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H. WAISMANN
L'ÉCONOMIE RURALE DE LA TURQUIE
Extrait de la Revue des Eludes Islamiques
Année 1928 C.uiiF.n IV
PARIS
LIBRAIRIE ORIENTALISTE PAUL GEUTHNER
13, nue jacob, 13
1928
L'ÉCONOMIE RURALE DE LA TURQUIE <*>
La Turquie contemporaine est un pays essentiellement agricole ayant
une industrie d'extraction et d'exploitation peu développée. De plus, son
économie rurale se distingue par une grande diversité de formes, sibien
que sous ce rapport la Turquie peut à la rigueur être comparée à l'U. R.
S. S. ou aux États-Unis. Or, tandis que la diversité des types et des
formes de l'économie rurale de ces pays apparaît tout à fait naturelle, en
raison des vastes étendues de leur territoire, en Turquie les systèmes
d'économie rurale, très différents l'un de l'autre, cohabitent sur une sur¬
face extrêmement limitée. Cette circonstance, en dehors de la diversité
des conditions historiques du développement et de la composition ethnique
de la population des diverses régions, doit être aussi liée à la diversité
des conditions naturelles, depuis les localités du littoral, bien fertiles et
jouissant d'un climat chaud et humide, jusqu'aux plateaux soumis à la
sécheresse. C'est pourquoi en étudiant l'état de l'économie rurale turque,
il faut, autant que possible, diriger ses investigations vers chaque région
individuellement.
Il y a déjà quelque temps que le Commissariat de l'agriculture de
Turquie a procédé à la division du pays en régions agricoles, comme suite,
la Turquie a été partagée en 7 territoires, savoir :
(1) D'après les travaux de la Section économique delà Chambre de commerce ukraino-orientalcd'Odessa (publ. ap. Nowy Vostok de Moscou, 1927, n° 19). En raison de considérations techniques,
toute une série de données statistiques ont été omises. (Note de la Rédaction du Nowy Vostok.)
530 REVUE DES ÉTUDES ISLAMIQUES
1° Quatre territoires du littoral : Thrace et Smyrne, pour le littoral
de la mer Noire ; Adalia et Adana, pour le littoral de la Méditerranée.
2° Trois territoires continentaux : Plateau occidental avec Eski-Cheïr,
Plateau Central avec Sivas et vilayets orientaux avec pour centre Diar-
békir.
Cette division, en dépit de quelques modifications à effectuer et sur
lesquelles nous reviendrons plus tard, peut être considérée comme satis¬
faisante dans ses grandes lignes.
D'après les données parues dans la presse économique française, au
point de vue de son exploitation agricole, le territoire d'Anatolie peut se
diviser ainsi:
Terres à culture par irrigation 10 p. 100
vergers 2 -
non ensemencées, mais bonnes à cultiver . 58
Forêts 9
Terrains désertiques et sables ........ 21
II est bon de remarquer que parallèlement à ce pourcentage considé¬
rable des terrains, ayant un caractère désertique et impropre à la culture,
il existe une forte quotité de terres propres à la culture, mais laissées
en friche. On aurait complètement tort cependant de tirer une conclu¬
sion sur le faible développement de l'agriculture en Turquie en se
basant sur ces chiffres approximatifs. En raison de la diversité des
climats et du sol, du relief et de la densité de la population, la propor¬
tion de la surface cultivable n'est pas la même non plus pour toutes les
régions de la Turquie prises séparément.
Le pourcentage de la surface ensemencée, relativement à tout le ter¬
ritoire, est un peu plus élevé dans les régions du littoral telles que
dans celles d'Adana, d'Aïdin, etc., que dans l'intérieur des terres. Ces don¬
nées auraient beaucoup plus d'intérêt si elles nous faisaient connaître le
degré d'utilisation de la surface cultivable et non de l'ensemble de toutes
les régions du territoire. Nous ne possédons des données que pour quel¬
ques régions. Les étendues absolues et relatives de la surface ensemencée
L'ÉCONOMIE RURALE DE LA TURQUIE 831
et de celle bonne à cultiver donnaient pour ces régions les chiffres sui¬
vants en 1910 (1) :
VILAYETS
Trébizonde
Aïdin .
Angora .
Adana .
Erzeroum
Van . , .
Kharpout
Diarbékir
SURFACE
CULTIVABLE
Kilomètres carrés
8.664
14.650
13.000
18.439
28.895
21.530
18.966
39.180
SURFACE CULTIVÉE
Kilomètres carrés
90 p. 100 par rapport
i la
surface cultivable
3.664
6.006
5.711
4.678
3.378
1.823
1.823
3.077
42,3
41,0
43,3
25,4
11,7
8,5
9, G
7,9
POUR 100
DE LA TERRE
CULTIVABLE
par rapport à tout
le territoire
33,5
25,7
17,3
47,1
37,7
43,1
47,5
78,0
Si l'on prend en considération, comme nous le verrons plus loin, qu'en
Anatolie prédomine le système d'assolement biennal et que, par consé¬
quent, la surface ensemencée constitue presque la moitié de la surface
de la terre cultivée, ces chiffres étant donnés l'on doit conclure que80 p. 100 à peu près des terres bonnes à cultiver sont utilisées dans les
vilayets du littoral nord et ouest et dans la partie occidentale du plateau.
Ce pourcentage doit être considéré comme très élevé. Cependant, dansles vilayets de l'Est il n'est pas du tout excessif et il ne dépasse pas 20 p. 100
de la surface de terre propre à la culture. C'est pourquoi l'économie ru¬
rale de la Turquie orientale a un caractère plus extensif que celle de la
Turquie occidentale.
Les régions du littoral d'Anatolie, coupées de montagnes surtout au
nord, sont riches en forêts, si bien que l'agriculture se concentre de pré¬
férence dans les vallées et dans le voisinage de la mer. Le plateau occi¬dental est désertique dans sa plus grande partie. Dans les vilayets
(1) Calculé d'après les données fournies par Modem Turkey, p. 284 et 285.
532 REVUE DES ÉTUDES ISLAMIQUES
orientaux l'étendue forestière et désertique atteint des proportions beau¬
coup plus élevées par rapport à tout le territoire.
La diversité des systèmes employés dans les économies rurales s'ex¬
plique si l'on tient compte de la densité de la population qui, très irré¬
gulièrement répartie, joue un rôle encore plus important dans certaines
régions.
A l'exception d'Adana, les localités du littoral sont beaucoup plus peu¬
plées que celles se trouvant à l'intérieur du pays : à Aïdin, pour 1 kilo¬
mètre carré de terre bonne à cultiver, on compte 170 habitants, à Trébi¬
zonde, on en compte 145, à Angora 72, mais dans les vilayets orientaux,
on n'en compte plus que de 12 à 30. Il est tout naturel que dans ces con¬
ditions l'économie rurale des vilayets du littoral manifeste une plus grande
intensité. Si l'on tient compte de la densité de la population et du degré
d'utilisation possible de la terre pour la culture par région, on peut classer
ainsi les régions agricoles de la Turquie dont les conditions existantes
sont propres à leur exploitation intensive : littoral des mers de Marmara
et d'Egée, de la mer Noire, de la Méditerranée et en dernier lieu les pla¬
teaux Central et Occidental avec les vilayets orientaux. En raison de la
quantité peu considérable de terre cultivée dans les vilayets orientaux, le
système prédominant de l'économie rurale dans ces vilayets peut être
désigné sous le nom de système des bergers-cultivateurs avec une pré¬
pondérance plus marquées du côte de l'élevage du bétail.
En raison de la Vaste étendue des pâturages absolus de la région du
plateau occidental, l'élevage du bétail joue aussi un grand rôle, parallèle¬
ment avec l'agriculture ; cependant l'élevage du bétail ainsi que l'agricul¬
ture se distinguent ici par un caractère plus intensif que dans les vilayets
orientaux.
Nous commencerons la caractéristique des branches de l'économie
rurale de Turquie par celle qui est la plus extensive, par l'élevage du
bétail.
D'après les données d'avant et d'après guerre, la quantité de bétail en
Turquie serait la suivante (1) :
(1) Les données pour 1913 et 1919 ont été empruntées au Modem Turkey, p. 239, pour 1923, et
aux matériaux de la Représentation commerciale de l'U. R. S. S. en Turquie.
L'ÉCONOMIE RURALE DE. LA TURQUIE 533
DÉSIGNATION
Bnufs et buffles . . . .
Taureaux, vaches, veaux .
Chevaux et poneys . . .
Anes et mulets
Brebis et agneaux . . .
Chèvres ordinaires . . .
Chèvres d'Angora . . . .
j Chameaux
1 sus i-
1913
2.097.348
3.834.579
1.050.580
1.818.300
18.721.550
14.424.180
2.039.000
314.000
1919
378.000
3.748.000
630.000
910.000
H. 200. 000
?
2.065.008
95.000
1023
554.631
4.037.248
504.974
832.505
9.629.776
8.774.073
2.435.000
102. 370
La grande différence qui existe entre les chiffres de 1913 et ceux de
1919 par rapport à la quantité de bnufs, de chevaux, d'ânes, de brebis et
de chèvres ordinaires s'explique simplement, par la diminution du terri¬
toire de la Turquie ; on ne peut donc faire de déduction sur l'évolution de
l'élevage du bétail qu'en se basant sur la comparaison des données se
rapportant aux années d'après-guerre, ce qui s'explique en raison dumanque absolu de renseignements d'avant-guerre au sujet de la quantité
de bétail sur le territoire actuel de la Turquie. 11 est regrettable que les
données même d'après-guerre ne soient pas tout à fait exactes (t). Autant
qu'on puisse en juger d'après les données ci-dessus, le nombre de bêtes
bovines a un peu augmenté pendant la guerre gréco-turque, mais celui
des brebis et des chevaux a diminué. D'une manière générale l'élevage
du bétail en Turquie conserve toute son intensité jusqu'à présent ; ce qui
le prouve, c'est le nombre de brebis et de chèvres qui forment la part
bien considérable encore de l'ensemble du bétail. La preuve en est dans
la prépondérance des taureaux et des buffles sur les vaches, ce qui indique
l'intensité de l'élevage des bêtes à cornes, en même temps qu'une orien¬
tation très marquée vers le travail. Comme conséquence, les chevaux,
plus difficiles à nourrir et présentant de ce fait une force de travail beau-
(1) Pour confirmer ce fait, il suffit de dire que d'après les données du Slalesman's iear Bookpour 1926 il y avait en Turquie, en 1923,3.551.449 bêtes à cornes, 350.135 chevaux, 411.494 ânes,
11.013.703' brebis, 1.609.926 chèvres d'Angora et 52.440 chameaux. Ces chiffres nous paraissent
réduits, sauf pour les brebis.
m
334 REVUE DES ÉTUDES ISLAMIQUES
coup plus coûteuse, sont moins nombreux que lesb Effectivement,
la plupart des travaux agricoles se font en Turquie à l'aide des bBufs.
Cette conclusion répond entièrement à ce que nous connaissons sur
l'état du marché des viandes de Turquie. Bien que la quantité de bêtes à
cornes en Turquie soit tout à fait suffisante pour alimenter en viande
l'intérieur du pays, une partie de la consommation des grandes villes,
comme à Constantinople et d'autres encore, n'est couverte que grâce à
l'importation de l'étranger. Cette nécessité d'importer du bétail à Cons¬
tantinople et à Smyrne s'explique par le mauvais état des voies de com¬
munication, si bien que le transport du bétail des régions intérieures du
pays vers les grands centres du littoral, présente de grandes difficultés.
Il est tout naturel que l'insuffisance de la vente n'encourage point le dé¬
veloppement de l'élevage du gros bétail à cornes, pour les besoins des
marchés à viande, et ce n'est que le rebut des bêtes à cornes de labour et
dos vaches qui est réservé à l'abatage. Cependant il faut remarquer que
la réduction de l'importation des bêtes à cornes et l'augmentation de l'ex¬
portation, déjà supérieure à l'importation, permet de constater un assai¬
nissement de début de la vente.
Dans une pareille situation se trouve également l'élevage des brebis
avec la seule différence que le fait d'amener des brebis de l'intérieur du
pays à Constantinople et à Smyrne présente moins de difficultés que pour
les bêtes à cornes ; c'est pourquoi la plus grande partie de la viande de
mouton exigée par ces marchés est assurée par l'élevage indigène. En
1923, il fut importé en Turquie 72.839 moutons, brebis et chèvres,
9.646 agneaux et chevreaux, ce qui fait à peine 5 p. 100 du chiffre réservé
à l'abatage de ce genre de bétail aux abattoirs de Constantinople. Le
reste a dû être vraisemblablement fourni par les régions du plateau occi¬
dental et oriental. Quant aux vilayets orientaux, les plus riches en moutons,
on les exporte de préférence à l'étranger. C'est ainsi qu'en 1913 on a
exporté en Syrie et dans d'autres pays 339.809 brebis et chèvres. En 1924,
l'exportation ayant augmenté s'est chiffrée par 400.677 brebis et 16.319
ao-neaux, mais l'importation s'est également accrue : elle a été de 158.140
brebis et de 9.235 agneaux.
La vente de la laine a une certaine importance pour l'élevage des
L'ÉCONOMIE RURALE DE LA TURQUIE 535
moutons en Turquie, dont la production atteignait avant-guerre le
chiffre de 4 à 5 millions d'ocques. En 1923, s'il faut en croire les rensei¬
gnements reçus, cette production n'était que de 2 à 5 millions (1)
d'ocques. En 1926, la production de laine atteint le chiffre de 7 millions
de kantars. En 1923, il a été exporté 2.842.200 tonnes de laine de brebis.
Près de 3.000 tonnes à peu près sont employées dans l'industrie textile
de la Turquie, le reste est travaillé à la campagne (2). Ainsi, plus de la
moitié de la production est réservée pour le marché.
La production de la laine de chèvre d'Angora (moguer, tiftik) est
presque en entier destinée aux marchés, et la laine est exportée principa¬
lement en Angleterre (Bradford) et aux Etats-Unis. D'après les données,
dont il a été parlé, en ce qui concerne le nombre de chèvres d'Angora,
on constate une certaine augmentation, quoique bien faible encore,
durant les années d'après-guerre par rapport aux chiffres d'avant-guerre.
Cependant, en examinant les données reçues par d'autres sources, basées
sur la comparaison des chiffres d'exportation d'avant-guerre de laine
d'Angora et la quantité de sa sortie calculée par tête, on peut estimer que
le nombre d'avant-guerre de chèvres d'Angora n'est pas de 2 millions,
comme l'indiquent les données officielles, mais d'au moins 3 millions de
chèvres.
En se basant sur ee dernier chiffre, il faut constater que le nombre de
chèvres d'Angora a visiblement diminué relativement à la période d'avant-
guerre si l'on en juge par le fait que la laine d'Angora a été de beaucoup
inférieure, dans les années d'après-guerre que dans celles d'avant-guerre.
Cette différence, relative au temps d'avant-guerre, s'explique, non seu¬
lement par la situation pénible dans laquelle se trouvait l'économie rurale
durant la période de la guerre mondiale et gréco-turque, mais aussi,
hâtons-nous de le dire, par la concurrence à laquelle est soumise actuel¬
lement la laine d'Angora sur les marchés extérieurs de la part d'une pro¬
duction analogue de l'Afrique du Sud et des Etats-Unis, où on est parvenu
à acclimater la chèvre d'Angora.
(1) Cf. Bulletin de la Chambre de commerce de Constantinople, 1924, n* 10, p. 19.
(2) L'Information d'Orient, 1926, p. 3574.
836 REVUE DES ÉTUDES ISLAMIQUES
Il est bon de remarquer que l'élevage des chèvres d'Angora présente
une branche d'élevage de bétail beaucoup plus intensive que celle, par
exemple, de l'élevage des brebis, attendu qu'elle demande des soins bien
plus minutieux. En raison de ce fait, il est intéressant de constater que
cette branche est particulièrement développée dans la région du plateau
occidental, où, en dehors des conditions naturelles, le caractère de l'éco¬
nomie rurale, qui s'exprime, comme nous l'avons déjà constaté, par une
exploitation plus rationnelle des terres cultivables, favorise cette branche
d'une manière plus intensive que dans les vilayets orientaux.
Autant qu'on puisse en juger d'après les données sur l'importation et
l'exportation des produits des branches intensives de l'élevage du bétail,
leur production en Turquie laisse voir des indices de progrès incontes¬
table.
MARCHANDISES
Volaille domestique .
Beurre de vache. . .
Fromages indigènes
européens d'Oc
cident
OKufs
Ainsi, l'exportation des produits énumérés augmente, tandis que l'im¬
portation diminue. Cependant les proportions du commerce extérieur de
ces produits ne sont pas assez considérables relativement à l'importance
de leur production dans le pays, pour qu'on puisse parler delà croissance
intensive de l'élevage des animaux. Comme résultat, il faut constater que
le principal problème qui se pose devant l'économie rurale de Turquie
dans les années à venir et dans le domaine de l'élevage des animaux, est
celui qui consiste à élargir l'étendue des marchés pour les formes exten-
sives de l'élevage du bétail en améliorant les conditions du transport de
ces produits des régions centrales et orientales. L'intensité de l'élevage
L'ÉCONOMIE RURALE DE LA TURQUIE 537
des animaux dans de larges proportions, exception faite de l'élevage des
chèvres d'Angora, présente actuellement un problème plus éloigné,
lequel n'acquiert plus d'importance que pour PAnatolie occidentale.
Passons à présent à l'examen des données sur l'état de l'agriculture de
la Turquie.
Les céréales occupent une place prépondérante dans l'agriculture de
la Turquie par la surface dont elles disposent, même dans les régions où
l'exploitation est la plus intensive. Le poids spécifique de certaines espèces
de céréales dans l'agriculture turque peut être fixé en se basant sur les
données suivantes de l'année 1910, lesquelles se rapportent aux territoires
de la Turquie d'avant-guerre (1).
,
CÉRÉALES
Froment. . .
Orge . . . .
Maïs . . . .
Seigle. . . .
Avoine . . .
SURFACE D'ENSEMENCEMENT
EN MILLIERS
Turquie
d'Europe
467,2
224,1
311,9
113,9
30,8
d'hectakes
Turquie
d'Asie
2.569,3
1,424,2
419,6
210,9
153,7
RECETTE BRUTE
EN MILLIERS
Turquie
d'Europe
6.589
3.739
5.640
1.837
1.345
DE QUINTAUX
Turquie
d'Asie
38.222
25.190
5.597
2.933
3.(30
RÉCOLTE en QUINTAUX
PAR HECTARE
Turquie
d'Europo
14,1
16,9
18,1
16,1
10,3
Turquie
d'Asie
14,9
13,3
13,9
20,4
Comme on le voit, le froment et l'orge prédominent dans les semailles,
Ces deux sortes de céréales sont cultivées de préférence sur le plateau
et sur le littoral occidental d'Anatolie, ensuite sur le littoral sud et nord.
La production la plus importante d'entre les céréales, le froment, atteint
les plus grandes proportions dans les vilayets de Konia, d'Angora, de
Sivas, d'Aïdin, de Brousse, de Kastamouni et d'Adana. L'orge occupe la
seconde place par son importance ; son centre de culture se trouve par
ordre d'importance dans les vilayets de Brousse, de Konia, d'Aïdin, de
Sivas, d'Angora, d'Adana et de Kastamouni. On ne cultive l'avoine de
préférence que dans le vilayet d'Adana. Konia prend une part assez consi-
(1) Ces données ont été empruntées à l'Annuaire international de statistique agricole (1909-1921).
538 REVUE DES ÉTUDES ISLAMIQUES
dérable à la production du seigle, puis viennent Aïdin et Angora. Pour
la production du maïs, la première place appartient au vilayet de Tré-
bizonde et puis, bien que dans une proportion moindre, aux vilayets
d'Aïdin, de Brousse, de Bdlou et de Sivas. Le riz est cultivé en Anatolie
dans des proporlions insignifiantes et d'une façon tout à fait primitive.
Il pousse dans des endroits marécageux, ce qui rend cette culture nui¬
sible pour la santé de la population agricole. L'assèchement projeté des
marécages dans certaines régions de Turquie diminuera certainement la
surface réservée à la culture du riz.
Le froment-locar n'est cultivé que dans la région de Kastamouni. Le
millet est cultivé en petite quantité dans diverses régions de Turquie.
Le cultivateur turc emploie presque exclusivement le système alter¬
natif d'assolement biennal : céréales et jachères; or les céréales sont de
préférence des blés d'hiver. Dans les cas bien rares d'assolement trien¬
nal, l'on emploie les systèmes suivants : plantes convenant aux terres
fraîchement labourées. Le champ en friches est débarrassé de ses éteules
d'abord, pour être labouré ensuite en hiver.
On se sert très rarement d'engrais pour la culture des céréales, et si
l'on a recours au fumier, ce n'est que pour la culture des plantes indus¬
trielles, pour le chauffage, etc... Ce n'est qu'aux semailles de quelques
petits blés, surtout du millet, qu'on se sert parfois d'engrais. Le grand
soin que l'on prend à la culture des petits blés se manifeste en ce que
les grains qui d'ordinaire, avant les semailles, ne subissent point de
triage, sont avant l'ensemencement des petits blés triés à la main, deux
ou trois fois. En général, la technique agricole est bien primitive en
Turquie. Les semailles qui commencent à partir de la seconde moitié du
mois de septembre, aussitôt après les premières pluies, se poursuivent
jusqu'en décembre (selon le climat), ces semailles, disons-le, se font pour
la plupart à l'aide d'un outil tout à fait archaïque, une charrue faite des
propres mains de l'agriculteur, laquelle se compose d'une architrave en
bois et d'un morceau de fer servant de soc. On sème d'habitude à la
main, dans la terre labourée, et l'enfouissement des grains se fait avec
cette même charrue. La rentrée des blés commence d'habitude dans la
moitié du mois de mai et se poursuit jusqu'à la fin du mois d'août. Il n'y
L'ÉCONOMIE RURALE DE LA TURQUIE 539
a pas longtemps encore que 85 p. 100 de la récolte fut coupée à l'aide de
faucilles, et 15 p. 100 à peine à l'aide de moissonneuses. Le battage du
blé commence en juin et se poursuit jusqu'en novembre. Il se fait à
l'aide d'un outil particulier, connu sous le nom de « deguène », lequel
se compose d'une planche en chêne de 4 cm. d'épaisseur, dans laquelle
sont plantés des morceaux de silex, et que deux chevaux ou deux biufs
traînent sur l'aire de la grange. La paille coupée qui en provient et qu'on
appelle saman est employée, mêlée parfois à de l'orge, pour la nourri¬
ture des bêtes à cornes et des chevaux qui traînent de lourdes charrettes.
Ces temps derniers, les machines et les outils agricoles contempo¬
rains ont commencé à pénétrer en Turquie. La charrue contemporaine est
employée principalement dans les vallées d'Adana, d'Eski-Cheïr et d'Ada-
Bazar, ainsi que dans les vilayets d'Andrinople, de Smyrne et de Brousse.
Le labourage à l'aide de tracteurs était très rare avant la guerre. A Adana
on a fait des expériences heureuses de labourage à l'aide de charrues à
plusieurs socs qu'on mettait en mouvement à l'aide d'automobiles de
30 chevaux. Pendant la guerre, des tracteurs allemands à essence et au
pétrole furent importés, mais, plus tard, leur importation cessa presque
complètement. A partir de 1919, les « fordsons » commencèrent à péné¬
trer en Turquie ; actuellement, on compte près de 750 tracteurs, dont
600 « fordsons ».
Ainsi, un large champ s'ouvre en Turquie pour la mécanisation de
l'économie rurale. Le triage des grains a une grande importance pour
l'amélioration de la récolte en Turquie, c'est pourquoi les machines à
trier les grains sont les premières qui ont pénétré en Turquie. Actuelle¬
ment, la demande des instruments à labour, des machines à rentrer les
blés en grange, est assez importante; il en est de même pour les ma¬
chines à battre le blé et à presser le foin, etc.. A cet effet, et vu le carac¬
tère plutôt extensif de la production des céréales en Turquie, certains
produits de nos usines de machines agricoles du Sud peuvent avoir un
écoulement considérable en Turquie, en raison des conditions d'exten¬
sion de l'économie rurale. Cela concerne surtout une catégorie d'outils
spéciaux à notre économie des steppes comme les boukkera-semeuses et
les moissonneuses par exemple.
REVUE DES ÉTUDES ISLAMIQUES
Pour caractériser l'état de la culture des céréales en Turquie, le mieux
est de s'en rapporter à la récolte. Ainsi que nous démontrent les données
dont il a été déjà parlé, la récolle des principales céréales, en Turquie,
donnait de 13 à 18 quintaux par hectare avant la guerre, ce qui repré¬
sente 87 ou 120 pouds par déciatine, d'après les poids russes. Une telle
récolte doit être considérée comme très élevée en raison de la technique
archaïque et de la petite quantité d'engrais qu'on employait à la culture.
Il faut attribuer la proportion élevée de la récolte en Turquie aux con¬
ditions d'abord bien favorables du sol et du climat, ensuite pour la raison
qu'on cultive actuellement en Turquie les céréales d'hiver qui donnent
un grain mou, contenant beaucoup de matières d'amidon et relativement
peu de gluten; c'est grâce à cette substance que ces céréales peuvent
donner de grandes récoltes, ainsi qu'on l'observe dans les pays de l'Eu¬
rope occidentale. On n'ignore pas que le froment turc est de préférence
consommé, mélangé avec le grain « dur », importé de l'étranger, plus
particulièrement des États-Unis et de l'U. R. S. S., etc., du fait qu'il ne
contient pas assez de matières protéiques.
Si l'on réunit tous les indices principaux, d'après lesquels on peut
juger du caractère de l'économie agricole dans les différentes régions de
la Turquie, prises séparément au temps d'avant-guerre, notamment le
degré d'utilisation de la terre cultivable, le niveau de la récolte, les par¬
ticularités des cultures et la dynamique de l'exportation, il faudra en
déduire que non seulement en Thrace et sur le littoral d'Asie Mineure,
mais aussi dans la région du plateau occidental, l'économie agricole a
atteint un tel degré d'intensité que la croissance ultérieure des surplus
exportés parait peu probable. Il convient de constater que dans le reste
de la Turquie, plus on avance vers l'est, et plus se sont conservées les
conditions d'extensité de l'économie agricole pour le développement de
laquelle on aura besoin, autant que possible, pour des raisons de climat
et en dehors de la « machinisalion », d'une organisation efficace de
transport et de vente.
En ce qui concerne les proportions de la production en grains de la
Turquie pendant les années d'après-guerre, nous ne possédons que des
informations bien incomplètes.
L'ECONOMIE RURALE DE LA TURQUIE 541
On peut cependant constater que la surface d'ensemencement des
céréales a visiblement diminué relativement à celle d'avant-guerre.
En 1914, l'ensemencement des céréales sur le territoire de la Turquie
actuelle occupait une surface de 48.394.580 deunum, soit près de
4.400.000 hectares. En 1924, d'après les données officielles, on a ense¬
mencé en Turquie (1) 36.327.178 deunum. Ces dernières années, la sur¬
face d'ensemencement s'accroît petit à petit. C'est ainsi qu'en 1925 elle
atteignait 41.038.000 deunum. Au 1er mars 1926, d'après lès données
préalables et bien incomplètes du Commissariat de l'Agriculture, elle
était de 39.650.000 deunum (2). La récolte brute des céréales est égale¬
ment plus basse en ce moment que celle d'avant-guerre. Par suite et en
raison même de la surface ensemencée, la récolte des céréales sur le ter¬
ritoire de la Turquie contemporaine atteignait plus de 6 millions de
tonnes pour les années d'avant-guerre. En 1924, année de mauvaise
récolte s'il en fut, il a été récolté en Turquie 3.778.840 tonnes des céréales
principales; dans ce nombre sont comprises 2.537.850 tonnes de blés
alimentaires, 1.040.990 tonnes d'orge et 200.000 tonnes de maïs. En 1925,
la récolte fut à peu près d'un tiers plus élevée, ce qui a donné près de
5 millions de tonnes. En ce qui concerne l'année 1926, à en juger par les
renseignements qui sont en notre possession, la surface d'ensemence¬
ment a augmenté dans son ensemble d'environ 4 à 5 p. 100, la récolte
brute de froment et d'orge s'est accrue de 15 à 20 p. 100 par comparaison
avec l'année 1925 (3). Au sud et à l'ouest du pays, la récolte est meilleure
que dans le centre; au nord et dans la Turquie d'Europe, les céréales ont
souffert de la sécheresse el elles ont donné une mauvaise récolte ; quoi
qu'il en soit, la récolte par tout le pays est considérée comme plus élevée
que la moyenne. On peut en donner un chiffre approximatif de 5 millions
et demi de tonnes.
Ainsi, les proportions de la production en grains en Turquie atteignent
à peu près les chiffres d'avant-guerre, tout en restant actuellement infé¬
rieurs de 10 p. 100. La diminution de la récolte brute, relativement à celle
(1) Bulletin de la Représ, commerciale de l'U. R. S. S. en Turquie, 1920, n' 6, p. 33.
(2) /d.,192G, n' 3, p. 3G.
(3) Id., 1926, n' 9, p. 3.
542 REVUE DES ÉTUDES ISLAMIQUES
d'avant-guerre, a eu certainement une répercussion sur les proportions
du commerce extérieur des céréales de la Turquie, lequel donne les
chiffres suivants (en milliers de tonnes).
CEREALES
Froment
Farine de froment
Orge
Maïs, seigle et millet
Avoine, sarrasin el autres blés (2).
EXPORTATION
1911-13(1) 1923 1924
15,2
1,4
157,5
24,9
29,9
0,5
0,1
0,0
6,-1
2,2
2,9
0,2
1,0
0,3
16,7
IMPORTATION
1909-13(1) 1923 1924
103,2
171,0
25,8
43,1
0,2
112,4
26,7
0,0
0,4
1,5
173,7
4,8
0,4
6,6
5,4
Exception faite des cultures secondaires, notamment de l'avoine, des
légumineuses, etc., l'exportation des céréales de Turquie est excessive¬
ment insignifiante en comparaison avec celle d'avant-guerre. A l'heure
actuelle les excédents tant soit peu importants que les grandes villes
absorbent sont fournis principalement par les régions de Konia, d'Eski-
Cheïr et de Thrace. D'autre part, l'importation des céréales en Turquie est
aussi moins considérable qu'à l'époque d'avant-guerre. En 1924, année de
mauvaise récolte, on a importé beaucoup de froment; cependant l'impor¬
tation de la farine de froment qui, dans la période d'avant-guerre, attei¬
gnait des proportions considérables, a été réduite au minimum en raison
des taxes élevées de douane.
En 1924 il a été importé 178,5 mille tonnes de froment et de farine
contre 276,2 mille tonnes pendant les années 1909 et jusqu'en 1913.
En 1925, pour assurer la vente du froment turc, lequel trouvait fort peu
de demandes à l'étranger en raison de ses propriétés, le gouvernement a
édicté un règlement d'après lequel on devait employer au moins 50 p. 100
de farine indigène pour la préparation du pain. Plus tard, ce pourcentage
fut encore plus élevé. Cette mesure eut pour résultat de faire baisser
brusquement l'exportation du froment. C'est ainsi que, dans la première
(1) Moyenne pour 1909-1911 et 1913.
(2) En 1909 et 1913 seulement le seigle et le maïs.
L'ÉCONOMIE RURALE DE LA TURQUIE 543
moitié de 1926, il en a été importé à Constantinople à peine 9.000 tonnes
et de juillet à octobre 2.400 tonnes (1). Comme on peut le voir, les excé¬
dents de la production en grains suffisaient à satisfaire la consommation
de Constantinople et, à l'avenir, l'importation du froment étranger ne sera
possible, comme règle générale, que dans des proportions insignifiantes,
simplement pour relever la qualité du pain; on sait que le froment d'Ana-
tolie, outre sa « douceur », se distingue aussi par un mélange considé¬
rable de seigle. >
Passons maintenant à l'examen des cultures intensives. Parmi ces
dernières, les cultures de champ et de potager occupent une place bien
modeste, ce que nous avons déjà pu constater d'après les données sur la
surface réservée aux légumes et ce n'est que dans certains vilayets, comme
par exemple ceux de Trébizonde, Bigha, Aïdin et quelques autres, que le
pourcentage de la surface ensemencée pour les légumes est plus élevé.
Nous allons présenter des données sur la surface d'ensemencement et
sur la récolte brute des plantes de potager et des légumineuses dans les
limites du territoire de la Turquie d'avant-guerre, autant que le permet¬
tent les données actuelles (2).
DÉSIGNATION DES CULTURES
Pois
Aulx
Pommes de terre ....
DONNÉES D'AVANT-GUERRE
SUBFACE
en milliers d'hectares
41
36
20
40
28
6
14
14
5,1
BÉC.OLTE BRUTK
en milliers de tonnes
37,1
18
32
50,8
100
6
8,4
59,5
25,6
DONNÉES ICI DELIES
RÉCOLTE BRUTE
en milliers de tonnes
34
17
30
56
25
""""
(1) Calculé d'après les données du Bulletin de la Représentation commerciale de l'U. B. S. S. en
Turquie.
(2) Les chiffres d'arant-guerre sont empruntés au Modem Turkey, p. 301.
544 REVUE DES ÉTUDES ISLAMIQUES
Parmi les cultures siliqueuses, les pois et les haricots ont le plus
d'extension en Turquie ; l'Anatolie occidentale est un centre de produc¬
tion des pois, et le littoral du Nord est le centre de production des hari¬
cots.
L'oignon, dont la production atteint en moyenne 45 millions d'ocques,
est cultivé principalement dans la partie Ouest de l'Anatolie.
Le centre de production des pommes de terre est la région d'Ada-
Bazar, non loin de Brousse, dans laquelle les conditions du marché,
grâce à la proximité de Constantinople, aussi bien que celles de la
nature, favorisent sa culture (sol sablonneux). Au point de vue des exi¬
gences techniques, l'organisation de la production est loin d'être satis¬
faisante, aussi bien dans les années d'avant-guerre que de nos jours. En
raison de l'emploi de mauvaises semences et d'un travail des champs
défectueux, le produit est d'une qualité inférieure aux pommes déterre
importées de France, malgré que la récolte brute d'avant-guerre ait rapi¬
dement progressé, passant de 6.000 tonnes à la fin du siècle dernier,
à 60.000 tonnes avant la guerre ; mais dans le môme temps l'importation
progressait aussi, passant de 8.055 tonnes en 1900 à 16.518 tonnes
en 1912(1). Actuellement la récolte dans la région d'Ada-Bazar atteint
près de 25.000 tonnes. Des mesures ont été prises par le Gouvernement
pour améliorer la culture des pommes de terre. On a fait venir des
semences de Marseille, on en a eu une bonne récolte [dans la région de
Koutaïa (2). L'importation des pommes de terre est actuellement bien
moindre que dans la période d'avant-guerre. En 1923 elle était de
5.866 tonnes, en 1924, de 2.546 tonnes. L'exportation des pommes de terre
de Turquie est bien insignifiante , elle s'exprime par quelques dizaines
de tonnes. Des mesures extraordinaires sout prises par le Gouvernement
turc pour développer en Turquie la culture des betteraves à sucre. A cet
effet, il existe des conditions favorables du sol et du climat dans les
régions d'Ouchak, près d'Afioun-Kara-Hissar et d'Eski-Cheïr, de même
qu'en Thrace. Grûce aux importants privilèges que le Gouvernement
(1) L'Information d'Orient, 1926, 25/ VIII, p. 3540.
(2) Bulletin de la Représentation commerciale de l'U. R. S. S. en Turquie, 1925, n* 6, p. 30.
L'ÉCONOMIE RURALE DE LA TURQUIE 545
accorde à l'industrie du sucre, des usines de sucre se sont fondées à
Ouchak et à Alpolou ; elles sont en pleine activité depuis l'automne 1926.
A Ouchak 3.000 hectares de terre ont été réservés pour la culture de la
betterave. Il est aussi question de développer la production de la canne
à sucre et de la betterave à Adana, où des expériences ont déjà été
faites. Cependant il est bien difficile de se prononcer sur le succès du
développement de la culture de la betterave, attendu qu'en dehors du
manque de capitaux en général pour n'importe quelle branche de l'éco¬
nomie turque, il est bien possible aussi que la production de la betterave
ne manque de main-d'suvre.
La culture de quelques oléacées occupe une place importante dans
l'économie de la Turquie. Le lin est cultivé dans des proportions insi¬
gnifiantes, principalement pour en avoir des graines et non le filament,
c'est-à dire que la production présente un caractère relativement extensif.
La récolte des graines de lin atteint 2.740.000 ocques dans les régions
principales de sa production ; la culture du lin est répandue de préfé¬
rence à l'ouest et au nord de l'Anatolie.
La récolte de la sésame (graines de sésame) est estimée d'après des
informations non vérifiées à 23,2 millions d'ocques (soit 30.000 tonnes
environ). Ce centre de sa production se trouve clans les régions sud et
ouest de Turquie : région d'Adalia, d'Adana, de Mentéché, de Smyrne,
d'Aïdin, de Diarbékir, d'Andrinople, de Karassi, de Konia, des Darda¬
nelles, de Fétié, d'Ourfa (voir plus haut).
L'olivier occupe de vastes surfaces sur le littoral occidental de l'Ana¬
tolie, dans les régions d'Aïdin, de Brousse, deKarassi, ainsi que dans celles
des Dardanelles et dTsmid Dans cette région il n'y a pas moins de 15
à 16.000.000 d'arbres. En 1912 il a été récolté 131.000 tonnes d'olives en
Turquie pour les besoins de l'alimentation ; de plus il a été fabriqué
84.000 tonnes d'huile d'olive (1). Si l'on examine les données concernant
les proportions actuelles de la récolte d'olives il faut prendre en considé¬
ration que dans leur production les bonnes années alternent régulière¬
ment avec les mauvaises. C'est ainsi que les années 1923 et 1925 furent
(1) Mpdern Turkey, p. 292.
M6 REVUE DES ÉTUDES ISLAMIQUES
des années de récolte inférieure et que les années 1924etl926 eurent unerécolte relativement élevée. En 1924 on a récolté en Turquie de 300 à
350.000 tonnes d'olives ; d'une partie de cette récolte on a extrait de 45
à 50.000 tonnes d'huile d'olive (1). Dans la région économiquement atti¬
rée vers Smyrne, la production de l'huile a atteint cette année de 28 à
30 tonnes. La récolte de 1926 est quelque peu inférieure dans cette ré¬
gion, attendu que d'après les informations que nous possédons la pro¬
duction de l'huile pour l'année économique rurale n'atteint ici que18.000.000 d'ocques, soit 23.000 tonnes.
Nous ne possédons point de données sur les proportions de la pro¬
duction des olives dans le temps d'avant-guerre dans les limites du
territoire actuel delà Turquie, néanmoins l'on peut considérer que la
récolte des olives sur ce territoire et surtout la production de l'huile
d'olives est visiblement inférieure à la période d'avant-guerre.
L'exportation des olives et de l'huile d'olive de Turquie s'exprimepar les chiffres suivants en tonnes :
1923 1924
01ives 934,8 2.911,8Huile d'olive 3.038,6 748,6(2)
Ainsi qu'on peut le voir d'après ces chiffres, l'exportation n'est pas
assez importante en comparaison avec les proportions de la production.
En dehors de l'Italie, de l'Espagne et principalementde la Grèce, la Tur¬
quie a devant elle un concurrent sur les .marchés extérieurs, c'est laGrèce.
Les vignes occupenten Turquie unesurfacede plus de300. 000 hectares,
principalement sur le littoral occidental, sur le plateau Ouest et au Kur¬
distan. En 1910 la production du raisin a atteint 870.000 tonnes ; sur ce
nombre on a préparé 92.000 tonnes de raisin sec et de 95 à 100.000 hec¬
tolitres de vin (3). En 1912, on a récolté 800.000 tonnes de raisin. Actuel-
(1) Revue comm. du Levant, n* 380, p. 74.
(2) L'insigniiiance de ce chiffre, malgré une bonne récolte, s'explique principalement parce queles données obtenues se rapportent aux années du calendrier et non aux années de l'économie
rurale. Cependant l'exportation de l'huile ne peut atteindre de grandes proportions dans les pre¬miers mois de l'année de l'économie rurale.
(3) Bulletin de la Chambre de commerce de Constantinople, 1927, n# 10, p. 19.
L'ECONOMIE RURALE DE LA TURQUIE , 847
Iement la récolte du raisin atteint près de 600.000 tonnes, mais la produc¬
tion du vin ne dépasse point 100.000 hectolitres (1).
Les vins turcs se distinguent par une forte proportion d'alcool ; dans
les pays européens d'Occident on les emploie d'ordinaire podr les besoins
du coupage, mélangés aux vins locaux.
En raison du développement de la production européenne et de l'exten¬
sion des maladies de la vigne, l'industrie vinicole en Turquie ne révèle
point des indices de développement. L'alcool et l'eau-de-vie sont fabri¬
qués principalement dans les régions d'Aïdin, de Sivas et de Brousse,
cette fabrication atteignait pendant les années d'avant-guerre un peu plus
de 20.000 hectolitres. En dehors du jus de raisin dont on se sert pour
fabriquer l'eau-de-vie, on emploie aussi le résidu du raisin, les fruits et
surtout les figues (2).
Le raisin sec est le principal produit d'exportation de l'industrie vini¬
cole. La production du raisin sec est concentrée dans la région de Smyrne.
Le raisin sec de Smyrne est considéré comme le meilleur sur tous les mar¬
chés du monde, aussi bien par ses qualités que pour le goût et la gros¬
seur des grains, surtout de celui connu sous le nom de « raisin sec du
Sultan ».
Durant les années d'avant-guerre, les proportions de la production,
malgré les flottements d'une année à l'autre, restaient généralement
stables. Eu 1913, cette production a atteint le maximum, 62,5 mille
tonnes. La guerre mondiale a provoqué la chute de la production, laquelle
s'est aggravée, surtout dans la période de la guerre gréco-turque. Plus
tard, la production du raisin sec a commencé à se remettre. La pro¬
duction moyenne du raisin sec pour les années 1923-1926 représente
40,5 mille tonnes, c'est-à-dire de 20 p. 100 inférieure à la période d'avant-
guerre.
Ces dernières années le raisin sec turc subit une concurrence acharnée
sur tous les marchés européens, de la part d'une série de pays dans les¬
quels a pris racine la production d'espèces analogues : en Californie,
en Australie, en Grèce, en Afrique du Sud. En 1923, en particulier, il
(1) Voirie même Bulletin, ainsi que le n" 7, 1925, p. 473.
(2) Bulletin de la Chambre de commerce de Constantinople, 1924, n" 10, p. 19.
548 REVUE DES ÉTUDES ISLAMIQUES
a été , exporté de Grèce 10.000 tonnes de raisin sec « du Sultan » ;
en 1924, 16.000 tonnes ; en 1925 ; 20.000 tonnes. L'acquéreur principal du
raisin sec turc l'Angleterre augmente l'importation du raisin sec
d'Australie, pour laquelle on a fixé un régime de faveur douanière, de
Grèce, de Californie, etc.. au détriment de l'exportation turque. Le raisin
sec turc est supérieur en qualité à celui d'outre-Océan, mais ce dernier se
distingue par sa propreté, par un emballage plus soigné, et de plus, il
est meilleur marché; ainsi, le raisin sec de Californie est de 30 p. 100
meilleur marché que celui de Turquie. La cherté relative de ce dernier
ne dépend point de la cherté de sa production, mais plutôt de l'absence
de la technique nécessaire pour sa culture et son emballage et du prix
élevé des dépenses pour son chargement dans les ports.
La production des figues (figues sèches) « injir » est concentrée sur
le littoral occidental, ainsi que dans les régions Nord et Sud de la Tur¬
quie. Les régions occidentales d'Aïdin et de Menteché fournissent ap¬
proximativement 85 p. 100 de toute la production du pays; viennent
ensuite en proportions de la production les régions de Marach, Diar-
bekir, El-Aziz, Kastamouni, Trébizonde, Adalia, Bolou, Karassi, Djanik
et Constantinople. La production des figues sèches dans la région de
Smyrne équivalait à 30.000 tonnes (1). La croissance de la production
n'a pas en général été observée dans les années d'avant-guerre. Pendant
la guerre la production n'a pas diminué de beaucoup, de sorte qu'après
la guerre elle s'est relevée beaucoup plus vite que celle du raisin sec
par exemple ; actuellement, cette production dépasse le chiffre d'avant-
guerre.
Cela s'explique en partie du fait que la culture de la figue exige de
la part du cultivateur des soins moins méticuleux et bien moins compli¬
qués, tout en jouissant de conditions plus favorables de réalisation sur
les marchés extérieurs. Les figues sont un produit plutôt exporté ; en 1928,
il en a été exporté 19,1 mille tonnes ; en 1924, 33,4 mille tonnes; la con¬
sommation intérieure du pays a été d'environ 5 p. 100 de la récolte (2).
(1) Calculé d'après les données de la Chambre de commerce de Smyrne (Bulletin de la Chambre
de commerce de Constantinople, 1925, n° 7, p. 473).
(2) Voir Bulletin de la Chambre de commerce de Constantinople, 1925, n° 7, p. 473. Il y a des
, L'ÉCONOMIE RURALE DE LA TURQUIE 549
En dehors de la Turquie, on cultive les figues en Espagne, en Italie, en
Grèce, dans le Midi de la France et en Californie. Cependant la concur¬
rence de ces pays ne présente pas pour la vente des figues sèches un
caractère si acharné que pour celle du raisin sec. Si l'on prend en consi¬
dération la stabilité des normes de la production des figues aussi bien
dans le temps d'avant-guerre que pendant les dernières années, il faut
bien admettre que dans un temps plus ou moins rapproché aucun chan¬
gement substantiel ne se produira dans les normes de la production des
figues.
Il est bon de remarquer en général que le développement rapide de
la production pendant ces derniers temps peut être observé de préférence
dans les branches qui ont été le plus éprouvées durant les années précé¬
dentes. La production de l'opium en est un exemple. Cette production se
développe de préférence à l'occident de l'Anatolie, à Afioun-Kara-Hissar,
dans les environs de Smyrne, ainsi qu'à Konia et à Brousse. Avant la
guerre, la culture du pavot à opium en Asie Mineure couvrait une super¬
ficie d'environ 300.000 acres. En 1911, la production de l'opium s'expri¬
mait en 11.500 caisses ; en 1923, il n'y en avait déjà plus que 1.700; elle
remonte rapidement ensuite jusqu'à 2.500 caisses en 1924 et à 4.500 caisses
en 1925 (1).
En 1926, ce chiffre n'est pas dépassé. Ainsi la culture du pavot et la
production de l'opium se rétablissent bien vite. La consommation de
l'opium à l'intérieur du pays est peu considérable, la plus forte partie de
la production est exportée. L'opium turc se distingue par une très forte
proportion de morphine (de 9 à 14 p. 100) ; sous ce rapport il n'a comme
concurrent que celui des Indes, alors que l'opium chinois ne contient
généralement que de 3 à 5 p. 100 de morphine. C'est pourquoi la mor¬
phine turc peut compter sur une bonne vente à l'étranger, aussi faut-il
données d'un autre caractère, d'après lesquelles la production générale des figues en Turquieatteint le chiffre de 65.000 tonnes (Bulletin de la Chambre de commerce de Constantinople, 1925, n'7),
de ce fait la consommation intérieure constituerait plus de la moitié de la récolte; ces donnéesnous paraissent exagérées.
(1) Bulletin de la Chambre de commerce de Constantinople, 1924, n- 10, p. 16, et Bulletin de la Repré¬
sentation commerciale, 1925, n- 6, et 192S, n» 9. Caisses de 60 ocques; on exporte aussi l'opium parpetites quantité de 5-10 kgr. par caisse.
37
550» REVUE DES ÉTUDES ISLAMIQUES.
s'attendre dans un temps plus ou moins rapproché à voir se développer
cette production ; tout dépendra de la main-d'nuvre disponihle.
Au cours de ces dernières années, la culture du tabac s'est prompte-
ment développée à son tour. Le centre de la production du tabac, est k
littoral nord, où se cultivent des qualités supérieures de tabac, régions de
Samsoun, Bâfra, Trébizonde, Platana, Allatcham et Sinope, région de
Smyrne et du littoral de la mer de xMarmara, notamment à Brousse,
Ismid, Balikesser. Durant les années d'avant-guerre, la récolte du tabac
en Turquie se présentait ainsi : en 1884, 22,5 mille tonnes ; en 1895,
31.000 tonnes; en 1903, 49.000 tonnes; pour les années comprises
entre 1910 et 1914, une moyenne de 51.000 tonnes; en 1915 et 1916, une
moyenne de 12,5 mille tonnes (1). On possède également les données
approximatives suivantes sur la production du tabac en Asie Mineure (2).
1895 15.000 tonnes. 1910. .... 35.000 tonnes.
190o! ..... 14.000 1911 35.0001905 20.000 - 1912 30.000^
Comme on le voit, la production augmentait assez rapidement,
lorsque du fait de la guerre gréco-turque la culture du tabac d'Anatoiie
reçut un formidable coup ; elle se rétablit bien vite cependant, comme le
démontrent les chiffres suivants (3) :
ANNEES
1920
1921
1922
19231
1924
NOMBRE
DE PRODUCTEURS
100.773
80.252
102.028
125.542
185.060
SURFACE
EN DEUNUM
361 ..717
228.155
275.680
351.521
670.170
RECOLTE
29,1
13,6
20,5
26,1
54,1
(1) Calculé d'après les données du Bulletin de la Chambre de commerce de Constantinople^. 1924,,
n» 12, p. 15.
(2^ Voir le même Bulletin, p. 6.
(3) Near East Year Book, 1927, p. 805.
L'ÉCONOMIE RURALE DE LA TURQUIE Sgtf
En. 1924, la récolte a considérablement dépassé celle d'scvani-coxette;elle est restée au même niveau en 1925 52,1 mille tonnes (1). Cet épa¬nouissement de la culture du tabac est dû à la migration en Turquie des
Musulmans, cultivateurs de tabac de Macédoine et de Kavalla, lesquels
se sont mis à cultiver une plante qui leur était connue sur les nouveaux
emplacements. Cependant une croissance aussi intense de la production
du tabac, suivie d'une augmentation de récolte en Bulgarie et en Grèce,pays concurrents de la Turquie, amena une surproduction et une baisse'de prix. La Bulgarie porta l'exportation du tabac de 70.000 tonnes de
1910 à 1913, à 27,6 mille tonnes en 1923-25. La Grèce la porta de 26,2 mille
tonnes en 1921 à 42,2 mille tonnes en 1925. En 1926, la surface occupée
par le tabac en Turquie a sensiblement diminué et la récolte n'a donné
que 42.000 tonnes. La Turquie ne consommant que de 10 à 12.000!
tonnes, la production dépend donc principalement du marché extérieur.
La demande du tabac turc par les États-Unis, l'Angleterre, l'Allemagneet l'Egypte se chiffre en général à près de 30.000 tonnes, c'est-à-dire quela récolte de l'année courante répond à la demande. Les chances de déve¬loppement de la culture du tabac à l'avenir sont peu vraisemblables enraison de la concurrence de la Bulgarie et de la Grèce.
Une évolution presque semblable s'est produite ces dernières anrtées
dans la culture du colon. D'après les données de l'Institut InternationalRomain d'Économie rurale, le coton occupait dans la Turquie d'Asieen 1910, une surface de 182,5 mille hectares, la récolte brute atteignait
221,4 mille quintaux; le rendement est de 1,2 quintal par hectare. Une
partie de ces chiffre doit être mise au compte des régions annexées à
la Turquie. Dans les limites de la Turquie actuelle la surface des planta¬tions de coton couvrait, avant la guerre, d'après les données que nous
possédons, 1.425.700 deunum, soit 130.000 hectares (2). La production
du coton en Turquie est concentrée dans deux, régions, Adana et Smyrne ;
cependant la région d'Adana est plus riche en production ; par contre,
(l) Bulletin de la Chambre de commerce de Constantinople, 1927, n- 1-2, p. 12, ainsi que^e BuUelimBrilish Charnier of Commerce of Turkey,, 1927, n- 115, p. 155.
^oi2' ^w lartiC]e de D' Chmc>RG0!'er- L'Economie de la Turquie contemporaine. Nouvel Orient,
852 REVUE DES ÉTUDES ISLAMIQUES
celle de Smyrne se distingue par une qualité supérieure. On ne possède
de renseignements sur la dynamique de la production pour une période
plus ou moins durable que pour la région d'Adana (en milliers de ballots
de200kgr.)(l).
4896 . .
1903-1905.
1906-1910
1911-1914
1915-1918
1919 . .
1921 . .
2
42
58
112
13
20
15
1922. . .
1923. . .
1924. . .
1925. . .
1926. . .
1923-1926 .
28
60 ocques
110 sv.
80
55
76
Il faut reconnaître que la culture du coton s'est développée très rapi¬
dement à Adana durant les années d'avant-guerre. En 1914, époque où
la production a atteint les plus grandes proportions, elle atteignait
135.000 ballots. Le développement de la culture du coton à Adana est dû
dans sa plus grande mesure au capital allemand qui la finançait.
Pendant les années de la guerre mondiale, la production a diminué
d'au moins 10 fois, mais à partir de 1922, elle a commencé â se rétablir
rapidement et en 1924 elle a presque atteint les 90 p. 100 d'avant-guerre,
sans toutefois pouvoir se maintenir à ce niveau.
Dans la région de Smyrne, on produisait avant la guerre de 40.000 à
45.000 ballots de coton (à 150 kgr.) (2) ; cependant il n'a pas été observé
une croissance de production pareille à celle d'Adana. Pendant la guerre
gréco-turque, la production tomba entre 1.000 et 5.000 ballots, mais
en 1924, on comptait déjà 27.000 ballots, en 1925 on en comptait 27.000
et en 1926, 40.000. Ainsi la culture du coton de la région de Smyrne s'est
rétablie dans les 75 p. 100 environ.
Si l'on en croit les données qu'on possède, la surface réservée au
coton avant la guerre a été complètement rétablie en Turquie vers 1925.
Dès 1924, elle couvrait 800.000 deunum, en 1925, elle en couvrait
1.435.000(3).
(1) Calculé d'après les données du Bulletin de la Chambre de commerce de Constantinople, 1924,
a* 10, p. 14; 1927, n» 1-2, p. 12-13, et l'Information d'Orient, 1926, 10/VI, p. 236.
(2) Bulletin de la Chambre de commerce de Constantinople,192S, n*3,p. 58. Le chiffre de 60.000 bal¬
lots puisé dans une autre source (Revue corn, du Levant, n" 372, p. 288) nous semble exagéré.
(3) Voir l'article indiqué plus haut de D. Chmorooher.
L'ÉCONOMIE RURALE DE LA TURQUIE 553
En 1924, dans la région de Smyrrie, 236.000 deunum étaient occupés
par le coton ; en 1925, ce chiffre atteignait 378.000 deunum. Dans ce cas,
il faut en déduire que la diminution de la récolte brute par rapport à celle
d'avant-guerre dépend de la diminution de la bonne récolte. En 1926, sous
l'influence de la crise qui sévissait sur le marché du coton, la surface
ensemencéedecotonadiminué. Ainsià Adana, elle a passé del. 175. 700 deu¬
num en 1925 à 983.183 deunum, c'est-à-dire qu'elle a baissé de
16 p. 100 (1). Le développement de la culture du coton à Adana laisse
entrevoir de larges possibilités. La surface consacrée au coton peut être
ici augmentée et portée à 700.000 ou 800.000 hectares, ce qui aurait
donné, sous d'autres conditions égales, une plus-value de récolte de
150.000 tonnes ou de 750.000 ballots, c'est-à-dire de 6 à 7 fois plus, par
exemple. La faible densité de la population à Adana constitue un sérieux
obstacle pour l'élargissement de la surface réservée au coton, pour l'amé¬
lioration de sa qualité et pour l'augmentation de la récolte. A Adana, la
culture du coton est pratiquée de préférence dans de grosses propriétés ;
elle compte dans une certaine mesure sur la main-d' étrangère, et
le manque de main-d' se répercute, non seulement sur les propor¬
tions de la production, mais aussi sur sa qualité. Le coton indigène
d'Adana, connu sous le nom de « yerli » se distingue par son filament
court (de 18 à 26 mm.) et inégal dans sa longueur, en comparaison
avec le coton américain; dont la longueur est de 28 à 30 mm. et dont le
prix est estimé à 20 p. 100 plus bas. Cette basse estimation du coton
d'Adana sur les marchés européens dépend aussi de ce que le coton n'est
pas standardisé. Le coton de Smyrne est d'une meilleure qualité, il se
rapproche de celui d'Amérique.
La question des mesures à prendre pour relever la culture du coton
et pour améliorer la qualité de sa production, est l'objet d'une attention
et de soins constants de la part du Gouvernement et des Cercles écono¬
miques turcs. On reconnaît notamment comme désirable d'échanger le
coton indigène pour celui d'Amérique.
Le coton est cultivé actuellement en petite quantité à Adana sous le
(1) Bulletin de la Représentation commerciale de l'U. R. S. S. en Turquie, 1926, n* 9, p. 6.
004 11EVUE DES ÉTUDES ISLAMIQUES
noi»,de « yané », son rendement constitue environ 10 p. 100 de toute la
récolte. Pourtant le coton indigène se distingue par un ensemble de
particularités qui le rendent plus cultivable dans les conditions locales.
Lorsqu'il devient mûr, ses capsules ne s'ouvrent pas complètement et le
grain adhère solidement à l'induvie; grâce à ces particularités, le coton
ne se répand pas au dehors et il n'exige pas la nécessité d'une prompte
récolte au moment où il mûrit, comme cela se fait avec le coton américain.
La récolte de coton peut durer 2 ou 3 mois ; à cet effet, on recueille les
capsules d'où, l'hiver venu, les femmes sortent le filament avec les grains.
En outre, le coton indigène exige moins d'humidité, moins de chaleur, et
il peut être cultivé sans recourir à l'irrigation. De telles qualités dimi¬
nuent considérablement le recours à la main-d' et c'est précisément
ce caractère relativement extensif de sa culture qui est l'une des raisons
de la stabilité de sa culture. Ce qui est curieux, c'est que le coton pro¬
venant des graines importées d'Amérique, après avoir été cultivé dans
les mêmes conditions que le coton indigène, perd, quelques années
plue tard, toutes ses particularités primitives et son filament; dans la
région de Smyrne, il atteint parfois la longueur de 25 à 27 mm., mais à
Adana il n'atteint que 20 à 26 mm. On peut donc constater que sans chan¬
gements radicaux dans les méthodes de culture et de récolte du coton,
l'amélioration de la qualité du coton turc est impossible (1). En ce qui
eoncerne les conditions de réalisation du coton, sur le marché extérieur,
dont dépend en grande partie la culture du coton turc, attendu que la con¬
sommation intérieure ne présente guère que 10.000 ballots, ces conditions
«ont jusqu'à présent peu favorables. Le prompt relèvement delà culture
du coton jusqu'en 1925 s'expliquait dans une large mesure par les .con¬
jectures particulièrement favorables des marchés extérieurs. Cette cir¬
constance a d'autant plus frappé la culture turque pendant la crise mon¬
diale du coton ; cette crise a entraîné une réduction des semailles de coton
en 1926, une dépression sur le marché du coton turc, laquelle dure
encore, bien que dans une moindre mesure. C'est pourquoi, malgré la
(1) Sur la culture du coton à Adana, voir r/n/ormaiion d'Orient, 1925, n" 10-11 et 25/IH, Bul¬letin de la Chambre de commerce de Constantinople, septembre 1924 et de nombreux articles et
remarque» dan» le BuUetin de la Représentation commerciale deVU.R. B. S. en T-arquie.
L'ÉCONOMIE RURALE DE LA TURQUIE 555
possibilité de développer largement la culture du coton turc, principale¬
ment dans la région d'Adana, ce développement va être retardé dans un
temps plus ou moins proche, non seulement par le manque de la main-
d'ouvre, mais aussi par l'état du marché du coton mondial.
Avant que déterminer l'examen des branches intensives de l'économie
rurale turque, il nous reste encore à parler de la sériciculture. Cette
branche a été développée avant la guerre mondiale dans la région de
Brousse, et en partie, aussi, près d'Andrinople. Encouragée et guidée par
l'administration de la « Delte publique » dans les mains et sous la direc¬
tion de laquelle cette industrie se trouvait, elle avait atteint à Brousse un
développement assez important, dans le temps d'avant-guerre. Or les
événements militaires et ceux qui suivirent eurent une répercussion
beaucoup plus pénible sur la sériciculture que sur toute autre branche
de l'économie rurale. D'après les données de la Chambre de commerce
de Constantinople, la production de la soie en Turquie avant et après la
guerre présente l'aspect suivant (1) :
1911 1923
Cocons 18.000 tonnes 1.200 tonnes.
Soie 1.500 - 100 -Graine 1.000 onces 30.000 onces.
Ces chiffres donnent un tableau véridique de l'état de la sériciculture
après la guerre, bien qu'ils soient certainement exagérés par rapport au
temps d'avant-guerre. En 1921-1922, la région de Brousse a produit
au plus, 1.000.000 de kgr. de cocons, lesquels ont tout au plus donné
90.000 kgr. de soie crue. Sur cette quantité, près de 10.000 kgr. ont été
travaillés à l'intérieur du pays, le reste a été exporté à l'étranger (2).
Le dépérissement catastrophique de l'industrie de la soie, indépen¬
damment de la désorganisation économique provoquée par les guerres,
eut aussi pour cause l'expulsion de Brousse des Grecs et des Arméniens
magnaniers. Le manque de main-d'�uvre qualifiée a d'autant plus eu sa
répercussion sur la sériciculture, que de toutes les branches intensives
(1) Bulletin de la Chambre de commerce de Constantinople, 193*, n' 10, p. 17.
(2) U.
356 REVUE DES ÉTUDES ISLAMIQUES
de l'économie rurale, cette industrie exige le plus de soins. Les musul¬
mans immigrés, établis dans la région de Brousse, se mirent à cultiver le
tabac, ainsi qu'ils en avaient l'habitude, et cette culture occupe actuelle¬
ment la place à laquelle appartenait autrefois la sériciculture. Il faut bien
dire aussi que la soie turque trouve à présent difficilement acquéreur à
l'étranger. Comme suite, la production des cocons de Brousse n'a atteint
en 1924 que 585.000 kgr.; en 1925, 650.000 (1) et en 1926, 550.000 kgr. ; de
plus, dans la région d'Andrinople, on estime à près de 185 kgr. la pro¬
duction de cocons par année (2). Ainsi, la sériciculture, en Turquie, donne
à présent près de 10 p. 100 de la production d'avant-guerre, ce qui, en
vérité, ne peut être considéré comme des indices de son relèvement.
Si l'on compare les données sur l'état des branches intensives et les
plus importantes de l'économie rurale turque, on doit constater que leur
production, jointe à celle des céréales dans leur entier, atteint actuelle¬
ment près de 90 p. 100 du chiffre d'avant-guerre. Dans le même temps il
est bon de remarquer, qu'en raison du degré de relèvement inégal de
certaines cultures, il se produisit une nouvelle répartition des forces dans
l'économie du peuple par rapport à l'état des choses d'avant-guerre ; il ne
faut donc point se représenter le relèvement de l'économie rurale en
Turquie sous l'aspect de l'exacte reproduction des mêmes formes d'avant-
guerre. L'écart s'est produit principalement au profit du développement
de la culture du tabac et des figues et, conséquemment, au détriment de
la sériciculture et de la production de l'opium.
Le processus de rétablissement des cultures intensives, exception
faite de la sériciculture, s'est produit notamment dans les premières
années qui ont suivi la guerre turco-grecque. Après 1924, ce proces¬
sus s'est tantôt arrêté, comme pour les oliviers, tantôt il a dégénéré
en régression comme pour le raisin sec, le tabac, le coton, et ce n'est
que la production de l'opium qui s'est développée sous un jour plutôt
favorable. Si l'on ajoute à cette constatation, que la production delà laine
d'Angora, l'une des branches relativement des plus intensives de l'élevage
du bétail, s'est stabilisée ces dernières années au niveau de 50 p. 100
(1) L'Information d'Orient, 1925, n* 196, p. 3363.
(2) Bulletin de la Représentation commerciale de PU. R. S. S. en Turquie, 1925, n' 12, p. 37.
L'ÉCONOMIE RURALE DE LA TURQUIE 557
d'avant-guerre, il sera clair que l'intensité de l'économie rurale en Tur¬
quie se heurte de nos jours à des obstacles sérieux.
Nous avons déjà signalé en quoi consistent ces obstacles. Tout d'a¬
bord, la concurrence de divers pays sur les marchés extérieurs. Ces
pays, eux aussi, aspirent à développer l'intensité de leur économie en
cultivant chez eux les mêmes produits que la Turquie, tels la Californie,
l'Australie, l'Afrique du Sud et surtout les voisins les plus proches de la
Turquie, la Grèce et la Bulgarie. En expulsant un nombre considérable
de cultivateurs grecs, la Turquie elle-même a contribué en partie, à
développer la concurrence grecque. L'état des produits turcs sur les mar¬
chés extérieurs se complique encore par suite d'une circonstance indi¬
recte. C'est sa dépendance de l'Angleterre, l'un des principaux consom¬
mateurs qui, pour des raisons ayant un caractère économique et politique,
protège les concurrents de la Turquie ; ces concurrents sont, en grande
partie, les colonies ou, comme la Grèce, un vassal politique delà Grande-
Bretagne. Comme suite, la Turquie est vivement intéressée à l'obtention
de nouveaux marchés pour la vente des produits faisant partie des bran¬
ches intensives de son économie rurale. Ces considérations ont sensi¬
blement influencé les conditions du traité commercial entre la Turquie
et l'U. R. S. S. Il est encore une autre circonstance qui empêche le déve¬
loppement des cultures intensives en Turquie, c'est le manque de main-
d'ouvre dont les effets se font plus particulièrement sentir dans la cul¬
ture du coton et dans l'industrie de la soie ; c'est aussi le manque de
capitaux, ce qui empêche l'introduction rapide des améliorations techni¬
ques indispensables.
Ces améliorations auraient permis à la Turquie de consolider sa po¬
sition du raisin sec, des figues, de l'huile d'olive, etc., sur les marchés
extérieurs. Cependant les causes liées à cet état de choses telles que le
caractère insuffisamment intensif des cultures, le manque de moyens
d'irrigation artificielle, le faible emploi des engrais, les soins insuffisants
donnés à la culture, trouvent un dédommagement, bien qu'incomplet,
dans les conditions exclusivement favorables du sol et du climat.
A quelques exceptions près, ces considérations ne permettent point
de compter sur une rapide croissance des branches intensives de l'éco-
558 REVUE DES ÉTUDES ISLAMIQUES
nomie turque, dans un temps plus ou moins proche ; il faudra donc at¬
tendre la fin du processus de relèvement, qu'on ne peut encore consi¬
dérer comme achevé. Nous avons pu voir précédemment que dans le
domaine de la production des céréales, l'intensification future ne peut
avoir aussi qu'un caractère aussi lent et progressif. Cependant l'intérêt
même du développement économique de la Turquie, l'industrialisation,
la stabilité des valeurs, etc., exigent une augmentation de l'exportation
des produits de l'économie rurale. Cette augmentation peut être atteinte
dans une grande mesure, croyons-nous, par l'utilisation des produits de
l'agriculture extensive et l'élevage du bétail dans les régions centrales et
orientales de la Turquie, plutôt que par la croissance des cultures inten¬
sives dans sa partie occidentale et sur le littoral. Pour la réalisation de
cette idée, la construction de nouvelles lignes de chemins de fer est in¬
dispensable. Parmi les lignes dont la construction a été envisagée au
cours des trois prochaines années, il faut citer les lignes de Sivas àSam-
soun, de Sivas à Kaïsarieh et d'Angora à Kaïsarieh appelées à fournir un
débouché aux produits du plateau Central.
Les possibilités de développement del'économie rurale en Turquie sont
assez grandes, mais non moins grandes sont aussi les difficultés à sur¬
monter pour les réaliser. En présence de semblables difficultés et vu la
limitation relative des ressources et la pénurie de la main-d'duvre, les
questions touchant à la répartition rationnelle desdites ressources entre
les différents domaines de l'économie nationale en général et de l'éco¬
nomie rurale en particulier, acquièrent un grand intérêt.
I. A. Waismann.
(Traduit par Joseph Castagne.)
-, : fit
TOCBS. IUPIUMBHIE AKItAULT ET C1*
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