LCL Arbaretier Cours N° 8 : la Deuxième Guerre mondiale ...
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LCL Arbaretier
Cours N° 8 : la Deuxième Guerre mondiale : Weserübung.
L’opération « Weserübung » déclenchée le 9 avril 1940 qui se termina fin juin avec la
reddition des derniers combattants norvégiens fut la première opération interarmées de la
Seconde Guerre mondiale, tant au plan de ses objectifs stratégiques, qu’à celui de son
système de commandement ou de sa planification et enfin de sa conduite. Cette opération
fut conduite dans un environnement où prévalaient la supériorité navale britannique et
l'imminence d'une campagne déclenchée à l'ouest. L’état-major allemand avait également
intégré pour la première fois sous un même commandement des moyens appartenant aux
trois composantes Terre Air et Mer.
J’insisterai durant cette communication sur l’aspect interarmées de la préparation de cette
opération.
1. Les objectifs stratégiques :
En septembre 1939, alors que la France et l’Empire britannique ont déclaré la guerre à
l’Allemagne nazie, Hitler, après avoir dégarni sa frontière occidentale, met l’ensemble de
ses forces aériennes et terrestres dans la guerre contre la Pologne qu’il réussit à vaincre
en trois semaines avec le concours des Soviétique, qui en vertu du pacte signé un mois
auparavant, participent à la curée. Au début de l’année 1940, alors que les Soviétiques
ont attaqué la Finlande depuis la fin novembre, Hitler se concentre sur le « Plan jaune »
visant à défaire les Français et les Britanniques à l’Ouest. Toutefois, l’Amiral Erich Raeder,
le chef de la Kriegsmarine, lui suggère dès le 20 octobre 1939 d’attaquer le Danemark et
la Norvège en vue de désenclaver la marine allemande face à la Royal Navy. En effet, la
marine allemande ne voulait pas recommencer le cauchemar de la bataille du Jutland en
1916 après laquelle elle dût rester au port pendant presque deux ans. En outre,
l’importance de la Norvège pour l’Allemagne s’expliquait également par son rôle dans
son approvisionnement en minerais de fer suédois. Près des trois quarts des minerais de
fer utilisés par l’Allemagne provenaient de Suède. Pour reprendre la célèbre expression
de la propagande française de cette époque, il ne fallait pas que « la route du fer fût
coupée ».
Enfin, comme l’illustrait les écrits d’un stratégiste naval allemand de l’entre-deux
guerres, l’amiral Wolfgang Wegener, dans Seestrategie des Weltkrieges, publié en 1929,
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il était primordial que l’Allemagne s’emparât des côtes scandinaves, avant la prochaine
guerre afin de lui éviter l’enclavement maritime, comme au cours de la précédente, qui
l’empêcherait d’avoir accès au grand large et cantonnerait sa marine à un rôle de second
plan comme au cours de la Première Guerre mondiale.
2. La planification interarmées :
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Dans son ordre à l’OKW du 14 décembre, Hitler stipula que la planification d’une
opération en Norvège devait être gardée dans un cercle très limité. Ce même jour, le
chef d’état-major de l’armée de terre, Brauchitsch, apprit qu’une opération préventive
en Norvège inclurait aussi le Danemark. De fait, il ordonna à son état-major d’acquérir
des cartes géographiques et à son bureau renseignement de commencer à collecter des
informations sur ces deux pays. A l’OKW, le Generalmajor1 Alfred Jodl, le chef du bureau
opérations, prit en main le travail préliminaire. Son journal quotidien montre qu’il
discuta la question de la Norvège avec le chef d’état-major et vraisemblablement aussi
les gens de l’état-major de la Luftwaffe, dans le mesure où il pensait qu’une telle
opération serait essentiellement aérienne. Le 19 décembre, il en rendit compte à Hitler
qui le chargea de cette planification qui devait rester au niveau de l’OKW. Le 20
décembre, Jodl et le Generaloberst2 Keitel, le chef de l’OKW, discutèrent des possibilités
de reconnaissance en Norvège et considèrent l’attribution de missions aux attachés de
l’air ainsi qu’aux spécialistes du renseignement (Abwehr), en particulier l’escadron de
reconnaissance stratégique Rowel qui était supposé échapper aux moyens de détection
en volant à très haute altitude. Vers la fin du mois de décembre, le bureau opérations de
l’OKW mit en forme sous l’appellation « Studie Nord3 »un inventaire sommaire des sujets
principaux politiques et militaires concernant la Norvège. Hitler ordonna que cette étude
restât au niveau de l’OKW4.
Dans le même temps, l’organisation de Rosenberg avait également œuvré. Sa première
mission avait été de convaincre le ministère des affaires étrangères (Auswärtiges Amt) de
trouver les fonds nécessaires pour soutenir l’action de Quisling. Le ministère des affaires
étrangères et le département de politique internationale du parti nazi avaient été des
adversaires depuis l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Le cas de Quisling en Norvège était jugé
comme particulièrement sensible par le ministère des affaires étrangères car il risquait de
mettre en danger la toute neuve amitié germano-soviétique que le ministre Joachim von
Ribbentrop considérait comme le couronnement de son œuvre. Rosenberg réussit toutefois
à s’assurer un paiement initial de 200 000 Mark Or à la destination de Quisling en vue
d’encourager son installation. Il était aussi prévu de le ravitailler en denrées immédiatement
convertibles telles que le sucre et le charbon.
1 Général de division.
2 Général d’armée.
3 Ou étude nord.
4 Cf volume 3, page 13 du journal du général Halder, le chef d’état-major de l’OKH.
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Une fois Quisling reparti pour Oslo, Rosenberg nomma le Reichsamtleiter Hans-Wilhelm
Scheidt comme officier de liaison auprès de Quisling. A Oslo, Scheidt trouva que les
diplomates de l’ambassade allemande croyaient très peu dans la probabilité d’une invasion
britannique et voulaient mener leurs affaires loin de Quisling en vue d’éviter toute
compromission. Toutefois, l’attaché naval, au contraire, offrit son assistance à Scheidt et
devint vite son principal collaborateur. Depuis le début, les Allemands pensaient que le coup
d’état proposé par Quisling avait trop de risques d’échouer. Ils préféraient laisser lentement
évoluer la situation et orientaient les efforts de Quisling vers la fourniture de
renseignements militaires à leur profit. La plupart des sommes d’argent envoyées
d’Allemagne servit à subventionner la propagande et à soutenir la parution du journal
hebdomadaire du Parti d’Union Nationale. Quisling envoyait ses comptes rendus à
Rosenberg qui les passait ensuite à Hitler. Raeder restait en contact avec Quisling à travers
son attaché naval à Oslo. Cependant, l’OKW resta indifférent et ne demanda apparemment
jamais conseil à Quisling ni ne prêta une quelconque attention à ses propositions5.
A la fin de l’année, le projet norvégien des Allemands était encore vague. Le 30 décembre,
Rader, de nouveau dit à Hitler qu’il ne fallait pas laisser tomber la Norvège dans les mains
des Britanniques. Raeder craint alors que les Britanniques entreprennent de manière cachée
ce qu’il appelle une « occupation froide » des principaux sites stratégiques du pays. Il incita 5 In Rosenberg, Die politische Vorbereitung der Norwegen Aktion, 15 Juni 1940. EAP 250-d-18-42/2.
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alors Hitler à se préparer à une telle possibilité. Toutefois son sentiment d’agir dans
l’urgence n’était pas partagé par d’autres responsables militaires allemands, comme cela fut
démontré deux jours plus tard lorsque Keitel et Halder se mirent d’accord sur le fait qu’un
changement d’attitude allemand ne dépendrait que du niveau de menace de la part des
Britanniques à l’égard de la neutralité norvégienne6. Par ailleurs, l’intérêt d’Hitler
augmentait progressivement mais lentement, en fonction des bruits rapportés par la presse
d’une possible intervention alliée en Finlande contre les Soviétiques. Il est également
possible qu’Hitler ait appris la tentative des Britanniques le 6 janvier 1940 en vue d’obtenir
des Norvégiens un accord concernant la possibilité pour la Royal Navy de patrouiller dans
les eaux territoriales norvégiennes. Le 10 janvier, avec un retard de presque deux semaines,
Hitler communiqua l’étude Nord de l’OKW aux états-majors d’armées.
L’état-major naval fut le seul état-major d’armée qui accorda une quelconque attention à
l’étude Nord. Le 13 janvier, eut d’ailleurs lieu une révision de l’étude Nord au niveau de cet
état-major naval. Comme cela fut résumé dans le compte rendu fait ensuite par l’état-major
naval, l’étude Nord partait du principe que l’Allemagne ne tolérerait aucune présence
britannique sur le territoire ou les eaux territoriales norvégiennes et que seulement une
occupation préventive de la part de la Wehrmacht pourrait décourager et empêcher les
Britanniques d’y procéder. D’après l’OKW, l’opinion scandinave était devenue défavorable à
l’Allemagne depuis les débuts de la guerre de Finlande. Cette opinion ne pourrait nullement
devenir plus favorable à l’Allemagne au fur et à mesure que cette guerre de Finlande se
poursuivrait et il était fort à parier que toute invasion de la Norvège de la part des
Britanniques ne fasse l’objet que d’une résistance très molle et très sommaire de la part des
Norvégiens. L’OKW pensait également que les Britanniques utiliseraient comme prétexte
pour intervenir toute action offensive allemande sur le front occidental. L’étude Nord
recommandait qu’un état-major particulier interarmées aux ordres d’un général de la
Luftwaffe s’occupât de la préparation détaillée d’un plan d’opérations. La marine fournirait
alors le chef d’état-major de cet état-major et l’armée de terre le chef du bureau opérations.
Du 14 au 19 janvier, l’état-major naval travailla sur une extension de l’étude Nord. Cette
extension prévoyait pour la marine de soutenir et d’exécuter le débarquement de troupes
sur les ports principaux norvégiens d’Oslo à Tromsö. Le principe de surprise était considéré
comme étant essentiel au succès de l’opération. Au cas où la surprise serait garantie, aucune
opposition sérieuse n’était attendue durant la phase navale de l’opération, et ce, au-moins
durant le transport des troupes. L’état-major naval allemand ne considérait pas la flotte de
guerre norvégienne comme représentant une quelconque menace y compris contre les
navires les plus légers de la Kriegsmarine.
6 Cf journal d’Halder, volume 3, page 13.
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Les forces d’assaut possibles étaient composées soit de la 22e division aéroportée (de la
Luftwaffe) soit d’une division de montagne. Le transport était assuré par la 7e division
aérienne (pour la division parachutiste et aéroportée ainsi que leur poste de
commandement) et par la marine. La première possibilité étudiée était de transporter les
troupes qui n’iraient pas par voie aérienne, par voie maritime et en particulier à l’aide de
navires marchands transformés pour l’occasion en navires de transport de minerais.
L’état-major naval supposa que le Danemark, la Suède et l’Union Soviétique seraient
concernés par l’opération d’une manière ou d’une autre. Il recommanda l’acquisition de
bases au Danemark, en particulier sur la côte septentrionale du Jutland, comme étant un
moyen de s’approcher discrètement du passage entre la Norvège et les îles Shetland et
comme facilitant le contrôle du détroit de Skagerrak. Une assurance pourrait être donnée à
l’Union Soviétique concernant l’occupation temporaire des ports du nord de la Norvège,
seulement lors de la guerre. Dans le cas de la Suède, la garantie de l’achat et du transport
par l’Allemagne du minerai de fer produit constituerait pour elle le seul moyen de
sauvegarder son indépendance.
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Durant les premières semaines de janvier 1940, l’attention d’Hitler était encore entièrement
attirée par le plan d’une offensive à l’ouest de l’Europe, qu’il souhaitait mettre en œuvre
avant la fin du mois. Toutefois, à cause des prévisions météorologiques qui devenaient de
moins en moins favorables dans la deuxième moitié du mois, Hitler annonça le 20 janvier
que les opérations ne pourraient probablement pas débuter avant le mois de mars. En
conséquence, il devint nécessaire de considérer la situation en Scandinavie sous une
perspective nouvelle dès lors que l’ajournement de l’offensive allemande pourrait donner
aux Alliés le temps d’intervenir dans le nord.
Le 23 janvier, Hitler rappela l’étude Nord. La création d’un groupe de travail au sein de l’OKL
(l’état-major de la Luftwaffe) fut annulée et l’ensemble du travail complémentaire serait
dorénavant effectué au sein de l’OKW. Hitler fit ainsi d’une pierre deux coups, en plaçant
d’une part, la planification de l’opération en Norvège à un niveau plus important et sur de
meilleures bases et d’autre part, en imposant une norme de sécurité des opérations jamais
auparavant réalisée, et ce, suite à l’incident de l’avion qui avait atterri en Belgique avec les
plans des opérations à l’ouest ainsi livrés aux Alliés. Le 27 janvier, Keitel expliqua dans une
lettre adressée aux chefs d’armées de terre, de mer et de l’air qu’Hitler désormais allait
personnellement diriger la planification d’une opération en Scandinavie en reprenant l’étude
Nord et en tenant compte de la conduite générale de la guerre. Keitel allait superviser les
travaux de planification et un groupe de travail pluridisciplinaire allait servir de noyau du
futur état-major opérationnel et serait constitué au sein de l’OKW. Chaque armée devait
fournir un officier qui aurait non seulement une aptitude à planifier et conduire une
opération mais qui aurait également des connaissances en logistique et en organisation. Le
nom attribué à l’opération serait « Weserübung 7».
L’état-major de Weserübung fut rassemblé pour la première fois le 5 février 1940 et fut
installé au sein d’une section spéciale de l’OKW, au sein du bureau opérations du bureau de
défense nationale. L’officier le plus ancien était le capitaine de vaisseau Krancke, alors
commandant le croiseur Scheer. Pour la première fois, le contrôle direct d’un état-major
opérationnel était retiré au commandement d’une armée (terre, air ou mer) et directement
remis à l’état-major personnel d’Hitler : l’OKW. Ce geste, quoique justifié par le caractère
particulier de l’opération qui était planifiée, constitua une vassalisation à Hitler des
commandants en chef des armées ainsi que de leurs états-majors. Cela expliqua sans doute
les réactions violentes de l’armée de terre et de l’armée de l’air qui eurent lieu les semaines
suivantes. Toutefois, contrairement à ce qui fut écrit par la suite, notamment que les
Allemands avaient collecté du renseignement militaire sur la Scandinavie bien avant le début
de la guerre, l’état-major Krancke débuta son travail avec des ressources très modestes.
7 Ce qui signifie exercice Weser (un nom de rivière allemande).
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L’état-major naval et l’OKW fournirent à Krancke ce qui ne devait constituer qu’un tout
début de planification et malgré les renseignements qui avaient été déjà collectés sur
l’armée et les infrastructures militaires norvégiennes, qui se révélèrent par la suite justes et
donc utiles, tout cela ne fut pas d’une importance décisive. Ainsi les cartes et les
informations de niveau général furent-elles apportées par des sources très diverses comme
les guides et brochures touristiques et les tableaux d’études hydrographiques. La nécessité
absolue de conserver le secret de la planification constitua sans nul doute également un
handicap. Toutefois en approximativement trois semaines, l’état-major Krancke produisit un
plan d’opérations qui était exploitable. Le plan Krancke, pour la première fois, dirigea son
attention et ses efforts sur les aspects techniques et tactiques de l’opération planifiée. De
même que l’état-major naval l’avait fait auparavant, Krancke basa son plan sur la division de
la Norvège en six zones d’une égale importance stratégique.
1. La région autour du fjord d’Oslo. 2. La bande étroite du sud de la Norvège entre Langesund et Stavanger. 3. Bergen et ses environs. 4. La région de Trondheim. 5. Narvik. 6. Tromsö et le Finnmark.
Contrôler ces espaces aux dimensions restreintes mais renfermant la plupart de la
population, de l’industrie et du commerce de la Norvège revenait en effet à en contrôler
l’ensemble du territoire. Pour cette raison, l’état-major Krancke proposa d’exécuter
simultanément des débarquements à Oslo, Christiania, Arendal, Stavanger, Bergen,
Trondheim et Narvik. Il considérait Tromsö et le Finnmark comme étant des objectifs de
nature secondaire pour l’Allemagne et ne lui semblaient avoir de la signification qu’en raison
des deux aérodromes qui se situaient à côté de Tromsö. La capture des sept zones
portuaires devait selon l’état-major Krancke avoir pour conséquence la perte de 8 des 16
régiments norvégiens ainsi que de l’ensemble de leur artillerie et de leurs aérodromes.
L’opération devrait être conduite par un corps d’armée comprenant la 22e division
d’infanterie aérotransportée, la 11e brigade d’infanterie motorisée, une division de
montagne et six régiments renforcés d’infanterie. Les troupes de débarquement seraient
transportées par une flotte de navires de guerre rapides et par les avions de transport de la
7e division aérienne, ce qui représenterait ainsi 8 groupes de transport aérien et à peu près 5
bataillons de parachutistes pour la première vague. Les avions de transport de la 7e division
aérienne transporteraient en trois jours les éléments constituant la seconde vague, c'est-à-
dire le gros de la 22e division d’infanterie. Le reliquat des troupes de débarquement des
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quatrième et cinquième vagues arriverait ensuite via des navires de transport les 4e et 5e
jours. Avec le plan Krancke, la moitié du transport des troupes serait effectué par la mer et
l’autre moitié par la terre, à l’exception des troupes pour Narvik et Trondheim dont le
transport ne se ferait que par la mer en raison des distances. L’armée de l’air fournirait
également un soutien en bombardiers et en chasseurs.
L’état-major Krancke croyait que l’occupation serait restreinte aux sept zones portuaires
principales. Il ne prévoyait pas que les forces armées norvégiennes montreraient une
volonté et une capacité d’offrir une quelconque résistance efficace. En outre, il pensait
qu’après les débarquements, la position allemande pourrait être consolidée par des moyens
diplomatiques. Le gouvernement norvégien se verrait concéder pour les affaires intérieures
autant d’indépendance que possible. Les forces armées, sauf sur la frontière finlandaise,
seraient réduites aux cadres indispensables et tout ordre de mobilisation se devrait
d’obtenir l’approbation préalable de l’Allemagne. Les forces allemandes prendraient sous
leur contrôle direct les forteresses et les dépôts de ravitaillements.
L’action délibérée du Cossack convainquit Hitler que les Britanniques n’avaient plus
aucunement l’intention de respecter la neutralité norvégienne. Ainsi donc, il demanda le 19
février une accélération de la planification de Weserübung. Sur la suggestion de Jodl, Hitler
décida de confier la planification de cette opération à un général de corps d’armée et à son
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état-major. A cet effet, il désigna le général commandant le XXIe corps d’armée, Nikolaus von
Falkenhorst8, qui avait lui-même acquis une expérience de la guerre en Scandinavie, lorsqu’il
avait combattu les Bolcheviks en Finlande en 1918, en tant qu’officier opérations au sein de
la division von der Goltz. En outre, le général von Falkenhorst revenait juste de la campagne
de Pologne où il s’était illustré à la tête du XXIe corps d’armée. Parlant le même jour à
Rosenberg, Hitler décida de laisser tomber le plan de Quisling visant à s’emparer du pouvoir
en Norvège, le gardant toutefois en réserve au cas où les Britanniques décideraient
d’intervenir directement en Norvège, obligeant les Allemands à protéger leurs propres voies
de ravitaillement en minerais.
Le 21 février à midi, Falkenhorst se vit directement recevoir sa mission d’Hitler qui consistait
à planifier et à conduire l’opération Weserübung en Norvège. Ce plan se divisait en deux
objectifs : d’une part devancer les Britanniques en Norvège en occupant d’emblée les ports
et les localités les plus importantes, en particulier Narvik qui était le port d’embarquement
du minerai de fer destiné à l’Allemagne ; et d’autre part, prendre le contrôle de l’intérieur du
pays en vue d’empêcher toute résistance de la part des Norvégiens en y rendant impossible
toute collaboration avec les Britanniques9. Le lendemain, une fois que Falkenhorst avait
revu le plan de Krancke et qu’il en eut préparé une première estimation, Hitler confirma sa
8 Nikolaus von Falkenhorst, ayant alors 54 ans, était le descendant d’une famille aristocratique de Breslau qui
avait germanisé son nom de von Jastrzembski en von Falkenhorst.
9 Kriegstagebuch du Gruppe XXI à la date du 21 février 1940. AOK 20 180/5.
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mission. Le 26 février débuta à Berlin le travail d’un état-major restreint sélectionné par
Falkenhorst.
Le 28 février, Falkenhorst en rendit compte à Keitel et lui demanda l’attribution d’un poste
de commandement provisoire de corps d’armée et deux divisions en vue de conduire les
opérations contre le Danemark. Le même jour, Jodl proposa à Hitler d’étudier Weserübung
indépendamment de la préparation de l’attaque à l’ouest (Fall Gelb10) et ce, à la fois en
terme d’espace-temps et de troupes à utiliser. Ainsi l’OKW décida-t-il ensuite de minimiser le
nombre de troupes parachutistes employées dans l’attaque contre la Norvège, et ce, au
profit de l’attaque à l’ouest. L’allocation d’unités parachutistes à Weserübung par l’OKW fut
de fait réduite à 4 compagnies (au lieu d’une division). De même, l’OKW décida-t-il ensuite
de retirer un régiment parachutiste à la 22e division d’infanterie. Hitler approuva ces
changements le 29 février ainsi que l’attaque du Danemark. Ayant validé le plan
d’opérations militaire ainsi amendé, Hitler appela ensuite Rosenberg pour lui dire qu’il
n’aurait plus besoin du soutien actif de Quisling, quel que soit sa forme.
Le premier mars, dans sa « directive Weserübung », Hitler établit les besoins généraux
concernant cette opération et donna l’ordre de planifier officiellement la conquête de la
10 Littéralement le Cas Jaune, ou bien Plan Jaune. L’attaque contre la Pologne avait été ainsi nommé Fall Weiss
ou Plan Blanc.
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Scandinavie (conquête limitée au Danemark et à la Norvège). Les objectifs étaient
respectivement l’anticipation et les contre-mesures face à une possible intervention
britannique en Scandinavie et dans la zone de la Mer baltique, ainsi que la protection
nécessaire pour l’industrie allemande des lignes maritimes d’approvisionnement en minerai
de fer suédois et dans un deuxième temps, la conquête de bases avancées en Scandinavie en
vue de mieux menacer ultérieurement les îles britanniques. L’idée générale de conduite de
cette opération était celle d’une « protection armée de la neutralité des pays scandinaves ».
Ainsi en termes de volume de troupes consacrées à ce type d’opération, était-il important de
pallier le nombre par l’effet de surprise et l’audace. L’opération Weserübung consisterait en
deux opérations distinctes, Weserübung Nord qui consistait en l’occupation de la Norvège
par les voies maritimes et aériennes, et en cas du refus de collaborer des Danois,
Weserübung Süd qui comprenait l’occupation pacifique du Danemark avec notamment un
débarquement sur l’île de Sjaelland, après la conquête par voie terrestre et du Jutland de
Fuenen. Le débarquement sur Sjaelland pourrait être étendu plus tard en cas de résistance
des Danois. En tant que commandant du 21e CA, Falkenhorst serait le chef et le coordinateur
de la planification de ces deux opérations et dépendrait à ce titre directement d’Hitler. Les
forces à utiliser seraient prises aux trois armées séparément. Hitler ne voulait ainsi aucune
implication directe des trois commandants d’armées, qui risquerait ainsi de compromettre le
secret et l’efficacité de cette planification. Les forces aériennes utilisées pour Weserübung
seraient placées ainsi sous le contrôle tactique du 21e CA durant la durée de l’opération et
l’emploi des forces navales et aériennes pour l’opération se ferait-il ainsi indépendamment
des commandements de la Luftwaffe et de la Kriegsmarine.
La parution de la directive du Führer provoqua rapidement une vague de protestations et
d'objections de la part des commandements de l'armée de terre et de l'aviation. Avec
l'imminence du déclenchement de la campagne occidentale, aucune de ces deux armées ne
voulaient distraire de forces du théâtre principal d'opérations. L'armée de terre n'avait
nullement modifié son jugement défavorable déjà exprimé par Halder le 5 octobre 1939. En
outre, beaucoup de sentiments personnels étaient impliqués dans ces appréciations du fait
de la non-implication de ces deux commandements dans la préparation de cette opération.
Halder nota ainsi dans journal le 2 mars 1940 qu'Hitler n'avait échangé aucun mot avec le
commandant en chef de l'armée11 concernant la préparation de l'opération en Norvège.
Avant tout, l'armée de terre s'opposait à l'organisation des unités terrestres faite
indépendamment de l'OKH par l'OKW.
11 Brauchitsch
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Au contraire des deux autres commandements d'armées, le commandement naval adopta et
valida de bon cœur la directive du Führer. Durant la réunion du 2 mars, le commandement
naval déclara qu'il ne s'agissait plus désormais d'une planification militaire mais d'une
planification avant tout économique et politique. Prenant le contre-pied des attitudes
défendues par lui en janvier dernier, le commandement naval conclut : « Il ne s'agit plus
simplement aujourd'hui d'améliorer et d'obtenir des seuls avantages militaires en
comparant les avantages et inconvénients de la possibilité d'exécuter cette opération
Weserübung en mettant en avant des facteurs d'ordre purement militaire, mais bien au
contraire, pour les forces armées de s'adapter à la vitesse de l'éclair aux conditions
politiques et aux nécessités.
Le commandement naval recommandait qu'Hitler fût informé des difficultés qui persistaient
vers la réalisation réussie de Weserübung ainsi que de la détermination de la Kriegsmarine
« d'abandonner tous les scrupules et d'évacuer toutes les difficultés qui surviendraient en
utilisant toutes ses forces »12.
Le 3 mars, Hitler appela à une plus grande vitesse dans la préparation de Weserübung, Il vit
la nécessité d'agir rapidement et avec force en Norvège et interdit tout retard dans la
préparation des différentes armées. Il voulait que les forces soient rassemblées pour
l'opération le 10 mars et prêtes à partir le 13 mars, de manière à être en mesure de
débarquer en Norvège approximativement le 17 mars. Il décida de mettre en œuvre
Weserübung avant le plan Gelb13 , laissant ainsi un espace temporel de 3 jours entre les deux
opérations.
Ainsi les planifications de Weserübung et de Gelb, furent-elles désormais menées de
manière tout à fait indépendante l'une de l'autre. La 7e division aérienne et la 22e division
d'infanterie furent ainsi attribuées à Gelb. En conséquence, il ne fut plus possible, comme
lors de la planification effectuée par le plan Krancke, de considérer en Scandinavie des
opérations aéroportées de grande envergure.
3. La décision d'Hitler
12 Naval War Diary , vol 7, page 10.
13 Le plan d'invasion du Luxembourg, des Pays-Bas, de la Belgique et de la France.
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Après le 5 mars, le déroulement détaillé de l'opération Weserübung devint la principale
préoccupation du plus haut niveau de commandement. Lors d'une conférence avec Hitler,
Raeder déclara que l'exécution de l'opération Weserübung devenait urgente. Il maintenait
en effet que les Britanniques poursuivaient leur intention d'intervenir en Norvège et en
Suède au prétexte d'envoyer des troupes pour soutenir les Finlandais. Une telle opération
pouvait interdire à l'Allemagne toute importation de minerai de fer et être ainsi décisive
contre l'Allemagne. Il caractérisa l'opération Weserübung comme étant à l'opposé de tout
principe de la guerre navale, puisque l'Allemagne devait faire face durant cette opération à
une force navale britannique très supérieure. Ne disposant pas de la suprématie navale,
l'Allemagne devait alors, pour atteindre ses buts, mettre en œuvre le principe de Surprise14.
Le 12 mars, alors que le progrès des pourparlers de paix entre Finlandais et Soviétiques
prenaient de vitesse les propositions de soutien des Alliés aux Finlandais, Hitler ordonna une
accélération de la planification de Weserübung et demanda au groupe 21 d'inclure dans ses
calculs des opérations d'urgence. La Kriegsmarine annula toute autre opération que
Weserübung le 4 mars, et maintint dans les ports les sous-marins en vue de cette opération.
Le 11 mars, les sous-marins à long rayon d'action furent envoyés vers les principaux ports
norvégiens en vue d'en interdire l'accès au corps d'expédition allié15.
L'OKW en conclut alors que comme leur prétexte avait disparu, les Alliés n'interviendraient
plus en Norvège pour l'instant. Hitler était tenté de partager leur opinion mais il songeait
également que les Britanniques n'abandonneraient leur objectif stratégique de couper les
importations de minerais de fer que l'Allemagne recevait en provenance de Suède, et qu'à
cette fin, ils interviendraient donc dans les eaux territoriales norvégiennes. Il pensait
qu'ensuite, les Alliés seraient amenés à envoyer des troupes occuper des ports et des bases
aériennes en Norvège. Selon son opinion, les territoires scandinaves étaient devenus une
sphère d'intérêts pour les deux belligérants et resterait «une aire d'insécurité» pour
l'Allemagne tant que l'opération Weserübung n'aurait pas été déclenchée. Pour ce faire, il
réaffirma son intention de mener cette opération peu de temps avant le déclenchement de
Gelb.
Jodl et Raeder furent totalement d'accord avec le raisonnement d'Hitler, mais d'autres
officiers dans le petit cercle associé à Weserübung commencèrent à avoir des doutes.
L'adjoint de Jodl, le colonel Warlimont, suggéra même de laisser tomber l'opération
Weserübung, dans la mesure où l'opération Gelb devait fixer un nombre important de forces
terrestres et aériennes françaises et britanniques pendant une période importante. Des
14 Führer's conferences, 1940-1 page 20.
15 Gruppe XXI, Ia, Kriegstagebuch Nr 1, 12 mars 40.
15
pensées identiques avaient commencé à germer parmi les membres de l'état-major de
Falkenhorst. Jodl se plaignit que les « trois chefs » de Falkenhorst commençaient à s'occuper
d'affaires qui ne les concernaient pas, car les représentants des états-majors naval et aérien
auprès de Falkenhorst y avaient été détachés en tant que chefs naval et aérien. Krancke
voyait ainsi plus d'inconvénients que d'avantages dans la réalisation de Weserübung.
Il semblait qu'Hitler, malgré l'expression de sa détermination, eût préféré au-moins un
ajournement temporaire de l'opération. Entre temps, la décision avait été prise. En outre, du
point de vue de la Kriegsmarine, l'exécution de l'opération devenait urgente car d'autres
opérations navales avaient été suspendues en raison de Weserübung et parce qu'après le 15
avril, les nuits sous les latitudes septentrionales deviendraient trop courtes pour permettre
la propre couverture aérienne des forces navales. Dans son compte rendu du 26 avril,
Raeder déclara à Hitler que, bien qu'il n'y eût aucun besoin d'anticiper une intervention
britannique en Norvège dans un avenir proche, il croyait fermement que l'Allemagne se
devait tôt ou tard de faire face à la question de déclencher ou non l'opération Weserübung.
Lui-même conseilla de déclencher l'opération au plus tôt. Hitler fut d'accord et promit de
définir la date du déclenchement de l'opération Weserübung en fonction de la prochaine
période de pleine lune qui commencerait le 7 avril.
Le 2 avril, après s'être assuré que les commandants en chef de la Luftwaffe, de la
Kriegsmarine aient vérifié les bonnes conditions météorologiques de l'opération,
notamment que les mouvements maritimes en mer Baltique ne soient pas gênés par les
glaces, Hitler désigna le 9 avril comme étant le jour du déclenchement de l'opération
Weserübung (Weser Tag) à 5h15 du matin.
4. La Kriegsmarine
L’opération Weserübung était extrêmement vulnérable durant sa phase navale, dès lors
que l’ensemble de la marine allemande ne pouvait d’emblée rivaliser avec la marine
britannique.
Une intervention de la Royal Navy sur l’opération Weserübung durant la phase 1 pourrait
ainsi avoir pour conséquences, à la fois l’échec de l’opération et la destruction de la
Kriegsmarine. En conséquence la planification a mis l’accent sur la surprise. En vue de
réaliser l’effet de surprise, la vitesse d’exécution et un timing très précis étaient absolument
nécessaires. Il fut ainsi décidé de transporter les troupes d’assaut sur des bâtiments de
guerre.
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Les navires de guerre ne pouvaient guère transporter d’équipements lourds ou de
grandes quantités de ravitaillements pour les troupes à terre et les destroyers
épuiseraient leur chargement en carburant lors des trajets vers Narvik et Trondheim.
En vue de faire face à cette situation, et aussi parce que les Britanniques pourraient
intercepter tous les navires faisant route vers le nord le long des côtes occidentales
norvégiennes, une fois l’opération déclenchée, un échelon de ravitaillement et un
échelon de transport et (Ausfuhrstaffel) fut créé. Les navires y étaient « déguisés » en
cargos ordinaires et devaient rejoindre les ports norvégiens avant les navires de
combat.
Le mouvement principal de troupes de débarquement et de ravitaillement logistique
devait être réalisé par huit échelons maritimes de transport.
Concernant la marine, la phase la plus délicate, selon Raeder, était la phase du retour
des navires en Allemagne. Il était confiant dans le fait que les premières opérations
de débarquement puissent avoir lieu avec succès, si l’effet de surprise était maintenu
jusqu’au dernier moment, mais une fois les troupes et le matériel débarqués, les
navires attireraient lors de leur trajet retour, au large des côtes septentrionales et
occidentales de la Norvège, des forces navales britanniques qui leur seraient bien
supérieures. Raeder voulait que les navires des groupements de Narvik et de
Trondheim rejoignent aussi vite que possible le SCHARNHORST et le GNEISENAU de
manière à percer ensemble en direction de leurs ports d’origine, alors que les navires
de Bergen et du sud pourraient revenir par eux-mêmes en utilisant la couverture des
côtes aussi longtemps que possible. Cette intention de l’amiral Raeder allait à
l’encontre de celle d’Hitler et de l’OKW, ainsi que de l’OKL, qui préféraient que les
navires restassent à leur port de destination de manière à pouvoir appuyer les
troupes débarquées avec leur artillerie et leurs moyens de défense antiaérienne. Cela
en outre pourrait renforcer le moral de ces troupes débarquées. Raeder au contraire
défendait le point de vue selon lequel aucun destroyer ne devait laisser seul un
croiseur et ne devait rester en arrière à Narvik ou à Trondheim à un moment où le
destin de la Kriegsmarine était encore en suspens. Cette question fut tranchée le 2
avril lorsqu’Hitler déclara qu’il n’approuvait pas personnellement la décision de
retirer les navires immédiatement mais qu’il ne voulait pas non plus interférer trop
fortement dans des matières appartenant purement à la guerre navale.
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5. Le groupe XXI
La campagne de Norvège, dépendant pour son succès à parts égales des trois armées :
terre, air et mer de la Wehrmacht, fut la première opération réellement interarmées de
l’armée allemande et même de la Seconde guerre mondiale. Dans sa directive
« Weserübung », datée du 1er mars 1940, l’état-major du groupement XXI, issu du 21e CA, fut
directement mis aux ordres d’Hitler. Cet état-major travailla à partir de l’infrastructure
réservée à l’OKW et recevait ses ordres, soit de l’OKW, soit d’Hitler directement. Le chef des
opérations de l’OKW, le général Jodl, et sous ses ordres, le colonel Walter Warlimont, chef
du bureau de la défense nationale, servaient tous deux de coordinateurs dans le cas où les
demandes du groupement XXI incluaient des demandes faites aux commandements
d’armées : l’OKH, l’OKL ou le SKL.
Aux débuts du XXIe groupement, un état-major complètement interarmées avait été
initialement envisagé, incluant notamment les officiers de la Luftwaffe et ceux de l’armée de
terre. Toutefois, suite aux protestations de la Luftwaffe, cette dernière conserva le
commandement opérationnel de ses unités. A la fin, le général von Falkenhorst, chef du
groupe XXI, ne fut réellement que le commandant des opérations terrestres. L’OKL et l’OKM
conduisaient ainsi leurs propres planifications indépendamment mais en collaboration avec
le groupement XXI en lui assignant un contrôle opérationnel à certains de leurs
commandements subordonnés. Les représentants de la Luftwaffe et de la Kriegsmarine au
sein de l’état-major Krancke restèrent ainsi au sein du groupement XXI où ils maintinrent la
liaison avec leurs armées respectives. Le commandement des unités aériennes fut confié au
Xe corps aérien placé sous les ordres du général Hans Geissler. Pour ce qui fut de la
Kriegsmarine, l’état-major naval du SKL réalisa la planification soutenu par les états-majors
qui commanderaient les opérations en mer : le groupement naval Ouest (responsable de la
mer du Nord et de la côte atlantique de la Norvège) et le groupement naval Est (responsable
de la mer Baltique, du Kattegat et du Skagerrak).
La division en trois du commandement fut particulièrement mise en évidence durant les
débarquements initiaux. Durant les phases de transport, la marine avait plein
commandement à tous les niveaux en mer et l’aviation dans les airs. Afin d’amender dans sa
substance le plan, il fallut obtenir l’agrément du groupement XXI. Durant les
débarquements, le commandement passa ensuite à l’officier le plus gradé de l’armée de
terre présent sur chaque plage, dont les demandes en appuis aérien et maritime devaient
être satisfaites le plus vite possible. Sur chaque plage, l’officier en charge du
commandement des unités terrestres était responsable à la fois des opérations terrestres et
de la sécurité ; la marine désignait un commandant de port pour prendre à sa charge la
défense côtière, et là où des unités aériennes étaient disponibles, l’officier le plus gradé de
l’armée de l’air était responsable de la sécurité aérienne. Un parmi les trois, généralement le
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plus gradé, était désigné commandant des forces armées. En cas d’urgence, il était autorisé à
donner des ordres aux trois armées à l’intérieur de son secteur. Globalement, il était
supposé que chaque armée reçoive des ordres à, travers ses propres canaux.
6. Les forces au sol en Norvège
L'ordre d'opérations n°1 en vue de l'occupation de la Norvège, basée sur la directive d'Hitler
du 1er mars, fut édité et diffusé par le groupement XXI le 5 mars. Il concernait les opérations
de débarquement et la consolidation des têtes de pont sur les plages. Deux possibilités
furent envisagées.
Dans premier cas, le gouvernement norvégien se verrait confier la responsabilité de l'ordre
public car sa souveraineté serait respectée. Les troupes norvégiennes seraient traitées avec
tact.
Dans le deuxième cas, au cas où les troupes allemandes rencontreraient de la résistance, les
débarquements seraient réalisés en utilisant la force (de toute nature), les têtes de ponts
seraient sécurisées et les centres d’entraînement de l'armée norvégienne seraient occupés.
La destruction complète de l'armée norvégienne n'était pas considérée comme étant un
objectif réalisable dans un avenir proche, compte tenu de la dimension du territoire et de la
difficulté du terrain. Toutefois, on pensait que les localités choisies comprenaient l'ensemble
la majorité des endroits requis pour rassembler les différentes unités norvégiennes, ce qui
permettrait d'en empêcher la mobilisation et la concentration en vue du contrôle de
l'ensemble du territoire. Les équipes de débarquement devaient tenter des opérations
contre des forces situées à l'intérieur du territoire, seulement si cela ne remettait pas en
cause la défense des têtes de pont sur les plages. Les tentatives de débarquement des alliés
devaient être combattues et repoussées, mais les pertes non nécessaires devaient être
évitées. Au cas où les forces ennemies seraient supérieures, les troupes devaient se retirer à
l'intérieur du pays jusqu'à ce qu'une contre-attaque puisse être lancée.
7. Les forces au sol au Danemark
Le groupement XXI diffusa l'ordre n°1 pour l'occupation du Danemark le 20 mars et le plan
« Weserübung Süd » fut travaillé en détails dans l'ordre n° 3 du corps d'armée que le XXXIe
corps d'armée finit et diffusa le 21 mars. Le XXXIe corps d'armée, organisé en vue de tirer
avantage des conditions et du terrain au Danemark favorables à des opérations motorisées,
devait être composé des 170e (infanterie sur camions) et 198e divisions d'infanterie, de la
11e brigade d'infanterie motorisée (équipée de Panzer I et II) et de trois trains blindés. Les
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forces aériennes fournissaient une compagnie de parachutistes et une compagnie
motocycliste du régiment Hermann Göring et deux bataillons d'artillerie antiaérienne.
8. La force aérienne
Le Xe corps aérien qui avait œuvré contre les navires marchands britanniques et contre la
Royal Navy était renforcé d’un certain nombre d’aéronefs divers pour l’opération
Weserübung .
L’ordre d’opérations du Xe corps aérien pour le « Weser Tag » fut rédigé et diffusé le 20
mars, accompagné des ordres de détail destinés aux unités subordonnées. La principale
force de bombardement fut constituée d’une escadre renforcée de deux groupes (moins
deux escadrons). Elle était en alerte sur les bases allemandes en vue de combattre les forces
britanniques. Un escadron devait atterrir à Stavanger le jour W et opérer contre les forces
navales britanniques depuis cet emplacement. Les bombardiers restants devaient se
contenter de faire des vols de démonstration de force au-dessus de la Norvège et du
Danemark.
9. La planification politique
Afin de préserver le secret, la participation de bureaux civils à la planification de
Weserübung fut interdite et les préparatifs d’ordre politique furent pris en charge à
l’intérieur du bureau de défense nationale de la division opérations de l’OKW. C’est là que
furent pensées et écrites les mesures concernant l’économie, l’administration et la
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diplomatie qui furent ensuite transmises aux agences concernées en temps utile en vue de
leur exécution. Le principal objectif était de dissuader les gouvernements danois et
norvégien d’opposer une quelconque résistance armée et de les persuader de supporter
l’occupation allemande. En contrepartie de leur acceptation, ces gouvernements se
verraient conserver leur souveraineté à l’intérieur de leurs frontières et bénéficieraient
d’une aide économique.
En conclusion, cette première opération interarmées allemande, remarquablement
planifiée, fut un succès seulement presque total dans la mesure où, si les objectifs
assignés furent brillamment atteints, près de la moitié des grandes unités de surface
de la Kriegsmarine furent détruites ou neutralisées. Ce succès fut néanmoins sans
lendemain car, contrairement à ce que préconisait Raeder, la Norvège ne fut
nullement le point de départ du siège des îles britanniques en vue de leur
neutralisation, puis de leur conquête, après le succès du « Fall Gelb ». ... Mais Hitler
n’écoutait jamais ses marins….