Le Filament 07
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₪₪₪₪₪₪₪₪₪₪₪₪₪₪ -‐ Numéro 7 du 15 août 2010 -‐ ₪₪₪₪₪₪₪₪₪₪₪₪₪
EEE ddd iii ttt ooo rrr iii aaa lll Encore une fois, merci, pour votre accueil cordial et vos compliments, pour vos conseils et vos contributions qui nous permettent d’alimenter et d’améliorer Le Filament, de parution en parution. De ce point se vue, nous sommes heureux de vous annoncer que, en plus du fichier PDF que vous recevez chaque mois, Le Filament met à votre disposition un site blog : http://le-‐filament.blogspot.com
Très belle avancée, parce que le site Blog est une vitrine apportant l'interactivité, absente du PDF. Ainsi, concrètement, vous aurez désormais à votre disposition, sur le site blog, tous nos textes, que vous pourrez télécharger, reproduire et utiliser à d’autres fins utiles... Et puis, grâce au site blog, vous pourrez participer directement aux débats, entre autres. Par ailleurs, le site Blog permet d’intégrer des rubriques supplémentaires que ne permet pas le format PDF, à savoir : les événements, les sondages, les ressources documentaires, les vidéos, les liens, etc. Nous sommes comblés de savoir que des jeunes connaissent
maintenant et lisent régulièrement Le Filament, et le recommandent à leurs amis et à leurs parents. Nous disons Akwaba aux deux jeunes étudiants qui viennent de nous rejoindre dans le comité de rédaction et animent deux rubriques (“La Page des Jeunes”- et “Dites-moi pourquoi”). Nous espérons pouvoir, par leurs écrits et par leur engagement, toucher une multitude d’autres jeunes. C’est, en tout cas, notre objectif et ceci est très important, parce que la jeunesse, tout le monde le sait, c’est l’avenir. Merci à vous tous et toutes, qui aidez volontiers à diffuser largement Le Filament. Nous adressons un remerciement particulier à M. Djédji Monnet, membre très actif du comité de rédaction, qui a conçu et réalisé, gratuitement, le site Blog. Encore une fois merci à M. Michel Zahibo qui, nous le disions précédemment, imprime Le Filament, à plus de 50 exemplaires, à ses propres frais, et les distribue gratuitement aux personnes n’ayant pas accès à l’Internet. Nous sommes heureux de savoir que son exemple est, ainsi que nous le souhaitions, suivi par d’autres.
Mesdames et Messieurs, continuons ainsi, à offrir gratuitement Le Filament, à nos amis, à nos parents, à nos connaissances, par email, par fax, par photocopie, par courrier postal, etc. Continuons à élargir le cercle commun des lecteurs et des lectrices que nous sommes, si nous sommes vraiment convaincus que « lire ce que d'autres personnes ont pensé et écrit peut aider les uns et les autres à former leur propre jugement sur les êtres et les choses de la vie » (Gaardner). Continuons à diffuser largement Le Filament pour contribuer aux échanges d’idées et à l’éveil des consciences chez un grand nombre d’entre nous, en vue de « changer la vie », de « transformer le monde »... Ceci peut paraître une pure utopie, un rêve impossible. Mais, ne perdons pas de vue que c’est par les rêves apparemment impossibles que le monde connaît les plus grands bouleversements et les plus grandes réalisations. Bonne lecture. Portez-vous bien et à très bientôt. Léandre Sahiri, Directeur de Publication.
Les propos in jur ieux , d i f famatoires , rac is tes , e tc . , sont s tr i c tement interdi ts , entre autres condi t ions , pour la publ icat ion des textes dans « Le F i lament » .
Nous pr iv i lég ions le débat d ’ idées e t la courto is ie .
Journal libre et indépendant paraissant le 15 du mois
LE FILAMENT Numéro 7 du 15 août 2010 Page | 2
Editorial 1 Ombres et Lumières 2 Ce que je pense, 3 Poésie 6 Point de vue 7 Le Pavé y’en a marre 9 Actualité oblige 10 Humour 12 Vie en Société 13 Amanien 15 Courriers des Lecteurs 18 Page des jeunes 20 Religion 22 Dites-‐moi pourquoi… 23 Sous l’art à palabres 26 Santé-‐Conseils 28 Poésie 26 Devinettes 33 Le débat est ouvert 34 S O S 38 Economie et Finances 38 Arts et Lettres 41 Livre à lire 46 Droit de savoir, Devoir de mémoire 47 Diasporama 49 Vérités et contrevérités 52 Regards croisés 53 Libres propos 54 Cinquantenaire des Indépendances 58 Dossier de l’Education 63 Courrier du Golfe 66 Mémoire d’Outre-‐tombe… 69 La vie des mots et expressions 70 Tableau d’honneur 73 Agenda 75 Publicité 77 Conte du mois 78 Jeux 81
Pour vos dons et contributions, Numéro de Compte du Filament : HSBC Bank 400208 11474154 78
*
OMBRES & LUMIÈRES
« L'ombre et la lumière sont deux points fondamentaux qui permettent de définir les volumes et de les mettre en
relief. En fait, c'est la lumière qui génère la forme de l'objet : considéré sous des lumières différentes. le même objet peut se montrer sous des
aspects totalement différents. Par exemple, un
paysage vu sous un beau soleil semble accueillant et rassurant et présente de belles couleurs éclatantes. Le même paysage considéré par
mauvais temps paraît triste, terne et morose. Plus une lumière est forte et directe, plus l'objet présentera de contrastes et d’ombres, plus ou moins marqués (Noir /
Blanc). Plus la lumière sera diffuse et faible, plus l'objet sera gris et uniforme. Le choix d'une lumière est fondamental pour déterminer l'atmosphère que l'on
souhaite donner à un dessin, ainsi que le sens que l’on veut donner à sa propre vie.
(Source : Atelier de la Salamandre).
« Le Filament » Fondateur et Directeur de Publication :
Léandre Sahiri Directeur de la Rédaction :
Sylvain de Bogou Comité de Rédaction :
Adjé Kouakou, Alain Tanoh, Serge Grah, Sylvain de Bogou, Jean-René Vannier, Léandre Sahiri, Djédji Monnet, G S Jonathan. Réalisation :[email protected]
Contacts : [email protected] 00 44 75 56 56 33 86 / 00 44 77 71 10 30 93 / 00 225 57 04 11 02 http://le-‐filament.blogspot.com
* Le filament, comme tout le monde le sait, désigne le fil conducteur qui, dans une lampe électrique ou dans une source à décharge ou à incandescence, produit de la lumière au passage du courant et conditionne le temps de vie d’une ampoule. On voit donc bien que le filament est
Sommaire
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indispensable dans le phénomène de production de la lumière.
CCCeee qqquuu eee jjj eee
ppp eee nnn sss eee………
Une Chronique de Léandre SahiriUne Chronique de Léandre Sahiri
[Cet espace me permet d'analyser et de commenter les sujets d’actualité de notre temps, d’ici ou ailleurs. C’est pour cela que je l’appelle « Ce que je pense ». C’est, en quelque sorte, mon bloc-notes, mon jardin secret ; mais, j’ai plaisir et honneur à le partager avec vous. C’est tout l’intérêt et le sens de cet espace].
« Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me
battrai jusqu'au bout pour que vous puissiez le dire ». (Voltaire).
D e s b u d g e t s c o l o s s a u x d u D e s b u d g e t s c o l o s s a u x d u
c i n q u a n t e n a i r ec i n q u a n t e n a i r e ::
b e a u c o u pb e a u c o u p d ’ a r g e n t e t d ’ a r g e n t e t
b e a u c o u p d e b r u i t s p o u r b e a u c o u p d e b r u i t s p o u r
r i e nr i e n
*
Dans un article publié dans le numéro hors-série 24 de Jeune Afrique de mai 2010, M. Mahamadou Camara révèle « les budgets annoncés en 2010 pour les célébrations du cinquantenaire de l’indépendance des pays d’Afrique: 20 milliards de F CFA (30,5 millions d’euros) en Côte d’Ivoire, 17 milliards de F CFA (26 millions d’euros) au Congo, 14 milliards de F CFA (21,3 millions d’euros) au Cameroun... Etalées sur trois jours, les festivités du cinquantenaire de l’indépendance du Sénégal ont coûté aux contribuables sénégalais environ 1,5 milliard de F CFA pour l’organisation du défilé et les réceptions données en l’honneur de la vingtaine de chefs d’Etat présents».
Au vu de ces chiffres, le moins que l’on puisse penser, c’est que ces budgets « pour faire la fête » sont, comme l’a écrit M. Mahamadou Camara dans son article, des « montants pharaoniques », eu égard aux objectifs et au regard du niveau de vie dans ces pays et du piteux état dans lequel se trouvent leurs services publics.
De ce fait, la première question qui me vient à l’esprit, et que vous vous posez sans doute, est la suivante : d’où vient cet argent ? ... M. Mahamadou Camara n’en dit rien, et pourtant, il est important de savoir ou on a pris cet et s’il ne vient pas, ainsi, sans conscience, alourdir encore plus les dettes de ces pays. Il est également important de savoir pourquoi ces sommes, si elles émanent des budgets nationaux, n’ont jusque-là pas été utilisées pour les besoins, prioritairement, en santé, en éducation, en lutte contre l’insalubrité, en création d’emplois…, pour les populations locales ? Parce que les besoins et les priorités, ce n’est pas ce qui manque chez nous, n’est-ce pas ?...
Dans tous ces pays où l’on manque parfois du minimum vital, où le chômage des jeunes, diplômés, qualifiés ou non, demeure une épidémie, entre autres maux, où 80% des populations vivent sous le seuil de pauvreté, peinent à s'assurer un repas convenable par jour, à se soigner convenablement, à bénéficier des conditions adéquates d’études et de promotion, ces sommes-là, ont aussitôt fait l’objet de toutes les convoitises, allant jusqu'à faire germer des « idées » dans la tête de nombre de personnes, donnant lieu à
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un gigantesque business. En effet, de nombreux hommes d’affaires dont, au premier rang, les agences de communication et les sociétés d’événementiel, ont ainsi rapidement contracté des partenariats avec les comités d’organisation et ont proposé leurs services pour médiatiser les activités liées à cet anniversaire que l’on veut, coûte que coûte, prestigieux, « mémorable ».
Dans tous ces pays, ces sommes, comme le souligne M. Mahamadou Camara, ressemblent davantage à des gâteaux. Ainsi, « chacun y est allé de son initiative ou de son projet pour croquer (extorquer ou escroquer) une part de ces gâteaux à cinquante bougies ». On a vu et on voit alors les commissions, les sous-commissions et les comités d’organisation, rivaliser de projets et de programmes, s’entre-déchirer pour gérer ces budgets, pour médiatiser et fêter en pompe, exhiber des factures et des devis si élevés qu’on se demande parfois où en est le sérieux. On parle même de détournements de fonds et de manifestations fantoches, impliquant, plus ou moins, la complicité ou la participation de certains intellectuels, artistes et politiques…
Une autre réalité de ces cinquantenaires, toujours selon M. Mahamadou Camara, concerne les premiers responsables des structures mises en place. D’abord, il faut noter que, même si certaines commissions sont des structures indépendantes, comme en Côte d’Ivoire, la plupart sont intégrées au sein du ministère de la Culture, comme au Cameroun, ou au Burkina… C’est doute pour faire croire que ces pays ont choisi de mettre l’accent sur la promotion de leur histoire et de leurs atouts culturels. Et pourtant, en lieu et place de richesses en matière d’artisanat, de littérature et d’arts, on ne nous sert que des « plats réchauffés », du folklore et de la routine : concours de beauté, défilés de mode, matches de gala, colloques et conférences avec des thèmes ressassés ou édulcorés, émissions radio et télé vides mais fortement médiatisées, etc. Comme si l’on manque vraiment d’imagination et d’intelligence pour innover. Ce qui amène à se demander si cela valait vraiment la peine de dépenser tant d’argent et de mettre des hauts dignitaires à la tête des structures.
La troisième réalité des célébrations du cinquantenaire de l’indépendance de pays d’Afrique concerne la direction ou le pilotage des structures mises en place. En effet, de ce point de vue, force est de constater que ce sont leurs fidèles qui ont été nommés par les chefs d’Etat, à l’image du Premier ministre gabonais, M. Paul Biyoghé Mba, de M.
Isidore Mvouba, ex-Premier ministre du Congo, de M. Oumar Hamadoun Dicko, ancien ministre du président Amadou Toumani Touré, pour le Mali, ou encore de M. Pierre Kipré, ancien ministre et ambassadeur de Côte d’Ivoire en France, désormais plus présent sur les lieux festifs qu’à son boulot. Ces choix se justifient sans doute par le fait que la présidence d’une telle structure ne saurait être aux mains de n’importe qui, étant entendu qu’elle constitue un enjeu important, car elle assure à son titulaire une visibilité nationale, voire internationale, pendant de longs mois, ainsi que la mainmise sur un budget important, objet de tant de convoitises, comme cela a été souligné plus haut.
La quatrième réalité est qu’il a fallu « inventer », partout, des symboles spécifiques et « créer » des activités pour l’événement. Dans ce sens, un concours pour le logo du cinquantenaire a été lancé dans plusieurs pays, avec pour le gagnant, une récompense ou une dotation plus ou moins élevée selon les pays et suscitant des « vocations » : 1 million de F CFA (1500 euros) au Mali et au Burkina, 5 millions de francs CFA (7500 euros) au Cameroun, 18 millions de francs congolais (15000 euros) en RD Congo, etc. En Côte d’Ivoire, l’hymne du cinquantenaire (et quel hymne !) a fait l’objet d’un concours, pour un premier prix de 5 millions de francs CFA (7500 euros).
Toujours au niveau des symboles, les autres gadgets incontournables des célébrations du cinquantenaire demeurent les timbres, agendas, livres d’or, DVD, pins, casquettes, tee-shirts et surtout le pagne, comme lors de toutes les campagnes électorales, les funérailles ou les mariages. En Côte d’Ivoire, le pagne du cinquantenaire, vendu par exemple en Angleterre à 30 livres sterling (environ 25 000 F CFA) les 3 morceaux, a été révélé en pompe au grand public le 7 mars 2010, lors d’une cérémonie grandiose présidée par l’ambassadeur Pierre Kipré. Au Mali, les pagnes du cinquantenaire sont confectionnés par la
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Compagnie malienne des textiles (Comatex), détenue par un opérateur chinois, et qui commercialise des lots comprenant 100 pagnes à 525 euros, véritable aubaine pour les revendeurs. Quant aux tee-shirts, ils sont fabriqués en Chine par des opérateurs locaux, et revendus au prix de 2,25 euros à la Commission, qui en écoule à prix double ou triple, depuis début 2010, environ 5000 par mois auprès des associations et des groupes de jeunes.
En ce qui concerne les activités, notons par exemple que, avec une dotation globale de 20 milliards de F CFA (30,5 millions d’euros), (c’est, dit-on, l’un des programmes les plus coûteux), on aura au menu, selon M. Pierre Kipré, « des tombolas, des concours régionaux de beauté et de danse, et des concerts, mais aussi des débats littéraires, politiques et économiques ».
Au Mali, selon M. Oumar Hamadoun Dicko, le programme comprend, outre un colloque international, des épreuves sportives, des publications consacrées à l’événement, un concert géant et un monument du cinquantenaire en forme de calebasse qui sera édifié sur le fleuve Niger entre les deux premiers ponts de Bamako et qu’on évalue à 1 milliard de F CFA (1,5 million d’euros), soit dix fois moins que le « Monument de la Renaissance Africaine », œuvre du président sénégalais, M. Abdoulaye Wade, inaugurée en grande pompe le 3 avril dernier à Dakar…
Ainsi donc, comme vous voyez, ce cinquantenaire nous coûte vraiment cher, du moins nous aura vraiment cher. Et ceux ou celles qui s’opposent ou contestent ces célébrations mettent en avant le fait que les sommes décaissées sont faramineuses et servent, on le voit bien tous les jours, à récompenser ou enrichir des amis ou des proches, à leur offrir des opportunités d’affaires, à séduire des électeurs potentiels, à mettre à nu nos irresponsabilités et nos
immaturités en détournant ou en dilapidant les deniers publics à des fins inutiles, purement et simplement, même si, au-delà de ces festivités et de ces gadgets publicitaires, certains Etats ont prévu quelques investissements dans les infrastructures et dans les aménagements urbains.
Force est de reconnaître que ceux et celles qui s’opposent désapprouvent le fait que les manifestations grandioses passées ou à venir grèvent nos finances publiques, déjà très mal gérées, nul ne l’ignore... C’est ce que je pense, moi aussi. En tout cas, je suis entièrement d’accord avec ceux et celles qui accusent nos dirigeants et les populations africaines moutonnières « de n’avoir pas compris que l’année 2010 doit être vue et vécue comme le point de départ d’une nouvelle ère pour nous Africains, et que, cette année, l’opportunité nous est donnée de nous atteler à élaborer un projet sérieux de décolonisation et de développement, à induire avec intelligence les moyens de notre libération totale, à réviser tous les contrats léonins passés avec les pays occidentaux qui ont soin de penser et de décider en notre lieu et place… », etc. Je suis entièrement d’accord avec ceux et celles qui accusent nos dirigeants et les populations africaines suivistes de n’avoir pas compris qu’il nous faut, courageusement et opportunément, reposer le problème crucial de nos indépendances : des indépendances ankylosées par la misère et le déficit moral dans la gestion des affaires publiques ; des indépendances empestées par des génocides, des rebellions et autres conflits plus ou moins ouverts où des Africains n’ont ni honte, ni scrupule à se révéler les « pires ennemis de l’Afrique », à étaler leur barbarie et leur inconscience ; des indépendances confisquées par une armée étrangère sur nos territoires pourtant dits souverains ; des indépendances mises à mal par des assoiffés de pouvoir et autres gouvernants irresponsables aux pratiques d’arrière-garde ; des indépendances dévidées économiquement par une monnaie dont la maîtrise nous échappe , etc. »1…
1 A propos de propositions concernant les programmes des activités du cinquantenaire, lire “Ce que je pense : Du Cinquantenaire des Indépendances africaines, in LE FILAMENT Numéro 1 du 1er mars 2010.
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En tout cas, avec ce que nous avons pu voir jusqu’ici, c’est à croire que le cinquantenaire, c’est, comme dirait Shakespeare « beaucoup de bruits pour rien ». Et aussi beaucoup d’argent pour du vent. C’est ce que je pense.
Léandre Sahiri, Directeur de Publication
*
Mesdames, Messieurs, n’hésitez pas à nous faire parvenir vos impressions, vos points de vue et vos idées, même en vrac. Nous pouvons les rédiger, en faire la mise en page et nous les publierons, bien entendu avec votre accord, signature ou anonymat, dans la rubrique appropriée.
Vision
Un soir
Passant par la grand-‐rue du marché
Trois bambins
Sortant des entrailles d’un vaste conteneur
Du milieu des détritus
Et de la nuée vrombissante des mouches
Trois moches
Etres immenses comme des béquilles
Espiègles gais et folâtres à souhait
Dans cet espace leur univers apocalyptique
M’apparurent.
Enfants intrépides à califourchon sur la vie et la mort
De combien étaient-‐ils vieux ?
Sept, huit, neuf ans !
Et ces âges comme des flèches iroquoises
Dans mon cœur
Ont fait de profondes entailles.
Honoré Koua Wognin* *Professeur de Lettres,
Vice-‐président du Conseil Economique et Social, Abidjan, Côte d’Ivoire).
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Faites-‐nous parvenir vos textes, vos réflexions et vos analyses sur des sujets d’actualité ou des thèmes et faits divers qui concernent (ou pas) vos centres d’intérêt ou vos domaines d’activité.
* Comment l’Africain conçoit-‐il, comprend-‐il, apprécie-‐t-‐il le
temps ? Comment l’Africain utilise-‐t-‐il le temps ? Quel est le rapport de l’Africain avec le temps ? D’aucuns disent que les réponses à ces questions fondamentales restent
plutôt négatives pour l’Africain. Nous aurions, nous Africains, une «mauvaise appréciation et une mauvaise utilisation du temps », ce qui aboutit naturellement à des
« mauvais rapports» avec le temps. Qu’en pensez-‐vous ? Voici le point de vue du Dr Ipota Bembela TEDANGA
* Négrité et
notion du temps en Afrique
En 1979, le professeur Denise François, qui dirigeait un séminaire de sociolinguistique à l'université de Paris V, Sorbonne Nouvelle, Unité d' Études et de Recherches (UER) de Linguistique Théorique et Appliquée, avait, de bonne foi, demandé à un étudiant négro-‐africain d'analyser les modalités aspectuelles de quelques idiomes négro-‐africains en vue, espérait-‐elle, d'avoir, enfin et en amont, l'explication de la si proverbiale nonchalance des Négro-‐africains et de leur manque
chronique de ponctualité qui, selon certains et en particulier Gobineau, les maintiennent à l'écart de la volonté prométhéenne de transformation de la nature. Elle voulait vérifier scientifiquement si les catégories linguistiques pouvaient refléter cette fameuse thèse idéologique du « Nègre paresseux par nature ». Ce fut en vain. Dans un village quelconque de l'Afrique subtropicale, un vieil homme était assis à l'ombre d'un palmier. Il avait comme l'air de rêvasser et de ne rien faire : il était là en train de digérer et de bâiller tandis qu'un brouillard s'effilochait dans sa tête. En vérité, chez lui, s'asseoir n'est pas signe d'inactivité, ni de paresse organique: c'est une posture adoptée pour réfléchir, méditer sur la vie, pour demeurer prêt à entrer en condition de réceptivité psychique et pour penser (à la fois recevoir et envoyer des messages ‘dans le vent'2. Il n'est ni nonchalant, ni oisif. Il n'est pas non plus un rêveur impuissant ou un pauvre fakir perché sur ses colonnes... Pieter, personnage hottentot de L'Alliance, fiction romanesque de J.-‐A. Michener, prend l'oisiveté pour vertu. Il peut passer toute une journée, adossé à un arbre, les yeux clos, et y trouver son bonheur. On sait aujourd'hui grâce à la psychologie des profondeurs que de telles expériences, marquées par un jaillissement de représentations archétypales, confèrent à l'initié le pouvoir de guérir les malades par des rites sacrés, de lire les signes du temps dans ses prémonitions et d'invoquer les esprits des Ancêtres par des chants et des incantations3.
2 HEBGA, M.P., Afrique de la raison, Afrique de la foi , Paris, Karthala, 1995, p. 112. 3 DREWERMANN, E., Fonctionnaires de Dieu , Albin Michel, Paris, 1993 , p. 52.
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D'après le père jésuite M.-‐P. Hebga, les phénomènes de lévitation, d'action à distance, de guérison soudaine… ne sont pas à escamoter au nom d'un ‘rationalisme étriqué' commué en préjugé métaphysique. L.S. Senghor assimile, à l'expression de la force vitale, le rythme des ondes que l'être émet à l'adresse des autres. La science occidentale s'y intéresse à travers la psychrotronique qui, dans son orientation télékinésiste ou psychokinésiste, étudie l'émission par le sujet d'un rayonnement invisible, physique et matériel qui atteint une cible et la met en mouvement. Cette soi-‐disant indolence organique attribuée au Nègre s'explique aussi souvent par le fait que les schémas culturels, économiques dits modernes et le travail d'andouille imposés au bon peuple noir n'ont souvent aucun intérêt pour lui et font qu'il n'y trouve pas toujours son compte, comme c'est le cas pour le lumpen prolétariat chinois de La condition humaine : « Il n'y a pas de dignité possible, pas de vie réelle pour un homme qui travaille douze heures par jour sans savoir pour quoi il travaille. Il fallait que ce travail prît un sens, devînt une patrie (…) »4. D'où, la démotivation des Noirs, assimilée indûment à de la nonchalance. « On accuse ces Nègres de paresse et de stagnation et, pourtant et par ailleurs, on leur ligote les mains et les jambes »5. Un comble, non ? Ce sont des pareils clichés que le regard du colonisateur a assignés et que, suite à notre aliénation mentale, nous, Négro-‐africains,
4 André Malraux.-‐ La condition humaine, Paris, Gallimard, 1946, p. 59. 5 Marcel Amondji.-‐ L'Afrique au miroir de l’Occident, Paris, Éditions Nouvelles du Sud, 1993, p. 12.
reprenons béatement, comme nous l'avons signalé précédemment. Explicables par le fatalisme et le bohémisme de sa vie, les déclarations tapageuses de Birahima, personnage principal du dernier roman d’Ahmadou Kourouma, semblent confirmer le peu de cas que le Négro-‐africain accorderait au temps : « (…) cela n'avait pas d'importance et n'intéressait personne de connaître sa date et son jour de naissance vu que nous sommes tous nés un jour ou un autre et dans un lieu ou un autre et que nous allons tous mourir un jour ou un autre et dans un lieu ou un autre pour être tous enfouis sous le même sable, rejoindre les aïeux et connaître le même jugement d'Allah »6. Dr Ipota Bembela TEDANGA (Extrait de « Négrité et notion du temps » Source : Congo Vision Vos points de vue sont attendus. Exprimez-vous !
Les propos injurieux, diffamatoires, racistes, etc., sont strictement
interdits, entre autres conditions, pour la publication des textes dans « Le
Filament ». Nous privilégions le débat d’idées et la courtoisie.
*
Conseillez Le Filament à vos parents, à vos connaissances et à vos amis… et Recevez
6 Ahmadou Kourouma.-‐ Allah n'est pas obligé, Paris, Seuil, 2000, pp. 20-‐21.
LE FILAMENT Numéro 7 du 15 août 2010 Page | 9
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LLLeee PPPaaavvvééé yyy’’’eeennn aaa MMMAAArrrrrreee
(Nouvelle rubrique pour présenter, exposer des faits insolites, ambigus, incongrus, pour exprimer vos coups de gueule, pour dénoncer ce qui vous paraît anormal, intolérable et pour faire partager vos opinions. Car, même s’il n’est pas bon d’écrire certaines choses sur le Web et dans les journaux, parce que l’image de notre pays ou de notre continent en prend un coup, nous ne pouvons pas rester sans révéler ce qui, alors que nécessaire et indispensable à la vie de l’homme, nous faut défaut ; nous ne pouvons pas ne pas dénoncer les actes, les faits et les situations qui nous minent, n’est-ce pas ?).
*
L’Université Marien L’Université Marien Ngouabi de Ngouabi de BBrazzavil lerazzavil le ::
Faute de sanitaires, Faute de sanitaires, les étudiants font ‘caca’ les étudiants font ‘caca’ dans les environs du dans les environs du campus universitairecampus universitaire
Tenez ! Saviez-‐vous que Les étudiants de Bayardelle, l’une des facultés de l’université Marien Ngouabi de Brazzaville, au Congo, font 'caca' dans l’herbe, au niveau des contre-‐rails de l’hôpital général, tout
simplement par manque de sanitaires au sein de cette université qui porte le prestigieux nom de l’ancien président de ce pays. En effet, étudiantes et étudiants se croisent dans les 'matitis' pour satisfaire leurs besoins naturels. Etouffés par les odeurs nauséabondes du 'caca', les habitants du quartier et les propriétaires des parcelles situées près des contre-‐rails menacent de tirer a vue sur tout ce qui bouge dans l’herbe. Ainsi donc, au Congo Brazzaville, faire 'caca' peut conduire à la mort, surtout que la morgue de Brazzaville n’est pas loin. Ainsi va la vie au Cameroun où on a injecté 27 milliards de francs CFA dans une fête (cinquantenaire de l’indépendance), alors que ce qui devrait être la plus prestigieuse des institutions du pays, ce qui passe pour le laboratoire des cadres supérieurs du pays, l’université Marien Ngouabi, manque de tout, pour ne pas dire du minimum. Tout porte à rire, mais le problème est bien grave. Où sont donc les priorités de ceux qui nous gouvernent? Et tous ces gens qui acclament les autorités, à longueur de journée, sont-‐ils conscients que le pays est dans le coma ? Et puis, où sont donc les intellectuels africains ? Au lieu de toujours accuser les occidentaux de nos maux, au lieu de nous masturber de verbalisme creux, n’est-‐il pas temps de prendre nos responsabilités et notre destin en main? Source-‐Alima info, www.congo.internet
*
Tableau d’Honneur Si vous connaissez des personnes qui méritent de figurer dans notre « Tableau d’honneur », n’hésitez pas à nous en faire part. D’autre part, pensez-‐vous que, à l’image ou en contrepartie de « Tableau d'honneur », il serait utile et opportun de créer une autre rubrique dénommée « Tableau de déshonneur » ? Contribuerez-‐vous à alimenter cette rubrique ?
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(Une rubrique de Sylvain de Bogou pour croustiller les problèmes d’actualité brûlante)
Côte d’Ivoire :
A propos de l’inquiétante montée de la fièvre de la
politique du ventre
Les élections présidentielles en Côte d’Ivoire ont engendré un phénomène qui semble normal, mais qui, en réalité, n’est que le bout de l’iceberg de la souffrance et de la facilité devenues le lot de la population. Il s’agit des groupes de soutien aux différents candidats. En fait, ce phénomène a commencé sous Houphouët Boigny. En son temps, M. Houphouët Boigny utilisait de gros moyens pour « houphouëtiser » la conscience nationale. La corruption, l’emprisonnement des opposants vrais ou faux ; les parents des opposants n’échappaient pas à la poigne en fer de Boigny. Les parents de certains opposants étaient jetés en taule pour signifier qu’ils ont mal éduqué leurs enfants, au point que ceux-‐ci ont le culot de critiquer Boigny, l’omnipotent et l’omniscient qui, au demeurant, se comparait à Jésus, à Socrate et à Mahomet. C’était donc sa façon à lui, M. Houphouët Boigny, de « rééduquer », en quelque sorte, ces enfants qui ont « dévié » ou « fauté ». M. Houphouët Boigny avait tout le pays dans sa paume. Depuis les délégués PDCI et chefs de villages jusqu’aux parlementaires, en passant par les notables, les préfets et les sous-‐préfets et les ministres. C’était bien cela, « la démocratie à
l’ivoirienne ». Sous M. Houphouët Boigny, toute personne qui refusait de payer pour acquérir sa carte de membre au PDCI était systématiquement arrêtée. Les usagers des transports publics et privés routiers étaient soumis permanemment à une fouille systématique qui aboutissait au payement de sommes plus élevées que le prix de la carte PDCI. Des groupes ethniques défilaient chez M. Houphouët Boigny, pour lui présenter des excuses et pour lui faire ou réitérer allégeance et soumission, parfois suite à « une faute » commise contre Boigny par un fils d’une ethnie donnée. Ainsi, on a assisté, en Côte d’Ivoire, aux défilés du peuple Wê dans « l’affaire du capitaine Sioh », les Bété « dans l’affaire Gbagbo », les Agnis « dans l’affaire du Sanwi », etc. On peut comprendre et mettre de tels agissements de M. Houphouët Boigny sous le fait que la nation ivoirienne vivait un système politique de parti unique. Mais, chose curieuse, les clubs ou « cercles de soutien » ont repris du poil de la bête, sous M. Henri Konan Bédié qui, venu de son Daoukro natal, ambitionnait de transformer la Côte d’Ivoire en un « éléphant blanc ». On en comptait par dizaines, par centaines, par milliers. Ainsi, à Londres, on a eu par exemple GRAPA-‐PDCI qui, selon ses animateurs, fait du lobbysme pour, entre autres, remettre M. Henri Konan Bédié dans la chaise royale que M. Houphouët Boigny lui aurait laissée en héritage au palais présidentiel. Le FPI et la politique de « je peux faire pire que toi ». Depuis l’opposition, et avant son arrivée au pouvoir, le Front Populaire Ivoirien (FPI) a été le premier parti à critiquer, de façon la plus virulente possible, les cercles et clubs Henri Konan Bédié. En gros, le parti du président Laurent Gbagbo a démontré, par tous les moyens dont il disposait, en ce temps précis, l’impact négatif de ces pratiques qu’on qualifiait de « politiciennes et avilissantes ». On parlait même de « corruption ou achat de la conscience des électeurs, tribalisation du débat politique », etc. La venue de Robert Guéi sembla mettre fin, plutôt émoussa la ferveur des cercles Bédié. Car, alors qu’on s’y attendait le moins du monde, le père Noël, M. Robert Guéi a aussi eu, pendant son cours règne, ses fans clubs. Mais, le contraste intervient avec le FPI du président Gbagbo.
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CREA PDCI France Aujourd’hui, le FPI détient de très loin le record des clubs de soutien a M. Laurent Gbagbo dont voici un infime échantillon : « Gbagbo Power », « Dial Gbagbo », « Deux millions de femmes pour Gbagbo », « Les Mamans Gbagbo », « Les juniors Gbagbo », « les femmes divorcées Gbagbo », « Les Prostituées Gbagbo », « Les Intoxiques Gbagbo », « Le Club des déscolarisés Gbagbo », etc. etc. A voir le nombre incessamment grandissant des clubs ou cercles de soutien, il y a lieu de chercher à savoir ce que ces nombreux groupements apportent à leurs candidats. Tout de suite, pour faciliter le débat, nous disons : un gros rien. Car, lorsque vous prenez la peine d’assister aux rencontres de ces « néo-‐ politiques », opportunistes véreux, qui vous empêchent de dormir avec des e-‐mails ennuyants et des appels téléphoniques indésirables, vous retrouvez les mêmes personnes dans tous les clubs. Pis, ils sont incapables de vous montrer les nouvelles personnes qu’ils ont convaincues pour voter pour leurs candidats. Par ailleurs, force est de relever que ces opportunistes font, tous et toutes, la même promesse : « nous avons constaté que le parti, à lui seul, ne peut pas être partout ; et donc, nous nous sommes mis en place pour convaincre les indécis et nos amis des autres partis à voter pour notre candidat ». Des mots vides et creux ! Car, si ce qu’ils disent est vrai, quelle garantie ont-‐ils pour prouver que ceux ou celles qu’ils croient avoir convaincus voteront, réellement et effectivement, pour leur candidat ? D’ailleurs, qu’est-‐ce qui prouve que ces électeurs « timides » existent ? A moins qu’on ne les prenne pour des naïfs, du moins des imbéciles …, car il est bien connu que « ce sont les imbéciles qui ne changent pas ».
Nous pensons tout simplement que ces clubs de soutien, devenus innombrables sous le FPI, sont des groupes d’escrocs aux têtes creuses qui se croient plus malins que les autres. Ils font le culte de la personne pour « manger », comme bon nombre d’Ivoiriens qui sont hélas ! tombés dans la facilité, sous l’ère FPI. Et, le tout se passe avec la complicité des autorités des différents partis et surtout avec l’aval des dirigeants du FPI qui, soit ne disent pas la vérité à M. Laurent Gbagbo, soit savent quel profit on en tire. A moins que M. Laurent Gbagbo lui-‐même se plaise dans cette descente dans la honte où le peuple fabrique du faux pour manger aujourd’hui et tout de suite, sans savoir de quoi sera fait demain. A moins encore que M. Laurent Gbagbo refuse d’écouter ses pairs ou ses conseillers. Au total, il faut mettre fin à ces organisations de mendiants modernes. Car, tout cela n’honore pas celui ou celle qui les met en place et montre l’abêtissement du peuple par le leader que l’on prétend soutenir et qui n’en a vraiment pas besoin, car, de toutes les façons, au moment du scrutin, les candidats sont jugés sur leur valeur intrinsèque, leur qualité morale et leur bilan. Sylvain de Bogou, Directeur de la Rédaction, Le Filament. [email protected]
Prochainement :
Le FPI, un parti Le FPI, un parti
gangréné et aux gangréné et aux
lendemains lendemains
incertains.incertains.
*
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Une rubrique pour rappeler des faits historiques et
politiques marquants. Envoyez-‐nous vos textes. Vos propositions sont attendues.
[Rions un peu, pour ce que le rire, c’est la sante ; pour ce que le rire est le propre de l’homme ; pour ce que la vérité est parfois dans le rire. Mais attention ! Le rire bruyant révèle le vide de l’esprit...]
A un barrage, un corps habillé, c'est-à-dire un policier m'a traité d'assaillant, c'est-à-dire de “rebelle du Nord”. Cela m’a fait mal, car je me considère comme un acteur de la paix. Mais bien plus, cela m’a fait très peur, quand le policier a ajouté: “je sais où tu habites”. (Adama Dahico).
Les forces de l’ordre ont tort de malmener les criminels. Sans eux, ils n'existeraient pas. (Alphonse Allais, Le Chat noir, 1890).
Je suis pour l'égalité des sexes, je prendrai moi-même les mesures. (Thierry Le Luron).
(Au détour d'un chemin à Satanville, deux anciens chefs d’Etat défunts se croisent).
A.- Toi ici ? Depuis quand, es-tu ici, mon p’tit ?
B.- Depuis bientôt deux ans, vieux frère.
A.- Ah ! Condoléances. Dis-moi, comment cela s'est-il passé?
B.- J'ai été descendu froidement par l’un de mes gardes du corps pendant que j'étais en réunion
A.- Oh ! Comment fut-ce possible ? Et tes services de sécurité, où étaient-ils ?
B.- Ah, mon grand-frère, Mystère ! Vraiment Mystère ! Je n'arrive jusque-là pas à me l’expliquer... - Pourtant, je pensais avoir très bien structuré ma sécurité... Mais que veux-tu, le petit qui m’a descendu était un proche, presque un fils à moi. Tu le sais bien, en Afrique, nos pays sont pourris. C’est plein de faux jetons.
A.- Du n’importe quoi !... Tu penses que de mon temps et avec moi, ce genre de choses serait arrivé. Non ! On n'approchait pas de moi n’importe comment, même mes proches… Au fait, as-tu des nouvelles du pays ? Moi j'ai coupé tout contact avec ces faux jetons depuis mon arrivée ici. Tu sais comment, à la fin, ils m’ont traité. Ils te chantent nuits et jours des louanges, mais au fond, ils n’y croient même pas, pas du tout.
B.- J’en sais quelque chose. Alors, moi aussi, j'ai coupé tout contact. Aucune nouvelle ... C’est le black-out total. Et puis, Je ne peux même pas téléphoner, fauché comme tu me vois-là… Je n’ai pas eu le temps de me préparer. L’assassinat, tu sais, ça prend toujours sa victime de court. Un moment, t’es là, et puis la minute suivante, paf!, atterrissage à l’aérogare de Satanville. Ah, les faux jetons…
A.- Eh oui !
B.- Au fait, t’as-tu du fafiot sur toi ? Je voudrais appeler un ami pour avoir quelques nouvelles quand même, mais, tu sais, je…
A.- T’as du culot toi. Et t’en as même à revendre, toi. Oser me demander du fric, toi qui m’accusais de voler, de piller?...
(Source: Blog Alex Engwete).
En Côte d'Ivoire, les feux rouges ne fonctionnent pas, mais le président ne le
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sait pas, car sa voiture ne s'y arrête jamais. (Adama Dahico).
Ce n'est point moi qui ai tort de vous trouver coquette ; c'est vous qui avez tort de l'être. Marivaux, La double Inconstance.
*
Vie … en…
Société (Une rubrique sous la direction d’Alain Tanoh Kablan pour aborder tous les problèmes de notre société)
Les diverses institutions qui participent à l’offre des
soins et leur rôle.
Comme nous l’avions souligné, dans notre précédent article, on appelle « activités de soins », toutes les activités rémunérées ou non, qui contribuent au bien-‐être, au développement social et à la croissance économique. Nous avions distingué, dune part, les activités de soins et d’assistance non rémunérées, et d’autre part, les services de soins et d’assistance rémunérées. Rappelons aussi que les activités de soins et d’assistance non rémunérées englobent les travaux ménagers (cuisine, ménage) et les soins aux personnes (toilette des enfants, assistance à une personne âgée ou faible) exécutés dans les foyers et
les communautés. Elles concourent au bien-‐être et la croissance économique par la reproduction dune population valide, productive, capable d’apprendre et d’innover. Tandis que les activités de soins et d’assistance rémunérées (englobant les gardes des enfants, les soins aux personnes âgées, les soins infirmiers et l’enseignement, etc.) constituent aussi une part croissante de l’économie et des emplois dans de nombreux pays. Dans cette deuxième partie de l’article, il s’agira de définir les diverses institutions qui participent l’offre des soins et de déterminer leur rôle. Les diverses institutions qui participent l’offre des soins et leur rôle Diverses institutions participent à l’offre des soins. Leur rôle varie d’un pays à l’autre et évolue avec le temps. En effet, du point de vue de la conception, du financement et de la prestation des services, on classe les institutions de soins en quatre grandes catégories : 1. les ménages et familles ; 2. Les marchés ; 3. L’état ; 4. Le secteur à but non lucratif. On représente généralement ces institutions sous la forme d’un “carré des soins” (figure 1).
Figure 1: Le carré des soins Pourtant, elles interagissent de manières complexes, et les limites entre elles ne sont ni clairement définies, ni statiques. Par exemple, l’Etat finance souvent des services rendus par des organisations à but non lucratif. De plus, son rôle
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est qualitativement différent de celui des autres piliers du carré, parce qu’il n’est pas seulement prestataire de services de soins publics, mais il décide aussi des droits et des responsabilités d’autres institutions. La façon dont l’Etat exerce son rôle –lorsqu’’il l’exerce effectivement- est essentielle, en ce qu’elle définit qui a accès à des soins de qualité et qui en supporte les frais. La création, l’encadrement et le financement efficaces des services de soins peuvent en élargir l’accès, en améliorer la qualité, les rendre plus abordables et réduire le temps que les soignants non rémunérés doivent y consacrer. Les congés parentaux, les allocations familiales et d’autres transferts peuvent être financés par les impôts et des programmes d’assurance sociale, et socialiser ainsi certains des coûts à la charge des soignants non rémunérés. Lorsque l’Etat n’a pas la capacité (ni la volonté politique) d’organiser, de financer et d’encadrer la prestation des soins à une échelle suffisante, les familles et les ménages en assument inévitablement une part plus grande. Cela ne vaut pas uniquement pour les pays en développement. Dans des pays aussi divers que l’Italie, le Japon, l’Espagne et la Suisse, la plupart des familles doivent prendre leurs propres dispositions pour les soins et la garde des enfants, et parfois engagent clandestinement des immigrées pour faire le travail. Dans le contexte des crises économiques en particulier, comme les dispositions prises par l’Etat pour l’infrastructure et les services sociaux sont érodées, la responsabilité des soins retombe souvent sur les familles, alors que l’achat des articles de première nécessité et des substituts des soins devient difficile en raison de la baisse des revenus et de la disparition d’emplois. Les femmes dispensent l ’essentiel des soins non rémunérés ; et, si l ’on combine soins rémunérés et soins non rémunérés, el les y consacrent plus de temps que les hommes Les femmes assument la plus grande part des travaux non rémunérés, et pas seulement en temps de crise. En fait, en dépit d’importantes variations des indicateurs démographiques, économiques et sociaux, le temps que consacrent hommes et femmes aux soins non rémunérés est marqué par un grand déséquilibre, et ce dans tous les pays.
Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à dispenser des soins non rémunérés et elles y consacrent beaucoup plus de temps. Pour tous les pays pris en compte, les femmes y consacrent en moyenne deux fois plus de temps que les hommes. C’est en Inde que l’écart entre hommes et femmes est le plus marqué et c’est en Tanzanie qu’il est le plus faible. De nombreux soignants non professionnels trouvent gratifiant en soi le fait de dispenser des soins. Cependant, dans les sociétés où, en règle générale, on est reconnu et récompensé dans la mesure où l’on participe à l’économie rémunérée, les soins non rémunérés entraînent des coûts importants sous la forme d’obligations financières, de pertes de chances, de manque à gagner et de stress physique et émotionnel. De plus, dans les pays pauvres où l’accès à une infrastructure adéquate et aux techniques permettant d’économiser le travail est limité, beaucoup de tâches associées aux soins non rémunérés sont ardues et prennent beaucoup de temps. Si les femmes consacrent moins de temps que les hommes au travail rémunéré, elles passent plus de temps à travailler, si l’on combine tous les types de travaux (rémunérés et non rémunérés) ; ce qui veut dire moins de temps pour les loisirs, l’éducation, la vie politique et les soins de sa personne. Comme on peut s’y attendre, la présence de jeunes enfants (de moins de six ans) augmente sensiblement le temps alloué aux soins non rémunérés. De même, les femmes des ménages économiquement faibles consacrent plus de temps aux tâches liées aux soins que celles des ménages à haut revenu, ce qui s’explique par les possibilités limitées de louer les services d’autres personnes, la taille du ménage et le manque d’équipement. Les données concernant le temps passé à se procurer du combustible en Tanzanie illustrent bien ce point. Si 42 pour cent des femmes et 22 pour cent des hommes des ménages les plus pauvres disent consacrer du
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temps à cette besogne, les pourcentages tombent à 15 pour cent et 7 pour cent, respectivement, dans les ménages relativement aisés. (A suivre). Source-‐www.unrisd.org/research/gd/care
NDLR : Ce texte est extrait de la synthèse de la série “Recherches et politiques” résumant les conclusions du projet de l’UNRISD Economie politique et sociale des soins. Le projet regroupe six études de fond réalisées dans des pays de trois régions: l’Afrique du Sud et la Tanzanie, l’Argentine et le Nicaragua, l’Inde et la République de Corée. Les pays ont été choisis sur la base de deux critères : d’abord pour chaque région, un pays doté d’une architecture sociale relativement développée et un autre où elle l’est moins ; et ensuite, l’existence d’au moins une enquête sur l’emploi du temps. Ce texte nous démontre pourquoi les soins sont importants dans la vie des êtres humains et en quoi ils sont à la base et le moteur du développement social et économique d’un pays.
Prochaine parution :
Les différents types de ressources indispensables pour un environnement propice à la
prestation de soins
L’écriture africaine Au féminin
Dans cette rubrique, nous présentons les femmes écrivaines africaines, pour montrer que, contrairement à ce qu’on a tendance à faire croire, nombre de femmes africaines écrivent, s’adonnent aux Belles Lettres et nous gratifient de belles pages à lire. Dans les prochaines parutions, nous vous proposerons quelques pages de leurs chefs d’œuvres.
Prochaine parution :
« Des Femmes écrivent » (Une étude critique de Madeleine Borgomano, professeur de Lettres).
A lire. Vos propositions de textes sont vivement attendues…
Réponses des devinettes, page 33 : 1. La papaye. 2. La pipe. 3. Un champ de maïs. 4. La fumée.
Une chronique d’Adjé Kouakou
Le rôle des intellectuels africains est non seulement d’écrire de nouvelles voies, mais aussi de communiquer
massivement des idées audacieuses pour en faire
des vérités et pour changer le monde.
« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas mais c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles » Sénèque.
Le discours économique sur l’Afrique est généralement dominé par des Non Africains. Et
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les débats, monopolisés par les stars des medias, les économistes et les politiciens occidentaux, oscillent toujours entre paternalisme et néocolonialisme, entre condescendance et mauvaise conscience. Dans ces discours et ces débats, le continent est plombé par l’image de la misère et la pauvreté qu’on ne peut nier. Et pourtant, l’Afrique dispose d’un dynamisme et d’une réussite qu’il est regrettable d’occulter.
Il est donc urgent que l’Afrique se réapproprie le débat. Il est temps également de sortir de la pensée unique distillée par les bureaucrates des institutions internationales. Car, si l’on fait le bilan des cinquante années d’indépendances, on ne peut que constater l’échec des politiques successives qui ont été imposées à l’Afrique.
D’abord, force est de constater que le système de l’aide internationale a enfermé les dirigeants africains dans une sorte d’inertie. Ceux-ci préfèrent désormais rendre des comptes à la communauté dite internationale plutôt qu’à leurs populations qui ne les intéressent que le jour du scrutin pour mimer un semblant de modèle démocratique. Ils semblent fuir les vrais problèmes, se réfugiant en victimes derrière l’iniquité d’un système, sans rien entreprendre pour lutter contre, d’autant qu’ils tirent d’énormes dividendes personnelles de cette situation. Pourquoi scier la branche sur laquelle on est assis ?
Pourtant, les possibilités de l’Afrique sont énormes et les nouvelles voies de développement sont possibles, encore
faut-il oser s’engager sur cette voie de progrès.
On peut cependant s’interroger légitimement : Si le système mondial est contraire aux intérêts de l’Afrique et si les dirigeants africains, dans leur grande majorité, s’en contentent et en tirent eux-mêmes profit, que pouvons-nous faire, à part rester les bras croisés et attendre l’avènement de nouveaux leaders ? Qui pourrait recentrer la réflexion autour de la recherche du bien-être du plus grand nombre ? Qui, à part les intellectuels africains ?
Les intellectuels africains doivent être conscients de leurs immenses possibilités. Leur rôle doit consister, non seulement a écrire de nouvelles voies, mais aussi a communiquer massivement des idées audacieuses pour en faire des vérités.
L’expérience des conservateurs américains montre que certaines idées, considérées comme radicales peuvent, à terme, s’inclure dans la pensée dominante. En diffusant des valeurs et des normes, une nouvelle grille de lecture du monde a été imposée par ces « think tanks ». A travers un processus long et discret, ils ont appris à la société américaine à penser autrement.
Indiquer la voie de la renaissance du continent.
Le Sud-africain Steve Biko disait : « Faites frémir la pensée et vous faites frémir tout un système ». Ceci sous-entend que si les intellectuels n’avaient pas tant de force, pourquoi auraient-ils été persécutés à travers les temps ? Ceci sous-entend aussi que la matière grise est le levier le plus puissant de l’économie. C’est aussi par elle que passe la libération, dès lors que les intellectuels se conduisent en éclaireurs. En tant que tels, les intellectuels africains pourraient se réapproprier l’image du continent en communiquant, dans des termes accessibles à tous, autour des nouvelles voies possibles, des moyens de les mettre en œuvre et des
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avantages qui pourraient en découler. L’envie d’action doit s’emparer des intellectuels africains, au point de s’arracher au cadre moelleux des ministères et des salles de conférence, pour prendre racine dans le cœur de chaque citoyen, pour prendre faits et causes pour les populations qui souffrent. Les grandes causes avancent mieux quand elles ont le soutien des masses. Chacun peut agir à son niveau : étudiants, universitaires, ONG, syndicats, associations, etc. Chacun peut s’exprimer à travers les écrits, la radio, la télévision, la poésie, l’internet, la chanson, le théâtre, le cinéma, la peinture, le graffiti. L’exemple du cinéaste mauritanien Abderrahamané Sissako est éloquent ; car, quiconque a vu son film « Bamako » comprend, avec la plus grande clarté, les méfaits de l’aide internationale et est convaincu de la nécessité de rompre d’avec ce modèle. Aucune contribution, aucune réflexion n’est inutile, qu’elle soit exprimée dans un cadre de réflexion collective ou de manière individuelle. Les énergies interconnectées vont se décupler et l’internet pourra être un support important pour coopérer, échanger, discuter. On peut douter dans l’isolement ; mais, la force du groupe lève les barrières que notre esprit peut créer lui-même. Ce qui permet de prendre de la hauteur sur les sujets et de développer l’esprit critique, essentiel à l’éveil des consciences. C’est par des étapes successives, mais systématiques, que l’objectif sera atteint. « Le plus grand arbre est né d’une graine menue ; une tour de neuf étages est partie d’une poignée de terre », écrivait le philosophe chinois Lao-Tseu.. Si nous avons le sentiment d’être petit, nourrissons-nous d’exemples réussis et dans ce cadre, une initiative en Turquie mérite d’être soulignée : quatre intellectuels turcs ont su faire avancer le rapprochement entre la Turquie et l’Arménie grâce à une simple pétition sur internet. Ils ont certes été décriés par les autorités de leur pays ; mais, au final, ils ont contribué à faire avancer le débat figé depuis des décennies, alors qu’ils n’étaient que quatre. On peut également constater, qu’à force de critiques
répétées les institutions financières internationales s’engagent vers une réflexion nouvelle visant à revoir leur action et leurs exigences auprès des pays emprunteurs. L’avancée est certes timide ; mais, celle-ci mérite d’être soulignée.
L’un des traits caractéristiques de l’intellectuel est son refus du silence face à l’inacceptable. Ne pas le faire, c’est démissionner. Il faudra travailler sans relâche pour s’affranchir du contexte, consentir des sacrifices ; car, rien ne vient sans effort. Chacun de nous a sa place dans ce grand combat du 21e siècle qui amènera le continent dans le concert des grands. Le combat commence en nous. Car, avant de communiquer, il faut se convaincre soi-même. C’est par le travail, la recherche, les conférences que nous enrichirons la base de connaissance essentielle à une analyse lucide et pertinente. Ne prenons jamais pour argent comptant une analyse, même si elle vient d’organisations qui nous paraissent respectables. Ayons l’esprit critique et curieux. Ne plaignons pas notre temps et notre travail car la connaissance est la voie du respect de soi-même et la voie du salut du continent que nous aimons. Ne soyons pas des pions endormis !
En Côte d’Ivoire, on a coutume de se rassurer en disant «ça va aller !». Tout nous incite à croire que ça va aller. Mais, on perd souvent de vue que ca ne va pas et que pour que ça aille : il faut oser !
Adjé Kouakou, Producteur et Présentateur de l’émission AMANIEN. Voice of Africa Radio à Londres
Source : Conférence des « amis du Monde diplomatique, Abidjan, EDHEC, le 14 Novembre 2009.
Africains,
réveillons-nous de notre long et lourd sommeil !
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Voice of Africa RadioVoice of Africa Radio
Mardi: Mardi: 22h22h -‐-‐00h (21h00h (21h -‐-‐23h GMT)23h GMT)
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94.3 FM/www.voiceofafricaradio.com94.3 FM/www.voiceofafricaradio.com
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COURRIERS
D E S L E C T E U R S
Nous recevons beaucoup de courriers. Nous vous en remercions. Continuez à nous écrire. Par manque d’espace imparti à cette rubrique, nous ne pouvons publier tous les courriers, en même temps. Nous nous en excusons.
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Maurice Audin est un mathématicien algérien, mort sous la torture, pour l'indépendance de l'Algérie. Il a été tué le 12 juin 1957, par les parachutistes français. Un vibrant hommage lui a été rendu dernièrement à Alger, au Forum d'El Moudjahid. Pour en savoir plus, lire les journaux « El moudjahid » du 13 juin 2010 et « El Watan » du 13 juin 2010, « El Watan » du 21 juin 2008, « El Watan » du 24 juillet 2010. Cordialement. (Mohamed Rebah, auteur de : « Des Chemins et des
Hommes » publié à Alger, en novembre 2009. Cf. GOOGLE: Des chemins et des hommes rebah audin)
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Je n'ai strictement aucun intérêt à recevoir ce "filament". Merci de me retirer de votre liste de diffusion, que je n'ai pas sollicitée. (Pierre Graveleau, La Maison des Livres, Mamoudzou. Mayotte – France).
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Bien reçu votre exemplaire qui est d'excellente facture avec un riche contenu rédactionnel. Bravo. Si vous avez un site web, nous serions heureux d'établir un lien avec notre propre site http://www.cap-‐congo.org/ (D. Lechesne, Responsable de communication).
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Merci très cher monsieur. J’ai été très captivé par votre journal et vous encourage à continuer dans cet élan. Lois Moussadli Coumba.
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Bonjour. Merci de ne plus m'envoyer votre journal. Bien cordialement. Marie-‐Laure Thoret, Maison des Livres
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C'est juste pour J’accuser réception de votre journal et je vous félicite de l'excellent travail que vous faites. Ceci est ma première lecture de la revue et je ne savais même pas que ça existait. Je salive déjà à l'idée de lire le prochain numéro. Merci pour tout et portez-‐vous bien. (Chris Kikuni Kisanga)
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Cher Monsieur, nous avons au Lynx reçu la parution No 6 du Filament et nous vous remercions pour le travail combien professionnel. Nous voudrions, par le présent mail, vous demander d'être un partenaire de www.lynxtogo.info. Ainsi, si ceci nous vous gène l'équipe se propose de faire une publicité gratuite
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pendant 3 mois sur notre site online. Cordiales Salutations. (Camus Ali, Rédacteur en chef Lynx.info).
@ @ @
J'ai bien reçu votre journal “Le Filament » Merci. Et, en attendant le prochain numéro, je lui souhaite longue vie et beaucoup d'améliorations. (Ahmed Halfaoui).
@ @ @
Je ne souhaite pas recevoir cette publication. Je préfère choisir moi-‐même mes sources d'information. Merci de me retirer de votre liste de diffusion. (Muriel Tramis)
@ @ @ J’ai déjà contacté des amis concernant votre dernier numéro jusqu'au 15 juillet. J’attends de vos nouvelles pour les précédents et mon abonnement à la suite à bientôt. (Luc Larbalétrier).
@ @ @ Bonjour. C'est la première fois que je reçois ce journal. je vous présente mes félicitations et mes encouragements. Je me présente, je suis Dr. DIAKITE Bouakary, Professeur d'économie d'entreprise et de la concurrence à l'Institut Supérieur de Business et de communication de Paris. Je suis auteur de plusieurs ouvrages et plusieurs articles. Je travaille sur la thématique de la micro finance et le développement, la création et le développement d'entreprise, sur les programmes de société des candidats aux élections présidentielles. Seriez-‐vous intéressés par certains de mes travaux? Cordialement. (Dr. DIAKITE Bouakary, Gérant de la société 2 DIA, Professeur d'économie d'entreprise et de la concurrence à l'ISBCP).
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Réponses des devinettes de la page
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c o l l è g u e s , a n c i e n s t u t e u r s , b i e n f a i t e u r s , e t c . q u i s o n t , c o m m e o n d i t , « p e r d u s d e v u e » e t d o n t v o u s s o u h a i t e r i e z a v o i r d e s n o u v e l l e s t o u t e s f r a i c h e s . . .
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JJJEEEUUUNNNEEESSS Nouvelle rubrique où les jeunes parlent aux jeunes et où les jeunes échangent avec les adultes sur tous les sujets, sans langue de bois, sans masque.
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ETET
POLITIQUEPOLITIQUE
Lors de mes années d’école primaire et secondaire en Côte d’Ivoire, le parti unique d’antan, le PDCI-RDA, interdisait toute manifestation politique : « Pas de politique à l’école », nous disait-on. Ce slogan apparemment bénin, du moins qui semblait sans gravitée a, sans nul doute, créé un antagonisme entre les jeunes et le monde politique. En effet, un jeune qui, à cette époque, s’intéressait à la politique était vu comme de mauvaise moralité, peu fréquentable et pouvait être rejeté par certains membres de sa famille. Etant moi-même issu d’une famille traditionnellement de droite, j’ai souvent fait l’objet de réunions de famille ou l’on s’évertuait à me dissuader de soutenir les idées de gauche développées, à l’époque, par l’opposant Laurent Gbagbo. Ceci explique qu’une grande frange de la
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jeunesse se soit détournée de la politique parce qu’elle en en a été dissuadée ou détournée.
Par ailleurs, la presse fait souvent état de scandales politiques qui incitent à penser que la politique est néfaste. Et pourtant, la politique, selon Aristote, consiste à gérer les affaires de l’état `` Ta Politika’’. Elle se manifeste pratiquement dans tous les domaines de la vie : en famille, à l’école, en entreprise et même dans les institutions religieuses. Elle contribue à l’éveil des consciences, à la prise d’initiatives, à la responsabilisation et à l’apprentissage de la gestion des hommes et des relations humaines. Ces vertus sont essentielles non seulement pour le développement personnel de l’individu mais aussi pour le progrès de la société en général et d’une nation en particulier. Nous en voulons pour preuve le fait qu’il est plus difficile de manipuler, de berner ou de mener en bateau une population ou une jeunesse politiquement éduquée qu’une autre dépourvue du moindre éveil politique, tout simplement parce que la politique permet de renforcer les capacités d’analyses critiques et de raffermir la conception des droits et des libertés, en particulier la liberté de pensée et d’action. La politique permet aussi de s’initier et de s’instruire dans la gestion des ressources humaines d’un pays en vue de son développement.
De ce fait, tout individu, adulte ou jeune doit développer un esprit politique. C'est-à-dire il doit prendre part à des activités et mener des actions qui influencent la vie de tous les jours. D’autre part, dans les débats privés avec d’autres jeunes, on remarque que ceux-ci ont bien souvent un point de vue à faire
valoir, à même de contribuer à l’amélioration de la situation d’un pays. Mais, ils ne sont pourtant pas prêts à s’engager politiquement. Nous pensons que cette contradiction résulte, en grande partie, des idées reçues et préconçues selon lesquelles politique rime avec violence, danger, mensonges, trahison, corruption, etc.
La politique peut se faire et doit se faire autrement.
Il est aussi important de noter que nombre d’institutions supérieures prisées dans la plupart des pays développés sont des écoles de sciences politiques telles que The London School of Economics and Political Science en Grande Bretagne, l’Institut de Sciences Politiques en France... Ceci montre que l’étude et la formation politique de la jeunesse est un facteur essentiel pour le développement d’un pays.
Avant de conclure, nous voulons souligner que les grands hommes politiques du passé et du présent qui ont influencé leurs pays et le monde tels que Gandhi, Houphouët Boigny, Kwamé N’Kruma, Nelson Mandela et Barack Obama, pour ne citer que ceux-là, ne sont pas venus à la politique à leur retraite. Au contraire, ils ont commencé jeunes, ils ont appris les rouages du métier très tôt dans leur jeunesse ; ce qui leur a permis d’avoir de l’envergure et les ressources nécessaires et suffisantes pour leurs ascensions et pour mettre en pratique leurs idéaux. C’est aussi par leurs actions politiques que ces personnalités, citées ci-dessus, ont marqué l’histoire.
Au total, nous pouvons dire que nous, les jeunes d’aujourd’hui, sommes censés être les dirigeants de demain. Et donc, pour être de
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bons dirigeants, il faudrait que nous soyons bien formés politiquement. Pour ce faire, nous devons être sensibilisés à la politique, engagés dans la politique, c'est-à-dire à la gestion des affaires de l’état, dès le jeune âge. Le meilleur moyen de se former politiquement, c’est de combiner la formation intellectuelle et la pratique sur le terrain. Ne fuyons donc pas les débats politiques, les activités des partis politiques, car ce n’est pas une mauvaise chose en soi ; elle devient ce que l’on en fait. Engageons nous donc dans la politique avec des idées nobles, des principes de justice et de vérité pour pouvoir influencer positivement la vie de nos concitoyens, nous développer personnellement et pour l’avancée de nos pays. Mais, attention ! Ne nous laissons pas embrigader, ni manipuler par les adultes.
Patrick Beuseize, Etudiant, Londres.
Prochainement :
« La jeunesse africaine est passive, oisive et sans ambition. Dommage ! »
Par Patrick Eric Mampouya.
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« Les Marchands de miracles »
Il y a quelques temps, Congo-‐Internet.com a ouvert un grand débat intitulé « Les marchands de miracles ». Ce débat soulève la problématique de « la prolifération des églises chrétiennes africaines. On peut lire en introduction de ce débat ceci : « Kinshasa, Brazzaville, Libreville et autres sont plongées dans l'univers ahurissant des églises de guérison, où la violence des cultes reflète celle de la misère, où le discours tragi-‐comique des télévangélistes répond à la naïveté désespérée des fidèles... ». Qu’en pensez-‐vous ? Nous attendons de recevoir et publier votre point de vue.
Des Africains remettent Des Africains remettent
en question leur en question leur
présence dans les présence dans les
églises évangéliqueséglises évangéliques
« To zongi na maison-‐mère ! »
On constate que de nombreuses personnes d’origine africaine, et en particulier congolaise, se remettent à fréquenter l’Eglise catholique, qu’ils appellent « la maison-‐mère », après avoir été des fidèles d’une ou plusieurs églises évangéliques africaines. En effet, ces églises évangéliques africaines, témoignent-‐elles, les avaient attirées par la perspective de trouver des solutions aux problèmes de la vie quotidienne, et par la garantie d’être « délivrés » de quelque maladie ou
mauvais sort, au travers de la prédication des pasteurs et de la prière. Et puis, dans ces églises évangéliques africaines, on retrouve aussi une chaleur, une vie partagée et une ambiance « à l’africaine » réconfortantes. Malgré cela, plusieurs personnes, aujourd’hui, quittent ces communautés.
L’une des raisons que ces personnes avancent souvent concerne la position prépondérante des pasteurs : les églises évangéliques africaines ne sont pas connues par leurs noms pourtant bien typés (« La manne cachée » ; « Le combat spirituel » ; « Béthel », etc.), mais par le nom du pasteur. Celui-‐ci exerce une forte influence sur les fidèles par des prédications et des prières longues, « charismatiques », et émotionnelles. De plus, il est, en général, autoproclamé et, le plus souvent, quasi-‐déifié. Par ailleurs, ces communautés des églises évangéliques africaines dérapent parfois vers le commercial : l’église devient « le business du pasteur et de son entourage », ainsi que de certains membres, y compris avec des abus et des trafics ou transactions inimaginables dans une prétendue maison de Dieu.
L’indiscrétion des membres dirigeants et l’humiliation de certains fidèles, lors des « témoignages », ont achevé de convaincre les personnes rencontrées de fuir ces assemblées, pour retrouver des environnements plus respectueux dans les « maisons-‐mères », à savoir les Eglises catholiques ou les Eglises protestantes historiques. C’est toute la signification de « To zongi na maison-‐mère ! », autrement dit de ce « come back home ». Traduisez : retour au bercail.
C’est une situation préoccupante. Les témoignages sont nombreux qui nous nous interpellent tous et toutes, et en particulier, nos « Frères en Christ » souvent trop remuants ou trop zélés.
RELIGION
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Léon lokia Source : www.pasaj.ch
Prochaine parution :
« Quelques raisons socio-‐politiques de l'expansion
des églises évangéliques en Afrique ».
Par Jean-Paul Sagadou, Diplômé en théologie de l'Institut Catholique de Paris,
Président-‐fondateur de l'Association Personnaliste des Amis de Mounier (APAM-‐
Burkina). A lire.
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Prochainement, vous lirez l’ intervention du Pasteur Michel Doué, président des Pasteurs francophones du Royaume-Uni
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© Nous rappelons que l'ensemble du journal est couvert par le copyright.
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Notre nouvelle rubrique, signée G S Jonathan, explique le pourquoi et le comment des choses de la vie. Parce que : « Heureux qui peut savoir l'origine des choses ». (Virgile).
Pourquoi devons-nous entretenir et
développer notre mémoire ?
Un après-midi, sur une place publique, Pierre et Jean se rencontrent. Pierre se souvient
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parfaitement de Jean, de leur enfance à Brazzaville. Cependant, Jean a un “trou de mémoire”. Il ne se souvient de rien du tout, et semble confus. Cet état de fait qui arrive bien souvent, nous amène à nous demander : qu’est-ce que la mémoire? Pourquoi Jean ne se souvient-il pas de Pierre, ni de leur enfance? Existe-t-il des méthodes, des pratiques ou des soins susceptibles d’aider Jean et tous ceux qui sont dans cette situation, à recouvrer leur mémoire? Mais, tout d’abord : Qu’est ce que la mémoire?
La mémoire, une faculté indispensable dans notre vie
La plupart des scientifiques s’accordent à définir la mémoire comme étant une activité biologique et psychique qui permet de retenir des expériences antérieurement vécues. C’est également, la faculté de conserver et de rappeler des sentiments éprouvés, des idées, des connaissances précédemment acquises. De par sa fonction qui consiste à recueillir, à conserver, à traiter les informations, la mémoire est très importante dans notre vie de tous les jours. Elle est même indispensable, voire vitale chez l’homme, dans la mesure où nous ne saurions exister sans mémoire.
En effet, que ferions-nous sans notre mémoire ? En tout cas, la vie de tous les jours, telle que nous la concevons, serait impossible. Impossible en effet d’apprendre des choses, impossible
de se souvenir, impossible de comparer, impossible de se projeter dans l’avenir. Bref ! La vie serait impossible sans notre mémoire. Elle est le garant de notre vie, et c’est pourquoi, nous devons, à tous instants, veiller sur cette faculté vitale, entretenir et améliorer les capacités et les performances de notre mémoire.
Entretenir, développer et améliorer la mémoire
Pour notre bien-être, les scientifiques ont accumulé, depuis plus d’une quinzaine d'années, des découvertes importantes sur le fonctionnement de la mémoire. Les résultats obtenus nous permettent de savoir qu’il existe diverses méthodes pour mémoriser les informations : la répétition, les moyens mnémotechniques, les expériences, etc. Ces résultats nous permettent également de savoir que la compréhension favorise la mémorisation. De plus, grâce à ces résultats, l’on sait aujourd’hui que la consommation de certains légumes, tels que le chou ou les épinards ralentissent le vieillissement cérébrale, et garde notre mémoire vive ou active, malgré un âge avancé.
Par ailleurs, les chercheurs ont mis en évidence l’importance du sommeil dans le processus de mémorisation. Autrement dit, au cours du sommeil, les informations déposées dans la mémoire en état de veille, sont, selon eux, “traites” pendant le sommeil et se manifestent sous forme de rêves,
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de songes ou d’hallucinations. C’est en raison de ce “traitement” qui a lieu pendant que nous dormons, que l’adage dit : ”la nuit porte conseil”.
La mémoire n’est pas toujours active, ni vive. Elle peut se détériorer au fil du temps, sous l’effet de l’âge ou en raison de certaines circonstances ou conditions de vie (accident, traumatisme, maltraitance, etc.). L’on parle alors de « pathologie de la mémoire », c'est-à-dire, les maladies et les affections qui entrainent un déficit (plus ou moins important) de la mémoire : amnésies (sévères, passagères), trous de mémoire, syndrome de Korsakoff, Alzheimer, etc.
Aujourd’hui, vu les limites et les pathologies de la mémoire, qui ne permettent pas à l’homme de stocker autant d’informations qu’il le voudrait, les nouvelles technologies ont inventé ou développé un certain nombre des gadgets et de moyens appelés les « outils de la mémoire »,
qui permettent à l’homme de se passer de sa mémoire : magnétophone, clef USB, agenda électronique, CD, calculatrice, dictaphone…
Toutefois, il est à noter que, même si ces substituts de la mémoire sont importants, il demeure que la mémoire est irremplaçable, et qu’elle doit être entretenue et améliorée. Dans ce sens, il existe des techniques et des jeux plus ou moins scientifiques pour exercer la mémoire, et la rendre plus efficiente, plus performante.
Dans les anciennes sociétés africaines, qui sont des communautés à tradition orale, la mémoire était primordiale. Par exemple les griots, de par la capacité et la performance de leur mémoire, étaient les dépositaires du savoir, de la culture et de l’histoire. De même, les vieillards étaient considérés comme des « bibliothèques ». C’est cette vérité-là que le sage de Bandiagara, A. Hampaté Bâ a, pour mettre en lumière l’importance de la mémoire, exprimé en ces termes : « En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ».
G S Jonathan
Dans notre prochaine parution :
Pourquoi util isons-nous la monnaie ?
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La Côte d’Ivoire La Côte d’Ivoire malade malade
de ses intellectuelsde ses intellectuels 7 aout 1960-‐7 aout 2010. Notre pays commémore aujourd’hui 50 ans d’indépendance. A ce stade de la vie de notre Nation, il convient aussi de nous interroger rigoureusement sur le rôle de nos intellectuels dans la marche de notre pays. Quel a été leur apport dans la gestion de nos 50 années d’indépendance ? L'heure est venue de questionner
les Ivoiriens sur le rapport de l'intellectuel à la société ivoirienne. Quelle a été leur responsabilité dans l’état actuel de notre pays ? Qu’attendait-‐on d’eux ? Où sont-‐ils aujourd’hui ? Que font-‐ils ? La réponse, c’est Paul Nizan qui la donne dans « Les Chiens de garde » : « Ils gardent leur silence. Ils n’avertissent pas. Ils ne dénoncent pas... L’écart entre leur pensée et l’univers en proie aux catastrophes grandit chaque semaine, chaque jour. Et, ils ne sont pas alertés. Et, ils n’alertent pas. L’écart entre leurs promesses et la situation des hommes est plus scandaleux qu’il ne fut jamais. Et, ils ne bougent point… ». C’est un constat triste et amer. Qu’après 50 ans, nos intellectuels continuent de faire le sempiternel procès de la traite négrière, de la colonisation, de la néo-‐colonisation, de la mévente des matières premières ou de leur pillage. C’est vrai qu’on ne doit pas faire comme si l’esclavage et ses ravages n’ont jamais eu lieu. Mais, on ne doit pas non plus rester figé à l’émotion de cette parenthèse horrible de notre histoire. Et, être frappé d’inimagination politique. Parce qu’il est clair que le bilan politique de notre pays est honteux. Mais, celui des intellectuels est des plus catastrophiques. Car, force est de le reconnaitre, leurs actions ont été plus dangereuses et plus dévastatrices, plus insidieuses et plus vicieuses, parce qu’agissant directement sur la conscience des populations. Depuis l’indépendance, nos intellectuels se partagent, quasiment seuls, l’espace politique et exercent des fonctions de pouvoir… Ils ont choisi de défendre, égoïstement, leur chapelle et d’ainsi sacrifier l'intérêt général au profit du leur. Certains ont même développé la mauvaise foi et la malhonnêteté intellectuelle, prémices de la dépravation des mœurs à laquelle nous assistons, impuissants. D’autres se sont perdus dans un nombrilisme suicidaire. Hélas ! Et pourtant, on attendait d’eux qu'ils endossent la tâche exaltante de modeler la société et de se poser en vecteurs des valeurs positives. Au contraire, ils ont préféré inoculer à la population le virus des inconduites nocives à la société. Ils ont inscrit ces comportements de déstabilisation sociale dans notre culture, poussant la population à haïr et à dédaigner la vérité, l’honnêteté, la responsabilité, le civisme, etc. Des attitudes qui ont inondé la Côte d’Ivoire de fausses idéologies et ruiné la population toute entière. En définitive, ils ont bradé tout ce qui leur
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restait de crédibilité. Dans un tel environnement, la population, miséreuse à outrance, a perdu tous ses repères, ses modèles et même sa foi en la vie. Elle en est donc venue ainsi à développer des réflexes de survie caractérisés par la corruption, le je-‐m’en-‐foutisme, le pillage des biens publics, la prostitution, etc. Aujourd’hui, on déplore l’indolence des populations devant leur propre réalité, mais on oublie de rappeler de quelles fables on les a bercées 50 ans durant…
Ainsi, nos intellectuels se sont-‐ils tus. Et le bruit de leur silence cinquantenaire est devenu bien plus qu’assourdissant. Surtout, en cette période de crise
aiguë que nous avons du mal à traverser. En fait, ils ont tu la Vérité pour promouvoir des fausses valeurs sur lesquelles a été bâtie une fausse réalité sociale et politique. Ceux qui étaient censés être nos lumières nous ont plongés dans les ténèbres. Pendant 50 ans, nos intellectuels n’ont pas su améliorer notre perception de nos handicaps majeurs. Pis, nos historiens n’ont même pas été capables de nous offrir une grille de lecture simple et efficace qui rende intelligibles les raisons de nos faiblesses et de nos défaites historiques. Pour éviter ces responsabilités historiques, et sociales, ils ont installé des comportements de nature à faire prospérer le désespoir, la fatalité… l’absence de toute éthique de la vérité et de la morale.
N’est-‐ce pas eux les fameux idéologues des régimes qui ont bloqué toute idée d’ouverture et de modernisation de notre pays ? 50 ans durant, ils ont soutenu la « géopolitique » qui est un injuste système des équilibres régionaux au détriment de la compétence, y compris dans les examens et concours, et lors des recrutements et nominations à des postes de responsabilité. Si des idées comme « la terre appartient à celui qui la met en valeur » ou « on ne regarde pas dans la bouche de celui qui grille des arachides », « l’éducation télévisuelle », « le complot du chat noir », « la rébellion armée du 19 septembre 2002 », etc. ont prospéré et détruit notre pays, c’est bien grâce à la caution de ces intellectuels ou supposés tels. Ils ont soutenu, à cors et à cris, qu’on pouvait tripatouiller la Constitution, comme un
simple règlement intérieur d’association de quartier. Ce sont les mêmes qui ont dit que le parti unique était une chance pour notre pays et le multipartisme, une vue de l’esprit. Ce sont eux qui ont défendu, avec force ferveur, les programmes d’ajustement structurel. Ce sont eux encore qui, aujourd’hui, dénoncent doctement et avec véhémence les ravages causés par ces PAS. Comment des gens qui sont supposés mieux connaître les réalités de notre pays, ont-‐ils pu se faire dicter des mesures économiques par des jeunes cadres sans expérience du FMI et de la Banque mondiale ? Quant à leur conviction politique, inutile d’en parler. Car, pour parvenir au sommet de l’échelle sociale, ils ont trempé dans toutes les combines politiques et « intellectuelles », dans tous les compromis et dans toutes les compromissions, parfois jusqu'à l’impossible. Ils ont participé à toutes les rapines économiques. Ils ont expérimenté toutes les idéologies et tous les régimes : ils étaient, hier, houphouétistes ; ils sont devenus bédiéistes, puis guéistes ; ils sont aujourd'hui gbagboéistes. Pendant 50 ans, ils se sont reniés et ils ont ruiné le crédit de leur corporation, en trahissant leur vocation à la Sagesse. Finalement, leur rapport à la population fait penser à cette parabole : « le ventre de ma mère peut être fermé, du moment que j’en suis sorti ! »
En clair, c’est de morale qu’il faudra parler aujourd’hui aux intellectuels ivoiriens. Car, s’il est une valeur qu’ils ont oubliée, c’est bien celle-‐là : la morale. Non pas pour l’asséner aux autres. Mais, pour l’appliquer à eux-‐mêmes. Car, s’ils sont aujourd’hui inaudibles, c’est qu’eux-‐mêmes n’entendent pas ce qu’ils doivent entendre : la parole des autres, la parole du peuple. Et s’ils n’entendent pas, c’est qu’ils n’écoutent pas. Or, être intellectuel c’est non simplement parler, mais, par sa parole, écouter, et aller chercher la vérité là où elle se trouve, c’est-‐à-‐dire dans la parole des autres. A. Fornet écrivait, à ce propos, que « l’intellectuel est obligé d’être le critique de lui-‐même, avant de prétendre pouvoir être la conscience critique de la société ».
Comme l’a écrit Antonio Gramsci dans ses Cahiers de prison, « on peut dire que les hommes sont des
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intellectuels, mais que tous les hommes n’ont pas, dans la société, la fonction d’intellectuel. » Alors, combien sont-‐ils dans notre pays à exercer réellement cette fonction d’intellectuelle ? Fort heureusement, il existe encore chez nous des intellectuels, dans le sens noble du terme, des femmes et des hommes probes qui résistent et qui refusent de tremper dans les combines et combinaisons sordides. Et, en ces heures difficiles, il faut le dire, le Pr Mamadou Koulibaly, fait partie de ces rares spécimens en voie de disparition, qui sauvent l’honneur de la classe intellectuelle ivoirienne et qui porte cette charge écrasante avec foi et conviction.
Qu’attendons-nous de nos intellectuels ?
Qu’attend-‐on d’eux ? Que peuvent-‐ils donner ? Que doivent-‐ils refuser ? Dans quelle mesure sont-‐ils au service de la Nation ?...
Même si, en tant qu’être sociaux, ils ont des appartenances, nous attendons d’eux qu’ils aient conscience que, dans toutes les sociétés, les intellectuels sont, non pas des témoins passifs et indifférents, mais des hommes et des femmes qui, impliqués et attentifs aux réalités de la vie, engagés fermement, font l’histoire, à travers leurs actions pour orienter le destin de leur Nation. C’est à ce prix et grâce à ces qualités qu’un intellectuel est reconnu par la société comme étant un modèle.
Nous attendons d’eux qu’ils soient pareils aux philosophes du siècle des Lumières en Europe, c'est-‐à-‐dire des éclaireurs, des leviers du progrès, de la modernisation et de la vraie indépendance. Nous attendons d’eux que, en des temps de crise, ils se manifestent, se distinguent, sortent du lot des communs des mortels, et s’obligent à produire des idées de génie, à proposer des solutions pour dénouer la crise. Nous attendons d’eux qu’ils accompagnent la modernisation de notre pays et en analysent les contradictions avec toute la rigueur qui sied à leur fonction. Car, rien ne défigure plus l’image des intellectuels que le louvoiement, la démission, le silence prudent ou coupable face à l’inacceptable, le vacarme patriotique et le reniement théâtral, l’allégeance servile. Car, l’affiliation politique, l’appartenance régionale et ses fidélités ou
accointances ne doivent, à aucun moment et en aucun cas, prendre le pas sur les critères de Vérité et de Justice…
Serge Grah (Journaliste, Ambassadeur Universel pour la Paix). [email protected]
La dépigmentation : Risques et dangers
Rappelons que la dépigmentation consiste à utiliser des produits plus ou moins pharmaceutiques ou divers autres procédés pour changer la couleur de sa peau. Pour les
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Noirs, la dépigmentation consiste à éclaircir la peau. Nous abordons le problème de la dépigmentation, parce que les médecins et autres spécialistes en la matière tirent sur la sonnette d’alarme : la dépigmentation qui est une pratique comportant de réels dangers connaît un essor considérable et inquiétant en Afrique, alors que, par exemple, la pathologie dermatologique (maladies de la peau) est la deuxième cause de mortalité après le paludisme au Sénégal, En effet, sur le continent africain, plus précisément dans les pays d’Afrique noire, la dépigmentation, désormais pratiquée dans presque toutes les régions, est devenue plus problématique, surtout en Afrique francophone, par exemple au Sénégal et au Congo (où une grande proportion d'hommes et de femmes s'éclaircissent la peau). Le phénomène de dépigmentation serait apparu en Afrique la fin des années 1960. C'est par les hôtesses de l'air, puis des femmes d'affaires qui ont séjourné aux Etats-‐Unis, que les produits éclaircissants auraient d'abord été introduits en Afrique, auprès de la classe sociale privilégiée ayant les moyens de s’offrir ce qui, jusque-‐là, constituait un cas d’exception ou un luxe. Par ailleurs, les produits utilisés pour s’éclaircir la peau sont causes de graves risques et dangers pour la santé : problèmes dermatologiques, maladies graves. En tout cas, les dangers pour la santé relatifs à la dépigmentation sont multiples (hypertension, diabète, problèmes osseux, etc.). Et même, on suspecte aujourd'hui des conséquences gynécologiques pour les femmes. A ce propos, le Docteur Fatimata Ly, présidente de l'Association Internationale d'Information sur la dépigmentation Artificielle (AIIDA), a organisé une journée de sensibilisation, le 17 mai dernier, au Sénégal. A cette occasion, elle a déclaré : « il s’agit dune pratique dont les causes demeurent complexes et qui prend de l'ampleur, alors que les dangers sont réels ». Produits et dangers de la dépigmentation
Initialement citadine, la dépigmentation s'est répandue dans les campagnes. Ce qui soulève un autre problème. Les produits cosmétiques à base d'hydroquinone, sont les moins chers, donc beaucoup plus utilisés par celles qui n'ont pas de grands moyens. Et, selon le Dr Andonaba, leur utilisation requiert une préparation préalable de la peau pour accélérer l'éclaircissement et obtenir un teint uniforme. Pour cela, les plus démunies élaborent des mixtures, pour le moins « décapantes ». Les femmes utilisent parfois de l'eau de javel pour se frotter la peau dans le but d'éliminer la mélanine qui se trouve en surface, avant d'appliquer le produit qui se chargera de la destruction de la mélanine en profondeur.
Selon une étude réalisée, en 2004, par une équipe de dermatologues, à Bobo-‐Dioulasso, au Burkina-‐Faso, sur 10 femmes, 5 utilisent des produits dépigmentants. Le phénomène a pris tellement d'ampleur qu'il est devenu le troisième problème de santé publique dans ce pays, après le paludisme et les maladies respiratoires, affirme le Docteur Andonaba. Quant au Dr Mulumba wa Tshita, chimiste au Service de toxicologie l'Institut national des recherches biologiques en RD Congo, il a affirmé le 2 mai dernier à l'agence Panafricaine de presse (PANA) : « les utilisateurs des produits de dépigmentation, nombreux en RD Congo, s'exposent à plusieurs complications dermatologiques, dont le cancer de la peau et d'autres tumeurs. Qui plus est, la dépigmentation tue ». Le Docteur Thierno Dieng de l'Hôpital Le Dantec a fait savoir, le 17
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mai, l'occasion de la conférence nationale sur le sujet, Dakar, au Sénégal que sur 25 personnes qui se dépigmentent, il a été enregistré 5 cas de décès. Au-‐delà de ces maladies, la peau se dégrade très fortement et se trouve marquée par des acnés, des brûlures, des mycoses, des eczémas... Les femmes souffrent de cicatrisations difficiles et leur peau déclinent en plusieurs teintes, notamment au gré des agressions solaires. Devenues trop fragiles, les peaux dépigmentées se couvrent de taches noires, et rendent difficile toute intervention chirurgicale au cas où la personne a un problème médical. Dans certains cas, les allergies entraînent le pire. Les femmes pratiquant la dépigmentation utilisent des produits contenant de l'hydroquinone (substance qui colorie la peau) généralement à forte concentration. La dose usage médical de l'hydroquinone dans les produits ne doit pas dépasser 2-‐%, cependant certains vont jusqu'à 22 %. L'hydroquinone, parce qu’elle provoquerait le cancer, est interdite dans l'Union européenne depuis février 2001 ; et pourtant, on en trouve dans les produits vendus dans certains marchés de produits exotiques à Paris. Des mesures inefficaces
Au Sénégal, la dépigmentation est interdite chez les élèves des cours élémentaire, primaire et secondaire. Mais, rien n'est fait contre la vente des produits à base d'hydroquinone. Les spécialistes sénégalais de la peau ont déjà, et à plusieurs occasions, appelé le gouvernement à interdire l'importation des produits éclaircissants (en provenance de la France, de la Grande Bretagne, des Etats-‐Unis, du Nigeria, du Pakistan). Une mesure de ce type a été prise, en 1995, en Gambie et, en 1992, en Afrique du Sud. Les résultats restent mitigés ; car, des filières parallèles d'approvisionnement se sont développées. En RD Congo, le ministre de la santé publique avait interdit la vente et l'usage de produits à base d'hydroquinone sur les marchés, voire
même la publicité de ces produits à la télévision. Mais, les fabricants et les médias ont fait la sourde oreille, déplore le chimiste Mulumba wa Tshita. Les causes de la dépigmentation
En ce qui concerne les causes de cette pratique, le Dr Fatimata Ly estime que « la principale motivation des femmes est d'ordre purement esthétique, pour 58 % des cas ; 11 % des femmes ont recours à cette pratique dans un but thérapeutique. Et 41 % des femmes sont souvent guidées par un suivi de la mode, ainsi que par l'imitation des relations. Pour la présidente d'AIIDA, « les femmes interrogées déclarent s'adonner à la pratique de l'éclaircissement et non au blanchissement. L'image du blanc comme modèle à suivre, est souvent réfutée par les adeptes de ces produits blanchissants, souligne Togosite.com, dans un article mettant en garde contre la dépigmentation : « Etre plus clair comme les métis oui, comme les blancs, non. Quand tu es claire de peau, les hommes t’apprécient, témoigne Nabou. Angèle réfute l'accusation d'aliénation : « Je le fais un peu car ma peau n'est pas nette, tout simplement ». Alors souci d’esthétique ou esthétisme, suivisme, méconnaissance ou pas des dangers…, la position du Dr Ferdinand Ezembe, psychologue Paris spécialisé dans la psychologie des communautés africaines, est claire : « cette attitude des noires, par rapport à la couleur de leur peau, procède d'un profond traumatisme postcolonial. Le blanc reste inconsciemment un modèle supérieur. Pas étonnant dans ces conditions qu'un teint clair s'inscrive effectivement comme un puissant critère de valeur dans la majeure partie des sociétés africaines ». Dans le même ordre d’idées, et pour conclure, lisons ensemble cet appel lancé par le site Grioo.com :
« Toute personne de race noire qui se dépigmente la peau est un grand complexé, qui a complètement honte
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d'être un noir. Il serait vraiment temps que les Africains et particulièrement nos sœurs africaines se reprennent et soient fières de leur peau, afin de mieux revendiquer leur identité culturelle. Si cela n'est pas, nous nous acheminons vers une auto-extermination de la race noire. Tous nos actes et toutes nos actes et penses sont singés, mimés, calqués sur l'Occident et l'Amérique. Pour tout dire, la dépigmentation de la peau, soit-elle outrance ou pas, est une véritable aliénation culturelle ». Source : congo-‐internet.com
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La Négritude : la conscience et la et fierté d’être noir
La négritude peut être définie, selon les propres termes de Césaire, comme « la conscience d'être noir », ou encore comme la « simple reconnaissance d'un fait qui implique acceptation, prise en charge de son destin de noir, de son histoire et de sa culture ». Autrement dit, ce terme, apparemment savant, signifie tout simplement le fait de s’accepter
comme noir et de s’affirmer en tant que tel. En d’autres termes, c’est le fait de ne plus ressentir la couleur noire ni comme une « malédiction », ni comme un crime. A ce sujet, le titre du livre du philosophe Bassidiki Coulibaly est assez éloquent : Du crime d’être noir. On peut également citer Peaux noires, Masques blancs de Frantz Fanon, ou encore Nini ou la mulâtresse d’Aboulaye Sadji, etc.
Rappelons, pour la petite histoire, que Nini souffrait d’être née noire et elle cultivait un atroce complexe d’infériorité vis-‐à-‐vis des Blancs. De ce fait, puisqu’elle ne pouvait hélas ! pas changer de peau, Nini trouvait que, pour guérir de son mal, du moins de sa malédiction, il lui fallait absolument épouser un Blanc. Ce serait la réussite de sa vie C’est donc en réaction à de tels comportements qu’a été fondé le mouvement de la Négritude, pour inciter les Noirs à prendre conscience de leur humanité, et à prendre en charge leur destin de noirs, leur histoire et leur couleur de peau. Dans le même ordre d’idées, Jean Paul Sartre a affirmé, dans la préface de l’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache que, « la Négritude, a pour objectif d’amener l’homme noir, insulté, asservi, à se redresser, à ramasser le mot de nègre qu’on (l’occident) lui a jeté comme une pierre, et à se revendique comme Noir en face du Blanc, dans la fierté ».
Cette fierté, les écrivains et artistes noirs l’ont exprimée de diverses manières et sur des tons variés. On retiendra, entre autres, les témoignages suivants :
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James Brown (USA) «Say it loud. I’m Black and proud».
Bernard Dadié (Côte d’Ivoire): « Je vous remercie mon Dieu de m’avoir créé noir ... Je suis content de la forme de ma tête Heureux de la forme de mes jambes Content de mes bras De l’épaisseur de mes lèvres... Je porte le monde depuis l’aube des temps Et mon rire sur le Monde, dans la nuit, crée le Jour… Je vous remercie man Dieu de m’avoir créé noir… ». (in “Afrique debout”, Ed. Seghers)
Eugène Kossouho (Benin)
« Nègre, c’est mon Nom Nègre, c’est ma race Négresse, c’est le nom de ma sœur Etre nègre, c’est un privilège Et je suis heureux et je suis fier d’être Un nègre ».
W. E. B. Du Bois (USA) « Je suis nègre et je me glorifie de ce nom-‐ Je suis fier du sang noir qui coule dans mes veines ».
Tchicaya UTamsi (Congo) « Je suis homme. Je suis nègre. Pourquoi cela prend-‐il le sens d’une déception? ». (Epitomé, P J Oswald).
Les Black Panthers (USA) ont pour slogan : « Black is beautiful ». (Beau est le noir), etc.
Léandre Sahiri, Extrait de « Césaire, Négritude et Surréalisme », communication au colloque « Hommage Aimé Césaire, Juste de voix, Grand Eveilleur de Consciences », Paris, les 11, 12,13 juillet 2008.
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Dépigmentation des stars congolaises.
Avec l'avènement du mouvement de la SAPE (Société Anonyme des Personnes Elégantes), la
dépigmentation des stars congolaises a encore connu une forte propension. Mais, depuis un certain temps,
avec la prise de conscience des conséquences néfastes que cette dépigmentation engendre, cette « beauté
artificielle » que nous pouvons qualifier d'accessoire est, de plus en plus, rejetée par les jeunes actuels. Tant
mieux.
Dr TUMBA Tutu-De-Mukose
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Prochainement: Le sucre : bon ou pas bon pour la sante ? Réponse dans notre prochaine parution, avec des conseils pour manger moins de sucre pour éviter certaines maladies, pour perdre du poids.
Vos propositions et contributions sont vivement attendues pour nos prochaines parutions sur tous sujets. Nous attendons vos textes et vos témoignages.
D E V I N E T T E SD E V I N E T T E S La devinette a, pendant longtemps, été considérée comme un genre mineur pace qu’elle était pratiquée par les enfants. Cependant, elle a, depuis, conquis ses lettres de noblesse. Des études savantes ont montré que, indépendamment de son aspect ludique, la devinette a une valeur culturelle et une fonction didactique : elle prend une place très
grande dans la vie et la formation de l’homme.
Du point de vue littéraire, elle présente, le plus souvent, une structure complexe induisant, à la fois, jeu de mots, figures de style et niveaux de sens, qui lui donnent véritablement un statut de parole littéraire.
Les devinettes apportent toujours, dans une conversation, des solutions de continuité marquant le temps de réflexion nécessaire pour leur trouver une réponse. Pour trouver la solution d’une devinette, l’esprit doit en percer l’opacité véritable, s’efforcer d’y reconnaître, non plus les similitudes immédiates, mais des analogies détournées et les symboles.
En général, on considère, les devinettes comme des divertissements ou des « colles » où l’on prend plaisir (bien souvent malin) à éprouver l’intelligence de son interlocuteur. C’est une pédagogie particulièrement active pour délier l’esprit, l’exercer au jeu de la symbolique. Elle consiste à percevoir les équivalences, les similitudes, les analogies, les « correspondances » (Baudelaire) entre les êtres et choses appartenant à des ordres et à des univers différents.
Dr E. Tououi Bi Irié, Maître-assistant, Université d’Abidjan-Cocody, Côte d’Ivoire)
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A vous de jouer
DEVINETTES : 1
Un seul individu a emprisonné une multitude.
2
J’ai tue mon bœuf et j’ai bu son sang par sa queue.
3
J’ai parcouru un village dans lequel tout le monde porte un bébé au dos.
4
Le cheval est dans la case, sa queue est dehors.
NB : Réponses à la page 15
Proposez des devinettes
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Thème : L’Engagement Pensez-‐vous qu’un artiste, un intellectuel ou un écrivain… devrait se mêler ou pas de la politique ? Réponses.
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Pour M. Justin Oussou, artiste-‐peintre ivoirien, « un artiste ne doit pas se mêler de la politique » (Lire Le Filament No 4).
Quant à l’écrivain-poète ivoirien Bernard K. Djaha qui a été la révélation du Grand Concours de Poésie organisé en 1982 par Fraternité-‐Matin. Professeur de Lettres, il est de ceux qui «définissent la poésie comme un art de crise, crise de conscience individuelle ou collective, et qui envisagent la poésie comme une arme de combat, comme un moyen de lutte ». Pour lui, « le poète doit s’engager à ameuter l’univers et à appeler à plus d’équité, à plus de compassion, à moins de cupidité… Cela devient un leitmotiv, une mission qu’il fait, en usant des cors, instrument à vent ». D’où, le titre de son recueil de poèmes est « Cors et cris » que M. Jean Dodo, homme de Lettres de grande notoriété, avait présenté comme de « Beaux poèmes, durs et qui dénoncent, pleurent sur les misères. Merveilleux exemple de l'engagement de l'écrivain-‐poète ». (Lire Le Filament No 6).
Pour le Professeur Urbain Amoa, l’histoire des sociétés et de la littérature est pleine de cas d’engagement. En effet, pour lui, contrairement à ce que pensent certains, les artistes et les écrivains doivent se mêler de la politique et s’en sont déjà mêlés, dans l’histoire des sociétés humaines, au moins à travers plusieurs «affaires » dont « l’affaire Calas » avec Voltaire, (Le Filament No 5) et « l’affaire Dreyfus », avec Emile Zola, (Le Filament No 6). Le professeur Pierre N’Da nous parle ici de l’écrivain et professeur ivoirien Charles Nokan, comme cas patent de l’écrivain engagé.
Un écrivain engagé : Zegoua Gbessi Charles Nokan
Charles Nokan apparaît comme un écrivain qui a choisi, pour ainsi dire, une fois pour toutes, sa voie, son genre et son style. Tous ses romans, en effet, à quelques détails près, se ressemblent: ils sont de la même veine, relèvent de la même esthétique, de la même thématique et ont tons une forte charge idéologique. C’est précisément pour cette raison que l’on considère Nokan comme un des écrivains africains les plus engagés.
Une invitation à la lutte politique ou lutte de libération
D’une façon générale, l’écriture de Charles Nokan se caractérise sur le plan du contenu, par la permanence du thème de la lutte politique ou lutte de libération.
Celle-ci passe d’abord par la prise de conscience de la division de la société en deux classes opposées : d’un côté, la masse laborieuse exploitée et de l’autre les riches exploiteurs. La lutte est donc, avant tout, une lutte de classes et d’intérêts. Et, seul le combat
révolutionnaire peut apporter la victoire au peuple. Cette victoire du peuple doit être, en même temps, la victoire des autres peuples ; elle doit servir d’exemple, d’encouragement et de stimulant pour tous les combattants de la liberté : « Nous prolétaires africains, s’écrie Niangue, nous devons cesser de pleurer ; nous avons, à l’instar des autres ouvriers et paysans du monde, à livrer bataille à nos ennemis »7.
La vision nokanienne de la lutte de libération est internationaliste : les héros savent que le combat est celui de tous les opprimés. Dans Violent était le vent, Koko dit au cours d’un débat : « il nous faut maintenant la restaurer (la solidarité) et l’étendre d’abord à tous les citoyens de notre nation, puis à l’humanité entière »8. Niangue, à son tour, déclare dans Les petites rivières : « nous sommes internationalistes. Les peuples du monde entier nous soutiennent. Voilà pourquoi est certaine noire victoire. Nous contribuerons à la révolution
7 C. Nokan.- Les petites rivières, Ed. CEDA, Abidjan, 1983, p.63-64 8 C. Nokan.- Violent était le vent, Ed. Présence Africaine, Paris, 1966, p. 132
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mondiale »9. Niangue, au terme de son appel présidentiel aux prolétaires africains s’écrie : « Vive l’Afrique unifiée par les prolétaires ! Vive La solidarité des peuples ! »10 .
C’est donc grâce à l’union, à la solidarité que les peuples pourront vaincre les dictatures, l’impérialisme, l’exploitation, pour instaurer le socialisme et établir un ordre nouveau.
La solidarité est le maître-mot et apparaît comme un thème majeur de son œuvre romanesque ; de même le thème de la naissance, de l’émergence d’un monde nouveau. Cette transformation est d’ailleurs une conséquence ou le but final de la lutte de libération. La naissance d’un ordre nouveau est un leitmotiv qui apparaît, de façon redondante, et en des termes extrêmement récurrents. On trouve des expressions comme « nouveau soleil », « soleil naissant», « aurore inouïe », « jour qui se lève », « jour qui naît », « nouvelle rosée », « nouvelle vie », « société nouvelle », « lumière neuve », « monde nouveau », « ère nouvelle », « humanité nouvelle », hommes nouveaux », « saison nouvelle », etc.
L’ordre nouveau annoncé comme une prophétie avec beaucoup d’optimisme (« Et le peuple aura la victoire »)11 se réalise dans Les petites rivières, avec la victoire des révolutionnaires et l’élection de Niangue à la présidence de la République.
L’engagement de Charles Nokan se situe également dans la dénonciation du colonialisme, du racisme, du néocolonialisme, de l’impérialisme, de l’exploitation bourgeoise de la masse, de la misère des peuples. Pour lutter contre ces maux qui minent les sociétés, l’auteur propose la force, l’action violente et révolutionnaire. Niangue, dans Les Petites rivières conseille de « répondre par la violence révolutionnaire à la violence de la bourgeoisie »12. Car, « il n’y a que la violence des prolétaires qui soit à même de vaincre la barbarie de la bourgeoisie »13.
Ce refus de la résignation, autrement dit cette révolte, se trouve dans toute l’œuvre de Nokan, et la lutte héroïque que mènent les personnages est à la mesure de l’engagement révolutionnaire de l’auteur. Son écriture est une écriture de la violence : violence des
9 Les petites rivières, p. 105 10 Idem, p. 110 11 Le soleil noir point, p. 64. 12 C. Nokan.- Les petites rivières, p.85
13 Le matin sera rouge, p. 46
actes révolutionnaires, violence du discours romanesque, violence du ton ; mais aussi violence des mots. Ici se précise et se réalise la fonction essentielle d’une écriture véritablement engagée. Même la redondance des termes qui traduisent la violence, le combat et surtout la destruction suffit, pourrait-on dire, à inscrire l’œuvre de Nokan dans la bonne littérature engagée...
Par ailleurs l’engagement de l’auteur se manifeste même sur le simple plan lexical : nous retrouvons dans les textes tout le vocabulaire marxiste habituel ; les slogans révolutionnaires, la propagande socialiste ou communiste. Ainsi, on trouve des termes suivants : prolétaires, masse, peuple, paysans, ouvriers, travailleurs, chômeurs, capitalisme, impérialisme, dictature, torture, révolution, lutte des classes, lutte de libération, liberté, combat libérateur, ennemi, ordre nouveau, société nouvelle, etc. Ainsi, les riches, par exemple, sont désignés, tour à tour, par les riches, les grands, les bourgeois, les nantis, les gens aisés, les hauts fonctionnaires, les ministres, les députés, mais aussi par les explorateurs, les capitalistes, les impérialistes, les loups, les hommes-puces, les suceurs de sang, les suceurs de sueur et de sang, les dévoreurs de vie ; par contre, les pauvres sont appelés les pauvres, les prolétaires, les opprimés, les exploités, etc.
Toute 1’œuvre de Nokan est soutenue par une idéologie révolutionnaire, une vision marxiste. Il est donc normal que tout, dans ses textes, aussi bien le contenu que la forme et même la langue, reflète cet engagement de l’auteur. Son œuvre romanesque s’inscrit tout entière dans le cadre de la littérature sociale et politique. L’écriture romanesque devient un combat courageux qu’il s’agit de mener. Le caractère politique de l’œuvre, joint au souffle pamphlétaire soutenu qui l’anime, lui confère à Nokan une place privilégiée dans la littérature engagée.
L’engagement se traduit aussi, chez Nokan, d’une part, par la liberté d’expression, la fabrication de mots nouveaux (par exemple : je cyclonerai, je panthérerai, je tigrerai) ; et d’autre part, par l’emploi de mots d’autres langues ou d’autres cultures (anglais, baoulé…) : my darkness ; djomolo (balafon), tokpo, (houe), Saizais (le crépuscule), Mefele (ils ont souffert), hémohécadi (nous qui restons), mézan (yin de palme), djambo (sorte d’arbre-liane), awe (trompe, flute); kola, pagne, etc.
Une écriture subversive
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L’écriture romanesque de Nokan est résolument subversive : elle bouleverse les normes établies, milite en faveur du renouvelèrent de l’œuvre romanesque et s’inscrit en droite ligne dans la problématique de son discours politique, en prônant l’action révolutionnaire.
Ecrire, c’est créer et crier. L’écriture, c’est l’incarnation d’une pensée, l’expression d’une personnalité, c’est un geste de liberté qui, pour Nokan, doit conduire à l’émancipation, à la libération des peuples.
Nokan a choisi délibérément une écriture particulière, l’écriture en liberté qui est, pour lui, non seulement une forme d’expression, mais aussi l’expression la plus significative de la liberté de l’écrivain. Son objectif est donc double, d’ordre esthétique et d’ordre politique.
Pour Nokan, l’œuvre de l’écrivain doit être libérée, engagée. Elle doit se traduire par et dans des formes libérées et des formules inédites. L’écrivain ne doit pas s’enfermer dans le carcan des normes conventionnelles. C’est dans cette perspective que se situe la politique de l’écriture de Charles Nokan.
Pierre N’DA. Professeur de Lettres au Département de Lettres Modernes de l’Université d’Abidjan-Cocody, Côte d’Ivoire.
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Prochainement : « Que dire de l’œuvre de
Charles Nokan ? » Par Agnès Monnet
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Participez au débat. Faites-‐nous parvenir vos
textes.
Prochainement : « Ecrire pour
la patrie et l’avenir» Par Maurice Bandama.
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La librairie Espace Noûn d’Alger meurt dans le silence des étoiles
I l faut vite I l faut vite
sauver sauver La l ibrairie Espace La l ibrairie Espace
NoûnNoûn
L’Espace Noûn va fermer ses portes. La mort annoncée de cette expérience unique de librairie s’accomplit dans le silence des agonies solitaires. Et, comme pour les morts acceptées, il ne s’agit plus que
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des derniers gestes qui mettent de l’ordre dans les affaires des défunts …
L’originalité de l’espace Noûn, c’est qu’il s’agit d’une librairie pas comme les autres : il ressemble plus à une bibliothèque personnelle, à un salon, à un chez-soi plus qu’à une vraie librairie. Des cimaises courent sous les plafonds, de véritables meubles fabriqués spécialement donnaient aux livres un petit air amical, convivial. La forme et la structure de ces meubles dégagent beaucoup d’espace et de lumière. Et, au fond, cela devient naturel qu’un visiteur ait envie de s’asseoir et d’engager la conversation. C’était fait pour cela. Boudjemaa Karèche y inaugurait un cycle de rencontres qui n’allaient plus cesser et qui pouvaient réunir les invités autour d’un comédien, d’un poète, d’un livre politique, d’un peintre, d’un photographe. Bref, autour de créateurs sans exclusive ou de militants, etc. L’Espace Noûn jusque-là amenait un nouvel esprit, une autre approche et certainement un autre lien à la fonction de la librairie. La première caractéristique de ces débats et de ces rencontres résidait dans leur but autonome. On sentait bien que ni Nacera ni Arezki (les propriétaires des lieux) ne les organisaient pour uniquement vendre des livres. L’important restait le débat, l’échange, la controverse… Les habitués savent que les débats dans cette librairie exiguë ressemblaient, par bien des aspects, à un théâtre antique, à une agora ou à une re-mise en scène des idées : le créateur avait son public. Et, entre les deux s’établissaient les rapports du non-accidentel, car les rencontres étaient permanentes. Elles n’attendaient pas la formalité de la dédicace. L’Espace Noûn suscitait les rencontres et ne les attendait pas. Cela finissait par enlever à ces rencontres le côté marchand, le côté commerce. Non pas que le commerce des livres ne fut pas le métier de l’Espace
Noûn ; il n’était pas sa vocation tout simplement et uniquement. On baignait dans cette impression à l’intérieur de la librairie. Sans se rendre tout à fait compte. Il faut faire plusieurs fois le tour des titres pour s’apercevoir qu’on ne trouve aucun livre à vocation marchande…
Mohamed Bouhamidi
Il faut vite sauver la Librairie Espace Noun… Avant qu’il ne soit trop tard. Pour tous autres renseignements et contributions, contactez : Mohamed Bouhamidi. [email protected]
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Le Franc CFA
doit
disparaître
L`idée de la création d`une monnaie indépendante, sans lien avec le passé colonial, est plus que d`actualité. Le Pr Mamadou Koulibaly, président de l`Assemblée nationale de Côte d’Ivoire et professeur d`économie, économiste, un des défenseurs de cette vision panafricaniste explique pourquoi le Franc Cfa doit disparaitre et pourquoi une nouvelle monnaie s`impose à la zone UEMOA. Interview
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Pourriez-‐vous citer au moins trois raisons pour lesquelles les Etats africains devraient se libérer du franc CFA ?
Mamadou Koulibaly.-‐ En premier lieu, le franc CFA est coercitif, injuste et moralement indéfendable. Il a favorisé la corruption de l`État. Au moment des élections françaises, les pays de la zone franc sont sans cesse sollicités pour donner des dons aux hommes politiques français, une obligation qui ne peut se justifier. Ces “dons” ont été à l`origine de nombreux conflits et ouvrent la voie à de nombreuses autres formes de corruption. Ce sont ces relations qui perpétuent le monopole français dans les pays de la zone Franc, malgré la mondialisation. Sous prétexte d'aider les pays pauvres avec l`argent du contribuable français, c`est la classe politique française et africaine qui s`enrichit de manière illicite. Cette réalité justifie à elle seule l`abandon de la zone franc. La libéralisation économique et financière ne peut se produire avec un taux de change fixe et une zone d`influence économique créée artificiellement. En fait, l`émergence de tensions apparues au sein du système monétaire international et les crises financières de ces dernières années portent à croire que le choix du régime de taux de change dépend du système d`engagements pris auprès des autorités monétaires. Et pourtant, la restriction de la liberté des pays de la zone franc dans le domaine de la politique monétaire ne protège pas du risque de dévaluation du franc CFA. Ainsi, dans les années 1990, faisant fi de la clause de découvert illimité, la France a ordonné la dévaluation du franc CFA. Avant la dévaluation, 1 franc français s`échangeait contre 50 francs CFA. En 1994, après la dévaluation, 1 FF s`échangera contre 100 FCFA. Les autorités françaises sont pourtant arrivées à faire croire que le taux de dévaluation était de 50%, alors que nous venions de subir une dévaluation de 100%!
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Après l`abandon du Franc CFA, quel avenir économique proposez-‐vous aux pays africains du point de vue de la monnaie?
Mamadou Koulibaly.-‐ Etant donné les enjeux, il est nécessaire d`entreprendre des réformes financières et monétaires. La monnaie doit être au service de l`économie. Elle doit
s’adapter au contexte économique actuel. A cet effet, il faut permettre aux pays de se prémunir contre les chocs asymétriques, d`améliorer la convergence et l`ajustement macroéconomiques et de financer le développement. Il est vital aujourd`hui que le franc CFA acquière une autonomie, qu`il se libère du joug colonial. Il est grand temps que les pays africains assument les conséquences d`une politique macroéconomique librement choisie. Il n`y a pas de secret. Il suffit que nous décidions de nous choisir nos politiques et d`en assumer la responsabilité. La liberté n`a de sens que si elle est assortie de responsabilité. Une fois la rupture accomplie, les pays de l`ex-‐zone franc devront créer leur propre système basé sur des principes simples : accès direct aux marchés internationaux sans tuteur, c`est-‐à-‐dire sans la France; mise en place d`un système fiscal simple sans règles d`imposition incompréhensibles, taux de changes flexible par rapport aux principales monnaies. Pour atteindre cet objectif, les pays concernés ont deux possibilités. La première possibilité consisterait à créer des monnaies nationales indépendantes, avec une parité flexible comme les monnaies de l`Union européenne avant l`introduction de l`euro. Cette solution peut fonctionner uniquement si les banques sont privées et indépendantes et que les banques centrales ont la liberté de mettre en œuvre des politiques monétaires crédibles. La deuxième
option, c`est que les pays africains s`unissent et créer une monnaie commune, mais cela suppose un gouvernement unique, contrôlée par une banque centrale unique et indépendante du pouvoir politique, ainsi qu`une politique économique monétaire et budgétaire uniques. Quelle que soit la solution adoptée, les États doivent être démocratiques. Ils doivent indiquer clairement à leurs citoyens leurs droits de propriété et leur accorder la liberté de décider s`ils veulent hypothéquer ces droits. Tout commence avec l`attribution du droit de propriété aux citoyens, un droit qui les fera émerger de la pauvreté. Le libre échange fera le reste.
En 2005, vous avez publié un livre intitulé « Les servitudes du pacte colonial ». Pourriez-‐vous expliquer brièvement le sujet de cet ouvrage et le message qu’il transmet?
Mamadou Koulibaly.-‐ L`objectif de ce livre était de faire connaître au public le ” pacte colonial “, fondement des accords de coopération franco-‐africains. Il s`agit d`un modèle institué par la France sous de Gaulle à la veille de l`indépendance des Etats d`Afrique francophones, destiné à contrôler indirectement les affaires de ces pays de manière subtile, sans apparaître en première ligne comme pendant la longue période coloniale. Le livre publie les textes utilisés pour organiser les interventions
de l’Etat français, malgré la fin de l`époque coloniale dans les années 1960. Selon ce pacte colonial, les présidents des Etats
d`Afrique francophone doivent diriger leurs pays en fonction des intérêts de Paris. L’indépendance s`est donc résumée au transfert de compétences de l’Elysée aux chefs d’État africains, qui doivent faire acte d’allégeance à la France, et non aux peuples qu`ils gouvernent. Paris se charge de leur
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dicter les politiques à adopter. Ce livre révèle comment les accords de Défense sont en réalité que des accords commerciaux obligeant les Etats d`Afrique francophone à conserver des bases militaires françaises sur leur sol, avec des soldats prêts à intervenir pour chasser les dirigeants récalcitrants afin de les remplacer par des individus plus dociles. Dans ce livre, on découvre que la France détient un monopole sur toutes les matières premières de l`Afrique francophone. On apprend comment la France a pris des mesures pour s`assurer qu`elle conserverait toutes ses prérogatives coloniales après avoir accordé “l’indépendance” aux pays africains. Par le biais de ce pacte colonial, la France est demeurée omniprésente en Afrique francophone et a conservé les avantages d`hier. Paris a confisqué la véritable indépendance des pays d`Afrique francophone. Nous nous devons de dénoncer collectivement ce pacte colonial. Lors de sa visite au Sénégal, en juillet 2007, le fraîchement élu président français Nicolas Sarkozy a reconnu que la colonisation était un crime contre l`humanité, mais il a refusé de se repentir. Les Africains doivent dénoncer tous les accords et systèmes qui éloignent l`Afrique des marchés. Le pacte colonial constitue une violation du droit de propriété africain.
Etes-‐vous parvenu à transmettre ce message à travers ce livre?
Mamadou Koulibaly.-‐ Je pense que oui. Je voulais partager mes convictions avec un grand nombre d` Africains. Et d`amis de l`Afrique, afin qu`ils soient dans une meilleure position pour mesurer les dangers du pacte colonial, du contrôle de l`Etat, et surtout de prendre conscience que la gestion de l`économie sous l`emprise du pacte colonial est une source de pauvreté dans nos pays. Nous ne voulons pas l’aumône ; notre problème n`est pas le manque d`argent. Je suis convaincu que nous devons avant tout revendiquer clairement nos droits de propriété sur nos terres et nos ressources, qui ont été aliénées par les colons, et dont le pacte colonial nous dépossède aujourd’hui. Enfin, je voulais dire que l`Afrique a un besoin urgent de libertés individuelles, d’un contrôle de l`Etat limité, de marchés libres, d`une société ouverte et de la paix, qui ne peuvent exister que si la liberté économique et politique est respectée.
Source : Le Temps.
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Dans notre prochaine parution :
M. Cicéron Massamba expliquera le contexte de la naissance du franc CFA et les mécanismes de la zone Franc et nous dira pourquoi et comment le franc CFA constitue un frein à l’indépendance économique des pays africaines.
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ARTSARTS ,,
L ITTERATUREL ITTERATURE
ET CULTUREET CULTURE
(Cette rubrique est réservée pour faire découvrir les livres, anciens ou nouveaux, les artistes et les écrivains, que nous jugerons susceptibles de présenter un intérêt, à certains égards).
J’avoue ma honte d’avoir vécu jusque-‐là sans
connaître
le « Code noir » Il y a beaucoup de choses cachées, dans ce monde, dont je n’aurai jamais honte, que je les découvre ou pas, et quel que soit le moment où je les découvrirais... Mais, j’avoue très sincèrement que j’ai immédiatement eu honte de moi-‐même, d’avoir été le fils d’un des premiers pasteurs noirs de la Mission Baptiste Américaine dans ma contrée, et d’avoir grandi jusqu’à l’âge d’aujourd’hui, sans avoir jamais découvert, ni sans jamais avoir eu l’occasion de lire, ni sans jamais avoir entendu parler du « Code noir ».
J’ai eu honte de moi-‐même, d’avoir étudié dans les écoles missionnaires protestantes du Bandundu et
du Bas-‐Congo, durant la période coloniale belge, depuis mon enfance jusqu’en 1960, année où mon pays, la République du Congo accéda à l’indépendance, sans jamais entendre parler du « Code noir ». J’ai entendu les premiers discours du Premier Président de la République, Chef de l’Etat, M. Joseph Kasa-‐Vubu, ainsi que celui du Premier Ministre, M. Emery Patrice Lumumba. Ils ont dénoncé, tant soit peu, les mauvais traitements dont nous, les “Nègres, dits Sauvages” du Congo Beige, étions victimes, durant les quatre-‐vingts ans de la colonisation belge. Mais, ils n’ont pas fait mention du “Code noir ». Le connaissaient-‐ils eux-‐mêmes ? L’avaient-‐ils lu eux-‐mêmes? Je ne le crois. Comme des millions d’autres, à cette époque, ils ignoraient l’existence du “Code noir”. Et pourtant, tout ce qui concerne notre existence se décidait, à partir de “Code noir”, et selon le “Code noir”.
J’ai eu honte de moi-‐même, d’avoir passé cinq ans à l’Université, à étudier la Philosophie, les Lettres et la Linguistique, y compris la Psychologie et la Pédagogie Appliquée, sans que personne ne me parle du “Code noir”. Des millions d’Universitaires de mon époque, professeurs et étudiants, ignoraient l’existence du “Code noir”. Et pourtant, nous tous, professeurs et étudiants, Noirs et Blancs, nous étions en train de mettre en pratique et en vigueur, sans le savoir, les stratégies du “Code noir”. Après ma formation universitaire, j’ai exercé de nombreux métiers et occupé de nombreuses fonctions, notamment de Professeur et de Préfet d’Ecole Secondaire, d’Assistant d’Université, d’Agent Cadre dans les entreprises nationales, de membre de Cabinets Politiques, de Journaliste, d’Ecrivain et de Poète, de Diplomate, et de Pasteur, affectant la vie de nombreuses personnes, sans avoir lu le “Code noir”.
Et, tout comme moi, des millions de fonctionnaires, des enseignants, des cadres et des agents d’entreprises, y compris des politiciens, des journalistes, des écrivains, des poètes, des diplomates, des chrétiens, des musulmans, des bouddhistes, des hindouistes, des prêtres et des pasteurs, Noirs ou Blancs, opéraient selon les
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stratégies du “Code noir”, dont la plupart en ignoraient l’existence. Des millions de Noirs en Afrique du Sud ont subi les atrocités et les humiliations de l’Apartheid, en ignorant que la source, la racine de leurs souffrances se trouvait dans le “Code noir” qui existe depuis plus de trois siècles.
Quelle honte, de me dire intellectuel africain, et vivant parmi les Africains, et parmi les Occidentaux, et parmi les Noirs et parmi les Blancs, subissant souvent les moqueries de la vie, sans savoir pourquoi, et en ignorant complètement l‘existence du “CODE NOIR”, conçu et fabriqué, de toutes pièces, par un groupe d’êtres humains, poussés par la convoitise et par le désir malsain d’exploiter d’autres êtres humains, ainsi que par l’orgueil de s’arroger la suprématie, l’hégémonie et le privilège de garder les autres dans un état d’esclavage permanent !
Quelle honte pour les institutions internationales, comme l’Organisation des Nations Unies, de prétendre assurer la paix et la sécurité des nations, sans dénoncer ouvertement le “Code noir”!
Quelle honte de savoir que beaucoup de dirigeants ne connaissent pas l’existence du “Code noir”, et donc, contribuent inconsciemment, à entretenir et
a perpétuer, même en ce 2lème siècle, les injustices et l’esclavagisme sous d’autres formes !
Quelle honte pour les Chefs d’Etat, les Premiers Ministres et les Ministres Noirs Africains, de ne pas connaître le “Code noir”, et de diriger leurs peuples, selon les principes du “Code noir”, c'est-‐à-‐dire en faisant à leurs populations noires, ce que les auteurs du “Code noir” avalent prévu, pour garder les Noirs dans l’esclavage pendant plus de trois siècles, sans qu’ils ne s’en rendent compte et n’en sortent !
Quelle honte pour certains dirigeants africains, qui, pour s’attirer les faveurs des Occidentaux, s’engagent dans l’achat d’armes lourdes, afin de massacrer leurs populations et les populations des Etats voisins, provoquant des génocides, violant les femmes, tuant les enfants et pillant leurs richesses, comme pour perpétuer la Traite des Noirs par les Noirs, selon le schéma du “Code noir” !
Quelle honte pour nous, intellectuels, politiciens, diplomates, écrivains, poètes, professeurs, pasteurs, prêtres, missionnaires, hommes d’affaires, noirs et surtout africains, même dans la Diaspora, de continuer a faire ce que nous faisons, sans avoir lu, ni connu le “Code noir”, pour que nous le dénoncions au travers de tous les camouflages, les mascarades et les subterfuges par lesquels les Occidentaux, qui le savent, nous endorment et nous manipulent, par ruse !
Mais, dépassons la honte et lisons le “Code noir”. Quand nous aurons lu et pris connaissance des objectifs du “Code noir” faisons tout pour en divulguer le contenu à toutes les populations, jusque dans les villages les plus reculés d’Afrique, en passant par tous les programmes de formation scolaire, toutes les églises et communautés (catholiques, protestantes, charismatiques, kimbanguistes, musulmanes et autres), afin que nos hommes, nos femmes et nos enfants soient épargnés de ces fausses doctrines qui nous maintiennent, à notre insu, d’une manière permanente, de génération en génération, dans le même complexe d’infériorité que nos ancêtres.
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Nous pourrons ainsi combattre les opinions préconçues sur notre condition humaine. Nous le ferons, sans esprit de rancune, ni de vengeance, mais comme de bons chrétiens, débarrassés de l’animalité de nos persécuteurs.
Arrêtons d’avoir honte de nous-‐mêmes. Détruisons la racine des injustices dont nous avons été victimes depuis plus de trois siècles, et que nous perpétuons, sans le savoir. Ainsi, le texte fondamental de “La Déclaration des Droits de l’Homme” aura son sens et sa raison d’être. II y est stipulé notamment : Article 1er : “Tous les êtres humains naissent libres et égaux... Tous les êtres humains doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.” Article 3 : “Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.” Article 4 : “ Nul ne sera tenu en esclavage, ni en servitude; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes ses formes.” Article 5: “Nul ne doit être soumis aux traitements cruels, inhumains ou dégradants.”
Ecrivons des livres, des manuels scolaires, des anthologies, des cours d’enseignement religieux, des pièces de théâtre, des essais, des romans, des commentaires bibliques, et tant d’autres ouvrages, qui seront complètement débarrassés de préjugés et d’opinions préconçues, pour affirmer les clauses de la Déclaration des Droits de l’homme. Car, sinon, qui est “homme”, s’il n’est pas celui qui a été créé a l’image de Dieu, ayant un corps, une âme et un esprit? Les minéraux et es végétaux n’ont pas d’âmes, ni d’esprit… Les Noirs ne sont ni des minéraux, ni des végétaux. Ils ont un corps, une âme et un esprit. Donc, ils sont des hommes, au même titre que les Blancs, es Jaunes et les Rouges. Pourquoi avoir écrit le “CODE NOIR”? Pourquoi ne l’avoir pas diffusé à l’échelle mondiale, comme la Bible, le Coran, les Veda, et d’autres livres d’inspiration spirituelle, divine?
Pour noyer ma honte dans la Victoire, j’ai suivi l’exemple du Professeur Louis Sala-‐Molins, et du Professeur Léandre Sahiri. Ils ont lu le “CODE NOIR”, et poussés par l’esprit d’amour pour leur peuple noir bafoué bêtement, ils ont écrit. Moi
aussi, par le canal du Professeur Léandre Sahiri, je viens de lire le “Code noir” de Louis XIV. Je ne peux pas me taire, parce qu’il y aura encore des millions qui ne liront ni les écrits du Professeur Louis Sala-‐Molins, ni les écrits du Professeur Léandre Sahiri, mais qui liront mes écrits. Alors, j’ai pris la résolution d’utiliser le mode qui me convient, et d’écrire.
L’on m’a dit que le Noir ne lit pas. Que si vous avez un secret à lui cacher, il faut le mettre dans un livre. Mais, je connais une chose. Quand la connaissance du “Code noir” se sera étendue et accrue, que de nombreuses publications sur le “Code noir” couvriront la terre, les Noirs liront, ils en prendront connaissance, et ils dévoileront, dès lors, leurs propres stratégies de reclassement et de récupération de tout ce qu’ils ont perdu pendant plus de trois siècles, sans rancune, ni vengeance, mais avec un esprit de sagesse, de maturité et de dignité humaines. Sans préjugés, ils démontreront qu’ils n’ont jamais été des objets, ni des sous-‐hommes, ni des bêtes de somme, mais de véritables êtres humains au même titre que les autres.
Le temps est arrivé. L’heure a sonné. Je demande à tous les intellectuels noirs qui liront
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ce livre, d’en faire a leur tour, des échos comme des ondes successives d’un caillou jeté sur la face des eaux, qui se multiplie a l’infini, jusqu’à atteindre les extrémités de la terre noire. Partout, il faut faire retentir le “bruit” du réveil mondial des Noirs. Ce bruit, comme les ossements desséchés dans la Vallée des ossements de la vision du Prophète Ezéchiel, provoquera partout un “mouvement” pour une nouvelle vie. Le mouvement des ossements desséchés produira le “rassemblement” qui finira par donner vie aux ossements secs, avant que ceux-‐ci ne forment une “grande armée” Ils reprendront vie et redeviendront cette armée grande et puissante, qui ne combattra pas avec des armes charnelles, qui sont corruptibles et faillibles, mais avec des armes spirituelles, qui sont puissantes par la vertu de Dieu, pour renverser tous ces « raisonnements » qui se sont élevés, pendant aussi longtemps, contre la connaissance de la Vérité, le Christ.
Révérend Pasteur Ti.
(Extrait de « A propos des mensonges monstrueux sur le prétendu esclavage permanent des Noirs », Editions
Menaibuc).
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Droit de réponse : Le Professeur AKE Patrice répond à M. BOA THIEMELE Léon Ramsès, auteur de l’ouvrage, « la sorcellerie n’existe pas », publié aux Editions du CERAP, que nous avons eu le privilège de présenter dans notre précédente parution (Le Filament No 6).
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La sorcellerie La sorcellerie
existeexiste
Dans la dédicace à son récent ouvrage, la sorcellerie n’existe pas (Abidjan, Editions du CERAP, 2010) le Prof. BOA THIEMELE Léon Ramsès m’écrivait ces quelques mots : « Au Prof. Dr. AKE Patrice, il nous faut nous libérer de fausses croyances. Merci et bonne lecture ». De même, dans son avant-‐propos, l’auteur écrit : « Révolté à la fois par la soumission collective à l’idéologie de la sorcellerie et par les effets pervers de cette même croyance, j’ai voulu exercé mon droit de révolte ». Pour bien assoir notre argumentation, je voudrais que nous accordions nos violons autour de l’objet de notre recherche : la sorcellerie, qu’est-‐ce que c’est ?
Pour le Prof. BOA, la sorcellerie « est une production de notre mentalité. Elle n’a ni consistance, ni existence en soi ». Pour lui, « son mode de fonctionnement (est) fondé en réalité sur un principe explicatif du désordre ou des conflits sociaux». Ou encore, « elle est une simple verbalisation de notre souffrance et de notre désir de plénitude». En bon rationaliste, le Prof. BOA nie au sorcier, « la possession (des) pouvoirs surnaturels».
L’auteur va recourir ensuite à la psychologie jungienne pour expliquer rationnellement la sorcellerie. La sorcellerie « peut être comptée par (les) réactions face à certaines situations de peurs,
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d’angoisses » (p. 27). Plus loin, il soutient catégoriquement qu’il « serait plus juste de renvoyer la sorcellerie à une production de l’inconscient répondant aux structures de l’âme humaine et relevant des formes symboliques » (p. 93). Une question que nous nous posons est celle-‐ci : comment peut-‐on donner des définitions à quelque chose qui a priori n’existe pas ?
Quant aux définitions proprement dites du sorcier, le Prof. Boa distingue le sorcier européen qui est « une personne censée pratiquer l’envoûtement à distance, connaître les vertus de certaines drogues, se métamorphoser en animal tel le chat, connaître en quelque sorte les recettes de l’action maléfique » (p. 27). En Afrique, par contre, le sorcier, selon les termes du Prof. Boa est « un villageois » (p. 29). Il ajoute plus loin, « c’est un paysan illettré sur lequel viennent s’accumuler les haines et les jalousies de ses frères de misère » (p. 30). Il me semble que le Prof. Boa a oublié son axiome de départ et il s’expose en définitions ; lui qui avait postulé que la sorcellerie n’existe pas. Tenez par exemple : « le sorcier est défini comme un être humain mu par des effets négatifs et antisociaux que sont la haine, la jalousie, le ressentiment, l’envie, l’égoïsme » (p. 30). Toutes les langues africaines ont un mot pour dire sorcier, ce qui prouve que la réalité existe bel et bien : « le bayifo en Agni ou en Ashanti, le kpalao en Abbey, subaka en Bamabara » (p. 36). A ce stade de la question, je me demande pourquoi, le Prof. Boa a-‐t-‐il nié le fait de la sorcellerie, pour ensuite, affirmer l’existence du fait de sorcier. Il va même jusqu’à affirmer à la suite d’autres auteurs comme N’cho Chayé, l’existence de la sorcellerie noire ou vilaine sorcellerie ». Quant à Jean-‐Alexis Mfoutou, le sorcier (ndoki) « un individu suspecté d’être malfaisant. Il est doté du pouvoir maléfique de nuire aux autres, il attire la force vitale d’un être totalement dépourvu de moyens de défense. Le ndoki reste dangereux même mort car il se transforme en mauvais esprit, en démon » (p. 37).
Le Prof. Boa revient ensuite à sa langue agni, où il reconnaît au bayifo «une connaissance obscure, celui qui détruit». Il poursuit en disant : « le terme bayefuo est composé du lexème nominal baye, qui désigne un pouvoir d’agression qui s’exerce de manière invisible, et du morphème dérivatif fuo qui désigne celui qui, la personne » (p. 37). Il mange l’âme de ceux qu’il veut faire souffrir, par des actions volontaires ou involontaires. Le Prof. BOA nous entraîne ensuite dans la cosmogonie des religions traditionnelles africaines, où il finit par avouer que, « pour la société traditionnelle, le sorcier est doué de pouvoirs surhumains grâce auxquels il peut se métamorphoser en animal, en vent, ou tout autre objet, pour commettre des crimes… contrairement aux hommes ordinaires, les sorciers ont le don de la clairvoyance. Ils sont capables de percevoir des choses que nous ne voyons pas. Ils ont, un troisième œil qu’ils utilisent pour passer à travers l’espace et le temps » (p. 46).
Piteuse conclusion que celle qui consiste à avouer, après moultes négations, que « la sorcellerie est un fait social indéniable. On ne peut nier son existence en tant que donnée sociale autonome obéissant à ses lois selon la logique interne». Cette conclusion, franchement très contradictoire m’a fait arrêter la lecture du livre du Prof. BOA. S’est-‐il rendu compte de la contradiction qui fonde son livre ?
Ayant suffisamment défini l’objet de notre recherche, il nous revient de définir à présent la méthode de recherche : la « dégaoutique » ;
2. LA METHODOLOGIE DE RECHERCHE : LA DEGAOUTIQUE
Le Prof. BOA prévient le lecteur en l’informant que sa méthode de recherche s’appelle « la dégaoutique », dont on peut tirer le verbe « dégaoutiser ». L’adverbe « dégaoutiquement » est « la jonction d’un préfixe «de», qui a un caractère privatif et d’un radical, « gaou » qui est issu du langage populaire de Côte d’Ivoire, le Nouchi. Le
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Gaou, c’est le niais. Il est incapable de voir la vérité qui s’offre à lui ; c’est celui qui s’abandonne aux informations dérivées des sens sans exercer la fonction critique de la raison. Le gaou croit à tout ce qu’on lui dit. Il devient, en fin de compte la proie des rumeurs et de la routine. La coutume fondant ses choix, il se réfugie derrière une pensée collective » (p. 94).
La « dégaoutique », « en tant que philosophie critique des vérités premières, est dépassement de l’évidence. Elle propose une lecture complexe du réel selon une rationalité ouverte. Toujours à la recherche de la diversité de signification du monde, elle prend ses distances avec les discours prétendant détenir la norme intangible du vrai » (p. 95). A entendre le Prof. Boa la « dégaoutique » estime « que le monde est trop stable pour produire, selon les ordonnances surnaturelles d’une mauvaise volonté, des changements intempestifs. A lui donner raison, le mal, le diable n’existe pas. Son jugement est sans appel : « la sorcellerie est simplement un système que les représentants des valeurs traditionnelles exploitent comme moyens totalitaires de privation de liberté, de contrôle de la norme idéologique et de conjuration du désordre » (p. 109).
CONCLUSION
Magic Système, un groupe de 4 chanteurs zouglou a revalorisé le concept de « gaou » dans leur opus célèbre « premier gaou n’est pas gaou, mais c’est le deuxième gaou qui est gnanta ». Le Prof. Boa nous a pris pour des gaous de la raison, en voulant nier une évidence sociologique : « la sorcellerie ». Il a montré au départ que cette réalité relevait de la psychologie. Mais, finalement, il a mis en valeur ce qu’il détruisait. C’est cela la vraie gaouterie. Il faudrait qu’il essaie une autre piste, la foi, pour voir comment lutter effectivement contre la sorcellerie, car la sorcellerie existe.
Père Jean Patrice AKE
Immondices Un
livre de JEAN AMEA
Genre : théâtre
Editions Menaibuc, Paris, 2008
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« Immondices » est une œuvre pleine et intelligemment écrite ; elle est positivement enivrante.
Au niveau de la forme, l’auteur fait usage d’un langage accessible à tous ; pas de complication, comme qui dirait. Les personnages sont choisis dans le terroir de l’auteur. Jean Améa, à travers les différents personnages, plonge le lecteur dans les
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méandres du cosmos des Akans, peuple de Côte d’Ivoire et du Ghana voisin, sans oublier le Bénin où ce peuple a des ramifications.
« Immondices » est une œuvre de recherche de très haut niveau à découvrir.
Dans le fond, le dramaturge démontre que les têtes bien faites existent encore et partout. Le symbolisme et la métaphorisation utilisés ici emportent le lecteur dans des dimensions qui voisinent avec une saine extase que l’on rencontre seulement entre les lignes des grandes œuvres.
Nous avons ici, l’histoire des politiques qui ne tiennent pas compte du peuple manipulé à souhait pour arriver au sommet. Ces politiques qui sucent le peuple et qui le laissent mordre la poussière, qui l’utilise comme une orange que l’on presse pour la vider de son jus. Pas trop à dire, osez, lisez et vous verrez… Rappelons que cette pièce a été écrite en 1982, et a obtenu le Prix de la meilleure pièce inédite, au 3e festival de théâtre scolaire de Bouaké, en 1984. Un livre très intéressant, à lire nécessairement…
L’auteur, Jean Améa est Professeur de Littérature, critique littéraire, dramaturge ivoirien. Ancien membre dirigeant du Syndicat des Enseignants des Lycées et Collèges de Côte d’Ivoire (SYNESCI),
membre fondateur du Parti ivoirien des travailleurs (P.I.T). Il a publié divers articles et participé à la mise en scène de nombreuses pièces de théâtre, dont « Immondices ». Poète, il est l’auteur, entre autres, de « Cris séditieux »...
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A lire prochainement :
Amo After, un noir, professeur d’université
en Allemagne au 18ème siècle
Cette rubrique initiée par feu Faustin Dizo Gnahoré, historien, a pour objectif de mieux faire connaître l’histoire de la Côte d'Ivoire, de l’Afrique. Parce qu’il nous faut nous souvenir. Parce que "tant que les lions n'auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse continueront de glorifier les chasseurs". Parce qu’il faut donner la réplique aux manipulateurs de l'histoire, de notre histoire. Parce qu’il nous faut savoir et comprendre les événements anciens et récents. Parce qu’il nous faut éviter de répéter les erreurs d’hier. Parce que la mémoire n’est jamais figée. Parce que la mémoire vit toujours au présent, constamment réélaborée en fonction des interrogations, des préoccupations et des conflits de nos sociétés. Parce que les conflits mondiaux ont le triste privilège de rassembler l'éventail le plus large possible des atrocités que des êtres humains sont capables d’infliger à une autre partie de l'Humanité. Parce que c’est dans le passé, c'est-‐à-‐dire dans les souvenirs des expériences vécues, que l’on puise pour construire le présent et l’avenir. Nous avons le droit de savoir. Nous avons le devoir de mémoire. Ainsi donc, par devoir de mémoire, nous
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lèverons un peu plus le voile sur notre histoire, dans chaque parution. Intervenez ! Témoignez ! Participez !...
La F.E.A.N.FF.E.A.N.F
(Fédération des étudiants d'Afrique noire en France)
La Fédération des étudiants d'Afrique noire en France (FEANF) a été créée en 1950 après les congrès de Lyon (avril 1950) et de Bordeaux (décembre 1950), auxquels ont participé : Alpha Condé (Guinee), Seyni Niang (Sénégal), Félix Mounié (Cameroun), Francis Romain Wodié et Djéni Kobina (Côte d'Ivoire), Emmanuel Bob Akitani (Togo), Albert Tévoédjrè (Benin), Noaga Oualian (Burkina Faso). La liste des membres de chaque nouveau bureau était déposée chaque année à la Préfecture de police de Paris, au Bureau des Associations déclarées ; ce changement du bureau est signalé aussi au Journal officiel de la République française.
1er congrès ordinaire tenu les 21 et 22 mars 1951 à Paris A ce 1er congrès ordinaire, ont été élus : Solange FALADE (République du Bénin, ex-‐Dahomey) présidente du Comité Exécutif de la F.E.A.N.F ; Amadou Mahtar M'Bow (Sénégal) Secrétaire général; N'Ki Traoré (Guinée Conakry) Secrétaire adjoint ; Abdou Moumouni (Niger) Trésorier.
2è congrès ordinaire (14-‐15 avril 1952, à Paris). Comité exécutif de la F.E.A.N.F. : Président : Edouard Sankhalé (du Sénégal) Vice-‐président : Mamadou Samb (Sénégal). Sécrétaire général : Alioune Ba (Sénégal). Premier secrétaire adjoint : Youssoupha Sylla (Sénégal). Deuxième secrétaire adjoint : Babacar Niang (Sénégal). Trésorier : Abdou Moumouni(Niger).
3è congrès (8 avril 1953 à Paris). Comité exécutif : Président : Mamadou DIA (Sénégal). Vice-‐président : Alioune BA (Sénégal). Secrétaire général : Babacar BA (Sénégal). Trésorier : Abdou Moumouni (Niger). Trésorier adjoint : Ignace Yacé (Côte d'Ivoire).
4è congrès (27-‐28 décembre 1953 à Toulouse) Comité exécutif : Président : Albert Franklin (Togo). Vice-‐président : Cheikh Kane (Sénégal). Secrétaire général : Babacar Niang (Sénégal). Secrétaires adjoints : René ZINSOU (Dahomey) et Bounama Fall (Sénégal). Trésorier : Tidiane Baïdy Ly (Sénégal).
5è congrès (27-‐30 décembre 1954 à Paris): Comité exécutif : Président : Albert Franklin (Togo). Vice-‐présidents : Souleymane Sy Savané (Guinée-‐Conakry), Daouda Badarou (Dahomey et Ibrahim Ngom (Sénégal). Secrétaire général : Pierre Comnos (Guinée-‐Conakry). Secrétaires adjoints : Augustin Campos(Dahomey), Babacar Ba (Sénégal) et Saïdou Djermakoye (Niger). Trésorier : Sana Ouedraogo (Haute-‐Volta, devenu Burkina Faso), COSTA Sylla (Guinée), président (décembre 1968-‐décembre 1969 et 1969/70). MESSAN, A. (Togo), président (décembre 1970-‐décembre 1971).
MBEMBA, Kiélé Jean-‐Martin (Congo-‐Brazzaville), président (décembre 1971-‐décembre 1972).
OUALIAN Noaga J.-‐B. ( Burkina Faso, ex-‐Haute-‐Volta), président (décembre 1972-‐décembre 1973).
QUENUM Fidèle (du Bénin, ex-‐Dahomey), président (décembre 1973-‐décembre 1974 et 1974/1975).
KABRE Bonaventure (du Burkina Faso, ex-‐Haute-‐Volta), président (décembre 1976-‐décembre 1977 et 1977/1978, et 1978-‐1979).
AKUGNAN Nganga (du Congo-‐Brazzaville), président (décembre 1975-‐1976).
Bibliographie : Amady Aly Dieng.-‐ Les premiers pas de la Fédération des étudiants d'Afrique noire en France (FEANF), (1950-‐1955) : (de l'Union
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française à Bandoung), L'Harmattan, Paris, 2003.
Amady Aly Dieng.-‐ Les grands combats de la Feanf -‐ 1955-‐1960, Ed. L'Harmattan, Paris, 2009.
Source : Wikipédia.
Le saviez-‐vous ? D’où viennent les noms des fleuves de Côte d’Ivoire : Cavally, Sassandra, Bandama, Comoé… ?
A partir du 15ème siècle, quand les Portugais découvraient, l’embouchure d’un fleuve en Afrique, ils donnaient un nom à ce fleuve, dans leur langue. Ces noms ont évolué au cours des siècles, comme le montre le tableau ci-‐dessous.
16ème siècle
17ème siècle
18ème siècle
19ème siècle
20ème siècle
Rio de
Calebo
Growaly
Growa
Cavally
Cavally
Rio Sam Amdre
Rio Sam Amdre
Rio de San
Andrea
Sassandra
Sassandra
Rio de Barbas
Rio de Lagoa
Rio Lahu
Bandama
Bandama
Rio Comoe
Rio Domes
Rio AKba
Rio Kunmwe
Comoé
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dd i a s p o ri a s p o ramaama (Vie et activités des Africains (Vie et activités des Africains
de la Diaspora)de la Diaspora) *
Dr Serge-‐Nicolas NZI
EEEnnnqqquuuêêêttteee :::
LLLeeesss aaammmbbbaaassssssaaadddeeesss iiivvvoooiiirrriiieeennnnnneeesss
ààà lll’’’ééétttrrraaannngggeeerrr
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Il faut simplement que les choses changent. Positivement. Il faut que nos ambassades soient véritablement au service des Ivoiriens, des ambitions de la Côte d’Ivoire dans les relations internationales et à la hauteur de la mission diplomatique qui est la leur, sans plus. Voilà pourquoi, après avoir pris le temps d’observer nos ambassades ivoiriennes à l’étranger, nous nous permettrons de divulguer le dossier que nous avons pu réaliser. Encore une fois, il ne s’agit pas ici d’une guerre dirigée contre telle ou telle personne. Il s’agit de mettre de l’ordre dans ce qui représente et symbolise l’image et le visage extérieur de notre pays, la Côte d’Ivoire. Guerre ou pas, il faut très vite revenir aux fondamentaux de notre cheminement dans les relations internationales et aux règles élémentaires de la représentativité diplomatique.
1ère partie
Mission etMission et
démissiondémission
de nos de nos ambassadeursambassadeurs
En plus de la fonction de représentativité de son pays, un Ambassadeur répond à cinq grandes missions fondamentales : 1. défendre les intérêts de son pays ; 2. promouvoir des relations amicales ; 3. développer des relations économiques, culturelles,
scientifiques et militaires entre les deux pays ; 4. être un agent de liaison pour mieux informer son pays sur les réalités et les potentialités du pays d’accréditation ; 5. défendre les intérêts de ses compatriotes résidants ou de passage dans le pays d’accréditation.
En plus de ces missions, un Ambassadeur est, en tant qu’un haut fonctionnaire au service de l’Etat de son pays, également chargé de conduire et de faire fonctionner l’administration de l’Ambassade, à savoir coordonner et animer l’action des services civils qui composent la mission diplomatique dont-‐il est le chef.
La démission de nos ambassades
Dans la réalité la plupart des ambassades ivoiriennes sont, selon nos enquêtes, mal perçues par la grande majorité de la diaspora ivoirienne. En effet, nombre d’Ivoiriens de vivant a l’étranger trouvent que certaines ambassades ne jouent pas leurs rôles, ne remplissent pas correctement leur mission : « une diplomatie de la honte », entend-‐on dire. Une façon de faire allusion à l’exil doré lié aux porteurs de passeport diplomatique et leur famille, aux différents dysfonctionnements dont-‐ils font montre dans la délivrance des documents administratifs dont les ivoiriens de l’étranger ont besoin.
N’évoquons même pas les petits trafiques d’attiéké et de viande d’agouti qui arrivent par la valise diplomatique, qui montrent aussi jusqu’où on peut descendre dans la bassesse. L’établissement des passeports biométriques fut l’occasion dans certaines représentations d’organiser un cafouillage sans nom.
Ne parlons même pas de l’inscription des ivoiriens de l’étranger sur les listes électorales. Il fallait dans certains pays se lever à 04h30 du matin, pour faire la queue en plein hivers dans un froid de canard. Sincèrement ne pouvait-‐on pas trouver une meilleure façon de le faire pour des gens qui ont des obligations de présence sur leur lieu de travail ? Ne soyez pas étonnés que dans ces conditions certains d’entre nous aient carrément préféré renoncer à leurs devoirs citoyens de s’inscrire sur la liste électorale. Là aussi l’information n’a pas circuler, ou avait été confisquée, sinon livrée à une partie de la communauté qui s’était organisée en conséquence.
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Paris, Ambassade de Côte d'Ivoire en France
Dans quel but et pour quelle motivation une ambassade qui représente tout un peuple, peut-‐elle jouer à un jeu aussi dangereux ? À ce stade de notre propos, il est peut-‐être temps de rappeler à nos ambassadeurs qu’il y a des choses qui n’arrivent pas qu’aux autres. (A suivre)
Dr Serge-‐Nicolas NZI, Chercheur en communication Lugano (Suisse).
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Prochainement : La honte et les souffrances de certains ambassadeurs africains
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La fuite des cerveaux :
Le cas des médecins LES TRANSFERTS FINANCIERS DES TRAVAILLEURS AFRICAINS résidant à l’étranger se sont élevés, en 2004, à quelques 20 milliards de dollars, ce qui représente environ 23 dollars par habitant. Mais, cette fuite des mains habiles et des cerveaux pose de sérieux problèmes dans les pays d’origine, en particulier dans le secteur de la santé, comme le soulignent deux rapports (Global Monitoring Report et Global Development Finance) publiés les 6 et 12 avril 2005 par la Banque mondiale.
Selon ces rapports, les transferts sont supérieurs aux investissements directs étrangers, qui avaient atteint 15 milliards de dollars en 2004. Mais, la Banque mondiale constate, sans en évaluer encore le coût, l‘impact négatif de cette hémorragie de ressources humaines qualifiées, surtout en ce qui concerne les médecins. Par exemple, sur environ 600 médecins formés depuis 1964 en Zambie, il n’en reste plus que 50 exerçant dans le pays. De même, sur les 489 diplômés de la faculté de médecine du Ghana en dix ans, 298 sont partis a l’étranger. Le Ghana a dû faire appel à 200 médecins cubains. En Ethiopie, 30% des médecins se sont expatriés entre 1968 et 2001. II y a, aujourd’hui, plus de praticiens nigérians à New York que dans l’ensemble du Nigeria ; idem pour le personnel médical malawite, plus nombreux dans la seule ville de Manchester qu’au Malawi. Ce mouvement risque, selon la Banque, de s’amplifier et de toucher les infirmiers : les Etats-‐Unis ont besoin d’en recruter plus de 500.000 d’ici à 2015 et le Royaume-‐Uni plus de 50.000.
Samir Gharbi, Extrait de « Les chiffres qui parlent ». Source : Jeune Afrique.
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Du rififi à l’Ambassade de Côte d’Ivoire à Londres, à propos de la célébration du cinquantenaire de l’indépendance ivoirienne au pays de la Reine. Notre enquête est en cours.
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Vérités Vérités et et
contrevéritcontrevéritésés
(Ils ont dit)
(Proposez des « Vérités et contrevérités », avec ou sans commentaires, que vous souhaiteriez partager ou discuter avec les autres. Nous les publierons dans cette rubrique).
&
Car, qu’on se le tienne pour dit, une enquête, qu’elle soit judiciaire, parlementaire ou d’une autre nature, peut aboutir soit à la confirmation des faits reprochés à la personne mise en cause, et donc à sa culpabilisation, soit à l’infirmation desdits faits visés, et donc au blanchiment de la personne mise en cause. (Boga Sivori, journaliste, Notre Voie, Abidjan.
&
Il est évident que l’Afrique ne sera pas construite par les étrangers. C’est donc nous qui nous réclamons de cette Afrique qui
avons la lourde tâche de la construire. Alors, qu’est ce qu’on attend pour rentrer et mener les combats qui s’imposent ? L’irresponsabilité des Africains passe aussi par l’inaction et les commentaires stériles dont nous sommes les acteurs aujourd’hui. Pour combattre l’aliénation culturelle en cours actuellement, il nous faut agir sur le terrain et non pas depuis l’Europe en attendant que le Saint-‐Esprit vienne chasser, pour nous, les dictateurs et autres usurpateurs du suffrage universel. (Sly Johnson. Source : Permalien).
&
Si nous devons réfléchir, alors réfléchissons très bien. (John Tra, Maryland, USA)
&
J’ai vu les hommes arracher les voiles qui cachaient la vérité. Mais ensuite, quand ces mêmes hommes ont enfin tenu le pouvoir entre leurs mains, ils ont trouvé ces voiles bien utiles. Ils en ont même fait d’autres et la vie n’a pas changé. Tout ce qui est arrivé est que certains avec le temps, sont devenus différents ». (A. K. ARMAH, « L’âge d’or n’est pas pour demain », Ed. Présence Africaine, 1976.
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Je dois mon succès à plusieurs excellents professeurs qui m’ont donné confiance en moi quand j’étais jeune, pour explorer le monde de la connaissance. (Bill Gates).
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N'ayez d'intolérance que vis-‐à-‐vis de l'intolérance. (Hippolyte Taine).
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Une chronique de Fernand Dindé Agbo
Le triomphe de Le triomphe de la vérité et du la vérité et du
droitdroit
Les trois journalistes, dont un Français, détenus depuis le 16 juillet à Abidjan pour «vol de document administratif » après la publication des conclusions d’une enquête judiciaire sur la filière cacao ivoirienne, ont été relaxés lundi, a-‐t-‐on appris de source judiciaire. Rappelons que le Français Théophile Kouamouo, directeur des rédactions du journal ivoirien « Le Nouveau courrier », ainsi que les Ivoiriens Stéphane Guédé et Saint Claver Oula, directeur de publication et rédacteur en chef, avaient été écroués après la publication d’un article reprenant une partie du réquisitoire, resté jusque là confidentiel, du procureur Raymond Tchimou sur des malversations présumées dans la filière cacao. Le tribunal correctionnel a rejeté les accusations de « vol de document administratif » et de « révélation d’un document couvert par le secret ». Les trois hommes ont en revanche été condamnés à une suspension de 15 jours de leur journal et à payer ensemble une amende de cinq millions de francs CFA (7.500 euros) pour « diffusion d’information
sur un dossier judiciaire non encore évoqué à l’audience publique ». Par ailleurs, le conseiller en communication du procureur Tchimou, Patrice Pohé, écroué et accusé par le parquet d’être à l’origine de la « fuite », a également été relaxé, le tribunal ayant jugé que « le vol n’était pas constitué ». Ce verdict a suscité une grande clameur dans la salle d’audience où avaient pris place de nombreux journalistes. Ainsi donc, le droit qui devait être dit a été dit, bien dit, ce lundi 26 juillet 2010, au Tribunal de Première Instance d'Abidjan. Echec et mat aux thuriféraires d'une justice d'une autre époque qui font honte à la Côte d'Ivoire ! Et vive le journalisme d’investigation! C’est le cas de dire que, une fois de plus, notre justice nous a tirés vers le bas. Car, c'est tout de même incroyable que des journalistes aient été arrêtés pour avoir accompli leur devoir
d'information, et sur la base de la liberté de la presse. Que ce soit le Procureur de la République qui l'ait ordonné, dans un état dont le chef a promis ne jamais mettre en prison un journaliste dans l'exercice de sa profession, c’est un fait gravissime. On peut vraiment tout se permettre dans cette Afrique obscurantiste! Heureusement, le droit a été dit et la Justice a triomphé, n'en déplaise aux adeptes de pratiques judiciaires d'une
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époque à jamais révolue! Fernand Dindé AgboSource : Blog Fernand Dindé Agbo
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Autopsie de la Autopsie de la déontologie médicale déontologie médicale
en Afriqueen Afrique : :
Le cas du SénégalLe cas du Sénégal
On ne peut, à moins d’être nihiliste, refuser d’admettre que des progrès appréciables ont été accomplis en matière de santé publique au Sénégal. Le maintien du taux de prévalence du VIH/SIDA, à un niveau enviable en Afrique, et les résultats probants obtenus dans la lutte contre le paludisme en sont quelques illustrations. Mais, fondamentalement, l’œuvre médicale dans les hôpitaux publics notamment, est gangrénée par une conscience médicale comateuse irrigant des attitudes professionnelles désastreuses voire criminelles. En effet, comment expliquer qu’un médecin ayant prêté serment et dépositaire d’une mission vitale de service public, puisse tourner le dos à un mourant au motif que l’établissement qu’il dirige n’a plus de place ? Ne se serait-il pas précipité sur lui pour lui apporter des soins élémentaires s’il s’agissait de son enfant ou de son conjoint ?
L’insouciance et l’écrasement de la dignité humaine, maintes fois reprochés aux Africains, ont fini par abattre la déontologie médicale. Au-delà de l’indignation que suscite ce deuil, il convient d’en faire l’autopsie pour essayer de comprendre comment des hommes et des femmes censés apporter des soins et du réconfort aux patients ont pu s’arracher à un minimum de conscience professionnelle pour hisser l’action publique médicale au pinacle de la grossièreté.
Les symptômes pathologiques de cette mal gouvernance hospitalière sont patents et la banalisation dont ils font l’objet confirme la thèse selon laquelle l’Africain, en général, n’a de respect, ni pour la vie, ni pour la mort. L’insalubrité, le népotisme et la désinvolture règnent en maîtres souverains dans les hôpitaux, centres, postes et cases de santé sous le regard passif des autorités et des usagers. Certains malades internés partagent des chambrettes malodorantes avec des souris et des cafards, témoins d’une saleté devenue ordinaire. Par exemple, à Dakar, dans certains centres de santé situés dans des quartiers chaotiques soumis à la dictature du bruit et du désordre, des badauds déambulent sottement dans les salles de soin, violant sans conscience l’intimité des malades, y compris celle des femmes en pleine séance d’accouchement.
Le Plan SESAM dédié aux personnes âgées est régulièrement piétiné. Au service d’accueil, le personnel n’a généralement aucune sollicitude
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envers des malades désespérés et fait preuve d’une lenteur administrative épouvantable devant des situations d’urgence. Le malade lui-même n’est pas respecté. Lorsqu’il arrive à des heures tardives, même aux urgences, il est boudé et soumis à un service minimum et désinvolte, coupable qu’il est de troubler le sommeil du personnel de garde. Le personnel médical est d’ailleurs généralement nonchalant, désagréable et parfois impoli, sauf lorsqu’il est soudoyé par les parents du malade. Lorsque le pensionnaire est une haute personnalité religieuse, politique ou économique, le personnel de service, tout en délaissant les patients ordinaires et inutiles, s’affaire autour de lui avec un zèle ostensible, dopé par l’espoir d’une récompense corruptive.
Aux malades ou à leurs accompagnants, on demande d’acheter une pléthore des médicaments dont la plupart sont manifestement inutiles. Le médecin en administre un ou deux et, anesthésié contre la honte, subtilise le reste pour le vendre astucieusement à d’autres patients.
A la cuisine, la viande fraîche et les autres aliments réservés aux malades sont quotidiennement détournés au bénéfice des employés qui les amènent à la maison pour leur ration quotidienne, sinon vendus au public. Certains employés profitent du sommeil des malades pour voler les fruits et le lait offerts par les visiteurs.
Les toilettes des salles d’hospitalisation sont horriblement sales et ce sont parfois les accompagnants qui les nettoient pour éviter que le malade n’attrape d’autres infections liées au manque d’hygiène.
Le laxisme et la permissivité dans le service public se sont donc emparés des milieux médicaux publics où l’on retrouve des balayeuses, d’anciens accompagnants de malade et des gardiens analphabètes qui, à force de rôder dans les couloirs de l’hôpital, sont devenus sages-femmes ou infirmiers de fait. Prétentieux et usurpateurs de titre, ils traitent des malades et commettent des erreurs fatales, occultées avec la complicité du médecin traitant.
Au lieu de s’acquitter du suivi correct des malades qu’ils viennent d’opérer, de nombreux médecins, détournés de la déontologie professionnelle par l’attrait du gain financier, les abandonnent à des mains inexpertes et courent vers les cliniques privées à la recherche d’interventions onéreuses. D’autres s’empressent d’effectuer une césarienne que rien n’impose pour empocher les honoraires de l’intervention chirurgicale. On ne peut pas reprocher à un travailleur de se soucier de sa situation financière après de longues années d’études, mais les préoccupations de carrière ou de gain facile ne doivent jamais primer sur des vies humaines.
Il est vrai que l’Etat doit assurer au personnel du service public hospitalier d’excellentes conditions de travail, compte tenu de la mission capitale dont il est investi. Mais, même si, dans ce sillage, les revendications du corps médical tendant à la revalorisation des conditions d’exercice de la profession sont défendables, rien ne justifie que
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d’innocents malades fassent l’objet de traitements désobligeants et cavaliers de la part de ceux-là mêmes qui sont appelés à les soigner et a sauver des vies humaines.
Il est vrai que les usagers ont aussi une part de responsabilité dans le désordre qui prévaut dans les hôpitaux publics. Certains malades s’amusent à consulter des charlatans et attendent d’être au bord de la mort pour aller accabler le médecin. Et lorsqu’on les retient pour hospitalisation, ils attirent une foule inutile de parents et amis affolés qui assiègent la salle d’hospitalisation et empêchent le personnel médical de faire correctement son travail. Des parents, sortis de villages lointains, campent dans le jardin de l’hôpital, le salissent, y passent la nuit alors qu’ils ne sont d’aucun secours au malade. Certains d’entre eux déposent leur baluchon au chevet du malade pour profiter des repas apportés par les proches parents.
Si de tels agissements sont particulièrement intolérables, c’est parce qu’ils sévissent dans un secteur directement lié à la vie humaine. Mais, en réalité, ils sont symptomatiques d’un malaise général et profond qui frappe le service public au Sénégal, comme dans tous les autres pays africains, et qui s’explique conjointement par le déficit d’esprit citoyen et la mauvaise éducation.
Que faire alors pour ressusciter la déontologie médicale ?
D’abord la prévention. Il faut, en effet, veiller à ce que la santé des personnes ne soit plus confiée à des bricoleurs peu conscients de la dignité humaine, bannir les recrutements douteux et recourir à des personnes de bonne moralité pour animer le secteur clé de la santé.
Ensuite, l’éducation. C’est connu, l’éducation au Sénégal est en lambeau. On a formé beaucoup de cadres et de techniciens, mais peu de citoyens. La connaissance du corps humain et des maux qui peuvent l’affecter ne suffisent pas pour faire un médecin du secteur public ; il faut, en plus, dans ce
métier sacerdotal, une conscience professionnelle et civique élevée qui résiste à l’appel de la corruption et du parti pris et qui s’aligne à la préciosité de la vie humaine.
Enfin le bâton, pour frapper, avec la dernière énergie, les pseudo médecins dont la négligence a causé des catastrophes impunies.
Dr Rosnert Ludovic Alissoutin,
Consultant international.
Proposez-‐nous des textes à lire, « rares » (même inédits) de vos trouvailles, dont la lecture peut être enrichissante. Merci.
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Evitons de poser des actes non indispensables et à contre courant
du bon sens. Il y a de cela quelques semaines, des journalistes ont été incarcérés pour, dit-‐on, « vols de documents administratifs ». Le chef d’accusation en lui-‐même laisse quelque peu perplexe. Car, il s’agit de journalistes, c'est-‐à-‐dire des hommes et
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des femmes dont le métier est d’informer, donc d’avoir une source, notamment : quelqu’un ou quelque institution qui leur file, d’une manière ou d’une autre, volontairement, et donc en toute connaissance de cause, une information.
Les journalistes peuvent aussi s’informer, sans en avoir l’air, car ce qu’ils mettent sur la place publique n’est jamais le fruit d’un interrogatoire musclé, contrairement à la police. Plus dune fois, des journalistes ont été convoyés au Palais de justice d’Abidjan. Ils ont aussi été convoyés chez le Procureur, M. Tchimou, dont les hommes ont fait une descente musclée à la rédaction du journal Le Nouveau Courrier. Un vrai film d’espionnage. Les journalistes ont été emmenés, de façon policière ou cavalière, menottes au poignet. Et pourtant, Ce ne sont ni des inconnus, ni des bandits de grands chemins. Encore moins de dangereux récidivistes. MM. T. Kouamouo, St. Claver Oula et les autres sont assez connus dans le monde de la presse nationale et même internationale, depuis plusieurs années. Et puis, de même que tout accusé jouit de la présomption d’innocence (Ce qui oblige à sauvegarder son honneur et sa dignité), les prisonniers de M. Tchimou, tels que nous les avons présentés sans parti pris, devraient bénéficier, aux yeux des geôliers, d’un a priori : ils ne fuiraient pas, ils ne tenteraient pas de s’évader. Les gardes pénitentiaires ont donc, tout simplement, manqué de discernement, en les menottant. Ils n’ont gagné que d’humilier d’honnêtes citoyens. Car, l’accompagnement aurait pu se faire autrement. Maintenant que des photos présentant ces gens menottes aux poignets, auront fait le tour de la planète, que dire du régime de M. Laurent Gbagbo, qui a pourtant dépénalisé le délit de presse ? Ne va-‐t-‐on pas soutenir que, comme du temps de Bédié qui a envoyé do nombreux journalistes en prison, nous sommes dans la continuité de régime qui dénie la liberté de la presse aux journalistes ? Pourquoi M. Tchimou et ses collaborateurs ne se sont-‐ils pas, en premier lieu, inquiétés de chercher en leur sein les vrais coupables ? Le « vol de documents administratifs » s’est-‐il réalisé par effraction des bureaux de M. Tchimou ? Est-‐ce le
produit d’un piratage informatique? Des preuves existent-‐elles et qui ont permis de choisir ce chef d’accusation ?
II est temps, grand temps que notre système judiciaire revoie ses procédures ; car, il est des fois où certains actes, lorsqu’ils sont posés, nous renvoie une image négative tant du pays que de la corporation, tout simplement parce que non indispensables et à contre courant du bon sens.
Dr Augustin Guéhoun, Enseignant-‐chercheur, Source: Blog Guéhoun
LE CORBO ET LE RENA Y a in Zoiso on s’appelé lé corbo I monté sur un zarbre en haut en haut Loin là-‐bas pour bouffé son fromage Mais y a in animal on s’appelé lé Rena Qui vit lui I dit lui : Hé ! Corbo, bonjour! Bonjour Missié Corbo Ton fromage là i sent bon dé Il est trop bon même ! Quand quelqu’un i lé joli comme toi, Et pis i lé pose dans bon habitation comme ça Joli feuilles de l’arbre là, C’est comme un Grand Chef. Tu as droit mangé bon fromage quê ! Rena i dit tout ça, tout le quisquia, alors corbo i content, i content jusqu’à... I ouvri son bouche grand pour faire mâlin Et le fromage i lé tombé Le rena i prend fromage là
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I bouffé, Et pis i dit corbo O kpô ! Quand quelqu’un Moyen blaguer toi, i faut dit toi que tu es foutu. D’après La Fontai. Anoma Kanié, Fables de La Fontaine traduites en langage créole ivoirien, in « Quand les betes parlaient aux hommes ». Ed CEDA, 1974.
Cinquantenaire des
indépendances africaines
Le cinquantenaire des indépendances vu par des intellectuels africains
Depuis le mois de janvier, et à tour de rôle tout au long de l’année 2010, les Etats africains, précédemment sous les tutelles française, britannique et, à un degré moindre, portugaise jusqu’en 1960, célèbrent (ou
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célèbreront) les cinquante ans de leur Indépendance. De Dakar à Tananarive en passant par Lomé et N’Djamena, de Brazzaville à Ouaga avec escale à Kinshasa, de Yaoundé à Brazzaville, ou d’Abidjan à Libreville, les pouvoirs en place aujourd’hui ont formellement considéré ces festivités comme le signe de leur «émancipation définitive», par rapport aux ex-puissances coloniales, en dépit de la réalité criarde des situations objectives existantes sur le continent. En effet, faisant fi du vécu réel dans leurs pays respectifs, les chefs d’Etat africains célèbrent en pompe cinq décennies d’une décolonisation qui, en vérité, n’est que de principe.
Se mettant au-dessus de ces festivités, vingt-huit cadres africains, intellectuels, experts dans différents domaines, ont publié un ouvrage collectif de grande densité. Cet ouvrage, coordonné par M. Makhily Gas-sama, ancien ministre de la Culture du Sénégal, fait le bilan des « politiques de gribouille » qui ont mis à genoux le continent africain, pourtant si riche de ses potentialités. Cet ouvrage vise à susciter la réflexion, à se projeter l’avenir. Pour ce faire, les auteurs se sont attelés, comme le dit Spero Stanislas Adotevi, à «saisir ce qui, aujourd’hui, est soi, comprendre de quoi il retourne ; nous donner les moyens de nous scruter, c’est-à-dire de retourner les poches de nos mémoires pour enfin descendre dans le puits de l’ombre et y cueillir quelque lumière».
Compte-rendu dans notre
prochaine édition. Si vous avez déjà lu ce texte, faites partager vos impressions et avis, envoyez-nous vos commentaires
et analyses.
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Mali :
Des célébrations
au goût amer Pour le gouvernement, les célébrations du cinquantenaire de l'indépendance permettent de souligner les progrès démocratiques du pays. L'envie de célébrer ne se lit toutefois pas sur tous les visages des Maliens. En septembre, ce sera au tour du Mali de célébrer ses 50 ans d'indépendance. Et, à Bamako comme à Dakar, au Sénégal, les sommes dépensées pour préparer la fête suscitent des critiques, voire de l'indignation chez les Maliens. «Si le peuple n'arrive pas à se soigner, à s'éduquer et à manger, le pays ne peut pas aller de l'avant», dénonce l'un d'eux, que notre collaboratrice a rencontré.
Dans le va-‐et-‐vient chaotique des motos et des taxis, au centre-‐ville de Bamako, l'imposant monument de l'Indépendance attire les regards des passants. Le slogan apposé sur son minaret, «Le cinquantenaire, c'est pour vous», laisse entendre que le Mali se prépare à la fête. Et pourtant...
L'air est chargé d'une épaisse poussière rougeâtre soulevée par la valse des camions qui, nuit et jour, déversent du gravier. Passerelles, échangeurs à voies multiples, troisième pont : le gouvernement fait tout pour que Bamako soit la plus belle des 17 capitales africaines qui accueillent cette année les réjouissances de 50 ans d'indépendance.
Mais, pour le moment, la capitale malienne a plutôt des airs de champ de bataille. «Une chose est sûre, tout sera prêt pour les célébrations du jour de l'Indépendance», assure le commandant Magassouba, de la direction générale de la police nationale.
La poussière retombera le 22 septembre, date anniversaire du jour où, en 1960, Modibo Keita a officialisé sa présidence du Mali, pays indépendant fondé sur le territoire de l'ancien Soudan français.
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Le cinquantenaire, pour qui ?
Pour le gouvernement malien, ces célébrations permettent de souligner les progrès démocratiques du Mali. «Pour le pays, c'est l'occasion de se retrouver et d'aller de l'avant. Pour les Maliens de l'intérieur et de l'extérieur, c'est l'occasion de communier», explique Oumar Hammadoun Dicko, président du Comité du cinquantenaire.
Si, comme le revendique le slogan, le cinquantenaire est pour les Maliens, l'envie de célébrer ne se lit pas sur tous les visages. «On fête si on a progressé et qu'on peut manifester notre joie. Si le peuple n'arrive pas à se soigner, à s'instruire et à manger, le pays ne peut pas aller de l'avant», dénonce le coordonnateur de Radio Kayira, Mahamadou Diarra.
Photo d'archives, Robert Skinner, La Presse
À Kayira, la radio des sans-‐voix, pas une journée ne passe sans qu'une personne lésée dans ses droits appelle à l'aide. «En mai dernier, à Sanamadougou, l'État a mis à la rue en une seule journée 150 familles de cultivateurs, soit environ 2000 personnes, en les expropriant de leurs propres terres. Des cas comme ça, nous en voyons tous les jours, ici», scande le juriste de Radio Kayira, Lassine Cissé.
Quelles festivités et à quel prix ?
Pour Mahamadou Diarra, les sans-‐voix des 10 stations de Radio Kayira invalident l'argent investi dans les monuments et les festivités du cinquantenaire. «Est-‐ce que ce sont les campagnes d'information et les activités culturelles qui vont nourrir les Maliens?» ironise-‐t-‐il. Le gouvernement
malien a déclaré avoir investi 7 milliards de francs CFA (14 millions de dollars) dans les célébrations, alors qu'un Malien vit en moyenne avec 1,80$ par jour.
À ces millions s'ajoute le coût d'un important projet, la Cité internationale de l'Indépendance, et d'un monument du cinquantenaire.
Selon le président de la Ligue des droits de l'homme (LDH), Amadou T. Diarra, le 22 septembre devrait être un moment pour se tourner vers l'avenir. «On aurait dû établir des discussions dans tous les quartiers, dans tous les villages et dans toutes les langues nationales, explique-‐t-‐il. Il faut que les jeunes se réapproprient leur histoire, qu'ils se trouvent d'autres repères dans la société que ceux du capitalisme et de la corruption.»
Afin d'interpeller la jeunesse, le comité du cinquantenaire a imaginé des activités et des concours dans les écoles. Une grève illimitée des professeurs déclenchée le 19 mars dernier a toutefois chamboulé le programme des festivités. «Quelle indépendance et quel avenir faut-‐il fêter? On risque de passer une année blanche à l'université et notre gouvernement dépense des milliards pour célébrer quelque chose dont on se fiche», martèle Abdullah, étudiant en économie.
Avec un État dénué d'entreprise publique et avec des systèmes de santé et d'éducation défaillants, par quel moyen la jeunesse entrevoit-‐elle sortir le Mali de son marasme? La question demeure…
Nancy Caouette Source : La Presse
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Comme M. Léandre Sahiri, (L F n˚ 1), M. Lanciné Camara, M. Zéré de Mahi, M. Nicolas Kouassi Akon, (L F n˚ 2), Mme Denise Epoté Durand (L F n˚ 3), Dr
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Séraphin Prao, M. Laurent Gbagbo, M. Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana (L F n˚ 4), Mme Simone Ehivet Gbagbo, M. Tiken Jah Fakoli, M.Sanou MBaye (L F n˚ 5)… M. Pierre Kipré, M. Alpha Ayandé, M. Frederic Couteau (L F n˚ 6)… Exprimez-vous sur les 50 ans des indépendances africaines.
La parole à…
Dr Claude Koudou Professeur de Physique, Président de l’ONG Convergences pour la Paix et le Développement de l’Afrique
Se poser des questions et y apporter des réponses
idoines La célébration du cinquantenaire de l’indépendance des pays de l’espace francophone est une occasion pour faire le bilan. Il s’agit de mesurer le chemin parcouru ; de se poser des questions et d’y apporter des réponses. Par exemple, ce qui a été fait pendant 50 ans après les indépendances est-‐il à la dimension de ce que nous pouvions attendre ? Où en sommes-‐nous ? … En tout état de cause, il nous faut poser les
jalons des perspectives pour l’émergence de notre Afrique. Il nous faut explorer sereinement des pistes pour trouver des solutions menant à une souveraineté digne de ce nom. C’est dans cette logique que les Africains pourront, pensons-‐nous, décider d’eux-‐mêmes de ce qui est bon pour les Africains. Il nous faut amener chacun et chacune à son niveau, à revisiter ses pratiques, afin que nos agissements apportent à la construction et contribuent à élever la collectivité africaine dans son ensemble. C’est alors tous les corps de métier qui en tireront profit. Et, ceci jouera, incidemment, dans le recul de la pauvreté et dans l’élévation du niveau de vie en Afrique. Il y a donc un socle à bâtir sur des fondamentaux que nous devrons clairement définir, dans le cadre des perspectives pour les cinquante autres années à venir.
Source : www.ongcpda.org
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Sénégal : 50 ans fêtés sur fond de
démesure M. Abdoulaye Wade savoure : ce samedi 3 avril est son jour. Il est arrivé à 16h30, à bord de son énorme 4x4 (un "8x8", disent les Sénégalais) sombre qui l’a déposé, au son des tam-‐tams, en haut de la colline, au pied de son invraisemblable monument de la Renaissance africaine. Un ouvrage colossal qui figure un couple et son enfant s’élançant, tout cela dans un très pur style néo-‐soviétique, vers l’océan scintillant. L’étrange objet, 53 m à l’extrémité du doigt de l’enfant -‐ 7 m de plus que la statue de la Liberté -‐, domine sans partage la pointe ouest du Sénégal, à Ouakam, près de Dakar. Il est l’œuvre d’ouvriers nord-‐coréens, experts incontestables en constructions figuratives monumentales.
Un monument controversé
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Aux alentours s’étale une marée de bruyants supporters vêtus de tee-‐shirts jaunes et de boubous bleu ciel -‐ les couleurs du PDS, le parti au pouvoir -‐ que des cars ont amenés de tous les coins du pays, moyennant, souvent, un ou deux billets. Tout a été fait pour que la fête soit à la démesure de l’événement. Des partis d’opposition ont bien tenté de manifester, le matin, pour dire le mal qu’ils pensaient du monument pharaonique du président Wade ; mais, leur cortège a rencontré peu d’écho face aux moyens déployés par la présidence afin de susciter une liesse populaire de circonstance.
Pour faire un happening planétaire de sa fastueuse inauguration, à la fois coup d’envoi et point d’orgue du cinquantenaire des indépendances africaines*, M. Abdoulaye Wade avait, un temps, feint d’espérer la venue de M. Lula et de M. Obama ; il doit se contenter d’un parterre de 22 chefs d’Etat africains, dont le président ivoirien, M. Laurent Gbagbo, et de quelques "guest stars", tel le révérend américain Jesse Jackson. La France a été mollement représentée par son ambassadeur, M. Jean-‐Christophe Rufin. Elle le sera aujourd’hui, pour les cérémonies du cinquantenaire de l’indépendance sénégalaise, par le ministre de l’Intérieur, M. Brice Hortefeux. Ce qui n’a pas empêché le président sénégalais de railler, samedi, certains "négationnistes qui exaltent aujourd’hui la prétendue mission civilisatrice de la colonisation". Une véritable controverse entoure le monument.
Alors que M. Abdoulaye Wade jubile, presque tout le monde, au Sénégal, est choqué par la statue. Les esthètes d’abord, bien sûr. "C’est quand même vraiment moche. Ça m’évoque davantage Ceausescu que l’Afrique, juge un intellectuel qui préfère que son nom soit tu. Nous avons au Sénégal l’un des sculpteurs les plus connus au monde, Ousmane Sow. Mais, il a été écarté. Deuxième point, quand je vois le prix de ce caprice, je trouve qu’il y a un problème de priorités". Sur un tout autre registre, les imams, eux aussi, vitupèrent la statue: dans un pays à 90% musulman, la jupe relevée très haut de la femme, qui plus est en surplomb d’un cimetière, a été pour le moins mal perçue. Réplique de Pierre Goudiaby Atepa, l’architecte-‐conseil de Wade: "C’est l’Afrique d’aujourd’hui! Mes filles portent des jupes courtes, et alors? De toute façon, l’essentiel est d’éveiller les consciences et de susciter le débat." Sur ce dernier point au moins, la réussite est très nette.
Une vaste escroquerie ?
La principale pomme de discord, c’est que le président Wade a eu beau assurer que l’affaire ne coûtait rien au pays, il n’a pas convaincu. Le montage passe par l’octroi de terrains d’Etat à une société privée, qui en retour rémunère pour 12 milliards de francs CFA (18 millions d’euros) le maître d’œuvre nord-‐coréen. "Une vaste escroquerie, s’étrangle Latif Coulibaly, patron du journal La Gazette. Les terres sont vendues à un promoteur affairiste, Mbackiou Faye, pour moins de 5.000 F CFA le mètre carré. Ces mêmes terrains sont rachetés par une caisse d’Etat pour 150.000 F le mètre carré, soit trente fois plus… Une fois les 12 milliards versés aux Coréens, il reste 15 milliards. Partis où? Pour qui ? Nul ne sait."
Qui pis est, M. Abdoulaye Wade s’est réservé 35% des droits générés par l’exploitation de "sa" statue, qu’il dit avoir conçue lui-‐même. Il assure vouloir les verser à une fondation, présidée par son fils Karim, pour financer un projet éducatif. "Que le président prenne ainsi des royalties, même sous couvert d’une
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bonne cause, c’est quand même gênant", estime M. Yoro Dia, consultant et chroniqueur politique.
Source : JDD, 31 juillet 2010.
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A lire prochainement :
« L’heure des comptes » Par François Soudan,
(DIRECTEUR DE LA REDACTION, JEUNE AFRIQUE).
Chaînes Quelles sont lourdes, lourdes, les chaînes, Que le Nègre met au cou du Nègre. Pour complaire aux maîtres de l’heure. De grâce n’arrêtez pas l’élan d’un peuple! Brisons les chaînes, les carcans, les barrières, les digues. Pour inonder l’univers en eaux puissantes Qui balaient les iniquités. Quelles sont lourdes, lourdes les chaînes Que le Nègre met aux pieds du Nègre Pour complaire aux maitres du jour!
Lourdes, les chaînes, Lourdes, lourdes, Les chaines que je porte aux mains. Que tombent tous les bâillons du monde !! Bernard Dadié, Hommes de tous les continents, Ed. Présence africaine.
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En Afrique, l'éducation dans son ensemble est malade, dit-‐on. Nous nous devons de diagnostiquer le mal et l’étendue de son ampleur, de situer les responsabilités, afin de préconiser des solutions. C’est l’objet de cette nouvelle rubrique intitulée « Les Dossiers de l’Education».
Texte nº 3
Les handicaps du système éducatif ivoirien
Le système éducatif ivoirien est confronté à une pluralité de problèmes qui peuvent être regroupés en cinq (5) grands traits que nous mettons ci-‐dessous en exergue, en vue de contribuer à la recherche des solutions.
Le premier est relatif au déséquilibre entre l’offre et la demande. Après plus de deux décennies d’efforts en faveur de l’éducation, certains observateurs et spécialistes sont arrivés au constat de l’incapacité de combler l’écart entre la demande et les possibilités d’accueil du système éducatif. Les différents corollaires de ce sombre tableau sont l’inaccessibilité de la scolarisation totale, la régression du taux de scolarisation qui est passée de 80 % dans les années 80 à 69,4 %. De même, la contrainte majeure qui pèse sur le SEI est liée en gros au facteur démographique. En effet, on constate que l’expansion de l’enseignement primaire est de 3,3 % par an, alors que la croissance des populations scolarisables est de l’ordre de 4,4 %. Par conséquent, bien que le nombre d’élèves du primaire augmente, le taux de scolarisation est en baisse. En outre, les capacités d’accueil au niveau du secondaire n’augmentent pas assez vite pour absorber les admis au concours d’entrée en sixième, malgré les efforts fournis pour promouvoir l’enseignement privé. La pression démographique atteint également l’Université où le nombre d’étudiants s’accroît d’environ 12,5 % par an. Les grandes écoles n’échappent pas, non plus, à cette pression. Ce qui explique qu’on a conduit à instituer différents concours pour y avoir accès.
Le second répond à la faiblesse des capacités de planification, de programmation et d’évaluation. En réalité, en matière d’ouverture d’école, la planification n’a pas toujours été respectée, c’est-‐à-‐dire les estimations correctes des besoins d’éducation, surtout de marché en main d’œuvre n’ont pas été effectuées. On n’a pas pris suffisamment en compte les possibilités budgétaires de l’Etat. Par ailleurs, les bilans et les diagnostics ont été négligés. Au total, le système éducatif ivoirien a évolué sans une définition claire des objectifs et des finalités.
Le poids des dépenses de personnel, de transfert et d’intervention constitue la troisième véritable épine du milieu éducatif. En fait, l’Etat de Côte d'Ivoire s’est
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engagé dans une revalorisation audacieuse de la condition du personnel enseignant, des élèves et étudiants. Pour les premiers, c’est le décrochage du statut général de la fonction publique, les logements gratuits. Pour les seconds, c’est-‐à-‐dire les élèves et les étudiants ce sont les attributions de bourses et les aides et l’amélioration des conditions générales d’étude par la gratuité du transport, de l’hébergement et de restauration. Des subventions accordées à l’enseignement privé laïque et confessionnel. Face à cette situation, ces dépenses sont considérées comme insupportables d’autant plus que leur impact sur la qualité de l’enseignement n’est pas évident. Les dépenses du personnel de l’enseignement représentent 98 % du budget. Ce qui signifie qu’il reste très peu pour les investissements et la conséquence c’est le manque de matériel pédagogique de base.
L’avant dernier point porte sur la dégradation du patrimoine mobilier et immobilier. Ici, la crise va conduire à des restrictions budgétaires au niveau de l’entretien des locaux et du matériel pour les nouveaux investissements. Cette situation provoque la dégradation d’une grande partie des établissements scolaires et universitaires. De plus, l’encombrement des classes par les effectifs pléthoriques accélère également l’usure et la dégradation du patrimoine mobilier.
S’agissant du dernier problème, il fait allusion au faible rendement du système. Il est bon de relever, sans ambages, que les résultats obtenus par le système éducatif ivoirien sont faibles au regard des moyens colossaux investis dans ce secteur. Pour ce faire, deux paramètres permettent de mesurer le rendement d’un système. Ce sont les rendements internes et externes. Le rendement interne du système s’apprécie par les taux d’admission, d’abandon et de redoublement. Le taux d’admission en 6ème se situait autour de 25 % dans les années 1995.Sur la période 1990-‐1994, il était libellé ainsi 21 % en 1990, 22% en 1991, 20 % en 1992, 26 % 1993. En seconde, la situation est identique. Le taux de réussite varie autour de 25 %. Au BAC, il tourne
autour de 20 %. Le taux de redoublement au niveau des différents cycles de formation sont élevés et se présentent ainsi 60 % au CM2 dont 55 % de filles et 45 % de garçons. Pour preuve, la chance de survie d’une cohorte de 1000 élèves de CP1, que l’on pouvait noter, il y a quelques années, était de 468 élèves au CM2, soit 46,8 % ; 126 en 6ème ; 97 en 3ème soit 9,7 % ; 31 en seconde soit 3,1 % et de 13 en terminale soit 1,3 %. Autrement dit, il n’y avait que 13 élèves qui arrivaient en terminale sans redoubler et réussissaient au Baccalauréat.
Le système éducatif ivoirien n’est pas très productif à la vérité, on le voit bien, lorsque l’on considère, par exemple, le rendement apparent calculé en établissant le rapport entre les effectifs du supérieur (plus de 80 000 étudiants) et ceux du primaires (plus de 1 600 000 élèves) pour la même période. Au regard de ces chiffres, on se rend compte que notre système est sélectif. Il comporte des goulots d’étranglement. Le premier se situe à l’entrée de la classe 6ème, au sortir du CM2, le second à partir de la classe de 3ème, et le troisième à l’entrée dans le supérieur au sortir de la terminale. Quant au rendement externe, il pose l’épineux problème celui de l’adéquation de l’éducation aux exigences de l’environnement économique. Il s’agit en réalité de l’efficacité des produits de l’école c’est-‐à-‐dire le taux de placement des diplômés sur le marché du travail. D’où, la problématique de savoir si les ressources humaines produites par le système sont toujours conformes aux attentes et aux besoins. En tout état de cause, il existe une discordance entre les produits de l’école, et la qualification ou la spécialisation réelle nécessaire pour assurer une croissance économique.
En effet, les diplômes qui symbolisent la préparation à un genre de travail ne correspondent pas aux qualifications et aux spécialisations effectives pour accomplir le travail. On assiste à une mauvaise utilisation des gens formés. Par ailleurs, un autre problème lié au rendement externe du système éducatif est celui du chômage des diplômés. Au fur et à mesure que l’enseignement se généralise, de plus
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en plus de personnes instruites se retrouvent en concurrence serrée devant des emplois de moins en moins nombreux.
Au total, il faut reconnaître que le système d’éducation et de formation a été conçu exclusivement pour préparer aux emplois urbains du secteur moderne alors que le pays est à vocation rurale. Il importe donc de créer une main d’œuvre prête à s’orienter vers l’agriculture ou vers le secteur traditionnel ou non formel.
Jean-‐Louis Krah
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Texte nº 4
TunisieTunisie ::
14 étudiants tunisiens 14 étudiants tunisiens lauréats du concours lauréats du concours
d'agrégation en d'agrégation en
mathématiques en mathématiques en FranceFrance
Parmi 1336 candidats au concours d'agrégation en mathématiques, en France, 14 étudiants tunisiens de l'Institut Préparatoire aux Etudes Scientifiques et Techniques (IPEST) de Tunis ont réussi à passer le concours d'agrégation en mathématiques, organisé récemment en France. Les tunisiens ont brillé aux côtés de 592 lauréats Français et 34 venant d'autres nationalités. Une distinction qui vient à point nommée refléter l'efficacité et la réussite de l'approche tunisienne, en matière de formation universitaire dans plusieurs spécialités, telles que les mathématiques. A noter que ce concours international se déroule en adéquation avec à des critères scientifiques très stricts, et ce, sous la supervision de la commission des examens comportant de hautes compétences en mathématiques, de différentes nationalités.
Wajih
Texte nº 5
99 cas de grossesses enregistrés
dans la Direction régionale de l'Education Nationale d'Aboisso
«99 cas de grossesses ont été enregistrés, l’année scolaire dernière, dans la Direction régionale de l'enseignement nationale (DREN) d'Aboisso», a déploré le directeur, M. Jacques Haoulé Zirimba, au cours du séminaire de réflexion sur l'amélioration des résultats scolaires, tenu les 27 et 28 octobre 2009, à Krindjabo. Ce séminaire a réuni les chefs
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d'établissements secondaires, les directeurs de Centres d'animation et de formation pédagogique (CAFOP) et les responsables des Inspections d'école primaire (IEP). Ces cas, selon M. Zirimba, sont liés à l'environnement moral qui n'est pas sain, notamment la suppression des internats qui a engendré d'énormes problèmes sociaux avec des élèves sans tuteur. Les foyers qui les accueillent sont de véritables nids de débauche. Ces filles dont l'âge varie entre 15 et 20 ans sont livrées à des prédateurs qui rôdent autours de ces foyers. La floraison de bars et de clubs vidéo autour des écoles aggrave la situation.
A l'environnement scolaire, s'ajoute le rendement scolaire. Les résultats ont provoqué une véritable onde de choc dans toute la région. Il s'agit, entre autres, des perturbations de l'année scolaire avec en toile fond les grèves des enseignants ou des élèves. La DREN a enregistré des résultats catastrophiques. «En 2007 elle a enregistré 94, 21% d'admis au CEPE, 42,87%, au Bepc et 34,07 au Baccalauréat. En 2008, les résultats étaient de 81,0% au CEPE, 23,71% au Bepc et 30,4% au Bac. En 2009, ils sont de 79,49% au CEPE, 14,67% au BEPC et 26, 60% au Bac». Le directeur estime qu'il faut arrêter l'hémorragie : «Les résultats scolaires connaissent une chute libre. Il faut mettre en place des actions concrètes pour améliorer les conditions de vie et d’études pour pouvoir améliorer les résultats scolaires dans toute la région», a affirmé M. Jacques Haoulé Zirimba.
Emmanuelle Kanga, Grand-‐Bassam, Côte d’Ivoire.
Prochainement : « Dans le Nord-‐Est de la Côte
d’Ivoire, la plupart des enfants ne vont plus à l’école »
Par Jean-‐Michel Ouattara, correspondant régional de presse
(A lire dans notre prochaine parution)
(Une rubrique initiée par feu Faustin Gnahoré, historien, pour une réflexion critique sur les faits et les actes qui ont cours ou qui ont eu lieu dans pays
du golfe de Guinée, et en général en Afrique)
1
Droits de l’homme, pauvreté et misère en Afrique : le cas du
Cameroun
1ère partie
D’après Jack Donnelly, Les droits de l’homme sont littéralement les droits que chacun détient en tant qu’être humain. Cette idée, simple en apparence, produit des effets sociaux et politiques considérables. Parce qu’ils ont pour seul fondement d’être inhérents à la nature humaine, les droits de l’homme sont universels, inaliénables identiques pour tous. Ils sont l’apanage universel de tous les êtres humains. Et, aucun d’entre nous ne peut perdre ces droits, pas plus qu’il ne peut cesser d’appartenir à l’espèce humaine - quel que soit le traitement inhumain qu’il se voit infliger. Toute personne est investie des droits de l’homme et habilitée à les exercer.
Les droits de l’homme, que chaque individu détient pour se protéger contre l’État et la société, servent de cadre de référence aux
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organisations sociales et de critère à toute légitimité politique. Là où ces droits sont bafoués d’une manière systématique, l’aspiration aux droits de l’homme peut revêtir un caractère véritablement révolutionnaire. Même au sein des sociétés où ils sont, dans l’ensemble, convenablement respectés, les droits de l’homme permettent d’exercer une pression constante sur les gouvernants pour que ceux-ci s’y conforment.
Au sujet des origines des droits de l’homme, le même auteur ajoute que dans toutes les sociétés, il existe des notions de justice, d’équité, de dignité et de respect. Pourtant, la protection des droits de l’homme n’est qu’une façon parmi d’autres de mettre en pratique une conception particulière de la justice sociale. En fait, l’idée des droits de l’homme - la notion selon laquelle tous les êtres humains possèdent certains droits inaliénables - était étrangère à toutes les grandes sociétés occidentales et non occidentales avant les temps modernes.
Quasiment, toutes les sociétés pré-modernes considéraient que les souverains avaient l’obligation de gouverner avec sagesse et dans le souci du bien commun et que leur mandat émanait d’un commandement divin, du droit naturel, de la tradition ou d’arrangements politiques. Il ne répondait pas au droit (ou aux exigences) de tous les êtres humains d’être gouvernés en toute justice. Dans une société bien organisée, les sujets étaient censés être les bénéficiaires des obligations politiques que remplissaient les souverains. Mais les citoyens n’avaient aucun droit naturel ou inhérent à la personne humaine qu’ils
auraient pu exercer à l’encontre de souverains injustes.
Les droits de l’homme firent leur apparition en Europe, au XVIIe siècle. Le Deuxième traité du gouvernement de John Locke exposait pour la première fois une théorie pleinement développée sur les droits naturels. La théorie de Locke prend pour point de départ un état de nature présocial où des individus égaux ont un droit naturel à la vie, à la liberté et à la propriété.
Toutefois, en l’absence de gouvernement, de tels droits n’ont guère de valeur. Il est quasiment impossible de les garantir par une action individuelle, et les litiges surgis à leur propos sont à leur tour source de graves conflits. Par conséquent, les individus s’organisent en sociétés, et les sociétés se donnent des gouvernements pour que ceux-ci leur fournissent le moyen d’exercer leurs droits naturels.
Selon Locke, le gouvernement repose sur un contrat social entre gouvernants et gouvernés. Les citoyens ne sont contraints d’obéir que si le gouvernement garantit à chacun les droits de l’homme, lesquels sont moralement antérieurs et supérieurs aux impératifs et aux intérêts du gouvernement. Ce dernier trouve sa légitimité dans la mesure où il protège et élargit systématiquement la jouissance des droits de l’homme au profit des citoyens. À l’origine, l’idée des droits de l’homme était liée à l’essor des classes moyennes. À l’aube de l’Europe moderne, la bourgeoisie, prompte à condamner les privilèges liés à la naissance ou à la tradition, présenta des revendications politiques fondées sur l’égalité et les droits naturels inaliénables.
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Pourtant, cette révolution politique bourgeoise avait encore des limites étroites. Ainsi, malgré l’universalisme apparent de son apologie des droits naturels, Locke développait en fait une théorie destinée à protéger les droits des Européens de sexe masculin et propriétaires de biens.
Les femmes, de même que les employés à gages des deux sexes, n’étaient pas considérées comme détenteurs de droits. Mais à partir du moment où apparut la notion de droits égaux et inaliénables pour tous, la charge de la preuve incomba à ceux qui voulaient refuser ces droits à autrui. La revendication d’un privilège pouvait s’appuyer, par exemple, sur une prétention à quelque supériorité raciale ou sur des élucubrations relatives à la transmission de qualités acquises. Les privilèges pouvaient être et furent effectivement défendus par le recours à la force. Mais après avoir admis la notion de droits inhérents à la personne humaine, les élites dominantes découvrirent qu’il leur était de plus en plus difficile d’échapper à la logique des droits de l’homme.
Nombre des grandes luttes politiques qui ont eu lieu au cours des deux derniers siècles portaient sur l’élargissement des droits de l’homme. Les tentatives visant à étendre le droit de vote au-delà d’une petite élite de propriétaires fonciers provoquèrent de vives controverses dans la plupart des pays européens au XIXe siècle. Les revendications ouvrières pour l’obtention de salaires plus justes, pour le droit de se syndiquer, ou encore pour l’amélioration des conditions d’hygiène et de sécurité dans le travail
entraînèrent d’innombrables conflits politiques, souvent violents, jusqu’à la Première Guerre mondiale, un peu partout en Europe - et beaucoup plus longtemps encore aux États-Unis.
[…]
Au regard de la réalité du contenu des droits de l’homme, l’on comprend que l’Etat a un rôle très important à jouer dans leur respect. Or pour véritablement donner un sens aux droits de l’homme, la réunion de moyens matériels colossaux s’avère nécessaire. De ce fait, si les pays africains comme le Cameroun, sont caractérisés par la pauvreté et la misère, comment peuvent-ils parvenir à un respect concret des droits de l’homme ? Autrement dit, la pauvreté et la misère qui sévissent au Cameroun peuvent-elles être des obstacles au respect des droits de l’homme ?
Ce questionnement nous plonge au cœur de la problématique de la réalité de la pratique des droits de l’homme au Cameroun. Pour y apporter des éléments de réponse, nous examinerons d’une part l’importance des moyens dans la réalisation des droits de l’homme (I) et d’autre part, la nécessité de faire du respect des droits de l’homme un combat permanent, une priorité (II). (A suivre)
Willy Tadjudje, Université de Yaoundé II SOA, Faculté de Droit, Consultant indépendant sur les questions de droit foncier en Afrique noire francophone.
Prochainement :
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L’importance des moyens dans la réalisation
des droits de l’homme
A lire prochainement :
Adresse aux chefs d'État des pays d'Afrique francophone
Par Le COMITÉ POUR LA PROTECTION DES JOURNALISTES (CPJ), organisation
indépendante, à but non lucratif basée à New York et dévouée à défendre la liberté de la presse dans le monde depuis 1981. Contact :
www.cpj.org
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Les Mémoires d'outre-‐tombe
de… Bamba Abdoul Karim
Cette rubrique est réservée pour faire découvrir ou redécouvrir les textes de certaines personnes trop tôt disparues. Nous ouvrons cette rubrique par les écrits de notre ami Bamba Abdoul Karim, Journaliste émérite et farouche défenseur des droits et libertés, fondateur du journal « L’Exilé Africain ». C’était un grand homme de culture et de conviction. Il est décédé le 22 décembre 2006, à Londres, des suites d’une longue maladie.
Robert Guéi ne vaut
pas Toumani Touré Amadou Toumani Touré ou encore ATT, c’est le nom de ce digne Général des forces armées maliennes qui a fait dégringoler en mars 1991, le sinistre Moussa Traoré jusqu’au pied du mont Koulouba. Apres quoi, il a organisé des élections présidentielles auxquelles il
n’a pas pris part et qui ont porté au pouvoir M. Alpha Oumar Konaré.
Au Niger aussi, le Commandant Daouda Malam Wanké a organisé un scrutin présidentiel (il n’était pas non plus candidat) après avoir fusillé le 9 avril 1999 le dictateur Ibrahim Mainassara Baré et au terme d’une brève transition. Comme Robert Guéi, Toumani Touré et Malam Wanké ont fait irruption sur la scène politique pour « balayer la maison ». Les officiers malien et nigérien se sont retirés comme ils l’ont promis à leur peuple respectif. Ce respect scrupuleux de la parole donnée vaut aujourd’hui, à Toumani Touré et à Malam Wanke, admiration et respect. Non seulement au Mali et au Niger, mais aussi au plan international.
Photo Guéi Robert ici
En Côte d’Ivoire un certain Robert Guéi s’est emparé du pouvoir. Comme ses homologues nommés plus haut, il a dit être venu (de son Biankouma natal) pour balayer. Il a promis, comme ATT et Wanké, de se retirer après la transition. Mais, M. Guéi Robert n’est pas ceux à qui il voulait ressembler. Contrairement aux dignes officiers malien et nigérien, lui, Robert Guéi est un assoiffé de pouvoir et d’argent, Lui, Robert Guéi, il ne pouvait pas se retirer. Lui, Robert Guéi, il n’est pas capable d’honorer une promesse. Lui, Robert Guéi, il ne connaît ni la honte, ni le déshonneur. Lui, Robert Guéi, il est candidat. Même s’il n’a aucun projet de société, aucun programme de gouvernement. Alors, il s’est débattu pour s’imposer â un peuple qui ne lui a rien demandé. C’est à la fois triste et honteux!
Bamba Abdoul Karim, in « L’Exilé Africain », septembre 2000.
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Les propos injurieux, diffamatoires, racistes, etc., sont strictement interdits, entre autres conditions, pour la publication des textes dans « Le Filament ». Nous privilégions le débat d’idées et la courtoisie.
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La Vie des mots et des
expressions Les mots et les expressions, tout comme les êtres humains, ont une origine, une histoire, une vie. Et, le fait de connaître les mots et les expressions, non seulement permet d’enrichir notre vocabulaire, mais aussi et surtout, cela « nous conduit, comme le dit Platon, à la connaissance des êtres et des choses ». Voilà pourquoi, cette rubrique est ouverte, à tous et à toutes, pour faire découvrir ou redécouvrir ou mieux faire connaître l’origine, l’étymologie, la valeur et le bon usage des mots et des expressions que nous utilisons plus ou moins souvent, peu ou pas... Voici l’expression du mois :
« Avoir tort » A l’occasion de « l’Affaire Tagro-Koulibaly » qui, ces dernières semaines, a occupé crucialement l’actualité ivoirienne, le mot « tort » et son corollaire « raison » ont fait couler beaucoup d’encre et de salive. Un lecteur a suggéré de revenir en long et en large sur le mot « tort ». C’est ce que nous avons fait.
Le mot TORT, est du latin tortus (contraire au droit) ou torquere (tordre), désigne un dommage, un préjudice, une faute, une
erreur, c'est-à-dire un acte opposé à la raison, à la justice, du moins un état ou une action contraire a la vérité, au droit, a la raison.
Ainsi, « faire tort à quelqu'un » signifie être injuste envers lui. (Ex : cela ne fait de tort à personne) ; « être dans son tort », « avoir tort”, c’est ne pas avoir raison, être en faute. De la même manière, « donner tort à quelqu'un », c’est déclarer à quelqu'un qu'il n'a pas raison. Notez que « A tort » signifie : injustement, sans raison, injustement, sans motif et « A tort et à travers » : sans discernement, etc. Aggraver un (ou son) tort : rendre plus lourde une faute ou s’enfoncer dans l’erreur, etc. On a dit aussi : de tort et de travers, (Ex : Il en faut discourir de tort et de travers. Régnier, Satires), À tort et à droit, c'est-à-dire sans examiner si la chose est juste ou injuste, (Ex : Il veut ce qu'il veut, à tort et à droit). À tort ou à droit signifie avec droit ou sans droit, avec raison ou sans raison, etc.
Remarques
Ne pas confondre ce mot avec ses homonymes : taure (génisse) ; tore (moulure. surface de révolution) ; torr (unité de mesure de pression) ; tors (=tordu. Au féminin : torse. Ex : des jambes torses).
Expressions et emploi de « tort»
À tort. C'est à tort que l'on prétend que... Accuser, condamner, incriminer, inculper quelqu'un à tort. Croire quelque chose à tort. Disculper quelqu'un à qui on impute une faute à tort. Dire ou faire ou prétendre quelque chose à tort. Incriminer quelqu'un à tort. Soupçonner ou suspecter quelqu'un
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à tort. Ressentir à tort quelque chose comme étant…
Tort à. Je lui demanderai si j'ai fait tort à exposer les faits
À tort et à travers. Dépenser à tort et à travers. Employer (un mot) à tort et à travers. Parler à tort et à travers.
À tort ou à raison. Passer pour un imbécile, ou pour un intellectuel à tort ou à raison.
En tort. Être en tort.
Avoir tort. J'ai eu tort, je le confesse. Il n'a pas (tout à fait) tort. Il n'a aucun tort. On aurait tort de dire, de croire que... Cela n'empêche pas que vous ayez tort. Vous auriez tort de vous gêner. Les absents ont toujours tort. Avoir tort de faire quelque chose. Déclarer que quelqu'un a tort. Montrer à quelqu'un qu'il a tort. Vous n’avez pas tout à fait tort.
Donner tort. On ne peut que lui donner tort. Les faits lui ont donné (ou lui donnent) tort.
Le tort, du tort, des torts, son tort, ses torts. Avoir le tort de faire quelque chose. Demander réparation d'un tort. Avoir des torts envers quelqu'un. Avouer un (ou ses) tort. Chercher des torts à quelqu'un. Confesser ses torts. Énumérer ou examiner les torts de quelqu'un. Prouver ses torts à quelqu'un. Reconnaître ses torts. Causer du tort ou faire (du) tort à quelqu'un ou à quelque chose. Convenir de son tort. Être dans son tort. Mettre quelqu'un dans son tort. Occulter des torts. Oublier les torts de quelqu'un. Subir des torts. Réparer le tort qu'on a causé. Réparer ses torts. Se causer du tort à soi-même. Se faire du tort. Se mettre dans son tort. Se sentir dans son tort. Torts
partagés, exclusifs, réciproques. Exposez les torts qu'on vous a faits. Son seul tort a été de lui faire confiance. Tous les torts sont de son côté. Redresseur de torts. « Sa fierté ne s'adoucit que lorsqu'il reprend ses avantages et qu'il met l'autre dans son tort. (La Bruyère).
Aux torts de. Prononcer un divorce aux torts du mari. Prononcer un divorce aux torts exclusifs, réciproques.
Proverbes
Qui doit a tort.
Le mort a toujours tort (= un homme mort ne pouvant se défendre, on rejette la faute de beaucoup de choses sur lui. On dit dans le même sens : Les absents ont tort).
La mort a toujours tort, se dit pour accuser les médecins, qui rejettent sur le compte de la maladie ce qui pourrait être le fait de leur inhabileté ou incompétence.
Quelques citations
Avoir trop tôt raison ne veut pas dire qu’on a tort. Gérard Tagro Lékadou.
C'est avoir déjà tort que d'avoir trop raison. Le Brun, A M. de Brancas.
Nul, en effet, n'a tort quand tous radotent. William Shakespeare, Peines d'amour perdues.
Au moment où l'on te cause un tort, adoucis ton amertume par le souvenir de tous les torts que tu as causés. Jacques Deval, Afin de vivre bel et bien.
Les querelles ne dureraient pas longtemps si le tort n'était que d'un côté. La Rochefoucauld, Maximes.
Avouer qu'on a eu tort, c'est prouver modestement qu'on est devenu plus raisonnable. Jonathan Swift.
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Malheur aux gens qui n'ont jamais tort ; ils n'ont jamais raison. Charles Joseph de Ligne, Mes Ecarts.
On n'éprouve aucun plaisir à avoir raison si on ne peut pas démontrer aux autres qu'ils ont tort. William Hazlitt.
C'est avoir tort que d'avoir raison trop tôt. Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien.
La majorité a toujours tort. Parce qu'elle est composée d'imbéciles... Léo Campion.
La mort, qui a toujours tort, a raison de chacun. Jacques Sternberg.
Dans votre bouche comme dans celle de tout le monde, "il a tort" veut dire : "Il ne pense pas comme moi". "Il a raison" signifie : "Il est de mon avis". Alphonse Karr.
On n'a recours aux invectives que quand on manque de preuves. Diderot, Pensées philosophiques.
Ceux qui, sans nous connaître assez, pensent mal de nous, ne nous font pas de tort : ce n'est pas nous qu'ils attaquent, c'est le fantôme de leur imagination. La Bruyère, des Caractères.
Vous n'avez pas raison ou tort parce que d'autres sont d'accord avec vous. Vous avez raison parce que vos faits sont exacts et votre raisonnement est juste. Warren Buffett.
En politique, il vaut mieux avoir tort avec ses amis que raison avec ses adversaires. Edouard Herriot.
Les injures atroces n'ont jamais fait de tort qu'à ceux qui les ont dites. [Voltaire, Conseil à Louis Racine.
Dans les discussions les injures sont les raisons de ceux qui ont tort. Chamfort, Caractères et anecdotes.
Les prophètes ont toujours tort d'avoir raison. Boris Vian, L'Herbe rouge.
C'est quand on a raison qu'il est difficile de prouver qu'on n'a pas tort. Pierre Dac.
Les ignorants sont toujours vexés d'avoir tort. C'est d'ailleurs à ce signe qu'on les reconnaît. Adrienne Choquette, La Coupe vide. Etc.
Humour
A tort ou à raison
On ne sait jamais qui a raison ou qui a tort. C'est difficile de juger. Moi, j'ai longtemps donné raison à tout le monde. Jusqu'au jour où je me suis aperçu que la plupart des gens à qui je donnais raison avaient tort ! Donc, j'avais raison ! Par conséquent, j'avait tort ! Tort de donner raison à des gens qui avaient le tort de croire qu'ils avaient raison. C'est-‐à-‐dire que moi qui n'avais pas tort, je n'avais aucune raison de ne pas donner tort à des gens qui prétendaient avoir raison, alors qu'ils avaient tort ! J'ai raison, non ? Puisqu'ils avaient tort ! Et sans raison, encore ! Là, j'insiste, parce que ... moi aussi, il arrive que j'aie tort. Mais quand j'ai tort, j'ai mes raisons, que je ne donne pas. Ce serait reconnaître mes torts !!! J'ai raison, non ? Remarquez... il m'arrive aussi de donner raison à des gens qui ont raison aussi. Mais, là encore, c'est un tort. C'est comme si je donnais tort à des gens qui ont tort. Il n'y a pas de raison ! En résumé, je crois qu'on a toujours tort d'essayer d'avoir raison devant des gens qui ont toutes les bonnes raisons de croire qu'ils n'ont pas tort !
(Raymond Devos)
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La Presse Des Presses Une chronique de Sylvain
de Bogou
Cher lecteur, chère lectrice, Dans cette rubrique intitulée « La Presse des Presses », nous passerons, au peigne fin, sans faux-‐fuyant, ni faux-‐semblant, les articles de la presse ivoirienne. Nous pourrons sortir du cadre ivoirien, de temps en temps, en cas de nécessité et dans le souci premier d’ouvrir un débat plus large, susceptible de changer les choses en Côte d’Ivoire, en Afrique et partout dans le monde, pourquoi pas. Telle est notre ambition. Nous prenons très au sérieux le rôle des médias dans la cité et, de ce fait, nous irons là où il faut pour, dans chaque parution, vous offrir, chers lecteurs et lectrices du Filament, un repas intellectuel bien confectionné et bien servi. Bien entendu, vos contributions, observations et suggestions seront toujours les bienvenues. Sylvain de Bogou.
Tableau d’Honneur De même que, dans les écoles, on affichait autrefois sur un tableau, sous les yeux de tous, les noms des premiers de telle ou telle discipline, nous avons institué cette rubrique « Tableau d'Honneur » pour « épingler », mettre en lumière, les personnalités qui se sont distinguées ou se distinguent par leur intelligence et par la qualité exceptionnelle de leurs activités, de leurs professions ou de leurs inventions... Afin de mieux les faire connaître et pour que leurs vies et leurs réalisations puissent servir de modèles, du moins, puissent faire boules de neige.
Fawzia ZouariFawzia Zouari Professeur, romancière et Professeur, romancière et
journalistejournaliste
Nous avons choisi de mettre à notre Tableau d’Honneur de ce mois d’août, encore une dame, mais pas n’importe laquelle. Puisque Mme Fawzia Zouari, car c’est d’elle qu’il s’agit, est Docteur en Littérature française et comparée de l’université de la Sorbonne de Paris.
Née en Tunisie, originaire de la région du Kef, non loin de l'Algérie, Fawzia Zouari est arrivée à Paris en 1979. Par bonheur, Paris lui a, d’emblée, ouvert grandes de nombreuses portes, notamment dans les domaines les plus
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variés de la culture, de l’éducation et de la communication. Elle a, en effet, travaillé dix années durant, de 1987 1996, pour l’Institut du Monde Arabe, à différents postes, en tant que animatrice culturelle, rédactrice du magazine Qantara, entre autres. Avant d'être à l'Institut du monde arabe, elle a en charge les relations de presse pour des expositions de peinture à l'ONU. Elle a également participé à des ateliers de théâtre dans des quartiers à forte population immigrée et présidé le Cercle des intellectuels arabes.
Après avoir collaboré à une radio arabe de Paris, elle a rejoint en 1997 le magazine hebdomadaire -Jeune Afrique-, dont, depuis lors, les lecteurs connaissent et savent apprécier, à leur juste qualité, ses chroniques socio-culturelles.
Par ailleurs, Mme Fawzia Zouari est membre des comités de rédaction des revues « Confluences », « Méditerranée » et « Intersignes ». Elle est très impliquée dans le cinéma, entre autres, en tant que membre du jury du Festival francophone de Namur. Mais, c'est à l’écriture qu'elle consacre l'essentiel de son énergie créatrice, voire de sa vie. A preuve, elle a écrit et publié plusieurs articles et chroniques, et plus dune dizaine de livres dont La Retournée, (Ed. Ramsay) a obtenu le prix spécial des cinq continents de la Francophonie en 2003, et La Deuxième épouse, (Ed. Ramsay) a reçu en 2007 le Comar d’or, la principale distinction littéraire en Tunisie.
Dans La Retournée, Fawzia Zouari nous parle dune jeune fille, Rym, qui vit en France depuis plusieurs années, et qui, ayant appris le décès de sa mère, retourne, avec sa petite fille de cinq ans, dans son village, au nord-ouest de la Tunisie. « Retournée », car elle y revient au pays natal. « Retournée », aussi, car elle voudrait qu'on lui pardonne, que les habitants du village ne lui tiennent pas rigueur d'avoir fui ce pays. « Retournée » enfin, car elle va rencontrer un homme qu'elle n'attend pas,
dans ce pays qu'elle n'a pas vu depuis plusieurs années déjà.
En 1997, elle a publié Pour en finir avec Shhrazade, un essai où elle explore quelques aspects des traditions propres à la culture arabo-musulmane qui contraignent à refuser la confession et à toujours commencer un récit par : « Il tait une fois... ».
Ce pays dont je meurs, paru en 1999, aux éditions Ramsay, lui a été inspiré par un fait divers chargé de sens : le décès par inanition, Paris, de deux jeunes Algériennes. Ce qui requiert son attention et son intérêt, c’est que cette fin tragique vient sanctionner l'échec de leur intégration dans leur société d’accueil. Son engagement a été concrétisé, une fois de plus, par ses deux ouvrages Le Voile islamique, (Ed. Favre) et Ce voile qui déchire la France (Ed. Ramsay). Ici, elle prend position dans l’affaire du voile islamique. Ces ouvrages s'inscrivent dans le prolongement des enquêtes qu'elle a menées sur ce thème pour Jeune Afrique.
Le thème central ou fil conducteur des œuvres de Fawzia Zouari porte essentiellement sur le traumatisme de l'exil, en rapport avec sa propre vie. A la différence près que son exil demeure une source plutôt d'enrichissement, contrairement bien d’autres personnes qui vivent l’éloignement du pays natal comme une situation permanente de douleur. En tout cas, Mme Fawzia Zouari a réussi l’exploit d’être à l'aise, tant en France qu'en Tunisie et de maîtriser parfaitement la langue et les codes culturels de chacun des deux pays. Ceci est tout à son honneur et nous autorise à dire qu’elle mérite, bel et bien, de figurer au tableau d’honneur du Filament, pour instruire les jeunes que la réussite et le bonheur n’ont pas de frontières, ni de couleur, ni de sexe.
Un autre fait important de la vie de Mme Fawzia Zouari, c’est que lorsqu’elle a décidé de poursuivre ses études à un très haut niveau, elle s’est heurtée aux réticences de son entourage, y compris sa propre mère, dans leur vision étriquée, selon laquelle le destin
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d'une jeune fille est de rester à la maison. On comprend dès lors pourquoi les thèmes tels que la quête de l'identité, la condition de la femme arabe, la rencontre des cultures… sont, chez elle, des sujets récurrents et essentiels et préoccupants. On comprend aussi pourquoi, en 1979, lorsqu'elle s'installe à Paris, elle choisit, pour sa thèse de doctorat un étonnant personnage qui eut presque le même itinéraire qu'elle, mais a rebours : Valentine de Saint-Point, petite nièce de Lamartine, convertie à l'Islam et morte au Caire en 1953, après avoir épousé la cause du nationalisme arabe. Il faut préciser que c’est de cette recherche qu’est sorti son livre, La Caravane des chimères, publié par Olivier Orban, en 1989.
La bibliographie de Mme Fawzia Zouari comprend, en outre, Ce pays dont je meurs (Ed. Ramsay), comporte des ouvrages intéressants et enrichissants, de par la variété de ses thèmes et surtout de par la qualité de son style, comme en témoigne ce message de Faten Mootamri, envoyé de Yasminaureli (Tunisie) à Mme Fawzia Zouari, Il y a quelques années :
« Après lecture de votre ouvrage Ce Pays dont je meurs, que j'ai achevé en deux jours, je tenais à vous féliciter de ce style aussi léger et profond en même temps qu’expressif, spontané, riche, pour ainsi dire parfait. Je vous découvre à travers cet ouvrage émouvant et je ferai tout pour avoir vos autres ouvrages qui pourraient ne pas être disponibles en Tunisie, quitte à faire le voyage à Paris. Voilà, en si peu de mots, ce que je ressens à l'instant même où je viens de finir la dernière page de ce livre, avec amertume, priant Dieu qu'il ne finît jamais, tellement sa lecture m'avait emportée dans d'autres cieux… N'est ce pas le fait du génie de l'auteur !... ». Faten Mootamri.
Si vous avez lu les livres de Fawzia Zouari, n’hésitez pas à nous faire partager vos impressions et vos avis. Envoyez-nous vos commentaires, analyses et compte-rendu, etc. Nous les publierons dans nos prochaines parutions.
Léandre Sahiri
AGENDA
Ici vos annonces gratuites : Publicité, avis et communiqués, événements (conférences,
colloques, salons, séminaires, forums, festivals, etc.). 1
4ème Congrès International de la Femme Noire, Organisé par Africa Femmes Performantes, Inc. à Lusaka les 11-‐12-‐13 Novembre 2010, Sous le Haut Patronage de Madame Thandiwe Banda, Première Dame de la République de Zambie. Informations/contacts: http://femmesperformantes.com
À gauche, Madame Thandiwe Banda, Première Dame de la
République de Zambie, à droite madame patricia Faraut,
présidente d'Africa Femmes Performantes, Inc.
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Prix Ivoire. Voici les cinq (5) auteurs et ouvrages finalistes retenus par le jury, présidé par M. Michel Koffi : 1/ Beyrouk (Mbarek Ould), Nouvelles du désert, récits, Paris, éd. Présence Africaine, 2009, 138 p. ; 2/ Diégou Bailly, Epître aux gens d’Adjouffou, roman, Abidjan, Frat Mat Editions, 2010, 233 p. ; 3/ Nafissatou Dia Diouf, Cirque de Missira et autres nouvelles, récits, Paris, Présence Africaine, 2010, 189 p. ; 4/ Elisabeth Ewombè-‐
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Moundo, La nuit du monde à l’envers, roman, Dakar, éd. Panafrika / Silex / Nouvelles du Sud, 2009, 146 p. ; 5/ Véronique Tadjo, Loin de mon père, roman, Paris, éd. Actes Sud, 2010, 189 p. Ces cinq (5) ouvrages finalistes seront présentés au Jury final. Le lauréat recevra la somme d’un (1) million de Francs CFA. En 2009, le jury, a été attribué à M. Tiburce Koffi (Côte d’Ivoire) pour Mémoire d’une tombe (roman, éd. CEDA/ NEI/ Présence Africaine).
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Guy Gore
NDLR : Nous ferons connaître cet artiste de talent et militant des droits et libertés, dans nos prochaines parutions.
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Editions-‐Publications
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Le Filament a le regret de vous faire part du décès de la mère de Serge Grah, sœur de Léandre Sahiri. Condoléances.
Libre et indépendant,
« Le Filament » vous est ouvert.
Exprimez-vous !
L e c o n t e L e c o n t e d u m o i sd u m o i s
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Le conte est transmis de siècle en siècle, de peuple en peuple. Il présente un monde et des personnages de tous genres (humains, animaux, merveilleux, invraisemblables, surnaturels…). Le conte peut être à l'opposé du réel ou révéler les réalités de la vie. Il est parfois court, parfois long, conçu pour distraire ou instruire, et porte souvent en lui une force émotionnelle, didactique ou philosophique, etc. C’est un puissant véhicule de sagesse et de connaissances diverses. D’où, son importance et l’intérêt d’en proposer un, chaque mois, dans Le Filament. Envoyez-‐nous des contes. Nous les publierons dans cette rubrique.
Email : [email protected]
Conte :
L’homme et
les animaux
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Je suis Moïse Ahui, originaire de Jacqueville,
un village de pêcheurs au sud-ouest d’Abidjan,
en Côte d’Ivoire. Issu d’une famille de griots et
de la chefferie traditionnelle, j’ai été bercé,
dans mon enfance, par l’art du langage oral de
chez nous où les verbes en l’air, les mots qui
se rencontrent dans la voix, les gestes tant
délicats que précis, les chansonnettes des
clairs de lune sont en complicité avec le
conteur pour égayer les petites et les grandes
oreilles, dans un spectacle interactif. Et donc,
j’ai plusieurs contes dans ma gibecière. Je vais
vous en dire un. Il s’appelle « L’homme et le
singe ». Voici. Bien longtemps avant que
l’homme n’apparaisse sur terre, les animaux y
vivaient déjà en parfaite harmonie, il n’y avait
ni roi ni chef, ni pauvre ni riche. Tous étaient
égaux. Un jour, au lever du soleil, au moment
ou chacun préparait son matériel agricole
(houe, daba, machette…) pour vaquer à ses
occupations habituelles, Bobo le chien gardien
du village aperçut soudain une chose à la fois
étrange et bizarre. Effrayé, il poussa un grand
aboiement waouh… waouh… Aussitôt, il se
retourna sur ses quatre pattes et traversa le
village, en grandes enjambées. C’était la
première fois que le monde animal découvrait
un plantigrade, un homme. Ce voyageur a
l’allure bizarre était à la recherche d’un endroit
calme ou règnerait la fraternité et l’hospitalité
pour y construire son avenir. L’aboiement du
chien jeta un effroi dans la communauté. Sous
l’arbre à palabres, chacun était impatient de
savoir ce qui fit courir Bobo le chien. Sans
attendre, celui-ci leur annonça la présence
d’un étranger dans le village. Après des heures
de palabres, ils acceptèrent l’homme et lui
souhaitèrent la bienvenue dans le village. Ils
lui offrirent l’hospitalité. Ils lui donnèrent des
vivres et lui cédèrent une parcelle de terre
pour y construire sa case et pour y travailler.
Après plusieurs années de dur labour, l’homme
devint riche. Et, cela attira bien des jalousies,
des convoitises, du mépris et autres vilénies
de la part des animaux. Ils organisèrent des
réunions clandestines, les soirs, sous l’arbre à
palabres.
« Mes frères, nous avons, dit le Lion, accueilli
cet homme dans notre village sans le
connaître et, aujourd’hui, il a la plus belle case
du village, un grenier fourni, par la force de
son travail.
- Cet étrange être-là est un mauvais exemple
pour nous tous. Nous ne pouvons plus
paresser au soleil tranquillement, grogna le
Phacochère.
- Et puis, il ne sait même pas grimper aux
arbres pour nous attraper quelques régimes de
bananes, ajouta le singe.
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- II ne marche pas sur ces quatre pattes ; il ne
mange pas comme nous ; il ne parle pas
comme nous ; et puis, pire encore, toutes nos
femelles n’ont d’yeux que pour lui, dirent à
l’unisson, les autres animaux.
- Pour sur, il doit s’en aller, d’ici. C’est un
étranger, un profiteur, un imposteur, il est la
source de tous nos malheurs...
Ainsi, chaque nuit, les éléphants piétinaient les
jeunes plants dans le champ de l’homme. Les
oiseaux picoraient son riz. Les chiens faisaient
des crottes devant sa porte. Les souris
grignotaient la paille de sa case…
Face à ces désastres et à menaces
permanentes et incessantes, l’homme décida
de poser des pièges tout le long de son
champ. Chaque malveillant était pris au piège
et mourait instantanément.
Alors, la population des animaux s’amenuisait,
de jour en jour. Les animaux qui
commençaient à craindre fortement
l’intelligence de l’homme décidèrent qu’il fallait
faire la paix avec l’étranger. A ce titre, ils
choisirent Bobo le chien, comme médiateur.
Bobo alla présenter des excuses à l’homme, au
nom de tous les animaux. L’homme qui se
doutait des manigances des animaux, déposa
un os devant le chien. Celui-ci sauta dessus,
en disant « je savais bien que vous êtes
quelqu’un de généreux, malgré tout ce que
raconte mes frères ». Et, heureux de ce repas
si copieux, Bobo le chien oublia sa mission et
son rôle de médiateur. Il dénonça à l’homme
tous les comploteurs.
Devant ces aveux sincères, l’homme dit à
Bobo le chien : Puisque tu t’es fait, volontiers,
le messager de tous les animaux, alors, reste
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avec moi. C’est ainsi que l’homme en fit son
compagnon.
(Par Moïse Ahui,
griot-conteur ivoirien résidant en France)
« Chaque conte, chaque légende est une caravane de mots, de souvenirs, de chansonnettes, d'humour ». Moise Ahui.
*Prochain conte du mois :
« Le pot fêléLe pot fêlé »
(Par Léandre Sahiri, Extrait de « Les Pollens », à paraître)
Vous auriez tort de ne pas lire
le prochain numéro du Filament,
disponible à partir du
15 septembre 2010.
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Jeux Le Filament numéro 7 . Aout 2010. Mots fléchés FRV100 -‐ Grille 012.
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