéset fabriqués par Photline. « Cetten o u v e l l e a c t i v i t é , m ê m e s iaujourd’hui encore nous travaillons(environ 10 %) pour les télécoms,nous a offert une tout autre orienta-tion stratégique et donné accès auxmarchés de la navigation maritime,la défense et l’industrie spatiale.iXSea est alors devenu notre princi-pal client et nous a ouvert les portesdu CNES, de l’Agence spatiale euro-péenne, la Nasa, l’agence spatialejaponaise etc. », raconte l’entrepre-neur marqué par « la leçon cruelledes télécoms ».

2 ACCEPTER DE SEVENDRE POUR RÉUSSIR

LE REPOSITIONNEMENT« Pour aborder le marché forcémentinternational du spatial, ce n’est pasévident quand on est une petite PMEde 40 personnes. Même si 20 % del’équipe est dédiée à la R&D, qu’onpublie des brevets et que notre tech-nologie est reconnue au niveau mon-dial, c’est mieux d’être un groupe de550 personnes qui réalise 80 % deson chiffre d’affaires à l’internatio-nal, comme c’est le cas pour iXblue »,reconnaît Henri Porte, qui durant

ces dernières années négocieral’absorption de Photline par iXblue.« Le plus compliqué a été de détrico-terlastructurecapitalistiquemiseenplace à l’origine de la création,raconte Henri Porte. Je connaissaisle créateur d’iXblue, fédérateur dePME dans les technologies de fibresoptiques, depuis 1984, nous avonsdes liens industriels et personnels etpartageons les mêmes aspirationstechnologiques. Nous sommes deve-nus filiale en 2013 et avons intégré

totalement le groupe iXblue en 2015.C’était le bon choix pour continuernotre développement ! »

3 JOUER LA SYNERGIEDES UNITÉS

STRATÉGIQUESREGROUPÉES EN FILIÈRE« iXbluefonctionnecommeunefédé-ration de PME constitutives d’unefilière industrielle et technologiquetournée vers l’océan et le monde de lamer. Les fonctions marketing, finan-

ces, budget RH etc. sont regroupées àSaint-Germain-en-Laye, mais nousrestons autonomes pour notre déve-loppement stratégique et technologi-que. Et, depuis un an et demi, nousenregistrons les bénéfices de notrechoix avec des signatures de contratpour l’optique dans l’espace impor-tant », explique Henri Porte ajou-tant : « Sur notre site de Besançon,sur la Technopole microtechnique etscientifique (Temis), qui a été inau-guré le 9 mars 2017, nous maîtrisonstout de A à Z. Ce sont des marchés depetits volumes à valeur ajoutée, lesopérations d’intégration sous bino-culaire ne sont pas robotisées. Pournous, l’industrie 4.0, c’est l’industriespatiale, l’exploration océanique, lessatellites qui communiquent entreeux par faisceaux laser… mais aussil’héritage du savoir-faire en matièrede microtechnique de la filière horlo-gère locale. » n

iXblueoul’artdenaviguerdanslestorrentsdel’industriehigh-techDe l’explosion de la bulleInternet au développementd’iXblue, groupe animécomme une fédération dePME présent dans le spatial,la défense et le maritime,le parcours d’Henri Porteillustre les capacitésde résilience des entrepre-neurs de l’industrie.

Confrontés aux difficultés de Photline Industries, Henri Porte a rebondi avec iXSea, l’ancêtre de iXblue.

Quand il crée Crystal Device Tech-nology en 2011 à Besançon, MarcBouvrot-Parratte (4 salariés,200.000 euros de chiffre d’affaires)vise le marché des télécoms parfibre optique. Fort du développe-ment d’une technologie originalede microcomposants électro-opti-ques,développéedanslecadredesathèse de physique, il réalise au boutde deux ans que le marché en ques-tionestdéjàmatureetdécided’anti-ciper sans plus attendre une recon-version sur des marchés plusporteurs.

« En 2013 et pendant un an,accompagnés par un cabinet exté-rieur, nous avons regardé ce qu’onpouvait faire avec notre technologiepour d’autres matériaux et usages.La grande tendance qui s’imposaitétait le tout connecté », observe-t-il.« Aussi nous nous sommes inscritsdans la problématique de l’énergieauto-rechargeable, pour rendreautonomes ces objets. C’est devenu lecœur de notre nouveau champd’action. Notre technologie est com-

patible avec les matériaux intelli-gents,aussinousproposonsdessolu-tions innovantes et performantespour améliorer la récupérationd’énergie. » Un premier exempleconcret : recharger la batterie d’unsmartphone avec des semelles dechaussures connectées. « Nousavons réalisé le premier prototype en2016 » , explique le CEO de lastart-up qui développe égalementdes solutions pour l’horlogerie(montres suisses) et le biomédical.

Tributaire des choixdes gros acteurs« Nous avons anticipé la fermeturedu marché des télécoms et donc accé-léré notre repositionnement », expli-que le jeune président. « Nos solu-tions de récupération de l’énergieproduite lors de déplacements (mou-vements, marche, voiture…) pour desobjets connectés ont immédiatementsuscité de l’intérêt et généré de nom-breux contacts. Mais le temps desgros acteurs de l’électronique n’estpas le même que celui des start-up.Les commandes fermes ne sont pasvenues vite. Pendant six mois, il afallu s’autofinancer et absorber lesressources que nous avions. Si celaavait duré deux mois de plus, onn’existait plus ! » constate rétros-

pectivement Marc Bouvrot-Par-ratte, qui enregistre une remontéedu chiffre d’affaires depuis le débutde l’année. Et d’ajouter « c’est extrê-mement difficile pour une start-upde se repositionner, on se met situa-tion de fragilité extrême. On ne maî-trise pas notre avenir qui dépend deschoix de gros clients. L’industrie 4.0, c’est compliqué pour les technologiesen amont. Aussi innovantes et per-formantes soient-elles, on est tribu-taire des tendances que décident lesgrands industriels ».— P. S.

« Quandonserepositionne,onsemetensituationdefragilitéextrême »Les dirigeants de start-upindustrielles doiventsouvent faire pivoter leurstratégie et leur organisa-tion par rapport à leurprojet initial pour trouverleur place sur des marchésen transformation perma-nente. Le témoignage deMarc Bouvrot, CEO deCrystal Device Technology.

` SURLESECHOS.FR

•L’usine du futur seranumérique : Internetdes objets, cobotique,simulation... lesechos.fr/thema/cloud-2016•Les « smart buildings »réorganisent et bousculentl’industrie du bâtimentlesechos.fr/thema

Marc Bouvrot-Parratte a créé Crystal Device Technology en 2011.Photo Crystal Device Technology

« Aborder lemarché forcément

international duspatial, ce n’est pas

évident quand onest une petite PMEde 40 personnes. »

HENRI PORTEDirecteur de la division

photonique d’iXblue

Ixbl

ue

« Il a fallus’autofinancer

pendant six moiset absorber les

ressources que nousavions. Si cela avaitduré deux mois deplus, on n’existait

plus ! »MARC BOUVROT-PARRATTE

CEO de Crystal DeviceTechnology

Les Echos Mercredi 15 mars 2017 SPÉCIAL TERRITOIRES // 03

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Monique Clemens@mo_clemens

—Correspondante à Besançon

S ’il est un domaine qui faitdes pas de géant, c’est biencelui de la santé. L’avenir

est aujourd’hui aux biomédica-ments, aux implants biorésorba-bles, à la chirurgie mini-invasive.Mais suivre le mouvement etindustrialiser de façon réactive cesnouveaux médicaments et dispo-sitifsmédicauxsupposeunécosys-tème, une convergence de vues desorganismes de recherche, desindustriels, et des acteurs publics,dont les collectivités. Cette conver-gence et cette union sacrée exis-tent à Besançon, elles sont ici liéesà l’histoire : un savoir-faire micro-technique –toujours lui–,héritédel’horlogerie et dont la grande pré-cision a trouvé une voie de diversi-fication dans le médical, gour-mand de petit, mini, micro etm ê m e n a n o , d ’u n e p a r t ; e tl’implantation de l’Etablissementfrançais du sang (EFS) Bourgogne-Franche-Comté, d’autre part, trèsactifsur lescellulessouches héma-topoïétiques.Ilestsitué toutcontrele CHU Jean-Minjoz, précieux par-tenaire, sur le site des Hauts-de-Chazal, qui est en train de se trans-former en un pôle Santé. Ou, plusprécisément, en une déclinaisonsanté de Témis, le parc technologi-que et scientifique que pilote leGrand Besançon.

Un cercle vertueuxA l’histoire s’ajoutent souvent deshistoires d’hommes. FlorentGuyon,à luiseul, incarneassezbienl’écosystème local. Chargé de déve-loppement chez Statice Santé, une« grande sœur » pour de nombreu-ses PME et start-up venues s’instal-ler dans l’ex-capitale horlogère, il aparticipé à la création de l’ISIFC,l’Institut de formation d’ingénieursde Franche-Comté spécialisé enbiomédical, où il occupe un posted’enseignant à mi-temps. Mais il estaussi leprésidentd’Innov’Health, lecluster impulsé par le pôle de com-pétitivité Microtechniques, lancéen 2016, après la labellisationFrenchTechduGrandBesançonencatégorie « biotech medtech », et

qui rassemble 95 start-up ou PMEde Bourgogne-Franche-Comté.

Deshistoiresd’hommesetdecer-cles vertueux comme celle-ci, il y ena beaucoup d’autres entre Temis et les Haut-de-Chazal. Même si Staticefait figure de pionnier : son fonda-teur, Serge Piranda, avait, le pre-mier, initié une commission santé au pôle de compétitivité Microtech-niques. Benoît Studlé, son actuel président, fait d’ailleurs partied e l a c o m m i s s i o n s t a r t - u p d’Innov’Health. « Il peut ainsi indi-quer comment éviter les obstacles », avanceFlorentGuyon.« Ilyaicitoutce qu’il faut : des circuits courts, de l’expérience cumulée, des compéten-ces techniques », ajoute l’intéressé.

« Oui, clairement, il y a une vraie

nombreux projets. Entre l’outilCIC-IT (unité mixte de recherchehospitalière labellisée Inserm,créée en 2006), destiné à industria-liser des procédés ou processus,quedirigeleprofesseurEmmanuelHaffen, et l’équipe Inserm (UMR1098) de l’EFS, par exemple, le cou-rant passe très bien. « L’EFS déve-loppe des innovations en recherchepréclinique que nous testons chezdes premiers malades avant d’élar-gir. Et, de plus en plus, nous cher-chons à associer de nouveaux dispo-sitifs médicaux aux nouveauxmédicaments. C’est le cas, par exem-ple, avec le projet Smart Transfuser,qui automatise la transfusion san-guine avec tests au lit du malade. »

Directeur de l’EFS Bourgogne-

Franche-Comté, Pascal Morel sefélicite lui aussi du cercle vertueuxlocal dans lequel est venu s’impli-quer Femto-ST, notamment avecBiom’@x, un axe de recherche plu-ridisciplinaire. « Nous avons main-tenant le terrain de jeu dont nousavons besoin. » Il évoque un projeten gestation, structurant, et quiimpliquera chercheurs et entrepri-ses. Nom de code : MiMedI, pour« microtechniques pour médica-mentsinnovants ».« Nousvendronsun concept complet : la licence dumédicament et les entreprises localesqui viendront installer, sur place,l’outil industriel pour fabriquer lemédicament. Ce sera un nouveaumodèle en santé. » Une piste pourl’industrie 5.0, peut-être ? n

FILIÈRES//Structures de recherche, organismes de formation, entreprises et collectivités se sont rapprochés pourconstituer un cercle vertueux et développer les dispositifs médicaux et médicaments de demain. A Besançon, leterreau local des microtechniques et recherches en biothérapie a facilité l’émergence d’un écosystème innovant.

Entreprises,collectivités,enseignement :danslasanté,unionsacréepourl’innovation

Despatchssouples,desinstrumentschirurgicaux,desvalvescardiaques,des prothèses actives, des maté-riaux biorésorbables… Dispositifsmédicaux et implants de toutes sor-tes s’affichent dans les couloirs decette école d’ingénieurs à taillehumaine(156étudiants),spécialiséedans le dispositif médical. L’ISIFCavait été créée par l’Université deFranche-Comté en 2001 et formechaque année 50 ingénieurs biomé-dicaux,dont50 %sontembauchésàla fin de leur stage de troisièmeannéeet80 %deuxmoisaprèsavoir

été diplômés. Parmi eux, 22 % res-tent dans le tissu local, 22 % partenten Suisse et 22 % partent en Rhône-Alpes. « Nos élèves sont très deman-dés. L’un d’entre eux est parti auCNES,enHollande, unautreàSinga-pour, à l’Institut Pasteur », expliqueVincent Armbruster, le directeur.

Anticiper la réglemen-tation européenneAlors que l’UT Compiègne et l’Isisde Castres forment respectivementdes spécialistes de l’ingénierie hos-pitalière et de l’e-santé, l’originalitéde l’ISIFC réside dans sa triple cul-ture : technique, médicale et régle-mentaire. Cette dernière matièreest enseignée par Stéphanie Fran-çois.Enseignante-chercheuseasso-ciée, elle partage son temps entrel’ISIFC et le CHU Jean-Minjoz, oùelle pilote des essais cliniques. « Onessaie d’anticiper la réglementationeuropéenne pour les dispositifs

médicaux qui devrait tomber d’ici fin2017. A l’ISIFC, on prend une petiteavance. C’est l’avantage d’avoir unpied dans le monde du travail, on estdanslecircuitcourt », indique-t-elle.

Responsable des stages indus-triels, Florent Guyon, lui aussi, par-tage son temps entre l’ISIFC et Sta-tice, entreprise locale pionnière(voir page 5). Lui s’occupe de bâtirdes ponts entre l’école et le mondeéconomique, du tissu local à l’inter-national. En troisième année, ilssont 80 % à partir en stage à l’étran-ger, sur toute la planète. FlorentGuyon a fait partie des fondateursde l’école et il est à l’initiative dela Rentrée du dispositif médical,une rencontre professionnelle ettechnique qui réunit 200 person-nes chaque année.

L’ISIFC dispose de ses propreslocaux depuis 2009, sur Témis, àquelques centaines de mètres del’ENSMM. A l’étage, une salle de tra-

vaux pratiques avec colon artificiel,vidéoscope, fibroscope… « Les élèvesreproduisent les gestes du chirur-gien », raconte le directeur. « Pourcette maquette de colon, par exemple,ils vont aller chercher les polypes quisont à l’intérieur. Le but est de com-prendre le jargon du métier et lesbesoins. » A côté, une salle électroni-que pour la mise en œuvre de systè-mes comme le pacemaker ou l’éthy-lotest.Plusloin,unesallepourtoutcequi touche à la physique des ondes,puisuneautredédiéeauprototypage3D, équipée de deux imprimantes.

Le dernier bureau est celui deBiotika, une junior entreprise dontle concept et le nom ont été déposésà l’Inpi, qui recrute sur CV et lettrede motivation et est éligible au cré-ditimpôt-recherche.« C’estaussiunbureau d’études, un module de find’études et une cellule de préincuba-tion », explique sa responsable,Nadia Butterlin. — M. Cl.

L’école forme chaque année50 ingénieurs très deman-dés pour la complémenta-rité de leur bagage.

Autre originalité : Biotika,son entreprise intégrée.

L’ISIFC,l’écoled’ingénieursàlatriplecultureFORMATION

L’école d’ingénieurs spécialisée dans le dispositif médicalet installé sur Temis compte 156 étudiants. Photo F-Zahra Ait Aqqa

Recherche : trois exemples de nouvelles solutions

L’anti-inflammatoire naturel de Med’in’PharmaTrois ans après avoir déposé son brevet, SylvainPerruche, chercheur intégré à l’UMR 1098 de l’Inserm,rattachée à l’EFS, à Besançon, vient tout juste de créerMed’Inn’Pharma, la start-up qui lui permettra de lancerSuperMApo, un médicament de thérapie innovante pourtraiter les maladies inflammatoires, telles que la poly-arthrite rhumatoïde ou la maladie de Crohn. SuperMApoest issu d’un phénomène naturel : la mort naturelle descellules, ou apoptose, qui produit des facteurs anti-inflammatoires. Les essais cliniques pourraientcommencer dans dix-huit mois.

UCPVax, le vaccin thérapeutique anticancerDepuis 2009, une équipe bisontine d’une quinzaine dechercheurs et médecins oncologues du CHRU, del’Inserm, du CIC et de l’EFS travaille sur un vaccin anti-cancer universel. Baptisé « UCPVax », ce vaccin est enphase clinique, testé sur 54 patients atteints d’un cancerdes poumons dans les CHU de Besançon, Dijon, Paris etStrasbourg. Conçu pour activer des cellules du systèmeimmunitaire particulièrement efficaces contre la tumeur,il cible la télomérase, une enzyme présente dans laplupart des cancers et qui leur confère un pouvoird’immortalité.

Le gène suicide de Side by CIDeL’UMR 1098 (encore elle) est à l’origine d’un médicamentde thérapie génique qui a obtenu en 2016 le feu vert del’Agence nationale de sécurité du médicament pour laphase de production du protocole. Le premier patient enbénéficiera avant l’été dans le service de greffe du CHUMinjoz. Développé par Marina Deschamps et ChristopheFerrand, Side by CIDe est destiné à prévenir les fréquen-tes complications des greffes de moelle osseuse.« L’idée est d’inclure un gène suicide déclenchépar une molécule-médicament », explique Pascal Morel,directeur de l’EFS Bourgogne-Franche-Comté.

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convergence et une politique de sitede tous les acteurs », confirmeMacha Woronoff, vice-présidentedu CHU Jean-Minjoz en charge delarecherchecliniqueetdel’innova-tion. « Un vrai système qui nous con-forte les uns les autres : le Centred’investigation clinique avec unm o d u l e t e ch n o l o g i q u e e t u ndeuxième axe sur les biothérapies ;l’EFS et sa plate-forme de développe-ment de médicaments de thérapiesinnovantes;l’institutFemtoquiestlaplus grosse concentration en Francede recherche en sciences de l’ingé-nieur ; le CHU ; les politiques… Cetteconvergence, c’est notre force. Quantaux circuits courts, ils nous permet-tent de nous mobiliser très vite. »

De cet écosystème naissent de

« Il y a [à Besançon]tout ce qu’il faut :

des circuits courts,de l’expérience

cumulée,des compétences

techniques. »FLORENT GUYON

Chargé de développementchez Statice Santé

04 // SPÉCIAL TERRITOIRES Mercredi 15 mars 2017 Les Echos

Page 5: Le Grand Besançon, laboratoire de l'industrie 4.0

CAS D’ÉCOLE

Docteur en biochimie, PhilippeDulieu est en train de constituerunpetitgroupequicomptedanslemonde des anticorps monoclo-naux. Ces molécules issues d’uneseule souche de lymphocytes – lesmêmes que le système immuni-taire produit naturellement –étaient, à l’origine, destinées à desméthodesdediagnostic,maissontde plus en plus utilisées commesolutions thérapeutiques.

ComplémentaritéEn 2002, Philippe Dulieu avaitfondé à Besançon RD-Biotech.Cette société de services s’adresseà l’industrie pharmaceutique etaux industriels des biotechnolo-gies en France, en Suisse, enEurope et aux Etats-Unis : de trèsgros industriels comme Sanofi, etdestoutpetits,quin’ontpasencorede laboratoire, mais ont déjà levédesfonds,etpourlesquelsl’équipebisontine construit des prototy-pes. « Notre savoir-faire, c’est d’éla-borer des molécules au stade précli-nique, puis des médicaments »,explique-t-il. Dix ans plus tard, en2012, RD-Biotech rachetait Dia-clone, un « spin-off » de l’EFSBourgogne-Franche-Comté,repris quelques années plus tôt

RD-Biotechs’imposedanslesanticorpsmonoclonauxLa PME de Besançon aracheté Diaclone en 2012,puis participé à lacréation d’une start-upbelge en 2015. Elle esten pleine croissance.

CAS D’ÉCOLE

Monique Clemens@mo_clemens

—Correspondante à Besançon

Chez Statice, l’industrie 4.0, « on yest », assure son président. Le tra-vail à la main côtoie les machines« tout-numérique », notammentpour la transformation de lamatière. En février 2016, la sociétéspécialisée dans les implants et lesdispositifs mini-invasifs avaitinvesti dans une machine d’électro-filage (électrospinning) permettantde réaliser de l’ingénierie tissulaireet, par exemple, de reconstituer desorganes. « Avant, nous utilisions dusilicone médical ; aujourd’hui, nousavons des matériaux plus pointus :des polymères techniques, transfor-més par moulage ou électrofilage, etdontlemaillagealéatoirepermetauxcellules souches de bien s’accrocher,explique Benoît Studlé, présidentde Statice. Le corps accepte mieux cetype de matériaux. »

Statice avait été créé en 1978 parCharles Naly et Serge Piranda, deuxex-ingénieurs de Lip, l’entreprisehorlogère dont la lutte socialevenait de faire vibrer toute laFrance. Ce sont sans doute eux qui,

les premiers, avaient senti le poten-tiel de diversification des micro-techniques horlogères dans lemédical. En 1991, Serge Pirandaavait d’ailleurs lancé Statice Santé,une filiale spécialisée dans les dis-positifs médicaux qui, depuis, joueun rôle de chef de file de la filièrelocale.

Trente ans après la création, lesfondateursonttransmis la sociétéàtrois de leurs cadres, qui l’ont réor-ganiséeen2012 :plusdefilialesantédésormais mais une R & D com-

mune, microtechniques et bioma-tériaux, au sein de Statice Innova-t i o n , d ’u n e p a r t , e t t o u t e l aproductionréunieauseindeStaticeManufacturing, d’autre part. Ainsistructurée, la société vend du ser-vice et sait produire, essentielle-ment pour des start-up (les deuxtiersdesesclients).« Lesdeuxactivi-tés sont rares dans une même sociétéet s’enrichissent mutuellement :ainsi, on connaît les comportementsdes procédés en production », ajouteBenoît Studlé.

Aujourd’hui, Statice emploie100 personnes, dont 30 en R & D et70 à la production, et a réalisé, en2016, un chiffre d’affaires de 10 mil-lions d’euros, dont 18 % à l’export.« Nous sommes à 10 millions depuistrois ans, mais nous devrions faire2 % de mieux en 2017. Quant àl’export, nous visons un tiers d’ici àcinq ans. Nous avons une bonne coteen France, nous devons maintenantnous faire connaître à l’extérieuravec nos implants polymèresimplantables, par exemple. »

Une centainede projets par anLabellisé SRC (société de recher-che sous contrat), Statice estimpliqué dans une centaine deprojets par an, et, parmi eux, quel-ques-uns très prometteurs : leprojet de pancréas artificiel Mail-pan, mené depuis 1998 avec lasociété alsacienne Defymed et leCentre de transfert de technologiedu Mans (CTTM), qui en est austade des essais cliniques ; le pro-jet retenu par le FUI et baptisé« Fassil », en collaboration avecLyonbiopôle, Alsace BioValley etle pôle Microtechniques, qui viseun prototype d’imprimante 3Dpour du silicone médical implan-table ; ou encore le projet euro-péen Esotrac, qui vient de démar-rer et a pour objectif d’intégrer,dans des cathéters, deux techno-logies complémentaires, ultra-sons et opto-acoustique. n

Dispositifsmédicaux:StaticetoujoursenpolepositionFondée par deux anciensde Lip, la société de R&D etde production d’implants etde dispositifs mini-invasifsvient d’investir dans unemachine d’électrofilage.

CAS D’ÉCOLE

Onefit Medical, Stemcis, Smaltis,Miravas, Amarob… Elles sontencore petites et, pour certaines, àpeine nées, mais ces start-up sontpromises à un bel avenir. CommeCovalia, qui s’était spécialisé dansles solutions de télémédecine etavait intégré le groupe IDO-in en2014 (qui vient à son tour d’êtrerepris par l’éditeur de solutionsdédiées aux établissements desanté Maincare), les deux premiersont déjà été rachetés par plus grosqu’eux : Onefit Medical, le bébé deSébastienHenry,quiavaitconçuunlogiciel de planification et de gui-dage 3D pour la chirurgie de la pro-thèse de hanche, avait rejoint lasociété parisienne EOS Imaging en2013,deuxansaprèssacréation.Unan plus tard, il obtenait l’agrémentde la FDA pour aborder le vastemarché américain et employait20 salariés.

Néen2008surl’îledelaRéunion,oùs’étaientrencontrésRégisRocheet Franck Festy, ses deux créateursdocteurs en biologie cellulaire,Stemcis s’était finalement implantéà Besançon en 2013 pour se rappro-cher d’Alcis et Statice, ses partenai-res industriels. Son credo : le tissuadipeux, qu’il prélève, traite et réin-jecte au patient dans le mêmetemps opératoire pour des applica-tions esthétiques ou de régénéra-tion, en chirurgie musculo-squelet-tique ou en urologie, par exemple.« On a également une étude cliniqueen cours pour le traitement de l’arth-

rose, et on développe aussi, avecl’UMR 1098, un nouveau produitpermettant de purifier les plaquettessanguines », confie Régis Roche.C’est lui qui a créé et pilote le sitebisontinemployant7des13salariésdu petit groupe racheté en 2015 parle français DMS (Diagnostic Medi-cal System), un concurrent d’EOSImaging, justement. Stemcis a réa-lisé 0,5 million d’euros de chiffred’affaires en 2016, mais vise le dou-ble pour 2017 et devrait recruterdeux personnes supplémentairescette année, notamment pour ledéveloppement international.

Smaltis est juste en face, sur lemême palier, au deuxième étage deBioparc 1, sur Témis Santé. Cettetroisièmestart-up,quiemploiedéjàsix personnes, a été créée enavril 2014 par Cédric Muller etSophie Guénard, tous deux doc-

teurs en bactériologie – et purs pro-duits de l’université de Franche-C o m t é – , p o u r a s s u r e r d e sprestations de services en bactério-logie et en biologie moléculaire etcellulaire. « Nos clients, ce sont deslaboratoirespublicsouprivésquitra-vaillent dans ces trois domaines etnous confient des prestations surmesure », explique Sophie Gué-nard. « Pour l’un d’eux, nous testonsune nouvelle molécule antibacté-rienne. Nous sommes aussi en traindedévelopperunetechniqueparticu-lièred’inactivationgéniquedesbacté-ries pour identifier les fonctionsd’une protéine, et nous travaillonségalement avec l’EFS sur des kits dediagnostics pour choisir la meilleurethérapie pour un cancer. » En 2016,pour son deuxième exercice, Smal-tis a pulvérisé son business plan enréalisant 336.000 euros de chiffred’affaires en prestation, contre220.000 attendus.

Le prix Galien 2016Plus jeunes, Miravas et Amarobsonttoutaussiprometteurs.Lepre-mier a été fondé par NicolasRauber, ingénieur microtechniqueformé au génie biomédical, qui amis au point la Vbox, un dispositifde traitement des varices parvapeur d’eau. Créée début 2015, lastart-up a été sélectionnée pour leprestigieuxprixGalien2016récom-pensant la recherche pharmaceuti-que et les innovations thérapeu-tiques,etelleestenpleindéveloppe-ment commercial. Quant à Ama-rob, en incubateur sur Témis, ilpeaufine une solution de chirurgielaser pour réparer les cordes voca-les grâce à un endoscope équipéd’un microrobot. C’est d’ailleurs lamicrorobotique, une expertise deFemto-ST, qui avait attiré ce Péru-vien installé à Paris dans la villemicrotechnique. n

Biotech,medtech,e-santé :placeauxjeunespoussesUne solution de téléméde-cine, un guidage 3D pourla chirurgie orthopédique,un traitement des varicespar vapeur d’eau ou uneméthode de chirurgiepour cordes vocales…Les start-up arrivent.

Statice emploie aujourd’hui 100 personnes, dont 30 en R&Det 70 à la production. Photo Statice

Plusieurs start-up bisontinesont déjà été reprises par degrands groupes. Photo Shutterstock

par un groupe américain, GenProbe, qui n’avait pas su le valori-ser. Le holding Biotech Investisse-ment est né cette année-là pourporter les deux structures.

Ce retour à des capitaux fran-çais et à une stratégie claire allaitredonner à Diaclone toute sadimension.Crééen1986,Diacloneproduit des tests de diagnostic etdes anticorps qui font référence.« Les savoir-faire de RD-Biotech etde Diaclone sont complémentaires,les deux entreprises sont clients-fournisseurs l’une de l’autre »,ajoute Philippe Dulieu, présidentdeBiotechInvestissement.Letroi-sième étage de la fusée est venus’ajouter fin 2015 avec la participa-tion du groupe à la création deSynabs, une start-up belge quiexploite une licence pour d’autresanticorps développés par l’univer-sité de Louvain. « Nous avons ainsiune expertise complète, une com-plémentarité de marchés et unesynergie dans les technologies. »

Basé à Besançon, le groupeemploie 55 personnes. Il a réalisé6 millions d’euros de chiffred’affaires en 2016, marqué par lacroissance de 50 % de RD-Bio-tech ces deux dernières années etpar une petite croissance retrou-vée, depuis son rachat, pour Dia-clone, grâce à des économies degestion et à l’apport en sous-traitancedugroupe.Aveclamon-tée en puissance des biothéra-pies,RD-Biotechadebeauxjoursdevant lui. Prochaine étape : deslocaux propres. — M. Cl.

Les Echos Mercredi 15 mars 2017 SPÉCIAL TERRITOIRES // 05

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Monique Clemens@mo_clemens

— Correspondante à Besançon

L e luxe change de visage.L’enjeu, aujourd’hui, estcelui de la transparence et

de la traçabilité. « C’est ce quedemandent les générations X, Y etMillennium, en plus d’une qualitéirréprochable et, désormais, d’unmoindre impactdesfabricationssurl ’environnement » , expliqueMathilde Passarin, directrice del’association Luxe & Tech, quifédère 30 PME locales, entreBesançon et la Suisse, soit près de1.500 emplois et 18 % de l’emploitotal du luxe en Franche-Comté,indique-t-elle. Des découpeurs,polisseurs, spécialistes de micro-techniques qui, après avoir long-tempsvécudanslaplusgrandedis-crétion, sans souci du lendemain,se positionnent aujourd’huicomme apporteurs de solutionsavec des savoir-faire ultra-précis etcomplémentaires.

Pendant ce temps, à Besançon,une nouvelle génération d’horlo-gers est en train de naître, quirépond à cette aspiration à plus detransparenceetderaison.Lesmar-ques Lornet, Phenomen, Hum-bert-Droz, M. Benjamin… com-mencent à se faire un nom chez lesamateurs de belles mécaniques.Elles ne remplaceront pas les gran-des marques suisses, ne créerontpas des dizaines de mill iers

d’emplois, comme l’ancienne capi-tale horlogère a pu en connaîtreavant la crise du quartz, mais ellessont les nouveaux visages de l’hor-logerie :descréateursquiaimentleproduit, associent leurs sous-trai-tants à leur image, visent un prixjuste et plus astronomique, et utili-sent les réseaux de distributionqu’ils ont sous la main : la ventedirecte, Internet, les réseauxsociaux.

« Prises de risques »C’est ce lien direct avec le client qu’avoulu créer Phil ippe Lebru,l’homme qui a réveillé l’horlogecomtoise et l’auteur, aussi, d’horlo-gesmonumentalescommecelledela gare TGV de Besançon. Fin 2015,il a ouvert une boutique-atelier enface du Musée du Temps pourmontrer son travai l et celuid’autres créateurs de sa trempe.« Des créateurs comme FOB, Mar-chLab ou Olivier Jonquet, quiassemblent leurs montres à Besan-çon et qui, comme moi, sont dans ladroite ligne d’une nouvelle horloge-riefrançaiserespectantlepluspossi-ble la fabrication locale », explique-t-il. Lui croit au renouveau portépar des créateurs indépendants etinscrits dans une démarche quali-tative et artistique. « Une démarchequi a du sens, avec des prises de ris-ques, de petites entreprises d’une àdix personnes, mais des personnesphysiquement atteignables, et pasun concept de groupe. »

Dans son concept-store, les hor-logers bisontins viennent rencon-trer leurs clients. On y trouve laHD1, sortie en juin 2016 et que soncréateur, Julien Humbert-Droz,vientdéjàderééditer,maisaussileschronos de légende Dodane qu’aressortis le représentant de lasixième génération. Quant à lamarque Lornet, lancée en novem-bre 2016 et vendue exclusivementsur Internet, elle a bien démarré etvient de présenter un modèle fémi-nin. Pendant ce temps, Phenomenprépare son premier modèle futu-riste en pépinière, sur Témis, etSMB cartonne avec la réédition desmodèles mythiques de Lip.

Arrivé par l’horlogerie, le luxe apeu à peu coloré le tissu industriellocal. Le polissage a attiré ici bijou-tiers et joailliers. La fabrication desbracelets de montre s’est élargie autravail du cuir, comme en témoi-gne la success-story de SIS, entreBesançon et la Suisse. SIS emploie680 salariés, dont 400 formés dansson école intégrée, pour coudre lesjolis sacs de grandes marques de

luxe française, mais aussi faire dugainage, une opération qui con-siste à habiller de cuir, pour les ren-dre plus chics, stylos ou téléphonesportables. Dans sa compétenceéconomique, le Grand Besançonjoue la carte de ces précieux savoir-faire pour attirer de nouvellesentreprises. C’est ainsi que vientd’arriver Hadoro, une société pari-sienne qui conçoit des coques pourtéléphones portables ou tabletteset des bracelets pour les AppleWatch en métaux précieux, cuird’autruche, galuchat... L’objectif,avec ce site, est d’intégrer au maxi-mumlaproductionjusque-làréali-sée en sous-traitance.

Remettre de l’humainNée en 2006, Luxe & Tech a misautour d’une même table des PMEqui n’avaient pas l’habitude decommuniquer entre elles, a parti-cipé à la création du diplôme« Microtechniques et design » del’ENSMM (voir ci-dessous), tissédes liens avec les structures localeset communiqué, surtout, sur lessavoir-faire. « L’enjeu, aujourd’hui,c’est aussi d’expliquer le tempsnécessa ire au luxe » , ajouteMathilde Passarin. « Il faut mon-trer lepetithorlogerdanssonatelier,le séchage de l’émail. » Remettre del’humain dans des relations déshu-manisées « et passer de l’image dusous-traitant à celle d’experts réac-tifs et porteurs de valeur ajoutée ».Tout un programme. n

TRANSFORMATION//Les grandes heures horlogères de Besançon se sont envolées avec Lip. Mais les savoir-faire sontrestés, qui inspirent de jeunes créateurs indépendants ou qui se sont diversifiés dans le cuir, la bijouterie ou la joaillerie.

Lesnouveauxvisagesdel’horlogerieetduluxe

Installé entre Besançon et la Suisse, SIS s’est spécialisé dansle travail du cuir. L’entreprise a formé dans son école intégréeune partie de ses 680 salariés. Photo SIS

Dans sa compétenceéconomique, le GrandBesançon joue la cartede ces précieux savoir-faire pour attirer denouvelles entreprises.

Ce cursus d’ingénieur en alter-nance « microtechniques etdesign » – unique en France et sansdoute en Europe – avait été créé en2010 pour satisfaire aux besoinsdes entreprises locales, horlogères,mais pas seulement. Il s’agissaitd’ajouter aux précieuses compé-tences microtechniques des con-naissances en micromatériaux,travail du cuir, gemmologie, tailledes métaux précieux… et de formerdes ingénieurs aptes à dialogueravec des designers, voire aptes àjouer un rôle de designer. C’est àGuy Monteil, qui enseignait less c i e n c e s d e s m a t é r i a u x àl’ENSMM, l’Ecole nationale supé-rieure de micromécanique deBesançon, qu’avait été confié lacréation de la maquette pédagogi-que et le pilotage de la filière. Elleaccueille 14 nouveaux élèves à cha-que rentrée, dont une moitié vientde Franche-Comté et l’autre detoute la France. La première pro-motion avait été parrainée par laresponsable design des mouve-ments de Cartier. Un bon début.

Partenaires historiquesLa formation est adossée au CFAISud Franche-Comté, qui n’est qu’àd e u x b a t t e m e n t s d ’a i l e s d el’ENSMM, sur le technopôle Témis,etquis’occupedesrelationsaveclesentreprises – locales ou non. Parmielles, des partenaires historiquescomme Silvant, le groupe Cœurd’Or ou encore le maroquinier SIS,à Avoudrey, pour ceux qui accep-tent d’être cités. Car, dans le luxe, lanécessité de transparence n’a pasencore convaincu tout le monde...

Au-delà des PME locales, les gran-des marques françaises commen-cent elles aussi à s’intéresser à cesingénieurs formés à leurs codes.« Les grands donneurs d’ordre duluxe commencent à nous prendredesapprentis »,confirmeGuyMon-teil. « Face à la montée en compé-tence de leurs sous-traitants, ils leurconfient de plus en plus de missionsde conception. Du coup, l’autre ten-dance lourde, c’est que les PME semettent à embaucher des bac + 5. »

Pourmieuxcollerauxréalitésduterrain, celles de PME horlogèreslocalesqui,pourcontrercemarchécapricieux, se diversifient de plusen plus dans le médical, la forma-tion vient de lancer une nouvelleoption. Depuis la rentrée de sep-tembre, les élèves peuvent choisirentre « luxe et précision », l’option« historique » , et désormais« microtechniques et santé ».Concrètement, les apprentis ingé-

nieurssuiventtroissemestrescom-muns puis trois autres, où leur spé-cialité monte en puissance. Ainsi,par exemple, la gemmologie estremplacée par la réglementationspécifique aux produits de santé,qui répondent à des normes dequalité très sévères. Et l’enseigne-mentdesmétauxprécieuxpardelabiochimie pour la santé. « Cela cor-respond à 254 heures sur la totalitéde la formation, c’est vraiment unegrosse option », poursuit Guy Mon-teil.

Unepartiedescoursestmutuali-sée avec l’Isifc, l’école d’ingénieursbiomédicale voisine. « Jusqu’àmaintenant, les entreprises embau-chaient un ingénieur ENSMM avecses compétences en fabrication, con-ception, R&D, et un ingénieur ISIFCdavantage tourné vers l’hôpital et lesmédecins. Désormais, nos ingé-nieurs seront plus spécialisés enmédical. » — M. Cl.

Pour accompagnerla diversification des PMEvers les métiers du luxe,l’ENSMM avait lancé uncursus sur mesure. Objectif :préparer des ingénieursformés au design.

« Microtechniquesetdesign »,uneformationd’ingénieurenapprentissageuniqueensongenre

Dans l’atelier d’horlogerie, douzepostes attendent les stagiaires. Acôté des hauts établis, avec leursrepose-coudes et leur éclairageimpeccable, une machine à net-toyer les mouvements, un chronocomparateur pour vérifier la mar-che et deux postes de microscopespour mieux analyser les piècescomplètent l’équipement pédago-gique. L’atelier voisin compte sixpostes de polissage, ce métier quel’on apprend généralement sur letas, très recherché en horlogerie,mais pas seulement, et qui consisteà apporter une finition parfaite.

P2R Formations vient d’ouvrirses portes dans l’immeuble LeCadran, à Palente, l’ancien quartierhorloger de Besançon, où futnotamment implanté Lip. Passion-nés d’horlogerie, Arnaud Rollier,horloger formateur, David Ronsin,polisseur depuis vingt-cinq ans etBenjamin Perruche, chargé declientèle, avaient ce projet en têtedepuis plus d’un an. Les deux pre-miers s’étaient rencontrés dans uncentre de formation bisontin qui neleuravaitpassemblésérieux.Aleurfrustation s’était ajouté le constatd’une trop longue attente à l’Afpapour se former à l’horlogerie et lademande toujours plus forte, dansles PME de la région, mais aussi enSuisse, pour de bons polisseurs.« C’était le bon moment », estimeArnaud Rollier.

Organisme privé au statut deSAS,P2RFormationsestentraindese faire connaître auprès de plu-sieurs entreprises locales. Ses

modules de formation sont encours de validation dans les basesde données des différents organis-mes. Pour la première année sco-laire pleine, 2017-2018, les forma-teurs prépareront les stagiaires àpasser le CAP horloger en candi-dats libres au lycée Edgar-Faure deMorteau. Ils assurent aussi des for-mationsenentrepriseetdespresta-tions de sous-traitance.

Objectif : une nouvellespécialité par anLes trois associés sont confiants :les besoins sont réels et leur busi-ness plan modeste. Dès que l’acti-vité décollera, ils compléteront lecatalogue de formations avec, dansl’idéal, une nouvelle spécialité paran :sertissage,tribofinition,taillagede pierres. A l’atelier de polissage,Ingrid est la première stagiaire. Enreconversion, elle semble avoirtrouvésavoieet adéjàsuiviunefor-mation en horlogerie qu’elle sou-haitait compléter. « Il faut être poly-valent aujourd’hui », estime-t-elle.— M. Cl.

Le centre de formationvient d’ouvrir dans lequartier de Palente.Passionnés d’horlogerie,ils veulent formerles professionnelsdont les PME ont besoin.

P2RFormations,unpetitnouveaudansl’horlogerieetlepolissage

L’Ecole nationale supérieure de micromécanique de Besançon a été créée en 2010 pour répondreaux besoins des entreprises locales, horlogères ou autres. Photo ENSMM/P1br

Les chiffres clefs

12POSTES DE STAGIAIREà l’atelier d’horlogeriede P2R Formations.

6POSTESà l’atelier polissage. Un métiertrès recherché en horlogerie,qui consiste à apporterune finition parfaite.

« Les grandsdonneurs d’ordre du

luxe commencentà nous prendredes apprentis.

Ils leur confientde plus en plus

de missionsde conception. »

GUY MONTEILEnseignant à l’ENSMM

et pilote de la filière« microtechniques et design »

06 // SPÉCIAL TERRITOIRES Mercredi 15 mars 2017 Les Echos

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INTERVIEW // JEAN KALLMANN Président de Breitling Services

« Ilyaunecarteà joueràtravaillerensous-traitance »Propos recueillis parMonique Clemens

@mo_clemens— Correspondante à Besançon

L e patron de Breitling Servi-ces est arrivé à Besançon il ya plus de vingt ans. Il nous

parle de la nécessité de transpa-rence et porte un regard plutôtbienveillant sur le tissu microtech-nique local. En 1995, attirée par laqualité de la main-d’œuvre, la mai-son horlogère suisse avait créé icisa filiale France dédiée au serviceaprès-vente et à la formation. Elle aconfirmé son ancrage en 2013 ens’installant dans des locaux signésAlain Porta, l’architecte du siège deBreitling et de sa manufacture, enSuisse. Jean Kallmann a été detoute l’aventure.

Breitling était arrivéà Besançon sur la pointedes pieds, avant d’avoir pignonsur rue. Qu’est-ce qui a changé ?Ce qui a changé, c’est l’image qu’onveut donner du service après-vente. Nous avions créé l’antennede Breitling à Besançon pour orga-niser ce nouveau service, nousétions sept à l’époque et nous nousétions installés dans d’ancienslocaux de Lip. Nous y sommes res-tés jusqu’en 2013. Aujourd’hui,nous sommes 47, dont 24 horlo-gers et une formatrice qui formenos horlogers aux évolutions duproduit, mais aussi les écolesd’horlogers et nos détaillants.Entre-temps, Breitling est monté

en gamme et en qualité, la marquea désormais son propre mouve-ment et les locaux ne répondaientplus à ces exigences. La décisionavait alors été prise de trouver unterrain et de construire un bâti-ment à son image. Et puis com-ment demander à du personnel detravailler sur du haut-de-gammesans lui offrir un environnementde qualité ?

Il est désormais possible,pour une marque suisse, derevendiquer une implantationfrançaise ? La transparenceest-elle devenue nécessaire ?O n p a r l e p l u s v o l o n t i e r saujourd’hui de service clients quede service après-vente. Nous trai-tons avec les détaillants qui vien-nent ici, nous parlons de bellesmontres, ils veulent voir les horlo-gers, et nos nouveaux locaux ontété conçus pour offrir une vue surl’atelier. On peut faire le parallèleavec les grands restaurants quim o n t r e n t l e u r s c u i s i n e s .Aujourd’hui, chez Breitling, toutest absolument transparent, leclient est devenu extrêmement exi-geant, et le service, lui, est devenuessentiel. L’exigence que la marques’impose, elle l’impose aussi à sespoints de vente et les forme à pré-senter le produit, à accueillir leclient, à raconter son histoire, àporter l’héritage de la marque.

Quel regard portez-voussur le paysage microtechniquebisontin et sur la montée

en puissance de la filière luxe ?Quelques autres marques sontvenues s’installer à Besançon, atti-rées peut-être par Breitling… Il y aici les SAV d’Audemars-Piguet etSwatch, par exemple. En matièrede formation, les choses ont bienévolué : l’Afpa a développé sa for-mation en horlogerie, le lycéeEdgar-Faure de Morteau a étofféson diplôme métiers d’art. De ce

point de vue-là, par rapport àd’autres pays, on est assez gâtés enFrance. L’environnement indus-triel de Besançon est égalementintéressant.Denoslocaux,àdroite,nous voyons l’ENSMM, l’écoled’ingénieurs en microtechniques,qui est au milieu de la zone Témis.A gauche, les entreprises iX-Blue,Sophysa… qui ont besoin de leursingénieurs – nous aussi, nous pre-

nons des élèves en stage comme« chasseurs de qualité ». Avec sonhistoire microtechnique, Besan-çon joue la bonne carte : celle de lasous-traitance.

Besançon accueilleun nouveau venu, P2R, qui vaformer à l’horlogerie mais aussiau polissage. Un métiertrès demandé, non ?

Le polissage, c’est un métier diffi-cile, qui demande beaucoup deprécision et des qualités manuel-les indéniables. Les polisseurs seforment sur le tas, jusqu’à mainte-nant il n’y avait pas d’école, doncoui, ça peut être intéressant. Lademande est large et dépassel’horlogerie, elle intéresse denombreux sous-traitants etnotamment ceux de la maroqui-nerie, qui se développe bien ici.Nous avons Hermès, pas très loinde Besançon…

On annonce régulièrementla renaissance imminentede l’horlogerie française àBesançon. De jeunes horlogersse sont lancés.Qu’en pensez-vous ?Je pense qu’on n’arrivera pas, ici, àrelancer une grande marque, etque le haut de gamme restera del’autre côté de la frontière. Parcontre, avec la proximité de laSuisse, il y a une carte à jouer à tra-vailler en sous-traitance. Je trouvela démarche d’un jeune horlogercomme Lornet extrêmement cou-rageuse mais, pour lancer unemarque, il faut des moyens consi-d é r a b l e s o u a c c r o c h e r u n evedette… Mais il y a sans doutequelques petits créneaux et de laplace pour de belles initiatives. Cequi attire ici, ce sont les micro-techniques. Dans le bassin local, ily a énormément de compétencese t d e s é r i e u x , q u i a t t i r e n taujourd’hui les acteurs des filièresaérospatiale et médicale. n

Jean Kallmann : « Le client est devenu extrêmement exigeant, et le service, lui, est devenu essentiel. »Photo Breitling

Aujourd’hui, 500 mouvements sont produits chaque mois dans lamanufacture qui s’est recentrée sur le cœur du métier : l’emboutis-sage, le pliage et les pièces mécaniques. Photo Denis Bringard/Hemis.fr

PATRIMOINE

Fin mars, la manufacture Vuille-min exposera pour la première foisau Salon mondial de l’horlogerie, àBâle, où son label « entreprise dupatrimoine vivant » devrait faireson petit effet auprès des visiteursétrangers. Ce dernier fabricantd’horloges comtoises traditionnel-les à mouvement dit « cage fer » aretrouvé un avenir en 2010, lorsquePhilippe Vuillemin, grossiste ins-tallé dans le Haut-Doubs, a acceptéde reprendre son fournisseurbisontin qui s’apprêtait à fermerboutique. L’entreprise avait étécréée ici, en 1969, sous le nom de« Seramm ». Dans les années 1970,elle a compté jusqu’à 45 salariés etproduit jusqu’à 1.000 mouvements

LamanufactureVuilleminpoursuitl’aventuredel’horlogecomtoiseHorloges traditionnelleset contemporainesse côtoient désormaisà l’atelier. Reprisepar Philippe Vuillemin,la PME de Châtillon-le-Ducavait failli disparaître.

Installée à Dannemarie-sur-Crête,dans le Grand Besançon, la sociétéLeboeuf réalise aujourd’hui 80 %d’un chiffre d’affaires de 2 millionsd’euros auprès de clients horlogerset joailliers de luxe. Auprès de deuxgrands noms principalement, quiexigent la confidentialité de leur

sous-traitant. D’ailleurs, chacundispose de son showroom dansl’entreprise…« Lerestedel’activitésepartage entre des contreparties pourles imprimeurs, pour réaliser desimpressions gaufrées, et des objets dedécoration ou œuvres d’artistescomme Renato Montenaro, AgnèsDescamps ou Claudi Florentina »,explique le responsable commer-cial.

L’activité avait été lancée en 1961par Jean Leboeuf, le grand-père deChristopheLeboeuf, l’actuelgérant.

Au départ, elle se limitait aux mou-les et modelages pour l’automobile,avec la technologie du rotomou-lage. Leboeuf s’était ensuite diversi-fié dans les valises pour convoyeursdefond,encarbone,puis lespotsdecancoillotte en plastique thermo-formé… jusqu’à ce qu’un grand hor-loger suisse la contacte pour dumodelage, en résine, de présentoirsde vitrines. C’était il y a une quin-zaine d’années, lorsque MichelLeboeuf,lefilsdufondateur,étaitentrain de passer la main à Christo-

phe, son propre fils, la troisièmegénération.

La mise au point des techniquesde moulage et du coulage de résinea pris près de deux ans. « Le lance-ment a été difficile, mais ensuite il y ae u d u v o l u m e , a v e c j u s q u ’ à100.000 pièces par mois à certainespériodes », poursuit le responsablecommercial qui, depuis trois ans,expose au Salon EPHJ de Genève.« C’est très difficile d’entrer sur cesmarchés, et l’objectif, c’est de trouverdeuxoutroisautresgrosclients,pour

diversifier notre portefeuille. » Dansles ateliers, le moule d’un portrait3D de Marylin Monroe côtoie lefutur décor lunaire d’un horloger.

20 salariés et imprimante 3DPlus loin, des coraux en résine, puisl’atelier de finition de bustes pourprésenter les bijoux d’un grandjoaillier, le deuxième client impor-tant de l’entreprise. Chaque pièceest réalisée de A à Z : sculptée, puismoulée, coulée en résine, et enfinpolie, peinte, gainée de cuir ou

recouverte d’un film, selon l’effetvoulu. Leboeuf emploie 20 salariésplutôt polyvalents, qui font tournerles ateliers de moulage, coulagede résine, peinture, gainage, sculp-ture… Une imprimante 3D permetde gagner du temps pour les proto-types de petite taille et un robotde sculpture de grande dimension(investissement : 100.000 euros)va bientôt être livré pour permettreencore davantage de diversifica-tion.— M. Cl.

Le secteur du luxereprésente aujourd’hui 80 %du chiffre d’affairesde ce spécialiste de la résine,du moulage et du cuir.

Leboeufsculpteetmoulelesprésentoirsd’horlogersetjoailliers

7 %LA PART DES VENTESEN LIGNEenviron, sur le chiffre d’affairestotal de 272.000 euros réalisél’an dernier par l’entreprise.

par mois , contre 500 par anaujourd’hui. « Ils faisaient tout : lescaisses, les cadrans », explique Phi-lippe Vuillemin. « Moi, je n’ai gardéque le cœur, les parties emboutis-sage, pliage et pièces mécaniques.Monobjectifétaitdegarderlesavoir-faire mais aussi de repartir sur unproduit moderne, avec du métalthermolaqué, des rouages en palla-dium ou plaqué or, des axes en Inoxqui peuvent s’exporter… »

Dansl’atelier,autourdespresses,outils de découpe, tours d’horlogeet tailleuses des années 1970, leshorloges contemporaines ont unpeu poussé les comtoises au cof-frage de bois vers le fond. Mais lesdeux générations se mêlent sansheurts : le mouvement est toujoursle même, qu’il soit caché sous uncadran ou qu’il dévoile son délicatsquelette. La manufacture necompte que 4 salariés (2 horlogerset 2 mécaniciens), mais son diri-geant prend soin de bien s’entou-rer : il a gardé avec lui AndréDaclin, l’undescréateursdel’usine,qui devait ne rester que deux

semaines, mais n’est finalementjamais reparti. C’est lui qui, depuisdeux ans, lui apprend le métier : letaillage des roues, le découpage, lemontage des outils, le réglage desmouvements…

Vuilleminaccueilleaussidessta-giaires du Greta de Morteau, ravisd’apprendre ici le métier de A à Z,du laiton brut à l’horloge prête àexpédier. Et depuis 2012, il a étérejoint par André Blachon, quiavaitdéveloppé lesiteInternetdelasociété avant de s’y plonger toutentier. « Il y avait beaucoup à faire »,explique l’associé devenu cogérant.« On a déménagé l’usine dans ceslocaux plus petits, rationalisé les

coûts de production et développé denouveaux modèles, ainsi qu’un siteInternet qui marche de mieux enmieux. »

Frémissement de l’exportEnviron 7 % d’un chiffre d’affaires2016 de 272.000 euros (250.000 en2015) provient en effet de la venteInternet,oùVuillemincommercia-lise aussi des coucous. Les diri-geants ne manquent ni de projetsni d’idées : ils travaillent sur desprototypes avec les designersVincent Calabrese et Jean-BaptisteViot, espèrent bientôt ouvrir uneboutique dans le vieux Besançon etpouvoir construire une nouvelleusine pour mieux accueillir lesautocaristes. En attendant, l’ateliera de quoi doubler sa production.Depuis le Salon Maison & Objets,où la manufacture s’est montrée enseptembre 2016, puis en jan-vier 2017, l’export frémit (de 5 % en2015 à 8 % en 2016) avec des com-mandes pour la Chine, le Japon, leMexique, la Thaïlande…— M. Cl.

Les Echos Mercredi 15 mars 2017 SPÉCIAL TERRITOIRES // 07

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Monique Clemens@mo_clemens

—Correspondante à Besançon

P our insuffler technologies,savoir-faire et savoirs autissu industriel et économi-

que local, rien de mieux qu’un groslaboratoire. En 2004, l’institutFemto-ST avait justement été cons-tituépourregroupersesforces :descompétences en automatique etsystèmes mécatroniques, en éner-gie, informatique des systèmescomplexes, mécanique appliquée,optique,micro-nanosciencesetsys-tèmes, temps-fréquence. Quelque700 chercheurs ou doctorants autotal, ce qui en fait le plus gros labo-ratoire français en sciences del’ingénieur. Et, avec ses cinq plates-formes technologiques, un parte-naire idéal des entreprises locales,nationales, voire internationales.

Spécialiste d’optique et de systè-mes dynamiques non linéaires,Laurent Larger a dû, un peu àregret, laisser de côté ses travaux derecherche pour prendre la direc-tion de Femto-ST, début 2017. Il enétait auparavant le directeuradjoint, au côté de Nicolas Chaillet,parti présider la toute nouvelleComUE (Communauté d’universi-tés et établissements) Bourgogne-Franche-Comté. Mais l’aventure esttout aussi passionnante.

Trophées InpiSon projet est de hisser l’institut auniveau international. Un premierpartenariat avait été lancé en 2013avec l’EPFL de Lausanne dans lecadre du projet Smyle (voir ci-con-tre).Unautreestencoursdeforma-lisation avec l’institut de technolo-gie de Karlsruhe (KIT), prestigieuseuniversité allemande spécialisée,elleaussi,ensciencesdel’ingénieur.Une série de séminaires vient d’êtrelancée avec des professeurs, dont lepremierestvenuàBesançonenjan-vier.Femto-STespèrepouvoir insti-tutionnaliser cette relation, parexemple en échangeant des étu-diantsdemaster2.« Nouscommen-çons à jouer dans la cour des grands,au niveau international », se féliciteson nouveau directeur.

Pour se hisser au niveau interna-tional, Femto-ST s’appuie aussi surles appels à projets de type Interreg– des programmes européens pro-mouvantdescoopérationsentrelesrégions européennes. Rien d’insur-montablepourle laboratoirefranc-comtois,quiaunetraditiondevalo-

risation ancienne, les sciences del’ingénieur se prêtant plutôt bienaux transferts de technologie.D’ailleurs, plusieurs entreprisesissues de ses rangs, qui ont déposédes brevets, ont ramené des tro-phées Inpi : Photline, par exemple,racheté par iX-Blue et qui vientd’inaugurer ses nouveaux locaux ;ou Silmach, avec lequel l’instituttravaille à un projet de « spécialisa-tionintelligente ».Cettethéorieéco-nomique pour laquelle la Franche-Comté a répondu à un appel àmanifestation d’intérêt de l’Europe,et qui vise à développer des domai-nes prioritaires pour transformerl’économie locale, a abouti à troisprojets impliquant des start-up ouPME locales et, à chaque fois,Femto-ST. Il est question d’objetsavec composants de silicium, dedécolletage et de temps-fréquence,pour un budget total de 9 millionsd’euros, dont 4,6 pour des équipe-ments Femto. « Il y a même un qua-trième projet dans les tuyaux sur desmédicaments de thérapie inno-vante », confie Laurent Larger. n

ÉCOSYSTÈMES//L’institut franc-comtois est le plus gros laboratoire de recherche français en sciencesde l’ingénieur. Un modèle né d’une dynamique à l’échelle de plusieurs secteurs d’activité.

Sciencesdel’ingénieur :Femto-ST,uninstitutderechercheXXL

L’association numérique franc-comtoise organise régulièrementdes ateliers et des partenariats. Photo Olivier Testault

ASSOCIATIONS

Dans le quartier sensible de Pla-noise, à Besançon, la première descinq « Access Code Schools » lancéeenmars2016parl’organismedefor-mation Onlineformapro et labelli-sée « Fabrique de la grande école dunumérique » est ouverte aux parte-nariats et aux ateliers, comme ceux

SiliconComté,facilitateurdelatransformationnumériqueL’association de profession-nels du numériqueinterpelle collectivitéset politiques sur le virageà prendre d’urgence.

Le haut débit est partout,mais les usages tardentà arriver.

Avec ses cinq plates-formes technologiques, Femto-STconstitue un partenaire idéal des entreprises locales, nationales,voire internationales. Photo Femto-ST

tion, côté français, des plates-for-mes technologiques Mimento(pour Microfabrication pour lamécanique, lathermiqueet l’opti-que), Oscillator-IMP (dédiée à lastabilité des fréquences) et bien-tôt, sans doute, µRobotex (carac-térisation, manipulation etassemblage de systèmes infé-rieurs à 10 micromètres).

« Le programme s’est récem-mentétenduauxobjetsintelligentsconnectés, notamment avec unprojet de vêtements pour les servi-ces de secours, munis de capteursphysiologiques permettant au PCqui coordonne les actions de limi-ter les risques », explique LaurentLarger, directeur de Femto-ST.« Pour la robotique médicale, il y aun projet sur la détection detumeurs du rein chez l’enfant, avecune problématique informatiquede modélisation. Smyle comprendaussiunvoletformationetinterac-tions industrielles, avec des visitesd’entreprises des élèves de CMI[cursus master en ingénierie,NDLR], ainsi que des échanges deformation en salle blanche pourles équipements complémentairesenmatériauxetprocédés. »Lenio-bate de lithium pour Femto-ST,par exemple, le silicium sur desopérations pointues pour l’EPFL.Des échanges sont également encours entre les deux équipes surl’énergie autour de la question dela pile à combustible, sur laquelleFemto-ST est très en pointe àBelfort.— M. Cl.

Le collegium franco-suisse Smylea été lancé en octobre 2013 et pourquatre ans par Femto-ST (ou plusexactement ses tutelles) et l’Ecolepolytechnique fédérale de Lau-sanne (EPFL). Il est l’acronymesouriant de « Smart systems for abetterlife »,unprogrammestraté-gique souriant lui aussi. Ce parte-nariat entre deux importantesstructures de recherche en scien-ces de l’ingénieur et qui a de gran-des chances d’être renouvelé con-crétise la coopération scientifiquedans l’Arc jurassien via un pro-gramme orienté formation ettransfert de technologie. Le postu-lat : à elles deux, les deux structu-res sont plus visibles, plus fortes etplus attractives. Pour Femto-ST,institutencorejeune,l’occasionestbelledemontrersesmusclesdansune coopération internationale.

Deux axes de rechercheLorsdelasignature,en2013,deuxactivités avaient été ciblées : letemps fréquence et la robotiquemédicale. Deux axes de recher-che pertinents de chaque côté dumassif jurassien avec l’implica-

L’institut Femto-STet l’EPFL de Lausannetravaillent ensembleà inventer des systèmesintelligents. Au pro-gramme : des vêtementsconnectés, mais aussides solutions de détectionde tumeurs chez l’enfant.

SmylerapprocheBesançondeLausanne

AFULudine, le beau bébé de Femto-ST et d’Utinam

Un lubrifiant sec et sans huile ? Les décou-peurs en ont rêvé, AFULudine l’a fait. Lastart-up est née en septembre 2016 et estencore hébergée par l’Université de Fran-che-Comté, où elle a reproduit une usinechimique à l’échelle 1/2. Elle est le fruit ducroisement de deux expertises : celled’Utinam (institut de recherche de l’Uni-versité de Franche-Comté réunissant as-trophysiciens, physiciens et chimistes),d’où sont issus l’organicien Jean-MarieMelot et le spécialiste des traitements desurface Fabrice Lallemand, et celle deFemto-ST, d’où sort le tribologue (mécani-que des frottements) Xavier Croizard.Leurs travaux de recherche remontent à2008, et ça y est, ils tiennent leur innova-tion : un lubrifiant qui n’est pas une huile,mais une solution à base d’eau, d’alcool et

de molécules qui se fixent sur les surfaces.« Nous avions découvert tout le potentiel de laformule par un jeu de hasard, puis nous avonstravaillé sur un composé qui respecte l’envi-ronnement », explique Fabrice Lallemand.« Notre lubrifiant n’affiche pas un seul picto-gramme dangereux. Le concept est différent :il ne s’agit plus d’hydrodynamique des huiles,mais de traitement de surface. »Le brevet de la formule a été déposé enFrance en 2014, puis au niveau mondial en2015. Des essais ont ensuite été menés chezdes industriels locaux pour l’affiner. Lecœur de cible d’AFULudine, qui vient de le-ver 400.000 euros auprès d’Invest PME (Si-parex) pour lancer l’industrialisation, cesont les découpeurs et emboutisseurs quirêvent de se débarrasser du gras. Le marchéest énorme.

qu’organise régulièrement SiliconComté, l’association numériquefranc-comtoise. D’autres AccessCode Schools, sur le même modèle– pédagogie inversée et tutorat –vont ouvrir en Bourgogne-Franche-Comté et plus loin. Leur directeur,ChristopheBoutet,estaussi leprési-dent de l’association. Le lien s’arrêtelà, mais Silicon Comté n’est pas toutà fait étrangère au frémissementnumérique bisontin.

Label French TechL’association était née début 2014, àl’initiative d’une dizaine d’entrepre-neurs, pour structurer un écosys-tème régional, retenir les déve-loppeurs et créateurs de contenustentés par de grandes métropoles,

faire reconnaître le numériquecomme filière de relance et susciterune candidature French Tech. Troisans plus tard, le Grand Besançon aobtenu un label French Tech pourles technologies de la santé, à défautd’un label complet. L’associationcompte une centaine d’adhérents etses missions restent inchangées :« Fédérer l’écosystème et apporterune dynamique à travers différentsaxes que sont le grand public, la veilleetlespartenariats »,résumeChristo-pheBoutet.« Ilyaunbesoindemuta-tion, la région est plutôt en retard surce point. Il faut faire de la pédagogie,du lobbying auprès des institutions,tout en localisant la main-d’œuvrequi pourra amener de la croissanceaux entreprises de la filière. »

Silicon Comté s’était fait connaî-tre en interpellant l’Arcep sur lacouverture numérique régionale,après avoir mis en place un outilgratuit de diagnostic de perfor-mancenumérique.Puis,pendantlacampagne des régionales, en 2015,l’association avait interrogé les can-didats sur leur vision du développe-ment numérique. « Aujourd’hui,noussommestoujoursdansunelogi-que de montée en compétences. Ledéploiement des infrastructures sepoursuitpartout,maislesusagesres-tentà inventer.Lessujetsquiarriventsont ceux de la réalité augmentée etvirtuelle. Il y a des opportunités à sai-sir pour les entreprises et pour lemonde de la formation. »— M. Cl.

Femto-ST et l’EPFL de Lausanne ont noué un partenariat pourêtre plus visibles et attractifs. Photo CC Ludovic Godard - UFC

700CHERCHEURSET DOCTORANTStravaillent pour l’institutfranc-comtois.

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