Le Filament 07

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Le Filament, journal libre & indépendant paraissant le 7

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₪₪₪₪₪₪₪₪₪₪₪₪₪₪    -­‐  Numéro 7 du 15 août 2010  -­‐  ₪₪₪₪₪₪₪₪₪₪₪₪₪

 

EEE ddd iii ttt ooo rrr iii aaa lll Encore une fois, merci, pour votre accueil cordial et vos compliments, pour vos conseils et vos contributions qui nous permettent d’alimenter et d’améliorer Le Filament, de parution en parution. De ce point se vue, nous sommes heureux de vous annoncer que, en plus du fichier PDF que vous recevez chaque mois, Le Filament met à votre disposition un site blog : http://le-­‐filament.blogspot.com  

Très belle avancée, parce que le site Blog est une vitrine apportant l'interactivité, absente du PDF. Ainsi, concrètement, vous aurez désormais à votre disposition, sur le site blog, tous nos textes, que vous pourrez télécharger, reproduire et utiliser à d’autres fins utiles... Et puis, grâce au site blog, vous pourrez participer directement aux débats, entre autres. Par ailleurs, le site Blog permet d’intégrer des rubriques supplémentaires que ne permet pas le format PDF, à savoir : les événements, les sondages, les ressources documentaires, les vidéos, les liens, etc. Nous sommes comblés de savoir que des jeunes connaissent

maintenant et lisent régulièrement Le Filament, et le recommandent à leurs amis et à leurs parents. Nous disons Akwaba aux deux jeunes étudiants qui viennent de nous rejoindre dans le comité de rédaction et animent deux rubriques (“La Page des Jeunes”- et “Dites-moi pourquoi”). Nous espérons pouvoir, par leurs écrits et par leur engagement, toucher une multitude d’autres jeunes. C’est, en tout cas, notre objectif et ceci est très important, parce que la jeunesse, tout le monde le sait, c’est l’avenir. Merci à vous tous et toutes, qui aidez volontiers à diffuser largement Le Filament. Nous adressons un remerciement particulier à M. Djédji Monnet, membre très actif du comité de rédaction, qui a conçu et réalisé, gratuitement, le site Blog. Encore une fois merci à M. Michel Zahibo qui, nous le disions précédemment, imprime Le Filament, à plus de 50 exemplaires, à ses propres frais, et les distribue gratuitement aux personnes n’ayant pas accès à l’Internet. Nous sommes heureux de savoir que son exemple est, ainsi que nous le souhaitions, suivi par d’autres.

Mesdames et Messieurs, continuons ainsi, à offrir gratuitement Le Filament, à nos amis, à nos parents, à nos connaissances, par email, par fax, par photocopie, par courrier postal, etc. Continuons à élargir le cercle commun des lecteurs et des lectrices que nous sommes, si nous sommes vraiment convaincus que « lire ce que d'autres personnes ont pensé et écrit peut aider les uns et les autres à former leur propre jugement sur les êtres et les choses de la vie » (Gaardner). Continuons à diffuser largement Le Filament pour contribuer aux échanges d’idées et à l’éveil des consciences chez un grand nombre d’entre nous, en vue de « changer la vie », de « transformer le monde »... Ceci peut paraître une pure utopie, un rêve impossible. Mais, ne perdons pas de vue que c’est par les rêves apparemment impossibles que le monde connaît les plus grands bouleversements et les plus grandes réalisations. Bonne lecture. Portez-vous bien et à très bientôt. Léandre Sahiri, Directeur de Publication.

Les  propos   in jur ieux ,  d i f famatoires ,   rac is tes ,   e tc . ,   sont   s tr i c tement   interdi ts ,    entre  autres   condi t ions ,  pour   la  publ icat ion  des   textes  dans  «  Le  F i lament  » .  

 Nous  pr iv i lég ions   le  débat  d ’ idées  e t   la   courto is ie .  

Journal libre et indépendant paraissant le 15 du mois

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LE  FILAMENT  Numéro  7  du  15  août  2010     Page  |  2    

Editorial           1  Ombres  et  Lumières         2  Ce  que  je  pense,             3  Poésie             6  Point  de  vue             7  Le  Pavé  y’en  a  marre         9  Actualité  oblige           10  Humour             12  Vie  en  Société             13  Amanien           15  Courriers  des  Lecteurs           18  Page  des  jeunes           20  Religion             22  Dites-­‐moi  pourquoi…           23  Sous  l’art  à  palabres         26  Santé-­‐Conseils           28  Poésie             26  Devinettes           33  Le  débat  est  ouvert         34  S  O  S               38  Economie  et  Finances         38  Arts  et  Lettres           41  Livre  à  lire           46  Droit  de  savoir,  Devoir  de  mémoire     47  Diasporama           49  Vérités  et  contrevérités       52  Regards  croisés         53  Libres  propos             54  Cinquantenaire  des  Indépendances     58  Dossier  de  l’Education         63  Courrier  du  Golfe         66  Mémoire  d’Outre-­‐tombe…       69  La  vie  des  mots  et  expressions     70    Tableau  d’honneur         73  Agenda             75  Publicité           77  Conte  du  mois           78  Jeux             81  

Pour vos dons et contributions, Numéro de Compte du Filament : HSBC Bank 400208 11474154 78

 

*  

OMBRES & LUMIÈRES

«  L'ombre   et   la   lumière   sont   deux   points   fondamentaux  qui  permettent  de  définir  les  volumes  et  de  les  mettre  en  

relief.   En   fait,   c'est   la   lumière   qui   génère   la   forme   de  l'objet  :  considéré  sous  des  lumières  différentes.  le  même  objet   peut   se   montrer   sous   des  

aspects   totalement  différents.   Par   exemple,   un  

paysage   vu   sous   un   beau   soleil  semble   accueillant   et   rassurant   et   présente   de   belles  couleurs   éclatantes.   Le   même   paysage   considéré   par  

mauvais   temps   paraît   triste,   terne   et   morose.   Plus   une  lumière   est   forte   et   directe,   plus   l'objet   présentera   de  contrastes   et   d’ombres,   plus   ou   moins   marqués   (Noir   /  

Blanc).   Plus   la   lumière   sera   diffuse   et   faible,   plus   l'objet  sera   gris   et   uniforme.   Le   choix   d'une   lumière   est  fondamental   pour   déterminer   l'atmosphère   que   l'on  

souhaite   donner     à   un   dessin,   ainsi   que   le   sens   que   l’on  veut  donner  à  sa  propre  vie.    

(Source  :  Atelier  de  la  Salamandre).  

«  Le  Filament  »  Fondateur et Directeur de Publication :

Léandre Sahiri Directeur de la Rédaction :

Sylvain de Bogou Comité de Rédaction :

Adjé Kouakou, Alain Tanoh, Serge Grah, Sylvain de Bogou, Jean-René Vannier, Léandre Sahiri, Djédji Monnet, G S Jonathan. Réalisation :[email protected]

Contacts : [email protected] 00  44  75  56  56  33  86  /  00  44  77  71  10  30  93    /  00  225  57  04  11  02   http://le-­‐filament.blogspot.com

 

*  Le   filament,   comme   tout   le   monde   le   sait,   désigne   le   fil  conducteur   qui,   dans   une   lampe   électrique   ou   dans   une  source   à   décharge   ou   à   incandescence,   produit   de   la  lumière  au  passage  du  courant  et  conditionne  le  temps  de  vie  d’une  ampoule.  On  voit  donc  bien  que   le  filament  est  

Sommaire  

 

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indispensable   dans   le   phénomène   de   production   de   la  lumière.

 

CCCeee qqquuu eee jjj eee

ppp eee nnn sss eee………

Une  Chronique  de  Léandre  SahiriUne  Chronique  de  Léandre  Sahiri

[Cet espace me permet d'analyser et de commenter les sujets d’actualité de notre temps, d’ici ou ailleurs. C’est pour cela que je l’appelle « Ce que je pense ». C’est, en quelque sorte, mon bloc-notes, mon jardin secret ; mais, j’ai plaisir et honneur à le partager avec vous. C’est tout l’intérêt et le sens de cet espace].    

«  Je  ne  suis  pas  d'accord  avec  ce  que  vous  dites,  mais  je  me  

battrai  jusqu'au  bout  pour  que  vous  puissiez  le  dire  ».  (Voltaire).  

 

D e s b u d g e t s c o l o s s a u x d u D e s b u d g e t s c o l o s s a u x d u

c i n q u a n t e n a i r ec i n q u a n t e n a i r e ::

b e a u c o u pb e a u c o u p d ’ a r g e n t e t d ’ a r g e n t e t

b e a u c o u p d e b r u i t s p o u r b e a u c o u p d e b r u i t s p o u r

r i e nr i e n

*  

Dans un article publié dans le numéro hors-série 24 de Jeune Afrique de mai 2010, M. Mahamadou Camara révèle « les budgets annoncés en 2010 pour les célébrations du cinquantenaire de l’indépendance des pays d’Afrique: 20 milliards de F CFA (30,5 millions d’euros) en Côte d’Ivoire, 17 milliards de F CFA (26 millions d’euros) au Congo, 14 milliards de F CFA (21,3 millions d’euros) au Cameroun... Etalées sur trois jours, les festivités du cinquantenaire de l’indépendance du Sénégal ont coûté aux contribuables sénégalais environ 1,5 milliard de F CFA pour l’organisation du défilé et les réceptions données en l’honneur de la vingtaine de chefs d’Etat présents».

Au vu de ces chiffres, le moins que l’on puisse penser, c’est que ces budgets « pour faire la fête » sont, comme l’a écrit M. Mahamadou Camara dans son article, des « montants pharaoniques », eu égard aux objectifs et au regard du niveau de vie dans ces pays et du piteux état dans lequel se trouvent leurs services publics.

De ce fait, la première question qui me vient à l’esprit, et que vous vous posez sans doute, est la suivante : d’où vient cet argent ? ... M. Mahamadou Camara n’en dit rien, et pourtant, il est important de savoir ou on a pris cet et s’il ne vient pas, ainsi, sans conscience, alourdir encore plus les dettes de ces pays. Il est également important de savoir pourquoi ces sommes, si elles émanent des budgets nationaux, n’ont jusque-là pas été utilisées pour les besoins, prioritairement, en santé, en éducation, en lutte contre l’insalubrité, en création d’emplois…, pour les populations locales ? Parce que les besoins et les priorités, ce n’est pas ce qui manque chez nous, n’est-ce pas ?...

Dans tous ces pays où l’on manque parfois du minimum vital, où le chômage des jeunes, diplômés, qualifiés ou non, demeure une épidémie, entre autres maux, où 80% des populations vivent sous le seuil de pauvreté, peinent à s'assurer un repas convenable par jour, à se soigner convenablement, à bénéficier des conditions adéquates d’études et de promotion, ces sommes-là, ont aussitôt fait l’objet de toutes les convoitises, allant jusqu'à faire germer des « idées » dans la tête de nombre de personnes, donnant lieu à

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un gigantesque business. En effet, de nombreux hommes d’affaires dont, au premier rang, les agences de communication et les sociétés d’événementiel, ont ainsi rapidement contracté des partenariats avec les comités d’organisation et ont proposé leurs services pour médiatiser les activités liées à cet anniversaire que l’on veut, coûte que coûte, prestigieux, « mémorable ».

Dans tous ces pays, ces sommes, comme le souligne M. Mahamadou Camara, ressemblent davantage à des gâteaux. Ainsi, « chacun y est allé de son initiative ou de son projet pour croquer (extorquer ou escroquer) une part de ces gâteaux à cinquante bougies ». On a vu et on voit alors les commissions, les sous-commissions et les comités d’organisation, rivaliser de projets et de programmes, s’entre-déchirer pour gérer ces budgets, pour médiatiser et fêter en pompe, exhiber des factures et des devis si élevés qu’on se demande parfois où en est le sérieux. On parle même de détournements de fonds et de manifestations fantoches, impliquant, plus ou moins, la complicité ou la participation de certains intellectuels, artistes et politiques…

Une autre réalité de ces cinquantenaires, toujours selon M. Mahamadou Camara, concerne les premiers responsables des structures mises en place. D’abord, il faut noter que, même si certaines commissions sont des structures indépendantes, comme en Côte d’Ivoire, la plupart sont intégrées au sein du ministère de la Culture, comme au Cameroun, ou au Burkina… C’est doute pour faire croire que ces pays ont choisi de mettre l’accent sur la promotion de leur histoire et de leurs atouts culturels. Et pourtant, en lieu et place de richesses en matière d’artisanat, de littérature et d’arts, on ne nous sert que des « plats réchauffés », du folklore et de la routine : concours de beauté, défilés de mode, matches de gala, colloques et conférences avec des thèmes ressassés ou édulcorés, émissions radio et télé vides mais fortement médiatisées, etc. Comme si l’on manque vraiment d’imagination et d’intelligence pour innover. Ce qui amène à se demander si cela valait vraiment la peine de dépenser tant d’argent et de mettre des hauts dignitaires à la tête des structures.

La troisième réalité des célébrations du cinquantenaire de l’indépendance de pays d’Afrique concerne la direction ou le pilotage des structures mises en place. En effet, de ce point de vue, force est de constater que ce sont leurs fidèles qui ont été nommés par les chefs d’Etat, à l’image du Premier ministre gabonais, M. Paul Biyoghé Mba, de M.

Isidore Mvouba, ex-Premier ministre du Congo, de M. Oumar Hamadoun Dicko, ancien ministre du président Amadou Toumani Touré, pour le Mali, ou encore de M. Pierre Kipré, ancien ministre et ambassadeur de Côte d’Ivoire en France, désormais plus présent sur les lieux festifs qu’à son boulot. Ces choix se justifient sans doute par le fait que la présidence d’une telle structure ne saurait être aux mains de n’importe qui, étant entendu qu’elle constitue un enjeu important, car elle assure à son titulaire une visibilité nationale, voire internationale, pendant de longs mois, ainsi que la mainmise sur un budget important, objet de tant de convoitises, comme cela a été souligné plus haut.

La quatrième réalité est qu’il a fallu « inventer », partout, des symboles spécifiques et « créer » des activités pour l’événement. Dans ce sens, un concours pour le logo du cinquantenaire a été lancé dans plusieurs pays, avec pour le gagnant, une récompense ou une dotation plus ou moins élevée selon les pays et suscitant des « vocations » : 1 million de F CFA (1500 euros) au Mali et au Burkina, 5 millions de francs CFA (7500 euros) au Cameroun, 18 millions de francs congolais (15000 euros) en RD Congo, etc. En Côte d’Ivoire, l’hymne du cinquantenaire (et quel hymne !) a fait l’objet d’un concours, pour un premier prix de 5 millions de francs CFA (7500 euros).

Toujours au niveau des symboles, les autres gadgets incontournables des célébrations du cinquantenaire demeurent les timbres, agendas, livres d’or, DVD, pins, casquettes, tee-shirts et surtout le pagne, comme lors de toutes les campagnes électorales, les funérailles ou les mariages. En Côte d’Ivoire, le pagne du cinquantenaire, vendu par exemple en Angleterre à 30 livres sterling (environ 25 000 F CFA) les 3 morceaux, a été révélé en pompe au grand public le 7 mars 2010, lors d’une cérémonie grandiose présidée par l’ambassadeur Pierre Kipré. Au Mali, les pagnes du cinquantenaire sont confectionnés par la

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Compagnie malienne des textiles (Comatex), détenue par un opérateur chinois, et qui commercialise des lots comprenant 100 pagnes à 525 euros, véritable aubaine pour les revendeurs. Quant aux tee-shirts, ils sont fabriqués en Chine par des opérateurs locaux, et revendus au prix de 2,25 euros à la Commission, qui en écoule à prix double ou triple, depuis début 2010, environ 5000 par mois auprès des associations et des groupes de jeunes.

En ce qui concerne les activités, notons par exemple que, avec une dotation globale de 20 milliards de F CFA (30,5 millions d’euros), (c’est, dit-on, l’un des programmes les plus coûteux), on aura au menu, selon M. Pierre Kipré, « des tombolas, des concours régionaux de beauté et de danse, et des concerts, mais aussi des débats littéraires, politiques et économiques ».

Au Mali, selon M. Oumar Hamadoun Dicko, le programme comprend, outre un colloque international, des épreuves sportives, des publications consacrées à l’événement, un concert géant et un monument du cinquantenaire en forme de calebasse qui sera édifié sur le fleuve Niger entre les deux premiers ponts de Bamako et qu’on évalue à 1 milliard de F CFA (1,5 million d’euros), soit dix fois moins que le « Monument de la Renaissance Africaine », œuvre du président sénégalais, M. Abdoulaye Wade, inaugurée en grande pompe le 3 avril dernier à Dakar…

Ainsi donc, comme vous voyez, ce cinquantenaire nous coûte vraiment cher, du moins nous aura vraiment cher. Et ceux ou celles qui s’opposent ou contestent ces célébrations mettent en avant le fait que les sommes décaissées sont faramineuses et servent, on le voit bien tous les jours, à récompenser ou enrichir des amis ou des proches, à leur offrir des opportunités d’affaires, à séduire des électeurs potentiels, à mettre à nu nos irresponsabilités et nos

immaturités en détournant ou en dilapidant les deniers publics à des fins inutiles, purement et simplement, même si, au-delà de ces festivités et de ces gadgets publicitaires, certains Etats ont prévu quelques investissements dans les infrastructures et dans les aménagements urbains.

Force est de reconnaître que ceux et celles qui s’opposent désapprouvent le fait que les manifestations grandioses passées ou à venir grèvent nos finances publiques, déjà très mal gérées, nul ne l’ignore... C’est ce que je pense, moi aussi. En tout cas, je suis entièrement d’accord avec ceux et celles qui accusent nos dirigeants et les populations africaines moutonnières « de n’avoir pas compris que l’année 2010 doit être vue et vécue comme le point de départ d’une nouvelle ère pour nous Africains, et que, cette année, l’opportunité nous est donnée de nous atteler à élaborer un projet sérieux de décolonisation et de développement, à induire avec intelligence les moyens de notre libération totale, à réviser tous les contrats léonins passés avec les pays occidentaux qui ont soin de penser et de décider en notre lieu et place… », etc. Je suis entièrement d’accord avec ceux et celles qui accusent nos dirigeants et les populations africaines suivistes de n’avoir pas compris qu’il nous faut, courageusement et opportunément, reposer le problème crucial de nos indépendances : des indépendances ankylosées par la misère et le déficit moral dans la gestion des affaires publiques ; des indépendances empestées par des génocides, des rebellions et autres conflits plus ou moins ouverts où des Africains n’ont ni honte, ni scrupule à se révéler les « pires ennemis de l’Afrique », à étaler leur barbarie et leur inconscience ; des indépendances confisquées par une armée étrangère sur nos territoires pourtant dits souverains ; des indépendances mises à mal par des assoiffés de pouvoir et autres gouvernants irresponsables aux pratiques d’arrière-garde ; des indépendances dévidées économiquement par une monnaie dont la maîtrise nous échappe , etc. »1…

                                                                                                               

1 A propos de propositions concernant les programmes des activités du cinquantenaire, lire “Ce que je pense : Du Cinquantenaire des Indépendances africaines, in LE FILAMENT Numéro 1 du 1er mars 2010.

 

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En tout cas, avec ce que nous avons pu voir jusqu’ici, c’est à croire que le cinquantenaire, c’est, comme dirait Shakespeare « beaucoup de bruits pour rien ». Et aussi beaucoup d’argent pour du vent. C’est ce que je pense.

Léandre Sahiri, Directeur de Publication

*  

Mesdames,  Messieurs,   n’hésitez   pas   à   nous  faire  parvenir  vos  impressions,  vos  points  de  vue   et   vos   idées,   même   en   vrac.   Nous  pouvons  les  rédiger,  en  faire  la  mise  en  page  et   nous   les   publierons,     bien   entendu   avec  votre   accord,   signature   ou   anonymat,   dans  la  rubrique  appropriée.    

 

 

Vision    

Un  soir  

Passant  par  la  grand-­‐rue  du  marché  

Trois  bambins  

Sortant  des  entrailles  d’un  vaste  conteneur  

Du  milieu  des  détritus  

Et  de  la  nuée  vrombissante  des  mouches  

Trois  moches  

Etres  immenses  comme  des  béquilles  

Espiègles  gais  et  folâtres  à  souhait  

Dans  cet  espace  leur  univers  apocalyptique  

M’apparurent.  

Enfants   intrépides   à   califourchon   sur   la   vie   et   la  mort  

De  combien  étaient-­‐ils  vieux  ?  

Sept,  huit,  neuf  ans  !  

Et  ces  âges  comme  des  flèches  iroquoises  

Dans  mon  cœur  

Ont  fait  de  profondes  entailles.  

 Honoré  Koua  Wognin*  *Professeur  de  Lettres,    

Vice-­‐président  du  Conseil  Economique  et  Social,    Abidjan,  Côte  d’Ivoire).  

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Faites-­‐nous   parvenir  vos   textes,  vos   réflexions  et  vos  analyses   sur   des  sujets   d’actualité  ou   des   thèmes   et   faits   divers   qui   concernent   (ou  pas)   vos   centres   d’intérêt   ou   vos   domaines  d’activité.  

*  Comment  l’Africain  conçoit-­‐il,  comprend-­‐il,  apprécie-­‐t-­‐il  le  

temps  ?  Comment  l’Africain  utilise-­‐t-­‐il  le  temps  ?  Quel  est  le   rapport   de   l’Africain   avec   le   temps  ?   D’aucuns   disent  que   les   réponses   à   ces   questions   fondamentales   restent  

plutôt   négatives   pour   l’Africain.   Nous   aurions,   nous  Africains,   une  «mauvaise   appréciation   et   une   mauvaise  utilisation  du  temps  »,  ce  qui  aboutit  naturellement  à  des  

«  mauvais   rapports»   avec   le   temps.  Qu’en   pensez-­‐vous  ?  Voici  le  point  de  vue  du  Dr  Ipota  Bembela  TEDANGA  

*  Négrité  et    

notion  du  temps  en  Afrique  

 En   1979,   le   professeur   Denise   François,   qui  dirigeait   un   séminaire   de   sociolinguistique   à  l'université   de   Paris   V,   Sorbonne   Nouvelle,  Unité   d'   Études   et   de   Recherches   (UER)   de  Linguistique  Théorique  et  Appliquée,  avait,  de  bonne   foi,   demandé   à   un   étudiant   négro-­‐africain   d'analyser   les  modalités   aspectuelles  de   quelques   idiomes   négro-­‐africains   en   vue,  espérait-­‐elle,   d'avoir,   enfin   et   en   amont,  l'explication  de   la   si  proverbiale  nonchalance  des   Négro-­‐africains   et   de   leur   manque  

chronique   de   ponctualité   qui,   selon   certains  et  en  particulier  Gobineau,  les  maintiennent  à  l'écart   de   la   volonté   prométhéenne   de  transformation   de   la   nature.   Elle   voulait  vérifier   scientifiquement   si   les   catégories  linguistiques   pouvaient   refléter   cette  fameuse   thèse   idéologique   du   «  Nègre  paresseux  par  nature  ».  Ce   fut   en   vain.  Dans  un   village   quelconque   de   l'Afrique  subtropicale,   un   vieil   homme   était   assis   à  l'ombre  d'un  palmier.   Il   avait   comme   l'air  de  rêvasser  et  de  ne  rien  faire  :  il  était  là  en  train  de  digérer  et  de  bâiller  tandis  qu'un  brouillard  s'effilochait   dans   sa   tête.   En   vérité,   chez   lui,  s'asseoir   n'est   pas   signe   d'inactivité,   ni   de  paresse  organique:  c'est  une  posture  adoptée  pour   réfléchir,   méditer   sur   la   vie,   pour  demeurer   prêt   à   entrer   en   condition   de  réceptivité  psychique  et  pour  penser  (à  la  fois  recevoir   et   envoyer   des  messages   ‘dans   le  vent'2.   Il   n'est   ni   nonchalant,   ni   oisif.   Il   n'est  pas   non   plus   un   rêveur   impuissant   ou   un  pauvre  fakir  perché  sur  ses  colonnes...          Pieter,   personnage   hottentot   de   L'Alliance,  fiction   romanesque  de   J.-­‐A.  Michener,   prend  l'oisiveté  pour  vertu.  Il  peut  passer  toute  une  journée,  adossé  à  un  arbre,  les  yeux  clos,  et  y  trouver   son   bonheur.   On   sait   aujourd'hui  grâce   à   la   psychologie   des   profondeurs   que  de   telles   expériences,   marquées   par   un  jaillissement  de  représentations  archétypales,  confèrent   à   l'initié   le   pouvoir   de   guérir   les  malades  par  des  rites  sacrés,  de  lire  les  signes  du   temps   dans   ses   prémonitions   et  d'invoquer   les   esprits   des   Ancêtres   par   des  chants  et  des  incantations3.      

                                                                                                               

2   HEBGA,   M.P.,   Afrique   de   la   raison,   Afrique   de   la   foi   ,  Paris,  Karthala,  1995,  p.  112. 3  DREWERMANN,  E.,  Fonctionnaires   de   Dieu   ,  Albin  Michel,  Paris,  1993  ,  p.  52.

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D'après   le   père   jésuite   M.-­‐P.   Hebga,   les  phénomènes   de   lévitation,   d'action   à  distance,  de  guérison  soudaine…  ne  sont  pas  à   escamoter   au   nom   d'un   ‘rationalisme  étriqué'   commué   en   préjugé   métaphysique.  L.S.   Senghor   assimile,   à   l'expression   de   la  force   vitale,   le   rythme   des   ondes   que   l'être  émet   à   l'adresse   des   autres.   La   science  occidentale   s'y   intéresse   à   travers   la  psychrotronique   qui,   dans   son   orientation  télékinésiste   ou   psychokinésiste,   étudie  l'émission   par   le   sujet   d'un   rayonnement  invisible,  physique  et  matériel  qui  atteint  une  cible  et  la  met  en  mouvement.      Cette   soi-­‐disant   indolence   organique  attribuée   au   Nègre   s'explique   aussi   souvent  par   le   fait   que   les   schémas   culturels,  économiques   dits   modernes   et   le   travail  d'andouille  imposés  au  bon  peuple  noir  n'ont  souvent  aucun  intérêt  pour  lui  et  font  qu'il  n'y  trouve  pas  toujours  son  compte,  comme  c'est  le  cas  pour  le  lumpen  prolétariat  chinois  de  La   condition   humaine     :   «  Il   n'y   a   pas   de  dignité   possible,   pas   de   vie   réelle   pour   un  homme   qui   travaille   douze   heures   par   jour  sans  savoir  pour  quoi   il  travaille.   Il   fallait  que  ce   travail   prît   un   sens,   devînt   une   patrie  (…)  »4.   D'où,   la   démotivation   des   Noirs,  assimilée  indûment  à  de  la  nonchalance.  «  On  accuse   ces   Nègres   de   paresse   et   de  stagnation  et,  pourtant  et  par  ailleurs,  on  leur  ligote  les  mains  et  les  jambes  »5.  Un  comble,  non  ?        Ce   sont   des   pareils   clichés   que   le   regard   du  colonisateur   a   assignés   et   que,   suite   à   notre  aliénation   mentale,   nous,   Négro-­‐africains,  

                                                                                                               

4   André   Malraux.-­‐   La   condition   humaine,   Paris,   Gallimard,  1946,  p.  59. 5  Marcel  Amondji.-­‐  L'Afrique  au  miroir  de   l’Occident,  Paris,  Éditions  Nouvelles  du  Sud,  1993,  p.  12.

reprenons   béatement,   comme   nous   l'avons  signalé   précédemment.   Explicables   par   le  fatalisme   et   le   bohémisme   de   sa   vie,   les  déclarations   tapageuses   de   Birahima,  personnage   principal   du   dernier   roman  d’Ahmadou  Kourouma,  semblent  confirmer  le  peu   de   cas   que   le  Négro-­‐africain   accorderait  au  temps  :  «  (…)  cela  n'avait  pas  d'importance  et  n'intéressait  personne  de  connaître  sa  date  et  son  jour  de  naissance  vu  que  nous  sommes  tous  nés  un   jour  ou  un  autre  et  dans  un   lieu  ou  un  autre  et  que  nous  allons  tous  mourir  un  jour  ou  un  autre  et  dans  un   lieu  ou  un  autre  pour   être   tous   enfouis   sous   le   même   sable,  rejoindre   les   aïeux   et   connaître   le   même  jugement  d'Allah  »6.      Dr  Ipota  Bembela  TEDANGA    (Extrait  de  «  Négrité  et  notion  du  temps  »      Source  :  Congo  Vision          Vos points de vue sont attendus. Exprimez-vous !

Les propos injurieux, diffamatoires, racistes, etc., sont strictement

interdits, entre autres conditions, pour la publication des textes dans « Le

Filament ». Nous privilégions le débat d’idées et la courtoisie.  

 

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6  Ahmadou  Kourouma.-­‐    Allah   n'est   pas   obligé,   Paris,   Seuil,  2000,  pp.  20-­‐21.

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LLLeee      PPPaaavvvééé            yyy’’’eeennn      aaa      MMMAAArrrrrreee      

(Nouvelle rubrique pour présenter, exposer des faits insolites, ambigus, incongrus, pour exprimer vos coups de gueule, pour dénoncer ce qui vous paraît anormal, intolérable et pour faire partager vos opinions. Car, même s’il n’est pas bon d’écrire certaines choses sur le Web et dans les journaux, parce que l’image de notre pays ou de notre continent en prend un coup, nous ne pouvons pas rester sans révéler ce qui, alors que nécessaire et indispensable à la vie de l’homme, nous faut défaut ; nous ne pouvons pas ne pas dénoncer les actes, les faits et les situations qui nous minent, n’est-ce pas ?).

*

   

L’Université  Marien  L’Université  Marien  Ngouabi  de  Ngouabi  de  BBrazzavil lerazzavil le     ::  

Faute  de  sanitaires,  Faute  de  sanitaires,    les  étudiants  font  ‘caca’  les  étudiants  font  ‘caca’    dans  les  environs  du  dans  les  environs  du  campus    universitairecampus    universitaire  

 Tenez  !  Saviez-­‐vous  que  Les  étudiants  de  Bayardelle,  l’une  des   facultés  de   l’université  Marien  Ngouabi  de  Brazzaville,   au   Congo,   font   'caca'   dans   l’herbe,   au  niveau   des   contre-­‐rails   de   l’hôpital   général,   tout  

simplement   par   manque   de   sanitaires   au   sein   de  cette   université   qui   porte   le   prestigieux   nom   de  l’ancien  président  de  ce  pays.    En   effet,   étudiantes   et   étudiants  se  croisent  dans   les   'matitis'  pour  satisfaire   leurs   besoins   naturels.  Etouffés   par   les   odeurs  nauséabondes   du   'caca',   les  habitants   du   quartier   et   les  propriétaires  des  parcelles  situées    près  des  contre-­‐rails  menacent  de  tirer   a   vue   sur   tout   ce   qui   bouge  dans   l’herbe.   Ainsi   donc,   au   Congo   Brazzaville,   faire  'caca'   peut   conduire     à   la   mort,   surtout   que   la  morgue  de  Brazzaville  n’est  pas  loin.    Ainsi   va   la   vie   au   Cameroun   où   on   a   injecté   27  milliards  de  francs  CFA  dans  une  fête  (cinquantenaire  de   l’indépendance),   alors   que   ce   qui   devrait   être   la  plus   prestigieuse   des   institutions   du   pays,   ce   qui  passe   pour   le   laboratoire   des   cadres   supérieurs   du  pays,   l’université  Marien   Ngouabi,  manque   de   tout,  pour  ne  pas  dire  du  minimum.    Tout  porte  à  rire,  mais  le  problème  est  bien  grave.  Où  sont  donc  les  priorités  de  ceux  qui  nous  gouvernent?  Et   tous   ces   gens   qui   acclament   les   autorités,     à  longueur  de   journée,   sont-­‐ils   conscients  que   le  pays  est   dans   le   coma   ?   Et   puis,   où   sont   donc   les  intellectuels   africains   ?   Au   lieu   de   toujours   accuser  les   occidentaux   de   nos   maux,   au   lieu   de   nous  masturber  de  verbalisme  creux,  n’est-­‐il  pas  temps  de  prendre  nos  responsabilités  et  notre  destin  en  main?    Source-­‐Alima  info,  www.congo.internet  

 

*  

Tableau  d’Honneur  Si   vous   connaissez   des   personnes   qui  méritent   de   figurer   dans   notre   «  Tableau  d’honneur  »,   n’hésitez   pas   à   nous   en   faire  part.     D’autre   part,   pensez-­‐vous   que,   à  l’image   ou   en   contrepartie   de   «  Tableau  d'honneur  »,   il   serait   utile   et   opportun   de  créer   une   autre   rubrique   dénommée  «  Tableau   de   déshonneur  »  ?   Contribuerez-­‐vous  à  alimenter  cette  rubrique  ?    

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(Une  rubrique  de  Sylvain  de  Bogou    pour  croustiller  les  problèmes  d’actualité  brûlante)  

 Côte  d’Ivoire  :  

A  propos  de  l’inquiétante  montée  de  la  fièvre  de  la  

politique  du  ventre      

Les   élections   présidentielles   en   Côte   d’Ivoire   ont  engendré   un   phénomène   qui   semble   normal,   mais  qui,   en   réalité,   n’est   que   le   bout   de   l’iceberg   de   la  souffrance   et   de   la   facilité   devenues   le   lot   de   la  population.     Il   s’agit   des   groupes   de   soutien   aux  différents  candidats.    En  fait,  ce  phénomène  a  commencé  sous  Houphouët  Boigny.    En  son  temps,  M.  Houphouët  Boigny  utilisait  de   gros   moyens   pour   «  houphouëtiser  »   la  conscience   nationale.     La   corruption,  l’emprisonnement   des   opposants   vrais   ou   faux  ;   les  parents  des  opposants  n’échappaient  pas  à  la  poigne  en  fer  de  Boigny.    Les  parents  de  certains  opposants  étaient   jetés   en   taule   pour   signifier   qu’ils   ont   mal  éduqué   leurs   enfants,   au   point   que   ceux-­‐ci   ont   le  culot   de   critiquer   Boigny,   l’omnipotent   et  l’omniscient  qui,  au  demeurant,  se  comparait  à  Jésus,  à  Socrate  et  à  Mahomet.    C’était  donc  sa  façon  à  lui,  M.  Houphouët  Boigny,  de  «  rééduquer  »,  en  quelque  sorte,  ces  enfants  qui  ont  «  dévié  »  ou  «  fauté  ».    M.  Houphouët  Boigny  avait  tout  le  pays  dans  sa  paume.    Depuis   les   délégués   PDCI   et   chefs   de   villages  jusqu’aux   parlementaires,   en   passant   par   les  notables,   les   préfets   et   les   sous-­‐préfets   et   les  ministres.   C’était   bien   cela,   «  la   démocratie   à  

l’ivoirienne  ».     Sous   M.   Houphouët   Boigny,   toute  personne  qui  refusait  de  payer  pour  acquérir  sa  carte  de  membre  au  PDCI  était  systématiquement  arrêtée.    Les   usagers   des   transports   publics   et   privés   routiers  étaient   soumis   permanemment   à   une   fouille  systématique   qui   aboutissait   au   payement   de  sommes   plus   élevées   que   le   prix   de   la   carte   PDCI.    Des  groupes  ethniques  défilaient  chez  M.  Houphouët  Boigny,   pour   lui   présenter   des   excuses   et   pour   lui  faire   ou   réitérer   allégeance   et   soumission,   parfois  suite  à  «  une   faute  »   commise   contre  Boigny  par  un  fils  d’une  ethnie  donnée.    Ainsi,  on  a  assisté,  en  Côte  d’Ivoire,  aux  défilés  du  peuple  Wê  dans  «  l’affaire  du  capitaine   Sioh  »,   les   Bété   «  dans   l’affaire   Gbagbo  »,  les  Agnis  «  dans  l’affaire  du  Sanwi  »,  etc.        On   peut   comprendre   et  mettre   de   tels   agissements  de  M.   Houphouët   Boigny   sous   le   fait   que   la   nation  ivoirienne   vivait   un   système   politique   de   parti  unique.  Mais,   chose   curieuse,   les   clubs   ou   «  cercles  de   soutien  »   ont   repris   du   poil   de   la   bête,   sous  M.  Henri   Konan   Bédié   qui,   venu   de   son   Daoukro   natal,  ambitionnait    de  transformer  la  Côte  d’Ivoire  en  un  «  éléphant   blanc  ».     On   en   comptait   par   dizaines,   par  centaines,  par  milliers.  Ainsi,   à   Londres,  on  a  eu  par  exemple  GRAPA-­‐PDCI   qui,   selon   ses   animateurs,   fait  du   lobbysme   pour,   entre   autres,   remettre  M.   Henri  Konan  Bédié  dans  la  chaise  royale  que  M.  Houphouët  Boigny   lui   aurait   laissée   en   héritage   au   palais  présidentiel.        Le   FPI   et   la   politique   de   «  je   peux   faire   pire   que  toi  ».            Depuis   l’opposition,  et  avant  son  arrivée  au  pouvoir,  le  Front  Populaire  Ivoirien  (FPI)  a  été  le  premier  parti  à   critiquer,   de   façon   la   plus   virulente   possible,   les  cercles  et  clubs  Henri  Konan  Bédié.    En  gros,   le  parti  du   président   Laurent   Gbagbo   a   démontré,   par   tous  les   moyens   dont   il   disposait,   en   ce   temps   précis,  l’impact   négatif   de   ces   pratiques   qu’on   qualifiait   de  «  politiciennes  et   avilissantes  ».   On   parlait  même   de  «  corruption  ou  achat  de  la  conscience  des  électeurs,  tribalisation  du  débat  politique  »,  etc.        La   venue   de   Robert   Guéi   sembla   mettre   fin,   plutôt  émoussa   la   ferveur   des   cercles   Bédié.     Car,   alors  qu’on  s’y  attendait  le  moins  du  monde,  le  père  Noël,  M.  Robert  Guéi  a  aussi  eu,  pendant  son  cours  règne,  ses   fans   clubs.    Mais,   le   contraste   intervient   avec   le  FPI  du  président  Gbagbo.      

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 CREA  PDCI  France  Aujourd’hui,   le  FPI  détient  de   très   loin   le   record  des  clubs  de  soutien  a  M.  Laurent  Gbagbo  dont  voici  un  infime   échantillon  :   «  Gbagbo   Power  »,   «  Dial  Gbagbo  »,   «  Deux   millions   de   femmes   pour  Gbagbo  »,   «  Les   Mamans   Gbagbo  »,   «  Les   juniors  Gbagbo  »,   «  les   femmes   divorcées   Gbagbo  »,   «  Les  Prostituées   Gbagbo  »,   «  Les   Intoxiques   Gbagbo  »,  «  Le  Club  des  déscolarisés  Gbagbo  »,  etc.    etc.    A  voir  le   nombre   incessamment   grandissant   des   clubs   ou  cercles  de  soutien,   il  y  a   lieu  de  chercher  à  savoir  ce  que   ces   nombreux   groupements   apportent   à   leurs  candidats.    Tout  de  suite,  pour  faciliter  le  débat,  nous  disons  :   un   gros   rien.     Car,   lorsque   vous   prenez   la  peine   d’assister   aux   rencontres   de   ces   «  néo-­‐  politiques  »,   opportunistes   véreux,   qui   vous  empêchent  de  dormir  avec  des  e-­‐mails  ennuyants  et  des   appels   téléphoniques   indésirables,   vous    retrouvez  les  mêmes  personnes    dans  tous  les  clubs.    Pis,  ils  sont  incapables  de  vous  montrer  les  nouvelles  personnes   qu’ils   ont   convaincues   pour   voter   pour  leurs  candidats.        Par   ailleurs,   force   est   de   relever   que   ces  opportunistes   font,   tous   et   toutes,   la   même  promesse  :   «  nous   avons   constaté   que   le   parti,   à   lui  seul,   ne   peut   pas   être   partout  ;   et   donc,   nous   nous  sommes  mis  en  place  pour   convaincre   les   indécis  et  nos   amis   des   autres   partis   à   voter   pour   notre  candidat  ».    Des  mots  vides  et  creux  !  Car,  si  ce  qu’ils  disent   est   vrai,   quelle   garantie   ont-­‐ils   pour   prouver  que   ceux   ou   celles   qu’ils   croient   avoir   convaincus  voteront,   réellement   et   effectivement,   pour   leur  candidat  ?     D’ailleurs,   qu’est-­‐ce   qui   prouve   que   ces  électeurs  «  timides  »  existent  ?    A  moins  qu’on  ne  les  prenne  pour  des  naïfs,  du  moins  des  imbéciles  …,  car  il   est   bien   connu   que   «  ce   sont   les   imbéciles   qui   ne  changent  pas  ».    

Nous   pensons   tout   simplement   que   ces   clubs   de  soutien,  devenus   innombrables  sous   le  FPI,   sont  des  groupes   d’escrocs   aux   têtes   creuses   qui   se   croient  plus   malins   que   les   autres.     Ils   font   le   culte   de   la  personne   pour   «  manger  »,   comme   bon   nombre  d’Ivoiriens   qui   sont   hélas  !   tombés   dans   la   facilité,  sous  l’ère  FPI.    Et,  le  tout  se  passe  avec  la  complicité  des   autorités   des   différents   partis   et   surtout   avec  l’aval  des  dirigeants  du  FPI  qui,   soit  ne  disent  pas   la  vérité  à  M.  Laurent  Gbagbo,  soit  savent  quel  profit  on  en  tire.  A  moins  que  M.  Laurent  Gbagbo  lui-­‐même  se  plaise  dans  cette  descente  dans  la  honte  où  le  peuple  fabrique  du  faux  pour  manger  aujourd’hui  et  tout  de  suite,   sans   savoir   de  quoi   sera   fait   demain.  A  moins  encore  que  M.  Laurent  Gbagbo  refuse  d’écouter  ses  pairs  ou  ses  conseillers.    Au   total,   il   faut   mettre   fin   à   ces   organisations   de  mendiants   modernes.     Car,   tout   cela   n’honore   pas  celui   ou   celle   qui   les   met   en   place   et   montre  l’abêtissement   du   peuple   par   le   leader   que   l’on  prétend   soutenir   et   qui   n’en   a   vraiment  pas  besoin,  car,  de   toutes   les   façons,  au  moment  du  scrutin,   les  candidats  sont  jugés  sur   leur  valeur  intrinsèque,   leur  qualité  morale  et  leur  bilan.        Sylvain   de   Bogou,   Directeur   de   la   Rédaction,   Le  Filament.  [email protected]  

 

Prochainement  :  

Le  FPI,  un  parti  Le  FPI,  un  parti  

gangréné  et  aux  gangréné  et  aux  

lendemains  lendemains  

incertains.incertains.    

*  

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Une   rubrique   pour   rappeler   des   faits   historiques   et  

politiques   marquants.   Envoyez-­‐nous   vos   textes.  Vos propositions sont attendues.

 [Rions un peu, pour ce que le rire, c’est la sante ; pour ce que le rire est le propre de l’homme ; pour ce que la vérité est parfois dans le rire. Mais attention ! Le rire bruyant révèle le vide de l’esprit...]

A un barrage, un corps habillé, c'est-à-dire un policier m'a traité d'assaillant, c'est-à-dire de “rebelle du Nord”. Cela m’a fait mal, car je me considère comme un acteur de la paix. Mais bien plus, cela m’a fait très peur, quand le policier a ajouté: “je sais où tu habites”. (Adama Dahico).

Les forces de l’ordre ont tort de malmener les criminels. Sans eux, ils n'existeraient pas. (Alphonse Allais, Le Chat noir, 1890).

 

Je suis pour l'égalité des sexes, je prendrai moi-même les mesures. (Thierry Le Luron).  

(Au détour d'un chemin à Satanville, deux anciens chefs d’Etat défunts se croisent).

A.- Toi ici ? Depuis quand, es-tu ici, mon p’tit ?

B.- Depuis bientôt deux ans, vieux frère.

A.- Ah ! Condoléances. Dis-moi, comment cela s'est-il passé?

B.- J'ai été descendu froidement par l’un de mes gardes du corps pendant que j'étais en réunion

A.- Oh ! Comment fut-ce possible ? Et tes services de sécurité, où étaient-ils ?

B.- Ah, mon grand-frère, Mystère ! Vraiment Mystère ! Je n'arrive jusque-là pas à me l’expliquer... - Pourtant, je pensais avoir très bien structuré ma sécurité... Mais que veux-tu, le petit qui m’a descendu était un proche, presque un fils à moi. Tu le sais bien, en Afrique, nos pays sont pourris. C’est plein de faux jetons.

A.- Du n’importe quoi !... Tu penses que de mon temps et avec moi, ce genre de choses serait arrivé. Non ! On n'approchait pas de moi n’importe comment, même mes proches… Au fait, as-tu des nouvelles du pays ? Moi j'ai coupé tout contact avec ces faux jetons depuis mon arrivée ici. Tu sais comment, à la fin, ils m’ont traité. Ils te chantent nuits et jours des louanges, mais au fond, ils n’y croient même pas, pas du tout.

B.- J’en sais quelque chose. Alors, moi aussi, j'ai coupé tout contact. Aucune nouvelle ... C’est le black-out total. Et puis, Je ne peux même pas téléphoner, fauché comme tu me vois-là… Je n’ai pas eu le temps de me préparer. L’assassinat, tu sais, ça prend toujours sa victime de court. Un moment, t’es là, et puis la minute suivante, paf!, atterrissage à l’aérogare de Satanville. Ah, les faux jetons…

A.- Eh oui !

B.- Au fait, t’as-tu du fafiot sur toi ? Je voudrais appeler un ami pour avoir quelques nouvelles quand même, mais, tu sais, je…

A.- T’as du culot toi. Et t’en as même à revendre, toi. Oser me demander du fric, toi qui m’accusais de voler, de piller?...

(Source: Blog Alex Engwete).

En Côte d'Ivoire, les feux rouges ne fonctionnent pas, mais le président ne le

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sait pas, car sa voiture ne s'y arrête jamais. (Adama Dahico).

Ce n'est point moi qui ai tort de vous trouver coquette ; c'est vous qui avez tort de l'être. Marivaux, La double Inconstance.

*  

Vie … en…

Société (Une  rubrique  sous  la  direction  d’Alain  Tanoh  Kablan  pour  aborder  tous  les  problèmes  de  notre  société)  

 

Les  diverses  institutions  qui  participent  à  l’offre  des  

soins  et  leur  rôle.    

Comme  nous  l’avions  souligné,  dans  notre  précédent  article,   on   appelle   «  activités   de   soins  »,   toutes   les  activités   rémunérées   ou   non,   qui   contribuent   au  bien-­‐être,  au  développement  social  et    à  la  croissance  économique.   Nous   avions   distingué,   dune   part,   les  activités  de  soins  et  d’assistance  non  rémunérées,  et  d’autre   part,   les   services   de   soins   et   d’assistance  rémunérées.    Rappelons   aussi   que   les   activités   de   soins   et  d’assistance   non   rémunérées   englobent   les   travaux  ménagers   (cuisine,   ménage)   et   les   soins   aux  personnes   (toilette   des   enfants,   assistance     à   une  personne  âgée  ou  faible)  exécutés  dans  les  foyers  et  

les  communautés.  Elles  concourent  au  bien-­‐être  et    la  croissance   économique   par   la   reproduction   dune  population   valide,   productive,   capable   d’apprendre  et  d’innover.      Tandis   que   les   activités   de   soins   et   d’assistance  rémunérées   (englobant   les   gardes   des   enfants,   les  soins   aux   personnes   âgées,   les   soins   infirmiers   et  l’enseignement,   etc.)   constituent   aussi   une   part  croissante   de   l’économie   et   des   emplois   dans   de  nombreux   pays.   Dans   cette   deuxième   partie   de  l’article,   il   s’agira   de   définir   les   diverses   institutions  qui  participent    l’offre  des  soins  et  de  déterminer  leur  rôle.    Les   diverses   institutions   qui   participent   l’offre   des  soins  et  leur  rôle    Diverses   institutions   participent   à   l’offre   des   soins.  Leur   rôle   varie  d’un  pays  à   l’autre  et  évolue  avec   le  temps.  En  effet,  du  point  de  vue  de  la  conception,  du  financement   et   de   la   prestation   des   services,   on  classe   les   institutions   de   soins   en   quatre   grandes  catégories  :    1.  les  ménages  et  familles  ;    2.  Les  marchés  ;    3.  L’état  ;    4.  Le  secteur    à  but  non  lucratif.      On représente généralement ces institutions sous la forme d’un “carré des soins” (figure 1).

Figure 1: Le carré des soins Pourtant, elles interagissent de manières complexes, et les limites entre elles ne sont ni clairement définies, ni statiques. Par exemple, l’Etat finance souvent des services rendus par des organisations à but non lucratif. De plus, son rôle

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est qualitativement différent de celui des autres piliers du carré, parce qu’il n’est pas seulement prestataire de services de soins publics, mais il décide aussi des droits et des responsabilités d’autres institutions. La façon dont l’Etat exerce son rôle –lorsqu’’il l’exerce effectivement- est essentielle, en ce qu’elle définit qui a accès à des soins de qualité et qui en supporte les frais. La création, l’encadrement et le financement efficaces des services de soins peuvent en élargir l’accès, en améliorer la qualité, les rendre plus abordables et réduire le temps que les soignants non rémunérés doivent y consacrer. Les congés parentaux, les allocations familiales et d’autres transferts peuvent être financés par les impôts et des programmes d’assurance sociale, et socialiser ainsi certains des coûts à la charge des soignants non rémunérés. Lorsque l’Etat n’a pas la capacité (ni la volonté politique) d’organiser, de financer et d’encadrer la prestation des soins à une échelle suffisante, les familles et les ménages en assument inévitablement une part plus grande. Cela ne vaut pas uniquement pour les pays en développement. Dans des pays aussi divers que l’Italie, le Japon, l’Espagne et la Suisse, la plupart des familles doivent prendre leurs propres dispositions pour les soins et la garde des enfants, et parfois engagent clandestinement des immigrées pour faire le travail. Dans le contexte des crises économiques en particulier, comme les dispositions prises par l’Etat pour l’infrastructure et les services sociaux sont érodées, la responsabilité des soins retombe souvent sur les familles, alors que l’achat des articles de première nécessité et des substituts des soins devient difficile en raison de la baisse des revenus et de la disparition d’emplois. Les femmes dispensent l ’essentiel des soins non rémunérés ; et, si l ’on combine soins rémunérés et soins non rémunérés, el les y consacrent plus de temps que les hommes Les femmes assument la plus grande part des travaux non rémunérés, et pas seulement en temps de crise. En fait, en dépit d’importantes variations des indicateurs démographiques, économiques et sociaux, le temps que consacrent hommes et femmes aux soins non rémunérés est marqué par un grand déséquilibre, et ce dans tous les pays.

Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à dispenser des soins non rémunérés et elles y consacrent beaucoup plus de temps. Pour tous les pays pris en compte, les femmes y consacrent en moyenne deux fois plus de temps que les hommes. C’est en Inde que l’écart entre hommes et femmes est le plus marqué et c’est en Tanzanie qu’il est le plus faible. De nombreux soignants non professionnels trouvent gratifiant en soi le fait de dispenser des soins. Cependant, dans les sociétés où, en règle générale, on est reconnu et récompensé dans la mesure où l’on participe à l’économie rémunérée, les soins non rémunérés entraînent des coûts importants sous la forme d’obligations financières, de pertes de chances, de manque à gagner et de stress physique et émotionnel. De plus, dans les pays pauvres où l’accès à une infrastructure adéquate et aux techniques permettant d’économiser le travail est limité, beaucoup de tâches associées aux soins non rémunérés sont ardues et prennent beaucoup de temps. Si les femmes consacrent moins de temps que les hommes au travail rémunéré, elles passent plus de temps à travailler, si l’on combine tous les types de travaux (rémunérés et non rémunérés) ; ce qui veut dire moins de temps pour les loisirs, l’éducation, la vie politique et les soins de sa personne. Comme on peut s’y attendre, la présence de jeunes enfants (de moins de six ans) augmente sensiblement le temps alloué aux soins non rémunérés. De même, les femmes des ménages économiquement faibles consacrent plus de temps aux tâches liées aux soins que celles des ménages à haut revenu, ce qui s’explique par les possibilités limitées de louer les services d’autres personnes, la taille du ménage et le manque d’équipement. Les données concernant le temps passé à se procurer du combustible en Tanzanie illustrent bien ce point. Si 42 pour cent des femmes et 22 pour cent des hommes des ménages les plus pauvres disent consacrer du

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temps à cette besogne, les pourcentages tombent à 15 pour cent et 7 pour cent, respectivement, dans les ménages relativement aisés. (A  suivre).    Source-­‐www.unrisd.org/research/gd/care    

NDLR  :  Ce  texte  est  extrait  de  la  synthèse  de  la  série  “Recherches  et   politiques”   résumant   les   conclusions   du   projet   de   l’UNRISD  Economie  politique  et   sociale  des   soins.  Le  projet   regroupe   six   études  de  fond  réalisées  dans  des  pays  de  trois  régions:  l’Afrique  du  Sud  et  la  Tanzanie,  l’Argentine  et  le  Nicaragua,  l’Inde  et  la  République  de  Corée.  Les   pays   ont   été   choisis   sur   la   base   de   deux   critères   :   d’abord   pour  chaque   région,   un   pays   doté   d’une   architecture   sociale   relativement  développée  et  un  autre  où  elle  l’est  moins  ;  et  ensuite,  l’existence  d’au  moins   une   enquête   sur   l’emploi   du   temps.   Ce   texte   nous   démontre  pourquoi  les  soins  sont  importants  dans  la  vie  des  êtres  humains  et  en  quoi   ils   sont   à   la   base   et   le   moteur   du   développement   social   et  économique  d’un  pays.  

 Prochaine  parution  :  

 

Les  différents  types  de  ressources  indispensables  pour  un  environnement  propice    à  la  

prestation  de  soins    

L’écriture  africaine  Au  féminin  

Dans   cette   rubrique,   nous   présentons   les  femmes   écrivaines   africaines,   pour   montrer  que,   contrairement   à   ce   qu’on   a   tendance   à  faire   croire,   nombre   de   femmes   africaines  écrivent,   s’adonnent   aux   Belles   Lettres   et  nous  gratifient  de  belles  pages  à  lire.  Dans  les  prochaines  parutions,  nous  vous  proposerons  quelques  pages  de  leurs  chefs  d’œuvres.  

 Prochaine  parution  :  

«  Des  Femmes  écrivent  »  (Une  étude  critique  de  Madeleine  Borgomano,  professeur  de  Lettres).    

A  lire.    Vos   propositions de textes sont vivement attendues…

     Réponses  des  devinettes,  page  33  :    1.  La  papaye.    2.  La  pipe.  3.  Un  champ  de  maïs.    4.  La  fumée.  

 Une  chronique  d’Adjé  Kouakou  

Le rôle des intellectuels africains est non seulement d’écrire de nouvelles voies, mais aussi de communiquer

massivement des idées audacieuses pour en faire

des vérités et pour changer le monde.

« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas mais c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles » Sénèque.

Le discours économique sur l’Afrique est généralement dominé par des Non Africains. Et

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les débats, monopolisés par les stars des medias, les économistes et les politiciens occidentaux, oscillent toujours entre paternalisme et néocolonialisme, entre condescendance et mauvaise conscience. Dans ces discours et ces débats, le continent est plombé par l’image de la misère et la pauvreté qu’on ne peut nier. Et pourtant, l’Afrique dispose d’un dynamisme et d’une réussite qu’il est regrettable d’occulter.

Il est donc urgent que l’Afrique se réapproprie le débat. Il est temps également de sortir de la pensée unique distillée par les bureaucrates des institutions internationales. Car, si l’on fait le bilan des cinquante années d’indépendances, on ne peut que constater l’échec des politiques successives qui ont été imposées à l’Afrique.

D’abord, force est de constater que le système de l’aide internationale a enfermé les dirigeants africains dans une sorte d’inertie. Ceux-ci préfèrent désormais rendre des comptes à la communauté dite internationale plutôt qu’à leurs populations qui ne les intéressent que le jour du scrutin pour mimer un semblant de modèle démocratique. Ils semblent fuir les vrais problèmes, se réfugiant en victimes derrière l’iniquité d’un système, sans rien entreprendre pour lutter contre, d’autant qu’ils tirent d’énormes dividendes personnelles de cette situation. Pourquoi scier la branche sur laquelle on est assis ?

Pourtant, les possibilités de l’Afrique sont énormes et les nouvelles voies de développement sont possibles, encore

faut-il oser s’engager sur cette voie de progrès.

On peut cependant s’interroger légitimement : Si le système mondial est contraire aux intérêts de l’Afrique et si les dirigeants africains, dans leur grande majorité, s’en contentent et en tirent eux-mêmes profit, que pouvons-nous faire, à part rester les bras croisés et attendre l’avènement de nouveaux leaders ? Qui pourrait recentrer la réflexion autour de la recherche du bien-être du plus grand nombre ? Qui, à part les intellectuels africains ?

Les intellectuels africains doivent être conscients de leurs immenses possibilités. Leur rôle doit consister, non seulement a écrire de nouvelles voies, mais aussi a communiquer massivement des idées audacieuses pour en faire des vérités.

L’expérience des conservateurs américains montre que certaines idées, considérées comme radicales peuvent, à terme, s’inclure dans la pensée dominante. En diffusant des valeurs et des normes, une nouvelle grille de lecture du monde a été imposée par ces « think tanks ». A travers un processus long et discret, ils ont appris à la société américaine à penser autrement.

Indiquer la voie de la renaissance du continent.

Le Sud-africain Steve Biko disait : « Faites frémir la pensée et vous faites frémir tout un système ». Ceci sous-entend que si les intellectuels n’avaient pas tant de force, pourquoi auraient-ils été persécutés à travers les temps ? Ceci sous-entend aussi que la matière grise est le levier le plus puissant de l’économie. C’est aussi par elle que passe la libération, dès lors que les intellectuels se conduisent en éclaireurs. En tant que tels, les intellectuels africains pourraient se réapproprier l’image du continent en communiquant, dans des termes accessibles à tous, autour des nouvelles voies possibles, des moyens de les mettre en œuvre et des

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avantages qui pourraient en découler. L’envie d’action doit s’emparer des intellectuels africains, au point de s’arracher au cadre moelleux des ministères et des salles de conférence, pour prendre racine dans le cœur de chaque citoyen, pour prendre faits et causes pour les populations qui souffrent. Les grandes causes avancent mieux quand elles ont le soutien des masses. Chacun peut agir à son niveau : étudiants, universitaires, ONG, syndicats, associations, etc. Chacun peut s’exprimer à travers les écrits, la radio, la télévision, la poésie, l’internet, la chanson, le théâtre, le cinéma, la peinture, le graffiti. L’exemple du cinéaste mauritanien Abderrahamané Sissako est éloquent ; car, quiconque a vu son film « Bamako » comprend, avec la plus grande clarté, les méfaits de l’aide internationale et est convaincu de la nécessité de rompre d’avec ce modèle. Aucune contribution, aucune réflexion n’est inutile, qu’elle soit exprimée dans un cadre de réflexion collective ou de manière individuelle. Les énergies interconnectées vont se décupler et l’internet pourra être un support important pour coopérer, échanger, discuter. On peut douter dans l’isolement ; mais, la force du groupe lève les barrières que notre esprit peut créer lui-même. Ce qui permet de prendre de la hauteur sur les sujets et de développer l’esprit critique, essentiel à l’éveil des consciences. C’est par des étapes successives, mais systématiques, que l’objectif sera atteint. « Le plus grand arbre est né d’une graine menue ; une tour de neuf étages est partie d’une poignée de terre », écrivait le philosophe chinois Lao-Tseu.. Si nous avons le sentiment d’être petit, nourrissons-nous d’exemples réussis et dans ce cadre, une initiative en Turquie mérite d’être soulignée : quatre intellectuels turcs ont su faire avancer le rapprochement entre la Turquie et l’Arménie grâce à une simple pétition sur internet. Ils ont certes été décriés par les autorités de leur pays ; mais, au final, ils ont contribué à faire avancer le débat figé depuis des décennies, alors qu’ils n’étaient que quatre. On peut également constater, qu’à force de critiques

répétées les institutions financières internationales s’engagent vers une réflexion nouvelle visant à revoir leur action et leurs exigences auprès des pays emprunteurs. L’avancée est certes timide ; mais, celle-ci mérite d’être soulignée.

L’un des traits caractéristiques de l’intellectuel est son refus du silence face à l’inacceptable. Ne pas le faire, c’est démissionner. Il faudra travailler sans relâche pour s’affranchir du contexte, consentir des sacrifices ; car, rien ne vient sans effort. Chacun de nous a sa place dans ce grand combat du 21e siècle qui amènera le continent dans le concert des grands. Le combat commence en nous. Car, avant de communiquer, il faut se convaincre soi-même. C’est par le travail, la recherche, les conférences que nous enrichirons la base de connaissance essentielle à une analyse lucide et pertinente. Ne prenons jamais pour argent comptant une analyse, même si elle vient d’organisations qui nous paraissent respectables. Ayons l’esprit critique et curieux. Ne plaignons pas notre temps et notre travail car la connaissance est la voie du respect de soi-même et la voie du salut du continent que nous aimons. Ne soyons pas des pions endormis !

En Côte d’Ivoire, on a coutume de se rassurer en disant «ça va aller !». Tout nous incite à croire que ça va aller. Mais, on perd souvent de vue que ca ne va pas et que pour que ça aille : il faut oser !

Adjé Kouakou, Producteur et Présentateur de l’émission AMANIEN. Voice of Africa Radio à Londres

Source : Conférence des « amis du Monde diplomatique, Abidjan, EDHEC, le 14 Novembre 2009.  

 

Africains,

réveillons-nous de notre long et lourd sommeil !

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Mardi:  Mardi:   22h22h -­‐-­‐00h  (21h00h  (21h -­‐-­‐23h  GMT)23h  GMT)    

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*  Ce   journal   est   le   vôtre.   Adressez-­‐nous   vos   trouvailles,  vos  annonces,  vos  avis,  vos  articles,  mais  aussi  vos  dons  ou  contributions.    

COURRIERS

 D E S L E C T E U R S

Nous  recevons  beaucoup  de  courriers.  Nous  vous  en  remercions.   Continuez   à   nous   écrire.   Par   manque  d’espace   imparti  à  cette  rubrique,  nous  ne  pouvons  publier   tous   les   courriers,   en   même   temps.   Nous  nous  en  excusons.  

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Maurice  Audin   est   un  mathématicien   algérien,  mort  sous  la  torture,  pour  l'indépendance  de  l'Algérie.   Il  a  été  tué  le  12  juin  1957,  par  les  parachutistes  français.  Un  vibrant  hommage  lui  a  été  rendu  dernièrement  à  Alger,  au  Forum  d'El  Moudjahid.  Pour  en  savoir  plus,  lire   les   journaux  «  El  moudjahid  »  du  13  juin  2010  et  «  El  Watan  »  du  13  juin  2010,  «  El  Watan  »  du  21  juin  2008,  «  El  Watan  »  du  24   juillet  2010.  Cordialement.  (Mohamed  Rebah,  auteur  de  :  «  Des  Chemins  et  des  

Hommes  »   publié   à   Alger,   en   novembre   2009.   Cf.  GOOGLE:  Des  chemins  et  des  hommes  rebah  audin)  

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Je   n'ai   strictement   aucun   intérêt   à   recevoir   ce  "filament".   Merci   de   me   retirer   de   votre   liste   de  diffusion,  que  je  n'ai  pas  sollicitée.  (Pierre  Graveleau,  La   Maison   des   Livres,   Mamoudzou.   Mayotte   –  France).  

@  @  @  

Bien   reçu   votre   exemplaire   qui   est   d'excellente  facture  avec  un  riche  contenu  rédactionnel.  Bravo.  Si  vous  avez  un  site  web,  nous  serions  heureux  d'établir  un   lien   avec   notre   propre   site   http://www.cap-­‐congo.org/   (D.   Lechesne,   Responsable   de  communication).  

@  @  @  

Merci   très   cher   monsieur.   J’ai   été   très   captivé   par  votre  journal  et  vous  encourage  à  continuer  dans  cet  élan.  Lois  Moussadli  Coumba.  

@  @  @  

Bonjour.  Merci   de   ne   plus  m'envoyer   votre   journal.  Bien   cordialement.   Marie-­‐Laure   Thoret,   Maison   des  Livres  

@  @  @  

C'est   juste  pour   J’accuser   réception  de  votre   journal  et   je   vous   félicite   de   l'excellent   travail   que   vous  faites.  Ceci  est  ma  première  lecture  de  la  revue  et  je  ne   savais  même  pas  que   ça  existait.   Je   salive  déjà   à  l'idée  de  lire   le  prochain  numéro.  Merci  pour  tout  et  portez-­‐vous  bien.  (Chris  Kikuni  Kisanga)  

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Cher  Monsieur,  nous  avons  au  Lynx  reçu   la  parution  No   6   du   Filament   et   nous   vous   remercions   pour   le  travail  combien  professionnel.  Nous  voudrions,  par  le  présent  mail,  vous  demander  d'être  un  partenaire  de  www.lynxtogo.info.   Ainsi,     si   ceci   nous   vous   gène  l'équipe   se   propose   de   faire   une   publicité   gratuite  

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pendant     3   mois   sur   notre   site   online.   Cordiales  Salutations.  (Camus  Ali,  Rédacteur  en  chef  Lynx.info).  

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J'ai   bien   reçu   votre  journal   “Le   Filament  »  Merci.   Et,  en   attendant   le   prochain   numéro,  je   lui   souhaite  longue   vie   et   beaucoup   d'améliorations.   (Ahmed  Halfaoui).  

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Je   ne   souhaite   pas   recevoir   cette   publication.   Je  préfère   choisir   moi-­‐même   mes   sources  d'information.  Merci   de  me   retirer   de   votre   liste   de  diffusion.  (Muriel  Tramis)  

@  @  @    J’ai  déjà  contacté  des  amis  concernant  votre  dernier  numéro  jusqu'au  15  juillet.  J’attends  de  vos  nouvelles  pour  les  précédents  et  mon  abonnement  à  la  suite  à  bientôt.  (Luc  Larbalétrier).  

@  @  @    Bonjour.   C'est   la   première   fois   que   je   reçois   ce  journal.   je   vous   présente   mes   félicitations   et   mes  encouragements.  Je  me  présente,  je  suis  Dr.  DIAKITE  Bouakary,   Professeur   d'économie   d'entreprise   et   de  la  concurrence  à  l'Institut  Supérieur  de  Business  et  de  communication   de   Paris.   Je   suis   auteur   de   plusieurs  ouvrages   et   plusieurs   articles.   Je   travaille   sur   la  thématique  de  la  micro  finance  et  le  développement,  la  création  et   le  développement  d'entreprise,  sur   les  programmes   de   société   des   candidats   aux   élections  présidentielles.  Seriez-­‐vous  intéressés  par  certains  de  mes   travaux?   Cordialement.   (Dr.   DIAKITE   Bouakary,  Gérant   de   la   société   2   DIA,   Professeur   d'économie  d'entreprise  et  de  la  concurrence  à  l'ISBCP).  

*  

Réponses  des  devinettes  de  la  page  

 

 

 

Faites  vivre      et      

faites  lire  

Le  Filament  !      

*  

           

 

Perdu(e)s  de  vue ?...  

Retrouvons-­‐nous  !  C e t t e r u b r i q u e e s t d e s t i n é e à

p u b l i e r g r a t u i t e m e n t v o s a n n o n c e s p o u r v o u s a i d e r à r e t r o u v e r v o s a m i s , v o s p a r e n t s , v o s a n c i e n s c a m a r a d e s d ’ é c o l e o u d e l y c é e o u d e f a c , a n c i e n s

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c o l l è g u e s , a n c i e n s t u t e u r s , b i e n f a i t e u r s , e t c . q u i s o n t , c o m m e o n d i t , « p e r d u s d e v u e » e t d o n t v o u s s o u h a i t e r i e z a v o i r d e s n o u v e l l e s t o u t e s f r a i c h e s . . .

 

*  

 

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DDDEEESSS

JJJEEEUUUNNNEEESSS Nouvelle  rubrique  où  les  jeunes  parlent  aux  jeunes  et  où  les  jeunes  échangent  avec  les  adultes  sur  tous  les  sujets,  sans  langue  de  bois,  sans  masque.      

   

JEUNESSEJEUNESSE    

ETET    

POLITIQUEPOLITIQUE    

   Lors de mes années d’école primaire et secondaire en Côte d’Ivoire, le parti unique d’antan, le PDCI-RDA, interdisait toute manifestation politique : « Pas de politique à l’école », nous disait-on. Ce slogan apparemment bénin, du moins qui semblait sans gravitée a, sans nul doute, créé un antagonisme entre les jeunes et le monde politique. En effet, un jeune qui, à cette époque, s’intéressait à la politique était vu comme de mauvaise moralité, peu fréquentable et pouvait être rejeté par certains membres de sa famille. Etant moi-même issu d’une famille traditionnellement de droite, j’ai souvent fait l’objet de réunions de famille ou l’on s’évertuait à me dissuader de soutenir les idées de gauche développées, à l’époque, par l’opposant Laurent Gbagbo. Ceci explique qu’une grande frange de la

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jeunesse se soit détournée de la politique parce qu’elle en en a été dissuadée ou détournée.

Par ailleurs, la presse fait souvent état de scandales politiques qui incitent à penser que la politique est néfaste. Et pourtant, la politique, selon Aristote, consiste à gérer les affaires de l’état `` Ta Politika’’. Elle se manifeste pratiquement dans tous les domaines de la vie : en famille, à l’école, en entreprise et même dans les institutions religieuses. Elle contribue à l’éveil des consciences, à la prise d’initiatives, à la responsabilisation et à l’apprentissage de la gestion des hommes et des relations humaines. Ces vertus sont essentielles non seulement pour le développement personnel de l’individu mais aussi pour le progrès de la société en général et d’une nation en particulier. Nous en voulons pour preuve le fait qu’il est plus difficile de manipuler, de berner ou de mener en bateau une population ou une jeunesse politiquement éduquée qu’une autre dépourvue du moindre éveil politique, tout simplement parce que la politique permet de renforcer les capacités d’analyses critiques et de raffermir la conception des droits et des libertés, en particulier la liberté de pensée et d’action. La politique permet aussi de s’initier et de s’instruire dans la gestion des ressources humaines d’un pays en vue de son développement.

De ce fait, tout individu, adulte ou jeune doit développer un esprit politique. C'est-à-dire il doit prendre part à des activités et mener des actions qui influencent la vie de tous les jours. D’autre part, dans les débats privés avec d’autres jeunes, on remarque que ceux-ci ont bien souvent un point de vue à faire

valoir, à même de contribuer à l’amélioration de la situation d’un pays. Mais, ils ne sont pourtant pas prêts à s’engager politiquement. Nous pensons que cette contradiction résulte, en grande partie, des idées reçues et préconçues selon lesquelles politique rime avec violence, danger, mensonges, trahison, corruption, etc.

La politique peut se faire et doit se faire autrement.

Il est aussi important de noter que nombre d’institutions supérieures prisées dans la plupart des pays développés sont des écoles de sciences politiques telles que The London School of Economics and Political Science en Grande Bretagne, l’Institut de Sciences Politiques en France... Ceci montre que l’étude et la formation politique de la jeunesse est un facteur essentiel pour le développement d’un pays.

Avant de conclure, nous voulons souligner que les grands hommes politiques du passé et du présent qui ont influencé leurs pays et le monde tels que Gandhi, Houphouët Boigny, Kwamé N’Kruma, Nelson Mandela et Barack Obama, pour ne citer que ceux-là, ne sont pas venus à la politique à leur retraite. Au contraire, ils ont commencé jeunes, ils ont appris les rouages du métier très tôt dans leur jeunesse ; ce qui leur a permis d’avoir de l’envergure et les ressources nécessaires et suffisantes pour leurs ascensions et pour mettre en pratique leurs idéaux. C’est aussi par leurs actions politiques que ces personnalités, citées ci-dessus, ont marqué l’histoire.

Au total, nous pouvons dire que nous, les jeunes d’aujourd’hui, sommes censés être les dirigeants de demain. Et donc, pour être de

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bons dirigeants, il faudrait que nous soyons bien formés politiquement. Pour ce faire, nous devons être sensibilisés à la politique, engagés dans la politique, c'est-à-dire à la gestion des affaires de l’état, dès le jeune âge. Le meilleur moyen de se former politiquement, c’est de combiner la formation intellectuelle et la pratique sur le terrain. Ne fuyons donc pas les débats politiques, les activités des partis politiques, car ce n’est pas une mauvaise chose en soi ; elle devient ce que l’on en fait. Engageons nous donc dans la politique avec des idées nobles, des principes de justice et de vérité pour pouvoir influencer positivement la vie de nos concitoyens, nous développer personnellement et pour l’avancée de nos pays. Mais, attention ! Ne nous laissons pas embrigader, ni manipuler par les adultes.

Patrick Beuseize, Etudiant, Londres.

 

Prochainement  :  

«  La  jeunesse  africaine  est  passive,   oisive   et   sans  ambition.  Dommage  !  »    

Par  Patrick  Eric  Mampouya.    

 

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«  Les  Marchands  de  miracles  »  

 Il   y  a  quelques   temps,  Congo-­‐Internet.com   a  ouvert  un   grand   débat   intitulé   «  Les   marchands   de  miracles  ».  Ce  débat  soulève  la  problématique  de  «  la  prolifération   des   églises   chrétiennes   africaines.   On  peut   lire   en   introduction   de   ce   débat   ceci  :  «  Kinshasa,   Brazzaville,   Libreville   et   autres   sont  plongées   dans   l'univers   ahurissant   des   églises   de  guérison,  où  la  violence  des  cultes  reflète  celle  de   la  misère,   où   le   discours   tragi-­‐comique   des  télévangélistes   répond   à   la   naïveté   désespérée   des  fidèles...  ».  Qu’en  pensez-­‐vous  ?  Nous  attendons  de  recevoir  et  publier  votre  point  de  vue.  

Des  Africains  remettent  Des  Africains  remettent  

en  question  leur  en  question  leur  

présence  dans  les  présence  dans  les  

églises  évangéliqueséglises  évangéliques

«  To  zongi  na  maison-­‐mère  !  »  

On  constate  que  de  nombreuses  personnes  d’origine  africaine,  et  en  particulier  congolaise,  se  remettent  à  fréquenter   l’Eglise   catholique,   qu’ils   appellent   «  la  maison-­‐mère  »,   après  avoir  été  des   fidèles  d’une  ou  plusieurs  églises  évangéliques  africaines.  En  effet,  ces  églises   évangéliques   africaines,   témoignent-­‐elles,   les  avaient   attirées   par   la   perspective   de   trouver   des  solutions  aux  problèmes  de  la  vie  quotidienne,  et  par  la  garantie  d’être  «  délivrés  »  de  quelque  maladie  ou  

mauvais   sort,   au   travers   de   la   prédication   des  pasteurs   et   de   la   prière.   Et   puis,   dans   ces   églises  évangéliques   africaines,   on   retrouve   aussi   une  chaleur,   une   vie   partagée   et   une   ambiance   «  à  l’africaine  »   réconfortantes.   Malgré   cela,   plusieurs  personnes,  aujourd’hui,  quittent  ces  communautés.    

L’une   des   raisons   que   ces   personnes   avancent  souvent   concerne   la   position   prépondérante   des  pasteurs  :   les  églises  évangéliques  africaines  ne  sont  pas  connues  par  leurs  noms  pourtant  bien  typés  («  La  manne  cachée  »  ;  «  Le  combat  spirituel  »  ;  «  Béthel  »,  etc.),  mais  par  le  nom  du  pasteur.  Celui-­‐ci  exerce  une  forte  influence  sur  les  fidèles  par  des  prédications  et  des   prières   longues,   «  charismatiques  »,   et  émotionnelles.   De   plus,   il   est,   en   général,  autoproclamé   et,   le   plus   souvent,   quasi-­‐déifié.   Par  ailleurs,   ces   communautés   des   églises   évangéliques  africaines   dérapent   parfois   vers   le   commercial  :  l’église   devient   «  le   business   du   pasteur   et   de   son  entourage  »,   ainsi   que   de   certains   membres,   y  compris  avec  des  abus  et  des   trafics  ou  transactions  inimaginables  dans  une  prétendue  maison  de  Dieu.  

L’indiscrétion  des  membres  dirigeants  et  l’humiliation  de   certains   fidèles,   lors   des   «  témoignages  »,   ont  achevé   de   convaincre   les   personnes   rencontrées   de  fuir   ces   assemblées,   pour   retrouver   des  environnements   plus   respectueux   dans   les  «  maisons-­‐mères  »,  à  savoir  les  Eglises  catholiques  ou  les   Eglises   protestantes   historiques.   C’est   toute   la  signification   de   «  To   zongi   na   maison-­‐mère  !  »,  autrement  dit  de  ce  «  come  back  home  ».  Traduisez  :  retour  au  bercail.  

C’est   une   situation   préoccupante.   Les   témoignages  sont   nombreux   qui   nous   nous   interpellent   tous   et  toutes,   et   en   particulier,   nos   «  Frères   en   Christ  »  souvent  trop  remuants  ou  trop  zélés.    

RELIGION  

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Léon  lokia  Source  :  www.pasaj.ch    

Prochaine  parution  :  

«  Quelques  raisons  socio-­‐politiques  de  l'expansion  

des  églises  évangéliques  en  Afrique  ».    

Par Jean-Paul Sagadou, Diplômé  en  théologie  de  l'Institut  Catholique  de  Paris,  

Président-­‐fondateur  de  l'Association  Personnaliste  des  Amis  de  Mounier  (APAM-­‐

Burkina).  A  lire.    

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Prochainement, vous lirez l’ intervention du Pasteur Michel Doué, président des Pasteurs francophones du Royaume-Uni  

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© Nous rappelons que l'ensemble du journal est couvert par le copyright.  

 

 

 

 

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………  

Notre   nouvelle   rubrique,   signée   G   S   Jonathan,    explique  le  pourquoi  et  le  comment  des  choses  de  la  vie.  Parce  que  :    «  Heureux   qui   peut   savoir   l'origine   des   choses  ».  (Virgile).  

 

Pourquoi devons-nous entretenir et

développer notre mémoire ?    

 

 

Un après-midi, sur une place publique, Pierre et Jean se rencontrent. Pierre se souvient

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parfaitement de Jean, de leur enfance à Brazzaville. Cependant, Jean a un “trou de mémoire”. Il ne se souvient de rien du tout, et semble confus. Cet état de fait qui arrive bien souvent, nous amène à nous demander : qu’est-ce que la mémoire? Pourquoi Jean ne se souvient-il pas de Pierre, ni de leur enfance? Existe-t-il des méthodes, des pratiques ou des soins susceptibles d’aider Jean et tous ceux qui sont dans cette situation, à recouvrer leur mémoire? Mais, tout d’abord : Qu’est ce que la mémoire?  

 

La mémoire, une faculté indispensable dans notre vie  

 

La plupart des scientifiques s’accordent à définir la mémoire comme étant une activité biologique et psychique qui permet de retenir des expériences antérieurement vécues. C’est également, la faculté de conserver et de rappeler des sentiments éprouvés, des idées, des connaissances précédemment acquises. De par sa fonction qui consiste à recueillir, à conserver, à traiter les informations, la mémoire est très importante dans notre vie de tous les jours. Elle est même indispensable, voire vitale chez l’homme, dans la mesure où nous ne saurions exister sans mémoire.  

En effet, que ferions-nous sans notre mémoire ? En tout cas, la vie de tous les jours, telle que nous la concevons, serait impossible. Impossible en effet d’apprendre des choses, impossible

de se souvenir, impossible de comparer, impossible de se projeter dans l’avenir. Bref ! La vie serait impossible sans notre mémoire. Elle est le garant de notre vie, et c’est pourquoi, nous devons, à tous instants, veiller sur cette faculté vitale, entretenir et améliorer les capacités et les performances de notre mémoire.  

Entretenir, développer et améliorer la mémoire  

 

Pour notre bien-être, les scientifiques ont accumulé, depuis plus d’une quinzaine d'années, des découvertes importantes sur le fonctionnement de la mémoire. Les résultats obtenus nous permettent de savoir qu’il existe diverses méthodes pour mémoriser les informations : la répétition, les moyens mnémotechniques, les expériences, etc. Ces résultats nous permettent également de savoir que la compréhension favorise la mémorisation. De plus, grâce à ces résultats, l’on sait aujourd’hui que la consommation de certains légumes, tels que le chou ou les épinards ralentissent le vieillissement cérébrale, et garde notre mémoire vive ou active, malgré un âge avancé.  

Par ailleurs, les chercheurs ont mis en évidence l’importance du sommeil dans le processus de mémorisation. Autrement dit, au cours du sommeil, les informations déposées dans la mémoire en état de veille, sont, selon eux, “traites” pendant le sommeil et se manifestent sous forme de rêves,

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de songes ou d’hallucinations. C’est en raison de ce “traitement” qui a lieu pendant que nous dormons, que l’adage dit : ”la nuit porte conseil”.  

La mémoire n’est pas toujours active, ni vive. Elle peut se détériorer au fil du temps, sous l’effet de l’âge ou en raison de certaines circonstances ou conditions de vie (accident, traumatisme, maltraitance, etc.). L’on parle alors de « pathologie de la mémoire », c'est-à-dire, les maladies et les affections qui entrainent un déficit (plus ou moins important) de la mémoire : amnésies (sévères, passagères), trous de mémoire, syndrome de Korsakoff, Alzheimer, etc.  

 

 

 

Aujourd’hui, vu les limites et les pathologies de la mémoire, qui ne permettent pas à l’homme de stocker autant d’informations qu’il le voudrait, les nouvelles technologies ont inventé ou développé un certain nombre des gadgets et de moyens appelés les « outils de la mémoire »,

qui permettent à l’homme de se passer de sa mémoire : magnétophone, clef USB, agenda électronique, CD, calculatrice, dictaphone…  

Toutefois, il est à noter que, même si ces substituts de la mémoire sont importants, il demeure que la mémoire est irremplaçable, et qu’elle doit être entretenue et améliorée. Dans ce sens, il existe des techniques et des jeux plus ou moins scientifiques pour exercer la mémoire, et la rendre plus efficiente, plus performante.  

Dans les anciennes sociétés africaines, qui sont des communautés à tradition orale, la mémoire était primordiale. Par exemple les griots, de par la capacité et la performance de leur mémoire, étaient les dépositaires du savoir, de la culture et de l’histoire. De même, les vieillards étaient considérés comme des « bibliothèques ». C’est cette vérité-là que le sage de Bandiagara, A. Hampaté Bâ a, pour mettre en lumière l’importance de la mémoire, exprimé en ces termes : « En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ».    

G  S  Jonathan    

 

 

Dans  notre  prochaine  parution  :  

Pourquoi util isons-nous la monnaie ?  

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La  Côte  d’Ivoire  La  Côte  d’Ivoire  malade  malade      

de  ses  intellectuelsde  ses  intellectuels    7   aout   1960-­‐7   aout   2010.   Notre   pays   commémore  aujourd’hui  50  ans  d’indépendance.  A  ce  stade  de   la  vie   de   notre   Nation,   il   convient   aussi   de   nous  interroger   rigoureusement   sur   le   rôle   de   nos  intellectuels  dans  la  marche  de  notre  pays.  Quel  a  été  leur   apport   dans   la   gestion   de   nos   50   années  d’indépendance  ?   L'heure   est   venue   de   questionner  

les   Ivoiriens   sur   le   rapport   de   l'intellectuel   à   la  société   ivoirienne.   Quelle   a   été   leur   responsabilité  dans   l’état   actuel   de   notre   pays   ?   Qu’attendait-­‐on  d’eux   ?   Où   sont-­‐ils   aujourd’hui  ?   Que   font-­‐ils   ?   La  réponse,   c’est   Paul   Nizan   qui   la   donne   dans   «  Les  Chiens   de   garde  »  :   «  Ils   gardent   leur   silence.   Ils  n’avertissent  pas.  Ils  ne  dénoncent  pas...  L’écart  entre  leur   pensée   et   l’univers   en   proie   aux   catastrophes  grandit   chaque   semaine,   chaque   jour.   Et,   ils   ne   sont  pas   alertés.   Et,   ils   n’alertent   pas.   L’écart   entre   leurs  promesses   et   la   situation   des   hommes   est   plus  scandaleux   qu’il   ne   fut   jamais.   Et,   ils   ne   bougent  point…  ».  C’est  un  constat  triste  et  amer.  Qu’après  50  ans,   nos   intellectuels   continuent   de   faire   le  sempiternel   procès   de   la   traite   négrière,   de   la  colonisation,   de   la   néo-­‐colonisation,   de   la   mévente  des  matières  premières  ou  de   leur  pillage.  C’est  vrai  qu’on   ne   doit   pas   faire   comme   si   l’esclavage   et   ses  ravages  n’ont  jamais  eu  lieu.  Mais,  on  ne  doit  pas  non  plus   rester   figé   à   l’émotion   de   cette   parenthèse  horrible   de   notre   histoire.   Et,   être   frappé  d’inimagination  politique.  Parce  qu’il  est  clair  que   le  bilan  politique  de  notre  pays  est  honteux.  Mais,  celui  des   intellectuels   est   des   plus   catastrophiques.   Car,  force  est  de  le  reconnaitre,  leurs  actions  ont  été  plus  dangereuses  et  plus  dévastatrices,  plus  insidieuses  et  plus   vicieuses,   parce   qu’agissant   directement   sur   la  conscience  des  populations.  Depuis  l’indépendance,  nos  intellectuels  se  partagent,  quasiment   seuls,   l’espace   politique   et   exercent   des  fonctions   de   pouvoir…   Ils   ont   choisi   de   défendre,  égoïstement,  leur  chapelle  et  d’ainsi  sacrifier  l'intérêt  général   au   profit   du   leur.   Certains   ont   même  développé   la   mauvaise   foi   et   la   malhonnêteté  intellectuelle,  prémices  de  la  dépravation  des  mœurs  à   laquelle   nous   assistons,   impuissants.   D’autres   se  sont  perdus  dans  un  nombrilisme  suicidaire.    Hélas  !  Et   pourtant,   on   attendait   d’eux   qu'ils   endossent   la  tâche  exaltante  de  modeler   la   société  et  de   se  poser  en   vecteurs   des   valeurs   positives.   Au   contraire,   ils  ont   préféré   inoculer   à   la   population   le   virus   des  inconduites   nocives   à   la   société.   Ils   ont   inscrit   ces  comportements  de  déstabilisation  sociale  dans  notre  culture,  poussant  la  population  à  haïr  et  à  dédaigner  la  vérité,  l’honnêteté,  la  responsabilité,  le  civisme,  etc.  Des   attitudes   qui   ont   inondé   la   Côte   d’Ivoire   de  fausses   idéologies     et   ruiné   la   population   toute  entière.   En   définitive,   ils   ont   bradé   tout   ce   qui   leur  

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restait   de   crédibilité.   Dans   un   tel   environnement,   la  population,   miséreuse   à   outrance,   a   perdu   tous   ses  repères,  ses  modèles  et  même  sa  foi  en  la  vie.  Elle  en  est   donc   venue   ainsi   à   développer   des   réflexes   de  survie   caractérisés   par   la   corruption,   le   je-­‐m’en-­‐foutisme,  le  pillage  des  biens  publics,   la  prostitution,  etc.   Aujourd’hui,   on   déplore   l’indolence   des  populations   devant   leur   propre   réalité,   mais   on  oublie  de  rappeler  de  quelles  fables  on  les  a  bercées  50  ans  durant…  

Ainsi,   nos   intellectuels   se  sont-­‐ils   tus.   Et   le   bruit   de  leur   silence   cinquantenaire  est   devenu   bien   plus  qu’assourdissant.   Surtout,  en   cette   période   de   crise  

aiguë  que  nous  avons  du  mal  à   traverser.  En   fait,   ils  ont  tu  la  Vérité  pour  promouvoir  des  fausses  valeurs  sur  lesquelles  a  été  bâtie  une  fausse  réalité  sociale  et  politique.   Ceux   qui   étaient   censés   être   nos   lumières  nous  ont  plongés  dans   les  ténèbres.  Pendant  50  ans,  nos   intellectuels   n’ont   pas   su   améliorer   notre  perception   de   nos   handicaps   majeurs.   Pis,   nos  historiens  n’ont  même  pas  été  capables  de  nous  offrir  une   grille   de   lecture   simple   et   efficace   qui   rende  intelligibles   les   raisons   de   nos   faiblesses   et   de   nos  défaites   historiques.   Pour   éviter   ces   responsabilités  historiques,   et   sociales,   ils   ont   installé   des  comportements   de   nature   à   faire   prospérer   le  désespoir,   la   fatalité…     l’absence  de  toute  éthique  de  la  vérité  et  de  la  morale.  

N’est-­‐ce   pas   eux   les   fameux   idéologues   des   régimes  qui   ont   bloqué   toute   idée   d’ouverture   et   de  modernisation  de  notre  pays  ?  50  ans  durant,   ils  ont  soutenu  la  «  géopolitique  »  qui  est  un  injuste  système  des   équilibres   régionaux   au   détriment   de   la  compétence,   y   compris   dans   les   examens   et  concours,  et   lors  des   recrutements  et  nominations  à  des  postes  de  responsabilité.  Si  des  idées  comme    «  la  terre  appartient  à  celui  qui  la  met  en  valeur  »  ou  «  on  ne   regarde   pas   dans   la   bouche   de   celui   qui   grille   des  arachides  »,   «  l’éducation   télévisuelle  »,   «  le     complot  du   chat   noir  »,   «  la   rébellion   armée   du   19   septembre  2002  »,   etc.  ont   prospéré   et   détruit   notre   pays,   c’est  bien   grâce   à   la   caution   de   ces   intellectuels   ou  supposés   tels.   Ils  ont  soutenu,  à  cors  et  à  cris,  qu’on  pouvait   tripatouiller   la   Constitution,   comme   un  

simple  règlement  intérieur  d’association  de  quartier.  Ce   sont   les   mêmes   qui   ont   dit   que   le   parti   unique  était  une  chance  pour  notre  pays  et  le  multipartisme,  une  vue  de  l’esprit.  Ce  sont  eux  qui  ont  défendu,  avec  force   ferveur,   les   programmes   d’ajustement  structurel.   Ce   sont   eux   encore   qui,   aujourd’hui,  dénoncent  doctement  et  avec  véhémence  les  ravages  causés   par   ces   PAS.   Comment   des   gens   qui   sont  supposés  mieux  connaître   les  réalités  de  notre  pays,  ont-­‐ils   pu   se   faire   dicter   des   mesures   économiques  par  des  jeunes  cadres  sans  expérience  du  FMI  et  de  la  Banque  mondiale  ?  Quant  à  leur  conviction  politique,  inutile  d’en  parler.  Car,  pour  parvenir  au  sommet  de  l’échelle   sociale,   ils   ont   trempé   dans   toutes   les  combines   politiques   et   «  intellectuelles  »,   dans   tous  les   compromis   et   dans   toutes   les   compromissions,  parfois  jusqu'à  l’impossible.  Ils  ont  participé  à  toutes  les   rapines  économiques.   Ils  ont  expérimenté   toutes  les   idéologies   et   tous   les   régimes   :   ils   étaient,   hier,  houphouétistes  ;   ils   sont   devenus   bédiéistes,   puis  guéistes  ;   ils   sont   aujourd'hui   gbagboéistes.   Pendant  50  ans,   ils  se  sont  reniés  et   ils  ont  ruiné   le  crédit  de  leur   corporation,   en   trahissant   leur   vocation   à   la  Sagesse.  Finalement,  leur  rapport  à  la  population  fait  penser  à  cette  parabole  :  «  le  ventre  de  ma  mère  peut  être  fermé,  du  moment  que  j’en  suis  sorti  !  »  

En   clair,   c’est   de   morale   qu’il   faudra   parler  aujourd’hui   aux   intellectuels   ivoiriens.   Car,   s’il   est  une   valeur   qu’ils   ont   oubliée,   c’est   bien   celle-­‐là  :   la  morale.   Non   pas   pour   l’asséner   aux   autres.   Mais,    pour   l’appliquer   à   eux-­‐mêmes.   Car,   s’ils   sont  aujourd’hui   inaudibles,   c’est   qu’eux-­‐mêmes  n’entendent  pas  ce  qu’ils  doivent  entendre  :  la    parole  des  autres,  la  parole   du   peuple.   Et  s’ils   n’entendent   pas,   c’est  qu’ils   n’écoutent   pas.   Or,   être  intellectuel   c’est   non  simplement   parler,   mais,   par   sa  parole,   écouter,   et   aller  chercher  la   vérité   là   où   elle   se   trouve,  c’est-­‐à-­‐dire   dans   la   parole   des  autres.   A.   Fornet   écrivait,   à   ce   propos,   que  «  l’intellectuel   est   obligé   d’être   le   critique   de   lui-­‐même,  avant  de  prétendre  pouvoir  être  la  conscience  critique  de  la  société  ».  

Comme  l’a  écrit  Antonio  Gramsci  dans  ses  Cahiers  de  prison,   «  on   peut   dire   que   les   hommes   sont   des  

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intellectuels,   mais   que   tous   les   hommes   n’ont   pas,  dans   la   société,   la   fonction   d’intellectuel.  »   Alors,  combien   sont-­‐ils   dans   notre   pays   à   exercer  réellement   cette   fonction   d’intellectuelle  ?   Fort  heureusement,   il   existe   encore   chez   nous   des  intellectuels,   dans   le   sens   noble   du   terme,   des  femmes   et   des   hommes   probes   qui   résistent   et   qui  refusent   de   tremper   dans   les   combines   et  combinaisons  sordides.    Et,  en  ces  heures  difficiles,  il  faut   le   dire,   le   Pr  Mamadou  Koulibaly,   fait   partie   de  ces   rares   spécimens   en   voie   de   disparition,   qui  sauvent   l’honneur   de   la   classe   intellectuelle  ivoirienne  et  qui  porte  cette  charge  écrasante  avec  foi  et  conviction.  

Qu’attendons-­nous  de  nos  intellectuels  ?  

Qu’attend-­‐on   d’eux  ?   Que   peuvent-­‐ils   donner  ?   Que  doivent-­‐ils   refuser  ?   Dans   quelle   mesure   sont-­‐ils   au  service  de  la  Nation  ?...  

Même   si,   en   tant   qu’être   sociaux,   ils   ont   des  appartenances,     nous   attendons   d’eux   qu’ils   aient  conscience   que,   dans   toutes   les   sociétés,   les  intellectuels   sont,   non   pas   des   témoins   passifs   et  indifférents,   mais   des   hommes   et   des   femmes   qui,  impliqués   et   attentifs   aux   réalités  de   la   vie,   engagés  fermement,   font   l’histoire,   à   travers   leurs   actions  pour  orienter  le  destin  de  leur  Nation.  C’est  à  ce  prix  et  grâce  à  ces  qualités  qu’un  intellectuel  est  reconnu  par  la  société  comme  étant  un  modèle.    

Nous   attendons   d’eux   qu’ils   soient   pareils   aux  philosophes  du  siècle  des  Lumières  en  Europe,  c'est-­‐à-­‐dire   des   éclaireurs,   des   leviers   du   progrès,   de   la  modernisation   et   de   la   vraie   indépendance.   Nous  attendons   d’eux   que,   en   des   temps   de   crise,   ils   se  manifestent,   se   distinguent,   sortent   du   lot   des  communs   des   mortels,   et   s’obligent   à   produire   des  idées   de   génie,   à   proposer   des   solutions   pour  dénouer   la   crise.   Nous   attendons   d’eux   qu’ils  accompagnent   la  modernisation  de  notre  pays  et   en  analysent  les  contradictions  avec  toute  la  rigueur  qui  sied  à  leur  fonction.  Car,  rien  ne  défigure  plus  l’image  des  intellectuels  que  le  louvoiement,   la  démission,   le  silence  prudent  ou   coupable   face   à   l’inacceptable,   le  vacarme   patriotique   et   le   reniement   théâtral,  l’allégeance   servile.   Car,   l’affiliation   politique,  l’appartenance   régionale   et   ses   fidélités   ou  

accointances   ne   doivent,   à   aucun   moment   et   en  aucun  cas,  prendre  le  pas  sur  les  critères  de  Vérité  et  de  Justice…    

 

Serge  Grah    (Journaliste,   Ambassadeur   Universel   pour   la   Paix).  [email protected]      

 

 

 

 

 

 

La  dépigmentation  :  Risques  et  dangers  

 Rappelons   que   la   dépigmentation   consiste     à  utiliser   des   produits   plus   ou   moins  pharmaceutiques   ou   divers   autres   procédés  pour   changer   la   couleur   de   sa   peau.   Pour   les  

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Noirs,  la  dépigmentation  consiste    à  éclaircir  la  peau.   Nous   abordons   le   problème   de   la  dépigmentation,   parce   que   les   médecins   et  autres   spécialistes   en   la   matière   tirent   sur   la  sonnette   d’alarme  :   la   dépigmentation   qui   est  une   pratique   comportant   de   réels   dangers  connaît  un  essor  considérable  et  inquiétant  en  Afrique,   alors   que,   par   exemple,   la   pathologie  dermatologique   (maladies   de   la   peau)   est   la  deuxième   cause   de   mortalité   après   le  paludisme  au  Sénégal,  En   effet,   sur   le   continent   africain,   plus  précisément   dans   les   pays   d’Afrique   noire,   la  dépigmentation,   désormais   pratiquée   dans  presque   toutes   les   régions,   est   devenue   plus  problématique,   surtout   en   Afrique  francophone,   par   exemple   au   Sénégal   et   au  Congo  (où  une  grande  proportion  d'hommes  et  de  femmes  s'éclaircissent  la  peau).    Le   phénomène   de   dépigmentation   serait  apparu  en  Afrique    la  fin  des  années  1960.  C'est  par   les   hôtesses   de   l'air,   puis   des   femmes  d'affaires  qui  ont  séjourné  aux  Etats-­‐Unis,  que  les  produits  éclaircissants  auraient  d'abord  été  introduits   en   Afrique,   auprès   de   la   classe  sociale  privilégiée  ayant   les  moyens  de  s’offrir  ce  qui,  jusque-­‐là,  constituait  un  cas  d’exception  ou  un  luxe.  Par   ailleurs,   les   produits   utilisés   pour  s’éclaircir   la   peau   sont   causes   de   graves  risques   et   dangers   pour   la   santé  :   problèmes  dermatologiques,  maladies  graves.  En  tout  cas,  les   dangers   pour   la   santé   relatifs   à   la  dépigmentation   sont   multiples   (hypertension,  diabète,   problèmes   osseux,   etc.).   Et  même,   on  suspecte   aujourd'hui   des   conséquences  gynécologiques  pour   les   femmes.  A  ce  propos,  le   Docteur   Fatimata   Ly,   présidente   de  l'Association   Internationale   d'Information   sur  la   dépigmentation   Artificielle   (AIIDA),   a  organisé   une   journée   de   sensibilisation,   le   17  mai  dernier,  au  Sénégal.  A  cette  occasion,  elle  a  déclaré  :   «  il   s’agit   dune   pratique   dont   les  causes   demeurent   complexes   et   qui   prend   de  l'ampleur,  alors  que  les  dangers  sont  réels  ».  Produits  et  dangers  de  la  dépigmentation    

Initialement   citadine,   la   dépigmentation   s'est  répandue   dans   les   campagnes.   Ce   qui   soulève  un   autre   problème.   Les   produits   cosmétiques    à   base   d'hydroquinone,   sont   les   moins   chers,  donc  beaucoup  plus  utilisés  par  celles  qui  n'ont  pas   de   grands   moyens.   Et,   selon   le   Dr  Andonaba,   leur   utilisation   requiert   une  préparation   préalable   de   la   peau   pour  accélérer   l'éclaircissement   et   obtenir   un   teint  uniforme.   Pour   cela,   les   plus   démunies  élaborent   des   mixtures,   pour   le   moins  «  décapantes  ».  Les  femmes  utilisent  parfois  de  l'eau  de  javel  pour  se  frotter  la  peau  dans  le  but  d'éliminer  la  mélanine  qui  se  trouve  en  surface,  avant  d'appliquer  le  produit  qui  se  chargera  de  la  destruction  de  la  mélanine  en  profondeur.    

 Selon   une   étude   réalisée,   en   2004,   par   une  équipe   de   dermatologues,     à   Bobo-­‐Dioulasso,  au  Burkina-­‐Faso,  sur  10  femmes,  5  utilisent  des  produits  dépigmentants.  Le  phénomène  a  pris  tellement   d'ampleur   qu'il   est   devenu   le  troisième  problème  de  santé  publique  dans  ce  pays,   après   le   paludisme   et   les   maladies  respiratoires,  affirme  le  Docteur  Andonaba.    Quant    au  Dr  Mulumba  wa  Tshita,  chimiste  au  Service   de   toxicologie     l'Institut   national   des  recherches   biologiques   en   RD   Congo,   il   a  affirmé   le   2   mai     dernier   à   l'agence  Panafricaine   de   presse   (PANA)  :   «  les  utilisateurs   des   produits   de   dépigmentation,  nombreux  en  RD  Congo,  s'exposent    à  plusieurs  complications  dermatologiques,  dont  le  cancer  de  la  peau  et  d'autres  tumeurs.  Qui  plus  est,  la  dépigmentation   tue  ».   Le   Docteur   Thierno  Dieng  de  l'Hôpital  Le  Dantec  a  fait  savoir,  le  17  

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mai,     l'occasion  de   la  conférence  nationale  sur  le   sujet,     Dakar,   au   Sénégal   que   sur   25  personnes   qui   se   dépigmentent,   il   a   été  enregistré  5  cas  de  décès.  Au-­‐delà   de   ces   maladies,   la   peau   se   dégrade  très   fortement   et   se   trouve   marquée   par   des  acnés,   des   brûlures,   des   mycoses,   des  eczémas...   Les   femmes   souffrent   de  cicatrisations   difficiles   et   leur   peau   déclinent  en   plusieurs   teintes,   notamment   au   gré   des  agressions  solaires.  Devenues  trop  fragiles,   les  peaux   dépigmentées   se   couvrent   de   taches  noires,   et   rendent   difficile   toute   intervention  chirurgicale   au   cas   où   la   personne   a   un  problème   médical.   Dans   certains   cas,   les  allergies  entraînent  le  pire.    Les   femmes   pratiquant   la   dépigmentation  utilisent   des   produits   contenant   de  l'hydroquinone  (substance  qui  colorie  la  peau)    généralement   à   forte   concentration.   La   dose    usage   médical   de   l'hydroquinone   dans   les  produits  ne  doit  pas  dépasser  2-­‐%,  cependant  certains   vont   jusqu'à   22   %.   L'hydroquinone,  parce   qu’elle   provoquerait   le   cancer,   est  interdite   dans   l'Union   européenne   depuis  février   2001  ;   et   pourtant,   on   en   trouve   dans  les  produits  vendus  dans  certains  marchés    de  produits  exotiques  à  Paris.      Des  mesures  inefficaces  

Au   Sénégal,   la   dépigmentation   est   interdite  chez  les  élèves  des  cours  élémentaire,  primaire  et   secondaire.   Mais,   rien   n'est   fait   contre   la  vente  des  produits    à  base  d'hydroquinone.  Les  spécialistes  sénégalais  de  la  peau  ont  déjà,  et  à  plusieurs  occasions,  appelé  le  gouvernement    à  interdire   l'importation   des   produits  éclaircissants   (en  provenance  de   la  France,  de  la  Grande  Bretagne,  des  Etats-­‐Unis,  du  Nigeria,  du   Pakistan).   Une   mesure   de   ce   type   a   été  prise,   en   1995,   en   Gambie   et,   en   1992,   en  Afrique  du  Sud.  Les   résultats   restent  mitigés   ;  car,   des   filières   parallèles  d'approvisionnement   se   sont   développées.   En  RD   Congo,   le   ministre   de   la   santé   publique  avait   interdit   la  vente  et   l'usage  de  produits   à  base   d'hydroquinone   sur   les   marchés,   voire  

même   la   publicité   de   ces   produits   à   la  télévision.  Mais,  les  fabricants  et  les  médias  ont  fait   la   sourde   oreille,   déplore   le   chimiste  Mulumba  wa  Tshita.  Les  causes  de  la  dépigmentation  

En  ce  qui  concerne  les  causes  de  cette  pratique,  le   Dr   Fatimata   Ly   estime   que   «  la   principale  motivation   des   femmes   est   d'ordre   purement  esthétique,   pour   58   %   des   cas   ;   11   %   des  femmes   ont   recours   à   cette   pratique   dans   un  but   thérapeutique.   Et   41  %   des   femmes   sont  souvent  guidées  par  un  suivi  de  la  mode,  ainsi  que   par   l'imitation   des   relations.   Pour   la  présidente   d'AIIDA,   «  les   femmes   interrogées  déclarent   s'adonner   à   la   pratique   de  l'éclaircissement   et   non   au   blanchissement.  L'image  du  blanc  comme  modèle    à  suivre,  est  souvent  réfutée  par  les  adeptes  de  ces  produits  blanchissants,   souligne   Togosite.com,   dans   un  article   mettant   en   garde   contre   la  dépigmentation  :   «  Etre   plus   clair   comme   les  métis  oui,  comme  les  blancs,  non.  Quand  tu  es  claire   de   peau,   les   hommes   t’apprécient,  témoigne   Nabou.     Angèle   réfute   l'accusation  d'aliénation  :   «  Je   le   fais   un   peu   car   ma   peau  n'est  pas  nette,  tout  simplement  ».    Alors   souci   d’esthétique   ou   esthétisme,  suivisme,   méconnaissance   ou   pas   des  dangers…,  la  position  du  Dr  Ferdinand  Ezembe,  psychologue     Paris   spécialisé   dans   la  psychologie   des   communautés   africaines,   est  claire  :   «  cette  attitude  des  noires,  par   rapport    à  la  couleur  de  leur  peau,  procède  d'un  profond  traumatisme   postcolonial.   Le   blanc   reste  inconsciemment   un   modèle   supérieur.   Pas  étonnant  dans   ces   conditions  qu'un   teint   clair  s'inscrive   effectivement   comme   un   puissant  critère   de   valeur   dans   la   majeure   partie   des  sociétés  africaines  ».    Dans   le  même  ordre  d’idées,  et  pour  conclure,  lisons   ensemble   cet   appel   lancé   par   le   site  Grioo.com  :    

 «  Toute   personne   de   race   noire   qui   se  dépigmente   la   peau   est   un   grand  complexé,   qui   a   complètement   honte  

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d'être   un   noir.   Il   serait   vraiment   temps  que   les  Africains  et  particulièrement  nos  sœurs   africaines   se   reprennent   et   soient  fières   de   leur   peau,   afin   de   mieux  revendiquer   leur   identité   culturelle.   Si  cela  n'est  pas,  nous  nous  acheminons  vers  une  auto-­extermination  de   la   race  noire.  Tous   nos   actes   et   toutes   nos   actes   et  penses   sont   singés,   mimés,   calqués   sur  l'Occident  et  l'Amérique.  Pour  tout  dire,  la  dépigmentation   de   la   peau,   soit-­elle    outrance   ou   pas,   est   une   véritable  aliénation  culturelle  ».    Source  :  congo-­‐internet.com    

 

*  

La  Négritude  :  la  conscience  et  la  et  fierté  d’être  noir  

 

La  négritude  peut  être  définie,  selon   les  propres  termes  de  Césaire,  comme  «  la  conscience  d'être  noir  »,   ou   encore   comme   la   «  simple  reconnaissance   d'un   fait   qui   implique  acceptation,   prise   en   charge   de   son   destin   de  noir,   de   son   histoire   et   de   sa   culture  ».  Autrement   dit,   ce   terme,   apparemment   savant,  signifie   tout   simplement   le   fait   de   s’accepter  

comme  noir   et  de   s’affirmer  en   tant  que   tel.   En  d’autres  termes,  c’est   le  fait  de  ne  plus  ressentir  la  couleur  noire  ni  comme  une  «  malédiction  »,  ni  comme  un   crime.  A   ce   sujet,   le   titre  du   livre  du  philosophe   Bassidiki   Coulibaly   est   assez  éloquent  :  Du   crime   d’être   noir.   On   peut  également  citer  Peaux  noires,  Masques  blancs  de  Frantz   Fanon,   ou   encore   Nini   ou   la   mulâtresse  d’Aboulaye  Sadji,  etc.    

Rappelons,   pour   la   petite   histoire,   que   Nini  souffrait   d’être   née   noire   et   elle   cultivait   un  atroce   complexe   d’infériorité   vis-­‐à-­‐vis     des  Blancs.  De   ce   fait,   puisqu’elle   ne   pouvait   hélas  !  pas   changer   de   peau,   Nini   trouvait   que,   pour  guérir  de  son  mal,  du  moins  de  sa  malédiction,  il  lui  fallait  absolument  épouser  un  Blanc.  Ce  serait  la   réussite  de  sa  vie  C’est  donc  en  réaction  à  de  tels   comportements   qu’a   été   fondé   le  mouvement   de   la   Négritude,   pour   inciter   les  Noirs  à  prendre  conscience  de   leur  humanité,  et    à   prendre   en   charge   leur   destin   de   noirs,   leur  histoire   et   leur   couleur   de   peau.   Dans   le  même  ordre  d’idées,  Jean  Paul  Sartre  a  affirmé,  dans  la  préface   de   l’Anthologie   de   la   nouvelle   poésie  nègre   et   malgache   que,   «  la   Négritude,   a   pour  objectif  d’amener   l’homme  noir,   insulté,  asservi,    à  se  redresser,    à  ramasser  le  mot  de  nègre  qu’on  (l’occident)   lui  a   jeté  comme  une  pierre,  et    à  se  revendique  comme  Noir  en  face  du  Blanc,  dans  la  fierté  ».    

Cette   fierté,   les   écrivains   et   artistes   noirs   l’ont  exprimée   de   diverses   manières   et   sur   des   tons  variés.   On   retiendra,   entre   autres,   les  témoignages  suivants  :  

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James  Brown  (USA)      «Say  it  loud.  I’m  Black  and  proud».    

Bernard  Dadié  (Côte  d’Ivoire):  «  Je  vous  remercie  mon  Dieu  de  m’avoir  créé  noir  ...  Je  suis  content  de  la  forme  de  ma  tête  Heureux  de  la  forme  de  mes  jambes  Content  de  mes  bras  De  l’épaisseur  de  mes  lèvres...  Je  porte  le  monde  depuis  l’aube  des  temps  Et  mon  rire  sur  le  Monde,  dans  la  nuit,  crée  le  Jour…  Je  vous  remercie  man  Dieu  de  m’avoir  créé  noir…  ».    (in  “Afrique  debout”,  Ed.  Seghers)      

 

 

 

Eugène  Kossouho  (Benin)    

«  Nègre,  c’est  mon  Nom  Nègre,  c’est  ma  race  Négresse,  c’est  le  nom  de  ma  sœur    Etre  nègre,  c’est  un  privilège  Et  je  suis  heureux  et  je  suis  fier  d’être    Un  nègre  ».    

W.  E.  B.  Du  Bois  (USA)                  «  Je  suis  nègre  et  je  me  glorifie  de  ce  nom-­‐    Je  suis  fier  du  sang  noir  qui  coule  dans  mes  veines  ».    

Tchicaya  UTamsi  (Congo)                  «  Je  suis  homme.  Je  suis  nègre.  Pourquoi  cela  prend-­‐il  le  sens  d’une  déception?  ».  (Epitomé,  P  J  Oswald).  

 

Les   Black   Panthers   (USA)   ont   pour   slogan  :  «  Black  is  beautiful  ».  (Beau  est  le  noir),  etc.  

 

Léandre   Sahiri,   Extrait   de   «  Césaire,   Négritude   et  Surréalisme  »,   communication   au   colloque  «  Hommage     Aimé   Césaire,   Juste   de   voix,   Grand  Eveilleur  de  Consciences  »,  Paris,   les  11,  12,13   juillet  2008.  

*  

Dépigmentation des stars congolaises.

Avec l'avènement du mouvement de la SAPE (Société Anonyme des Personnes Elégantes), la

dépigmentation des stars congolaises a encore connu une forte propension. Mais, depuis un certain temps,

avec la prise de conscience des conséquences néfastes que cette dépigmentation engendre, cette « beauté

artificielle » que nous pouvons qualifier d'accessoire est, de plus en plus, rejetée par les jeunes actuels. Tant

mieux.

Dr TUMBA Tutu-De-Mukose

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Prochainement:  Le   sucre  :   bon   ou   pas   bon   pour   la   sante  ?   Réponse  dans   notre   prochaine   parution,   avec   des   conseils  pour   manger   moins   de   sucre   pour   éviter   certaines  maladies,  pour  perdre  du  poids.    

Vos   propositions   et   contributions   sont  vivement   attendues   pour   nos   prochaines  parutions   sur   tous   sujets.   Nous   attendons  vos  textes  et  vos  témoignages.  

D E V I N E T T E SD E V I N E T T E S La devinette a, pendant longtemps, été considérée comme un genre mineur pace qu’elle était pratiquée par les enfants. Cependant, elle a, depuis, conquis ses lettres de noblesse. Des études savantes ont montré que, indépendamment de son aspect ludique, la devinette a une valeur culturelle et une fonction didactique : elle prend une place très

grande dans la vie et la formation de l’homme.

Du point de vue littéraire, elle présente, le plus souvent, une structure complexe induisant, à la fois, jeu de mots, figures de style et niveaux de sens, qui lui donnent véritablement un statut de parole littéraire.

Les devinettes apportent toujours, dans une conversation, des solutions de continuité marquant le temps de réflexion nécessaire pour leur trouver une réponse. Pour trouver la solution d’une devinette, l’esprit doit en percer l’opacité véritable, s’efforcer d’y reconnaître, non plus les similitudes immédiates, mais des analogies détournées et les symboles.

En général, on considère, les devinettes comme des divertissements ou des « colles » où l’on prend plaisir (bien souvent malin) à éprouver l’intelligence de son interlocuteur. C’est une pédagogie particulièrement active pour délier l’esprit, l’exercer au jeu de la symbolique. Elle consiste à percevoir les équivalences, les similitudes, les analogies, les « correspondances » (Baudelaire) entre les êtres et choses appartenant à des ordres et à des univers différents.

Dr E. Tououi Bi Irié, Maître-assistant, Université d’Abidjan-Cocody, Côte d’Ivoire)

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A vous de jouer

DEVINETTES : 1

Un seul individu a emprisonné une multitude.

2

J’ai tue mon bœuf et j’ai bu son sang par sa queue.

3

J’ai parcouru un village dans lequel tout le monde porte un bébé au dos.

4

Le cheval est dans la case, sa queue est dehors.

 NB  :  Réponses  à  la  page  15  

 

Proposez  des  devinettes  

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Thème  :  L’Engagement  Pensez-­‐vous   qu’un   artiste,   un   intellectuel   ou   un  écrivain…  devrait   se  mêler  ou  pas  de   la  politique  ?  Réponses.    

*  

Pour  M.   Justin   Oussou,   artiste-­‐peintre   ivoirien,   «  un  artiste  ne  doit  pas  se  mêler  de   la  politique  »   (Lire  Le  Filament  No  4).  

Quant à l’écrivain-poète ivoirien Bernard K. Djaha   qui  a  été   la   révélation  du  Grand  Concours  de  Poésie   organisé   en   1982     par   Fraternité-­‐Matin.  Professeur  de  Lettres,   il  est  de  ceux  qui  «définissent    la  poésie  comme  un  art  de  crise,  crise  de  conscience  individuelle  ou  collective,  et    qui  envisagent  la  poésie  comme  une   arme  de   combat,   comme  un  moyen  de  lutte  ».  Pour   lui,  «  le  poète  doit  s’engager  à  ameuter  l’univers   et   à   appeler   à   plus   d’équité,   à   plus   de  compassion,   à   moins   de   cupidité…   Cela   devient   un  leitmotiv,   une   mission   qu’il   fait,   en   usant   des   cors,  instrument   à   vent  ».   D’où,   le   titre   de   son   recueil   de  poèmes   est   «  Cors   et   cris  »   que   M.   Jean   Dodo,  homme   de   Lettres   de   grande   notoriété,   avait  présenté   comme   de   «  Beaux   poèmes,   durs   et   qui  dénoncent,   pleurent   sur   les   misères.   Merveilleux  exemple  de   l'engagement  de   l'écrivain-­‐poète  ».   (Lire  Le  Filament  No  6).  

Pour   le   Professeur   Urbain   Amoa,     l’histoire   des  sociétés   et   de   la   littérature   est   pleine   de   cas  d’engagement.   En   effet,   pour   lui,   contrairement   à  ce  que  pensent  certains,    les  artistes  et  les  écrivains  doivent   se  mêler   de   la   politique   et   s’en   sont   déjà  mêlés,   dans   l’histoire   des   sociétés   humaines,   au  moins   à   travers   plusieurs   «affaires  »   dont      «  l’affaire  Calas  »  avec  Voltaire,  (Le  Filament  No  5)  et   «  l’affaire   Dreyfus  »,   avec   Emile   Zola,   (Le  Filament   No   6).   Le   professeur   Pierre   N’Da   nous  parle  ici  de  l’écrivain  et  professeur  ivoirien  Charles  Nokan,  comme  cas  patent  de  l’écrivain  engagé.    

Un écrivain engagé : Zegoua  Gbessi  Charles  Nokan

Charles Nokan apparaît comme un écrivain qui a choisi, pour ainsi dire, une fois pour toutes, sa voie, son genre et son style. Tous ses romans, en effet, à quelques détails près, se ressemblent: ils sont de la même veine, relèvent de la même esthétique, de la même thématique et ont tons une forte charge idéologique. C’est précisément pour cette raison que l’on considère Nokan comme un des écrivains africains les plus engagés.

Une invitation à la lutte politique ou lutte de libération

D’une façon générale, l’écriture de Charles Nokan se caractérise sur le plan du contenu, par la permanence du thème de la lutte politique ou lutte de libération.

Celle-ci passe d’abord par la prise de conscience de la division de la société en deux classes opposées : d’un côté, la masse laborieuse exploitée et de l’autre les riches exploiteurs. La lutte est donc, avant tout, une lutte de classes et d’intérêts. Et, seul le combat

révolutionnaire peut apporter la victoire au peuple. Cette victoire du peuple doit être, en même temps, la victoire des autres peuples ; elle doit servir d’exemple, d’encouragement et de stimulant pour tous les combattants de la liberté : « Nous prolétaires africains, s’écrie Niangue, nous devons cesser de pleurer ; nous avons, à l’instar des autres ouvriers et paysans du monde, à livrer bataille à nos ennemis »7.

La vision nokanienne de la lutte de libération est internationaliste : les héros savent que le combat est celui de tous les opprimés. Dans Violent était le vent, Koko dit au cours d’un débat : « il nous faut maintenant la restaurer (la solidarité) et l’étendre d’abord à tous les citoyens de notre nation, puis à l’humanité entière »8. Niangue, à son tour, déclare dans Les petites rivières : « nous sommes internationalistes. Les peuples du monde entier nous soutiennent. Voilà pourquoi est certaine noire victoire. Nous contribuerons à la révolution

                                                                                                               

7 C. Nokan.- Les petites rivières, Ed. CEDA, Abidjan, 1983, p.63-64 8 C. Nokan.- Violent était le vent, Ed. Présence Africaine, Paris, 1966, p. 132  

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mondiale »9. Niangue, au terme de son appel présidentiel aux prolétaires africains s’écrie : « Vive l’Afrique unifiée par les prolétaires ! Vive La solidarité des peuples ! »10 .

C’est donc grâce à l’union, à la solidarité que les peuples pourront vaincre les dictatures, l’impérialisme, l’exploitation, pour instaurer le socialisme et établir un ordre nouveau.

La solidarité est le maître-mot et apparaît comme un thème majeur de son œuvre romanesque ; de même le thème de la naissance, de l’émergence d’un monde nouveau. Cette transformation est d’ailleurs une conséquence ou le but final de la lutte de libération. La naissance d’un ordre nouveau est un leitmotiv qui apparaît, de façon redondante, et en des termes extrêmement récurrents. On trouve des expressions comme « nouveau soleil », « soleil naissant», « aurore inouïe », « jour qui se lève », « jour qui naît », « nouvelle rosée », « nouvelle vie », « société nouvelle », « lumière neuve », « monde nouveau », « ère nouvelle », « humanité nouvelle », hommes nouveaux », « saison nouvelle », etc.

L’ordre nouveau annoncé comme une prophétie avec beaucoup d’optimisme (« Et le peuple aura la victoire »)11 se réalise dans Les petites rivières, avec la victoire des révolutionnaires et l’élection de Niangue à la présidence de la République.

L’engagement de Charles Nokan se situe également dans la dénonciation du colonialisme, du racisme, du néocolonialisme, de l’impérialisme, de l’exploitation bourgeoise de la masse, de la misère des peuples. Pour lutter contre ces maux qui minent les sociétés, l’auteur propose la force, l’action violente et révolutionnaire. Niangue, dans Les Petites rivières conseille de « répondre par la violence révolutionnaire à la violence de la bourgeoisie »12. Car, « il n’y a que la violence des prolétaires qui soit à même de vaincre la barbarie de la bourgeoisie »13.

Ce refus de la résignation, autrement dit cette révolte, se trouve dans toute l’œuvre de Nokan, et la lutte héroïque que mènent les personnages est à la mesure de l’engagement révolutionnaire de l’auteur. Son écriture est une écriture de la violence : violence des

                                                                                                               

9 Les petites rivières, p. 105 10 Idem, p. 110 11 Le soleil noir point, p. 64. 12 C. Nokan.- Les petites rivières, p.85  

13 Le matin sera rouge, p. 46

actes révolutionnaires, violence du discours romanesque, violence du ton ; mais aussi violence des mots. Ici se précise et se réalise la fonction essentielle d’une écriture véritablement engagée. Même la redondance des termes qui traduisent la violence, le combat et surtout la destruction suffit, pourrait-on dire, à inscrire l’œuvre de Nokan dans la bonne littérature engagée...

Par ailleurs l’engagement de l’auteur se manifeste même sur le simple plan lexical : nous retrouvons dans les textes tout le vocabulaire marxiste habituel ; les slogans révolutionnaires, la propagande socialiste ou communiste. Ainsi, on trouve des termes suivants : prolétaires, masse, peuple, paysans, ouvriers, travailleurs, chômeurs, capitalisme, impérialisme, dictature, torture, révolution, lutte des classes, lutte de libération, liberté, combat libérateur, ennemi, ordre nouveau, société nouvelle, etc. Ainsi, les riches, par exemple, sont désignés, tour à tour, par les riches, les grands, les bourgeois, les nantis, les gens aisés, les hauts fonctionnaires, les ministres, les députés, mais aussi par les explorateurs, les capitalistes, les impérialistes, les loups, les hommes-puces, les suceurs de sang, les suceurs de sueur et de sang, les dévoreurs de vie ; par contre, les pauvres sont appelés les pauvres, les prolétaires, les opprimés, les exploités, etc.

Toute 1’œuvre de Nokan est soutenue par une idéologie révolutionnaire, une vision marxiste. Il est donc normal que tout, dans ses textes, aussi bien le contenu que la forme et même la langue, reflète cet engagement de l’auteur. Son œuvre romanesque s’inscrit tout entière dans le cadre de la littérature sociale et politique. L’écriture romanesque devient un combat courageux qu’il s’agit de mener. Le caractère politique de l’œuvre, joint au souffle pamphlétaire soutenu qui l’anime, lui confère à Nokan une place privilégiée dans la littérature engagée.

L’engagement se traduit aussi, chez Nokan, d’une part, par la liberté d’expression, la fabrication de mots nouveaux (par exemple : je cyclonerai, je panthérerai, je tigrerai) ; et d’autre part, par l’emploi de mots d’autres langues ou d’autres cultures (anglais, baoulé…) : my darkness ; djomolo (balafon), tokpo, (houe), Saizais (le crépuscule), Mefele (ils ont souffert), hémohécadi (nous qui restons), mézan (yin de palme), djambo (sorte d’arbre-liane), awe (trompe, flute); kola, pagne, etc.

Une écriture subversive

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L’écriture romanesque de Nokan est résolument subversive : elle bouleverse les normes établies, milite en faveur du renouvelèrent de l’œuvre romanesque et s’inscrit en droite ligne dans la problématique de son discours politique, en prônant l’action révolutionnaire.

Ecrire, c’est créer et crier. L’écriture, c’est l’incarnation d’une pensée, l’expression d’une personnalité, c’est un geste de liberté qui, pour Nokan, doit conduire à l’émancipation, à la libération des peuples.

Nokan a choisi délibérément une écriture particulière, l’écriture en liberté qui est, pour lui, non seulement une forme d’expression, mais aussi l’expression la plus significative de la liberté de l’écrivain. Son objectif est donc double, d’ordre esthétique et d’ordre politique.

Pour Nokan, l’œuvre de l’écrivain doit être libérée, engagée. Elle doit se traduire par et dans des formes libérées et des formules inédites. L’écrivain ne doit pas s’enfermer dans le carcan des normes conventionnelles. C’est dans cette perspective que se situe la politique de l’écriture de Charles Nokan.

Pierre N’DA. Professeur de Lettres au Département de Lettres Modernes de l’Université d’Abidjan-Cocody, Côte d’Ivoire.

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Prochainement : « Que dire de l’œuvre de

Charles Nokan ? » Par Agnès Monnet

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Participez  au  débat.  Faites-­‐nous  parvenir  vos  

textes.  

Prochainement : « Ecrire pour

la patrie et l’avenir» Par Maurice Bandama.

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La librairie Espace Noûn d’Alger meurt dans le silence des étoiles

I l   faut  vite  I l  faut  vite  

sauver  sauver        La  l ibrairie  Espace    La  l ibrairie  Espace  

NoûnNoûn      

 L’Espace Noûn va fermer ses portes. La mort annoncée de cette expérience unique de librairie s’accomplit dans le silence des agonies solitaires. Et, comme pour les morts acceptées, il ne s’agit plus que

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des derniers gestes qui mettent de l’ordre dans les affaires des défunts …

L’originalité de l’espace Noûn, c’est qu’il s’agit d’une librairie pas comme les autres : il ressemble plus à une bibliothèque personnelle, à un salon, à un chez-soi plus qu’à une vraie librairie. Des cimaises courent sous les plafonds, de véritables meubles fabriqués spécialement donnaient aux livres un petit air amical, convivial. La forme et la structure de ces meubles dégagent beaucoup d’espace et de lumière. Et, au fond, cela devient naturel qu’un visiteur ait envie de s’asseoir et d’engager la conversation. C’était fait pour cela. Boudjemaa Karèche y inaugurait un cycle de rencontres qui n’allaient plus cesser et qui pouvaient réunir les invités autour d’un comédien, d’un poète, d’un livre politique, d’un peintre, d’un photographe. Bref, autour de créateurs sans exclusive ou de militants, etc. L’Espace Noûn jusque-là amenait un nouvel esprit, une autre approche et certainement un autre lien à la fonction de la librairie. La première caractéristique de ces débats et de ces rencontres résidait dans leur but autonome. On sentait bien que ni Nacera ni Arezki (les propriétaires des lieux) ne les organisaient pour uniquement vendre des livres. L’important restait le débat, l’échange, la controverse… Les habitués savent que les débats dans cette librairie exiguë ressemblaient, par bien des aspects, à un théâtre antique, à une agora ou à une re-mise en scène des idées : le créateur avait son public. Et, entre les deux s’établissaient les rapports du non-accidentel, car les rencontres étaient permanentes. Elles n’attendaient pas la formalité de la dédicace. L’Espace Noûn suscitait les rencontres et ne les attendait pas. Cela finissait par enlever à ces rencontres le côté marchand, le côté commerce. Non pas que le commerce des livres ne fut pas le métier de l’Espace

Noûn ; il n’était pas sa vocation tout simplement et uniquement. On baignait dans cette impression à l’intérieur de la librairie. Sans se rendre tout à fait compte. Il faut faire plusieurs fois le tour des titres pour s’apercevoir qu’on ne trouve aucun livre à vocation marchande…

Mohamed Bouhamidi

Il faut vite sauver la Librairie Espace Noun… Avant qu’il ne soit trop tard. Pour tous autres renseignements et contributions, contactez : Mohamed Bouhamidi. [email protected]

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Le  Franc  CFA  

doit    

disparaître  

 

L`idée   de   la   création   d`une   monnaie  indépendante,  sans  lien  avec  le  passé  colonial,  est  plus   que   d`actualité.   Le   Pr   Mamadou   Koulibaly,  président   de   l`Assemblée   nationale   de   Côte  d’Ivoire  et  professeur  d`économie,  économiste,  un  des   défenseurs   de   cette   vision   panafricaniste  explique  pourquoi   le  Franc  Cfa  doit  disparaitre  et  pourquoi   une   nouvelle   monnaie   s`impose   à   la  zone  UEMOA.  Interview  

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Pourriez-­‐vous   citer   au   moins   trois   raisons   pour  lesquelles   les   Etats   africains   devraient   se   libérer  du  franc  CFA  ?  

Mamadou  Koulibaly.-­‐  En  premier  lieu,  le  franc  CFA  est  coercitif,  injuste  et  moralement  indéfendable.  Il  a   favorisé   la   corruption  de   l`État.  Au  moment  des  élections  françaises,   les  pays  de   la  zone  franc  sont  sans   cesse   sollicités   pour   donner   des   dons   aux  hommes  politiques   français,  une  obligation  qui  ne  peut   se   justifier.  Ces   “dons”  ont  été  à   l`origine  de  nombreux   conflits   et   ouvrent   la   voie   à   de  nombreuses   autres   formes  de   corruption.   Ce   sont  ces   relations   qui   perpétuent   le  monopole   français  dans   les   pays   de   la   zone   Franc,   malgré   la  mondialisation.   Sous   prétexte   d'aider   les   pays  pauvres   avec   l`argent   du   contribuable   français,  c`est   la   classe   politique   française   et   africaine   qui  s`enrichit  de  manière  illicite.  Cette  réalité  justifie  à  elle   seule   l`abandon   de   la   zone   franc.   La  libéralisation  économique  et   financière  ne  peut  se  produire  avec  un   taux  de  change   fixe  et  une  zone  d`influence   économique   créée   artificiellement.   En  fait,   l`émergence  de   tensions  apparues  au   sein  du  système   monétaire   international   et   les   crises  financières   de   ces   dernières   années   portent   à  croire   que   le   choix   du   régime   de   taux   de   change  dépend  du  système  d`engagements  pris  auprès  des  autorités  monétaires.  Et  pourtant,   la  restriction  de  la  liberté  des  pays  de  la  zone  franc  dans  le  domaine  de  la  politique  monétaire  ne  protège  pas  du  risque  de  dévaluation  du  franc  CFA.  Ainsi,  dans  les  années  1990,  faisant  fi  de  la  clause  de  découvert  illimité,  la  France   a   ordonné   la   dévaluation   du   franc   CFA.  Avant   la  dévaluation,  1   franc   français  s`échangeait  contre   50   francs   CFA.   En   1994,   après   la  dévaluation,  1  FF  s`échangera  contre  100  FCFA.  Les  autorités   françaises   sont   pourtant   arrivées   à   faire  croire   que   le   taux   de   dévaluation   était   de   50%,  alors  que  nous  venions  de  subir  une  dévaluation  de  100%!  

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Après   l`abandon   du   Franc   CFA,   quel   avenir  économique  proposez-­‐vous   aux  pays   africains   du  point  de  vue  de  la  monnaie?  

 

Mamadou   Koulibaly.-­‐   Etant  donné   les   enjeux,   il   est  nécessaire   d`entreprendre  des   réformes   financières   et  monétaires.  La  monnaie  doit  être   au   service   de  l`économie.   Elle   doit  

s’adapter   au   contexte   économique   actuel.   A   cet  effet,   il   faut   permettre   aux   pays   de   se   prémunir  contre   les   chocs   asymétriques,   d`améliorer   la  convergence  et  l`ajustement  macroéconomiques  et  de   financer   le   développement.   Il   est   vital  aujourd`hui   que   le   franc   CFA   acquière   une  autonomie,   qu`il   se   libère   du   joug   colonial.   Il   est  grand   temps   que   les   pays   africains   assument   les  conséquences   d`une   politique   macroéconomique  librement  choisie.  Il  n`y  a  pas  de  secret.  Il  suffit  que  nous   décidions   de   nous   choisir   nos   politiques   et  d`en   assumer   la   responsabilité.   La   liberté   n`a   de  sens  que  si  elle  est  assortie  de  responsabilité.  Une  fois   la   rupture   accomplie,   les   pays   de   l`ex-­‐zone  franc   devront   créer   leur   propre   système   basé   sur  des   principes   simples   :   accès   direct   aux   marchés  internationaux   sans   tuteur,   c`est-­‐à-­‐dire   sans   la  France;   mise   en   place   d`un   système   fiscal   simple  sans   règles   d`imposition   incompréhensibles,   taux  de   changes   flexible   par   rapport   aux   principales  monnaies.   Pour   atteindre   cet   objectif,   les   pays  concernés   ont   deux   possibilités.   La   première  possibilité   consisterait   à   créer   des   monnaies  nationales   indépendantes,  avec  une  parité   flexible  comme  les  monnaies  de  l`Union  européenne  avant  l`introduction   de   l`euro.   Cette   solution   peut  fonctionner   uniquement   si   les   banques   sont  privées   et   indépendantes   et   que   les   banques  centrales   ont   la   liberté   de   mettre   en   œuvre   des  politiques   monétaires   crédibles.   La   deuxième  

option,   c`est   que   les   pays   africains   s`unissent   et  créer   une   monnaie   commune,   mais   cela   suppose  un   gouvernement   unique,   contrôlée   par   une  banque   centrale   unique   et   indépendante   du  pouvoir   politique,   ainsi   qu`une   politique  économique   monétaire   et   budgétaire   uniques.  Quelle   que   soit   la   solution   adoptée,   les   États  doivent   être   démocratiques.   Ils   doivent   indiquer  clairement   à   leurs   citoyens   leurs   droits   de  propriété  et  leur  accorder  la  liberté  de  décider  s`ils  veulent   hypothéquer   ces   droits.   Tout   commence  avec   l`attribution   du   droit   de   propriété   aux  citoyens,   un   droit   qui   les   fera   émerger   de   la  pauvreté.  Le  libre  échange  fera  le  reste.  

En   2005,   vous   avez   publié   un   livre   intitulé   «  Les  servitudes   du   pacte   colonial  ».   Pourriez-­‐vous  expliquer  brièvement  le  sujet  de  cet  ouvrage  et  le  message  qu’il  transmet?  

Mamadou  Koulibaly.-­‐  L`objectif  de  ce  livre  était  de  faire   connaître   au   public   le   ”   pacte   colonial   “,  fondement   des   accords   de   coopération   franco-­‐africains.  Il  s`agit  d`un  modèle  institué  par  la  France  sous   de   Gaulle   à   la   veille   de   l`indépendance   des  Etats   d`Afrique   francophones,   destiné   à   contrôler  indirectement   les   affaires   de   ces   pays   de  manière  subtile,   sans   apparaître   en   première   ligne   comme  pendant  la  longue  période  coloniale.  Le  livre  publie  les   textes   utilisés   pour   organiser   les   interventions  

de   l’Etat   français,  malgré   la   fin   de  l`époque   coloniale  dans   les   années  1960.   Selon   ce  pacte  colonial,   les  présidents   des   Etats  

d`Afrique   francophone   doivent   diriger   leurs   pays  en   fonction   des   intérêts   de   Paris.   L’indépendance  s`est   donc   résumée   au   transfert   de   compétences  de   l’Elysée   aux   chefs   d’État   africains,   qui   doivent  faire   acte   d’allégeance   à   la   France,   et   non   aux  peuples  qu`ils   gouvernent.  Paris   se   charge  de   leur  

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dicter   les   politiques   à   adopter.   Ce   livre   révèle  comment   les   accords   de   Défense   sont   en   réalité  que   des   accords   commerciaux   obligeant   les   Etats  d`Afrique   francophone   à   conserver   des   bases  militaires   françaises   sur   leur   sol,   avec   des   soldats  prêts   à   intervenir   pour   chasser   les   dirigeants  récalcitrants  afin  de  les  remplacer  par  des  individus  plus   dociles.   Dans   ce   livre,   on   découvre   que   la  France   détient   un   monopole   sur   toutes   les  matières   premières   de   l`Afrique   francophone.   On  apprend   comment   la   France   a   pris   des   mesures  pour   s`assurer   qu`elle   conserverait   toutes   ses  prérogatives   coloniales   après   avoir   accordé  “l’indépendance”  aux  pays  africains.  Par  le  biais  de  ce   pacte   colonial,   la   France   est   demeurée  omniprésente   en   Afrique   francophone   et   a  conservé   les  avantages  d`hier.  Paris  a  confisqué   la  véritable   indépendance   des   pays   d`Afrique  francophone.   Nous   nous   devons   de   dénoncer  collectivement   ce   pacte   colonial.   Lors   de   sa   visite  au   Sénégal,   en   juillet   2007,   le   fraîchement   élu  président  français  Nicolas  Sarkozy  a  reconnu  que  la  colonisation  était  un  crime  contre  l`humanité,  mais  il   a   refusé   de   se   repentir.   Les   Africains   doivent  dénoncer   tous   les   accords   et   systèmes   qui  éloignent   l`Afrique  des  marchés.   Le   pacte   colonial  constitue   une   violation   du   droit   de   propriété  africain.  

 

Etes-­‐vous   parvenu   à   transmettre   ce   message   à  travers  ce  livre?  

Mamadou  Koulibaly.-­‐   Je  pense  que  oui.   Je  voulais  partager  mes  convictions  avec  un  grand  nombre  d`  Africains.   Et   d`amis   de   l`Afrique,   afin   qu`ils   soient  dans   une   meilleure   position   pour   mesurer   les  dangers  du  pacte  colonial,  du  contrôle  de  l`Etat,  et  surtout   de   prendre   conscience   que   la   gestion   de  l`économie   sous   l`emprise   du   pacte   colonial   est  une   source   de   pauvreté   dans   nos   pays.   Nous   ne  voulons  pas  l’aumône  ;  notre  problème  n`est  pas  le  manque   d`argent.   Je   suis   convaincu   que   nous  devons   avant   tout   revendiquer   clairement   nos  droits   de   propriété   sur   nos   terres   et   nos  ressources,   qui   ont   été   aliénées   par   les   colons,   et  dont  le  pacte  colonial  nous  dépossède  aujourd’hui.  Enfin,   je   voulais   dire   que   l`Afrique   a   un   besoin  urgent   de   libertés   individuelles,   d’un   contrôle   de  l`Etat   limité,   de   marchés   libres,   d`une   société  ouverte  et  de  la  paix,  qui  ne  peuvent  exister  que  si  la  liberté  économique  et  politique  est  respectée.  

Source  :  Le  Temps.  

     

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Dans  notre  prochaine  parution  :  

M.   Cicéron   Massamba   expliquera   le  contexte  de  la  naissance  du  franc  CFA  et  les   mécanismes   de   la   zone   Franc   et  nous  dira  pourquoi  et  comment  le  franc  CFA  constitue  un  frein  à  l’indépendance  économique  des  pays  africaines.  

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ARTSARTS ,,        

L ITTERATUREL ITTERATURE    

ET  CULTUREET  CULTURE    

(Cette  rubrique  est  réservée  pour  faire  découvrir  les  livres,  anciens  ou  nouveaux,  les  artistes  et  les  écrivains,   que   nous   jugerons   susceptibles   de  présenter  un  intérêt,  à  certains  égards).  

J’avoue  ma  honte  d’avoir  vécu  jusque-­‐là  sans  

connaître    

le  «  Code  noir  »  Il  y  a  beaucoup  de  choses  cachées,  dans  ce  monde,  dont  je  n’aurai  jamais  honte,  que  je  les  découvre  ou  pas,   et   quel   que   soit   le   moment   où   je   les  découvrirais...   Mais,   j’avoue   très   sincèrement   que  j’ai  immédiatement  eu  honte  de  moi-­‐même,  d’avoir  été   le   fils   d’un   des   premiers   pasteurs   noirs   de   la  Mission   Baptiste   Américaine   dans   ma   contrée,   et  d’avoir   grandi   jusqu’à   l’âge   d’aujourd’hui,   sans  avoir   jamais   découvert,   ni   sans   jamais   avoir   eu  l’occasion   de   lire,   ni   sans   jamais   avoir   entendu  parler  du  «  Code  noir  ».    

J’ai  eu  honte  de  moi-­‐même,  d’avoir  étudié  dans  les  écoles  missionnaires  protestantes  du  Bandundu  et  

du   Bas-­‐Congo,   durant   la   période   coloniale   belge,  depuis  mon  enfance  jusqu’en  1960,  année  où  mon  pays,   la   République   du   Congo   accéda   à  l’indépendance,   sans   jamais   entendre   parler   du  «  Code  noir  ».  J’ai  entendu  les  premiers  discours  du  Premier  Président  de  la  République,  Chef  de  l’Etat,  M.   Joseph   Kasa-­‐Vubu,   ainsi   que   celui   du   Premier  Ministre,   M.   Emery   Patrice   Lumumba.   Ils   ont  dénoncé,   tant   soit   peu,   les   mauvais   traitements  dont   nous,   les   “Nègres,   dits   Sauvages”   du   Congo  Beige,  étions  victimes,  durant  les  quatre-­‐vingts  ans  de   la   colonisation   belge.   Mais,   ils   n’ont   pas   fait  mention  du  “Code  noir  ».  Le  connaissaient-­‐ils  eux-­‐mêmes  ?  L’avaient-­‐ils  lu  eux-­‐mêmes?  Je  ne  le  crois.  Comme   des   millions   d’autres,   à   cette   époque,   ils  ignoraient   l’existence  du   “Code  noir”.  Et  pourtant,  tout  ce  qui  concerne  notre  existence  se  décidait,  à  partir  de  “Code  noir”,  et  selon  le  “Code  noir”.  

J’ai  eu  honte  de  moi-­‐même,  d’avoir  passé  cinq  ans  à  l’Université,  à  étudier  la  Philosophie,  les  Lettres  et  la   Linguistique,   y   compris   la   Psychologie   et   la  Pédagogie   Appliquée,   sans   que   personne   ne   me  parle  du  “Code  noir”.  Des  millions  d’Universitaires  de   mon   époque,   professeurs   et   étudiants,  ignoraient   l’existence  du   “Code  noir”.  Et  pourtant,  nous   tous,   professeurs   et   étudiants,   Noirs   et  Blancs,  nous  étions  en  train  de  mettre  en  pratique  et  en  vigueur,  sans  le  savoir,  les  stratégies  du  “Code  noir”.  Après  ma  formation  universitaire,  j’ai  exercé  de   nombreux   métiers   et   occupé   de   nombreuses  fonctions,   notamment   de   Professeur   et   de   Préfet  d’Ecole   Secondaire,   d’Assistant   d’Université,  d’Agent   Cadre   dans   les   entreprises   nationales,   de  membre   de   Cabinets   Politiques,   de   Journaliste,  d’Ecrivain  et  de  Poète,  de  Diplomate,  et  de  Pasteur,  affectant   la   vie   de   nombreuses   personnes,   sans  avoir  lu  le  “Code  noir”.      

Et,  tout  comme  moi,  des  millions  de  fonctionnaires,  des   enseignants,   des   cadres   et   des   agents  d’entreprises,   y   compris   des   politiciens,   des  journalistes,   des   écrivains,   des   poètes,   des  diplomates,   des   chrétiens,   des   musulmans,   des  bouddhistes,   des   hindouistes,   des   prêtres   et   des  pasteurs,   Noirs   ou   Blancs,   opéraient   selon   les  

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stratégies   du   “Code   noir”,   dont   la   plupart   en  ignoraient   l’existence.   Des   millions   de   Noirs   en  Afrique   du   Sud   ont   subi   les   atrocités   et   les  humiliations   de   l’Apartheid,   en   ignorant   que   la  source,   la   racine   de   leurs   souffrances   se   trouvait  dans   le   “Code   noir”   qui   existe   depuis   plus   de   trois  siècles.    

 

Quelle   honte,   de   me   dire   intellectuel   africain,   et  vivant   parmi   les   Africains,   et   parmi   les  Occidentaux,  et  parmi  les  Noirs  et  parmi  les  Blancs,  subissant   souvent   les   moqueries   de   la   vie,   sans  savoir   pourquoi,   et   en   ignorant   complètement  l‘existence  du   “CODE  NOIR”,   conçu  et   fabriqué,  de  toutes   pièces,   par   un   groupe   d’êtres   humains,  poussés   par   la   convoitise   et   par   le   désir   malsain    d’exploiter   d’autres   êtres   humains,   ainsi   que   par    l’orgueil  de  s’arroger  la  suprématie,  l’hégémonie  et  le   privilège   de   garder   les   autres   dans   un   état  d’esclavage  permanent  !  

Quelle   honte   pour   les   institutions   internationales,  comme   l’Organisation   des   Nations   Unies,   de  prétendre  assurer  la  paix  et  la  sécurité  des  nations,  sans  dénoncer  ouvertement  le  “Code  noir”!  

Quelle  honte  de  savoir  que  beaucoup  de  dirigeants  ne   connaissent   pas   l’existence   du   “Code   noir”,   et  donc,  contribuent   inconsciemment,  à  entretenir  et  

a  perpétuer,  même  en  ce  2lème  siècle,  les  injustices  et  l’esclavagisme  sous  d’autres  formes  !    

Quelle   honte   pour   les   Chefs   d’Etat,   les   Premiers  Ministres  et  les  Ministres  Noirs  Africains,  de  ne  pas  connaître   le   “Code   noir”,   et   de   diriger   leurs  peuples,  selon  les  principes  du  “Code  noir”,  c'est-­‐à-­‐dire   en   faisant   à   leurs   populations   noires,   ce   que  les   auteurs   du   “Code   noir”   avalent   prévu,   pour  garder   les  Noirs   dans   l’esclavage  pendant  plus  de  trois  siècles,  sans  qu’ils  ne  s’en  rendent  compte  et  n’en  sortent  !    

Quelle  honte  pour  certains  dirigeants  africains,  qui,  pour   s’attirer   les   faveurs   des   Occidentaux,  s’engagent   dans   l’achat   d’armes   lourdes,   afin   de  massacrer  leurs  populations  et  les  populations  des  Etats  voisins,  provoquant  des  génocides,  violant  les  femmes,  tuant  les  enfants  et  pillant  leurs  richesses,  comme  pour  perpétuer   la  Traite  des  Noirs  par   les  Noirs,  selon  le  schéma  du  “Code  noir”  !    

Quelle   honte   pour   nous,   intellectuels,   politiciens,  diplomates,   écrivains,   poètes,   professeurs,  pasteurs,   prêtres,   missionnaires,   hommes  d’affaires,  noirs  et  surtout  africains,  même  dans  la  Diaspora,  de  continuer  a  faire  ce  que  nous  faisons,  sans   avoir   lu,   ni   connu   le   “Code   noir”,   pour   que  nous   le   dénoncions   au   travers   de   tous   les  camouflages,  les  mascarades  et  les  subterfuges  par  lesquels   les   Occidentaux,   qui   le   savent,   nous  endorment  et  nous  manipulent,  par  ruse  !  

Mais,   dépassons   la   honte   et   lisons   le   “Code   noir”.  Quand   nous   aurons   lu   et   pris   connaissance   des  objectifs   du   “Code   noir”   faisons   tout   pour   en  divulguer   le   contenu   à   toutes   les   populations,  jusque  dans   les  villages   les  plus  reculés  d’Afrique,  en  passant  par  tous   les  programmes  de   formation  scolaire,   toutes   les   églises   et   communautés  (catholiques,   protestantes,   charismatiques,  kimbanguistes,   musulmanes   et   autres),   afin   que  nos   hommes,   nos   femmes   et   nos   enfants   soient  épargnés   de   ces   fausses   doctrines   qui   nous  maintiennent,   à   notre   insu,   d’une   manière  permanente,   de   génération   en  génération,   dans   le  même   complexe   d’infériorité   que   nos   ancêtres.  

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Nous   pourrons   ainsi   combattre   les   opinions  préconçues   sur   notre   condition   humaine.   Nous   le  ferons,   sans   esprit   de   rancune,   ni   de   vengeance,  mais   comme   de   bons   chrétiens,   débarrassés   de  l’animalité  de  nos  persécuteurs.    

Arrêtons  d’avoir  honte  de  nous-­‐mêmes.  Détruisons  la   racine   des   injustices   dont   nous   avons   été  victimes   depuis   plus   de   trois   siècles,   et   que   nous  perpétuons,   sans   le   savoir.   Ainsi,   le   texte  fondamental   de   “La   Déclaration   des   Droits   de  l’Homme”  aura  son  sens  et  sa  raison  d’être.  II  y  est  stipulé   notamment   :   Article   1er   :    “Tous   les   êtres   humains   naissent   libres   et   égaux...  Tous   les   êtres   humains   doivent   agir   les   uns   envers  les   autres   dans   un   esprit   de   fraternité.”  Article   3   :  “Tout   individu   a   droit   à   la   vie,   à   la   liberté   et   à   la  sûreté  de  sa  personne.”  Article  4  :  “  Nul  ne  sera  tenu  en  esclavage,  ni  en  servitude;  l’esclavage  et  la  traite  des   esclaves   sont   interdits   sous   toutes   ses   formes.”  Article  5:   “Nul   ne  doit   être   soumis   aux   traitements  cruels,  inhumains  ou  dégradants.”  

Ecrivons   des   livres,   des   manuels   scolaires,   des  anthologies,   des   cours   d’enseignement   religieux,  des  pièces  de   théâtre,  des  essais,  des   romans,  des  commentaires  bibliques,  et  tant  d’autres  ouvrages,  qui   seront  complètement  débarrassés  de  préjugés  et  d’opinions  préconçues,  pour  affirmer  les  clauses  de  la  Déclaration  des  Droits  de  l’homme.  Car,  sinon,  qui  est  “homme”,  s’il  n’est  pas  celui  qui  a  été  créé  a  l’image   de   Dieu,   ayant   un   corps,   une   âme   et   un  esprit?   Les   minéraux   et   es   végétaux   n’ont   pas  d’âmes,   ni   d’esprit…   Les   Noirs   ne   sont   ni   des  minéraux,   ni   des   végétaux.   Ils   ont   un   corps,   une  âme   et   un   esprit.   Donc,   ils   sont   des   hommes,   au  même  titre  que  les  Blancs,  es  Jaunes  et  les  Rouges.  Pourquoi  avoir  écrit  le  “CODE  NOIR”?  Pourquoi  ne  l’avoir   pas   diffusé   à   l’échelle  mondiale,   comme   la  Bible,   le   Coran,   les   Veda,   et   d’autres   livres  d’inspiration  spirituelle,  divine?  

Pour   noyer   ma   honte   dans   la   Victoire,   j’ai   suivi  l’exemple   du   Professeur   Louis   Sala-­‐Molins,   et   du  Professeur   Léandre   Sahiri.   Ils   ont   lu   le   “CODE  NOIR”,   et   poussés   par   l’esprit   d’amour   pour   leur  peuple   noir   bafoué   bêtement,   ils   ont   écrit.   Moi  

aussi,  par  le  canal  du  Professeur  Léandre  Sahiri,  je  viens  de  lire  le  “Code  noir”  de  Louis  XIV.  Je  ne  peux  pas  me  taire,  parce  qu’il  y  aura  encore  des  millions  qui  ne  liront  ni  les  écrits  du  Professeur  Louis  Sala-­‐Molins,  ni   les   écrits  du  Professeur  Léandre  Sahiri,  mais   qui   liront   mes   écrits.   Alors,   j’ai   pris   la  résolution   d’utiliser   le   mode   qui   me   convient,   et  d’écrire.    

L’on  m’a  dit  que  le  Noir  ne  lit  pas.  Que  si  vous  avez  un   secret   à   lui   cacher,   il   faut   le   mettre   dans   un  livre.   Mais,   je   connais   une   chose.   Quand   la  connaissance   du   “Code   noir”   se   sera   étendue   et  accrue,   que   de   nombreuses   publications   sur   le  “Code  noir”  couvriront   la  terre,   les  Noirs   liront,   ils  en  prendront   connaissance,   et   ils  dévoileront,   dès  lors,  leurs  propres  stratégies  de  reclassement  et  de  récupération   de   tout   ce   qu’ils   ont   perdu   pendant  plus   de   trois   siècles,   sans   rancune,   ni   vengeance,  mais   avec  un   esprit   de   sagesse,   de  maturité   et   de  dignité  humaines.  Sans  préjugés,   ils  démontreront  qu’ils   n’ont   jamais   été   des   objets,   ni   des   sous-­‐hommes,   ni   des   bêtes   de   somme,   mais   de  véritables   êtres   humains   au   même   titre   que   les  autres.    

 

Le   temps   est   arrivé.   L’heure   a   sonné.    Je  demande  à  tous  les  intellectuels  noirs  qui  liront  

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ce  livre,  d’en  faire  a  leur  tour,  des  échos  comme  des  ondes   successives  d’un   caillou   jeté   sur   la   face  des  eaux,  qui  se  multiplie  a  l’infini,  jusqu’à  atteindre  les  extrémités   de   la   terre   noire.   Partout,   il   faut   faire  retentir   le   “bruit”  du   réveil  mondial  des  Noirs.   Ce  bruit,   comme   les   ossements   desséchés   dans   la  Vallée   des   ossements   de   la   vision   du   Prophète  Ezéchiel,   provoquera   partout   un   “mouvement”  pour   une   nouvelle   vie.   Le   mouvement   des  ossements  desséchés  produira  le  “rassemblement”  qui  finira  par  donner  vie  aux  ossements  secs,  avant  que   ceux-­‐ci   ne   forment   une   “grande   armée”   Ils  reprendront   vie   et   redeviendront   cette   armée  grande  et  puissante,  qui  ne  combattra  pas  avec  des  armes  charnelles,  qui  sont  corruptibles  et  faillibles,  mais   avec   des   armes   spirituelles,   qui   sont  puissantes   par   la   vertu   de   Dieu,   pour   renverser  tous   ces   «  raisonnements  »   qui   se   sont   élevés,  pendant   aussi   longtemps,   contre   la   connaissance  de  la  Vérité,  le  Christ.    

Révérend  Pasteur  Ti.  

(Extrait  de  «  A  propos  des  mensonges  monstrueux   sur   le  prétendu   esclavage   permanent   des   Noirs   »,   Editions  

Menaibuc).    

*  

Droit  de  réponse  :  Le   Professeur   AKE   Patrice   répond   à   M.   BOA  THIEMELE  Léon  Ramsès,  auteur  de   l’ouvrage,  «  la  sorcellerie   n’existe   pas  »,   publié   aux   Editions   du  CERAP,   que   nous   avons   eu   le   privilège   de  présenter   dans   notre   précédente   parution   (Le  Filament  No  6).  

 *  

La  sorcellerie  La  sorcellerie      

existeexiste        

Dans   la   dédicace   à   son   récent   ouvrage,   la  sorcellerie   n’existe   pas   (Abidjan,   Editions   du  CERAP,  2010)  le  Prof.  BOA  THIEMELE  Léon  Ramsès  m’écrivait   ces   quelques  mots   :   «  Au   Prof.   Dr.   AKE  Patrice,   il   nous   faut   nous   libérer   de   fausses  croyances.   Merci   et   bonne   lecture   ».   De   même,  dans  son  avant-­‐propos,   l’auteur  écrit   :  «  Révolté  à  la   fois  par   la   soumission   collective  à   l’idéologie  de  la   sorcellerie   et   par   les   effets   pervers   de   cette  même   croyance,   j’ai   voulu   exercé   mon   droit   de  révolte  ».  Pour  bien  assoir  notre  argumentation,  je  voudrais   que   nous   accordions   nos   violons   autour  de   l’objet   de   notre   recherche   :   la   sorcellerie,  qu’est-­‐ce  que  c’est  ?  

     

Pour   le   Prof.   BOA,   la   sorcellerie   «   est   une  production   de   notre   mentalité.   Elle   n’a   ni  consistance,   ni   existence   en   soi   ».   Pour   lui,   «   son  mode  de   fonctionnement   (est)   fondé  en  réalité  sur  un   principe   explicatif   du   désordre   ou   des   conflits  sociaux».   Ou   encore,   «   elle   est   une   simple  verbalisation  de  notre  souffrance  et  de  notre  désir  de  plénitude».    En  bon  rationaliste,  le  Prof.  BOA  nie  au   sorcier,   «   la   possession   (des)   pouvoirs  surnaturels».  

L’auteur   va   recourir   ensuite   à   la   psychologie  jungienne   pour   expliquer   rationnellement   la  sorcellerie.   La   sorcellerie   «  peut   être   comptée   par  (les)  réactions  face  à  certaines  situations  de  peurs,  

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d’angoisses  »   (p.   27).   Plus   loin,   il   soutient  catégoriquement   qu’il   «   serait   plus   juste   de  renvoyer   la   sorcellerie   à   une   production   de  l’inconscient   répondant   aux   structures   de   l’âme  humaine   et   relevant   des   formes   symboliques  »   (p.  93).  Une  question  que  nous  nous  posons  est  celle-­‐ci   :   comment   peut-­‐on   donner   des   définitions   à  quelque  chose  qui  a  priori  n’existe  pas  ?    

Quant  aux  définitions  proprement  dites  du  sorcier,  le  Prof.  Boa  distingue  le  sorcier  européen  qui  est  «  une   personne   censée   pratiquer   l’envoûtement   à  distance,  connaître  les  vertus  de  certaines  drogues,  se  métamorphoser  en  animal  tel   le  chat,  connaître  en   quelque   sorte   les   recettes   de   l’action  maléfique  »   (p.   27).     En   Afrique,   par   contre,   le  sorcier,   selon   les   termes   du   Prof.   Boa   est   «   un  villageois  »   (p.   29).   Il   ajoute   plus   loin,   «   c’est   un  paysan   illettré   sur   lequel   viennent   s’accumuler   les  haines  et   les   jalousies  de  ses  frères  de  misère  »  (p.  30).   Il   me   semble   que   le   Prof.   Boa   a   oublié   son  axiome  de  départ  et   il   s’expose  en  définitions   ;   lui  qui   avait   postulé   que   la   sorcellerie   n’existe   pas.  Tenez  par  exemple   :   «   le   sorcier   est  défini   comme  un   être   humain   mu   par   des   effets   négatifs   et  antisociaux   que   sont   la   haine,   la   jalousie,   le  ressentiment,  l’envie,  l’égoïsme  »  (p.  30).  Toutes  les  langues  africaines  ont  un  mot  pour  dire  sorcier,  ce  qui   prouve   que   la   réalité   existe   bel   et   bien   :   «   le  bayifo  en  Agni  ou  en  Ashanti,   le  kpalao  en  Abbey,  subaka   en   Bamabara  »   (p.   36).   A   ce   stade   de   la  question,  je  me  demande  pourquoi,  le  Prof.  Boa  a-­‐t-­‐il   nié   le   fait   de   la   sorcellerie,   pour   ensuite,  affirmer   l’existence   du   fait   de   sorcier.   Il   va  même  jusqu’à  affirmer  à  la  suite  d’autres  auteurs  comme  N’cho  Chayé,   l’existence  de   la   sorcellerie  noire  ou  vilaine   sorcellerie  ».  Quant   à   Jean-­‐Alexis  Mfoutou,  le   sorcier   (ndoki)   «   un   individu   suspecté   d’être  malfaisant.   Il   est   doté   du   pouvoir   maléfique   de  nuire   aux   autres,   il   attire   la   force   vitale   d’un   être  totalement   dépourvu   de   moyens   de   défense.   Le  ndoki   reste   dangereux   même   mort   car   il   se  transforme  en  mauvais  esprit,  en  démon  »  (p.  37).  

Le  Prof.  Boa  revient  ensuite  à  sa   langue  agni,  où   il  reconnaît   au   bayifo   «une   connaissance   obscure,  celui  qui  détruit».  Il  poursuit  en  disant  :  «  le  terme  bayefuo  est  composé  du  lexème  nominal  baye,  qui  désigne   un   pouvoir   d’agression   qui   s’exerce   de  manière  invisible,  et  du  morphème  dérivatif  fuo  qui  désigne   celui   qui,   la   personne  »   (p.   37).   Il   mange  l’âme   de   ceux   qu’il   veut   faire   souffrir,   par   des  actions   volontaires   ou   involontaires.   Le   Prof.   BOA  nous   entraîne   ensuite   dans   la   cosmogonie   des  religions   traditionnelles   africaines,   où   il   finit   par  avouer   que,   «   pour   la   société   traditionnelle,   le  sorcier   est   doué   de   pouvoirs   surhumains   grâce  auxquels   il   peut   se  métamorphoser   en   animal,   en  vent,   ou   tout   autre   objet,   pour   commettre   des  crimes…  contrairement  aux  hommes  ordinaires,  les  sorciers   ont   le   don   de   la   clairvoyance.   Ils   sont  capables   de   percevoir   des   choses   que   nous   ne  voyons  pas.  Ils  ont,  un  troisième  œil  qu’ils  utilisent  pour  passer  à  travers  l’espace  et  le  temps  »  (p.  46).    

Piteuse  conclusion  que  celle  qui  consiste  à  avouer,  après  moultes  négations,  que  «  la  sorcellerie  est  un  fait  social  indéniable.  On  ne  peut  nier  son  existence  en   tant  que  donnée   sociale  autonome  obéissant  à  ses  lois  selon  la  logique  interne».  Cette  conclusion,  franchement  très  contradictoire  m’a   fait  arrêter   la  lecture  du  livre  du  Prof.  BOA.  S’est-­‐il  rendu  compte  de  la  contradiction  qui  fonde  son  livre  ?    

Ayant   suffisamment   défini   l’objet   de   notre  recherche,   il   nous   revient   de   définir   à   présent   la  méthode  de  recherche  :  la  «  dégaoutique  »  ;    

2.   LA   METHODOLOGIE   DE   RECHERCHE   :   LA  DEGAOUTIQUE  

Le  Prof.  BOA  prévient  le  lecteur  en  l’informant  que  sa   méthode   de   recherche   s’appelle     «  la  dégaoutique  »,   dont   on   peut   tirer   le   verbe   «  dégaoutiser  ».  L’adverbe  «  dégaoutiquement  »  est  «   la   jonction  d’un  préfixe  «de»,  qui  a  un  caractère  privatif   et   d’un   radical,   «   gaou   »   qui   est   issu   du  langage   populaire   de   Côte   d’Ivoire,   le   Nouchi.   Le  

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Gaou,  c’est  le  niais.  Il  est  incapable  de  voir  la  vérité  qui   s’offre   à   lui   ;   c’est   celui   qui   s’abandonne   aux  informations   dérivées   des   sens   sans   exercer   la  fonction  critique  de   la   raison.   Le  gaou  croit  à   tout  ce  qu’on  lui  dit.  Il  devient,  en  fin  de  compte  la  proie  des  rumeurs  et  de   la  routine.  La  coutume  fondant  ses   choix,   il   se   réfugie   derrière   une   pensée  collective  »  (p.  94).    

La   «  dégaoutique  »,   «   en   tant   que   philosophie  critique  des  vérités  premières,  est  dépassement  de  l’évidence.   Elle   propose   une   lecture   complexe   du  réel   selon   une   rationalité   ouverte.   Toujours   à   la  recherche   de   la   diversité   de   signification   du  monde,   elle   prend   ses   distances   avec   les   discours  prétendant  détenir  la  norme  intangible  du  vrai  »  (p.  95).   A   entendre   le   Prof.   Boa   la   «  dégaoutique  »  estime   «   que   le   monde   est   trop   stable   pour  produire,   selon   les   ordonnances   surnaturelles  d’une   mauvaise   volonté,   des   changements  intempestifs.  A   lui  donner   raison,   le  mal,   le  diable  n’existe   pas.   Son   jugement   est   sans   appel   :   «   la  sorcellerie   est   simplement   un   système   que   les  représentants   des   valeurs   traditionnelles  exploitent  comme  moyens  totalitaires  de  privation  de   liberté,  de  contrôle  de   la  norme   idéologique  et  de  conjuration  du  désordre  »  (p.  109).    

CONCLUSION  

Magic  Système,  un  groupe  de  4  chanteurs  zouglou  a  revalorisé  le  concept  de  «  gaou  »  dans  leur  opus  célèbre  «  premier  gaou  n’est  pas  gaou,  mais   c’est  le   deuxième   gaou   qui   est   gnanta   ».   Le   Prof.   Boa  nous  a  pris  pour  des  gaous  de  la  raison,  en  voulant  nier  une  évidence  sociologique  :  «  la  sorcellerie  ».  Il  a  montré  au  départ  que  cette  réalité  relevait  de  la  psychologie.  Mais,  finalement,  il  a  mis  en  valeur  ce  qu’il   détruisait.   C’est   cela   la   vraie   gaouterie.   Il  faudrait  qu’il  essaie  une  autre  piste,  la  foi,  pour  voir  comment  lutter  effectivement  contre  la  sorcellerie,  car  la  sorcellerie  existe.    

Père  Jean  Patrice  AKE    

 

 

Immondices Un  

livre  de  JEAN  AMEA  

Genre : théâtre

Editions Menaibuc, Paris, 2008

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«  Immondices  »   est   une   œuvre   pleine   et  intelligemment   écrite  ;   elle   est   positivement  enivrante.      

Au   niveau   de   la   forme,   l’auteur   fait   usage   d’un  langage   accessible   à   tous  ;   pas   de   complication,  comme  qui  dirait.    Les  personnages  sont  choisis  dans  le   terroir   de   l’auteur.     Jean   Améa,   à   travers   les  différents   personnages,   plonge   le   lecteur   dans   les  

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méandres   du   cosmos   des   Akans,   peuple   de   Côte  d’Ivoire  et  du  Ghana  voisin,  sans  oublier   le  Bénin  où  ce  peuple  a  des  ramifications.      

«  Immondices  »  est  une  œuvre  de  recherche  de  très  haut  niveau  à  découvrir.  

Dans   le   fond,   le  dramaturge  démontre  que   les   têtes  bien  faites  existent  encore  et  partout.    Le  symbolisme  et  la  métaphorisation  utilisés  ici  emportent  le  lecteur  dans   des   dimensions   qui   voisinent   avec   une   saine  extase  que  l’on  rencontre  seulement  entre  les  lignes  des  grandes  œuvres.  

Nous   avons   ici,   l’histoire   des   politiques   qui   ne  tiennent   pas   compte   du   peuple  manipulé   à   souhait  pour  arriver  au  sommet.    Ces    politiques  qui  sucent  le  peuple   et   qui   le   laissent   mordre   la   poussière,   qui  l’utilise   comme   une   orange   que   l’on   presse   pour   la  vider  de  son   jus.    Pas   trop  à  dire,  osez,   lisez  et  vous  verrez…   Rappelons   que   cette   pièce   a   été   écrite   en  1982,   et   a   obtenu   le   Prix   de   la   meilleure   pièce  inédite,  au  3e  festival  de  théâtre  scolaire  de  Bouaké,  en   1984.   Un   livre   très   intéressant,   à   lire  nécessairement…  

L’auteur,   Jean   Améa    est   Professeur   de  Littérature,   critique  littéraire,   dramaturge  ivoirien.   Ancien  membre   dirigeant   du  Syndicat   des  Enseignants   des   Lycées  et   Collèges   de   Côte  d’Ivoire   (SYNESCI),  

membre   fondateur   du   Parti   ivoirien   des   travailleurs  (P.I.T).  Il  a  publié  divers  articles  et  participé  à  la  mise  en   scène   de   nombreuses   pièces   de   théâtre,   dont  «  Immondices  ».   Poète,   il   est   l’auteur,   entre   autres,  de  «  Cris  séditieux  »...  

*  

A lire prochainement :

Amo After, un noir, professeur d’université

en Allemagne au 18ème siècle  

 

 

Cette   rubrique   initiée   par   feu   Faustin   Dizo  Gnahoré,   historien,   a   pour   objectif   de  mieux  faire  connaître  l’histoire  de  la  Côte  d'Ivoire,  de  l’Afrique.  Parce  qu’il  nous  faut  nous  souvenir.  Parce   que   "tant   que   les   lions   n'auront   pas  leurs   propres   historiens,   les   histoires   de  chasse   continueront   de   glorifier   les  chasseurs".  Parce  qu’il  faut  donner  la  réplique  aux   manipulateurs   de   l'histoire,   de   notre  histoire.   Parce   qu’il   nous   faut   savoir   et  comprendre   les   événements   anciens   et  récents.  Parce  qu’il  nous  faut  éviter  de  répéter  les  erreurs  d’hier.  Parce  que  la  mémoire  n’est  jamais   figée.   Parce   que   la   mémoire   vit  toujours  au  présent,  constamment  réélaborée  en   fonction   des   interrogations,   des  préoccupations  et  des  conflits  de  nos  sociétés.  Parce   que   les   conflits   mondiaux   ont   le   triste  privilège  de  rassembler  l'éventail   le  plus  large  possible   des   atrocités   que   des   êtres   humains  sont   capables  d’infliger   à  une  autre  partie  de  l'Humanité.   Parce   que   c’est   dans   le   passé,  c'est-­‐à-­‐dire  dans  les  souvenirs  des  expériences  vécues,   que   l’on   puise   pour   construire   le  présent   et   l’avenir.   Nous   avons   le   droit   de  savoir.   Nous   avons   le   devoir   de   mémoire.  Ainsi   donc,   par   devoir   de   mémoire,   nous  

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lèverons   un   peu   plus   le   voile   sur   notre  histoire,   dans   chaque   parution.   Intervenez  !  Témoignez  !  Participez  !...  

 

La    F.E.A.N.FF.E.A.N.F    

(Fédération  des  étudiants  d'Afrique  noire  en  France)  

 La   Fédération   des   étudiants   d'Afrique   noire   en  France   (FEANF)   a   été   créée   en   1950   après   les  congrès   de   Lyon   (avril   1950)   et   de   Bordeaux  (décembre   1950),   auxquels   ont   participé  :     Alpha  Condé  (Guinee),  Seyni  Niang  (Sénégal),  Félix  Mounié  (Cameroun),  Francis  Romain  Wodié  et  Djéni  Kobina  (Côte  d'Ivoire),  Emmanuel  Bob  Akitani  (Togo),  Albert  Tévoédjrè  (Benin),  Noaga  Oualian  (Burkina  Faso).  La   liste   des   membres   de   chaque   nouveau   bureau  était   déposée   chaque   année   à   la   Préfecture   de  police   de   Paris,   au   Bureau   des   Associations  déclarées  ;   ce   changement   du   bureau   est   signalé  aussi  au  Journal  officiel  de  la  République  française.  

1er  congrès  ordinaire  tenu  les  21  et  22  mars  1951  à  Paris   A   ce   1er   congrès   ordinaire,   ont   été   élus  :  Solange   FALADE   (République   du   Bénin,   ex-­‐Dahomey)   présidente   du   Comité   Exécutif   de   la  F.E.A.N.F  ;     Amadou   Mahtar   M'Bow   (Sénégal)  Secrétaire   général;   N'Ki   Traoré   (Guinée   Conakry)  Secrétaire   adjoint  ;   Abdou   Moumouni   (Niger)  Trésorier.  

2è   congrès   ordinaire   (14-­‐15   avril   1952,   à   Paris).  Comité   exécutif   de   la   F.E.A.N.F.  :   Président  :  Edouard   Sankhalé   (du   Sénégal)   Vice-­‐président  :  Mamadou   Samb   (Sénégal).   Sécrétaire   général  :  Alioune   Ba   (Sénégal).   Premier   secrétaire   adjoint  :  Youssoupha   Sylla   (Sénégal).   Deuxième   secrétaire  adjoint  :  Babacar  Niang  (Sénégal).  Trésorier  :  Abdou  Moumouni(Niger).  

3è   congrès   (8   avril   1953   à   Paris).   Comité   exécutif  :  Président  :  Mamadou  DIA  (Sénégal).  Vice-­‐président  :  Alioune   BA   (Sénégal).   Secrétaire   général  :   Babacar  BA   (Sénégal).   Trésorier  :   Abdou  Moumouni   (Niger).  Trésorier  adjoint  :  Ignace  Yacé  (Côte  d'Ivoire).  

4è   congrès   (27-­‐28   décembre   1953   à   Toulouse)  Comité  exécutif  :  Président  :  Albert  Franklin   (Togo).  Vice-­‐président  :   Cheikh   Kane   (Sénégal).   Secrétaire  général  :   Babacar   Niang   (Sénégal).   Secrétaires  adjoints  :  René  ZINSOU  (Dahomey)  et  Bounama  Fall  (Sénégal).  Trésorier  :  Tidiane  Baïdy  Ly  (Sénégal).  

5è   congrès   (27-­‐30   décembre   1954   à   Paris):   Comité  exécutif  :   Président  :   Albert   Franklin   (Togo).   Vice-­‐présidents  :   Souleymane   Sy   Savané   (Guinée-­‐Conakry),   Daouda   Badarou   (Dahomey   et   Ibrahim  Ngom  (Sénégal).  Secrétaire  général  :  Pierre  Comnos  (Guinée-­‐Conakry).   Secrétaires   adjoints  :   Augustin  Campos(Dahomey),  Babacar  Ba   (Sénégal)   et   Saïdou  Djermakoye   (Niger).   Trésorier  :   Sana   Ouedraogo  (Haute-­‐Volta,   devenu   Burkina   Faso),   COSTA   Sylla  (Guinée),  président  (décembre  1968-­‐décembre  1969  et   1969/70).   MESSAN,   A.   (Togo),   président  (décembre  1970-­‐décembre  1971).    

MBEMBA,   Kiélé   Jean-­‐Martin   (Congo-­‐Brazzaville),  président  (décembre  1971-­‐décembre  1972).    

OUALIAN   Noaga   J.-­‐B.   (   Burkina   Faso,   ex-­‐Haute-­‐Volta),  président  (décembre  1972-­‐décembre  1973).    

QUENUM  Fidèle  (du  Bénin,  ex-­‐Dahomey),  président  (décembre  1973-­‐décembre  1974  et  1974/1975).    

KABRE   Bonaventure   (du   Burkina   Faso,   ex-­‐Haute-­‐Volta),  président  (décembre  1976-­‐décembre  1977  et  1977/1978,  et  1978-­‐1979).    

AKUGNAN  Nganga  (du  Congo-­‐Brazzaville),  président  (décembre  1975-­‐1976).    

Bibliographie  :    Amady   Aly   Dieng.-­‐   Les   premiers   pas   de   la  Fédération   des   étudiants   d'Afrique   noire   en  France   (FEANF),   (1950-­‐1955)  :   (de   l'Union  

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française   à   Bandoung),   L'Harmattan,   Paris,  2003.    

Amady   Aly   Dieng.-­‐   Les   grands   combats   de   la  Feanf  -­‐  1955-­‐1960,  Ed.    L'Harmattan,  Paris,  2009.  

Source  :    Wikipédia.    

Le  saviez-­‐vous  ?  D’où   viennent   les   noms   des  fleuves   de   Côte   d’Ivoire  :  Cavally,   Sassandra,   Bandama,  Comoé…  ?  

A  partir  du  15ème  siècle,  quand  les   Portugais   découvraient,  l’embouchure   d’un   fleuve   en  Afrique,  ils  donnaient  un  nom  à  ce  fleuve,  dans  leur  langue.  Ces  noms   ont   évolué   au   cours   des  siècles,   comme   le   montre   le  tableau  ci-­‐dessous.  

 

16ème  siècle  

17ème  siècle  

18ème  siècle  

19ème  siècle  

20ème  siècle  

Rio  de  

Calebo  

 

Growaly  

 

Growa  

 

Cavally  

 

Cavally  

 

Rio  Sam  Amdre  

 

Rio  Sam  Amdre  

Rio  de  San  

Andrea  

 

Sassandra  

 

Sassandra  

 

Rio  de  Barbas  

Rio  de  Lagoa  

Rio  Lahu  

 

Bandama  

 

Bandama  

 

Rio  Comoe  

Rio  Domes  

Rio  AKba  

 

Rio  Kunmwe  

Comoé  

 

*  

dd i a s p o ri a s p o ramaama    (Vie  et  activités  des  Africains  (Vie  et  activités  des  Africains      

de  la  Diaspora)de  la  Diaspora)    *

Dr  Serge-­‐Nicolas  NZI  

EEEnnnqqquuuêêêttteee      :::  

LLLeeesss      aaammmbbbaaassssssaaadddeeesss      iiivvvoooiiirrriiieeennnnnneeesss      

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Il   faut   simplement   que   les   choses   changent.  Positivement.   Il   faut   que   nos   ambassades   soient  véritablement  au  service  des  Ivoiriens,  des  ambitions  de   la  Côte  d’Ivoire  dans   les   relations   internationales  et  à   la  hauteur  de   la  mission  diplomatique  qui  est   la  leur,   sans   plus.   Voilà   pourquoi,   après   avoir    pris   le  temps  d’observer  nos  ambassades   ivoiriennes  à   l’étranger,   nous   nous   permettrons   de   divulguer   le  dossier  que  nous  avons  pu  réaliser.  Encore  une  fois,  il  ne   s’agit  pas   ici  d’une  guerre  dirigée   contre   telle  ou  telle  personne.   Il   s’agit  de  mettre  de   l’ordre  dans  ce  qui   représente   et   symbolise   l’image   et   le   visage  extérieur   de   notre   pays,   la   Côte   d’Ivoire.   Guerre   ou  pas,   il   faut   très   vite   revenir   aux   fondamentaux   de  notre  cheminement  dans  les  relations  internationales  et   aux   règles   élémentaires   de   la   représentativité  diplomatique.    

1ère    partie  

Mission  etMission  et

démissiondémission

de  nos  de  nos  ambassadeursambassadeurs    

En   plus   de   la   fonction   de   représentativité   de   son  pays,   un   Ambassadeur   répond   à   cinq   grandes  missions  fondamentales   :  1.  défendre   les   intérêts  de  son  pays  ;     2.  promouvoir  des   relations  amicales  ;   3.  développer   des   relations   économiques,   culturelles,  

scientifiques  et  militaires  entre  les  deux  pays  ;  4.  être  un  agent  de  liaison  pour  mieux  informer  son  pays  sur  les   réalités   et   les   potentialités   du   pays  d’accréditation  ;   5.   défendre   les   intérêts   de   ses  compatriotes   résidants   ou   de   passage   dans   le   pays  d’accréditation.  

En  plus  de  ces  missions,  un  Ambassadeur  est,  en  tant  qu’un  haut   fonctionnaire  au   service  de   l’Etat  de   son  pays,   également   chargé   de   conduire   et   de   faire  fonctionner  l’administration  de  l’Ambassade,  à  savoir  coordonner   et   animer   l’action  des   services   civils   qui  composent   la   mission   diplomatique   dont-­‐il   est   le  chef.  

La  démission  de  nos  ambassades    

Dans  la  réalité  la  plupart  des  ambassades  ivoiriennes  sont,  selon  nos  enquêtes,  mal  perçues  par   la  grande  majorité  de   la  diaspora   ivoirienne.   En  effet,   nombre  d’Ivoiriens   de   vivant   a   l’étranger   trouvent   que  certaines   ambassades   ne   jouent   pas   leurs   rôles,   ne  remplissent   pas   correctement   leur   mission  :   «  une  diplomatie  de   la  honte  »,  entend-­‐on  dire.  Une   façon  de   faire   allusion   à   l’exil   doré   lié   aux   porteurs   de  passeport  diplomatique  et  leur  famille,  aux  différents  dysfonctionnements   dont-­‐ils   font   montre   dans   la  délivrance   des   documents   administratifs   dont   les  ivoiriens  de  l’étranger  ont  besoin.  

N’évoquons  même   pas   les   petits   trafiques   d’attiéké  et   de   viande   d’agouti   qui   arrivent   par   la   valise  diplomatique,   qui   montrent   aussi   jusqu’où   on   peut  descendre   dans   la   bassesse.   L’établissement   des  passeports  biométriques  fut  l’occasion  dans  certaines  représentations  d’organiser  un  cafouillage  sans  nom.  

Ne  parlons  même  pas  de  l’inscription  des  ivoiriens  de  l’étranger   sur   les   listes   électorales.   Il   fallait   dans  certains  pays  se  lever  à  04h30  du  matin,  pour  faire  la  queue   en   plein   hivers   dans   un   froid   de   canard.  Sincèrement  ne  pouvait-­‐on  pas  trouver  une  meilleure  façon   de   le   faire   pour   des   gens   qui   ont   des  obligations   de   présence   sur   leur   lieu   de   travail   ?  Ne   soyez   pas   étonnés   que   dans   ces   conditions  certains   d’entre   nous   aient   carrément   préféré  renoncer  à   leurs  devoirs   citoyens  de   s’inscrire   sur   la  liste  électorale.  Là  aussi  l’information  n’a  pas  circuler,  ou  avait  été  confisquée,  sinon   livrée  à  une  partie  de  la   communauté   qui   s’était   organisée   en  conséquence.  

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Paris, Ambassade de Côte d'Ivoire en France  

 

 

 

 

Dans   quel   but   et   pour   quelle   motivation   une  ambassade  qui   représente   tout  un  peuple,  peut-­‐elle  jouer  à  un  jeu  aussi  dangereux  ?  À  ce  stade  de  notre  propos,   il   est   peut-­‐être   temps   de   rappeler   à   nos  ambassadeurs  qu’il  y  a  des  choses  qui  n’arrivent  pas  qu’aux  autres.  (A  suivre)  

Dr   Serge-­‐Nicolas   NZI,   Chercheur   en   communication  Lugano  (Suisse).  

*  

Prochainement  :    La     honte   et   les   souffrances   de  certains  ambassadeurs  africains  

 

*  

La  fuite    des  cerveaux  :    

Le  cas  des  médecins  LES  TRANSFERTS  FINANCIERS  DES  TRAVAILLEURS  AFRICAINS   résidant   à   l’étranger   se   sont   élevés,  en   2004,   à   quelques   20   milliards   de   dollars,   ce  qui   représente   environ   23   dollars   par   habitant.  Mais,   cette   fuite   des   mains   habiles   et   des  cerveaux   pose   de   sérieux   problèmes   dans   les  pays  d’origine,  en  particulier  dans  le  secteur  de  la  santé,   comme   le   soulignent   deux   rapports  (Global   Monitoring   Report   et   Global  Development   Finance)   publiés   les   6   et   12   avril  2005  par  la  Banque  mondiale.  

Selon  ces  rapports,  les  transferts  sont  supérieurs  aux   investissements   directs   étrangers,   qui  avaient   atteint   15   milliards   de   dollars   en   2004.  Mais,   la   Banque   mondiale   constate,   sans   en  évaluer  encore   le  coût,   l‘impact  négatif  de  cette  hémorragie   de   ressources   humaines   qualifiées,  surtout   en   ce   qui   concerne   les   médecins.   Par  exemple,   sur   environ   600   médecins   formés  depuis  1964  en  Zambie,  il  n’en  reste  plus  que  50  exerçant   dans   le   pays.   De   même,   sur   les   489  diplômés  de  la  faculté  de  médecine  du  Ghana  en  dix  ans,  298  sont  partis  a   l’étranger.   Le  Ghana  a  dû   faire   appel   à   200   médecins   cubains.   En  Ethiopie,   30%   des   médecins   se   sont   expatriés  entre   1968   et   2001.   II   y   a,   aujourd’hui,   plus   de  praticiens   nigérians   à   New   York   que   dans  l’ensemble   du   Nigeria  ;   idem   pour   le   personnel  médical   malawite,   plus   nombreux   dans   la   seule  ville   de   Manchester   qu’au   Malawi.   Ce  mouvement   risque,   selon   la   Banque,   de  s’amplifier  et  de  toucher  les  infirmiers  :  les  Etats-­‐Unis   ont   besoin   d’en   recruter   plus   de   500.000  d’ici  à  2015  et  le  Royaume-­‐Uni  plus  de  50.000.  

Samir   Gharbi,   Extrait   de   «  Les   chiffres   qui  parlent  ».  Source  :  Jeune  Afrique.  

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*  

Du  rififi  à   l’Ambassade  de  Côte  d’Ivoire  à  Londres,  à  propos   de   la   célébration   du   cinquantenaire   de  l’indépendance  ivoirienne  au  pays  de  la  Reine.  Notre  enquête  est  en  cours.  

*  

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Vérités Vérités et et

contrevéritcontrevéritésés

(Ils ont dit)  

(Proposez   des   «  Vérités   et  contrevérités  »,   avec   ou   sans  commentaires,   que   vous   souhaiteriez  partager   ou   discuter   avec   les   autres.  Nous   les   publierons   dans   cette  rubrique).  

&

Car,  qu’on  se  le  tienne  pour  dit,  une  enquête,  qu’elle  soit  judiciaire,  parlementaire  ou  d’une  autre   nature,   peut   aboutir   soit   à   la  confirmation   des   faits   reprochés   à   la  personne   mise   en   cause,   et   donc   à   sa  culpabilisation,   soit   à   l’infirmation   desdits  faits   visés,   et   donc   au   blanchiment   de   la  personne   mise   en   cause.   (Boga   Sivori,  journaliste,  Notre  Voie,  Abidjan.

&

Il   est   évident   que   l’Afrique   ne   sera   pas  construite  par   les  étrangers.  C’est  donc  nous  qui   nous   réclamons   de   cette   Afrique   qui  

avons   la   lourde  tâche  de   la  construire.  Alors,  qu’est  ce  qu’on  attend  pour  rentrer  et  mener  les   combats   qui   s’imposent   ?  L’irresponsabilité  des  Africains  passe  aussi  par  l’inaction   et   les   commentaires   stériles   dont  nous   sommes   les   acteurs   aujourd’hui.   Pour  combattre   l’aliénation   culturelle   en   cours  actuellement,  il  nous  faut  agir  sur  le  terrain  et  non  pas  depuis   l’Europe  en  attendant  que   le  Saint-­‐Esprit   vienne   chasser,   pour   nous,   les  dictateurs   et   autres   usurpateurs   du   suffrage  universel.  (Sly  Johnson.  Source  :  Permalien).  

&

Si   nous   devons   réfléchir,   alors   réfléchissons  très  bien.  (John  Tra,  Maryland,  USA)  

&

J’ai   vu   les   hommes   arracher   les   voiles   qui  cachaient   la   vérité.   Mais   ensuite,   quand   ces  mêmes   hommes   ont   enfin   tenu   le   pouvoir  entre   leurs   mains,   ils   ont   trouvé   ces   voiles  bien  utiles.  Ils  en  ont  même  fait  d’autres  et  la  vie  n’a  pas  changé.  Tout  ce  qui  est  arrivé  est  que   certains   avec   le   temps,   sont   devenus  différents  ».   (A.  K.  ARMAH,  «  L’âge  d’or  n’est  pas   pour   demain  »,   Ed.   Présence   Africaine,  1976.

&

Je   dois   mon   succès   à   plusieurs   excellents  professeurs   qui   m’ont   donné   confiance   en  moi   quand   j’étais   jeune,   pour   explorer   le  monde  de  la  connaissance.  (Bill  Gates).    

&

N'ayez   d'intolérance   que   vis-­‐à-­‐vis   de  l'intolérance.  (Hippolyte  Taine).  

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*

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Une  chronique  de  Fernand  Dindé  Agbo

 

Le triomphe de Le triomphe de la vérité et du la vérité et du

droitdroit        

   

Les   trois   journalistes,   dont   un   Français,   détenus  depuis   le   16   juillet   à   Abidjan   pour   «vol   de  document  administratif  »  après   la  publication  des  conclusions   d’une   enquête   judiciaire   sur   la   filière  cacao   ivoirienne,   ont   été   relaxés   lundi,   a-­‐t-­‐on  appris   de   source   judiciaire.   Rappelons   que   le  Français   Théophile   Kouamouo,   directeur   des  rédactions   du   journal   ivoirien   «  Le   Nouveau  courrier  »,   ainsi   que   les   Ivoiriens   Stéphane  Guédé  et   Saint   Claver   Oula,   directeur   de   publication   et  rédacteur   en   chef,   avaient   été   écroués   après   la  publication   d’un   article   reprenant   une   partie   du  réquisitoire,   resté   jusque   là   confidentiel,   du  procureur   Raymond   Tchimou   sur   des  malversations   présumées  dans   la   filière   cacao.   Le  tribunal  correctionnel  a  rejeté  les  accusations  de  «  vol  de  document  administratif  »  et  de  «  révélation  d’un   document   couvert   par   le   secret   ».   Les   trois  hommes   ont   en   revanche   été   condamnés   à   une  suspension  de  15   jours  de   leur   journal  et  à  payer  ensemble   une   amende   de   cinq  millions   de   francs  CFA   (7.500   euros)   pour   «   diffusion   d’information  

sur   un   dossier   judiciaire   non   encore   évoqué   à  l’audience  publique  ».  Par  ailleurs,   le  conseiller  en  communication   du   procureur   Tchimou,   Patrice  Pohé,   écroué   et   accusé   par   le   parquet   d’être   à  l’origine   de   la   «  fuite  »,   a   également   été   relaxé,   le  tribunal   ayant     jugé   que   «   le   vol   n’était   pas  constitué   ».     Ce   verdict   a   suscité   une   grande  clameur   dans   la   salle   d’audience   où   avaient   pris  place   de   nombreux   journalistes. Ainsi   donc,   le  droit  qui  devait  être  dit  a  été  dit,  bien  dit,  ce  lundi  26   juillet  2010,   au  Tribunal  de  Première   Instance  d'Abidjan.   Echec   et   mat   aux   thuriféraires   d'une  justice  d'une  autre  époque  qui  font  honte  à  la  Côte  d'Ivoire   !   Et   vive   le   journalisme   d’investigation!  C’est   le   cas   de   dire   que,   une   fois   de   plus,   notre  justice   nous   a   tirés   vers   le   bas.   Car,   c'est   tout   de  même   incroyable   que   des   journalistes   aient   été  arrêtés   pour   avoir   accompli   leur   devoir  

d'information,   et   sur   la   base   de   la   liberté   de   la  presse.  Que   ce   soit   le  Procureur  de   la  République  qui   l'ait   ordonné,   dans   un   état   dont   le   chef   a  promis   ne   jamais  mettre   en  prison  un   journaliste  dans   l'exercice   de   sa   profession,   c’est   un   fait  gravissime.   On   peut   vraiment   tout   se   permettre  dans   cette   Afrique   obscurantiste!   Heureusement,  le   droit   a   été     dit   et   la   Justice   a   triomphé,   n'en  déplaise  aux  adeptes  de  pratiques  judiciaires  d'une  

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époque   à   jamais   révolue!       Fernand Dindé AgboSource : Blog Fernand Dindé Agbo  

Libres  Propos  Cette   rubrique   est   la   vôtre.   Elle   est   vous  réservée   pour   vous   exprimer.   Librement.  Pour   vous   prononcer   sur   les   sujets  d’actualité.   Librement.   Pour   faire   partager  vos  opinions  et  vos  thèses...      

 

Autopsie  de  la  Autopsie  de  la  déontologie  médicale  déontologie  médicale  

en  Afriqueen  Afrique     :  :      

Le  cas  du  SénégalLe  cas  du  Sénégal    

 On ne peut, à moins d’être nihiliste, refuser d’admettre que des progrès appréciables ont été accomplis en matière de santé publique au Sénégal. Le maintien du taux de prévalence du VIH/SIDA, à un niveau enviable en Afrique, et les résultats probants obtenus dans la lutte contre le paludisme en sont quelques illustrations. Mais, fondamentalement, l’œuvre médicale dans les hôpitaux publics notamment, est gangrénée par une conscience médicale comateuse irrigant des attitudes professionnelles désastreuses voire criminelles. En effet, comment expliquer qu’un médecin ayant prêté serment et dépositaire d’une mission vitale de service public, puisse tourner le dos à un mourant au motif que l’établissement qu’il dirige n’a plus de place ? Ne se serait-il pas précipité sur lui pour lui apporter des soins élémentaires s’il s’agissait de son enfant ou de son conjoint ?

L’insouciance et l’écrasement de la dignité humaine, maintes fois reprochés aux Africains, ont fini par abattre la déontologie médicale. Au-delà de l’indignation que suscite ce deuil, il convient d’en faire l’autopsie pour essayer de comprendre comment des hommes et des femmes censés apporter des soins et du réconfort aux patients ont pu s’arracher à un minimum de conscience professionnelle pour hisser l’action publique médicale au pinacle de la grossièreté.

Les symptômes pathologiques de cette mal gouvernance hospitalière sont patents et la banalisation dont ils font l’objet confirme la thèse selon laquelle l’Africain, en général, n’a de respect, ni pour la vie, ni pour la mort. L’insalubrité, le népotisme et la désinvolture règnent en maîtres souverains dans les hôpitaux, centres, postes et cases de santé sous le regard passif des autorités et des usagers. Certains malades internés partagent des chambrettes malodorantes avec des souris et des cafards, témoins d’une saleté devenue ordinaire. Par exemple, à Dakar, dans certains centres de santé situés dans des quartiers chaotiques soumis à la dictature du bruit et du désordre, des badauds déambulent sottement dans les salles de soin, violant sans conscience l’intimité des malades, y compris celle des femmes en pleine séance d’accouchement.

Le Plan SESAM dédié aux personnes âgées est régulièrement piétiné. Au service d’accueil, le personnel n’a généralement aucune sollicitude

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envers des malades désespérés et fait preuve d’une lenteur administrative épouvantable devant des situations d’urgence. Le malade lui-même n’est pas respecté. Lorsqu’il arrive à des heures tardives, même aux urgences, il est boudé et soumis à un service minimum et désinvolte, coupable qu’il est de troubler le sommeil du personnel de garde. Le personnel médical est d’ailleurs généralement nonchalant, désagréable et parfois impoli, sauf lorsqu’il est soudoyé par les parents du malade. Lorsque le pensionnaire est une haute personnalité religieuse, politique ou économique, le personnel de service, tout en délaissant les patients ordinaires et inutiles, s’affaire autour de lui avec un zèle ostensible, dopé par l’espoir d’une récompense corruptive.

Aux malades ou à leurs accompagnants, on demande d’acheter une pléthore des médicaments dont la plupart sont manifestement inutiles. Le médecin en administre un ou deux et, anesthésié contre la honte, subtilise le reste pour le vendre astucieusement à d’autres patients.

A la cuisine, la viande fraîche et les autres aliments réservés aux malades sont quotidiennement détournés au bénéfice des employés qui les amènent à la maison pour leur ration quotidienne, sinon vendus au public. Certains employés profitent du sommeil des malades pour voler les fruits et le lait offerts par les visiteurs.

Les toilettes des salles d’hospitalisation sont horriblement sales et ce sont parfois les accompagnants qui les nettoient pour éviter que le malade n’attrape d’autres infections liées au manque d’hygiène.

Le laxisme et la permissivité dans le service public se sont donc emparés des milieux médicaux publics où l’on retrouve des balayeuses, d’anciens accompagnants de malade et des gardiens analphabètes qui, à force de rôder dans les couloirs de l’hôpital, sont devenus sages-femmes ou infirmiers de fait. Prétentieux et usurpateurs de titre, ils traitent des malades et commettent des erreurs fatales, occultées avec la complicité du médecin traitant.

Au lieu de s’acquitter du suivi correct des malades qu’ils viennent d’opérer, de nombreux médecins, détournés de la déontologie professionnelle par l’attrait du gain financier, les abandonnent à des mains inexpertes et courent vers les cliniques privées à la recherche d’interventions onéreuses. D’autres s’empressent d’effectuer une césarienne que rien n’impose pour empocher les honoraires de l’intervention chirurgicale. On ne peut pas reprocher à un travailleur de se soucier de sa situation financière après de longues années d’études, mais les préoccupations de carrière ou de gain facile ne doivent jamais primer sur des vies humaines.

Il est vrai que l’Etat doit assurer au personnel du service public hospitalier d’excellentes conditions de travail, compte tenu de la mission capitale dont il est investi. Mais, même si, dans ce sillage, les revendications du corps médical tendant à la revalorisation des conditions d’exercice de la profession sont défendables, rien ne justifie que

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d’innocents malades fassent l’objet de traitements désobligeants et cavaliers de la part de ceux-là mêmes qui sont appelés à les soigner et a sauver des vies humaines.

Il est vrai que les usagers ont aussi une part de responsabilité dans le désordre qui prévaut dans les hôpitaux publics. Certains malades s’amusent à consulter des charlatans et attendent d’être au bord de la mort pour aller accabler le médecin. Et lorsqu’on les retient pour hospitalisation, ils attirent une foule inutile de parents et amis affolés qui assiègent la salle d’hospitalisation et empêchent le personnel médical de faire correctement son travail. Des parents, sortis de villages lointains, campent dans le jardin de l’hôpital, le salissent, y passent la nuit alors qu’ils ne sont d’aucun secours au malade. Certains d’entre eux déposent leur baluchon au chevet du malade pour profiter des repas apportés par les proches parents.

Si de tels agissements sont particulièrement intolérables, c’est parce qu’ils sévissent dans un secteur directement lié à la vie humaine. Mais, en réalité, ils sont symptomatiques d’un malaise général et profond qui frappe le service public au Sénégal, comme dans tous les autres pays africains, et qui s’explique conjointement par le déficit d’esprit citoyen et la mauvaise éducation.

Que faire alors pour ressusciter la déontologie médicale ?

D’abord la prévention. Il faut, en effet, veiller à ce que la santé des personnes ne soit plus confiée à des bricoleurs peu conscients de la dignité humaine, bannir les recrutements douteux et recourir à des personnes de bonne moralité pour animer le secteur clé de la santé.

Ensuite, l’éducation. C’est connu, l’éducation au Sénégal est en lambeau. On a formé beaucoup de cadres et de techniciens, mais peu de citoyens. La connaissance du corps humain et des maux qui peuvent l’affecter ne suffisent pas pour faire un médecin du secteur public ; il faut, en plus, dans ce

métier sacerdotal, une conscience professionnelle et civique élevée qui résiste à l’appel de la corruption et du parti pris et qui s’aligne à la préciosité de la vie humaine.

Enfin le bâton, pour frapper, avec la dernière énergie, les pseudo médecins dont la négligence a causé des catastrophes impunies.

Dr Rosnert Ludovic Alissoutin,

Consultant international.

Proposez-­‐nous   des   textes   à   lire,   «  rares  »  (même   inédits)   de   vos   trouvailles,   dont   la  lecture  peut  être  enrichissante.  Merci.  

Libres  Propos    Cette   rubrique   est   la   vôtre.   Elle   est   vous  réservée   pour   vous   exprimer.   Librement.  Pour   vous   prononcer   sur   les   sujets  d’actualité.   Librement.   Pour   faire   partager  vos  opinions  et  vos  thèses...        

Evitons  de  poser  des  actes  non  indispensables    et  à  contre  courant    

du  bon  sens.  Il   y   a   de   cela   quelques   semaines,   des   journalistes  ont   été   incarcérés   pour,   dit-­‐on,   «  vols   de  documents   administratifs  ».   Le   chef   d’accusation  en   lui-­‐même   laisse   quelque   peu   perplexe.   Car,   il  s’agit   de   journalistes,   c'est-­‐à-­‐dire   des   hommes   et  

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des   femmes   dont   le   métier   est   d’informer,   donc  d’avoir   une   source,   notamment   :   quelqu’un   ou  quelque   institution  qui   leur   file,  d’une  manière  ou  d’une   autre,   volontairement,   et   donc   en   toute  connaissance  de  cause,  une  information.    

Les   journalistes  peuvent   aussi   s’informer,   sans   en  avoir   l’air,   car   ce   qu’ils   mettent   sur   la   place  publique   n’est   jamais   le   fruit   d’un   interrogatoire  musclé,   contrairement   à   la   police.   Plus   dune   fois,  des   journalistes   ont   été   convoyés   au   Palais   de  justice  d’Abidjan.  Ils  ont  aussi  été  convoyés  chez  le  Procureur,  M.   Tchimou,   dont   les   hommes   ont   fait  une  descente  musclée  à  la  rédaction  du  journal  Le  Nouveau   Courrier.   Un   vrai   film   d’espionnage.   Les  journalistes  ont  été  emmenés,  de  façon  policière  ou  cavalière,  menottes  au  poignet.  Et  pourtant,  Ce  ne  sont   ni   des   inconnus,   ni   des   bandits   de   grands  chemins.   Encore  moins  de  dangereux   récidivistes.  MM.  T.  Kouamouo,  St.  Claver  Oula  et  les  autres  sont  assez  connus  dans  le  monde  de  la  presse  nationale  et   même   internationale,   depuis   plusieurs   années.  Et   puis,   de   même   que   tout   accusé   jouit   de   la  présomption   d’innocence   (Ce   qui   oblige   à  sauvegarder   son   honneur   et   sa   dignité),   les  prisonniers  de  M.  Tchimou,  tels  que  nous  les  avons  présentés  sans  parti  pris,  devraient  bénéficier,  aux  yeux  des  geôliers,  d’un  a  priori  :  ils  ne  fuiraient  pas,  ils   ne   tenteraient   pas   de   s’évader.   Les   gardes  pénitentiaires  ont  donc,   tout  simplement,  manqué  de  discernement,  en  les  menottant.  Ils  n’ont  gagné  que   d’humilier   d’honnêtes   citoyens.   Car,  l’accompagnement   aurait   pu   se   faire   autrement.  Maintenant   que   des   photos   présentant   ces   gens  menottes   aux   poignets,   auront   fait   le   tour   de   la  planète,  que  dire  du  régime  de  M.  Laurent  Gbagbo,  qui   a   pourtant   dépénalisé   le   délit   de   presse   ?   Ne  va-­‐t-­‐on   pas   soutenir   que,   comme   du   temps   de  Bédié   qui   a   envoyé   do   nombreux   journalistes   en  prison,  nous  sommes  dans  la  continuité  de  régime  qui  dénie   la   liberté  de   la  presse  aux   journalistes  ?  Pourquoi   M.   Tchimou   et   ses   collaborateurs   ne   se  sont-­‐ils  pas,  en  premier  lieu,  inquiétés  de  chercher  en   leur   sein   les   vrais   coupables   ?   Le   «  vol   de  documents   administratifs  »   s’est-­‐il   réalisé   par  effraction   des   bureaux   de  M.   Tchimou   ?   Est-­‐ce   le  

produit   d’un   piratage   informatique?   Des   preuves  existent-­‐elles   et   qui   ont   permis   de   choisir   ce   chef  d’accusation  ?    

II   est   temps,   grand   temps   que   notre   système  judiciaire  revoie  ses  procédures  ;  car,  il  est  des  fois  où   certains   actes,   lorsqu’ils   sont   posés,   nous  renvoie  une  image  négative  tant  du  pays  que  de  la  corporation,   tout   simplement   parce   que   non  indispensables  et  à  contre  courant  du  bon  sens.    

Dr   Augustin   Guéhoun,   Enseignant-­‐chercheur,    Source:  Blog  Guéhoun  

   LE  CORBO  ET  LE  RENA    Y  a  in  Zoiso  on  s’appelé  lé  corbo  I  monté  sur  un  zarbre  en  haut  en  haut  Loin  là-­‐bas  pour  bouffé  son  fromage  Mais  y  a  in  animal  on  s’appelé  lé  Rena  Qui  vit  lui  I  dit  lui  :  Hé  !  Corbo,  bonjour!  Bonjour  Missié  Corbo  Ton  fromage  là  i  sent  bon  dé  Il  est  trop  bon  même  !  Quand  quelqu’un  i  lé  joli  comme  toi,  Et  pis  i  lé  pose  dans  bon  habitation  comme  ça  Joli  feuilles  de  l’arbre  là,  C’est  comme  un  Grand  Chef.  Tu  as  droit  mangé  bon  fromage  quê  !  Rena   i   dit   tout   ça,   tout   le   quisquia,   alors  corbo  i  content,  i  content  jusqu’à...  I  ouvri  son  bouche  grand  pour  faire  mâlin  Et  le  fromage  i  lé  tombé  Le  rena  i  prend  fromage  là  

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I  bouffé,  Et  pis  i  dit  corbo  O  kpô  !  Quand  quelqu’un  Moyen  blaguer  toi,  i  faut  dit  toi  que    tu  es  foutu.    D’après  La  Fontai.      Anoma   Kanié,   Fables   de   La   Fontaine  traduites   en   langage   créole   ivoirien,   in  «  Quand   les   betes   parlaient   aux  hommes  ».  Ed  CEDA,  1974.  

       

Cinquantenaire  des  

 

indépendances  africaines  

Le  cinquantenaire  des  indépendances  vu  par  des  intellectuels  africains  

Depuis le mois de janvier, et à tour de rôle tout au long de l’année 2010, les Etats africains, précédemment sous les tutelles française, britannique et, à un degré moindre, portugaise jusqu’en 1960, célèbrent (ou

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célèbreront) les cinquante ans de leur Indépendance. De Dakar à Tananarive en passant par Lomé et N’Djamena, de Brazzaville à Ouaga avec escale à Kinshasa, de Yaoundé à Brazzaville, ou d’Abidjan à Libreville, les pouvoirs en place aujourd’hui ont formellement considéré ces festivités comme le signe de leur «émancipation définitive», par rapport aux ex-puissances coloniales, en dépit de la réalité criarde des situations objectives existantes sur le continent. En effet, faisant fi du vécu réel dans leurs pays respectifs, les chefs d’Etat africains célèbrent en pompe cinq décennies d’une décolonisation qui, en vérité, n’est que de principe.

Se mettant au-dessus de ces festivités, vingt-huit cadres africains, intellectuels, experts dans différents domaines, ont publié un ouvrage collectif de grande densité. Cet ouvrage, coordonné par M. Makhily Gas-sama, ancien ministre de la Culture du Sénégal, fait le bilan des « politiques de gribouille » qui ont mis à genoux le continent africain, pourtant si riche de ses potentialités. Cet ouvrage vise à susciter la réflexion, à se projeter l’avenir. Pour ce faire, les auteurs se sont attelés, comme le dit Spero Stanislas Adotevi, à «saisir ce qui, aujourd’hui, est soi, comprendre de quoi il retourne ; nous donner les moyens de nous scruter, c’est-à-dire de retourner les poches de nos mémoires pour enfin descendre dans le puits de l’ombre et y cueillir quelque lumière».

Compte-rendu dans notre

prochaine édition. Si vous avez déjà lu ce texte, faites partager vos impressions et avis, envoyez-nous vos commentaires

et analyses.

*  

Mali  :  

Des  célébrations    

au  goût  amer  Pour   le   gouvernement,   les   célébrations   du  cinquantenaire   de   l'indépendance   permettent   de  souligner  les  progrès  démocratiques  du  pays.  L'envie  de  célébrer  ne  se  lit  toutefois  pas  sur  tous  les  visages  des  Maliens.   En   septembre,   ce   sera  au   tour  du  Mali  de  célébrer  ses  50  ans  d'indépendance.  Et,  à  Bamako  comme  à  Dakar,   au  Sénégal,   les   sommes  dépensées  pour  préparer  la  fête  suscitent  des  critiques,  voire  de  l'indignation   chez   les  Maliens.   «Si   le   peuple   n'arrive  pas  à  se  soigner,  à  s'éduquer  et  à  manger,  le  pays  ne  peut   pas   aller   de   l'avant»,   dénonce   l'un   d'eux,   que  notre  collaboratrice  a  rencontré.  

Dans  le  va-­‐et-­‐vient  chaotique  des  motos  et  des  taxis,  au  centre-­‐ville  de  Bamako,   l'imposant  monument  de  l'Indépendance   attire   les   regards   des   passants.   Le  slogan   apposé   sur   son  minaret,   «Le   cinquantenaire,  c'est   pour   vous»,   laisse   entendre   que   le   Mali   se  prépare  à  la  fête.  Et  pourtant...  

L'air   est   chargé   d'une   épaisse   poussière   rougeâtre  soulevée   par   la   valse   des   camions   qui,   nuit   et   jour,  déversent  du  gravier.  Passerelles,  échangeurs  à  voies  multiples,  troisième  pont  :  le  gouvernement  fait  tout  pour   que  Bamako   soit   la   plus   belle   des   17   capitales  africaines   qui   accueillent   cette   année   les  réjouissances  de  50  ans  d'indépendance.  

Mais,  pour   le  moment,   la  capitale  malienne  a  plutôt  des   airs   de   champ  de  bataille.   «Une   chose  est   sûre,  tout   sera   prêt   pour   les   célébrations   du   jour   de  l'Indépendance»,   assure   le   commandant  Magassouba,   de   la   direction   générale   de   la   police  nationale.  

La   poussière   retombera   le   22   septembre,   date  anniversaire   du   jour   où,   en   1960,   Modibo   Keita   a  officialisé   sa   présidence   du   Mali,   pays   indépendant  fondé  sur  le  territoire  de  l'ancien  Soudan  français.  

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Le  cinquantenaire,  pour  qui  ?    

Pour   le   gouvernement   malien,   ces   célébrations  permettent   de   souligner   les   progrès   démocratiques  du   Mali.   «Pour   le   pays,   c'est   l'occasion   de   se  retrouver   et   d'aller   de   l'avant.   Pour   les   Maliens   de  l'intérieur   et   de   l'extérieur,   c'est   l'occasion   de  communier»,   explique   Oumar   Hammadoun   Dicko,  président  du  Comité  du  cinquantenaire.    

Si,  comme  le  revendique  le  slogan,  le  cinquantenaire  est  pour  les  Maliens,  l'envie  de  célébrer  ne  se  lit  pas  sur   tous   les   visages.   «On   fête   si   on   a   progressé   et  qu'on  peut  manifester  notre  joie.  Si  le  peuple  n'arrive  pas  à  se  soigner,  à  s'instruire  et  à  manger,  le  pays  ne  peut  pas  aller  de  l'avant»,  dénonce  le  coordonnateur  de   Radio   Kayira,   Mahamadou   Diarra.  

Photo  d'archives,  Robert  Skinner,  La  Presse    

À  Kayira,   la   radio  des   sans-­‐voix,   pas  une   journée  ne  passe   sans   qu'une   personne   lésée   dans   ses   droits  appelle   à   l'aide.   «En  mai   dernier,   à   Sanamadougou,  l'État  a  mis  à  la  rue  en  une  seule  journée  150  familles  de   cultivateurs,   soit   environ   2000   personnes,   en   les  expropriant  de   leurs  propres   terres.  Des   cas   comme  ça,   nous   en   voyons   tous   les   jours,   ici»,   scande   le  juriste  de  Radio  Kayira,  Lassine  Cissé.  

Quelles  festivités  et  à  quel  prix  ?  

Pour   Mahamadou   Diarra,   les   sans-­‐voix   des   10  stations   de   Radio   Kayira   invalident   l'argent   investi  dans   les   monuments   et   les   festivités   du  cinquantenaire.   «Est-­‐ce   que   ce   sont   les   campagnes  d'information   et   les   activités   culturelles   qui   vont  nourrir   les   Maliens?»   ironise-­‐t-­‐il.   Le   gouvernement  

malien   a   déclaré   avoir   investi   7   milliards   de   francs  CFA   (14   millions   de   dollars)   dans   les   célébrations,  alors   qu'un   Malien   vit   en   moyenne   avec   1,80$   par  jour.  

À  ces  millions  s'ajoute  le  coût  d'un  important  projet,  la   Cité   internationale   de   l'Indépendance,   et   d'un  monument  du  cinquantenaire.  

Selon  le  président  de  la  Ligue  des  droits  de  l'homme  (LDH),   Amadou   T.   Diarra,   le   22   septembre   devrait  être   un  moment   pour   se   tourner   vers   l'avenir.   «On  aurait   dû   établir   des   discussions   dans   tous   les  quartiers,   dans   tous   les   villages   et   dans   toutes   les  langues  nationales,  explique-­‐t-­‐il.  Il  faut  que  les  jeunes  se   réapproprient   leur   histoire,   qu'ils   se   trouvent  d'autres   repères   dans   la   société   que   ceux   du  capitalisme  et  de  la  corruption.»  

Afin   d'interpeller   la   jeunesse,   le   comité   du  cinquantenaire   a   imaginé   des   activités   et   des  concours   dans   les   écoles.   Une   grève   illimitée   des  professeurs   déclenchée   le   19   mars   dernier   a  toutefois   chamboulé   le   programme   des   festivités.  «Quelle  indépendance  et  quel  avenir  faut-­‐il  fêter?  On  risque  de  passer  une  année  blanche  à   l'université  et  notre   gouvernement   dépense   des   milliards   pour  célébrer   quelque   chose   dont   on   se   fiche»,   martèle  Abdullah,  étudiant  en  économie.  

Avec  un  État  dénué  d'entreprise  publique  et  avec  des  systèmes  de  santé  et  d'éducation  défaillants,  par  quel  moyen  la  jeunesse  entrevoit-­‐elle  sortir  le  Mali  de  son  marasme?  La  question  demeure…    

Nancy  Caouette  Source  :  La  Presse  

 

 

*  

Comme M. Léandre Sahiri, (L F n˚ 1), M. Lanciné Camara, M. Zéré de Mahi, M. Nicolas Kouassi Akon, (L F n˚ 2), Mme Denise Epoté Durand (L F n˚ 3), Dr

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Séraphin Prao, M. Laurent Gbagbo, M. Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana (L F n˚ 4), Mme Simone Ehivet Gbagbo, M. Tiken Jah Fakoli, M.Sanou MBaye (L F n˚ 5)… M. Pierre Kipré, M. Alpha Ayandé, M. Frederic Couteau (L F n˚ 6)… Exprimez-vous sur les 50 ans des indépendances africaines.

 

 

La  parole  à…  

Dr  Claude  Koudou  Professeur  de  Physique,   Président  de   l’ONG  Convergences   pour   la   Paix   et   le  Développement  de  l’Afrique  

 

Se  poser  des  questions  et  y  apporter  des  réponses  

idoines  La   célébration   du   cinquantenaire   de   l’indépendance  des   pays   de   l’espace   francophone   est   une   occasion  pour   faire   le   bilan.   Il   s’agit   de   mesurer   le   chemin  parcouru  ;  de  se  poser  des  questions  et  d’y  apporter  des  réponses.  Par  exemple,  ce  qui  a  été  fait  pendant  50  ans  après   les   indépendances  est-­‐il  à   la  dimension  de  ce  que  nous  pouvions  attendre  ?  Où  en  sommes-­‐nous  ?  …  En  tout  état  de  cause,  il  nous  faut  poser  les  

jalons   des   perspectives   pour   l’émergence   de   notre  Afrique.   Il  nous  faut  explorer  sereinement  des  pistes  pour   trouver   des   solutions   menant   à   une  souveraineté   digne   de   ce   nom.   C’est   dans   cette  logique   que   les   Africains   pourront,   pensons-­‐nous,  décider   d’eux-­‐mêmes   de   ce   qui   est   bon   pour   les  Africains.   Il   nous   faut   amener   chacun   et   chacune   à  son   niveau,   à   revisiter   ses   pratiques,   afin   que   nos  agissements   apportent   à   la   construction   et  contribuent  à  élever  la  collectivité  africaine  dans  son  ensemble.  C’est  alors  tous  les  corps  de  métier  qui  en  tireront  profit.   Et,   ceci   jouera,   incidemment,  dans   le  recul  de  la  pauvreté  et  dans  l’élévation  du  niveau  de  vie   en   Afrique.   Il   y   a   donc   un   socle   à   bâtir   sur   des  fondamentaux   que   nous   devrons   clairement   définir,  dans   le   cadre   des   perspectives   pour   les   cinquante  autres  années  à  venir.  

Source  :  www.ongcpda.org  

*  

Sénégal  :  50  ans  fêtés  sur  fond  de  

démesure  M.  Abdoulaye  Wade  savoure  :  ce  samedi  3  avril  est  son  jour.  Il  est  arrivé  à  16h30,  à  bord  de  son  énorme  4x4  (un  "8x8",  disent  les  Sénégalais)  sombre  qui  l’a  déposé,  au  son  des  tam-­‐tams,  en  haut  de  la  colline,  au   pied   de   son   invraisemblable   monument   de   la  Renaissance   africaine.   Un   ouvrage   colossal   qui  figure  un  couple  et  son  enfant  s’élançant,  tout  cela  dans  un   très  pur   style  néo-­‐soviétique,   vers   l’océan  scintillant.   L’étrange   objet,   53   m   à   l’extrémité   du  doigt   de   l’enfant   -­‐   7  m  de  plus  que   la   statue  de   la  Liberté   -­‐,   domine   sans   partage   la   pointe   ouest   du  Sénégal,   à   Ouakam,   près   de   Dakar.   Il   est   l’œuvre  d’ouvriers  nord-­‐coréens,  experts   incontestables  en  constructions  figuratives  monumentales.    

Un  monument  controversé  

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Aux   alentours   s’étale   une   marée   de   bruyants  supporters  vêtus  de  tee-­‐shirts  jaunes  et  de  boubous  bleu  ciel   -­‐   les  couleurs  du  PDS,   le  parti  au  pouvoir   -­‐  que  des  cars  ont  amenés  de  tous  les  coins  du  pays,  moyennant,  souvent,  un  ou  deux  billets.  Tout  a  été  fait   pour   que   la   fête   soit   à   la   démesure   de  l’événement.  Des  partis  d’opposition  ont  bien  tenté  de   manifester,   le   matin,   pour   dire   le   mal   qu’ils  pensaient  du  monument  pharaonique  du  président  Wade  ;    mais,   leur   cortège  a   rencontré  peu  d’écho  face  aux  moyens  déployés  par  la  présidence  afin  de  susciter  une  liesse  populaire  de  circonstance.    

Pour  faire  un  happening  planétaire  de  sa  fastueuse  inauguration,  à  la  fois  coup  d’envoi  et  point  d’orgue  du   cinquantenaire   des   indépendances   africaines*,  M.   Abdoulaye   Wade   avait,   un   temps,   feint  d’espérer   la   venue  de  M.   Lula   et   de  M.  Obama   ;   il  doit   se   contenter   d’un   parterre   de   22   chefs   d’Etat  africains,   dont   le   président   ivoirien,   M.   Laurent  Gbagbo,   et   de   quelques   "guest   stars",   tel   le  révérend  américain   Jesse   Jackson.  La  France  a  été  mollement   représentée   par   son   ambassadeur,   M.  Jean-­‐Christophe  Rufin.  Elle  le  sera  aujourd’hui,  pour  les   cérémonies   du   cinquantenaire   de  l’indépendance   sénégalaise,   par   le   ministre   de  l’Intérieur,   M.   Brice   Hortefeux.   Ce   qui   n’a   pas  empêché  le  président  sénégalais  de  railler,  samedi,  certains   "négationnistes   qui   exaltent   aujourd’hui   la  prétendue   mission   civilisatrice   de   la   colonisation".  Une  véritable  controverse  entoure  le  monument.    

 

Alors  que  M.  Abdoulaye  Wade   jubile,  presque  tout  le  monde,  au  Sénégal,  est  choqué  par  la  statue.  Les  esthètes   d’abord,   bien   sûr.   "C’est   quand   même  vraiment  moche.  Ça  m’évoque  davantage  Ceausescu  que   l’Afrique,   juge   un   intellectuel   qui   préfère   que  son   nom   soit   tu.   Nous   avons   au   Sénégal   l’un   des  sculpteurs  les  plus  connus  au  monde,  Ousmane  Sow.  Mais,  il  a  été  écarté.  Deuxième  point,  quand  je  vois  le  prix  de  ce  caprice,  je  trouve  qu’il  y  a  un  problème  de  priorités".     Sur   un   tout   autre   registre,   les   imams,  eux  aussi,  vitupèrent   la  statue:  dans  un  pays  à  90%  musulman,   la   jupe   relevée   très   haut   de   la   femme,  qui  plus  est  en  surplomb  d’un  cimetière,  a  été  pour  le  moins  mal   perçue.   Réplique   de   Pierre   Goudiaby  Atepa,  l’architecte-­‐conseil  de  Wade:  "C’est  l’Afrique  d’aujourd’hui!  Mes  filles  portent  des  jupes  courtes,  et  alors?   De   toute   façon,   l’essentiel   est   d’éveiller   les  consciences   et   de   susciter   le   débat."   Sur   ce   dernier  point  au  moins,  la  réussite  est  très  nette.    

Une  vaste  escroquerie  ?  

La   principale   pomme   de   discord,   c’est   que   le  président  Wade   a   eu  beau   assurer   que   l’affaire   ne  coûtait   rien   au   pays,   il   n’a   pas   convaincu.   Le  montage  passe  par  l’octroi  de  terrains  d’Etat  à  une  société   privée,   qui   en   retour   rémunère   pour   12  milliards   de   francs   CFA   (18   millions   d’euros)   le  maître   d’œuvre   nord-­‐coréen.   "Une   vaste  escroquerie,   s’étrangle   Latif   Coulibaly,   patron   du  journal   La   Gazette.   Les   terres   sont   vendues   à   un  promoteur  affairiste,  Mbackiou  Faye,  pour  moins  de  5.000  F  CFA   le  mètre  carré.  Ces  mêmes  terrains  sont  rachetés   par   une   caisse   d’Etat   pour   150.000   F   le  mètre   carré,   soit   trente   fois   plus…   Une   fois   les   12  milliards   versés   aux   Coréens,   il   reste   15   milliards.  Partis  où?  Pour  qui  ?  Nul  ne  sait."    

Qui   pis   est,  M.   Abdoulaye  Wade   s’est   réservé   35%  des  droits  générés  par  l’exploitation  de  "sa"  statue,  qu’il  dit  avoir  conçue  lui-­‐même.  Il  assure  vouloir  les  verser  à  une  fondation,  présidée  par  son  fils  Karim,  pour   financer  un  projet  éducatif.   "Que   le  président  prenne  ainsi  des  royalties,  même  sous  couvert  d’une  

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bonne  cause,  c’est  quand  même  gênant",  estime  M.  Yoro  Dia,  consultant  et  chroniqueur  politique.    

Source  :  JDD,  31  juillet  2010.  

*  

A  lire  prochainement  :  

«  L’heure  des  comptes  »  Par  François  Soudan,    

(DIRECTEUR  DE  LA  REDACTION,  JEUNE  AFRIQUE).  

 

   

Chaînes    Quelles   sont   lourdes,   lourdes,   les  chaînes,    Que  le  Nègre  met  au  cou  du  Nègre.    Pour  complaire  aux  maîtres  de  l’heure.    De   grâce   n’arrêtez   pas   l’élan   d’un  peuple!  Brisons   les   chaînes,   les   carcans,   les  barrières,  les  digues.  Pour   inonder   l’univers   en   eaux  puissantes  Qui  balaient  les  iniquités.    Quelles   sont   lourdes,   lourdes   les  chaînes    Que  le  Nègre  met  aux  pieds  du  Nègre  Pour  complaire  aux  maitres  du  jour!    

Lourdes,  les  chaînes,    Lourdes,  lourdes,    Les  chaines  que  je  porte  aux  mains.    Que   tombent   tous   les   bâillons   du  monde  !!    Bernard  Dadié,    Hommes  de  tous  les  continents,    Ed.  Présence  africaine.    

 

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En   Afrique,   l'éducation   dans   son   ensemble   est  malade,   dit-­‐on.   Nous   nous   devons   de   diagnostiquer  le   mal   et   l’étendue   de   son   ampleur,   de   situer   les  responsabilités,     afin   de   préconiser   des   solutions.  C’est  l’objet  de  cette  nouvelle  rubrique  intitulée  «  Les  Dossiers  de  l’Education».    

Texte  nº  3  

Les  handicaps  du  système  éducatif  ivoirien  

 Le   système   éducatif   ivoirien   est   confronté   à   une  pluralité  de  problèmes  qui  peuvent  être  regroupés  en  cinq  (5)  grands  traits  que  nous  mettons  ci-­‐dessous  en  exergue,   en   vue   de   contribuer   à   la   recherche   des  solutions.  

 Le  premier  est  relatif  au  déséquilibre  entre   l’offre  et  la  demande.  Après  plus  de  deux  décennies  d’efforts  en   faveur   de   l’éducation,   certains   observateurs   et  spécialistes  sont  arrivés  au  constat  de  l’incapacité  de  combler   l’écart   entre   la   demande   et   les   possibilités  d’accueil   du   système   éducatif.   Les   différents  corollaires  de  ce  sombre  tableau  sont  l’inaccessibilité  de   la   scolarisation   totale,   la   régression   du   taux   de  scolarisation  qui  est  passée  de  80  %  dans  les  années  80   à   69,4   %.   De   même,   la   contrainte   majeure   qui  pèse   sur   le   SEI   est   liée   en   gros   au   facteur  démographique.   En   effet,   on   constate   que  l’expansion  de   l’enseignement  primaire  est  de  3,3  %  par   an,   alors   que   la   croissance   des   populations  scolarisables  est  de  l’ordre  de  4,4  %.  Par  conséquent,  bien  que   le  nombre  d’élèves  du  primaire  augmente,  le   taux   de   scolarisation   est   en   baisse.   En   outre,   les  capacités   d’accueil   au   niveau   du   secondaire  n’augmentent  pas  assez  vite  pour  absorber  les  admis  au   concours   d’entrée   en   sixième,  malgré   les   efforts  fournis   pour   promouvoir   l’enseignement   privé.   La  pression   démographique   atteint   également  l’Université   où   le   nombre   d’étudiants   s’accroît  d’environ   12,5   %   par   an.   Les   grandes   écoles  n’échappent   pas,   non   plus,   à   cette   pression.   Ce   qui  explique   qu’on   a   conduit   à   instituer   différents  concours  pour  y  avoir  accès.  

Le   second   répond   à   la   faiblesse   des   capacités   de  planification,   de   programmation   et   d’évaluation.   En  réalité,   en   matière   d’ouverture   d’école,   la  planification   n’a   pas   toujours   été   respectée,   c’est-­‐à-­‐dire   les   estimations   correctes   des   besoins  d’éducation,   surtout   de   marché   en   main   d’œuvre  n’ont   pas   été   effectuées.   On   n’a   pas   pris  suffisamment  en  compte   les  possibilités  budgétaires  de  l’Etat.  Par  ailleurs,  les  bilans  et  les  diagnostics  ont  été  négligés.  Au   total,   le   système  éducatif   ivoirien  a  évolué  sans  une  définition  claire  des  objectifs  et  des  finalités.  

Le  poids  des  dépenses  de  personnel,  de   transfert  et  d’intervention   constitue   la   troisième   véritable   épine  du  milieu  éducatif.  En  fait,  l’Etat  de  Côte  d'Ivoire  s’est  

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engagé   dans   une   revalorisation   audacieuse   de   la  condition   du   personnel   enseignant,   des   élèves   et  étudiants.   Pour   les  premiers,   c’est   le  décrochage  du  statut  général  de  la  fonction  publique,  les  logements  gratuits.   Pour   les   seconds,   c’est-­‐à-­‐dire   les   élèves   et  les  étudiants  ce  sont  les  attributions  de  bourses  et  les  aides   et   l’amélioration   des   conditions   générales  d’étude   par   la   gratuité   du   transport,   de  l’hébergement   et   de   restauration.   Des   subventions  accordées   à   l’enseignement   privé   laïque   et  confessionnel.   Face   à   cette   situation,   ces   dépenses  sont   considérées   comme   insupportables   d’autant  plus  que  leur  impact  sur  la  qualité  de  l’enseignement  n’est   pas   évident.   Les   dépenses   du   personnel   de  l’enseignement  représentent  98  %  du  budget.  Ce  qui  signifie   qu’il   reste   très   peu  pour   les   investissements  et   la   conséquence   c’est   le   manque   de   matériel  pédagogique  de  base.  

L’avant   dernier   point   porte   sur   la   dégradation   du  patrimoine   mobilier   et   immobilier.   Ici,   la   crise   va  conduire  à  des  restrictions  budgétaires  au  niveau  de  l’entretien   des   locaux   et   du   matériel   pour   les  nouveaux   investissements.   Cette   situation   provoque  la   dégradation   d’une   grande   partie   des  établissements   scolaires   et   universitaires.   De   plus,  l’encombrement   des   classes   par   les   effectifs  pléthoriques   accélère   également   l’usure   et   la  dégradation  du  patrimoine  mobilier.  

S’agissant   du   dernier   problème,   il   fait   allusion   au  faible   rendement   du   système.   Il   est   bon   de   relever,  sans   ambages,   que   les   résultats   obtenus   par   le  système   éducatif   ivoirien   sont   faibles   au   regard   des  moyens   colossaux   investis   dans   ce   secteur.   Pour   ce  faire,   deux   paramètres   permettent   de   mesurer   le  rendement   d’un   système.   Ce   sont   les   rendements  internes   et   externes.   Le   rendement   interne   du  système   s’apprécie   par   les   taux   d’admission,  d’abandon  et  de   redoublement.  Le   taux  d’admission  en   6ème   se   situait   autour   de   25  %   dans   les   années  1995.Sur  la  période  1990-­‐1994,  il  était  libellé  ainsi  21  %  en  1990,  22%  en  1991,  20  %  en  1992,  26  %  1993.  En   seconde,   la   situation   est   identique.   Le   taux   de  réussite   varie   autour   de   25   %.   Au   BAC,   il   tourne  

autour  de  20  %.  Le  taux  de  redoublement  au  niveau  des   différents   cycles   de   formation   sont   élevés   et   se  présentent  ainsi  60  %  au  CM2  dont  55  %  de  filles  et  45   %   de   garçons.   Pour   preuve,   la   chance   de   survie  d’une   cohorte   de   1000   élèves   de   CP1,   que   l’on  pouvait   noter,   il   y   a   quelques   années,   était   de   468  élèves   au   CM2,   soit   46,8   %   ;   126   en   6ème   ;   97   en  3ème  soit  9,7  %  ;  31  en  seconde  soit  3,1  %  et  de  13  en   terminale   soit   1,3   %.   Autrement   dit,   il   n’y   avait  que   13   élèves   qui   arrivaient   en   terminale   sans  redoubler  et  réussissaient  au  Baccalauréat.    

Le  système  éducatif  ivoirien  n’est  pas  très  productif  à  la  vérité,  on   le  voit  bien,   lorsque   l’on  considère,  par  exemple,   le   rendement   apparent   calculé   en  établissant  le  rapport  entre  les  effectifs  du  supérieur  (plus  de  80  000  étudiants)  et  ceux  du  primaires  (plus  de   1   600   000   élèves)   pour   la   même   période.   Au  regard  de  ces  chiffres,  on  se  rend  compte  que  notre  système   est   sélectif.   Il   comporte   des   goulots  d’étranglement.   Le   premier   se   situe   à   l’entrée   de   la  classe  6ème,  au  sortir  du  CM2,   le  second  à  partir  de  la   classe  de  3ème,  et   le   troisième  à   l’entrée  dans   le  supérieur   au   sortir   de   la   terminale.   Quant   au  rendement  externe,   il  pose   l’épineux  problème  celui  de   l’adéquation   de   l’éducation   aux   exigences   de  l’environnement   économique.   Il   s’agit   en   réalité   de  l’efficacité  des  produits  de  l’école  c’est-­‐à-­‐dire  le  taux  de  placement  des  diplômés  sur   le  marché  du  travail.  D’où,   la   problématique   de   savoir   si   les   ressources  humaines   produites   par   le   système   sont   toujours  conformes  aux  attentes  et  aux  besoins.  En   tout  état  de  cause,  il  existe  une  discordance  entre  les  produits  de   l’école,   et   la   qualification   ou   la   spécialisation  réelle   nécessaire   pour   assurer   une   croissance  économique.    

En  effet,  les  diplômes  qui  symbolisent  la  préparation  à   un   genre   de   travail   ne   correspondent   pas   aux  qualifications   et   aux   spécialisations   effectives   pour  accomplir   le   travail.   On   assiste   à   une   mauvaise  utilisation   des   gens   formés.   Par   ailleurs,   un   autre  problème   lié   au   rendement   externe   du   système  éducatif  est  celui  du  chômage  des  diplômés.  Au  fur  et  à  mesure   que   l’enseignement   se   généralise,   de   plus  

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en   plus   de   personnes   instruites   se   retrouvent   en  concurrence  serrée  devant  des  emplois  de  moins  en  moins  nombreux.    

Au   total,   il   faut   reconnaître   que   le   système  d’éducation   et   de   formation   a   été   conçu  exclusivement  pour  préparer  aux  emplois  urbains  du  secteur   moderne   alors   que   le   pays   est   à   vocation  rurale.   Il   importe   donc   de   créer   une   main   d’œuvre  prête  à  s’orienter  vers  l’agriculture  ou  vers  le  secteur  traditionnel  ou  non  formel.  

Jean-­‐Louis  Krah  

 

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Intervenez  !...     Témoignez  !...   Vos   avis   comptent…  Vos  contributions  sont  attendues.  

 

Texte  nº  4  

 

TunisieTunisie ::

14 étudiants tunisiens 14 étudiants tunisiens lauréats du concours lauréats du concours

d'agrégation en d'agrégation en

mathématiques en mathématiques en FranceFrance

Parmi 1336 candidats au concours d'agrégation en mathématiques, en France, 14 étudiants tunisiens de l'Institut Préparatoire aux Etudes Scientifiques et Techniques (IPEST) de Tunis ont réussi à passer le concours d'agrégation en mathématiques, organisé récemment en France. Les tunisiens ont brillé aux côtés de 592 lauréats Français et 34 venant d'autres nationalités. Une distinction qui vient à point nommée refléter l'efficacité et la réussite de l'approche tunisienne, en matière de formation universitaire dans plusieurs spécialités, telles que les mathématiques. A noter que ce concours international se déroule en adéquation avec à des critères scientifiques très stricts, et ce, sous la supervision de la commission des examens comportant de hautes compétences en mathématiques, de différentes nationalités.

Wajih

Texte  nº  5  

 

99  cas  de  grossesses  enregistrés    

dans  la  Direction  régionale  de  l'Education  Nationale  d'Aboisso  

 

«99   cas   de   grossesses   ont   été   enregistrés,   l’année  scolaire   dernière,   dans   la   Direction   régionale   de  l'enseignement   nationale     (DREN)   d'Aboisso»,   a  déploré   le   directeur,  M.   Jacques  Haoulé   Zirimba,   au  cours  du  séminaire  de  réflexion  sur  l'amélioration  des  résultats  scolaires,  tenu  les  27  et  28  octobre  2009,  à  Krindjabo.   Ce   séminaire   a   réuni   les   chefs  

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d'établissements   secondaires,   les   directeurs   de  Centres   d'animation   et   de   formation   pédagogique  (CAFOP)   et   les   responsables   des   Inspections   d'école  primaire   (IEP).  Ces   cas,   selon  M.  Zirimba,   sont   liés   à  l'environnement  moral  qui  n'est  pas  sain,  notamment  la   suppression   des   internats   qui   a   engendré  d'énormes   problèmes   sociaux   avec   des   élèves   sans  tuteur.   Les   foyers   qui   les   accueillent   sont   de  véritables   nids   de   débauche.   Ces   filles   dont   l'âge  varie  entre  15  et  20  ans  sont  livrées  à  des  prédateurs  qui  rôdent  autours  de  ces  foyers.  La  floraison  de  bars  et   de   clubs   vidéo   autour   des   écoles   aggrave   la  situation.  

A   l'environnement   scolaire,   s'ajoute   le   rendement  scolaire.   Les   résultats   ont   provoqué   une   véritable  onde   de   choc   dans   toute   la   région.   Il   s'agit,   entre  autres,  des  perturbations  de  l'année  scolaire  avec  en  toile   fond   les   grèves  des   enseignants  ou  des   élèves.  La   DREN   a   enregistré   des   résultats   catastrophiques.  «En  2007  elle  a  enregistré  94,  21%  d'admis  au  CEPE,  42,87%,  au  Bepc  et  34,07  au  Baccalauréat.  En  2008,  les   résultats   étaient   de   81,0%   au   CEPE,   23,71%   au  Bepc  et  30,4%  au  Bac.  En  2009,  ils  sont  de  79,49%  au  CEPE,   14,67%   au   BEPC   et   26,   60%   au   Bac».   Le  directeur  estime  qu'il  faut  arrêter  l'hémorragie  :  «Les  résultats  scolaires  connaissent  une  chute  libre.  Il  faut  mettre  en  place  des  actions  concrètes  pour  améliorer  les   conditions   de   vie   et   d’études   pour   pouvoir  améliorer   les   résultats   scolaires   dans   toute   la  région»,  a  affirmé  M.  Jacques  Haoulé  Zirimba.  

Emmanuelle   Kanga,     Grand-­‐Bassam,   Côte  d’Ivoire.  

 

Prochainement  :  «  Dans  le  Nord-­‐Est  de  la  Côte  

d’Ivoire,  la  plupart  des  enfants  ne  vont  plus  à  l’école  »    

Par  Jean-­‐Michel  Ouattara,  correspondant  régional  de  presse  

(A  lire  dans  notre  prochaine  parution)  

 

(Une  rubrique  initiée  par  feu  Faustin  Gnahoré,  historien,  pour  une  réflexion  critique  sur  les  faits  et  les  actes  qui  ont  cours  ou  qui  ont  eu  lieu  dans  pays  

du  golfe  de  Guinée,  et  en  général  en  Afrique)  

1  

 

Droits  de  l’homme,  pauvreté  et  misère  en  Afrique  :  le  cas  du  

Cameroun  

1ère  partie  

D’après Jack Donnelly, Les droits de l’homme sont littéralement les droits que chacun détient en tant qu’être humain. Cette idée, simple en apparence, produit des effets sociaux et politiques considérables. Parce qu’ils ont pour seul fondement d’être inhérents à la nature humaine, les droits de l’homme sont universels, inaliénables identiques pour tous. Ils sont l’apanage universel de tous les êtres humains. Et, aucun d’entre nous ne peut perdre ces droits, pas plus qu’il ne peut cesser d’appartenir à l’espèce humaine - quel que soit le traitement inhumain qu’il se voit infliger. Toute personne est investie des droits de l’homme et habilitée à les exercer.  

Les droits de l’homme, que chaque individu détient pour se protéger contre l’État et la société, servent de cadre de référence aux

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organisations sociales et de critère à toute légitimité politique. Là où ces droits sont bafoués d’une manière systématique, l’aspiration aux droits de l’homme peut revêtir un caractère véritablement révolutionnaire. Même au sein des sociétés où ils sont, dans l’ensemble, convenablement respectés, les droits de l’homme permettent d’exercer une pression constante sur les gouvernants pour que ceux-ci s’y conforment.  

Au sujet des origines des droits de l’homme, le même auteur ajoute que dans toutes les sociétés, il existe des notions de justice, d’équité, de dignité et de respect. Pourtant, la protection des droits de l’homme n’est qu’une façon parmi d’autres de mettre en pratique une conception particulière de la justice sociale. En fait, l’idée des droits de l’homme - la notion selon laquelle tous les êtres humains possèdent certains droits inaliénables - était étrangère à toutes les grandes sociétés occidentales et non occidentales avant les temps modernes.  

Quasiment, toutes les sociétés pré-modernes considéraient que les souverains avaient l’obligation de gouverner avec sagesse et dans le souci du bien commun et que leur mandat émanait d’un commandement divin, du droit naturel, de la tradition ou d’arrangements politiques. Il ne répondait pas au droit (ou aux exigences) de tous les êtres humains d’être gouvernés en toute justice. Dans une société bien organisée, les sujets étaient censés être les bénéficiaires des obligations politiques que remplissaient les souverains. Mais les citoyens n’avaient aucun droit naturel ou inhérent à la personne humaine qu’ils

auraient pu exercer à l’encontre de souverains injustes.  

Les droits de l’homme firent leur apparition en Europe, au XVIIe siècle. Le Deuxième traité du gouvernement de John Locke exposait pour la première fois une théorie pleinement développée sur les droits naturels. La théorie de Locke prend pour point de départ un état de nature présocial où des individus égaux ont un droit naturel à la vie, à la liberté et à la propriété.  

Toutefois, en l’absence de gouvernement, de tels droits n’ont guère de valeur. Il est quasiment impossible de les garantir par une action individuelle, et les litiges surgis à leur propos sont à leur tour source de graves conflits. Par conséquent, les individus s’organisent en sociétés, et les sociétés se donnent des gouvernements pour que ceux-ci leur fournissent le moyen d’exercer leurs droits naturels.  

Selon Locke, le gouvernement repose sur un contrat social entre gouvernants et gouvernés. Les citoyens ne sont contraints d’obéir que si le gouvernement garantit à chacun les droits de l’homme, lesquels sont moralement antérieurs et supérieurs aux impératifs et aux intérêts du gouvernement. Ce dernier trouve sa légitimité dans la mesure où il protège et élargit systématiquement la jouissance des droits de l’homme au profit des citoyens. À l’origine, l’idée des droits de l’homme était liée à l’essor des classes moyennes. À l’aube de l’Europe moderne, la bourgeoisie, prompte à condamner les privilèges liés à la naissance ou à la tradition, présenta des revendications politiques fondées sur l’égalité et les droits naturels inaliénables.

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Pourtant, cette révolution politique bourgeoise avait encore des limites étroites. Ainsi, malgré l’universalisme apparent de son apologie des droits naturels, Locke développait en fait une théorie destinée à protéger les droits des Européens de sexe masculin et propriétaires de biens.  

Les femmes, de même que les employés à gages des deux sexes, n’étaient pas considérées comme détenteurs de droits. Mais à partir du moment où apparut la notion de droits égaux et inaliénables pour tous, la charge de la preuve incomba à ceux qui voulaient refuser ces droits à autrui. La revendication d’un privilège pouvait s’appuyer, par exemple, sur une prétention à quelque supériorité raciale ou sur des élucubrations relatives à la transmission de qualités acquises. Les privilèges pouvaient être et furent effectivement défendus par le recours à la force. Mais après avoir admis la notion de droits inhérents à la personne humaine, les élites dominantes découvrirent qu’il leur était de plus en plus difficile d’échapper à la logique des droits de l’homme.  

 

Nombre des grandes luttes politiques qui ont eu lieu au cours des deux derniers siècles portaient sur l’élargissement des droits de l’homme. Les tentatives visant à étendre le droit de vote au-delà d’une petite élite de propriétaires fonciers provoquèrent de vives controverses dans la plupart des pays européens au XIXe siècle. Les revendications ouvrières pour l’obtention de salaires plus justes, pour le droit de se syndiquer, ou encore pour l’amélioration des conditions d’hygiène et de sécurité dans le travail

entraînèrent d’innombrables conflits politiques, souvent violents, jusqu’à la Première Guerre mondiale, un peu partout en Europe - et beaucoup plus longtemps encore aux États-Unis.  

[…]  

Au regard de la réalité du contenu des droits de l’homme, l’on comprend que l’Etat a un rôle très important à jouer dans leur respect. Or pour véritablement donner un sens aux droits de l’homme, la réunion de moyens matériels colossaux s’avère nécessaire. De ce fait, si les pays africains comme le Cameroun, sont caractérisés par la pauvreté et la misère, comment peuvent-ils parvenir à un respect concret des droits de l’homme ? Autrement dit, la pauvreté et la misère qui sévissent au Cameroun peuvent-elles être des obstacles au respect des droits de l’homme ?  

Ce questionnement nous plonge au cœur de la problématique de la réalité de la pratique des droits de l’homme au Cameroun. Pour y apporter des éléments de réponse, nous examinerons d’une part l’importance des moyens dans la réalisation des droits de l’homme (I) et d’autre part, la nécessité de faire du respect des droits de l’homme un combat permanent, une priorité (II). (A suivre)  

Willy Tadjudje, Université de Yaoundé II SOA, Faculté de Droit, Consultant indépendant sur les questions de droit foncier en Afrique noire francophone.  

 

Prochainement :  

 

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L’importance des moyens dans la réalisation  

des droits de l’homme  

 

 

 

 A  lire  prochainement  :  

Adresse  aux  chefs  d'État  des  pays  d'Afrique  francophone    

Par  Le  COMITÉ  POUR  LA  PROTECTION  DES  JOURNALISTES  (CPJ),  organisation  

indépendante,  à  but  non  lucratif  basée  à  New  York  et  dévouée  à  défendre  la  liberté  de  la  presse  dans  le  monde  depuis  1981.  Contact  :  

www.cpj.org  

 

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Les  Mémoires    d'outre-­‐tombe  

de…    Bamba  Abdoul  Karim  

Cette   rubrique   est   réservée   pour   faire  découvrir   ou   redécouvrir   les   textes   de  certaines  personnes  trop  tôt  disparues.  Nous  ouvrons  cette  rubrique  par  les  écrits  de  notre  ami  Bamba  Abdoul  Karim,  Journaliste  émérite  et   farouche   défenseur   des   droits   et   libertés,  fondateur   du   journal   «  L’Exilé   Africain  ».  C’était   un   grand   homme   de   culture   et   de  conviction.   Il   est   décédé   le   22   décembre  2006,   à   Londres,   des   suites   d’une   longue  maladie.        

 

Robert  Guéi  ne  vaut  

pas  Toumani  Touré  Amadou  Toumani  Touré  ou  encore  ATT,  c’est  le  nom  de  ce  digne  Général  des  forces  armées  maliennes  qui  a   fait   dégringoler   en   mars   1991,   le   sinistre  Moussa  Traoré  jusqu’au  pied  du  mont  Koulouba.  Apres  quoi,  il  a  organisé  des  élections  présidentielles  auxquelles  il  

n’a  pas  pris  part  et  qui  ont  porté  au  pouvoir  M.  Alpha  Oumar  Konaré.  

Au   Niger   aussi,   le   Commandant   Daouda   Malam  Wanké   a   organisé   un   scrutin   présidentiel   (il   n’était  pas   non   plus   candidat)   après   avoir   fusillé   le   9   avril  1999   le   dictateur   Ibrahim   Mainassara   Baré   et   au  terme   d’une   brève   transition.   Comme   Robert   Guéi,  Toumani   Touré   et   Malam   Wanké   ont   fait   irruption  sur  la  scène  politique  pour    «  balayer  la  maison  ».  Les  officiers  malien  et  nigérien  se  sont  retirés  comme  ils  l’ont   promis   à   leur   peuple   respectif.   Ce   respect  scrupuleux  de   la  parole  donnée     vaut   aujourd’hui,   à  Toumani   Touré   et   à   Malam   Wanke,   admiration   et  respect.   Non   seulement   au   Mali   et   au   Niger,   mais  aussi  au  plan  international.    

Photo  Guéi  Robert  ici  

En  Côte  d’Ivoire  un  certain  Robert    Guéi  s’est  emparé  du   pouvoir.   Comme   ses   homologues   nommés   plus  haut,  il  a  dit  être  venu  (de  son  Biankouma  natal)  pour  balayer.   Il   a   promis,   comme   ATT   et   Wanké,   de   se  retirer  après  la  transition.  Mais,  M.  Guéi  Robert  n’est  pas   ceux   à   qui   il   voulait   ressembler.   Contrairement  aux   dignes   officiers   malien   et   nigérien,   lui,   Robert  Guéi   est   un   assoiffé   de   pouvoir   et   d’argent,   Lui,  Robert  Guéi,   il  ne  pouvait  pas   se   retirer.   Lui,  Robert  Guéi,   il   n’est   pas   capable   d’honorer   une   promesse.  Lui,   Robert   Guéi,   il   ne   connaît   ni   la   honte,   ni   le  déshonneur.  Lui,  Robert  Guéi,   il  est  candidat.  Même  s’il  n’a  aucun  projet  de  société,  aucun  programme  de  gouvernement.  Alors,   il  s’est  débattu  pour  s’imposer  â  un  peuple  qui  ne  lui  a  rien  demandé.  C’est  à  la  fois  triste  et  honteux!  

Bamba   Abdoul   Karim,   in   «  L’Exilé   Africain  »,  septembre  2000.  

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Les propos injurieux, diffamatoires, racistes, etc., sont strictement interdits, entre autres conditions, pour la publication des textes dans « Le Filament ». Nous privilégions le débat d’idées et la courtoisie.  

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La Vie des mots et des

expressions  Les mots et les expressions, tout comme les êtres humains, ont une origine, une histoire, une vie. Et, le fait de connaître les mots et les expressions, non seulement permet d’enrichir notre vocabulaire, mais aussi et surtout, cela « nous conduit, comme le dit Platon, à la connaissance des êtres et des choses ». Voilà pourquoi, cette rubrique est ouverte, à tous et à toutes, pour faire découvrir ou redécouvrir ou mieux faire connaître l’origine, l’étymologie, la valeur et le bon usage des mots et des expressions que nous utilisons plus ou moins souvent, peu ou pas... Voici l’expression du mois :

« Avoir tort » A l’occasion de « l’Affaire Tagro-Koulibaly » qui, ces dernières semaines, a occupé crucialement l’actualité ivoirienne, le mot « tort » et son corollaire « raison » ont fait couler beaucoup d’encre et de salive. Un lecteur a suggéré de revenir en long et en large sur le mot « tort ». C’est ce que nous avons fait.

Le mot TORT, est du latin tortus (contraire au droit) ou torquere (tordre), désigne un dommage, un préjudice, une faute, une

erreur, c'est-à-dire un acte opposé à la raison, à la justice, du moins un état ou une action contraire a la vérité, au droit, a la raison.

Ainsi, « faire tort à quelqu'un » signifie être injuste envers lui. (Ex : cela ne fait de tort à personne) ; « être dans son tort », « avoir tort”, c’est ne pas avoir raison, être en faute. De la même manière, « donner tort à quelqu'un », c’est déclarer à quelqu'un qu'il n'a pas raison. Notez que « A tort » signifie : injustement, sans raison, injustement, sans motif et « A tort et à travers » : sans discernement, etc. Aggraver un (ou son) tort : rendre plus lourde une faute ou s’enfoncer dans l’erreur, etc. On a dit aussi : de tort et de travers, (Ex : Il en faut discourir de tort et de travers. Régnier, Satires), À tort et à droit, c'est-à-dire sans examiner si la chose est juste ou injuste, (Ex : Il veut ce qu'il veut, à tort et à droit). À tort ou à droit signifie avec droit ou sans droit, avec raison ou sans raison, etc.

Remarques

Ne pas confondre ce mot avec ses homonymes : taure (génisse) ; tore (moulure. surface de révolution) ; torr (unité de mesure de pression) ; tors (=tordu. Au féminin : torse. Ex : des jambes torses).

Expressions et emploi de « tort»

À tort. C'est à tort que l'on prétend que... Accuser, condamner, incriminer, inculper quelqu'un à tort. Croire quelque chose à tort. Disculper quelqu'un à qui on impute une faute à tort. Dire ou faire ou prétendre quelque chose à tort. Incriminer quelqu'un à tort. Soupçonner ou suspecter quelqu'un

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à tort. Ressentir à tort quelque chose comme étant…

Tort à. Je lui demanderai si j'ai fait tort à exposer les faits

À tort et à travers. Dépenser à tort et à travers. Employer (un mot) à tort et à travers. Parler à tort et à travers.

À tort ou à raison. Passer pour un imbécile, ou pour un intellectuel à tort ou à raison.

En tort. Être en tort.

Avoir tort. J'ai eu tort, je le confesse. Il n'a pas (tout à fait) tort. Il n'a aucun tort. On aurait tort de dire, de croire que... Cela n'empêche pas que vous ayez tort. Vous auriez tort de vous gêner. Les absents ont toujours tort. Avoir tort de faire quelque chose. Déclarer que quelqu'un a tort. Montrer à quelqu'un qu'il a tort. Vous n’avez pas tout à fait tort.

Donner tort. On ne peut que lui donner tort. Les faits lui ont donné (ou lui donnent) tort.

Le tort, du tort, des torts, son tort, ses torts. Avoir le tort de faire quelque chose. Demander réparation d'un tort. Avoir des torts envers quelqu'un. Avouer un (ou ses) tort. Chercher des torts à quelqu'un. Confesser ses torts. Énumérer ou examiner les torts de quelqu'un. Prouver ses torts à quelqu'un. Reconnaître ses torts. Causer du tort ou faire (du) tort à quelqu'un ou à quelque chose. Convenir de son tort. Être dans son tort. Mettre quelqu'un dans son tort. Occulter des torts. Oublier les torts de quelqu'un. Subir des torts. Réparer le tort qu'on a causé. Réparer ses torts. Se causer du tort à soi-même. Se faire du tort. Se mettre dans son tort. Se sentir dans son tort. Torts

partagés, exclusifs, réciproques. Exposez les torts qu'on vous a faits. Son seul tort a été de lui faire confiance. Tous les torts sont de son côté. Redresseur de torts. « Sa fierté ne s'adoucit que lorsqu'il reprend ses avantages et qu'il met l'autre dans son tort. (La Bruyère).

Aux torts de. Prononcer un divorce aux torts du mari. Prononcer un divorce aux torts exclusifs, réciproques.

Proverbes

Qui doit a tort.

Le mort a toujours tort (= un homme mort ne pouvant se défendre, on rejette la faute de beaucoup de choses sur lui. On dit dans le même sens : Les absents ont tort).

La mort a toujours tort, se dit pour accuser les médecins, qui rejettent sur le compte de la maladie ce qui pourrait être le fait de leur inhabileté ou incompétence.

Quelques citations

Avoir trop tôt raison ne veut pas dire qu’on a tort. Gérard Tagro Lékadou.

C'est avoir déjà tort que d'avoir trop raison. Le Brun, A M. de Brancas.

Nul, en effet, n'a tort quand tous radotent. William Shakespeare, Peines d'amour perdues.

Au moment où l'on te cause un tort, adoucis ton amertume par le souvenir de tous les torts que tu as causés. Jacques Deval, Afin de vivre bel et bien.

Les querelles ne dureraient pas longtemps si le tort n'était que d'un côté. La Rochefoucauld, Maximes.

Avouer qu'on a eu tort, c'est prouver modestement qu'on est devenu plus raisonnable. Jonathan Swift.

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Malheur aux gens qui n'ont jamais tort ; ils n'ont jamais raison. Charles Joseph de Ligne, Mes Ecarts.

On n'éprouve aucun plaisir à avoir raison si on ne peut pas démontrer aux autres qu'ils ont tort. William Hazlitt.

C'est avoir tort que d'avoir raison trop tôt. Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien.

La majorité a toujours tort. Parce qu'elle est composée d'imbéciles... Léo Campion.

La mort, qui a toujours tort, a raison de chacun. Jacques Sternberg.

Dans votre bouche comme dans celle de tout le monde, "il a tort" veut dire : "Il ne pense pas comme moi". "Il a raison" signifie : "Il est de mon avis". Alphonse Karr.

On n'a recours aux invectives que quand on manque de preuves. Diderot, Pensées philosophiques.

Ceux qui, sans nous connaître assez, pensent mal de nous, ne nous font pas de tort : ce n'est pas nous qu'ils attaquent, c'est le fantôme de leur imagination. La Bruyère, des Caractères.

Vous n'avez pas raison ou tort parce que d'autres sont d'accord avec vous. Vous avez raison parce que vos faits sont exacts et votre raisonnement est juste. Warren Buffett.

En politique, il vaut mieux avoir tort avec ses amis que raison avec ses adversaires. Edouard Herriot.

Les injures atroces n'ont jamais fait de tort qu'à ceux qui les ont dites. [Voltaire, Conseil à Louis Racine.

Dans les discussions les injures sont les raisons de ceux qui ont tort. Chamfort, Caractères et anecdotes.

Les prophètes ont toujours tort d'avoir raison. Boris Vian, L'Herbe rouge.

C'est quand on a raison qu'il est difficile de prouver qu'on n'a pas tort. Pierre Dac.

Les ignorants sont toujours vexés d'avoir tort. C'est d'ailleurs à ce signe qu'on les reconnaît. Adrienne Choquette, La Coupe vide. Etc.  

Humour

 

A  tort  ou  à  raison  

 On  ne  sait   jamais  qui  a  raison  ou  qui  a  tort.    C'est   difficile   de   juger.   Moi,   j'ai   longtemps  donné   raison  à   tout   le  monde.   Jusqu'au   jour  où  je  me  suis  aperçu  que  la  plupart  des  gens  à  qui   je   donnais   raison   avaient   tort   !   Donc,  j'avais   raison   !   Par   conséquent,   j'avait   tort   !  Tort  de  donner  raison  à  des  gens  qui  avaient  le  tort  de  croire  qu'ils  avaient  raison.  C'est-­‐à-­‐dire   que   moi   qui   n'avais   pas   tort,   je   n'avais  aucune   raison   de   ne   pas   donner   tort   à   des  gens  qui  prétendaient  avoir  raison,  alors  qu'ils  avaient   tort   !   J'ai   raison,   non   ?   Puisqu'ils  avaient   tort   !   Et   sans   raison,   encore   !   Là,  j'insiste,  parce  que   ...  moi  aussi,   il   arrive  que  j'aie   tort.   Mais   quand   j'ai   tort,   j'ai   mes  raisons,   que   je   ne   donne   pas.   Ce   serait  reconnaître   mes   torts   !!!   J'ai   raison,   non   ?  Remarquez...   il   m'arrive   aussi   de   donner  raison  à  des  gens  qui  ont  raison  aussi.  Mais,  là  encore,   c'est   un   tort.   C'est   comme   si   je  donnais   tort   à   des  gens   qui   ont   tort.   Il   n'y   a  pas   de   raison   !   En   résumé,   je   crois   qu'on   a  toujours   tort   d'essayer   d'avoir   raison   devant  des  gens  qui  ont  toutes  les  bonnes  raisons  de  croire  qu'ils  n'ont  pas  tort  !    

(Raymond  Devos)  

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La  Presse    Des  Presses  Une  chronique  de  Sylvain  

de  Bogou

   Cher   lecteur,   chère   lectrice,   Dans   cette  rubrique  intitulée  «  La  Presse  des  Presses  »,  nous   passerons,   au   peigne   fin,   sans   faux-­‐fuyant,   ni   faux-­‐semblant,   les   articles   de   la  presse  ivoirienne.    Nous  pourrons  sortir  du  cadre     ivoirien,   de   temps   en   temps,   en   cas  de   nécessité   et   dans   le   souci   premier  d’ouvrir  un  débat  plus  large,  susceptible  de  changer   les   choses   en   Côte   d’Ivoire,   en  Afrique  et  partout  dans  le  monde,  pourquoi  pas.    Telle  est  notre  ambition.  Nous  prenons  très   au   sérieux   le   rôle   des  médias   dans   la  cité   et,   de   ce   fait,   nous   irons   là   où   il   faut  pour,   dans   chaque   parution,   vous   offrir,  chers   lecteurs   et   lectrices   du   Filament,   un  repas  intellectuel  bien  confectionné  et  bien  servi.   Bien   entendu,   vos   contributions,  observations  et  suggestions  seront  toujours  les  bienvenues.      Sylvain  de  Bogou.    

 

 

Tableau  d’Honneur De  même  que,  dans  les  écoles,  on  affichait  autrefois  sur  un  tableau,  sous  les  yeux  de  tous,   les  noms  des  premiers   de   telle   ou   telle   discipline,   nous   avons  institué   cette   rubrique  «  Tableau  d'Honneur  »  pour  «  épingler  »,   mettre   en   lumière,   les   personnalités  qui   se   sont   distinguées   ou   se   distinguent   par   leur  intelligence  et  par  la  qualité  exceptionnelle  de  leurs  activités,   de   leurs   professions   ou   de   leurs  inventions...   Afin   de   mieux   les   faire   connaître   et  pour   que   leurs   vies   et   leurs   réalisations   puissent  servir   de  modèles,   du  moins,   puissent   faire   boules  de  neige.

Fawzia ZouariFawzia Zouari Professeur, romancière et Professeur, romancière et

journalistejournaliste

Nous avons choisi de mettre à notre Tableau d’Honneur de ce mois d’août, encore une dame, mais pas n’importe laquelle. Puisque Mme Fawzia Zouari, car c’est d’elle qu’il s’agit, est Docteur en Littérature française et comparée de l’université de la Sorbonne de Paris.

Née en Tunisie, originaire de la région du Kef, non loin de l'Algérie, Fawzia Zouari est arrivée à Paris en 1979. Par bonheur, Paris lui a, d’emblée, ouvert grandes de nombreuses portes, notamment dans les domaines les plus

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variés de la culture, de l’éducation et de la communication. Elle a, en effet, travaillé dix années durant, de 1987 1996, pour l’Institut du Monde Arabe, à différents postes, en tant que animatrice culturelle, rédactrice du magazine Qantara, entre autres. Avant d'être à   l'Institut du monde arabe, elle a en charge les relations de presse pour des expositions de peinture à  l'ONU. Elle a également participé à  des ateliers de théâtre dans des quartiers à  forte population immigrée et présidé le Cercle des intellectuels arabes.

Après avoir collaboré   à une radio arabe de Paris, elle a rejoint en 1997 le magazine hebdomadaire -Jeune Afrique-, dont, depuis lors, les lecteurs connaissent et savent apprécier, à   leur   juste   qualité, ses chroniques socio-culturelles.

Par ailleurs, Mme Fawzia Zouari est membre des comités de rédaction des revues « Confluences », « Méditerranée » et « Intersignes ». Elle est très impliquée dans le cinéma, entre autres, en tant que membre du jury du Festival francophone de Namur. Mais, c'est à l’écriture qu'elle consacre l'essentiel de son énergie créatrice, voire de sa vie. A preuve, elle a écrit et publié plusieurs articles et chroniques, et plus dune dizaine de livres dont La Retournée, (Ed. Ramsay) a obtenu le prix spécial des cinq continents de la Francophonie en 2003, et La Deuxième épouse, (Ed. Ramsay) a reçu en 2007 le Comar d’or, la principale distinction littéraire en Tunisie.

Dans La Retournée, Fawzia Zouari nous parle dune jeune fille, Rym, qui vit en France depuis plusieurs années, et qui, ayant appris le décès de sa mère, retourne, avec sa petite fille de cinq ans, dans son village, au nord-ouest de la Tunisie. « Retournée », car elle y revient au pays natal. « Retournée », aussi, car elle voudrait qu'on lui pardonne, que les habitants du village ne lui tiennent pas rigueur d'avoir fui ce pays. « Retournée » enfin, car elle va rencontrer un homme qu'elle n'attend pas,

dans ce pays qu'elle n'a pas vu depuis plusieurs années déjà.

En 1997, elle a publié Pour en finir avec Shhrazade, un essai où elle explore quelques aspects des traditions propres à la culture arabo-musulmane qui contraignent à refuser la confession et à toujours commencer un récit par : « Il tait une fois... ».

Ce pays dont je meurs, paru en 1999, aux éditions Ramsay, lui a été inspiré par un fait divers chargé de sens : le décès par inanition, Paris, de deux jeunes Algériennes. Ce qui requiert son attention et son intérêt, c’est que cette fin tragique vient sanctionner l'échec de leur intégration dans leur société d’accueil. Son engagement a été concrétisé, une fois de plus, par ses deux ouvrages Le Voile islamique, (Ed. Favre) et Ce voile qui déchire la France (Ed. Ramsay). Ici, elle prend position dans l’affaire du voile islamique. Ces ouvrages s'inscrivent dans le prolongement des enquêtes qu'elle a menées sur ce thème pour Jeune Afrique.

Le thème central ou fil conducteur des œuvres de Fawzia Zouari porte essentiellement sur le traumatisme de l'exil, en rapport avec sa propre vie. A la différence près que son exil demeure une source plutôt d'enrichissement, contrairement bien d’autres personnes qui vivent l’éloignement du pays natal comme une situation permanente de douleur. En tout cas, Mme Fawzia Zouari a réussi l’exploit d’être à l'aise, tant en France qu'en Tunisie et de maîtriser parfaitement la langue et les codes culturels de chacun des deux pays. Ceci est tout à son honneur et nous autorise à dire qu’elle mérite, bel et bien, de figurer au tableau d’honneur du Filament, pour instruire les jeunes que la réussite et le bonheur n’ont pas de frontières, ni de couleur, ni de sexe.

Un autre fait important de la vie de Mme Fawzia Zouari, c’est que lorsqu’elle a décidé de poursuivre ses études à un très haut niveau, elle s’est heurtée aux réticences de son entourage, y compris sa propre mère, dans leur vision étriquée, selon laquelle le destin

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d'une jeune fille est de rester à la maison. On comprend dès lors pourquoi les thèmes tels que la quête de l'identité, la condition de la femme arabe, la rencontre des cultures… sont, chez elle, des sujets récurrents et essentiels et préoccupants. On comprend aussi pourquoi, en 1979, lorsqu'elle s'installe à Paris, elle choisit, pour sa thèse de doctorat un étonnant personnage qui eut presque le même itinéraire qu'elle, mais a rebours : Valentine de Saint-Point, petite nièce de Lamartine, convertie à l'Islam et morte au Caire en 1953, après avoir épousé la cause du nationalisme arabe. Il faut préciser que c’est de cette recherche qu’est sorti son livre, La Caravane des chimères, publié par Olivier Orban, en 1989.

La bibliographie de Mme Fawzia Zouari comprend, en outre, Ce pays dont je meurs (Ed. Ramsay), comporte des ouvrages intéressants et enrichissants, de par la variété de ses thèmes et surtout de par la qualité de son style, comme en témoigne ce message de Faten Mootamri, envoyé de Yasminaureli (Tunisie) à Mme Fawzia Zouari, Il y a quelques années :

« Après lecture de votre ouvrage Ce Pays dont je meurs, que j'ai achevé en deux jours, je tenais à vous féliciter de ce style aussi léger et profond en même temps qu’expressif, spontané, riche, pour ainsi dire parfait. Je vous découvre à travers cet ouvrage émouvant et je ferai tout pour avoir vos autres ouvrages qui pourraient ne pas être disponibles en Tunisie, quitte à faire le voyage à Paris. Voilà, en si peu de mots, ce que je ressens à l'instant même où je viens de finir la dernière page de ce livre, avec amertume, priant Dieu qu'il ne finît jamais, tellement sa lecture m'avait emportée dans d'autres cieux… N'est ce pas le fait du génie de l'auteur !... ». Faten Mootamri.

Si vous avez lu les livres de Fawzia Zouari, n’hésitez pas à nous faire partager vos impressions et vos avis. Envoyez-nous vos commentaires, analyses et compte-rendu, etc. Nous les publierons dans nos prochaines parutions.

Léandre Sahiri  

AGENDA

Ici  vos  annonces  gratuites  :  Publicité, avis et communiqués, événements (conférences,

colloques, salons, séminaires, forums, festivals, etc.).  1  

4ème   Congrès   International   de   la   Femme  Noire,   Organisé   par   Africa   Femmes   Performantes,  Inc.   à   Lusaka  les   11-­‐12-­‐13   Novembre   2010,   Sous   le  Haut   Patronage   de   Madame   Thandiwe   Banda,  Première  Dame  de  la  République  de  Zambie.    Informations/contacts:  http://femmesperformantes.com  

 À   gauche,   Madame   Thandiwe   Banda,   Première   Dame   de   la  

République   de   Zambie,   à   droite   madame   patricia   Faraut,  

présidente  d'Africa  Femmes  Performantes,  Inc.  

2  

Prix  Ivoire.  Voici  les  cinq  (5)  auteurs  et  ouvrages  finalistes   retenus  par    le   jury,  présidé  par  M.  Michel  Koffi   :   1/   Beyrouk   (Mbarek   Ould),   Nouvelles   du  désert,   récits,   Paris,   éd.   Présence   Africaine,   2009,  138   p.   ;   2/   Diégou   Bailly,   Epître   aux   gens  d’Adjouffou,   roman,   Abidjan,   Frat   Mat   Editions,  2010,   233   p.  ;   3/   Nafissatou   Dia   Diouf,   Cirque   de  Missira   et   autres   nouvelles,  récits,  Paris,  Présence  Africaine,   2010,   189   p.  ;   4/   Elisabeth   Ewombè-­‐

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Moundo,   La   nuit   du   monde   à   l’envers,   roman,  Dakar,  éd.  Panafrika  /  Silex  /  Nouvelles  du  Sud,  2009,  146   p.  ;   5/   Véronique   Tadjo,   Loin   de   mon   père,  roman,  Paris,  éd.  Actes  Sud,  2010,  189  p.    Ces  cinq  (5)  ouvrages   finalistes  seront  présentés  au   Jury   final.   Le  lauréat   recevra   la   somme  d’un   (1)  million  de   Francs  CFA.    En   2009,   le   jury,   a   été   attribué   à   M.   Tiburce  Koffi   (Côte   d’Ivoire)   pour   Mémoire   d’une   tombe  (roman,  éd.  CEDA/  NEI/  Présence  Africaine).  

3  

Guy  Gore  

NDLR  :   Nous   ferons   connaître   cet  artiste   de   talent   et   militant   des  droits   et   libertés,   dans   nos  prochaines  parutions.

 

4  

Editions-­‐Publications  

Vous   écrivez…   vous   souhaitez   publier  ?…   vous  cherchez     un   éditeur  ?...   CONTACTEZ  –NOUS   :  

Editions   Kasimex   ou   Le   Filament  [email protected]  ou  

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Nos  services  :  édition,  publication,  correction  et  mise  en   page   de   manuscrits,   rédaction   et   conseils   en  rédaction   pour   tous   documents,   traduction,  biographie,  autobiographie,  documentation,  etc.  

*  

Le  Filament  a  le  regret  de  vous  faire  part  du  décès   de   la   mère   de   Serge   Grah,   sœur   de  Léandre  Sahiri.  Condoléances.  

 

Libre et indépendant,

« Le Filament » vous est ouvert.

Exprimez-vous !  

L e c o n t e L e c o n t e d u m o i sd u m o i s

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Le   conte   est   transmis   de   siècle   en   siècle,   de  peuple   en   peuple.   Il   présente   un   monde   et  des   personnages   de   tous   genres   (humains,  animaux,   merveilleux,   invraisemblables,  surnaturels…).  Le  conte  peut  être    à   l'opposé  du  réel  ou  révéler   les  réalités  de   la  vie.   Il  est  parfois   court,   parfois   long,   conçu   pour  distraire  ou   instruire,  et  porte  souvent  en   lui  une   force   émotionnelle,   didactique   ou  philosophique,  etc.  C’est  un  puissant  véhicule  de   sagesse   et   de   connaissances   diverses.  D’où,   son   importance   et   l’intérêt   d’en  proposer  un,  chaque  mois,  dans  Le  Filament.  Envoyez-­‐nous  des  contes.  Nous  les  publierons  dans  cette  rubrique.    

Email  :  [email protected]  

Conte :

 L’homme    et    

les  animaux        

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LE  FILAMENT  Numéro  7  du  15  août  2010     Page  |  84    

Je suis Moïse Ahui, originaire de Jacqueville,

un village de pêcheurs au sud-ouest d’Abidjan,

en Côte d’Ivoire. Issu d’une famille de griots et

de la chefferie traditionnelle, j’ai été bercé,

dans mon enfance, par l’art du langage oral de

chez nous où les verbes en l’air, les mots qui

se rencontrent dans la voix, les gestes tant

délicats que précis, les chansonnettes des

clairs de lune sont en complicité avec le

conteur pour égayer les petites et les grandes

oreilles, dans un spectacle interactif. Et donc,

j’ai plusieurs contes dans ma gibecière. Je vais

vous en dire un. Il s’appelle « L’homme et le

singe ». Voici. Bien longtemps avant que

l’homme n’apparaisse sur terre, les animaux y

vivaient déjà en parfaite harmonie, il n’y avait

ni roi ni chef, ni pauvre ni riche. Tous étaient

égaux. Un jour, au lever du soleil, au moment

ou chacun préparait son matériel agricole

(houe, daba, machette…) pour vaquer à ses

occupations habituelles, Bobo le chien gardien

du village aperçut soudain une chose à la fois

étrange et bizarre. Effrayé, il poussa un grand

aboiement waouh… waouh… Aussitôt, il se

retourna sur ses quatre pattes et traversa le

village, en grandes enjambées. C’était la

première fois que le monde animal découvrait

un plantigrade, un homme. Ce voyageur a

l’allure bizarre était à la recherche d’un endroit

calme ou règnerait la fraternité et l’hospitalité

pour y construire son avenir. L’aboiement du

chien jeta un effroi dans la communauté. Sous

l’arbre à palabres, chacun était impatient de

savoir ce qui fit courir Bobo le chien. Sans

attendre, celui-ci leur annonça la présence

d’un étranger dans le village. Après des heures

de palabres, ils acceptèrent l’homme et lui

souhaitèrent la bienvenue dans le village. Ils

lui offrirent l’hospitalité. Ils lui donnèrent des

vivres et lui cédèrent une parcelle de terre

pour y construire sa case et pour y travailler.

Après plusieurs années de dur labour, l’homme

devint riche. Et, cela attira bien des jalousies,

des convoitises, du mépris et autres vilénies

de la part des animaux. Ils organisèrent des

réunions clandestines, les soirs, sous l’arbre à

palabres.

« Mes frères, nous avons, dit le Lion, accueilli

cet homme dans notre village sans le

connaître et, aujourd’hui, il a la plus belle case

du village, un grenier fourni, par la force de

son travail.

- Cet étrange être-là est un mauvais exemple

pour nous tous. Nous ne pouvons plus

paresser au soleil tranquillement, grogna le

Phacochère.

- Et puis, il ne sait même pas grimper aux

arbres pour nous attraper quelques régimes de

bananes, ajouta le singe.

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- II ne marche pas sur ces quatre pattes ; il ne

mange pas comme nous ; il ne parle pas

comme nous ; et puis, pire encore, toutes nos

femelles n’ont d’yeux que pour lui, dirent à

l’unisson, les autres animaux.

- Pour sur, il doit s’en aller, d’ici. C’est un

étranger, un profiteur, un imposteur, il est la

source de tous nos malheurs...

Ainsi, chaque nuit, les éléphants piétinaient les

jeunes plants dans le champ de l’homme. Les

oiseaux picoraient son riz. Les chiens faisaient

des crottes devant sa porte. Les souris

grignotaient la paille de sa case…

Face à ces désastres et à menaces

permanentes et incessantes, l’homme décida

de poser des pièges tout le long de son

champ. Chaque malveillant était pris au piège

et mourait instantanément.

Alors, la population des animaux s’amenuisait,

de jour en jour. Les animaux qui

commençaient à craindre fortement

l’intelligence de l’homme décidèrent qu’il fallait

faire la paix avec l’étranger. A ce titre, ils

choisirent Bobo le chien, comme médiateur.

Bobo alla présenter des excuses à l’homme, au

nom de tous les animaux. L’homme qui se

doutait des manigances des animaux, déposa

un os devant le chien. Celui-ci sauta dessus,

en disant « je savais bien que vous êtes

quelqu’un de généreux, malgré tout ce que

raconte mes frères ». Et, heureux de ce repas

si copieux, Bobo le chien oublia sa mission et

son rôle de médiateur. Il dénonça à l’homme

tous les comploteurs.

Devant ces aveux sincères, l’homme dit à

Bobo le chien : Puisque tu t’es fait, volontiers,

le messager de tous les animaux, alors, reste

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LE  FILAMENT  Numéro  7  du  15  août  2010     Page  |  86    

avec moi. C’est ainsi que l’homme en fit son

compagnon.

(Par Moïse Ahui,

griot-conteur ivoirien résidant en France)

« Chaque conte, chaque légende est une caravane de mots, de souvenirs, de chansonnettes, d'humour ». Moise Ahui.  

*Prochain  conte  du  mois  :  

«  Le  pot  fêléLe  pot  fêlé  »    

(Par  Léandre  Sahiri,  Extrait  de  «  Les  Pollens  »,  à  paraître)    

 Vous  auriez  tort  de  ne  pas  lire  

le  prochain  numéro  du  Filament,    

disponible  à  partir  du      

15  septembre  2010.  

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LE  FILAMENT  Numéro  7  du  15  août  2010     Page  |  87    

 

Jeux  Le  Filament  numéro  7  .  Aout  2010.  Mots  fléchés  FRV100  -­‐  Grille  012.  

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